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Journal of Narrative Family Therapy Ideas and Practices in the Making Founding Editor: David Epston Francophonie Narrative, 2019 Editors: Tom Stone Carlson, Ph.D., David Epston and marcela polanco www.JournalNFT.com Content Introduction p. 1 La Francophonie Narrative par Catherine Mengelle Francophonie Libération p. 10 Les Petits Pas Garder vivant L’héritage: Fine Traces de Vie Pour L’accompagnement des Familles en Deuil d’un Enfant par Linda Moxley-Haegert et Carlin Moxley Haegert p. 39 Raconter une autre Histoire Possible: Une Entrevue avec Dina Scherrer par Dina Scherrer et David Epston

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  • Journal of Narrative Family Therapy

    Ideas and Practices in the Making Founding Editor: David Epston

    Francophonie Narrative, 2019

    Editors: Tom Stone Carlson, Ph.D., David Epston and marcela polanco

    www.JournalNFT.com

    Content Introduction p. 1 La Francophonie Narrative par Catherine Mengelle Francophonie Libération p. 10 Les Petits Pas Garder vivant L’héritage: Fine Traces de Vie Pour L’accompagnement des

    Familles en Deuil d’un Enfant par Linda Moxley-Haegert et Carlin Moxley Haegert p. 39 Raconter une autre Histoire Possible: Une Entrevue avec Dina Scherrer par Dina

    Scherrer et David Epston

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    Journal of Narrative Family Therapy, 2019, Francophonie Libération, p. 1-9. www.journalnft.com

    La Francophonie Narrative Par Catherine Mengelle

    David a sollicité Pierre Blanc-Sahnoun en France sur ce sujet au moment même où j’étais en train d’envoyer à un éditeur français le premier draft d’un livre sur les Pratiques Narratives. J’accorde dans ce livre une partie importante à l’histoire de ce courant, y compris son histoire en France. C’est ainsi que je me suis retrouvée à répondre à David et à élargir le sujet à la francophonie. J’ai contacté en Suisse Charlie Crettenand qui a interviewé Rodolphe Soulignac et qui a également recherché la contribution d’André Grégoire au Québec. André a longtemps enseigné les Pratiques Narratives en Europe francophone. De mon côté, je me suis efforcée de retrouver les premiers personnages de cette histoire en France et de la reconstituer. Nous savons tous ce qu’il en est des souvenirs… Après réflexion, j’ai décidé ici de laisser chacun raconter son histoire à sa façon. Ce travail m’amène par contre à assez considérablement corriger mon livre. David, cette demande est vraiment tombée à point ! Merci ! Et merci à tous ceux qui ont gentiment répondu à nos demandes de remontée dans le temps. L’histoire vue de Bordeaux, récit de Catherine Michael White vient en France pour la première fois en 2004, invité par Isabelle Laplante et Nicolas de Beer, dirigeants du centre de formation parisien Mediat-Coaching, depuis fermé1. Fabrice Michaud, coach et formateur bordelais, assiste à l’atelier et c’est lui qui suscite la curiosité de Pierre Blanc-Sahnoun : « Toi qui es coach, musicien et écrivain, tu devrais t'intéresser aux Pratiques Narratives parce que c'est tous les trois à la fois ! ». Dans la foulée, Pierre s’inscrit au séminaire de 2005, animé par Shona Russel et Sue Mann pour Mediat-Coaching. Michael revient ensuite à Paris en 2006 et 2007. Pierre assiste encore à ces deux ateliers. En 2008, Sue et Shona prennent à nouveau le relais, toujours invitées par Mediat Coaching. Elizabeth Feld est cette fois présente. Pierre décide de partir en novembre suivant à Adelaide pour la conférence internationale de 2008, la première après la mort de Michael. Sur place, il partage un appartement avec Nicolas de Beer et Jean-Louis Roux et fait ses premiers ateliers avec David Denborough et Stephen Madigan. En 2009, paraît sous la direction d’Isabelle et Nicolas la traduction de Maps of Narrative Practice. Je me dis que ces cinq années ont certainement été pour Nicolas et Isabelle d’une incroyable intensité !

    1 Un groupe de praticiens poursuit aujourd’hui leur enseignement narratif à Paris au sein de l’IFOD, un autre centre de formation au coaching.

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    C’est aussi en 2009 que Pierre Blanc-Sahnoun co-fonde la Fabrique Narrative à Bordeaux, avec Elizabeth Feld, Christophe Belud, Sandrine Janssen et Christine Thubé. Et c’est une autre histoire d’intensité qui commence. Je les rejoins en 2011 avec Dina Scherrer et nous sommes suivies un peu plus tard par Fabrice Aimetti, dont les tee-shirts narratifs font fureur dans la communauté ! Nous gardons tous notamment un souvenir ému d’un anti-colloque organisé par Pierre en 2009 à Bordeaux, où nous avions, avec l’émerveillement et la naïveté des innocents, balbutié nos gammes narratives. Mais revenons aux premiers jours. Mediat-Coaching proposait des formations à l’Orientation Solutions et c’est Steve de Shazer qui leur avait soufflé le nom de Michael. Steve de Shazer et Insoo Kim Berg avaient déjà commencé à ouvrir la voie d’une réflexion nouvelle en France, en intervenant dix années de suite pour l’école Pégase Processus2 à Saint Brieux et à Rennes en Bretagne. Ils ont contribué à créer dans cette région un fort terreau solutionniste. Julien Betbèze, psychiatre et hypnothérapeute nantais, raconte dans un texte paru en introduction du livre Les pratiques de l’Approche Narrative3 l’histoire, restée toutefois assez confidentielle, de l’arrivée de ces idées dans le monde de la psychothérapie française. Il explique que Steve de Shazer avait plusieurs fois « évoqué ses différences et points communs avec le travail de White ». Il indique que des articles sur ce travail commençaient à être traduits et publiés dans les années 90 dans les revues de thérapie familiale. Dans Panorama des thérapies familiales sorti en 2003, le neuropsychiatre Mony Elkaïm consacre un chapitre aux Pratiques Narratives. Mais laissons Julien poursuivre : « C’est donc dans une ambiance de thérapie systémique centrée sur les compétences et sur les courants ericksonniens que se sont développés les premiers échanges ayant permis l’arrivée de l’Approche Narrative dans notre culture. Je me rappelle de discussions avec Jean-François Bourse, lors desquelles nous manifestions notre plus vif intérêt pour que le livre Narrative Means to Therapeutic Ends de Michael White et David Epston soit traduit, ce que fit ce médecin-acupuncteur hypnothérapeute orienté solution en 2003. Qu’il en soit remercié. […] C’est dans ce contexte que Michael White vint pour la première fois en France en 2004 à l’invitation de Nicolas de Beer et Isabelle Laplante, qui travaillaient déjà dans l’orientation solution. La psychothérapie peut être reconnaissante envers le monde du coaching qui a invité Michael White, tandis que les courants de thérapie familiale, malgré les traductions, restaient chacun organisés autour de leur propre vision. Je me souviens de ma surprise lorsque

    2 Centre de formation, de recherche et de psychothérapie intervenant auprès des professionnels travaillant en milieu social, éducatif, médical, médico-social ou psychiatrique, et psychothérapeutique. 3 Paru en 2017 chez InterEditions, Paris, ce livre rassemble plusieurs témoignages de pratiques narratives en France, sous la direction de Pierre Blanc-Sahnoun.

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    j’appris de la bouche du responsable des éditions Satas la venue prochaine de Michael White à Paris. C’était un séminaire organisé par Mediat-Coaching. Aucune information n’avait filtré dans le monde de la psychothérapie. […] Dès le début du XXIe siècle, tout était prêt pour que la réception de la thérapie narrative puisse se faire dans les meilleures conditions possibles. Malgré le décès de Michael White en 2008, qui aurait pu se traduire par un tassement de l’évolution du narratif en France, cette nouvelle pratique a continué de se développer en France, mais aussi en Suisse et en Belgique, sous l’impulsion d’une communauté narrative francophone vivante. » En effet, issue du coaching essentiellement, la communauté narrative française forme en dix ans de nombreux praticiens. Elle organise de nombreuses masterclasses, à Paris et en Gironde, leur permettant de profiter de l’enseignement de professionnels du monde entier, dont David Epston plusieurs fois, Shona Russel, Sue Mann, Stephen Madigan, David Denborough, Cheryl White, Jill Freedman, Lorraine Hedkte, John Winslade, Peggy Sax, Tom Carlson et beaucoup d’autres. Elle poursuit également la traduction des idées jusqu’à se sentir autorisée à témoigner directement en français de sa propre pratique. Pierre Blanc-Sahnoun s’implique beaucoup dans ce travail de diffusion des idées en France. À partir de 2009, il devient un acteur majeur, à l’initiative d’un grand nombre de ces différents projets de master classes, de traduction et d’écriture. C’est notamment lui qui me propose de traduire le Morgan et le Denborough et qui incite de nombreux jeunes praticiens à témoigner de leur pratique plus ou moins naissante dans plusieurs livres collectifs. L’invitation initiale de Michael par Mediat-Coaching et la création de cursus de formation narratives par des coachs constitue une spécificité de la France, où les pratiques narratives se sont diffuses plus vite dans ce milieu que dans celui de la psychothérapie ou du travail social, comme c’est le cas ailleurs en général. Une exception toutefois à Nantes, liée à l’ancrage dans cette région des approches centrées solution (voir plus haut), où Bertrand Hénot, qui dirige également le centre de formation Hexafor, s’investit de façon importante dans la formation narrative de travailleurs sociaux. Aujourd’hui, de nouvelles écoles narratives ont ouvert en France, en Suisse et en Belgique, et toutes nos formations accueillent autant des coachs que des psychothérapeutes, des psychologues, des médecins, des travailleurs sociaux, des managers, des médiateurs familiaux, des orthophonistes, des infirmiers, etc. Nous parlons ainsi de pratiques narratives, que chacun peut intégrer dans son métier de façon plus ou moins spécifique.

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    Les communautés narratives française, suisse et belge se sont peu à peu rapprochées pour finir par créer en 2018 la Fédération Francophone des Pratiques Narratives (FFPN) qui s’est donnée pour mission de rassembler les praticiens francophones, quel que soit leur métier, et de diffuser cette approche en langue française. Les Journées Narratives Francophones, initiées en 2014 par Rodolphe Soulignac, psychologue à Genève, et confirmées en 2016 à Nantes grâce à Bertrand Hénot et son équipe, se sont tenues en juin 2018 à Bordeaux, organisées par la Fabrique Narrative. Elles y ont accueilli des praticiens et praticiennes de Québec, de Suisse, de Belgique et de France, ainsi que de Tahiti et de Roumanie en vidéo, et par le biais d’une lettre, de Côte d’Ivoire. Les prochaines se tiendront en juin 2020 en Belgique orchestrées par Marianne Lemineur, mandatée cette fois par la FFPN. L’histoire vue de Suisse Romande, récit de CharlieLes approches narratives en Suisse romande ont probablement été présentées la première fois par le Dr. Pedro Gonzales, psychiatre, qui était un des formateurs du diplôme de l’université de Genève de thérapie familiale. À l’occasion d’un voyage en Australie, il avait ramené une cassette vidéo d’un entretien de Michael White en 2003. La cassette n’eut pas à l’époque un grand succès, plus coutumier que nous étions de thérapeutes systémiciens très directifs et très mobiles en séance. C’est Rodolphe Soulignac avec l’aide d’André Grégoire, psychologue à Montréal, qui crée à Genève en 2010 la première formation à la thérapie narrative. André Grégoire a été le formateur et le mentor de Rodolphe. Il est venu enseigner à Lausanne et en Belgique à plusieurs reprises entre 2004 et 2008. En 2004, André donnait un cours d’initiation aux thérapies narratives dans le cadre de l’association Parole d’Enfants en Belgique devant un groupe de 80 participants. Au même moment, Michael White faisait sa première session à Paris avec un groupe de 12 personnes. André et Michael se sont retrouvés à Paris pour rire ensemble de cette histoire. Les approches narratives en Suisse Romande ont ainsi été enseignées par deux psychologues et ont d’abord été diffusées au sein du monde des psychologues-psychothérapeutes et celui de la psychiatrie. Après avoir été formée par André Grégoire, Peggy Sax, David Paré et David Epston à Montréal et dans le Vermont, j’ai rejoint l’équipe enseignante en 2016. Relance Narrative est aujourd’hui le centre de formation de référence pour les approches narratives en Suisse romande. Avec Rodolphe, en plus d’être actifs au sein de la FFPN, nous organisons des formations, des supervisions, des ateliers et nous avons participé à la publication de plusieurs ouvrages collectifs. Nous sommes en train de préparer un prochain livre qui veut montrer une perspective, que nous avons appelée l’Eupsychologie, pour « dépathologiser » l’existence grâce à la thérapie narrative. L'histoire vue du Québec, lettre d’André à Charlie

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    Bonjour Charlie, Par où débuter, Charlie, avec toutes les questions que tu me lances ? Tiens, commençons donc à miparcours, en 2005 plus exactement. C'est l'année du début de l'aventure en Europe francophone, avec cette première session de formation narrative que j'ai animée à Paris à l'invitation de l'association Parole d'Enfants. Cette association, en plus de leur travail clinique à Liège dans des situations d'abus sexuels intrafamiliaux, organise une gamme d'ateliers et de colloques dans les pays francophones pour faire circuler des idées et des pratiques novatrices dans le domaine de la relation d'aide. Ils ont abouti à moi via un intervenant qui leur avait mentionné mon nom et parlé de mon travail au Québec, et ils m'ont invité à présenter deux sessions de formation à Paris en juin 2005: l'une portant sur l'intervention orientée vers les solutions et une autre sur l'approche narrative. Inutile de te dire que j'étais très content de cette invitation, flatté bien sûr par cette marque de confiance un peu aveugle, mais aussi parce que cela faisait quelques années que je guettais l'horizon en Europe francophone sans arriver à comprendre comment il se faisait que le pays de Michel Foucault, Jacques Derrida et autres penseurs de cette mouvance ne s'intéresse pas à cette approche narrative à laquelle ils ont tant contribué sans le savoir. J'avais échangé à quelques reprises déjà avec Michael White et David Epston à ce sujet et eux-mêmes n'avaient pas de réponse à offrir pour résoudre cette énigme. Ainsi donc, il y eut cette "première" pour moi à Paris en cette année 2005 où plus de 30 professionnels de la relation d'aide s'étaient inscrits. L'intérêt a été tel que l'invitation de Parole d'Enfants s'est renouvelée pour l'année suivante pour des sessions à Paris et à Liège cette fois. À l'approche des dates convenues pour 2006, j'apprends que Michael White sera lui aussi présent à Paris, à peu de détails près aux mêmes dates, pour donner une formation à un groupe d'intervenants à l'invitation de Mediat-Coaching. Je connaissais déjà Michael et nous convenons de nous retrouver sur place pour partager un dîner et une soirée. Inutile de te dire que nous avons échangé sur les pratiques narratives, sur son plaisir de se retrouver à Paris en ces lieux mêmes où Michel Foucault avait développé ses idées si percutantes, et sur la stimulation réciproque que nous partagions de constater que ces pratiques émergeaient – enfin – en Francophonie. Pour te permettre de bien comprendre cet "enfin" d'impatience, je vais devoir remonter un peu plus loin dans le temps et reprendre maintenant ces autres questions où tu m'interroges sur mes premiers contacts avec l'approche narrative. Il me faut remonter à 1992. C'est la date de la mise sur pied d'un institut de formation, le Centre de psychothérapie stratégique, que ma collègue Josée Lamarre et moi avons démarré à Montréal. Les activités de formation que nous proposions étaient guidées par les idées des « thérapies brèves », comme on les appelait à

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    l’époque. La couleur dominante était la perspective « orientée vers les solutions », ayant participé de mon côté à quelques formations avec Steve de Shazer et Bill O’Hanlon, entre autres. Mais en repensant aujourd’hui à cette époque, je dirais que la perspective postmoderne guidait nos interventions : on était conscient de « construire le réel » par le langage. À cette époque, j’étais boulimique de toute lecture se rapprochant de près ou de loin de cette perspective constructiviste constructionniste. C’est ainsi que j’ai rapidement mis la main sur Narrative Means to Therapeutic Ends lors de la parution de ce livre en Amérique. Quand j’ai su, à l’automne 1993, que Michael White animait un atelier à Burlington, au Vermont, ma collègue et moi nous sommes empressés de nous y inscrire ; c’était la première fois que Michael White effectuait une visite et une tournée de formation aux États-Unis. Ce fut pour moi un grand coup de coeur, il va sans dire, d’autant qu’à la fin de la formation, Michael avait spontanément et généreusement accepté de nous accorder une entrevue sur place pour alimenter notre newsletter. Nous avons ainsi publié un numéro spécial de huit pages sur la thérapie narrative. Les années suivantes, nous avons conçu un programme de formation de deux ans mixant thérapie orientée vers les solutions, interventions brèves stratégiques Palo Alto, interventions ericksoniennes et approche narrative. Tout un cocktail, diras-tu ! Mais à l’époque, il faut savoir que tout ce beau monde se parlait et se respectait ; il y avait une effervescence et un reel souci de dialogue entre ces perspectives ; il y avait souvent des congrès internationaux où des ateliers de chacune de ces écoles se côtoyaient et s’interstimulaient. Pour revenir à mes interactions avec ma collègue Josée Lamarre, nous nous sommes au fil du temps distingués : comme tu imagines, je suis devenu plus affilié à l’approche narrative et, de son côté, elle s’identifiait plus à la perspective orientée vers les solutions, mais entre nous, encore là, beaucoup d’échanges, de stimulation et toujours du respect pour nos différences. Parallèlement à ce programme mixte et aux formations que nous animions dans les milieux institutionnels, nous organisions une ou deux fois par an des grands ateliers de deux jours avec des invités internationaux. C’est ainsi que Michael est venu présenter son travail à deux reprises : en avril 2000 et en mars 2007. David Epston quant à lui est venu en novembre 2004. Ces grands ateliers avaient un bon impact au Québec ; ils réunissaient facilement 125-150 personnes. Il y avait meme des inscrits du Nord-Est des États-Unis ou de la province d’Ontario voisine. De mon côté, je creusais pas mal cette perspective narrative, tant par les lectures que par la participation à des ateliers-stages cliniques chaque année : Michael a animé pendant plusieurs années des ateliers intensifs à Toronto et il n’était pas question que je manque ça. J’ai aussi été en contact et en formation significative avec Stephen Madigan. Quant au Programme de formation spécifique en Narratif auquel tu as participé, je l’ai lancé en 2008-2009. Je dis je, parce que c’est moi qui voulais pousser plus loin la diffusion de ces idées et que je voyais qu’il y

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    avait un intérêt dans la communauté des intervenants pour creuser expressément cette perspective. Il faut dire que cela coïncidait aussi avec le deuxième grand atelier de Michael à Montréal. J’ai donc conçu la formation conjointement avec Peggy Sax et David Paré avec l’objectif de favoriser une transmission multi-voix. Malheureusement, le tout s’est arrêté en 2012 avec la fermeture du Centre de psychothérapie stratégique et les problèmes de santé qui se sont invités sur ma route. Et la suite de l'aventure européenne après le début en 2005 et le croisement avec Michael White l'année suivante à Paris? Eh bien, comme tu le sais déjà un peu, ces sessions narratives ayant obtenu un franc succès, les gens de Parole d'Enfants ont eu eux aussi un grand coup de coeur, tant pour les pratiques que pour l’éthique associée à la thérapie narrative. On peut presque dire qu'ils sont tombés dans... l'accoutumance, puisque cela me valut des invitations régulières les années suivantes. En 2007, ce fut des sessions à Liège et Lausanne, et ainsi de suite entre jusqu'en 2015, combinant Liège, Paris et Lausanne selon les années. Les thématiques traitées se sont aussi étendues : session d’introduction à l’approche narrative, session narrative dite avancée, session sur les consultations en contexte de contrainte, session sur la thématique Traumas et Pertes, rencontres d'intervision. L’intérêt de Parole d’Enfants pour la perspective narrative m’a valu aussi des invitations en 2009 et 2011 pour leur grand congrès annuel à l’UNESCO – celui-là même où tu feras une présentation à ton tour en décembre prochain –, ainsi qu’en 2011 et 2014 pour leur congrès annuel à Liège. Bref, comme tu peux imaginer, il y a un bon nombre de professionnels qui, au fil des années, ont pu découvrir ces idées et s'approprier ces pratiques pour les implanter dans leur coin de Francophonie. Quant à la rencontre de Rodolphe, j’imagine que tu disposes déjà l’information. Tu pourras bien sûr vérifier auprès de lui, mais à mon souvenir, Rodolphe a participé à la première session que j’animais à Lausanne en 2007. Puis il est venu à Liège quelques années plus tard pour une de ces sessions avancées. Enfin, mon souvenir de ma première venue à Genève, à l’invitation de Rodolphe dans le cadre du Certificat de thérapies narratives, c’était en 2011. Chère Charlie… Je t’imagine un peu submergée par toutes ces informations ! En espérant, tout de même, que cela te permettra de tricoter un récit sans trop d’efforts pour toi. Peut-être aussi cela pourra-t-il t'encourager à poursuivre, toi et tes collègues de cette nouvelle génération de praticiens narratifs de Bordeaux, de Suisse et de Belgique, dans la diffusion en Francophonie de ces idées si fortes et si riches. Car il reste encore, j'en suis sûr, de nombreux contours narratifs à explorer!

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    Ouvrages disponibles en français Travaux de traduction Denborouh, D., L’Approche Narrative collective, quelles réponses apporter aux individus, aux

    groups et aux communautés qui ont vécu un trauma ? (titre original : Collective Narrative Practice), 2008, traduction française Catherine Mengelle 2014, 2018, Satas (2ème édition révisée).

    Denborouh, D., Au-delà de la prison, recueillir des rêves de liberté (titre original : Beyond the

    Prison, Gathering Dreams of Freedom), 1996, traduction française Fabrice Aimetti 2019, éd. de a Fabrique Narrative.

    Epston, D., Cas pratiques, cliniques et poétiques en thérapie narrative (titre original : Down

    Under & Up Over), 2008, traduction française collective 2012, coordination Pierre Blanc-Sahnoun et Catherine Mengelle, Satas.

    Morgan, A., Qu’est-ce que l’Approche Narrative ? (titre original : What is Narrative Therapy? An

    Easyto-read Introduction), 2000, traduction française Catherine Mengelle 2010, 2015, InterEditions (2ème édition révisée).

    White, M., Cartes des Pratiques Narratives (titre original : Maps of Narrative Practice), 2007,

    traduction française sous la direction d’Isabelle Laplante et de Nicolas de Beer 2009, Satas. White, M., Epston, D., Les moyens narratifs au service de la thérapie (titre original : Narrative

    Means to Therapeutic Ends), 1990, traduction française Jean-François Bourse 2003, Satas. Nombreuses traductions d’articles majeurs des Pratiques Narratives à retrouver sur le site de la

    Fabrique Narrative (wikispace). Publications en français Bernard, N., La Poésie contre le burn-out, reconstruire la dignité au travail avec les Pratiques

    Narratives, 2018, Publibook. Blanc-Sahnoun, P., L’art de coacher, méthodes, cas pratiques et outils, InterEditions, 2006,

    2010,2014, chapitre 10 : Qu’est-ce que l’Approche Narrative change au coaching ?. Blanc-Sahnoun, P., Galliano, T., Chômage des seniors, une autre histoire possible : l’Approche

    Narrative pour reconstruire la fierté, 2018, L’Harmattan. Mengelle, C., Comment aider son ado à trouver sa voie, 2018, Mango.

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    Journal of Narrative Family Therapy, 2019, Francophonie Libération, p. 1-9. www.journalnft.com

    Ostermann, G., Les thérapies narratives, revue Diabète & Obésité, février 2017, vol. 12, n° 105.

    Retrieve Here. Scherrer, D., Échec scolaire, une autre histoire possible, le coaching au service des jeunes en

    difficulté, 2011, L’Harmattan. Scherrer, D., Accompagner avec l'Arbre de vie, Une pratique narrative pour restaurer l'estime de

    soi, 2018, InterEditions. Soulignac, R., Planches narratives, Redevenir auteur de sa vie de couple, aider les couples, les

    groups et les professionnels, 2015, Chronique Sociale. Soulignac, R., Planches narratives, Redevenir auteur de sa vie professionnelle, Aider à guérir de

    la démoralisation au travail, 2016, Chronique Sociale. Crettenand, C. & Soulignac, R. (2014), Le deuil : trop ou trop peu d’appartenance(s) : Perspective

    de l’approche narrative, Thérapie Familiale, vol. 35(4), 429-437. Crettenand, C. (2018), Enchanter nos pratiques : L’approche narrative avec les enfants, Thérapie

    Familiale, vol. 39(4), 355-373. Recueils de textes publiés en français – collectifs d’auteurs : Dire bonjour à nouveau - L'Approche Narrative pour les personnes, les familles en deuil, 2018,

    Satas, coordination Pierre Blanc-Sahnoun et Catherine Mengelle. Les pratiques de l’Approche Narrative, 2017, Satas, coordination Pierre Blanc-Sahnoun. Pistes narratives, Pour faire face au sentiment d'échec personnel et professionnel, 2011,

    Hermann, coordination Catherine Besnard-Péron et Béatrice Dameron. Ouvrages en cours de publication : Mengelle, C., Découvrir les Pratiques Narratives (titre non définitif), 2020, Dunod. Crettenand, C., Soulignac, R., Eupsychologie et thérapie narrative pour dépathologiser

    l’existence, 2020, Chronique sociale.

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    Les Petits Garder vivant l’héritage

    Journal of Narrative Family Therapy, 2019, Francophonie Libération, pp. 10-38. www.journalnft.com

    Les Petits Pas Garder vivant L’héritage: Fines Traces de Vie Pour L’accompagnement des Familles en Deuil d’un Enfant

    Par Linda Moxley-Haegert et Carlin Moxley Haegert

    (Il y a des éléments de ce travail qui ont déjà été publiés en français et en anglais – Moxley Haegert, 1, 2015, 2018, nous avons permission de republier ses éléments.)

    Introduction L'objectif de cet article est de décrire les pratiques narratives utilisées dans le travail avec les parents ayant vu mourir un enfant et d'expliquer pourquoi ces pratiques particulières ont été choisies. Nous décrivons dans ce manuscrit, aussi, comment 13 parents et deux sœurs ont réagi à ces pratiques. Nous espérions comprendre le point de vue de ces familles sur la façon dont divers services de deuil en thérapie narrative les aidaient. Nous nous sommes intéressés à la façon dont les parents ont réagi à des pratiques telles que faire du sens (sans leur demander de le faire) et aux projets d’identité promus par des pratiques narratives. La thérapie narrative a été décrite comme une forme de psychothérapie visant à aider les personnes à identifier leurs valeurs, leurs compétences et leurs connaissances particulières qui les aideront à vivre ces valeurs, afin de pouvoir faire face efficacement aux problèmes auxquels elles sont confrontées. Le problème abordé en thérapie consistait à comment survivre à la mort d’un enfant et l’objectif était d’aider les parents à construire des histoires différentes de manière unique. Pendant ce voyage difficile mais précieux, nous avons cherché à aider chaque membre de la famille à écrire de nouveaux narratifs sur eux-mêmes. Selon David Epston (www.narrativeapproaches.com), la thérapie narrative

    « consiste à écouter et à raconter ou à reraconter des histoires sur les défis et les problèmes qu’ils rencontrent dans leur vie. L'idée d'entendre ou de raconter des histoires peut sembler une tâche anodine face à des problèmes graves et parfois potentiellement mortels. Il est difficile de croire que les conversations peuvent façonner de nouvelles réalités et significations de nos vies »,

    mais bon nombre de ces parents ont non seulement été capables de façonner de nouvelles réalités, mais ils ont également apprécié de trouver de nouvelles significations. Dans le programme de soins palliatifs de l’Hôpital de Montréal pour enfants, au Canada, une communauté a été créée pour promouvoir de telles conversations et des pratiques communautaires narratives ainsi que la thérapie narrative individuelle ont été utilisées pour promouvoir de telles activités.

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    Les Petits Garder vivant l’héritage

    Journal of Narrative Family Therapy, 2019, Francophonie Libération, pp. 10-38. www.journalnft.com

    En outre, nous avons cherché à remettre en question certains discours dominants concernant le deuil que certains parents avaient trouvés inutiles (par exemple, Kubler Ross, 1969 et ses étapes de deuil, et Freud, 1961 et Lindemann, 1994, qui ont suggéré de se détacher de la personne aimée décédée après sa mort avec but dans la gestion du deuil). En fin de compte, on espère que ces travaux déboucheront sur la prise en compte d’un plus grand nombre d’utilisations des pratiques narratives dans les établissements de soins de santé pédiatriques, notamment les soins palliatifs et les soins de deuil. Si on est trop ambitieux, on est optimiste sur le fait que les lecteurs de cet article commenceront ou continueront à questionner et à examiner profondément le rôle de la thérapie narrative dans la vie des enfants et de leurs familles. La Vie (et la Mort) Comme un Projet d’Identité On se demandait comment on pourrait, dans le rôle de psychologue et de thérapeute narrative en soins palliatifs pour enfants, aider les familles. Comment pourrait-on intervenir pour trouver une façon de conserver le sentiment de présence de l’enfant ? En réponse à ces questions, nous avons élaboré des pratiques narratives adaptées à cette situation (par exemple, Moxley-Haegert, 2009) afin d'aider les enfants et leurs familles à créer leurs projets de vie identitaire afin que les enfants puissent laisser un héritage et que les parents puissent assurer que cet héritage perdurerait dans la vie des familles laissées par les enfants. Michael White (2001) a déclaré que la vie est un projet d'identité. Il a également déclaré que l'identité est une réalisation publique et sociale et non une réalisation individuelle. Notre travail discuté dans cet article est de montrer comment les pratiques narratives peuvent être utilisées pour aider les familles à développer leur nouvelle identité, après la mort d’un enfant, de manière sociale et publique (par exemple, Les Petits Pas, 1). L'identité peut devenir confuse en cas de perte d'un enfant.

    « Est-ce que je suis toujours mère quand mon seul enfant est décédé ? » « Est-ce que je suis toujours parent de deux enfants alors qu’un seul est encore en vie ? »

    Nous avons décrit ce travail en utilisant les récits des personnes qui ont consulté la praticienne narrative (Linda) impliqué dans ce programme de soins palliatifs. Ces histoires sont racontées à partir de la perspective de Linda et en utilisant les propres mots de ses parents ou de ses frères et sœurs. Les histoires sont écrites en italique pour éclaircir le lecteur. Comment Tout a Commencé Linda: Pierluc (2) était aussi aventureux dans la vie après la mort que dans la vie elle-même, il

    semble. Trois mois après sa mort d'une tumeur dévastatrice à croissance rapide, il m'a rendu visite dans mes rêves (parlant un anglais parfait, même s'il ne connaissait pas un mot dans une autre langue que le français quand il était vivant). Il m'a dit que sa mère avait besoin de moi. Je me suis réveillé avec de merveilleux souvenirs de Pierluc et de sa mère, Sylvie. Chacun ayant de telles personnalités vives. Je me suis souvenu de Pierluc

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    naviguant dans les couloirs de l’hôpital en utilisant son arceau intraveineux sur roues comme un skateboard. Il était très habile et n’a rencontré personne. Peu de temps après avoir appris que le traitement de sa tumeur ne fonctionnait pas et serait arrêté, je suis allée lui rendre visite dans sa chambre d'hôpital. Je ne le connaissais que depuis quatre mois et demi et je savais déjà que je ne l'oublierais jamais. Il jouait à un jeu vidéo et son personnage venait de mourir. Il s'est réinitialisé et ce personnage est redevenu vivant. Je lui ai demandé, avec une certaine réserve, que ce qui nous arrive quand nous mourons, nous nous réinitialisons et revivons à la vie. Il était méprisant, très sage pour un enfant de 7 ans: « Non, idiote, ils deviennent un éclair de lumière et montent vers le ciel. Je vais y monter un dauphin ». Puis doucement, dit-il. « Ce sera bientôt » Plus tard, j’ai demandé à son père; « A-t-il été informé de ce que signifie l’arrêt du traitement? » Son père a répondu’ « Non et nous n’avons pas l’intention de lui dire ». Cependant, j’ai dit aux deux parents ce qu’il m’avait dit et ils se demandaient s’il savait plus qu’ils ont pensé. Des dauphins était un thème pour lui parce qu’il avait prévu d’aller nager avec les dauphins pour Le Rêve d’Enfants (argent qui aide les enfants à réaliser leur rêve lorsqu'ils sont gravement malades) et que Pierluc avait appris que ce voyage ne pourrait avoir lieu que plus tard. C'était beaucoup plus tard, et c'est une autre belle histoire. Pierluc s'est retourné pour le pire moins d'une semaine plus tard. Nous avons trouvé un livre de contes en français qui racontait qu'une mère dauphin avait libéré son bébé dauphin pour s'envoler vers le ciel après sa mort. Sylvie l’a lu cela maintes et maintes fois toute la nuit et lui a raconté l'histoire de son voyage pour nager avec les dauphins comme s'il l'avait achevée, jusqu’à ce que Pierluc perde connaissance aux petites heures du matin.

    Sylvie était l'un des parents qui m'avait demandé de fournir des services d'aide, non seulement aux enfants quand ils étaient malades, mais aussi aux parents. En collaboration avec d'autres parents, nous avons créé le groupe COURAGE (Le Cancer est une Opportunité de s’Unir et de partager des Ressources entre Amis réunis en Groupe pour s’Encourager) pour parents, qui s'est ensuite transformé en un programme COURAGE pour donner le soutien aux parents, familles et enfants (voir Moxley-Haegert, 2012,2015). Les parents de Pierluc vivaient loin de Montréal, mais j’ai assisté au service commémoratif de Pierluc. J'ai remarqué que le thème des dauphins continuait car les parents avaient déposé ses cendres dans une chambre à dauphins. Il y avait beaucoup de parents du programme COURAGE là-bas et Sylvie semblait être entourés d'amis favorables. Quand elle ne m'a pas appelé pour le suivi que j'aurais pu fournir, j'ai pensé qu'elle devait bien se débrouiller. Je lui avais écrit une lettre narrative avec beaucoup de mes souvenirs de Pierluc pendant ses mois d'hospitalisation et envoyé quelques questions pour aider à la re-groupement de Pierluc. J'ai reçu une belle note de remerciement et de reconnaissance pour le travail que nous avions accompli ensemble. Les Pratiques Narratives Utilisées dans ce Travail

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    Questions pour dire « Bonjour (Hullo) de nouveau » White (2005, 2009), l’un des fondateurs de la thérapie narrative, a utilisé la métaphore de la vie comme un « club de vie », qui compte des membres significatifs du passé, du présent et de l’avenir projeté (White, 2005). Lorsque quelqu'un meurt, la relation n’est pas annulée. Hedtke (2000, 2012, 2014) et White (1989, 2007, 2009) nous ont enseigner la pratique narrative de conversations de re-groupement (re-membering) et on a compris comment ces conversations pourraient être utiles avant et après la mort d’un enfant (voir chapitre 3, White, 2009). Dans certaines lettres narratives envoyer aux parents après le décès de l'enfant, certaine questions adaptées des travaux de Hedtke sont ajouter. Ces questions aident les parents à dire « bonjour de nouveau » : Apprenez à vous connaître - encore une fois: (Les questions utiliseront le pronom masculin, car ces questions ont été envoyées aux parents de Pierluc dans la lettre narrative qu’ils ont reçue) Faire connaissance à nouveau

    • Expliquez qui il était avant de mourir, quel genre de personne il était, ce qu’il aimait. • Que pensez-vous qu’il aurait choisi comme profession ? Quels étaient ses passions ou

    ses passe-temps ?

    Contributions et appreciations

    • Qu’est-ce que cela vous a apporté de le connaître ? • Quelle contribution a-t-il apportée à votre vie ? • Qu’est-ce que vous avez apprécié de votre relation avec lui ? • Quel genre de choses vous a-t-il dit qui était importantes ? • Quel genre de choses vous a-t-il apprises sur la vie ?

    Identité

    • Si vous pouviez ressentir sa présence maintenant, comment cela se manifesterait-il dans votre vie ?

    • Quelle différence cela ferait-il dans votre vie si vous pouviez le faire ? • Quelles possibilités cela amènerait-il dans votre vie ?

    Re-grouper (re-member)

    • Qu’est-ce que ça voudrait dire pour lui d’avoir la possibilité de connaître les souvenirs que vous conservez de lui ?

    Guidé par cette métaphore « dire bonjour de nouveau », on peut aider les parents à rétablir la relation qu’ils ont eue avec leur enfant et qu’ils pourraient perdre (pour un exemple de lettre, voir Moxley-Haegert, 2009). Linda: J'ai appelé Sylvie et il était évident qu'elle traversait une période très difficile. Elle a dit

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    qu'elle avait perdu sa communauté après la mort de Pierluc. Les amies du programme COURAGE dont les enfants ont survécu ne semblaient pas savoir comment interagir avec elle maintenant et comme elle vivait loin de nombreux services à Montréal, elle ne connaissait peu d’autre parent ayant un enfant décédé. Elle se sentait très seule et perdue et j'ai commencé à envisager de former un groupe de thérapie narrative. J'avais entendu dire que d'autres parents impliqués dans des groupes qui suivaient certaines idées contemporaines de deuil (c.-à-d. Kubler-Ross,1969) avaient le sentiment qu'ils faisaient quelque chose de mal s'ils ne suivaient pas les étapes du deuil ou s'ils ne se sentaient pas avoir appris de cette expérience ou senti qu'ils ne voulaient pas se désengager de la relation (c.-à-d. Freud,1964). Cependant, ma rencontre avec Sylvie m'a fait réfléchir à la nécessité de former un groupe respectant l'éthique de la thérapie narrative et de ramener le meilleur du passé dans le futur. Sylvie était intéressée par cette idée car elle était une personne très sociable.

    J'ai aussi entendu ce que Tom Carlson, David Epston et Kay Ingamells appellent de contre-histoire (en utilisant l'écoute à la double histoire). Antoine (pas son vrai nom car je n’ai pas la permission de l’utiliser) a nagé avec des dauphins pour réaliser le rêve d’enfants. Il avait été un ami de Pierluc à l’hôpital et sa mère était une amie de Sylvie dans le groupe COURAGE. Lorsque Sylvie a appris qu'Antoine allait nager avec les dauphins pour réaliser le souhait de ses enfants, elle a demandé s'ils apporteraient une photo de Pierluc sur un dauphin gonflable afin qu'il puisse également nager avec les dauphins. Les dauphins ont particulièrement apprécié Pierluc. Sylvia a pu amener Pierluc plus près de son cœur et de son âme. Lorsque nous avons longuement discuté de cette histoire, elle a commencé à se rendre compte que ses histoires n'étaient pas seulement de perte et de tristesse. Elle possédait cette nouvelle capacité de pouvoir rechercher la joie et l’appréciation.

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    (Voir Figure 1)

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    La « Double Histoire ». Les pratiques narratives à la recherche de la « double histoire » aident les gens à prendre de la distance avec la réalité des problèmes et à privilégier d'autres réalités

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    également présentes, mais relativement peu disponibles (White et Epston, 1990, 2003). Des histoires merveilleuses ont été racontées sur la façon dont un parent peut survivre à ce type de catastrophe. David Epston, Kay Ingamells et Tom Carlson ont récemment développé le thème de l'écoute d'histoires subordonnées en ce qu'ils appellent une contre-histoire (veuillez-vous référer à Ingamells, 2016 pour plus d'informations sur les idées de contre-histoires). Les contre-histoires sont des actions et sont centrées sur l'identité. Le document « Petits Pas »1 produit dans ces conditions est inspiré par une pratique narrative qui est toujours à l’écoute des histoires subalternes (White, 2007, 2009), c'est-à-dire qui reconnaît non seulement le combat des familles pour surmonter le décès d'un enfant, mais aussi les compétences, les aptitudes et les savoirs qui ont pu être spécifiquement découverts à cette occasion. LINDA: Au cours de nos réunions de groupe que nous avons ensuite appelées le groupe de

    ‘Petits Pas’, Sylvie s’est souvenue de la haute action, du courage et du dynamisme de Pierluc. Elle a parlé à un autre membre du groupe en demandant : « Que pourrais-je faire avec Pierluc s’il avait vécu » ?’ Elle a décidé qu'une chose qu'il aurait aimé serait d'apprendre à conduire une motocyclette. Elle a décidé qu'apprendre à conduire une grosse moto serait un moyen de célébrer la vie de Pierluc.et de faire des voyages en moto. Son mari a vendu son quatre-roues qu'il avait acheté pour jouer avec Pierluc pour une autre moto. Ils ont alors un intérêt commun. » (Petits Pas1)

    SYLVIE: Deux ans après le décès de Pierluc je me suis inscrite au Défis Huma Equateur avec

    LEUCAN (lutte contre le cancer). Ce défi m’a testée dans toutes les manières imaginables, et c’est là où j’ai réalisé que j’avais encore gout à la vie.

    La cérémonie définitionnelle. Pour accompagner ce projet de reconstruction identitaire des parents impliqués dans la production de l’album-souvenir « Petits Pas », nous avons procédé à la « re-narration » de l'histoire des parents sous une forme écrite et artistique, pour faire une cérémonie définitionnelle. Une re-narration des histoires favorisant le développement de riches récits qui reconnaissent et revalorisent la vie. L’objectif étant de les aider à renégocier leurs conclusions antérieures sur l’identité de vie qui peut être affaiblie avec la perte d'un enfant. (Les cérémonies définitionnelles étaient aussi utilisées avec les enfants pour revaloriser la vie – voir Moore, Talwar et Moxley-Haegert, 2015). LINDA: « Pierluc et sa mère m'ont aidé à réfléchir à des pratiques collectives. Avant cela, mon

    travail sur le deuil n'avait pas utilisé les idées de la communauté. C'était en partie parce que d'autres parents m'avaient parlé de groupes de soutien pour personnes en deuil qui, à leur avis, étaient nuisibles. Je ne voulais pas reproduire ce mal. J’ai invité la mère de Pierluc et plusieurs autres parents à participer à un projet visant à déterminer les connaissances et les compréhensions reconnues après le décès d’un enfant et à laisser l’héritage de leurs enfants. »

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    (Voir Figure 2 pour plus sur Pierluc)

    Les Pratiques Collectives : Projet de Deuil. À travers diverses pratiques collectives (pour plus

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    d’idées de pratiques narratives collectives, veuillez consulter David Epston www.narrativeapproaches.com, qui a développé les pratiques collectives par le biais des ligues anti-anorexie, et la page Web Dulwich Centre - Pratique narrative collective - https: // dulwichcentre. com.au/collective-narrative-practice/), le thérapeute narratif aide les familles à trouver des histoires d'espoir qui les aideraient à mieux gérer ces tragédies. Nous avons utilisé des pratiques narratives dans le but de trouver un moyen de préserver la présence de l’enfant. À cette fin, les enfants ont été encouragés à utiliser des idées collectives narratives (par exemple, Denborough, 2010, Ncube, 2006) pour créer des héritages. Les pratiques collectives narratives ont permis l'émergence d'histoires subordonnées qui pourraient laisser un héritage. Nous avons commencé à utiliser des pratiques collectives et communautaires afin que l'héritage de ces enfants puisse continuer à vivre dans le cœur de leur famille et de leurs âmes. « Les Petits Pas » Programme Le programme Petits Pas a également développé un sens de la communauté. Cette forme d'engagement communautaire se caractérise par un échange croisé d'histoires et de messages. Ce sont des histoires et des messages qui contiennent des connaissances durement acquises sur les moyens de réagir aux temps difficiles. Ce sont des histoires et des messages qui décrivent les initiatives familiales et les connaissances, compétences, valeurs et rêves implicites de celles-ci. Notre communauté particulière était bilingue, le français et l'anglais, les deux langues officielles du Canada (3) : résultat de ce projet. Le projet, Petits Pas, a été conçu pour être un document vivant (voir Newman, 2008) afin que des histoires puissent être continuellement ajoutées à l'album-souvenir résultant de ce projet. Nous espérons qu'une telle approche communautaire décrite ici pourra être reproduite par les praticiens dans de nombreux contextes différents. Au début de ce projet, on a présenté aux parents les éléments suivants sous forme verbale et écrite :

    Quand une telle catastrophe survient, comme la mort d'un enfant, on peut se poser beaucoup de questions. « Comment trouver un sens à tout ceci ? » Les humains utilisent universellement le langage pour raconter leur histoire. La thérapie narrative met l’accent sur le processus de la narration de son histoire afin de faire face à de fortes émotions. Dans le groupe, nous allons donc partager nos histoires et créer ensemble un document collectif qui en rend compte. On a préparé des questions qui pourront vous amener à partager vos réflexions et vos acquis. Le but de ces questions est de vous guider dans le récit de votre histoire, que nous pourrons écrire ensemble et transmettre à d’autres familles.

    Questions pour la réalisation de notre projet

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    Nous avons démarré le projet avec des questions élaborées avec l’aide d’autres thérapeutes pratiquant l’approche narrative (par exemple, David Denborough, 2010, communication personnelle, 2009). Les catégories de questions découlaient des nombreuses conversations précédentes avec les parents qui consultaient la thérapeute narrative en thérapie individuelle dans le cadre de ce programme de soins palliatifs. Bon nombre de ces catégories semblaient importantes pour les parents comme moyens de rester proches de l'enfant décédé. Le physique – le lieu

    • Y a-t-il des lieux particuliers que vous fréquentez qui procurent un sentiment de réconfort à votre perte ? Pourquoi ces lieux sont-ils spéciaux ? Pourriez-vous raconter l’histoire de ces lieux ? Qu’est-ce que vous faites en ces lieux ?

    Mémoire – vos souvenirs

    • Y a-t-il des souvenirs particuliers que vous revisitez et qui vous apportent du réconfort ? Si oui, est-ce que vous pouvez partager une histoire (récit) concernant certains d’entre eux ?

    Votre propre histoire

    • Y a-t-il eu d’autres moments au cours de votre vie, où vous avez dû affronter la perte ou le chagrin (le deuil) ? Si oui, comment l’avez-vous fait ? Accepteriez-vous de me raconter l’histoire de cet événement ? Quelles ont été les étapes les plus difficiles ? Avez-vous obtenu de l’aide ou obtenu du soutien à cette occasion ? Si oui, comment s’est matérialisée cette aide ? Et que feraient-ils, s’ils étaient avec vous maintenant ?

    Manque / lamentation

    • Quelles sont les choses qui vous manquent (ennui, vague à l’âme) le plus dans la relation à l’enfant qui est mort ? Pourquoi ces choses sont-elles aussi importantes en ce moment ? Pourquoi ces choses sont-elles importantes pour vous ? Ont-elles toujours été importantes pour vous ? Comment ont-elles pris cette importance ? Qui d’autre sait ce qui compte le plus pour vous dans la vie ?

    Le spirituel

    • Comment abordez-vous les questions de douleur et de perte, êtes-vous engagé spirituellement d’une façon ou d’une autre ? Si oui, quel type de « conversation spirituelle » avez-vous pour le moment ? Avec Dieu, avec vous-même, avec les autres ? Que pensez-vous de ces conversations spirituelles ? Sont-elles importantes pour vous ? Est-ce que ces valeurs ont toujours été importantes pour vous dans la vie ? Qui vous a transmis ces valeurs spirituelles ?

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    La culture

    • Existe-t-il dans votre culture des moyens particuliers de répondre à la douleur et à la perte qui sont importants pour vous ? Pourquoi sont-ils importants ? Comment y participez-vous ? Y a-t-il des aspects ou des moyens de répondre à la douleur et à la perte, provenant de votre culture, qui ne cadrent pas très bien pour vous ? Si oui, comment trouvez-vous les moyens pour faire le deuil de votre propre façon ?

    Différents domaines d’expression

    • Àce moment de la perte, y a-t-il notamment des odeurs, des sons, des chansons, des textures, des goûts, des danses, etc., qui sont particulièrement importants pour vous ? Si oui, pourriez-vous expliquer pourquoi ils ont cette importance ? Existe-t-il des rituels que vous trouvez utiles ? Ces derniers peuvent être des rites qui célèbrent la vie de la personne ou des rites à la mémoire ou d’autres formes de rituels.

    Quel était au moins l'un des résultats de ces conversations ? Un livre pour aider les autres parents qui est maintenant disponible pour consultation en ligne, sur le site Web de l’Hôpital de Montréal pour enfants (1). L’Album-souvenir « Les Petits Pas » Pour aider dans ce projet d’identité créé à travers ce qui est devenu l’album-souvenir de « Les Petits Pas », nous avons planifié un récit des histoires sous forme écrite et artistique. Ce sont des histoires de survie sur la façon dont ces parents sont en train de gérer leur vie après la mort d’un enfant. Redire des récits de survie peut épaissir le récit en reclassant (dans une direction de force) des conclusions antérieures sur l'identité de la vie qui peuvent être affaiblies par la perte d'un enfant. On espérait que ces parents pourraient s'aider eux-mêmes tout en aidant les autres parents.

    Un groupe de mères utilise le « scrapbooking » comme forme de thérapie narrative sur le deuil. Chaque enfant a sa propre histoire. « Petits Pas » est un album-souvenir de toutes ces histoires accompagnées de mots de réconfort, de mots d’espoir et de conseils formulés par les parents endeuillés pour aider et soutenir d’autres parents qui ont perdu un enfant. Écrit et créé par un groupe de mères dont les enfants ont été traités et soignés à l’hôpital de Montréal pour enfants (Montréal, Québec, Canada), cet album « Petits Pas » est un travail étonnant d'amour et de compassion.

    Élaboré sous la direction de Linda, ce projet collectif a été réalisé avec l’aide de Marie-Claude Proulx, infirmière clinicienne spécialisée pour le programme de soins palliatifs. L’objectif était de réunir des parents ayant vécu la mort d’un enfant, afin qu’ils puissent partager leur expérience et créer des outils pour aider d’autres parents à affronter une telle épreuve.

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    À travers des mots, des photos, des illustrations, ces mères, pères, frères et sœurs ont partagé leurs sentiments de perte, de colère, de frustration, de vide, mais aussi des souvenirs mémorables et des suggestions judicieuses afin d’accompagner d’autres parents qui font face à la peine et au deuil. Nous présentons des extraits de la préface de l’Album Petits Pas (en italique) pour une meilleure compréhension de ce projet Jamais dans ses pires cauchemars, un parent ne peut imaginer que son enfant sera atteint d’une maladie mortelle. Puis, quand cela arrive, le cauchemar devient réalité. Mais quand cette réalité est celle d'un enfant décédé, c'est le début d'un véritable enfer. Pourtant, pour ces parents, la vie doit continuer. Lorsque je travaille avec eux, mon but est d'avoir des conversations qui peuvent les aider à guérir. Je me demandais souvent comment mener de telles conversations sans qu'elles se focalisent systématiquement sur des histoires de souffrance. Je me demandais comment je pouvais travailler avec les familles tout en écoutant respectueusement et en honorant leur chagrin et leur désespoir, mais aussi en faisant une place à des histoires qui parlent de maîtriser, de surmonter cet événement ? Comment pouvons-nous, ensemble, mettre en valeur les réalisations, les savoirs et les ressources des parents qui parviennent à surmonter la perte d'un enfant ? L’identité est construite à travers des histoires. Nous avons plusieurs histoires d'identité. Beaucoup de gens contribuent à l’identité. Grâce au regroupement, nous pouvons incorporer les histoires d’un enfant décédé à notre identité. Le Projet « ¨Petits Pas » (4) Chaque chapitre de « Petits Pas » contient différents éléments : texte, scrapbooking, dessins, listes, pensées, poèmes, témoignages, et ainsi de suite. Nous voulions que le projet soit flexible et donc permettre aux parents de s’exprimer et de partager avec d'autres parents, de quelque manière qu'ils le souhaitent. On inclut une reproduction de l'introduction du livre afin de démontrer leur travail (voir Figure 3). Les histoires individuelles sont rédigées en français pour les francophones et en anglais pour les anglophones.

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    (Figure 3)

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    Chapitre 1. Portraits : Portraits des parents, portraits des enfants. Dans ce chapitre, nous avons voulu nous présenter à vous, mais surtout vous présenter en quelques mots ou en images notre ou nos enfants décédés et leur histoire. Tout simplement. Chapitre 2. Les comments : À travers la tempête, on a tous l’espoir de s’en sortir. On veut tous croire que la douleur s’atténuera et laissera place au bonheur. Mais bien souvent c’est le comment y arriver qui nous échappe. Ici, nous partageons avec vous les outils et les moyens que certains d’entre nous ont pris pour traverser cette période bouleversante, pour être mieux, pour cheminer. Chapitre 3. Les passe-temps : Dans ce tourbillon d’émotions, cette période très intense, nous avons observé et ressenti qu’il était bon de prendre des pauses, des moments apaisants, de prendre soin de soi par le biais de différents passe-temps ou activités. Ils sont personnels à chacun et les vôtres peuvent être différents. Voici simplement nos expériences, nos suggestions. À vous de créer votre propre liste. Chapitre 4. Les créations : Pour plusieurs d’entre nous, la créativité a été un élément bénéfique dans notre cheminement et celui de notre entourage. Cette créativité s’est présentée sous diverses formes : bricolage, scrapbooking, dessins, musique, journal de bord, poèmes… En voici quelques exemples. Chapitre 5. Les mots et paroles : On ne se remet jamais de ça, mais on peut choisir comment le vivre…. Vous retrouverez dans ce chapitre des mots et des paroles qui nous ont touchés, émus, réconfortés. Des mots qui nous ont fait réfléchir, qui nous ont fait pleurer. Il s’agit de suggestions, de lectures, de poèmes, de chroniques, de citations, de paroles de musique, de témoignages, d’émission télé, de documentaires ou films… Chapitre 6. Famille et entourage : Nous choisissons de dédier ce chapitre aux mamans, aux papas, mais aussi aux frères et sœurs, aux grands-parents, aux amis et collègues qui souffrent aussi de la perte de cet enfant. Voici donc des bribes de comment notre entourage a contribué à nous soutenir, nous réconforter, nous parents. Mais aussi comment ils ont vécu le deuil de cet enfant. Chapitre 7. Le contre-courant : Le deuil d’un enfant est une situation difficile qui met bien des gens mal à l’aise. Ce n’est pas une situation normale. Nous partageons avec vous les paroles ou actions de notre entourage, bien intentionnées, mais parfois maladroites, qui ne nous ont pas aidés. Certains d’entre nous vous glissent également quelques mots sur les tabous rencontrés, les actions prises qui étaient

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    contraires aux normes générales de la société. Chapitre 8. Rituels symboles souvenirs : Nos enfants demeurent présents avec nous autrement. Cette blessure, cette cicatrice reste, mais nos enfants vivent à travers nous, par nos souvenirs, des symboles significatifs, des biens personnels, des rituels religieux ou non. Voici nos exemples de souvenirs, symboles et rituels, qui ont pu nous apporter un certain réconfort au quotidien dans la période la plus houleuse de notre deuil, mais aussi jusqu’à ce jour. Nous espérons qu’ils vous inspireront les vôtres.

    En Aidant les Autres, Nous Nous Sommes Aidés On a entendu deux mères de notre groupe dire : « En aidant les autres, je me suis aidée ». Nous leur avons demandé si elles souhaitaient partager leur expérience du projet « Les Petits Pas ». Voici ce que Martine nous a écrit (reproduit tel quel) :

    Ce que Les Petits Pas m’ont permis de vivre. Lorsque Linda m’a approché pour le projet qui est devenu le livre « Les petits pas » Je me suis toute suite sentie choyée et privilégiée de participer à un programme qui joint mon intérêt à la création et à mon désir d’entraide envers les personnes qui vivent un deuil. Retrouver Linda psychologue et Marie-Claude infirmière en formation soins palliatifs, m’a apporté un grand plaisir de travailler avec ces deux femmes accomplies par le dévouement, elles ont dirigé le projet avec beaucoup de respect et d’organisation, en plus j’ai aimé que les rencontres furent dans un beau bureau loin des bruits et de l’atmosphère de l’hôpital. Aux premières réunions chacune racontait leurs histoires ce fut difficile à écouter. En fait la douleur des souvenirs était intense pour tous. L’un des points communs était que nous avions été tous guidé par l’espoir. Pour moi, écouter sans juger les comportements des autres membres était épineux, je sentais des deuils plus durs à surmonter. En plus s’exprimer délicatement sans blesser les autres devenait parfois difficile car l’émotion, spontanéité et la sensibilité étaient palpable au local. À travers les dialogues je me suis mise à revivre des beaux moments auprès des miens et d’apprécier encore plus toutes les délicatesses de ma famille et de mes amies. Laisser parler les images et exprimer mon cheminement fut un baume à ma douleur, parce que j’ai

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    partagé mes méthodes de soulagements et apaisements, je me permets de rire, d’être heureuse et de vivre pleinement les instants présents. Lorsque je parle du projet « les petits pas » j’ai le sentiment que je donne le goût aux personnes de mon entourage à créer, imaginer un projet que cela soit pour soi-même afin d’exprimer leur émotions leurs expériences ou bien partager leurs vécus ayant pour objectif d’aider les autres. Nous sommes entourées par des gens avec beaucoup d’imagination. Je ressens le sentiment de laisser ce fameux lâché prise afin de donner naissance à d’autre création.

    Évaluation de ce travail Dans notre pratique, nous avons utilisé de nombreuses idées développées par David Denborough (2008) et nous avons adapté bon nombre de ces idées en utilisant notre propre créativité. De nombreux parents ont évoqué leur sentiment de perte de leur ancienne communauté lors de la maladie et du décès de leur enfant. Ainsi, il semblait particulièrement approprié d’utiliser des idées narratives communautaires et collectives avec ces familles. Ce document décrit une approche du travail collectif qui nécessitait le développement d’une communauté en oncologie (programme COURAGE, voir Moxley-Haegert, 2012) et invitait des pratiques de témoin extérieur ainsi que des cérémonies définitionnelles en tout temps (Moore, Talwar et Moxley-Haegert, 2015). Lors d'une précédente enquête informelle sur l'utilité des pratiques narratives multiples utilisées en oncologie, 50 parents ont répondu à un questionnaire. Les résultats ont démontré que deux des activités collectives / communautaires, l’Arbre de la Vie et des questions pour trouver de l’espoir (questions créées par les auteurs et placées sur des images auxquelles les enfants doivent répondre et colorées, voir Moxley-Haegert, 2012 pour des exemples), font partie des trois pratiques les plus appréciées. La troisième étant les séances de thérapie narrative individuelles. Nous voulions faire une enquête plus formelle sur ce travail en soins palliatifs. Dans notre enquête sur la manière dont les personnes recevant cette thérapie et leur avis sur son efficacité, nous utilisions les principes narratifs de la double écoute (White, 2004) ainsi que des témoignages à double histoire (Denborough, 2006) pour une « enquête » (Marlowe, 2010). Nous avons suivi certaines éthiques de la pratique, tant dans les pratiques narratives fournies en thérapie que pendant la présente enquête. Cette éthique renvoie à la conviction que les initiés (ceux qui sont touchés par le problème) sont les experts en la connaissance de ce qui leur est utile. Cela fait suite aux témoignages d’initiés présentés par David Epston dans son travail avec des individus souffrant de troubles de l’alimentation (voir Maisel, Epston et Borden, 2004, Epston, 2019). Même si, à l'époque, les auteurs n'étaient pas au courant du travail de Sasha Pilkington, nous avons remarqué que nous avions tous deux interprété la thérapie narrative en soins palliatifs de la même manière (Pilkington, 2014) que nous avions interprété d’une

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    manière similaire les travaux de Lorraine Hedke (voir Hedke, 2014). Il existe également un nombre croissant d'études quantitatives et qualitatives sur les expériences des parents endeuillés et leur adaptation à la perte (voir Stevenson, 2014; Stevenson, Achille, Liben, Proulx, Humbert, Petti, MacDonald et Cohen, 2017). La plupart des résultats de recherche de Stevenson vont dans le sens de l'idée que les parents pourraient apprécier l'utilisation de telles pratiques narratives qui pourraient améliorer la signification (sans attentes), promouvoir le développement de doubles et de contre-histoire, ainsi que créer une nouvelle identité. Il existe un soutien selon lequel les pratiques collectives telles que l’aide aux autres, les cérémonies définitionnelles, les conversations de re-groupements (rapprocher l’enfant de son cœur et de son âme) et la construction d’une communauté peuvent également être considérées comme utiles. Co-recherche Pour tenter de comprendre comment les familles ont considéré la thérapie narrative dans cette enquête, quatre parents et la thérapeute ont codéveloppé les questions suivantes :

    • Selon vous, qu'est-ce qui était important pour vous dans la thérapie qui vous a été fournie pendant votre période de deuil ? Qu'avez-vous le plus apprécié dans le travail ?

    • Comment décririez-vous ce qui était significatif pour vous ? • Est-ce que des méthodes narratives ont été utilisées pour vous aider dans le processus de

    gestion du deuil, et si oui, comment ? • Est-ce qu’il avait des méthodes narratives utilisées qui n'a-pas été utile, et si oui, comment

    ? • Qu'est-ce qui aurait pu être fait différemment dans ce travail ?

    Ces questions ont été élaborées à partir des travaux de Freedman et Coombs, 1996, sur la thérapie et de Gaddis, 2004 pour la recherche. Les idées de Lokken (2011) ont été utilisées pour consulter des parents en deuil afin de formuler des questions. Ces questions sont choisies collectivement parmi les questions fréquemment utilisées dans les conversations sur la thérapie narrative avec les parents qui ont demandé des soins pour le deuil. Les idées de recherche étaient également de Thorne, 2008. Un document collectif présente certaines des réponses des 15 membres des familles à ces questions (pour des idées sur la documentation collective, veuillez-vous voir Denborough, 2008). Les thèmes développés sont des termes de thérapie narrative qui présentent certains des espoirs et des rêves des résultats décrits issus de conversations de thérapie narrative et de pratiques communautaires. Ces termes ont été expliqués précédemment dans le document. Le document collectif est présenté en caractères gras. Ces questions et réponses sont appelées recherches primaires dans des communautés narratives, c’est-à-dire des questions à des fins thérapeutique et de la recherche.

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    Quelques Façons dont ce Travail a été Reçu (5) Le document collectif (*1)

    Qu'est-ce qui nous fait vivre des moments difficiles ? Un grand nombre d'entre nous ont affronté ce qu'on pourrait appeler la plus grande tempête de notre vie : la mort d'un enfant. Parfois, ces tempêtes ressemblaient à un ouragan et ont provoqué des moments très difficiles. Nous sommes des mères, des pères et des frères et sœurs avec un membre de la famille, un enfant, décédé et nous avons travaillé dur pour surmonter cette période très difficile de notre vie. Il n’était pas facile de survivre à la mort d’un enfant dans notre famille, mais nous avons travaillé dur pour continuer dans des moments très difficiles. Nous avons pensé à toutes nos capacités spéciales et à nos connaissances spéciales qui nous ont permis de faire face à tant de problèmes et qui nous ont soutenus pendant cette période très mouvementée. Nous avons pensé à tout ce qui nous a permis de garder l’espoir en vie pendant ce plus grand défi de notre vie. Les pratiques narratives nous ont aidés à trouver nos moyens de survie Certains d'entre nous ont senti que nous avions perdu notre identité lorsque notre enfant est décédé. Suis-je un parent lorsque mon seul enfant est décédé, suis-je mère de deux enfants quand un est décédé ? La vie en tant que projet d’identité : *Sylvie 1 : « Pour moi, cela m’a permis de « boucler la boucle ». Cet exercice (travail sur ce

    document Petits Pas) a donné un sens plus concret à nos rencontres individuelles et permis une nouvelle réflexion. Ce qui m’a beaucoup touchée dans le texte, ce sont les explications sur le besoin identitaire de l’humain. C’est bien exact qu’après le décès d’un enfant, on se demande si on est encore un parent. C’est embêtant souvent de répondre à des questions sur notre famille lorsqu’on rencontre des gens. Généralement on se fait demander combien d’enfants avez-vous ?

    Doit-on répondre deux à l’origine mais un maintenant ? Dans ce cas, on doit aborder le fait qu’un enfant est décédé et à ce moment, c’est notre interlocuteur qui se trouve en situation d’embarras et nous offre ses condoléances.Bref, j’ai encore du travail à faire mais au moins vous m’avez fourni les outils nécessaires à reconstruire mon identité. Merci encore de m’avoir permis de lire votre texte. « Publié pour la première fois en

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    français, Moxley-Haegert, 2018 ». Doris : « J’ai vraiment apprécié ce que j’ai appris sur moi-même en participant au projet Les

    Petits Pas. J'ai trouvé ma voix, au sens propre et figuré. J'ai rejoint une chorale et cela m'a redonné vie. Merci de m’avoir aidé à trouver ma voix ».

    Certains d'entre nous ont estimé que le projet Petits Pas, document collectif narratif dirigé et édité par Linda et Marie-Claude Proulx (infirmière praticienne), nous a aidés à retrouver notre identité et à recentrer notre orientation dans la vie. D'autres ont trouvé l'identité dans différentes pratiques narratives. Certains d'entre nous ont eu du mal à trouver un sens à ces expériences. Faire du sens : Maude : « J’ai assisté à un groupe de parents endeuillés et ils voulaient que je trouve un sens à

    l’expérience. Je ne voulais pas chercher un sens positif comme ils s'y attendaient. Je n'avais pas besoin de faire mourir mon fils pour comprendre que j'étais une personne forte. Aucune des personnes impliquées dans le projet Petits Pas ne semblait m'attendre ou me demander de trouver un sens et pourtant, j'ai beaucoup appris sur moi-même et sur ce que je veux de la vie. Je suis devenue assez courageuse pour tomber à nouveau enceinte et j'ai réalisé que j'étais toujours un parent, même lorsque mon seul enfant était décédé.

    Martine : « Je tiens à remercier Linda et Marie-Claude d’avoir dirigé notre projet avec autant de

    dévouement et d’organisation. Lorsque Linda m'a demandé de faire partie de ce projet (Petits Pas), je me suis sentie privilégiée de faire partie de quelque chose qui rejoint mon intérêt pour la création et mon désir d'aider les autres. Au début, c’était difficile, puis j’ai réalisé que notre espoir me dirigeait et j’ai commencé à donner un sens à l’expérience. Je voulais aider les personnes vivant avec l'expérience de la mort d'un enfant. J'espère qu'avec ce projet, je conduirai les autres à vouloir s'aider eux-mêmes tout en aidant les autres. »

    Sylvie 2: « J’apprécie vraiment que lorsque Linda a rêvé de mon Pierluc et qu’il lui ait dit

    d’appeler sa mère, elle l’a écoutée et m'a appelée. J'étais tellement déprimée que je ne pouvais pas tendre la main mais mon Pierluc a tendu la main trois mois après sa mort et Linda a écouté. Nous avons même compris le rêve. »

    Nash : « Ce que j’ai vraiment apprécié c’est l’héritage (collection d’images et de citations que sa

    fille donnait à sa vie) que ma fille nous a laissé avec son travail avec Linda et Kelsey. J'ai appris plus sur ses valeurs, ses croyances et ses souhaits pour sa vie que je n'en avais

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    jamais connu. Certaines choses dont nous n'avons pas parlé ensemble. Cela m'a permis de mieux comprendre le sens de sa vie. » Traduit de l'anglais (TdA)

    Anthy: « Notre douleur est toujours présente, mais nos enfants aussi. C’est ce que j’ai écrit dans

    le livre de Petits Pas et la création de ce livre m’a aidé à comprendre et à donner plus de sens à l’expérience. » (TdA)

    Nathalie: « Raphael avait des connaissances spéciales et une histoire particulière à raconter. Il a

    raconté à Linda un rêve dans lequel il mourait dans un incendie et où sa mère ne le sauverait pas. Linda a eu une conversation spéciale avec lui à propos de ce rêve et ils ont décidé que s'il devrait arriver qu'il se trouve dans une telle situation et que sa mère ne le sauve pas, c'est que moi, sa mère ne pourrait pas le sauver. Plus tard, quand nous sommes allés en Floride à voir Disneyworld pour son souhait particulier, il a réussi un jour avant de devenir si malade que nous avons dû appeler les services d’urgence. Lorsque les intervenants d'urgence sont arrivés, ils étaient des pompiers. Raphael, utilisant son rêve, m'a dit : Je meurs maman et tu ne peux pas me sauver. J'étais si heureux que Linda et lui aient eu cette conversation de rêve, nous avons donc pu parler de la mort aussi ouvertement cette nuit-là. »

    Beaucoup d’entre nous ont compris qu’il était important pour nous de donner sens à cette période difficile dans notre processus de guérison, mais que cela devait venir de nous-mêmes et ne pas être forcé par les autres.

    Certains d'entre nous ont trouvé qu'il était très utile d'avoir une communauté de soutien autour de nous. Pour certains d'entre nous, c'était difficile, mais la thérapie narrative que nous avons reçue nous a aidés à développer la communauté quand elle n'y était pas naturellement. Développement communautaire Anthy et George : « Ce que nous avons le plus apprécié, c’est l’encouragement à la création

    d’une communauté (nous l’appelions Condo Boys) sur l’unité de soins intensifs néonatals (NICU). Les familles de quatre petits garçons du NICU ont demandé à être placées ensemble et notre thérapeute nous a aidés dans cette entreprise. Ces quatre familles sont toujours en contact aujourd'hui. Deux des garçons ont survécu et deux non. Notre fils Harris-Dean est toujours un copropriétaire du seul petit ami décédé. Nos garçons sont enterrés dans le même cimetière afin que Harris-Dean et son ami puissent toujours être ensemble. » (TdA)

    Maude et Martine : « En aidant les autres dans la création du livre Petits Pas, nous nous

    sommes aidés nous-mêmes. De plus, nous avons eu la chance de développer notre propre communauté de parents qui comprenaient nos expériences comme d’autres ne le pourraient jamais. Notre nouvelle communauté Petits Pas a été très utile dans notre

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    processus de guérison. » Sylvie 2 : « J’ai perdu ma communauté à la mort de Pierluc parce que j’avais été très actif au

    sein du groupe COURAGE, une communauté que Linda avait développée pour le programme d’oncologie. Quand je lui ai dit à quel point je me sentais seule, elle a commencé à penser au projet de Petit Pas. Au début, j’ai eu l’impression que je pleurerais trop si j’y assistais, mais ensuite, j’ai trouvé tant de familles aimantes qui comprenaient parfaitement. J’ai vraiment apprécié cela même si c’était difficile au début. »

    Jimmy : « J’ai vraiment apprécié que Linda vienne chez nous faire l’Arbre de vie avec ma famille.

    Nous aurions préféré le faire avec d'autres familles qui faisaient partie de notre communauté développée par Linda. Ma femme et ma fille, Megan (voir * 2), étaient en train de mourir du cancer et ne pouvaient pas quitter facilement la maison. Ma femme était si heureuse de renforcer la cohésion de notre famille tout en créant notre Arbre de vie en tant que famille. Maintenant, je suis tellement heureuse d'avoir l'héritage de notre famille lorsque ma femme et ma fille étaient en vie.

    Certains d'entre nous ont reçu un soutien considérable de la part de la communauté d'autres parents endeuillés alors que d'autres ont trouvé une communauté au sein de la famille.

    Certains d'entre nous ont trouvé très utile de trouver des moyens de conserver la mémoire de notre enfant afin que celui-ci ne soit pas oublié. Pour certains d'entre nous, nous nous sommes souvenus de conversations de regroupement avec Linda. Pour d’autres, c’est par la création avec Linda du livre ‘Petits Pas’ ou de l’Arbre de Vie, et pour d’autres, par la création d’héritages par nos enfants. Linda a également pris des photos et filmé nos projets et nous en a envoyé copie conforme. Ainsi que toutes les questions d'espoir auxquelles notre enfant a répondu dans ce projet de groupe. Re-groupement Jackie : « Ce que j’ai vraiment aimé, c’est la lettre écrite par Linda et Kelsey et le fait qu’ils aient

    recueilli les souvenirs de l’équipe pour les mettre dans la lettre. Cela m'a rappelé certains des bons moments passés à l'hôpital avec Liam. Je vous remercie. » (TdA)

    Maude :« Je tiens à remercier Linda de cette conversation avec elle. Et pour le filmer afin que je

    puisse avoir la conversation pour toujours. Taric resterait toujours avec moi, mais il est devenu tellement vivant après ces conversations. »

    Nicki (sœur) : « J’ai adoré la boîte à souvenirs que nous avons fabriquée ensemble. Je me

    souvenais non seulement de Harris-Dean, mais aussi de mon frère jumeau et de ma

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    sœur jumelle qui sont morts à la naissance. Je l’ai toujours et j’y regarde de temps en temps ».

    Certains d’entre nous ont commencé notre guérison en gardant nos enfants proches de nos cœurs, ce qui maintenait notre relation avec eux en vie. Certains d'entre nous ont trouvé de l'aide pour trouver une autre histoire que celle de notre douleur. Doubles Histoires Nous avons constaté qu'il y avait souvent plus que de la douleur et du peigne. La famille Harris-Dean : « Nous avons apprécié les récits que certaines des questions d’après-

    thérapie ont permis de développer. Nous avons trouvé un beau souvenir concernant la seule sortie de Harris-Dean au cours de laquelle il portait un habit de neige pour la première et unique fois. Nous nous sommes souvenus que c'était une période d'inquiétude parce qu'il se rendait dans un autre hôpital pour une intervention. Cependant, lors de la conversation qui a suivi la thérapie, nous avons pu nous rappeler son habit de neige et nous nous sommes rendu compte qu'il avait eu la chance de le porter et qu'il y avait d'autres moyens de se souvenir de cette sortie. Nous sommes conscients que, même maintenant, nous nous souvenons de la partie heureuse de cette histoire pour amener Harris-Dean dans nos vies. » (TdA)

    Qu'a-t-on apprécié dans ce travail ? Le père de Harris-Dean, George : « J’ai apprécié la partie de la thérapie narrative qui permet à la

    famille de diriger. Je n’ai jamais été un bavard. Je guéris plus en faisant et parfois je ne voulais vraiment pas parler autant. Ma femme parlait et j’appréciais qu’il y ait des services pour que ma femme puisse parler et que je ne me sentais pas obligée de parler aussi. » (TdA)

    Laura (sœur de 13 ans) : « J’avais dix ans au moment du décès de mon frère. J'ai gardé la boîte à

    souvenirs que Linda et moi avons fabriquée ensemble. J'ai vraiment apprécié cette boîte à souvenirs. J'ai également apprécié le fait que mon thérapeute se rende à mon école et m'aide à expliquer à ma classe ce que signifie ressentir un frère qui souffre d'un cancer pendant de nombreuses années, puis meurt. Linda a aidé les enseignants à comprendre qu'il est toujours aussi difficile à gérer après la mort d'un frère que de gérer quand un frère est malade. En outre, elle a expliqué que tout le monde gérait son chagrin de manière unique, qu’il n’y avait aucune ‘il faut’ de la guérison. J’ai vraiment apprécié cela. »

    Anaya (Un nom différent a été donné pour que cette mère respecte la vie privée qui lui est

    demandée) : « Ce que j’ai vraiment apprécié, c’est le livre que ma fille, a créé avec la

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    psychologue. Le nom de ma fille signifiait ‘qui sait ce que Dieu nous a apporté à travers cet enfant’. Le livre nous rappelle l’amour, la joie et l’intelligence que Dieu nous a apportés à travers notre enfant. » (TdA)

    Ce qui aurait pu être fait différemment ? Martine : « Il n’y a rien que j’aurais voulu faire différemment. Je me suis sentie respectée et

    jamais jugée. Je ne me sentais jamais sous la pression, perturbée ou stressée par le processus. Vous m’avez donné l’espace d’être créative d’une manière intellectuelle et je me sentais tellement mieux après. Merci. » Publié pour la première fois en français, Moxley-Haegert, 2018.

    Évaluation de l’éthique de cette pratique Sur le bilinguisme et la culture3 Il y a une question d'éthique relative et particulière au milieu dans lequel ce travail a été fait, puisque le travail collectif et communautaire s’est effectué dans les deux langues officielles, le français et l’anglais. La psychologue et thérapeute narrative est une anglophone (locuteur première langue anglais) née hors Québec. Cela signifie que, comme polanko et Epston (2009) l’ont écrit, « (…) des considérations de bilinguisme peuvent influencer notre pratique au sein des langues ». Pour cette raison, on consultait fréquemment les francophones (locuteurs première langue français) sur la précision et la qualité de la langue écrite tout comme sur l’interprétation culturelle (polanko, 2011, 2013). C'est en partie pour cette raison que Marie-Claude Proulx a été invitée à faire partie du groupe Petits Pas. Sur la responsabilité et la transparence : En tant que thérapeutes narratifs, nous essayons de nous engager dans des pratiques de responsabilité et de transparence : l'ouverture de notre travail aux parents et aux enfants et la remise en question constante de ce travail sont susceptibles de leur fournir ce qu'ils veulent recevoir. Nous avons toujours essayé de poser des questions et de respecter les souhaits préférés de ceux qui nous consultaient (comme George qui a déclaré dans le document collectif qu’il préférait ne pas parler beaucoup, mais il a pu participer à la création d’un Arbre de vie avec son famille). Nous essayons de surveiller l’inconfort et nous reculons au besoin. Les pratiques de responsabilisation par rapport à ce dilemme impliquent de poser continuellement des questions telles que celles utilisées dans cette co-recherche. Ces pratiques de rendre des comptes qu’on mit en place impliquent de demander fréquemment : « Est-ce que j’aborde les questions que vous voulez que je vous pose ? » Comme cela a été appris par les commentaires de George, cela a été grandement apprécié. Sur la co-recherche : Dans cette co-recherche, il a été demandé au parent ou à la fratrie de décrire intimement ce qui était utile et inutile dans l’approche thérapeutique. Il y avait un développement conjoint de questions à poser aux parents et aux familles qui faisaient partie de l'éthique de cette pratique narrative.

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    Sur le cercle des dons et des réceptions : Chaque famille a reçu une lettre narrative résumant ses réponses particulières à ces questions après nos entretiens d’entretien. Un exemple de tels narratifs écrits peut être trouvé dans Moxley-Haegert, 2009. Martine, une des mères participantes dans ce travail, a partagé avec nous deux sources pour consulter d’autres idées créatives. Ce livre et site Web que nous consulte actuellement (Corneau, 2014 ; Jobin, 2014). Ce travail est certainement un cercle permettant de donner et de recevoir. Conclusion En résumé, dans le travail en soins palliatifs auprès d’enfants et de parents, on a utilisé des pratiques narratives et communautaires pour créer des chansons, des poèmes, des films, de l’art, de l’écriture et de la musique, pour transposer les valeurs, les croyances et les savoirs, sur un support permettant non seulement de les préserver, mais aussi de les communiquer et de les faire connaître aux parents