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Communication La nouvelle classification de l’OMS : « Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé » F. Chapireau* Chercheur associé au Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale, EPS Érasme, BP 85, 92160 Antony, France Résumé – La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) vient d’être adoptée par l’Organisation mondiale de la santé. Elle est destinée à remplacer la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH), appelée en France : Classification internationale des handicaps (CIH). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS classification / fonctionnement / handicap Summary – The new WHO classification : International Classification of Functionning, Disability and Health. The international classification of functioning handicap and health has recently been adopted by the World Health Organization. It will replace the International Classification of deficiencies, incapacities and handicap. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS classification / functioning / handicap La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) vient d’être adoptée par l’Organisation mondiale de la santé [7]. Elle est des- tinée à remplacer la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH), appelée en France : Classification internationale des handicaps (CIH) [6]. L’élaboration de cette nouvelle classification a été évoquée devant cette société [3, 4]. LA CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES HANDICAPS La CIH a suscité beaucoup d’intérêt chez les psychia- tres, et particulièrement chez les spécialistes de l’enfance et de l’adolescence, en raison de son cadre conceptuel qui permet de surmonter un certain nombre d’impasses théoriques et pratiques. La CIH, appelée aussi « manuel de classification des conséquences des maladies », a été élaborée par Philip Wood, professeur de santé publique à Manchester. Pour décrire les maladies et leurs conséquences, Wood a proposé un modèle descriptif formé de quatre plans d’expérience. Les phénomènes morbides ou psychopa- thologiques se situent sur le plan de la maladie. C’est là qu’est posé le diagnostic. Les atteintes d’organes ou de fonction sont appelées déficiences. Les limitations des gestes et activités de la vie ordinaire engagent la per- sonne dans son ensemble, animée par une intention ou un but : on les appelle incapacités. Enfin, les limitations au libre exercice des rôles sociaux défavorisent la per- sonne par rapport à la situation qui serait la sienne si elle était bien portante. Il s’agit du désavantage social, dans quelques dimensions majeures, choisies pour s’appli *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (F. Chapireau). Ann Méd Psychol 2002 ; 160 : 242-6 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S000344870200166X/FLA

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Communication

La nouvelle classification de l’OMS :« Classification internationale du fonctionnement,du handicap et de la santé »

F. Chapireau*Chercheur associé au Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formationen santé mentale, EPS Érasme, BP 85, 92160 Antony, France

Résumé – La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) vient d’être adoptée parl’Organisation mondiale de la santé. Elle est destinée à remplacer la Classification internationale des déficiences,incapacités et handicaps (CIDIH), appelée en France : Classification internationale des handicaps (CIH). © 2002Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

classification / fonctionnement / handicap

Summary – The new WHO classification : International Classification of Functionning, Disability and Health.Theinternational classification of functioning handicap and health has recently been adopted by the World HealthOrganization. It will replace the International Classification of deficiencies, incapacities and handicap. © 2002 Éditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS

classification / functioning / handicap

La Classification internationale du fonctionnement, duhandicap et de la santé (CIF) vient d’être adoptée parl’Organisation mondiale de la santé [7]. Elle est des-tinée à remplacer la Classification internationale desdéficiences, incapacités et handicaps (CIDIH), appeléeen France : Classification internationale des handicaps(CIH) [6]. L’élaboration de cette nouvelle classificationa été évoquée devant cette société [3, 4].

LA CLASSIFICATION INTERNATIONALEDES HANDICAPS

La CIH a suscité beaucoup d’intérêt chez les psychia-tres, et particulièrement chez les spécialistes de l’enfance

et de l’adolescence, en raison de son cadre conceptuelqui permet de surmonter un certain nombre d’impassesthéoriques et pratiques. La CIH, appelée aussi « manuelde classification des conséquences des maladies », a étéélaborée par Philip Wood, professeur de santé publiqueà Manchester.

Pour décrire les maladies et leurs conséquences, Wooda proposé un modèle descriptif formé de quatre plansd’expérience. Les phénomènes morbides ou psychopa-thologiques se situent sur le plan de la maladie. C’est làqu’est posé le diagnostic. Les atteintes d’organes ou defonction sont appelées déficiences. Les limitations desgestes et activités de la vie ordinaire engagent la per-sonne dans son ensemble, animée par une intention ouun but : on les appelle incapacités. Enfin, les limitationsau libre exercice des rôles sociaux défavorisent la per-sonne par rapport à la situation qui serait la sienne si elleétait bien portante. Il s’agit du désavantage social, dansquelques dimensions majeures, choisies pour s’appli

*Correspondance et tirés à part.Adresse e-mail : [email protected] (F. Chapireau).

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quer dans tous les pays : le besoin d’aide personnelle, lamobilité, l’occupation, le réseau social, les ressourcesfinancières.

Le modèle descriptif permet le recueil des informa-tions. Ensuite a lieu l’analyse du processus entre lesdifférents facteurs et avec l’environnement, qui permetenfin le choix d’une stratégie d’aide et de soins. Modèle,processus et stratégie sont trois étapes successives dontchacune est indispensable à la suivante. Cette démarcheest ouverte à des causalités multiples, en interactionl’une avec l’autre. Elle est conçue pour faciliter lesactions en collaboration. Elle fournit un outil très effi-cace pour faire évoluer les représentations du handicapet pour ouvrir les pratiques de l’autarcie vers le partena-riat, dans le respect de la spécificité de chacun. Ellepermet d’articuler les troubles psychopathologiques etleurs conséquences, alors que l’organisation des dispo-sitifs en France oblige, avant même de commencer àaider une personne, à décider si elle est malade (secteursanitaire), handicapée (secteur médico-social), endanger moral (protection judiciaire de la jeunesse), etc.Ces cloisonnements ont de graves conséquences dontsouffrent ceux qui présentent des troubles handica-pants. Exemple particulièrement démonstratif : un cer-tain militantisme a tenté de fermer l’accès aux soinspsychiatriques pour les personnes souffrant d’autismeen exigeant sa reconnaissance législative comme han-dicap plutôt que comme maladie. La loi du 4 décembre1996 n’a pas suivi cette position extrême et s’appuie surla notion de « handicap résultant du syndrome autis-tique et des troubles qui lui sont apparentés ».

Dès 1994, Roger Misès et Nicole Quémada publiaientune adaptation de la CIH destinée aux enfants et ado-lescents [5]. L’un des aspects notables de cette adapta-tion est l’abord du retentissement sur la qualité de viefamiliale, dimension trop souvent négligée en pratiqueet dans la recherche.

En résumé, la CIH a été pendant plus de vingt ansune référence internationale, malgré des faiblesses danssa partie proprement classificatoire. Contrairement à ceque certains auteurs ont affirmé, elle était d’inspirationplus européenne que nord-américaine : elle ne visait passeulement à décrire et à analyser les facteurs contribuantau processus de handicap ; dès les premières phrases del’introduction, elle annonçait l’objectif de fournir desinformations aux responsables politiques, pour leurpermettre de dégager les priorités de l’action publique,par la définition de seuils au-dessous desquels les per-sonnes doivent recevoir une aide.

LA RÉVISION DE LA CLASSIFICATION

Commencée en 1993, la révision a abouti en 2001. Ellea impliqué la participation de très nombreux centres de

recherche et d’experts, mais aussi d’associations de per-sonnes souffrant de handicap. Les participants à cetterévision se sont en partie renouvelés d’année en année,suivant ainsi l’affirmation de plus en plus prononcée desprincipes choisis par les coordonnateurs de Genève.Pour la clarté de l’exposé, présentons d’emblée cesprincipes.

Dans leur long article [2], seule référence bibliogra-phique citée dans la CIF, les coordonnateurs placentleurs orientations sous le signe de choix politiques1 :

« En fait, dans le futur prévisible, les politiques duhandicap (disablement), seront déchirées par un combatinterne entre deux stratégies politiques antagonistes. Lapremière caractérise les personnes handicapées (disabledpeople), comme un groupe social minoritaire qui doitrechercher ses droits civiques de base et combattrecontre la discrimination. […] La seconde insiste pourdire que le handicap (disablement), est un phénomènehumain universel. […] La version révisée de la CIDIH[…] incorpore l’universalisme comme principe conduc-teur » (p. 1179).

Ils donnent en exemple la législation des États-Unisd’Amérique (p. 1180) et concluent : « Plutôt qued’identifier des besoins spéciaux qui requièrent uneattention spéciale (et une législation spéciale, des agencesspéciales et des experts spéciaux), nous avons besoin devoir que toutes les personnes ont des besoins qui varientde manière grossièrement prévisible, dans le cours deleur vie. La politique de l’incapacité n’est donc pas unepolitique pour quelque groupe minoritaire, c’est unepolitique pour tous » (p. 1182).

Ainsi, les coordonnateurs de la révision écartent l’idéed’une « attention spéciale » portée aux personnes lesplus en difficulté, au profit d’une attention universelleportée à tous. Ils sont encore plus précis dans un autrearticle [8], en affirmant que la CIF, qui n’était pasencore désignée sous cet acronyme, « enlève la sépara-tion artificielle et inutile entre “les handicapés” (thedisabled) et tous les autres et rend possible l’étude desobstacles à la pleine participation que la société crée ».La CIF vise, grâce au militantisme, à modifier l’envi-ronnement (dans son sens le plus large) pour le rendreaccueillant à tous et permettre la pleine participation dechacun.

Il en résulte trois conséquences. En premier lieu, lanouvelle classification devient une description univer-selle du fonctionnement humain, présentée de manièreneutre. À partir de cette classification neutre se dédui-sent les limitations de fonctionnement, grâce à l’adjonc-tion de « qualificateurs » qui indiquent la sévérité des

1 Notre traduction. Cette précision s’applique à tous les extraits delivre ou d’articles ci-dessous.

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limitations, le besoin d’aide, et l’effet de l’environne-ment (environnement « facilitateur » ou obstacle). « Lehandicap (disablement) se comprend désormais commeune variation identifiable du fonctionnement humain »(p. 1184). Une deuxième innovation de la classificationest l’introduction de la notion de « participation », quiconcerne « tous les domaines de la vie humaine »(p 1184). Il s’agit d’identifier puis de modifier les obs-tacles sociaux, ou l’insuffisance des « facilitateurs »nécessaires, qui s’opposent à la pleine participation detous. En vue de cet objectif (c’est la troisième innova-tion), la classification inclut désormais une liste trèslarge de facteurs environnementaux.

Au moment où la CIF était adoptée par l’OMS,paraissait un livre [9] coordonné par les experts chargésde la nouvelle classification, et rendant compte de larecherche multicentrique internationale intitulée« Cross-cultural applicability research (CAR) » conduitepar l’OMS, avec T.B. Üstün en qualité d’investigateurprincipal, dans le cadre d’un contrat financé par leNational Institute of Health (USA). L’ouvrage ne men-tionne pas les travaux de certains centres, tels que lecentre collaborateur français pour la révision de la CIH,le Centre technique national pour l’étude et la recherchesur les handicap et les inadaptations (CTNERHI), oùont été conduites, conformément à la méthodologieindiquée, plusieurs recherches importantes, dont il setrouve qu’elles n’allaient pas dans le sens des conclu-sions de l’ouvrage. La conclusion principale de l’ouvrageest qu’il existe un certain nombre de points concernantle handicap, à propos desquels il existe une validitéinternationale. Une autre conclusion sur laquelle lesauteurs insistent particulièrement est que les troublesmentaux et leurs conséquences sont l’objet d’une stig-matisation plus forte que les troubles physiques, y com-pris dans des programmes d’aide et de soins moinsdéveloppés. Ils nomment cet écart : absence de parité.

En réponse à un ouvrage d’anthropologie qui préco-nise de placer chaque conception du handicap dans soncontexte culturel, Üstün affirme : « Quelques thèmescommuns et clairs ont émergé. Le handicap (disability)est universellement reconnu comme un aspect de l’expé-rience humaine de santé. D’une culture à l’autre, lesphénomènes du handicap sont vus comme se produi-sant au niveau des structures ou des fonctions du corps,au niveau de la personne remplissant ses activités aujour le jour, et comme résultat direct de barrières oud’obstacles qu’elle rencontre dans son environnement.Partout dans le monde, le handicap est l’objet de stig-matisation, quoique l’ampleur et la qualité de cettestigmatisation varient, et qu’il y a une bifurcation clairedans les attitudes et les services destinés aux personnes

avec des problèmes de santé physique, par opposition àcelles avec des troubles d’alcool, de drogue, ou men-taux » (p. 318).

« Nous sommes maintenant en position de dire avecautorité que les preuves empiriques soutiennent la pos-sibilité d’une compréhension transculturelle communedu handicap (disability) et, de même, d’un langageinternational commun pour le fonctionnement et lescatégories de handicap qui peut être utilisé de pays enpays sans imposer subrepticement une compréhensionculturelle au reste du monde » (p. 319).

Contentons-nous de souligner ici que les deux recher-ches ne se situent pas sur le même plan. La difficultédans la démarche de Üstün se situe dans le choix d’unmoyen d’action uniforme : la modification d’un envi-ronnement décrit partout sur les mêmes bases. Autre-ment dit, il préjuge de la priorité d’action, au lieu derechercher un moyen de faire le mieux possible deschoix divers dans des situations diverses. Après avoirdonné en exemple (dans l’article cité ci-dessus) la légis-lation des États-Unis d’Amérique, il se place dans unecontradiction difficile à surmonter lorsqu’il affirme queses conclusions sont valables dans tous les contextesculturels.

Dans le cadre du processus international de révision,le centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et lasanté mentale (CCOMS) a organisé à Paris en juin 2000une conférence d’experts dont les rapports ont étépubliés [1]. Cette conférence, mise en œuvre par leGroupe français d’épidémiologie psychiatrique (mem-bre du CCOMS), a réuni des psychiatres, des sociolo-gues, des spécialistes du handicap, des administratifs etdes représentants d’associations : Union nationale desamis et familles de malades mentaux (UNAFAM), etFédération nationale des malades psychiques (FNAPsy).Cette conférence s’est prononcée sur une version pro-visoire dite Béta-2, et a émis de sérieuses réserves sur lesprincipes de base, mais aussi sur la présentation jugéetrès comportementale de la santé mentale.

LA CLASSIFICATION INTERNATIONALEDU FONCTIONNEMENT, DU HANDICAPET DE LA SANTÉ (CIF)

La CIF couvre « tous les aspects de la santé humaine etcertains aspects du bien-être relevant de la santé » (p. 5).Le texte distingue entre les « domaines de la santé » etles « domaines liés à la santé » sans en définir les fron-tières, mais en annonçant que, avec le temps, les pre-miers sont destinés à s’élargir aux dépends des seconds(p. 166).

La vocation de la CIF est annoncée clairement : « Oncroit souvent que la CIF ne concerne que les personneshandicapées : en fait, elle concerne tout un chacun…

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En d’autres termes, la CIF est d’application univer-selle » (p. 5). À l’appui de cette affirmation est citél’article paru dans Social Science and Medicine, évoquéplus haut.

La CIF comporte deux niveaux. Celui du corps sedivise en deux branches : les organes et les fonctions. Ledeuxième niveau, dépourvu de nom, ne comportequ’une branche, qui sert à décrire à la fois les activités etla participation : la même classification sert à coder lesdeux dimensions. À ces trois classifications, organiséesen deux niveaux, s’ajoute une liste de facteurs environ-nementaux. Au premier niveau, les difficultés s’appel-lent déficiences (de structure ou de fonction), au second,ce sont des limitations (d’activité ou de participation).

(cf. Tableau I).Par rapport au tableau ci-dessus, les définitions opé-

rationnelles sont plus restrictives. La participation(appelée aussi performance) se définit par ce que lapersonne réalise effectivement. L’activité (appelée aussicapacité) se définit par ce que la personne réaliseraitdans un environnement standard international, dont letexte précise qu’il reste à définir (la traduction françaiseparle de façon inexacte « d’environnement imaginaire »(p. 13), alors que le texte original anglais vise un envi-ronnement supposé, assumed). Dans les définitions opé-rationnelles, la différence entre la capacité (supposée) etla participation (constatée) résulte par définition del’environnement, lequel peut exercer deux typesd’actions : obstacle, ou « facilitateur ». Ces définitionsne laissent pas de place à une action de la personne surson environnement ou à une interaction complexe entrel’une et l’autre.

La description de l’activité et de la participation parune seule classification a été décidée peu avant la pré-sentation à l’assemblée générale de l’OMS, alors que lesnombreuses années de consultation internationalevenaient de se clore. Jusque-là, l’activité et la participa-tion étaient représentées par deux classifications dis-tinctes. C’est pourquoi les articles et le livre publiés parles experts de l’OMS de même que les contributions à larévision se réfèrent tous et toutes à un schéma en troisniveaux : structures et fonctions, activités, participa-

tion. Toutefois, la CIF laisse les utilisateurs libres decoder la liste « activités et participation » en choisissantl’une ou l’autre de quatre modalités de chevauchementpossibles (p. 188-191). Ainsi, les utilisateurs qui le sou-haitent peuvent modifier la structure de la CIF.

Quoique la CIF présente la santé sous une formeneutre, ses définitions opérationnelles la rapprochentbeaucoup d’une approche par la santé négative. Nouslisons : « Les codes de la CIF ne sont complets que si onleur ajoute un code qualificatif… Sans ces derniers, lescodes principaux n’ont aucune signification » (p. 20).Toutes les explications sur l’utilisation de la CIF, toutesles directives pour le codage et tous les exemples portentsur les problèmes ; aucun sur le fonctionnement sous saforme neutre.

La CIF est beaucoup plus complexe qu’elle ne paraît.L’avenir dira s’il s’agit d’une force ou d’une faiblesse. Ilest possible que des courants divers, mais se réclamanttous de la CIF, exercent une influence groupée. Leurpoint commun pourrait se trouver dans la nouveauté dela CIF par rapport à la CIH : l’accent a cessé de portersur la solidarité et sur l’action publique, et s’est déplacévers les droits de la personne et vers l’action des groupesmilitants. Cette évolution dépasse le simple cadre d’uneclassification : elle fait écho à un vaste mouvementcontemporain. Plus qu’un outil utilisable concrètement,la CIF pourrait devenir une référence emblématique decette transformation sociale en cours.

La CIF et la santé mentale

Le point positif le plus important pour la santé mentaleest l’affirmation, étayée par une recherche multicen-trique internationale, selon laquelle les personnes souf-frant de troubles mentaux sont l’objet d’unestigmatisation plus importante que les personnes souf-frant de troubles physiques, et que les dispositifs d’aideet de soins sont généralement de moins bonne qualitépour les premières que pour les secondes.

En principe, l’approche dite universaliste devraitconduire principalement, voire uniquement, à desétudes en population générale en vue de comparer les

Tableau I.

CLASSIFICATION INTERNATIONALE DU FONCTIONNEMENT, DU HANDICAP ET DE LA SANTEDANS LE CONTEXTE DE LA SANTELes fonctions organiques désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques (y compris les fonctions psychologiques).Les structures anatomiques désignent les parties anatomiques du corps telles que les organes, les membres et leurs composantes.Déficiences désignent des problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique tels qu’un écart ou une perte importante.Activité désigne l’exécution d’une tâche par une personne.Les limitations d’activité désignent les difficultés que rencontre une personne dans l’exécution de certaines activités.Les restrictions de participation désignent les problèmes qu’une personne peut rencontrer en s’impliquant dans une situation de vieréelle.Les facteurs environnementaux désignent l’environnement physique, social et attitudinal dans lequel les gens vivent et mènent leur vie.

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régions ou les pays entre eux, et de définir les modifica-tions de l’environnement susceptibles d’améliorer lesort des citoyens. C’est ce que l’OMS a commencé àfaire avec son classement par pays. La mise au pointd’un instrument tiré de la CIF (appelé Disability Asses-sment Schedule, ou WHODAS 2) vise à établir desscores globaux explicitement destinés à cet usage. Cetteglobalisation dans un indicateur unique de tous lesproblèmes de santé ne facilitera pas l’usage en santémentale. Toutefois, la CIF se présente comme un vastecatalogue d’une utilisation particulièrement flexible, desorte que de nombreuses adaptations sont envisagea-bles, et seront donc certainement mises en œuvre, indé-pendamment des principes de base qui ont régi sarédaction. Alors que la CIH a été utilisée pour son cadreconceptuel beaucoup plus que pour sa partie propre-ment classificatoire, la CIF pourra, à l’inverse, êtreutilisée pour sa nomenclature davantage que pour sesprincipes.

Cette communication reprend en partie et sous formeabrégée la teneur d’un article paru dans la revue Géron-tologie et Société 2001 ; 99 : 37-56.

REFERENCES

1 Azéma B, Barreyre JY, Chapireau F, Jaeger M. Classificationinternationale des handicaps et santé mentale. Paris : coéditionCTNERHI GFEP ; 2001.

2 Bickenbach JE, Chatterji S, Badley EM, Üstün TB. Models ofdisablement, universalism and the International Classificationof impairments, disabilities and handicaps. Soc Sc Med 1999 ;48 : 1173-87.

3 Chapireau F. La révision de la. Classification internationale deshandicaps. Ann Med Psychol 1994 ; 152 : 689-91.

4 Chapireau F. Révision de la Classification internationale deshandicaps : enquête auprès de 183 psychiatres francophones.Ann Med Psychol 1996 ; 154 : 557-60.

5 Misès R, Quémada N. Classification des handicaps en patho-logie mentale de l’enfant et de l’adolescent : incapacités, désa-vantages et retentissement sur la qualité de la vie familiale. InfPsychiatrique 1994 ; 70 : 453-62.

6 Organisation mondiale de la santé. Classification internatio-nale des handicaps : déficiences, incapacités, désavantages. Tra-duction INSERM, Paris, CTNERHI, 1988.

7 Organisation mondiale de la santé. Classification internatio-nale du fonctionnement, du handicap et de la santé ; 2001.Disponible sur : URL : http://www.who.int/icidh.

8 Üstün TB, Bickenbach JE, Badley E, Chatterji S, A reply toDavid Pfeiffer, Disability and Society 1998 ; 13 : 830.

9 Üstün TB, Chatterji S, Bickenbach JE, Trotter RT II, Room R,Rehm R, Saxena S, Eds. Disability and culture, universalismand diversity. Seattle : Hogrefe and Huber Publishers ; 2001.

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