journal takeshi kitano retrospective

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une exposition à la Fondation Cartier, et une rétrospective de ses films au centre Pompi- dou. Autant de bonnes raisons de se pen- cher sur cet étonnant artiste aux mille et un visages. Voici une quinzaine d’années que le public français croit connaître le cinéaste japonais Takeshi Kitano, 63 ans, auteur de polar troubles ( ‘Sonatine’, 1993 ), et souvent poi- gnants ( ‘Hana-bi’, Lion d’or à Venise en 1997 ). D’ailleurs, avec l’onirique ‘Dolls’ en 2002, inspiré par l’art du bunraku ( théâtre de marionnettes traditionnel ), on avait pu ima- giner un tournant dans l’oeuvre du cinéaste, devenu, avec la maturité, poète abstrait et contemplatif, ou troubadour lyrique du ciné- matographe. Que nenni ! Loin de poursuivre sur la confortable voie de la respectabilité, ses der- niers films, délibéré- ment inégaux, s’acharnent à détourner ou détruire le mythe Kitano, formant une trilogie, grima- çante et bancale, sur le thème de la création. Ou, plutôt, sur son impossibilité et ses ratages. Son actuelle exposition à la Fondation Car- tier, drôle et enfantine ( ‘Gosse de peintre’ ), achève de brouiller les repères cinéphiliques en présentant une oeuvre plastique protéi- forme, mêlant films, sculptures, peintures, parodies et émissions télévisées. Qui laissent le spectateur à la fois hilare et interdit, devant une inévitable question : mais qui donc est, au fond, ce Takeshi Kitano ? PORTRAIT DE TAKESHI KITANO Anarchiste zen Alexandre Prouvèze Célèbre en France pour son cinéma, Takeshi Kitano revient avec un nouvel opus ( ‘Achille et la tortue’ ), un livre d’en- tretiens avec le journaliste Michel Temman, L’amuseur public Après des études d’ingénierie dans une des plus prestigieuses universités japonaises, Kitano commence sa carrière à Tokyo… comme réparateur d’ascenseurs pour une boîte de nuit ! Sur scène, sketches comiques alternent avec numéros de strip-tease. La bonne vieille école du cabaret : de temps à autre, Takeshi remplace un humoriste absent, au pied levé. En 1972, à 25 ans, il décide de se lancer dans le comique manzaï ( 1), en compagnie de son ami Kiyoshi Kaneko. Le duo, dans l’esprit pop et libertaire de la fin des années 1960, se baptise Two Beats, à l’américaine. Kitano se métamorphose pour la première fois en Beat Takeshi, son Mister Hyde, alter ego excessif et provocateur qui ne le quittera plus. Le succès ne tarde pas : en 1976, les compères font un tabac télévisé, dans un registre outrancier qui n’hésite pas à taper sur les vieux, les pauvres ou les handi- capés. L’esprit punk made in Japan. Le ‘Monsieur Manhattan’ de Benoît Poel- voorde, les sarcasmes de Pierre Desproges, pourraient ici donner une idée du ton qui rendit Kitano célèbre dans son pays. Où il reste avant tout, aujourd’hui encore, un anar- chiste du petit écran. Et pour cause : Takeshi, stakhanoviste du rire violent, alla jusqu’à s’occuper dans les années 1980 de près d’une dizaine d’émissions télé par semaine. Parmi celles-ci : ‘Takeshi’s Castle’, une sorte d’Inter- villes hardcore, dont l’export aux Etats-Unis et en Europe ( encore diffusé, en France, sur Direct 8 ) assura à Kitano une stature inter- nationale d’empereur du divertissement. Comme un mélange nippon de Guy Lux, Coluche et Sacha Baron Cohen RETROSPECTIVE 16 rue de la maison Rouge Résidence des Cèdres 92190 MEUDON FONDATEUR : Luce Roux DIRECTRICE : Gabrielle Ferry MAQUETTE : Gabrielle Ferry CONCEPTION GRAPHIQUE : Gabrielle Ferry et Luce Roux RENCONTRE AVEC TAKESHI KITANO p.4-5 SES TALENTS CACHÉS p.6 FILMOGRAPHIE p.7 AUTOPORTAIT DÉJANTÉ p.2

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Journal de la retrospective Takeshi Kitano

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Page 1: Journal Takeshi Kitano Retrospective

une exposition à la Fondation Cartier, et une rétrospective de ses films au centre Pompi-dou. Autant de bonnes raisons de se pen-cher sur cet étonnant artiste aux mille et un visages.Voici une quinzaine d’années que le public français croit connaître le cinéaste japonais Takeshi Kitano, 63 ans, auteur de polar troubles ( ‘Sonatine’, 1993 ), et souvent poi-gnants ( ‘Hana-bi’, Lion d’or à Venise en 1997 ). D’ailleurs, avec l’onirique ‘Dolls’ en 2002, inspiré par l’art du bunraku ( théâtre de marionnettes traditionnel ), on avait pu ima-giner un tournant dans l’oeuvre du cinéaste, devenu, avec la maturité, poète abstrait et contemplatif, ou troubadour lyrique du ciné-matographe. Que nenni ! Loin de poursuivre sur la confortable voie de la respectabilité,

ses der-niers films,

d é l i b é r é -ment inégaux,

s’acharnent à détourner ou

détruire le mythe Kitano, formant

une trilogie, grima-çante et bancale, sur

le thème de la création. Ou, plutôt, sur son impossibilité et ses ratages. Son actuelle exposition à la Fondation Car-tier, drôle et enfantine ( ‘Gosse de peintre’ ), achève de brouiller les repères cinéphiliques en présentant une oeuvre plastique protéi-forme, mêlant films, sculptures, peintures, parodies et émissions télévisées. Qui laissent le spectateur à la fois hilare et interdit, devant une inévitable question : mais qui donc est, au fond, ce Takeshi Kitano ?

PORTRAIT DE TAKESHI KITANO

Anarchiste zenAlexandre Prouvèze

Célèbre en France pour son cinéma, Takeshi Kitano revient avec un nouvel

opus ( ‘Achille et la tortue’ ), un livre d’en-tretiens avec le journaliste Michel Temman,

L’amuseur public

Après des études d’ingénierie dans une des plus prestigieuses universités japonaises, Kitano commence sa carrière à Tokyo… comme réparateur d’ascenseurs pour une boîte de nuit ! Sur scène, sketches comiques alternent avec numéros de strip-tease. La bonne vieille école du cabaret : de temps à autre, Takeshi remplace un humoriste absent, au pied levé. En 1972, à 25 ans, il décide de se lancer dans le comique manzaï ( 1), en compagnie de son ami Kiyoshi Kaneko. Le duo, dans l’esprit pop et libertaire de la fin des années 1960, se baptise Two Beats, à l’américaine. Kitano se métamorphose pour la première fois en Beat Takeshi, son Mister Hyde, alter ego excessif et provocateur qui ne le quittera plus. Le succès ne tarde pas : en 1976, les compères font un tabac télévisé, dans un registre outrancier qui n’hésite pas à taper sur les vieux, les pauvres ou les handi-capés. L’esprit punk made in Japan.Le ‘Monsieur Manhattan’ de Benoît Poel-voorde, les sarcasmes de Pierre Desproges, pourraient ici donner une idée du ton qui rendit Kitano célèbre dans son pays. Où il reste avant tout, aujourd’hui encore, un anar-chiste du petit écran. Et pour cause : Takeshi, stakhanoviste du rire violent, alla jusqu’à s’occuper dans les années 1980 de près d’une dizaine d’émissions télé par semaine. Parmi celles-ci : ‘Takeshi’s Castle’, une sorte d’Inter-villes hardcore, dont l’export aux Etats-Unis et en Europe ( encore diffusé, en France, sur Direct 8 ) assura à Kitano une stature inter-nationale d’empereur du divertissement. Comme un mélange nippon de Guy Lux, Coluche et Sacha Baron Cohen

RETROSPECTIVE

16 rue de la maison RougeRésidence des Cèdres92190 MEUDON

FONDATEUR : Luce RouxDIRECTRICE : Gabrielle FerryMAQUETTE : Gabrielle FerryCONCEPTION GRAPHIQUE :Gabrielle Ferry et Luce Roux

RENCONTRE AVEC TAKESHI KITANO p.4-5SES TALENTS CACHÉS p.6

FILMOGRAPHIE p.7

AUTOPORTAIT DÉJANTÉ p.2

Page 2: Journal Takeshi Kitano Retrospective

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P O R T R A I T

L’acteur-réalisateur se dédouble dans le très schizophrénique Takeshis’, son oeuvre la plus surprenante, la plus déjantée, la plus atypique et sans doute la plus personnelle. Dans cette

sorte de casse-tête japonais qui se déroule entre rêve et cauchemar, il incarne à la fois Beat Takeshi, star du show-biz, et son sosie, un caissier timide aux cheveux blonds, qui voudrait devenir acteur. Après son travail, le caissier décoloré auditionne, mais la concurrence est

rude en raison de la présence de yakusas très motivés qui désirent décrocher les mêmes rôles.« Les yakusas ont trouvé ces scènes très drôles, explique Takeshi Kitano. Ils vien-nent souvent à mon bureau pour tenter d’avoir des rôles dans mes films. Je refuse

évidemment sinon la police ferait sans arrêt des descentes chez moi ! Alors, à chaque fois, j’ai des problèmes. Ils me menacent, veulent me couper le doigt... En revanche, dans les studios de Kyoto, on n’arrive pas à différencier les acteurs des yakusas ! C’est totalement fusionnel. »

Et d’ajouter, dans un éclat de rire, « les yakusas ont un désir de recon-naissance, de célébrité, ils veulent s’afficher avec nous, les artistes. Nous sommes leurs geishas ! »

À travers ce film, Takeshi Kitano joue au clown. « J’ai ce projet depuis dix ans, depuis l’époque de Sonatine, confie le réalisateur. Mais mes producteurs trouvaient l’idée insensée et pensaient qu’il était

trop tôt pour la réaliser. Mon heure est enfin venue ! L’histoire est irréelle et le personnage de Beat Takeshi est un mélange de l’image publique que mes fans doivent avoir de moi et celle d’une star arrogante stéréotypée. Mais à mes yeux, il ne s’agit

pas de schizophrénie, plutôt de démultiplication comme dans une formule mathématique. »

Jeu de massacre

En revanche, une chose est sûre. Il veut tuer le mythe Kitano, en parodiant les scènes violentes que l’on

trouve dans ses films, tout comme son personnage télé. On a l’impres de massacre à la fois libérateur et destructeur, à la fin d’un cycle cinématogra-phique.

Finalement, vers quoi désire-t-il aller ? « Je répondrai par une image. J’en ai assez d’être dans lable dans laquelle je suis i n’ai

pas suffisamment d’ares fondations ? Impossible de répondre, je suis en train d’en élaborer les plans. Je n’ai donc même pas encore abordé la phase

des travaux. »

Mais pour lui, il n’est pas ques-tion d’abandonner son émis-sion télé hebdomadaire, « j’ai besoin de mes sponsors et d’argent pour réaliser mes

films ! »

Comédie de Takeshi Kitano, avec Beat

Takeshi Kitano, Kotomi Kyono, Susumu Tera-jima, Akihiro

Miwa.

UN CRÉATEUR TENTACULAIREEn marge de sa frénésie télévisuelle, Kitano diversifie assez vite ses activités. Il peint, écrit des poèmes, de nombreuses critiques, une poignée de romans. En 1983, il appa-raît pour la première fois au cinéma dans ‘Furyo’, film de guerre de Nagisa Oshima, aux côtés de David Bowie. Mais surtout, au cours des années 1980, Takeshi Kitano s’en-toure de fous furieux et de doux dingues, les ‘Gundan’, disciples martyrisés lors de ses émissions, et acteurs des films qu’il réa-lise à partir de 1989. Comme Andy Warhol ou André Breton, Kitano fait partie de ces artistes qui, très tôt, ont aimé s’entourer d’un groupe, d’un ensemble complice d’affinités électives. « La plupart d’entre eux sont venus à moi par hasard, au fil de rencontres impré-vues », explique Kitano ( 2 ) , « Peut-être que le fait d’avoir les Gundan autour de moi agit comme une thérapie. [ … ] Si on me deman-dait de choisir entre ma famille et mes dis-ciples, il se pourrait que je choisisse les Gun-dan ! »Avec son gang, Beat Takeshi développe des concepts d’émissions tous azimuts, qui tien-nent autant de la science ( il se passionne pour la fission nucléaire ) que du happening. Quelques exemples : des débats politiques et des histoires d’extraterrestres, des mythes

aztèques, un show médical, un journal d’in-formation, des émissions de mathématiques et de chansons, quelques variations sur Benny Hill ou des héros de mangas… Et, sur-tout, l’émission que Kitano considère comme sa meilleure : ‘Daredemo Picasso’. Traduc-tion : « N’importe qui peut être Picasso. » Derrière la provocation du titre, on retrouve la fascination de Kitano pour la peinture, et son rapport décomplexé à toutes les formes de création ( lui-même s’inspirant ostensible-ment du maître espagnol ). A mélanger ainsi les genres, la créativité du cinéaste japonais prend des airs de poulpe, dont chaque ten-tacule fouillerait un champ particulier du savoir. Comme un artiste-réseau : raison pour laquelle Kitano paraît si constamment faire tomber les barrières, d’abord entre art et divertissement, puis entre les différentes formes d’expression - lorsqu’il reprend, par exemple, ses tableaux dans des films ( ‘Hana-bi’, ‘Achille et la Tortue’ ). Mais il abolit aussi la distance entre son statut de créateur et celui de son public, dont l’implication déter-mine largement l’oeuvre présentée ( voir, par exemple, l’installation ‘La Tour de Hanoï’ à la Fondation Cartier ). A bien y regarder, il semblerait alors que le véritable domaine de travail de Kitano ne soit ni le cinéma.

Mise à l’épreuve des acteursLes acteurs d’Outrage n’avaient encore jamais travaillé avec Takeshi Kitano. L’expérience a donc été enrichissante pour le réalisateur qui reste habitué à ses comédiens fétiches : « Je crois sincère-ment que c’était bien parce que plein de fraîcheur, de nouveauté. La technique de certains acteurs m’était totalement inconnue. J’ai vu des choses que je n’avais jamais rencontrées avec mes acteurs habituels. »

Combats sanglants... en smokingLa spécialité de Takeshi Kitano : la violence ! Il le dit lui-même : »Je filme la violence de sorte que le spectateur ressente réellement la douleur. Je n’ai jamais filmé et ne filmerai jamais la violence comme s’il s’agissait d’un vulgaire jeu vidéo. » Pour ce nouveau film les scènes de combat sont particulièrement stylisées. Déjà dans Zatoichi, dont l’action se déroule au XIXème siècle, les face-à-face à l’épée étaient ralentis, les gestes, amplifiés et la musique, éloquente. Cette fois le cinéaste reste dans le même registre mais le traite d’une manière plus contemporaine. Les yakuzas hurlent dans des espaces impersonnels, bien souvent en intérieur , ils sont richement vêtus, en costume à la manière des cadres d’aujourd’hui. La violence qui se répand, tentaculaire, est véhiculée par les armes à feu mais aussi par le biais du langage. Takeshi Kitano nous livre donc une réflexion sur la prépon-dérance de la violence dans nos sociétés contemporaines.

TAKESHI KITANO, AUTOPORTRAIT DÉJANTÉ

CHEMISE blanche sur pantalon noir : Takeshi Kitano, fidèle à lui-même, au moins sur le plan vestimentaire.

Sonatine 1993

Page 3: Journal Takeshi Kitano Retrospective

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E N Q U Ê T E

ZATOICHI n’est pas seulement mon pre-mier film d’époque, c’est également la pre-mière fois, depuis VIOLENT COP, que je réalise un film à partir d’une idée de départ conçue par d’autres que moi. Je redoutais que ZATOICHI soit un film difficile à mettre en scène car les films en costumes sont com-munément considérés comme étant plus minutieux que les autres. Il s’est avéré, au contraire, très amusant à réaliser. J’ai trouvé que le processus lié à la reconstitution d’une époque était sans doute plus stimulant sur le plan de l’imagination, car au final, il m’a fallu tout réinventer. Cela m’a autorisé des choses bien plus excentriques qu’à l’accoutu-mée et m’a permis d’explorer des domaines où je ne m’étais jamais aventuré jusque-là. ZATOICHI est sur les plans créatif et artis-tique, l’une des expériences les plus enrichis-santes de ma carrière.

LA LÉGENDE ZATOICHIZatoichi est l’un des héros de fiction les plus populaires du Japon. Je pense que n’importe quel japonais de plus de trente ans le connaît. Mais comme le dernier film réalisé autour de cette figure légendaire date de plus de dix ans, les jeunes japonais ignorent qui il est. J’espère que mon film leur offrira l’opportunité de découvrir ce héros.

LES ORIGINES DU PROJETLe projet me fut proposé de manière tout à fait inattendue par Madame Chieko Saito, l’un de mes mentors à l’époque où j’aspirais à devenir un comique de one-man show. Elle était également une amie intime de Mr. Shin-taro Katsu, qui interpréta le rôle de Zatoichi au cinéma et à la télévision de 1962 à 1989. Il y a quelques années, elle me demanda d’en-visager de mettre en scène une suite à ces aventures. Le projet m’intéressa immédiate-ment car je n’avais à ce jour jamais travaillé sur un film historique et en costumes. Mais lorsqu’elle a ajouté qu’elle souhaitait que je reprenne le rôle titre, j’ai paniqué. Il n’était pas question que je remplace Shintaro Katsu dans ce personnage qu’il avait marqué de sa personnalité. J’ai donc poliment décliné l’offre, mais c’était sans compter sur la téna-cité de Madame Saito. J’ai finalement cédé mais à une seule condition : être libre de faire le film que je voudrai, autour du per-sonnage central, un masseur aveugle du nom de Zatoichi, joueur professionnel de talent et sabreur hors du commun. Tout le reste serait mon entière création.

LE NOUVEAU ZATOICHIMon scénario n’est pas basé sur l’une des aventures de Zatoichi interprétées par Shin-taro Katsu. Je ne voyais pas l’intérêt de copier

sa version du héros. Je me suis donc attelé à créer une nouvelle version de cette figure héroïque, aussi différente physiquement et p s y c h o l o g i -quement que possible de l’original. Le Zatoichi de Katsu avait les cheveux sombres, était habillé dans un kimono très coloré et portait une canne-épée marron. Cette apparence physique avait très bien fonctionné en son temps mais je tenais à m’en éloigner de manière ostentatoire. Mon Zatoichi est un homme plus coquet et excen-trique. Ses cheveux sont blond platine et sa canne-épée d’un beau rouge sang. De même, en terme de caractère et de mentalité, il est

nettement plus détaché des autres person-nages sur le plan émotionnel. Le Zatoichi de Shintaro Katsu avait un côté réconfortant

dans les rela-tions qu’il avait avec les villageois. Le mien ne se mêle pas v r a i m e n t

aux gentils. Il se contente de pourfendre les méchants.

ZATOICHI DÉCONCERTEZatoichi est quasiment invincible. La ques-tion est évidemment « comment fait-il ? ». Il est aveugle, il ne voit donc pas ses adversaires : comment peut-il être aussi fort ? J’ai finale-ment décidé que le secret de sa puissance se

résumerait à cette seule explication : « C’est un film ». J’ai d’ailleurs joué avec la cécité de Zatoichi à la fin de l’histoire. Suggérant, mais vraiment à peine, qu’il pourrait ne pas être aveugle.

LA CANNE-ÉPÉE DE ZATOICHILe rouge sang pour la canne-épée s’est imposé comme une évidence. Il fallait une couleur vive pour ne pas rendre ce personnage trop terre à terre, et faire de ce film une histoire pleine de bons sentiments sur de simples vil-lageois. Je pensais que si Zatoichi était blond et qu’il portait une canne laquée rouge vif, les autres personnages auraient plutôt tendance à se méfier de lui et chercheraient à l’éviter.

UN FILM D’ÉPOQUEOn pourrait s’attendre à ce que ce genre de reconstitution impose de plus grandes res-trictions car vêtements ou décors doivent être rigoureusement fidèles aux faits histo-riques… J’ai ressenti au contraire une liberté créative plus grande car il a fallu justement tout fabriquer. Chaque détail : l’apparence des personnages, la reconstitution des décors, les coiffures… requiert plus d’imagination que pour un film contemporain.

EFFETS SPÉCIAUXDe plus en plus de films ont tendance à s’en remettre aux effets spéciaux assistés par ordi-nateur. Jusqu’à présent, je ne me sentais pas très à l’aise à l’idée de les utiliser dans mes films. Mais dans un film d’époque, ils don-nent un petit côté « cartoon », d’autant plus adapté dans ce cas précis. Nous les avons sur-tout employés pour montrer les blessures et les scarifications. Autrefois, vous pouviez évi-ter de filmer les balafres ou le sang qui jaillit. Mais les temps ont changé. Nous avons donc essayé de montrer les blessures de la manière la plus graphique possible.

LE SABRE TOUJOURS À MES CÔTÉSJ’ai souhaité que les effets spéciaux n’inter-viennent jamais dans les scènes d’action. Je voulais assurer moi même -dans la mesure de mes moyens- la plupart de mes cascades et de mes combats. J’ai adoré faire cela. Dans l’histoire originale et les précédents films de la saga, Zatoichi dégaine sa canne-épée par un mouvement de revers. Cela impose des restrictions considérables dans le maniement du sabre. Cela ne me laissait au final que peu de possibilités en terme d’action : dégainer en bas ou latéralement. Afin de décomposer les mouvements du sabre pour les rendre plus visibles à l’écran, j’ai adopté pour ces scènes des positions plutôt insolites.

LE NOUVEAU ZATOICHI

Après la comédie Glory to the Filmmaker ! sortie en 2008, le Japonais Takeshi Kitano revient dans le style violent qui a fait sa renommée avec Outrage, rap-porte Variety. Le cinéaste réa-lisera le film d’après son propre scénario et y tiendra le premier rôle. Aniki, mon frère, son der-nier film de gangster, avait été plébiscité par la critique et le

public lors de sa sortie en 2000.Dans Outrage, Kitano jouera le rôle d’un petit chef de gang de Tokyo, chargé de faire le sale boulot à la place de ses supé-rieurs.

Comme à son habitude ( Sona-tine, Zatoichi ), le réalisateur portera plusieurs casquettes dont celle de comédien principal et

s’occupera de la production aux côtés du studio américain War-ner Bros. Le tournage commen-cera en août prochain pour une sortie prévue en 2011.Takeshi Kitano a reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise en 1997, pour Hana-Bi.

TAKESHI KITANO RENFILE SON COSTUME DE GANGSTER DANS « OUTRAGE »

« Cela m’a permis d’explorer des domaines où je ne m’étais jamais aventuré jusque-là. »

Zatoïchi 2003

Page 4: Journal Takeshi Kitano Retrospective

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R E N C O N T R E

TK : En partie, oui. Comme vous le savez, j’ai collaboré très étroitement avec Yohji Yamamoto, et en particulier la robe en forme de kimono qui apparaît dans la dernière partie. J’ai beaucoup aimé ces vêtements qui avaient une allure japonaise traditionnelle. Pendant la préparation de Zatoichi, j’ai demandé à Yohji de travailler de nouveau avec moi, mais c’était une production d’une telle ampleur qu’il ne pouvait pas l’assurer seul. Nous avons alors demandé à la fille d’Akira Kurosawa, Kazuko, de dessiner les costumes. Nous nous sommes ainsi concertés à trois, mais le costume de Zatoichi, c’est à Yohji que nous le devons : c’est lui qui a sug-géré d’en changer la couleur et d’opter pour ce bleu élégant. Cela m’a conduit à changer aussi la couleur de la canne-épée. Dans la série d’origine, elle avait des tons de blanc écru et j’ai voulu qu’elle soit d’un rouge éclatant. Par ricochet, cela m’a décidé à me teindre les cheveux en blond. J’ai gardé cette couleur de cheveux dans mes shows télévisés, pendant les six mois qui ont précédé la sortie du film au Japon, pour habituer les specta-teurs à me voir comme ça ! Généralement les films japonais en costumes se situent dans un passé plus lointain et jusqu’au XVIII siècle. Zatoichi, comme La Légende du grand judo et Barberousse, se déroule au XIXe siècle.

D’habitude, vous commencez à écrire le scénario d’après des images que vous avez en tête. Avez-vous travaillé de façon sem-blable, malgré la nécessité de construire une histoire très élaborée avec de nombreux personnages ?

Je n’ai pas changé grand- chose à mes habitudes p o u r Zatoichi. Comme je le fais tou- jours, je suis parti d’images, cette fois ( c o m m e souvent ) au nombre de quatre. La première : Zatoichi entrant dans la petite ville ; la deuxième : la rencontre des paysans avec les citadins et leur mauvais traitement par de méchants yakusa ; la troisième : le combat entre les malfrats et les gardes du corps des yakuzas d’une part, et Zatoichi de l’autre ; la qua- trième : la danse finale.

C’est la première fois que

vous réalisez un film qui vient d’une proposition extérieure. Quelle est l’origine du pro-jet ?

Il m’a été proposé par une dame q u i est propriétaire d’un théâtre d a n s la partie orientale de Tokyo, et l ’ u n e des personnalités préémi- n e n t e s dans le monde du spec- t a c l e . En fait, madame Chieko Saito avait été un de mes mentors il y a une trentaine d’années, quand j’étais un acteur comique d é b u t a n t , pendant ma période Asakusa. Elle était aussi une amie très proche du comédien Shintaro Katsu qui a joué Zatoichi dans les épisodes originaux au cinéma ( 25 films ) et à la télévi-sion ( une cen- taine de téléfilms ) entre 1962 et 1986. Elle est venue me voir, il y a quelques années, pour que je reprenne le rôle de Zatoichi, tout en h o n o - rant la mémoire de Shintaro K at s u , disparu en 1996. À l’origine, e l l e m’a demandé d’être le metteur e n scène, mais, quand nous avons dis- cuté du choix de l’interprète, elle

m’a dit que bien sûr ce serait moi ! J’ai été pris de panique à l’idée d’in-

carner un personnage identifié à ce point à un comédien spécifique. J’ai dit

finalement à Mme Saito que j’acceptais sa proposition à une seule condition : je

garderais les attributions de Zatoichi - il

serait un masseur aveugle, maître dans le maniement de l’épée et un génie au jeu ; en dehors de ces caractéristiques, tout le reste serait de ma propre invention. Elle m’a donné son accord et le film a pu se faire.

Quelle a été votre approche du personnage ? Il semble, par exemple, profondément indiffé-rent aux autres, qu’il les protège ou qu’il les combatte...

C’est très différent de l’original, qui avait plus de sympathie pour les personnages autour de lui, était plus impliqué dans leurs problèmes et se battant pour eux. Mon Zatoichi ressemble plus à une machine à tuer, détaché par rapport à son entourage. C’est notamment parce que je voulais que ce film soit un cadre pour toutes formes de divertissement : la comédie, l’action, la danse, la musique. Les personnages et les interprètes sont là pour montrer leurs talents, leur art, ce qu’ils font de mieux. Pour moi, le spectacle, dans Zatoichi, était aussi important que l’intrigue centrale impliquant le protagoniste. Si j’avais mis davantage l’ac-cent sur l’aspect humain de Zatoichi, il me fallait développer les autres personnages, ainsi que les scènes dramatiques ou émo-tionnelles. Ce faisant, je me serais rappro-ché des films interprétés par Katsu au risque de les copier, et je ne le voulais en aucune façon. Je ne souhaitais pas non plus surjouer dans le style de la Méthode, qui était aussi celui de Shintaro Katsu.

Il y a un contraste entre l’aspect plus visuel et stylisé de Zatoichi et l’humanité des personnages secondaires : les deux sœurs, et même son adversaire le samouraï Hattori, dont le contexte est plus développé.

J’ai entrepris ce film avec l’idée que le public connaissait déjà Zatoichi, son passé, le cadre de ses actions. J’ai donc décidé de laisser de côté l’arrière-plan de son person-nage puisque je travaillais sur un acquis. Par ailleurs, à ce stade, je ne pouvais pas me sou-cier du public international. Je ne pensais qu’au public japonais moyen. Sinon il m’au-rait fallu réaliser un film de trois heures. Bien sûr, c’était un Zatoichi très différent par certains côtés, et j’avais dans ma tête le passé de mon Zatoichi. C’était un enfant abandonné, un bâtard, probablement d’un

« J’ai gardé cette couleur de cheveux dans mes shows télévisés, pendant

les six mois qui ont précédé la sortie du film au Japon, pour habituer les spectateurs à me voir comme ça ! »

En s’attaquant pour la première fois à un film d’époque, et en faisant revivre à l’écran l’un des héros les plus popu-laires de la culture japonaise ( Zatoichi, le masseur aveugle, imbattable au sabre ), Kitano transpose, dans un genre nouveau pour lui, la virtuosité dont il avait fait preuve dans ses films de Yaku- sas. Cet exercice sanglant et ludique, qui mêle d’éblouissantes scènes de combat à des rythmes de comédie musicale, tout en développant une fable sur la tromperie des apparences, lui a valu un triomphe à Venise, où il a remporté le prix de la mise en scène.Zatoichi est votre premier film d’époque, mais Dolls, avec son esthétique ( sur- tout celle des costumes ) très styli-sée, a dû vous préparer à cette expérience nouvelle ?

ENTRETIEN AVECTAKESHI KITANOCANNES 2010

Outrage a été présenté en compétition au 63ème Festival de Cannes.Outrage a reçu 4 nomina-tions.

DE VENISE À BEAUBOURGAchille et la tortue a été présenté en Sélection officielle à la Mostra de Venise... en 2008, soit plus d’un an avant sa sortie fran-çaise.

ZATOICHI DÉJÀ

ADAPTÉ AU CINÉMA

Le personnage de Zatoichi a déjà été

porté à l’écran en 1964 avec La Légende

de Zato Ichi. Shintaro Katsu y incarnait le

sabreur aveugle et s’imis-çait dans l’histoire d’un

chargement d’or disparu.

KITANO AMATEUR DE CLAQUETTES

Pour le final atypique du film, Takeshi Kitano a fait appel à un

groupe de danseurs japonais appelé The Stripes. « J’ai vu leur spectacle

et fus complètement fasciné par leur manière de danser. Leur style était complétement différent de celui, plus traditionnel, que l’on m’avait enseigné » explique-t-il.

UN TEXTE DE CHIKAMATSULe texte déclamé lors du spectacle de bunraku de la séquence d’ouver-ture de Dolls fait partie de Meido no HikyakuLe Courriers des enfers ), l’un des textes les plus connus de Monzae-mon Chikamatsu, auteur du 17e et 18e siècles considéré comme le Shakespeare japonais avec 110 pièces de bunraku et 30 pièces de kabuki à son actif.

LE SAVIEZ-VOUS ?

BEAT KIYOSHI

Takeshi Kitano a

convié son ancien partenaire

du duo comique dans lequel il a

débuté sur scène et auquel il doit son

succès, Beat Kiyoshi a apparaître dans une

scène de Takeshis’.

UN PROJET VIEUX DE 10 ANS

Déjà il y a 10 ans, le cinéaste Takeshi Kitano avait envie de réa-

liser un film qu’il voulait intituler « Fractal » sur un homme ordinaire

dont l’histoire deviendrait subite-ment « bizarre ». Cependant les producteurs n’acceptèrent le projet que lorsque Kitano leur proposa d’en interpréter le personnage principal et de changer le titre en Takeshis’.

FAN DE LAUREL ET HARDYLes inspirations amé-ricaines de Takeshi Kitano viennent surtout de Laurel et Hardy, des duel-listes essentielle-ment puisqu’au Japon, les comiques solitaires ne sont pas très popu-laires.

Page 5: Journal Takeshi Kitano Retrospective

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R E N C O N T R E

marchand por- tugais qui avait débar-qué au Japon et avait eu une liaison avec une fille de la campagne, avant de repartir dans son pays. Le gosse était né aveugle et, dans sa jeunesse, avait été brimé par ses cama- rades à cause de sa cécité. Obligé de se défendre contre ses agresseurs, il avait développé son talent à l’épée. Il était hors de question de filmer ces séquences, d ’ a u t a n t que, comme je l’ai dit, Z a t o i c h i est une marque déposée, un icône du film en costumes japonais. Pour ce qui est des autres personnages, c’est u n e règle dans la série de Zatoichi qu’il ait en face de lui un adversaire puissant et adroit. Je m’y suis soumis. J’ai fait de Hattori, malgré son talent, un samou-raï sans maître, un ronin. Curieuse-ment, il n’a pas de travail. Pour expliquer cette contradiction, j’ai montré dans un retour en arrière que, s’il est très doué pour le traditionnel combat à l’épée, il ne sait pas utiliser l’épée en bois qui permet des coups tordus. C’est ainsi qu’on le voit se faire battre par un ronin sous les yeux de son seigneur. Et qu’il perd son emploi. Quant aux deux geis-has, c’est une nécessité pratique qui me les a fait ajouter au récit. Daigoro Tachibana, qui joue le travesti geisha, travaille pour la dame qui m’a offert le projet, et elle m’a demandé si je pouvais utiliser ce jeune acteur très doué en lui mettant un maquillage féminin. J’ai alors pensé à un personnage nouveau, et j’ai dû réécrire le scénario. Après avoir fait cela, Chieko Saito est revenue vers moi pour me parler d’un autre garçon, plus jeune, aussi bon comédien que Tachibana, avec un très beau visage, à qui je pourrais confier un rôle. J’ai donc créé un deuxième travesti geisha qu’incarne Yuko Daike, dans les flash-back. D’où une nouvelle version du scénario !

D’habitude c’est le héros qui a une femme compréhensive, mais, ici, c’est Hattori.

Dans plusieurs épisodes de la saga Zatoichi, Katsu tombait amoureux d’une geisha ou de la fille d’un marchand ou d’un artisan. Mais je ne voulais pas, pour les raisons que j’ai déjà dites, me retrouver avec des scènes émotion-nelles qui ressembleraient à celles interpré-tées par Katsu, et c’est pour cette raison que j’ai donné à Hattori une très belle épouse.

Le choix de l’interprète du garde du corps était capital pour établir un contraste avec Zatoichi. Avez-vous pensé tout de suite à Tadanobu Asano, et pour quelles raisons ?

J’avais travaillé avec lui sur le film de Nagisa Oshima Tabou ( Gohatto ), et même avant, je le connaissais comme un acteur de grand talent. À franchement parler, je n’aimais pas vraiment la façon dont Nagisa Oshima l’avait mis en scène dans son film. J’aurais, quant à moi, dirigé son jeu dans d’autres directions. Il a une présence impressionnante à l’écran, et je voulais mieux utiliser son potentiel. C’était une bonne occasion pour lui faire jouer le rival de Zatoichi.

Dans tous vos films, l’aspect cho-régraphique est très développé ; ici encore vous accordez une grande importance aux mouvements des corps dans les scènes de combat, mais aussi chez les paysans qui

travaillent dans les champs, ou dans le ballet final. On pense à une comédie musicale.

Quand vous faites un film en costumes et que vous êtes un metteur en scène japonais, si vous le réalisez dans un style classique et authen-tique, les critiques, inévitablement, vont faire des comparaisons avec des grands cinéastes du passé comme Kurosawa. Je voulais donc, pour Zatoichi, changer radicalement le style du film historique. Mon but fut de créer un tempo pendant tout le film et de terminer avec le rythme intensif du tap dance. Dès l’introduction, j’adopte cette vitesse d’exécu-tion, pour que le spectateur ait le sentiment d’être entraîné dans un seul souffle jusqu’à la conclusion. Le rythme de ce film est beau-coup plus enlevé que dans aucun de mes autres films, et cela me permet de masquer les inexactitudes historiques ! Par ailleurs, si les combats à l’épée sont en effet inhabi-tuellement vifs, le maniement de l’arme

et les mouvements des combattants sont très authentiques. J’ai toujours été mal à

l’aise devant la représentation de ce genre de combats à l’écran, qui me paraissent souvent acrobatiques

et loin de toute réalité. J’ai voulu renouveler le genre en mêlant ces éléments variés en un seul film, et en recherchant une plus grande vérité.

Avez-vous eu recours à des experts en arts martiaux ?

J’étais assisté d’un spécialiste de combats de sabre, mais, en fait, j’ai choré-graphié moi-même presque toutes les scènes d’action. Pas seulement celles de Zatoichi.

Dans vos films poli- ciers, les séquences de fusillade s o n t toujours très spectacu- l a i r e s. Que vous a apporté cette n o u -velle discipline ?

Dans ce film, je me suis rendu compte de la différence majeure entre la mise en scène de fusillades et celle de combats à l’arme blanche : c’est celle de la distance entre les per-sonnages. Avec des armes à feu, je ne me préoccupe jamais de la distance, puisque les combattants peuvent être loin les uns des autres : qu’on les filme séparément ou à bout portant, ça marche à tous les coups. Mais, dans un combat au sabre, la proximité est imposée. Au point que lors du tournage du dernier Zatoichi avec Katsu, à y a eu un tra-gique accident : comme ils utilisaient de vraies armes, il a grièvement blessé son adversaire. Dans mon film, on n’a pas employé de vrais sabres, mais je tenais à ce que la distance entre les combattants soit véridique : je ne voulais pas tricher avec l’espace. Les répéti-tions étaient dangereuses. D’autant plus que, jouant un aveugle, je jouais avec les yeux fermés ou baissés... Je peux vous dire qu’à certains moments les sabres des autres inter-prètes ont effleuré mes paupières, manquant de me transformer en véritable Zaotichi ! De ce que je sais, le but n’est pas tant de cou-per en deux l’adversaire que de l’atteindre à certains points précis, comme l’artère carotide, pour le neutraliser d’un seul coup. C’était donc un défi de régler ces combats. Cependant, quand J’étais un jeune acteur

comique, pendant ma période Asakusa, j’ai fait énormément de duels parodiques, ce qui m’a beaucoup aidé. Il se trouve que dans ce film, je me suis servi de plein d’éléments acquis lors de mes années de jeunesse : pas

seulement le sabre, mais la danse, que j’avais apprise à l’époque, ainsi que la pantomime ou la gestuelle comique, qui ressurgissent dans certains épisodes. Tout cela vient de ma période d’apprentissage.

Comment avez-vous travaillé avec votre chef opérateur, en termes de découpage, de cadrage et de lumière ?

En général, je fais le découpage sur le décor, avec mon chef opérateur et mon directeur de la photo. Pour les scènes de combat, j’ai utilisé deux caméras, ce que je ne fais jamais d’habi-tude. Le chef opérateur était à la caméra n° 1, avec des instructions précises sur le cadre et les mouvements que je désirais. Son assis-tant était à la seconde caméra : je lui disais d’improdait furieux mon chef opérateur ! Pour l’éclairage, j’ai le même directeur de la photo depuis le début, et je le laisse faire ce qu’il veut. Il est tellement bon ! Pour le finale dansant, j’ai tourné à six caméras, pour la première fois.

Les séquences où les paysans dans les champs travaillent en rythme, ont-elles été préenregistrées ?

Nous avions préenregistré les cadences ryth-miques, qui étaient lancées en playback sur le plateau, à travers d’immenses haut-parleurs. Je voulais une parfaite fluidité musicale : on entend la musique, puis s’y mêle le son des bêches ou des charrues en cadence.

Il semble déjà difficile de réali-ser un film qu’on interprète soi-même... Mais, en plus, le faire avec les yeux fermés ne devait pas faci-liter les choses ! Faisiez-vous des

répétitions les yeux ouverts ?

Je pouvais vérifier les prises sur le moni-teu je demande à un assistant de se pro-mener avec mon texte écrit en grosses

lettres sur des panneaux, derrière la caméra... Avec les yeux fermés, ce

n’était pas possible !

[ Propos reccueillis par MICHEL CIMENT et YANN TOBIN ]

« j’ai chorégraphié moi-même presque

toutes les scènes d’action. »

SECRETS DE TOURNAGE

HOMME ORCHESTREFidèle à son habitude lorsque qu’il endosse le costume de réalisateur, Takeshi Kitano a une nouvelle fois cumulé les fonctions sur Dolls. Cré-dité en tant que metteur en scène, scénariste et monteur, Kitano a également largement participé à la

photographie de son film. Dolls est cependant le troisième film où Kitano réalisateur ne se met

pas en scène devant l’écran, après A Scene at the Sea et Kids Return.

ANIKI À DEAU-VILLE ET À

VENISEAniki mon frère a été présenté en avant-première

aux Festivals de Deauville 2000 et de

Venise 2000.

« DOLLS » À VENISEDolls a été présenté en compétition officielle à la 59e Mostra de Venise en 2002.

UN CHAUFFEUR ET UNE STAR AU GÉNÉRIQUELes principaux protago-nistes de Dolls ont connu des trajectoires bien différentes. Si Tatsuya Mihashi ( le mafieux ) et Chieko Matsubara ( la femme dans le parc ) sont des comédiens reconnus, Tsutomu Takeshige ( le fan aveugle ) n’en est qu’à sa deuxième expérience devant la caméra après Aniki, mon frere, lui qui était aupara-vant le chauffeur de Takeshi Kitano. Interprète de la vedette défigurée Haruna, Kyoko Fukada est, pour sa part, également star de la pop et actrice reconnue au Japon.

KITANO RETOURNE À SES PREMIÈRES AMOURSPour sa quinzième réalisation, Takeshi Kitano signe un nou-veau film de yakuzas. Le dernier en date était Aniki, mon frere réalisé en 2000, Takeshi Kitano souhaitait montrer la violence sous un jour nouveau en y augmentant les scènes collectives et en légitimant le port d’armes à feu, les sabres disparaissant com-plètement dans Outrage.

UN HOMMAGE À KUROSAWA

La scène de la pluie est un hommage aux Sept samouraïs d’Akira Kurosawa. Takeshi Kitano raconte : « Lorsque

nous avons filmé cette séquence, il nous a fallu non seulement lutter contre le froid, mais, à

un certain moment, l’odeur de la pluie changea. Cela puait vraiment. Nous

avions l’impres-sion d’une pluie battante de poissons. »

Page 6: Journal Takeshi Kitano Retrospective

QUAND YOHJI RHABILLE KITANO

6

A C T U A L I T É S

Cinéma > Festivals | 26 Avril 2012

A l’occasion de la sortie en salles d’Outrage, le dernier long métrage, de et avec Takeshi Kitano, le cinéma Le Champo organise une Nuit Takeshi Kitano, ce samedi 27 novembre à partir de minuit. Pour 15 euros les spectateurs auront droit à 3 films et un petit-déjeuner. Six longs métrages du réalisateur / acteur japonais seront projetés dans deux salles différentes : Hana-Bi, Blood and bones, Kids Return, Battle Royale, Getting Any ? et Aniki, mon frère. Le spectateur choisira sa salle en fonction des films proposés.

Cinéma > Célébrités |

Actuellement à Paris pour l’inauguration d’une rétrospective et d’une exposition qui lui sont consacrées, le réalisateur et acteur japonais Takeshi Kitano a reçu mardi soir les insignes de commandeur des Arts et des Lettres.Avec un film à l’affiche dès aujourd’hui ( Achille et la tortue ), une expo-sition consacrée à sa peinture ( « Gosse de Peintre » à la fondation Car-tier ), une rétrospective de ses films au centre Pompidou, une autobio-graphie… Le cinéaste japonais est au centre de toutes les attentions ! Présent à Paris à l’occasion de ces festivités, il a reçu mardi les insignes de commandeur des Arts et des Lettres des mains du ministre de la Culture, à la Fondation Cartier. « Vous n’êtes pas l’homme d’un seul film, vous n’êtes pas non plus l’homme d’un seul style, encore moins d’un seul visage », a souligné M. Frédéric Mitterrand, évoquant ainsi tous les talents du cinéaste-acteur-peintre-animateur de télévision japonais.

Il y a quelque chose de résolument ciné-matographique chez Yohji Yamamoto.

Un je-ne-sais-quoi de chaplinesque dans la silhouette. Est-ce le noir élégamment dépe-

naillé des vêtements ? Ou la démarche sau-tillante, les pieds en 10h10 ? Ou les yeux

perçants et moqueurs ? Dès que le lutin rieur entre dans une pièce, comme désolé

d’être là, mais sûr de sa supériorité, on croit aussi voir Dersou Ouzala, le chasseur du

film de Kurosawa. Les larmes qu’il verse à chaque spectacle de Pina Bausch ( qui a

dansé en Yamamoto pour ses vingt-cinq ans de carrière ) font de lui un personnage

digne de Parle avec elle, d’Almodóvar. Et lorsqu’il rêve en solitaire sur les quais de

son atelier, dans un paisible quartier por-tuaire de Tokyo où trois péniches somno-

lent au soleil, le petit homme semble sorti de L’Atalante, de Jean Vigo...

Quand Yohji ( comme il est de rigueur de l’appeler, sans excès de familiarité ) a pré-

senté son premier défilé à Paris, en 1981, les critiques de mode se sont exclamés,

déboussolés par ses robes noires déstructu-rées : « C’est Hiroshima sans amour !

Enfin, le couturier a lui-même été la star d’un film, Carnets de notes sur vêtements

et villes ( 1989 ), de Wim Wenders. Revi-sionné quinze ans plus tard, ce documen-

taire montre que le créateur de mode, roi de l’éphémère, passe l’épreuve du temps

haut la main. Cette façon d’interroger le noir, « conclusion des couleurs «, d’évoquer

Paris, « ville qui pique les joues, où les gens se fichent de tout « , et d’analyser la posi-

tion du col de manteau de Sartre, sur une photo de Cartier- Bresson... Tout donne à

penser qu’il ferait un cinéaste de qualité, s’il se laissait tenter. Mais Yohji n’est pas

homme à se laisser tenter. C’est un rêveur rétif. Un doux méfiant. Un faux paresseux

qui n’aime pas qu’on lui force la main, mais qui guigne les contraintes.

Jamais il n’aurait songé tout seul à travailler avec Takeshi Kitano. Lorsque le magazine

de mode Esquire leur propose une inter-view commune, en juin 1997, tous deux

viennent à reculons, chargés d’indifférence. Yohji n’a pas vu les films de Kitano, et

trouve son image d’animateur télé pas très seyante. Kitano ne s’intéresse pas à la haute

couture, et porte sans style les premières fringues qui tombent de son cintre le matin.

Le dialogue ne se noue pas, le journaliste rame, finit par sortir de petits papiers où il

a griffonné des mots-clés : « père « , « sport « , « Japon «, pour les faire réagir à tour

de rôle. Au bout d’une heure, ils tombent le masque. Masayuki Mori, le producteur

de Takeshi Kitano, se souvient de leur sur-prise à tous deux : « Ils étaient estomaqués

de s’être trompés l’un sur l’autre. Kitano pensait avoir affaire à un homme fragile

et efféminé. Il a découvert un Yamamoto très viril, pratiquant le karaté, aimant les

femmes et l’alcool. A l’inverse, Yohji s’at-tendait à rencontrer un gaillard expansif

et macho, et il s’est aperçu que Kitano est l’homme le plus délicat, le plus secret, le

plus féminin qui soit. «

Avec Dolls, les deux créateurs prennent des risques inédits : surprendre leurs fidèles

occidentaux. A 60 ans, Yamamoto ne se pose plus la question : « Ces temps-ci, je

pense avoir pris mes distances avec ce genre de pensée qui revient à planter, encore et

encore, une pique dans une patate douce pour savoir si elle est cuite. «

[ Marine Landrose comportent comme des marionnettes. Kitano envisageait un film

très réaliste, et Yamamoto l’a détourné vers le surréalisme. Sans le génie de Yohji, le

film aurait été beaucoup moins fort. «

Tout semblait les séparer. Pourtant, le couturier et le cinéaste japonais sont de la même étoffe : deux talents hors normes qui se bousculent l’un l’autre pour mieux se surprendre.

À TOKYO : GOSSE DE PEINTREDu 13 avril au 2 septembre, le Tokyo Opera City accueille l’exposition Beat Takeshi Kitano, Gosse de Peintre.

C’est avec plaisir, humour et sérieux que Takeshi Kitano s’est lancé dans Gosse de peintre, un projet singulier qui s’installe avec finesse et impertinence dans le monde de l’enfance. Présentée du 11 mars au 12 septembre 2010, l’exposition Gosse de peintre est inventée de toutes pièces par Takeshi Kitano pour la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Avec des peintures, des vidéos, mais aussi des objets insolites, des décors, des machines fantasques et sensationnelles, Takeshi Kitano conduit le visiteur de surprise en gag, de jeu en leçon de choses, se moquant de l’art contempo-rain, s’amusant avec l’histoire et les sciences et se jouant des clichés associés à son pays, le Japon.

Un personnage hors du commun.Cinéaste, acteur, animateur d’émissions télévisées, comique, peintre, écrivain, Takeshi Kitano, aussi connu sous le nom de Beat Takeshi, est un personnage hors du commun. S’il est célèbre dans le monde entier pour ses films, il jouit au Japon d’une popularité sans égale en tant que comique et homme de télévision. Curieux de tout, passionné par la connais-sance et sa transmission, il change de domaine et de vocabulaire avec autant d’aisance que de sérieux, passant de la violence à la comédie et de l’outrance à la retenue.

Un projet kaléidoscopiqueAu fil d’un parcours semé d’étranges images, d’ateliers et de leçons de choses, de jeux et de gags, il entraîne le visiteur dans un univers aussi joyeux que riche et complexe. Peuplée d’animaux imaginaires, d’inventions de toutes sortes, d’attractions et de réflexions, l’exposition de Takeshi Kitano s’apparente à un immense autoportrait, une mise en forme de ses rêves, idées et fantasmes d’enfant et d’adulte. Elle est jalonnée de références au quartier de son enfance, de clins d’oeil à des événe-ments de sa vie et même de son nom, qui apparaît à plusieurs reprises sur les décors et les objets. Cette toute première exposition de Takeshi Kitano est l’un des projets les plus ambitieux jamais créés pour la Fondation Cartier. Elle s’adresse aux enfants, tout en parlant aux adultes.Avec Gosse de peintre, Takeshi Kitano prend les enfants au sérieux et les invite à penser, à rêver, à entrer dans le jeu.

NUIT TAKESHI KITANO AU CHAMPO

COMMANDEUR DES ARTS ET DES LETTRES

Page 7: Journal Takeshi Kitano Retrospective

18 janvier 1947. Naissance à Tokyo dans le quartier Umejima. Takeshi Kitano est le quatrième enfant du peintre en bâtiment Kikujirô Kitano et de Saki Kitano.

1965. Fin du lycée, entrée à l’Université Meiji où il entame des études d’ingénieur abandonnées au bout de deux ans.

1972. Après avoir mené la vie de bohème, Takeshi Kitano se fait embaucher comme garçon d’ascenseur au « France », un théâtre de strip-tease du quartier Asakusa, où il apprend le métier d’acteur auprès de Senzaburo Fukami, comédien et propriétaire du lieu.

1974. Il rencontre Jirô Kaneko au « France », avec qui il forme un duo comique de manzaï, bien-tôt baptisé les « Two Beat » ( Beat Kiyoshi et Beat Takeshi ). Voir p.15

1976-1981. L’humour vipérin des « Two Beat », déversé en rafales verbales, leur vaut une reconnais-sance rapide dans le monde du spectacle, puis à la télévision. Beat Takeshi impose son bagout et son rythme.

À partir de 1981. Beat Takeshi se met à animer et à réaliser des

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F I L M O G R A P H I E

1989 1990

1991 1993

1994 1996

1997 1999

2000 2002

2003 2005

2007 2008

2010 2011

Violent CopJugatsu ( Boiling Point )

A Scene At The SeaSonatine

Getting Any ?Kids Return

Hana-biKikujiro no natsu ( L’été de Kikujiro )

Brother ( Aniki, mon frère )Dolls

ZatoïchiTakeshi’s

Glory to the Filmmaker ! et Chacun son cinémaAchille et la tortue

OutrageAutoreiji 2 ( en production )

RÉALISATEUR

1980 1981

1981 1982

1982 1983

1983 1984

19851986

19881988

1990 1990

19901992

19921992

19931993

19941994

Makoto-ChanMano de Youichi Azuma

Danpu-Wataridori de Ikuo Sekimoto Natsu no himitsu de Kawakami

Suttukari... sonokide ! de KotaniFuryo ( Merry Christmas Mr Lawrence ) de Nagisa Oshima

Juttukai no moki-to de Youichi SaiKanashii kimochi de jo-ku de Masaji Segawa

Demon ( Yasha ) de Yasuo KouhataComic Magazine ( Komikku zasshi nanka iranai ! ) de Youjorou Takida

Anego de Tatsuichi TakamoriViolent Cop ( Sono otoko, kyobo ni tsuki ) de Takeshi Kitano

Jugatsu ( Boiling Point ) de Takeshi KitanoHoshi-o tsugumono de Kazuo Komizu

Zansatsu seyo setsunakimono, soreha ai de Hisashi SudouErotittuku na kankei ( Erotic Liaisons ) de Takaji Wakamutsu

Shura no densetsu de Masaharu IzumiSakana kara daiokishin !! de Ryuudou Uzaki

Sonatine, dans le rôle de Murakawa de KitanoKyoso tanjo ( Many Happy Returns ) de Toshihiro tenma

Minna yattereruka ( Getting Any ) de Takeshi KitanoJohnny Mnemonic de Robert Longo

ACTEUR

émissions comiques à la télévision ( jusqu’à huit par semaine ). Des comédiens le rejoi-gnent, qui forment son « armée », le Takeshi Gundan. Il commence également à signer des articles d’actualité ainsi que des livres, romans et essais.

À ce jour. il exerce toujours l’ensemble de ces activités. Voir p 21.

1983. Premier rôle important au cinéma dans Furyo / Merry Christmas Mr Lawrence de Nagisa Oshima, où il est le sergent Hara. Voir p 25.

9 décembre 1986. Takeshi Kitano et son « armée » molestent des journalistes indiscrets : incident de « L’as-saut du Friday ». Voir p 26.

1989. Après la défection de Kinji Fukasaku, Takeshi Kitano se voit confier la mise en scène de Violent Cop, en plus du premier rôle. Il signe ainsi son premier film en tant que cinéaste. Voir p 10.

1993. Sonatine, mélodie mortelle, son quatrième film, est sélectionné à la Quinzaine des Réa-lisateurs à Cannes.

2 août 1994. Takeshi Kitano a un grave accident de moto. Une partie de son visage reste paralysée et défigurée par des tics. Pendant sa convales-cence, il se met à peindre. Voir p 14.

1997. Hana-bi reçoit le Lion d’Or à la Mostra de Venise. Le cinéaste accède à une reconnais-sance internationale.

1999. L’Été de Kikujiro est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes.

TAKESHI EN QUELQUES DATES2000.Takeshi Kitano tourne Aniki mon frère / Brotheraux États-Unis.2003. Son adaptation des aventures du guerrier aveugle, Zatoichi, lui vaut un prix de la mise en scène à la Mostra de Venise.

2005-2010. Il réalise une trilogie auto-parodique qui met en scène Beat Takeshi et Takeshi Kitano : Takeshis’, Glory to the Filmmaker ! et Achille et la Tortue.

Le 2 août 1994, en pleine nuit, Takeshi Kitano a un grave accident de moto, alors qu’il conduit en état d’ivresse. Hospitalisé avec plusieurs fractures du crâne et de la mâchoire, il en réchappe, mais la moitié de son visage reste paralysée et défi gurée par des tics incontrôlables qui vont accroître encore le charisme et la pré-sence mystérieuse de l’acteur.Pendant les six mois de convalescence où il est interdit d’ac-tivité professionnelle, Takeshi Kitano se met à peindre et décide de ménager désormais plus de temps à la lecture, à l’écriture, à la musique et aux études mathématiques qu’il affectionne particulièrement.Quelques années plus tard, notamment dans son portrait par Jean-Pierre Limosin, Takeshi Kitano, l’imprévisible ( 1999 ), il parlera de cet accident comme d’une probable tentative de suicide. Il était alors en pleine postproduc-tion de Getting Any ? « Explosif, provocateur, exhibitionniste, scatologique, ce slapstick en ruine, jusqu’auboutiste en matière de mau-vais goût, témoigne d’une pulsion iconoclaste et masochiste mais aussi d’un certain courage, au sens où il prend le risque, en faisant un détour allusif par les shows télévisuels de Beat Takeshi, de détruire le cinéma de Kitano. » T. Jousse, « Kitano, le maître-fou », Trafi c, n° 25, printemps 1998.

Judith Revault d’Allonne

DÉFIGURÉ L’ACCIDENT DE MOTO

Page 8: Journal Takeshi Kitano Retrospective

JEUDI 16 JUILLET 201219:30

No More comics !, présenté par Dimitri Ianni.

LUNDI 2 AOÛT 201219:30

L’Arche de Jésus, Osamu Yamaizumi, 1985 couleur

ATELIERSLUNDI 23 AVRIL 2012

19:30Gonin, Takashi Ishii, 1995 couleur Ianni.

VENDREDI 7 MAI 201220:30

Takeshis’ , Takeshi Kitano, 2005 couleur

JEUDI 27 MAI 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

JEUDI 3 JUIN 201220:30

Gonin, Takashi Ishii, 1995 couleur

JEUDI 27 MAI 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

JEUDI 3 JUIN 201220:30

Gonin, Takashi Ishii, 1995 couleur

JEUDI 10 JUIN 201220:30

Violent Cop, Takeshi Kitano, 1989 couleur

VENDREDI 18 JUIN 201220:30

Dolls, Takeshi Kitano, 2002 couleur

SAMEDI 26 JUIN 201220:30

Glory to the Filmmaker !, Takeshi Kitano, 2007 couleur ( 104’ )

RENCONTRES CONFÉRENCES

LUNDI 19 MARS 201219:00

Hana-bi, présenté par Agnès Varda.

LUNDI 2 AVRIL 201219:30

Sonatine, mélodie mortelle, présenté par Dominique Gonzalez-Foerster et Ange

Leccia

LUNDI 23 AVRIL 201219:30

Jugatsu / Boiling Point, présenté par Thierry Jousse

LUNDI 14 MAI 2012

19:30Furyo / Merry Christmas Mr Lawrence,

présentation filmée de Jeremy Thomas

LUNDI 28 MAI 201219:30

L’Eté de Kikujiro,présenté par Jean-Michel Frodon.

LUNDI 18 JUIN 201219:30

Aniki mon frère / Brother, présentation fil-mée de Jeremy Thomas.

LUNDI 2 JUILLET 201219:30

Zatoichi, présenté par Yann Dedet.

LUNDI 5 JUILLET 201219:30

Takeshis’, présenté par Pascal Rambert

MARDI 10 JUILLET 201219:30

Furyo / Merry Christmas Mr Lawrence, présentation filmée de Jeremy Thomas.

VENDREDI 18 JUIN 201020:30

Dolls, Takeshi Kitano, 2002 couleur

SAMEDI 26 JUIN 201220:30

Glory to the Filmmaker !, Takeshi Kitano, 2007 couleur ( 104’ )

VENDREDI 2 JUILLET 201220:30

Zatoichi, Takeshi Kitano, 2003 couleur

SAMEDI 13 JUILLET 201220:30

Hana-bi, Takeshi Kitano, 1997 couleur

DIMANCHE 22 JUILLET 201217:00

Violent Cop, Takeshi Kitano, 1989 couleur

DIMANCHE 30 JUILLET 201214:30

Making-of de Sonatine, Takeshi Kitano, 1993 couleur ( 90 ‘ )

JEUDI 3 AOÛT 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

SAMEDI 10 AOÛT 201217:00

Gonin, Takashi Ishii, 1995 couleur

JEUDI 15 AOÛT 201220:30

Tokyo Eyes, Jean-Pierre Limosin, 1998 cou-leur

JEUDI 1ER AVRIL 201220:30

Le Moustique au dixième étage, Yoichi Sai, 1983 couleur

DIMANCHE 4 AVRIL 201214:30

L’Arche de Jésus, Osamu Yamaizumi, 1985 couleur

JEUDI 15 AVRIL 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

DIMANCHE 25 AVRIL 201214:30

Battle Royale, Kinji Fukasaku, 2000 cou-leur

VENDREDI 7 MAI 201220:30

Takeshis’ , Takeshi Kitano, 2005 couleur

JEUDI 20 MAI 201220:30

L’Enfant des étoiles, Kazuo Komizu, 1990 couleur

JEUDI 27 MAI 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

EXPOSITIONDU 20 AVRIL AU

2 AOÛT 2012 à la fondation Cartier

PROJECTIONSJEUDI 1ER AVRIL 2012

20:30 Le Moustique au dixième étage, Yoichi Sai,

1983 couleur

DIMANCHE 4 AVRIL 201214:30

L’Arche de Jésus, Osamu Yamaizumi, 1985 couleur

JEUDI 15 AVRIL 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

DIMANCHE 25 AVRIL 201214:30

Battle Royale, Kinji Fukasaku, 2000 cou-leur

VENDREDI 7 MAI 201220:30

Takeshis’ , Takeshi Kitano, 2005 couleur

JEUDI 20 MAI 201220:30

L’Enfant des étoiles, Kazuo Komizu, 1990 couleur

JEUDI 27 MAI 201220:30

Conviction, L’affaire du Témoin de Jého-vah ou le refus de sang transfusé, Osamu

Yamaizumi, 1993 couleur

JEUDI 3 JUIN 201220:30

Gonin, Takashi Ishii, 1995 couleur

JEUDI 10 JUIN 201220:30

Violent Cop, Takeshi Kitano, 1989 couleur

ENTRETIEN EXCLUSIFSAMEDI 10 MARS 2012

20:00 Rencontre exceptionnelle avec Takeshi

Kitano, menée par le cinéaste et complice Jean-Pierre Limosin

SOIRÉESAMEDI 26 AVRIL 2012

21:00 Nuit Takeshi Kitano au Champo

LUNDI 18 JUIN 201219:30

Aniki mon frère / Brother, présentation fil-mée de Jeremy Thomas.

P R O G R A M M E

RÉTROSPECTIVE TAKESHI KITANOÉVÈNEMENTS