inra magazine n°18 - octobre 2011

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 magazine Alimentation Agriculture Environnement INR A N°1 8 - OC TO BRE 2011  RECHERCHES Verts pâturages contre marée verte  HORIZONS Un meilleur blé pour la planète  DOSSIER Gérer le manque d’eau en agriculture  REPORTAGE Futurol, le carburant de demain se recherche aujourd’hui Gérer le manque d’eau en agriculture

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Le dossier du mois fait le point des recherches de l’Inra pour gérer le manque d'eau en agriculture. Également à la une de ce nouveau numéro : une initiative internationale pour l'amélioration du blé, l'inauguration d'un pilote de production d'éthanol biocarburant de deuxième génération et un programme d'actions pour lutter contre les algues vertes dans le bassin versant de Lieue de Grève (Côte d'Armor).

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magazine

AlimentationAgricultureEnvironnementINRA

N°18 - OCTOBRE 2011

Q RECHERCHES

Verts pâturagescontre maréeverte

Q HORIZONS

Un meilleur blépour la planète

Q DOSSIER

Gérer

le manque d’eauen agriculture

Q REPORTAGE

Futurol, le carburantde demain se rechercheaujourd’hui

Gérer

le manque d’eauen agriculture

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011

Qsommaire

Directrice de la publication : Marion Guillou. Directeur éditorial : Jean-François Launay. Directeur de la rédaction : Antoine Besse. Rédactrice en chef : Pascale Mollier. Rédaction :Gérard Barbeau, Brigitte Cauvin, Géraud Chabriat, David Charamel, Evelyne Lhoste, Patricia Marhin, Sylvia Marion, Eric Mignard, Cécile Poulain, Annelise Schonbach, Aline Waquet. Photothèque :

Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Maître. Couverture : Photo : Andreas Stridsberg. Maquette : Patricia Perrot. Conception initiale : Citizen Press - www.citizen-press.fr. Impression :Imprimerie CARACTERE. Imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement. Dépôt légal : octobre 2011.

03Q HORIZONS

Un meilleur blé pour la planète

L’avenir de la métagénomique

Nouvelle vague d’investissements

07Q RECHERCHES& INNOVATIONS

Verts pâturages contre marée verte

Cocktails mortels pour les abeilles

Le nitrate du sol contrôle le développementracinaire

Le bon tuyau de l’innovation

25Q REPORTAGE

Bientôt des vignes résistantes au mildiouet à l’oïdium

Futurol, le carburant de demainse recherche aujourd’hui

Vous avez dit durable ?

31Q IMPRESSIONS

34Q REGARDProtection des animaux :comment le droit peut-il évoluer ?

ISSN : 1958-3923

Agriculture, environnement, alimentation,les trois grands domaines de recherchesde l’Inra, sont intimement liés comme

le montre ce numéro avec des articles aux sujetspourtant très divers. La sécurité alimentairede l’humanité comme l’exposent Marion Guillouet Gérard Matheron dans leur livre (p. 31) dépendgrandement du dynamisme de la recherche...Recherche sur la nutrition azotée des plantesafin de limiter les engrais (p. 10), recherchesur le développement de la biomasse afin

de proposer des biocarburants durables sans entreren concurrence avec les terres arables (p. 27) ouencore recherche sur la métagénomique intestinalepour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments(p. 3). La collaboration Nord-Sud est un impératif pour partager les informations et les découvertes,c’est ce qui a conduit à la création d’Iriwi,une initiative internationale pour l’améliorationdu blé (p. 5). La sécurité alimentaire doit aussi sepenser dans un contexte de changement climatiqueet de gestion toujours plus fine de l’eau par les

agriculteurs comme le montre notre dossier central.

La recherche à l’Inra s’accompagne d’une démarcheéthique comme l’illustre le questionnement surl’expérimentation animale, qui clôture ce numéro.

Bonne lecture.

La rédaction

Chers lecteurs,

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE147 rue de l'Université • 75338 Paris Cedex 07

www.inra.fr

13Q DOSSIERGérerle manque d’eauen agriculture

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Renseignements et abonnement : [email protected] 

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 3

Un meilleur blépour la planète

P armi les cinquante actionsdécidées en juin 2011 par lesministres de l’agriculture du

G20 pour lutter contre les crises ali-mentaires planétaires et la volatilitédes prix agricoles, l’une d’elles

implique tout particulièrement larecherche agronomique : la création del’ « Initiative internationale de recher-che pour l'amélioration du blé »(IRIWI pour International ResearchInitiative for Wheat Improvment).Cette initiative, actée le 15 septembreà Paris, vise à renforcer la sécurité ali-mentaire mondiale, en recherchantl’augmentation de la productivité, dela valeur nutritionnelle et de l’état sani-taire des cultures de blé dur et de blétendre dans le cadre de pratiques et

systèmes de production agricole dura-bles. Elle va renforcer la synergie, lescoopérations et les échanges entre lesprogrammes de recherche internatio-naux d’amélioration du blé. Les

actions coordonnées par l’IRIWI dansles domaines de la génétique, de lagénomique et de l’agronomie per-mettront de créer de nouvelles varié-tés de blé et de mettre en place despratiques agronomiques innovantes,

adaptées à des environnements diffé-rents. Elles seront mises à la dispositiondes agriculteurs afin d’assurer une pro-duction mondiale plus importante, demeilleure qualité et plus stable. « Avec IRIWI, la voix des scientifiques devrait 

 peser plus lourd face aux choix poli-tiques et permettra de mieux diriger lesinvestissements. C’est nécessaire pour initier les futurs projets d’envergurecomme le phénotypage » explique HansBraun du Centre international pourl’amélioration du maïs et du blé

(CIMMYT). L’Inra, avec le Bio-technology and Biological SciencesResearch Council (BBSRC) enGrande-Bretagne et du CIMMYTbasé au Mexique, s’est engagé à coor-

donner les activités de l’IRIWI durantles quatre premières années du projet.Cela vient renforcer l’implication delongue date de l’Institut dans larecherche sur l’amélioration du blécomme le projet Breedwheat sélec-

tionné début 2011 par le programmefrançais « Investissements d’avenir ».Le blé est l’un des principaux alimentsde base de la population mondialemais les niveaux de production agri-cole actuels ne permettront pas desatisfaire la demande. Avec une popu-lation de 9 milliards en 2050, la FAOestime qu’il faudrait accroître la pro-duction agricole mondiale de 70 % àcet horizon. Pour cela, les gainsannuels de rendement devront dépasser 1,7 % alors qu’ils atteignent à

peine 1 % aujourd’hui. Les aléas cli-matiques répétés dans un contexte dechangements globaux, la hausse cons-tante des prix du pétrole, la spécula-tion sur les marchés agricoles sont

Décidée au G20, l’Initiative internationale de recherche pour l’amélioration du blé a été lancéeà Paris en septembre. Elle va permettre d’améliorer les propriétés de la première sourcede protéines du monde.

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   ©   I  n  r  a   /   G   i   l   l  e  s   C  a   t   t   i  a  u

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autant de facteurs qui renforcent lavolatilité des prix agricoles et mena-cent la sécurité alimentaire dans denombreux pays. Les pays du Nord etdu Sud partagent le besoin d’amélio-rer le rendement, la tolérance auxstress et aux maladies, la qualité et l’ef-ficience d’utilisation des ressources.Le développement de meilleures pra-tiques agronomiques et de systèmesde culture innovants reste égalementune priorité. « Avec IRIWI nous met-

tons en place un véritable forum entreles pays du Nord et du Sud. Le Nordbénéficie des retours d’expérience dansles pays les plus chauds et les pays duSud bénéficient des données issues de

techniques très coûteuses comme la génomique » explique Indu Sharma,directrice de projets au Directorateof Wheat Research en Inde. Plusieursprogrammes de recherche nationauxd’envergure ont été lancés récemmentsur le blé dans les pays du Nord. LeCIMMYT et le Centre internationalpour la recherche agricole dans leszones arides (ICARDA) ont égale-ment soumis au Groupe consultatif pour la recherche agricole interna-

tionale le programme de rechercheWHEAT qui vise à améliorer lesvariétés et les systèmes de produc-tion du blé dans les pays en dévelop-pement. Pour Hélène Lucas de l’Inra,

L’agriculture a-t-elle besoinde décisions mondiales ?

Bruno Le Maire : En 2008, nousavons connu les émeutes de la faim ;cette année, une nouvelle faminefrappe la Corne de l’Afrique. Elle pro-voque des milliers de morts et poussede nombreuses familles à l’exode.Depuis des années, nous connaissonsces crises à répétition. Nous voyonstous que nous avons été incapablesde résoudre le problème de la faimdans le monde et nous savons quenous devrons, mécaniquement, aug-menter la production alimentaire

mondiale de 70 % dans les cinquanteprochaines années, si nous voulonsnourrir correctement la planète. Lafaim dans le monde est un scandale.Elle exige une action immédiate etrésolue de la communauté interna-tionale, car il n’y a pas de solutionnationale, il n’y a que des décisionsmondiales. Ces décisions, ce sont cel-les qui ont été prises au G20 agricole.Elles permettront de mettre en placeune stratégie de développement agri-

cole dans les pays les plus pauvres, etd’augmenter la production mondialetout en préservant les sols et l’envi-ronnement. Mais pour y parvenir,nous avons besoin de la recherche etde l’innovation.

En quoi l’accord du G20 signéà Paris est-il historique ?B. L.M. : C’est un accord historique,car c’est la première fois dans l’his-toire du G20 que les vingt plus gran-des puissances de la planète, quireprésentent, je le rappelle, 85 % ducommerce des matières premièresmondiales, et les principales organi-sations internationales, décident dese saisir du sujet agricole.Alors que certains disaient que l’agriculture était une activité dupassé, alors que beaucoup de nos par-

tenaires considéraient avec méfiancetoute velléité de la Présidence fran-çaise en matière agricole, alors quenos idées sur la régulation de l’agri-culture mondiale étaient considéréesau mieux comme de l’intervention-nisme anti-économie de marché, aupire comme des atteintes à la souve-raineté nationale, aujourd’hui, nousavons un consensus mondial pourreconnaître que l’intuition du Prési-dent de la République était la bonne.Face à l’immense défi agricole et ali-

mentaire mondial, il fallait remettrel’agriculture en haut de l’agendainternational. Et je crois que chacuna pris la mesure de ce défi.Enfin, c’est un accord historique parceque c’est un accord sur un plan d’action concret, en 5 volets : l’accrois-sement durable de la production agri-cole, notamment dans les pays endéveloppement ; l’amélioration de latransparence des marchés avec la miseen place d’un système d’information

sur les marchés agricoles ; unemeilleure coordination internationalepour prévenir et gérer les crises agri-coles grâce à un forum de réactionrapide aux crises de marché ; la miseen place d’outils de lutte contre la vola-tilité à la disposition des pays les plusvulnérables et la régulation des mar-chés de dérivés des matières premièreset la lutte contre la spéculation.

Comment cet accord va-t-ilaider la recherche sur le bléen particulier ?B. L.M. : Nous avons voulu placer larecherche et l’innovation dans ledomaine agricole au cœur du G20parce que nous savons tous que nousne parviendrons pas à produire pluset mieux, sans une meilleure coordi-nation de nos efforts de recherche.

Le lancement de l’initiative IRIWIest l’une des premières réalisationsconcrètes du plan d’action du G20et je salue la rapidité avec laquelle lacommunauté scientifique interna-tionale s’est mobilisée pour lancer cepartenariat mondial. Vingt-trois paysdu Nord comme du Sud se sontréunis lors du lancement d’IRIWI.Nous devons réussir à améliorer leblé dans toutes ses composantes : saproductivité, sa qualité nutrition-nelle, sa résistance, sa consommation

en eau, etc.Le blé est le premier aliment pourplus de 1,2 milliard d’individus dansle monde. IRIWI est donc aux avant-postes pour apporter des réponsesconcrètes dans la bataille que nousmenons pour la sécurité alimentaire.Je souhaite que la prochaine prési-dence mexicaine du G20 puisse pren-dre le relais de cette initiative avecun seul objectif : nourrir mieuxdemain la planète.

Bruno Le Maire,MINISTRE DE L’AGRICULTURE,DE L’ALIMENTATION, DE LA PÊCHE,DE LA RURALITÉ ET DEL’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

O INTERVIEW

coordinatrice, « IRIWI n’est pas un pro- gramme scientifique supplémentaire quiconcurrencerait ceux qui existent déjà.C’est une plateforme d’échange et decommunication entre ces programmesafin de mieux utiliser les fonds attri-bués ».  L’IRIWI ouvrira la voie à desinitiatives similaires portant sur d’au-tres cultures constituant la base de lanutrition de la population mondiale(riz, maïs, millet, sorgho, etc.). G

 Antoine Besse 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          ©

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               S                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               i                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  r                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              e                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 n                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 -                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              C                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      o                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                m

+d’infosOweb :www.inra.fr/les_partenariats/ameliorer_le_ble_pour_la_securite_alimentaire_mondiale

5/10/2018 INRA Magazine n°18 - octobre 2011 - slidepdf.com

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 5

Le 20 septembre, la première

pierre du bâtiment XavierLeverve a été posée au centreInra de Jouy-en-Josas. Ce futur bâti-ment de 4 000 m2 fait partie du projetde regroupement des 350 chercheursde l’unité Micalis qui œuvrent dansle domaine de la microbiologie et del’alimentation. Parmi eux, se trouventles plus grands spécialistes français enmétagénomique. Cette méthode aacquis une importance considérabledans le paysage scientifique actuel.Apparue en 1996, elle associe séquen-

çage haut débit et bioinformatique, etpermet l’analyse globale des génomesde tous les microorganismes d’un éco-système même lorsqu’ils ne sont pascultivables. Elle donne accès à unemine d’informations sur des popula-tions jusque-là inaccessibles commepar exemple les bactéries de notre tubedigestif (le microbiote intestinal). Lamétagénomique quantitative établitl’ensemble des gènes d’un microbioteet leur proportion relative tandis quela métagénomique fonctionnelle déter-

mine les molécules synthétisées parun microbiote et leur interaction avecles cellules humaines.Les utilisateurs qui exploitent les don-nées recueillies sont aussi bien des

industries agroalimentaires et bio-

technologiques que des laboratoirespharmaceutiques ou des instituts derecherche. Les applications sont trèsdiverses : possibilité de mise au pointet de commercialisation de nouveauxaliments, mise au point de marqueursde diagnostic et de pronostic ; nou-velles voies thérapeutiques dans lespathologies de la digestion et de l’alimentation. Le développement dela métagénomique de la flore de l’intestin humain contribue à desavancées importantes comme la per-

sonnalisation des traitements, laconception d’aliments à effet santépositif ou encore l’identification denouveaux biomarqueurs de risquespathologiques. Enfin, dans un futurplus éloigné, il pourra être possibled’intervenir directement sur le micro-biote intestinal en appliquant des substances promotrices ou inhibitricesvoire d’installer une nouvelle floreintestinale chez un patient.L’Inra a construit une expertise mon -dialement reconnue dans ce domaine

qui a donné lieu à de nombreusespublications internationales. L’Insti-tut a également participé à de multiplesprojets nationaux et internationauxmettant en œuvre la métagénomique

avec, par exemple, le projet européen

MetaHIT sur les gènes du microbioteintestinal humain. En outre, dans ladéfinition des orientations de recher-che de l’Inra pour la période 2010-2020, la métagénomique bénéficied’un programme dédié : « Méta-omiques des écosystèmes microbiens ».Dirigé par Emmanuelle Maguin, chef du département Microbiologie etchaîne alimentaire, il a pour objectifsde modéliser des écosystèmes encorepeu connus, d’en estimer la diversitégénétique… Le périmètre du pro-

gramme comprend les agrosystèmes,les digesteurs, les aliments et la santé.Ces problématiques connaissent ungrand essor international : les Etats-Unis ont par exemple financé à hau-teur de 115 millions de dollars le« Human Microbiome Project ». Ilreste désormais à changer d’échellepour passer aux applications indus-trielles qui intéressent potentiellementplusieurs secteurs : l’alimentation, lediagnostic et la santé. G

 Antoine Besse 

La métagénomique, qui permet d’étudier les génomes d’organismes vivants impossiblesà cultiver, ouvre de grandes perspectives en alimentation et en santé humaine.L’unité Micalis, bientôt réunie à Jouy-en-Josas, se situe à la pointe de ces recherches.

L’avenir de la métagénomique© Inra / Bertrand Nicolas

+d’infosOvoir les vidéos :www.inra.fr/l_institut/premiere_pierre_du_batiment_xavier_leverve

5/10/2018 INRA Magazine n°18 - octobre 2011 - slidepdf.com

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 20116

          Q

    H    O    R    I    Z    O    N    S

Quel est le rôle

du Commissariatà l’Investissement ?René Ricol : Nous sommes desfacilitateurs et des garants de la règledu jeu. Nous poussons à faire aboutirles projets que nous considéronscomme les meilleurs mais c’est bien le jury qui décide in fine. Une fois que le jury a fait son choix, le Premier minis-tre prend la décision finale sur la basede l’avis que je lui ai donné. Lorsqu’ils’agit de jurys scientifiques interna-tionaux - comme pour le projet

Démonstrateurs préindustriels - notreposition est de ne pas les désavouer.Nous sommes également garants qu’iln’y ait pas de passe-droit et que le jugement se fasse en fonction des

Nouvelle vagued’investissements

qualités et des mérites de chacun.

Enfin, nous nous assurons que lesengagements pris sont respectés.Nous cherchons d’abord le retour surinvestissement en sélectionnant desprojets d’avenir prometteurs, quitte àprendre des risques. Si le projet réus-sit, chacun doit être gagnant : nonseulement les industriels et les cher-cheurs, mais aussi l’État, les opéra-teurs et les collectivités.

Que pensez-vousdu déroulement

des Investis sementsd’avenir jusqu’ici ?R. R. : Tous les appels à projets quenous avons lancés ont, jusqu’à présent,suscité une mobilisation incroyable.

Cette émulation est bien le signe de lavariété et de la pertinence de notrerecherche, mais aussi celui du dyna-misme des équipes, de leur envie d’a-vancer et de repousser les limites dusavoir. J’ai conscience que postulerreprésente un investissement lourd,qui s’ajoute aux missions d’enseigne-ment et de recherche. Mais quand bienmême la production scientifique auraità en souffrir pendant quelques semai-nes, il me semble que ce n’est jamaisdu temps perdu. Car, que l’on gagne

ou que l’on perde, le temps et l’énergiepassés à structurer un projet, à s’in-terroger sur l’équipement manquant,à rechercher des partenariats ne seront jamais du temps et de l’énergiegaspillés.

Pouvez-vous préciserl’importance de la catégorie« Démonstrateurspréindustrielsen biotechnologie » ?R. R. : Le passage de la recherche

fondamentale ou appliquée à la pro-duction de masse a besoin d’uneétape cruciale : la preuve de conceptindustrielle, apportée entre autres pardes démonstrateurs préindustriels.L’appel à projets « Démonstrateurspréindustriels en biotechnologie » apour objectif de lever ces verrous etd’ouvrir la voie à l’industrialisationdes processus biologiques et au-delàde donner à la France la possibilitéde créer sur son sol de nouvelles filiè-res industrielles. La nouvelle vague

d’appels à projets dans le cadre desInvestissements d’avenir va permettrede créer de tels démonstrateurs, enco-financement avec les entreprises. Atitre d’exemple, je pense au projet«Toulouse White Biotechnology »piloté par l’Inra et lauréat l’an dernier,qui prévoit de « démontrer » la via-bilité économique d’une filière utili-sant les microorganismes pourproduire, à partir de la biomassevégétale, des substituts au carbonefossile ou bien encore de nouvelles

molécules industrielles à haute valeurajoutée. G

Propos recueillis par Antoine Besse 

   ©

   D   R

Les Investissements d’avenir ouvrent une nouvelle fenêtrede financement après celle du début 2011. L’ensembledes catégories depuis « Initiatives d’excellence » jusqu’à« Démonstrateurs préindustriels en biotechnologie »en passant par « Equipements d’excellence » est concerné.Les résultats de ce deuxième - et dernier - appel à projetsseront dévoilés en 2012. René Ricol, commissaire généralà l’investissement, nous rappelle la philosophie de cesInvestissements d’avenir.

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 7

+d’infosOcontacts :[email protected]@[email protected]

M

algré une évolutionimportante des pratiquesagricoles et une stabilisa-

tion des concentrationsen nitrates des cours d’eau aux alen-tours de 30 mg/l, les algues vertescontinuent de se développer chaqueété sur les plages de la Baie deSt-Michel-en-Grève. Rapidement, unconstat s’impose : au vu de la sensibi-lité de ce bassin versant, réduire laquantité d’algues vertes suppose unebaisse drastique du taux de nitrate jusque 10 mg/l. Les différents acteursdu bassin versant sont unanimes : unchangement de pratiques ne suffira

pas, il faut modifier profondément lessystèmes de production.

Elaborer et tester deschangements de systèmede production« L’histoire commence fin 2006 , se sou-vient Luc Delaby, chercheur à l’Inrade Rennes, lorsque Lannion Trégor 

 Agglomération et les chambres d’agri-culture bretonnes nous ont sollicités

 pour les aider à élaborer des actionsinnovantes pour limiter les fuites de

nitrate vers les rivières ». Le bassin ver-sant de la Lieue de Grève est un bassind’élevage en production bovine, lai-tière et allaitante. L’idée de développerdes systèmes à base d’herbe s’impose

naturellement, l’herbe étant une culture pérenne adaptée à l’alimenta-tion des bovins qui valorise l’azote

toute l’année. Pour tester sur le ter-rain les solutions imaginées ensem-ble par les chercheurs, les acteurslocaux (développement agricole, col-lectivités locales) et les agriculteurs,le dispositif « Fermes pilotes » est misen place, avec au départ dix fermespilotes volontaires (1).

Expérimenter grandeurnatureDébut 2011, les dix agriculteurs volon-taires signent une charte individuelle

d’évolution. «  Après la phase d’audit des exploitations, indispensable pour identifier au cas par cas les possibilitésd’évolution vers un système plus her-bager, nous avons défini des seuils quinous semblaient intéressants pour limi-ter les fuites de nitrates » précise LucDelaby. Deux indicateurs guident ainsil’évolution de ces exploitations : d’unepart le taux de chargement en animal,fixé à 1,4 UGB (unité de gros bétail)par ha d’herbe, et d’autre part l’en-trée d’azote sur l’exploitation, limité à

100 unités d’azote/ha de surface agri-cole utile. « L’idée toujours présente est de réduire les entrées d’azote, de favo-riser le recyclage interne et de stopper les

 pratiques favorables au lessivage » sou-

ligne Luc Delaby. Couplée à l’expéri-mentation in vivo, la modélisationpermet de tester a priori la validité et

l’efficacité économique, environ-nementale et sociale des changementsproposés. C’est aussi un outil essentielpour simuler l’impact de l’évolutiondes exploitations sur la charge azotéetotale du bassin versant. Chaque éle-veur du dispositif Fermes pilotes béné-ficie ainsi d’un accompagnementtechnique. « Les premiers résultats sont encourageants même si le rythme d’évolution varie selon les exploita-tions » note Luc Delaby. L’expérienceva s’étendre dès l’automne aux 170

exploitations du bassin versant. Selonle plan national Algues vertes, 30%des engagements pris par les bassinsversants devront avoir été tenus en2015 et la totalité en 2027. G

Patricia Marhin

Pâturagescontre marée verte

(1) Le dispositif Fermes pilotes est orchestré par leséquipes Inra des UMR « Production du lait » et « Sol,agro et hydrosystème, spatialisation » de Rennes.Il s’inscrit également dans le volet expérimentaldu projet ANR Acassya.

Depuis 2008, les chercheurs de l’Inra travaillent avec les acteurs locaux (collectivités territoriales et chambresd’agriculture) du bassin versant de la Lieue de Grève dans les Côtes-d’Armor sur un programme d’actionspour lutter contre les algues vertes.

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    &    I    N    N    O    V    A    T    I    O    N    S Cocktails dangereux

pour lesabeilles

Une nouvelle étude menée conjointement par l’Inra et le CNRS montre les synergies entreles effets toxiques de certaines molécules insecticides et ceux du champignon pathogèneNosema ceranae . Explications.

Le constat est là : le taux de

mortalité des abeilles devientpréoccupant et la situation

s’étend dans le monde. Ces derniè-res années, en Europe mais aussi enAmérique du Nord, la mortalitéhivernale des abeilles se situe autourde 30 %. Plusieurs causes ont étéenvisagées : les produits phytosani-taires, les agents pathogènes et lesparasites, les prédateurs (le frelonasiatique), l’appauvrissement de lanourriture, la pollution de l’air ouencore les champs électromagné-

tiques. Cependant, aucune ne per-met à elle seule d’expliquer un telphénomène. Aujourd’hui, la com-munauté scientifique se tourne versl’hypothèse d’une interaction entre

plusieurs sources de stress, mais les-

quelles ? « On sait que l’associationde certains champignons et d’insecti-cides est utilisée pour lutter contre desinsectes ravageurs comme les termitesou les fourmis, explique Yves Le Contede l’Inra (1). D’où l’idée d’étudier l’as-sociation du c hampignon Nosemaceranae (2) et des insecticides sy sté-miques de types imidaclopride, fipronil ou thiaclopride (3), des causes de stressapparues récemment. »

La piste de la synergie

confirmée pour troismolécules insecticides

En 2009, les chercheurs Cédric Alaux,Luc Belzunces et Yves Le Conte (Inrad’Avignon) ont étudié les effets de l’in-

teraction  Nosema ceranae/imidaclo-

pride sur la santé des abeilles. Ils ontanalysé la mortalité individuelle, lestress énergétique, l’immunité indivi-duelle et l’immunité sociale de la colo-nie. Plusieurs concentrations sublétalesd’insecticide ont été testées : 0.7 µg,7 µg et 70 µg par kg de sirop de sucre(7 µg/kg correspondant à une teneurcompatible avec celles retrouvées dansle pollen). Résultats ? « L’expositionsimultanée à Nosema et au pesticide aun effet sur l’immunité sociale plus quesur l’immunité individuelle. Pour les

concentrations de 0,7 et 7 µg/kg, l'effet avec Nosema est additif. Il est syner-

 gique (4) à la concentration de 70 µg/kg,avec un taux de mortalité qui bondit »explique Luc Belzunces (5). En effet,

   ©   M  a  r  e   k   K  o  s  m  a   l   /   F  o   t  o   l   i  a .  c  o  m

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 9

+d’infosOréférences :- Cédric Alaux, Luc Belzunces,Yves Le Conte et al . Interactionsbetween Nosema microspores anda neonicotinoid weaken honeybees(Apis mellifera). Environmental microbiology 2009.- Cyril Vidau, Luc Belzunces, et al .Exposure to Sublethal Doses of Fipronil

and Thiacloprid Highly IncreasesMortality of Honeybees PreviouslyInfected by Nosema ceranae. PLoS ONE (juin 2011).Ocontacts :[email protected]@avignon.inra.fr

(1) et (5) Yves Le Conte et Luc Belzunces sontdirecteurs de Recherche à l’Unité mixte « Abeilles

et Environnement » de l’Inra d’Avignon.(2) Nosema ceranae : champignon microscopiqued’origine asiatique, mis en évidence en Europe en 2006.Il colonise l’intestin des abeilles et provoque la maladieappelée nosémose.(3) L’imidaclopride, le thiaclopride (familledes néonicotinoïdes) et le fipronil (familledes phénylpyrazoles) sont les substances activesrespectivement du Gaucho, du Proteus et du Regent TS,insecticides utilisés sur maïs et tournesol. Tous agissentsur le système nerveux des abeilles. Le Gauchoet le Régent ont été interdits en France en 2004sur tournesol et maïs. Le thiaclopride est utilisésur céréales et pommes de terre, betteraves et colza.(4) La mortalité avec Nosema et le pesticide appliquéssimultanément est supérieure à la somme des mortalitésde chaque stress appliqué isolément.(6) L’enzyme glucose oxydase (GOX), sécrétéepar les glandes hypopharyngiennes situées dans la tête

des ouvrières, transforme le sucre en produisantdu peroxyde d’oxygène, antiseptique agissantsur l’alimentation larvaire et le miel.(7) DL50 : dose létale 50%, dose causant la mortde 50% de la population testée.

chez les abeilles soumises aux deuxagents, l’activité de l’enzyme (6) pro-duisant un antiseptique dans la nour-riture des larves est significativementdiminuée. De plus, la consommationde sucre par les abeilles augmente,révélant un stress énergétique accru.Conclusion : il y a synergie entre lesdeux types de stress.En 2011, la revue PLoS ONE publieune seconde étude sur l’interactionpathogène/insecticide menée par leCNRS et l’Inra. Deux autres pesticidesont été testés : le thiaclopride et lefipronil. Les expositions aux sourcesde stress ont été réalisées cette fois demanière séquentielle sur six groupesd’abeilles. « C’est une étude de sensi-bilisation, explique Luc Belzunces. Enexposant préalablement les abeilles àun agent stresseur, il est possible

 d’observer la sensibilisation à un autreagent ». Dans le cas présent, le pre-mier agent - le champignon Nosema -fragilise les abeilles. A la fin de l’expé-rimentation, alors que le taux demortalité des abeilles infectées par

 Nosema atteignait 47%, celui desabeilles infectées préalablement puisexposées chroniquement à des dosessublétales de fipronil et de thiaclo-pride a atteint respectivement 82%et 71%. Cette étude démontre aussiqu’il est insuffisant de se baser sur la

valeur de la DL50 (7), l’indicateur detoxicité des insecticides. « La DL50 ne rend pas compte de la toxicité chro-nique des insecticides à des concentra-tions sublétales, il s’agit juste d’unevaleur de référence pour comparer latoxicité des substances chimiques » sou-ligne Luc Belzunces. Or, les abeillesinfectées de façon chronique avec cesinsecticides présentent des symptô-mes anormaux : dès les premiers  jours, agressivité et tremblements,puis, quelques jours plus tard, des

troubles de la coordination.

Pesticides : mieux lesévaluer, mieux les contrôlerL’interaction entre  Nosema ceranaeet les insecticides des familles néoni-cotinoïdes et phénylpyrazoles aggravele risque pour les abeilles. « Pesticideset polluants sont des éléments pertur-bants qui s’ajoutent aux pathogènesdéjà présents dans l’environnement »souligne Luc Belzunces. Et force est deconstater que le pollen butiné par les

abeilles domestiques ou sauvagescontient souvent… « un pesticide et même parfois deux ou trois ! » préciseYves Le Conte. Si l’on y ajoute lesvirus et acaricides retrouvés dans la

ruche, le cocktail ingurgité par les

abeilles peut devenir détonant. Alorsque faire ? Interdire les pesticides ?« Impossible, on en a besoin pour  l’agriculture » réplique Yves Le Conte.Interdire une molécule ? « Cela prenddix ans et une fois interdite, elle est remplacée par « sa petite sœur » » ren-chérit Luc Belzunces. Sans compterque certaines molécules interdites enEurope, pour laquelle il existe uneréglementation partagée, peuvent êtreen vente dans des pays extérieurs à laCommunauté européenne. Pour Luc

 Belzunces « il faut revoir les méthodesd’évaluation de la toxicité pour lesabeilles afin que soient pris en compteles contaminations chroniques et leseffets des doses sublétales ».Pour cela, la recherche continue sestravaux. A l’automne, l’Inra publieraune étude consacrée aux effets destoxicités aiguë et chronique de 25molécules. Du côté des pathogèneset de leur interaction avec les pestici-des, le travail continue avec Nosemamais aussi avec le varroa, un acarien

parasite des abeilles combattu depuislongtemps par les apiculteurs à l’aide d’acaricides. G

 Annelise Schonbach

COUVAIN D'ABEILLES avec des cellules de pollen (en jaune). Le pollen et le mielqui servent à nourrir les larves contiennent des molécules antibactériennes.C’est une forme d’immunité sociale.

          Q© Inra / Luc Belzunces

5/10/2018 INRA Magazine n°18 - octobre 2011 - slidepdf.com

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L ’azote nécessaire à la synthèsedes protéines provient essen-tiellement chez les plantes des

ions nitrates qu’elles prélèvent dansle sol. L’efficacité de ce prélèvement estliée à deux facteurs : d’une part audéveloppement du système racinairecontrôlé par une hormone, l’auxine,et d’autre part à l’activité de protéinesmembranaires qui transportent le

nitrate dans les cellules des racines.Le présent travail montre par quelmécanisme ces deux facettes de l’ab-sorption racinaire du nitrate sontcoordonnées entre elles.

Un même transporteurpour le nitrate et l’auxinePremier indice : un transporteur denitrate est impliqué dans le contrôlede la croissance des racines.On connaît au moins deux famillesde transporteurs membranaires du

nitrate dans les racines (NRT1 etNRT2). L’équipe (1) dans laquelleGabriel Krouk a effectué sa thèse amis en évidence que des plantesmutantes d’ Arabidopsis (2) n’expri-

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Le nitrate du sol contrôlele développement racinaire

A l’Inra de Montpellier, Gabriel Krouk a mis en lumière un mécanisme original de contrôledu développement racinaire. Ce travail de thèse a reçu en juin 2011 le prix AXA-Académie

des sciences récompensant les grandes avancées scientifiques françaises en biologie.

mant pas un des membres de la familleNRT1 (le transporteur NRT 1.1) pré-sentaient un défaut de réponse dudéveloppement racinaire au nitrate.En effet, alors que les racines des plan-tes sauvages sont capables de détecterla présence de nitrate dans le milieu, etde se développer préférentiellement làoù il est abondant, les racines des plan-tes mutantes ont un développement

insensible au nitrate. D’où la conclu-sion que NRT1.1 est impliqué dans lemécanisme de perception du nitrateet favorise la colonisation racinaire deszones du sol riches en cet ion.Deuxième indice : NRT1.1 ressemble àun transporteur d’auxine, hormonede croissance végétale.L’auxine est une hormone végétale qui  joue un rôle très important dans ledéveloppement racinaire : son accu-mulation dans les jeunes racines latérales est indispensable à leur crois-

sance. Gabriel Krouk remarque dans labibliographie que NRT1.1 ressemble àcertaines protéines capables detransporter à la fois du nitrate et del’histidine, molécule très proche de

l’auxine. Ce qui l’amène à postulerque NRT1.1 peut transporter del’auxine, en plus du nitrate.Première preuve : NRT1-1 transportede l’auxine.L’hypothèse que NRT1.1 est untransporteur d’auxine a été vérifiéeen montrant que des ovocytes deXénope exprimant la protéineNRT1.1 sont capables de prélever

l’auxine présente dans le milieu.

Tout s’explique…La suite du travail a permis d’éluciderle mécanisme de contrôle du développement des racines latéralespar NRT1.1. Lorsque le milieu estpauvre en nitrate, NRT1.1 fait circu-ler l’auxine hors de la racine latérale(vers la racine primaire), il n’y a pasd’accumulation de l’hormone dansla racine latérale, et donc pas de crois-sance. Au contraire, en milieu riche en

nitrate, NRT1.1 arrête de faire circu-ler l’auxine, qui reste bloquée dansles racines latérales et favorise ainsileur croissance.Chez le mutant privé de NRT1.1,

   ©   I  n  r  a   /   C   h  r   i  s   t  o  p   h  e   M  a   î   t  r  e

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+d’infosOréférence :Krouk G. et al. 2010. Nitrate-regulatedauxin transport by NRT1.1 defines amechanism for nutrient sensing inplants. Dev Cell 18: 927-937.Ocontact : [email protected]

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l’auxine reste toujours bloquée et lemutant développe des racines latéra-les qu’il y ait ou non du nitrate dansle milieu.La validation in planta a été réaliséeen étudiant l’accumulation d’auxinedans les racines latérales de plantessauvages et de mutants avec ou sansnitrate (voir la figure).

Cette étude a permis de découvrir undes mécanismes naturels que met-tent en œuvre les plantes pour opti-miser l’acquisition du nitrate. Onpeut espérer que ceci ouvrira une voienouvelle pour la sélection de plantesplus efficaces dans l’utilisation desengrais azotés. G

 Eric Mignard 

(1) Unité mixte de recherche Inra CNRS UM2

Montpellier SupAgro « Biochimie et physiologiemoléculaire des plantes », équipe « Intégration desfonctions nutritives dans la plante entière ».(2) Petite plante de la famille des moutardes, utiliséecomme modèle végétal.

En milieu sans nitrate

La coloration bleue marquel’accumulation d’auxineNRT1.1 fait circuler l’auxine (flèchesrouges), évitant son accumulation :il n’y a pas croissance racinaire

NRT1.1 arrête de faire circulerl’auxine, qui s’accumule :il y a croissance racinaire

Sans NRT1.1Il y a croissance qu’il y aitou non du nitrate dans le milieu

En milieu avec nitrate

PLANTESAUVAGE

MUTANTSANS NRT1.1

Quelles sont les thématiques développées au sein de votre équipe ?Alain Gojon : Nous nous intéressons aux mécanismes qui régulent l’absorption de l’azote minéral par le système racinaire et à la manièredont les plantes s’adaptent aux fluctuations d’azote dans le sol.Elles le font soit en modulant l’activité des transporteurs de nitrate membranaires, soit en modifiant le développement du système raci-naire. Nous avons une démarche intégrative qui combine l’étude de ces deux types de réponse.

En quoi le travail de Gabriel Krouk est-il original ?A. G. : On savait que les plantes sont capables de détecter la présence du nitrate dans le milieu, mais le système de détection, et sur-tout son rôle dans le développement racinaire, étaient inconnus. Le travail de Gabriel, et des autres personnes de l’équipe qui ont œuvré

avec lui, décortique le mécanisme d’action de ce système de détection, et met en évidence une protéine d’un nouveau genre, appelée« transcepteur », contraction de transporteur et récepteur. NRT1.1 est non seulement capable de faire rentrer l’ion -ici, le nitrate- dansles cellules de la plante, mais aussi de générer un signal -ici une modification hormonale- qui induit une réaction de la plante à la pré-sence de cet ion, en l’occurrence un développement accru des racines.

Comment ce travail sera-t-il poursuivi ?A. G. : Les succès obtenus par Gabriel lors de sa thèse lui ont ouvert des opportunités : il a obtenu une bourse Marie Curie pour unséjour postdoctoral au Center for Genomics and Systems Biology de l’Université de New York, où il a continué d’étudier la nutrition azo-tée des plantes. De plus, il vient d’être recruté comme chargé de recherche par le CNRS dans mon équipe. Son projet actuel, soutenupar un programme ANR qui lui assure trois ans de financement, porte sur la modélisation des réseaux de gènes. Cette approche per-met d’étudier, et à terme, de prédire, les interactions d’un ensemble de gènes impliqués dans la nutrition azotée.

Quels sont les impacts potentiels d’un tel résultat ?A. G. : Les préoccupations environnementales gagnent du terrain… Parmi elles, les conséquences néfastes d’un excès d’utilisation

des engrais azotés en agriculture (par exemple, la pollution par le nitrate des nappes phréatiques, des rivières et des zones littorales).Les travaux de Gabriel ouvrent une voie vers la production de plantes plus efficientes dans leur utilisation du nitrate des engrais, en par-ticulier grâce à un développement plus important du système racinaire qui leur permettrait de mieux exploiter le nitrate lorsqu’il est enfaible quantité dans le sol.

O UNE PROTÉINE D’UN NOUVEAU GENRE

Interview d’Alain Gojon, directeur de recherche, responsable de l’équipe

Modèle de la régulation du développement racinairepar le nitrate

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Ce capteur mis au point à

l’Inra de Toulouse et de Lillepermet de mesurer en ligne

et en continu les phénomènes d’en-crassement rencontrés dans les pro-cédés industriels de traitement ou detransformation de fluides (fluidesagroalimentaires ou biologiques, eaux

de refroidissement...). «   Nous cher-

chions à fournir un outil simple, robusteet précis pour quantifier l’encrassement lors des phases de production. Ces infor-mations sont devenues indispensables

 pour mieux gérer les cycles de nettoyageet économiser ainsi de l’énergie tout enlimitant les rejets polluants » expliqueLuc Fillaudeau (1). Cette innovationtechnologique a fait l’objet de cinqdépôts de brevets depuis 2006, dontun sous licence exclusive avec lasociété toulousaine Neosens SA, et areçu quatre prix et trophées sur la

même période.La collaboration entre Neosens etl’Inra a commencé en 2006 pourdévelopper et porter sur le marchéles premiers capteurs en version

+d’infosOweb :www.neo-sens.com/en/success-storiesOcontact scientifique :[email protected] industriel :[email protected]

CAPTEUR MACRO(à gauche) : la partie

sensible se trouveà l’extrémité de la

tige métalliqueet est insérée

dans le procédé.Puce électronique

illustrant laminiaturisation del’élément sensible

du capteur(à droite).

Un système permettant de mesurer l’état d’encrassementau cœur des installations industrielles a impulsé en moinsde cinq ans le développement d’une entreprise innovante,et la création de quinze emplois.

Le bon tuyau de l’innovation

   ©   N  e  o  s  e  n  s   S   A

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« macro ». Le partenariat se traduitpar le développement d'une gammede sondes robustes et résistantes à destempératures allant jusqu’à 150°C,qui équipe aujourd'hui de nombreuxsites industriels nationaux et inter-nationaux. Ces innovations ont per-mis de lever près de 6.5 M€de fondset de créer une quinzaine d’emploisau sein de la société Neosens. Ontrouve les capteurs dans les toursaéroréfrigérées des circuits de refroi-dissement, qui sont exposées à unencrassement à la fois par le tartre et

par les biofilms bactériens (Legionellaen particulier), dans les circuits d’eauxrésiduaires de papeterie, ou encoredans les lignes de pasteurisation etstérilisation dans l’industrie laitière.Les dernières recherches conduites enpartenariat (2) ont permis, d’une partde miniaturiser l’élément sensible ducapteur sous forme de puce électro-nique, d’autre part d’introduire unperfectionnement qui permet d’avoirdes informations sur la nature dudépôt (tartre, dépôts organiques ou

biofilm). Les versions « macro » et« micro » des capteurs sont désor-mais complémentaires en termes detemps de réponse et de limites dedétection et de quantification.A l’avenir, des capteurs résistant à plu-sieurs centaines de degrés Celsius per-mettront d’étendre l’application àd’autres types d’industries, comme lachimie ou la pétrochimie, dans les-quelles les contraintes des procédés(température, pression, environ-nement chimique) sont plus dras-

tiques que dans l’agroalimentaire. G

 David Charamel 

(1) Chercheur au laboratoire « Ingénierie des systèmesbiologiques et des procédés » de l’Inra de Toulouse.(2) Partenaires : Neosens ; Laboratoire d’ingénieriedes systèmes biologiques et des procédés, Inra/CNRS,Toulouse ; Laboratoire d’analyse et d’architecture dessystèmes, CNRS, Toulouse ; Centre interuniversitairede recherche et d’ingénierie des matériaux, CNRS,Toulouse.

Positionné de manière affleurante ou intrusive dans leséquipements industriels (lignes de procédés, échan-geurs, réacteurs, etc.), le capteur dissipe de façonimperceptible une quantité de chaleur, et fournit enretour une mesure en ligne et en continu de la varia-tion de température qui permet d'estimer l'épaisseurdu dépôt : plus l’encrassement est important, plusl’échauffement est élevé.

Principe du capteur

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   ©   S  e  r  g  e  y   P  e   t  e  r  m  a  n   /   F  o   t  o   l   i  a

Gérerle manque d’eauen agriculture

Gérerle manque d’eauen agriculture

D’après les derniers scénarios climatiques, les sécheresses serontplus fréquentes à l’avenir. L’Inra mène donc de nombreuses recherches

visant à offrir aux agriculteurs les moyens de gérer ce risque.A court terme, il s’agit d’anticiper au mieux l’épisode de sécheresse,

d’en caractériser l’ampleur et d’optimiser les systèmes de cultures existants.A plus long terme, ces derniers devront être repensés pour conjuguer résistanceau manque d’eau et compétitivité. L’Inra s’investit également au-delà de la questionagricole. En effet, l’Institut participe aux efforts de l’ensemble des acteursconcernés par une meilleure gestion territoriale de l’eau entre ses différentsusages.

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011II

Après avoir fait la Une desmédias pendant tout lemois de mai, la gravité dela sécheresse a été remise

en question dès les premières pluies.

Pourtant, ce n’est pas parce qu’il aplu en juin et juillet que les consé-quences de la sécheresse installée aucours des mois précédents ont étérésorbées ! En effet, pour la plupartdes productions végétales, le rende-ment et la qualité s’élaborent très tôtau printemps et une absence d’eau àcette période entraîne inévitablementune baisse de production. De plus, lespluies d’été sont captées en premierlieu par la végétation, dont lademande en eau est très forte à cette

période, avant de pouvoir reconsti-tuer les réserves des sols et a fortioricelles des nappes souterraines. Plusgénéralement, comment qualifier etquantifier la gravité de cet épisode

de sécheresse, et comment le posi-tionner dans le contexte de l’évolu-tion globale du climat ?

Hiver et printemps secs...

du jamais vu depuis 50 ansComme cela s’était déjà produit lorsd’autres épisodes historiques récents(1976, 1997, 2003 et 2005), l’anti-cyclone des Açores s’est déplacé audébut du printemps de 500 km environ vers le Nord pour s’installerdurablement sur l’Europe occiden-tale, son influence s’étendant jusqu’àla Pologne, voire l’Ukraine. Résultat :une quantité de pluie très faible demars à mai. Ce printemps très sec afait suite à un hiver peu arrosé (-40 à

60% de pluies cumulées de janvierà mai par rapport à la moyenne surla période 1965-2010) qui n’a paspermis aux nappes souterraines dese recharger, à l’exception des régions

Les premiers mois de l'année, peu arrosés, ont créé une sécheresse atypique en France.Très préoccupant sans être gravissime, cet épisode climatique se reproduira sans douteà l'avenir... sans que l’on sache prévoir précisément quand !

méditerranéennes où les pluies hiver-nales ont été excédentaires. C’est doncla continuité de la sécheresse entrel’hiver et le printemps qui a conduit àcette situation exceptionnelle. Dans

les épisodes précédents, nous avionsbénéficié soit d’une période derecharge des nappes satisfaisante enhiver (2003), soit d’épisodes pluvieuxau printemps (1997, 2005). En 1976,le printemps avait été moins sec et leniveau de sécheresse des sols n’avaitpas atteint celui de 2011 à la mi-avril,record historique depuis 50 ans.

Un impact variable selon lescultures et selon les régionsComme lors de chaque sécheresse

majeure, l’élevage est le secteur le plustouché. En effet, la sécheresse printa-nière a affecté en premier lieu la pro-duction de fourrages dans les prairiespermanentes comme dans les prairies

Sécheresse 2011, l'hiver du décor1

© Inra / Marc Benoît

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 III

temporaires (fétuque, ray-grass), ainsique les cultures de céréales destinées àl’alimentation animale (avoine, orge,triticale). Les productions de biomassesur les coupes de printemps affichentdes baisses de près de 50% dans leCentre-Ouest. Mais les pluies de juilletont été très bénéfiques pour la pro-duction de l’automne.Les cultures de printemps, et en par-ticulier le maïs et le tournesol, ont étémoins touchées. Grâce au retour despluies en juin, seules les cultures ensol peu profond ont montré des signesde stress hydrique.

Focus sur les prairies permanentesSi les prairies temporaires peuventêtre réensemencées, les prairies per-manentes peuvent mettre plusieurs

années à retrouver leur équilibre suiteà une sécheresse grave. Des travauxconduits à l’Inra, en parcelles expéri-mentales, montrent que certainesespèces peuvent fortement régresser(graminées, légumineuses), tandisque des espèces adventices tels leschardons ou l’oseille peuvent enva-hir les « trous » laissés libres par ladisparition des végétations prairia-les. Pour Pascal Carrère (1) « Une

  prairie permanente doit bénéficier d’autant d’attention qu’une culture.

Bien gérée et entretenue, elle est àmême de résister à des stress impor-tants et la diversité végétale qu’elleabrite lui permet une bonne régénéra-tion une fois l’épisode de sécheresse

 passé. Il faut raisonner à la fois la com- position de la flore, la charge des ani-maux, la fertilisation et l’alternance

 pâturage/fauche ». En curatif, sur lesparcelles mécanisables, on peut pra-tiquer des « sursemis » après un travailsuperficiel du sol, pour réimplanterles espèces dominantes d’origine. Lestravaux conduits actuellement sur lesprairies à l’Inra sont synthétisés sousforme de typologies, qui fournissentaux exploitants, via les conseillers agri-coles, des informations complètes surla composition floristique, les valeursagricoles et environnementales et lesservices que l’on peut en attendre. Cestypologies sont des éléments précieuxde discussion avec les éleveurs pouradapter leurs pratiques au potentielde production de leurs prairies (2).

Focus dans le Sud-Ouest Certaines régions françaises ont étéplus touchées par la sécheresse : le

Sud-Ouest (Aquitaine, Poitou- Charentes), le Centre et le Nord-Est(Franche-Comté, Alsace). Cetteannée, il a moins plu à Bordeaux qu’àAvignon. Cette tendance à la séche-resse dans le Sud-Ouest s’ajoute à descaractéristiques défavorables : peu derivières à gros débit et pas de nappessouterraines permettant le stockagede l’eau. Paradoxalement, le Sud-Est,qui possède un climat méditerranéenthéoriquement plus sec, bénéficie defortes ressources fluviales favorables à

l’irrigation, avec le Rhône et laDurance, qui sont alimentés par lafonte des neiges des Alpes.

Prévisible ? Non, pasplusieurs mois à l'avanceLes modèles météorologiques actuelsne permettent pas de prédire les

variations de climat d’une année surl’autre : en effet, le climat européen estsoumis à de multiples influences, cequi rend difficile les prévisions de latempérature et de la pluviométrieplusieurs mois à l’avance.Par contre, on peut dégager les ten-dances du climat à long terme : uneaugmentation de la températuremoyenne et une baisse quasi-géné-rale de la pluviométrie estivale(source : météo France). Les scénarios

du GIEC (3) prévoient une augmen-tation de la température moyenne de2 à 4°C d’ici la fin du siècle et un défi-cit pluviométrique au printemps eten été plus fort à l’Ouest qu’à l’Est.

Un risque à intégrerdans les pratiquesEn résumé, les sécheresses, aggravéespar des vagues de chaleur, risquentd’être plus fréquentes à l’avenir, maisresteront difficiles à prévoir et donc àanticiper. Il convient de les considérer

comme un risque structurel à intég-rer dans les pratiques, comme le sou-ligne le rapport de l’expertisescientifique collective « Sécheresse etAgriculture » paru en 2006 (4). Laprévention reste le meilleur moyend’affronter un aléa et c’est dans cesens que se développent les recher-ches de l’Inra, en partenariat avec ledéveloppement agricole.

CARTE DE L’INDICE D’HUMIDITÉ des sols enécart/moyenne 1971-2000 (source : météo Franceau 1er juillet 2011).En juillet, la sécheresse des sols superficiels demeurecritique, avec des déficits parmi les plus élevés depuis50 ans sur le Poitou-Charentes, le Centre, le Limousin,l’Aquitaine, le Tarn et l’Aveyron.

          Q

(1) Directeur de l’Unité de recherche sur l'écosystèmeprairial, à l’Inra de Clermont-Ferrand.

(2) www.prairies.aop.net(3) Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolutiondu climat.(4) Expertise réalisée par l'Inra à la demandedu ministère de l'Agriculture et de la Pêche.www.inra.fr/l_institut/expertise/expertises_realisees/secheresse_et_agriculture_rapport_d_expertise).

   ©   I  n  r  a   /   S  y   l  v   i  e

   T  o   i   l   l  o  n

PRAIRIE NATURELLE de montagne d’Auvergne.          Q

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011IV

          Q 

DOSSIER

Pluie

Transpiration

Evaporation

du sol

Irrigation

Sol

Sous-sol

Nappe

RU = Réserve utile

Drainage

RuissellementVégétation

ETR

Comment quantifier la gravité d’une sécheresse et ses conséquences sur l’agriculture ?

Les apports de la rec herche

La question centrale pour l’agriculture est d’anticiper les conséquences des sécheressessur le rendement des cultures. Question complexe, mais de fort enjeu économique,pour laquelle la recherche déploie un éventail de méthodes complémentaires.

 

O  A LA BASE, LE SUIVI DU BILAN HYDRIQUE DES CULTURES

Cycle de l’eau au niveau

de la plante

La quantité d’eau disponible pour laplante à un instant donné R est égale àRU + (pluies + irrigation-ruissellement-drainage) — ETR.

RU : réserve utile qui dépend, pourune culture donnée, de la hauteur

du sol et de la profondeur des racines.

ETR : évapotranspiration : sommede l’évaporation du sol et de la

consommation d’eau par la plante,qui rejette dans l’atmosphère,par les pores de ses feuilles (i.e. lesstomates), la quasi-totalité de l’eauqu’elle absorbe.

Du point de vue agricole, la gravité d’une sécheresse se définit par le déficit des réserves en eau des sols superficiels. Unedes manières de l’exprimer est le rapport R/RU, soit, pour prendre une image, le niveau du réservoir à un instant donnérapporté à la contenance du réservoir. On estime que la plante couvre ses besoins en eau de façon optimale s’il reste dansle sol au moins la moitié du réservoir (R>RU/2). En deçà, la plante ferme ses stomates* et son évapotranspiration (ETR)n’est pas optimale. L’ETR ne peut être mesurée exactement qu’à l’aide d’appareils utilisés en recherche. Sur le terrain, l’agriculteur peut l’estimer à partir des données météorologiques, des caractéristiques du sol et de celles du cycle de végé-tation de chaque culture. Certains logiciels, comme IRRINOV®**, permettent aux agriculteurs de calculer la quantité d’eauà apporter par irrigation pour que l’ETR soit optimale.

* Pores, situés sur la membrane des cellules foliaires, qui régulent les échanges d’eau et de gaz (CO2, O2).

** IRRINOV® est une méthode de conduite de l'irrigation, mise au point par ARVALIS-Institut du végétal et un réseau de partenaires nationaux et régionaux.

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011VI

Les leviers à court terme2

Face à des sécheresses ponctuelles, les agriculteurs disposent d’une panoplie de réactionsà court terme dont la mise en œuvre dépend de leur appréciation, voire de leur anticipationde la situation. Cependant, la fréquence accrue des sécheresses les amène à envisagerdes changements plus profonds de leurs systèmes de culture et d’élevage, vers une plusgrande diversification et une plus grande souplesse pour s’adapter aux aléas du climat.

Il ne s’agit plus de savoir si l’agri-culture va devoir s’adapter à desconditions climatiques différen-tes de celles que nous connaissons,

mais bien comment elle va pouvoir le faire ». Telle était en 2006 l’une desconclusions de l’expertise collective« Sécheresse et Agriculture » menéepar l’Inra à la demande des ministè-res de l’Agriculture et de l’Environ-nement à la suite des épisodes desécheresse successifs de 2003, 2004 et2005. Cette expertise, qui a mobilisé

plus de trente experts, a fait le pointsur les connaissances les plus récentessur la sécheresse et sur les moyens deréduire la vulnérabilité de l’agricul-ture face au manque d’eau. Il apparaîtqu’au niveau individuel, les agricul-teurs disposent de deux grands typesde leviers : à court terme, intra-annuel, pour pallier une sécheresseponctuelle, et à long terme, pourconcevoir des systèmes de cultureintrinsèquement plus résistants. Cesderniers font largement appel à la

recherche (voir en partie 3).

Le gain de l’anticipationPour ce qui est des leviers à courtterme, leur efficacité dépend fortement

de la possibilité d’anticiper la séche-resse le plus tôt possible dans l’année.Une étude de l’Inra l’a montré pour lelevier irrigation, dans le cas d’ un agri-culteur « représentatif » du Sud-Ouest,qui répartit sa surface cultivée entretrois systèmes : monoculture de maïs,rotation blé dur/sorgho, rotation blédur/tournesol. Les pertes de profit del’agriculteur peuvent atteindre 54%s’il ne peut pas anticiper les interdic-tions d’irrigation en période d’étiage(lorsque le niveau des rivières est au

plus bas) lors des années sèches. Alorsque si l’information est connue avantmi-juillet, il peut ré-optimiser ses tac-tiques d’irrigation et la perte peut res-ter inférieure à 15%. La même étudemontre que les décisions de plus longterme de l’agriculteur (réallocation deses surfaces entre les trois systèmes)atténuent considérablement la perterésultant des interdictions d’irrigation,qu’elle soit ou non anticipée (-1,8%).Mais l’anticipation n’est pas toujourspossible. Cette année, la situation de

sécheresse n’a été vraiment constatéequ’au mois de mai, comme en témoi-gne Frédéric Levrault, de la chambred’agriculture de Poitou-Charentes,une région particulièrement tou-

chée (1). Selon cet observateur privi-légié, « même si la recharge des aquifè-res avait diminué en mars, on espérait des pluies en avril. Le vrai constat n’est venu qu’en avril-mai ». Même témoi-gnage côté élevage, de la part de Pas-cale Pelletier, ingénieur régionalFourrages à ARVALIS-Institut duVégétal dans la région voisine (2) :« A Pâques, la pousse d’herbe était cor-recte, le déficit hydrique n’a été évident que fin avril-début mai. Ce qui a sur-

 pris ensuite, c’est l’ampleur de la séche-

resse, ajoutée aux fortes températures :  fin avril, il y avait trois semaines d’avance en degrés cumulés ».

Elevage : aliments diversifiéset stocksDu côté de l’élevage, « les éleveurs com-

 plémentent depuis la fin mai, il y a unénorme manque de fourrage, poursuitPascale Pelletier. En Indre et dans leCher, les pailles (orge, blé) ont été réqui-sitionnées pour compléter la nourrituredes animaux, il est interdit de les broyer 

 pour les restituer au sol ». Autre solu-tion : l’implantation de cultures déro-bées sur les terres libérées précocementpar les cultures d’hiver, récoltées avecdeux à trois semaines d’avance. Les

«

© Inra / Jean Weber

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 VII

espèces semées sont des graminéesfourragères à croissance rapide (ray-grass d’Italie, millet perlé...). Ces cultures ont bénéficié, par chance, despluies de juin et juillet. Troisième solu-tion, l’ensilage de céréales immaturesdès fin mai.A un degré d’anticipation supérieur,l’utilisation d’espèces fourragèresmoins sensibles à la sécheresse commela luzerne peut limiter les dommages.De même que la constitution de stocksd’herbe. L’Inra de Toulouse (3) a déve-loppé un logiciel, Herb’âge, qui permetd’optimiser la récolte d’herbe dans lesprairies permanentes en calculant lestade de maturité de la végétation enfonction de la somme des tempéra-tures écoulées depuis la dernièrecoupe. Certaines chambres d’agri-culture utilisent cet outil pour don-

ner des conseils sur la date de fauchevia les bulletins des réseaux d’avertis-sements « Gestion de l’herbe ». Parexemple, ce bulletin du 23 mai 2011,diffusé par la chambre d’agriculturede la Creuse qui indique que « le cumul des 1 000°C étant dépassé, toutes les

 graminées sont au stade épiaison et qu’il  faut faucher sans attendre ». L’équipe de

l’Inra de Toulouse développe paral-lèlement des modèles de rechercheplus complexes visant à concevoir lessystèmes les moins risqués par rap-port à la variabilité du climat et à sonévolution à long terme.

• Du maïs à la combinaison céréales/prairieThierry Morineau* possède 63 vaches laitières et 50 génisses et 102 ha dansles Deux-Sèvres (charge : 1,2 UGB/ha) en système élevage/polyculture.

« Alors que la plupart de mes voisins nourrissent leurs animaux avec du maïs irrigué, j’ai peu à peu remplacé mes surfaces en maïs par des prairies, explique Thierry Morineau. Car, pen-dant plusieurs années de sécheresse consécutives, le maïs a peu donné et je ne voulais

 pas investir dans un système d’irrigation. J’ai commencé en 2002 avec 5 ha de prairies (trè-fle blanc et ray-grass-anglais). J’y ai ajouté 28 ha après la canicule de 2003 pour augmenter le temps de pâturage. Maintenant, dès la fin mars, les vaches sont dehors toute la jour-née, et jour et nuit à partir de mi-avril. Elles tournent quatre à six jours par parcelle : quand l’herbe est descendue jusqu’au talon de ma botte, je les change de parcelle pour ne pas épui-ser la végétation. Cette année, les vaches ont consommé au printemps le maïs ensilé et lesilo d’herbe mis en réserve l’année d’avant, que j’ai complété avec du triticale ensilé en grain

immature. Mais elles ont pu aussi pâturer pendant la journée sur la luzerne qui est « repartie » en juin et sur le festulolium**, en attendant les récoltes de sorgho et de maïs ».* Thierry Morineau a participé à la « première journée technique régionale prairies et variétés fourragères », co-organisée par l’Inraet les chambres d’agriculture du Poitou-Charentes, le 14 juin à Lusignan en plein contexte de sécheresse.

** Le festulolium est issu d’un croisement entre le ray-grass et la fétuque. Des travaux conduits à l’Inra de Lusignan dans les années 80 ont montré que l’utilisation d’une espèce ancestralede fétuque dans les croisements apporte des qualités de digestibilité et de pérennité particulièrement intéressantes.

• Le paquet sur les stocksUn système herbager biologique est en place à la ferme expérimentale Inra de Redon, vers Clermont-Ferrand, 800 m d’alti-tude, avec 120 brebis allaitantes sur 24 ha dont 10 de prairies temporaires (charge : 0,85 UGB/ha).

« En système biologique, nous sommes obligés de tendre vers une autosuffisance pour l’alimentation, indique Marc Benoit* car les aliments concentrés coûtent très cher. Notre système a été conçu en 2000 par modélisation** et nous l’avons adapté en 2005.Les principaux leviers pour atteindre une autonomie élevée sont la diversité des prairies, le recours maximum au pâturage, laculture de mélanges céréales/protéagineux, et l’étalement des mises bas : celles-ci se font sur deux, voire quatre périodes del’année (février, avril, septembre, novembre), ce qui permet de répartir les besoins alimentaires sur l’année. Notre stock de four-rages peut couvrir de 50 à 70% des besoins annuels. L’objectif actuel est d’identifier le taux de chargement qui permet  d’acquérir une autonomie alimentaire très élevée sur le long terme ».* Ingénieur dans l’Unité de Recherches sur les Herbivores, Inra de Clermont-Ferrand-Theix.

** Benoit et al . 2009. Inra Prod. Anim. 22 (3), 207-220.

Deux exemples de systèmes d’élevage autosuffisants en fourrages

LES PÂTURAGES sont des milieux très diversifiés où la consommation d’herbe dépend toujours

des mêmes facteurs : conduite de l’éleveur, type de prairie, caractéristiques des animauxet aliments complémentaires (fourrages, concentrés, minéraux...).

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Blé tendre :20%

Blé dur :10%

Ensilage :21%

Prairiestemporaires :

20%

Prairiespermanentes :

13%T   o u  r  n e s  o l   :   7  % 

T r i t i c a l e  :  5 % 

Ray-Grass italien

4%

L’expertise collective souligne la fragi-lité des systèmes d’élevage, l’éleveurdevant assurer chaque année uneration relativement incompressiblepour nourrir ses animaux alors que laquantité de fourrages peut varier de

Le système diversifiéde Thierry Morineau

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011VIII

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    D    O    S    S    I    E    R

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plus de 50% autour de la moyenne enpériode de sécheresse. Chaque éleveurdoit donc définir son niveau « d’auto -protection ». Pour les élevages à l’herbe,on estime qu’une demi-année de stockd’avance constitue une bonne sécu-rité. Des adaptations structurellesconsistent à raisonner la charge desanimaux, le choix des races, les datesdes mises bas (voir encadré page VII).

Cultures : irrigationet assolementD’après l’expertise collective, les prin-cipaux leviers à court terme en gran-des cultures pour réagir à unesituation de sécheresse sont l’ajuste-ment de l’irrigation et de l’assolement,sous condition d’une anticipation suf-fisante. Ainsi, en 2005 et 2006, desalertes ministérielles précoces dès les

mois de février-mars avaient permisde privilégier des espèces plus résis-tantes à la sécheresse, avec une aug-mentation de la sole de sorgho et detournesol, et une diminution de lasole de maïs.Cependant, alors que la fréquence dessécheresses risque d’augmenter, lesadaptations d’assolement observées  jusqu’à présent semblent essentiel-lement conjoncturelles et non dura-bles : même s’il diminue, le maïs grainreprésente en surface le double de

l’ensemble : sorgho + tournesol +soja. En 2011, la sole de sorgho graina diminué de 13% par rapport à2010 (4). Cette situation s’expliquedu fait que d’autres paramètres ent-rent en ligne de compte dans le choixdes agriculteurs et peuvent freiner lesévolutions. Paramètres techniques :

défaut de productivité (tournesol),problèmes de désherbage (sorgho) ouparamètres économiques : évolutionsdes prix et des aides de la PAC (oléa-gineux), structuration des filières (sor-gho). La solution passe par ladiversification, qui donne à l’agricul-teur une souplesse pour assurer saproduction. Il s’agirait de combinerdes systèmes de cultures pluviales etirriguées à l’échelle d’un bassin versant

en fonction des ressources disponi-bles (cours d’eau et nappes). Un pré-requis serait l’établissement d’une basede données indiquant les systèmes deculture viables dans chaque contextepédoclimatique. Un dispositif lourdà mettre en place, mais qui permet-trait des négociations entre acteurs

« Quand il y a eu prise de conscience de la sécheresse, il était trop tard pour les cultu-res d’hiver, le blé tendre, le blé dur, l’orge, le triticale, les assolements étant déjà en place.En Poitou-Charentes, on estime que le rendement des céréales à paille a baissé en 2011de 20 à 50% par rapport à la moyenne des dernières années. La seule adaptation pos-sible était l’irrigation en fin de cycle - elle s’est pratiquée de fait à large échelle - mais ces

 prélèvements hypothéquaient les possibilités ultérieures d’irrigation des cultures de printemps. Même si le maïs a été semé plus tôt, les agriculteurs ont été amenés àdemander par deux fois des dérogations pour pouvoir irriguer malgré les interdictionsadministratives. Finalement, la crise s’est estompée avec une centaine de mm d’eau tom-bée fin juillet. La sécheresse de cette année pose donc à nouveau la question des sur-faces en maïs tenables en fonction des réserves d’eau disponibles ou éventuellement àconstruire. Le point de vue des agriculteurs irrigants a évolué au cours des dernièresannées car ceux-ci sont conscients de la situation : la sole de maïs a tendance à dimi-

nuer et il y a un avancement indéniable des dates des semis et un choix préférentiel devariétés plus précoces. Mais pour bien suivre ces évolutions, il nous faudrait des indi-cateurs géographiquement détaillés des pratiques culturales, des surfaces et des ren-dements pour chaque culture ».

« Il nous faudrait des indicateurs des pratiques culturales »

LE DISPOSITIF PÉPISTA mesure le diamètre des branches au 100 e de mmprès. Une contraction supérieure aux fluctuations normales jour-nuitindique que la plante manque d’eau et risque de puiser dans ses réserves,entre autres les fruits, qui vont arrêter de se développer.

          Q

pour la ressource eau à l’échelle duterritoire (voir partie 3).

Les arbres fruitiers protégésCes productions sont en généralmoins sensibles à la sécheresse queles cultures annuelles ou l’élevage, carles trois quarts des vergers sont irri-gués en France. Il existe des appareilspermettant de piloter l’irrigation trèsprécisément selon les besoins de la

plante. Un dispositif breveté dans lesannées 1980 par l’Inra d’Avignon,appelé Pépista, mesure les variationsde diamètre des branches qui reflè-tent l’état d’hydratation des tissus : il y a contraction quand il y a perted’eau (voir photo). Cet appareil estcommercialisé par la société Agrores-sources, à Avignon, qui le loue à desproducteurs pour une saison afinqu’ils « étalonnent » leurs vergers.C’est-à-dire qu’ils déterminent à quelétat hydrique du sol (mesuré par un

tensiomètre) correspond le début destress hydrique chez l’arbre (mesurépar Pépista). Cela leur permettra parla suite de déclencher l’irrigation seu-lement en cas de besoin. On estimeque ce dispositif permet des écono-mies d’eau de 25 à 30%. Si les épisodesde sécheresse se multiplient, l’usagede ces méthodes fines de pilotage del’irrigation pourrait se développer.

(1) Départements des Deux-Sèvres, de la Vienne,

de la Charente et de la Charente-Maritime.(2) Départements de l’Indre, du Cher, de la Creuseet de la Haute-Vienne.(3) UMR « Agrosystèmes, agricultures, gestion desressources, innovations et ruralités »,www.agir.toulouse.inra.fr/agir(4) source : Agreste Conjoncture, septembre 2011.

   ©   I  n  r  a   /   C   l  a  u   d  e   B  u  s  s   i

Témoignage de Frédéric Levrault, chambre d’agriculture de Poitou-Charentes

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 IX

Les leviers à long terme3

Le levier le plus directementcontrôlable pour les agricul-teurs est le choix des variétés.C’est pourquoi la conception

de variétés tolérantes au manqued’eau fait l’objet de nombreusesrecherches à l’Inra. Cependant l’a-daptation à la sécheresse met enœuvre des caractères complexes etinterdépendants impliquant chacunde nombreux gènes. « Il n’y a pas de

bon ou de mauvais caractères pour latolérance, explique François Tardieu,directeur de recherche au LEPSE (1)et coordinateur du projet européenDROPS (voir encadré), tout dépend

du scénario climatique et des caracté-ristiques du sol, le gène miracle n’existe

 pas ». Par exemple, l’augmentationdu développement racinaire ne serafavorable que s’il permet à la planted’accéder à des ressources supplé-mentaires. Si ce n’est pas le cas, lecoût en carbone de ces racines peutpénaliser le rendement. Autre illus-tration, lors d’un stress hydriquemodéré, le maintien de la croissance

foliaire favorise la photosynthèse etpar conséquent le rendement. Dansdes conditions plus sèches, ce carac-tère, qui induit aussi une évapo-transpiration élevée (voir partie 1),

peut provoquer un épuisement plusrapide de l’eau dans les sols voire lamort des plantes. Comme le souli-gne le chercheur « On ne pourra

 jamais obtenir des plantes qui main-tiennent leur productivité sans unniveau élevé de transpiration, il faut donc trouver un compromis entre pro-tection et productivité  ». Ainsi, l’amélioration génétique doit prendreen compte la réponse globale des

plantes face au manque d’eau, et ce,pour chaque contexte pédoclima-tique (dates, intensité et fréquencedes sécheresses, sol plus ou moinsprofond...).

A l’avenir, l’agriculture devra produire plus dans un contexte de ressource en eau limitée.Pour relever ce défi, les scientifiques de l’Inra explorent toutes les échelles d’analyse,de l’amélioration variétale à la gestion territoriale de l’eau en passant par la conceptionde systèmes de culture innovants. La modélisation joue un rôle central pour gérerla complexité des différentes approches et trouver une cohérence globale.

Quelques exemples de recherches.

LA PLATEFORMEPhenoArch de l’Inrade Montpellierpermet l’analysephénotypiqueautomatiséede 1 650 plantes.(Ici du maïs).

          Q© Inra / UMR LEPSE

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011X

Génotypes virtuels,intérêt bien réelDans cette optique, les scientifiquesdu LEPSE ont développé uneméthode qui permet de simuler lecomportement de divers génotypespour un grand nombre de scénariosclimatiques. Elle a d’abord été appli-quée à la croissance des feuilles oudes organes reproducteurs chez lemaïs (voir dossier Biotechnologiesvertes dans l’Inra Mag n°15). Lesgénotypes (l’ensemble des gènes) sontcorrélés statistiquement aux phéno-types (expression des caractères) parl’observation d’un grand nombre deplantes, ce qui permet de révéler quel-les régions du génome sont impli-quées dans un caractère donné. Cesexpérimentations, menées en condi-tions contrôlées, autorisent aussi

 l’analyse des effets des différentes ver-sions des gènes (les allèles) sur le carac-tère correspondant en réponse àl’environnement. Grâce à la modéli-sation, il devient alors possible dedéterminer quelles combinaisons d’al-lèles seraient les plus intéressantes dansune région donnée pour des scéna-rios climatiques actuels ou anticipés.Les chercheurs testent non seulementles combinaisons alléliques des géno-

types existants, mais ils peuvent ima-giner et tester des génotypes virtuels.Ces derniers serviront ensuite deguide pour les sélectionneurs.

Systèmes de culture : mieuxvaut prévenir que guérirAu-delà de la tolérance intrinsèquedes plantes, c’est l’ensemble du sys-tème de culture qui doit être adapté àune disponibilité en eau incertaine.

Devant cet aléa, l’objectif est d’opti-miser la rentabilité sur plusieursannées, plutôt que de viser la perfor-mance annuelle. L’enjeu est de taillepour la recherche qui doit trouverdes stratégies cohérentes en jouantsimultanément sur de multiplesleviers interdépendants : assolements,variétés et conduites culturales. Stra-tégies qui doivent par ailleurs prendreen compte d’autres contraintes, tellesque la réduction de l’utilisation despesticides.

Tout d’abord, les assolements peuventêtre raisonnés en introduisant desespèces plus tolérantes, moins gour-mandes en eau ou dont les besoinsinterviennent en dehors de l’été. C’estainsi qu’une étude menée en 2006 parArvalis-Institut du végétal en Poitou-Charentes a analysé les meilleurs asso-lements à mettre en place dans le casd’une réduction de 15 à 30 % des quo-tas d’irrigation. Il apparaît que lasubstitution du maïs par le sorgho, letournesol ou les céréales à paille n’est

intéressante que pour les exploitationsayant un faible quota initial. Avec unquota plus élevé, c’est le maïs, conduiten rationnant l’eau, qui reste avanta-geux. Si les restrictions sont plus fré-

Dans le cadre du projet Européen Drops*, l’Inra et ses quinze par-tenaires publics et privés vont tester en vraie grandeur la démarcheemployée au LEPSE. Trois espèces bénéficiant à la fois d’un fort inté-rêt économique et d’une solide base de connaissance au niveaugénétique sont concernées : le maïs, le blé tendre, le blé dur. En plus

de la croissance des feuilles et des organes reproducteurs, le projets’intéressera à d’autres mécanismes d’adaptation comme le taux d’a-vortement des grains, l’architecture du système racinaire et l’effi-cience d’utilisation de l’eau (rapport transpiration/biomasse produite).Le projet a pour objectif d’améliorer les capacités de phénotypagepour chacun de ces caractères mais aussi d’identifier les régions dugénome qui les déterminent et les marqueurs génétiques permettantde connaître la composition allélique de chaque génotype. In fine, cesdonnées seront intégrées dans des modèles de fonctionnementdes cultures qui simuleront la réponse globale des plantes en fonc-tion de leurs caractéristiques génétiques et du scenario climatique.Ces outils et méthodes permettront aux sélectionneurs de créerdes variétés qui seront plus tolérantes au stress hydrique et/ou

plus efficientes dans l’utilisation de l’eau tout en étant adaptéesaux diverses conditions pédoclimatiques européennes de demain…ou d’après-demain.

* Drought tolerant yielding plant. www.drops-project.eu

Drops : vers des variétés tolérantes « sur mesure »

   ©   I  n  r  a   /   L   é  o

  n  -   L  o  u   i  s   D  a  m  o  u  r

DES R ESTRICTIONS D’EAU plus sévères à l’avenir pourraient rendre intéressantela substitution du maïs par d’autres cultures comme le sorgho ou le tournesol.

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 XI

quentes, la part des cultures irriguéesau printemps doit augmenter. Cetteétude a utilisé un logiciel développépar l’Inra et Arvalis-Institut du végétal.Baptisé LORA, il se base sur le tauxde satisfaction des besoins en eau desplantes pour calculer la marge écono-mique de l’exploitation en fonctiondes possibilités d’irrigation et de lamain-d’œuvre. A l’avenir les cher-cheurs espèrent préciser la relationeau-rendement du logiciel et étendreses possibilités à la sole non irriguée.

Règles de bonne conduite…des culturesLe raisonnement conjoint du choixvariétal et de la conduite de cultureen fonction de la disponibilité en eauest également une voie prometteused’amélioration. On peut en effet envi-

sager deux stratégies d’adaptation quifont appel à des variétés aux caracté-ristiques différentes combinées à desconduites adaptées. La première, l’es-quive, consiste à décaler les stades lesplus sensibles du développement dela plante (souvent la floraison) endehors des périodes de stress hydriqueles plus probables. On utilise alors desvariétés à cycle court et/ou aptes à êtresemées plus tôt. Cette stratégie a néan-moins un coût : en réduisant la duréedu cycle, on pénalise le rayonnement

intercepté, donc le rendement acces-sible les bonnes années. Autre straté-gie : le rationnement. Il s’agit deréduire soit la transpiration des plan-tes soit l’évaporation du sol pendant lapremière partie du cycle afin deconserver de l’eau pour la phase deremplissage des grains. Deux types devariétés et de conduites permettentd’atteindre cet objectif. Une variété àfermeture rapide des stomates ou àindice foliaire modéré peut êtreconduite avec une faible densité de

peuplement et une fertilisation azo-tée réduite pour limiter la transpira-tion. A l’opposé, on peut rechercherà « couvrir » rapidement le sol pour enlimiter l’évaporation. Une variété précoce conduite avec une plus fortedensité de semis et une fertilisationsuffisante sera alors plus adéquate.Pour jongler avec tous ces paramètresafin de raisonner stratégie et variété enfonction des scénarios de sécheresse,les chercheurs ont mis au point desmodèles dynamiques qui « miment »

le fonctionnement des plantes enfonction de leurs caractéristiques etde leur environnement (climat, sol,conduite). Ainsi, le modèle SUNFLO,développé pour le tournesol par les

chercheurs de l’UMR AGIR, permetde combiner plusieurs caractères phé-nologiques (durée de la phase post-floraison), morphologiques (surfacefoliaire) et physiologiques (vitesse defermeture stomatique...) afin de lestester sur le long terme dans desconditions pédoclimatiques variées.Le modèle prend en compte les carac-téristiques de chaque variété à partir

de données de phénotypage mésuréesau champ et en serre. Les scientifiquesont ainsi mis en lumière l’importanced’une fermeture précoce des stomatesdans des milieux où la contraintehydrique est précoce et prolongée. Al’inverse, en milieu plus favorable, ilconviendra de favoriser l’interceptiondu rayonnement et donc la photo-synthèse. Outre la définition d’unmode d’emploi pour les variétés, cetoutil devrait permettre d’améliorerles performances du système d’éva-

luation variétale. Des expérimenta-tions virtuelles venant compléter lestraditionnels essais multilocaux etpluri-annuels permettront d’élargirles situations pédoclimatiques étu-

diées. Pour plus de précision, les cher-cheurs travaillent actuellement à inté-grer les liens entre pratiques culturaleset développement d’une maladie dutournesol, le phoma, responsable depertes de rendement aggravées enconditions sèches.

La gestion spatiale de l’eau,nouveau territoire

de rechercheLa raréfaction de la ressource en eau,tout comme la dégradation de sa qua-lité, fait apparaître des problèmes quivont bien au-delà des échelles de laplante, de la parcelle ou de l’exploi-tation. Il s’agit des conflits d’usages àl’échelle des territoires. En tant queconsommateur de la ressource, l’agriculture se retrouve en concur-rence avec les usages domestiques (eaupotable) et industriels mais aussi envi-ronnementaux. L’Inra s’attache depuis

plusieurs années à prendre en comptecette nouvelle échelle d’analyse quisert de support à de nombreuses poli-tiques publiques (aménagement duterritoire, développement écono-

LES CHERCHEURS MODÉLISENT les caractéristiques des variétés de tournesol pour déterminerles meilleures stratégies de culture face à divers scénarios de sécheresse.

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+d’infos

Oweb :Le dossier Web :www.inra.fr/la_science_et_vous/secheresse_et_agricultureLe dossier du Ciag « Productionsvégétales et sécheresse » :www.inra.fr/ciag/revue/volume_2_juin_2008

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Dossier rédigé par GéraudChabriat et Pascale MollierResponsables scientifiques :Christian Huyghe etJean-François Soussana

(1) Laboratoire d’écophysiologie des plantes sous stressenvironnementaux, Inra de Montpellier.(2) Directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000établissant un cadre pour une politique communautairedans le domaine de l’eau.

mique, protection de l’environ-nement...). En effet, pour l’eau commepour la forêt ou la biodiversité, la ges-tion des ressources naturelles sur lelong terme ne peut se dissocier de celledu territoire. La gestion de l’eau estainsi passée peu à peu d’une logiquede gestion des flux pour chaque usageà une gestion spatiale et intégrée. Ladirective cadre sur l’eau (2) témoigned’ailleurs de cette tendance en impo-sant des préconisations à l’échelle dubassin versant telles que la lutte contrel’imperméabilisation des sols ou lapréservation des champs d’expansionde crue. Pour les gestionnaires de l’eau,répondre à ces exigences revient doncà influencer les divers modes d’occu-pation des sols au travers de politiquespubliques (création de barrages, tari-fication, mesure incitative ou régle-

mentaire). Dans une perspective dedéveloppement durable du territoire,les évolutions envisagées doivent tenircompte de critères économiques,sociaux et environnementaux.Afin d’assister les gestionnaires de l’eaudans leur choix, des chercheurs desUMR AGIR et LERNA du centre Inrade Toulouse ont développé un modèlemulticritère et multi-usage. Ce der-nier simule la demande en eau et lesprofits liés à chaque usage. L’activitéagricole y est plus particulièrement

détaillée grâce à un modèle mécanistequi prend en compte la croissance descultures et leur besoin d’irrigation. Enparallèle, un modèle hydraulique per-met de quantifier l’offre en eau en toutpoint du réseau hydrographique. Lemodèle générique ainsi obtenu a étéappliqué à un bassin versant du Sud-Ouest, le système Neste, dans lequell’irrigation des cultures pose un pro-blème de pénurie d’eau en périoded’étiage. Il permet par exemple de tes-ter quelles pourraient être les alloca-

tions optimales en fonction del’évolution de paramètres climatiques,économiques, agronomiques ou régle-mentaires. Puis de tester les politiquespubliques adaptées pour se rappro-cher de cet objectif. Ce modèle a étédéjà utilisé pour explorer des systè-mes de tarification innovants pourl’eau d’irrigation.

Créer les conditionsdu dialogueToujours pour le système Neste, les

chercheurs de l’UMR AGIR ont déve-loppé un outil original destiné auxdifférents acteurs ou porteurs d’enjeux. Il leur permet de construireet d’évaluer des scénarios de distri-

bution des systèmes de culture sur leterritoire. En effet, la planification dela gestion de l’eau fait souvent appelà des instances de concertation oudes débats publics dans lesquels diversacteurs proposent leur vision de l’aménagement du territoire, y com-pris des systèmes de culture. Pourque ces points de vue soient mieuxpris en compte par des gestionnairescomme les agences de l’eau, il estimportant de les préciser et d’évaluer

leurs conséquences. « Cette nécessité est apparue lors du débat public sur laconstruction du barrage de Charlas,raconte Delphine Leenhardt, cher-cheuse à l’UMR AGIR, un collectif d’opposants au projet proposait unenette diminution des surfaces irriguéesde maïs, mais sans préciser à quelsendroits les remplacer et par quellescultures. Ce qui peut affaiblir la perti-nence de la proposition ». Le modèledécrit très finement la répartition

BARRAGE DE GABAS dans les Pyrénées. Doit-on modifier les systèmesde cultures ou augmenter la ressource en eau ? L’Inra apporte des outilspour éclairer le débat.

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actuelle des systèmes de culture maisaussi le déterminisme de leur locali-sation (nature et pente des sols, taillede l’exploitation, orientation tech-nique, climat...). Un des défis de laméthode résidait dans la conversionde discours qualitatifs en élémentsd’entrée du modèle. Une interface ori-ginale a été conçue pour aider à pré-ciser puis quantifier ce type depropositions et prendre ainsi plus detypes d’acteurs en compte. Basées sur

un modèle bio-décisionnel, les simu-lations permettent ensuite de délivrerdes indicateurs tels que la demandeen eau d’irrigation ou le rendementéconomique des cultures. G

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Bientôt des vignes ré sistantesau mildiou et à l’oïdium

Depuis fin août, les vendanges battent leur plein au domaine expérimental Inra de Montreuil-Bellay, près d’Angers. Les chercheurs récoltent le fruit de leur travail : des vignes durablementrésistantes au mildiou et à l’oïdium. Encore quelques années d’essais chez les professionnelset ces obtentions seront présentées à l’inscription au catalogue des variétés en vue de leurcommercialisation.

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Gérard Barbeau, directeur de l'Unité expérimentaleVigne et Vin du centre Inra Angers-Nantes, nous faitvisiter les essais menés à Montreuil-Bellay« Nous étudions environ 450 croisements résultant 

d’hybridations entre des géniteurs portant chacun un typede résistance différent, issu des vignes américaine et asiatiqueet d’une espèce cousine de la vigne : la muscadine ».L’association de trois sources de résistance portéespar des gènes différents la rend plus difficile à contournerpar les maladies et constitue donc un gage de durabilité.Le programme de création de vignes de cuve résistantes etde qualité est mené et coordonné par Christophe Schneiderde l’Inra de Colmar, où sont réalisés les croisements et le triprécoce, basé sur la sélection assistée par marqueurset des tests biologiques en conditions contrôlées.Ce programme a démarré en 2000, à partir des travauxconduits sur les résistances de la muscadinepar Alain Bouquet de l’Inra de Montpellier.

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Six candidats à l’issuede la première vague de testsLes obtentions retenues en tri pré-coce accèdent à l’étape de sélectionintermédiaire, qui est basée sur unréseau d’essais Inra implanté dansplusieurs régions (1). Ce qui permetd’avoir une bonne vision du com-portement des obtentions dans lesdifférentes zones climatiques fran-çaises, en comparaison de deux varié-tés témoins : le Chardonnay, trèssensible à l’oïdium, et le Merlot, sen-sible au mildiou et à l’oïdium. « Nousévaluons la résistance chaque année àtrois stades, précise Gérard Barbeau, la

 floraison, la fermeture de la grappe(quand les baies de raisin ont suffi-

samment grandi pour se toucher) et lavéraison (quand les baies changent decouleur et de texture, passant de « dur »à « souple »). Outre la résistance aumildiou et à l’oïdium, nous surveillonsaussi le déroulement du cycle de lavigne et analysons le rendement et laqualité des baies. Parmi les 450 croise-ments, 110 ont été plantés en 2004 et 

 2005 : nous avons ainsi un recul de plusieurs années sur leur comporte-ment. Les autres, plantés plus récem-ment, en 2008 et 2009, sont en cours

d’évaluation ».

Depuis 2008, les obtentions les plusprometteuses sont vinifiées en blancs,

rosés ou rouges et évaluées par un jury d’analyse sensorielle.Ces essais ont abouti à choisir six can-didats de façon concertée entre lesquatre lieux d’expérimentations.

Evaluation en vraie grandeurEn 2011, ces six candidats ont étéplantés en parcelles d’études chez lespartenaires du développement dansplusieurs régions pour une évalua-tion en vraie grandeur, respectant lecahier des charges de l’examen VATE

(Valeur Agronomique, Technologiqueet Environnementale) du CTPS (2).Ils devraient donner lieu à des pro-positions d’inscription au Catalogueofficiel à l’horizon 2016. «  A Mon-treuil-Bellay, les plantations de ce typedémar reront en 2012 et seront réali-sées ici, à la station expérimentale, sur la partie labellisée Plateforme régio-nale d’innovation (3) », conclutGérard Barbeau.Le programme pourrait égalementapporter des réponses à la filière viti-

cole dans le cadre de l’évolution ducontexte climatique et socio-écono-mique : gamme de maturité plusétendue, teneur en alcool plus faible.Il est prévu pour durer au moins jus-qu’en 2020. G

(1) Réseau RESDUR, qui regroupe le dispositif deMontreuil-Bellay et celui de trois autres sitesexpérimentaux de l’Inra : Bordeaux, Colmar et PechRouge, vers Narbonne.(2) Comité technique permanent de la sélection.(3) Les Plateformes régionales d’innovation sont des

actions de politique régionale visant à rapprocherrecherche, enseignement et développement.

+d’infosOcontacts : [email protected]@colmar.inra.fr

Le mildiou et l’oïdium, deux fléaux « durs à cuire »

Le mildiou et l’oïdium sont deux champignons parasites originaires d’Amérique duNord. Introduits en France à partir de 1845, ils ont failli anéantir les vignobles en raisonde la sensibilité des vignes d’origine européenne. Les viticulteurs mènent une batailleessentiellement chimique contre ces maladies qui, aujourd’hui encore, dévastent levignoble. Mais le recours aux traitements fongicides a été pointé au Grenelle de l’Envi-ronnement qui en préconise la réduction significative*. La façon la plus efficace dediminuer l’utilisation des fongicides sur la vigne est de créer de nouvelles variétésrésistantes aux deux parasites, ce que l’Inra est en train de réaliser.

* Actuellement, la vigne est l’une des cultures sur laquelle on utilise le plus de pesticides : 14% des dépenses phytosanitairesde l’agriculture chaque année, pour environ 3% de la surface agricole utile (chiffres 2009, Ecophyto R&D).

• sur les feuilles : feutre blanc poudreux

• sur les tiges : taches étoilées qui prennentune coloration brune à noire• sur les baies : coloration gris cendré, apparitionde spores qui leur donnent une apparence farineuse

• sur les feuilles : décolorations jaunâtres et duvet

blanc sur la face inférieure• sur les tiges : duvet blanc• sur les baies : les baies deviennent bleuespuis brunes, se dessèchent et durcissent

PRÉPARATION DES VENDANGES en vue de la microvinification individuelledes croisements.

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UN DES CROISEMENTS RÉSISTANTS au mildiouet à l’oïdium.

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Gérard Barbeau et Sylvia Marion

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Oïdium sur Chardonnay Mildiou sur Merlot

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 27

Après une année de travaux, le pilote de production d’éthanol de deuxième génération a ouvert ses portesà la recherche en septembre dans le cadre du projet Futurol. Il sera inauguré le 11 octobre prochain.Reportage photo sur le site de Pomacle-Bazancourt, près de Reims, commenté par Jean Tayeb, responsabledu projet Futurol à l’Inra.

Futurol, le carburant de demain se recherche aujourd’hui

Schéma de principe de la productionde biocarburants de deuxième générationLes biocarburants dits de « deuxième génération »valorisent les parties non alimentaires des plantes,alors que les biocarburants de première

génération sont produits à partir des réservesdes végétaux (sucre de canne, grains de bléou de maïs etc.). Le projet Futurol permet d’obtenirde l’éthanol à partir d’une grande diversité dematières premières : plantes dédiées (miscanthus,switchgrass, sorgho fibre), bois, coproduitsagricoles (pailles, pulpe de betterave), résidusforestiers et déchets verts.Ces matières premières sont transformées parvoie biologique en utilisant des bactéries, deschampignons et des levures. L’Inra possède dansce domaine un savoir-faire important. Cependant,pour passer de l’échelle de « la paillasse » à

l’échelle industrielle et produire du biocarburantau meilleur coût, nous avons identifié avec nospartenaires pas moins de 65 actions de recherche,dont une trentaine de thèses. Onze unités derecherche Inra sont impliquées dans le projet.

BIOMASSE PRÉTRAITÉE

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Prétraitement

Hydrolyseenzymatique

FermentationDistillation

BactériesChampignons

Levures

Enzymes

• PLANTES DÉDIÉES

• BOIS

• COPRODUITS AGRICOLES

• RÉSIDUS FORESTIERS

ET URBAINS

SUCRESFERMENTESCIBLES

ÉTHANOL

Le pilote est la première étape du projet Futurol qui vise la production industrielle d’éthanol de deuxième génération. Il sera suivi parla construction en 2015 d’un prototype (échelle x 20) avant la phase d’industrialisation (échelle x 1 000), le tout en huit ans. A terme,on estime qu’une unité de taille standard pourra produire 180 millions de litres d’éthanol/an. L’objectif est de développer un procédécommercial de production d’éthanol pour le marché mondial. Cela positionne la barre assez haut en termes de performances éco-

nomiques et environnementales, nécessaires pour conquérir un avantage concurrentiel. Le projet comporte d’ailleurs plusieurs thèses consa-crées uniquement aux performances environnementales du système.

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Cuves d'hydrolyse et cuves de fermentationLa cellulose et les hémicelluloses, deux des troisprincipaux polymères constitutifs de la matière végétale,sont transformées en sucres par des enzymesbactériennes et fongiques, sucres qui seront ensuiteconvertis en éthanol par les levures. Le troisièmecomposant, la lignine, sera utilisé avant tout poursatisfaire aux besoins en énergie du procédéde conversion et/ou être valorisé sur les marchésde la chimie et des matériaux.L’éthanol présente l’avantage d’être utilisable dèsaujourd’hui dans nos moteurs puisque directementmiscible à l’essence. De plus, les plantes utiliséescomme matières premières captent une partie du gazcarbonique produit par les véhicules, ce qui optimisele bilan carbone du système par rapport aux carburantsissus du pétrole.

Colonne de distillationLe « vin » produit lors de la fermentationpar les levures, est ensuite distillé dans

ces colonnes, puis rectifié pourfournir de l’éthanol.

Réacteur de production d'enzymesLe pilote Futurol comprend une chaîne de réacteurs de productiond’enzymes de 6 l, 60 l, 600 l et 6 000 l. Il peut traiter en continu environune tonne de matière première végétale par jour.

En conclusion, ce projet d’ampleur nationale et à vocation internationale, est l’occasion pour l’Inra d’apporter des réponsesaux enjeux du changement climatique, en participant dans son domaine, celui de la recherche finalisée, à des études appor-

tant des réponses opérationnelles. C’est un projet de grande taille et de moyen terme qui permet à des équipes de différentsorganismes de travailler ensemble pour trouver des solutions à l’interface entre les disciplines.

Futurol en chiffres

• Déjà 2 brevets déposés dans le domaine des enzymes (IFP Energies nouvelles et Inra)

• 1 société dédiée, SAS Procethol 2G

• 2 ans de montage du projet, 8 ans de R&D• 11 partenaires : R&D (ARD, IFP Energies Nouvelles, Lesaffre, Inra), indus-

triels (Champagne Céréales, ONF, Téréos, Total) et financiers (CGB, CréditAgricole, Unigrains)

• 15 sites et laboratoires

• 90 chercheurs et ingénieurs dont 50 à plein-temps

• 1 label pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources

• 76,4 millions d’euros dont 30 M€ financés par Oseo Innovation

Propos recueillis par Aline Waquet  +d’infosOcontact : [email protected] : http://projet-futurol.com

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 29

Paul Colonna, en quoi consistevotre mission dans un institutdont les thèmes de recherchefinalisée s’inscrivent depuislongtemps dans cette notionde durabilité ?Paul Colonna : Il y a la rechercheavec ses réflexions scientifiques d’unepart, et la pratique quotidienne deslaboratoires et des services d’appui à larecherche de l’autre. En effet, notre

institut est aussi un acheteur de bienset de services, un employeur, un acteurterritorial, et, à certains endroits, uneexploitation agricole presque ordinaireproche de cours d’eau ou d’habita-tions. Il ne suffit pas de dire que nosthématiques se préoccupent de déve-loppement durable, encore faut-il quenous menions notre propre diagnos-tic de l’impact économique, environ-nemental et social de nos activités.Pour prolonger la prise de conscienceinterne, l’Inra a dressé en 2009 son

schéma directeur « développementdurable ». Nous voulons mieux mesu-rer cette réalité et être force de pro-positions dans le cadre du Plan« exemplarité de l’Etat » (1). Neuf 

chantiers collectifs ont été ouverts, etquatre groupes échangent sur des thè-mes transversaux. Un schéma plu-riannuel a pour but d’entraîner lamajorité des agents à s’approprier cesnouveaux enjeux, en tant que person-nels travaillant dans l’Inra bienentendu, mais aussi en tant quecitoyens.

Comment illustrer concrètement

le champ de votre mission ?P. C. : Prenons par exemple l’IFT,l’indice de fréquence des traitementsphytosanitaires. Il devient aujourd’-hui le moyen, pour un agriculteur, dese situer et d’évaluer sa marge de pro-grès pour mieux contrôler les quanti-tés de produits à épandre. Mais toutesnos unités expérimentales utilisent-elles correctement cet indicateur ?Nous devons analyser les pratiques denos installations et mieux former lesagents de l’Inra ; et ce d’autant plus

que nos parcelles ont parfois étéenchâssées dans le tissu urbain,comme à Montpellier ou Rennes.Deuxième exemple : la vie dans unétablissement multisites repose aussi

sur des discussions et des décisionsprises collectivement ; la réunion clas-sique, coûteuse en déplacements etchronophage pour notre communautéa évolué vers les visioconférences etles échanges électroniques. Encorefaut-il peser les avantages et inconvé-nients de chaque solution technique, etson adéquation aux objectifs et auxparticularités des échanges d’infor-mations entre les acteurs.

Nous avons donc besoin d’évaluernotre activité et de caractériser notreimpact environnemental.

Quelles actions préciseset quels chantiers sonten cours ?P. C. : Un premier chantier a portésur le bilan carbone, pour identifierles priorités d’action où nous avonsde grandes marges de progrès. Cetteétude pilote a donné lieu à un docu-ment remis en avril 2011 (voir enca-

dré). Chaque centre a proposé desidées réalisables à plus ou moins lon-gues échéances. Des opérations ontpris corps, à l’Inra comme dans touteentreprise : le covoiturage, les vélos

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Vous avez dit durable ?

Paul Colonna est délégué scientifique « développement durable » à la Direction Généraledepuis deux ans. Il esquisse les difficultés et les succès de cette mission interne.

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INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 201130

Propos recueillis par Brigitte Cauvin

+d’infosOcontact :[email protected]

Le bilan carbone® dans quinze unités

En 2009-2010, l’Inra a réalisé, sur quinze sites représentatifs deses activités, une étude de sa consommation énergétique et de sesémissions de gaz à effet de serre (2). L’analyse a été conduite selonla méthode du « bilan carbone » développée par l’Ademe. La liste desentités choisies comprend le siège administratif à Paris, quelques uni-tés de recherche et plusieurs unités expérimentales. Ces dernièressont des lieux tout à fait inédits par rapport à des laboratoires clas-siques : on y trouve par exemple des troupeaux d’animaux de fermeou des machines agricoles, dans la même configuration que chez desagriculteurs, le tout côtoyant éventuellement un petit laboratoire.L’étude a commencé par le repérage et la formation d’un cor-respondant « bilan carbone » dans les unités participantes et d’unréférent « bilan carbone » à l’échelle du centre de recherche. Les infor-mations ont été collectées par poste d’achats : l’énergie, les « horsénergie » (matériels de production de froid ou animaux), les intrants(matériel ou réactifs de laboratoire), le fret, les déplacements, etc. Eneffet, de la précision des données dépendent la qualité des calculset les analyses qui en découlent. Trois visites d’étapes par site ontponctué le déroulement de la démarche. Par unité étudiée, ellesont permis d’élaborer un répertoire de préconisations, d’identifier despistes de travail, d’initier des plans d’action. Par exemple, sur unsite, faut-il s’équiper seul d’une chaudière à bois ou susciter unedynamique locale, hors Inra, pour construire une installation parta-gée avec des partenaires ? Et, prolongement direct de la question,l’approvisionnement en bois de chauffe sera-t-il réalisé de façon

« durable » ? Effectuer ces « bilans carbone » a apporté un atout sup-plémentaire à la réflexion.

mas de centre en 2012. Nous avonségalement prévu d’y traiter -explici-tement- de la question de notre inser-tion dans le territoire. Il ne s’agit pasd’enfourcher aveuglément des idéestoutes faites : nous devons évaluer cor-rectement la satisfaction de nosbesoins et construire les solutions avecdes partenaires en fonction des dyna-

miques locales lorsqu’elles existent. G

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collectifs pour la circulation locale, desvéhicules de service moins polluants, le

train plutôt que l’avion, la visio-conférence au lieu du déplacement,l’économie d’énergie des bâtiments etplus généralement des fluides... A titreindividuel, l’éco-conduite. Nous nouspréoccupons aussi de nos déchets,sachant que chaque centre gère lessiens selon leur nature et les modalitésétablies avec les instances locales.Sur des sujets plus en résonance avecl’activité de l’Inra, citons des actions encours ou des idées en réflexion : desavancées sur la méthanisation des

sous-produits aux Antilles, le rempla-cement des espaces verts entretenusmécaniquement par des prairies pâtu-rées par des animaux, la mise en placede refuges avec la Ligue de Protectiondes Oiseaux, un projet de serre expé-rimentale totalement revisité à Bordeaux pour maximiser surface cou-verte et durabilité, l’utilisation de res-sources énergétiques nouvelles, etc. Unrapport d’étape sera déposé d’ici la finde l’année 2011 pour illustrer cesinitiatives.

Est-ce difficile de mesurerl’activité de l’Inra ?Le dialogue, les impulsions,les échanges sont-ilsconstruits localement ?P. C. : Certes, cela vient modifier noshabitudes et peut engendrer un sur-coût, au moins temporairement.Cependant, en chacun de nous, lecitoyen entraîne le chercheur. Et les jeunes sont très sensibles à ces préoc-cupations. Aujourd’hui, un chargé de

mission « développement durable »exerce dans chaque centre, pour par-ticiper à la progression des chantiers.Des propositions concrètes verront le jour dans le cadre des nouveaux sché-

UNE ÉTABLE ÉCONOME en énergie et en eau, inaugurée en 2010 dans une unité expérimentale à Lusignandans la Vienne (centre Inra Poitou-Charentes) : l’instruction d’un tel projet et de son plan de financements’étale sur plusieurs années.

          Q

(1) Le 8 avril 2011, l’Inra a adhéré au club« développement durable » des établissementset entreprises publics, rejoignant ainsi la soixantained’adhérents déjà présents. Grâce à des échangesde pratiques entre organismes, à des rencontresde partages ou à travers des collectifs de travail, il s’agitpour l’Etat de tendre vers l’exemplarité en matièrede développement durable.www.gouvernement.fr/gouvernement/les-etablissements-et-entreprises-publics-s-engagent-dans-le-developpement-durable(2) « Vers un bilan des émissions de gaz à effet de serrede l'Inra. Retour d'expérience de l'étude pilote. Élémentsd'aide à la décision pour un déploiement ».

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INR A MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 31

 

Il est encore possible d’éviter la crise

alimentaire… Mais cela nécessitera deprofonds changements dans nos habitudesde consommation et de production

en Europe. Poursuivant les réflexions de laprospective Agrimonde - conduite par l’Inraet le Cirad - qui a scénarisé les systèmesalimentaires et agricoles mondiaux à l’horizon2050, l’ouvrage milite pour un changement,voire une rupture, des pratiques agricoleset alimentaires. « L’agriculture qui nourrirale monde en 2050 ne sera pas le prolongement de l’agriculture d’aujourd’hui » pronostiquel’ouvrage.

Chercheurs et agriculteurs devront s’organiserpour construire des solutions collectivesqui soient adaptées à une gestion durabledes ressources communes de la terreen s’appuyant sur la science et l’innovation.Selon les deux responsables d’institutsde recherche agronomique, il est nécessaired’accentuer les recherches biotechnologiques,agro-écologiques, économiques, socialeset humaines pour contribuer à renouvelerprofondément les savoirs et diffuserdes innovations utiles aux agriculteurs.

Afin de produire plus - et mieux - avec moinsde terres, d’énergie, de ressources naturelles…

Pour nourrir le monde, il faudra aussi consommer

mieux, moins, et surtout moins gaspiller toutau long de la chaîne alimentaire. Le régimealimentaire occidental n’est ni soutenable,ni généralisable s’il l’on veut éviter demaintoute crise alimentaire : « il faudra radicalement changer les comportements de chacund’entre nous comme au niveau collectif »notent les auteurs.

Enfin, pour limiter la volatilité excessivedes prix des denrées alimentaires de base,l’ouvrage recommande de repenser, recomposeret renforcer la gouvernance mondiale en matière

de sécurité alimentaire.

Ce livre nous éclaire sur la question crucialede l’agriculture et de l’alimentation en ce débutde siècle qui a déjà subi des émeutes de la faimet une menaçante volatilité des prix agricoles.

Cécile Poulain

O9 MILLIARDS D’HOMMES À NOURRIRUN DÉFI POUR DEMAINMarion Guillou & Gérard MatheronFRANÇOIS BOURIN EDITEUR, 2011, 420 P., 22  €

Repenserl’agriculture

          Q

    I    M    P    R    E    S    S    I    O    N    S

L’agriculture relèvera-t-elle l’immense défi de nourrir les 9 milliards d’hommesqui peupleront la terre en 2050 ? Oui ! répondent ensemble dans leur ouvrageMarion Guillou et Gérard Matheron, présidents respectivement de l’Inra et du Cirad.

pour nourrirle monde

Marion Guillou est à la tête de l’Institut national

de la recherche agronomique depuis 2000.

Gérard Matheron dirige le Centre de coopération

internationale en recherche agronomiquepour le développement depuis 2006.

INRA M AGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 31

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          Q

    I    M    P

    R    E    S    S    I    O    N    S

Deux botanistes

spécialisés

dans les inventaires

et la systématique

des plantes sont les

auteurs de cet

ouvrage. Plus de1 600 espèces sont

répertoriées,

associées à

1 500 cartes

de répartition

commentées. Trente

espèces n’avaient

jamais été signalées historiquement, et une

vingtaine, considérées comme disparues, ont

été redécouvertes. Accessible à tous publics,

c’est la première entreprise complète de haut

niveau scientifique depuis un siècle.

Elle couvre la trentaine de petites régions

écologiques des huit départements franciliens.

Un second tome est en cours de rédaction,

consacré aux clés de détermination.

en bref OGuide de rédaction scientifiqueL'hypothèse, clé de voûte de l’articlescientifiqueDavid Lindsay, adaptation française

de Pascal PoindronCe manuel propose une méthodeutile aux étudiants ou auxchercheurs débutants confrontés àla difficile épreuve de la rédactionde leur thèse ou de leurs articles.Il souligne le rôle essentiel del’hypothèse dans la constructionde la logique du discours et inviteà privilégier la structuredes articles plutôt que lagrammaire et la syntaxe.Éditions Quæ, juillet 2011, 158 p.,15 € 

O Éthique et rechercheUn dialogue à construireJean-François Théry, Jean-Michel

Besnier, Emmanuel HirschCe livre retrace le processusde création du Comité d’éthiqueet de précaution pour lesapplications de la rechercheagronomique. La démarched’éthique fait appel à desdisciplines autres que la biologie :la philosophie, l’anthropologie, jusqu’à la théologie lorsquele comité s’est saisi des OGMet du sens du progrès génétique.Éditions Quæ, collection Inra-Sciences en questions, septembre

2011, 88 p., 8,50 € 

OBIOTECHNOLOGIES VÉGÉTALES, ENVIRONNEMENT,ALIMENTATION, SANTÉSous la direction de Agnès Ricroch, Yvette Dattée,Marc FellousPréface d’Axel KahnEDITIONS VUIBERT (AVEC L’AFVB), JUIN 2011, 272 P., 25 €

Cet ouvrage très completse compose de vingt-deux

synthèses rédigées par lesmeilleurs spécialistes du sujet.L’amélioration des plantes estd’abord resituée dans l’évolution

des espèces cultivées,notamment par rapport à lanotion de « biodiversité » et enexplicitant les spécificités de laprotection commerciale desvariétés obtenues. Après unexposé des méthodes les plusrécentes, les auteurs montrentles avantages et les limites deces boîtes à outils techno-logiques, selon les objectifsvisés en environnement ou en

santé (tolérance aux herbicides, résistance aux maladies,production de biomolécules par des voies nouvelles, etc.). Unedernière partie laisse place à une réflexion critique sur l’arrivéedes biotechnologies végétales dans les agricultures mondiales.

OFLORE D'ÎLE-DE-FRANCEPhilippe Jauzein, Olivier NawrotEDITIONS QUAE, COLLECTION GUIDE PRATIQUE,OCTOBRE 2011, 1 000 P.,129 € (prix de lancement 99 € jusqu’au31 décembre 2011), 69,30 € en pdf

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OQUAND LE RAISIN SE FAIT VINPascale ScherommEDITIONS QUAE, COLLECTION CARNETS DE SCIENCES, AOÛT 2011, 224 P., 20 €

Le vin est l’un des plus anciens produits élaborés par l’homme. Il serait apparu entre8 000 et 5 000 ans avant J.-C., selon des vestiges de vinification découverts par les

archéologues. Cet ouvrage, tout en illustrations et en schémas didactiques, relate l’histoire

de la vigne et du vin depuis les premières récoltes sur les vignes sauvages jusqu’auxinnovations les plus récentes. Vous accéderez à l’univers contemporain du vinen voyageant à travers les régions, les cépages, les vendanges, la constructiond’une appellation, la fermentation ou encore la dégustation. Pascale Scheromm, chercheurà l’Inra, a destiné ce bijou à tous les amoureux du vin, professionnels ou amateurs.

OAnalyses économiquesdu paysageWalid Oueslati, coord.L’analyse économique du paysagese développe car ce concept,mobilisateur mais flou, peutrassembler des individus malgréla divergence de leurs intérêts.Cet ouvrage collectif, le seulen français, réunit les travauxde recherche les plus récentssur ce thème. Il est destinéaux chercheurs, aux étudiantset aux acteurs de l’aménagementdes paysages.Éditions Quæ, collection Update

Sciences & technologies, mars 2011,248 p., 38 €  (26,60 €  en pdf)

INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011

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OVIVRE AVEC LES ANIMAUX,UNE UTOPIEPOUR LE XXIè SIÈCLEJocelyne PorcherEDITIONS LA DÉCOUVERTE,COLLECTION TEXTES À L’APPUI/BIBLIOTHÈQUE DU M.A.U.S.S.,JUIN 2011, 168 P., 15 €

OProduction durablede biomasseLa lignocellulose des poacéesDenis PouzetLes parois lignocellulosiquesque les plantes élaborent parle processus de photosynthèseconstituent une importanteressource de moléculeset de fibres pour l'énergie, lesbiomatériaux et la chimie verte.Cette biomasse est renouvelable,abondante et sous-employée.L’ouvrage expose les potentialitésde productions de différentesplantes, à partir des modèlescanne à sucre ou Miscanthus.Éditions Quæ, collection Synthèses, juillet 2011, 224 p., 28 € 

J. Porcher, qui a pratiqué l’élevageavant de devenir chercheur

à l’Inra, décrypte la relation quel’homme entretient avec lesanimaux domestiques, etprincipalement ceux qui serventà la production des aliments dits« d’origine animale ».

La construction de l’ouvrage reflète l’évolutiondes pratiques d’élevage et des modes de pensée,cheminement que l’auteur nous fait partager à partirde sa propre expérience professionnelle et de ses

observations. Sans nier la nécessité de l’élevage, J. Porchercontinue à transmettre les clés de compréhension desrelations à l’animal et propose une utopie du « bien élever »les animaux dont les produits finissent néanmoins dansnotre assiette.

www.quae.com

c/oInra - RD 10 -F-78026VersaillesCedex

éditionsQuæ

OMicroscopie des plantesconsommées parles animauxJoselyne RechCe guide, agrémenté de 150planches de dessin de l’auteur,présente une méthode originaled'identification des plantesingérées par les animaux, grâceà l’observation de fragmentscontenus dans leur tube digestif,leur fèces, ou encore dans lesfarines alimentaires à base deplantes. Cette méthode peut êtreutile en toxicologie alimentaireou pour la traçabilité de produitsindustriels.Éditions Quæ, collection Guide pratique, mai 2011, 288 p., 49 € 

(34,30 € en pdf)

OL’agriculture comparéeHubert CochetDans ce livre qui se situe entresciences sociales et sciencesdu vivant, l'auteur expose l'intérêtde l'analyse comparative desmultiples formes de l’agriculture.Il utilise ses expériences derecherche et d’enseignementpour montrer que cette discipline,développée par René Dumont,permet de comprendre lestransformations des sociétésagricoles ou des systèmesagraires, et d’être force depropositions pour leur évolution.Éditions Quæ, collection

Indisciplines, juin 2011, 160 p., 24 € 

(12,60 €  en pdf)

Des séries de questions-réponses, illustrées et

pédagogiques, permettentde faire plus ampleconnaissance avec cesinfiniment petits quipeuplent nos chaînesalimentaires, notre frigo ounos assiettes. Virus, vers,bactéries, toxines… parfoisvirulents, parfois anodins,ils étaient encoremystérieux il n’y a passi longtemps. C’est laprogression récente des mesures d’hygiène à chaque

étape de la production qui les tient en respectaujourd’hui. Avec cette lecture, vous ne serez peut-être plus jamais seul dans votre cuisine, mais voussaurez déjouer les pièges de ce « vivant » qui inquièteparce que nous ne le voyons pas.

ODANGER DANS L’ASSIETTESylviane Dragacci, Nadine Zakhia-Rozis, Pierre GaltierEDITIONS QUAE, COLLECTION CARNETS DE SCIENCES,JUIN 2011, 184 P., 25 € (17,50 € en pdf)

INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 33

Dans ce livre abondamment illustré, les auteurs nous entraînent dans le monde desmoisissures. Comment se développent-elles sur les récoltes ou sur les aliments ?

Ont-elles un effet négatif sur la santé ? Certaines sont inoffensives mais d’autresengendrent des maladies : intoxications aiguës parfois mortelles comme autrefoisavec l’ergot du seigle, effets cancérigènes établis pour certaines d’entre elles.Les mycotoxines, toxines produites par les moisissures, sont en général résistantesà la cuisson, et les contaminations peuvent passer inaperçues si le produit n’est pas

visiblement altéré. D’où l’intérêt d’une excellente surveillance des conditions de leurdéveloppement au champ ou à la récolte, de même que lors du stockage des grainsou des aliments à la maison. Ce livre, destiné à un large public, nous renseigne aussisur la façon dont ce risque est géré collectivement.

OMANGER SANS RISQUESVincent LeclercEDITIONS QUAE, COLLECTION CARNETSDE SCIENCES, AOÛT 2011, 208 P., 22 € (15,40 € en pdf)

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Je pensais aussi que certains sujets étaient encore tabous. Lorsde ma conférence à Rennes, j’ai été impressionné qu’unanimalier m’interpelle sur le problème de l’euthanasie desanimaux d’expérience. Autre exemple, une étudiante en

master à l’Inra de Tours m’a demandé de diriger sa thèse surles méthodes alternatives en expérimentation animale.Alors que ma première conférence à l’Inra avait suscité defortes résistances, j’ai l’impression d’avoir changé d’époqueen un an ! Sciences en Questions (2) a sans doute contribuéà plus de transparence au sein de l’Institut.

Les premières pages de la directive européenne2010/63/UE précisent qu’il s’agit d’une étape versl’abolition de l’expérimentation animale et qu’unerévision est prévue à brève échéance. Il y est éga-lement rappelé que le bien-être animal est unevaleur de l’Union Européenne. Qu’en pensez-vous ? 

J.-P.M. : C’est carrément une révolution ! Concrètement,cette directive conforte plusieurs des propositions que je

Protection des animaux :comment le droitpeut-il évoluer ?          Q

    R    E    G    A    R    D

   ©   I  n  r  a   /   B  e  r   t  r  a  n   d   N   i  c  o   l  a  s

Cette tournée de conférences dans des centresde l’Inra vous a permis de rencontrer des acteursde l’expérimentation animale.Qu’en avez-vous retenu ? 

Jean-Pierre Marguénaud : Auparavant, je ne connais-sais l’expérimentation animale que de l’extérieur. Ce que j’ai pu voir à l’Inra est plus contrasté que l’image véhi-culée, entre autres, par les vidéos d’Internet. Peu de poneyspar exemple ont des conditions d’existence aussi paradi-siaques qu’à Tours-Nouzilly. Et beaucoup d’expériencessont peu douloureuses : prises de sang ou études de com-portement. De plus, la règle des 3R (1) se diffuse petit àpetit. L’époque où Claude Bernard coupait les cordesvocales de ses chiens pour qu’on ne les entende pas hur-ler est heureusement révolue… Néanmoins, je suiscomme le Doyen Nerson, un éminent juriste lyonnaisqui écrivait il y a cinquante ans « ne pouvoir avancer dans

le domaine de l'expérimentation animale sans être saisid'effroi ».

INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 201134

Jean-Pierre Marguénaud, professeur de droit à l’Université de Limoges, vient d’acheverune tournée de conférences à l’Inra. Son combat : un statut juridique pour l’animal.

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défends. D’une part, les articles 26 et 27 mentionnent lacréation de structures chargées du bien-être des animauxqui donneront plus de poids à l’opinion de ceux qui sontproches des bêtes. D’autre part, pour assurer la conformitédes protocoles à la règle des 3R, on va passer progressive-ment d’un système de déclaration à un système d’évalua-tion et d’autorisation. Actuellement, l’évaluation est assuréepar des comités d’éthique locaux. A terme, une autoritécompétente indépendante devrait les remplacer. La pre-mière étape de cette évolution sera la transposition de ladirective en droit français. Les juristes animaliers veillerontau respect de l’esprit de la directive.Le droit s’adapte au changement du regard que la sociétéporte sur l’animal. Les scientifiques aussi doivent évoluer.Certaines entreprises prennent acte de l’interdiction pro-chaine de l’expérimentation animale pour les produitscosmétiques et financent des recherches sur les méthodesalternatives.

En droit, l’animal est considéré comme un objet.Vous souhaitez que son statut évolue verscelui de personne morale. Cette idée ne laisse

 pas indifférent. Les moyens ne sont-ils pas disproportionnés ? J.-P.M. : Tout d’abord, j’aimerais vous rassurer. La per-sonnalité morale n’est pas comparable à celle conférée àl’Homme, laquelle est assortie de droits fondamentaux :liberté, dignité, égalité. C’est un outil technique utilisépour qualifier une entreprise ou une association. Il estmodulable et permet d’avancer progressivement. Ma pro-position est conçue pour protéger la sensibilité des ani-

maux. Celle d’Isabelle Doussan (voir encadré) se situeau plan de la conservation des espèces. Ce n’est pas lamême chose. J’ajoute que, même sur son propre terrain,le droit de l’environnement, certains auteurs (3) défendentdes thèses personnificatrices.Le statut juridique de l’animal est une garantie supplé-mentaire car il y a toujours un décalage entre les règleset leur application. Ce qui compte, c’est l’interprétationque le juge en fait. Ce dernier devrait se montrer beau-coup plus attentif si l’animal était considéré comme une« personne morale ».

Pour vous, cette évolution apporte des avantagesnon seulement aux animaux, mais aussi aux hommes. Pouvez-vous nous en direun peu plus ? J.-P.M. : Les expérimentateurs seraient plus à même defaire reconnaître leurs droits. Prenons l’exemple d’un ani-malier qui refuserait de participer à une expérience invasivesur des animaux qu’il a élevés. Il pourrait alors faire valoirson droit de retrait. G

Propos recueillis par Evelyne Lhoste 

INRA MAGAZINE • N°18 • OCTOBRE 2011 35

Portrait

Jean-Pierre Marguénaud a grandi au milieu des animaux dans une ferme du Limousin. L’abattage y faitpartie de la vie quotidienne. Néanmoins, c’est le soir où son fidèle compagnon ne l’attend pas à la sortiede l’école que l’enfant découvre l’horreur du trafic de chiens de laboratoire.J.-P. Marguénaud, en homme tranquille, a tracé sa route hors des sentiers battus avec persévérance et espritd’ouverture. Il se dit « juriste atypique » et surprend ses enseignants dès le choix de son thème de thèse :« L'animal en droit privé», un thème jugé « folklorique ». Nommé professeur à l’Université de Limoges,J.-P. Marguénaud devient un éminent spécialiste d’un autre sujet épineux pour les facultés de droit, laconvention européenne des droits de l’Homme.

• 1987 Thèse de droit privé sur la lutte contre la souffrance animale• 1991 Professeur agrégé de droit privé à l’Université de Clermont-Ferrand puis de Limoges• 1996 Titulaire d’une chronique de Sources européennes à la Revue trimestrielle de droit civil

• 2009 Création de la Revue semestrielle de droit animalier (RSDA) avec Florence Burgat et Jacques Leroy

Reconnaître la sensibilité animalecomme une valeur

Isabelle Doussan, directrice de recherche Inra,défend une position alternative. « Poser laquestion de l’animal en termes de sujet ou

objet de droit ne me paraît pas pertinent,explique-t-elle, car la dichotomie elle-mêmedevra à terme être dépassée pour répondre aux enjeux actuels. Ce sont les valeurs que le droit reconnaît et protège qui m’intéressent, peuimporte alors qu’elles soient humaines ou non.De plus, quand les frontières se brouillent entrehumain et non humain, quand le vivant dansson ensemble est menacé de réification, il est important selon moi de conserver à l’homme sadistinction symbolique de seul sujet de droit ».Isabelle Doussan est spécialiste du droit del’environnement et travaille au Gredeg (Groupede recherche en droit, économie et gestion,

unité mixte de recherche de l'université de Nice- Sophia Antipolis et du CNRS).

(1) La règle des 3R (remplacer, réduire et raffiner) prône notamment l’usage de touteméthode permettant de diminuer la douleur, la souffrance ou l’angoisse et d’améliorerle bien-être des animaux d’expérimentation.(2) Depuis 1995, le groupe « Sciences en Questions » organise des conférences dansles centres Inra dans le but de susciter des débats sur les grandes questions relativesà la science. Des ouvrages de restitution sont ensuite édités et mis à dispositiondes agents de l’Inra. Celui de Jean-Pierre Marguénaud : « Expérimentation animale :entre droit et liberté », paru en 2011 aux Editions Quae, est le 26e de la collection.www.inra.fr/les_recherches/exemples_de_recherche/sciences_en_questions_a_l_inra(3) Libchaber Rémi (2001). Perspectives sur la situation juridique de l'animal.Revue trimestrielle de droit civil, 239.

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    A    G    E    N    D    A 21 novembre

PARIS - SÉANCE AU SÉNAT

Solidarité dans le domaine agricoleet ruralÀ l’occasion des 250 ans de l’Académie d'Agriculture,4e séance ayant pour thème « la solidarité ».WWW.academie-agriculture.fr/250eme-anniversaire.html

12/16 octobreEN RÉGIONS

Fête de la scienceLes centres de recherche de l'Inra participent à l'édition 2011de la Fête de la science dans de nombreuses régionsde France... La Chimie et l’Outre-mer sont les thématiquesprivilégiées de 2011, en lien avec l'Année internationalede la Chimie et l'Année des Outre-mer français.WWW.fetedelascience.fr

Créés en 2006, les lauriers de l'Inra récompensent la

créativité et les compétences parfois exceptionnelles que

l'on rencontre dans les métiers de la recherche. Ils

reconnaissent le travail et le parcours d'hommes et defemmes dans la recherche agronomique. Cinq lauriers

récompensent l'excellence et la créativité.

www.inra.fr/lauriers

Carrousel du Louvre

7 décembre 2011

16 novembrePARIS - MNHM

Expertise scientifique collectiveVariétés tolérantes aux herbicidesLe CNRS et l'Inra, organisateurs de ce colloque, présenterontles conclusions de l’expertise qu'ils ont conduite conjointement,à la demande des ministères de l'Agriculture et de l'Écologie.WWW.inra.fr/l_institut/expertise

18 novembreSAINT-MANDÉ

Conférence de présentation du rapportsur l’état des sols de FranceLes pouvoirs publics ont confié au Gis Sol et à l’Inrala mission de constituer et de gérer un système d'informationsur les sols de France afin de répondre aux besoinsdes décideurs publics et de la société au niveau régionalet national. Après dix ans de travaux, les donnéescartographiques et analytiques permettent de dresserun premier bilan de l’état des sols de France, tant vis-à-visde leur fertilité, de leur contamination que des servicesenvironnementaux rendus. Lors de cette conférence,seront évoqués les points positifs identifiés, les incertitudeset les inquiétudes quant à l’état des sols de France.WWW.gissol.fr

22/23 novembreLE MANS

 XIVe Journées de la recherche cunicoleLes résultats les plus récents des grands domainesde l’élevage du lapin et de la production de viande :alimentation, génétique, pathologie, reproduction,techniques et systèmes d’élevage, croissance, qualitéde la viande et des carcasses, économie, prospective...seront présentés lors de ces rencontres.Organisées par l’Inra et l’Itavi, avec la participationde l’ASFC.WWW.inra.fr/toute_l_actu/manifestations_et_colloques

16 décembreNANCY

Carrefour de l'Innovation AgronomiqueForêt-bois : quelles ressources pour quelsproduits ?Les nouveaux usages du bois peuvent conduireà une augmentation sensible des prélèvements en forêts,et agir sur la durabilité de la gestion forestière, voire entreren conflit avec les services rendus par les écosystèmesforestiers en termes d’eau, de protectionde la biodiversité... Le carrefour permettra de confronterces points de vue et d’apporter une vision documentéesur ces enjeux.WWW.inra.fr/ciag

3/4 novembreGUADELOUPE - MARTINIQUE

Carrefour Innovation Agronomique AntillesQuelles innovations pour des systèmesdurables de production et de transformationen agriculture aux Antilles et en Guyane ?Les Ciag sont un lieu de diffusion des projets et résultatsde recherche de l’Inra auprès de ses partenaires. Ce carrefourva permettre de susciter un débat autour d’évolutionsnécessaires dans l’agriculture des régions françaisesd’Amérique.• 3 novembre - Guadeloupe

• 4 novembre - MartiniqueWWW.inra.fr/ciag

7/8 décembrePARIS

Journées 3R - Rencontres recherchesruminantsCes rencontres mettent à disposition les résultats desderniers travaux sur l’élevage des ruminants et sur leursproduits. Cette année seront abordés les sujets suivants :aide à la décision en élevage, compétitivité des systèmesd’élevage, élevage bio et développement territorial,phénotypage. Organisées par l’Inra et l’Institutde l’élevage.WWW.inra.fr/toute_l_actu/manifestations_et_colloques

6des Lauriers de l’Inra

cérémonie

ème