huvé amandine mémoire

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UNIVERSITE DE POITIERS Faculté de médecine et de pharmacie Ecole d’orthophonie Année 2011-2012 Mémoire N°2012.12 MEMOIRE En vue de l’obtention du certificat de capacité d’orthophonie présenté par : HUVE Amandine Poitiers, le 3 juillet 2012 Directrice du mémoire : Mme LACROIX Agnès, Maître de conférences en psychologie Membres du Jury : Mme GOHLER Catherine, Praticien hospitalier ORL et médecin-directeur du CAMSP pour déficients auditifs et visuels Mme BAUDEQUIN Michèle, Orthophoniste en service hospitalier ORL Mme GRASSIN Muriel, Orthophoniste Mme VEAU Typhaine, Orthophoniste du CAMSP pour déficients auditifs et visuels Mme BESLY Nadine, psychologue du CAMSP pour déficients auditifs et visuels LA COMPREHENSION DES ETATS EMOTIONNELS CHEZ DES ENFANTS SOURDS DE 3 A 6 ANS PORTANT UN APPAREILLAGE CONVENTIONNEL: ROLE DU CONTEXTE, DE LA PROSODIE ET DE L’EXPRESSION FACIALE

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Huvé Amandine Mémoire

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  • UNIVERSITE DE POITIERS

    Facult de mdecine et de pharmacie

    Ecole dorthophonie

    Anne 2011-2012 Mmoire N2012.12

    MEMOIRE

    En vue de lobtention du certificat de capacit dorthophonie prsent par :

    HUVE Amandine

    Poitiers, le 3 juillet 2012

    Directrice du mmoire :

    Mme LACROIX Agns, Matre de confrences en psychologie

    Membres du Jury :

    Mme GOHLER Catherine, Praticien hospitalier ORL et mdecin-directeur du CAMSP pour

    dficients auditifs et visuels

    Mme BAUDEQUIN Michle, Orthophoniste en service hospitalier ORL

    Mme GRASSIN Muriel, Orthophoniste

    Mme VEAU Typhaine, Orthophoniste du CAMSP pour dficients auditifs et visuels

    Mme BESLY Nadine, psychologue du CAMSP pour dficients auditifs et visuels

    LA COMPREHENSION DES ETATS EMOTIONNELS

    CHEZ DES ENFANTS SOURDS DE 3 A 6 ANS

    PORTANT UN APPAREILLAGE CONVENTIONNEL:

    ROLE DU CONTEXTE, DE LA PROSODIE ET DE

    LEXPRESSION FACIALE

  • REMERCIEMENTS

    REMERCIEMENTS

    Je remercie tout dabord Typhaine Veau, orthophoniste et matre de stage davoir

    accept dencadrer ce mmoire. Merci pour ses rflexions avises et conseils, pour sa

    disponibilit et son coute mais galement pour le soutien apport et sa gentillesse qui mont

    paule tout au long de ce mmoire. Je la remercie aussi pour ses qualits professionnelles et

    ses connaissances partages.

    Merci Mme Agns Lacroix, directrice du mmoire, qui est lorigine de ce projet et

    a accept de diriger ce mmoire. Je la remercie pour son implication dans llaboration de ce

    travail, ses conseils indispensables et sa disponibilit.

    Je remercie galement Mme Muriel Grassin, orthophoniste, qui ma soutenue et

    pousse raliser ce mmoire dans le domaine de la surdit.

    Je remercie les membres du jury de stre intresss ce mmoire.

    Merci aux parents et enfants ayant particip au protocole sans qui la production de ce

    mmoire naurait pu tre ralise.

    Je remercie les orthophonistes et lcole maternelle Sainte Jeanne Elisabeth pour leur

    disponibilit et leur accueil.

    Je remercie les orthophonistes qui mont accueillie en stage, Mme De La Porte, Mme

    Veau, Mme Grimault et Mme Rivire-Villeneuve.

    Merci Mme Isabelle Rivire-Villeneuve pour son soutien et son aide prcieuse.

    Merci mes proches, mon pre pour avoir prt sa voix dacteur, ma sur pour sa

    relecture avise, Romain pour son soutien et sa confiance.

    Un grand merci mes amis de la promotion Baudelaire pour leur soutien et pour tous

    ces bons moments passs ensemble qui vont me manquer !

    Merci tous ceux qui ont particip ce mmoire.

  • TABLE DES MATIERES

    TABLE DES MATIERES

    LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES 1

    LISTE DES ABREVIATIONS 3

    INTRODUCTION 4

    ASSISES THEORIQUES 5

    I/ DEVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES EMOTIONS

    CHEZ LENFANT 5

    A/ Approches thoriques des motions 5

    B/ Aspect dveloppemental de la comprhension motionnelle 7

    1/ Aspects socio-perceptifs 9

    2/ Aspects lexicaux et langagiers 11

    C/ Les expressions faciales 14

    D/ La prosodie 16

    E/ Le contexte 20

    II/ LENFANT SOURD 22

    A/ Surdit et appareillage prothtique conventionnel 22

    B/ Le dveloppement du langage chez lenfant sourd 26

    C/ Le dveloppement de la pragmatique chez lenfant sourd 30

    D/ Les motions chez les enfants sourds 34

    PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 37

    I/ PROBLEMATIQUE 37

    II/ HYPOTHESES 37

    POPULATION ET METHODES 39

    I/ POPULATION 39

    A/ Les enfants sourds portant un appareil auditif conventionnel 39

    B/ Les enfants typiques 40

  • TABLE DES MATIERES

    II/ MATERIEL 40

    A/ Batterie dEvaluation du Langage Oral 41

    1/ Lexique en Rception (LexR) 41

    2/ Production dnonc (ProdE) 41

    3/ Comprhension (C1/C2) 42

    4/ Lexique en Production 42

    5/ Rpartition des enfants en groupe langagier 43

    B/ Protocole dvaluation des motions 44

    1/ Capacits de production . 44

    Production spontane 44

    Production lie un vnement 45

    Production sur imitation 45

    2/ Capacits de reconnaissances des motions 46

    Dnomination des expressions faciales et de la prosodie 46

    Dsignation des expressions faciales 47

    Dsignation de la prosodie 47

    4/ Capacits dappariement des motions 47

    5/ Capacits dInfrence dtats mentaux 48

    III/ PRODEDURE 48

    RESULTATS 51

    I/ CAPACITES DE PRODUCTION DES EMOTIONS

    Quelles sont les capacits de production des motions des enfants sourds

    appareills ? 51

    A/ Quelles sont les diffrences entre les groupes ? 51

    1 / Rsultats de la production sur la base dune expression faciale 52

    2 / Rsultats de la production sur la base dune prosodie 53

    3 / Rsultats de la production lie un vnement 54

    4 / Rsultats de la production sur imitation dune expression faciale 55

    5 / Rsultats de la production sur imitation de la prosodie 55

    6 / Bilan pour la tche de production dune motion 56

  • TABLE DES MATIERES

    B/ Quelles sont les diffrences entre les niveaux de langage ? 56

    1/ Rsultats de la production sur la base des expressions faciales 56

    2/ Rsultats de la production sur la base de la prosodie 57

    3 / Rsultats de la production lie un vnement 57

    4 / Rsultats de la production sur imitation dune expression faciale 58

    5 / Rsultats de la production sur imitation de la prosodie 58

    6 / Bilan pour la tche de production dune motion dun point de vue langagier 59

    C/ Quelles sont les diffrences interindividuelles que lon peut observer ? 60

    1 / Bilan pour la tche de production dune motion dun point de vue qualitatif 61

    II/ CAPACITES DE RECONNAISSANCES DES EMOTIONS 61

    1 - Quelles sont les capacits de reconnaissance des motions des enfants sourds

    appareills sur la base de lexpression faciale ? 61

    A/ Quelles sont les diffrences entre les groupes ? 62

    1 / Bilan pour la tche de reconnaissance des motions sur la base de lexpression

    faciale 64

    B/ Quelles sont les diffrences entre les niveaux de langage ? 64

    1 / Bilan pour la tche de reconnaissance des motions sur la base de lexpression

    faciale en fonction du niveau langagier 65

    C/ Quelles sont les diffrences interindividuelles que lon peut observer ? 65

    1 / Bilan pour la tche de reconnaissance des motions sur la base de lexpression

    faciale dun point de vue qualitatif 66

    2 - Quelles sont les capacits de reconnaissance des motions des enfants sourds

    appareills sur la base de la prosodie ? 67

    A/ Quelles sont les diffrences entre les groupes ? 67

    1 / Bilan pour la tche de reconnaissance des motions sur la base de la prosodie70

    B/ Quelles sont les diffrences entre les niveaux de langage ? 70

    1 / Bilan pour la tche de reconnaissance des motions sur la base de la prosodie

    en fonction du niveau langagier 71

    C/ Quelles sont les diffrences interindividuelles que lon peut observer ?71

    1 / Bilan pour la tche de reconnaissance des motions sur la base de la prosodie

    dun point de vue qualitatif 72

  • TABLE DES MATIERES

    III/ CAPACITES DAPPARIEMENT DUNE EMOTION 73

    Quelles sont les capacits dappariement des motions des enfants sourds

    appareills ? 73

    A/ Quelles sont les diffrences entre les groupes ? 731 / Bilan pour la tche dappariement des motions 74

    B/ Quelles sont les diffrences entre les niveaux de langage ? 74

    1 / Bilan pour la tche dappariement des motions en fonction du niveau

    langagier 75

    C/ Quelles sont les diffrences interindividuelles que lon peut observer ? 75

    1 / Bilan pour la tche dappariement des motions dun point de vue qualitatif 76

    IV/ CAPACITES DINFERENCE DETATS MENTAUX 77

    Quelles sont les capacits dinfrence des motions des enfants sourds

    appareills ? 77

    A/ Quelles sont les diffrences entre les groupes ? 77

    B/ Quelles sont les diffrences entre les niveaux de langage ? 78

    C/ Quelles sont les diffrences interindividuelles que lon peut observer ?78

    1 / Bilan pour la tche dinfrence des motions dun point de vue qualitatif 79

    DISCUSSION 80

    I/ LES LIENS AVEC LORTHOPHONIE 93

    II/ CONCLUSION 95

    BIBLIOGRAPHIE 96

    ANNEXES 99

  • LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES

    1

    LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES

    Tableau 1 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus par chaque groupe denfants (ESA =

    enfants sourds appareills et ENE = enfants normo-entendants) en fonction de la tche et de

    lmotion 52

    Figure 1 : Pourcentage de rponses correctes des ESA et des ENE pour la tche

    dexpressions faciales spontanes en fonction de lmotion 53

    Figure 2 : Pourcentage de rponses correctes des ESA et ENE pour la production prosodique

    spontane en fonction de lmotion 53

    Figure 3 : Pourcentage de rponses correctes des ESA et ENE pour la production lie un

    vnement en fonction de lmotion 54

    Figure 4 : Pourcentage de rponses correctes des ESA et ENE pour la production sur

    imitation dune expression faciale en fonction de lmotion 55

    Figure 5 : Pourcentage de rponses correctes des ESA et ENE pour la production sur

    imitation de la prosodie en fonction de lmotion 55

    Tableau 2 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus en production sur la base des

    expressions faciales en fonction du niveau de langage (PSM, MSM et GSM) de chaque

    groupe ENE et ESA, du groupe et de lmotion 57

    Tableau 3 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus en production sur la base de la

    prosodie en fonction du niveau de langage (PSM, MSM et GSM) de chaque groupe ENE et

    ESA, du groupe et de lmotion 57

    Tableau 4 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus en production lie un vnement en

    fonction du niveau de langage (PSM, MSM et GSM) de chaque groupe ENE et ESA, du

    groupe et de lmotion 58

    Tableau 5 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus en production sur imitation dune

    expression faciale en fonction du niveau de langage (PSM, MSM et GSM) de chaque groupe

    ENE et ESA, du groupe et de lmotion 58

    Tableau 6 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus en production sur imitation de la

    prosodie en fonction du niveau de langage (PSM, MSM et GSM) de chaque groupe ENE et

    ESA, du groupe et de lmotion 59

    Tableau 7 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus par chaque groupe denfants (ESA =

    enfants sourds appareills et ENE = enfants normo-entendants) en fonction de la tche et de

    lmotion 62

  • LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES

    2

    Figure 6 : Pourcentage de rponses correctes pour lpreuve de dnomination en fonction des

    diffrentes motions et des groupes 63

    Figure 7 : Pourcentage de rponses correctes pour lpreuve de dsignation en fonction des

    diffrentes motions et des groupes 63

    Figure 8 : Pourcentage de confusions de la colre des ENE lors de lpreuve de dsignation

    dmotions en fonction du type dmotions confondues 64

    Tableau 8: Pourcentages de bonnes rponses obtenus en fonction du niveau de langage (PSM,

    MSM et GSM) de chaque groupe ENE et ESA en fonction de la tche et de lmotion 64

    Tableau 9 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus par chaque groupe denfants (ESA =

    enfants sourds appareills et ENE = enfants normo-entendants) en fonction de la tche et de

    lmotion 67

    Figure 9 : Pourcentage de rponses correctes pour lpreuve de dnomination en fonction des

    diffrentes motions et des groupes 68

    Figure 10 : Pourcentage de confusions lors de lpreuve de dnomination de la prosodie en

    fonction des types de confusions et des groupes 68

    Figure 11 : Pourcentage de rponses correctes pour lpreuve de dsignation en fonction des

    diffrentes motions et des groupes 69

    Figure 12 : Pourcentage de confusions lors de lpreuve de dsignation de la prosodie en

    fonction des types de confusions et des groupes 69

    Tableau 10: Pourcentages de bonnes rponses obtenus en fonction du niveau de langage (PSM,

    MSM et GSM) de chaque groupe ENE et ESA en fonction de la tche et de lmotion 69

    Tableau 11 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus par chaque groupe denfants (ESA =

    enfants sourds appareills et ENE = enfants normo-entendants) en fonction de la tche et de

    lmotion 73

    Tableau 12: Pourcentages de bonnes rponses obtenus en fonction du niveau de langage (PSM,

    MSM et GSM) de chaque groupe ENE et ESA en fonction de la tche et de lmotion 74

    Tableau 13 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus par chaque groupe denfants (ESA =

    enfants sourds appareills et ENE = enfants normo-entendants) en fonction du contexte, de la

    prosodie et de lexpression faciale 77

    Tableau 14 : Pourcentages de bonnes rponses obtenus en fonction du niveau de langage

    (PSM, MSM et GSM) et du groupe 78

  • LISTE DES ABREVIATIONS

    3

    LISTE DES ABREVIATIONS

    AC : Autocorrection

    CI : Comprhension Immdiate

    CG : Comprhension Globale

    DB HL : Dcibel Hearing Level

    C1 ; C2 : Comprhension 2

    CD : Changement de Dsignation

    COL : Colre

    CM2 : Cours Moyen 2

    DS : Dviation Standard

    DysL : Dyslinguistique

    DysP : Dyspragmatique

    ELO : Evaluation du Langage Oral

    ENE : Enfant Normo-Entendant

    ESA : Enfant Sourd Appareill

    FACS : Facial Action Coding System

    F0 : Frquence Fondamentale

    GSM : Grande Section de Maternelle

    If : Contenu Infrentiel

    Ig : Contenu Imageable

    J : Joie

    LexP : Lexique en production

    LexR : Lexique en rception

    LSF : Langue des Signes Franaise

    LPC : Langage Parl Complt

    MorSyn : Morphosyntaxe

    Moy : Moyenne

    MSM : Moyenne Section de Maternelle

    PSM : Petite Section de Maternelle

    ProdE : Production dnonc

    QQC : Quest-ce que cest ?

    QQF : Quest-ce quil fait ?

    T : Tristesse

    UA : Unit dAction Comprhension

  • INTRODUCTION

    4

    INTRODUCTION

    Lmotion est lun des facteurs prpondrants dans la rgulation des relations sociales

    et dans lorganisation des conduites ds la naissance. Etant le premier systme de

    communication entre le nourrisson et son environnement, les motions forment un vritable

    procd dintgration sociale. Tout au long des annes prscolaires, les interactions se

    multiplient, explicites par linterprtation familiale. Les motions sont alors voques

    permettant lenfant de construire des reprsentations mentales. Peu peu, lenfant acquiert

    des capacits pragmatiques afin de pouvoir sadapter aux diverses situations de

    communication.

    Diverses tudes ont constat le dficit pragmatique des enfants sourds possdant un

    appareillage conventionnel notamment concernant la thorie de lesprit et lattribution dtats

    mentaux. En effet, on constate une diminution des expriences langagires entravant ainsi le

    dveloppement des comptences sociales et affectives de ces enfants. Cependant, peu de

    recherches se sont intresses au dveloppement de la comprhension des motions chez ces

    enfants et son incidence dans les interactions sociales.

    La communication met en jeu diffrents indices dont le langage, mais galement,

    lexpression faciale, la prosodie et le contexte qui sont autant dinformations disponibles et

    indispensables linterprtation et la comprhension de la situation. Quelques tudes

    mettent en valeur lintrt privilgi des enfants envers les indices contextuels, ngligeant

    davantage ceux prosodiques et de lexpression faciale. Nanmoins, aucune tude ne semble

    stre interroge en ce domaine la population denfants sourds possdant un appareillage

    prothtique conventionnel. Ainsi, pour mieux comprendre le dveloppement motionnel de

    ces enfants et mieux apprhender leur prise en charge, nous nous sommes questionns sur le

    rapport unissant le dveloppement motionnel et langagier de ces enfants.

    Pour ce faire, une approche thorique concernant les motions sera prsente, suivie

    dune revue de la littrature sur le dveloppement de la comprhension des motions. Puis,

    limplication de lexpression faciale, de la prosodie et du contexte sera voque travers les

    recherches actuelles. Nous aborderons le dveloppement des comptences sociales

    (pragmatiques et motionnelles) chez lenfant sourd. Le protocole exprimental sera alors

    dcrit suivi de la prsentation des rsultats recueillis. Une discussion confrontant les tudes

    antrieures la ntre viendra clturer cette recherche avant de terminer par une conclusion.

  • ASSISES THEORIQUES

    5

    ASSISES THEORIQUES

    I/ DEVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES EMOTIONS

    CHEZ LENFANT

    A/ Approches thoriques des motions

    Diverses thories sont nes pour expliquer le fonctionnement, la production et la

    comprhension des motions. Parmi les plus prgnantes, la thorie volutionniste privilgie

    linfluence des motions sur lorganisation des comportements. Les motions servent donc de

    rgulateur social et organisent le comportement individuel par des expressions ritualises.

    Darwin (1964) indique que lmotion fait suite la prise dhabitudes, qui force de

    rptition, sinscrivent, sautomatisent et rapparaissent quand lmotion ressurgit (Dantzer,

    1994). Pour lui, les motions proviennent de lexcitation nerveuse du corps et sont

    universelles.

    Par la suite, les biologistes ont cherch dcouvrir les mcanismes sous-jacents de ces

    ractions physiologiques et comportementales qui accompagnent les motions. Au cours du

    XIXme sicle, Lange J. suggre la participation du systme nerveux central dans les

    ractions motionnelles (Dantzer, 1994). Cette thorie considre que le cerveau analyse les

    ractions viscrales provoques par une motion et rpercute alors des actes appropris en

    rponse ces manifestations motionnelles. Plus tard, Cannon dcrit en 1929 que le cortex

    crbral peroit les expriences motionnelles avant de transmettre linformation au thalamus,

    sige des motions (Dantzer, 1994). Enfin Papez, en 1937, tablit une thorie fonde sur un

    circuit de connexions entre les diffrentes structures crbrales intervenant dans le contrle

    des motions (le circuit de Papez) (Dantzer, 1994). Ekman, Levenson et Friesen (1991)

    mettent en valeur quelques ractions neurovgtatives spcifiques chez des adultes confronts

    des situations motionnelles (Cosnier, 1994). Le rythme cardiaque et la temprature

    corporelle sont les principales ractions produites.

    Au cours XXme sicle, beaucoup dauteurs se sont intresss aux motions elles-

    mmes et leur influence dans la rgulation des relations interpersonnelles et affectives ainsi

    que dans les fonctions socio-adaptatives et dans la vie quotidienne. Depuis quelques annes,

    les chercheurs abordent la notion dmotion de base. Les motions de base ou motions

  • ASSISES THEORIQUES

    6

    fondamentales sont rares. Mme sil est difficile de les dnombrer, beaucoup saccordent sur

    cinq : la joie, la colre, la peur, la tristesse et le dgot. Certains comme Ekman (1984)

    ajoutent la surprise (Cosnier, 1994). En 1992, Ekman tablit neuf caractristiques des

    motions de base (Cosnier, 1994). Ainsi, elles proviendraient dun fondement biologique

    inn. Ces motions se transmettent de faon phylogntique pour parer lindividu au

    quotidien de la vie et lui permettre de rpondre rapidement une situation donne (Ekman &

    Friesen 1969 cits par Cosnier, 1994). Leur expression et leur reconnaissance sont

    universelles. Les motions sont vues comme un processus adaptatif veillant la survie de

    lespce. Les manifestations motionnelles apportent donc des informations ncessaires

    autrui pour interprter les motions grce diverses caractristiques comme la situation, le

    type de raction et le comportement adopt. Lensemble des tats motionnels est ainsi cr

    partir de ce nombre limit dmotions de base.

    On ne pourrait voquer les motions sans traiter de la thorie du processus de

    lvaluation cognitive ou appraisal de Scherer (1984) (Bnziger & Scherer, 2005). Celui-

    ci tablit une approche en composantes multiples afin de dfinir les motions. Pour Scherer,

    lmotion est un systme en volution, permettant une adaptation lenvironnement par

    dcouplage progressif entre le stimulus et la rponse. Ainsi, ce mcanisme cre une rponse

    adquate diffrencie grce un grand nombre de paramtres dpendant de lorganisme et/ou

    de lenvironnement. Les motions sont labores selon cinq composantes qui interviennent et

    interagissent dans lexpression dune motion : le sentiment subjectif (le ressenti) / les

    caractristiques physiologiques (vgtative et somatique) / le comportement expressif (facial,

    gestuel et/ou vocal) / lvaluation cognitive (le systme nerveux central) / le type daction

    comportementale (amorce de laction). Ainsi, une modification dans lune des composantes

    peut avoir une incidence sur les autres composantes. Cette approche dfend lide que le

    dclenchement de ce processus multicomponentiel se droule en rponse un environnement

    prcis ou un stimulus particulier provoquant la raction dun tout coordonn agissant en

    congruence et de faon synchronise. Lmotion est donc le moment prcis o plusieurs sous-

    systmes de lorganisme se couplent et se synchronisent dans le but dobtenir une raction

    adapte un vnement vcu par lindividu comme primordial pour son bien-tre.

    Cependant, pour dautres auteurs, plusieurs composantes motionnelles peuvent se

    croiser : certaines peuvent sattnuer pour laisser une autre composante sexprimer davantage.

    Elles ne sont alors ni synchronises ni en congruence. Cela met en jeu deux processus,

    savoir celui de la tendance laction et celui de la rgulation de lmotion (Bradley & Lang,

  • ASSISES THEORIQUES

    7

    2000 ; Cosnier, 1994). Cependant il reste fort probable quau quotidien, plusieurs motions

    diffrentes sassocient et soient prsentes au mme moment. Mais, au cours du temps, une

    motion peut aussi se dcoupler. Cest par exemple le cas lorsque tous les processus sont

    dirigs vers une mme motion et quun dernier vient les perturber et les dcoupler.

    Lapproche en composante montre ainsi la complexit des motions et de leur tude.

    En toute vidence, larrive dune motion, celle-ci accapare tellement lesprit de

    lindividu, quelle stoppe alors lactivit quil pratiquait.

    B/ Aspect dveloppemental de la comprhension motionnelle

    Lenfant, au cours de son dveloppement, met en place des processus dadaptation afin

    dinterprter les motions, dajuster son comportement et de comprendre une situation de

    communication. Lmotion est un indice communicationnel que lenfant doit pouvoir

    identifier. Ainsi, il utilise ses capacits dattribution dtats mentaux1 laide de la gestualit,

    de lexpression faciale et vocale, de la posture et de sa matrise du lexique relatif aux

    motions. Comprendre les motions permet ainsi davoir accs une communication

    implicite essentielle pour vivre et agir en socit. Tout ceci ne peut avoir lieu que si lenfant

    interagit avec son environnement. Durant lchange mre-enfant, la mre reprend et accentue

    inconsciemment les motions leur associant alors une signification, celles-ci sont imites par

    le bb qui se les approprie peu peu. Daprs Monfort et al, (2001) p.8, voquer les

    motions est une fonction rgulatrice est clarificatrice des relations interpersonnelles. .

    Pons, Harris et Rosnay (non publi) ont mis au point un test, le TEC (Test of Emotion

    Comprehension) qui mesure, grce neuf composantes fondamentales, la comprhension des

    motions. Il permet de situer lenfant par rapport sa population de rfrence. Ainsi, il offre

    la possibilit de voir les composantes acquises par lenfant et celles quil ne matrise pas. Ce

    test, trs utile en rducation, met en valeur un ordre dapprentissage des composantes

    motionnelles. Pour ce faire, une image charge motionnellement est prsente lenfant. Ce

    dernier doit ensuite infrer une raction motionnelle au personnage laide de quatre autres

    images proposant diverses ractions motionnelles. Pour tudier la comprhension du rle des

    croyances sur les motions, ils ont labor une histoire o un lapin mangeant une carotte, est

    1Attribution dtats mentaux : la comprhension et lexpression des vcus et des reprsentations de ce qui se

    passe dans notre esprit et dans celui dautrui. (Monfort et Monfort Jurez, 2001, p 1)

  • ASSISES THEORIQUES

    8

    observ son insu par un renard derrire un buisson. Ce dernier dsire manger le lapin. Ainsi

    on demande lenfant de choisir limage correspondant ltat desprit du lapin. Les plus

    jeunes enfants (3-5 ans) optent pour limage reprsentant le lapin qui a peur. Ils narrivent pas

    concevoir que le lapin ne sait pas que le renard lobserve. Les plus gs (9-11 ans) dsignent

    limage du lapin joyeux. Ils comprennent que le lapin est persuad dtre seul. Pour analyser

    la comprhension des motions mixtes, une seconde histoire a t invente. Il sagit dun

    garon qui, pour son anniversaire, a reu un vlo. Mais alors quil le regarde, il est partag

    entre le fait dtre content par ce cadeau et la peur de faire pour la premire fois du vlo. Les

    plus jeunes enfants (3-5 ans) choisissent lune des deux motions quand on leur demande

    comment se sent le garon. Les plus grands (9-11 ans) sont capables dattribuer les deux

    motions au personnage. Ainsi, les auteurs obtiennent trois rsultats. En premier lieu, la

    confirmation du dveloppement en neuf composantes de la comprhension de lmotion chez

    les enfants. Mais galement, la dcouverte de trois paliers de dveloppement. De 3 5 ans,

    lenfant est apte reconnatre les motions de base partir dexpressions faciales, analyser

    les causes motionnelles et raliser limportance des souvenirs dans lmotion. De 5 7 ans,

    il prend conscience de limpact des dsirs et des croyances sur lmotion, diffrencie les

    motions apparentes et celles ressenties. Enfin de 9 11 ans, il prend en compte les motions

    mixtes, cest--dire quil reconnat alors quune personne peut prouver deux motions

    opposes provoques par une mme situation et peut en dterminer les causes. Il contrle

    ainsi ses motions et lincidence de la morale sur celles-ci. Enfin, ils mettent en vidence le

    lien entre le dveloppement des neuf composantes et lattribution dtats mentaux.

    Cependant, on remarque des disparits individuelles quant la comprhension des

    motions et lvocation du contenu motionnel dans les noncs des enfants. Harris (1994,

    1999) met en vidence le retentissement familial des rapports motionnels sur cette

    comprhension chez les enfants (Harris & al, 2003). En effet, plus le dialogue est ouvert

    propos des motions et mieux les enfants peroivent et rflchissent sur les dsirs, les

    croyances et les motions mixtes et peuvent ainsi attribuer plus aisment des tats mentaux

    autrui. Ainsi, plus une motion est voque, plus sa reprsentation mentale est inscrite chez

    lindividu et mieux elle sera reconnue et prouve lors de lapparition de lmotion.

  • ASSISES THEORIQUES

    9

    1/ Aspects socio-perceptifs

    La capacit percevoir les divers stimuli de lenvironnement est essentielle pour

    linterprtation et la comprhension des motions. Comprendre une motion cest tre capable

    dattribuer un ressenti autrui en se positionnant de son point de vue. Les ges de

    dveloppement de la comprhension des motions varient quelque peu en fonction des

    diffrences individuelles et suivant les auteurs. Mais il est certain que lintrt port

    lmotion saccrot au cours de lenfance. Hobson (1995) identifie la prparation

    motionnelle des nourrissons comme indispensable au dveloppement relationnel (Monfort

    & Monfort Juarz, p.7, 2001). En effet, les caractristiques affectives transmises dans

    lexpression vocale des parents leur enfant sont primordiales dans le dveloppement du

    nourrisson. La prosodie se caractrise par un dbit de parole plus lent, une exagration des

    contours et une prsence dans le discours dinformations motionnelles facilitant la

    comprhension de lenfant. Ce parler-bb (ou Langage Adress lEnfant) permet par

    ces modulations intonatives et langagires de favoriser le dveloppement du langage, de la

    communication et des motions chez le nourrisson. Ainsi, Hobson (1995) remarque quun

    nouveau-n peut tre capable didentifier un tat motionnel chez autrui, dprouver de

    lempathie et dajuster alors son comportement lors dun change ds 1 an. On relve vers 2

    mois, que lenfant rpond aux stimuli par lorientation visuelle. Muir et Nadel, (1998)

    estiment que le sourire du bb entre 1 mois et 2 mois exprime de la joie (Brun, 2001). Ce

    dernier est dj capable dprouver de lintrt, de la satisfaction et de la peur. Les rires et les

    pleurs apparaissent cet ge-l, puis 5 mois le sentiment de colre survient. A 7 mois,

    lenfant peroit des sentiments de surprise et de tristesse. En 1997, la capacit des bbs de 5

    7 mois analyser des lments communs la prosodie et aux expressions faciales

    motionnelles est mise en vidence par Walker-Andrews (Brun, 2001). Cette tude sur les

    capacits des nourrissons percevoir les expressions motionnelles a clairement indiqu que

    la prsentation de stimuli motionnels multimodaux facilite la dtection, la discrimination et

    la reconnaissance de ces stimuli motionnels. Pour lui, cest partir des stimuli multimodaux

    inhrents aux diffrents contextes environnementaux que lenfant peut comprendre et

    interprter les expressions sociales et motionnelles dautrui. La perception des stimuli

    multimodaux se dveloppe au cours de la petite enfance, offrant ainsi les indices ncessaires

    facilitant les apprentissages prcoces.

  • ASSISES THEORIQUES

    10

    Vers lge d1 an, on observe une rfrenciation sociale. Il sagit dun processus

    permettant lindividu dutiliser les informations que fournissent les autres dans une

    situation ambigu et inhabituelle afin dadapter ses propres comportements cette

    situation. (Brun, 1997, p 2). Par exemple, Klinnert (1984), rend compte de lattitude du

    bb de 12-18 mois explorer un jouet en fonction de lexpression de joie, de peur ou de

    neutralit de la mre (Brun, 1997). Lors dun vnement nouveau, le bb va faire appel aux

    expressions motionnelles de son entourage pour le comprendre. Ainsi la rfrenciation

    sociale contribue ladaptabilit de lindividu son environnement. (Brun, p 6). A 4 ans,

    lenfant nest pas capable dattribuer une fausse croyance2 autrui (efficiente que vers 6 ans),

    mais il est apte infrer des dsirs autrui (Harris, Johnson, Hutton, Andrews & Cooke,

    1989 ; Harris & al., 2003). Cest cette priode que lenfant fait le lien entre le dsir

    recherch et la ralit dont dpendent les motions. Entre 5 et 6 ans, lenfant comprend que

    les personnes ont des croyances (des reprsentations subjectives de la situation) et que celles-

    ci ont des rpercussions sur leurs motions.

    La perception des expressions faciales de l'motion est fondamentale dans

    traitement des motions. Elle permet l'interprtation de base des indices sociaux dont

    dcoulent les interactions sociales et comportementales. En grandissant, lexprience sociale

    saccrot. Les enfants commencent tablir des liens utilisant davantage le support verbal et

    croisant tous les indices ncessaires la comprhension dune motion. Ainsi, on observe que

    la capacit bien discerner les expressions faciales motionnelles est lie aux comptences

    sociales qui sacquirent durant les annes prscolaires. Ekman et Friesen (1978) ont mis au

    point un rpertoire des mimiques faciales (le FACS Facial Action Coding System) en 1980

    (Gosselin, 1995). Il sagit dun guide technique codant les changements de comportements

    faciaux. Ce rpertoire comporte quarante-quatre composantes faciales de base quon appelle

    des UA units daction (changements dapparence produits par la contraction musculaire dun

    ou plusieurs muscles de la face). Par exemple, les haussements de la partie intrieure et

    extrieure du sourcil (UA1 et UA2) sont des composantes de la peur. Le FACS est donc un

    support efficace dvaluation de lexpression faciale motionnelle et offre la possibilit de

    mieux comprendre certaines confusions dans les motions. En effet, Gosselin (1995) dcle

    cinq types derreurs rcurrentes tels que les confusions surprise-peur, peur-surprise, dgot-

    peur, surprise-joie, peur-tristesse chez les enfants de 5 7 ans. Il est vident que les motions

    2 Lattribution de fausses croyances : fait quune personne A attribue une pense un individu B en prenant en

    compte le point de vue de B. Il est donc indispensable que A puisse se dtacher de ses propres penses et

    comprendre que B na pas les mmes

  • ASSISES THEORIQUES

    11

    les mieux reconnues ces ges-l sont la joie, la colre et la tristesse malgr des confusions

    habituelles parfois entre la joie et la surprise ; la joie et la peur ; la colre et le dgot et enfin

    la tristesse et la peur. Ces confusions diminuent avec lge, selon les motions notamment

    vers 7-8 ans. Il se pourrait en fait, que la discrimination des expressions faciales soit due la

    configuration des UA et non une dtection individuelle des composantes faciales. Cest

    pourquoi, des confusions persistent longtemps car certaines UA se retrouvent dans plusieurs

    motions.

    2/ Aspects lexicaux et langagiers

    Daprs la psychologie dveloppementale, la thorie de lesprit3 slabore lors de

    lorganisation et de la rorganisation de conduites provoquant ainsi des diffrences

    interindividuelles. Elle est galement tributaire du langage qui joue un rle important. Le

    langage est primordial dans lattribution dtats mentaux et la comprhension des motions.

    En effet, des tudes ont dcouvert une forte corrlation entre les performances verbales et

    celles de tches dattribution de croyance (Jenkins & Astington, 1996 ; Le sourn-Bissaoui &

    Deleau, 2001). Ainsi, lmergence du langage permet lenfant dentrer plus facilement en

    communication et de partager de nouvelles expriences motionnelles. Ce vocabulaire

    motionnel, est assimil par lenfant avant son utilisation, lui offrant une meilleure adaptation

    environnementale et un perfectionnement de son contrle motionnel.

    Vers 2 ans, on parle du concept du soi-mme ou qute du moi . En dautres

    termes, il sagit pour lenfant de se diffrencier des autres personnes. Ce concept fait appel

    aux tats mentaux et la comprhension des motions. Lenfant reconnat alors lautre

    comme ayant ses propres motions mais il saperoit quil peut agir sur ltat psychique de

    lautre grce la parole ou aux actions. Cest donc cet ge, que langage et motions se

    lieraient. Ds 2 ans, lenfant est donc capable de parler des motions notamment des siennes

    mais galement de celles des autres. Les principales voques sont la tristesse, la joie et la

    colre. Il peut aussi attribuer des motions ses jouets (poupe, peluche) et faire rfrence

    3 Thorie de lesprit : Aptitude que manifeste lindividu expliquer (donc comprendre) ou prdire ses

    propres actions (et celles de ses semblables). Chez lenfant, cette thorie de lesprit recouvre la comprhension

    de lesprit, dans le sens o lesprit gnre des reprsentations qui ne sont pas des reproductions du rel mais des

    produits de lactivit mentale, cest--dire que selon cette thorie lenfant peut concevoir quun mme objet peut

    tre reprsent de manires diffrentes par des personnes diffrentes en fonction des reprsentations que les

    personnes se font de lobjet Brin et al (2004) p.261

  • ASSISES THEORIQUES

    12

    aux motions passes ou futures. Entre 2 et 3 ans, lenfant est capable de consoler un autre

    enfant. Lenfant est capable demployer le langage motionnel pour influencer autrui et

    arriver ses fins. Mme si entre 3 et 7 ans, lenfant est en gnral plus apte exprimer les

    motions qu les reconnatre, Fabes, Eisenberg, Nyman, et Michaelieu (1991) mettent

    cependant en valeur la capacit de lenfant de 3 ans identifier et expliquer une motion

    (les explications sont dautant plus prgnantes vers lge de 5 ans) (Harris & Pons, 2003).

    En grandissant, lenfant tend son langage motionnel la sphre familiale, le langage

    tant alors plus contextuel. Cest grce lui et aux nombreuses conversations du quotidien

    que lenfant accrot sa comprhension des tats mentaux, des relations comportementales

    mais galement lenrichissement de son lexique motionnel. Afin dvaluer la corrlation

    entre lenvironnement sociolinguistique des enfants prscolaires et leurs aptitudes faire

    appel aux motions et aux croyances dans lattribution dtats mentaux, Le Sourn-Bissaoui et

    Deleau, (2001) ont cr un protocole laide de deux livres illustrs que chaque mre raconte

    son enfant de 36 mois et 6 mois plus tard. Leur narration est alors recueillie pour recenser la

    frquence des rfrences maternelles explicites aux tats mentaux motionnels (joie, colre)

    et cognitifs (penser, connatre) et leurs diversits. Ensuite, lenfant est soumis une

    preuve de prdiction et dexplication dmotion. Trois situations sur quatre doivent tre

    valides pour russir lpreuve. En exemple, un personnage dsire manger un gteau au

    chocolat, quelle sera sa raction lorsquil dcouvrira que dans la bote, il reste un gteau ? La

    deuxime preuve consiste en la prdiction et lexplication dans des tches de fausse

    croyance. Concernant la prdiction, lexprimentateur montre tout dabord lenfant quune

    bote de pansement est vide et que celle ct ne comportant aucune indication est pleine de

    pansements. Puis il met en scne une poupe qui sest coupe et veut mettre un pansement.

    On demande lenfant pour la tche de prdiction dans quelle bote la poupe va dabord

    chercher le pansement. Pour la tche dexplication, une autre poupe voulant aussi un

    pansement intervient et prend la bote de pansements. On demande alors lenfant pourquoi

    cette seconde poupe prend cette bote. Pour finir, les auteurs valuent le niveau langagier des

    enfants laide de lchelle verbale MSCA (chelle daptitudes pour enfants de Mac Carthy).

    Les rsultats suggrent que les mres font plus rfrence aux tats motionnels qu ceux

    cognitifs 36 mois qu 42 mois. De mme, elles produisent plus dtats motionnels divers

    que dtats cognitifs diffrents 36 mois qu 42 mois. De plus, les exprimentateurs ont

    remarqu durant lintervalle dobservation une plus grande capacit prdire et expliquer

    une motion. Afin dtudier les liens entre le discours maternel et la comprhension des tats

  • ASSISES THEORIQUES

    13

    mentaux, Le Sourn-Bissaoui et al (2001) travaillent avec les enfants de 42 mois. En effet,

    leurs russites aux preuves prcdentes sont plus satisfaisantes qu 36 mois. De plus, il est

    intressant dtudier les effets prdictifs des conversations mre-enfant sur la comprhension

    des tats mentaux des enfants de 42 mois. Ainsi, les auteurs obtiennent une corrlation entre

    les discours maternels 36 mois et les performances aux preuves de cognition sociale des

    enfants 42 mois. Ils mettent en vidence un lien entre le contenu des discours des mres sur

    les cognitions et les motions et les performances de lenfant dans des tches dattribution

    dtats mentaux et de cognitions sociales. Ainsi, plus tt les parents discutent avec leur enfant

    des dsirs et des croyances et plus tt ces enfants russissent les voquer clairement

    (Bartsch & Wellman, 1995 ; Le Sourn-Bissaoui & al, 2001). Dunn, Brown, Slomkowski,

    Testa et Youngblade (1991) remarquent, chez des enfants de 3 ans 3 mois, un lien entre

    linfluence des conversations au sein de la famille et la capacit expliciter les sentiments

    dune poupe, expliquer ses propres actes dans une situation motionnelle et attribuer de

    fausses croyances (Le Sourn-Bissaoui & al, 2001). Cest pourquoi plus les conversations

    propos des motions sont frquentes, plus les performances de ces enfants sont leves en

    comprhension dtats mentaux. Ainsi, le dialogue sur les motions favorise la

    comprhension de tches de cognition sociale en permettant dlaborer une reprsentation des

    tats mentaux plus visible. Comme le confirme Le Sourn-Bisssaoui et Deleau (2001) p.332

    les contenus conversationnels jouent un rle dans llaboration par lenfant dune

    reprsentation des tats mentaux et, dautre part, celle dune relation spcifique entre les

    contenus motionnels et cognitifs du discours maternel et les performances des enfants. . Le

    dveloppement de la thorie de lesprit et celui du langage sont donc intrinsquement lis et

    se nourrissent lun lautre.

    Cest pourquoi les habilets langagires sont un vecteur essentiel dans la

    reprsentation cognitive (plus un enfant peut se reprsenter les lments abstraits, meilleure

    est sa comprhension). De surcrot, avoir un bon niveau de langage, permet galement de

    sintgrer dans la socit afin de communiquer avec les autres, et ainsi, de pratiquer davantage

    cet outil linguistique qui aide mieux manipuler les tats mentaux, les motions. Mme si

    lon a prtendu que lon peut comprendre les motions sans utiliser le langage, la capacit de

    pouvoir en parler permet datteindre un niveau diffrent dintersubjectivit que celui de la

    communication non verbale. Pouvoir parler des motions reprsente une fonction rgulatrice

    et clarificatrice lors des relations interpersonnelles, mme chez les jeunes enfants.

    Bretherton et al, 1986 ; Le Sourn-Bisssaoui et al, 2001, p 337).

  • ASSISES THEORIQUES

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    Mme si lhomme a mis des mots sur les motions afin de les traduire, le paralangage4

    demeure le moyen de transmission motionnel le plus inn linstar des mots qui restent

    conceptuels.

    C/ Les expressions faciales

    Les expressions faciales ont fait lobjet dun grand nombre de recherches. Elles

    participent la comprhension des motions, la rgulation et la cohsion des interactions

    sociales. Primordiales dans le dveloppement de lattachement, elles sont prsentes ds les

    premiers jours de la vie (Izard, 1991 ; Gosselin, Roberge & Lavalle, 1995). En effet, ds la

    naissance, le nourrisson discrimine plusieurs expressions faciales et les imite. Limitation des

    mouvements faciaux participe au contrle volontaire des expressions faciales notamment chez

    les enfants dge prscolaire (Field & Walden, 1982 ; Gosselin, 1995). Par exemple, la joie

    semble plus facile imiter que la peur (Ekman & al, 1980 ; Gosselin, 1995). On retrouve ainsi

    une universalit des mimiques. Les enfants font effectivement tous les mmes mimiques et les

    acquirent dans le mme ordre. Lenvironnement socioculturel doit alors soutenir leur

    apparition et matriser leur expression. Ds 4 mois, le nourrisson pose plus longtemps son

    regard sur les expressions faciales de joie (Labarbera, Izard, Vietze & Parisi, 1976 ; Gosselin,

    1995). Vers le septime mois, lenfant peut les catgoriser (Nelson, 1987), et en discriminer

    certaines (Ludemann, 1991, Nelson & Dolgin, 1985 ; Gosselin & al, 1995). A 1 an, le bb

    sait sil sagit dune expression faciale agrable ou non (Harris, 1990 ; Gosselin & al, 1995).

    Vers 2-3 ans, le jeune enfant interprte certaines expressions faciales et y associe le lexique

    adquat (Izard, 1971 ; Gosselin & al, 1995). Au cours de sa troisime anne, lenfant

    reconnat bien la joie, la colre et la tristesse mais cest entre 5 et 6 ans que leur

    reconnaissance devient compltement efficiente (Tremblay & Gosselin, 1985 ; Gosselin & al,

    1995). Les enfants gs de 3 5 ans commencent distinguer la peur, le dgot et la surprise

    et amliorent cette reconnaissance jusqu lge de 10 ans (Kirouac, Dor & Gosselin, 1985 ;

    Gosselin & al, 1995). La production dexpression faciale dbute par la joie puis la colre

    suivie de la tristesse entre 3 ans et 9 ans (Perron & Gosselin, 2004). Ainsi, lenfant amliore

    tout au long de son enfance la qualit de ses productions faciales.

    4 Paralangage : ensemble des moyens de communication non verbale qui accompagnent naturellement

    lnonciation (prosodie, mimique, geste) (Brin et al., 2004, p 187)

  • ASSISES THEORIQUES

    15

    Gosselin et al (1995), ont labor un protocole partir dexpressions faciales

    photographies afin de vrifier la comprhension des termes motionnels des enfants de 5

    10 ans sur la reconnaissance des expressions faciales. Pour se faire, ils constituent trois

    groupes denfants : 5-6 ans, 7-8 ans et 9-10 ans. Afin dvaluer la comprhension des termes

    motionnels, quatre histoires sont lues lenfant qui doit dterminer lmotion ressentie par le

    personnage. Ensuite, lenfant regarde la srie de photographies reprsentant soit un homme

    soit une femme ayant une expression faciale de dgot, de joie, de colre ou bien de surprise.

    Lenfant doit indiquer pour chacune lmotion de la personne. Les rsultats de ltude

    rvlent une assez bonne comprhension des termes motionnels chez les 5-6 ans, celle-ci

    devenant excellente lge de 7 ans. Ils remarquent que lorsque laccentuation de

    lexpression faciale est importante, la reconnaissance de la joie et de la colre est parfaite.

    Ceci nest remarquable pour la surprise qu partir de 7-8 ans et nest envisage qu lge

    adulte pour le dgot. De plus, ils ne relvent pas de lien entre la comprhension des termes

    motionnels et la reconnaissance des expressions faciales. Pour finir, une comprhension

    approximative de ces termes na pas de consquence directe dans la production dexpressions

    faciales chez ces enfants. Ces auteurs mettent donc en vidence des convergences par rapport

    aux tudes antrieures quant lge de reconnaissance de la joie (5-6 ans), de lamlioration

    de la reconnaissance de la surprise et du dgot entre 5-6 ans et 7-8 ans. Cependant, des

    divergences sont noter comparativement aux tudes prcdentes quant lexpression de

    colre. En effet, lors de cette tude, Gosselin et al (1995) ne rvlent pas daugmentation de la

    reconnaissance de la colre entre 5-6ans et 7-8 ans comme le dmontraient les tudes

    antrieures. Lanalyse de lintensit de lmotion montre une meilleure reconnaissance chez

    les enfants notamment pour la joie et la colre mais naide en rien pour la surprise et le dgot

    (peu dunits daction facilitent le jugement des enfants). Ainsi, lamlioration de la

    reconnaissance des expressions faciales motionnelles est due la qualit du jugement des

    enfants (celui-ci augmente avec lamlioration de la discrimination des expressions faciales

    motionnelles et des reprsentations mentales des motions avec lge). Gosselin et al (1995)

    en dduisent alors que les erreurs de reconnaissance ne sont pas causes par le systme

    perceptif, mais par la reprsentation mentale des expressions motionnelles. Enfin, ils

    remarquent que la capacit reconnatre une expression faciale est lie la personnalit et

    lempathie de lindividu ressentir une motion.

    Ainsi, les expressions faciales ont une place prpondrante dans lmotion et

    notamment dans le dveloppement des interactions sociales et lvolution de lindividu dans

  • ASSISES THEORIQUES

    16

    son environnement. Llaboration dunits daction permet de mieux tudier et comprendre le

    dveloppement des motions chez lenfant. Mme si des confusions persistent longtemps,

    lenfant est rapidement capable dutiliser certaines expressions faciales et de les reconnatre

    afin dagir et de mieux apprhender son milieu grce une meilleure reprsentation mentale

    et un bon dveloppement cognitif. Lenvironnement socioculturel reste influant quant

    lvolution de la comprhension et de linterprtation de ces expressions faciales

    motionnelles.

    D/ La prosodie

    Longtemps nglige par la recherche, lexpression motionnelle vocale est pourtant un

    lment important de lmotion. La prosodie est lensemble des faits suprasegmentaux

    (intonation, accentuation, rythme, mlodie, tons) qui accompagnent, structurent la parole et

    qui se superposent aux phonmes (aspect segmental). (Brin & al, 2004). Cest un vecteur

    privilgi de la parole motionnelle. Nombre dauteurs croient que laccentuation, le rythme

    et lintonation, en dautres termes la prosodie, dterminent un rle prpondrant dans la

    communication vocale motionnelle (Fnagy, 1983 ; Bnziger, Grandjean, Bernard,

    Klasmeyer & Scherer, 2001). Lmotion peut donc tre communique par laspect mlodique,

    rythmique et le timbre (Scherer, Feldstein, Bond & Rosenthal, 1985 ; Bnziger & al, 2001).

    Avec son modle de processus-composantes, Scherer (1984b, 1986, 2001) conoit

    lexpression vocale des motions comme dynamique, inscrite dans un contexte situationnel

    prcis (Scherer, Bnziger & Grandjean, 2003). Ainsi, lorsquune motion apparat, des

    manifestations physiologiques surviennent et produisent des changements du rythme

    respiratoire, des modifications du systme phonatoire (vibration des cordes vocales) et

    articulatoire. Lmergence de tensions musculaires ou encore laugmentation de la salivation

    peuvent intervenir galement dans une motion touchant ainsi la prosodie de lindividu. Tout

    ceci est modifi par des bouleversements cognitifs, autonomes et somatiques lis la rponse

    motionnelle.

    Scherer tablit une approche de covariance et une approche de configuration pour

    tudier lintonation. Dans la premire, les indices motionnels et les indices du contenu

    linguistique sont indpendants et voluent en parallle. Cette approche est idale pour tudier

    la parole affecte par des facteurs biologiques. La deuxime approche considre que le

  • ASSISES THEORIQUES

    17

    contour de F05 est un lment linguistique. Cette approche est employe pour tudier une

    parole affecte par les conventions linguistiques et socioculturelles.

    En utilisant le modle de Scherer, on peut dgager des prdictions quant aux

    modifications acoustiques provoques par des ractions motionnelles. Pour cela, deux types

    de mthodes sont mises au point.

    La premire fait appel la reconnaissance et au jugement des motions par lcoute

    dun chantillon vocal. Elle est aussi appele tude de dcodage ou de perception de laffect

    vocal. On enregistre des acteurs nonant des phrases dpourvues de signification mais

    charges daffects motionnels comme la joie, la colre, la tristesse, la peur et le dgot.

    La seconde mthode dite dencodage, est fonde sur lanalyse des proprits physiques

    acoustiques de la parole. Ces paramtres acoustiques modifis par la respiration et la

    phonation incluent la frquence fondamentale, lintensit (lamplitude) et la dure des

    diffrentes segments des expressions (parties voises, non voises, silencieuses des

    segments). Le timbre, lui est affect par les changements somatiques et physiologiques

    (Scherer, 1986 ; Bnziger & Scherer, 2005). Le but de cette dernire mthode est dtablir et

    de prdire des patrons de paramtres en fonction des motions spcifiques. Cependant ceux-ci

    sont difficiles mettre en relief du fait des nombreuses caractristiques vocales de la parole.

    Ainsi, on nidentifie pas avec certitude les proprits acoustiques spcifiques de chaque

    motion. Dans son modle dencodage, Scherer, remarque la rapidit avec laquelle les

    expressions vocales changent de faon squentielle et continue au cours dune motion mais il

    ne prend pas en compte les modifications des contours intonatifs de lnonc et celles du

    timbre.

    Les tudes de dcodage de lmotion vocale permettent de choisir, parmi plusieurs

    motions, celle correspondant lenregistrement. Ainsi, Scherer, (1989), met en vidence une

    plus grande facilit reconnatre la tristesse et la colre plutt que la joie, la peur et le dgot

    (Bnziger & al, 2001).

    Certains auteurs tels que Ladd, (1983) considrent la prosodie motionnelle comme la

    superposition de plusieurs composantes (Bnziger & al, 2001). Cette superposition est base

    sur une variation de la hauteur et une ligne de dclinaison (lintonation est haute au dbut de

    la production vocale puis baisse peu peu). Cependant, ce modle ne permet pas de prciser

    la production de lintonation, ni de comparer des expressions vocales en fonction de leurs

    5 Frquence fondamentale ou F0 : En acoustique, cest le premier terme de la somme des sons simples quon

    obtient quand on dcompose un son priodique complexe. Cest le principal responsable de la sensation

    subjective de hauteur. (Brin et al (2004) p.103)

  • ASSISES THEORIQUES

    18

    contours intonatifs, de leur F0, de leurs dures, de leurs amplitudes et de leurs hauteurs de

    rfrence puis de celles finales. Mais il peut seulement les dcrire.

    Dun point de vue plus neurologique, Grandjean, Scherer, Ducommun, Michel et

    Landis (2001) tudient la spcialisation hmisphrique de la perception de lintonation

    pragmatique (affirmatif, interrogatif ou neutre) et de lintonation motionnelle (joie, tristesse,

    neutre) (Bnziger & al, 2001 p.29). A laide dlectroencphalogramme et de cartographie

    crbrale, ils ont modul diffrents paramtres acoustiques caractristiques des types

    dintonation. Ils ont alors pu mettre en vidence une identification des variations prosodiques

    mais nont pu localiser prcisment le ou les points de diffrenciation prosodique dune

    motion prcise. Ils supposent que certaines modifications mineures sur des paramtres

    acoustiques affecteraient probablement la perception motionnelle de manire importante

    alors que certaines modifications majeures sur dautres paramtres nauraient que peu

    deffets sur la perception de cette motion, et inversement pour une autre motion.

    (Bnziger & al, 2001 p. 34).

    La modulation du contour de la frquence fondamentale est essentielle dans

    lattribution dmotion. En effet, par exemple si on pose une question dont la rponse est

    oui/non avec un contour final descendant, celle-ci apparatra comme provocante lauditeur

    (Scherer, Ladd & Silverman, 1984 ; Bnziger & al, 2001). Cest ainsi quon remarque laspect

    pragmatique6 et motionnel que transporte lintonation suivant le type dnonc quil soit

    interrogatif ou affirmatif.

    La prosodie joue donc un rle indispensable dans le dveloppement du langage, de la

    comprhension verbale et de la communication. Actuellement, nous navons aucune preuve

    fiable de lexistence dune motion spcifique pour un type dintonation. Cependant, on pense

    que les contours de F0 ont une signification motionnelle plus ou moins indpendante du

    contour linguistique. En effet, si lintonation affecte ltat motionnel dautrui permettant ce

    dernier dinfrer des tats mentaux au locuteur, le caractre linguistique reste parfois

    indpendant de linterprtation motionnelle. Par exemple, les tudes de Papousek et al (1991)

    6 Pragmatique : La pragmatique sintresse ce qui se passe lorsquon emploie le langage pour communiquer,

    cest-dire que dune part elle tente de dcrire lensemble des paramtres linguistiques et extralinguistiques qui

    influent sur le phnomne de lnonciation, qui modifient la faon dont lnoncest transmis, et dautres part elle

    tudie dans quelle mesure ces paramtres interviennent. Elle sattache percevoir ce que lnonc exprime ou

    voque, et ce que fait le locuteur en lnonant. (Brin et al, (2004) p. 201)

  • ASSISES THEORIQUES

    19

    montrent que la signification motionnelle peut-tre communique travers les modulations

    de lintonation avant lacquisition du langage chez le nourrisson. Lintonation a lavantage de

    maintenir lattention de lauditeur (Bnziger & al, 2005). Cest effectivement linformation

    motionnelle envoye qui motive lauditeur couter. Cette fonction pragmatique invite

    lauditeur accder lintention communicative du locuteur. Maillochon, Bassano (2003)

    mettent en valeur la capacit des tout-petits (20 30 mois) comprendre les aspects

    exclamatifs grce la prosodie (Aguert, Laval & Bernicot, 2008). Cutler et Swinney, (1987)

    montrent quant eux, que lenfant utilise prioritairement lindice linguistique et ce nest que

    plus tard quil envisage celui prosodique (Moore, Harris & Patriquin, 1993).

    Moore, Harris, et Patriquin, (1998) tudient cette question. Ils cachent un objet dans

    une bote, lautre restant vide. Deux pantins font une dclaration sur la localisation de lobjet,

    chacun indiquant une bote diffrente. Dans une premire exprience, les deux dclarations

    diffrent selon leur aspect lexical ( savoir qui correspond une grande certitude et

    deviner quon associe un jugement hasardeux) et prosodique (intonations montante et

    descendante). Une quarantaine denfants de 3-6 ans doivent alors trouver lobjet en suivant les

    dclarations des pantins. Les rsultats attestent que lenfant distingue savoir et deviner

    entre 4-6 ans. A 4 ans, lenfant utilise linformation prosodique seulement pour valuer la

    pertinence et la fiabilit dune information. Dans une seconde exprience, quarante enfants de

    3-5 ans participent. Le mme matriel est utilis, mais les auteurs dpareillent les intonations

    et les dclarations savoir et deviner . Les rsultats montrent que lintrt pour les

    indices prosodiques et lexicaux se dveloppe en mme temps 4 ans, mais la priorit est tout

    de mme donne au contenu. Dautre part, cette recherche assure que lorsque le lexique et la

    prosodie sont combins dans le mme nonc, les dcisions des enfants de 5 ans montrent la

    prise en compte de lintonation. De plus, ils traitent lintonation descendante comme un

    marqueur de plus grande certitude que lintonation montante. En dfinitive, pour dterminer

    ltat psychologique du locuteur, ils jugent les indices du contenu propositionnel de lnonc

    en premier quand ceux-ci sont clairement fiables et utilisent ceux prosodiques en second, soit

    pour moduler linterprtation quils viennent dtablir avec les indices lexicaux (ils

    recherchent toujours dabord ces indices avant de se pencher sur ceux prosodiques), soit

    quand ces derniers ne sont pas assez clairs.

    Cest vers 9-10 ans que lintonation sert de rfrence dans linterprtation dtats

    mentaux pour la moiti des enfants. En dautres termes, cet ge, ils considrent autant la

    prosodie et le contexte (Aguert & al, 2008).

  • ASSISES THEORIQUES

    20

    Des tudes sur la comprhension sarcastique divergent quant lge de lintrt

    prosodique. En effet, alors que les adultes considrent lintonation comme indispensable

    toute comprhension sarcastique, Creusere, (1999), atteste qu 8 ans, lenfant commence

    percevoir lintonation comme un indice intressant pour comprendre ce type dnonc

    (Aguert & al, 2008). Plus rcemment, Laval et Bert-Erboul (2005) dmontrent qu partir de 5

    ans les enfants accordent une priorit lintonation pour lnonc sarcastique par rapport au

    contexte (Aguert & al, 2008). Cependant, il est important de noter que lnonc sarcastique

    fait appel autant au contenu qu la prosodie. Ainsi, la prosodie a pour fonction dtayer les

    autres lments de cet nonc. Cest pourquoi, dans ltude de Laval et Bert-Erboul, (2005)

    lenfant de 5 ans accorde autant dimportance la prosodie alors que dans une situation

    communicationnelle classique, la prosodie nest prsente que pour accompagner le contenu

    (Aguert & al, 2008).

    Enfin, Bnziger et Scherer (2005) remarquent quen labsence de congruence entre

    expression faciale, contexte ou contenu lexical, les enfants prouvent des difficults

    interprter lintonation.

    Ainsi avant 5-7 ans, les enfants prennent en compte en premier lieu le contenu

    linguistique et contextuel dans une situation conversationnelle. Entre 9 et 10 ans le mme

    intrt est port sur la prosodie et le contexte. Et ce nest qu lge adulte que lindividu fixe

    son attention sur lintonation.

    E/ Le contexte

    Le contexte, en pragmatique est lensemble des donnes verbales et non-verbales qui

    concourent lnonciation et qui permettent lnonc ou au mot de prendre une valeur

    dans la communication. On distingue le contexte littral ou co-texte qui est li lnonc oral

    ou crit, et le contexte situationnel ou situation, qui est lensemble non-verbal accompagnant

    la production verbale (lieu, mimique, rapport entre les interlocuteurs, rle des

    interlocuteurs) (Brin & al, 2004). Nous nous pencherons davantage sur la part du contexte

    situationnel dans ce mmoire.

    Trs peu dtudes se sont intresses aux effets du contexte sur la comprhension du

    monde environnant et des motions. Comme indiqu prcdemment, le contexte situationnel

    est essentiel pour la comprhension du langage oral (Bernicot, 2006) et reste lun des

  • ASSISES THEORIQUES

    21

    lments fondamentaux de lutilisation des demandes indirectes chez les enfants de 1,5 ans

    jusqu 6-7 ans et plus (Aguert, Laval & Bernicot, 2010). Dans leur tude, en 2008, Aguert,

    Laval, et Bernicot font lhypothse que les enfants de 5 ans se fondent sur le contexte et les

    adultes sur lintonation. Pour se faire, ils crent un matriel informatis mettant en scne deux

    personnages dont le discours est compos de logatomes7 afin que lenfant base son

    interprtation sur le contexte ou lintonation. Ce dernier doit indiquer si lintention de

    communication est positive ou ngative. Ainsi, ils ralisent une premire exprience mettant

    en contradiction lintonation et le contexte et une seconde exprience o seul lun des deux

    indices est prsent afin de contrler si lenfant est capable de prendre en compte lun ou

    lautre seul. Dans la premire exprience, 54 enfants de 5,2 ans 9,2 ans et 18 adultes

    participent. Douze histoires de Pilou le lapin et Edouard le canard sont racontes oralement.

    La moiti des situations est congruente, lautre moiti est non congruente. Les rsultats

    montrent que les enfants de 5-7 ans prennent en compte le contexte. A 9 ans, lintonation et le

    contexte sont considrs de faon identique. A lge adulte, lintonation est prioritaire. Une

    dernire exprience est ralise avec des enfants de 5-7 ans, afin de connatre leurs capacits

    de prise en compte de lintonation. Daprs les rsultats, les enfants de 5 ans ne sont pas aptes

    employer lintonation si elle forme le seul indice disponible. En revanche, ils observent qu

    lge de 7 ans, lintonation vient renforcer le rle du contexte dans la comprhension de

    lintention communicative dune situation non congruente. De mme, des recherches sur la

    comprhension des promesses attestent de limportance du contexte chez lenfant (Laval &

    Bernicot, 1999 ; Aguert & al, 2010). Concernant les expressions idiomatiques, Cacciari et

    Levorato (1989) rvlent que le contexte offre laccs au sens de lexpression. Ce type

    dexpression fait appel des concepts dabstraction, dtats mentaux tels que les intentions,

    les ressentis et les motions ce qui est difficile pour les enfants (Flavell & Ross, 1981)

    (Aguert, 2010). Cest notamment par le contexte que lenfant peut interprter de faon

    figurative lidiome vers lge de 7 ans, quand il est infr dans un contexte adquat mme si

    le sens littral est inappropri ou plausible. A linverse, ladulte privilgie le sens idiomatique

    car il sait se dtacher du contexte. Chez lenfant, plus le contexte est riche et meilleure est son

    interprtation. Cest vers 8 ans, que lenfant prend conscience et est capable de se diriger vers

    laspect non-littral dun nonc. Il passe alors au stade de croyance dun langage littral

    une connaissance figure induisant ainsi de nombreux tats mentaux.

    7 Logatome : Production orale et/ou crite, sans signification, compose dune seule ou de plusieurs syllabes

    (exemples : vo, ti , chon, favu, chijo, noug, rikap, cragonblin, etc.). (Brin et al, 2004)

  • ASSISES THEORIQUES

    22

    La prise en compte du contexte reste donc une base fondamentale dans la

    comprhension des motions et le processus dveloppemental langagier.

    Dans ce mmoire, nous voquons les motions travers ltude de la surdit. En effet,

    celle-ci perturbe la production et la comprhension des motions. Malgr la correction

    auditive parfois tardive et de qualit variable, lenfant ayant un appareil conventionnel est

    capable de rentrer dans le langage oral. Cependant, tant privs de stimulations auditives

    durant la petite enfance, ces enfants connaissent un dveloppement sensoriel prcoce atypique

    ayant une incidence quant au dveloppement des interactions sociales, affectives et

    motionnelles. Ainsi, nous dbuterons par un rappel concernant la surdit et lappareillage

    conventionnel. Puis nous aborderons le dveloppement langagier et pragmatique de ces

    enfants travers les diverses tudes sy rfrant.

    II/ LENFANT SOURD

    A/ Surdit et appareillage prothtique conventionnel

    La surdit est une altration de laudition8. La dficience auditive reprsente 1 des

    naissances, soit 600 700 enfants par an. La venue dun enfant sourd est un vritable

    branlement pour la famille, car ce nest pas seulement la pathologie elle-mme qui la

    bouleverse mais cest surtout lensemble du systme de communication qui se voit entrav

    par la surdit. Suivant le type de surdit, lacquisition du langage, le reprage spatio-temporel,

    lintelligibilit de la parole, le dveloppement intellectuel et psychoaffectif, la socialisation, la

    construction de lidentit, la scolarisation, laccs culturel et professionnel sont autant de

    domaines susceptibles dtre touchs.

    Cinq grands critres caractrisent la baisse de laudition. Il sagit de ltiologie, de lge

    dapparition que lon qualifie soit de surdit pr-linguale, pri-linguale ou post-linguale, du

    8 Audition : Activit sensorielle complexe ralise grce loreille et ses affrences, permettant la perception,

    lintgration des sons et bruits. Laudition commence avec la rception, au niveau de loreille externe, dune

    onde sonore qui est ensuite achemine mcaniquement au travers de loreille moyenne (osselets, milieu arien)

    puis au travers de loreille interne (cochle, milieu liquidien) jusquaux cellules cilies de lorgane de Corti

    (Brin et al., 2004, p. 29)

  • ASSISES THEORIQUES

    23

    degr de dficit quil soit lger, moyen, svre ou profond ; du type de surdit quelle soit de

    transmission, de perception ou mixte et enfin de la bilatralit ou non de la surdit.

    On remarque actuellement que parmi les surdits 60% sont dorigine gntique dont 30%

    sont syndromiques et 70% sont isoles. 25% des surdits sont causes par des facteurs

    externes tels que les infections, les mningites, les pathologies de la grossesse, les

    consquences de la prmaturit). Enfin, concernant les autres surdits, soit 15%, les causes

    restent inconnues.

    Lge dapparition de la surdit est un des facteurs dterminants quant au dveloppement

    langagier de lenfant. Ainsi, on repre trois stades de survenue de la surdit congnitale :

    Surdit pr-linguale : ds la naissance ou avant lapparition normale du langage

    soit avant 2 ans.

    Surdit pri-linguale : entre lge de 2 et 4 ans. Les surdits pr et pri linguales

    interfrent dans le dveloppement du langage surtout quand il sagit de surdits

    bilatrales et svres ou profondes.

    Surdit post-linguale : aprs lge dacquisition du langage soit aprs 4 ans.

    La dficience auditive lgre est comprise entre 21 et 40dB de perte daprs le BIAP

    (Bureau International dAudioPhonologie). Ainsi, lenfant peut percevoir la parole.

    Cependant, on remarque des perturbations quant lintelligibilit phontique et la

    reconnaissance de certains indices sonores. Heureusement, la redondance de la parole et la

    lecture labiale permettent de faon implicite de compenser. On retrouve des difficults en

    voix chuchote ou sur des sons lointains pour la comprhension du langage. Lenfant accde

    donc une scolarit classique.

    Pour la dficience moyenne, la perte tonale se situe entre 41 et 70dB de perte. Si on lve

    la voix, la parole est perue. Certains bruits sont distingus. Lenfant doit tre suivi en

    orthophonie afin de dvelopper lapprentissage du langage. Ce type de surdit retentit dans la

    production de la parole notamment sur le contrle de lintensit, de la mlodie, du timbre et

    du rythme. Tout ceci a une incidence sur la production articulatoire et la parole de lenfant. Le

    dpistage doit tre effectu tt pour une meilleure intgration sociale. Sa scolarit peut se faire

    soit en institut spcialis soit en classe ordinaire avec quelques amnagements cependant.

    La dficience auditive svre se situe entre 71 et 90dB de perte. Lenfant ne peroit que

    les mouvements de la bouche. La parole crie et les fortes intensits sont devines mais de

    manire rduite. Il ne distingue pas les bruits de la nature, seuls ceux des activits humaines

  • ASSISES THEORIQUES

    24

    peuvent tre perus. Les indices vibratoires sont alors trs importants et renseignent lenfant

    sur son milieu. Lappareillage est indispensable pour la perception de la voix et

    lapprentissage de la parole. Un accompagnement spcialis semble vident notamment un

    suivi orthophonique qui peut savrer trs long tout comme pour une surdit profonde.

    La surdit profonde se situe un seuil de perception suprieur 90dB HL. La parole nest

    donc pas entendue. Mme forte intensit, seuls certains bruits trs forts sont perus comme

    tant trs faibles. Lenfant est mutique si la surdit est bilatrale, congnitale, sans

    appareillage et sans ducation prcoce. Si les bandes de frquences correspondant aux traits

    phonmiques du langage ne peuvent tre amplifies par une prothse classique on propose

    limplant cochlaire. On distingue trois catgories au sein des surdits profondes : la

    premire concerne une perte de 91 100dB, la deuxime recueille les pertes entre 101 et

    110dB, la dernire va au-del de 111 119dB HL. Puis on parle de cophose au-del dune

    perte suprieure 120dB.

    Ainsi, il est essentiel de pratiquer un dpistage prcoce afin de rapidement mettre en

    place une prise en charge spcialise pour accompagner au mieux la famille et lenfant vers

    des dispositifs adapts. Lorthophoniste tient donc un rle central dans ce suivi rducatif et

    ducatif afin dapporter des outils et techniques ncessaires au dveloppement de la

    communication ds le plus jeune ge chez ces enfants appareills ou non, ou encore

    implants. Aujourdhui, le dpistage peut seffectuer ds le deuxime jour laide de PEA

    (Potentiels Evoqus Auditifs). Le diagnostic qui sen suit doit tre confirm dans les trois

    mois venir afin dinstaurer une prise en charge pluridisciplinaire avant six mois dans le

    meilleur des cas.

    Lappareillage auditif [] regroupe la fois la prothse elle-mme ainsi que sa mise en

    place qui doit tre ralise au plus tt pour que ladaptation soit la plus satisfaisante

    possible. (Brun & al., 2004, p.21). Lappareillage est au dpart, bien souvent mal accept

    par lentourage. En effet, il vient traduire le handicap de la surdit alors que celle-ci reste

    invisible. Cest pourquoi, il se miniaturise avec lvolution technique. Lappareillage

    prothtique, dans un projet oraliste, est un moyen dviter le repli social des enfants sourds.

    La prescription dun type dappareil se fait en fonction du type et du degr de surdit, de la

    gne et de la demande de lentourage ou du patient. Ds que lon remarque une dgradation

    en audiomtrie vocale ou une perte moyenne daudition sur les frquences 500, 1000 et

    2000Hz suprieure 35dB, lappareillage est prconis. Une fois le type de prothse choisi,

  • ASSISES THEORIQUES

    25

    laudioprothsiste adapte et fait les rglages en fonction de la surdit. Ce choix est fonction

    des besoins, des conditions de vie sociale, de lintgration esthtique ainsi que de la

    commodit de lappareil. Un appareillage strophonique ou bilatral permet alors une plus

    grande fidlit du monde sonore extrieur. Cest en collaboration avec lorthophoniste et

    laudioprothsiste que les rglages saffinent. On distingue les prothses amplificatrices

    conduction arienne, celles amplificatrices conduction osseuse, les prothses auditives

    implantables doreille moyenne et les implants cochlaires. Dans ce mmoire, nous nous

    intresserons aux enfants sourds portant des prothses auditives conventionnelles encore

    appeles prothses conduction arienne.

    Le but premier de ces prothses est damplifier les sons afin que le sujet puisse percevoir

    le message acoustique. Lappareillage prothtique traditionnel est une prothse amplificatrice

    conduction arienne. Elle est prconise pour les sujets ayant une surdit moyenne svre.

    Le rglage de ce type dappareillage est cependant rapidement limit en fonction du degr de

    surdit. Les prothses conventionnelles constituent lappareillage de premire intention des

    surdits de perception. Le dispositif gnral dun appareil auditif classique se constitue dune

    partie rceptrice comprenant un microphone ou transducteur dentre (qui capte les sons et les

    transforme en signaux lectriques), dune bobine dcoute (qui capte les vibrations du flux

    magntique transmise par une boucle magntique) et dun interrupteur. Par lintermdiaire

    dun couteur, la partie amplificatrice est charge daugmenter et de projeter les signaux via le

    canal auditif. Une partie reproductrice permet aux sons amplifis datteindre et de stimuler la

    cochle. En somme, les ondes sonores sont alors transformes en vibrations lectriques, elles-

    mmes amplifies et ensuite retransformes en ondes sonores. Lnergie est fournie par des

    piles. Lamplification peut-tre amliore par un systme HF (Haute Frquence) en milieu

    scolaire pour les enfants en intgration. Il sagit dun sabot plac lextrmit du contour

    doreille qui cre une boucle magntique amplifiant le son du microphone positionn sur le

    porte cravate de linstituteur (le microlink) ou laide denceinte dans une salle de spectacle.

    Ce systme coupe tous les bruits environnants et parasites pour ne slectionner que

    linformation voulue.

    Au sein de la catgorie des prothses conventionnelles conduction arienne, on identifie

    les contours doreille, les prothses intra-auriculaires et les botiers. Pour chacune, on

    distingue les prothses numriques, qui comme leur nom lindique, numrisent linformation

    auditive grce un dcodeur. Ce type de prothse permet de rgler facilement lappareillage

  • ASSISES THEORIQUES

    26

    en fonction de la surdit et du milieu sonore environnant. Enfin, il existe des prothses

    programmables composes dun circuit numrique offrant la possibilit de faire les rglages

    par ordinateurs.

    B/ Le dveloppement du langage chez lenfant sourd

    Le dveloppement de la parole et du langage a un lien troit avec le degr de surdit et

    surtout avec la zone frquentielle touche. Bien entendu, la surdit est lun des facteurs

    fondamentaux ayant une incidence sur le langage. Cependant, le niveau intellectuel, le

    comportement, le milieu socioculturel et les troubles associs sont autant de facteurs qui

    entrent en jeu lors de son acquisition. Lacquisition du langage oral en prsence dune surdit

    est variable, allant de labsence de langage, dun retard plus ou moins important une

    expression structure.

    Suivant le gain prothtique, on retrouve des troubles de la voix avec des distorsions

    du timbre dues labsence de feedback (le timbre peut tre nasalis, assourdi, rauque), des

    troubles de lintensit (celle-ci peut tre oscillante voire dmesure par rapport au contexte) et

    de la hauteur (grave, aigu, bitonale). On remarque des altrations de la voix surtout pour les

    surdits profondes. Pour les autres types de surdit, laltration est plus ou moins constante en

    fonction du gain prothtique et de la rducation. Un trouble de la parole est possible touchant

    la mlodie, le rythme, les mots, les syllabes, lintensit des voyelles et consonnes. La

    phonation est perturbe, le dbit tant plus allong avec des pauses inappropries. Enfin, la

    respiration peut tre mal coordonne avec la parole. Des troubles darticulation sont

    galement visibles et varient selon la perte auditive. Tout ceci dpend bien entendu du stade

    de la rducation, du type de surdit et du degr. En labsence de rducation, lenfant sourd

    profond nacquiert seulement que les explosives, phonmes les plus visibles.

    Aujourdhui, 90% des enfants sourds naissent de parents entendants (Marschark,

    1993 ; Peterson, 2004). Cest bien souvent pour ces derniers, le premier contact avec le

    monde de la surdit. Ceci a une consquence primordiale dans lacquisition du langage chez

    lenfant. En effet, ni le langage oral ni le langage sign ne lui sera naturel. Ainsi, suite au

    diagnostic, les parents ont tendance moins stimuler vocalement leur enfant, sous prtexte

    quil nentend pas. Ce silence peut tre rvlateur du dsarroi des parents face au handicap.

  • ASSISES THEORIQUES

    27

    Nanmoins, on remarque une dprivation linguistique chez beaucoup denfants sourds mme

    sils ont t dpists et appareills dans leurs deux premires annes. Cest pourquoi, mme si

    une ducation oraliste est envisage par les parents de lenfant appareill, les gestes de la

    langue des signes sont les plus accessibles ds le plus jeune ge pour venir souligner la parole.

    Le dveloppement de cette langue premire offre des effets long terme sur lapprentissage

    du langage oral ensuite (Transler, Leybaert & Gombert, 2005). Mme si lenfant sourd reoit

    un suivi spcialis, lacquisition de la langue orale et crite reste difficile. Pourtant, le

    dveloppement des tapes pr-linguales est le mme chez un enfant entendant que chez un

    enfant sourd mais se droule de faon dcale.

    Chez les enfants atteints de surdit lgre le langage se dveloppe quasi normalement, on

    peut reprer cependant un retard ou un tr