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Juin 2015

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  • Le Journal de lAfrique N11Editorial

    De lAfro-pessimisme lAfro-optimisme : les enjeux dunchangement de paradigme Par Carlos Sielenou

    Les nouvelles gnrations militantes africaines : Espoirs etvigilances Par Said Bouamama

    Pourquoi lOccident devient de plus en plus agressif en Afrique Par Olivier Atemsing NdenkopFuturs champs de bataille des tats-Unis d'Amrique en Afrique Par Nick TurseApres Diouf et Wade, voil le "Tirailleur" Macky Sall: Pourquoi l'lite politique rgnante du Sngal est-elle servile et contre la paix?

    Par Roland Fod Diagne

    La vido du mois de juin

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  • Editorial

    Le miracle africainLongtemps considre comme le continent de la stagnation qui ne connait de progrsque dans la misre, lAfrique se dfait progressivement de cette image affligeante. En effet, alors que la tendance mondiale est au vieillissement de la population, la basede la pyramide des ges slargie sur le continent. Au moment o lconomie globaledonne des signes dessoufflement, celle du continent croit inexorablement. Le rapport2015 des Perspectives conomiques de lAfrique rendu public le 25 mai 2015 en Cte-dIvoire par la Banque africaine de Dveloppement (BAD) et ses partenaires annonce desembellies pour 2015 et 2016. Selon ce rapport, le Produit Intrieur Brut (PIB) delAfrique connaitra une croissance de 4,5% en 2015 et de 5% en 2016. A titre de comparaison, lOrganisation de Coopration et de Dveloppementconomiques (OCDE) a publi ses prvisions de la croissance mondiale le 3 juin dernier.Elles sont de 3,1% pour 2015 et 3,8% pour 2016. Lconomie africaine sera donc au-dessus de la moyenne mondiale.Ceci nest pas nouveau. Depuis plus dune dcennie, la croissance est de retour enAfrique. Entre autres facteurs explicatifs : une population jeune, bien scolarise et trsdynamique, les mesures incitatives adoptes par les Etats pour relancer lconomie, lamise en valeur du potentiel agricole, la stabilit politique et la bonne gouvernance quisenracinent sur le continent, etc. Bref les conditions pour la ralisation du miracleafricain sont runies.

    Carlos Sielenou & Olivier Atemsing Ndenkop

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  • Le samedi 11 avril 2015 loccasion du 4me anniversaire du coup dtat franco-onusien qui arenvers Laurent Gbagbo, prsident constitutionnellement investi de Cte-dIvoire, une marchea travers Paris, runissant prs d'une vingtaine de nations africaines pour la dfense desinstitutions et constitutions africaines. Les manifestants ont dpos une gerbe de fleurs auConseil constitutionnel franais, matrice et souche de tous les Conseils constitutionnels de laFranafriqueVido de la manifestation ici https://youtu.be/c8FJxfpM7Js

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  • ..

    BrvesBurkina Faso : les restes de Sankara enfin exhums

    Photo DR

    Aprs de 28 ans de blocage judiciaire, la justice du Burkina a finalement t saisie du dossier Sankara, du nom du jeune prsident rvolutionnaire assassin avec 12 de ses compagnons dans la nuit du 15 octobre 1987. Le 25 mai 2015, les exhumations ont commenc vers 8h au cimetire de Dagnon Ouagadougou. Dans la tombe suppose tre celle de Sankara, les ossements et les morceaux de tissu ont t prlevs 45 centimtres , a indiqu matre Stanislas Bnwend, avocat de la famille Sankara.

    Rest bloqu pendant les 27 ans de pouvoir de Blaise Compaor, le dossier Sankara a toujourst annonc comme une priorit des nouvelles autorits de transition. Elles ont ouvert uneprocdure judiciaire en mars dernier pour faire clater la vrit dans cette affaire. Plusieurspersonnes ont dj t entendues par un juge dinstruction. Parmi elles, Mariam Sankara,lpouse du dfunt prsident.

    ..

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  • Ile Maurice : une femme dsigne prsidente

    Photo DR

    Ameenah Garib-Fakim, 56 ans a t dsigne lundi 1er juin 2015 pour occuper la fonctionhonorifique de prsidente de la Rpublique de Maurice. Elle succde Kailash Purryag, qui admissionn le vendredi 29 mai. Avant de devenir la premire prsidente de Maurice,Ameenah Garib-Fakim tait dj devenue la premire femme professeur d'universit dans sonpays. Elle est par ailleurs titulaire d'une chaire universitaire en chimie organique. AmeenahGarib-Fakim sera la sixime personne occuper la fonction prsidentielle depuis 1992, datede la cration de la Rpublique mauricienne.

    Nigria : M. Buhari investit, Boko Haram poursuit les tueries

    Elu au terme du scrutin de mars dernier, le nouveau prsident de la Rpublique fdraledu Nigria, Mohammadu Buhari a prt serment le 29 mai 2015 Eagle Square.Plusieurs chefs dEtats du monde ont assist cette crmonie dinvestiture : le Sud-africain Jacob Zuma, lIvoirien Alassane OuattaraAg de 72 ans, Mohammadu Buhari est un ancien gnral de larme. Entre 1983 et1985, il a dirig le Nigria aprs un coup dEtat. Il stait fait remarquer par sadtermination combattre la corruption. Aujourdhui, M. Buhari hrite dun paysmenac par les terroristes de Boko Haram qui multiplient les attentats dans la ville deMaiduguri.

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  • De lAfro-pessimisme lAfro-optimisme :les enjeux dun changement de paradigme

    Rduite pendant plusieurs dcennies trois grands maux (misre, famine,guerre), lAfrique est devenue le continent de tous les espoirs aprs la criseconomique de 2008-2009. Ayant merveilleusement rsist aux contrecoups decette banqueroute mondiale, le continent africain est dsormais peru comme laboue de sauvetage de lconomie-monde. Sa population jeune et solidementinstruite, ses innombrables ressources minires, ses vastes terres arables, sonpotentiel nergtique en font le continent de toutes les convoitises en ce dbutde 21me sicle. Par Carlos Sielenou

    Le magazine de lagence japonaise de coopration internationale (JICA) clbre lerveil de lAfrique. Faisons un petit exercice de mmoire. Il sagit de parcourirrtrospectivement les pages Afrique de nos journaux dil y a quelques annes. Elles sersument peu prs ceci : 1)- Des hommes et femmes parcourant des kilomtres, parfois enfants au dos, pour fuir la guerre dans leur pays situ quelque part en Afrique ! 2)- Des camions rquisitionns par le Fonds mondial pour lAlimentation, la Croix Rouge et autres ONGs afin de livrer des tonnes de crales des milliers de personnes aux allures famliques parce que menaces par la famine dans la cornede lAfrique ! 3)- Des gamins de 12-16 ans tenant firement une arme reue pour aller combattre comme enfants-soldats dans les rangs dune milice la solde dun homme politique avide de pouvoir en Afrique !

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  • 4)- Des quipes dhommes et de femmes venus directement dEurope de louest ou dAmrique du nord pour aider lAfrique et les Africains avec au menu : plans dajustement structurel, discours sur le transfert de technologie, appui aux efforts dmocratiques... Bref, lAfrique qui stend pourtant sur 30 221 532 km2 avec un milliard dhabitants(chiffres de 2010) a t longtemps prsente dans les grands mdias comme uncontinent gueux, ou tout simplement mendiant et parasite. Vritable cas social quilfallait aider ! Aujourdhui, les choses ont bien chang. Mme si les mdias ne communiquent pas avecla mme intensit sur ce basculement, force est de constater que lafro-pessimisme, voirelafro-piti a cd la place un afro-optimisme quil mrite de comprendre. La vrit des chiffres ou les chiffres de la vrit Une nouvelle Afrique a merg des cendres du pass et prend de lampleur.

    Beaucoup semblent avoir pris un peu connaissance de cette rvolution silencieusequi dferle sur lAfrique. Il y a un optimisme croissant partout , Aliko Dangote, Dangote News, ISSN 0189-5826, avril 2012, P.4. Alors que la tendance mondiale est au vieillissement de la population, le continentafricain peut se targuer davoir un avantage comparatif majeur en la matire : unepopulation jeune et scolarise. Avec prs de 200 millions dhabitants gs de 15 24ans, lAfrique possde la population la plus jeune du monde, et celle-ci continue decrotre , indique ds ses premires pages le dernier document programmatique de lapolitique franaise en Afrique, datant de dcembre 20131. Selon les projections des dmographes fondes sur lvolution du taux de natalit, larduction de la morbidit et donc de la mortalit, la population africaine devrait doubler(deux milliards dmes) en 2050. Ce qui fera de lAfrique la premire puissancedmographique du monde, devant la Chine et lInde. Or la dmographie est un facteur depuissance. Toujours pour ce qui est des avances enregistres sur le continent, les statistiques duProgramme des Nations Unies pour le Dveloppement (PNUD) sont encore plusloquentes. La mortalit des moins de cinq ans est passe de 146 dcs pour 1 000naissances vivantes en 1990 90 dcs en 2011, soit une diminution de 38 %. De mme,le taux de mortalit maternelle est pass de 745 dcs pour 100 000 naissances vivantesen 1990 429 en 2010, soit une diminution de 42 % peut-on lire dans un rcent rapportdu PNUD intitul Perspectives conomiques en Afrique 20142. Entre 2000 et 2012,lesprance de vie a augment de 5,5 ans [sur le continent], passant 55 ans, alorsquentre 1990 et 2000, elle avait stagn, complte le quotidien Le Monde (19.05.2014).Il est important de rappeler que les deux milliards dAfricains attendus dici 20501 Hubert Vdrine, Un partenariat pour lavenir. 15 propositions pour une nouvelle dynamique conomique

    entre lAfrique et la France, 2013, P. 36

    2 PNUD, Perspectives conomiques en Afrique 2014. Les chanes de valeurs mondiales et lindustrialisation en Afrique.

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    Photo : InvestigAction

  • constitueront deux milliards de main duvre et autant de consommateurs quiboosteront la production et la consommation intrieures ainsi que le commerce intra-africain. En attendant, il importe de constater que lurbanisation avance grand pas sur lecontinent. En 1980, seulement 28% de la population africaine vivait dans les villes.Aujourd'hui, pour un milliard d'habitants, ce chiffre est pass 40%, se rapprochant ainsi de la Chine et dpassant l'Inde . Bien plus, lAfrique abrite dj 52 villes d'aumoins un million d'habitants, comme c'est le cas en Europe occidentale3 . Et lapopulation urbaine du continent devrait saccrotre de 414 millions plus de 1,2 milliarddici 20504 60% des terres arables non encore cultives dans le monde se trouvent en Afrique. Cestdailleurs ce qui explique la rue des multinationales de lagroalimentaire sur lecontinent. Malgr le pillage sculaire et systmatique de son sous-sol, lAfrique disposetoujours dune grande quantit de matires premires indispensables pour lefonctionnement des industries de la plante : manganse, cobalt, uranium, alumine, ferLAfrique aide lOccidentLe fait est assez marquant pour ne pas tre soulign. Frapp de plein fouet par la criseconomique de 2009, le Portugal a dpch son Premier ministre en Afrique pour allerdemander de laide son ex-colonie : lAngola. Face un Jos Edouardo Dos Santos(prsident angolais) droit sur ses bottes, Pedro Passos Coelho (Premier ministreportugais) sest pli en quatre pour demander un appui financier. Le capital angolais

    est le bienvenu chez nous ! , a ainsi lanc le dirigeant portugais en visite Luanda ennovembre 2012. Un pays africain qui vole au secours de son ex-colonisateur, cest unevritable dialectique matre-esclave, version Hegel ! Au-del du symbolisme, les fonds injects par lAngola ont certes apport une bouffedoxygne lconomie portugaise devenue exsangue, mais ils ont surtout permis dechanger la perception que nombre de pays occidentaux avaient de lAfrique. Et depuislors, le continent est devenu une terre dopportunits et est trait avec plus de respectpar les Occidentaux qui staient jusquici distingus par un paternalisme et unecondescendance de mauvais aloi. Lune des preuves de ce changement a par exemple t apporte par le ministre delEconomie et des Finances franais en 2013. Face plusieurs centaines de dirigeants ethommes daffaires africains runis en marge du sommet Afrique-France tenu Paris endcembre 2013, Pierre Moscovici nest pas pass par quatre chemins pour avouerque lAfrique est une chance pour la France .LAfrique de plus en plus courtiseOn connaissait dj les sommets France-Afrique, ces rencontres runissant autour de laFrance ses ex-colonies autrement appeles pays du pr-carr franais . Ces rendez-vous permettaient et permettent encore la France de maintenir sa tutelle sur les

    3 Le Monde, 19 mai 2014

    4 Rapport Vdrine, P. 36

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  • matires premires et louverture de lconomie des pays concerns aux entreprisesfranaises en priorit ; ceci dans le prolongement des accords conomiques loninssigns au moment des indpendances des annes 1960.A la suite de la France, plusieurs autres pays ont initi des Sommets avec lAfrique dans lebut dtablir des relations politiques, diplomatiques, militaires et surtout conomiquesprivilgies avec le contient. On a dsormais le Sommet Japon-Afrique connu souslacronyme Ticad, le sommet Chine-Afrique, le sommet Inde-Afrique, le sommet Brsil-Afrique et plus rcemment le sommet Etats-Unis. Dans ce dernier cas, le prsident tats-unien a runi les chefs dEtats africains Washington en aot 2014 afin de redorer leblason de son pays en esprant gagner le cur des Africains de plus en plus sensiblesaux sirnes de Pkin. En 2013, la France sest dote dune nouvelle boussole pour aller plus efficacement la(re)conqute de lAfrique o elle a perdu la moiti de ses parts de march en 10 ans . Ilsagit dun rapport de 170 pages rdig sous la direction de lancien ministre des AffairesEtrangres Hubert Vdrine, la demande du ministre de lEconomie et des Finances.Intitul Un partenariat pour lavenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamiqueconomique entre lAfrique et la France , ce rapport passe en revue les diffrentssecteurs conomiques du continent, fournit des informations prcises sur les puissancesconcurrentes qui sy sont dj tablies et formule 15 mesures que la France doit adopterpour ne pas perdre le continent de lavenir .

    La comptition des baronsAujourdhui, la bataille pour le leadership mondial oppose les pays de la Triade(Amrique du nord, Europe de lOuest et Japon) aux puissances mergentes diriges parla Chine. Les premiers veulent rester matres de lconomie mondiale tandis que lesseconds sont dtermins leur ravir la vedette. LAfrique est lenjeu de cette comptitiondes barons. Tous savent que celui qui contrle lAfrique contrlera le monde de demain.Car les ressources du continent voques plus haut permettront une puissancequelconque de damer le pion ses concurrents. Or si les deux groupes dacteurs ontplus ou moins les mmes intentions (profiter des ressources africaines), ils sedistinguent par la diffrence de leur approche, dune part et le poids de lhistoire, dautrepart. Contrairement aux pays occidentaux qui trainent un lourd pass de domination et decolonisation, les pays mergents ont plutt fait les frais de cette domination. Lorsquevous examinez le pass des BRICS (Brsil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), uneconstance se dgage : limprialisme direct ou indirect de lOccident. Ayant eux-mmesexpriment la domination et confirm sa dangerosit, les nouveaux pays mergents nebrillent pas (jusquici) par la condescendance et lingrence qui caractrisent lespuissances occidentales. Dailleurs, les BRICS semblent travailler pour amliorer lesconditions de vie des citoyens des pays pourvoyeurs de matires premires. En effet, depuis que lAfrique a dcid de diversifier ses partenariats sur le planconomique, lon assiste la construction des infrastructures du nord au sud et de lest louest du continent. On peut ici citer des coles, des hpitaux, des infrastructuressportives et routires. Autant de ralisations qui ont trs vite conduit les Africains faire

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  • le bilan de leur coopration avec lOccident. A la lecture des mdias du continent, il nefait pas lombre dun doute que ce bilan est ngatif. Les ditorialistes ne cessent de parlerdun esclavagisme des temps modernes . Sur la question, Charles Ateba Eyene a publiun livre au titre vocateur: La pntration de la Chine en Afrique et les espoirs de larupture du pacte colonial avec lOccident . Comme pour clouer les Occidentaux au pilori,lauteur crit A Yaound comme Douala, les routes construites par les Chinois nous fontraliser des conomies. En le disant, nous mettons au dfi chacun et tous en ce qui concernele cot et lopportunit de lchangeur que la France vient de construire Yaound, auniveau des services de la rgion. Au vrai, si ce march avait t confi aux Chinois, lemontant ne serait pas celui quon dclare et il ny aura pas autant davenants5 . Ayant fait de la lutte contre lexploitation de lAfrique par lOccident sa ligne ditoriale, lachane de tlvision Afrique Mdia a le vent en poupe sur le continent. Ses missionsphares : le dbat panafricain et Le mrite panafricain sont suivies par des millionsde tlspectateurs qui appellent de toutes les rgions de lAfrique pour dire tout le malquils pensent de lOccident. Et les prsidents les mieux cots dans Le mrite panafricainsont ceux qui rsistent aux diktats de lOccident : Robert Mugab prsident duZimbabw, Obiang Nguema prsident de Guine Equatoriale, Edouardo Dos Santosprsident angolais Face la perce des pays mergents, lOccident revoit progressivement son discours surlAfrique. Aujourdhui, dans plusieurs rapports et documents officiels des paysoccidentaux, on peut lire : [le continent] affiche une situation conomique flatteusequand celle-ci se dgrade ou montre des signes de ralentissement dans de nombreux paysavancs et mergents 6. Le potentiel agricole, hydrolectrique et nergtique de lAfriqueest immense , Lpargne est aujourdhui abondante en Afrique. La croissance desmarchs financiers africains est spectaculaire depuis le dbut des annes 1990 LAfriquesubsaharienne possde galement un extraordinaire potentiel naturel7 Au-del du discours, lon assiste galement une arrive massive des investissementsdirects trangers (IDE) en Afrique. La prsence occidentale en Afrique est vieille deplusieurs sicles. Depuis les comptoirs coloniaux, les grands groupes commerciaux, lesmastodontes du btiment et des travaux publics, de larmement, les ptroliersoccidentaux ont fait fortune en Afrique. Sont par la suite arrivs les oprateurs destlcommunications, les constructeurs automobilesLes deux facteurs voqus plus haut, savoir la crise conomique et larrive des paysmergents, ont incit des entreprises occidentales simplanter sur le continent africainautrefois rduit une simple rserve de matires premires ou un vaste dbouch. Pour ne prendre que le cas de la France, on constate quen moins de deux ans, ses5 Charles Ateba Eyene, La pntration de la Chine en Afrique et les espoirs de la rupture du pacte colonial

    avec lOccident, Yaound, Saint-Paul, 2010, P.196 Hubert Vdrine, Un partenariat pour lavenir. 15 propositions pour une nouvelle dynamique conomique

    entre lAfrique et la France, 2013, P.19

    7 P.39

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  • principaux fabricants de voitures ont pris pied en Afrique. Pour satisfaire la demande enautomobiles porte par la classe moyenne, Renault a ouvert une usine en Algrie, plusprcisment dans la localit dOran. Celle-ci a t inaugure dbut novembre 2014 par leministre des Affaires Etrangres, Laurent Fabius, et son collgue de l'Economie,Emmanuel Macron. Le 21 mai 2015, le quotidien Les Echos a annonc larriveprochaine de PSA Peugeot Citron au Maroc. Peu avant, l'agence Bloomberg, citant unesource interne PSA Peugeot Citron, a rvl que le projet pourrait tre officialis dsjuin 2015 en vue de rpondre aux besoins du march maghrbin. Comme des abeilles attires par le miel, les leaders mondiaux de la grande distributionaffluent sur le continent : Wal-Mart, SPAR, Casino, etc. Un certain nombre dentreprisesont cr ou sont en train de crer un dpartement Afrique (Banque Lazard, Rothschild)dont lexpertise pourrait tre mobilise , conclut le Rapport Vdrine8. Mais lAfrique ne sera plus jamais le terrain de chasse exclusif des trangers. Les fils etfilles du continent y investissent dj des sommes astronomiques.

    Lconomie africaine safricaniseAutrefois porte par les investisseurs trangers, lconomie africaine safricaniseprodigieusement. Et on assiste lmergence dune bourgeoisie continentale qui nenglige aucun secteur. Dj, les grands mdias souvrent au fur et mesure lAfrique etaux Africains. Et le misrabilisme a vite cd la place lespoir. Comment pouvait-il entre autrement lorsque des Africains figurent de plus en plus sur le top-100 des grandesfortunes du monde ? Dans ldition du 7 mars 2012, le magazine Forbes numrait 18Africains qui avaient amass une fortune de plusieurs milliards de dollars : les NigriansAliko Dangote et Mike Adenuga, Nicky Oppenheimer dAfrique du Sud, lEgyptien NassefSawiris La cimenterieAutrefois domin par les groupes trangers, le secteur de la cimenterie safricaniserapidement grce aux investissements consentis par Aliko Dangote. Le Noir le plus riche,class 76me fortune mondiale par Forbes avec une fortune de 24 milliards de dollars, adcid de construire des cimenteries dans prs de 10 pays du continent pour profiterdune croissance qui permet des constructions tous azimuts. La plus grande descimenteries Dangote a t inaugure Ibese dans lEtat dOgun le 9 fvrier 2013 par leprsident de la Rpublique fdrale du Nigria, Goodluck Jonathan, entour de15gouverneurs. Cette grande usine avait une capacit initiale de 6 millions de tonnes paran.

    Dangote Cement Group sest implant au Sngal, en Zambie, en Tanzanie, en Afrique duSud, dans la Rpublique du Congo, en Ethiopie et au Cameroun. Dans ce dernier pays,larrive de Dangote Cement est un coup dur pour la multinationale occidentale Lafargequi avait depuis 50 ans le monopole de la production du ciment travers sa filialeCimencam. Aujourdhui, Lafarge voit ses parts de march se rduire comme peau dechagrin, grignotes par Dangote et Cimaf (Ciment dAfrique). 8 Rapport Vdrine, P. 142

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  • Quid du secteur bancaire ?Le secteur bancaire africain est lui aussi pris dassaut par des Africains qui rivalisent destratgies pour imprimer leur marque dans le cercle ferm de la finance. On y retrouveen bonne place les groupes sud-africains Standard Bank/Stanbic (prsent dans 23 paysdAfrique centrale, orientale et australe) et Nedbank. Le groupe nigro-togolais Ecobankest tabli dans 32 pays dAfrique occidentale, centrale, orientale et australe. Bank ofAfrica BOA, groupe originaire du Mali, est implant dans 15 pays dAfriquesubsaharienne. Le marocain Attijariwafa Bank poursuit son ascension. Il est dj prsentdans 11 pays dAfrique. Livoirien NSIA ne cesse dlargir son spectre dimplantation. AuCameroun, Afriland First Bank, proprit du milliardaire et intellectuel prolifique PaulFokam Kenmogne, est devenue la premire banque au plan national en talonnant laBICEC, filiale locale du groupe franais BNP-Paribas.

    Tlcommunication et mdiaDans sa deuxime dition publie en fvrier 2015, le Magazine Afrique, bimestriel delconomie, du dveloppement et de lentreprenariat, a consacr un dossier de 5 pages la perce de la tlphonie mobile en Afrique centrale. On y apprend que, de 2005 2009, le march du mobile africain [tait] le premier en terme de croissance sur cette priodeavec le march chinois . Le journal relve surtout la grande comptition laquelle selivrent les compagnies pour capter les milliards dans le secteur de la tlcommunication.Airtel, Azur, Libertis, Orange, Sotel, Telecel, Moov, Etisat, Hits Telecom ou encore MTN sebattent pour largir leurs parts respectives dans un march en plein essor. Lesentreprises de tlcom ont enregistr 316 millions de nouveaux abonns africains depuis2000 , confirme le quotidien Le Monde (19.05.2014)Les groupes africains sont bien prsents dans cette comptition des grandes marques. Lesud-africain MTN est dj prsent dans seize pays. Maroc Telecom fait aussi la course entte. Le secteur des mdias et de la culture nest pas en reste. On y assiste une vritableeffervescence porte par des chanes de tlvision comme Africble (malienne), Africa24 et Afrique Media (dtenues par les Camerounais Constant Nemale et Justin Tagouh),3A Tlsud, NotreAfrik Dans le domaine de la production cinmatographique, lesnigrians Nollywood et Africa Magic ouvrent le gnie artistique africain au monde.

    Transport arienSur le continent, Kenya Airways et Ethiopian Airlines constituent des compagniesrentables et en expansion. Cette dernire possde la flotte la plus moderne dAfrique.Premire compagnie en nombre de destinations, premier oprateur cargo et premirecompagnie pour la qualit de ses services, elle dispose dune flotte de 60 appareilsBoeing et Bombardier. Ethiopian Airlines a transport 5 millions de passagers et 160 000tonnes de fret en 2011 et prvoit dici 2025 de doubler sa flotte, de transporter 18millions de passagers et 1,2 million de tonnes de fret par an9.9 Le quotidien de lconomie, N2, Ethiopian Airlines, la vitrine de lexpansion , P. 37, par Abdramane

    Abakar.

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  • Lexpansion fulgurante de ces groupes illustre lexistence dun environnementconcurrentiel et montre les capacits des investisseurs africains.Les grands mdias lassaut du continentAutrefois dlaisse par les grands groupes mdiatiques, lAfrique occupe une placeimportante dans la stratgie dextension/expansion des mdias mainstream. Depuis desdcennies, Radio France International, la Voix de lAmrique, la Deutsch Weller et BBCmettent en modulation de frquence sur le continent. La chane BBC a ouvert une base Dakar au Sngal. Euronews envisage de crer une chane africaine. Selon desinformations publiques, celle-ci va tre implante au Congo en 2015 et sera dirige parStephen Smith, ancien journaliste au Monde et auteur dun livre controvers qui a pourtitre Ngrologie. Le groupe franais Canal Satellite vient de lancer A+, une chaneentirement consacre lAfrique.En partenariat avec plusieurs journaux du continent, le quotidien Le Monde a cr unsite consacr lAfrique : Le Monde Afrique. Le magazine Forbes a lanc son ditioncontinentale avec pour titre Forbes Afrique sous la direction du journaliste Michel LobEwane. A son tour, la Chine investit largement dans les mdias en Afrique. Le China Daily a lancune dition africaine. La socit dtat China Radio International dispose de stations FMdans 3 villes est-africaines. La China International Television Corporation a rcemmentachet le groupe Independent News and Media, lune des principales entreprises depresse sud-africaine. Pour boucler la boucle, la CCTV a install le sige de sa brancheafricaine Nairobi en 2012 et diffuse des missions telles que Africa Live et I Love

    Africa .On le voit, malgr le faible niveau de dveloppement des infrastructures, linsuffisance delnergie lectrique, lexistence de nombreuses barrires douanires et les taxationsmultiples, lAfrique devient une destination privilgie pour les investisseurs. Ils sontencourags par lexistence des matires premires, dune main duvre de plus en plusqualifie, dun march constitu et surtout dune stabilit politique qui senracine sur lecontinent. Autant datouts qui ont fini par renverser le misrabilisme coll pendantplusieurs sicles au continent des Pharaons.

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  • LES NOUVELLES GENERATIONS MILITANTES AFRICAINES :

    ESPOIRS ET VIGILANCES Chaque gnration doit, dans une relative opacit, dcouvrir sa mission, laccomplir ou la trahir , Frantz Fanon

    La jeunesse africaine est de nouveau confronte la dcouverte de sa mission ,pour reprendre lexpression de Frantz Fanon. De manire significative en Egypte,en Tunisie ou au Burkina Faso, les vastes mobilisations de la jeunesse ont taccompagnes dune redcouverte des grandes figures des indpendances (Nasser,Sankara, NKrumah, etc.). Par Said BouamamaDes manifestations contre lexploitation du gaz de schiste en Algrie aux grandes grvesdes mineurs en Afrique du Sud, en passant par le formidable mouvement de rvolte quimit fin au rgne de lassassin de Sankara au Burkina et par les rvolutions gyptienne ettunisienne, etc., il existe un point commun que les mdias dominants se gardent bien desouligner : la prsence massive de jeunes. De nouvelles gnrations militantes mergent,ragissant, dune part, aux conditions dexistence scandaleuses imposes par lamondialisation capitaliste et, dautre part, laction des grants locaux de cettemondialisation que sont la plupart des gouvernements en place. Cette nouvelle attitudemilitante de la jeunesse a une base concrte : les mutations sociologique etdmographique du continent et la pauprisation massive des jeunes. Cest pourquoi lespuissances imprialistes, par le biais des ONG, sont particulirement actives pourdtourner cette jeunesse de la mission quelle sest donne : la lutte pour la secondeindpendance.

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  • Une Afrique jeune LAfrique a la population la plus jeune du monde. Le continent compte 200 millions dejeunes de 15 24 ans et ce chiffre devrait doubler lhorizon 2045. Les moins de 15 ansforment 40 % de la population alors que les plus de soixante ans ne comptent que pour5,5 %. Les deux tiers de la population ont moins de 30 ans et plus de 50 % ont unemoyenne dge de 21 ans.(1) De cette structure dmographique dcoule uneconsquence sur le march du travail : Si cette tendance se poursuit, la main-duvredu continent sera dun milliard de personnes en 2040. Ce sera la plus nombreuse aumonde, dpassant celle de la Chine et de lInde (2). Cette jeunesse est galement caractrise par un chmage massif. Ainsi prs de 60 % deschmeurs africains sont des jeunes et, dans la plupart des pays du continent, le taux dechmage des moins de 25 ans est deux fois plus important que celui des adultes. Il estpar exemple de 23, 4 % en Afrique du Nord en 2009 soit 3, 8 fois plus important quecelui des adultes. En Afrique du Sud, il est de 48 % soit 2,5 fois plus lev que celui desadultes (3). Pour la grande majorit de ces jeunes, il ne reste que le secteur informelpour tenter de survivre. La pauvret massive est en consquence une autrecaractristique de la jeunesse africaine. En moyenne, 72 % des jeunes Africains viventavec moins de deux dollars par jour et ce taux dpasse les 80 % dans des pays comme leNigria, lOuganda ou la Zambie (4). Soulignons enfin que la jeunesse africaine est galement de plus en plus instruite. Nendplaise aux nostalgiques de la colonisation, laccs la scolarit est un des rsultats desindpendances. Malgr la dgradation des conditions et de la qualit de lenseignement,les gouvernements, mmes les plus ractionnaires, hsitent, par peur des rvoltessociales, remettre en cause laccs lenseignement. Ils sont ainsi aujourdhui 42 %des 20-24 ans avoir reu un enseignement secondaire. Une jeunesse de plus en plus importante mais galement fortement touche par lechmage, lemploi informel et la pauvret. Une jeunesse galement plus instruite. Cestcette base matrielle qui explique le renouveau militant dans la jeunesse africaine. Un nouvel ge politique

    Le changement dans la place de la jeunesse nest pas que quantitatif. Un processusqualitatif porteur de conscientisation est galement luvre. On peut ainsi, selon nous,voquer lexistence de trois ges de la jeunesse africaine. Chacun de ces ges a forgson rapport au monde et son exprience politique dans un contexte particulier. Lepremier ge est celui de la jeunesse des dcennies 60 et 70 que nous pouvons qualifierde jeunesse des indpendances . Cette gnration merge dans un contexte de lutte

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  • des peuples africains pour lmancipation nationale et sociale. Sur le plan delexprience, elle a connu la colonisation ou lhritage immdiat de celle-ci. Sur le planmatriel, du fait des indpendances, elle connat globalement (bien sr de manirehtrogne dun pays lautre) une amlioration de ses conditions dexistence (accs lascolarit, la sant, etc.). Sur le plan idologique, elle se caractrise par lanti-imprialisme et la volont de servir le peuple . Un tel contexte est producteur dunrapport au monde optimiste, dengagements progressistes et dune conscience anti-imprialiste et panafricaine. Le second ge est celui des dcennies 80 et 90 que nous pouvons qualifier de jeunessede la mondialisation et des plans dajustement structurel. Cette gnration merge dansun contexte mondial marqu par la fin de lURSS et par la victoire de la mondialisationcapitaliste. Sur le plan de lexprience, elle a connu la disparition successive desexpriences progressistes africaines du fait des coups dEtat , des assassinats deleaders rvolutionnaires, des contraintes du nouveau rapport de forces mondial. Sur leplan matriel, elle connat les plans dajustements structurels et la pauprisationmassive quils produisent. Sur le plan idologique, elle se caractrise par la croyance enlconomie de march et lidologie des droits de lhomme . Un tel contexte estproducteur dun rapport au monde fait de mimtisme de lOccident, de dbrouilleindividuelle, dindividualisme et dune tendance au renoncement la lutte politiquecollective. Le troisime ge est lge actuel que nous pouvons qualifier de jeunesse de la secondeindpendance . Cette gnration merge dans un contexte mondial marqu par lamultiplication des agressions imprialistes pour le pillage des richesses naturelles et parla faillite des choix libraux mais aussi par le dveloppement des puissances mergentes.Sur le plan matriel, elle connat une descente aux enfers les cantonnant dans une logique de survie . Sur le plan idologique, cette jeunesse renoue avec la mobilisationpolitique tout en nayant pas encore trouv de canal dexpression de sa rvolte. Elleexprimente en consquence de nouvelles formes dorganisation et de contestation. Untel contexte est producteur dun rapport au monde fait de mobilisations collectives maissporadiques, de radicalisations anti-imprialistes mais encore peu formalises, dervoltes sociales ne parvenant pas encore se transformer en rvolution. La jeunesse africaine est de nouveau confronte la dcouverte de sa mission pourreprendre lexpression de Frantz Fanon. De manire significative en Egypte, en Tunisieou au Burkina Faso, les vastes mobilisations de la jeunesse ont t accompagnes duneredcouverte des grandes figures des indpendances (Nasser, Sankara, NKrumah, etc.).Mme dans les pays qui nont pas connu ce type de mouvement, on assiste uneredcouverte de ces figures dans les chansons de Raps, sur les maillots, etc. Cetterecherche dun ancrage dans les luttes passes souligne la sortie dune priode de haine de soi et de fascination de lOccident. Elle reflte galement le dveloppementdune conscience, certes encore embryonnaire, de la ncessit de reprendre le combatdes anciens. Cest pourquoi, il nous semble que lexpression la plus pertinente est cellede seconde indpendance . Cette expression est en effet apparue et a t thorisedans la dcennie 60 pour souligner la ncessit de parachever lindpendance politiquepar une relle indpendance conomique.

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  • Une jeunesse reprenant le chemin des luttes collectives, tendant rompre avec lafascination de lOccident et essayant de renouer avec les priodes antrieures ducombat mancipateur, telles sont les deux caractristiques dominantes de lajeunesse africaine.

    Le rle de dtournement des consciences des ONG Les grandes puissances sont lucides sur ces mutations de la jeunesse africaine. Elles sontconscientes des dangers que font peser ces changements pour leurs intrts. Ellesdveloppent une politique ambitieuse de dtournement des consciences par le biaisdONG multiples et touchant tous les champs de la vie sociale. Le phnomne nest pasnouveau mais connat aujourdhui une nouvelle impulsion en lien avec les nouvellesluttes de la jeunesse. Dans la dcennie 60 les USA et les puissances europennes ont dj initi de vastesprogrammes daide ports par des ONG. Le panafricain Kwame NKrumah a ds 1965alert sur le rle nocolonial des ONG du Nord.(5) Echanges universitaires, formationsde syndicalistes, formation des leaders, etc., cest tous azimuts que se sont dveloppesdes ONG visant dtourner la jeunesse de la conscience anti-imprialiste. Il en est demme aujourdhui. Donnons quelques informations sur les caractristiques de ces ONG :D'une manire gnrale, les associations du tiers-monde ont peu voix au

    chapitre quand il s'agit de dcider de l'orientation des programmes d'aide financspar le Nord. Seules 251 des 1 550 ONG associes au dpartement d'information desNations unies sont bases dans des pays en dveloppement. Des tudes montrentgalement que, sur cinquante associations occidentales spcialises dans le plaidoyer,seulement deux avaient effectivement consult leurs partenaires du Sud avantd'engager une action en leurs noms. Les ONG du Nord affirment que les associationsdu tiers-monde ne sont pas assez solides pour se passer de leur encadrement (6)Sappuyant sur la prcarit conomique de la jeunesse, ces ONG offrent des places desurvie aux leaders potentiels des luttes et les mettent ainsi sous leur dpendance. Lesprogrammes dchanges et de formations sont de plus de vritables mcanismes deformatage idologique. A lanalyse politique et conomique, ces formations substituentlapproche mthodologique et technicienne, la revendication politique est remplace parla compassion humanitaire, lorganisation des premiers concerns est abandonne auprofit dune dpendance vis--vis de laide. Il sagit ni plus ni moins que de dpolitiserune jeunesse qui a dabord besoin dun outil politique pour organiser sa missiongnrationnelle comme le dit Fanon.

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  • Mais les ONG ont galement une fonction plus immdiate : celle de justifier lesinterventions militaires occidentales. Cest en sappuyant sur des rapports objectifs dONG que se dploient des oprations de dstabilisation de gouvernements ayantcommis le crime de sloigner de la ligne dicte par Washington ou par lEurope comme,par exemple, de passer un contrat commercial avec une puissance mergente. Lesmmes rapports prparent galement les opinions publiques accepter larrive detroupes trangres comme solution aux crises. Le nouveau dveloppement de laction des ONG en Afrique nest pas le fait dunepousse de conscience humanitaire en Occident. Il reflte les nouvellespotentialits rvolutionnaires de la jeunesse du continent et vise les neutraliseret les instrumentaliser. Comme dans la dcennie 60, la jeunesse africaine est denouveau confronte aux tches de formations politiques des militants etdorganisations des damns de la terre.

    Notes : 1) http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/thematique/youth_employment/,consult le 27 avril 2015 10h 40. 2) Banque Africaine de dveloppement, OCDE, PNUD, Perspectives conomiques enAfrique, 2012, p. 108. 3) http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/thematique/youth_employment/, 4) Ibid. 5) Kwame Nkrumah, Le nocolonialisme, dernier stade de limprialisme, PrsenceAfricaine, Paris, 1973, chapitre les mcanismes du nocolonialisme, p. 245. 6) Marc-Antoine Perouse de Montclos, La face cache des ONG, Politiqueinternationale la revue, n 116, http://www.politiqueinternationale.com/revue/read2.php?id_revue=116&id=656&content=texte

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  • Pourquoi lOccident devient de plus en plus agressif en AfriqueLe Soudan, la Cte-dIvoire, la Libye, la RCA, le Mali sont les nouveaux laboratoiresde lagressivit dun capitalisme occidental en crise structurelle depuis 2008.Pourquoi lOccident qui ne sest jamais comport en enfant de chur devient-ilencore plus agressif en Afrique ? Cest parce que ce continent, qui tait considrdepuis le 19me sicle comme une rserve de matires premires la dispositionexclusive du capitalisme europen et nord-amricain, a dcid de smanciper ensouvrant dautres partenaires, notamment la Chine et les autres pays mergents.Un vritable crime de lse colonisateur !

    Par Olivier Atemsing Ndenkop

    La crise de 2008, une crise du systme capitalisteFin 2008 dbut 2009, lconomie tats-unienne entre dans une profonde crise causepar les prts immobiliers risque. Les bnficiaires de ces prts nayant pas pu respecterles chances, le systme financier sest bloqu. Les banques, les socits immobilires,les industries tombaient progressivement en faillite et la crise des subprimes estdevenue la crise tout court. Les fleurons de la puissance tats-unienne comme AmericanInternational Group, Ford, General Motors, Chrysler nont pu tre sauvs que par largentdu contribuable mobilis pour aider les capitalistes spculateurs victimes de leurboulimie du profit. Le cot/coup social de ce krach est norme : monte vertigineuse du

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  • chmage, rduction des revenus, augmentation du taux de suicide Comme une traine de poudre, la crise traverse les Etats Unis dAmrique et atteintlEurope. Si aux USA ce sont les entreprises qui sont tombes en faillite, en Europe cesont les Etats qui sombrent dans cette situation infmante. Le Portugal et la Grce sontofficiellement dclars en rcession. Pour la premire fois dans lhistoire, plus vieuxcolonisateur europen (le Portugal) est all demander de laide lune de ses anciennescolonies : lAngola. Mais le cercle des Etats occidentaux en difficult va bien au-del des deux cits. Entmoigne lvocation et la mise en place de cures d austrit dans des pays comme laFrance, lAngleterre, etc. De fait, les grandes puissances occidentales nont plus lesmoyens de maintenir le niveau de vie de leurs citoyens. Ils nont plus les moyens de fairefonctionner de manire optimale les institutions tatiques. Pis, les coupes opres surles secteurs sociaux (ducation, sant, scurit sociale, retraite) -toujours les premiresvictimes de la rcession- ne sont ni suffisantes ni efficaces long terme puisquellesrendent les rgimes impopulaires. Une crise aux consquences dsastreusesLa premire consquence de cette crise est quelle a dtruit le mythe de linbranlabilitdu systme capitaliste que ltats-unien dorigine japonaise Francis Fukuyama avait ttfait de prsenter comme la fin de lhistoire , enthousiasm quil tait par la chute delUnion des Rpubliques socialistes et sovitiques (URSS). Avec la crise de 2008, quintait pas une simple crise due une mauvaise gestion du capital par les hommes maisune crise du systme capitaliste dans lequel labsence de rgles est rige en rgle,lhumanit a compris que lhistoire du capitalisme ne faisait que commencer. Deuximeconsquence qui dcoule dailleurs de la premire : les BRICS (pays mergents conduitspar la Chine) ont profit de la faillite de lOccident pour conqurir des parts de marchau point de constituer un vritable contrepoids lhgmonie des puissancesoccidentales. Trs vite, une guerre dun genre particulier a donc t ouverte avec, commebelligrants, les pays occidentaux dune part et les puissantes mergentes dautre part.Pour lOccident, cette guerre pour la (re)conqute de lhgmonie mondiale a troisobjectifs. Elle doit permettre de mettre la main sur les matires premires afin derelancer la machine capitaliste grippe. Ensuite empcher aux pays mergents deprendre le contrle de ces ressources pour acclrer leur industrialisation. Enfin,lOccident fait la guerre pour fragiliser lAfrique afin dy empcher tout vritabledveloppement endogne. Il nchappe personne que les chefs dEtat qui sengagent dvelopper leur pays sont : assassin (Kadhafi), renvers (Gbagbo) ou diaboliss(Bouteflika, Mugabe, Obiang Nguema, Kabila, Dos Santos).Afrique, premier thtre de guerre de lOccidentLa thse selon laquelle tout ce qui arrive lAfrique (guerres, pillage, corruption) nestque le rsultat des turpitudes des Africain(es). Ltranger ny est pour rien ne manque pasde dfenseurs. Mais cette thorie de lultra-navet10 , fille de la propagande de guerrenenlve rien au fait que les guerres en Cte-dIvoire, en Libye, au Mali, en RCA taientavant tout des guerres de lOccident imprial pour relancer son conomie en crise10 Lexpression est de Michel Collon dans la prface du livre dEva Golinger, Code Chavez. CIA contre

    Venezuela, Oser dire, P.31

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  • profonde.En Cte-dIvoire, premier pays producteur de cacao au monde, premire conomiedAfrique de louest, la France, ancienne puissance coloniale, a tent depuis 2002 derenverser le rgime du prsident dmocratiquement lu Laurent Gbagbo. Le malheur delancien opposant devenu chef dEtat est davoir voulu faire passer le dveloppement deson pays et le bien-tre des Ivoiriens avant les intrts des multinationales occidentalesqui rgnaient en matres incontests dans le pays. Soit dit en passant, cest FlixHouphout-Boigny, premier prsident ivoirien qui a invent le terme Franafrique pourdsigner le cadre des relations privilgies quil souhaitait entre la France et lAfrique.Pour ne pas perdre sa Cte-dIvoire, Nicolas Sarkozy a dploy les troupes etlartillerie franaise pour pilonner le palais prsidentiel ivoirien et en extraire le chef delEtat et lenvoyer la Cour pnale internationale o il est incarcr jusquaujourdhui. Enlieu et place, Alassane Ouattara, ami personnel de Sarkozy est install. Depuis lors, lesentreprises occidentales sont remontes en selle. Et guise de rcompense, Ouattara dontlpouse est franaise bnficie de la plus grande attention des dirigeants et des mdiasoccidentaux.En Libye, lun des rares pays au monde o largent du ptrole tait investi dans ledveloppement du pays, Mouammar Kadhafi a commis l erreur de mobiliser desfonds pour lancer le premier satellite africain, crer la Banque centrale africaine (BCA),le Fonds montaire africain (FMA), la Banque africaine dinvestissements (BAI) Tousces projets tant lancs, lOccident se voyait perdre une part importante des ressourcesncessaires sa survie. Avec le satellite africain, lOccident perdait 500 milliards de FCFA(1 milliard de dollars), montant que les socits de tlphonie et les chanes detlvision africaines payent chaque anne pour tre hberges par les satellitesoccidentaux. Avec lentre en fonctionnement du FMA, de la BCA et du FAI, lOccident,qui tire dnorme profit du service de la dette devenu le fonds de commerce desinstitutions de Bretton Woods, perdait de faramineuses sommes dargent. Pour avoirvoulu priver lempire de cette rente, Kadhafi tait devenu un ennemi abattre. Et il a tabattu avec la bndiction de lOrganisation des Nations Unies. Pendant lesbombardements de lOTAN, lOccident prtendait vouloir instaurer la dmocratie enLibye. Aujourdhui, le pays est devenu le quartier gnral du djihad dans la bande sahlo-sahlienne. Mais aucune goutte de ptrole ne rate sa destination ! Lexpdition a donc tun succs pour les imprialistes qui profitent du chaos pour avoir le ptrole libyen desprix plus abordables qu lre Kadhafi.Au Mali, dbut 2014, une horde de djihadistes (certains avaient t utiliss parlOccident pour dstabiliser la Libye et assassiner Kadhafi) sest jointe aux irrdentisteslocaux pour lancer une large offensive scessionniste dans le nord du pays. Dans uneinterview publie en mars dernier dans le Journal de lAfrique N9,http://www.michelcollon.info/La-France-nous-avait-donne-son-feu.html?lang=fr HamaAg Mahmoud, affirmait sans ambages que la France avait activement contribu lapartition du Mali en soutenant le Mouvement intgriste MNLA contre le pouvoir deBamako. Voulant diviser le Mali pour mieux le piller, La France nous avait donn sonfeu vert pour crer lEtat de lAzawad , a rvl Hama Ag Mahmoud, ancien responsabledes Affaires extrieures dans le Conseil Transitoire de lEtat de lAzawad. Il faut dire que la stratgie nest pas nouvelle. Pour piller les ressources du Soudan, les

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  • Occidentaux qui nont pas russi renverser le rgime dOmar El Bchir ont dcid departitionner le pays en deux. La partie sud est devenue en 2011 la Rpublique du Soudandu Sud. Aussitt cre, le 54me Etat africain a sombr dans une guerre pour le pillage desressources. Depuis juillet 2013, deux frres ennemis Riek Machar et Salvakiir sy battentpour le contrle de la prsidence. Les morts et les dplacs se comptent en millions. Maisle ptrole et le caoutchouc produits dans le pays prennent la destination de lOccident.Sans surprise pour qui connait leur mode de fonctionnement, les grands mdiasprsentent soigneusement la guerre au Soudan du Sud comme un conflit tribalopposant les tribus Neur et les Dinka .En Rpublique centrafricaine, Franois Boziz a t renvers par une coalition derebelles soutenue par la France travers son relais sous rgional : le prsident tchadienIdriss Dby. La principale faute de Boziz tait davoir ouvert son pays la Chine aupoint de cder la rserve ptrolire de Boromata lEmpire du Milieu, malgr lesnombreuses mises en garde de Paris http://www.michelcollon.info/Centrafrique-les-raisons-cachees.html . Comme dans la fable Le loup et lagneau de Jean De LaFontaine, Boziz sera puni pour sa tmrit et remplac par un chef rebelle appelMichel Djotodia. Le prsident dchu aura appris ses dpens que la raison du plus fortest toujours la meilleure !France-USA : le nouveau couple anthropophage Dans le but de faire main basse sur les ressources africaines, dempcher les concurrentsasiatiques den profiter et dendiguer tout vritable dveloppement endogne, lOccidentquadrille progressivement le continent. Deux pays sont en tte de ce nouveaudploiement : la France et les USA qui constituent le nouveau couple anthropophage defait. Votre tlviseur ne vous en a rien dit. Vos quotidiens et magazines prfrs non plus. Etpourtant, en 2013 les USA, travers le Commandement militaire pour lAfrique(AFRICOM), ont men 546 interventions sur le sol africain. Soit prcisment 55oprations, 10 exercices et 481 activits de coopration dans le domaine scuritaire11 ,dtaillait le gnral Rodriguez, commandant dAFRICOM au Congrs tasunien en mars2014. A la dcharge de nos grands mdias, prcisons que la nouvelle stratgie militaireUS mise en application sous Obama12 a t conue pour permettre au pays dinterveniren restant en retrait (leading from behind et sans laisser de traces light footprint . Sous la direction de Maya Kandel, lInstitut de Recherche Stratgique de lcole militaire(IRSEM) a publi en dcembre 2014 une tude de 104 pages sur La stratgieamricaine en Afrique . Le light footprint y est apparait comme lusage des drones, desforces spciales et autres modalits discrtes dintervention, limportance de lasurveillance, enfin lappui sur les partenariats 13. La carte ci-dessous donne de plusamples informations sur la prsence militaire US en Afrique. 11 Audition du gnral Rodriguez: Statement of Gal David Rodriguez, Commander, US AFRICA COMMAND before the Senate Armed Service Committee Posture Hearing , 4 mars 2014.

    12 Lire le document stratgique du Pentagone de janvier 2012.13 Maya KANDEL (dir.), La stratgie amricaine en Afrique, Etude de lIRSEM n36, dcembre 2014.

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  • Source : Tom DispatchEn 2008, la France sest dote dune nouvelle bible de guerre appele Livre blanc de laDfense. Ce document prsente lAfrique, notamment sa partie sahlienne, comme unezone de crise (il faut prciser quen 2008 il ny a pas encore les printemps arabes enTunisie, en Egypte et en Libye, ni lavance des djihadistes au Mali). En novembre 2009,un contingent de larme tricolore a t envoy en Mauritanie pour officiellement formerles militaires contre le terrorisme. Cest lopration Sabre. En janvier 2010, Paris aenvoy dautres troupes spciales Mopti pour officiellement former larme maliennecontre le mme ennemi jusqualors invisible. Suite la prise dotages sur le site du gantnuclaire franais Areva, un important dispositif franais est dploy au Burkina Faso.

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  • On le voit, la France positionne progressivement ses troupes dans la rgion. Subitement, en janvier 2013, le Mali sombre dans la guerre. La France prend la tte delintervention trangre et lance lopration Serval. En 2014, le prsident Hollandedclare la fin de lopration Serval. Sans attendre le retour des soldats franais, ilannonce lopration Barkhane. Celle-ci va plus loin que la prcdente. Elle couvre cinqpays : Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Tchad. Mais la prsence militairehexagonale stend dautres rgions du continent, notamment lAfrique centrale et delouest.Le couple franco-tasunien en actionEn Libye, les USA ont trs vite intgr l opration Harmattan lance par la France etla Grande Bretagne contre Kadhafi. Mais cest au Mali que lidylle franco-tats-unienneprend toute sa forme. Lappui de lalli US a t dcisif en termes de renseignement etdobservation comme de ravitaillement en vol , se rjouissent les rdacteurs du Rapportdinformation N1288 dpos le 18 juillet 2013 lAssemble Nationale franaise par lacommission de la Dfense Nationale et des forces armes, en conclusion des travauxdune mission dinformation sur lopration Serval au Mali. Le mme satisfecit au Snat o le Rapport dinformation N513, fait au nom de laCommission des Affaires Etrangres, de la Dfense et des Forces Armes par le groupede travail Sahel et dpos le 16 avril 2013, sextasie en ces termes : Les tats-Unis sontaujourdhui le principal partenaire des Franais en termes financiers et un maillonimportant en termes oprationnels (au Mali). Les tats-Unis ont apport immdiatementleur appui politique lopration franaise . Concrtement, laide des USA a t multiforme : drones et avions dereconnaissance, transport arien stratgique travers trois C-17, ravitaillement en volavec trois KC 135. La Maison Blanche a mobilis une enveloppe budgtaire spciale(presidential drawdown) de 50 millions de dollars pour soutenir laction de Paris auMali14. La France a acquis les drones Reapers et, Niamey, la base des drones franaisjouxte celle des drones tats-uniens. Lors dune visite aux USA en fvrier 2014, FranoisHollande et Barack Obama ont assum leur nouvelle alliance imprialiste en ces termes : plus quailleurs cest peut-tre en Afrique que notre nouveau partenariat trouve sonexpression la plus visible15. Tout est dit.

    Le retour de limprialisme allemandAvant la crise de 2008, lconomie africaine ne faisait pas partie des priorits de Berlin.Le continent tait peru outre-Rhin comme une vaste aire de misre quil fallait aiderpour librer sa conscience ! Cela est dautant plus vrai que cest le ministre de laCoopration Economique et du Dveloppement (Bundesministerium fr wirtschaftlicheZusammenarbeit und Entwicklung, BMZ) qui soccupait de prs de lAfrique, suivi par leministre des Affaires Etrangres. En juin 2000, le BMZ a publi un document de travailintitul Points forts de la coopration au dveloppement . 14 pays africains y sontdsigns comme des tats prioritaires et neuf autres comme des tats partenaires .14 Maya Kandel, La stratgie amricaine en Afrique, P.22

    15 Tribune commune publie par Obama et Hollande sous le titre : Une alliance transforme , Le Monde, 11 fvrier 2014.

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  • Mais la nature de ce partenariat est bien prcis : coopration au dveloppement .Laccent est mis sur le respect des droits de lhomme, la dmocratie et ltat de droit. En2001, le ministre des Affaires Etrangres publie son tour un document avec pourtitre : une stratgie pour lAfrique . Il se rapproche du premier par les thmes abords :droits de lhomme, dmocratie, tat de droit.Avec la crise, lAllemagne change sa vision de lAfrique. Comme le confirme Tobias Koepf,auteur de LAllemagne la recherche dune stratgie de politique africaine, compter de2008, un discours relativement nouveau vint se juxtaposer au discours scuritaire [enAllemagne] : lAfrique ny tait plus prsente comme le continent de la pauvret, maisplutt comme le continent des opportunits 16. A quoi tait d ce changement deperspective ? Tobias Koepf rpond : au boom conomique enregistr dans certains paysafricains []. Lconomie allemande tant par tradition fortement tourne verslexportation, les milieux conomiques allemands, qui avaient jusque-l prt peudattention lAfrique subsaharienne commencrent sy intresser de plus prs. Legouvernement fdral leur embota le pas, surtout aprs lentre en fonction dugouvernement de coalition CDU-FDP en 200917 . Sur le terrain, les ministres GuidoWesterwelle des Affaires Etrangres et Dirk Niebel du Dveloppement intensifient lesvisites en Afrique, notamment au Ghana, au Mozambique, au Nigria, en Tanzanie et enAfrique du Sud. Suivant une gradation ascendante, lAllemagne avance chaque jour dans la conqute delAfrique. En 2014, Berlin a adopt les orientations de la politique africaine dugouvernement . La deuxime partie de ce document programmatique sintitule : Notreengagement en Afrique . On peut y lire : Les marchs africains sont dynamiques et, au-del des industries extractives, de plus en plus intressants pour les entreprises allemandes. Outre la conqute des parts de march, lAllemagne sillustre par un activisme militaire croissant en Afrique. En 2011, le gouvernement allemand stait officiellement dclar contre le bombardement par lOTAN de la Libye. Mais, ralisant que les pays qui ont bombard ce pays en ont tir un important bnfice en termes de contrats passs avec les nouvelles autorits, Berlin a ajust ses positions. Dbut 2013, le parlement allemand a fait volte-face pour soutenir l intervention militaire franaise au Mali en envoyant dessoldats dans ce pays. Depuis, on a dploy des contingents plus forts au Sngal, en Afrique centrale, dans la Corne de lAfrique, au Sahara occidental, au Soudan, au Sud-Soudan et en Somalie18 .Cest Berlin que lAfrique avait t partage comme un gteau par les imprialistes en1885. Mais le pays dOtto Von Bismarck va perdre toutes ses colonies aprs sa dfaitedans la premire Guerre Mondiale (1914-1918). Un sicle aprs, limprialismeallemand revient en force. 16 Tobias Koepf, LAllemagne la recherche dune stratgie de politique africaine, janvier 2015, P.12

    17 Ibid.

    18 Johannes Stern , https://www.wsws.org/fr/articles/2015/fev2015/boko-f02.shtml, consult le 28 mai 2015 22h34.

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  • Les Allemands ne sont pas seuls renfiler leur manteau colonial. Plusieurs pays voqusplus haut sont leurs cts. Mais la liste est beaucoup plus longue. Les Africains doiventdonc tre trs vigilants pour viter cette recolonisation. Les fils et filles du continent ontune chance aujourdhui : la multi-polarisation du monde. LOccident ne peut plus secomporter comme lpoque o il contrlait le monde. Il est challeng par les BRICS. Cesderniers ne peuvent pas non plus reproduire les mthodes de lOccident, au moins pourdeux raisons : 1- Ils ne contrlent pas encore lconomie mondiale. 2-En utilisant lesmmes mthodes, les BRICS vont roder le capital sympathique dont ils jouissent enAfrique. Et aprs La haine de lOccident, Jean Ziegler aura de la matire pour crire Lahaine des BRICS.Une importante opportunit se prsente donc lAfrique pour obtenir sa souverainet.Le continent est riche en matires premires, dispose dune population jeune etduque. Nombre de ses fils et filles excellent dans les domaines technologiques lintrieur ou lextrieur du continent et disposent de capitaux consquents. Lastabilit politique attire les entreprises. Autant datouts qui navaient jamais t runis. Puissent les Africains sy appuyer pour enfin se librer de plusieurs siclesdimprialisme, source de misre et de mort !

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  • Futurs champs de bataille des tats-Unis d'Amrique enAfriqueVtus par un kalidoscope de modles de camouflage, ils ont pass trois joursentasss dans une base militaire de Floride. Ils appartenaient au Commandementd'Oprations Spciales des tats-Unis (SOCOM) et au Commandement d'OprationsSpciales de l'Arme des tats-Unis. Il y avait aussi des forces de la France, de laNorvge, du Danemark, de l'Allemagne et du Canada : 13 pays au total. Ils sontvenus projeter une campagne militaire centre sur des oprations spciales avec l'appui de forces conventionnelles, une opration multilatrale qui en casde ralisation pourrait coter des centaines, peut-tre des milliers de millionsde dollars et, qui sait, combien de vies. Par Nick Turse

    2044 ou le reversDemandez aux participants et ils parleront de prendre en compte les sensibilits etles diffrences culturelles , l'importance de la collaboration et de la coordination , la valeur de la diversit d'opinions, les perspectives et les associations . Cependant, huis clos et sans que le sache la majorit de la populationde leurs propres pays, nous ne dirions pas celle des pays qui sont dsigns commeobjectifs, un petit groupe de stratges d'oprations spciales occidentales ont bauchun futur militaire multilatral pour une rgion d'Afrique pleine de problmes.Entre le 13 et le 15 janvier (2015), des reprsentants des tats-Unis d'Amrique et de 12pays allis se sont runis sur la base arienne MacDill Tampa, Floride, pour raliser unexercice nomm Silent Quest 15-1 . Le scnario fictif dans lequel ils ont prsent leurjeu de guerre a fait les titres des journaux. C'tait un amalgame de deux catastrophes,relles et en cours, de politique extrieure et de contre-terrorisme de l'poque post 11-S : le dveloppement de Boko Haram au Nigeria et l'apparition de l'tat Islamique, aussiconnu comme l'tat Islamique d'Irak et du Levant ou d'EIIL [Daech]. Le jeu de guerre futax sur l'apoge imaginaire d'un groupe nomm tat Islamique d'Afrique et l'tenduede son proto-califat des parties du Nigeria, du Nger, et du Cameroun, pays victimesde la terreur de Boko Haram, qui vient de jurer sa loyaut l'tat Islamique.

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  • Silent Quest 15-1 a t le dernier d'une srie d'exercices le premier a eu lieu en mars2013 labors pour tracer les plans d'intervention des forces d'oprations spcialespour la dcennie suivante. Ce jeu de guerre n'a pas t un jeu du style paintball. Il n'y apas eu de fusillades simules, ni de rptition gnrale. Cela ne fut pas l'quivalentbelliqueux de cette version du football-amricain qui se joue sans placages. C'tait unexercice thorique de simulation partir de quelque chose de trop rel : la panopliecroissante d'activits militaires des tats-Unis et de leurs allis dans des zones de plusen plus tendues de l'Afrique. En parlant de ce continent, Matt Pascual, l'un desparticipants de l'opration et le responsable pour l'Afrique du Groupe d'Appui Euro-Afrique du SOCOM, a remarqu que les tats-Unis et leurs allis traitaient dj unemyriade de sujets rgionaux et, peut-tre le plus important, que beaucoup de paysparticipants sont dj l . Le pays qui est dj l avec une plus grande prsence quele reste est, bien sr, celui de Pascal : Les tats-Unis d'Amrique.Durant les dernires annes, les tats-Unis ont t impliqus dans diverses interventionsmultilatrales en Afrique, y compris une en Libye. Ce qui suppose une guerre secrte etune campagne conventionnelle de missiles et de raids ariens, l'assistance aux forcesfranaises en Rpublique Centrafricaine et au Mali et l'entranement et le financement departenaires africains pour s'attaquer des groupes combattants comme BokoHaram, al-Shabab en Somalie et Ansar al-Dine au Mali. En 2014, les tats-Unis ontmen 674 actions militaires en Afrique, presque deux missions par jour, et un bond depresque 300 % dans le nombre d'oprations, d'exercices et d'activits annuelles deformation dans le domaine militaire et non militaire depuis la crationdu Commandement pour l'Afrique des tats-Unis (AFRICOM) en 2008.Malgr l'avalanche de missions et une augmentation similaire des bases, du personnel etdu financement, le panorama dpeint le mois dernier devant le Comit des ServicesArms du Snat par le gnral David Rodriguez, commandant de l'AFRICOM, futtonnamment affligeante. La vision propose par Rodriguez tait celle d'un continent encrise, menac de l'est l'ouest par les groupes combattants qui s'taient dvelopps etrenforcs, ou bien qui avaient tendu leur porte mortelle malgr les effortsantiterroristes des tats-Unis.Rodriguez a dit aux membres du comit que des terroristes et des rseaux criminelstransrgionaux s'adaptaient et s'tendaient d'une manire agressive . Al-Shabab alargi ses oprations pour diriger, ou pour essayer de diriger, des attaques asymtriquescontre l'Ouganda, l'thiopie, Djibouti et surtout le Kenya. La menace libyenne augmenterapidement, incluant la prsence de plus en plus tendue de l'EIIL Boko Haram menacela capacit du Gouvernement du Nigeria garantir la scurit et les services de basedans de vastes zones du nord-est . Cependant, malgr leurs mauvais rsultats depuisque l'Arme US a commenc pivoter vers l'Afrique aprs le 11-S, les tats-Unisd'Amrique viennent de signer un accord pour maintenir leurs troupes sur le continentpratiquement jusqu'au milieu du sicle actuel.Elargissement de la missionPendant des annes, l'Arme des USA a publiquement insist sur le fait que ses efforts enAfrique taient insignifiants, maintenant intentionnellement les Etats-uniens, pour nepas parler de la majorit des Africains, dans l'ignorance quant la vritable ampleur, la

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  • dimension et la porte de ses oprations sur le continent. Tant le personnel que ceux quidirigent les questions publiques d'AFRICOM, tous ont insist sur le fait qu'il ne s'agissaitque d'une intervention modre . Ils vitent de parler des campements militaires etdes postes avancs, affirmant qu'ils ont seulement une base dans un endroit en Afrique :le Camp Lemonnier, dans le petit Djibouti. Cela ne leur plat pas de parler desoprations militaires : ils offrent seulement une information dtaille sur une fractionminuscule de leurs exercices d'entranement. Et voil qu'ils se refusent rvler lesendroits o se trouve le personnel, ou mme le nombre de pays impliqus.Lors d'un entretien, un porte-parole d'AFRICOM m'a parl un moment donn de saproccupation : si le nombre de dploiements effectus en Afrique tait encore dvoil,cela donnerait une image biaise de l'intervention US. huis clos cependant, lesdirigeants d'AFRICOM utilisent un langage assez diffrent. plusieurs reprises, ils ontdclar que le continent est un champ de bataille US et que nous ne noustrompons pas ils sont dj embourbs dans une guerre .Selon des chiffres rcents du Commandement pour l'Afrique des tats-Unis, la porte decette guerre a spectaculairement progress en 2014. Dans sa dclaration deposture , AFRICOM dclare qu'il a men 68 oprations au cours de l anne dernire,dpassant les 55 oprations de l'anne prcdente. Parmi elles, les oprations JuniperMicron et Echo Casemate , destines appuyer les missions franaises et africainesau Mali et en Rpublique Centrafricaine, Observant Compass , la tentative de dgraderou de dtruire ce qui restait de la sanguinaire Arme de la Rsistance du Seigneur deJoseph Kony en Afrique Centrale et United Assistance , le dploiement d'effectifsmilitaires pour faire face la crise de l'bola en Afrique de l'Ouest.Le nombre d'exercices conjoints sur le terrain auxquels ont particip les forces US etleurs associs militaires africains sont passs de 10 en 2013 11 l'anne dernire, ycompris African Lion au Maroc, Western Accord au Sngal, Centrale Accord au Cameroun et le Southern Accord au Malawi. Toutes les units ont eu uneformation sur le terrain et ont servi dappui des oprations d'instruction militaire entrearmes de l'anne prcdente.AFRICOM a aussi dirig des exercices de scurit maritime, comme l' ObangameExpress dans le Golfe de Guine , Saharan Express en face des ctes du Sngalet a assur trois semaines de formation en matire de scurit maritime faisant partie del'exercice multilatral Phoenix Express 2014 , avec des marins de nombreux paysdont l'Algrie, l'Italie, la Libye, Malte, le Maroc, la Tunisie et la Turquie.Le nombre d'activits de coopration en matire de scurit s'est envol de 481 en 2013 595 l'anne dernire. Ces initiatives ont inclus l'instruction militaire dans un programme de collaboration tatique qui a regroup des forces militaires africainesavec des units de la Garde Nationale tats-unienne et du personnel duprogramme Africa Contingency Operations Training & Assistance (ACOTA) financ par leDpartement d'tat, un programme travers lequel les conseillers et les instructeursmilitaires US offrent matriel et formation militaire aux troupes africaines.En 2013, le nombre total des activits tats-uniennes sur le continent a t de 546, soiten moyenne plus d'une mission quotidienne. L'anne dernire, le chiffre s'est lev

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  • 674. En d'autres mots, les troupes US ont ralis presque deux oprations, exercices ouactivits diverses tous les jours depuis des attaques avec des drones jusqu' dela formation en contre-insurrection, des oprations d'information et des pratiques detir quelque part en Afrique. Cela reprsente une augmentation consquente si nouscomparons les chiffres avec les 172 missions, activits, programmes et des exercices dont l'AFRICOM a hrit d'autres commandements gographiques quand il a commencses oprations en 2008.Des groupes terroristes transnationaux : sortis de nulle partEn 2000, un rapport ralis sous la supervision de l'Institut des tudes Stratgiques del'cole de Guerre de l'Arme des tats-Unis examinait l'environnement de scurit enAfrique . Bien qu'il y fut fait rfrence aux mouvements rebelles ou aux sparatistesinternes dans les tats faibles et aux acteurs non tatiques, comme les milices et les armes des seigneurs de la guerre , il semble tonnant qu'il n'y soit pas mentionnl'extrmisme islamiste ni les menaces terroristes transnationales les plus importantes.Avant 2001 en fait, les tats-Unis ne reconnaissaient aucune organisation terroristesubsaharienne en Afrique et un haut fonctionnaire du Pentagone a signal que lescombattants islamiques les plus craindre du continent n'avaient pas t engags dansdes actes de terrorisme en dehors de la Somalie . la suite de 11-S, mme avant que l'AFRICOM ne ft cr, les tats-Unis ont commenc augmenter le nombre des oprations sur le continent, tentant de renforcer les capacitscontre-terroristes de leurs allis et d'isoler l'Afrique des groupes de terroristestransnationaux c'est--dire extrmistes islamiques globe-trotters. En d'autres mots, lecontinent tait vu comme quelque chose de semblable une page blanche pour testerdes mesures de prvention du terrorisme.Depuis ce temps-l, on a inject des milliers de millions de dollars en Afrique pourconstruire des bases, pour armer des allis, pour obtenir de l'information, pour menerdes guerres pour le pouvoir, pour assassiner des combattants et pour diriger peut-tredes milliers de missions militaires, sans que rien de tout cela n'ait eu l'effet dsir.L'anne dernire par exemple, selon l'AFRICOM, les combattants somalis ont projet ouont commis des attentats mortels de plus en plus complexes en Somalie, au Kenya, enOuganda, Djibouti et en thiopie . Au dbut du mois, les mmes combattants de al-Shabab ont franchi un pas en massacrant 147 tudiants dans une universit du Kenya.L'augmentation meurtrire et l'tendue de al-Shabab peut difficilement se considrercomme une exception en Afrique. Dans une rcente intervention devant le Comit desServices Arms du Snat, le commandant de l'AFRICOM, David Rodriguez, a rapidementprononc les noms de nombreux groupes terroristes islamiques qui sont apparus toutesces annes, dstabilisant prcisment les pays que les tats-Unis avaient essays derenforcer. Dans cette dclaration, il fit le maximum pour prsenter sous leur meilleurjour les efforts militaires de Washington en Afrique, y compris en donnant une lecturerapide du et cela vaut la peine de la citer in extenso panorama dsolant de ce que le pivot vers l'Afrique a signifi jusqu' prsent sur le terrain. Quelques paragraphesextraits du document prcisent cependant : Le rseau de Al-Qaida et ses affilis et adeptes continuent d'exploiter les rgionsd'Afrique qui se trouvent pratiquement sans gouvernement et de profiter de leurs

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  • frontires poreuses pour prparer et mener des attentats. L'tat Islamique d'Irak et duLevant tend sa prsence au nord de l'Afrique. Des terroristes aux filiations multipleslargissent leur collaboration dans les captation, financement, entranement etoprations, tant au sein de l'Afrique que trans-rgionalement. Des organisationsextrmistes violentes utilisent des appareils explosifs improviss de plus en plussophistiqus, et le nombre de victimes cause de ces armes en Afrique a augment peuprs de 40 % en 2014Au nord et l'ouest de l'Afrique, l'inscurit en Libye et au Nigeria menace de plus enplus les intrts des tats-Unis. Malgr les efforts multilatraux en matire de scurit,les rseaux terroristes et criminels accumulent des forces et ont obtenu une plus grandeinteroprabilit. Al-Qaida au Maghreb Islamique, Ansar al-Sharia, al-Murabitun, BokoHaram, l'tat Islamique d' Irak et du Levant, et d'autres organisations extrmistesviolentes profitent des gouvernements faibles, des dirigeants corrompus et desfrontires poreuses du Sahel et du Maghreb pour s'entraner et pour mobiliser descombattants et distribuer des ressourcesLa menace libyenne sur les intrts tats-uniens augmente Lanne dernire, legouvernement, la scurit et la stabilit conomique se sont dtriors de maniresignificative dans ce pays. Actuellement, des groupes arms contrlent de grandes zonesdu territoire libyen et agissent impunment. La Libye semble devenir un paradis sr oles terroristes, y compris Al-Qaida et les groupes adhrents l'tat Islamique d'Irak etdu Levant, peuvent s'entraner et se refaire impunment. L'tat Islamique d'Irak et duLevant est de plus en plus actif en Libye, y compris Derna, Bengasi, Tripoli et SebhaLes effets secondaires de l'instabilit en Libye et au nord du Mali font peser un risque surles intrts des Etats-Unis d'Amrique en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, ycompris sur la russite de la transition dmocratique en TunisieLa scurit au Nigeria a aussi empir l'anne dernire. Boko Haram menace lefonctionnement du gouvernement, qui est confront au dfi de garder la confiance deson peuple et de garantir la scurit et d'autres services basiques Boko Haram a lancdes attaques travers la frontire du Nigeria contre le Cameroun, le Tchad et le Nger la Rpublique Centrafricaine et la Rpublique Dmocratique du Congo courent lerisque que des groupes d'insurgs gnrent une plus grande dstabilisation. Il estpossible que des tensions ethniques latentes dans la rgion des Grands Lacs clatentviolemment dans la Rpublique Dmocratique du Congo .Tout cela, selon l'valuation de la situation du continent faite par l'AFRICOM, qui a menson un travail pendant presque une dcennie, au fur et mesure qu'augmentaient lesmissions tats-uniennes. Dans ce contexte, il vaut la peine de rappeler qu'avant que lestats-Unis ne redoublent defforts, l'Afrique tait selon la propre valuation deWashington relativement exempte de groupes terroristes islamiques transnationaux.Faire pencher la balance en AfriqueBien que Boko Haram jure loyaut l'tat Islamique et malgr lestitres alarmistes des quotidiens regrettant leur fusion ou les mlangeant avec d'autresgroupes terroristes qui agissent sous des noms semblables , actuellement il n'existeaucun tat Islamique de l'Afrique. Mais le jeu de guerre qui a t mis en scne sur labase arienne MacDill en janvier contre ce groupe imaginaire n'est pas de l'imagination,il reprsente une tape logique dans une srie d'oprations qui se sont fortementaccrues depuis la cration de l'AFRICOM. Et, dissimule dans sa Dclaration de Posture

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  • 2015, une information peut quand mme tre dcele, savoir que les manuvres vontcontinuer jusquen 2040. En mai 2014, les tats-Unis ont sign un accord nomm accord d'application avecle Gouvernement de Djibouti qui assure [sa] prsence dans ce pays jusqu'en 2044 .De plus, les dirigeants de l'AFRICOM parlent maintenant de la possibilit de construireune chane de postes de surveillance le long de la frange nord du continent. N'oublionspas que, durant ces dernires annes, les zones d'action, mini bases et arodromes USont prolifr dans des pays limitrophes comme le Sngal, le Mali, le Burkina, le Niger, et en sautant le Tchad (o rcemment l'AFRICOM a construit des installationstemporaires pour des exercices de forces d'oprations spciales) la RpubliqueCentrafricaine, le Soudan du Sud, l'Ouganda, le Kenya et l'thiopie. Tout ce qui suggreque l'Arme des Etats-Unis se cramponne pour rester en Afrique longtemps. Silent Quest 15-1 a t dessin comme un modle pour dmontrer commentWashington mnera la guerre de coalition centre sur des oprations spciales enAfrique. En fait, comme le sergent d'Artillerie Reina Barnett la crit dans la publicationspcialise du SOCOM Tip of the Spear , elle a t programme conformment au Guide de Planification 2015 du gnral de division James Linder, le commandant desOprations Spciales des tats-Unis en Afrique . Et l'accord avec Djibouti dmontre quel'Arme des tats-Unis fait des plans pour presque un quart de sicle. Mais si les sixdernires annes marques par une augmentation de 300 % du nombre de missionsUS, et par l'tendue du terrorisme et des groupes terroristes en Afrique indiquentquelque chose, il est probable que les rsultats ne soient pas du got de Washington.Le commandant de l'AFRICOM, David Rodriguez, continue de prsenter de la meilleuremanire possible les efforts US en Afrique, citant une avance dans plusieursdomaines, grce la collaboration troite avec nos allis et associs . Cependant,l'valuation de la situation de la part de l'AFRICOM semble trs peu encourageante. Lo nos intrts nationaux nous obligent faire pencher la balance et amliorer lesrussites collectives en matire de scurit, peut-tre devons-nous travailler plus, enprparant bien nos allis et associs, ou bien en agissant unilatralement , peut-on liredans la dclaration de posture que Rodriguez a prsente au comit du Snat.Cependant, aprs plus d'une dcennie d'augmentation des efforts, peu de preuvesexistent de ce que l'AFRICOM ait la moindre ide de comment faire pencher la balance ensa faveur en Afrique.Source originale en anglais : The U.S. Military's Battlefield of Tomorrow , TomDispatchTraduit de l'anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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  • Apres Diouf et Wade, voil le "Tirailleur" Macky Sall:Pourquoi l'lite politique rgnante du Sngal est-elle servile et contrela paix?

    Les libraux et sociaux libraux du Sngal indpendant font dans la continuit d'unetradition collaborationniste coloniale qui remonte la dfaite de la rsistanceanticoloniale et l'infodation d'une prtendue lite au systme de domination coloniale.

    Par Roland Fod Diagne

    L'opinion dmocratique, patriotique, panafricaniste et internationaliste du Sngal etd'Afrique est choque et rvolte. Le prsident Macky Sall a os annoncer l'envoi de 2100soldats sngalais pour agresser le peuple ymnite. Aprs le recruteur des "Tirailleurs"pour la boucherie imprialiste 14-18, le prcdent le plus rcent a t Abdou Diouf lorsde la guerre coloniale contre l'Irak. Les jambars (terme Wolof qui signifie [soldats]courageux) y avaient t envoys et prs d'une centaine dentre eux ont perdu la vieavant que Wade, sous protection de mirages franais, n'aille Benghazi trahir Kadhafi.Les libraux et sociaux libraux du Sngal indpendant font dans la continuit d'une traditioncollaborationniste coloniale qui remonte la dfaite de la rsistance anticoloniale et l'infodation d'une prtendue lite au systme de domination coloniale.

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  • Pour se tailler son empire colonial de l'ouest puis de l'quateur africain, la France coloniale avaitfond les "Tirailleurs sngalais" pour en faire les troupes de choc commandes par des officierscoloniaux.Cette fois, il s'agit, comme sous Diouf en 91, d'envoyer la mort des enfants du peuple, jamaisleurs propres enfants, pour les intrts des thocraties saoudiennes, qataries, koweitiennes, etc.Mais n'est-ce pas l un prolongement logique la vassalisation aux intrts de la Franafric, del'Eurafric et de l'Usafric ?Amalgame trompeur entre "lieux saints de l'Islam" et les Monarchies des ptrodollars Tel est le principal prtexte de l'envoi de troupes au service des ambitions des thocratiesfodales saoudienne, koweitienne et qatarie. Le libral Macky Sall instrumentalise la foimusulmane de la majorit musulmane du pays pour se lancer comme mercenaire dans uneaventure guerrire contre le peuple ymnite majoritairement musulman. Il surfe sur lacroyance fausse selon laquelle il y aurait fusion entre "la Mecque et Mdine, la terre sainte" et lesmonarques milliardaires, corrompus, corrupteurs que Thierno Souleymane Baal s'adressant auxpopulations musulmanes du Fouta dnonait comme suit : "Dtrnez tout imm dont vousvoyez la fortune saccrotre et confisquez lensemble de ses biens ; combattez-le et expulsez-le sil sentte ; veillez bien ce que limmat ne soit pas transform en une royauthrditaire o seuls les fils succdent leurs pres ; limm peut tre choisi dans nimportequelle tribu ; choisissez toujours un homme savant et travailleur ; il ne faudra jamaislimiter le choix une seule et mme tribu ; fondez-vous toujours sur le critre de laptitude".Ainsi il suffit d'un coup d'oeil sur la conduite guerrire des imprialistes US et de l'UE travers lemonde pour se rendre compte qu'une fois dtruite l'URSS communiste, le "choc des civilisations,des races, des cultures, des religions" est devenu le principal outil idologique de l'imprialismeen crise pour chercher prenniser leur hgmonie sur les peuples du monde. Cette offensiveidologique imprialiste raciste n'a d'autre but que de s'emparer des richesses et de soumettreles peuples leur pillage spoliateur.La construction idologique de l'ennemi intrieur et extrieur Musulman, Noir, Arabe, Rrom,puis demain Bouddhiste, Asiatique, Sud-Amricain, etc leur permet, la fois, de diviser lesclasses sociales exploites l'intrieur des pays imprialistes et de rallier sur des bases racistesla partie "blanche" des exploits contre les pays et peuples opprims l'extrieur dfinis comme"barbares".Il n'y a rien de nouveau, quant au fond, dans les thories et pratiques prdatrices del'imprialisme. Rappelons que Jules Ferry en France et Cciles Rhodes en Angleterre, mais aussiGeorge Washington aux USA, ont tous justifi la colonisation, et pour le dernier l'esclavage, aunom de la "mission civilisatrice des peuples suprieurs sur les peuples infrieurs et sauvages".Il n'y a rien de nouveau non plus dans le fait que ces "missions civilisatrices" barbares ducapitalisme imprialiste ont chaque fois mis contribution une prtendue "lite" issue despeuples "civiliser".

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  • Ce sont les formes qui changent. C'est ainsi qu'aujourd'hui les imprialistes US et de l'UE mettent contribution les Emirs des ptrodollars pour diviser les Musulmans entre Chiites et Sunnites,financer les groupes terroristes fanatiss Wahhabites, Salafistes et Takfiristes, non pourcombattre le colonialisme sioniste isralien, mais pour soumettre les Etats lacs du mondemusulman qui rejettent la domination nocoloniale.Telle est la leon essentielle que l'on doit retenir des guerres d'agression coloniale contre l'Irak,l'Afghanistan, la Libye, la Syrie, la Cte d'Ivoire, le Mali, la Centrafrique, le Soudan, la Somalie, laRDC et les projets de guerres contre l'Iran.C'est aussi comme cela qu'il faut comprendre aujourd'hui la servilit monnaye pour financer le"Plan Sngal Emergent" (PSE) du prsident libral de l'APR par sa dcision d'envoyer dans lemouroir ymnite les enfants du peuple. C'est cela le no-colonialisme qui s'est traduit par levoyage escort par les mirages franais du PDS libral, Wade, en Libye et l'envoi la mort de prsd'une centaine de soldats sngalais par le social libral PS, Diouf, lors de la guerre contre l'Irak.La dcision prsidentielle s'inscrit donc dans cette tragique tradition coloniale et nocoloniale.Les causes systmiques des nouvelles agressions imprialistes contre les peuples

    Ds sa naissance, le capitalisme en tant que mode de production a t marqu par ce quedaucun appelle aujourdhui mondialisation ou globalisation . En effet, la classe socialeporteuse de ce systme conomique et social, la bourgeoisie ou le patronat des groupesmonopolistes, a t boost dans sa conqute de la puissance conomique et politique par ladcouverte des matires premires minrales comme le charbon, le fer, lor et des matirespremires agricoles comme la laine, le coton, le caf dont lexploitation exigeait une mainduvre ayant comme seule possession sa force de travail manuelle et/ou intellectuelle : laclasse ouvrire, le proltariat.Cest ainsi quest n, paralllement la contradiction capital proltariat, le systme colonial etesclavagiste par la conqute militaire brutale du continent amricain, le gnocide desAmrindiens qui est le premier grand crime contre lhumanit de lre moderne, lmigrationmassive des populations europennes perscutes et/ou appauvries pour peupler le continentamricain complte par la traite et lesclavage des Noirs dAfrique. Du 15me au 18me sicle lesous-continent europen sera la fois la puissance technologique, industrielle, financire,militaire, stratgique et gopolitique. Cest en Europe quarrivaient les matires premirespilles en Amrique pour tre transformes en produits industriels.Au 19me et 20me sicle, la seconde phase de la mondialisation capitaliste sopra par laconqute des empires coloniaux. LEurope, notamment sa partie ouest bientt suivie par les USA,tait toujours latelier du monde transformant les matires premires agricoles et miniresen produits industriels de consommation.Toutes les guerres coloniales, du capitalisme naissant, puis du capitalisme en dveloppement etenfin du capitalisme arriv maturit, l'imprialisme, qui sest partag le monde par la conqutede vastes empires coloniaux sans omettre les guerres inter-imprialistes comme la guerre de1914-1918 pour un nouveau partage, ont ceci de caractristique : elles ont t faites pour voler

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  • les matires premires, pour les transformer en marchandises industrielles et pour surexploiterla main duvre esclave ou asservie par le travail forc.Or, ce qui caractrise lvolution actuelle, cest que les luttes de libration nationale, au 18me etdbut du 19me sicle sur le continent amricain dans le sillage des indpendances des USA etde Hati, puis celles du 20me sicle impulses et soutenues par la Rvolution Bolchevique,lURSS et le camp socialiste victorieux du Nazisme, ont produit les pays dits mergents comme la Chine, lInde, le Brsil, le Vietnam ainsi que de nouvelles expriences rvolutionnaires,progressistes, antilibrales comme au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, au Nicaragua, auSalvador, au Prou, etc., qui sappuient sur lhroque rsistance conomique, culturelle, politiqueet idologique de Cuba.Ces pays deviennent les nouveaux pays ateliers qui produisent tout ce que la planteconsomme, en particulier tout ce que consomment lUE et les USA, lesquels se dsindustrialisent progressivement pour se transformer en parasites vivant de la spculation,de lusure et de la rente.Cette volution objective de la division internationale du travail au cours de cette troisimephase de la mondialisation ou globalisation , c'est--dire de linternationalisation du capital etde la recherche du profit maximum, confre un caractre particulier au nouveau cycle desguerres dagressions coloniales de limprialisme US et UE contre les peuples.En effet le nouveau cycle des guerres imprialistes est engendr par l