la paracha, devarim, par rav eliaou hassan

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Devarim Vaet’hanan Ekev Réé Ki Tétsé Ki Tavo Choftim Nitsavim Vayelekh Haazinou Vezot Habérakha

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A tous les lecteurs de "La Paracha",Etant donné le retard de notre 5ème volume, nous vous proposons de consulter et/ou télécharger gratuitement la première paracha (Devarim) au format PDF.A bientôt sur laParacha.com,Pour tout renseignement, contactez-nous sur [email protected]

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Page 1: La Paracha, Devarim, par rav Eliaou Hassan

Devarim Vaet’hanan Ekev Réé Ki Tétsé Ki Tavo Choftim Nitsavim Vayelekh Haazinou Vezot Habérakha

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Cette Paracha est dédiée à l’élévation des âmes de :

ל "יהודה בן אליעזר ז

Léon Yehuda Ben Eliezer BEHAR Z.L. Niftar le 12 Mar ‘Heshvan 5769

Et

ל"פריחא בת יהודה זאלגרינה

Alegrina Freja Bat Yehuda BEHAR Z.L. Nifteret le 9 Nissan 5769

Que leur souvenir soit une bénédiction.

ת.נ.צ.ב.ה.

Offert par leur fils.

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Première montée (Richone) : Le livre de Devarim est le cinquième et dernier livre de la Torah.

Après avoir défait les rois Si’hon et Og du côté Est du Jourdain, le peuple Juif se tient aux portes d’Israël, prêt à entamer sa conquête.

Moshé, comme Hachem le lui avait annoncé, ne pénètrera pas en Terre Sainte et se trouve sur le point de quitter les enfants d’Israël qu’il guide depuis quarante ans.

Le livre de Devarim contient donc les évocations de notre Maître Moshé, (qui exécute ainsi l’ordre d’Hachem), de tous les nombreux épisodes et péripéties survenus dans le désert ; ainsi que des réprimandes, de nombreuses recommandations et pour finir, une bénédiction1

.

Notre Paracha débute par une série de remontrances, évoquées par allusion plutôt qu’exprimées ouvertement, comme nous allons l’analyser dans nos différents commentaires.

On raconte que Rav Israël Baal Chem Tov (zatsal), s’élevait vertement contre ceux, conférenciers ou autres, qui réprimandent leurs ouailles sans ménagement et évoquent leurs fautes avec acidité. Le Baal Chem Tov avait tout à fait conscience que cette façon de procéder pouvait éveiller le public à la Techouva (repentir), pourtant il percevait aussi combien de mal cela causait au peuple d’Israël qui se retrouvait alors sur le banc des accusés du Tribunal Céleste, et il craignait que cela n’entraîne des châtiments, collectifs ou individuels, que D. nous en préserve ! Après cette brève introduction, voici le verset qui nous intéresse pour l’heure :

ראל ) א( ל יש ה אל כ ר מש ב ר ד ברים אש ה הד :…אל« Ce sont les paroles que Moshé adressa à tout Israël… »

(Ch.1 ; verset 1)

1 Une lecture minutieuse de ces passages dans un ‘Houmach ou une Bible française pour les non hébraïsants est nécessaire.

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Rachi explique qu’il leur adressa des paroles de remontrances. Ce que fit alors Moshé aurait-il trouvé grâce aux yeux du Baal Chem Tov ? D’autre part il est écrit ceci dans le Midrash :

« Quiconque fait une réprimande à Mon insu trouvera grâce. » (Proverbes 28 ; 23) […] HaKadosh Baroukh Hou (Le Saint béni soit-Il) dit : « cela s’applique à Moshé qui a réprimandé Israël à Mon insu… ! »

Que signifie que Moshé réprimanda Israël à l’insu de Hachem ? Peut-on cacher quoi que ce soit au Créateur, Lui qui sonde nos pensées les plus secrètes et devant Qui tout est dévoilé ? Ces questions sont incontournables, étant entendu que rien ne demeure caché de D., et qu’il est cependant évident que notre Midrash veut nous transmettre quelque chose. Comment donc résoudre cette apparente contradiction doublée du fait que le Baal Chem Tov s’insurgeait contre les sermonnaires ? Nous voyons pourtant dans le passage qui nous intéresse que les agissements de Moshé trouvèrent grâce aux yeux de Hachem ! En réalité, Moshé réprimanda le peuple sans que personne (en dehors du peuple lui-même) ne puisse le remarquer ! En effet, conscient que l’on ne doit jamais lancer de Kitroug (accusation) contre le peuple de D., Moshé se contenta de mentionner les endroits où les Béné Israël fautèrent : « dans les plaines de Moav » ; « face à la mer Rouge » ; « dans le désert de Paran », etc., sans évoquer les faits à proprement parler. Son intention était de leur remémorer leurs fautes passées, mais ceci dans la plus parfaite discrétion, afin qu’ils s’en repentent sans se retrouver exposés à de quelconques châtiments. Eux seuls comprirent donc les allusions de Moshé, et c’est cela que vient nous dire notre Midrash : « … Moshé qui a réprimandé Israël à Mon insu » C’est-à-dire sans que dans le Ciel on ne comprenne ce qu’il dit (ce qui est une façon de parler !), c’est ainsi qu’il put ne pas porter la moindre accusation (Kitroug) ! Il n’y a pas de doute, le Baal Chem Tov aurait applaudi à la remontrance de Moshé Rabbénou faite au peuple d’Israël !

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ברים ) א( ה הד :…אל« Ce sont les paroles… »

(Ch. 1 ; verset 1) Le mot traduit ici par "ce sont" est : ה Élé, qui comme nous le fait – אלremarquer Rabbi Raphaël Kadir Tsaban (zatsal), est constitué des initiales de אA -vak לL-achone הH-ara (poussière de médisance) : expression désignant des paroles n’étant pas de la pure médisance (strictement interdite par la Torah), mais ayant un goût, un soupçon de médisance (moins grave, mais tout autant interdit !). Qu’est-ce que la Torah veut nous apprendre en glissant une telle allusion dans notre verset ? Bien que nous ayons une Mitsva de réprimander notre prochain (comme le fait Moshé dans ce passage), nous devons toujours bien vérifier les faits à propos desquels nous adressons notre réprimande, et faire extrêmement attention de ne pas transgresser l’interdit de Lachone Hara ou de Avak Lachone Hara. Par exemple, il sera interdit de réprimander quelqu’un à propos de faits dont nous n’aurions pas été les témoins directs. En effet, ce qui nous a été rapporté peut avoir été déformé, exagéré, certains détails déterminants peuvent avoir été omis, d’autres accentués à outrance, etc. Ainsi le « rapporteur » pouvant - et cela est assez inévitable, le domaine humain étant régi par la subjectivité - avoir déformé les faits, un acte anodin et permis peut prendre la forme d’une transgression grave, et peut nous entraîner, de ce fait, à réprimander à tort. Afin d’illustrer ce point voici une petite histoire : On raconte qu’un vent de médisance avait soufflé sur la femme de Rabbi Meïr Chapira de Loubline (zatsal). "On disait" qu’elle gagnait de l’argent grâce à des prêts d’argent avec intérêt (ce qui est prohibé par la Torah) ! Les soupçons ne s’étaient établis que du fait qu’elle était douée pour le commerce et réussissait dans de nombreuses affaires. Lorsque ces bruits eurent pris une certaine ampleur, le Maarchal (zatsal), monta chez Rabbi Meïr afin de lui en faire la remontrance. Le Rav le fit asseoir à table. Quelques minutes plus tard, sa chère épouse leur apporta du thé dans de très jolies et précieuses tasses en l’honneur de leur invité de

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marque. La tasse était recouverte à un endroit d’une fine pellicule de poussière, et le Maarchal saisit cette occasion pour faire sa remontrance avec finesse, il frotta la tasse avec un doigt et dit : « On dirait du Avak Ribit (poussière d’intérêt) ! » La Rabbanit, qui était encore dans la pièce à ce moment-là, entendit les paroles du Rav, comprit sur le champ ce qu’il voulut dire et répartit sans l’ombre d’une hésitation : « Non Rav ! C’est du Avak Lachone Hara (poussière de médisance) ! »

(Or Ha’hama, selon le Nefech ‘Haïa)

ר )א( דב מ ן ב רד עבר הי ראל ב ל יש ה אל כ ר מש ב ר ד ברים אש ה הד אלארן ובין תפל ולבן וחצרת ודי זהב ין פ ערבה מול סוף ב :ב

« Ce sont les paroles que Moshé adressa à tout Israël en deçà du Jourdain, entre Pharan et Tofel, Lavân, ‘Hatsérot et Di-Zahav. »

(Ch. 1 ; verset 1) Rachi :

Ce sont les paroles : Du fait que [ce qui va suivre] est une remontrance (que Moshé va adresser au peuple) et que le [verset] énumère tous les endroits où [le peuple] va mettre Hachem en colère, [Moshé] va dissimuler leurs méfaits en ne les évoquant que par allusion, afin de ménager l’honneur d’Israël. (Sifri)

Comme nous l’explique Rachi, chaque lieu rapporté dans notre verset fait référence à un endroit où le peuple mit Hachem en colère. Cependant il nous est permis de demander : Pour quelle raison Rachi ne dit-il pas simplement ici que ces lieux nous indiquent où se trouvaient les Béné Israël à ce moment-là ? La réponse est très simple : de tels endroits ne peuvent pas exister ! C’est comme si quelqu’un vous donnait rendez-vous en vous expliquant les choses ainsi : en face de la gare saint Lazare, à côté de l’arc de Triomphe, sous le pont de l’Alma, rue Barbès ! On aurait du mal à trouver, n’est-ce pas ?

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De la même façon, il est impossible de trouver un endroit tel qu’il est situé dans notre verset. Nous sommes donc forcés de comprendre que ces lieux font référence à une autre réalité… A présent soulevons une autre question : Que signifie la fin de ce commentaire de Rachi qui dit que Moshé n’a pas voulu rapporter les choses de façon plus explicite afin de ménager l’honneur d’Israël ? En effet, il est vrai qu’une remontrance doit toujours être faite avec tact et douceur afin de ne pas froisser ni vexer notre prochain. D’autant que si l’on ne procède pas ainsi, cela risque de braquer la personne en face qui ne sera alors plus du tout capable de l’accepter. Toutefois, quel est l’intérêt de le faire par allusion ? La personne visée pourrait en effet par exemple ne pas avoir les capacités intellectuelles suffisantes pour la comprendre ! En règle générale, c’est la nature des choses, un événement grave ou tragique occupe une grande place dans la vie d’un homme, et celui-ci pourra difficilement l’oublier et en détourner sa pensée. La moindre allusion, le plus petit sous-entendu lui fera instantanément se le remémorer. C’est le contraire pour un évènement anodin, il sera vite oublié. Et c’est parfois avec difficulté que l’on parviendra à se le rappeler. Pour les enfants d’Israël de cette fabuleuse génération du Désert, que l’on nomme communément : la génération de la Connaissance, chaque petite faute imprimait en eux une marque indélébile qui se tenait constamment devant leurs yeux. C’est pourquoi la moindre petite allusion avait le pouvoir de la leur rappeler. A présent nous pouvons comprendre les paroles de Rachi : [Moshé] n’évoque leurs méfaits que par allusion, afin de ménager leur honneur, car s’il les avait énoncés de manière détaillée, cela aurait signifié que leurs fautes n’avaient pas d’importance à leurs yeux et qu’ils ne considéraient pas qu’il est grave d’avoir mis Hachem en colère ! Tandis qu’en les rappelant par allusion, Moshé se soucie de leur honneur, il leur accorde une grande marque de respect, et il est sûr de cette façon de voir ses paroles acceptées.

(Selon Rabbi Yossef Nandik ; Michoul’han Gavoa) Magnifique !

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Certains commentateurs expliquent d’ailleurs que Moshé préféra adresser ses remontrances par allusion, craignant en parlant ouvertement de ne pas atteindre son objectif (s’ils ne les acceptaient pas). Car comme nous l’enseignent ‘Hazal : Tout comme il y a une Mitsva de dire ce qui peut être accepté, il y a une Mitsva de ne PAS dire ce qui ne peut pas l’être ! En agissant ainsi, Moshé évita donc de transgresser ce commandement, rien ne fut énoncé réellement, puisque le fait de mentionner uniquement un mot ou un nom de lieu, cela peut tout vouloir dire ou ne rien vouloir dire ! Voici un exemple de remontrance faite avec astuce et bienséance : Rabbi Israël de Vijnitz (zatsal) avait l’habitude de marcher une demi-heure chaque soir en compagnie de son disciple. Un jour, à la démarche de son maître, l’élève comprit que celui-ci ne voulait pas simplement se promener, et que ses pas les guidaient vers un endroit précis. En effet, lorsqu’ils passèrent devant la maison du directeur de la banque principale de la ville, un homme honorable, le Rabbi s’arrêta et frappa à la porte. En tant qu’autorité Rabbinique, et comme toute personne de marque, il fut immédiatement introduit auprès du banquier. Lorsque l’hôte vit le Rabbi pénétrer dans son bureau, il l’accueillit avec beaucoup d’honneurs, c’était un homme très éloigné de la Torah, mais il était courtois et déférent avec chacun. Légèrement anxieux, il fit asseoir les deux hommes, demanda comment se portait le Rav, sa communauté, et il continua ainsi avec d’autres formules de politesse. Le Rav répondait très brièvement et sans jamais entamer la conversation. Après quelques instants, le banquier fut à court de questions, et un blanc s’installa lourdement dans la pièce. Le Rav regardait autour de lui, l’air d’attendre quelque chose ou quelqu’un. Le banquier, gêné, ne comprenait rien et se mit à attendre lui aussi, ne sachant quoi. Quelques minutes passèrent ainsi qui parurent des heures aux yeux du banquier, puis le Rav se leva enfin, s’apprêtant à partir. Le banquier ahuri ne put alors s’empêcher de demander au Rav : « - Rav, puis-je vous être utile en quelque chose ? Le Rav répondit de manière ambigüe : - Oui et non ! - Qu’est-ce que cela signifie ? - Je suis venu te faire une remontrance ! - Je vous écoute Rav ! - Impossible, car ‘Hazal nous ont mis en garde :

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Tout comme il y a une Mitsva de dire ce qui va être entendu, il y a une Mitsva de ne PAS dire ce qui ne va pas l’être ! Or je suis sûr que tu ne m’écouteras pas ! Le banquier, piqué par la curiosité, et malgré son inquiétude insista : - Rav, dites-moi tout, et je vous promets que je vous écouterai ! - C’est au sujet de cette pauvre veuve qui n’arrive pas à payer sa dette et que votre banque a décidé de saisir… le Rav n’avait pas fini sa phrase que le banquier s’empressa de répliquer : - Mais Rav, c’est impossible, je ne peux rien faire, je ne suis pas le propriétaire de la banque, je n’en suis que son directeur ! - Je t’avais dit que tu n’entendrais pas mes paroles… » Le directeur confus, ne savait que faire, et ne pouvant trancher la question sur le vif, il remit sa réponse à plus tard, en promettant cependant au Rav qu’il ferait quelque chose. En fin de compte, le banquier n’eut en effet pas la possibilité d’annuler la dette de la veuve, pour la raison qu’il avait lui-même donnée lors de son entretien avec le Rav. Pourtant il trouva une autre solution qui prouvait sa grandeur, puisqu’il remboursa la dette avec son argent personnel et jusqu’au dernier Kopek ! Regardons à présent les noms de lieux rapportés dans notre verset, qui font référence chacun à un endroit où le peuple Juif éveilla la colère Divine. A quels épisodes Tofel et Lavân font-ils allusion ?

:…ובין תפל ולבן… )א(« …et [entre] Tofel et Lavân... »

(Ch. 1 ; verset 1) Rachi :

… et [entre] Tofel et Lavân : Rabbi Yo’hanan dit : « Nous avons parcouru toute l’Ecriture et nous n’avons pas trouvé un endroit du nom de Tofel et Lavân. [A quoi faisons-nous allusion ?] D. leur fit une remontrance pour avoir calomnié1F

2 la Manne qui est blanche2F

3, comme ils dirent : « … et nous sommes dégoûtés de ce pain inconsistant. » (Bamidbar 21 ; 5) […]

2 En hébreu, Taflou de la même racine que Tofel. 3 En hébreu, Lavan.

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La fin des paroles de Rachi peut être comprise de deux façons différentes : Ou bien, comme nous l’avons rapporté : les enfants d’Israël calomnièrent la Manne qui est blanche. Et sur quoi portait leur critique ? Ils dirent : « Peut-il y avoir quelque chose qui rentre (que l’on mange) et qui ne sort pas (déjection) ? » (En effet la Manne était totalement absorbée.) Et encore : ils calomnièrent la Manne parce qu’elle était blanche. Selon cette seconde lecture, il faut peut-être comprendre qu’il fut reproché à la Manne d’avoir un aspect peu attirant, comme Rachi le rapporte : « … et nous sommes dégoûtés de ce pain inconsistant. » Toutefois, lorsque nous analysons leurs plaintes selon la première ou la deuxième lecture, nous nous retrouvons surpris et face à une impasse : En effet, y avait-il vraiment de quoi se plaindre ? Qu’est-ce que cela pouvait bien faire qu’ils n’aient pas eu besoin, sauf votre respect, d’aller aux toilettes ? Etait-ce si contraignant ? (Il est entendu qu’à un niveau plus profond, leurs plaintes avaient d’autres fondements, il est toutefois nécessaire d’expliquer ces passages au sens le plus simple !) D’autre part, comment pouvaient-ils être dégoûtés de la Manne ? Elle était certes blanche d’aspect, mais elle prenait le goût que l’on désirait. Ainsi, tous les jours on choisissait son menu : aujourd’hui chinois, demain oriental, après-demain gastronomie française etc. à l’infini ! Vous vous doutez bien que cela cache quelque chose… En effet, quelle critique pouvait-on porter sur cet aliment miraculeux appelé Manne ? En réalité la Manne, incontestablement extraordinaire, recélait pourtant un "défaut" pour une certaine catégorie de personnes. ‘Hazal nous enseignent qu’elle tombait tous les matins du ciel. Pour les Tsadikim (Justes) elle se déposait à l’entrée de leurs tentes.

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Pour les individus moins Tsadikim, un peu plus loin… et il fallait aller la chercher… Tandis que pour les Récha’im (impies), il fallait la ramasser à la sortie du camp. C’est donc pour cette dernière catégorie que la Manne était peu "digeste" ! Sans parler de la honte, du regard des autres, des réflexions : « Eh bien, monsieur Rosenfeld, pas de Manne ce matin ?... » Voilà pourquoi des plaintes furent émises à l’encontre de la Manne. Mais une nouvelle question se pose maintenant : Pourquoi n’ont-ils pas exprimé clairement leurs critiques ? Pourquoi avoir dit que c’était un aliment bizarre qui "entrait mais ne sortait pas" ? Pourquoi l’avoir qualifié de fade et dégoûtant ? Dites franchement ce que vous lui reprochez ! La réponse à notre question pose les bases d’un fondement extraordinaire bien que connu de tous. Tout simplement parce qu’un homme ne « peut/veut » pas reconnaître que le problème vient de lui, il considèrera donc toujours que c’est l’autre qui a tort ! Si ces gens-là avaient été des Tsadikim, ils n’auraient eu aucun problème et auraient trouvé leur Manne tous les matins devant leur tente. Mais ce n’était pas le cas, ils n’étaient donc pas capables de s’avouer à eux-mêmes que le problème venait d’eux et que c’est parce qu’ils étaient des impies qu’ils ne recevaient pas la Manne à proximité de chez eux. Impossible de reconnaître que le problème vient de moi, le problème c’est l’autre ! Vous connaissez l’expression, lorsqu’une personne ne veut pas danser, elle prétexte que c’est parce que le sol n’est pas droit ! Elle n’osera pas avouer qu’en réalité elle ne sait pas danser. C’est un Moussar pour la vie, comme nous l’enseignent 'Hazal : Avant de voir la brindille qu’il y entre mes dents, regarde la poutre qu’il y a entre tes yeux ! La réflexion que l’on doit mener dans notre vie doit toujours commencer par l’introspection : se regarder, se scruter, s’analyser, se connaître : SOI-MEME ! Cela n’a rien de narcissique, bien au contraire : C’est parce que je me connais que je peux reconnaître mes torts et du coup accomplir la foule de Mitsvot relatives à l’homme et son prochain. Par exemple, je peux ainsi faire Techouva (me repentir), pardonner l’autre et donc ne pas

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lui tenir rancune, ne pas me venger de lui, le juger favorablement, l’aimer comme moi-même… et donc vivre en paix avec tous. En me scrutant, je peux comprendre en quoi le problème vient de moi et non pas de l’autre. Certains êtres pensent, souvent de manière inconsciente, qu’ils sont parfaits, qu’ils n’ont donc rien à se reprocher, rien à remettre en question, et que le problème vient forcément de l’autre ! C’est comme un automatisme intérieur, un aveuglement confortable : « J’ai posé comme postulat au fond de moi que je suis parfait, ainsi je progresse dans la vie sans secousses, sans douleurs puisque tous les problèmes viennent d’autrui ! » Et ces pauvres personnes, victimes d’elles-mêmes et de leur entêtement à penser que leur position est confortable alors qu’il n’en est rien, puisqu’un individu est d’autant plus aimable et aimé de tous (et c’est cela le vrai confort), qu’il va sans cesse se remettre en question et accepter de reconnaître ses torts ; ces pauvres personnes donc, passent à côté de la vie ! En effet, nos sages, dont le Gaon de Vilna (Zatsal), nous enseignent que le but de notre existence est le travail de nos Midot, soit l’amélioration de nous-mêmes, et cela ne passe fatalement que par l’acceptation du miroir que l’autre me renvoie ! Voici à présent une histoire qui pourra faire sourire mais témoigne néanmoins d’un mal bien répandu : Rabbi Moshé Tanenbaum (zatsal), le Yisma’h Moshé, était un véritable Tsadik, il scrutait chaque jour le moindre de ses actes afin de déceler ses fautes ou mauvaises habitudes et d’y remédier. Pour ce faire, il avait demandé à un Talmid ‘Hakham (érudit en Torah) de renom de venir chaque soir lui rendre visite, il lui mettait entre les mains la liste de toutes ses "fautes" du jour précédent, et au sujet de chacune d’entre elles, l’érudit devait le réprimander. Un jour, Rabbi Moshé reçut un message de l’érudit s’excusant, étant souffrant, de ne pas pouvoir venir. Le Rav, désolé, chercha une solution de remplacement, mais l’heure étant tardive, il ne savait pas vers qui se tourner. Sans se décourager il décida de descendre dans la rue chercher quelqu’un qui ferait l’affaire... c’est alors qu’il se souvint que le gardien d’à côté était Juif ! Il devait sûrement être à son poste. Toc toc toc ! Il frappa à la porte puis ouvrit, il était là. Le Rav expliqua au gardien fort étonné ce qu’il attendait de lui et ce dernier accepta. Il prit donc l’étrange liste entre ses mains et commença à lire à haute voix : « Le Rav a fait telle bénédiction avec moins de ferveur que le jour précédent. » Rabbi Moshé,

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en entendant cela, se jeta par terre en pleurant et en se frappant la poitrine tout en gémissant… Sa réaction effraya le gardien qui se mit sur la défensive, il n’avait jamais assisté à un tel spectacle, et hésitait à continuer, puis il se dit que si c’était la volonté du Rav il devait poursuivre : « Le Rav s’est interrompu dans son étude pendant près d’une minute… » En entendant cette nouvelle remontrance, les gémissements du Rav redoublèrent. Le gardien alla au bout de sa mission, étonné, et énuméra ainsi toutes "les fautes" du Rav de la même teneur que celles que nous avons décrites, puis après une bonne demi-heure, le Rav retrouva ses esprits et cessa de pleurer. Il se releva en remerciant le gardien, et ce dernier, le voyant soucieux, lui dit ceci afin de le rassurer : « Rav, entre nous, inutile de se mettre dans des états pareils, je vous avoue que moi je commets des fautes mille fois plus graves et je ne m’en fais pas tant ! »

:וחצרת ודי זהב …) א(« … ‘Hatsérot et Di-Zahav. »

(Ch. 1 ; verset 1) A quels épisodes ‘Hatséroth et Di-Zahav font-ils référence ? Rachi nous rapporte ceci :

‘Hatsérot : (fait allusion) à la dispute engendrée par Kora’h et son assemblée (contre Moshé). Di-Zahav : Il s’agit de Moshé qui leur reproche la faute du veau d’or qu’ils commirent à cause de la grande quantité d’or qu’ils possédaient […]

Nos commentateurs ont relevé quelque chose d’intéressant : Selon l’ordre chronologique du déroulement des évènements, il aurait fallu citer la faute du veau d’or avant celle de Kora’h, c’est-à-dire Di-Zahav avant ‘Hatsérot. Pourquoi donc cette inversion ? Parmi les nombreuses explications de nos sages, nous avons retenu celle de Rabbi Yossef, le Darchan de Pozna : ‘Hazal nous dévoilent que lorsque les membres du peuple Juif sont unis (voir Midrash Tan’houma Choftim), Hachem leur pardonne même la terrible faute d’idolâtrie. Nous voyons d’ailleurs qu’avant la contestation de l’autorité

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de Moshé provenant de Kora’h et de son assemblée, Hachem avait pratiquement pardonné la faute du veau d’or ! Seulement… lorsque la dispute éclata, scindant le peuple en trois : une partie s’alliant à Kora’h, une autre demeurant fidèle à Moshé, une troisième embourbée dans son indécision, la colère Divine se raviva, somnolente jusque-là. C’est ainsi que la faute du veau d’or, qui était presque oubliée, réapparut et devint l’un des principaux chefs d’accusation du peuple Juif ! C’est ce que l’ordre des remontrances vient nous signifier : Si vous étiez restés unis après la faute du veau d’or, celle-ci vous aurait été pardonnée, mais puisque vous êtes entrés dans la querelle de Kora’h, cette faute vous sera de nouveau comptée ! C’est donc par la faute d’avoir semé la discorde que rejaillit l’histoire du veau d’or, c’est pourquoi elle est citée avant !

:ודי זהב …) א(« … et Di-Zahav. » Rachi:

Di-Zahav : Il s’agit de Moshé qui leur reproche la faute du veau d’or qu’ils commirent à cause de la grande quantité d’or qu’ils possédaient […]

A ce sujet le ‘Hafets ‘Haïm rapporte les paroles de Rabbi Avraham Azoulay (zatsal), grand-père du ‘Hida. ‘Hazal (Rosh Hashana 11a) nous enseignent que chaque créature a été créée selon ce qu’elle désirait être. L’homme bien entendu, n’échappe pas à cette règle, bien au contraire ! L’élu de la création, celui pour qui l’univers entier : la terre et tout ce qu’elle contient, a été créé afin de lui permettre de servir Hachem, a choisi lui aussi les conditions dans lesquelles il descendrait sur terre. Riche ou pauvre, vaillant ou faible, malade ou en bonne santé, etc… Chacun est comme il a voulu être… Mais alors, une question se pose : Nos yeux constatent que le monde est rempli de gens pauvres, malades ou en difficulté. Les riches et célèbres sont plus rares !

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Pourquoi donc n’avons-nous pas tous choisi d’être riches, forts, beaux, intelligents, en bonne santé et célèbres ? Pourquoi avons-nous choisi d’être ce que nous sommes ? D’autant que nous ne cessons de nous plaindre, il nous manque toujours quelque chose ! Et pourtant la vérité est plantée là, en face de nous, absolue et incontournable : Nous sommes ce que nous avons voulu être. Nous qui nous plaignons, avons choisi d’être créés avec nos défauts, nos handicaps, et nos difficultés !

Le 'Hida

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Comment est-ce possible ? La réponse est très simple : Au Ciel, c'est-à-dire lorsque nous étions encore des âmes sans corps, nous avions une vision du monde complètement différente de celle que nous avons ici sur terre. Notre âme voyait clair, sans être parasitée par les données d’ici-bas, elle savait donc que richesse et gloire sont des épreuves bien difficiles à surmonter ! Bien plus que ce que l’on pourrait s’imaginer ! Un jour, le ‘Hafets ‘Haïm surprit une conversation entre deux hommes, au cours de laquelle l’un demanda à l’autre : - Comment ça va ? L’autre lui répondit plaintivement : - Baroukh Hachem, toutefois ça ne ferait pas de mal si ça allait un peu mieux (sous-entendant : plus d’argent, plus d’honneurs, etc.). Le ‘Hafets ‘Haïm ne put alors se retenir de les interpeller : - Qui vous dit que cela ne vous ferait pas du mal ? Nombreux sont les gens traversant une passe difficile qui n’hésitent pas à dire ce que Na’houm Ich Gamzo4

Est-ce un Gam zo Lé Tova prononcé avec une petite voix désespérée, sous-entendu : Kapara (expiation) ? Ou bien comme Na’houm Ich Gamzo qui disait avec largesse et grandeur : « GAM ZO LE TOVA ! », en emplissant l’univers de sa confiance totale en Hachem, conscient que la situation dans laquelle il se trouvait, quelle qu’elle soit, était la meilleure qui puisse être ?

disait sans cesse : « Gam zo Lé Tova », ça aussi c’est pour le bien ! Mais quelle est leur véritable intention ?

4 Sage célèbre de l’époque des Tanaïm. Son surnom vient de ce qu’il avait l’habitude de dire « Gam zo Lé Tova » (cela aussi est pour le Bien). Voir une histoire à son sujet dans La Paracha, Berechit.

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« Voici les paroles que Moshé dit à tout Israël. »

(Ch.1 ; verset 1) « Moshé dit aux Béné Israël tout ce que Hachem lui avait ordonné à leur égard. »

(Ch.1 ; verset 3)

Le 'Hafets 'Haïm

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Pourquoi, à deux versets d’intervalle, La Torah écrit-elle presque la même chose concernant Moshé qui s’adresse aux enfants d’Israël ? La différence entre les deux, évidente, est qu’il est écrit ceci dans le deuxième verset et non pas dans le premier : « … tout ce que Hachem lui avait ordonné à leur égard. » Mais qu’est-ce que cela signifie ? Il y a deux façons d’adresser une remontrance à quelqu’un, la première en s’exprimant dans un langage que l’autre pourra accepter, c’est-à-dire doux, respectueux, voilé et allusif, témoignant de notre amour pour lui. En évitant les paroles incisives et mordantes et en essayant systématiquement d’atténuer l’ampleur et la gravité de sa faute. En somme, en essayant d’attirer la personne qui écoute vers de bonnes et fermes résolutions. La deuxième façon consiste tout au contraire à s’exprimer dans un langage direct, sans détours, comme le dit l’expression : « sans mettre de gants ». On met l’autre face à sa réalité, c’est-à-dire, puisque l’on fait une remontrance, face à sa faute, sans le ménager ni minimiser la gravité de ses actes, on lui dit ses « quatre vérités » pour parler dans un langage plus familier mais que tout le monde comprend, on lui montre un reflet brut de ses agissements. Cette dernière façon de procéder, tout en étant sans doute plus proche de la vérité que le fauteur doit certes entendre, comporte toutefois certains risques. En effet, le moralisateur peut devenir très vite l’antipathique, et provoquer du même coup l’effet exactement inverse de celui escompté : la personne fautive rejette la remontrance et s’endurcit dans son avancée sur le mauvais chemin. Parmi les prophètes qui réprimandèrent le peuple Juif, nous avons l’exemple de Yéchayahou (Isaïe), qui du fait de l’urgence du moment, estima qu’il fallait le faire sans détours, comme nous le voyons dans le verset suivant : « Oh, nation pécheresse, peuple chargé d’iniquités, lignée de renégats, enfants nuisibles etc. » (Isaïe 1 ; 4)

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Parler de la sorte présentait le risque de se faire beaucoup d’ennemis et même de mettre sa vie en danger… d’ailleurs finalement, Yéchayahou fut assassiné sous l’ordre du roi Ménaché (voir Yebamot 49b). C’est pour cette raison, comme nous l’avons vu au début du livre de Devarim, que peu de temps avant de quitter ce monde, Moshé s’adressa aux Béné Israël afin de leur faire des remontrances, de la façon la plus discrète et délicate qui soit, en se contentant d’énumérer simplement les lieux où ils mirent Hachem en colère : « Ce sont les paroles que Moshé dit à tout Israël en deçà du Jourdain, dans le désert, dans la plaine de Souf, etc. » Plus tard, Hachem lui ordonnera de les réprimander une seconde fois, mais là, plus franchement, en raison des circonstances : le peuple d’Israël s’apprête à rentrer en Terre promise où il devra y accomplir les Mitsvot sans "filet", et sans son guide Moshé. Il fallait donc employer un langage plus clair et plus précis ! Moshé s’exécute bien sûr et recommence à les réprimander, mais cette fois-ci pas en son nom propre : « … tout ce que Hachem lui avait ordonné à leur égard. » C’est pourquoi, après les allusions à leurs fautes passées, nous voyons Moshé dire très clairement aux enfants d’Israël ce qu’ils ont fait de mal, mais tout cela au nom de Hachem. Moché lui-même ne se le serait pas permis, et c’est la leçon que nous devons retenir quant à nous. Hachem ne nous ordonne pas de réprimander ouvertement notre prochain, mais d’user de tact et de tout mettre en œuvre pour que la réprimande soit acceptée, sinon à quoi sert-elle ?

כ ' ה) יא( ר אלהי אבותכם יסף עליכם כ אש עמים ויברך אתכם כ ם אלף פר לכם ב :ד

« Hachem, D. de vos pères, vous rendra mille fois plus nombreux que vous ne l’êtes. Il vous bénira comme Il vous l’a promis. »

(Ch. 1 ; verset 11) Le début de notre verset semble en contredire la fin !

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En effet, Moshé limite leur reproduction à mille fois, puis, il leur assure que Hachem les fera se multiplier comme Il l’a promis, c'est-à-dire (comme nous allons le voir tout de suite au travers du commentaire de Rachi) à l’infini ! Rachi relève cette difficulté et nous dit ceci :

Que signifie la répétition : « Il vous bénira comme Il vous l’a promis ? » [Les Béné Israël] lui dirent : tu limites notre bénédiction (à mille fois), alors que Hachem a déjà promis à Avraham : « Je rendrai ta descendance semblable à la poussière de la terre ; [tellement nombreuse] que si un homme peut dénombrer la poussière de la terre, il pourra aussi dénombrer ta descendance ! » (Berechit 13 ; 16) Moshé leur répondit : « C’est de moi que [cette bénédiction] est venue, tandis que Hachem : Il vous bénira comme Il vous l’a promis ! »

La réponse de Rachi est claire, mais elle suscite une autre question : Pourquoi Moshé les bénit-il de la sorte, alors que sa bénédiction est déjà incluse dans celle de Hachem ? Nous trouvons parmi nos commentateurs, plusieurs réponses à notre question, en voici quelques-unes : ‘Hazal nous enseignent :

א…) יב( ן חלפת מעון ב י ש לי , אמר רב רוך הוא כ דוש ב לא מצא הק

לום א הש ראל אל רכה ליש :…מחזיק ב

… Rabbi Chimon ben ‘Halafta a dit : « Le Saint Béni Soit-Il n’a pas trouvé de réceptacle susceptible de recevoir la bénédiction pour Israël comme le Chalom (la paix) ! ... (Oktsin 3 ; 12)

Ce qui signifie qu’afin de recevoir la bénédiction que Hachem nous réserve, il nous faut un ustensile, et le seul qui soit valable et puisse contenir toute l’abondance de la bénédiction Divine, c’est le Chalom ! C’est pourquoi Moshé donne sa propre bénédiction aux Béné Israël, leur signifiant ainsi que s’ils ne vivent pas en paix, si le feu de la discorde brûle parmi eux, ils ne pourront pas bénéficier de la bénédiction que

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Hachem leur avait promise. Il leur donna donc une bénédiction personnelle plus limitée mais sans condition !

(Selon le Binian Ariel et le Sifté ‘Hakhamim) Lorsque l’on nous dit que s’il y a la paix il y a tout, on ne nous apprend rien, tout le monde le sait ! C’est une évidence pour tous les êtres humains que s’il y a guerre, il y a destruction, et s’il y a destruction, la vie ne peut pas fleurir. La guerre, ce n’est bien sûr pas seulement un combat entre deux armées. Deux individus qui se disputent, quels qu’ils soient et quelles que soient leurs relations, c’est déjà un petit peu de paix qui se trouve endommagée ! Ainsi, toute la vie semble n’être qu’une inlassable recherche pour maintenir la paix : A celui qui est le plus conscient de son importance vitale, et le plus intelligent, de faire des concessions à tout prix afin de la sauvegarder ! Sans elle, pas de bénédiction, c’est la Mort ! Mort physique, mais aussi et surtout mort de l’harmonie. Ainsi, parce que c’est sans doute le foyer de chacun qui est le plus important aux yeux de Hachem, nous prendrons comme exemple le couple. En effet, seul un couple vivant dans la paix, harmonieusement uni, pourra réussir à construire un foyer édifiant. Et parce que nous aurons offert un foyer de paix à nos enfants, parce que nous leur aurons montré l’exemple de ce qu’il faut s’efforcer pour maintenir la paix, nous aurons le mérite de participer à la paix du monde. Nos enfants en effet seront eux-mêmes des Juifs pacifistes, aimant et recherchant la paix, qui règnera donc dans leurs foyers à leur tour, tout au long de leur vie, avec leurs voisins, collègues, amis… et si nous réalisons que chaque être qui vit pour servir la paix et recevoir ainsi la bénédiction de Hachem est un maillon d’une chaîne infinie, nous aurons tout compris. Notre descendance sera alors indénombrable comme la poussière de la terre et vivra en paix. Nous avons récemment entendu qu’un jeune étudiant en Yeshiva sur le point de se marier, et soucieux de réussir son couple et d’épanouir les futurs membres de sa famille, demanda à un Tsadik de la génération s’il y

Ne pas se contenter d'accrocher au mur de la maison une

bénédiction...

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avait un "truc" pour avoir des enfants Tsadikim et Talmidé ‘Hakhamim (érudits en Torah). Le Rav lui répondit en toute simplicité : Chalom Baït (La paix dans le foyer) ! La paix, le Chalom est la clef de toutes les réussites ! D’autres commentateurs expliquent que la bénédiction de Moshé est bien plus grande… mille fois plus, que celle de Hachem, car il leur souhaita d’être mille fois ce dont Hachem les bénit ! (Au nom de Rabbi Akiva Eiguer) D’autres commentateurs quittent quelque peu le sens littéral du verset et expliquent que l’intention de Moshé était de faire prendre conscience aux Béné Israël de la grandeur et de la puissance de la bénédiction de Hachem. En effet, c’est ce que Rachi nous dit, Hachem les bénit de façon prodigieuse : « Je rendrai ta descendance semblable à la poussière de la terre ; [tellement nombreuse] que si un homme peut dénombrer la poussière de la terre, il pourra aussi dénombrer ta descendance ! » (Berechit 13 ; 16) Le "chiffre" désigné par « poussière de la terre » est totalement abstrait et ne nous permet pas de réaliser ce qui doit advenir. Or nous savons que si une chose nous dépasse, si elle est trop éloignée de nos repères, il est pratiquement impossible qu’elle ait un effet sur nous. C’est pourquoi lorsque Hachem nous bénit pour l’éternité, ou à l’infini, il nous est extrêmement difficile de concevoir la chose, cela ne nous parle pas, c’est trop loin de nous, trop grand ! C’est évident, puisque nous sommes des êtres finis par définition, délimités par un corps, entre le ciel et la terre, etc. C’est pourquoi, lorsque la communication passe par des termes liés à notre finitude, l’impact est plus fort et plus immédiat ! C’est la raison pour laquelle ‘Hazal et les commentateurs utilisent très souvent des paraboles, afin de nous aider à bien absorber leurs messages abstraits et touchant le plus souvent au spirituel, à l’impalpable. Moshé avait donc ce même objectif, et il nous bénit : « Mille fois », bien que cela ne représentait qu’une goutte dans l’océan de bénédiction que Hachem nous promit de déverser sur nous, simplement parce que ce nombre fini avait l’avantage d’être plus concret à nos yeux. A titre d’exemple, nous voyons que lorsque nous disons à une personne qui transgresse le Chabbat, qu’elle risque de perdre son Olam Haba

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(Monde Futur), c'est-à-dire "le Paradis éternel !", cela a un effet… « Bof ! » dirons-nous, « On s’arrangera sans… », peut-elle penser. Par contre, si on lui dit qu’en essuyant ses mains sur ses habits, elle risque de perdre la mémoire (comme cela est rapporté dans la Halakha) ! Là, l’effet est immédiat : « Je vais faire attention, je risque d’oublier mes numéros de téléphone et le code de ma carte bleue ! ... » Pourtant, lorsqu’on réfléchit un tout petit peu, qu’est-ce qui est le plus grave ? Transgresser Chabbat, le fondement, le socle même du Judaïsme, ou bien s’essuyer les mains sur son pantalon ? Ou encore : est-il logique de moins craindre de perdre le bonheur éternel que la mémoire, pour les quelques années qui nous restent à vivre ? Pourquoi est-ce ainsi ? Comme nous l’avons expliqué, parce que l’éternité c’est loin, très loin de nous… aussi loin que l’infini. On a du mal à réaliser et à mesurer les risques de ce que l’on peut perdre pour quelques instants de plaisir, sachant que la vie n’est de toutes façons, même pour les gens les plus éloignés de la Torah, qu’une source de plaisir en pointillés : personne ne prend plaisir à la vie en permanence, elle est remplie d’épreuves pour tous ! Nous disons quelques instants pour parler de la vie parce que quatre-vingt ou quatre-vingt-dix ans de vie par rapport à l’éternité, ce ne sont que quelques instants ! Notre travail est donc justement de réfléchir et de méditer incessamment sur ce qu’est l’éternité, afin d’imprégner nos actes d’une dimension d’éternité et d’infini ! (voir commentaire du Rav Chakh sur le Ch. 2 verset 9) Mais au fait l’éternité, ça dure combien de temps ? La question peut faire sourire, toutefois on raconte qu’un jour, un roi la posa à un Sage qui lui répondit ceci : « Mon Roi, si tu désires comprendre combien de temps dure l’éternité, il te suffit d’imaginer un petit oiseau que l’on installerait en haut d’une montagne. Mais pas d’une simple montagne ! Une montagne plus haute que toutes les montagnes du monde superposées les unes sur les autres. Lorsque le petit oiseau en allant et venant en haut de sa montagne aura, grâce au frottement de ses petites pattes, usé toutes les montagnes, tu pourras affirmer qu’une seconde de l’éternité vient de s’écouler !

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Deuxième (Cheni) montée :

Moshé va à présent réprimander les enfants d’Israël au sujet d’un épisode que nous avons pu lire dans le Livre de Chemot, Parachat Yitro : Yitro, voyant Moshé juger seul le peuple du matin au soir, lui conseille de nommer des juges pour mille personnes, cent, cinquante et dix. Les petites affaires seront déléguées aux petits juges, et si ces derniers ne sont pas capables de trancher, l’affaire montera chez les juges de cinquante etc. jusqu'à Moshé lui-même.

רת לעשות) יד( ב ר ד בר אש ענו אתי ותאמרו טוב הד :ות

« Vous me répondîtes en disant : « ce que tu conseilles de faire est excellent. » »

(Ch. 1 ; verset 14) Rachi :

Vous me répondîtes etc. : Vous avez pris votre décision (c'est-à-dire que vous avez accepté mon conseil) selon votre intérêt. Vous auriez dû répondre : Moshé notre maître, de qui convient-il mieux d’apprendre, de toi ou de ton élève ? N’est-ce pas plutôt de toi qui a peiné pour elle [la Torah] ? Mais je connaissais vos intentions : Vous [vous] disiez : à présent seront nommés sur nous de nombreux juges, si (le juge) ne nous est pas favorable, nous lui apporterons un présent, et il le sera.

Le reproche que fait ici Moshé aux Béné Israël demande à être expliqué : En effet, si Moshé leur avait simplement reproché de vouloir profiter de la situation pour corrompre les juges, nous n’aurions pas de question, mais leur reprocher de se simplifier un peu la vie ? C’est étonnant ! Moshé avait-il donc oublié dans quelles circonstances ce conseil avait été donné ? Voici le contexte : Si des personnes avaient un différend, elles devaient se rendre chez Moshé afin qu’il tranche le litige. Seulement il fallait parfois attendre de très longues heures pour ce faire, il y avait en effet au même moment des centaines, parfois des milliers de personnes qui attendaient

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aussi leur tour ! Ce conseil que Yitro lui donna d’instaurer des tribunaux avec des juges visait donc le bien de tous, tant celui de Moshé que du peuple. (Voir Parachat Yitro) C’est vrai ! Sans doute que les juges et les tribunaux étaient nécessaires, toutefois y avoir recours comportait une faille : en effet, de qui convient-il mieux d’apprendre la Torah ?... Du maître ou des élèves ? D’accord les conditions n’étaient pas faciles, il fallait faire la queue et rester debout pendant des heures… Soit ! Avant d’aller plus loin nous voulons vous donner à lire une petite anecdote comportant en soi un élément de réponse : Un Juif allemand avait été invité à se rendre au cours de Talmud de Rabbi Baroukh Beer Lebovitch (zatsal), le Rosh Yeshiva de Kamenitz. Tels que de nombreux témoignages les décrivent, ces cours devaient être extrêmement animés, les questions fusaient dans tous les sens, les réponses aussi, et le Rav lorsqu’il enseignait, se transformait en volcan en éruption pourrait-on dire, tant il était animé par le feu de la Torah ! De quoi perturber l’invité allemand. A la fin du cours, Rabbi Baroukh Beer lui demanda comment il avait trouvé la démonstration Talmudique, et l’invité, un peu gêné, lui répondit ceci : « Ecoutez, c’était très intéressant, mais quel désordre ! » Rabbi Baroukh Beer lui répliqua alors : « C’est notre Seder (ordre) à nous ! » Ce que Rabbi Baroukh Beer répondit alors à son hôte était sans doute du même ordre que ce que Moshé reprocha aux Béné Israël dans notre verset : Ce sont dans ces conditions et de cette façon que l’on étudie la Torah. C’est peut-être inconfortable mais c’est ainsi ! Une personne qui ne serait jamais entrée dans le Bet Hamidrash (salle principale d’étude de la Torah) d’une grande Yeshiva s’imaginerait sans doute avant d’y pénétrer qu’il y règne un calme absolu, comme à la bibliothèque, et que les étudiants sont assis en silence, plongés dans leurs livres et concentrés intensément, murmurant, presque inaudibles, quelques mots de ci de là à leurs compagnons d’étude… Elle s’imaginerait aussi que le cours du Rav ressemblerait à celui d’un conférencier dans un amphithéâtre d’université : on n’entend pas une mouche voler pendant l’exposé du maître, il répond parfois à une rare question…

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Et bien, il faut le voir pour le croire, mais dans une Yeshiva… c’est exactement le contraire ! On y trouve des centaines d’étudiants en effervescence, bruyants, parlant fort, debout et agitant les bras dans tous les sens. Le cours ? Le Rav ressemble à un chef d’orchestre dirigeant des dizaines d’instruments à la fois, les questions fusent de partout, une personne externe à la Yeshiva et assistant à ce spectacle serait stupéfaite : « Est-ce ainsi que l’on étudie la Torah ? » ne manquerait-elle pas de s’exclamer ! Oui, c’est ainsi, parce que la Torah est de feu, elle s’étudie dans l’effervescence et l’excitation… C’est cela que Moshé voulut leur signifier : La Torah ne s’étudie pas comme les autres sciences, ni dans le confort, ni dans le calme, ni dans la tranquillité. Ce qui n’est pas antinomique avec la notion d’ordre et de rigueur bien au contraire, mais il ne s’agit pas de se reposer, le repos, ce sera après 120 ans si D. veut…

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Moshé rappelle aux Béné Israël l’épisode des explorateurs.

רו לנו את ) כב( ים לפנינו ויחפ לחה אנש כם ותאמרו נש ל קרבון אלי כ ות

ר נבא ה ואת הערים אש ר נעלה ב רך אש בר את הד בו אתנו ד הארץ ויש :אליהן

« Et vous vîntes vers moi, tous, en disant : « Nous voudrions envoyer quelques hommes en avant, qui exploreraient pour nous ce pays et qui nous renseigneraient sur le chemin que nous devons suivre et sur les villes où nous devons aller. » »

(Ch.1 ; verset 22) Dans ces versets, Moshé adresse une nouvelle remontrance aux Béné Israël au sujet de la fameuse faute des explorateurs que nous avons rencontrée dans le livre de Bamidbar, Parachat Chela’h Lekha. Les enfants d’Israël, avant d’entrer en Terre Sainte, avaient demandé à Moshé d’envoyer d’abord des explorateurs afin d’évaluer la situation, alors qu’ils devaient y entrer en toute confiance puisque Hachem leur avait promis une victoire facile. Examinons à présent les versets d’un peu plus près, nous constatons que les paroles de Moshé renferment une certaine profondeur que nous ne pouvions pas percevoir immédiatement, mais afin de la révéler faisons un petit voyage dans le passé : Le peuple s’apprête à rentrer en terre d’Israël lorsqu’un doute l’envahit soudain. Toutes sortes de théories et d’incertitudes fusent dans les esprits : « Les peuples étrangers savent que nous arrivons ! Ils ne sont pas stupides, ils vont sans doute cacher leurs trésors et leurs richesses. Ainsi, lorsque nous arriverons, nous ne trouverons plus rien ! La promesse de D. concernant notre victoire sur ces peuples et les richesses que nous devons gagner risque de ne pas s’accomplir ! Cela engendrera un grand ‘Hilloul Hachem (profanation du Nom de D.) ! Il nous faut agir, et vite ! Envoyons des espions pour savoir où ils vont cacher leurs biens. »

Troisième (Chlichi) et quatrième (Revii) montées :

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Les "bonnes idées" de ce genre, les arguments, les conseils affluent de tous côtés. L’excitation populaire atteint son paroxysme et à l’unisson, ils se précipitent tous chez Moshé afin de lui soumettre leur "bonne idée". La suite, nous la connaissons, Moshé envoie des explorateurs (malgré la mise en garde de Hachem), qui à leur retour émettent des critiques sur la Terre promise. A l’écoute de leur récit, le peuple plonge dans le désespoir. Les enfants d’Israël pleurent et se lamentent pendant toute cette fameuse nuit du 9 Av ! Hachem Se met alors en colère : « Vous avez pleuré ce soir pour rien, et bien vous pleurerez tous ces soirs-là pour quelque chose5

dorénavant (tous les 9 Av)… » Toute la génération sera punie et devra errer pendant quarante ans dans le désert jusqu'à sa totale disparition. Seuls leurs enfants mériteront donc d’entrer en Erets Israël !

Nous sommes à présent quarante ans plus tard, et Moshé leur rappelle cette fameuse faute… Si nous avions été à sa place, quel est le reproche principal que nous aurions fait aux Béné Israël ? - D’avoir voulu envoyer des explorateurs ? - D’avoir cru les explorateurs ? - D’avoir pleuré ? - Un peu des trois ? Sans doute ! Pourtant lorsque nous lisons le commentaire de Rachi sur notre verset, nous constatons que Moshé va essentiellement insister sur ce qui peut apparaître comme un détail, et leur adresser un reproche tout à fait différent de ce que nous attendions. De quoi s’agit-il ? Rachi :

Et vous vîntes vers moi, tous… : Bé’irbouvia, en désordre ! […] Ici, les jeunes bousculent les anciens et les anciens bousculent les chefs.

Rachi nous explique que les enfants d’Israël ont adressé leur requête de façon désordonnée, les jeunes gens parlant à la place des anciens, sans se faire représenter par leurs chefs, sans élaborer de discours clair et consistant, laissant seulement s’exprimer de manière débridée leurs inquiétudes et leurs angoisses, en bref : Cela s’est fait n’importe comment ! Moshé ne leur reproche donc pas précisément d’avoir voulu envoyer des explorateurs, ni de les avoir crus, mais plutôt la façon dont ils ont fait leur 5 Et en effet, à cette date, de nombreux malheurs se sont abattus sur notre peuple, dont la destruction du Premier et du Deuxième Temple de Jérusalem.

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requête. Ce n’est donc pas tant le fond de la plainte qui leur est reproché, que la forme ! En désordre : Bé’irbouvia, sans respecter la hiérarchie sociale, en bousculant les principes de base de la vie. Pourquoi accorder tant d’importance à la forme ? Parce que la forme révèle le fond ! Ce désordre était la preuve que leur plainte basée sur leurs doutes, n’avait aucun fondement réel et ne provenait pas d’une réflexion posée. Le Saba de Kelem nous explique : Si un acte se réalise dans la précipitation, Bé’irbouvia, c’est une preuve infaillible qu’il provient du Yetser Hara (mauvais penchant) ! Il n’a son origine ni dans la sainteté, ni dans le Bien, mais uniquement dans le Yetser Hara !!! En effet, si avant de venir se plaindre ils s’étaient arrêtés un instant, se concertant, s’écoutant les uns les autres, et qu’ils aient ainsi approfondi leur réflexion, auraient-ils pu arriver à de telles conclusions ? Si Hachem les avait faits sortir d’Egypte en bousculant toutes les lois de la nature par dix fois, s’Il ouvrit pour eux la mer en formant douze « autoroutes » sur leur passage (rappelons qu’il s’agit de la génération qui a vu cela de ses propres yeux !), s’Il leur a donné la Manne etc. etc. etc. Comment pouvaient-ils douter de la puissance Divine concernant la conquête d’une terre ? C’était tellement évident qu’il n’y avait aucune raison plausible de douter, cela prouve que cette plainte n’était que l’expression du Yetser Hara. Pour nous aujourd’hui et au quotidien, l’histoire des explorateurs est un outil, une mise en garde afin d’être toujours en alerte pour déterminer si la Mitsva que je suis en train d’accomplir en est réellement une ou bien si elle n’est que l’expression… du Yetser Hara ! Oui, tout à fait ! C’est parfois le Yetser Hara qui nous incite à faire des soi-disant Mitsvot. Et comme ce mauvais compagnon prend alors le déguisement du Bien, il est beaucoup plus difficile de le démasquer. Dans quel but, demanderez-vous ? Afin, en nous donnant un petit peu, en nous laissant faire du Bien, (ce qui nous fait croire que nous ne pouvons pas nous tromper), de nous empêcher de prendre beaucoup par la suite, puisque finalement nous avons fait du mal !

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Les Baaléi Hamoussar (les Rabbanim spécialisés dans la morale) rapportent à ce sujet une parabole très populaire : Un roi fit un jour appeler l’un de ses plus fidèles messagers : « Tu dois te rendre chez le roi Untel pour lui confier ceci, mais attention je te mets en garde : Tu ne dois faire aucun pari ni avec lui ni avec aucun de ses ministres, et sous aucun prétexte ! » Le messager prit la route et arriva dans le royaume en question. Avec la plus grande application, il accomplit la mission de son roi bien-aimé. Il témoigna de façon exemplaire aux yeux de tous, de sa fidélité totale à son monarque. Pourtant, juste avant de repartir, l’un des ministres entama une conversation avec lui, et ils se mirent à plaisanter amicalement. Et puis le ministre posa soudain une étrange question à notre messager : - La bosse que tu as sur ton dos ne te fait pas mal ? - La bosse ? Mais je n’ai pas de bosse ! - Que racontes-tu là ? Je vois bien que tu as une bosse dans le dos ! - Mais pas du tout ! - Ah, tu caches bien ton jeu ! Mais je ne suis pas dupe, et je suis même prêt à parier avec toi que tu as une bosse dans le dos ! - Il vaudrait mieux pour toi ne pas parier si tu ne veux pas perdre ton argent ! - Je suis tellement sûr de ce que j’affirme que je parie un million de dollars que tu es bossu ! Le messager éclata de rire, comment un homme peut-il être aussi stupide et risquer une somme aussi colossale, se dit-il ! Puis il pensa que s’il prouvait à ce ministre idiot qu’il n’était pas bossu, il empocherait un million de dollars bien facilement… Toutefois il se rappela les paroles de son roi qui l’avait mis en garde et lui avait demandé de ne pas parier avec qui que ce soit. Mais, cédant à la tentation, il argumenta en lui-même : « La raison pour laquelle mon roi m’a interdit de parier est qu’il craint que je ne perde ! Mais dans le cas présent, aucun risque ! Le roi sera donc même heureux que je rapporte un million de dollars pour les caisses du royaume ! » Palpitant de joie, il annonça alors au ministre : - Je suis prêt à parier ! - Très bien. Ote tes habits et prouve-nous que tu n’es pas bossu ! Sans discuter, le messager retira sa chemise et prouva ainsi qu’il n’avait pas de bosse dans le dos. Le ministre fit mine d’être désolé de perdre un million de dollars, mais il donna l’argent sans l’ombre d’une hésitation, en acceptant étrangement et très sereinement son sort.

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A son retour dans son royaume, le messager raconta fièrement l’histoire du million gagné lors d’un "pari d’enfant". Après son récit, le roi exprima un très vif mécontentement : - Comment as-tu pu faire une chose pareille ? Quelle idiotie ! Ne t’avais-je pas averti qu’il ne fallait parier avec personne ? - Mon seigneur a raison, et je n’avais pas oublié son ordre, mais j’ai pensé que dans un cas pareil c’était différent, c’était de l’argent gagné tellement facilement ! - Pas du tout ! Tu as peut-être gagné un million mais moi j’en ai perdu quatre-vingt-dix-neuf à cause de ton empressement ! Les ministres du royaume où tu t’es rendu avaient parié cent millions avec moi qu’ils parviendraient à faire se dévêtir mon messager, et ils ont gagné ! Voilà un exemple parmi les nombreuses ruses du Yetser Hara : donner un peu pour prendre beaucoup. Si ce principe est vrai pour une Mitsva, il l’est d’autant plus concernant les fautes, ainsi lorsqu’une personne pense tirer profit des infractions de la Torah, elle doit être sûre que ses pertes seront considérables au bout du compte ! Seuls la droiture et le respect des lois de la Torah rapportent gros ! La moindre entorse ou fourberie coûte beaucoup plus cher que ce que nous pouvons imaginer dans le monde ici-bas. C’est pourquoi même si mon intelligence me dit d’agir comme ceci ou comme cela, je dois toujours me souvenir que je suis un petit être fini et minuscule face à la Grandeur Divine, et incapable de comprendre Ses desseins. Seul Hachem connaît et sait tout et je dois sans cesse me raccrocher et me référer à Lui. La vérité est seulement là !

ינה ) מד( עש ר ת אש פו אתכם כ רד הר ההוא לקראתכם וי ב ב ויצא האמרי הישב עיר עד חרמההד ש תו אתכם ב כ :רים וי

« L’émoréen, qui occupe cette montagne, marcha à votre rencontre ; et ils vous poursuivirent comme font les abeilles, et ils vous taillèrent en pièces dans Seïr, jusqu'à ‘Horma. »

(Ch. 1 ; verset 44) Rachi :

comme font les abeilles : comme les abeilles, lorsqu’elles piquent quelqu’un, elles meurent aussitôt, [les émoréens] lorsqu’ils ont attaqué succombèrent immédiatement.

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L’explication de Rachi semble contredire notre verset ! En effet, si l’on compare les émoréens aux abeilles qui meurent juste après avoir piqué leurs victimes, il faut poursuivre la comparaison jusqu’au bout, or nous savons que la piqûre d’une abeille n’est pas terrible, les émoréens n’étaient donc pas si violents ! Rav Israël Grossman (zatsal) explique au nom du Rav de Brisk, que la comparaison avec les abeilles est en réalité parfaite, et vient nous dévoiler que le coup porté par les émoréens était justement violent.

Une personne normale tient à la vie et n’affrontera pas n’importe quel danger afin d’abattre son ennemi. C’est pourquoi, lors du combat, elle aura l’intelligence de frapper, tout en ménageant ses forces afin de continuer à vivre par la suite. Pourtant il existe un certain type d’êtres humains déséquilibrés, qui placent la haine de « l’ennemi » avant leur

propre vie et usent toutes leurs forces pour la victoire : Vaincre ou mourir ! Telle est leur devise. Un ennemi pareil est bien entendu beaucoup plus dangereux qu’un ennemi normal. C’est pourquoi la comparaison des émoréens aux abeilles montre combien ils étaient en réalité extrêmement dangereux, comme l’abeille ils étaient prêts à aller jusqu’au bout pour la victoire : frapper puis mourir. Malheureusement, notre génération n’a pu que trop souvent vérifier les paroles du Rav de Brisk ! En effet, nous avons à faire aujourd’hui à un ennemi dont la haine à notre encontre l’emporte sur sa propre vie et celle

Rav Israël Grossman

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même de ses enfants. Il est prêt à se faire se fait exploser pour nous tuer, comme les abeilles. Ces dernières années furent pour le peuple Juif des années très difficiles, deux guerres en moins de trois ans, sans compter les multiples attentats meurtriers que l’on subit au quotidien, incessamment, et malgré tout cela les médias internationaux nous font passer pour les bourreaux, mais ne nous inquiétons pas : « D. fait la justice ! » dit David Ha Melekh dans les Téhilim ! Accomplissons notre devoir, rapprochons-nous de notre Créateur, c’est notre seul salut. Par ailleurs réjouissons-nous d’être Juifs, en effet regardez la grandeur morale de notre peuple au travers de ses souffrances ! Alors que nos maudits ennemis faisaient tout pour nous anéantir, lors de cette dernière guerre (en 2009 en Israël), sacrifiant sans hésiter femmes et enfants qu’ils utilisaient comme boucliers, nous Juifs, mettions tout en œuvre au contraire afin de protéger la population civile. Ils agissaient sans foi ni loi mais au nom de leur foi, pour dissimuler leur haine, tandis que nous, Juifs du monde entier, nous sommes mobilisés afin de soutenir et soulager la population ainsi que nos soldats en envoyant de partout colis et cadeaux. Des dizaines d’organismes ont distribué de la nourriture ainsi que toutes sortes d’objets de première nécessité à ceux qui ont dû fuir leurs maisons. Des milliers de nos frères ont ouvert leur porte afin d’accueillir les exilés ! Il y a eu un déferlement de soutien, de bonté et d’entraide durant cette douloureuse période. Nous pouvons être fiers de nous ! Et chercher un vainqueur est bien inutile quand on voit la grandeur de Am (peuple) Israël, le véritable gagnant de ces guerres, qui a su placer la vie avant tout, respecter l’ennemi et se montrer totalement solidaire et uni malgré les pressions et les mauvaises langues qui auraient pu abattre notre moral et nous rendre mauvais, ou amers, quelle grandeur !

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Moshé rapporte un certain nombre des péripéties des enfants d’Israël durant la traversée du désert… Moshé évoque la guerre contre les rois Si’hon et Og. Puis il rapporte le pacte conclu avec les tribus de Réouven et Gad : après avoir aidé leurs frères à conquérir Erets Israël, ils pourraient hériter du versant Est du Jourdain. Puis il rapporte le pacte conclu avec les tribus de Réouven et Gad : après avoir aidé leurs frères à conquérir Erets Israël, ils pourraient hériter du versant Est du Jourdain.

Amon et Moav sont deux peuples frères descendant de Loth, neveu d’Avraham. Hachem ordonne à Moshé de ne pas leur faire de mal, or nous remarquons en lisant les versets, que la mise en garde concernant Moav est différente de celle concernant Amon. En effet pour Moav il est dit :

צר את מואב ' ויאמר ה) ט( ם מלחמהוא אלי אל ת ר ב תג ן ל ת י לא את כה י את ער ירש י לבני לוט נתת ה כ :לך מארצו ירש

« Hachem me dit : « Ne tourmente pas Moav et ne le provoque pas au combat. Je ne te laisserai rien conquérir de son territoire, car c’est aux enfants de Loth que J’ai donné Ar en héritage. »

(Ch. 2 ; verset 9) Tandis qu’au sujet de Amon :

צרם ) יט( ני עמון אל ת םוקרבת מול ב ר ב תג ני ואל ת ן מארץ ב י לא את כיה י לבני לוט נתת ה כ העמון לך ירש :ירש

« Tu t’approcheras face aux enfants de Amon ; ne les provoque pas, car Je ne te donnerai pas de la terre des enfants de Amon en héritage… »

(Ch. 2 ; verset 19)

Cinquième (‘Hamichi), sixième (Chichi) et septième (Chevii) montées :

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Rachi relève une différence fondamentale entre ces deux ordres de Hachem, il nous explique que la mise en garde concernant Moav consiste à ne pas les provoquer au combat, mais de se montrer en arme devant eux afin de les effrayer. Tandis que pour Amon, il est interdit même de les provoquer, c'est-à-dire même de simplement les effrayer ! Pourquoi une telle différence ? Afin de répondre à cette question recélant un enseignement d’une immense profondeur, il faut rappeler l’histoire de ces deux peuples : Avant la destruction de Sodome, Loth fut sauvé par des anges et réussit à se réfugier avec ses deux filles dans une grotte. Ces dernières, pensant que l’humanité entière avait été anéantie, eurent l’idée d’enivrer leur père chacune à son tour, afin d’avoir un enfant de lui, et de repeupler le monde. C’est ainsi qu’elles donnèrent naissance à deux garçons, l’aînée prénomma son fils Moav, et la seconde Ben Ami. Rachi nous explique donc ceci : Comme la mère de Ben Ami (Amon) s’est montrée plus pudique en nommant son fils « Ben Ami » qui signifie : fils de mon peuple, au contraire de sa sœur qui nomma le sien : « Moav » signifiant : De mon père ! Cette dernière exhibe en effet aux yeux de tous que son enfant est issu d’une relation incestueuse ; et bien de ce fait, leurs destinées seront tout à fait différentes. Mais ces paroles de Rachi nécessitent un éclaircissement ! En effet, l’histoire des filles de Loth se passe plusieurs centaines d’années avant l’ordre que Hachem donne à Moshé de ne pas rentrer en guerre contre ces deux peuples, or un acte (celui de la fille qui nomma pudiquement son

Rav Chakh

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enfant Ben Ami) tellement éloigné dans le temps peut-il avoir encore une influence sur la postérité ? La réponse est toute simple : oui ! Le Rav Chakh (zatsal) explique que tous les actes commis du début à la fin de la création sont liés les uns aux autres comme une immense chaîne. C’est ainsi que nous-mêmes sommes directement liés aux actes de nos pères qui le sont eux-mêmes aux leurs et ainsi de suite jusqu'à Avraham, Its’hak et Yaacov. Nous sommes chacun un maillon de la chaîne de l’Histoire. Et ce qui s’est passé il y a plusieurs milliers d’années nous touche concrètement aujourd’hui et influera aussi sur nos descendants et ceci jusqu’à la fin des temps. Nos actes, petits et grands, auront un impact sur toutes les générations suivantes, nous touchons là du doigt à l’infinitude de notre responsabilité individuelle ! C’est exactement ce que nous enseignent ces versets : la mère de Ben Ami (Amon), pour un petit acte que l’on pourrait qualifier de naturel, une petite marque de pudeur, va transmettre à tous ses descendants un mérite extraordinaire, au point que Hachem « en Personne » interdira à Moshé de leur causer le moindre préjudice ! Un acte, une parole, les plus petits soient-ils, peuvent avoir une portée extraordinaire sur le monde et la postérité. Rien ne se perd, le Bien comme le Mal, mais lisez plutôt… Guidi Kats est pilote dans l’armée israélienne. Il fait la fierté de ses supérieurs qui ne cessent de vanter sa maîtrise de soi, son sérieux et son professionnalisme. Il pilote son avion de chasse avec une stupéfiante précision, et ne rate jamais sa cible. « Cela ne m’étonnerait pas que Gidi Kats se retrouve à ma place dans vingt ans ! » proclame souvent son commandant. Par ailleurs, bien que très patriote, Guidi grandit dans un monde israélien laïc très éloigné du Judaïsme. Un jour pourtant, une proposition va le tenter, qui va bouleverser sa vie : le Rav Hapikoudi (de l’armée), Chaoul Dror, organise un voyage en Pologne afin de faire découvrir aux soldats les camps de la mort où des millions de nos frères périrent. Interpellé, Guidi est le premier à s’inscrire. Pourquoi ? Parce que beaucoup de questions le préoccupent à ce sujet, et depuis longtemps. En effet la mère de Guidi, Ahouva Kats est fille de rescapés. Sa grand-mère, Brouria

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Verker, n’était qu’une enfant lorsqu’elle perdit ses parents dans les camps de concentration. Toute jeune et orpheline, ayant survécu à cette guerre innommable, elle monta seule en Erets Israël. Les années passèrent et la cicatrice se referma tout doucement, elle construisit un foyer heureux, mais pourtant, quelque chose de mystérieux enveloppait sa famille, comme ce fut le cas pour toutes les familles issues de rescapés de la Shoa : on ne parla jamais de cette guerre ou plutôt de ce massacre barbare dans la maison de Guidi, et sa grand-mère Brouria ne lui raconta jamais le moindre petit évènement au sujet de ce qu’elle vécut dans les camps, ni ne prononça la moindre allusion à son terrible passé. C’est pourquoi Guidi se sentit tellement concerné quand tout à coup s’ouvrit à lui la possibilité de rencontrer le passé de sa famille et de son peuple. Il avait soif de savoir, soif de les comprendre, un tant soit peu. C’est ainsi que quatre cents soldats de l’armée de l’air israélienne se rendirent en Pologne, accompagnés par le Rav Dror. Guidi ne le quitta pas d’une semelle, il but chacune de ses paroles, s’abreuva de tous ses commentaires, chaque description, chaque explication l’ébranlèrent au plus profond de son être. Ils regardèrent tous avec horreur et dégoût les monticules de nattes de cheveux, de chaussures et de montres, et eurent le sentiment de vivre véritablement un cauchemar quand ils découvrirent avec quel « professionnalisme » les maudits nazis tuèrent et torturèrent leurs aïeux avec sang-froid et application. La Reine Chabbat arrive, les quatre cents soldats de l’armée de l’air quittent leur hôtel pour se rendre à la grande synagogue de Varsovie. Guidi, son livre de prière entre les mains, essaye tant bien que mal de suivre l’office, mais il n’arrive pas à fusionner avec les autres, le langage de la prière lui est trop étranger. Un léger vertige le surprend et il reste muet tout le long du Chabbat. Four crématoire du camp de Struthof

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Leur dernière destination est le camp de la mort de Struthof. Dès qu’il y pénètre, Guidi ressent comme un feu inexplicable monter en lui. Lorsque le Rav Chaoul Dror sonne du Chofar à la porte du camp, Guidi quitte son groupe et se dirige vers les chambres à gaz qui l’attirent irrésistiblement. Il regarde l’intérieur de l’une des chambres et tout son corps se met alors à trembler. Il sort et contemple les terribles fours crématoires, et puis soudain, une folle envie le prend de… danser ! Oui, de danser ! Il palpe ses poches et en sort le petit livre de Tehilim que le Rav lui a donné, le presse contre son cœur, et se met à danser ! Il saute, élance ses bras, plie son corps, se relève, balance ses jambes… Il ne manque que la musique ! Guidi Kats, le soldat tellement sérieux et organisé se laisse aller sans comprendre lui-même, il fredonne à présent une chanson qui était enfouie jusque-là dans sa mémoire d’enfant " Sissou véssim’hou béssim’hat Torah, outnou kavod laTorah" (Réjouissez-vous le jour de Sim’hat Torah et exprimez votre respect à la Torah). « Je suis devenu fou ! se dit Guidi, je danse avec un livre de Tehilim et fredonne un chant Juif traditionnel au beau milieu des chambres à gaz et des crématoriums ? » Guidi ressentit alors le besoin de téléphoner à sa mère afin de partager avec elle ce moment tellement intense. Il sort son téléphone portable et compose le numéro de téléphone de la maison : « Allo maman, je me trouve en ce moment précis dans les camps de Struthof, ne me demande pas pourquoi ni comment, mais je me suis mis à danser, un livre de Tehilim dans les mains, en face des chambres à gaz ! » Ahouva Kats, après avoir gardé le silence une bonne longue minute, lui dit : « Téléphone à Savta (grand-mère) et raconte-lui où tu te trouves… » Guidi s’exécuta : -Savta (grand-mère) Brouria, nous n’avons jamais parlé ensemble de ce sujet, mais je tiens aujourd’hui à te raconter quelque chose d’incroyable qui m’arrive. Nous avons voyagé en Europe pour visiter les camps de la mort et je me trouve à cet instant précis dans le camp de Struthof, en Alsace, je tiens en main un petit livre de Tehilim et je chante et danse… comme un Juif religieux d’antan… -Guidone (Guidi étant le diminutif de ce prénom) mon petit-fils… Je suis une rescapée du camp de Struthof. J’y ai vécu l’enfer durant quatre ans. Là-bas j’y ai perdu mon père et mes deux sœurs. Te trouves-tu à côté des crématoriums ? -Oui, Savta. Après un silence où l’hésitation était comme palpable, Savta Brouria lui raconta : -Guidone, tu me dis qu’une envie incontrôlable t’a pris de danser et de chanter et que tu ne comprends pas pourquoi ? Alors laisse-moi te

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raconter… J’avais huit ans lorsqu’un jour funeste, les maudits nazis ont entraîné mon père et neuf autres Juifs jusqu’aux chambres à gaz, en leur donnant l’abominable mission de sortir les cadavres des chambres à gaz et de les traîner jusqu’aux crématoriums. Je les observais depuis le hangar adjacent dont le numéro était 121. -Oui, Savta, je vois le hangar, dit Guidi. -Papa et ses amis, des Juifs barbus squelettiques, des ombres d’hommes, traînaient les corps à grand peine, trop faibles qu’ils étaient, et recevaient

pour cela des pluies de coups de leurs tortionnaires : « Shnell shnell », disaient ces monstres toujours pressés. Puis, à la sortie des étoiles, mon père s’exclama soudain à voix haute : « Chers frères Juifs ! Aujourd’hui c’est Sim’hat Torah ! (fête Juive où l’on termine la lecture de la Torah et redémarre aussitôt afin qu’elle ne soit jamais interrompue), nous devons danser avec notre Sainte Torah ! ». L’un des Juifs répondit qu’ils n’avaient pas de Sefer Torah ! Avec quoi allaient-ils danser ? Papa sortit alors de sa poche, à l’émerveillement de tous, une feuille du livre des Tehilim, et tous se mirent à danser avec enthousiasme en chantant la

Chambre à gaz dans le camp de concentration Struthof à Natzwiller (Alsace)

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fameuse chanson Sissou véssim’hou béssim’hat Torah. Les pauvres Juifs décharnés qui dansaient sous mes yeux d’enfant étaient comme des anges face à l’ange de la mort. Mais cela finit mal Guidi… Les nazis tirèrent sur eux à bout portant, et appelèrent d’autres pauvres Juifs pour les jeter à leur tour dans les fours crématoires, ce fut la dernière fois que je vis mon père… il était si joyeux… et tu sais quoi Guidi ? Tu portes son nom, Guidone ! Tu as sans doute dansé exactement au même endroit où ton arrière grand-père a dansé ! » Savta Brouria essuya ses larmes tandis que Guidi, s’appuyant contre l’un des murs du crématorium murmura, secoué par de violents sanglots : « Saba (grand-père) Saba, je vais décoller maintenant, depuis l’endroit où ils t’ont fait mourir… » L’officier était stupéfait : « Je vous présente ma lettre de démission, je ne peux plus servir dans l’armée… » lui dit Guidi ; puis, avant de partir, il se dirigea vers le bureau du Rav et lui dit ceci : « Rav, Je vous remercie infiniment pour ce voyage merveilleux en Pologne. Grâce à vous, je quitte l’armée de l’air et vais effectuer le vol le plus capital de ma vie : l’envol vers mon peuple et vers mon passé. Je me décolle de mon égo et me dirige vers le don de soi, à la mémoire de mon grand-père mort pour la Gloire Divine. »

(Ha’itonaï 1)

Moshé rappelle la requête fait à Si’hon :

י ) כח( רני ואכלת ב ש סף ת כ רה אכל ב תיתי רק אעב ן לי וש ת סף ת כ ומים ב :ברגלי

« Les vivres que je mangerai, vends-les moi à prix d’argent ; donne-moi à prix d’argent l’eau que je veux boire. Je veux simplement passer à pied. »

(Ch. 2 ; verset 28) La formulation de la demande de Moshé est étonnante, en effet qu’a-t-il besoin de préciser qu’il veut des vivres pour les manger, est-ce que l’on boit de la nourriture ? Pareillement pour la boisson, est-ce que l’on mange de la boisson ? Moshé voulut en fait rassurer Si’hon en lui montrant, par sa façon de s’exprimer, qu’il n’achèterait des vivres que pour les besoins du moment

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et non pas dans l’intention d’affamer sa population en achetant des quantités colossales de nourriture et de boisson. Quittons à présent un peu nos commentaires, et appuyons-nous sur notre verset afin d’introduire une histoire peu commune qui nous fit bien sourire. Afin d’en comprendre la portée, nous devons tout d’abord vous présenter l’un des plus grands Talmidéi ‘Hakhamim (érudits) de ces deux cents dernières années : Rabbi Mechoulam Igra (zatsal). Nous pourrions écrire tout un livre afin de décrire son génie et ses connaissances en Torah. Il fut l’un des diamants de sa génération qui compte parmi les plus extraordinaires. Rabbi Mechoulam naquit dans une famille d’une extrême pauvreté, ce qui ne l’empêcha pas de s’adonner à l’étude de la Torah de façon exceptionnelle. A huit ans déjà sa réputation était faite, tous voyaient en lui le potentiel d’un futur génie de l’histoire. A cette époque, lorsque le nom d’un enfant prometteur circulait dans les villes, toutes les familles riches se le disputaient comme futur gendre, ainsi, dès l’âge de treize ans, il se trouvait fiancé. Le père de la fiancée s’engageait à assurer la subsistance du jeune couple afin de lui permettre de grandir en Torah jusqu'à devenir un Talmid ‘Hakham. C’est ce qui arriva donc à Rabbi Mechoulam, le plus important notable (le Parnasse) de la ville souhaita le marier à l’une de ses filles. Rabbi Aharon Kotler (zatsal) avait l’habitude de raconter autour de lui cette première rencontre de Mechoulam avec sa future belle-famille. La coutume voulait que l’on invite le futur gendre à dîner dans la maison de la promise. Le jeune Mechoulam se rendit ainsi chez le Parnasse de la ville. A cette époque, le commerce de café commençait à se développer et il n’était donc encore qu’un produit de luxe que seuls les riches avaient le privilège de s’offrir. C’est ainsi que pour l’occasion, et afin d’honorer le jeune érudit, du café fut servi. Sur le plateau se trouvaient un petit carafon de lait, ainsi qu’une coupelle de sucre et une tasse à café. Rabbi Mechoulam, n’ayant de sa vie ni vu ni goûté à du café, ne savait pas du tout comment procéder : du lait, du sucre, du café ?! Par quoi fallait-il commencer ? Il réfléchit, et en s’aidant de ses connaissances Talmudiques, il fit ce raisonnement : par exemple il savait que nos sages nous enseignent que la nourriture se consomme avant la boisson, il prit

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donc la coupelle de sucre et en vida le contenu ! La fiancée qui se trouvait en face de lui le regarda alors d’une façon que le langage ne peut décrire ! Rabbi Mechoulam quant à lui, poursuivait ses réflexions, se trouvant face à un nouveau dilemme : d’abord le café noir ou le lait blanc ? Encore une fois il s’aida de ses connaissances en Torah : Il est écrit que la nuit vint avant le jour ! Il but donc le café en premier et ensuite le lait. Mais après avoir fini son café, il vit du marc au fond de sa tasse, il se demanda de nouveau ce qu’il convenait de faire, puis presque instantanément il trouva la réponse : si on lui avait donné une cuillère, c’était forcément pour manger le marc. Et c’est ce qu’il fit, jusqu’au dernier grain ! Le visage de la fiancée s’était complètement transformé, voyant la façon dont son fiancé avait bu et… mangé son café, elle éclata en sanglots et se réfugia dans la cuisine afin de trouver du réconfort auprès de sa mère. Le père embarrassé accourut à son tour dans la cuisine… La jeune fille leur raconta avec force détails ce qu’elle venait de voir, elle pleura et se lamenta, elle ne pourrait jamais épouser un tel garçon ! Son père essaya de la consoler en lui assurant qu’il s’agissait d’un véritable Sefer Torah vivant ! Elle lui répondit que la place d’un Sefer Torah était dans le Aron Hakodesh mais pas dans sa future demeure ! Le père n’eut donc pas d’autre choix que d’annuler le mariage. Très peu de temps après, la jeune fille trouva un autre ‘Hatan (fiancé), et Rabbi Mechoulam une autre Cala (fiancée). Dix-sept années passèrent, et le Parnasse dut se rendre un jour à Bresslavia pour affaire. Il décida de rendre visite au Rav de la ville, célèbre érudit de la génération : Rabbi Yéoshoua Fik (zatsal). Autorisé à pénétrer dans sa chambre, il entra donc, et constata que le Rav était très troublé, il allait et venait dans la pièce sans discontinuer. Quelque chose le tracassait. Le Parnasse, voyant le Rav dans cet état, lui proposa son aide : Avait-il besoin d’argent, d’un conseil ? Rabbi Yéoshoua se tourna alors vers lui et dit : « Je suis vraiment désolé, mais je ne pense pas que vous puissiez m’aider dans ce cas précis. » Le Rav continua à aller et venir et le Parnasse désemparé proposa de nouveau son aide. Rabbi Yéoshoua lui dit alors : « Je viens de recevoir une lettre d’un jeune érudit et je ne parviens pas à pénétrer le fond de sa pensée tant ce qu’il écrit est profond ! Je te présente mes excuses de ne pas pouvoir encore être à toi mais je dois me concentrer afin de le comprendre. » Le Parnasse fut stupéfait : Comment ? Rabbi Yéoshoua, un Rav d’une telle grandeur, ne comprend pas ce qu’un jeune érudit lui écrit ! Piqué par la curiosité, il lui demanda le nom de ce jeune érudit. Le Rav se tourna vers lui et répondit :

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« La lettre est signée : Mechoulam Igra. » En entendant le nom que le Rav venait de prononcer, le visage du Parnasse changea de couleur, et tout à coup il s’évanouit… on le ranima au plus vite. Et lorsqu’il eut repris connaissance, le Rav lui demanda ce qui s’était passé. Le Parnasse lui raconta comment dix-sept années auparavant le fameux Mechoulam Igra était sur le point de devenir son gendre, mais que pour une « sombre » histoire de café, le mariage avait été annulé. Rabbi Yéoshoua, abasourdi par ce qu’il venait d’entendre, lui répliqua que si c’était pour cette raison qu’il s’était évanoui et bien… il avait bien fait ! Et il lui conseilla même ensuite de s’évanouir une deuxième fois… Que devons-nous apprendre de cette histoire ? Après cent-vingt ans, lorsque nous nous présenterons devant le Tribunal Céleste, nos yeux se dessilleront et nous comprendrons alors que nous aussi durant notre séjour sur terre, nous sommes parfois passés à côté de ce que nous aurions dû faire, seulement ce sera trop tard… Efforçons-nous donc dès aujourd’hui de respecter la Volonté de notre Créateur, faisons Sa fierté !