la musique antique grecque

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La musique grecque antique par Marielle Eichenberger

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Ethnomusicologie

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  • La musique grecque antiquepar Marielle Eichenberger

  • Table des Matires

    Introduction

    1. Les instruments dans la Grce Antique

    1.1. les cordes

    1.2. les vents

    1.3. les percussions

    2. La pratique musicale dans le quotidien des Grecs

    2.1. les mythes

    2.2. les concours

    2.3. les genres de compositions musicales

    3. Lducation musicale

    3.1. notions pralables

    3.2. les modes

    3.3. les genres et les tons

    4. les rythmes et la notation musicale

    5. les vestiges dcouverts

    Bibliographie critique

    Discographie critique

    Conclusion

  • Introduction

    " La musique, assurons-nous tous, compte parmi les choses les plus agrables, quelle soit simplement instrumentale, ou instrumentale avec chants ".

    Cette citation dAristote, dans Politique, nous plonge immdiatement au cur de lart musical qui occupait une place majeure dans la vie des Grecs anciens. Dpassant tous les arts, la musique a t pratique en de multiples occasions, faisant partie intgrante de leur vie quotidienne. En tmoignent les multiples inscriptions sur les vases, sculptures, peintures, les traits musicaux.

    Bien que les supports crits aient difficilement traverss lpreuve du temps, on dnombre tout de mme une cinquantaine de fragments musicaux retrouvs ce jour. Il sagit principalement de papyrus, de marbre ou de pierre. En ralit, il ny a quune douzaine de fragments que lon peut tudier, les autres tant en trop mauvais tat pour en tirer des lments valables, et par l mme, faire avancer les recherches dans ce domaine.

    A ce propos, force nous est de constater que le nombre de chercheurs spcialiss natteint pas celui des doigts de la main. Non pas que le sujet nait suscit aucun intrt, mais lampleur du travail en ayant rebut plus dun. Ce nest pas le cas de Thodore Reinach, Jacques Chailley, Annie Blis qui se sont intresss de prs cette musique antique ; je serai donc amene citer leurs noms de temps autre, ayant ncessairement eu recours leurs nombreux crits, quil sagisse douvrages ou darticles de priodiques. En ce qui concerne ces articles, je tiens prciser que je ne les ai volontairement pas cits dans la bibliographie car la plupart dentre eux ne fait lobjet que dune ou deux pages.

    La musique dans lAntiquit grecque reprsente environ dix sicles de musique, commenant vritablement au VIIme sicle avant Jsus-Christ ; cest sur lensemble de cette priode que nous allons dcouvrir la richesse et la varit des instruments, la pratique musicale venant tout moment embellir le quotidien, sans oublier bien sr la naissance de la thorie musicale, que les Grecs nous ont lgue.

    1. Les instruments dans la Grce Antique

    Afin de se rendre compte de lampleur et de limportance du rle musical dans la civilisation grecque, il est intressant de connatre une estimation qui a t faite : dans lAntiquit, un vase peint sur dix reprsentait une scne avec un instrument de musique. Aucun autre thme iconographique na jamais atteint cette proportion tonnante !

    Hormis quelques cuivres rservs un usage particulier et les percussions, les instruments prpondrants de la Grce antique rsident dans la lyre et laulos. Ils sont rvlateurs de deux civilisations menant une lutte impitoyable : lune nomade et pastorale dont le symbole est la lyre faite de matire animale, associe au culte dApollon, lautre sdentaire et agricole sexprimant par linstrument vgtal, laulos de roseau, li au culte de Dionysos.

    Il existe naturellement dautres instruments, que jvoquerai aprs avoir tudi plus en dtail ces principaux instruments cordes et vent.

    1.1. les cordes

    La lyre

    Nous venons de citer la lyre comme linstrument cordes le plus populaire dans lAntiquit grecque. En effet, cest avec elle que les enfants sinitiaient la musique ds quils avaient appris lire. Leur cours se droulait chez un " cithariste ", qui tait un professeur de lyre, et non pas de cithare, comme le mot pourrait le laisser croire.

    De nombreuses poteries reprsentent des scnes dcole, o les enfants tiennent une lyre, assis face leur matre.

  • La lyre tait un instrument pour amateurs : on en jouait dans les banquets, les ftes prives, au gynce. Homre y fait allusion dans le chant XVIII (590) de lIliade :

    " Au milieu des filles et garons, un enfant jouait dune claire lyre de faon charmante, accompagnant la belle cantilne quil chantait dune fine voix. Les autres en mme temps le suivaient, frappant le sol avec force, poussant des cris en choeur, marquant les pas de la danse ".

    Pour comprendre tout dabord comment a t conu cet instrument, je relaterais brivement la lgende dHerms qui, enfant, inventa la lyre : il ramassa une carapace de tortue, il y adapta deux montants quil runit par une traverse, tendit une peau de buf sur la caisse ainsi forme et attacha sept cordes sur linstrument naissant. Cette construction se perptua de lpoque archaque jusquau dclin de lempire romain.

  • Les parties essentielles de la lyre sont :

    la caisse de rsonance " echeion ", faite dune carapace de tortue. Une membrane vibrante en peau tait tendue sur le ct concave, accroissant la puissance sonore de linstrument.

    deux bras de corne ou de bois, appels " pecheis " = bras ou " kerata " = corne. Ces bras taient relis par un joug en bois appel " zygon ".

    les cordes en boyau ou en lin, appeles " chordai ", " neurai ", taient fixes au " chordotonion ", ou " chordotonos " en bois situ sur la partie infrieure de la caisse. Elles passaient sur un chevalet appel " magas " et taient tendues jusquau zygon o elles taient attaches des anneaux mobiles de cuir ou de coton ou des chevilles appeles " kollaboi " et " kollopes ".

    La lyre primitive avait trois cordes. Celle qui est le plus souvent reprsente sur les vases en comporte sept. Une huitime corde fit son apparition au VIme sicle avant J.-C., on suppose quelle a t ajoute par Pythagore. Le nombre de cordes fut port neuf, onze, douze et mme quinze. Elles taient accordes de faon quon puisse bnficier de plusieurs chelles modales. Les mains de lexcutant se partageaient les cordes : les graves gauche, les aigus droite. Il pouvait jouer avec les doigts ou avec un plectre dos ou de mtal.

  • Nous trouvons dans le chant VIII de lOdysse, parmi les passages faisant allusion aux coutumes musicales, cette citation :

    " Allons, tous les meilleurs danseurs Phaciens, vous de jouer ! Je veux que, navigation, course pied, chant et danse, notre hte de retour chez lui, conte aux siens combien nous sommes suprieur aux autres. Quon aille vite et rapporte Dmodocos sa lyre au chant clair, qui se trouve quelque part dans notre demeure.Le hrault alla chercher dans la maison du roi la cithare bombe ".

    Phorminx fut le nom le plus ancien de la lyre, tandis que la cithare fut un driv.

    La phorminx

    Probablement le plus ancien des instruments cordes, cette lyre primitive aurait t utilise par les ades, sortes de bardes qui allaient de place en place chanter lhistoire des hros. Elle avait deux bras en corne et formait un croissant dun seul tenant. Homre la cite dans le neuvime chant de lIliade :" Ils trouvrent Achille en train de se rjouir lme au son clair dune belle lyre artistement travaille, qui portait un manche en argent. Avec elle, il se rjouissait le cur, chantant les actions glorieuses des hros ".

    La cithare

    Deux varits existent :

    1. la kithara base plate, plus labore et plus perfectionne que la lyre et qui diffre par sa caisse, sa taille et sa sonorit. La caisse, en bois, largement plus grande que celle de la lyre, produit par consquent un ton plus sonore et plus plein. Tandis que la lyre fut toujours linstrument privilgi des amateurs, la kithara tait surtout joue par des professionnels. Dans sa forme classique, elle a sept cordes. Elle apparat au VIIme sicle et elle est associe Terpandre. Il eut le mrite de lamliorer ou de limposer car elle existait depuis longtemps.

    2. la " cithare berceau ", un instrument plus simple base arrondie, ainsi dnomme par les savants modernes. Cette dernire pourrait tre identifie comme une phorminx.

    Une cithare de trs grande dimension, plus haute quun homme, a t retrouve dessine en relief sur un vase hitite. Elle est reprsente pose au sol et joue par deux excutants simultans. Ce vase est expos au Muse dAnkara.

  • Le barbitos

    Variante de la lyre mais plus troite et comportant des cordes plus longues, avec un diapason plus bas. Comportant sept cordes, cet instrument tait galement appel " barbiton ". Contrairement la lyre et ses drivs que lon portait devant soi, appuys contre la poitrine, maintenus par un baudrier, la lgret du barbitos permettait de le porter sur le ct, appuy contre la hanche et perpendiculaire au corps. Les courtisanes utilisaient souvent cet instrument, facile demploi lors de banquets.

    A la suite de ces instruments cordes les plus souvent employs, nous en trouvons dautres, mineurs.

    Le canon est surnomm " le canon de Pythagore " car son invention lui est attribue. Cet instrument une corde sert dterminer les relations mathmatiques entre les sons musicaux (kanon = la rgle, la loi). Le monochordon, instrument une corde, est une copie conforme de ce canon.

    Lepigoneion fait partie de la famille des psaltrions, qui est le nom gnrique des instruments cordes pinces directement par les doigts, sans plectre. Il tire son tymologie du mot " pi ", qui signifie sur ou au-dessus et " goni " signifiant genou. Il est intressant de noter que cet instrument possde 40 cordes et quil tait lun des plus grands de la Grce antique. Le simikion a sensiblement le mme aspect, mais il comporte 35 cordes.

    Lhelicon est un instrument proche du canon, il est utilis pour mesurer les accords. Dans son sens figuratif, le mot vient de lHlicon, le mont des Muses.

    Le magadis, de la famille des psaltrions, comporte vingt cordes, accordes par paires la mme octave. Son sens tymologique signifie " chanter ou jouer en octave ". Certains musicologues le rapproche dune grande harpe qui avait jusqu 35 cordes. Cela permettait de " magadiser " facilement, cest--dire de faire entendre deux octaves en mme temps.

    Le nablas dorigine phnicienne comporte douze cordes et se joue sans plectre.

    Le trichordon possde trois cordes, comme le laisse entendre son nom, mais est galement appel pandoura. Il semblerait que ce soit le seul instrument de la Grce antique avoir eu un manche ; il peut donc tre associ la famille des luths.

    Le trigonon se prsente sous une forme triangulaire et peut tre assimil une harpe. Jou avec les doigts ou avec un plectre, il possdait des cordes de longueurs varies et appartenait la famille des instruments polycordes.

  • 1.2 les vents

    Laulos

    Dans la Grce antique, laulos est vritablement le plus important des instruments vent. On le jouait soit en solo soit accompagn de la voix ou dinstruments cordes, de prfrence la kithara.

    Aucun instrument de lAntiquit grecque na t reprsent avec autant derreurs que laulos. Jusquau milieu du XXme sicle, il a t confondu avec la trompe ou plus couramment avec la flte. Un contre-sens devenu traditionnel chez les hellnistes non musiciens... En revanche, on comprendra aisment que laulos est un instrument anche, lamelle lastique en jonc, appele glottis, glossis ou glossa, qui fait vibrer directement le son que lon met. Lanche peut tre simple ou double. Elle est dite simple lorsquelle consiste en une languette unique (que lon retrouve dans nos clarinettes actuelles) et double lorsquelle est forme de deux lamelles vibrantes presses lune contre lautre (hautbois ou basson).

    Laulos se compose donc essentiellement dun tuyau perce cylindrique dans lequel lanche est sertie, ce qui le diffrencie de la flte, pour laquelle le souffle produit est canalis dans un tuyau.

    Jous par paire le plus souvent, les auloi (pluriel daulos) prenaient les noms " dauloi-jumeaux " ou de " clarinette-double ". Chacun possdait son propre bec et les tuyaux des deux auloi pouvaient tre aussi bien de la mme longueur que de longueurs diffrentes.

    Laulos simple possdant un seul tuyau tait appel monaulos ou calamaules. Les auloi avaient un certain nombre de trous latraux appels trmata ou trypmata.

  • Laulos sest vu attribuer de nombreux autres noms, destins rendre ses variantes plus prcises :

    Babybromos = au ton grave et fort

    Diopos = deux trous

    Hemiopos = ayant moiti moins de trous

    Hypotretos = perc par en-dessous

    Kalliboas = au son pur

    Mesokopos = de taille moyenne

    Paratretos = perc latralement

    Parthenios = le plus aigu ou " aulos virginal "

    Polytretos = trous multiples

    Polykampes = trs sinueux

    Polykompos = bruyant, sonore

    Polymekes = trs long

    Polymeles et Polymelpes = capable dun grand nombre de mlodies

    Polyphthongos et Polyphonos = tons, sons multiples.

    Laulos servant aux musiques de dfils et aux marches militaires tait appel embaterios aulos.

    Un autre aulos, le gingras, dorigine phnicienne fut tout dabord propre aux lamentations et au deuil, cause de son ton perant. Puis Platon signale quil servit par la suite aux festivits les plus dbrides des banquets !

    Pour les aultes et trompettistes antiques, il tait ncessaire de disposer dune grande force physique et dun des accessoires les plus caractristiques : la phorbeia.

    Ressemblant une muselire, elle tait constitue de trois pices distinctes : une large bande de cuir qui enserrait les joues et passait devant la bouche du musicien ; celle-ci tait relie par deux anneaux une autre sangle, moins large, qui passait derrire la tte de laulte, et une seconde lanire, qui passait au sommet du crne. Le cuir recouvrant la bouche de laulte tait perc de deux trous qui permettaient le passage des anches.

  • Cet accessoire ntait pas forcment indispensable, mais trs utile. Il facilitait un jeu prolong laulte et au joueur de trompette anche, en lui pargnant une trop grande tension des muscles faciaux. En outre, la phorbeia contribuait produire des sonorits de meilleure qualit, plus coule et continue. Bien que peu esthtique, elle permettait galement dviter les joues distendues, aprs des annes de pratique.

    Cest pourquoi les aultes virtuoses et les trompettistes la portaient lors des concours musicaux o ils devaient faire montre de tout leur talent. Pour eux, lessentiel tait de jouer fort pour se faire entendre en toute circonstance et de loin.

    Les aultes portaient la phorbeia partout o ils avaient exercer leur art : au thtre, dans les concours musicaux, lors de comptitions sportives, en conduisant les soldats au combat et mme, en croire Aristophane, jusquau tribunal : " Un aulte gagne-t-il sa cause, pour rcompense, il met sa phorbeia et joue une sortie aux dicastes quand ils se retirent ".

    Par ailleurs, Annie Blis a relev un fait passionnant : les auloi taient fabriqus sur commande. Les aultes professionnels formulaient leurs dsirs et exigences auprs du facteur dinstruments ; par consquent, chaque aulos tait pour ainsi dire, unique.

    Cinq six cents fragments dauloi sont conservs dans les muses, ce qui permet de connatre les matires premires employes. Les plus courantes pour les auloi destins aux professionnels de haut niveau taient los, livoire, le bronze et largent. Par contre, pour les musiciens plus modestes, le roseau tait de mise, car moins compliqu jouer et surtout peu coteux.

    En guise danecdote, Plutarque raconte qu un moment donn, les os dne ont t remplacs par les jambes de cerf car les fabricants les trouvaient plus sonores ! Par ailleurs, les auloi ainsi obtenus taient gains de bronze et les Thbains furent les pionniers en la matire.

    Dautres instruments vent ont exist, mais de mme que les instruments cordes, ils sont en retrait car leur technique na pas t approfondie autant que celle de laulos principalement.

    On distingue notamment :

    La syrinx

    Sorte de flte que les Grecs considraient comme un instrument " folklorique " de berger. Thoriquement, la syrinx est la " flte de Pan ", qui consiste en un assemblage de roseaux creux de longueur gale, et plus tard ingale, sans bec, ferms un bout par un bouchon de cire. On le promne sous les lvres de haut en bas et lon peut ainsi rgler la hauteur.

    La lgende qui a donn le nom cet instrument est gnralement connue, mais on peut la rappeler ici : le Dieu Pan amoureux de la nymphe Syrinx la poursuit dans la plaine dArcadie ; pour lui chapper, Syrinx se noie volontairement dans les eaux du fleuve Lagon, son pre. Son me passe dans les roseaux de la rive et Pan les dcoupe pour garder le souvenir de sa bien-aime. Lide lui vient de les assembler, et cest elle qui revit chaque son tir de linstrument.

    La salpinx

    Trompette droite en mtal, munie dune embouchure en os. Elle ne jouait pas plus de rle artistique que la syrinx. Ctait un instrument dappel, militaire ou religieux, tout comme le kras, trompette en forme de corne ; leur puissance sonore les rendait peu convenable lart de lpoque. Plus tard, ces cuivres furent admis aux grands concours, o le musicien qui se faisait entendre le plus loin tait reconnu ; le ct musical taient donc totalement inhib pour cette catgorie dinstruments.

  • 1.3. les percussions

    Utiliss pour la danse religieuse et les rites orgiastiques, les instruments percussion ne sont pas nombreux. Ils sont surtout reprsents par les castagnettes, les cymbales et les tambours de diffrents formats. Nous allons les dcrire plus en dtail car ces noms l sont nos quivalents franais, mais la Grce antique privilgiait toutes sortes dappellations pour les instruments, dans leurs moindres diffrences.

    Les askaros taient une sorte de claquettes, que daucuns comparent ou identifient un autre instrument de percussion appel psithyra.

    Les cymbala comportaient deux plateaux hmisphriques concaves, en mtal. Elles taient utilises dans les cultes orgiaques de Cyble et plus tard de Dionysos, sous les noms de bakyllion ou baboulion. Ces cymbales dorigine asiatique avaient pour diminutif cymbalon = petites cymbales.

    Echeion tait le nom mystique des cymbales dans le culte de Dmter, mais ce mot dsigne galement la caisse de rsonance des instruments cordes. En outre, le terme echeia fait allusion des vases hmisphriques de tailles varies, produisant des sons diffrents lorsquon les frappe avec un btonnet.

    Le discos tait un disque de mtal ou gong, trou en son milieu et suspendu par une corde et frapp avec un marteau.

  • Les krotala quivalaient nos castagnettes ou claquettes ; on peut comparer le terme " crotales " des sortes de cymbalettes. Constitues de deux pices de coquillage, de bois ou de mtal creuses, elles produisent un son appel " rhymbos " ou " rombos " lorsquelles sont claques lune contre lautre.

    Les kroupezion sont des souliers ou sandales de bois utilises pour marquer les temps de la danse ; ce sont les anctres de nos claquettes. En gnral, on fixait une petite pice de mtal la semelle pour en rendre le battement plus net et plus fort. Le terme " Podopsophos " dsignait lhomme qui battait la mesure de son pied.

    Le roptron tait un petit tambour lger consistant en un cerceau de bois sur lequel tait tendu un parchemin et autour duquel pendaient de petites pices de mtal, soit notre tambourin actuel.

    Le seistron que nous connaissons sous le nom de sistre, semble avoir t introduit en Grce avec les rites des ftes dIsis, en Egypte. Ce petit instrument percussion en forme dtrier ou de fer cheval tait agrment dune poigne. Il retentissait ds quon agitait les tiges garnies de tout petits disques de mtal.

  • Aristote raconte que sur les bords de la rivire Escamandros poussait une plante appele " sistro ", appartenant lespce des pois-chiches et dont les graines sches produisaient, quand on les secouaient, des bruits doux qui, selon la croyance, effrayaient les esprits malins.

    Le tympanon avait la forme dune bote cylindrique aux extrmits de laquelle taient tendues deux membranes. Pendant les rites, les femmes frappaient dessus laide de leurs mains ; cet instrument est rapprocher de notre tambour.

    Jacques Chailley sinterroge, dans son ouvrage La musique de la Grce antique, sur la connaissance des Grecs par rapport au xylophone ou un instrument apparent. En effet, certaines illustrations laissent planer un doute quant la nature de linstrument. Il se peut quun xylophone suppos soit en ralit un mtier tisser ou un autre appareil nayant aucun rapport avec la musique...

    Aprs ce panorama des divers instruments employs lpoque, il semble, dune faon gnrale, que les instruments cordes soient considrs comme plus nobles que les instruments vent, et quils disposent dune varit notable. Toutefois, un instrument musical peut les dpartager : la voix humaine.

    En effet, laultique et la citharistique en se dveloppant et en saffirmant, ont contribu la formation du lyrisme choral. Les Doriens, en Crte et dans le Ploponnse furent les premiers accueillir ces uvres excutes par des churs, au son de laulos ou de la cithare..

    2. La pratique musicale dans le quotidien des Grecs

    2.1. Les mythes

    Orphe avec sa lyre chantante entranait les arbres, et les btes sauvages du dsert accouraient ses pieds. Il fut certainement le musicien le plus clbre de la mythologie grecque. Il incarne le pouvoir de sduction, et cest dailleurs grce cela quil descendit aux Enfers pour sauver son pouse Eurydice. Emus par sa musique, Pluton et Persphone lui accordrent la grce quil demandait, condition quil ne se retourne pas un instant sur le chemin du retour. Impatient de voir nouveau le visage de son pouse, Orphe faillit sa promesse et regarda Eurydice avant davoir franchi les limites de lau-del. Elle fut ainsi perdue pour lui jamais.

    Pan, le fils dHerms et dune nymphe, protecteur des bergers et des musiciens, prsidaient les danses des nymphes en jouant de la syrinx. On connat prsent lorigine de cet instrument.

    Amphion, hros thbain, fils de Zeus et Antiope, ne sintressait qu la musique. Il vnrait particulirement Apollon et lui construisait de petits autels. Le dieu, touch, lui fit cadeau dune lyre, et il se mit jouer avec passion et talent. Cest grce ce don quil put semparer de Thbes avec son frre. Il fit appel son art de la lyre pour sauver les pierres et les forcer sassembler en fortifications. Au son de linstrument, les pierres venaient se placer l o il les guidait. En un jour, Amphion acheva lui tout seul les remparts. Son frre dut convenir quil avait trouv meilleur maon que lui pour construire les murailles de la puissante ville aux sept portes : une pour chaque corde de la lyre !

    Apollon, Dieu de la divination, de la musique et de la posie, protecteur des muses est en mme temps guerrier. Il gaie les festins des Olympiens avec les mlodies incomparables de sa lyre.

    Dans la mythologie, ce Dieu-archer, matre de la lyre, lana une pluie de flches sur les Grecs devant Troie, les dcimant de ce flau, jusqu' ce que sa fureur fut apaise par des sacrifices et des rituels purificatoires. Apollon donna la lyre aux hommes et fut leur mcne ; sur lOlympe, sa lyre dor divertissait les Dieux.

    Marsyas tait un satyre qui prtendit un jour quil jouait mieux de laulos quApollon ne jouait de la lyre. Un concours eut lieu, et Apollon qui naimait pas les concurrents, ne fut pas dclar vainqueur. Il tua aussitt le malheureux satyre. Quant au juge Midas qui prsidait le concours, il avait donn sa prfrence laulos, ce qui lui valu de la part dApollon des oreilles dne.

  • Marsyas avait appris jouer de laulos sur celui que la desse Athna avait jet, trouvant quil fallait gonfler les joues pour en jouer. Il lavait alors ramass et tait devenu un musicien de grand talent.

    Les Muses, de leur ct, trouvaient leur place dans les runions, les festins, les concerts, les rjouissances des Dieux. Toutes jeunes et belles, elles taient les neuf filles de Jupiter et Mnmosyne ou Mmoire. Chacune dentre elles avait ses attributions,cependant elles manifestaient toutes un intrt dordre " musical ".

    Clio, nom form dun mot grec qui signifie " gloire, renomme ", tait la muse de lHistoire. Elle est reprsente sous la figure dune jeune fille couronne de lauriers, tenant de la main droite une trompette, et de la main gauche un livre. Ses statues tiennent quelquefois une cithare dune main, et un plectre de lautre, parce que Clio tait aussi considre comme linventrice de la cithare.

    Euterpe signifie en grec, " qui sait plaire ". Cest une jeune fille couronne de fleurs et jouant de la flte, dont elle aurait dailleurs suggr linvention. Elle prsidait la Musique ; des papiers de musique, des aulos et autres instruments figurent ses cts.

    Thalie, nom issu du mot " fleurir " en grec, prsidait la Comdie. Cest une jeune fille lair enjou ; elle est couronne de lierre, chausse de brodequins, et tient un masque la main. Plusieurs de ses statues portent un clairon ou porte-voix, instrument trs utilis pour soutenir les voix des acteurs dans la comdie antique.

    Terpsichore tait la muse de la Danse ; son nom signifie " qui aime la danse ". Vive, elle est reprsente tenant une harpe au son de laquelle elle dirige en cadence tous ses pas.

    Erato, dont le nom vient de " ros " = amour, prsidait la posie lyrique et anacrontique. Nymphe vive et foltre, elle porte une couronne de myrte et de roses. De la main gauche, elle tient une lyre, et de la droite un archet. On la reprsente entoure dun petit amour.

    Uranie ( du grec ouranos " ciel ") prsidait lAstronomie. Vtue dune robe bleue azur, couronne dtoiles, elle est entoure dun globe et dinstruments de mathmatiques. Cela souligne la relation de la musique avec ces sciences.

    Calliope, signifiant " beau visage ", porte une couronne dor. Elle tait la muse de la posie hroque et de la grande loquence. Lair majestueux avec lequel on la reprsente indique sa suprmatie parmi les autres muses. Elle est orne de guirlandes, tient dune main une trompette, et de lautre un pome pique. Certains potes lont mme dclare mre dOrphe.

    Polymnie dont le nom est compos des mots " beaucoup " et " hymnes ", tait la muse de la Rhtorique ; Melpomne, du verbe grec " chanter ", celle de la Tragdie ; toutes deux avaient peu de liens avec la musique.

  • Ces quelques exemples de divinits dmontrent quun lment musical plus ou moins dvelopp tait toujours prsent dans les actes de lexistence, quil sagisse de mariages, funrailles, rcoltes, banquets ou autre.

    En effet, dans la vie des Grecs, le son de laulos menait aussi bien la cadence des rameurs que les mouvements des gymnastes, et il soutenait llan des troupes marchant au combat. Lexemple des guerres qui se faisaient en musique dmontre limportance accorde cet art : il tait interdit de toucher aux musiciens ! On retrouve cette notion lors des vendanges galement, car la musique accompagnait tout autant le rythme des saisons. Par ailleurs, aucune crmonie religieuse (libations, sacrifices, processions, prires collectives) ne pouvait se passer de chants et dinstruments. Aux ftes religieuses se joignaient les reprsentations dramatiques et les grandes excutions chorales.

    Le sport jouait galement un grand rle, en ayant une rpercussion sur la musique : le retour dun athlte vainqueur servait de prtexte un festival choral, dans sa patrie.

    Si lon parcourt luvre homrique, nous rencontrons des Achens entonnant des hymnes, un cortge nuptial donnant loccasion dun morceau chant pleine voix, une veille funbre, o hommes et femmes se rpondent. Par ailleurs, des jeunes gens et des jeunes filles dansent avec des cris proximit dun vignoble, pendant quun enfant fait entendre une belle complainte. Et puis la nymphe Calypso et Circ la magicienne, devant leurs mtiers, se plaisent chanter ce que lon pourrait appeler des chansons de toile.

    Les Grecs anciens pensaient que les forces mystrieuses, terribles et invisibles de la nature - et la plus redoutable de toutes : la mort - taient susceptibles de samadouer sous lempire de la musique. Il est certain que si lon se rfre quelques divinits cites prcdemment, la musique pouvait parfaitement tre considre comme une arme, dont il fallait se servir pour dompter linvisible. Grce elle, lhomme avait la possibilit dagir sur les esprits qui lentouraient et sur le surnaturel dans son ensemble.

    Dans le chant XIX de lOdysse, nous pouvons relever " A laide du chant magique, ils arrtaient le sang noir ", ce qui prouve que les pomes homriques ont conserv des traces de la puissance de la musique.

    2.2. Les concours

    Afin de dployer leurs talents et de les faire rmunrer, les artistes trouvaient de nombreuses occasions, dont les concours musicaux qui taient la vritable source pour obtenir rputation et fortune. Ils taient considrs comme des complments indissociables de la plupart des grandes ftes, nationales ou panhellniques.

  • A lpoque classique, les plus anciens et les plus clbres sont les Carneia de Lacdmone (676), les Pythia de Delphes (582) et les Panathnes dAthnes o les exercices musicaux napparaissent quen 450 avant J.-C.

    A lpoque hellnistique, le nombre de concours est grandissant car les concerts ou " rcitals " viennent se greffer. Ils sont tantt payants, tantt gratuits, offerts aux citoyens par la cit ou par un gnreux mcne. Ils ont lieu la plupart du temps dans les temples et les thtres.

    Les concours appels " Pythia " qui se droulaient Delphes taient presque aussi clbres que ceux dOlympie. Le terme de " jeux " que nous employons couramment aujourdhui, na pas trouv dcho dans lAntiquit ; le mot " concours " correspond mieux lesprit de ces rencontres qui taient de relles comptitions.

    Clbres tous les quatre ans, les Pythia comprenaient :

    - des preuves gymniques : course pieds de diffrentes longueurs (course simple de la longueur du stade, course double, course longue), lutte, boxe, pancrace et pentathlon ;

    - des preuves hippiques : courses montes et courses de chars ;

    - des preuves musicales : aulos et chant accompagn la cithare.

    Au cours du temps, dautres preuves sajoutrent telle la course en armes, le nome pythique et le dithyrambe pour les adultes, de mme que diverses comptitions pour les jeunes.

    En ce qui concernait la musique, des catgories enfants/adultes taient mises en place ainsi quun classement par pratique dinstrument : choreutes, ades...

    Des habits chics taient de circonstance pour le concours. Par ailleurs, les conditions dadmission exigeaient plusieurs tapes : tout dabord, il tait ncessaire de passer un concours pour tre slectionn, ensuite, voir les juges pour savoir dans quelle catgorie jouer, puis en dernier lieu, sinscrire, avant le passage dfinitif.

    Pendant les concours, la possibilit dtre interrompu par les juges au signe de levs de btons ntait pas du tout exclue. Cela signifiait que le musicien ntait pas la hauteur de son interprtation, par consquent, cela ne prsageait rien de bon pour la suite des vnements. De plus, le public avait le droit de sexprimer, ce qui contribuait lexpulsion du musicien qui partait sous les quolibets de la foule.

    Lun des plus grands titres de gloire dont pouvait se targuer un musicien grec tait davoir t " pythionique ", cest--dire davoir remport une ou plusieurs fois, les Concours Pythiques. Cette preuve, rserve aux meilleurs instrumentistes, imposait lexcution dun morceau appel le Nome Pythique.

    Le nome signifie littralement " rgle " ou " loi " ; cest avant tout une mlodie invente dans le pass le plus recul et transmise de gnration en gnration.

    Parmi les nombreuses variantes du nome, le plus clbre restait le nome pythique. Il sagissait dun solo jou soit par un aulte, soit par un cithariste, ou bien encore par un aulde (chanteur accompagn par un aulte) ou par un citharde (chanteur saccompagnant lui-mme sur la cithare).

    Un artiste mdiocre navait pas les moyens techniques dexcuter le Nome Pythique, cest pourquoi on ne dnombrait que quatre cinq musiciens qui pouvaient prtendre participer la comptition.

  • Ce Nome Pythique ntait pas une partition entirement crite, ctait en quelque sorte, un " morceau programme ", en cinq parties, au cours duquel le musicien devait relater les pisodes du combat entre Apollon et le serpent Python, fils de la terre, pour conqurir le sanctuaire de Delphes (do le nom de la pice) :

    - introduction, o le dieu sapprtait la lutte

    - provocation : il dfiait le serpent

    - engagement du combat

    - prire et danse pour clbrer la victoire dApollon

    - ovation, o le dieu entonnait un chant triomphal tandis que le serpent expirait dans dhorribles sifflements.

    Le musicien devait dmontrer son talent personnel et sa virtuosit car chaque partie avait ses contraintes mlodiques et rythmiques. Ainsi, dans lpisode final, un bon aulte avait lobligation de monter dune octave et dimiter aussi bien quil le pouvait les grincements de dents mis par le monstre qui tait en train de mourir.

    Les prix dcerns dans ces concours musicaux taient parfois purement honorifiques, mais le plus souvent consistaient en argent.

    A Delphes comme dans les autres grands concours panhellniques - les Olympia, les Isthmia du sanctuaire de Posidon de lIsthme, les concours clbrs dans le sanctuaire de Zeus - les vainqueurs qui en avaient les moyens commandaient une ode un pote spcialis afin de prenniser leur gloire. Ils pouvaient galement se faire riger (eux-mmes ou leur cit) une statue, ddie Apollon, ou encore recevoir une couronne de feuillage (de laurier Delphes, symbole de la gloire dans les arts).

    Suivant la notorit du concours, les laurats bnficiaient de la reconnaissance de tout le pays. La possibilit dobtenir un cachet, de former quelques lves, de donner de petits concerts se ngociait la fin. Il tait assez mmorable de se faire signer une ddicace, dautant plus qu lheure actuelle, cest ce qui permet aux chercheurs de retrouver ces traces et de dfinir sil sagissait de musiciens professionnels ou non, quels concours taient les plus importants, etc. Des noms de grands laurats ont t retrouvs, comme dArgos, joueur daulos, qui gagna trois concours, ce qui tait extrmement rare. Pythocrite de Sicion gagna six fois de suite les Jeux pythiques, de -574 -554.

    Dans la priode classique, les femmes taient rarement admises aux excutions musicales publiques. Il est noter que deux femmes ont particip aux concours en citharodie. A Sparte, la femme jouissait dune libert suprieure celle des autres villes grecques et de leurs churs fminins. A Athnes, ce sont les churs dhommes ou denfants qui se disputaient la palme ; les voix viriles dominaient.

  • Les virtuoses rivalisaient dans les concours en chantant avec une voix ntode, cest--dire une voix de tnor (en opposition avec la voix msode du baryton et hypatode de la basse), des mlodies crites dans un registre lev. Aristote confirme que rares taient ceux qui pouvaient le faire.

    2.3. Les genres de compositions musicales

    La musique antique comprenait un rpertoire bien fourni, de genres quil est ncessaire de distinguer. En effet, ils nont pas tous merg la mme poque ; cest ce dont nous allons nous rendre compte prsent.

    La citharodie est le premier de tous les genres par lantiquit et par la dignit (la " lyrodie " a t nettement moins estime ds son apparition).

    Cest un solo vocal o le chanteur, qui est souvent compositeur et pote la fois, saccompagne lui-mme de sa cithare. Le citharde professionnel doit possder une voix de tnor. Il apparat devant le public vtu dune longue robe brode et tranante, une couronne de laurier autour de la tte. En principe, il accompagne son chant en pinant les cordes de la main gauche ; lorsquil ne chante pas, il accomplit un interlude instrumental avec la droite, aide dun plectre.

    A lorigine, le rpertoire vari de la citharodie comportait principalement des fragments de lpope, mis en musique, que lartiste faisait prcder dun prlude sa faon. La pice de rsistance de la citharodie est le nome, le grand air de concert consacr Apollon, que nous avons dfini en voquant les concours.

    La citharodie vit le jour dans lcole lesbienne, o les jeunes filles rivalisaient de zle, bien avant Terpandre. Au Vme sicle, un Lesbien, Phrynis de Mytilne, la dirigea vers des voies nouvelles. " Vers la fin de lAntiquit, elle se confine dans des compositions plus limites, comme les hymnes plats et monotones de Msomde " souligne Th. Reinach.

    Les chansons damour, les chansons boire, politiques et satiriques peuvent tre rattaches la citharodie car ces chansons monodiques furent lorigine accompagnes par le chanteur sur une lyre ou un instrument cordes similaire.

    Laulodie, la diffrence de la citharodie, requiert le concours de deux excutants : un chanteur et un joueur daulos ; cest le chanteur qui est ici en vedette, allant mme jusqu' recevoir seul un prix en concours !

    Le premier grand matre de laulodie fut un Ionien, Polymnestos de Colophon, vers 600. Laulodie eut ses nomes comme la citharodie, composs lorigine en hexamtres et surtout en distiques lgiaques. Plus tard, les rythmes libres prirent le dessus.

    Laulodie nobtint jamais, auprs de la population, la faveur de la citharodie. Laulos sest vu reprocher le fait de couvrir la voix du chanteur, et son caractre lugubre tait peu apprci. De ce fait, laulodie fut enleve au programme du concours pythique (582), mais elle se maintint aux Panathnes et ailleurs.

    Laultique, solo daulos, provoque un phnomne inverse par rapport ce que nous avons vu jusqu' maintenant, savoir quil est prfr au solo de cithare, et quil est en outre, plus rpandu. Des nomes aultiques anciens dun style solennel ont t conservs ds le IVme sicle.

    Le perfectionnement de la technique et de la facture de linstrument vent tait une chose mais rien nempcha les Ecoles denrichir la littrature aultique dune foule dairs clbres. Laultique possdait un rpertoire abondamment vari : prludes, interludes, airs de libation, airs funraires, airs consacrs la Mre des Dieux, ritournelles traditionnelles pour ftes, noces et banquets...

    Le Nome Pythique, anctre de la musique programme, avait une place bien tablie au sein des concours daultique. De son ct, le duo concertant de deux auloi doubles est rattach au solo daulos, qui obtint une place dans le concours des Panathnes.

  • La citharistique, solo de cithare deux parties, ne remporta gure de succs au ct de laultique. Elle fut surtout remarque par les ornementations dont elle tait capable et par les occasions quelle fournissait lartiste de dployer lagilit de son doigt. La cration de ce genre fut attribue Lysandre de Sicyone, qui le perfectionna en crant le duo daulos et de cithare. Stratonicos dAthnes, au IVme sicle, y apporta quelques modifications. Ds 558 avant J.-C., le nome citharistique figura au programme du concours pythique, mais tomba rapidement en dsutude limage du nome aulodique.

    Nous retiendrons donc que les nomes citharodiques et aultiques furent les formes favorites de lart raffin.

    Les genres de compositions musicales que nous venons de dtailler ne sont pas les seuls. En effet, on peut citer le lyrisme choral avec certaines variantes quil comprenait : lhymne et le pan sadressant aux dieux ; le chant processionnel, le chant de deuil, lhymne, la chanson de table, lloge...

    Il faut galement mentionner les grandes compositions dramatiques, au caractre complexe, dont les origines restent obscures, mais qui empruntent plusieurs genres numrs ci-dessus. Il sagit notamment de la tragdie et de la comdie, mais aussi du dithyrambe et de son hritier, la pantomime.

    3. Lducation musicale

    3.1. Notions pralables

    Nous avons voqu cette ducation avec la lyre dans un premier temps ; nous la poursuivons prsent avec des principes moraux que les enfants grecs ne pouvaient viter. Ils avaient, en outre, lobligation dapprendre la musique jusqu' trente ans. En effet, les musiciens se disaient professeurs et directeurs de morales. Pour eux, la musique tait par essence religieuse et elle permettait un contact entre les hommes et les puissances de la Nature. De nombreuses coles de musique existaient, privilgiant plutt la tradition orale.

    Jusqu' la fin du Vme sicle, un enfant tait confi au matre de gymnastique, et au cithariste, qui lui enseignait le chant, le jeu de la lyre, et de la cithare. Le chant ntait pas tant un plaisir quune ncessit morale. Le IVme sicle voit le dclin du rle de la musique dans lducation ; la mode est aux sophistes qui prnent une ducation intellectuelle et livresque. Lapparition et lessor de chanteurs rmunrs, joint au dveloppement de la facture instrumentale, marque une profonde Rvolution religieuse.

    La formation musicale change donc de fin : il ne sagit plus de crer mais dcouter.

    Dans la vie prive (pour les mariages, funrailles), il sera davantage fait appel des chanteurs et instrumentistes rmunrs. Lhomme ne sera plus musicien pour la cit mais pour lui-mme parce que la musique possde un principe moral qui forme le caractre.

    Cependant, la musique conserve une place importante dans lducation car la lyre et le chant restent les vritables ducateurs des jeunes gens. La " mousik " grecque nest pas un synonyme exact de notre musique ; elle englobe un champ beaucoup plus large que la musique uniquement. Elle dsigne avant tout une activit intellectuelle et physique, que protgent les Muses, en particulier lHistoire, la Danse et la Musique. Ds lors quun enfant apprend lire, crire, compter et chanter, on dit quil devient " mousikos ".

    De mme, pendant lart classique, le mot " Pote " implique en gnral la double qualit dcrivain en vers et de compositeur. Ainsi, le mot Posie ne doit pas tre considr comme lquivalent de Posie (versification) car il sappliquait non seulement un morceau de chant mais aussi la musique instrumentale.

    En ralit, dHomre Platon, les principes dducation ont peu chang. Nous trouvons dans lIliade une civilisation guerrire qui place lexercice physique au premier plan de lducation et la Musique au second. Peu peu, les esprits saffinent. La guerre ntant plus la source principale de revenu, lart martial perdant la primeur, laisse aux activits intellectuelles, la Musique, le premier rle dans lducation.

  • Nous savons que dans la Grce antique, la musique et les mathmatiques taient deux sciences trs proches lune de lautre, deux sciences jumelles, et que cest Pythagore (v. 580-v. 500 avant J.-C.), philosophe et mathmaticien, qui le premier calcula mathmatiquement les intervalles entre les diffrentes notes dune gamme. Musique et mathmatiques taient aussi lies lastronomie, et lensemble des rapports entre les nombres rgissant les plantes, constituait " la musique des sphres ". Les anciens philosophes grecs attribuaient une origine divine et une signification religieuse la musique. Ils pensaient que la musique reprsentait un condens de lordre et de lharmonie de lunivers, et quen tudiant les caractristiques acoustiques des intervalles musicaux, ils apprhenderaient mieux le cosmos.

    Pythagore observa que le son tait engendr par le mouvement de lair et quil devenait plus aigu ds que ce mouvement prenait de la vitesse. Il trouva aussi que deux cordes de mme paisseur et galement tendues donnent :

    lintervalle doctave, si lune (la plus aigu) est la moiti de lautre ; lintervalle de quinte (ut-sol) si les longueurs sont dans le rapport de 2 3 ; lintervalle de quarte (ut-fa) si les longueurs sont comme 3 est 4.

    Ces rapports sont tous contenus dans le quaternaire 1-2-3-4, qui forme cette " ttrade pythagoricienne ".

    3.2. Les modes

    Jacques Chailley dfinit un mode comme " lensemble des caractristiques qui permettent de reconnatre un type dorganisation musicale ". Les Grecs tablissaient une octave partir de chaque note ; daprs ce procd, ils obtenaient donc les sept octaves possibles, quils appelaient modes ou harmonies. Toutefois, l" harmonia " signifiait pour les Grecs, " une succession bien ordonne de sons dans un schma modal ". En effet, ce terme qui reprsente pour nous plusieurs sons de hauteurs diverses ntait pas perue de cette manire par les Grecs car ils ne pratiquaient pas couramment la simultanit des sons.

    Le plus important dans la Grce antique tait sans doute la gamme connue sous le nom de gamme dorienne, ou mode dorien. Elle reprsentait llment fondamental de leur systme musical.

    La musique construite sur cette gamme avait pour les Grecs, un caractre gnralement " gai ", cest--dire semblable celui de notre gamme majeure. Le mode dorien tait considr comme le seul, digne des hommes libres et des femmes honntes.

    Les Grecs avaient pour habitude dnoncer la gamme de laigu au grave, quel que soit son point de dpart. Pour le mode dorien, constitu par les huit sons compris entre les deux mi, cela donnait : mi r ut si la sol fa mi. Nous pouvons remarquer que cette gamme tait tout fait symtrique notre gamme diatonique majeure.

    Paralllement, notons quils considraient les sons graves comme au-dessus des sons aigus. Cela nous amne rflchir sur lintuition que nous avons quand nous passons dut r par exemple. Il nous semble vident quon " monte ", mais cette impression de monte serait en fait subjective ! Les Grecs estimaient que le r est plus bas que le ut voisin. Cette rflexion souleve par Robert Tanner est intressante, dans le sens o nous serions certainement incapable de changer nos habitudes musicales...

    Mais laissons cela de ct, et revenons au mode dorien, inscrit au centre du systme musical grec, et aux autres modes ayant chacun leurs caractristiques. On distinguait au-dessous du mode dorien :

    le mode phrygien, compris entre deux r ;

    le mode lydien, entre deux ut ;

    le mode mixolydien, entre deux si.

  • au-dessus du mode dorien :

    le mode hypolydien, construit sur lchelle de fa ;

    le mode hypophrygien, sur lchelle de sol (appel aussi iastien) ;

    le mode hypodorien, sur lchelle de la (appel aussi olien).

    Nous avons vu plus haut que les Grecs prfraient largement le mode dorien, mais ils tolraient tout de mme le mode phrygien, qui selon Platon, " sadaptait assez bien aux choses de la vie paisible ". Il apparat ncessaire de mentionner ici que les Grecs anciens attribuaient aux modes, un caractre particulier (ethos), correspondant leffusion dun sentiment ou lexpression dun tat dme, mais exerant toujours un pouvoir sur le comportement humain.

    Ainsi, le dorien tait franc, viril, majestueux, le phrygien enthousiaste et bachique, le mixolydien pathtique, les modes avec le prfixe hypo tant considrs comme moins actifs que ceux qui nen comportaient pas. On ne sattardera pas en voquant les thories hautement philosophiques de Platon sur ce sujet, car son point de vue sur les " harmonies thiques " est assez complexe.

    3.3. Les genres et les tons

    Mis part lagencement des sons en sept gammes diffrentes, trois genres de progression mlodique sont caractriss par lintonation variable donne aux sons intermdiaires, ou mobiles : le diatonique, le chromatique et lenharmonique.

    Le genre diatonique tait constitu de sons simples, sans altrations, correspondant par exemple, aux touches blanches de notre piano. Dans le genre chromatique, le 2e et le 6e degr de lchelle descendante taient altrs, comme si nous ajoutions deux touches noires de notre piano. Enfin, pour le genre enharmonique, certains sons (le 3e et le 7e de lchelle descendante) taient affects de valeurs intermdiaires - quart de ton - que lon ne peut reproduire au piano. Le schma ci-dessous nous permet de mieux saisir les diffrences de chacun de ces genres.

    Pour transposer les divers modes plus haut ou plus bas dans lambitus sonore, lAntiquit employait les tons, qui dsignaient les degrs de lchelle gnrale des sons sur lesquels on tablissait le mode.

    Lensemble tonal utilis par les Grecs comprenait quinze tons, divis en trois groupes de cinq. Le groupe central comprenait les tons dorien, iastien, phrygien, olien et lydien ; le groupe infrieur contenait les mmes sons affects du prfixe hypo, tandis que le prfixe du groupe suprieur devenait hyper.

    Les types de composition, les moyens instrumentaux et lthos formaient un ensemble dterminant ces multiples distinctions.

    4. Les rythmes et la notation musicale

    4.1. Rythmes et mesures Selon les Grecs anciens, le rythme correspondait au principe mle, tandis que la mlodie reprsentait le principe femelle. Th. Reinach nous dit dans son ouvrage, que " le domaine du rythme dpasse le rgne des sons : il stend tous les arts impliquant un mouvement, tous ceux dont leffet se droule dans le temps, par opposition ceux qui se dveloppent dans lespace o il est remplac par la symtrie ".

    Aristoxne de Tarente, n vers 370 avant J.-C., dfinit le rythme musical comme tant " un ordre dans la rpartition des dures occupes par chacun des trois lments - mlodie, parole et mouvement corporel - dont lensemble constitue le phnomne musical complet ".

  • A lorigine, la rythmique se confondit quelque peu avec la mtrique. En effet, la musique vocale occupait une telle place que lon retenait principalement laspect verbal du rythme musical. Au fur et mesure que la musique instrumentale dveloppa ses ressources propres, la rythmique devint une discipline part entire. Nanmoins, elle conserva de nombreux liens avec la mtrique, ce qui la rend particulirement complexe. Nous tenterons tout de mme den voquer les principales caractristiques.

    Aristoxne adopte comme unit primaire le temps premier qui, dans une composition musicale dtermine, est la dure quaucune mlodie ou parole, quaucun mouvement corporel, ne peut fractionner. Dans la musique vocale, cette dure quivaut la dure dune syllabe brve. Le temps premier na quune valeur relative : sa grandeur absolue varie selon la vitesse de lair.

    Les dures suprieures au temps premier sont appeles dures composes. Quant aux dures rythmiques abstraites, elles sont reprsentes soit par des sons, soit par des silences ou temps vides. Nous pouvons observer ci-aprs leur notation et lquivalent dans notre notation actuelle.

    A limage de la phrase parle, compose de mots, la phrase musicale est segmente en plusieurs " compartiments ", remplis par des sons ou des silences : ce sont les pieds ou mesures. Vocale ou instrumentale, la mlope dans lAntiquit est toujours accompagne de mouvements corporels rythms, oprs par lexcutant lui-mme ou par un dirigeant spcial, qui aident la scander. Le geste le plus courant consiste lever et baisser successivement le pied. Llvation se dit lev, labaissement frapp. Les deux ensemble sont comparables un pas.

    Laulte qui battait la mesure dun chur, possdait une double semelle en bois, agrmente parfois de castagnettes, comme nous lavons vu pour les percussions. Le choc produit par cet assemblage tait reconnaissable ; se superposant aux notes du frapp, il donnait une sonorit renforce qui permet dvoquer un temps fort.

    4.2. La notation musicale Durant plusieurs sicles, les mlodies se transmirent dun chanteur ou dun instrumentiste un autre, sans quil y ait de trace crite, jusquau jour o les musiciens se penchrent sur le problme de la notation. Le plus grand nombre de dtail fut fourni par Alypius. Des inscriptions hellnistiques mentionnent les notations mlodiques (melografia) et rythmiques (ruomografia) en tant que disciplines enseignes dans des coles de musique.

    Les deux notations en usage entre le dbut du IIIme sicle av. J.-C. jusquau IVme sicle ap. J.-C. ont t retrouves. A chaque degr musical dans une chelle donne, correspondent deux signes. Le premier est valable pour la notation de laccompagnement ou des intermdes instrumentaux, soit une notation instrumentale, compose de signes spciaux drivs dun alphabet archaque. Le second est employ pour une mlodie chante, notation vocale, simplement constitue par les 24 lettres de lalphabet ionien, dalpha omga.

    La notation instrumentale, associe la danse, a pour noyau une srie de seize signes distincts, affects des sons fixes, rpartis sur deux octaves. Ces signes correspondent tous aux touches blanches de notre piano. Mais O. Tiby dans LHistoire de la Musique souligne, en voquant la notation, que " les Grecs ont employ les sons correspondant nos touches noires, et mme dautres sons quun clavier ne saurait rendre ".

    En accord avec la thorie, lalphabet musical rpondait loctave divise en vingt-quatre parties, et chacun des seize signes pouvait avoir trois aspects :

    1. dans la position normale, il correspondait au son naturel ;

    2. renvers, cest--dire trac comme son image dans un miroir, il correspondait la touche noire, plus leve dun demi-ton ;

    3. couch, il signifiait llvation dun quart de ton.

  • Alypius a prvu 67 paires de signes, qui rsultent dlargissements successifs du systme de notation vers laigu et le grave, couvrant lambitus sol fa. Les signes de la notation instrumentale sont groups par trois, lexception de quatre " cases " regroupant les signes n 51-43 et 3-1. En effet, on observe que le second et le troisime signes drivent chaque fois du signe de base correspondant, ce qui nest pas le cas pour les autres cases.

    A posteriori, la notation vocale, associe la posie, fut moins bien organise. Cependant, sur le tableau, lalphabet ionien apparat clairement au centre de la notation

    En crivant la musique, les Grecs, comme nous, traaient les signes musicaux au-dessus du texte potique. Les syllabes imposaient leur dure aux sons, cela vitait demployer des signes rythmiques.

    Le lien tabli entre les crits purement thoriques et le systme trs complexe de notation ne serait pas suffisant si des " partitions antiques " navaient pas t retrouves lors de fouilles. Nous allons voquer les caractristiques des trois fragments les plus marquants, qui sduisent invitablement toute personne attache ce sujet.

    5. Les vestiges dcouverts

    5.1. Le Papyrus musical dEuripide Au got des chercheurs travaillant sur la musique dans la Grce antique, il ny a pas de plus prcieux tmoin de cette musique ancienne que ce fragment dun chur de lOreste dEuripide. Malgr son aspect dlabr et fragmentaire, il sagit dun spcimen de la musique dramatique des Grecs, car cette mlodie compose au Vme sicle avant notre re, remonterait vraisemblablement Euripide lui-mme. Ce papyrus rarissime provient de la collection de larchiduc Rnier de Vienne, qui comporte des papyrus dats et non dats en provenance dHermopolis Magna en Egypte.

    Lexamen de lcriture permet de situer le papyrus au sicle dAuguste. Ce genre de dcouverte donne lieu de multiples discussions entre les chercheurs, qui saccordent dduire que la notation est vocale, de ton lydien. Leurs avis restent partags quant au genre employ. Lors de la transcription, le chromatique sera finalement utilis pour la facilit de lecture mais J. Chailley signale que lenharmonique est nettement plus expressif.

    En guise de traduction, Th. Reinach nous propose ceci :

    " Je gmis, je gmis, en pensant au sang de ta mre, ce sang qui te rend fou. Une haute fortune na point de stabilit chez les mortels : comme la voile dune barque rapide, un Dieu lbranle et lengloutit dans dhorribles malheurs, funestes, avides, comme les flots de la mer ".

  • 5.2. les hymnes delphiques Apollon

    Ils ont t dcouverts en Mai 1893 Delphes, par lEcole franaise dAthnes, lors dune exploration des ruines du " Trsor des Athniens ". Ce petit difice, la fois sacristie, archives, muse du temple dApollon, servait autrefois de lieu de runion aux ambassadeurs et aux plerins dAthnes, lors des ftes delphiques. Les murs taient couverts dinscriptions tels des dcrets honorifiques, catalogues dambassades et pomes de circonstance. Ces hymnes taient donc gravs sur un pan de mur. A lheure actuelle, ils sont conservs au Muse de Delphes.

    Les chercheurs ont dcrt que les deux hymnes avaient t interprts lors de deux Pythaades (138 et 128 av. J.-C.) par le chur des artistes dionysiaques dAthnes, reprsent par une cinquantaine dexcutants. Le programme de ces ftes comportait un ou plusieurs pomes Apollon que chantait un vaste chur, accompagn par des citharistes et des aultes. Ces hymnes Apollon forment deux longues pices tout en comportant de srieuses lacunes.

    Le premier est compos de quatre strophes, dont deux en assez bon tat, reprsentant une notation vocale, de mode dorien, sans signes rythmiques.

    Le second nous restitue dix strophes, qui sont alternativement en tons lydien et hypolydien. La notation est instrumentale, non rythme.

  • Dans son ouvrage sur les trois documents de musique grecque les plus connus, Emile Martin nous propose une traduction du deuxime hymne delphique Apollon. En effet, cest celui-ci qui a retenu son attention car il permet davoir une vue densemble. Il dplore en effet, que la troisime strophe du premier hymne se termine avant la fin. Toutefois, je nen citerai ici que le dbut, simplement pour que lon cerne le ct potique de cet hymne.

    Il sagit du pote qui invite les Muses quitter lHlicon pour chanter leur frre, Apollon. Il raconte sa naissance et lapaisement que toute la nature en ressentit.

    " Venez sur cette double cime qui regarde au loin, le Parnasse ami des churs, et prsidez mes chants, Pirides, qui habitez les roches neigeuses de lHlicon. Venez chanter le Pythien aux cheveux dor, le matre de larc et de la lyre, Phbus, quenfanta lheureuse Latone prs du lac illustre, quand, dans ses douleurs, elle et touch de ses mains un rameau verdoyant de lolivier ".

  • 5.3. Lpithaphe de Seikilos

    Emile Martin raconte que le chercheur Ramsay, qui dcouvrit cette pitaphe en 1883, Adin, en Anatolie, ne reconnut pas au premier abord les signes de la notation musicale. Ces fameux signes se trouvaient dans les interlignes de cette colonne funraire de Tralles. Selon Th. Reinach " elle constitue lchantillon le plus complet et le plus lisible qui nous soit parvenu de la notation antique ".

    Les archologues datent cette inscription du 1er sicle aprs J.-C. Selon eux, lide dune pitaphe musicale, cette poque, ntait pas nouvelle.

    Malheureusement, cette colonne disparut en 1922, dans lincendie de Smyrne, o elle avait t transporte, mais fut heureusement retrouve en 1957. Depuis 1966 elle est conserve au muse de Copenhague.

    " Tant que tu vis, brille ;

    Ne tafflige de rien outre mesure

    La vie est courte

    Le temps rclame son tribut ".

  • Bibliographie

    ARNOLD (Denis). - Grce antique dans : Dictionnaire encyclopdique de la musique, tome I. - Paris : Laffont, 1988.

    Douze pages pour aborder ce sujet est naturellement trop restreint mais il est agrable pour une fois, davoir une vue densemble sur cette vaste question. Une des parties aborde la posie grecque lie la musique, ce qui est assez original car ce nest pas commun tous les ouvrages ; en revanche, une autre explique la notation musicale de manire trop complexe par rapport au public susceptible de tomber sur le chapitre, dans ce dictionnaire prcisment. Nous pouvons regretter que la partie sur les mlodies sauvegardes soit condense en une demie colonne, mais elle laisse place la Grce moderne...

    BELIS (Annie). - Les hymnes Apollon, tude pigraphique et musicale. Corpus des Inscriptions de Delphes, vol. III. - Paris : De Boccard, 1992.

    Analyse trs pointue des deux hymnes Apollon, par une musicologue franaise, hellniste, membre de lEcole Franaise dAthnes et Directeur de recherche sur lHistoire des Textes la Sorbonne, qui travaille depuis trs longtemps sur la question. A la base, une reconstitution et une exploration minutieuses de ces fragments musicaux ont demand quinze ans pour la ralisation de cet ouvrage. Pour chaque fragment, une traduction est propose, assortie dun commentaire musical strophe par strophe. En fin douvrage, figurent un index des mots grecs et des mots franais, suivi dun index des noms propres et des noms gographiques. Annie Blis a crit de nombreux articles dans des priodiques spcialiss, tels Bulletin de Correspondance Hellnique, Revue des Etudes Grecques, Les Etudes Classiques.

    CHAILLEY (Jacques). - La musique grecque antique. - Paris : Les Belles Lettres, 1979. - 219 p.

    Petit ouvrage qui cerne bien le sujet, en tant trs technique. Le but est atteint : celui dinitier toute personne la musique de lAntiquit. Les chapitres sont illustrs de photos et schmas en noir et blanc. Un lexique des termes musicaux dans la Grce antique occupe les vingt dernires pages. Lauteur a crit de nombreux ouvrages sur la musique et publi divers comptes-rendus.

    EMMANUEL (Maurice). - Trait de la musique grecque antique dans : La danse grecque antique. - Genve : Slatkine reprints, 1987.

    Compos de trois parties, cet ouvrage a retenu toute mon attention, grce aux liens quil tablit entre la danse, ou lorchstique, et la musique dans lAntiquit grecque. La partie intermdiaire qui nous intresse, situe aprs le chapitre sur la danse grecque antique, et avant celui intitul " Le rythme dEuripide Debussy ", comprend 150 pages, spares en colonnes, limage dun dictionnaire. (A ce propos, il est intressant de signaler que Maurice Emmanuel a insr tel quel, le trait dont il est question ici, dans lEncyclopdie de la Musique de Lavignac).En regard du texte, des schmas et illustrations aident la comprhension de concepts, pas toujours vidents saisir ! Lauteur avertit les lecteurs au dbut de cette partie, qu " elle est crite pour les musiciens professionnels ". Mieux vaut prvenir en effet.

    GEVAERT (F.-A.). - Histoire et thorie de la Musique de lAntiquit. - [s. l.] : Gand, 1875. - 450 p.

    Compos de deux livres, traitant respectivement de notions gnrales et dharmonique, cet ouvrage ancien est un des plus complets sur la question. Il aborde toutes sortes de points, expliqus de manire claire et illustrs par de nombreux exemples.Certaines explications sont trs dtailles, il ne me semble pas avoir trouv dquivalent dans un autre ouvrage, do toute lattention que jattire sur lui. En outre, ldition ancienne est remarquer par la beaut de quelques planches en bichromie.

  • LASSERRE (Franois). - Plutarque et la musique. - Lausanne : Urs Gras Verlag, 1954.

    Ouvrage comportant deux parties : la premire concerne lducation musicale de lge de lpope au VIme sicle, suivie dune ouverture sur lthique musicale ; la deuxime fait tat du dialogue De la Musique du Pseudo-Plutarque, tout dabord en grec puis une traduction franaise et un commentaire du texte nous sont proposs.En fin douvrage, il est important de signaler deux index de grande qualit. Lun indique les passages duvres cits, par ordre alphabtique dauteur ; lautre rassemble les noms propres et matires de faon trs prcise. Par exemple pour le mot matire " musique ", nous obtenons treize notions qui accompagne le mot principal, nous aiguillant vers des interprtations diffrentes : musique et courage, musique et enthousiasme, musique et justice...

    LOHMANN (Johannes). - Mousik et logos ; contributions la philosophie et la thorie musicale grecques. - Mauvezin : T.E.R., 1989.

    Ouvrage tablissant une analyse trop troite, mon got, entre la musique et les sciences, (les mathmatiques dominant), ce qui rend, pour des nophytes, la lecture difficile ! De nombreux extraits de ce livre ont t publis dans des revues scientifiques allemandes de musique, dans les annes cinquante. Certains dentre eux ont fait lobjet de confrence dans des universits. Un index nominum et rerum figure la fin de louvrage, dmontrant nettement langle mathmatique sous lequel il a t conu.

    MARTIN (Emile). - Trois documents de musique grecque. - Paris : Klincksieck, 1953. - 78 p.

    Recueil " indispensable " selon certains musicologues franais ou spcialistes de musiques traditionnelles, tel Alain Swietlik. Ce livre, issu de la collection Etudes & commentaires, rassemble trois transcriptions commentes : les hymnes delphiques Apollon, lEpitaphe de Seikilos et le fragment de lOreste dEuripide.Ces trois textes sont particulirement reprsentatifs de lancienne musique grecque. Ltude minutieuse que fait lauteur de ces prcieux documents, est remarquable. Une importante bibliographie se trouve la fin du recueil ; nous pouvons simplement regretter quelle soit, par la force des choses, antrieure 1953.

    REINACH (Thodore). - La Musique grecque. - Paris : Payot, 1926. - 208 p.

    Selon lauteur, " ce livre sadresse surtout deux classes de lecteurs : les musiciens qui savent un peu de grec et les hellnistes qui savent un peu de musique " ! A mon avis, il a mis en uvre bon nombre de moyens (dont la clart de ses explications) pour rendre laccs facilit un sujet intressant, un public large. Quatre grands chapitres dlimitent les questions essentielles que lon peut se poser sur le sujet, dont deux fondamentales : la mlodie et la rythmique.

    TANNER (Robert). - La Musique antique grecque : explique par une consquence de la thorie psycharithmtique. - Paris : La Revue Musicale, n 248, s.d. - 72 p.

    Numro de la Revue Musicale entirement consacre cette question traite avec une certaine ambition, savoir expliciter " les ides et les principaux problmes relatifs la musique grecque depuis cinquante ans ". Lauteur sappuie sur des dmonstrations thoriques pour mettre en valeur toutes les particularits de cette musique, que nous ne pouvons forcment pas percevoir de la mme manire que les Grecs, vingt sicles dintervalles.

    TIBY (Ottavio). - La Musique des civilisations grco-latines dans : Histoire de la Musique, tome I. - Paris : La Pliade, 1960. - 73p.

    Chapitre trs dense de lHistoire de la Musique mais prsent avec une grande clart. Lauteur passe en revue les lments techniques (ltude des rythmes est trs complexe ; elle peut dcourager certains lecteurs, venus se perdre dans les mandres de la rythmique grecque antique !) et aborde les diffrentes formes de la musique qua connues lAntiquit, notamment la chanson. Trois priodes se dessinent : lre prhistorique, lgendaire, suivie de deux catastases, situes entre le VIIIme sicle avant J.-C. et le IVme sicle aprs J.-C.

  • Conclusion

    Lhabitude dentendre par " musique ancienne " la musique de la Renaissance et la rigueur celle du Moyen-Age est ici conteste: il existe bel et bien une musique antrieure !

    Bien que la musique ait t un des arts majeurs en Grce, elle a indniablement souffert de sa fragilit pour parvenir jusqu' nous. Si lon compare la musique sonore la peinture ou la sculpture, elle peut tre envisage comme un art fugitif.

    Cela tant, cet lment fondamental de la culture hellnique quest la musique grecque, ne laisse indiffrent aucun " Ami de lArt " ou de lAntiquit. Cette fascination quelle exerce sur certains chercheurs est tout fait comprhensible : ils dplorent les pertes irrmdiables dont cette musique a t victime, ce qui les conduit une envie profonde de la faire revivre, en mettant au jour toutes les dcouvertes la concernant. De mon ct, en ayant constitu cette synthse, javoue galement mtre laisse prendre au jeu et passionner par le souci de transmission de cette musique, afin de mieux la faire connatre.

    Pour les chercheurs, la musique grecque est un tout. Elle implique aussi bien larchologie et la papyrologie, que la musicologie et lpigraphie. Cela consiste en une recherche vritablement haletante : dcouvrir tel ou tel instrument, le dater, le relier un contexte, le dcrire, le comprendre afin de mieux connatre la musique de la Grce antique et son volution, jusqu' la musique romaine.

    Nous sommes hritiers de cette pense antique, qui revient au got du jour, si lon en juge par lactualit. En effet, la rorganisation du Dpartement des Antiquits grecques, trusques et romaines, au Muse du Louvre fin dcembre 1997, ne dmontre-t-elle pas que cette spcialisation souvre au " grand public " ? Sur 2650 m, ce Dpartement nous offre un panorama depuis la Prhistoire des Cyclades jusqu' lpoque classique, travers 3580 uvres. De mme, les publications prvues pour cette anne sur la musique proprement dite, tmoignent dun intrt nouveau pour ce sujet.