Interventions structurelles sur les bâtiments anciens en Tunisie

(cas de Tunis)

La restauration, la réhabilitation, la reconversion et la mise en valeur sont des opérations qui concernent les constructions à importance historique et/ou architecturale et qui tendent à rendre à la construction ou à l’ensemble historique concerné son état d’origine tout en favorisant l’adéquation à son utilisation.

Ces opérations sont de nature diverses. Par exemple, et concernant la réhabilitation, on passe de la réhabilitation légère (qui touche, généralement tout ce qui est décoratif et esthétique) jusqu’aux interventions de réhabilitation lourdes, qui atteignent les structures horizontales, verticales, les toitures et même les fondations. Les types d’intervention dépendent de l’état de conservation dans lequel a était retrouvé le bâtiment ancien.

Ces interventions passent par différentes phases et par des multitudes de travaux commençant par les travaux préliminaires qui visent tout d’abord la sensibilisation envers l’édifice, un travail basé essentiellement sur l’observation et la familiarisation avec le bâti.Ceci permettra une bonne lecture de l’édifice dans son moindre détail et aidera à l’identifier et en dégager les désordres correctement, les diagnostiquer pour pouvoir apporter et établir les solutions adéquates aux différentes pathologies rencontrées.Néanmoins, le point le plus important, voire crucial, pour toute construction étant son système de stabilité physique, en l’occurrence le système structurel.C’est pourquoi, avant toute intervention pratique de réhabilitation sur un bâtiment ancien un intérêt primordial est orienté vers les structures du bâtiment

Ainsi, les premières investigations doivent ciblées en premier lieu le coté structurel, pour remédier aux pathologies liées à la stabilité de l’édifice et ensuite s’orienter vers les travaux de finition et d’embellissement Donc sauvegarder la stabilité et la structure du bâtiment est le premier but de toute intervention de réhabilitation

Dans ce qui suit, on essayera à partir des expériences et des résultats retenus des interventions pratiqués en Tunisie particulièrement dans le centre historique ancien de la ville de Tunis (la Médina de Tunis), d’établir la méthodologie adoptée quant aux interventions structurelles selon les cas pathologiques les plus répandus.

Généralement les constructions anciennes, dans la Médina de Tunis, sont des constructions qui, structurellement représentent les caractéristiques suivantes :

-Pour les structures horizontales : ce sont des structures traditionnelles à abondance de --Voûtes en berceau --Voûtes croisées--Toitures plates en solives en bois--Rarement et seulement pour les constructions assez tardives des toitures en IPN

(métalliques) et voûtains en briques

Pour les structures verticales:* Abondance de murs en pierre (généralement moellons protégés par l’enduit de chaux)* Murs mixtes moellons et briques pleine, enduits de chaux* Murs mixtes moellons et pierre de taille

Par l’effet du vieillissement de la matière,le manque d’entretien, l’humidité, l’infiltration des eaux, et le phénomène de capillarité, les différentes structures sont endommagées, évidemment à des degrés différents, selon l’importance des causes.

Quant aux désordres aux niveaux des fondations, ils sont très peu rencontrés.

Les désordres qui en résultent, et couramment rencontrés sont les suivants :

* Effondrement partiel des dalles ou des toitures ;* Affaissement partiel du sol ; * La dominance des fissures obliques aux niveaux des murs porteurs,* Gonflement des murs, accompagné, dans la majorité des cas,

d’éclatement du revêtement en céramique ou marbre s’ils existent.

Les différents types d’interventions structurellesFace à ces désordres structurels rencontrés, deux types d’interventions se présentent :

1/ Une intervention basée en premier lieu sur les études :Avant tous travaux de réhabilitation in situ, on doit obligatoirement passer par des études d’interventions

basées essentiellement sur un diagnostic préliminaire de l’état existant.Il s’agit d’étudier exhaustivement tous les éléments qui constituent le bâtiment, les relever, et les analyser,

dans le but d’une compréhension exacte des différentes composantes architecturales et architectoniques de l’édifice, ses matériaux, ses techniques de construction, ainsi que tous les éléments qui concernent la structure verticale, horizontale, la couverture, les revêtements, les éléments décoratifs…

Ces études architecturales sont composées de différentes phases dont la plus importante repose sur l’état structurel aussi bien la structure horizontale que verticale : murs porteurs, toitures, couvertures, ….Et se composent de trois grandes phases :

Première phase : Expertise et Diagnostic* L’élaboration d'un diagnostic exhaustif des toitures et de tous les éléments structurels qui composent le

monument. Cette tâche ne peut être menée correctement qu’à la suite d’une série de sondages pratiqués aussi bien aux niveaux des planchers que des murs porteurs (et/ou de la structure verticale);

* L'élaboration de l’expertise de l'état des différents réseaux (eau pluviale:E.P., eau usée: E.U., eau vanne: E.V.) à partir d'un levé de l’état existant et d'un constat des différentes conduites et les points de raccordement; et ceux pour l’importance que revêt ces réseaux quant aux dégradations structurelles

Deuxième phase : Projet APD* Établissement des différents problèmes structurels et de stabilité pour lesquels il sera proposé des

solutions de consolidation ou éventuellement de reprise totale;* Établissement des différentes défaillances des réseaux (eau pluviale:E.P., eau usée: E.U., eau vanne:

E.V.), et proposition des solutions adéquatesLes différentes solutions apportées doivent respecter les caractéristiques architecturales, plastiques,

esthétiques et patrimoniales du bâtiment.

Troisième phase : Projet d’exécutionCes solutions seront d’avantage développées et traitées à des échelles adéquates d’exécution. Les

solutions, adoptées à ce niveau de l’étude constitueront définitivement le programme des travaux à engager pour la réhabilitation et la mise en valeur du bâtiment.

Après les études déjà énumérées, les travaux seront exécutés conformément au dossier d’exécution, et moyennant de la main d’œuvre qualifiée et expérimentée en intervention sur les bâtiments anciens.

2/ Une intervention directe sur chantier lors des urgences ou lors des travaux déjà entamés :

Les interventions directes sur chantier, avant même l’élaboration des études architecturales sont de deux types

Les interventions d’urgenceDans certains cas, des édifices représentent des menaces et des

dangers face auxquels des interventions d’urgence doivent être menées directement avant même de procéder aux élaboration des études architecturales

Ces interventions se résument généralement en une opération majeure pour arrêter et stopper l’évolution des dégradations d’instabilité et pour aider à soutenir le bâtiment par crainte d'aggravation de danger, voire même effondrement partiel (et parfois total) du bâtiment.

Dans ce cas les études seront établies simultanément pour pouvoir ensuite entamer les travaux de réhabilitation selon les règles de l’art et suivant la proposition architecturale d’intervention arrêtée.

Les interventions lors d’un déroulement de chantierUn deuxième cas se présente étant celui des imprévus, en effet lors des travaux de réhabilitation sur chantier, et spécialement lors du décapage et dégagement des enduits, certaines défaillances structurelles, jusque là cachée peuvent subvenir.Dans ce cas des opérations, in situ, doivent être établi pour remédier aux dégradations et surtout pour arrêter les menaces, s’ils parviennent.

Des exemples pratiques d’interventionsI- EtudesExemple du projet de restauration, réhabilitation et mise en valeur du Palais de Justice

Le palais de justice de Tunis, édifié au début du siècle dernier (vers 1900) est l’œuvre de l’architecte Jean RESPLANDY, un des concepteurs pionniers de l’architecture arabisante caractérisant le patrimoine du 20ème siècle.Ces dernières années, ce bâtiment commence à présenter des dégradations et des désordres structurels qui nécessitentdes interventions de restauration et réhabilitation pour pouvoir sauvegarder un bâtiment d’une telle importance (surtout qu’il est classé en tant que monument historique).De ce fait des études architecturales ont été élaborées, et ont ciblé, en particulier, les structures horizontales et verticalesde l’édifice.Et dans ce qui suit on essayera de présenter un résumé de la partie concernant les désordres structurels de l’étude 1- Structure horizontale de l’espace central du bâtimentUn intérêt particulier a été porté à cette partie du bâtiment, car il est l’espace le plus fréquenté par le public, et le plus noble.Les études ont montré que cet espace présente des fissures traversantes au nivau du sol en mosaïque. Ces fissures sont parallèles rectilignes et équidistantes de trois mètres. Cette distance correspond exactement à l’espacement entre les poutres des planchers haut du rez-de- chaussée bas.

Ces fissures ont été colmatées avec un mortier de chaux.Des témoins seront installés, pour surveiller l’évolution de ces fissures dans le temps. Cette méthode va nous permettre de déceler éventuellement l’évolution des fléchissements et nous renseigner sur la stabilité des planchers.

2-Structures verticales du bâtimentOn ne note aucun désordre structurel important apparent. Les murs sont porteurs, composés de pierre (moellons)

d’une épaisseur relativement importante (80 cm). Ils sont revêtus, à une hauteur de quatre mètres, de plaque en marbre coloré. Néanmoins, certaines fissures sont remarquées, causées essentiellement des infiltrations des eaux.

3- État des planchers de tout le bâtimentLes structures horizontales du palais sont de deux types :

1-Voûtes et coupoles,2-Planchers plats avec des poutres.

Un diagnostic préliminaire de l’état des lieux nous a révélé l’existence des fissures généralisées sur tous les planchers. Ces fissures sont apparentes aussi bien à l’intrados qu’à l’extrados des planchers.

Les fissures sont orientées dans le même sens que les poutres, elles sont longitudinales traversantes et équidistantes. La distance entre les fissures varie selon les espacements entres les poutres composant les planchers.

Pour pouvoir se prononcer sur l’état structurel et la stabilité du monument une série de sondage a été réalisée, en présence de l’ingénieur génie civil.Un premier sondage réalisé nous indique que les planchers sont en béton armé : Ils sont constitués des poutres en béton armé préfabriqué et des panneaux en dalle pleine en béton armé également.

Les aciers utilisés sont ronds et lisses d’élasticité faible.On remarque, également, que le nombre de barre en acier par poutre n’est pas compatible avec la section de celle-ci.Cette manière de confectionner le béton armé a causé l’altération des barres d’acier qui ne bénéficient pas d’un enrobage suffisant et adéquat aussi bien entres les barres qu’à l’intrados des poutres.

Durant ce sondage nous avons procédé, à l’aide de l’appareil « techno-test », àla mesure de la résistance à la compression des planchers (poutres et panneaux de dalles). Les résultats obtenus sont les suivants :

* Pour les poutres : la résistance varie entre 16 MPa à 38 MPa, (donc faible)* Pour les dalles : la résistance varie entre 32 MPa à 54 MPa.(donc moyenne) La mesure de la résistance à la compression de

béton armé par la« techno-test

On note aussi, qu'aux endroits des sondages réalisés, aussi bien les dalles que les poutres sont sous dimensionnées comparées à leurs portées.

D’autant plus que les planchers et les marches aux niveaux des cages d’escaliers sont extrêmement dégradésD’après une interprétation sommaire de ces résultats nous pouvons dire que les planchers sont constitués des poutres

en béton armé de résistance faible et des dalles en béton armé de résistance moyenne.Cette hétérogénéité de comportement des éléments composants les planchers est la cause principale des désordres

soulevés. Cette hétérogénéité est fatale pour une structure.Il faut mentionné que le monument est construit au début du 20ème siècle (1900), Ceci implique que l’âge du béton

armé a dépassé les 100 ans. Cette durée est plus importante que l’espérance de vie de cette matière estimée à80 jusqu’à 90 ans.

C’est pourquoi la solution la plus adéquate était de procéder:

- Au renforcement ou chemisage de certaines poutres dont la résistance est faible ;- Au renouvellement de toutes les dalles pleines des espaces de circulation ;- Au renouvellement de toutes les paillasses d’escaliers ainsi que les planchers des cages ;- Au renforcement de tous les planchers des dalles de 8 cm d’épaisseur : ferraillées de treillis soudés posés sur des

poutres vu leur état de fissuration et leur carbonatation ;- A la restauration des murs en pierres affectés par les infiltrations d’eau.

II- TravauxProjet de restauration, réhabilitation et mise en valeur du minaret du collège Sadiki

(La Kasbah de Tunis)

Le collège Sadiki, construit en 1897, est situé dans la limite Ouest de la Médina de Tunis. C’ est un bâtiment àimportance historique et architecturale, caractérisé par la présence d’un minaret.

En Avril 2005, ce dernier a connu des dégradations et des désordres, qui s’avèrent importantes, voire même alarmantes, surtout qu’une partie de l’acrotère commence à tomber en ruine, ce qui touche à la sécurité des élèves en particulier, et à celle des citoyens en général; D’autant plus que le « Jamour » du minaret s’est inclinée et menace de tomber.

Divers autres dégradations ont été décelées et qui se résument comme suit :• Etat dégradé des tuiles (décollement, …);• Etat dégradé du « Jamour » ;• Mauvais état de la terrasse du minaret ;• Dégradation de l’appareillage ornementant les façades du minaret ;• Dégradation des colonnes et des arcs ; • Décollement et effritement de l’enduit des murs ;• Désordre de la structure porteuse ;• Présence de fissures de différents types l’acrotère, du plancher,…• Décollement de plusieurs parties de l’acrotère, et état de dégradation très avancé du reste.

Désordre important décelé au niveau de la

structure porteuse

Présence de fissures importantes au niveau de l’acrotère, des murs, et du

plancher

Des parties de l’acrotère sont tombées en ruines, le reste est dans un état alarmant

Types d’interventionsDe par l’importance des désordres et des dégradations décelés surtout au niveau du minaret, des interventions d’urgence et des travaux de restauration doivent être menées dans les plus brefs délais. Les interventions consistent en des:

Travaux d’urgence (en premier temps) :* Etaiement de la partie supérieure du minaret ;* Dégagement des parties de l’acrotère qui menacent de tomber ;* Restauration du « Jamour ».

Travaux de réhabilitation et restauration (en seconde phase) :* Restauration de la terrasse ;* Restauration des murs endommagés (fissurés, …) ;* Restauration de l’acrotère ;* Restauration du plancher tout en envisageant une structure de soutien ;* Restauration des arcs et des colonnes endommagés ;* Reprise de la canalisation d'eau pluviale ;* Restauration et mise en valeur de l'appareillage des façades ;

Les travaux d’urgence ont été menés directement, et en parallèle un dossier technique a été élaboré pour le reste des travaux (de la 2ème phase).

Avant les travaux Pendant les travaux Après les travaux

Avant les travaux Après les travaux

Restauration et réhabilitation de la structure du plancher :

La structure du plancher est typique, on remarque l’emploie de la poutre en I. Cette dernière n’échappe pas à la dégradation. Les spécialistes ont hésités à la manière d’intervention.

On a finit par l’entretenir en décapant les parties rouillés et en ajoutant un anti-rouille tout en préservant son étanchéité.

Etat du plancher avant l’intervention.

:t du minaretêarr’ments déléhabilitation des éR

En effet, les éléments les plus dégradés du minaret sont ces éléments d’arrêt. Ce qui a fallut une intervention d’urgence qui tente de restaurer les parties endommagées

Le décapage de l’enduit et l’enlèvement des

parties endommagés.

La liaison entre les parties anciennes et la

partie restaurée est faite avec des petites

barres en fer.

Photos après les travaux

Projet:Palais El Manama

La Madersa SlimanyaEtat des lieux:

-Risque d’effondrement de quelques parties des plafonds.-Des tâches d’humidité apparentes aussi bien au niveau des murs qu’aux niveaux des plafonds.-Présence de végétations nuisibles au niveau des terrasses.-Effritement de l’enduit.-Dégradation de certaine canalisation d’eau pluviale.-Décollement de la peinture.-Dégradation des escaliers qui mènent à l’étage. -Dégradation de plusieurs colonnes et chapiteaux.-Dégradation de la menuiserie.-Disparition de plusieurs panneaux de céramique -Cet état est dû probablement aux causes suivantes :-Infiltration des eaux de pluie.-Conduites d’eaux pluviales bouchées ou endommager.-Absence d’entretien des terrasses.-Mauvaise inclinaison des formes de pente des terrasses.

Pour remédier à ces désordres nous proposons des actions d’urgence et des solutions de réhabilitation suivantes :

Dégradation de la corniche Effritement de l’enduit et décollement des stucs

Canalisation d’eau pluviale bouchée

Travaux d’urgence :* Étaiement des plafonds menaçant ruines.* Déboucher certaines conduites d’eaux pluviales.

Travaux de réhabilitation :* Reprendre les formes de pente en terrasses.* Appliquer une étanchéité en terrasses.* Décaper et refaire l’enduit des parties endommagées par l’humidité

Présence de végétations nuisibles aux niveaux des terrasses

Effondrement d’une partie du plafond

Mauvaise inclinaison des formes de pente des terrasses engendrant des dommages aux niveaux des chambres du RDC par l’effritement de l’enduit et le décollement de la peinture.

Les conduites d’eaux pluviales bouchées et l’Infiltration des eaux de pluie ont causé des fissures et une forte humidité au niveau de la skifa.