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«HÉROS ORDINAIRES» repérage d’initiatives sobres en carbone dans l’agglomération lyonnaise MÉTROPOLE DES SAVOIRS Vers un changement des comportements

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«HÉROS ORDINAIRES» repérage d’initiatives sobres en carbone dans l’agglomération lyonnaise

MÉTROPOLEDES SAVOIRS

Vers un changement des comportements

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SOMMAIRE

2 - « Héros ordinaires »

■ INTRODUCTION page 3

■ PARTIE 1 SYNTHÈSE ET ANALYSE page 4

■ PARTIE 2 page 10

COMPTE-RENDU DES INITIATIVES : ACTIONS, FREINS, BÉNÉFICES, VALEURS, REPRÉSENTATIONS

►Habitat, page 11Construire sa maison bioclimatique•Rêver d’un habitat écologique et coopératif•Vers des copropriétés plus sobres en carbone•Rénover une maison individuelle•Revenir habiter en ville•

►Transport, page 25Rouler à l’électricité•Partager sa voiture : covoiturage & auto-partage•Fondus de la petite reine : le vélo au quotidien, et en vacances•Circuler en métro, en bus, en car•Pédibus : en «voiture» les en• fants !

►Loisirs, page 44J• ardiner bio au pied des tours HLMApprendre à faire du vélo, trouver l’indépendance•Débrouillard, pas décroiss• ant

►Consommation, page 53C• onsommer local (et souvent bio)Transformer ses eu• ros en billets “verts”

■ Pour aller plus loin : quelques pistes page 58

Sandrine Boucher - Des OursIllustration de couverture : Magalie Rastello et Brice DuryPour la Direction de la Prospective et de la Stratégie d'Agglomérationet la Direction de la Planification et des Politiques d’AgglomérationNovembre 2009

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« Héros ordinaires » - 3

Cadre de la mission

Cette enquête s’inscrit dans le cadre de la démarche Plan climat du Grand Lyon, qui vise à atteindre l’objectif des “3X20” à l’horizon 2020, sur l’ensemble du territoire de l’agglomération : réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), diminution de 20 % de la consommation d’énergies fossiles, part des énergies renouvelables portée à 20 %.La mission, confiée par la directionde la Prospective et de la Stratégie d'Agglomération du Grand Lyon, vise à repérer et valoriser les expériences positives conduites à l’initiative des habitants de l’agglomération, hors des institutions, des structures dédiées.Chacun de ces « héros ordinaires » s’est engagé volontairement et personnellement dans un comportement plus sobre en carbone, dans les domaines de l’habitat, du transport, des loisirs et de la consommation.Ces citoyens sont issus d’horizons très divers : habitants du centre ville ou de la périphérie, des quartiers chics ou populaires, professionnels, demandeurs d’emplois, retraités, etc.

Méthodologie

Quarante personnes ont été rencontrées, à leur domicile, sur leur lieu de travail ou de loisirs. Certaines seules, d’autres en groupe.Les interviews ont été réalisées selon la technique de l’entretien semi-directif.Lors de ces entrevues, il s’agissait de relever : •lesraisonsd’agir, •lesfreinsrencontrés, •lesbénéficesretiréssurleplan personnel et collectif, •lesvaleursattachéesàcette démarche sobre en carbone, •lesreprésentationsdesenjeuxdu changement climatique.

Restitution

Dans le rapport d’analyse et de synthèse (partie 1), nous avons souligné les propos qui nous ont semblé les plus représentatifs et les plus pertinents pour accompagner la réflexionengagée,susciterledébatetouvrirdes pistes d’action pour une agglomération plus sobre en carbone.Dans le compte rendu des initiatives (partie 2), nous avons cherché à restituer leplusfidèlementpossiblelesparolesdespersonnes rencontrées. Pour plus de facilité de lecture, leurs propos ont été organisés en paragraphes thématiques (l’action, les freins, les bénéfices, etc.). Certainesinitiatives similaires ont été regroupées en chapitres : construction d’une maison bioclimatique, consommation en réseaux courts, pratique au quotidien du vélo...Par ailleurs, huit initiatives ont été sélectionnées et ont fait chacune l’objet d’unfilmcourt,diffusélorsdelafêtedelascience 2009.

INTRODUCTION

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PARTIE 1

4 - « Héros ordinaires »

Le souci de l’environnement, n’est pas, en soit, unleviersuffisant.Les citoyens interviewés sont sensibles à l’écologie, ont tous « franchi le pas » vers un comportementplussobreencarbone.Pourtant,le souhait de préserver l’environnement n’arrive pas en tête dans les raisons invoquées de ce passageàl’acte.Aumieux,ilestplacéàégalitéavec une multiplicité d’autres motivations : confort, convivialité,gaindetemps,sécurité,etc.«Nousenavonsappeléauxéco-citoyens.Maisje ne pense pas que l’argument ai été décisif », reconnaît Claude, qui a défendu pendant de nombreuses années un projet d’isolation complète d’une copropriété dégradée à Vénissieux. Deson côté, Céline, mère de famille, un mari, deux enfants, utilise l’auto-partage «pour desconsidérations environnementales, ex-aequoavecl’aspectpratiquedusystème».Rémy, covoitureur, qui revendique une certaine sensibilité écologique, l’affirme franchement :«Unechoseestsûre,jenesuispasprêtàsacrifiermon train de vie pour l’environnement, même si jepenseàmesenfants».Les hasards de la vie, une rencontre, un parcours personnel conduisent les individus à changer de comportement.Il faut relever l’importance des références à une histoire familiale, qui arrivent assez vite et spontanément dans la conversation, en particulier lors de l’évocation du passage à l’acte oudevaleurspersonnelles.Fernanda,unedescréatricesdel’Associationpourlemaintiend’uneagriculturepaysanne(Amap-réseauxcourts)desBuersconfieainsi:«J’aiunerelationparticulièreàlaTerre,entantquefilledepaysans».

«J’ai vécu en Afrique, enfant. Aujourd’hui, jetrouve normal de réparer, de récupérer », indique LaurentM.(rénoversamaison).Plusnet,encore,pourJean-Marc, l’achatd’unevoitureélectriqueest « un rêve d’enfant qui s’est concrétisé », et il évoque le jeu paternel qui consistait, sur la route des vacances, à couper le moteur et voir jusqu’où l’énergiecynétiquedeleur2CVlesconduirait.Très souvent, le passage à l’acte est le produit d’uneréflexionrevendiquéecommerationnelle:c’était « logique », « évident », de s’engager dans tel acte sobre en carbone, « idiot » de ne pas le faire.

En revanche, le rôle des canaux habituelsd’information de masse, journaux, radios,campagnes d’information, est très secondaire, marginaldanslaprisededécision.L’informationest un bruit de fond, au mieux. Au pire, c’estun problème : l’information est confuse, contradictoire, sujette à caution, estime en substanceMarie-Christine,dupédibus.Pendantque Frédéric, qui souhaite faire installer despanneaux photovoltaïques sur sa résidence,déplorelemanquedesourcesfiablesetprécises,espère plus de lieux de conseil et de partaged’expériences: «Je suis persuadé que cetteagglomération fourmille d’initiatives, de gens qui ontdéjàbiencreusélesujet.Maisonnesaitpasquiilssont,cequ’ilsontfait.Onneprofitepasdeleurexpérience».

La communication, la publicité tendent à brouiller les messages : « Il y a beaucoup de gesticulations, peud’information.Onparledetri,maisqu’enest-ilvraiment du recyclage des déchets ? », s’interroge

SYNTHÈSE ET ANALYSE DE L'ENQUÊTE « HÉROS ORDINAIRES »Nous avons relevé les points qui nous ont semblé les plus saillants, les plus partagés, mais aussi ceux qui font polémique parmi les personnes rencontrées. Il y a des paradoxes et des questions qui restent en suspens également.Les détails, les nuances, les avis plus isolés, se trouvent dans les comptes rendus des interviews.

1. LES RAISONS D’AGIR : PAS DE LEVIER « TYPE »

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« Héros ordinaires » - 5

2. LES BÉNÉFICES PERSONNELS ET COLLECTIFS : ASSEZ COMMUNS POUR ÊTRE PARTAGÉS

Les diverses pratiques s’accompagnent chacune d’avantagesrécurrents.

Lesprincipaux:

►Le vélo en ville = la liberté, la forme, la détente,laponctualité.

►Les transports en commun = du temps pour soi, pas de mise en danger d’autrui, des économiesfinancières.

►Lejardin=laconvivialité,lafiertédurésultat,lerespectdutravailfait.

►L’habitat économe = le confort, un patrimoine valoriséetpérenne,unesimplicitéd’entretien.

►La voiture électrique ou hybride = du calme, dusilence,unebelletechnologie.

►Le covoiturage = la convivialité, le respect du temps de travail, le souhait de voir moins de bouchons

►Les circuits courts = l’« humanisation » de la relationproducteur-consommateur,leretourdesgoûtsperdus.

Certainsbénéficessontfédérateurs:laplupartdesinitiatives sobres en carbone s’accompagnent de confort, de détente, de liberté, de gain de temps, derevalorisationd’image(fierté)etd’économiesfinancières.Certains bénéficesmoinsmatériels se trouventégalement au croisement de pratiques différentes, et pourraient se résumer ainsi : l’initiative « écologique » permet de renouer des liens avec son environnement social, urbain et naturel. Le citoyen «sobre» se réinscrit dansun ensemble, et, plus particulièrement dans un «vivreensemble».

«Avec les transports en commun, on peut seresituer dans une cité, avec d’autres, pas comme unindividuisolé.Quandonmarchepourallerauxarrêts,onseretrouvefaceàlanature,auclimat.Onretrouvesonenvironnement»,expliqueJean-Paul,quivenaitdeSaint-Bonnet-de-Mûrejusqu’àGerlandentransportsencommun.Florence,quicovoiture et prend le bus de temps à autre, dit redécouvrir sa ville depuis qu’elle n’a plus le nez surlevolant.ToutcommeLaurentD.,quinejureque par le vélo pour circuler à Lyon, mais aussi à New York ou Tokyo, « une manière géniale de s’approprieruneville!».Pendantcetemps,lesusagersdescircuitscourtset paniers de légumes retrouvent le rythme des saisons, découvrent la richesse maraîchère de leur territoire. Monique, du jardin partagé, seréconcilie avec la terre, la nature, « revit » dans son élément, même s’il ne s’agit que de 250 m2 au pied de sa tour et elle se félicite de la qualité du«partage»avecsesvoisins-jardiniers,«issusd’horizonstrèsdifférents».Peut-être plus important encore estl’enrichissement des rapports humains, parfois la réinscriptiondansun tissusocial.Les initiativesavancentgrâceà«l’espritd’équipe»(Monique).Salah, son voisin de rangée de radis, s’estimpliquédepuisdanslecentresocial,l’école.Ilya plus de convivialité dans la cité de Lyon 8e, dans la résidence de Sainte-Foy, dans les rapportsentrecollèguesquicovoiturent.«Onfaitdebellesrencontresenvacancesàvélo»,expliqueSerge,« on fait partie d’une « sorte de famille entre conducteurs de voitures hybrides », constate Renée. Et puis, «on discute,même si ce n’estpas toujours facile », ajoute Lionel, engagé dans unprojetd’habitatcollectif.QuantàFernanda,enrecherche d’emploi, son investissement dans la créationd’uneAMAPluiapermisderompresonisolement, rencontrer des habitants du quartier, etfinalementderetrouverdutravail.

Pascale, qui a quitté la campagne pour revenirs’installerenville.Rémy,lui,exprimeuntrèsfortagacement vis-à-vis du marketing «vert», desimages de marque ripolinées au « développement durable».

Ceci étant, nous disent nos « Héros ordinaires »,

ce n’est pas si compliqué de changer de comportement.«Si les mauvaises habitudes se prennentfacilement, les bonnes aussi », a constaté Jacques,copropriétaireàVénissieux.Monique,lajardinière, estime, elle, qu’il « est aussi simple de bienfairequedemalfaire,voireplussimple».

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6 - « Héros ordinaires »

faite,uncliché,recèlepourtantunparadoxe.Sil’ons’inquiète pour l’avenir, si l’on craint parfois qu’il ne soit déjà trop tard, on espère que nos enfants, plus sensibilisés, mieux éduqués, vont faire«mieuxquenous»enmatièred’environnement.On leur passe volontiers le «flambeau»...Mélanie remarque justement : «Je suis un peutristed’entendrelesgensprendrepourexcuselefait d’avoir des enfants pour ne pas faire d’efforts, alors que cela devrait être l’inverse : c’est bien parce qu’on a des enfants qu’on devrait faire des efforts!».

- Le respect

Le souci de l’environnement est intimement lié à la notion de respect, et clairement porteur de vertuséducatives.Lerespectdel’environnementestlesupportdurespectdelavieetdesautres.Ce sont des valeurs qu’on a reçues et qu’on souhaitetransmettreàsesenfants.«Pour moi, le respect de l’environnement faitpartie de l’éducation, du respect de la vie, un respect logique de la nature», expliqueCéline.Pourrésumer,Fernandaestimeque«quandonrespectelaterre,onrespectelesgens».

3. DES FREINS : L’ARGENT, L’IMAGE, LA CONTRADICTION DES DISCOURS

L’écologie reste considérée comme une préoccupation de riches. Plus précisément, cesont les personnes qui semblent avoir le plus de ressources financières qui le pensent : «Pourêtre écolo, il faut avoir les moyens », remarque par exemple Isabelle D., qui covoiture. Alorsque ceux qui ont moins de moyens affirmentplutôt le contraire, comme Salah : «Le respectde l’environnement, ce n’est pas une question d’argent,c’estuneperceptiondelavie».Leparadoxeveutque,dansleurgrandemajorité,les initiatives sobres en carbone ont induit une économie financière, qu’elle soit réelle ousupposée,ousont«àcoûtégal».C’estd’ailleursce qu’explicitent nombre de ces «citoyensexemplaires».Parailleurs, iln’estpas toujours facile,vis-à-visde son environnement familial ou professionnel, de changer ses habitudes. Le mari de Marie-Christine la taquine en la surnommant la «DonQuichotte»del’environnement.«OnestprispourunOVNI»(Mélanie),un«fou»(Jean-Marc),une«demeurée» (Monique), un «barjot» (Etienne,quiprend trainetvélopourvenir travailler),des

4. LES VALEURS

- Le refus du gaspillage

Le dégoût du gaspillage, de la surconsommation, s’exprimespontanément.C’est la valeur laplussouvent évoquée, sous différentes formes. «Jepense que le gaspillage est une compensation au mal être», analyse Jacek. Pour sa part,LaurentM.expliquedansunpremiertempsqu’ila mis des panneaux solaires pour des raisons«économiques,pasécologiques». Interrogésurlesdélaisd’amortissement,letauxderentabilité,ilconvientfinalementqu’iln’apasfaitlecalculetqu’il a surtout agi parce qu’il déteste le gaspillage, comme le fait de ne pas utiliser une énergie gratuiteetinépuisable.

- Le souci (un peu paradoxal) des générations à venir

« Nous ne sommes que de passage sur cette Terre dont on emprunte les ressources », philosophe Jean-Paul. «Quel monde va-t-on laisser à nosenfants, nos petits enfants ? », s’angoisse un grandnombre.«Celavaêtre«dur»poureux,ilsaurontmoinsdechoix».Cequipeutpasserpourunephrasetoute

«martiens»(Philippe, faceauxartisans, lorsdesonprojetdemaisonbioclimatique).D’ailleurs,onse dit parfois soi même un peu « dingue », comme LaurentM.,d’avoirmisdespanneauxsolairessursontoitsansconsidérationderentabilité.Une fois qu’il a fait ses preuves, pendant de longues années, le « fou » peut prétendre au statut de«précurseur»oudeprescripteur,ainsiJean-Marc,quiaachetésadeuxièmevoitureélectriqueraconte:«Quandjemesuiséquipéd’unevoitureélectrique, mon entourage s’est dit qu’on allait tousyavoirdroitdansquelquesannées».Et puis, il y a une contradiction entre deuxdiscours. L’un, notamment la publicité, incite àconsommerplus,doncàpolluerplus.L’autre,pourdes raisons de protection de l’environnement, de diminutiondesémissionsdeGES,ditexactementl’inverse… Enfin, on ne convainc pas par les paroles. Sil’initiativesediffuse,c’estgrâceà l’exemple.Etc’est bien comme cela que ces citoyens veulent démontrer qu’on peut avoir deux enfants sansposséder de voiture, qu’une copropriété des annéessoixantepeutêtred’avant-garde,etc.

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5. LES REPRÉSENTATIONS DES ENJEUX DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Aux questions sur le réchauffement climatique,onrépond«pollution»,«déchets».Leproblèmede l’émissiondeGES,dont l’undesprincipaux,leCO2,n’estpasunpolluant,n’estpasdistinguédes questions environnementales, prises dans leurglobalité.

- Quelles conséquences ?

Les craintes portent essentiellement sur une pénurie d’eau et l’augmentation à venir du coût de l’énergie. Les conséquences peuvent êtreterribles, pour tous, mais en particulier pour les

moins fortunés.Le réchauffementclimatiquenevapas fairedecadeaux :«Sionne réagitpasrapidement on va se mettre en danger, et tous ensemble.Iln’yaurapasdedifférenceentrelespays,lescultures»,estimeJacek.Ilserapeut-êtrenécessairedes’habitueràvivredansplusd’austérité.Serge,parexemple,anticipel’évolutionainsi:«Jepensequ’ilvafalloiracceptercertaines contraintes, par rapport à ce que nous considéronsêtreunesituationdeconfortidéale».D’autres,plusoptimistes,pensentque«l’hommeestcapabledetrouverdessolutions»(Philippe,maisonbioclimatique).Restelaquestiondenotre

- Le retour aux sources

L’acte « écologique » s’appuie souvent sur le souhait de retrouver de « vraies valeurs » dans les relations humaines, des rapports économiques moins monétisés, des légumes d’antan qui ont du goût, des besoins fondamentaux. «Posons-nouslaquestion:dequoiavons-nousréellementbesoin, au lieu de déléguer cette question à des industrielsouàdescommerciaux»,inviteJacek(maisonbioclimatique).Très souvent, la sagesse des anciens est d’ailleurs évoquée, pouvant servir de guide pour notre époque contemporaine : les générations précédentes avaient mis au point des gestes simples, avaient un comportement naturellement économe.«Dansbeaucoupdedomaines,onserapproche du bon sens des anciens, on n’invente rien», observe par exemple Nicole dans samaison bioclimatique. Simone (copropriétéssobres), ajoute en plaisantant : «Ce sont justedes principes de bon sens, les bons principes bourgeoisd’autrefois».QuantàIsabelleR.,elleestpersuadéeque«l’expériencedespersonnesâgéespeutprofiterauxjeunes:ilspourraientdirecommentongaspillaitmoinsàleurépoque».

- L’attrait pour la nouveauté

«Il faut aller de l’avant», estime Simone, 77ans, qui appuie un projet d’installation de panneaux photovoltaïques. Les technologiesde l’hybride, du solaire sont futées, « géniales », (Roger, qui a une Prius), «intellectuellementintéressantes»,(LaurentM.). «Quand nousavons décidé de faire construire, il allait de soi que nous n’allions pas utiliser des technologies vieillissantes,périmées»,estimeNicole.

- Le geste citoyen

La protection de l’environnement, relève de la citoyenneté:«Jenefaispasladifférenceentreunactecitoyenetunacteécologique»,expliqueRémy.«Cequ’on ferapour l’environnement,onle feraen tantquecitoyen»,estimeFatima,quiapprendàfaireduvélo.QuantàLionel,iljustifieson implication dans le projet d’habitat coopératif parlesouhaitdes’investirdanslechamppolitique.Il est à noter que si on se revendique volontiers «citoyen»,personnenesedit«écologiste».

- Le lien social

L’égoïsme, l’individualisme, est la source denos maux, en particulier ceux de la planète.Le réchauffement climatique est un produit du «chacun pour soi». Lionel évoque une société«hyper-individualiste, anti-écologique». Enrevanche, la protection de l’environnement, « est unemanièred’être,des’ouvrirauxgens,d’avoirdu plaisir dans la relation à l’autre », estime par exemple Catherine (habitat coopératif),qui enfonce le clou : «Pour moi, l’écologie estl’écologieduquotidienetdu liensocial». Jean-Paul affirmemême : «si je ne devais faire leschosesquepourmoi,jeneferaisrien».D’ailleurs,onleverraplustard,onnes’ensortiraqu’ensemble…

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8 - « Héros ordinaires »

société d’opulence et de consommation : « Tant qu’il y aura des riches comme nous, je ne vois pas la solution au problème du réchauffement climatique», estime Laurent D, qui pense parailleurs que l’homme saura « s’adapter », alors quePascaleestpersuadée«qu’ilyaunmodèleéconomiqueàchanger».

- Quel discours tenir ?

Les discours « catastrophe » sont nettement contre-productifs.«Parfoisonaenviedefermerla porte et de ne plus entendre », concède Pascale. Tandis qu’IsabelleR., directrice d’uncentre médical estime qu’il faut mettre en valeur lesactionspositivesetfaitleparallèle:«Onguéritbeaucoupmieuxducancerquandonadécidédesebattre.Onnepeutpasnousassénerquel’oncourttous,quoiqu’ilarrive,àlacatastrophe.Ceseraitabandonner.Iln’estjamaistroptard,ilfautessayer».

- Comment agir ?

Le sentiment partagé est qu’il est nécessaire d’agir,mais comment ?Malgré l’abondance del’information, les citoyens de bonne volonté se disent un peu désemparés. «Une fois que l’oncircule à vélo, en bus, que l’on trie ses déchets, quepeut-onfairedeplus?»,s’interrogePascale,pendant que Marie-Christine est prête à faireplus,maisquoi?«Jenesaispasbienquefaire.J’aibesoind’êtreaccompagnée,qu’onmedonnedesindications».L’image de l’initiative comme une « goutte d’eau » est récurrente, mais avec des significationsdivergentes. «Ce n’est qu’une goutte d’eau»,lâche, fataliste, Alain, dans le jardin partagé.« Une goutte d’eau, c’est un morceau d’océan », répondFrédéricquimènesonprojetdepanneauxphotovoltaïques.

- Qui doit agir ?

Apremièrevue, lesavissescindententredeuxpôles opposés : c’est aux pouvoirs publicsd’agir (par l’incitation ou la contrainte) versus ilappartientauxcitoyensdesemobiliser.«C’estànousdefaireleschoses,àmoi,àvous.La République, c’est qui ? C’est nous ! », lance Fatiha,agentd’entretienenrecherched’emploi.Danslemêmeordred’idée,Monique,danslejardinau pied des tours, en appelle à la responsabilité de chacun : «Nous sommes tous concernés. Ilne faut pas se décharger de nos responsabilités surledosdesautres».Benjamin,quiaconfiéseséconomies à une banque solidaire et écologique,

convoque les mânes d’un grand personnage : «Jepensequelevéritablechangementnepeutpas venir des lois, mais de l’addition de petites choses. Je pense souvent à cette phrase deGandhi : «Soyez vous-mêmes le changementquevousvoulezvoirdanslemonde».L’ingénieure Mélanie, est d’avis exactementcontraire:«Jepensequeleschosesnepourrontpas évoluer si les esprits ne changent pas, et les esprits ne changeront parce que nous y serons contraints par les pouvoirs publics». Quant àPhilippe,danssamaisonbioclimatique,ilpenseque sans « normes », sans « réglementations », personne n’adoptera spontanément un comportementsobreencarbone.Ce qui est très inattendu est de constater, en l’état, qu’iln’existepasdecorrélationentrelepointdevueexprimésur«quidoitagir?»etlasituationsociale, la formation, ou les moyens financiersdeceluioucellequil’exprime.Certainsestimentqu’ils sont, en tant que citoyens, démunis, alors qu’ils semblent disposer à priori d’une latitude et de moyens d’action importants sur leur environnement.D’autres,quiontdesressourcesmodestes, revendiquent au contraire leur rôle et leurparticipationdanslechangementgénéral.

- La nécessité d’une action collective

La plupart de ces citoyens « sobres » estiment que l’action peut, et doit être partagée : la force, la capacité de donner une impulsion, un signal fort, sont les privilèges des pouvoirs publics, mais l’énergie, les idées,appartiennentauxcitoyens.Najat,unedesjardinièresdelacitéLanglet-Santyremarque que « la population se mobilise (pour la planèteNDLR) : celacommencechezsoi,puisà l’extérieur.Legouvernementdevrait fairepluspoursoutenircetteénergiedescitoyens».Puisquelechangementclimatiqueestleproduitde notre individualisme, la solution passe par l’union:«L’écologienepeutsefairequ’ensemble.Ensemble, on peut faire des choses formidables », s’enthousiasmeLionel.Alain,unautrejardinier:«On fait chacun quelque chose dans son coin,pourtant, si nous étions tous unis, nous serions plus forts». Il faut que les bonnes volontés serassemblent,qu’elless’investissentparexempledans une association, car « un citoyen isolé, cela necomptepas» (Jean-Paul).Célinenedit riend’autre,etaffirme:«Jesuisassezoptimistesurce que chacun peut faire à son échelle, mais il fautquecelasetransformeenactioncollective».On laissera lemot de la fin à Jacek : «On estdanslemêmebateau.Ilfautsemettreensemble,faireensemblelebonchoix.Lacapacitédenosconcitoyens à réagir est inexploitée. Il faut que

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l’on recommence à se parler. On va se rendrecompte qu’il y a beaucoup de solutions dans la têtedesgens,beaucoupd’énergie».Une énergie renouvelable, sans émission de CO2…

- Conclusion

Les initiatives « sobres en carbone » sont rarement isolées dans un parcours personnel : on commence par covoiturer, puis on découvre l’intérêtdes transportsencommun.Oncréeunpédibusetonchauffemoinschezsoi.Lepassageà l’acte semble s’inscrire dans une suite « logique » où un acte en entraîne un autre. Parfois, cetteactionavaleurd’exempleauprèsdel’entourage,qui à son tour, va adopter un comportement moins émetteurdeGES(d’autrescollèguessemettentau covoiturage), ou, aumoins, envisager de lefaire à l’avenir (remplacer sa vieille chaudière par unsystèmechauffagepluséconome).L’individuel rejoint naturellement le collectif, que se soit dans l’action elle-même qui renforce lelien social (jardin partagé, fréquentation d’une Amap, vélo en vacances), dans lesmoyensdecette action (importance de l’équipe pour faire aboutir un projet), ou dans les désirs expriméspour l’avenir : pour être efficaces en matièred’environnement, il faut dialoguer, agir ensemble, auniveaudenotresociété.Enfin,ilsemblemanquerunoutilderéférencesurleclimat à l’échelle du territoire, un lieu « ressource » qui, sur l’ensemble des thématiques, puisse dispenser des information fiables, des conseilsclairs et précis, orienter vers les interlocuteurs les plus pertinents, et favoriser la mise en lien et le partaged’expériencesauniveaudescitoyens.

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PARTIE 2

COMPTE-RENDU DES INITIATIVES :ACTIONS, FREINS, BÉNÉFICES, VALEURS, REPRÉSENTATIONS

►Habitat page 11Construire sa maison bioclimatique • 11Rêver d’un habitat écologique et coopératif • 15Vers des copropriétés plus sobres en carbone • 17Rénover une maison individuelle • 22Revenir habiter en ville • 24

►Transport page 25Rouler à l’électricité • 24Partager sa voiture : covoiturage & auto-partage • 24Fondus de la petite reine : le vélo au quotidien, et en vacances • 24Circuler en métro, en bus, en car • 24Pédibus : en «voiture» les enfants ! • 24

►Loisirs page 44

Jardiner bio au pied des tours HLM • 24Apprendre à faire du vélo, trouver l’indépendance • 24Débrouillard, pas décroissant • 24

►Consommation page 53Consommer local (et souvent bio) • 24Transformer ses euros en billets “verts” • 24

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►HABITAT • Construire sa maison bioclimatique

« On attend que le marché nous apporte des solutions au problème du changement climatique, des solutions miracles, alors qu’on ne les attend même plus de la science ».

L’action Nous avons commencé à nous équiper en solaire quand nous habitions en Alsace, avec une dallechauffanteetunpoêle.Grâceauxdifférents travauxd’isolationquenousavonsfaitsaufildutemps,noussommespassésd’uneconsommationde20à7stèresdeboisdechauffageparan.Nous avons eu un poste à Lyon et nous avons eu la chancedetrouverceterrain,àFontaines-Saint-Martin,enaoût2001.J’yaipassédesheures,àétudierlebruit,l’orientation, comment il était ensoleillé.Nous avonsacheté la maison d’à côté que nous avons quasiment raséepourlareconstruireenbois.Laconsommationesttrèsfaible,avecunchauffageaugazdeville.Nousavons obtenu le permis de construire pour cette maison àl’été2007.J’aifaitlesplans,sansarchitecte.Cettemaison bioclimatique représente une consommation d’environ 15 kWh/m2,paran.Ellepeutêtreconsidéréecomme«passive».Nousavonsemménagéenjanvier2009.Pour chaque maison, on réfléchit différemment.Cette fois-ci, je me suis intéressé à l’énergie grise(NDLR : l’énergie grise correspond à la somme de

toutes les énergies nécessaires pour la conception, la production, la distribution, l’utilisation et le recyclage d’unproduit).

Les freins Les produits, les matériaux pour cette maisonviennentde loin, d’Autriche, d’Allemagne,deSuisseoudePologne.Celagénèreunsurcoûtimportant.LesvolumesproduitsenFrancenesontpassuffisantsparrapportà lademande,et lademandepassuffisantepourlancerdenouvellesproductions.Heureusement,celaévoluetrèsvite.Unemaison comme celle-ci demande beaucoup deréflexion,unecapacitéd’expliquerexactementcequel’onveutfaire.Ilfauttestersesidéessursonentourageet, tant que les gens autour de soi n’ont pas compris, continueràréfléchir.Il faut penser à l’étanchéité à l’air, optimiser les apports du soleil, étudier les ombrages. Il est indispensablede se documenter, d’échanger, de visiter d’autres maisons, de se faire son opinion, et pourquoi pas, de monterunblog.J’ai eu de mauvais conseils de professionnels, qui

Jacek vient d’achever sa troisième maison. Pour la première, en alsace, il avait installé des panneaux solaires et renforcé l’isolation. La seconde, à Fontaines-Saint-Martin, est bioclimatique. La dernière, voisine de la précédente, peut se revendiquer « maison passive ». Il l’a conçue et construite sans architecte.

Jacek,52ans,enseignant,vitàFontaines-Saint-Martin.

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cherchaientsurtoutànepascompliquer leschoses.Il vaut mieux avoir recours à des artisans qui ontl’habitude de ce type de construction, sinon vous aurez la contrainte de devoir les suivre continuellement sur lechantier.Souvent, lesgensutilisent leprétexteducoût pour ne pas faire d’efforts, pourtant cette maison n’acoûtéque15%deplusàlaconstruction.

Les bénéfices personnels et collectifs Il y a un surcoût, mais on a plus de place, plus de confort. Notremaison est un endroit où il n’y a pasbesoin de se poser de questions pour y être bien.Ellenenécessitepas,oupeud’entretien.Onsesentenveloppé, été, comme hiver, comme dans un cocon douillet. Un puits canadien rafraîchit les chambresde quelques degrés, et cela suffit en été.C’est unemaisonquipourradurerplusieursgénérations.Dans mon entourage, les gens savent que mesexpériences ont des résultats. On neme considèreplus comme un original hors du temps. Je reçoisplutôt des réactions du type : « C’est bien ce que tu fais.Nous,onn’estpasencoreprêts,maissiondevaitchangerdesystèmedechauffageonleferait».Ilyauneattitudebienveillanteetrelativementpositive.Je veux parler de cette maison bioclimatique nonpas pour qu’on me dise « c’est bien, c’est une belle maison», mais pour montrer que c’est possible. Jevoudraisdonnerenvieauxgensdefairelemêmetypederaisonnement.Onnedevraitpasavoir ledroitdeconstruire autrement puisque techniquement on peut lefaire.

Les valeurs Pour moi, éteindre la lumière quand on quitte unepièce, ce n’est pas une question d’économie, c’est unequestiondeprincipe.Jen’aimepaslegaspillage.Je pense que le gaspillage est une compensationaumal-être.Onabesoind’avoir chaudà lamaisonparcequ’onn’aplusdechaleurhumaine.Onmetdeslumièresélectriquesparcequ’onnevoitpluslesoleil.La construction de cette maison relève aussi d’une gymnastique intellectuelle : l’idée est de trouver, dans toutes les situations, une manière d’économiser au mieuxlesressourcestoutenvivantlemieuxpossible.C’estdelaréflexion,deschoix,unecertainestratégie.C’est regarder les choses d’une autre manière, décaler leregard.Onpeutraisonnerainsiencherchantaussiquel est l’intérêt maximal pour la collectivité. C’estce principe qui a conduit à la conception de cette maison.Lamaisonestposéesurlemêmetypedematériauxque celle de l’usine où travaillait mon père : c’est du bétoncellulaire.Jevoulaisqu’onposelamaisonsurlesol,sansgravats,sanscamiondeterre.Pourmoi,ilest important que cette maison ne laisse pas de trace négativedansl’espace.Onpeutladémonter,lamettresur palettes, l’emporter ou la donner. Lesmatériauxsontrécupérablesetrecyclablesàplusde90%.Iln’yapasdeproduitsnocifs.Alafin,ilneresteraitqu’unepoignéedevisetdeferrailles.

Face au changement climatique Onestentrainderessentirlebénéfice,àcourtterme,cheznous,duréchauffementdelaplanète.Ilyaunpeumoinsd’eau,unpeuplusdechaleur.Onamoinsbesoin de chauffer. Le problème est que si l’on neréagit pas rapidement, on va se mettre en danger, et tousensembles.Iln’yaurapasdedifférenceentrelespays,lescultures.Jepensequenoussommesuneimmensemajoritéàtirer le signal d’alarme.Tout lemondea consciencequ’on ne va pas dans la bonne direction. Mais lacapacitédenosconcitoyensàréagirest inexploitée.Quandcertainsveulent trouverunesolution,on leurdit qu’on va penser à leur place, faire à leur place, leur proposerdessolutionstoutescuites.Onveutbienéventuellementfaireuneffort,maistantquecelanevapasmettreencausenotremodedevie.Onnevapaschercheràvivresansvoiturepuisquele marché va nous offrir une voiture idéale, à coûts constants, qui va nous permettre de ne rien changer à noshabitudes.Jepensequenousallonsêtreobligésd’être un peu décroissants. Il n’est pas possible defaire rouler toutes les voitures au solaire, on n’aura pasassezderessources.On consomme dix fois plus que ce qui nous estnécessaire. Posons-nous la question : «De quoiavons-nous besoin ?», au lieu de déléguer cettequestionàdesindustrielsouàdescommerciaux.Onne sait même pas respecter nos vies alors comment peut-on se soucier des animaux, des végétaux, denotre planète ? Noussommesaujourd’huidansunesituationd’attente.Onattendquelemarchénousapportedessolutions,des solutions miracles, alors qu’on ne les attend même plusdelascience.On attend aussi un signal fort, comme un «bon»tremblement de terre qui susciterait des réflexesd’humanité, de solidarité, de lucidité, de l’énergie pour s’en sortir ensemble. Je pense qu’on pourrait fairel’économie de ce signal fort ! Il faut ouvrir des lieux de discussion, réfléchir à lamanière dont, au jour le jour, on peut changer de comportement.Ilfautqu’onrecommenceàseparler.Onvaserendrecomptealorsqu’ilyabeaucoupdesolutions dans la tête des gens, beaucoup d’énergie, énormément de pistes à défricher. Qu’elles nedemandentqu’às’exprimer.Il faut se mettre ensemble pour faire le bon choix,la bonne démarche afin d’éviter que notre mondeexploité jusqu’à la corde ne se casse pas la figureet n’entraîne beaucoup de malheur ; quitter cet état d’espritindividualiste,égoïste,caronestdanslemêmebateau.DanslacatastropheduTitanic,ceuxquis’ensontsortisetquiontsauvélesautres,cesontceuxquin’ontpasattendulesignalducapitaine,cesontceuxquiontdit:«ilfautfairequelquechoseensemble».

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Nicole et Philippe ont fait construire leur maison bioclimatique à Saint-Didier-au-Mont-d’Or,surunterraindifficile,enpente,etdansunpérimètredesBâtimentsde france. Après quelques péripéties juridiques et réglementaires et quatre ans de travaux, ils se sont installés au printemps dernier.

►HABITAT • Construire sa maison bioclimatique

« Quand nous avons décidé de faire construire, il allait de soi que nous n’allions pas utiliser des technologies vieillissantes, périmées ».

« L’homme est probablement capable de détruire son environnement et probablement aussi capable de trouver des solutions pour l’éviter ».

Nicole, 49 ans, agent immobilier, vitàSaint-Didier-au-Mont-d’Or.

Philippe,50ans,professionneldelaclimatisation,vitàSaint-Didier-au-Mont-d’Or.

L’action Philippe:Monbut,c’étaitdediminuerlepluspossiblenotreconsommationénergétique.Ilfallaitunemaisoncompacte, d’où cette forme de cube. Nous avonscherché à maximiser l’apport de l’énergie du soleil,en orientant la maison vers le sud, et minimiser la déperditionthermique.Nousavonsmisuneisolationdefibredeboiscompresséeet un triple vitrage, des capteurs solaires thermiques pour l’eauchaudesanitaire,7 m2dephotovoltaïque,uneVMCdoublefluxthermodynamique,deuxpompesàchaleuretunpuitscanadienhydraulique.J’aienfininstallé une prise pour la recharge rapide d’une voiture électrique,quandelleseradisponible.Le frère de mon épouse, qui est architecte, spécialisé dans ce type de construction, nous a accompagnés danscettedémarchedebasseconsommation.Nous avons eu le permis de construire début 2003.Cela a été très compliqué de l’obtenir car le terrain où nousvoulionsconstruireestenpente.Puisnosvoisinsnousontintentéunprocès.Laprocédureaduréplusdedeuxans.Nousavonspucommencerlestravauxen2005etavonsemménagéenmaidernier.

Les freins Philippe : Le passage à l’acte a été assez lourd. Ily a quelques années encore, on passait pour des Martiens ! Les artisans à qui on demandait une certaine épaisseur d’isolation nous répondaient : mais on n’est pasenSibérie !Ilsnecomprenaientpas.Cettemaisonestunprototype.Lestravauxnousontcoûtépluscherquenouslepensions.Nousfaisonslesfinitionsnous-mêmes.Nous sommes dans le périmètre des Bâtiments de France,cequiaentraînédeslenteurs,desdifficultés.Nous voulions mettre 30 m2depanneauxsolairesaulieu de 7 m2, nous y avons renoncé vu les risques administratifs. Il y a toujours une âme revendicativechezlesgensquiveulentfairebougerleschoses...

Nicole : Nous avons travaillé avec des artisans qui ne sont pas spécialisés dans l’habitat basse consommation.Ilafallulessensibilisercarilsavaientdes difficultés à entendre, par exemple, qu’on neperceraitpaslesmurscarcelafaitunappeld’air.Les techniques existent mais le marché n’est pasmature.Celaresteencoretrèscher.C’estunmarché

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deniche,mêmes’ilsedéveloppeàvitessegrandV.Il faudra que les prix des matériaux baissent dansles années à venir. Pour construire cette maison,nous avons dû prendre des risques administratifs et financiers.Ilyadesgensdebonnevolontéquidoiventcertainement abandonner en raison de toutes ces contraintes.

Les bénéfices personnels et collectifs Philippe : Les systèmes que nous avons installés sontsimples,énergiquement trèsefficacesetoffrentun très grand confort. On peut faire beaucoupd’économies d’énergies pour pas très cher. Pournous,leconfortétaitessentiel.Quandonamoinsdeconfort, les engagements, les efforts, ne tiennent pas longtemps...Ilyaégalementunaspectpatrimonial.Monpèreaimaitacheter de vieilles maisons et les réparer pour se constituerunpatrimoine.Jem’étaisrenseignéaudébutdu projet sur la valeur des maisons passives, à faible consommationd’énergie.Elleétaitde6%supérieureàcelledesmaisonsclassiques.Aujourd’hui,celadoitêtre probablement plus. Pour ceux qui n’en ont pasd’autres,cetteseulemotivationdevraitêtresuffisantepour faire du bien à la planète, réduire notre empreinte enCO2.La carotte, c’est le respect de l’environnement.Le bâton, c’est l’augmentation inéluctable du coût de l’énergie, sans parler d’une crise géopolitique majeure,parexemplesi laRussiedécidedecouperl’alimentation en gaz, parce qu’elle en veut à l’un de sesvoisins.Celanousmettraittousdansunesituationextrêmementdifficile.

Nicole :Cettemaisonesttrèsagréableàvivre.Nousavons été surpris. Elle a une très bonne isolationphonique.C’estunboncompromisentreleconfortetce que la technique peut nous apporter, avec un peu deréflexion.

Les autres actions Philippe:Dèsquenouspourronsattaquerledeuxièmegros poste de dépense énergétique, en l’occurrence lestransports,nousleferons.Nousavonsunscooterélectrique. Nous attendons la voiture électrique.Concernant l’eau, nous avons mis en place un système de récupération de l’eau de pluie et un double système pourlesWC.

Les valeurs Philippe:Onaplutôtlafibrevertedanslafamillemaiscen’estpasnotremotivationpremière.Nosréponsessontpluspragmatiquesquephilosophiques.Lesva-leurs sont importantes mais il faut des actions concrètes, trouver le moyen d’avoir au moins autant de confort toutendiminuantnotreempreinteénergétique.

Nicole : Quandnousavonsdécidédefaireconstruire,il allait de soi que nous n’allions pas utiliser des technologies vieillissantes, périmées. Nous ne som-mes pas des utopistes, ni des écologistes puristes.

Nous sommes simplement conscients des enjeuxactuels en matière de consommation d’énergie. Lanaturedoitêtreprotégée.Onfaittoutcequel’onpeutpouréviterdegaspiller,desurconsommer.Pournous,c’est évident. Dans beaucoup de domaines, on serapprochedubonsensdesanciens.Onn’inventerien.

Face au changement climatique Philippe : L’homme est probablement capable de détruire son environnement et probablement aussi capabledetrouverdessolutionspourl’éviter.Jetravailledepuis25 ans dans la climatisation et les pompesàchaleur.Audébutdesannéesquatre-vingt-dix,avecletroudanslacouched’ozone,nousavonsdécouvert qu’il existait un faisceau de présomptionslaissant penser que l’homme avait un impact sur la planète.Lesecteuraconnuunegrandeévolution,aveclasubstitutiondesCFC(chlorofluocarbures)pardesHFC (hydrofluorocarbures). Finalement, on a trouvéunesolution.Onaréussiàinverserlatendance.On est passé d’un problème, celui de la couched’ozone, où, en gros, on promettait des cancers pour toutlemonde,auréchauffementclimatique.Cen’estpas trop un problème pour certains endroits, comme chez nous, d’avoir 2°C de plus. Par contre, il y ades zones où il y a un risque de manque d’eau, de désertification.Etpuis,nouspouvonsaussiconnaîtredes déséquilibres majeurs, comme le retournement du GulfStream.Nous avons tous une responsabilité individuelle, nous devons faireensorted’allerdans lebonsens.Maisje pense qu’il faudra des réglementations, imposer des normes énergétiques, sinon personne ne le feraspontanément.Sionn’avait pas imposédepotcatalytique, personne ne s’en serait équipé. Il fautque les pouvoirs publics organisent un système qui va naturellement pousser les gens vers un comportement moinsénergivore.

Nicole :Jeressensuneinquiétudeglobale,mêmesienFrance,nousnesommespasdansundespayslesplusdirectementconcernés.C’estunchangementcompletde comportement qu’il va falloir obtenir, par l’éducation de nos enfants. Cela viendra progressivement. Lagénération qui vient va être plus concernée que la nôtre.Déjà,nousn’avonspas lemême rapportà lanaturequenosparents.Je pense aussi que les pouvoirs publics ont uneimpulsion à donner. Je crois que le bon sens estprésent chez les gens, mais qu’ils sont retenus par les pesanteursdupassé,leurshabitudes.

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►HABITAT

• Rêver d’un habitat écologique et coopératif

Leprojet«habitatgroupéconfluence»aétélancéendécembre2007,danslequartierduConfluent(Lyon2e). Il prévoit la construction d’un immeuble sobre en énergie, socialement mixte, où les équipements seront mutualisés (buanderie, etc.).Àcejour,dixfoyersl’ontrejoint.Lebâtimentdoitvoirlejouren2011.

« Je veux être actrice de mes idées, ne pas seulement rester dans la théorie. Pour moi, l’écologie est l’écologie du quotidien et du lien social ».

« Notre société est hyper individualiste, anti-écologique

au possible ». Catherine, 45 ans, psychologue clinicienne, vit à Lyon 3e.

Lionel,31ans,enseignant-chercheur,vitàlyon3e.

L’action Catherine : J’ai entendu parler par hasard de ceprojet. Je l’ai rejoint en mars 2008. L’idée est quenoussoyonsmaîtresdenotrehabitatsursaglobalité.Nous allons faire construire un immeuble et décidé de lamanièredontnousallonslegérer.Nousneseronspas copropriétaires d’un appartement, nous aurons despartsdansunimmeuble.

Lionel : J’ai découvert ce projet par l’intermédiairede la revueSilence,quiavait fait undossier sur lesformes d’habitat groupé, avec un rapport différent à la propriété.Jel’airejointenjuin2008.Apriori,nousallonscréeruneassociation,quivagérerle fonctionnement du groupe et une structure de type SCIouSARLpourl’immeuble.Nousallonsemprunterpourconstruirecetimmeuble.Surlaparcelle,ilyauradulogementsocialainsiqu’unemaisonderetraite.Lebailleur social va appuyer et garantir le projet d’habitat groupé.

Les freins Catherine : On nous attend au tournant, on attenddevoirsi leprojetvaseconcrétiser.Autourdemoi,beaucoup sont dubitatifs, pensent que c’est un beau projet,mais...chezlesautres.

Lionel :Onmedit:«C’estunesuperbonneidée,maisjenepeuxpasalleràlaréunioncesoir,j’aipiscine»(rires).Etpuis,onmedit«Ouhlà,là,s’ilfautdiscuterde tout… !».L’individualisme reste trèsancré.Nousavons en effet passé beaucoup de temps à parler, par exemple, de lamanière dont nous allions utiliser labuanderie.Parfois,lesdiscussionsnesontpasfaciles.Ilfautprendresursoipourfaireavancerleschoses.Notre projet n’est pas simple à mettre en place.Nous allons certainement faire des erreurs.Personnellement, jevoudraisque l’immeublesoiten

basse consommation, et que nous prenions en compte la qualité desmatériaux, l’énergie grise qui inclut letransport, etc. Dans cette perspective, mieux vaut-ilutiliser du béton recyclé ou du bois qui vient du sud de laFrance?L’équationestdifficileàrésoudre.Pourlesimmeubles,peud’expériencesontété réaliséeset ilexistemoinsdelittératurequepourlesmaisons.

Catherine :J’espèrequelapremièrepierreseraposéeenété.Cequiestcompliqué,c’estqu’iln’existepasàcejourdestatutjuridiquedelacoopératived’habitants.

Les bénéfices personnels et collectifs Lionel : Il y a un consensus sur la mise en commun des machines à laver, le partage d’espace et certaines mutualisationsdemoyens,unatelier,dumatériel.Ilyauraunlocalàvélo,unebuanderie,unsaloncommun.Onchercheraàseprêterdumatériel,commeceluidelacuisine.Celanesertàrienquechacunaitsaproprecrêpière.Éventuellementunpartagedevoitures.Le challenge, c’est de pouvoir faire venir des gens qui ne pourraient pas, financièrement, accéder à lapropriété.C’estunvraichallengedefaireunimmeubleécolomaispaspourbobos.L’écologieestconsidéréecommeunproblèmederiches.J’aimeraisdémontrerquecen’estpasvrai.

Catherine : Ce n’est pas un projet de copains. Êtreamis, cela ne veut pas dire que nous avons tous les mêmes valeurs. Là, ce qui compte dans ce projet,c’est de partager des valeurs communes en matière d’habitat.D’habitude,quandonestpropriétaire,onnefait qu’aménager son intérieur. Il s’agit de reprendrelamainsurl’ensembledenotrehabitat:lechoixdesmatériauxdeconstruction,lamanièredontnousallonsutiliserl’espaceàl’intérieurdubâtiment.

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Les autres actions Lionel :Jemedéplaceauquotidienàvélo,et,l’annéeprochaine, je vais partir en vacances à vélo avec une carriole. Je mange bio. Consommer bio est moinscher que d’aller au supermarché acheter des plats tout préparés.

Catherine :Jenesuispasunemilitantedel’écologie,endehorsdemapratiqueduvélo.Jerouledansunevoitureaugaznaturel.Jemebagarreavecmafamillepour réserver la voiture aux week-ends et encore :souvent, on prend le train.Dès l’été prochain, nousn’aurons plus de voiture, alors ce sera de l’auto-partage.

Les valeurs Catherine : La copropriété ne m’intéresse pas, avec son système qui veut que celui qui a le plus de millièmes aitplusdedroitsdevote.L’individun’estpasprisencompte,cen’estpassavaleur,maislavaleurdubien.Il est très réducteur de penser l’habitat uniquement en mètres carrés. Nous voulons montrer que c’estpossibledepartagerunlieu,devivreensemble.Quec’estplusvivant.

Lionel :Avec l’habitat coopératif, j’ai découvert qu’ilexistait une solution au problème du rapport à lapropriété. Surtout dans le déséquilibre entre lespropriétaires et les locataires, qui habitent sur place maisn’ontrienàdiredanslagestiondel’immeuble.Il faut investir du temps, mais je pense que cela correspond à une envie, un besoin des gens. Jepense que nous sommes dans une société où il y a une envie de lien social, mais notre système est pétri depeurs,etcelafreine.Lemessagequel’onentendest généralement : surtout n’ayez pas de plaisir, il faut quevoustrimiez,çava,çadoit,êtredur.

Catherine :Jeveuxêtreactricedemesidées,nepasseulementresterdanslathéorie.Pourmoi,l’éco¬logieest l’écologie du quotidien et du lien social. C’estunemanièred’être, de s’ouvrir auxgens, d’avoir duplaisirdans la relationà l’autre.Je trouvedommagequ’on vive les uns à côté des autres sans qu’il y ait un soutien, un partage, que cela se résume à un bonjour danslescouloirs.La question du respect de l’environnement, aussi, est importante pour moi. Nous sommes plusieurs dansle groupe à avoir cette sensibilité-là. Dans le projetd’immeuble coopératif, installer des toilettes sèches me semble compliqué. En revanche, il va falloir seposerlaquestiondelagestiondel’eau.Notreécologienes’exprimepasseulementdans laconstructiondubâtiment,elles’inscritàlongtermedansnospratiques.Nous ne sommes pas dans une écologie rêvée, mais dans une écologie sociale et de terrain. On doit seconfronteràlaréalité,faireavec.

Lionel :Pourmoi,l’écologieestavanttoutunefaçonde vivre : aller moins vite, prendre le temps de respirer, desesentirvivre.

Ons’estengouffrédansunesociétéhyperindividua-liste,anti-écologiqueaupossible.Je me pose la question de l’exemple. Je ne veuxsurtoutpasquenousservionsd’exempleàdupliquerailleurs. Ce ne sera pas possible : les contraintes,l’environnement ne seront pas lesmêmes.Ce n’estpasunconceptcléenmainqu’onvaimporter.Parceprojet, jeveuxreprendreenmainmeschoix,mon implication dans la société, au niveau du fonctionnement de notre démocratie. C’est cetteimplication, pas notre projet, qu’il faudrait dupliquer.Le vrai problème, c’est que les citoyens se sont complètementdésinvestisdeschoixpolitiques.Dansnotre République, nous déléguons trop à nos élus, nos représentants, certaines prises de décisions, comme la question du choix de l’habitat.Nos élus sont desgens comme nous, ils ne sont pas des spécialistes et ilsnesuiventquecequeveutlamajorité.Jecroisquecelagêneaussicertains«puissants»quelesgensaientenviedeconstruireleurpropreimmeu-ble,s’intéressentauxquestionsd’aménagement,aientleurmotàdire.En tantquecitoyen, jeveux faire lemaximumpourchangerleschosesàmonéchelle.

Face au changement climatique Catherine : La lutte contre le réchauffement climatique doit relever d’une démarche individuelle portée par les pouvoirspublics.Ilfautquecespouvoirspublicscroientvraimentàleurdiscours.Ilfautquelesindividussoientacteurs,maisqu’onn’imposepasleschoses.

Lionel : Concernant le réchauffement climatique, d’abord, il faut une prise de conscience personnelle, uneactionàsoi.Celanebougeraquesichacunfaituneffort.Maiscespetitspasdoiventêtresencouragésparl’ensemblesocial,lesystème.L’écologienepeutpas passer par une décision qui vienne du haut, du type :«Désormais, tout lemondevarouleràvélo».Elle passera par l’implication de chacun.Si on peutfaire quelque chose, c’est à plusieurs. L’écologie nepeut se faire qu’ensemble. Ensemble, on peut fairedeschosesformidables.

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L’action Simone : Le Grand Lyon avait fait une opération compost.Onremboursaitauxparticuliersl’achatd’uncomposteur sur la base de 30 euros. En fait, nousn’avons jamaisétéremboursés(rires).Jusqu’à ilyadeuxans, la copropriétépayait environ2000eurospour le ramassage des feuilles mortes. Aujourd’hui,c’est nous qui nous en occupons. Les feuilles sontensuitecompostées.Ici,nousavonsdel’espaceetdesgensdebonnevolonté.Encréantcecompost,nousavonsentreprisd’entretenirlejardinnous-mêmes.

Bernard : Avec les économies réalisées sur leramassage des feuilles mortes, nous avons investi dansdenouvellesplantations.Aveclemêmebudget,voire un budget réduit, nous avons amélioré l’aspect dujardin.

Les freins Bernard :Pourmoinspayer, tout lemondeestd’ac-cord,maispourramasserlesfeuilles,ilestplusdifficiledemobiliser lesgens.Etpuis, il faut faireunpeu lapolice pour que les gens ne mettent pas n’importe quoi au compost, comme des graines ou de vieilles plantes desséchées.Nousnesommespourl’instantquetroisàajouternosépluchures.Jepensequelesautresnele font pas parce que c’est trop loin, ou que cela les dérangedetraverserlejardinavecleursordures.

Les bénéfices personnels et collectifs Bernard :Lesgensontdegrandsbalcons,dessur-facesengazon.Tousleursdéchetsverts,leurscoupesdegazonseretrouvaientàlapoubelle.Çaembêtaitlesgensd’allerà ladéchetterie.Maintenant lesdéchetsverts vont dans le compost et si tout le monde allait

Cette co-propriété un peu chic de Sainte-Foy-lès-Lyon a été construite au début des années quatre-vingt-dix. Elle est environnée d’un grand parc. Les co-propriétaires ont créé un compost il y a deux ans. L'un d’entre eux envisage l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits en terrasse.

►HABITAT

• Vers des copropriétés plus sobres en carbone

« Le réchauffement climatique, c’est une réalité, et l’homme y est pour quelque chose, mais je trouve qu’on en fait trop. C’est un sujet à la mode, avec une inflation dans les médias ».

« Nous avons la satisfaction d’un travail accompli, un travail accompli ensemble, surtout. Tout

seul je n’aurais jamais fait cela ». Simone,77ans,biologisteretraitée,vitàSainte-Foy-lès-Lyon

Bernard, fonctionnaire retraité, président du syndic, vitàSainte-Foy-lès-Lyon

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y jeter ses épluchures de légumes, notre homme de peine aurait des dizaines de kilos de poubelles en moinsàmanœuvrer.

Simone : Et cela fera d’autant moins de déchets qui finirontàl’incinérateur.

Bernard : Nous essayons de faire prendre conscience auxautrescopropriétairesquelaprésencedeceparcest une richesse, et que le compost en fait partie.Nous avons beaucoup de compliments de nos voisins sur l’améliorationet l’entretiendu jardin. Il yaaussiuncôtéécolo.Plusonmettradecompostdansnosplantations, moins on aura besoin d’ajouter d’engrais, c’estquandmêmemieux.Le fait qu’on s’investisse autant pousse les gens à être plus attentionnés, il n’y a pas de vandalisme, ils sont respectueuxdutravailfait.La création de ce compost et l’amélioration du jardin ont apporté de la convivialité dans la copropriété.Nous avons commencé à organiser des apéritifs, desséancesdejardinagecollectif.Desgenssesontparlé, alors qu’en 10 ans certains n’avaient jamais eu l’occasiond’échangerunmot.Celaaapaiséquelquestensions.Quandj’enparledansmonentourage,lesgenssontsurpris.J’aiconseilléundesmembresdel’associationde vélo dont je fais partie, ils ont aussi mis en place un compost dans leur copropriété. Je leur ai évitéd’acheter un composteur trop petit et un broyeur qui nesertpasvraiment.

Simone:Jepensequepourconnaîtrelesgens,ilfautfaire quelque chose ensemble, travailler ensemble, il fautunprétextepourseparler. Ici, le jardina fournice prétexte. Beaucoup de copropriétés pourraientfairedemême.Ilsuffitquequelques-unss’ymettent,se lancent.En fait,quandonosesolliciter lesgens,nombreuxsontprêtsàveniraider.

Les autres actions Simone: Nous avons installé des lampes à Led dans les couloirs des parties communes et nous avons le projetdemettredespanneauxphotovoltaïquessurletoit(lirel’interviewsuivante,deFrédéric,NDLR).

Les valeurs Bernard :Quandnousregardonscejardin,nousavonsla satisfaction du travail accompli, un travail accompli ensemble,surtout.Toutseuljen’auraisjamaisfaitcela.

Simone : Les panneaux photovoltaïques, c’est pourfairequelquechosedeneuf.Ilfautbienqu’onévolue,etpuisc’estécolo,alorspourquoipas.Cen’estpasune question de rapport financier, même si cela vapeut-être permettre d’avoir un allégement d’impôts,quin’estpasànégliger.Jecroissurtoutqu’ilfautallerdel’avant,changerleschoses. Je ne crains pas la nouveauté. Je pourraisrester dans mon fauteuil, mais dans un fauteuil, on s’ennuie !

Face au changement climatique Simone:Jepensequeleréchauffementclimatiqueestune réalité, et que l’homme y est pour quelque chose, mais je trouvequ’onen fait trop. Ilyabeaucoupdebruit, une inflation dans lesmédias, c’est comme lagrippeA.C’estunsujetàlamode.J’aivécuaveclabombe atomique, on nous disait qu’elle allait nous tomber sur la tête. Puis il y a eu les pluies acides,aujourd’hui,onn’enparleplus.Dansdeuxouquatreans, on ne parlera peut-être plus de réchauffementclimatique.Jepensequ’ilfautdiminuerlacirculationautomobile,éviter lesgaspillages, lechauffageexcessifdanslesmaisons, de jeter un objet dès qu’il est cassé, toute cettehyperconsommation.Cesontjustedesprincipesde bon sens, les bons principes bourgeois d’autrefois (rires).Quand je vais en ville, je vois des magasins devêtements partout.On n’a quandmême pas besoinde dix manteaux, de vingt pantalons, de penderiesqui débordent, pour vivre ! Il faut utiliser ce dont on a besoin,sansenabuser.

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L’action Jem’intéresseauxquestionsd’économiesd’énergiedans l’habitat depuis les années 2000-2001. J’avaisrencontré, lors d’un séminaire professionnel, AlainHubert,delafondationpolaireinternationale.C’estunpersonnage hors normes, il avait traversé le globe, il étaittrèsconcerné.Nousétionsdansunrefuge,lelongduGR20.Ilnousamontrésursonordinateurportabledes graphiques, des résultats des carottages dans la glace,quimontraientl’évolutiondeladensitédeCO2 sur plusieurs milliers d’années, liée à la courbe des températuresduglobe.Depuisledébutdu20e siècle, cettecourbeaprisunepentevertigineuse.Ce fut probablement un élément déclencheur. J’aicommencéàacheterdesrevues,àmerenseigner.Jesuis sensible à ces sujets, nos enfants le sont encore plusquenous.Ilssontdansuneéco-école.Ilsposentbeaucoup de questions. Ils ont eu un questionnaireà remplir sur nos consommations d’énergies. Nousavonspucalculerlanôtre.Peuàpeuj’aicreusélesujet.Jemesuisintéresséauxdifférentesinitiativesquiexistentpourréduirel’émissiondegazàeffetdeserre.Celaa infusétranquillementdansmonesprit.Jemesuisdemandé:«Pourquoinepas essayer de mettre en pratique mes convictions concernant l’écologie etma vie quotidienne ?». J’aiainsienvisagé lapossibilitéd’installerdespanneauxphotovoltaïques sur la copropriété grâce aux diffé-rentesincitationsgouvernementales.Nous avons 200 m2 utilisables en terrasse, soit environ 90 m2 de panneaux solaires, ce n’est pas grand-chose : cela représente environ les besoins annuels enélectricitéd’unappartement.Deuxsolutionspeuventêtreenvisagées:soitunvotedelacopropriétéavecsonformalisme.Techniquement,ce n’est pas compliqué. Mais il faut que quelqu’unprenne le sujet à bras le corps, il faut du temps, de la patience.Uneautrepisteseraitdecréerunesociétéqui installerait les panneaux, vendrait l’électricité etloueraitl’espaceàlacopropriété.Ceseraitplussouple.Etleprixdecettelocationàl’annéenouspermettraitdeplantertroisnouveauxarbresparan…quifixentleCO2.

Les freins Le photovoltaïque est encore sous perfusion despouvoirs publics. Mais il faut cette volonté publiquepour amorcer la pompe. Je me suis rendu comptequ’enFrancenousétionsenqueuedepelotondansledomainedesénergiesrenouvelables.J’aicommencéàmerenseignersur l’investissement

nécessairepouruneinstallationphotovoltaïque,maisce que j’ai appris m’a un peu découragé. Pour cegenre de projet, il faut arriver à se mettre d’accord au niveaude la copropriété.Déjà cen’est pas toujoursfacilepourdepetiteschoses...Onm’aditqu’ilvalaitmieuxlaissertomber.Latechnologien’estpasunebarrière,lecôtéfinanciern’est pas une barrière pour les particuliers, sauf pour desfamillesquisontdansunesituationextrêmementdifficile.Le problème, c’est la complexité administrative,la profusion des installateurs qui ne sont pas tous fiables.Lesnormessonttrèscompliquées,ilfautavoirfaitpolytechniquepourarriveràcomprendre!Onsesentunpeudémuni. Il faudraitmultiplier les lieuxdeconseils.Etjesuispersuadéquecetteagglomérationfourmille d’initiatives, de gens qui déjà bien creusé le sujet.Maisonnesaitpasquiilssont,cequ’ilsontfait,onneprofitepasdeleurexpérience.

Les bénéfices personnels et collectifs J’aicommencéàparlerdeceprojetautourdemoi.J’aifaitletourdesvoisins.Ilyaunintérêt.J’aieuunretourpositifauprèsdegensdedifférentesgénérations.Jenem’yattendaispas.Unedenosvoisines,quiaplusde70ans,m’adit:«Jesuispour.L’argent,lestauxderetour, je n’y connais rien, et puis vous me parlez d’un tempsoùjeneseraispeutêtreplusdecemonde».Sur le plan économique, cet investissement tientdebout,entermederentabilité,c’estmieuxqued’avoirunlivretàlacaissed’épargne,d’aprèsmescalculs.

Les valeurs J’aienvied’apportermapetitepierreàl’édifice.Pourmoi, c’est une goutte d’eau, mais, s’il y a beaucoup de gouttes d’eau, si chacun fait ce qu’il peut, à son échelle,celaformeraunfleuve,unocéan.Jesuisentraindechangerd’orientation.Jesouhaiteme mettre au service d’un projet qui me tient à cœur, pourlequeljesauraipourquoijemebats.

Face au changement climatique Moralement, il m’est de plus en plus difficile demedirequejemefichequelesoursblancscrèventsurlabanquise.Demedirequ’en2050,iln’yenauraplus.A l’horizon 2050, nous ne serons plus là, mais nosenfantsauront50ans.Mapetitedernièreestnéeen2003,ellepourravivrejusqu’en2100.Queverra-t-elleàlafindecesiècle?

« Moralement, il m’est de plus en plus difficile de me dire que je me fiche que les ours blancs crèvent sur la banquise. De me dire qu’en 2050, il n’y en aura plus ».

Frédéric,46ans,banquier,vitàSainte-Foy-lès-Lyon

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20 - « Héros ordinaires »

L’action Claude :Aufildesannées,lapopulationdecetimmeu-ble s’est paupérisée. La valeur des appartements achuté.Pendant les années 90-2000, les prix étaienttellement bas que le montant des remboursements était inférieur au prix du loyer d’un logement social.La gestion de certaines allées reste compliquée.Nous avons raté un premier plan de rénovation, en 1998,leconseilsyndicalétaitcontreàl’époque.Noussommesrestéscomme«deuxrondsdeflanc».Nousavons repris le dossier et signé le plan de sauvegarde en septembre 2008. Le diagnostic thermique a étécomplétéparl’expertised’unthermicien.D’aprèssescalculs, nous allons pouvoir atteindre 50 % d’économies d’énergie.Ilfallaitenprofiterpourlancerunerénovationd’envergure,isolationetdoublevitrage.

Jacques:L’imagequenousavonsretenueestcelle-ci : l’écoulement des chutes duNiagara.C’est ainsiquel’énergiesortdel’immeuble.La copropriété partait à la dérive. Certaines dettesde charges étaient supérieures à la valeur des appartements.Nousallionsàlaruine.Ons’estréveillé.Onavaitletemps,noussommesàlaretraite.Lefaitquenousformionsuneéquipeesttrèsimportant.Nousavonsremislacopropriétésurdesrails.

Claude :Nousavonsdûproposerdeuxsolutionslorsdel’assembléegénéraledu30septembredernier.Lapremière, était l’isolation thermique complète, avec

un bardage sur l’extérieur. La seconde n’était qu’unravalementdefaçadeetl’isolationdespignons.Anotregrandesurprise,c’estlapremièrequiaétévotée.

Jacques : Le 23 septembre, nous avions organisé une réunion, une semaine avant l’AG. Nous avonsrépondu à beaucoup de questions sur le projet.Le 30 septembre, il nous fallait au moins 2/3 des copropriétaires présents ou représentés. Nous enavonseu68%,et61%devotesfavorablesauprojetderénovationtotale.

Claude : 5 ans de travail, 5 ans de pression sont retombés d’un coup. Aujourd’hui, nous sommesdansuneperspectived’engagementdestravauxd’icijanvier.

Les freins Claude : Il y a des gens qui disaient, ça ne sert à rien,onvadépenserdel’argentpourrien.Est-cequecela va durer dans le temps ? Beaucoup de gens ne comprennent pas ce qu’est le développement durable, ce n’est pas leur truc. Il a fallu discuter, convaincrepiedàpiedchacun.Ilafallunousbattrecommedesbeauxdiables.J’aiconstatéquelesplusjeunesétaientsouventlesplusmotivés.Ici, lamajoritédes famillesest endifficulté, certainssontengrandedifficultéfinancière.Lespropriétairesqui n’arrivent pas à payer les travaux seront aidés,certains à près de 100%. Quelques-uns devront

C'est une copropriété de près de 300 logements, construite en 1969 aux confins deVénissieux. Un groupe de retraités a proposé, et obtenu de l'Assemblée générale le 30 septembre dernier, une rénovation complète : isolation par l'extérieur, double-vitrage. lecoûts'élèveà7,5millionsd'euros,auxtrois-quartssubventionnés.Cegroupeaimeà se faire appeler les « grognards de Vénissieux ». Ils souhaitent ensuite faire poser des panneaux solaires.

« Ce sera le premier immeuble de l'agglomération à entreprendre ce genre de projet. Nous allons être d'avant-garde ».

« Nous allons faire des économies d'énergie, embellir l'immeuble

et augmenter la valeur des appartements. Notre cadre de vie va

changer énormément ».

Claude,chimisteretraité,64ans,présidentduConseilsyndical,vitàVénissieux.

Joseph,marinretraité,68ans,vitàVénissieux.

« Pour moi, il est important que ce que nous engageons soit pérenne, que cette réalisation dure dans le temps ».Raymond,routierretraité,61ans,vitàVénissieux.

« Ce projet a été possible car nous avons formé une équipe soudée ».Jacques,anciendeBerlietretraité,69ans,vitàVénissieux.

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« Héros ordinaires » - 21

malheureusement vendre leur appartement. Ils nepourront pas faire face. Même sans les travaux, ilsn’auraientpaspufairefacedetoutemanière.

Les bénéfices personnels et collectifs Claude :J’aiessayéledoublevitragechezmoi,d’uncôtédel’appartement.Onsentvraimentladifférencede confort. L’isolation et le bardage à l’extérieurpermet aussi d’éviter la corrosion des façades et la chutedemorceauxd’enduit.Aveccestravaux,nousallonscumuler leséconomiesd’énergie, lebien-êtreetlarevalorisationdenotrepatrimoine.Avecledoublevitrageetl’isolationparl’extérieur,nousallonspasserd’une consommation de 240 kW/m2 à 120 kW/m2.Je pense que la majorité des copropriétaires a étéessentiellement sensibilisée au coût du chauffage, et au potentield’économiesd’énergie.Surl’ensembledelasomme,ilvarester23%àlachargedescopropriétaires.Ce montant va être largement remboursé par les économiesfaitessurlaconsommationd’énergie.Lors de l’assemblée générale, nous en avons appelé aux éco-citoyens, pas aux simples copropriétaires.Nous avons expliqué que s’ils voulaient participer àla réduction des gaz à effet de serre, il fallait qu’ils y aillent.Nousavons jouésur cette corde,mais jenepensepasquel’argumentaiétédécisif.

Jacques : Ce projet étonne tout le monde. Il a étépossible car nous avons formé une équipe soudée, et que nous sommes allés chercher un technicien, un architecte, leSavoirquinousmanquait.Nousallonsnous rattraper avec l’augmentation probable du coût del’énergie.Ce qui a dû compter également dans le vote positif de l’AG,c’estl’améliorationdel’imagedelacopropriété.Laqualitédesnouveauxarrivantsseradifférente.Lespancartes«àvendre»nevontplusresterdesmois.Nous sommes une équipe vieillissante. Nous necalculonspasentermederetoursurinvestissement.Nousvoulonslaisserunbienvaloriséànoshéritiers.Nous,nousbénéficieronsd’uneffetimmédiatauniveauduconfortetdel’embellissementdelacopropriété.

Joseph: Nous allons faire des économies d’énergie, embellir l’immeuble, et augmenter la valeur des appartements. Notre cadre de vie va changerénormément.

Claude : Ceseralepremierimmeubledel’aggloméra-tion à entreprendre ce genre de projet, nous allons êtred’avant-garde.

Les autres actions Jacques:Surletri,ilyaencoreungroseffortàfairesur la copropriété. C’est encore très confus. Nousavonsfaitfermerlesvide-ordures.Onnousaditquelespoubellesallaientrestersurlepalier.Pasdutout.C’est la preuve que si les mauvaises habitudes se prennentfacilement,lesbonnesaussi.

Claude : Nous allons relancer l’idée des panneaux

solaires et photovoltaïques. Il fallait aller d’abordobtenir des économies d’énergies, avant de produire del’énergie.Nousallonsfaire lesdeux,grâceàunesubvention européenne qui, avec les crédits d’impôts, vacouvrirl’investissement.Lacopropriétévadevenirproducteur d’énergie et nous allons pouvoir vendre la tonnedeCO2économiséesurlemarchéducarbone.

Les valeurs Raymond : Pour moi, il était important que ce quenous engageons soit pérenne, que cette réalisation duredansletemps.

Claude : Jesuisunamoureuxdecequartier,demaville.J’aivulescopropriétésallemandes,déjàisolées,lesnordiques,avecleursolaire.Iln’yapasderaisonqu’onsoitplusidiotqu’eux.Je veux que notre exemple puisse être copiable.Montrerque,quandunecopropriétéprendsonaveniren main, le résultat est une source d’économie, une meilleure qualité de vie et une valorisation du patrimoine.Pour moi, ce projet de rénovation est issu d’uneréflexionlogique:ilvafalloirqu’onarrêtelegaspillage,etlegâchis.Ilvafalloirqu’oncessedevivren’importecomment,qu’oncessedefairen’importequoi.Il faut savoir discuter dansunecopropriété.Sans labande de grognards, sans les huit qui se sont investis, jen’aurais rienpu faire. Lamayonnaiseabienpris.Noussommespartispourunebelleaventure.Nous, nous sommes des «vieux». Les économiesd’énergie que nous allons faire ne sont pas forcément rentables pour nous mais pour la Terre. Il faudraenviron10anspouramortir les investissements.Ontravaillepourlesjeunes.Noussommestrèsheureuxdeparticiper,d’apporternotrepierre.

Face au changement climatique Raymond : Nous avons été sensibilisés par Claude à ladéfensedelaplanète,auxéconomiesdechauffage.Nous étions un peu tous concernés, par ce que l’on entend,cequel’onvoitdanslesmédias.Pournousladéfensedelaplanèteestdevenueuneévidence.

Jacques : Claude est passionné par les choses environnementales, les économies durables et le solaire.Ilaungrandrêve,onaprisdepetitsmorceauxdecerêve.

Claude :Depuis20ans,jesuisintimementpersuadéqu’il faut faire des choses pour l’environnement, que c’estundevoirdecitoyen.Nousdevonsadopterdescomportements plus économes, plus respectueuxde notre environnement. C’est au gouvernement demontrerl’exemple,dedonnerlesmoyens.Maisc’esten faisant chacun un bout que nous avancerons. Ilreste beaucoup de gens à convaincre, beaucoup desceptiques.C’est loind’êtregagné.Cequ’il faut,surtout, c’est une prise de conscience citoyenne.Chacundoitsedéterminer.Nousavonsunpaneldechoix.Anousdelessaisir,ànousdelesprendre.

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L’action Nousavonsachetécettepetitemaisonannéessoixante,de type«construction familialeetéconomique».J’airencontré un plombier, qui m’a expliqué qu’il fallaitd’abord se préoccuper de l’isolation, que le mode de chauffageétaitsecondaire.J’aiaussipriscontactavecl’ALE (agence locale de l’énergie du Grand Lyon).Nous avons installé 5 m2depanneauxsolairessurlepetit pan de toit qui est au sud, et une chaudière à condensation.Ensuite,nousferonsune isolationparl’extérieur,parcequec’estunepetitemaisonetnousne voulons pas réduire sa surface. Il se trouve quece type d’isolation est aussi beaucoup plus performant qu’uneisolationintérieure.

Les freins Nous nous étions intéressés aux pompes à chaleurmais nous avons été rebutés par le coût : environ 12000euros.Quant à l’isolationpar l’extérieur, elleest plus chère et plus difficile à mettre en œuvre.Le principal frein, et il est de taille, est le coût : 20 à 30000euros.Concernant lespanneauxsolaires,si jen’avaissuiviquel’aspectfinancier,jenemeseraispaslancédansceprojet.Ilfautunemisedefondsdedépartimportante.J’aieudumalàconvaincremonépouse.Jen’aipasfait le calcul du retour sur investissement, mais je suis sûrquelecoûtdespanneauxdoitreprésenterungrandnombre de mois de notre ancienne consommation électrique...Ilfautêtreunpeudinguepourselancerlà-dedans!

►HABITAT • Rénover une maison individuelle

« Je ne suis pas un écologiste dans l’âme, mais je déteste gaspiller. Le choix du solaire vient du simple fait que je trouve idiot de ne pas utiliser l’énergie qui est à portée de la main ».LaurentM.,45ans,créateurtextileindépendant,vitettravailleàcaluire.

Laurent M. et sa famille ont acheté une petite maison des années soixante, à rénover, à caluire. Ils ont fait poser des panneaux solaires thermiques, installé une chaudière à condensation, et envisagent une isolation par l’extérieur. Lui se déplace à vélo, son épouse en prius.

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Les bénéfices personnels et collectifs L’énergie va coûter de plus en plus cher, même si elle aunpeubaissédernièrement.Notreéquipementnouspermettra de faire face à l’augmentation inéluctable de soncoût.

Les autres actions J’ai changémonbreakquiavait8anspouracheterunevoiturehybride.Jetrouvaisidiotdedépenserdel’énergie pour rien. La technologie de l’hybride estintéressante puisqu’elle permet de stocker l’énergie quandon freineoudécélèreafinde la restituerplustard.Lemoteurélectriquene faitpasdebruit.Dansles embouteillages, le moteur est arrêté. C’est trèssilencieux.Onpeutécouterlamusique,separler.Et puis, il y a le confort de conduite et le fait que cette voiturepolluemoins.C’estuneconduitesouple,debonpèredefamille.Ilfautcherchernonpaslaperformance,mais la contre-performance. Notre challenge avecmonépouseestdeconsommerlemoinspossible.Acejeu,ellegagnepresquetoujours(rires).Sinon, je roule désormais à vélo en ville. Avant, jefaisaisduvéloderoute,ledimanche.DuVTTaussi.Jen’auraisjamaispenséramenermonVTTàLyon.Jetrouvaisçatropdangereux.Puisj’aivudeplusenplusdevélos.Alorsj’aicommencéàm’ymettregrâceauxvoiescyclables,commelavoieverte.J’airéussiàsurmontermesappréhensionsdedépart,en pratiquant, en testant des parcours. Pourmoi levélo c’est la liberté, la possibilité d’aller où l’on veut en ville,oupresque.Onn’apasbesoindesedemandersil’onvatrouveruneplacepoursegarer.C’estunmodededéplacementidéal.Ilyaeubeaucoupdeprogrèsau niveau des aménagements de voirie pour faciliter l’utilisationdesvélosenville.Maisencorebeaucoupdechosesàfaire.

Les valeurs Jenesuispasunécologistedansl’âme,maisdétestegaspiller.Aujourd’hui, onne répareplus,on jetteunobjetdèsqu’ilestcassé.Jetrouveçafou.J’ai vécu enAfrique quand j’étais enfant et ainsi vucommenton faisait là-bas.On récupère,on recycle.Je sais que c’est possible et, aujourd’hui, je trouvenormal de réparer, récupérer. Je pense que cetteexpériencem’amarqué.J’apprendsaussiauxenfantsàfaireattention.Lechoixdusolairevientdusimplefaitquejetrouveidiot de ne pas utiliser l’énergie qui est à portée de lamain. Intellectuellement,c’est intéressantd’utiliserle solaire, même avec des techniques plus simples commeunepoched’eauenplastiquenoir. Le soleilest une source inépuisable d’énergie gratuite, c’est dommagedenepasenprofiter.Jecroisquej’aiaussiunemotivationécologique,maisquejenepeuxpasvraimentbienl’expliquer.Jepensequ’il faut exploiter l’énergie solaire. Une fois qu’onn’aura plus de pétrole, il faudra bien se tourner vers uneautreénergie.Ilfautlefairemaintenant,montrerànosenfantsqu’onpenseàleuravenir.

Face au changement climatique Le dérèglement climatique, on s’en rend compte régulièrement.Moncerisierafleuriaumoisd’octobre.Onentendqu’ilyaeudesinondationsterriblespastrèsloindecheznous.Celanemelaissepasindifférent,mêmesijen’ypensepastouslesjours.Nous sommes responsables, surtout nous dans les pays développés, avec notre industrie, nos modes de vie personnelstrèsénergivores.Notresurconsommationa induit ces problèmes de changement climatique.L’homme va devoir s’adapter à cette situation, et, en premier, au fait que l’énergie fossile va être de plus en pluschère,dansunavenirproche.Ce n’est pas avec l’énergie solaire qu’on va pouvoir sechaufferenhiver.Lesforêtsnevontpascouvrirlesbesoins de tout le monde, sans compter qu’en ville, se chauffer au bois ne va pas être facile. Il faut sepréparer à ne plus avoir 20 ou 22°C chez soi, mais plutôt18°C.Ceuxquiontdesmoyensvontpouvoirsedébrouiller;pourceuxquin’enontpas,çavaêtredurdetrouverdel’énergiepastropchère.J’essaied’apportermapierreàl’édifice,medirequejevaisdanslebonsens.Jepensequeleréchauffementclimatiquerelèvedespolitiques publiques, c’est évident. C’est au niveaudes gouvernements, au niveau mondial qu’il doit y avoir une action collective, un effort. Il faut que lesgouvernements, les pouvoirs publics soient moteurs, qu’on crée des pistes cyclables, qu’on restreigne les accèsauxvilles.(1èreréponse,le6octobre)

Lecitoyendoitfairequelquechose.Sonchoix,prendreunvéloplutôtqu’unevoiture,auneffetimmédiat.Lespouvoirs publics peuvent inciter, avec des mesures fiscales, la diffusion d’information. Le citoyen estl’acteur numéro un, il peut décider de consommer moins.Maisilnepeutfairequedepetiteschoses,lespouvoirpublicssontlàpourencadrer.(2e réponse, le 23 octobre. «Entre temps, j’airéfléchi»).

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L’action Nous avons d’abord été citadins, habitant Caluire, dans un bel appartement, avec vue sur le parc de la Têted’Or.Nousavionsbeaucoupd’espaceautourdenousmaisc’étaittrèsbruyant.Nous avons donc trouvé une maison à retaper de fond encombles, àValsonne, à40 kmaunord-ouest deLyon.Nousavonspassédeuxansàfairedestravaux.Moi,jecontinuaisàtravailleràLyon.Jeprenaisletraintouslesjours,jemettaisdeplusenplusdetemps.Audébut je le prenais à Tarare, à 10 km, mais les trains étaienttropbondéslesoir.AlorsjesuisalléeleprendreàLozanne,àtrois-quartsd’heurederoute.Letrajetentraindurait vingtminutes,puis je faisaisdixminutesdemarcheàpied.J’airemarquéquelesgensducoinpartaient de plus en plus tôt, qu’il y avait de plus en plus de bouchons sur la route. Avec tout ce tempspassé dans les transports, je ne voyais pas beaucoup mon fils. Pour lui, ce n’était pas évident d’avoir desactivitésextrascolairesvariéesdanslacommune,oùonluiproposaitessentiellementdufoot.Finalement, nous en avons eu assez de la vie à lacampagne et avons décidé de repartir pour la ville.Nous n’avons pas voulu revendre car cette maison représentait un fort investissement personnel. Nousl’avons mise en location et nous avons trouvé un appartementàacheter,àCaluiredenouveau.

Les freins Bien sûr, la campagne nousmanque. Il y a trop demonde en ville.On ne peut pas aller se balader enpleinairsansdevoirprendrelavoiture.Lasensationd’espace,delibertéestplusdifficileàretrouver.Notrerêve, si nous avons un peu d’argent, serait d’acheter unpetitterrainetd’yconstruireunemaisonenpaille.

Les bénéfices personnels et collectifs En ville, tout est accessible facilement, l’organisation estplusfacile.Auniveaudessoins,parexemple: ilfallait, à la campagne, faire des kilomètres pour une consultation chez un médecin, qui était submergé parce qu’il manque de médecins dans les zones rurales.Et quand vous sortiez de chez le médecin, nous ne pouvions pas passer à la pharmacie, car elle ferme tôt...Toutétaittrèscompliqué.Etpuis,l’environnementsocial et culturel de l’endroit où nous vivions était un peu étroit, un peu fermé, c’était un monde dans lequel jenemereconnaissaispas.

L’avantage en habitant à Lyon est que je mets moins detempspourallertravailler.Avant,j’étaistoujoursentrain de courir d’un train à l’autre, toujours en porte à faux, avec l’impression de ne jamais pouvoir meposerquelquepart.Désormais,notrefilspeutrentrertout seul à la maison, il est plus autonome, et il a plus d’activités.

Les autres actions Pourmoi,ilestimportantdenepasutiliserlavoiture.Cela me fatigue de conduire, et on ne fait pas grand chosependantcetemps-là.J’estimequelavoitureenvilleestplusunecontraintequ’uneliberté.Lavoiturenevapasaveclaville.Ellen’arienàyfaire.Lematin,pour aller deCaluire à la Part-Dieu, j’ai le choix, jeprends le métro, puis l’une ou l’autre des lignes de bus,seloncequim’arrange.

Face au changement climatique Il faudrait que l’on comprenne que la planète n’est pas inépuisable, que chacun change son propre comportementquotidien.Etsonétatd’esprit.Maisest-cesuffisant?Unefoisquel’oncirculeàvélo,enbus,quel’ontriesesdéchets,quepeut-onfairedeplus?Je pense qu’il faudrait une évolution globale desmentalités.Lemodèleéconomiqueestàchanger.Leréchauffement climatique découle de notre société de consommation : on ne peut pas vouloir une croissance économique perpétuelle et penser réduire nosémissionsdegazàeffetdeserre.Noussommesdans une fuite en avant, vers le toujours plus. Plusde croissance, plus d’objets, plus de production, plus de consommation, finalement plus de déchets.J’ai lesentimentmalgré toutquebeaucoupdegenss’investissent pour faire évoluer les choses dans le bonsens.Nous sommes aussi dans une époque de communication, avec beaucoup de gesticulations et peud’informations.Onn’ajamaisautantcommuniquépourneriendire.Onnousparledetrimaisqu’enest-ilréellementdesfilièresderetraitementdesdéchets?Le réchauffement climatique, parfois on l’oublie. Ilsuffit d’une belle journée pour se dire que ce n’estpassigravequecela.Etpuis,ilarrivequ’onn’aitplusenvie d’entendre de mauvaises nouvelles, de penser que laplanètevaàsaperte,que leseauxmontent.Onaenviede fermer laporteà toutcelaetneplusl’entendre.

►HABITAT

• Revenir habiter en ville

Ce couple avec un enfant s’était installé à la campagne, dans une maison, loin de l’agglomérationlyonnaise.Lafamilleestfinalementrevenuehabiterplusprèsdela ville, à Caluire, il y a trois ans.

« J’avais l’impression d’être en porte à faux, de ne jamais pouvoir me poser quelque part. En ville, tout est plus facile, plus accessible ». Pascale,49ans,dessinatriceindustrielle,vit à Caluire, travaille à Lyon 3e.

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« Héros ordinaires » - 25

►TRANSPORT • Rouler à l’électricité

« Nous ne sommes pas dans une crise du pétrole, mais une crise climatique. Bien avant qu’on n’ait plus de pétrole, on n’aura plus d’atmosphère ».Jean-Marc,53ans,consultanteninformatique, vit à Villeurbanne, travaille à Vaise (Lyon 9e)

L’action En1977,jeune,j’avaisachetéuneRangeRover,quiconsommait 32 litres aux 100 ! En 2005, j’ai quittélemondeaffreuxdu4X4pourmapremière voitureélectrique.Jelesaibaptisées«LaToujourscontente»,etaujourd’hui,«L’automagique».La voiture électrique est un rêve de gosse qui s’est concrétisé. Quand nous partions en vacances,monpère s’amusait à couper le moteur de notre 2CV sur les « montagnes russes », on cherchait à franchir le plus grand nombre de ces « montagnes » sans moteur.Jemesuisditqu’ilyavaitsûrementunmoyend’économiserl’énergied’unmoteur.Il m’a fallu longtemps pour réaliser ce grand rêve.Ce souvenir me revient tous les jours. Un jour, jesuis tombé sur un commercial qui a accepté de me chercher une voiture électrique. C’était une Kangoohybriderechargeable.Ilyenavait25seulementdanslemonde.Lesadministrationsfrançaisesavaientdesvéhiculesélectriquesdansleurparc.Lamiennevenaitdel’Élysée,jenelesavaispasàl’époque.

Les freins Depuisdesannées,jevoulaisunevoitureélectrique,mais les concessionnaires ne voulaient pas m’en vendre.Onmedisait que ces voituresn’étaient pasfaitespourlesparticuliers.Enfait,jepensequec’estsurtoutparcequelamaintenancen’estpaslamême.Cela a été un combat épique pour pouvoir acheter une voitureélectriqued’occasion.Le problème numéro un, c’est de trouver des prises, en particulier des prises triphasées pour les recharges rapides.Commeunplandevol,ilfautfaireàl’avanceun plan de route quand on veut se déplacer sur un long trajet.On roule en France grâce à la fraternitéde nos concitoyens, on s’arrête et on demandeauxgenssionpeutsebranchersurl’unedeleursprises.Surl’autoroute,iln’estpaspossiblederechargerune

voitureélectrique.Enfin, enmontée, on roulemoinsvitecarlavoitureestlourde.

Les bénéfices personnels et collectifs La première fois que j’ai conduit une voiture électrique, ce fut un choc. Les seuls bruits qu’on entend sontceux des autres voitures. C’était beaucoup plusimpressionnantquecequej’imaginais.Onentendlesoiseaux, les gens qui discutent sur les trottoirs, lesmarmottesàlamontagne.Onestencontactaveclanature.Avecl’électrique,iln’yapasdebruit,pasdevibrations.Naturellement,vousêtesassagi.Dans un hybride, dès que le moteur thermique semet en route, la différence est immédiate, en termes de nervosité, de tension. Les vibrations du moteurthermiquevousrendent fou.Tousceuxquiontrouléun temps avec une voiture électrique ne veulent plus conduireuneautrevoiture.Je ne connais plus le prix de l’essence, je n’ai plusbesoin d’aller dans les stations services. La voitureélectriqueesttrèssuffisantepourlestrajetsquotidiens.L’autonomie est de 135 kilomètres. A Lyon, je fais100kilomètresenvoiture,maximum,parjour,pouruneuro.Ces voitures ne réclament quasiment pas d’entretien : trèspeud’usure,pasdevidange,etc. Iln’ya rienàfaire.A Lyon, les possesseurs de voiture électriquesont aidés. Par exemple, ils ont un stationnementréservé et gratuit dans les parkings publics, avec une prisepourrechargerlesbatteries.Audébut, lesgensdemonentouragemetrouvaientuncôté«doux-dingue».Ilssedemandaient«maisquiestce fou?Queva-t-ilencorenoussortir?».Puis,ils se sont rendus compte que je suis précurseur.Quandjemesuiséquipéd’unevoitureélectrique,monentourage s’est dit qu’on allait tous y avoir droit dans quelquesannées.

Jean-Marc circule dans une voiture électrique depuis quatre ans, pour ses déplacements domicile-travail. Il a acheté une voiture hybride pour ses plus longs trajets.Ilfait30000à35000kilomètresparan.

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26 - « Héros ordinaires »

Les autres actions J’ai fait le premier rallye Monte-Carlo des voituresà énergie alternative. J’ai fait un record d’altitudeen voiture électrique. J’ai aussi organisé le premierrassemblementenEuropedevéhiculeshybrides.Ilyaeu62PriusàLyon.Nousavonscrééunebulledesilence,autourdesvoitures.

Les valeurs Peut-être que je suis venu à la voiture électrique àcausedecetteexpériencefamilialedes«montagnesrusses».Sinon,c’auraitétéparlebiaisdemaculturetechniqueetscientifique.J’aieulachanced’avoirdesparents qui m’ont laissé envahir le salon avec mes expériencesetmonlaboratoiredechimie.J’aimelesexpériences.Jemesuistoujourssenti«décalé».Jeluttedepuis1979contrel’utilisationdupétrole,quirend la France dépendante, et pour sa substitutionpar l’électricité.L’électricitéest l’énergiequisauvelaFrance d’aujourd’hui. C’est, au monde, le territoireidéald’expérimentationdelavoitureélectrique.Cettevoitureaunevaleurd’exemple,jeveuxmontrerqu’on peut utiliser une voiture électrique au quotidien,

que ce n’est pas un souci, qu’on pollue moins et qu’on fait un geste pour l’environnement. Cela permet derentrerendiscussionaveclesgensquisontcurieux.

Face au changement climatique Nous ne sommes pas dans une crise du pétrole, mais une crise climatique. L’atmosphère n’a pas lacapacité d’absorber la consommation des réserves de pétrole.C’estunepure foliederemettreen200ansdansl’atmosphèreleCO2 que la terre a mis 2 milliards d’annéesàstocker.Laterreseremettradenosbêtisesmaispasnous.Onabesoindeformerlesgenssurlesproblématiquesd’énergie, c’est crucial. Il faut que nos concitoyensaient une base pour comprendre ces enjeux. Il fautexpliquer,ilfautdonnerdel’espoirauxgens.Si l’incitatif ne fonctionne pas, il faudra être dans lecontraignant.Ilfaudraunsignalfort,commel’interdic-tion de l’usage en ville des véhicules qui ne peuvent paspasseraumoteurélectrique.Enmatièredesanté,depuretédel’air,lesgainsseraienténormes.Je suis grand-père, donc, je pense à mes petits-enfants.LejouroùRangeRoversortun4X4électrique,jereplongedansle4X4(rires).

« Si tout le monde s’équipait avec une voiture hybride, on n’aurait

pas besoin de zones 30 en ville. Naturellement, on roulerait avec le moteur électrique, c’est-à-dire à

30/40 km/h ».

« L’écologie n’est pas qu’une question d’économie, mais de comportement social, de respect des autres ».

Roger, enseignant à la retraite, vitàCaluire.

Renée, enseignante à la retraite,vitàCaluire.

Renée et Roger, couple de retraités qui habite Caluire, dans une zone mal desservie en TCL, a investi dans une voiture hybride.

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L’action Roger : Nous avons pris la décision d’acheter une voiturehybridegrâceànotrepetit-fils.Aujourd’hui,ila23ans,àcetteépoque,12.Nousfaisionsbeaucoupdevéloensemble.J’étaisdéjàpersuadéquenosvoituresn’étaientpasadaptées.Onn’apasbesoindepédaleren vélo quand on est en descente et même sur du plat. Alors qu’en voiture le moteur tourne toujours.C’est idiot. Nousnoussommesalorsdit,avecmonpetit-fils:«Sionpouvaitutiliserl’énergiecinétiqueceserait formidable! Il faudraitunevoiturequiaitdeuxmoteurs».Dixansplustard,ilm’adit:«Tonsystèmemarche!LesJaponaisl’oninventée.C’estgénial.IlfautacheterunePrius».

Les freins Roger : Quand je me dirige vers un feu rouge, jedécélère, le moteur s’arrête et j’arrive doucement au feu.Lesautresautomobilistessontfurieux,ycomprisles policiers ! La voiture hybride n’est pas faite pour la montagne, avec ses 200 kg de batteries dans le coffre, onvamontertrèsviteà18/20litresaux100.

Renée : Avec cette voiture, on roule encore plusdoucementqued’habitude.Avec le tableaudebord,on suit la consommation en direct. Donc on lève lepied.Pourquecesvoituressedéveloppent,ilfaudraituneéducationversuneconduiteplustranquille.Onatoujoursunénervéderrièrequiklaxonne,quidouble.Ilne se dit pas que c’est en raison du modèle du véhicule que l’on roule doucement, mais à cause du pépé qui estauvolant...

Les bénéfices personnels et collectifs Roger : Auniveaudelaconduiteetdel’entretien,c’estmiraculeux.C’estlapremièrevoiturequenousdevonsentreteniraussipeu.Onéconomiseénormément,onnepolluepasquandon est à l’arrêt, comme aux feux par exemple. Dèsque l’on n’est pas obligé d’utiliser le moteur thermique, lapollutionestdezéro.Enrevanche, jenesaispascombienj’économiseentermesd’émissiondeCO2.Sitoutlemondes’équipaitavecunevoiturehybride,onn’auraitpasbesoindezones30.Naturellement,onrouleraitseulementaveclemoteurélectrique,c’est-à-direà30ou40km/henville.Cette voiture suscite parfois l’admiration. Quand ondémarreaufeu,elleestsilencieuse.Pourlereste,ellepasse assez inaperçue, ce n’est pas une voiture de cirque,ellenecherchepasàattirerl’attention.

Les autres actions Roger : Jesuisaussitrèssoucieuxdurecyclage.Dansn’importe quel village, il y a des silos pour le carton, le verre,etc.Ici,enville,ilfautmettredanslapoubelledutridesplastiques,dupapier,etc.Cen’estpasvraimentdutri...QuandnoussommesallésenEspagne,nousavons emporté nos bouteilles en plastique jusque dans lesPyrénéespourlesmettredansdessilosdédiés.

Les valeurs Roger :Audépart,jemesuisditqu’acheterunetellevoitureallaitmecoûterplusd’argent.Quandl’essencea commencé à augmenter, je me suis rendu compte que j’allais m’y retrouver financièrement. Mais cen’est pas ma préoccupation majeure. Même si elleétait beaucoup plus chère, je voulais une voiture écologique.Cette voiture a changé ma vie : car être bloqué dans un bouchon ou à un feu avec une voiture qui est faite pour avancer, jenesupportaisplus.Aujourd’hui,quand jesuisbloqué,jesupportemieux:jen’avancepasmaisaumoinsjenepolluepas.Mon père adorait les voitures, il était chauffeur demétier, adorait conduire, il m’a inculqué le goût de la voitureculte, lesDelage,etc.Mais,aujourd’hui,pourmoi, la voiture est à notre service, au service de la société,Ilnefautpasqu’elleabîmel’environnement.

Renée : J’airencontréparhasardunedamequivenaitdes’acheteraussiunevoiturehybride.Ellenousaditqu’elleétaitheureusedenousrencontrer.Lesgensquis’équipent avec ce genre de voiture font partie d’une sortedefamille,etc’estunefamillequimeplaît.

Face au changement climatique Renée :Nousavonsseptpetits-enfantsquisontcurieuxdesavoirpourquoinousavonsunevoitureélectrique.Nousessayonsdefairequelquechosepoureux,pournepasleurlaisseruneplanèteentropsaleétat.L’écologie n’est pas qu’une question d’économie, mais decomportementsocial,derespectdesautres.

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L’action Pournous, lavoiture représentaitunecontrainte,entermesdecoût,destationnement.Etpuiscelapouvaitêtreunsujetdetensiondanslafamille.Notrevoiturenousalâchésen2002.Nousnenoussommesjamaisposéslaquestiond’enracheterune.Nous nous sommes inscrits dans l’association « La voiture autrement». On était un peu «entre-nous»,c’était une association demilitants, d’initiés. Il fallaitpartagerlesmêmesvaleurs.Surlesquestionspratico-pratiques, ce n’était pas complètement au point.Depuis,Autolib’estdevenuunoutilvisible,pratique.NousallonsàStrasbourgrégulièrement,entrain,oùnous utilisons les services identiques. Et égalementà Nice, Marseille ou Paris, par le réseau Franceauto-partage. Nous sommes partis en vacances enNormandie. Nous avons pris le train jusqu’à Paris,puisuneautopartagéepourrejoindrelescôtes.Nous ne nous servons pas d’Autolib’ à Lyon pouralleraubureau.J’utilise lesVélo’vet lemétro ;monmari, le métro. Par contre, j’y ai recours pour mesdéplacements professionnels, pour aller à Ecully, à Saint-Etienne.Enplus,nousessayonsdecovoiturer.Quand on covoiture avec une voiture partagée, onmarquedespointspourl’environnement!(rires)

Les freins UtiliserAutolib’demandeunecertaineorganisation.Achaquefois,noussommesobligésdefixerànouveaules sièges auto pour nos deux enfants. Il est aussidifficiledechangerl’heurederéservation.Jemerendscomptequ’ilyasouventuneconfusiondans l’esprit des gens entre covoiturage et auto-partage.

Les bénéfices personnels Ilyadeuxans,mesparentsnousontprêtéunevoiturecarnousdevionsnousrendretouslesjoursàl’hôpital.On a retrouvé la galère de la voiture, à nouveaul’angoisse de chercher une place pour se garer, la hainedesautres.

Avec ce système, on voit vraiment ce que l’autoreprésenteentermededépensepuisqueleprixdelalocation inclut lecarburant, lestationnement, l’entre-tien, l’assurance, lecontrôletechnique,etc.Nousnenousprivonspasd’utiliserceservice.Nousenavonspourenviron1000eurosparan.Sinousavionsunevoiture, nous dépenserions au moins 3 000 euros par an.Onenestloin.Et puis, surtout, on n’a pas de soucis, pas d’angoisse poursegarer,pasdepeurqu’onnouslavole.Autrechose : le fait de ne pas avoir de voiture à soi évite d’y entassersonbazar.Nosvoituressontdonc toujourspropresetrangées.C’est plus de tranquillité dans notre vie.Cela ne sechiffrepas.

Les bénéfices collectifs Partager une auto, c’est libérer de la place en ville,supprimer l’équivalent de tout un parc de véhicules à l’arrêtquioccupedel’espaceinutilement.

Les valeurs Ce qui me motive, ce sont des considérations environnementales, ex-æquo avec l’aspect pratiquedusystème.J’aiétéélevéedansunemaisonverteetouverte.J’aiététrèstôtsensibiliséeàl’écologie:nousavions cinq poubelles différentes à la maison, j’allais àl’écoleenvélo.Maisaujourd’hui,ilfautparfoisavoirunevoiture.JenevaispasalleràChambéryenvélo.Etentrain,c’estcompliqué.Je suis heureuse de faire partie de ces gens quipeuvent s’organiser autrement, beaucoup ne le peuvent pas, ils sont obligés d’avoir une voiture et de s’en servir, comme ceux qui travaillent loin. Lesentreprisess’éloignentdescentres.Évidemment, lesprixdeslocauxsontplusattractifsàBrignais,maisallery bosser, c’est l’enfer et, en terme de bilan carbone, pasterrible.Les loyersysontmoinschers,maisquitrinqueaufinal?Jenemesenspasinvestied’unemissionécologique.Pour moi, l’auto-partage, c’est seulement un pas

►TRANSPORT • Partager sa voiture : covoiturage & auto-partage

Céline, son mari, leurs deux enfants, ne possèdent plus d’automobile depuis sept ans. Ils ont recours aux systèmes d’auto-partage à Lyon, mais aussi, quand ils partent en vacances, à Nice, Strasbourg et Paris.

« Je ne rate pas l’occasion de montrer qu’il est possible de ne pas avoir de voiture quand on a deux enfants. Et nous continuerons, même si nous en avons un troisième ».Céline,36ans,chefdeprojetdansune agence de communication, vit à Lyon 2e, travaille dans le 1er.

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pour l’environnement. Je fais la promotion active dece système auprès des personnes que je connais, à Paris,àNice.Jeneratepasl’occasiond’enparler,demontrer qu’il est possible de ne pas avoir de voiture quand on a deux enfants. Et nous continuerons,mêmesinousenavonsun troisième.Lerespectdel’environnement fait partie de l’éducation, du respect delavie,unrespectlogiquedelanature.Jenesuispourtant pas une amoureuse de la nature, j’habite en ville.

Face au changement climatique Jemesensconcernée.Onestconfrontérégulièrementaux sautes d’humeurs du climat, aux catastrophesquiarriventicietlà.Sansdirequedemainestlejourd’après,jetrouvequec’esttrèsangoissant.Ilfautqu’ungroseffortsoitaccordéàl’éducation.Les

enfants sont sensibles à ces questions, ils comprennent parfaitementetsaventcequ’ilfautfaire.Cesonteuxquivontprendrelerelais.Quelleplanèteva-t-onleurlaisser?Onestcertainemententraindemangernotrepain blanc. Nos enfants auront moins le choix quenous.Poureux,celavaêtreplusdur,ilsn’aurontplusgrand-choseàpartager.Il y a tellement de gens qui ne sont pas au courant, qui n’ont pas conscience des conséquences du changement climatique. Je pense que les pouvoirpublics et les individus ont les uns et les autres le devoird’agir,d’êtreresponsables.Ilfautyaller,ilfautycroire,trouverlesarmes.Malgrétout,jesuisassezoptimistesurcequechacunpeut faire à son échelle, mais il faut que cela se transformeenactioncollective.C’estleprincipedelagoutted’eauqui,parmilliers,faitunocéan.

Florence et Pierre sont voisins de domicile et de bureau. Ils covoiturent chaque matin depuis un an et, dans la foulée, ont découvert l’intérêt des transports en commun pour se rendre à Lyon.

« Le covoiturage m’a conduit à envisager les déplacements autrement. J’ai découvert que c’est sympa de prendre le bus : on voit mieux le paysage, on se laisse conduire, on découvre la ville autrement ».Florence,43ans,fonctionnaire,vitàMontanay,travailleàCaluire.

« Avec le covoiturage, on apprend à abandonner plus facilement cette

sacro-sainte voiture ».Pierre,57ans,fonctionnaire,

vitàMontanay,travailleàCaluire.

L’action Florence : Nous avions chacun notre voiture. DeMontanay, iln’estpasvraimentpossibledevenirentransports en commun : avec les bus, il faut deuxchangements.Celaprenduneheure.Envoiture,20à25minutes.Noushabitonsà500mètresl’undel’autre.Nous travaillons à un étage d’écart, mais par une autreentrée.Pendantdesannées,onnes’apercevaitpassurnotrelieudetravail.Onsecroisaitparfoisauvillage,c’esttout.Un jour, alors que nous nous trouvions sur le parking, nousavonsévoquél’idéedecovoiturer.AvecPierre,nous avons à peu près les mêmes horaires, le même lieudetravail.Nousavonscommencéàcovoiturerenseptembre2008.Chacunconduit unesemainesurdeux.Nousavonstrouvé que c’était plus simple que de rembourser à l’un oul’autrelesfrais.

Sinousavonsunimpératif,unchangementd’horaire,si l’un d’entre nous doit partir plus tard, ou plus tôt, il prévient l’autre, et on s’organise.Nous avonsmisenplaceunebonnesouplessedefonctionnement.Ons’entend bien. Sur l’année, nous effectuons environ80%destrajetsensemble.

Les freins Florence:Avant,jefaisaismescoursesentremidietdeux,avecmavoiture.Maintenantjem’organiseavecune collègue qui m’emmène, ou je fais mes courses le soir.Cesont vraimentdesaménagementsminimes.Nous n’avons malheureusement pas fait d’émules.Onenparlerégulièrementautourdenous.Plusieurspersonnes se disent intéressées, mais ne font pas le pas. Les gens sont persuadés que c’est trop decontraintes. Je leur dis d’essayer, sur une courtepériode,maisnon.

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Je pense qu’ils ont peur de perdre en liberté demouvement. Une fois qu’on a essayé, on se rendcompte que ce n’est pas si difficile que cela. Ils nevoient pas que ce système est très souple : quand il y aunempêchement,onseparle.Et,vuqu’onsevoittouslesjours,cen’estpasdifficile!

Les bénéfices personnels et collectifs Pierre : Le grand avantage est que, maintenant, je finisàl’heure!Avant,mesjournéespouvaienttraîner.Désormais,sijeneparspasàl’heure,jen’aipasdevoiturepourrentrer.Onnememetpasuneréunionàladernièreminute.Celaposedeslimites.Ducoup,jefaismapausedéjeuneraubureau,avecmagamelle.

Florence : Je ne ressens pas de contrainte, en fait,c’estassezsimple.Jen’aipascomptél’économiequele covoiturage représente. Le bénéfice est financier,maisaussietsurtoutrelationnel.Onseconnaîtmieux.Onfaitunedemi-heureenvoitureensemblematinetsoir,alorsforcément,onpapote.Nous avons conduit une autre collègue peu de temps, seulement trois jours, mais quand on se croise dans lescouloirs,nousavonsd’autresrelations.

Les autres actions Pierre :Quand je suisen formationàLyon, jeposedésormaismavoitureàSathonayetjeprendsletrainoulebus.Aveclecovoiturage,onapprendàabandonnerplusfacilementcettesacro-saintevoiture.

Florence : Maintenant, je prends plus volontiers lestransports en commun. Je suis en formation depuis3 ans à Vaise, c’est la première année que j’utilise le bus.J’étaisidiotedenepasyavoirpenséavant.Unefoisdanssavoiture,leréflexeestd’yrester,sanstropseposerdequestions.Lecovoituragefaitenvisagerles déplacements autrement : on découvre que circuler enbusnedemandepastellementplusdetemps.Maintenantquand jeveux fairedescoursesenville,jeneprendsplusmavoiture.Pourallerfairedulèche-vitrines, ce n’est pas bien grave de passer un peu de tempsdans lesbus.Etc’estvraimentstupidedeprendre sa voiture pour payer un parking ! J’aidécouvertquec’étaitsympadeprendre lebus :on voitmieux lepaysage,onse laisseconduire, ondécouvre la ville autrement, telle petite maison, tel jardin qu’on n’avait jamais remarqués avant.On n’apas le devoir de regarder la route en permanence.C’estunemanièredifférentedeprofiterdelaville.

Pierre :Quand j’ai fait refaire le toit demamaison,j’en ai profité pour faire poser un panneau solairethermique.Nousavons installécespanneauxautantpour des raisons économiques qu’écologiques. Vuleprixdugaz, cela vaut le coupd’investir danscessystèmes.J’aifabriquéuncomposteur.Nousn’avonsbesoin de sortir nos poubelles que tous les 15 jours, le compost réduit considérablement le volume des déchets.

Enfin,jemebatsactuellementcontreuneaberration:j’ai appris que les extincteurs qui n’ont pas servisont vidésdans lanature, soit 5 kgdeCO2 pur par extincteur.

Les valeurs Pierre:J’aicherchéàpartagerlestrajetsparcequejetrouvais cela aberrant de nous voir, chacun seul dans sa voiture, coincé dans les bouchons, tous dans la mêmedirectionetfinalementàsebattrepourlamêmeplacedeparking.Lamotivationfinancièren’étaitpaslapremière.C’estsurtoutdevoirlenombredevoituressurlaroutequim’afaitbouger.Jenesuispasécologiste,maissensibleauxquestionsd’environnement.Jen’aimepaslegaspillage.Sinoussommes obligés de prendre notre voiture pour venir travailler, et bien faisons-le le plus intelligemmentpossible.Essayonsdeparticiperlemoinspossibleaugaspillage.

Florence:Oui,c’estvraimentidiotetinutiled’êtreainsichacundanssavoiture.Moi,cequim’intéresse,c’estlerelationnel.Onn’estpasobligédeconduiretoutletemps,maisseulementunesemainesurdeux,c’estagréableetconfortable.

Face au changement climatique Florence:Jesuissensibiliséeauniveaupersonnel:trierlesdéchets,nepasconsommertropd’eau.Celanecoûterien,çaprend10secondes.Onessayed’avoirprésent à l’esprit de faire attention, d’économiser, d’éviter les gaspillages.Ames yeux, c’est importantpour l’éducation des enfants.Aujourd’hui, pour eux,cesgestessontnormaux,ilsonttoujoursvécuavec.

Pierre: Il est vrai que, même si je travaille ici depuis 30 ans, cela fait seulement depuis un an que je covoiture. J’applique à mon niveau une conscienceécologique. Si je peux agir pour faire avancer leschoses,jeleferai.Jepensequesichacunfaitunpetitquelquechose,laplanèteiramieux.Enfin,j’espère…

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L’action Isabelle : Nous covoiturons depuis le printemps 2008, bien avant lamise en place du site de covoiturage.J’utilisaismavoitureseuledepuis2005.

Rémy : J’aiutilisé lamiennedepuis1991.En2008,j’ai eu un problème de santé qui m’a empêché de conduire.Nousnesommespasvraimentvoisins.Lematin, Isabelle fait un petit détour de cinq minutes.C’estellequiconduitcarellepartdeplusloin.

Isabelle :QuandRémyapuconduireànouveau,nousavons continué le covoiturage. Cela nous paraissaitnaturel.

Les freins Rémy : Nous avions déjà, auparavant, parlé de la possibilité de covoiturer mais nous n’avions jamais passé le cap. On avait l’impression que ce seraitune contrainte. Certes, il faut faire un effort, casserquelqueshabitudes.Jemesuisadaptéauxcontraintesd’Isabelle,carelleadesenfantsjeunes.Maissesontdepetitescontraintes,toutàfaitvivables.Cequenousfaisonsest-ilsiextraordinaire?

Isabelle : C’est un pas à franchir. On croit avoir unsentiment de liberté parce qu’on a sa voiture, qu’on peutpartirquandonveut.

Les bénéfices personnels et collectifs Rémy : Le covoiturage, c’est moins de voitures, moins de pollution, moins de bouchons. Et puis jedéteste conduire, alors ça m’arrange ! Mes enfantstrouventtrèsbienquejecovoiture.Pourdesraisonsd’environnement,ilsn’utilisentquelesTCL.

Isabelle :Notre expériencea suscité des réflexions,des discussions dans notre entreprise. On parle

beaucoup de covoiturage maintenant. Désormais,deuxcollèguescovoiturentunefoisparsemaine,deuxautresaussi,quiviennentdeVaulx-en-Velin.

Rémy : Ce n’est pas l’aspect pécuniaire qui me motive : je suis toujours étonné par les sommes dérisoires que jedonneàIsabellechaquemoispourlecovoiturage.C’est même moins cher que le bus. Quand noussommes coincés dans les embouteillages, on papote, cela faitpasser le temps.J’arriveunpeuplus tôtautravail.

Isabelle : Ce qui me plaît, c’est le fait de n’être pas seuledansunevoiture.Celapermetdediscuter.

Les autres actions Isabelle : Quand je fais mon marché, je fais appelauxproducteurslocaux.Et,enhiver,jemefournisenpaniers.Jepréfèreaider lesgensducoinàsurvivreplutôtquelagrandedistribution.Jeprivilégielelocalaubio.Sic’estbio,tantmieux.

Rémy : Je fais aussi mon marché pour privilégierle local. Je pense surtout qu’il est grotesque deconsommerdesharicotsvertsduKenya,où ilssontcultivés dans des conditions précaires par des gens qui ont des salaires de misère, puis transportés par avion jusquecheznous.Celadevraitêtreunproduitdeluxe,dontonnepaiepasleprixréel.Noussavonsce que c’est : dans nos métiers, nous subissons les délocalisations.Je veux peu à peumettre en accordmes pratiquesavecmesconvictions.J’aileprojetd’isolermamaisondès que j’aurais un peu d’argent, et puis de faire installerdescapteurssolaires.Maisc’estcompliqué:isolationparl’intérieur?Parl’extérieur?Etpuis,avecmon épouse, nous souhaitons revenir en ville, alors à quoibonfairedestravaux?

Isabelle et Rémy covoiturent depuis le printemps 2008. Ils revendiquent l’un et l’autre une certaine sensibilité écologique, qui se singularise dans leur environnement professionnel : l’industrie chimique. Ils ne font pas de différence entre un acte écologique et un acte citoyen. Rémy est allergique au marketing vert.

« Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux poids, deux mesures, entre chez nous, où l’on casse l’outil industriel, et les pays émergents qui peuvent polluer comme ils le veulent ».

IsabelleD.,37ans,ingénieured’études,vitàFrancheville,travailledanslaValléedelachimie.

« Une chose est sûre : je ne suis pas prêt à sacrifier mon train de vie pour

des trucs environnementaux, même si je pense à mes enfants ».

Rémy, 54 ans, ingénieur d’études, vitàFrancheville,

travailledanslaValléedelachimie.

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Les valeurs Rémy : Notre démarche de covoiturage correspondait aussiànotreétatd’esprit.Noscollèguesconsidèrentparfois l’écologie comme un truc médiatique, exagéré.

Isabelle : Pourmoi,covoiturerestunactecitoyen,plusqu’écologique:onestdeuxàfairelemêmetrajet,sion prend la même voiture, cela permettra de réduire le trafic,celafaitunevoitureenmoins.

Rémy :Jenefaispasnonplusladifférenceentreunactecitoyenetunacteécologique.C’estuntoutpetitgeste,nousnesommespasdesécologistesforcenés.Nous n’avons pas la maîtrise de grand-chose. Ilfaut agir sur les domaines où nous avons un certain contrôle,commesurl’alimentationdebase.

Face au changement climatique Isabelle : Nousavons consciencede ces enjeux enFrance, surtoutdans le secteurde la chimie, où lescontraintes environnementales sont monumentales.Le réchauffement climatique concerne tout le monde, toutelaplanète.Jenevoispaspourquoiilyauraitdeuxpoids,deuxmesures,entrecheznousoùilexistedesréglementations et les pays émergents qui peuvent polluerautantqu’ilsleveulent.Pendantcetemps,enFrance, on casse l’outil industriel, on délocalise, onperddesemplois.Bientôtonnesaurapluscequ’estuneusine.Pourêtreécolo, il fautavoir lesmoyens,onnepeutpasdemanderauxgensquiseserrentlaceinturetoutel’annéed’êtreécolo.

Rémy : Ce qui m’agace terriblement, c’est l’écologie marketing, le « développement durable » qui sert d’image. Pourmoi, le bio, c’est dumarketing.Dansl’industrie chimique, nous sommes considérés comme d’épouvantables pollueurs, alors que la chimie ne consommeque8%dupétrole.Lavraiequestion,c’estla voiture et son utilisation, pas qu’elle soit fabriquée ounonavecdesplastiques“bioressourcés”.Sur les bons gestes à avoir, nous ne sommes pascomplètement bien informés. On pourrait avoir l’in-formationmaisilfautallerlachercher.

Isabelle :Jecroisqu’onaplutôttropd’information,etqu’ilfautladécrypter.

Rémy :Unechoseestsûre:jenesuispasprêtàsacrifiermon train de vie pour des trucs environnementaux,même si je pense à mes enfants : dans quelle sorte de mondevont-ilsvivredanscinquanteans?

Isabelle :Onn’estpasdeshéros.

Rémy : Onfaitcequ’onpeutàsonéchelle,mêmesicelaparaîtdérisoire.

Isabelle : Oui, mais si on ne faisait rien, ce seraitpire…

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« Héros ordinaires » - 33

L’actionAvant,jemerendaisàmontravailenvoiture.Depuislequartierdes«Gratte-ciel»oùj’habite,jusqu’ausitede Renault Trucks ; les transports en commun ne sont paspratiques.Ilestloinducentreville,lesgensnesavent pas comment venir à vélo, alors ils s’y rendent “naturellement”envoiture.J’aicovoituréuntempsavecmoncopain,quitravaillaitàBron.Puisilachangédeboulot.Jemesuisachetéun vélo en janvier et je me suis lancée en février 2008. La première fois, je suis venue un dimanche

au travail, pour repérer le parcours. J’essaiedem’ytenir au quotidien, sauf les jours où il pleut vraiment trop.Maintenant,saufsinousavonsdeschosestrèslourdes à porter, je prends aussi le vélo pour aller faire descoursesencentre-ville.Nousnenousservonsdenotre voiture que pour des raisons très particulières : quand il faut transporter des choses lourdes ou aller à l’aéroport.

Les freins Ce qui m’intimidait, c’était le regard de mes collègues

►TRANSPORT • Fondus de la petite reine : le vélo au quotidien, et en vacances

Mélanie circule presque tous les jours à vélo depuis un an et demi pour aller travailler chez Renault Trucks, à Saint-Priest. Elle a créé une AMPA dans le quartier du Tonkin à Villeurbanne, et a installé un compost à vers sur son balcon. Elle est partie en vacances à vélo avec son ami l'été dernier au bord du Danube. Renault Trucks a participé pour la première année au challenge vélo inter-entreprise. Les cyclistes réguliers ou d’occasion, dispersés sur l’immense site de5000salariés,sesontdécouvertsetrencontrés.

« Je suis un peu triste d'entendre les gens prendre pour excuse le fait d'avoir des enfants pour ne pas faire d'efforts, alors que cela devrait être l'inverse : c'est bien parce qu'on a des enfants qu'on devrait faire des efforts ! ».

Mélanie,25ans,ingénieurchezRenaultTrucks,vit à Villeurbanne,travailleàSaint-Priest.

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quand j’allais arriver en tenue de cycliste au travail.J’avaisunpeupeurd’êtreridicule.Etpuisnon.Ilyapasmaldecadrescheznousquifontdusport.Je pense que beaucoup de gens qui souhaitentvenir travailler à vélo ne le font pas, ne passent pas à l’acte car ils ne connaissent pas le chemin. J’aimontré le parcours à des collègues lors du challenge interentreprises.Toutlemondeneferapaslepas,maiscela permet aux gens d’essayer. Les gens pensentquelevéloestdangereuxenville.Pourbeaucoup,levéloestassociéauxloisirs.Ilsnelevoientpascommeunmoyendetransport.Ilsdisentquequandonadesenfantscen’estpaspossibledecirculeràvélo.Peut-êtrequemoiaussi,quandj’auraidesenfants,jedevraireprendrelavoiture.Ce n’est pas facile de s’améliorer dans tous les domaines. Il est difficile de se brimer soi-même. Jepenseenparticulierauxvoyages,etaufaitdeneplusprendrel’avionparexemple.NoussommespartiscetétéavecmoncopainfaireduvéloaubordduDanube.Nous y sommes allés en train. C’était une galère !L’avionauraitétébeaucouppluspratique.Il nous est facile de consommer “durable” car nous n’avonspasdeproblèmesfinanciers.Pourlesclassessocialeslesplusmodestes,cedoitêtreplusdifficile.Quand on a une démarche respectueuse del’environnement,onestvitecatalogué.Mescollèguesde travail pensent que je suis forcément à fond dans le bio,l’écolo.«Écolo»,çafaitintransigeant,pastolérant,extrémiste.C’estdommagequelesgensquifontdesefforts pour la planète soient marginalisés, considérés commeunpeufous,entoutcas«spéciaux»,commedesovnis.

Les bénéfices personnels et collectifs Jeviensdelacampagne,oùlavoitureestindispensablepoursedéplacer.Mais,aumoins,çaroule.Enville,çaneroulepas.Quandj’aicessédecovoitureravecmoncopain,jen’aipasvouluprendrelavoituretouteseule.C’étaitpourdesraisonsdefatigue,pasdecoût.Jen’aipaspluspeur en vélo qu’en voiture, même si bien sûr, je me faisparfoisquelquesfrayeurs.Onévitelesbouchons.Pourcirculerenville,c’estlasolutionidéale.Quandjeviensautravailàvélo,jepasseparleparcde Parilly, c’est reposant. Je suis beaucoup moinsstressée qu’en voiture, où chacun est dans son habitaclefermé.Avélo,onvoit levisagedesautres.Il est plus difficile de s’énerver, d’insulter les autresquandonlesvoit.C’estaussiagréabledeprendrel’air,defairedusport.Levélomepermetdememaintenirenforme.Le vélo me permet de savoir que je vais mettre 30-35 minutes pour venir. En voiture, c’est de15minutesà…1heure.Globalement,jepensequejegagnedutemps.Unjour,boulevardPinel,unmotardm’alancé:«Eh!Vousallezplusvitequenous!».Etpuis,j’ailesentimentquemajournéeestfiniequandjequittelevestiairedel’entreprise.Alorsque,quandj’étais en voiture, elle s’arrêtait une fois arrivée chez moi.Régulièrement, au travail, on me demande : « alors tu

viens toujours à vélo ? » Il ne s’attendent pas à ce que quelqu’uncirculeàvéloauquotidien.Ilssontpresqueadmiratifsettrouventçacourageuxdemapart.Moi,ce sont les gens qui prennent leur voiture tous les jours quejetrouvecourageux.

Les autres actions J’ai fait partie de la quinzaine de salariés qui ontparticipé à l’organisation de la journée vélo, le challenge inter-entreprise, en juin dernier. C’était lapremière foisqueRVIyparticipait.C’était l’occasionpour que les gens qui font du vélo, régulièrement ou non,rencontrentleurscollègues.C’étaitconvivial.Lajournéevéloaréuni300participants.C’estbeaucoupsurunejournéemaisfinalementpeuparrapportaux5000salariésdusite.En septembre 2008, j’ai installé un compost à vers surmonbalcon.En fait, c’est assez ludique.Onnepeut pas dire que les vers soient des animaux decompagniemaisc’estrigolo.Etçamarchebien.Nousl’avonsfaitdansuneoptiquederéductiondesdéchets.Nous nous sommes inscrits sur un site d’échange de vers de terre mais nous avons fait peu de convertis : il faut un balcon et je pense que beaucoup de gens sont répugnésparcesvers.En avril 2008, dans la même logique, j’ai participé à la création d’uneAMAPauTonkin.Nous voulionsconsommer des produits qui n’ont pas fait des milliers dekilomètres.L’agriculteurquinousfournitn’estpas«bio».Entantquefilledecéréaliers, jenesuispasunepuristedubio.

Les valeurs Pourmoilevéloestbonpourl’environnement,etbonpourmasanté.Jen’aimepaslavoitureenville.C’estmauvais pour l’environnement, et c’est une perte de temps : le temps pour se garer, le temps passé dans lesbouchons.Jesuisunpeutristed’entendrelesgensprendrepourexcuse le fait d’avoir des enfants pour ne pas faired’efforts, alors que cela devrait être l’inverse : c’est bien parce qu’on a des enfants qu’on devrait faire des efforts !

Face au changement climatique Le réchauffement climatique me concerne directement : dans30ansonn’auraplusdepétrole. J’auraialorsseulement 55 ans.Cet enjeuest demagénération.Cela ne concerne pas seulement nos enfants mais moi-mêmeaussi.Jepensequeleschosesnepourrontpasévoluersilesesprits ne changent pas et les esprits ne changeront que parce qu’on y sera contraints par les pouvoir publics.Ilfautquelescitoyensprennentdesinitiativesmais aussi que l’État ait le courage de décider demesurescontraignantes,comme lepéageurbain.Sionnemetpasdelimiteauxdéplacementsenvoitureou en avion, il n’y pas de raison pour que les gens ne continuentpasàsedéplacerdeplusenplus.

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L’actionEtienne : Jefaisaistrèsrégulièrementduvélodepuis15 ans, lors de mes études, ou de mes emplois, à Grenoble,Paris,ouMulhouse.J’habite à Saint-Rambert d’Albon, entre Vienne etValence. Mon épouse travaille au sud de Valence.Nous habitons entre nos deux lieux de travail. J’aieu l’idée de venir en voiture, mais cela n’a pas duré longtemps.J’ai trouvé lemoyende combiner le trainetlevélo.Jefais1,5kilomètreenvélopourrejoindrelagaredeSaint-Rambert,puis6,5kmdepuisSaint-Fons.

Nicolas :Noushabitonsdansunemaison,àCrémieu.Monépousetravailledanscetterégion.Nousysom-mesdepuis2002.J’ai«tenu»presqueunanàfairelestrajetsenvoiture.J’aicommencéàfaireduvéloenmars2003,jen’étaispashabituéetcraignaissurtoutderouler lanuit.Ças’estbienpassé:c’étaitl’étédelacanicule.Ilfaisaitbeau.J’airouléjusqu’enoctobre.Là,j’aicommencéàm’équiperdebonséclairagespourlanuit.Jefais18kilomètresàvéloentreCrémieuxetlagaredelaVerpillère,surdespetitesroutesdecampagne.Jenelefaispastouslesjours,parfoisjecovoiture.Endessousde-5°C,j’aivraimenttropfroidàvélo.

Les freins Etienne :Audébut,ilyaquatreans,letrainétaitdirectdepuis Saint-Rambert jusqu’à ma gare d’arrivée, àSaint-Fons.Etilyavaitdelaplace.Aujourd’hui,aveclecadencement,jedoisprendredeuxtrains,etchanger

àVienne.Soitquatretrainsparjour.Quandilyadesretards, les ennuis ne s’ajoutent pas, ils passent à la puissancecarrée.Parailleurs,ilyademoinsenmoinsdeplacedanslestrains.Lesgenss’installentsouslescrochetsprévuspour lesvélos.Jecrainsqu’àtermelesvélossoientinterditsdanslestrains.La pratique du vélo demande une certaine maîtrise et beaucoupdeconcentration.Jesuisdéjàtombémaisjenemesuisjamaisfaitrenverser.QuandjevoisdesgensavecunMP3danslesoreilles,jetrouvequ’ilyaunproblème.Les gens reprochent au vélo le fait de devoir s’organiser un peu, ils pensent qu’ils sont plus libres d’aller où ils veulentenvoiture.

Les bénéfices personnels Etienne : Jemets1h20pour venir travailler en trainetenvélo,contre45minutesenvoiture.Maisdansletrain,c’estdutempsgagné.Soitjedors,lematin,soitje travaille, lesoir.Celamepermetdepartirunpeuplustôtdutravail,carjevalorisemontempsdetrajet.Sur leplanfinancier, ladifférenceestmonstrueuse:le rapport est de 1 à 5, soit 1 000 euros avec le train, contre5000aveclavoiture.

Nicolas :Jemesuismisauvéloparsouciécologiqueetpourfairedusport.40kilomètresparjour,c’estpasmal,çamaintientenforme.Ducoup,leweek-end,jene suis pas obligé de faire du sport, du jogging ou du vélo !Jepeuxmevautrerdevant la télé,à regarderlematch (rires).Celame laisseplus de tempspour

Etienne et Nicolas habitent l’un et l’autre loin de l’agglomération lyonnaise. Chaque jour, ils prennent leur vélo, vont jusqu’à la gare, grimpent dans le train avec leur monture,etfinissentàvélo le trajet jusqu’à leur lieude travail. Ils travaillentdans le même service. Ils s’intéressent aussi à un habitat plus économe.

« Il est difficile d’être cohérent dans toute une démarche : je roule à vélo, je mange bio toute l’année mais, en août dernier, j’ai pris l’avion pour aller en Corée ».

Etienne, 34 ans, ingénieur chez Renault Trucks, vitàSaint-Rambertd’Albon,travailleàSaint-Priest.

« C’est sûr que ma grand-mère, en terme de consommation, devait être économe. Par rapport à elle, on a des progrès à faire ».

Nicolas,37ans,ingénieurchezRenaultTrucks,vitàCrémieux,travailleàSaint-Priest.

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faireautrechose.Etpuisl’autoroutecommenceàbienbouchonner sur mon trajet. En voiture, on s’énervepourpasgrandchose.

Les bénéfices collectifs Etienne :Avant, avec nos déplacements en train etvélo,onnousprenaitpourdesfousautravail.Puis,peuàpeu,lesgenss’ysontintéressés.Maintenant,ilssedisentquec’estpossible,quec’estmêmepratique.Endeuxans,nousavonsconvaincucinqàsixpersonnes,surlasoixantaineduservice.Audébut,nousn’étionsquedeux.Jepensequelesautresysontvenuspastantparcequ’onenparle,maisparlavaleurd’exemplequecelareprésente.

Nicolas : Le premier qui s’est lancé était vu d’un sale œil.

Etienne :Audépart,onnousconsidéraitcommedesbarjots.

Nicolas :Mafemmeaussim’atraitédebarjot.Puiselles’esthabituée.

Etienne :Maintenantmonépousevatravaillerentrainetenvéloaussi.Aucommencement,elleaeudumal,et puis maintenant, quand elle doit prendre la voiture, ellerâle.

Les autres actions Etienne : Jeme chauffe au bois, je fais attention àtoutes mes consommations au niveau de l’habitat.Monbutdansdixansest deconstruireunemaisonbioclimatique.Depuis toutpetit, jenemangequedubio.Onmedit:«tupeux,tuaslefricpourcela».Jepense qu’à force de créer une demande pour le bio, il yauraplusd’offreetquelesprixvontbaisser.

Nicolas : Je suis en train d’isoler ma maison parl’extérieur, c’est une vieille maison. Cela va nousdemanderdesannées.Jevoulaismettredesfenêtrestriple vitrage, uneVMC double flux,mais dès qu’onfait ce genre de démarche auprès des artisans, on se heurteàunmur:ilsneconnaissentpas.Dececôté,nousavonsvingtansderetardenFrance.

Les valeurs Etienne : La voiture, c’est dépassé : ça consomme, ça pollue,çacoûtecher,etc’est risqué.Surtout,quandje prends la voiture, ce qui doit m’arriver en moyenne une fois par mois, je m’ennuie et j’ai l’impression de perdremon temps.Enfin, c’est agréablede faireduvélo,ilyaunedimensiondeplaisir.

Nicolas :Jemetsenviron1h30entrainetvélo,aulieude50minutesenvironenvoiture.Levélomepermetde me changer les idées, de me détendre, c’est un plaisiraussi.Quandjerentreàvélochezmoi, jemevidelatête.Quandilfaitbeau,queletrainn’estpasenretard,c’estgénial.

Face au réchauffement climatique Etienne :Pourmoi,lasolutiondoitvenirdescitoyens.La plus grande source d’énergie se trouve là, et dans toutes les économies que l’on peut réaliser. Ceséconomies peuvent être énormes ! Chez les gens, on voit des frigos pleins de givre, les lampes éclairées toutelajournée...La taxe carbone est une bonne idée, c’est commel’augmentationduprixdutabac.Lacigarettedevienttellementchèrequecelafaitréfléchir.Leproblèmedelataxecarbone,c’estparrapportàceuxquiontvraimentbesoindeleurvoiture,làjen’aipaslaréponse.

Nicolas : Sionvoulait vraimentbien faire, il faudraitqu’on habite en ville, près de notre lieu de travail, dans unappartement.Maisbon.

Etienne : Il est vrai qu’il est difficile d’être cohérentdanstouteunedémarche.Jerouleàvélo, jemangebio toute l’année et, en août dernier, j’ai pris l’avion pourallerenCorée!Jemedisquetantque jesuisen dessous de la moyenne des émissions de gaz à effetdeserre,çava.Sinon,ilfaudraitcesserd’utiliserl’électricité,l’ordinateur,commeilyacinquanteans.Acetteépoque,onpolluaitmoins.

Nicolas :C’estsûrquemagrand-mère,entermedeconsommation, devait être économe. Par rapport àelle,onadesprogrèsàfaire.

Etienne : Ilestdifficilededonnerdesleçonsauxautresmais il faut que chacun d’entre nous puisse faire le maximum,àsonniveau,danssondomaine.

Nicolas : Jepenseaussi que les chosesdoivent sefaireauniveaudescitoyens.Jevoispleindegensquicontinuentàroulerdansdegros4X4.Ilsnechangerontpas leurs habitudes, sauf s’ils sont contraints par l’argent, si l’essence monte à dix euros le litre. Leproblèmedelataxecarbone,c’estqu’ilfautqu’ellesoitbienredistribuée.

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« Il va falloir que chaque citoyen accepte certaines contraintes, par rapport à ce que nous considérons être une situation de confort idéale ».Serge,ingénieurchezrRenaultTrucks,46ans,vitàSaint-Georges-d’Esperanche,travailleàSaint-Priest.

Serge et sa conjointe aiment la randonnée en montagne. Quand leurs enfants sont nés, ils ont opté pour des vacances à vélo, sur les routes de france. Ils consomment des produits locaux. Il effectue ses trajets domicile-travail en vélo ou en covoiturage.

L’action Nousnoussommesmisauvéloen famille. Iln’étaitplus possible de continuer à faire de la randonnée en montagneavecdesenfantsenbasâge.Nous avons fait, en 1990, un voyage en Bretagne avec mafilled’unan.C’étaituneexpérience:auparavant,nousn’étionsjamaispartisàdeuxàvélo.Nous sommes ensuite partis en 2003 de Lyon jusqu’à l’Ile de Ré, avec les deux petits dans la remorque.Nous avons fait trois semaines de voyage, par les petites routes secondaires, en évitant les grandes agglomérations.Enfin, cet été, nous avons fait le tour de laVendéeavec les trois, les deux grands à vélo, ma fille de10ans,monfilsde7ans1/2,etlepetitdernierdanslaremorque.Nousavonsforméunconvoi,pendantdixjours, le long de pistes cyclables sécurisées, en site propresurenviron80%destrajets.

Les freins Il possible de partir à vélo avec des enfants, si on se calesurleursbesoins,sionrespecteleurrythme.Onroule le matin, puis on s’arrête pour jouer, déjeuner, etpourlasieste.Onnefaitpasplusde50kilomètrespar jour, mais on arrive ainsi à faire des voyages très longs.Cenesontpasdesvacanceshyperreposantesauniveaulogistique.Quandoncommenceàpédaler,il faut penser au point de chute, qu’il soit attrayant pour lesenfants.Les gens pensent qu’il faut être superman pour faire cela.Ilfautbiens’entendreavecsonconjoint,aimerlevélo,etprendreletempsd’examinerleparcours.Maiscen’estpassiphysiquequecela.Faire50kilomètresdevéloparjourestàlaportéedetoutlemonde.Ilnefaut simplementpasêtre tropchargé.Nousn’avonsjamais souffert des intempéries. Il suffit d’avoir unbonponcho.S’ilpleut,ons’arrêteetonattendqueçapasse.

Les bénéfices personnels et collectifs Levéloestunmoyenformidabledevoyager.Onprendletempsdedécouvrirlepaysage.Onpeuts’arrêteroùl’onveut,n’importequand.Envoiture,onestportéparleflux,onrestederrièresonpare-brise.Les enfants apprécient beaucoup ces voyages. Ilsont découvert des tas d’endroits, fait beaucoup de rencontres. Ils s’aperçoivent qu’ils peuvent créerd’autresréseauxsociaux.Unjour,j’aicassémachaîne.J’aifrappéàuneporte,jesuis tombé sur un gars qui nous a prêté sa voiture, qui connaissaitunréparateur.Cefutunebellerencontre,trèsenrichissante.Onn’apasl’occasiondevivrecelaau quotidien. On a traversé des endroits que nousn’aurionsjamaisvussinousavionsétéenvoiture.Dansnotreentourage,nousavonsdesamisquisontadmiratifs,mêmeparfoisenvieux.Onnousdit:«C’estsuper!C’estunpeufoudefairecela».

Les autres actions Mon comportement a évolué au fil des années,depuis10ans.Avant j’allaisaumarché,puis,quandnous nous sommes installés à la campagne, nous avons progressivement créé notre réseau avec des producteurs locaux. Nous n’allons plus dans lessupermarchés, sauf pour la droguerie. Du côté desproduits d’entretien, j’ai redécouvert les bienfaits du vinaigreblanc.Pourmes trajets quotidiens, je prendsmon vélo oujecovoiture,notammentquandilpleut.Onestquatredanslavoiture,onsepartagelestrajets.Entrelevéloet le covoiturage, je ne prends plus ma voiture qu’une seulefoisparmois.L’usage du vélo pour venir travailler me permet de m’entretenirphysiquement.Avélo, jemets1h50,envoiture1h10.Globalement,enmilieuurbain, jerouleaussivitequelesvoitures.Leweek-end,jepeuxfaireautrechose.Levéloauquotidienmepermetdemedégagerdutempspourmafamille.

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Je m’intéresse aux maisons bioclimatiques. J’aiconstruit une maison en ossature bois, elle est très économique.Nousavonsfaitlechoixdenetravaillerqu’avec des locaux. C’est un projet très intéressantintellectuellement, mais je n’ai pas pu aller au bout de monidée.Lespanneauxphotovoltaïques,lespompesà chaleur coûtent encore trop cher. J’ai un peu deregret.

Les valeurs Ce n’est pas pour des raisons écologiques que nous voyageons à vélo. J’ai toujours adoré le sport, lamontagne, l’extérieur. Je n’aime pas polluer. J’aimeavoir un cadre de vie avec de l’air, de l’espace. Etpuis, on n’a pas besoin de prendre son sac et de partir à l’étranger, on n’a pas besoin d’aller très loin pour trouver l’aventure, l’imprévu, et faire de belles rencontres.Le vélo au quotidien, c’est moins d’émissions de carbone, une bonne condition physique et pas trop mangeurdetemps.

Face au changement climatique On a tendance à avoir une action néfaste pourl’environnement, de manière générale. Il fautarrêter cela.On va trop loin dans la consommation.Mais comment faire face aux pays en voie dedéveloppement?Onvadireàdesgensquicrèventde faim qu’il va falloir désormais consommer, polluer moins?Nousvivonsdansunmondeunpeucompliqué.L’idéal serait d’arriver à un développement durable pourtoutlemonde.Jepensequedanscedomaine,lerôledespouvoirspublics est important. Dans l’industrie, on suit lemouvement, et le mouvement est donné par les politiques. C’est en légiférant qu’on va faire bougerles choses, dans les règles du jeu imposées auxindustriels, par exemple en matière de normes depollution.Il va falloir que chaque citoyen accepte certaines contraintes, par rapport à ce que nous considérons êtreunesituationdeconfort idéale.Parexemple,onva découvrir que le vélo est idéal pour aller travailler, qu’il a plein d’avantages. Les gens s’apercevraientquec’estdel’ordredupossible,quec’estréaliste.C’est juste une question de changer un peu ses habitudes.

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L’action Jeconduismesdeuxpetitschezlanounouenvoiturepuis je prends le métro jusqu’ici. Avant je faisaisl’ensembledutrajetenvoiture,mais j’aiprofitédelapossibilité de me faire rembourser la moitié de mon abonnementdeTCLpar l’entreprise.J’aichangédemoyendetransportilyaenvironunan.Avant, j’habitais Rillieux, il n’y avait pas de TCL àproximité. Avec mes deux enfants, la voiture étaitindispensable. J’ai commencé à réfléchir à prendreles TCL, après avoir déménagé, avec cette offre de remboursementdel’abonnement.

Les bénéfices personnels et collectifs La transitionn’apasétédifficile.C’està la foisplusfacile, mais aussi beaucoup plus économique pour moi de prendre les TCL. Le métro, c’est direct. Jen’aipasbesoindemegarerenville, la ligneDn’estjamais en grève et au niveau financier j’y gagne

beaucoup. Pendre le métro est aussi plus rapide.Je fais Vénissieux-Garibaldi en une demi-heure envoiture, contre 15 minutes environ en métro, et je suis sûred’arriveràl’heure.Jen’aipasàfoncer,grillerlesfeuxrouges.Quandonestenretard,onesttoujoursspeed.Danslemétrojesuismoinsspeed.Jenemetspersonne en danger car, quoi que je fasse, le métro n’irapasplusvite.

Les valeurs Jemesenstoutaussilibreenmétroqu’aveclavoiture,etc’estungaindetempsénorme.

Face au changement climatique Je ne m’intéresse pas vraiment aux questions deréchauffement climatique, je ne me suis pas penchée là-dessus.Quandonenparleàlaradio,j’écoute,maisjenem’yintéressepasplusquecela.

►TRANSPORT • Circuler en métro, en bus, en car

L’associationdedéveloppementducommercedeLyon7e arrondissement a piloté un plan de déplacements inter-entreprises (PDIE) à destination des salariés, artisans, professions libérales et commerçants qui travaillent dans l’arrondissement. Une centained’entreeuxsesontinscritsdanscedispositif,quileurpermetdebénéficierde la prise en charge de la moitié du prix de l’abonnement TCL.

« Prendre le métro est direct, rapide, facile. Je suis moins speed et je ne mets personne en danger en voiture ».Manuela,34ans,vitàVénissieux,travailledanslequartierGaribaldi(Lyon7e).

« On guérit beaucoup mieux du cancer quand on a décidé de se battre. Le changement cli¬matique, c’est comme une maladie, il ne faut pas se dire c’est trop tard, jamais ! ».IsabelleR.,48ans,vitàTassin-la-Demi-Lune,travailledanslequartierGaribaldi(Lyon,7e).

L’action Je me suis retrouvée seule avec mes enfants. Jene pouvais plus financièrement continuer à utiliserma voiture. C’était inconsciemment aussi pour desraisons écologiques, de comportement citoyen. J’aiun abonnement TCL depuis 15 ans. Je prends lestransports en commun toute la semaine, et maintenant, mêmelessamedisetdimanche.Avant,jeneprenaisque très peu la voiture, essentiellement les samedis et ensoirée,pourlesréunions.Jenelefaisplus.

Les freins C’estsûr,auniveauduconfort,c’estdifférent.Onestparfois très serrés dans le bus, la cohabitation n’est pas toujours agréable, il y a parfois de l’incivilité, alors j’interviens.

Les bénéfices personnels et collectifs Prendrelestransportsencommunmedonneunebonneraison pour obtenir que mes réunions le soir s’achèvent auplustardavantminuit,afinquejeneloupepasle

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dernier bus. Les chauffeursme connaissent, depuisle temps.Quand jesaisque j’aiuneréunion tard, jeles préviens le matin. Si j’ai une minute de retard,celuidudernierbusm’attendàGorge-de-Loup.Danslebuset lemétro, jebouquine.Je lis«Lequotidiendumédecin»enrentrant, lesoir.Je letermineou jelisautrechoselematin.Jen’aijamaisautantlu,celamevidelatête,medéstresse.Jemetransporteplusrapidementetc’estmoinsdangereux.

Les autres actions Je travaille six jours sur sept. Le dimanche, je vaismarcher, pour me détendre, dans les environs, en Chartreuse,dans leBeaujolais.Jevaisaussi rendrevisite à mes parents, à 8 kilomètres de chez moi, à vélo, avec de bonnes montées et descentes. Mesenfantssontravisdemesuivre.

Les valeurs En prenant les TCL, je me sens plus solidaire du reste delapopulation.Jeressensmieuxlasociétédontnousfaisons partie : on peut observer le langage des jeunes, voir les modes évoluer, savoir que les roumains sont revenusenville.Onconnaîtbienmieuxnotreville.Jesuis d’un naturel ouvert, je discute un peu avec les chauffeurs,j’aidelespersonnesnon-voyantes.Sanslesavoir,j’étaisdéjàsensibleàl’écologie.Celavient peut-être du fait que j’aime la marche et lamontagne.

Face au réchauffement climatique Je pense qu’il faut allier les raisons financières auxraisonsécologiques.Pourquoiest-cequelesTCLnemettent jamais en avant le ratio coût/déplacement en comparant les transports en commun à la voiture ? Quelle voiture vous coûte, tout compris, le prix d’un

abonnementTCLparmois?Onnepeutpassepasserde moyens de locomotion, mais on peut se déplacer autrement,envélo,àpied,entrain.Peuàpeuonpeut changerdepetites choses. Il vafalloirdutemps,ilfautmotiverlesgens,lesréveiller.L’écologie doit passer par l’intergénérationnel.L’expérience des personnes âgées peut profiter auxplus jeunes. Les retraités ne demandent que cela,d’êtres utiles ! Ils pourraient décrire comment était la planète à leur époque, comment on gaspillait moins. Il faut aussi agir auprès des jeunes, ce sonteuxqu’on formepourdemain. Il fautdu tempspourforgerunesprit.C’estparl’éducationqueleschosesvontchanger.Jenecroispasqu’ilexisteunesolutionmiracle : dans toute bonne idée, il y a souvent un inconvénient.Commeleproblèmedesbatteriesdansles voitures électriques, on ne sait pas bien comment les recycler. Idemavec l’éthanol,c’estunbienetunmal. Ilnefautpasagirdans l’excès,quientraînedugaspillageetnousconduitàlacatastrophe.Si chacun peut agir à son niveau, cela fera un peuavancer les choses. Cependant, je pense qu’unegrande partie de la réponse se trouve entre les mains des pouvoirs publics,mais il est visiblement difficilepour eux de prendre les décisions qui pourraientsatisfairetoutlemonde.Jecroisqu’on«massacre»lesgensenassénantdesinformationspessimistes. Il fautmettreenvaleur leschosespositives,quivontdans lebonsens.Jesuisquelqu’und’optimiste.Onnepeutpasnousassénersanscessequenouscouronstousà lacatastrophe.Ceseraitabandonner.Iln’estjamaistroptard,ilfautessayer.Onguéritbeaucoupmieuxducancerquandonadécidédesebattre.Le changement climatique, c’est comme une maladie, il ne faut pas se dire c’est trop tard, jamais !

« Un citoyen isolé, cela ne compte pas. En groupe, on l’écoute. Je pense que la conscience doit être collective. Si je ne devais faire les choses que pour moi, je ne ferais rien ».

Jean-Paul,56ans,vitàSaint-Bonnet-de-Mure,travailleàGerland(Lyon,7e).

L’action Jesuisarrivédanslarégionen1990.Jecherchaisànepas être trop éloigné de mon lieu de travail, pour des raisonsdetempsd’accès.J’aidécidédem’installerenpériphérie,àSaint-Bonnet-de-Mure,à20kilomètres.Jen’aime pas la grande ville, je voulais un environnement vivable…jesuisnéàlacampagne.Pendant18ans,j’aiprismavoiturepourvenirtravailler.Onroulaitdeplusenplusmal.Jefaisais8000kmparandetrajets

domicile-travail.Celaauncoûtentermesd’usuredumatériel,d’amortissement,decarburant,depollution.Et je n’aime pas être bloqué dans les bouchons sur la nationale.Pendantuntemps,jenepouvaispasutiliserlesbus:Meshorairesmeconduisaientàpartirtarddutravail.Depuis trois ans, j’ai un autre poste quim’a permisd’envisager de prendre les transports en commun.En2007,s’estmisenplaceunplandedéplacements

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entreprise à Gerland. Ma société a souscrit à cettedémarche.Jepaiedeuxabonnements,celuidelaligne165et l’abonnementTCL,à50%.C’est lePDIEquim’a fait bouger, qui a déclenché le passage à l’acte, parcecoupdepouceéconomique.

Les freins La contrainte, c’est de passer de 35 minutes de voiture à 1h15.Plusd’uneheurepournefaireque20kilomètres,c’est trop. Régulièrement le bus a du retard, entredixetquinzeminutes.C’est trèspénalisant.Jemetsdixminutes en voiture pour rejoindre l’arrêt de bus.Puis, jeprendsleslignesDetB.Ilyabeaucoupdechangements.Cen’estpasfacileàgérer.Lebusesttributairedesfluxdecirculation.J’aiprislestransportsen commun pour ne plus être freiné par les bouchons, et jem’y retrouveenbus.Nous, les habitants de lapremière couronne, nous avons l’impression d’être soit trop loin, soit pas assez loin du centre : trop pour avoir des lignes TCL efficaces, pas assez pour être biendesservisparletrain.Iln’yaplusdegareàToussieux.Elleaétéfermée.J’aiungendrequivientdeBourgoin-Jallieu.Ilprendletrainetmetmoinsdetempsquemoi.DepuisSaint-BonnetdeMure,onnepeutpasalleràMeyzieu,quiestà7km,niàGenas,quiesttoutprèsaussi,saufàfaireungranddétourparlaville.En janvier 2009, je suis tombé malade. Depuis jetravaille à mi-temps. J’ai dû reprendre ma voiture :1h15 de trajet aller, c’est trop pour 4 heures de travail parjour.Maisçametrottedanslatête.Jereprendrailebusquandjeseraiànouveauàpleintemps.

Les bénéfices personnels et collectifs J’avais la volonté de prendre le bus. Je me suisaccroché au peu d’économies que cela générait.J’ai décidé d’utiliser les transports en commun afindemoins consommer,moins polluer. Pourmoi celacorrespond à un engagement, d’abord individuel, puiscollectif: jem’intéresseauxtransportsàtraversma communauté de communes. Je voulais avoir unvécu au quotidien des transports, vis-à-vis de cetteimplication.Connaîtrelesnuisances,lafréquentation,etc.Jemevoyaismal intervenirsurcesujetsans leconnaîtrepersonnellement.En bus, on a la liberté de faire autre chose, d’utiliser ce temps pour lire, ou tout simplement pour regarder autour de soi, se resituer dans une cité, avec d’autres, pascommeunindividuisolé.Envoiture,l’universestaseptisé, climatisé. Quand on utilise les transportsencommun,qu’il fautmarcherpourallerauxarrêts,on se retrouve face à la nature, au climat, à la neige, au froid, à la pluie. On retrouve son environnementnaturel.Maintenant,lematin,celamegonflededevoirprendremavoiture.Quandonregardeautourdesoi,ilya20voitures,et20personnes.Quandonvoit laplace que cela prend, la pollution que cela génère, lesrisquesdeprendreunPV…sil’ondisposaitd’unesolutionefficacepour se transporter, je pensequ’onoublieraitunpeulavoiture.

Les autres actions En1979,j’aieul’idéedefaireconstruireunemaisondans un bois, et je cherchais la possibilité de me chauffer en étant le moins dépendant possible des solutions énergiques classiques. A l’époque, onbalbutiait, les investissements étaient très lourds, le projetnes’étaitdoncpasréalisé.En 1997, j’ai à nouveau cherché à faire construireavec des solutions plus économiques en énergie.Les surcoûts étaient énormes. On ne trouvait pasd’artisans. J’ai renforcé l’isolation.Avec unemaisonconstruiteenparpaingsouenbriques,ilestdifficiledefairemieuxquedel’isoleretdechoisirunsystèmedechauffagelemoinscoûteuxenénergiefossile.J’ai aussi envisagé d’installer des panneauxphotovoltaïques mais on s’aperçoit à l’étude quel’investissement va être de l’ordre de 20 000 euros.Vu mon âge, la rentabilité et l’amortissement de l’investissementm’emmènentunpeuloin.

Les valeurs Nous ne sommes que de passage sur cette terre dont onempruntelesressources.Jenesupportepluslescomportements individuels qu’on privilégie dans notre société,l’égoïsme.

Face au changement climatique Il est indispensable d’avoir une démarche collective ; individuellement,onnepeut rien faire.Onaplusdeforceàplusieurs,dansdesassociationsparexemple,qu’avec ses propres forces pour se faire entendre, se défendre,ycomprisenjustice.Un citoyen isolé, cela ne compte pas. En groupe,on l’écoute. Je pense que la conscience doit êtrecollective.Certeslespouvoirspublicsontdesleviers,mais les rassemblements de citoyens ont les moyens defairepression,deboycottersibesoinest.SiJedevaisfaireleschosesquepourmoi,jeneferaisrien.

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L’action Lalignedepédibusnes’estpascrééetoutdesuite.Il y a plus de trois ans, les gens du Grand Lyon sont venus présenter le pédibus à l’école. C’était avantquejefassepartieduconseildeparentsd’élèves.Ilsont apporté des plans, un projet presque tout fait, un parcours. Quatre personnes étaient intéressées, etpuisc’esttombéàl’eau.Jepensequ’ellesonttrouvéquec’étaittropcompliqué.Puisenavonsreparléavecune personne de lamairie que je connais.On s’estassises sur un banc, on a discuté tout simplement.Elle m’a relancée sur ce sujet. Je trouvais l’idéesympa.J’enaiparléavecunedesmamansquiétaitàlaréunionprécédente.Onseconnaîtbien,onpouvaits’arranger.Ce qui m’a fait bouger, c’est en premier lieu le danger,

avec ces voitures dans tous les sens, autour de l’école, lematin.Celame révolte de voir le nombrede parents qui viennent en voiture, qui tournent, qui font des manœuvres, avec les gamins qui, de bon matin,respirenttouscespotsd’échappement. Il fautvraimentfairequelquechosepourlesenfants.Ilfautmontrer l’exemple, il fautquelesparentsarrêtentdevenirenvoitureàl’école.Nous avons une école écologique et quand on voit ce qu’il se passe sur le parking le matin, on ne sait plus vraiment « où est l’écologie » ! C’est presque pire qu’ailleurs.Pourmettreenplacelepédibus,onatestélesparcours.Lesenfantsontsentiqu’onlesassociaitauprojet.Lapremière fois, ils ont fait des dessins à la craie sur les trottoirs.Audébut, lesenfantsdupédibusétaientun

►TRANSPORT

• Pédibus : en « voiture » les enfants !

« Tous ensemble, nous serions plus efficaces, mais nous sommes dans une époque très individualiste. J’espère qu’il n’est pas trop tard pour bien faire».Marie-Christine,48ans,acheteusedansleprêt-à-porter,vitàRillieux-la-Pape,travailleàDécines.

Une nouvelle école « écologique » a été construite sur le hameau de Vancia (Rillieux-la-Rape),en2005(constructionbois,toitvégétalisé).Marie-Christineacrééunelignepédibusen2007.C’estlaseulelignedecetteécole.6à9enfantsy participent chaque matin. Elle co-voiture deux fois par semaine pour se rendre à son travail.

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« Héros ordinaires » - 43

peu les stars de l’école avec leur gilet jaune, tous les autresgaminsétaientautour.Lesoir,lesenfantsfontleur pédibus seuls, ils refont le trajet dans l’autre sens sans adulte. Ça a fonctionné parce que les enfantsétaient déjà copains et copines et qu’entre parents, nousnousconnaissions.Aujourd’hui,noussommestroismamansimpliquées.Jenefaislepédibusqu’unmatinparsemaine.

Les freins Le pédibus libère les parents mais il ne faut pas que ce soienttoujourslesmêmesquileprennentencharge.Lesparentsveulentbienl’utilisersanstrops’impliquer.Unemamanm’adit :«Aquoisertunpédibus,sionne peut pas vous donner nos enfants ? » Il faut qu’ils comprennentquechacundoitparticiperàsontour.Poureux,lepédibus,c’estperdredutemps.Cequeles parents ne réalisent pas c’est que, s’ils donnent un jourpar semaine, lesautres jours sontpoureux, ilssontlibres.Lesparentsquicontinuentd’amenerleursenfants en voiture me disent que c’est trop tôt, trop rigide.L’année prochaine, je n’aurais plus d’enfants en primaire. Qui reprendra la ligne pédibus ? Je suisinquiète,c’estungrandpointd’interrogation.J’aimeraisquecetteligneperdure.Parfois, même dans sa propre famille, on al’impression de ne pas être soutenu. Mon mari metaquineenmedisantquejesuisuneDonQuichottedel’environnement.Etpuis,jetrouvequelapubn’estpasfaite à bon escient : on fait de la pub pour des lessives, maisjamaispourlabouledelavage.

Les bénéfices personnels et collectifs C’estunebelleaventure.C’estmaB.A.Ona toutày gagner, on donne du temps un jour et ainsi on en a plus lesautres jours.Lesmatinsoù jenem’occupepasdupédibus,jepeuxpartirplustôtautravail.Pourmoi,iln’yaquedesavantages.Lepédibusm’aaussirapprochéedesautresmamans.Mesenfantsétaient demandeurs, ils ont été tout desuite ravis. Ilsmedisentquec’est chouettede fairele trajet ensemble « comme ça on peut discuter des devoirs»,m’aditmafille…Celaobligelesenfantsàêtre un peu plus ponctuels, à ne pas traîner, à gérer mieuxleurtemps.Ilssontfiersdemoninvestissement,ilsprotègentl’environnement.Nousavonsdonné l’exemple : l’annéedernière,unedemi-douzaine d’enfants, les plus grands, se sontregroupés.Ilssesontorganisés,sansadultepourlesaccompagner, pour venir ensemble à pied d’un autre lotissement. Les nôtres disaient : «Vous nous avezcopiés !». Ils répondaient : «Oui,mais nous, on sedébrouille sans parents ! »

Les autres actions Jeme suis mise au covoiturage avec une collèguepour aller travailler. Cela c’est fait quelques moisaprèslepédibus.C’étaitlasuitelogique.Désormais,jecovoituredeuxjoursparsemaine,depuisdeuxans,pourmerendreàmontravail,àDécines.

Ilyadeplusenplusdebouchonssurletrajet.Danschaque voiture, il n’y a généralement qu’une seule personne.Nousmettons40à45minutespouralleràDécines,alorsqu’entempsnormalilfautmoinsd’unquartd’heure.Lesvoituressontàtouche-touche,celagénèredelapollution.Unefois,c’estmoiquiprendsmavoiture,l’autrefois,macollègue.Celafaitaumoinsune voiture de moins sur la route. Si plus de genscovoituraient,ilyauraitmoinsdebouchons.J’utiliseuneboulepourlelavagedulinge,lesserpillièresenmicrofibres.Celamepermetd’éviterd’utiliserlesproduitsménagers.Jesuisaussitrèsvigilantesurletri.J’aiexpliquéàmavoisinecequ’ilfallaitmettredanslesdifférentespoubelles.L’année prochaine, mes enfants iront au collège, à Rillieux-Village. Je me suis déjà organisée avec une maman avec qui je fais le pédibus pour que l’on covoiturepourlecollège.

Les valeurs Si,trèsjeunes,lesenfantsprennentconsciencequ’ilya tropdegaspillage, ils ferontmieuxquenous.Jevoudrais transmettre cela aux enfants. Que celadevienneunepartied’eux-mêmes.J’incitemesenfantsà faireattentionà l’eau, l’électricité.J’évited’acheterdes produits qui sont si peu chers qu’on se demande comment ils sont faits, si ce ne sont pas des enfants quilesfabriquent.Jem’approvisionneessentiellementaumarché,chezlesproducteurs.C’estunpeupluschermais jesaisd’oùçavient,etc’estmeilleur.

Face au changement climatique Jemesensconcernéeparlechangementclimatique,cela m’inquiète. Il y a tellement de gaspillage cheznous, de gaspillage des ressources. Personne n’està l’abri des conséquences, comme d’une pénurie d’eau.Malheureusement,jenesaispasbienquefaire,àpartdiminuer le chauffage, ne pas laisser les appareils en veille. J’aimerais avoir des informations sur ce qu’ilse passe mais avec des mots simples, sinon, au bout dedeuxminutes,jedécroche.Onentendtoutetsoncontraire,onnesaitpascequiestlemieux,ondoutesurtout.Si je peux faire quelque chose qui soit dans mespossibilités,jeleferai.Jenedemandepasmieuxquedecontribueràl’améliorationdelasituation.Maisj’aibesoin d’être accompagnée, qu’on me donne telle ou tellemission,desindications,desconsignes.Les gens ne savent même pas ce qu’est le développement durable, c’est dommage. Si onveut que les choses bougent, il faut qu’on aide les gensprêtsà le faire.Tousensemble, on serait plusefficaces,seulement,noussommesdansuneépoquetrès individualiste. J’espère qu’il n’est pas trop tardpourbienfaire.

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►LOISIRS

• Jardiner bio au pied des tours HLM

« Notre cité est mal vue. A travers ce jardin, je veux montrer que dans cette cité, il y a des gens bien, que l’on fait des choses bien ».

Alain,57ans,agentd’entretiend’espacesverts,vit à Lyon 8e, travaille à Corbas

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L’actionJ’habiteicidepuis10ans.Jemesuisbattudèsledébutpourcejardin.Celaaététrèslongàmettreenplace,avec les documents administratifs, les partenaires… Aunmoment, jen’ycroyaisplus.Certainshabitantsdelacitéétaientcontre.Jeleuraidit:«Cejardinvaexister.Quevouslevouliezoupas,ilsefera».Nousavonsdécidédemettreunebarrièrebasseafinque l’on voit ce qu’il se passe derrière. Si on avaitconstruitunmur,lesgaminsseraientpeut-êtrevenustoutcasser.Là,toutsepassetrèsbien.Iln’yapasunedégradation,pasuntag.

Les freinsLes gens disaient que le jardin allait attirer des rats, des moustiques, qu’il allait être saccagé. Ils ne voyaientpaslecôtépositif.Moijelevoyais.C’estcequevousvoyezmaintenant.Jeleuraiexpliquéquesilejardinétait bien entretenu, cela ne risquait pas d’arriver.Maintenant, ilyadestourterelles,desmoineauxquiviennentnouschiperdesgraines,c’estjoli.

Les bénéfices personnelsQuandj’étaisgamin,mesparentslouaientunemaisonà la campagne. J’aidais un peu un voisin au jardin.J’avais donc des notions. Il ne me manquait qu’unjardin.Cette année, je n’ai pas acheté de tomates, même en lespartageantaveclesautres.Jen’enaijamaisautantmangé,j’enaiencorepleinlefrigo.Jen’aipasachetédesaladesnonplus.Etpuis,leslégumesqu’onrécoltenesontpaspareilsqueceuxquel’onachète,ilsontunautregoût.Onsentvraimentladifférence.

Les bénéfices collectifsNotrecitéLanglet-Santyesttrèsmalvuedel’extérieur.Atraverscejardin,jevoulaismontrerquedanscettecité, il y a des gens bien, que l’on fait des choses bien.Notrebutétaitdefédérerlesgens,delesfairevenir.Avant,onsecroisait,onsedisaitbonjour,maisonnediscutaitpas.Maintenant,quandlesgenspassent,ilss’arrêtent.Ilsdisent«ilestbeauvotrejardin».Jeleurréponds : « Ce n’est pas mon jardin, c’est un jardin collectif».Alors,ondiscute.Les mamies viennent me raconter quand elles étaient jeunes,commentellesfaisaientleurjardin.Lesanciensnous donnent des trucs. D’autres les contredisent...(rires).Onfaitvisiter le jardinauxgaminsde l’école,ilssontpassionnés.

Sans le jardin, cetteciténeseraitpasconvivialedutout.Chacunestchezsoi,personnenes’occupedel’autre.Aujourd’hui,ilyaplusd’échanges.Lesgaminsdelacitéviennentnousdemanderdeslégumes.Lesplusgrands,ceuxde20ans,nousenontaussidemandés,maisonattendtoujoursqu’ilsreviennent.Sionpouvaitcalmerles18/20ansavecunjardin,ceseraitsuper.

Les valeursPourmoi,cejardinestplutôtunloisir.Celamepermetde voir du monde. Je suis célibataire, j’ai tout montemps.La terre est pourrie par les produits chimiques, alors si on peut essayer d’améliorer un peu les choses, faisons-le. Jeveuxmontrerqu’onpeutgagnernotreparisansproduitschimiques.Jesuisfierdecejardin.

Face au changement climatiqueCela m’inquiète. Cet automne, par exemple, nousn’avonspaseuuntempsdesaison.Certainsarbresont refleuri ! Si cela continue, nous allons peut-êtremanquerd’eau.Jusqu’oùallons-nousaller?Anotreniveau,onnepeutpasfairegrandchose.J’adhèreauWWF,jefaisdesdonsàcetteassociation.Jeneroulepasenvoiture, jesuis100%TCL.Quepuis-je fairede plus ?Nous n’avons pas de pouvoir.Même desfondations comme celle de Nicolas Hulot n’y arrivent pas.Nousprenonsletrainenmarche,lesdégâts sont déjà faits. Ce que nous pouvons faire,commecejardin,cen’estqu’unegoutted’eau.Ilestdifficiledeconvaincrelesgensd’agir.Onfaitchacunquelquechosedanssoncoin.Pourtant,sinousétionstousunis,nousserionsplusforts.

Unjardinpartagéaétécrééen2007aupiedduvasteensembleHLMduquartierLanglet-Santy dans le 8earrondissement,soit250m2depotagerfleuri,cultivésans pesticides. Onze habitants de cette cité en sont les jardiniers. La cabane avait été traitée à la peinture anti-tag, heureusement inutile. Aucune dégradation n’a jamais été constatée.

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L’action J’habitelacitédepuis1991.Ici,àlaplacedujardin,iln’yavaitrien,c’étaitunefriche.Nousavonsfaitvenirunmotoculteur,puislesbrasontfaitlereste.Jenemesuisinvestiquecetteannée,parcequejesuiscurieuxdemonquartier.L’annéeprécédente,jetravaillais,jen’avaispasassezdetemps.C’estnotredeuxièmesaisonderécolte.Nousallonsessayermaintenantdefairedesculturesd’hiver.Nousavons eu de belles tomates et, cette année, nous avonsmisenplaceuncompost.

Les bénéfices personnels Audébut,jen’avaisaucuneconnaissance.Jesuisdurau travail mais je n’avais jamais jardiné. J’ai apprisàcreuserunetranchée,àplanter.Certainssonttrèsavancés, d’autres moins, alors on s’échange des trucs.Etlanaturefaitlereste.C’estcommeunbébéquand il naît ! J’ai vu la différence avec les légumes qu’on achèteausupermarché.Cen’estpaslamêmesaveur.Nousavons faitdes ratatouilles,descoulis. Jenecomptepas sur le jardin pour me nourrir, c’est un plus, qui peut dépanner.Jen’ai jamaisétéquelqu’unquiallaitde l’avant,quiseprojetteloin,quiprenaitdesinitiatives.Maisdepuisque j’ai commencé le jardin, le centre social m’a demandé d’être administrateur. Maintenant, je suisaussi au conseil de l’école, j’organise des brocantes, desvides-greniers.Lejardinm’apermisdem’investirdansdavantaged’activités.

Les bénéfices collectifs Nousn’avonspaslachanced’habiteràlacampagne.Lejardinnousoffreuncoindenaturedanslacité.J’aimeéchanger avec les voisins mais malheureusement, même en étant du même quartier, on se croisait et on ne se parlait pas forcément. Le jardin a favorisé denouvellesrencontresetplusd’échanges.Tout le monde pensait que ce jardin allait être dégradé, maisnon,ilaétérespecté.Lesjeunesviennentnousdemander un peu de menthe, surtout en période de ramadan.Ilsneviennentpastravailleravecnous,maisjepensequ’ilsaimentbiencejardin.Entouscas,iln’ya pas une personne, que ce soit un jeune ou autre, qui passesansyjeteruncoupd’œil.

Les valeurs J’espèreaideràralentircequel’hommefaitdenéfasteàlaTerre.

Face au changement climatique Je suis concerné, comme tout le monde. Mais jen’aipaslescartesenmain.Pasdepouvoir,rien.Onpourrait améliorer les choses si les gouvernements se mettaient d’accord pour faire face.Eux ont les clés.Nous, les citoyens, on peut dire, parler mais nous n’avonspaslepouvoirdedécision.(1èreréponse,le12octobre)

L’environnement est l’une des rares choses où nous sommes égaux, où nous sommes responsables denosgestes.Cen’estpasunequestiond’argent,c’estuneperceptiondelavie.Regardezcejardin,cequ’onafaitlà,çanecoûtepascher.(2e,réponsele26octobre).

« Le jardin m’a permis de m’investir dans davantage d’activités ».

Salah,47ans,enarrêtlonguemaladie,vit à Lyon 8e.

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L’action Cesimmeublesont36ans,etcelafait36ansquej’yvis.Noussommes500habitantspartour,90familles,danscinqtours,soit2500habitants.Jen’airejointlejardinque ladeuxièmeannée.Unmatin, jemesuisarrêtée et j’ai demandé à l’un des jardiniers comment il faisait pour avoir de belles capucines alors que les miennesneseportaientpasbienenpot.Onm’aproposédem’inscrire,jemesuisditpourquoipas.Sionnem’avaitpas incitée, jen’auraispaseul’idée de faire le pas. Je n’avais pas d’expérienceen jardinage, alors on m’a appris, à tenir une pioche notamment.J’apprendsenécoutant,enfaisant.On fait notre compost, on va acheter des larves decoccinelles,onessaied’êtrebio.

Les freins Lesautrespensentquecen’estpassérieuxcommeactivité,ilspréfèrentresterdevantlatélévision.Ilsontpeut-êtrepeurdeladifficultéphysique.Moiaussi,j’aiparfois mal au dos mais mes douleurs passent : je suis tellementheureusedetripoterlaterre.Pourcertainespersonnes,travaillerlaterreestabaissant,sale.D’ailleurs,dansmonentourage,onm’adit:«Qu’estcequetuvasallergratterlaterre,tun’yconnaisrien!».Ma fille,mes petits enfants ne comprennent pas cequejefais.

Les bénéfices personnels C’est un ballon d’oxygène, dans tous les sens duterme.Avant,jen’étaispasdansmonélément.J’aimela nature, les oiseaux. Avec ce jardin je revis, jem’épanouis.Quandjemelève,jeregardelejardinparlafenêtre,cequ’ils’ypasse.C’estextraordinaire,c’estvivant.Cejardinachangémavie,monquotidiendanscet immeuble.Nos légumesne sont pas chimiques.On sent la différence. Vous ne pouvez pas vousimaginer le plaisir que c’est de les avoir fait pousser, lasatisfactionderécolterlefruitdenotretravail.Quelbonheur ! Cela me permet de me maintenir en forme, d’éviterd’allerauclubdegym!Etpuisjesuisàl’air.J’aimelepartage,chacundonnesonavis.Onnefaitriensansquetoutlemondesoitd’accord.Nousvenonschacund’horizonstrèsdifférents.Ilesttrèsimportantquecejardinsoitunjardinpartagé.C’estjustementcequim’aplu,l’espritd’équipe.

Les bénéfices collectifs Le jardin a beaucoup changé les rapports entre les gens.Iln’yavaitpasdepointderencontreici,pasdelieupourdiscuter.Onnesavaitpeut-êtrepasquoisedire;maintenantonacejardinencommun.

Onimpliquelesenfantsdesécoles,lespensionnairesdelamaisonderetraite.Lesvoisinsviennentvisiter,onleuroffrequelquestomates.Onorganisedespetitesfêtesdanslesquelleschacunapportequelquechose.

Les autres actions Je circule en transports en commun, j’ai une carted’abonnementà l’année.Maisc’estsurtoutpourdesquestionsdebudget.Sij’avaisdessous,j’auraismapetitevoiture(rires).Il y a quelques années, on me prenait pour une demeurée parce que j’achetais des ampoules basses consommation 150 francs pièce, que je gardais et recyclais les sacs plastiques. J’essaie toujours depolluer lemoinspossible.J’aimeraismettreenplacedes toilettes sèches, mais en appartement, c’est difficile. Jen’ai pasdemicro-ondes. J’utilisepeudeproduitsménagers.J’aitroispoubelles,pourletri.Jenelaissejamaislesappareilsélectriquesenveille.Il est aussi simple de bien faire que de mal faire, voir plussimple.Letoutc’estdes’organiserunpeu.

Les valeurs Pourmoi,gaspillerestunnon-respectdelanature.Ilestessentieldecultiversansproduitschimiques.Pourse rapprocher de la vérité de la vie, de nos bases : la terre, l’oxygène.Leshôpitauxsontpleinsdegensintoxiqués aux produits chimiques. Je préfère mepriver de certaines choses que d’utiliser des produits chimiques.

Face au changement climatique Jemesensconcernéeparleréchauffementclimatique,cela me rend très triste de voir la planète que l’on va laisser.Onesttousconcernés.Ilnefautpasdéchargernosresponsabilitéssurledosdesautres.Jepensequel’exempleestplusefficacequelaparole.Mafilleaainsicommencéàfairedepetitsefforts.Elleavait270kWhenveille toute la journée.Maintenantellefaitplusattention.Nos parents ont bien vécu, pourtant, ils avaient peu dechoses.Jepensequ’ilyadesexemplesàprendrechez les anciens, pour retrouver certains gestes simples.

« Il est aussi simple de bien faire que mal faire, voir plus simple ».Monique,66ans,employéedelaboratoireà la retraite, vit à Lyon 8e.

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L’action Cela faitdesannéesque jem’intéresseà lanature.Jemesuisditquepuisqu’ilyavaitcejardinàcôtédechez moi pourquoi ne pas m’y investir ? Lors de la première année de fonctionnement du jardin, je n’avais pas assez de temps à y consacrer, et puis ce n’était pas évident de s’intégrer à un groupe où la plupart des personnes sont à la retraite, et viennent au jardinpourcultiver,senourrir.J’ysuisfinalementvenuelasecondeannée.Jesuislàpourapprendrecequejepeuxfaireaveclesfleurs,leslégumes,lesplantes.

Les bénéfices personnels Le jardin partagé me permet de récupérer des feuilles et des fleurs sans traitement pour fairemes petitestisanes.Ilyaunpeudetout:desorties,despissenlits,destomates.Pourmoi,c’estunplaisirdevoircejardin,lecultiver,goûterleslégumes.Ladifférenceentrecequel’onachèteetcequel’onproduitesténorme.Celapermetaussidesortirdechezsoi.Onn’apasbesoin d’avoir une villa, une maison, pour avoir un jardin.

Les bénéfices collectifs Être en groupe est important : chacun donne sonopinion,exposesafaçondevoircejardin.Ilyenaquiviennentpourlesfleurs,d’autrespourmanger,d’autrepourleregard,d’autrespourlanature.Oncréebeaucoupd’échangesavecl’école,lecentreaéré, la maison de retraite, les autres habitants du quartier.Celamemotivedenepasen rester là, onessaye de voir comment on peut embellir le jardin, faireparticiperd’autresassociations.

Les valeurs J’adorelanature,jemesoigneaveclesplantes.J’aimetoutcequiestvivant.Jevaissouventàlacampagne,danslesparcs,pourramasserdesplantes.Surtout,cequimeplaît,c’estdevoirquel’onpeutcréerce jardin dans notre quartier, qui n’est pas un quartier facile.Lesgenspassent,s’arrêtent,discutent.Iln’yapasdegêne,pasdedifférence.Ilsdisentquelejardinestbeau,quec’estmagnifique,ilssedemandentcommentc’estpossible.

Face au changement climatique Laplanètenousmontrequ’ilesturgentderéagir.Elleest en train de souffrir. Peut-être que dans 70 ans,nousn’auronsplusd’eau.Ce n’est pas à la population de faire plus d’efforts que le gouvernement,lespouvoirspublics.Noustravaillons,nous avons de petits salaires qui nous permettent de subvenirànosbesoins.

Personne ne nous empêche d’acheter des produitsdangereux pour l’environnement. Je ne comprendspas ça : d’un côté on nous dit qu’il faut faire attention à la planète, de l’autre on a un système qui veut toujoursplusdeconsommation,plusd’argent. Il yatropdecontradictions.J’aiquandmêmedel’espoir.Ilyadenombreusesassociationsquis’impliquent.Lapopulation se mobilise aussi : cela commence chez eux,puisàl’extérieur.Legouvernementdevraitfairepluspoursoutenircetteénergiedescitoyens.

« On n’a pas besoin d’avoir une villa, une maison, pour avoir un jardin ».Najat, 44 ans, ambulancière, vit à Lyon 8e.

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L’actionJe voulais m’inscrire l’année dernière au coursd’apprentissage du vélo, mais, à ce moment-là, j’aitrouvéduboulotalorsjen’avaisplusletemps.Depuisle30juin,jenetravailleplus,alorsmieuxvautquejefassequelquechosedebien.J’aipeursurlevélo,onatoutespeuraudébut.Jen’aijamaisapprisàfaireduvélocarenAlgérie,d’oùjeviens,lesfillesnefontpasdevélo,celanesefaitpas,c’esttabou.Jen’aipasloupéuneseuleséance,mêmelorsdelagrève des TCL, où j’ai mis une heure et demie pour venir. Même ce jeudi, quand il a tant plu, j’étais laseuleàêtreprésente.Quandjeveuxquelquechose,j’insiste.Auboutd’unmoment,j’aimaldepartout!Pourtant,apriori,jesuislàpourmedétendre!(rires)

Les freinsJem’engueulesouventavecmonmarietmesenfantssur le tri. Les gens me disent : «Mais pourquoi tufaisdesefforts?Qu’est-cequetutetracassesavecça ? »

Les bénéfices personnels et collectifsJ’en ai assez demarcher tout le temps. Je n’auraispas eu besoin d’une heure et demie pour venir au cours, pendant la grève des TCL, si j’avais su faire duvélo.Levéloestpluspratiquequelavoiture.Elle,ilfautlagareretcelacoûtedel’argent.J’auraisplusdetempspourmoisijevaisautravailàvélo.Jem’enserviraiaussipourallerenbalade,leweek-end,avecmesenfantsqui,jusqu’àprésent,partentseulsàvélo.

Parfois, je les suisen trottinette,mais, laplupart dutemps, je reste à la maison à les attendre et cela me déplaît.Jepourraislesaccompagnerpourdepetitesrandonnées, des courses. Les enfants sont trèscontentsdesavoirquej’apprendsàfaireduvélo.Voilà mon plan : d’abord j’apprends à faire du vélo, ensuite je cherche du travail, puis je tente le permis voiture…J’aimerais,aprèstoutcela,passerlepermispour les transports en commun pour, pourquoi pas, devenir conductrice de bus !

Les valeursMaintenant que je sais faire du vélo, je me senslibre ! Libre comme l’air ! Tout en conduisant et me concentrantsurlaroute,jemerecentresurmoi-même.Celamepermetde réfléchiràceque jesuis.Jenepensaispasquej’arriveraisàconduireetréfléchirenmêmetemps.

Face au changement climatiqueSij’étaisaupouvoir,jedemanderaisàtoutlemondedecirculeràvéloouapied.Onpollueraitmoins!Le changement climatique, ça me touche. Je suisinquiète.Jenecroispasquelasociétévachanger.Mamaman,enAlgérie,meditqu’ilfaitdeplusenpluschaud,qu’ilyamoinsdepluie.Lesgensnefontrien.C’est ànousde faire les choses,àmoi, à vous. LaRépublique,c’estqui?C’estnous!Onnepeutrienfaire contre la nature, mais si seulement chacun de nous fait quelque chose pour l’environnement, on ira de l’avant, on y arrivera !

►LOISIRS

• Apprendre à faire du vélo, trouver

Le centre social de Cusset, à Villeurbanne, propose depuis trois ans des cours d’apprentissage du vélo. Cette formation pratique, de 12 séances de 2 heures, est dispensée par un salarié de l’association « pignon sur rue ». Les participants sont essentiellement des femmes en insertion professionnelle, qui n’ont pas de voiture, ou pas permis de conduire.

« C’est à nous de faire les choses, à moi, à vous. La République, c’est qui ? C’est nous ! Si chacun de nous fait quelque chose, on ira de l’avant, on y arrivera ! ».Fatiha,48ans,agent d’entretien en recherche d’emploi, vitàVilleurbanne.

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L’actionJ’aigrandienAlgérie.Pournouslesfilles,celanesefaisaitpasdefaireduvélo.Mêmecellesquisaventenfairenesortentpasavec.J’aicommencélescoursdevélolemêmejourqu’unnouveau travail, de nuit, sur des machines, dans une entreprise qui fait des pièces pour l’automobile. Cen’estpasfacile,jesuisfatiguéependantlesleçons.

Les freinsJusqu’àprésent, jenevoyaispas l’utilitéde faireduvélo.MonamieFatiham’apoussée,m’aencouragéeà suivre les cours avec elle en me disant que ce serait plus pratique, après, pour faire les courses, sortir. Ilmefallaituneamiecommeellepourmedécider.Monmaripense-enfinjecrois,ilnemel’apasdit-quece n’est plus vraiment de mon âge d’apprendre à faire duvélo.Jeluiairépondu:«unefoisquejesaurai,jepasseraiàvélosouslesfenêtres,jeteferaicoucou».(rires)Amonentourage,j’aidit:«Quecelavousplaiseounon,jevaisessayercetteaventure-là!».

Les bénéfices personnels et collectifsJeprendsdeplusenplusgoûtauvélo,mêmesijenesaispasbienenfairepourlemoment.Jecommenceà sentir des petites choses, et cela m’encourage à revenirpouratteindremonbut.Jevaisacheterunvéloetcontinueràm’entraînertouteseule.Jusqu’àprésent,jemedéplaceenbus,enmétro.Jen’aipaslepermis,pasdevoiture,monmarinonplus.Savoirfaireduvélomepermettrad’êtrepluslibre,plusindépendante, pour aller travailler, pour transporter mesaffaires.Levélosertàbeaucoupdechoses,etpuisc’estécologique.

Les autres actionsJe travailleprèsdeBeynost.Comme jenesuispasvéhiculée, je rejoins en TCL une amie qui habite à Vénissieux,etnousyallonsensembleenvoiture.Riennem’empêched’allertravailler.Pourlapremièrejournéedetravail,quandc’est loin, jeprendsuntaxipour aller travailler, puis je me débrouille pour trouver quelqu’undansl’entreprisequin’habitepastroploin.Celafait5ansquejem’organiseainsi.Avant,j’écrivaissurmonCVquejen’avaispasdevoiture.Jen’avaisjamaisde réponsedesemployeurs.Jemesuisdit :«Fatima,prends-toienmain,réveille-toi,cen’estpaslabonneméthode».Maintenantjeprécisequejesuisvéhiculée.Et tout c’est débloqué. Je ne suis jamaisarrivéeenretard,jen’aijamaisétéabsente.

Les valeursJ’ai46ans.Cela fait 18ansque je suisenFrance.J’avaisl’impressionden’avoirrienfaitdemavie,denerienavoirappris.Jemesuisditqu’iln’estjamaistroptard.Là,j’apprends.Pourmoi,apprendrelevélo,c’estatteindreunbutdansmavie.Nepasavoirlepermisetnepassavoirfaireduvéloseraitcatastrophique.Avecducourageetdelavolonté,onpeuttoutréussir.Riennemefaitpeur.

Face au réchauffement climatiqueC’est inquiétant, mais j’ai bien d’autres soucis, de travail, d’argent. Je fais attention à ne pas tropconsommer. Je pense quandmême qu’il faut qu’onfassetousdeseffortspourpréserverl’environnement.Les petits gestes de chacun finissent par compterbeaucoup.Ce que l’on peut faire pour l’environnement, on le fera entantquecitoyens.Sichacunfaitcequ’ilaàfaire,sontravaildecitoyen,onpourrasauverlaplanète.

« Si chacun fait ce qu’il a à faire, son travail de citoyen, on pourra sauver la planète ».Fatima,46ans,ouvrièreintérimaire,vitàVilleurbanne.

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L’action J’ai beaucoup voyagé, beaucoup conduit. J’ai parexemple traversé la Nouvelle-Zélande en voiture etressentiunelibertéincroyable.Jemesuisinstalléenville.Audébut,j’allaisàlafacavecmaCoccinelle.Toutlemondeprenaitalorssavoiturepoursedéplacer.Onpouvaitsegarergratuitementsurlesberges.Puisc’estdevenupayant.J’habitaisdansle6earrondissement,mafacétaitdansle7e.Envélo,je mettais moins de temps. C’était stupide d’y allerenvoiture.Acetteépoque,dans lesannéesquatre-vingt-dix, le vélo était considéré commeun truc basdegamme.Seulslesgensquin’avaientpasd’argentroulaientàvélo.J’ai vendu ma voiture en 2000. Je la prenais trèsrarement, une fois par mois. Elle était souvent enpanne, je n’avais plus trop d’argent et je ne pouvais pas mettre des dizaines d’euros dans un parking.L’entretien coûte cher également, si bien qu’elle était devenueunproblème.Depuissavente,jemedéplaceàvéloenville.J’ai voyagé cet été à vélo, avec un groupe, sur unparcours de trois semaines partant de Mâcon, etpassantparl’Alsace,leDoubs,l’Allemagne,laSuissealémanique,unboutd’Italieet retourenFrance.Cen’étaitpasunexploit sportif,maisunebalade.Nousnoussommesadaptésenfonctiondescirconstances.Nousavonsfait1300kilomètresautotal.

Les freins Ici, les gens ne savent pas comment se conduire avec les vélos : les automobilistes, pourtant bons pères de famille,tefrôlent.Jen’aijamaiseudepépinsmaisilfautêtrevigilant.Ceuxquidisentquec’estdangereuxdevraient faire un petit parcours, trouver le chemin qui leur convient le mieux, regarder comment fontlesautres.Lavilleestunflux,ilfautêtrecommeunefeuillequiseglisse.

Souvent, je fais des trajets en train et vélomais cen’estpasencoretoutàfaitaupoint…Quandletrainarrive, on ne sait pas si le wagon pour les vélos est en têteouenqueuedetrain.J’aifaitcommeçaunLyon-Genève…oncouraitdanstouslessens.

Les bénéfices personnels et collectifs Le voyage à vélo, en groupe, est voyage multi facettes : c’esttrèscooletpascher.Onaessayédedépenserlemoinsd’argentpossible.C’étaitpersonnellementl’unedemespremièresmotivations.Cestroissemainesàvélo m’ont coûté moins de 500 euros. On dépensemoins d’argent qu’en restant à Lyon, tout en se faisant plaisir,ens’offrantdespetitesbouffesaurestaurant.Etpuis,çafaitdubien,onfaitdusport.Je n’aurais pas fait ce voyage seul. Il y a un côtéconvivial, on forme une sorte de caravane, comme unecoloniedevacances.Onretrouvedesvaleursessentielles,notammentdanssonrapportàlaconsommation.Onretrouvebeaucoupdeplaisiretdesimplicité.Onnepeutpasreproduiresesschémasdevieurbaine.C’esttrèslibérateur,onrompt avec nos habitudes, l’appartement, la famille.Onsedétachecomplètementdelavienormale.Onestpartiunpeu«roots»,onnesavaitpassionallaitpouvoirse laver.Onestdevenusdébrouillards.L’année dernière, on s’était lavé dans une fontaine, cequin’empêchaitpaslesfillesdugroupederestercoquettes.En ville, l’utilisation du vélo est différente : pratique, précise.Jepeuxdonnerunrendez-vousà laminuteprès. Je n’ai pas de problème pour me garer, c’estgratuit.Levéloestaussiunemanière formidabledes’approprieruneville.Quandilpleut,j’enfaisavecmonparapluie.AAmsterdamilfaitfroid,ilpleutsouvent,etpourtanttoutlemonderouleàvélo,mêmelesfillesentalons.

►LOISIRS • Débrouillard, pas décroissant

« Tant qu’il y aura des riches comme nous, je ne vois pas la solution au problème du réchauffement climatique. On va peut-être vers une catastrophe, mais je ne crois pas que la société va radicalement changer ».LaurentD.,40ans,touche-à-toutmultiactif,vit et travaille à Lyon 1er.

Laurent D. a commencé à pratiquer le vélo en ville, à Lyon. Puis dans des villes étrangères. Depuis deux ans, il part à vélo pour de longs voyages, en groupe, en France et dans les pays voisins. Il recycle, achète d’occasion.

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Les autres actions J’aivisitéTokyo,NewYork,Milan,envélo.Monplaisir,quand j’arrive dans ces villes, c’est de m’organiser pour trouver un vélo. Ensuite, c’est génial ! A NewYork,lesgensmedisaientquec’étaittropdangereuxdecirculeràvélo.C’estunevilleimmense,tropgrandepour circuler à pied, et, en métro, on ne voit pas grand chose.Envélo,onsebaladeoùl’onveut,onéchappefacilement aux zones trop touristiques, on s’arrêtequandçanousplaît.Etpuisquandontevoitarriveràvélo,tuastoutdesuitel’imaged’unmecsympa.Grâce au vélo, j’ai pu trouver une chambre d’hôte romantique et pas chère, sur une île. Cela m’apermis d’échapper à la ville, cela donne une liberté incroyable.

Les valeurs J’aiaménagémaviedepuis lesannéesquatre-vingtdixafindemelibérerdupoidsdessoucis,del’argent.Je suis issu d’une famille un peu bourgeoise. Magrand-mèreestunpurproduitdesTrenteGlorieuses,ellenecomprenaitpasmadémarche.J’aidescopainsquiontun4X4.Celaprendbeaucoupdeplace,c’estdangereux.C’estunobjetd’individualismetrèstrèspoussé.Enfait,ilsveulentleursalonsurroues.Ilsmedisent : «Nouson faitmarcher lebusiness».La société les encourage. Je pense que la voiturevadevenirunobjetdeluxe,commeunsacHermès.Si l’essence augmente, inexorablement les gens enviendrontauvélo.Levélo,lui,vadevenirunenorme.

Face au changement climatique Je ne prends pas particulièrement en compte lesconsidérations environnementales. Je prends l’avionfacilement,grâceauxlow-cost.Lesdécroissants,ondiraitdesprêtres.Leurproblèmeprincipal,c’estdenepaspolluer.Jefaispartidesdébrouillards.Ons’adapte,onconnaîtnosbesoins.Toutesttropcher,alorsonrécupère,onrecycle,onachètedesproduitsd’occasion.Danslesbrocantes,onpeuttrouverdebellesvestespourdeuxeuros et de bonne qualité, contrairement à ce qu’on trouvegénéralementdanslagrandedistribution.Je pense que l’homme peut trouver des solutions,s’adapter.Cependant, tant qu’il y aura des riches comme nous, je ne vois pas de solution au problème du réchauffement climatique. Plus on s’enrichit, plus on consomme,plusonpollue.Jen’aijamaisvuquelqu’unquiaitdel’argentnepasconsommer,etdoncnepaspolluer.Nosleaderssontaussidessurconsommateurs.Lesgensqui gagnent moins de 1 000 euros par mois polluent peu. Nous, bourgeois, nous avons du sang sur lesmainsdit-on.Enmatièreécologique,c’estpareil.On va peut-être vers une catastrophe climatique,mais je ne crois pas que la société va radicalement changer.

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L’actionJenepeuxpasalleraumarchélematin,jesuistropprisparletemps.Jenevaisplusdansleshypermarchésdepuislongtemps.Ces«templesdelaconsommation»mestressent.Onyvapourachetertroisproduitsetonenrepartavecvingt-cinq.Avant, j’allais au supermarché, et m’en satisfaisais.Il y avait encore un rapport humain, on connaissait les caissières, le fromager qui faisait du fromage à lacoupe.Cequim’agaçait, c’étaitdevoirque lestomates d’Espagne étaient toujours moins chères que les tomates françaises,mêmeenpleinesaison.Cen’estpasnormal,paslogique.Ilyaunproblèmeéconomique.J’aidécouvertlesréseauxcourtsunpeuparhasardetjesuisadhérentàceluideVénissieuxdepuissamiseenplace.J’aideuxenfantsde16et18ans.Unpanierpourdeuxpersonnes,à10euros,noussuffitpourlasemaine.

Les freinsLes adhérents ne viennent pas des Minguettes, cesont plutôt des profils de type enseignants, cadresmoyens.Ilfaudraitarriveràsesortirdelatêtequelesréseauxcourtsnesontréservésqu’auxbobos,balayerlafausseidéequ’ilssontpluschers.

Le système est assez souple. Certes il faut êtredisponible dans un certain créneau horaire pour venir cherchersonpanier,maiscecréneaurestelarge.Parcontre,onnechoisitpascequ’ilyadanslepanier.Celanécessiteunecertaineouvertured’esprit. Ilestsûrque,pourlesgensquisontdifficiles,quin’aimentrien,cen’estpasunbonsystème.

Les bénéfices personnels et collectifsPourmoi,cen’estpasunproblèmedenepaspouvoirchoisir ce qu’il y a dans le panier : j’aime beaucoup de fruits et légumes différents. Cela nous oblige àdécouvrir des légumes qu’on ne connaissait pas forcément.Etj’aimeladécouverte.Jecroyaisnepasaimerlescourges…Monpèren’aimaitpascela,etducoupmamèren’encuisinaitjamais.Grâceauxpaniers,j’ai découvert toute la variété des cucurbitacées : butternut,muscade,potimarron.Enfait,c’esttrèsbonetnosenfantsadorent.Parfois, malgré tout, il y a des trucs bizarres, maisonpeut échanger. Il y aune caisse communedanslaquelleonpeut,parexemple,troqueruncéleri-ravecontre des courgettes…Ce n’est pas plus cher, même plutôt moins, puisque ce sont des produits de saison et qu’on ne rémunère pas d’intermédiaires.Le rapportqualité/prixest trèsbon,

►CONSOMMATION

• Consommer local (et souvent bio)

« Il faut savoir dans quel monde on veut vivre : soit on paye un actionnaire de la grande distribution, soit on paye un paysan pour son travail ».

Raphaël,51ans,photographe,travailleàVénissieux.

Raphaël nourrit sa famille (deux adultes, deux adolescents) avec un panier de fruits et légumes produits par des agriculteurs locaux qui, pour la plupart, sont en culture biologique. Depuis trois ans, il va chercher son panier chaque mercredi, àVénissieux.Unpanier«couple»suffitàlafamille.Raphaëlnourritsafamille(deux adultes, deux adolescents) avec un panier de fruits et légumes produits par des agriculteurs locaux qui, pour la plupart, sont en culture biologique. Depuis trois ans, il va chercher son panier chaque mercredi, à Vénissieux. Un panier «couple»suffitàlafamille.

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leslégumesontdugoût.Enplus,là,j’arriveavecmonpanier,vide,j’enaipourdixminutesetjereparsavecdeslégumespourlasemaine.

Les autres actionsIlyauncompostdans l’immeuble. Ilm’arrived’allery jeter mes épluchures mais j’avoue ne pas toujours avoir le courage et elles finissent pas passer à lapoubelle. Par contre, je suis très rigoureux sur letri, pour respecter les gens qui travaillent dans les déchetteries. A mon niveau, je fais attention auxéconomiesd’énergie, car l’énergie coûte cher.Nousavons, par exemple, changé les robinets, pourinstaller des robinets thermostatiques, qui permettent d’économiserl’eau.

Les valeursJ’ai choisi de m’inscrire dans les réseaux courtspour des raisons politiques : pour faire travailler les producteurslocaux.Jevoulaisretrouveruneéconomieunpeuplus«normale».C’est une sortede retour àune vérité. Ici, quand jedonne dix euros, ces dix euros vont au producteur,etjesuisheureuxdelesluidonner.Quandondonnedixeurosà la caissed’unhypermarché, il yapeut-êtreseulement3,5eurosquivontauproducteur.Unegrandepartiefiledanslespochesdesactionnairesdel’hyper.Ilfautsavoirdansquelmondeonveutvivre:soit on paie un actionnaire de la grande distribution, soitonpayeunpaysanpoursontravail.Onneserendpascomptede lapuissanceque l’ondonne à la grande distribution, aux grands groupesagroalimentaires.Oncontribueàleurpouvoirenleurdonnantdel’argent.EnRhône-Alpes, nous sommesdans un vrai jardin,nous avons tout, tous les fruits, les légumes, à proximité.C’estaberrantdeconsommerdesproduitsquiviennentdeloin.Jesuissurprisparlavariétédesproduits disponibles à moins de cinquante kilomètres decheznous.J’avais aussi envie de revenir à des choses plusnaturelles, dans les rapports humains. Avec cesystème, on connaît les producteurs qui nous livrent, ceque l’onmangeest incarné.Voici les framboisesd’un tel qui est à Saint-Martin en haut… Et là, lescourgettes d’un autre. Ce n’est pas qu’une relationdeconsommateur,declientà fournisseur. Ilyadesrelationsamicalesquisenouent,onsetutoie.J’aimebienmanger, faire lacuisine.Pourmoi, ilestimportant de manger de bonnes choses et de savoir comment ce que je mange est produit. Le fait qu’ils’agisse de produits bios n’a pas été mon souci premier.La laitue,parexemple,n’a rienàvoiraveccelleque l’on trouveà l’hypermarché.Leproducteurm’a expliqué qu’il fallait laisser du temps pour queleslégumespoussent.Etévidemment,unelaituequipousse vite avec plein de produits chimiques, c’est moinsbon.L’autre jour, j’ai épluché mes haricots verts en regardant le début du match de foot, je les ai mis à cuire pendant

lami-temps.Aprèslematch,c’étaitprêt!(Rires).Celaneprendpastantdetempsquecela.Jeviensd’unmilieurural.Quandj’étaisgamin,danslesannéessoixante, il yavaitdesproducteursdansla commune dans laquelle j’habitais. Je retrouveaujourd’hui les légumes que j’avais connus enfant, il y auncôtéMadeleinedeProust.

Face au changement climatiqueIlfaudraitplusderéglementations.Maisilyadifférentslobbies, comme celui des constructeurs de voiture, qui font que les choses ne changeront pas rapidement.Onnefaitrienpourdévelopperleferroutageetlimiterl’utilisation des camions, qui vont du Nord au Sudde l’Europe.Pourquoin’impose-t-onpasauxbusderouler avec des énergies propres ? Il faudrait aussi des mesuresfiscales,calculéessur l’impactdu transportd’un produit. Les produits locaux redeviendraientcompétitifs.Ce que je fais n’est qu’une goutte d’eau mais c’est une actionconcrètemalgrétout.Ilvautmieuxfaireunpetitquelquechosequeriendutout.Peuàpeu,ilyauraunchangementdementalités.

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L’actionJe suis habitante du quartier des Buers. J’ai desenfants en bas âge, c’est comme cela que j’ai connu le centre social où des habitants ont créé un « groupe environnement». Je m’y suis intégrée. Nous noussommesd’abord intéressés à l’eau, à l’énergie, auxbonsgestes.Puislegroupeenvironnementasouhaitéréaliser quelque chose de concret. C’est ainsi ques’est créée cetteAMAP. Le but était de consommerdes légumes de saison sans pesticides, essayer de mangermieux,etrespecternotrepatrimoinenaturel.J’ai toutdesuitedonnémonénergieàceprojet,entant que citoyenne bien sûr, mais aussi parce que j’avaisdutempsàcemoment-là,étantenrecherched’emploi.

Les freinsLa création de l’association n’a pas été évidente, le dossierdifficileàmonter.Nousétionsunpeulargués,mais heureusement, nous avons reçu le coup de main d’une autre AMAP. Je n’imaginais pas quecela demande autant d’énergie, d’implication, et de connaissancesjuridiquessurlescontrats,lesstatuts.Parailleurs,jepenseque,quandonabordeunsujetcomme celui de l’environnement, il faut vraiment avoir debonnesconnaissancespourparticiperaudébat.

Les bénéfices personnelsMa participation au «groupe environnement» aété un enrichissement personnel, un apport de connaissances.Maintenant,jesaisparexemplequelssontlesbonsgestesàavoirpourprotégerlaplanète.Le plus important, c’est d’avoir envie de faire quelque chosepourl’environnement,ensuiteonpeutavancer.Aujourd’hui,jem’ensenscapable.Jemesuisinvestieà100%dansceprojetd’AMAP.J’étais à la recherched’un emploi, isolée, dans unesituationsocialepasévidente.J’avaisl’impressiondeneplusserviràrien.Ceprojetm’aredonnéconfiance.Je redevenais active,même si je ne travaillais pas.Cela m’a ouvert de nouvelles perspectives et offert lemoyendem’ensortir.C’estgrâceàlacréationdel’AMAPquejesuisrevenuedanslavieactive.Les produits sont de bonne qualité et on peut faire la biseauproducteur !On leconnaîtpuisqu’onsevoitchaque semaine, on est forcément dans une relation étroiteavec lui.Lesenfantsaimentmettre lamainà

lapâte,aiderFranck.Maintenant,mesenfantsdisentqu’ils ne veulent plus manger des fruits s’ils ne sont pasdesaison.

Les bénéfices collectifsIl y avait de la convivialité dans nos réunions de préparation pour la création de l’AMAP, la mêmeénergie chez chacun dans le but de faire bouger les chosespourconsommerdifféremment.Celaaétéunvrai travail d’équipe et personne n’avait l’habitude de cetravail.Nousavonsréussi,tousensemble.La création de l’AMAP a enrichi les contacts dansle quartier. Nous avons cassé des préjugés, faitavancerlesmentalités.Icic’estunquartierpopulaire,lesgensvontaumarché,achètentdesplateaux. Ilspensentqu’ilsenontpourdix jours,maisen réalité,ils en jettent lamoitié. Là, on a peut-êtremoins enquantité,maisplusdequalité,celaévitelegaspillage.Financièrement,ons’yretrouve.Pourconvaincrelesautres, j’ai montré qu’avec un panier de légumes par semaine,onpouvaitmangertouslesjours.Dès ledépart, l’objectifétaitdetoucherunecertainecatégoriedepopulation.Nousvoulionsquel’AMAPsoitaussisolidaire.Nousvivonsdansunquartierquin’estpas facile, avec des personnes en grande difficulté.Certainesfamillesontdumalàjoindrelesdeuxbouts.Onafaitensortequ’ilspuissentmangercommeceuxqui ont un peu plus de moyens, en leur permettant de payerenplusieursfoisparexempleouenréglantenespèces.Nousnevoulionspasquecespersonnessesentent freinées.C’est ladifférenceavecuneAMAPd’unquartierchic.

Les valeursJeme suis impliquée aussi pourmontrer que notrequartier est dynamique, vivant, et ainsi en donner une imagepositive.Onn’imaginepasque,dansunquartiercomme le nôtre, il y a en fait beaucoup de gens qui sont sensibles aux questions d’environnement, quifont les bons gestes au quotidien, comme à l’école de Château Gaillard, qui a mis en place le « cartable vert » etadespanneauxsolaires.Avec l’AMAP, je voulais retrouver le rythme dessaisons. Dans ce système, il y a un côté familial,comme si on allait chercher ses légumes chez papy et mamie.Lesfraisesnousontrappelélesgoûtsd’antan.C’estdevenuunritueld’allercherchersonpanier.

« Quand tu respectes la terre, tu respectes les gens ».Fernanda,41ans,assistantedeviescolaire,vitàVilleurbanne.

Fernanda a participé à la création de l’AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), du quartier des Buers, un quartier « sensible » à Villeurbanne. Cette AMAP existe depuis un an et demi. Elle s’appelle « 0 la bonne franckette », du nom du producteur, un jeune agriculteur en cours de conversion bio, Franck.

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Certains vont à la campagne chercher leurs légumes chez le producteur du coin, nous, nous les avons au centre social ! Et puis, en mangeant des produits sans pesticides, on préserve notre capital santé.Les légumes sont frais, ils n’ont pas subi de long transport.Avec ce réseau, nous ne sommes plus dans lecommerce, on ne manipule pas d’argent. On arriveavecsonpanier,vide,etquandonrepart,ilestplein.Pas besoin de savoir ce qu’il y a dans notre porte-monnaie. On ne se rend pas compte de la chancequel’onad’habitersurcetteplanète.J’aiunerelationparticulièreàlaterre,àlacampagne,entantquefilledepaysans.Quandons’occupedelaterre,ellenouslerend.Toutvientd’elle.Jeveuxquemesenfantsgrandissentbien,qu’ilsaientdesvaleursautresquecellesdecemondematérialiste.Lanatureestquelquechosedeprécieuxàprotéger.Ilfautinculquercelaauxenfants:lavaleurdelaterre,lerespectdelanature.Quandturespecteslaterre,turespecteslesgens.

Face au changement climatiqueNous avons travaillé sur le réchauffement climatique dans les ateliers du groupe environnement. Celam’inquiète, cela m’angoisse. On ne sait pas quelleplanèteonvalaisserauxenfants,s’ilnevapasyavoirunjourunmanqued’eau.Quandonécoute lesmédias,onest perdus.Onnesaitpluscequ’ilfautfaire,quoipenser.Ilfautchangernos comportements au quotidien pour préserver la planète, mais comment agir vraiment ?

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L’actionJ’ai effectué mes études dans l’humanitaire, ledéveloppement, et ai été amené à me poser la question desavoirsiuneautreéconomieétaitpossible.JesuisdevenusociétairedeLaNefilyaquatremois.J’avaisunpeud’argent.Maislepeuquej’avais,jenevoulaispasqu’ilseretrouvesurlesmarchésboursiers.J’étaisdanslamêmebanquedepuisdesannées.Mabanquièrem’aditquecelan’existaitpas,quecen’étaitpaspossible.Elleétaitpourtantassezouverte,nousavonsdiscutéunmoment.Elleareconnuquelesproduitsfinanciersappelés«développementdurable»étaientdesproduitsessentiellementmarketing.La crise financière m’a également motivé. On a dumalàfairelelienentrelacrisefinancièreetnous.Etpourtant, cette crise vient aussi de l’utilisation que l’on afaitdenotreargent.

Les freinsAu niveau administratif, c’est sûr que c’est assezennuyeuxàfaire.Nousavonstouspleind’occupationsplus intéressantes que l’entretien des relations avec notrebanque.Aufinal,l’ouvertureducompteetl’envoidesRIBauxdifférentesstructuresdoitprendreenvironunejournée.Cen’estpassicontraignant…

Les bénéfices personnels et collectifsJeressensunecertainefiertéd’avoirmisenpratiquequelquechosequimetitillaitdepuis4ou5ans.C’estquelque chose de personnel, qui m’appartient, et je suiscontentdel’avoirfait.Jenesuispastrèsàl’aisepourenparler:pourmoi,l’argentn’estqu’unoutil.Dansmon entourage, cette démarche a été relativement bienperçue.Lesgensaimentcetteidée.Jemesuissimplementengueuléavecdeuxcopainsquipensentque cela ne sert à rien, qui ne voient pas le lien entre lesfinancesetnotreéconomie.

Les valeursAu-delà du soutien à des projets écologiques etsolidaires, je voulais surtout savoir où allait mon argent, or ce suivi est totalement impossible dans le système bancaireclassique,où iln’yapasde traçabilité.Cen’est pas grand chose mais si chacun fait un geste, lesbanquesserontobligéesdechanger.Leurbutestquandmêmed’avoirdesclients.La Nef a aussi mis en place une démocratie participative,avecdesgroupeslocaux.Jen’ysuispasencoreallémaisauniveaudelathéorie,c’estgénial.

Les autres actionsJe fais également partie de deuxAMAP, l’une pourles légumes, l’autre pour le fromage. Cela aide unagriculteuràvivre,mêmesilesAMAPneleursuffisentpas. C’est un système peu contraignant et celamepermet de manger des légumes pas chers qui ont du goût.C’estuneautrefaçondeconsommer.Ceciétant,cela ne m’empêche pas d’utiliser aussi les services de lagrandedistributionsurInternet.Jen’aiplusdevoituredepuisqu’elleest tombéeenpannel’anpassé.Auquotidien,enville,jen’enaipasbesoin.Jemesuisarrangéavecdescopainsquienont une ; on se partage les frais et je m’organise pour pouvoirl’utiliserlesweek-ends.

Face au changement climatiqueJe n’ai pas peur. Je ne pense pas qu’on va tousmourir dans cinq ans. Pour moi, le problème duréchauffement climatique est surtout le signe des abus denotresociété.Faceàl’industriepétrochimique,parexemple,c’est l’Etatquidevraitagir.Maislesgestesduquotidiensontimportants.Levéritablechangementne peut pas venir des lois, mais de l’addition de petites choses.JepensesouventàcettephrasedeGandhi:«Soyezvous-mêmeslechangementquevousvoulezvoirdanslemonde».Cettephrasem’atoujourssuivi.

►CONSOMMATION

• Transformer ses euros en billets “verts”

« La crise financière vient aussi de l’utilisation qu’on a fait de notre argent ».

Benjamin,27ans,musicien,vit et travaille à Lyon 1er.

Benjamin a quitté la banque dans laquelle il avait un compte depuis 15 anspourrejoindreunesociétécoopérativedefinancessolidaires,qui investitdansdes projets éthiques et écologiques. Il n’a pas de voiture et se fournit dans une AMAP.

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58 - « Héros ordinaires »

Au cours du repérage des initiatives citoyennes sobres en carbone, nous avons eu connaissance de démarches, travaux et sources complémentaires. Les voici indiqués.

- Les grands lyonnais pour le climat

A la demande de l’Ademe, l’agence locale de l’énergie de l’agglomération lyonnaise (ALE) a récemment lancé un appel aux habitants du Grand Lyon, volontaires pour diminuer d’au moins 30 % de leurs émissions de gaz à effet de serre.Cette démarche s’appuie sur le site www.leclimatentrenosmains.org, édité par le magazine suisse La revue durable. Selon les dernières statistiques, le groupe « les grands lyonnais pour le climat » compte déjà 43 « héros ordinaires », engagés dans différentes actions. Ce site dispose d’un calculateur simple d’émissions de gaz à effet de serre, des conseils pratiques, une plate-forme d’échanges entre citoyens.

Contacts :La Revue durable : Sylvia Generoso, chef de projet le climat entre nos [email protected] : Yvan Bidalot, chargé de mission [email protected]

- Les groupes action CO2 (ou groupes action énergies)

L’idée est née en Grande-Bretagne en 2006 avec les Carbon Rationing Action Groups. Elle a essaimé en Suisse deux ans plus tard. Le but est d’aider les particuliers à réduire leur consommation d'énergie « de manière efficace et enthousiaste », grâce au partage d’expérience, et à la motivation collective. Le groupe se retrouve lors de « soirées énergies », où sont échangés des trucs et astuces pratiques. Chaque participant s’engage à diminuer d’au moins 1 % sa dépense énergétique tous les ans.Il n’existe pas de groupe de ce type à Lyon.

Contact :http://www.groupeactionco2.com/Laurent HorvathComba 9CH-1616 Attalens - SuisseTél.:[email protected]

POUR ALLER PLUS LOIN : quelques pistes

- Une étude en cours sur les économies d’énergies chez les ménages précaires

L’observatoire social de Lyon, avec Hespul et le Pact Rhône, mène depuis novembre 2008 et pendant deux ans, une étude sur les représentations liées à la dépense énergétique auprès des ménages en difficulté, dans le cadre d’un programme expérimental « énergie et précarité » dans le Rhône.L’objectif : « saisir les obstacles et leviers à l’intégration de pratiques économes en énergie au quotidien, chez les ménages précaires ».

Un état des lieux intermédiaire a été présenté en juin dernier :http://www2.ademe.fr/servlet/getBin?name=9ED22B8FB64FD41AA5B7C413446659661246543889112.pdf

Contact :Stéphanie PERRETObservatoire social de Lyon19, rue d’Enghien69002 [email protected]

- Les travaux de la sociologue Chantal Derkenne sur les résistances au changement

Chantal Derkenne, sociologue, travaille au service économie de l’Ademe. Elle a présenté en 2006, lors d’une réunion du groupe « Facteur 4 », une étude très intéressante sur les comportements des consommateurs d’énergie, leur point de vue sur l’effet de serre et les moyens de réduire leurs émissions de GES (document reproduit ci-après).

Quelques liens vers la lettre de l’Ademe :http://www.ademe.fr/htdocs/publications/lettre/97/reperes.htmhttp://www.ademe.fr/htdocs/publications/lettre/99/reperes.htmhttp://www.ademe.fr/htdocs/publications/lettre/105/reperes.htm

Contact :Chantal DerkenneTél. : 02 41 20 43 [email protected]

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