hépatite c et psychologie
TRANSCRIPT
Effets psychologiques et comportementaux de
l’hépatite C et de son traitement
Aymery Constant
Maitre de conférences
EHESP
Hépatite C
Maladie chronique virale asymptomatique
Transmission parentérale (transfusion, toxicomanie IV,
nosocomial)
Prévalence: 600 à 650 000 personnes infectées en France
Évolution lente (plusieurs dizaines d’années)
cirrhose: 20% des cas
Hépato carcinome: 5% des cas
Hépatite C et troubles psychologiques
10-40% des patients infectés sont dépressifs
Baisse significative de la qualité de vie comparé à population
contrôle
Perturbations cognitive subcliniques
Tension, anxiété, confusion, douleur (une seule étude)
symptômes non corrélés aux lésions hépatiques: « effet de
label », patients avec antécédents psychiatrique, fatigue
Hépatite C et troubles psychologiques
Maladie globalement silencieuse
Pas de risque vital à court ou moyen terme
Les patients vivent une vie normale sans savoir qu’ils ont malades
La détection vient en général d’un test suite à:
- Des facteurs de risque (toxicomanie…)
- Des transaminases élevées
Analyse
En quoi les l’infection par le VHC constitue un sujet
d’étude novateur pour le psychologue de la santé ?
(comparativement à d’autres pathologie)
Analyse
En quoi les l’infection par le VHC constitue un sujet
d’étude pertinent pour le psychologue de la santé ?
(comparativement à d’autres pathologie)
En l’absence de symptômes, seules les perceptions
associées à la maladie peuvent expliquer la baisse de la
QDV.
Exemple d’application:
Etude des perceptions liées à l’hépatite chronique C
Gravité perçue de la maladie
Stress perçu du diagnostic
Objectifs de l’étude
Apprécier la gravité perçue du VHC par les patients et le
stress perçu lors du diagnostic
Déterminer les facteurs psychologiques et biologiques
pouvant influencer ces perceptions
Patients
Tous les patients VHC+ (ARN VHC +) vus entre Juin et Septembre 2002
dans les 2 services d’hépato-gastroentérologie:
Sans co-infection (VIH, VHB)
• Sans co-morbidité menaçant le pronostic vital
• Ne présentant pas de troubles de la compréhension ni d’obstacle
linguistique
Méthodes: stress et gravité perçue
Evaluation à l’aide d’échelles visuelles analogiques:
du stress engendré par la découverte du VHC par rapport à 4 autres événements de vie anxiogènes*
(décès, divorce, licenciement, déménagement)
de la gravité perçue de l’hépatite C par rapport à 4 autres maladies courantes
(sida, cancer, diabète, HTA)
*Paykel et al. Archives of General Psychiatry, 1971; 25: 340-7.
Méthodes: stress et gravité perçue
Licenciement : Peu ou pas stressant
Extrêmement stressant
Divorce/rupture sentimentale : Peu ou pas stressant
Déménagement : Peu ou pas stressant
Découverte de l’hépatite C : Peu ou pas stressant
Décès d’un proche : Peu ou pas stressant
Extrêmement stressant
Extrêmement stressant
Extrêmement stressant
Extrêmement stressant
Méthodes: profil psychologique
STAI (Spielberger State-Trait Anxiety Inventory) mesurant la prédisposition anxieuse (20-80)
Monitoring-Blunting Questionnaire**
évaluant les stratégies d’ajustement informationnel dans une situation aversive
permettant de classer les patients en: Vigilants (monitorer) : recherchant activement l'information Évitants (blunter): évitant l’information anxiogène
*Spielberger. Palo Alto: Consulting Psychologists Press Inc, 1983.**Muris et al. Personality and Individual Differences, 1994;17: 9-19
Caractéristiques des 185 patients
Age (ans)Sexe (H/F)Niveau éducatif
Sans diplômeBEPCBacEtudes supérieures
Statut maritalCélibataire/divorcé/veufMariéConcubinage
45±11 (19-82)111/74
22 (13%)80 (45%)35 (19%)42 (23%)
57 (31%)92 (50%)35 (19%)
Caractéristiques des 185 patients
Maladie hépatique (n=169)F0-1F2F3F4
Traitement (n=182)Jamais traitésDéjà traitésTraitement en cours
39 (23%)83 (49%)19 (11%)28 (17%)
73 (40%)50 (27%)59 (33%)
Caractéristiques des 185 patientsprofil psychologique
Anxieté Trait (20-80)
MBQScore de vigilance (0-100)Score d’évitement (0-100)
45±11 (22-80)
67±16 (22-100)
41±20 (0-97)
Vigilants forts (n=33) Evitants (n=34)
Vigilants faibles (n=118)
Sources d’information
Médecin généraliste 73% Médecin spécialiste 65% Presse 44% Télévision 33% Internet 21% Brochure du ministère 20% Entourage 16% Associations de malades 5%
Relation entre gravité perçue et traitement
TRAITEMENT
0
2
4
6
8
10
Non Traités En cours Déjà Traités
ns
Modèle explicatif de la gravité
Gravité perçue
Age 0,17
Info. spécialiste
-0,19
Vigilance 0,24
Evitement -0,16
• 6 variables expliquent 31% de la variance totale de la gravité perçue• R= 0,58; R²= 0,33; R² ajusté= 0,31; F= 13,45; p<0,001
Modèle explicatif du stress
• 3 variables expliquent 37% de la variance totale de la gravité perçue• R= 0,62; R²= 0,38; R² ajusté= 0,37; F=26,01; p<0,001
Stress perçu Gravité perçue 0,41
Anxiété-trait
0,28
Vigilance 0,17
Conclusions • L’information médicale influence significativement la
perception de la maladie
• Mais toutes les sources d’information ne se valent pas (le spécialiste a un effet plutôt rassurant)
• La recherche active d’information a un effet « aggravant », surtout chez les personnes anxieuses et les femmes. Sujet important dans un contexte où les nouvelles technologies rendent accessibles toutes sortes d’informations liées à la santé (pas tjrs fiables)
Objectifs de l’étude
Apprécier la gravité perçue du VHC par les patients et le stress perçu
lors du diagnostic
Déterminer les facteurs psychologiques et biologiques pouvant
influencer ces perceptions
Patients
Tous les patients VHC+ (ARN VHC +) vus entre Juin et Septembre 2002
dans les 2 services d’hépato-gastroentérologie:
Sans co-infection (VIH, VHB)
• Sans co-morbidité menaçant le pronostic vital
• Ne présentant pas de troubles de la compréhension ni d’obstacle
linguistique
Méthodes: idées reçues
Auto-questionnaire sources d’information concernant l'hépatite C impact de l'hépatite C sur leurs habitudes de vie
sexuelles alimentaires et consommation d'alcool et de tabac
perception des symptômes perception des risques évolutifs de l’hépatite C motivations prépondérantes pour entreprendre un
traitement antiviral
Perception du risque évolutif
93% des patients craignaient l‘évolution de leur maladie vers un cancer du foie
61% considéraient l’hépatite C comme une maladie
toujours grave
25% considéraient une guérison spontanée possible
Conclusions L’annonce du diagnostic de l’hépatite
Chronique C est un événement de vie majeur, qui peut avoir des conséquences psychologies mais également comportementales
Les comportements adoptés spontanément n’ont aucun intérêt médical et peuvent affecter la qualité de vie
Rôle crucial de l’information médicale, surtout chez les personnes plus vulnérables
Résultat des traitements antiviraux:une décennie de progrès
0%
20%
40%
60%
80%
100%
PEG-IFN+Riba12 mois
6%
19%
43%39%
56%
% d
’ér
adic
atio
n v
ira l
e
1989 1994 1998 2000 2001
IFN+Riba12 mois
PEG-IFN12 mois
IFN 6 mois
IFN 12 mois
TraitementBi thérapie: Interféron alpha PEG et Ribavirine
Durée du traitement Réponse virologique
1,4 48 semaines 30-40%
2,3 24 semaines 80%
Génotype
Enjeu majeur: l’observance
ÞLimite: Effets secondaires importants du traitement
ÞParadoxe maladie silencieuse/traitement aversif
Traitement: effets secondaires psychologiques
Première cause d’arrêt prématuré du traitement: 10-20%
Dépression:
la pathologie psychiatrique la plus fréquente (traitement préventif?)
Grande variabilité d’une étude à l’autre (de 1 à 52%)
Incidence réelle des épisodes dépressifs?
Épisodes maniaques, pulsions meurtrières, irritabilité et labilité émotionnelle sont décrites ponctuellement
Cas isolés et rares de tentatives de suicides
Auteurs
Fattovich et al.
Davis et al.
Kraus et al.
Renault et al.
Castéra et al.
Keeffe et al.
Dieperink et al.
Horikawa et al.
McHutchinson et al.
Hauser et al.
Otsubo et al.
Miyaoka et al.
Patients
11,241
172
121
58
33
632
42
99
456
39
85
66
Dépression
1 %
6 %
11,5 %
12 %
12 %
18 à 26 %
23 %
23,4 %
25 à 37 %
33 %
37,3 %
44 %
Outils utilisés
Non précisé
Estimation subjective
DSM-IV +HAD+ SCL-90-R
SCL-90-R
DSM-III-R + MADRS
Non précisé
HDRS + BDI + SDS
DSM-IV+HDRS
Estimation subjective
DSM-IV + BDI
DSM-III-R + HDRS
DSM-III-R + HDRS
Suivi psychiatrique
prospectif
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Année
1996
1998
2002
1987
2002
1997
2003
2003
1998
2002
1997
1999
% de dépression au cours du traitement par IFN
Limites méthodologiques (1)
La pertinence et la sensibilité des outils utilisés pour le diagnostic de dépression est très variable d’une étude à l’autre.
La plupart ont utilisé un examen clinique non standardisé ou bien la réponse à des questionnaires ou des échelles, outils qui, pour la dépression, sont de faible valeur descriptive et diagnostique.
Étude
Population étudiée:
patients naïfs infectés par le VHC
Débutant un traitement par interféron-PEG et Ribavirine
Sans traitement actuel par antidépresseurs
âgés de 18 à 75 ans
Acceptant de participer à l’étude (consentement éclairé)
Mesures
Variables
Antécédents psychiatriques familiaux Entretien Binaire
Nombre d’EDM passés DSM-IV 0 à 10
Anxiété-trait* STAI-T 20 à 80
Anxiété-état STAI-E 20 à 80
Fatigue état BFI 1 à 10
Intensité des troubles dépressifs MADRS 0 à 60
Outils Étendue
* Indique une mesure unique en pré-traitement
Biais attentionnel STROOP
Biais mnésique AMT
Caractéristiques des 97 patients inclus
Sexe (H/F) 50/47
Age (ans) 4612
Mode de contamination
Transfusion 36 (37%)
Toxicomanie 26 (27%)
Nosocomial 35 (36%)
Traitement antiviral
PEG-IFN (1,5 µg/kg/sem) + Ribavirine (800-1200 mg/j)
24 semaines 46 (46%)
48 semaines 51 (52%)
ATCD psychiatriques personnels (dépression) 34 (34%)
Problèmes psychiatriques à S12 (3mois)
Nature des problèmes psychiatriques à S12 (MINI DSM-IV)
États mixtes 14 (42%)
Manie/hypomanie irritable
33 (34%)
Délai de survenue
Entre S0 et S4 8 (21%)
Entre S4 et S12 25 (66%)
19 (58%)
Dosage de la charge virale après douze semaines de traitement
Négative
Positive
ND
75 (77%)
17 (18%)
5 (5%)
Description des effets de douze semaines de traitement
Entre S12 et S24 5 (13%)
Après S24 0
Moment du traitement
Sans troubles psychiatriques
Troubles Psychiatriques
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
Semaine 0 Semaine 4 Semaine 12
Score MADRS
Patients:
Évolution de la symptomatologie dépressive
Le syndrome dépressif
Symptômes affectifs
tristesse apparente
tristesse exprimée
tension intérieure
Symptômes neurovégétatifs
Réduction de l’appétit
Réduction du sommeil
Difficultés de concentration
Lassitude/fatigue
Symptômes cognitifs
Pessimisme
Perte d’intérêt
Idées suicidaires
Évolution de l’intensité dépressive
Symptômes neurovégétatifs
Réduction de l’appétit
Réduction du sommeil
Difficultés de concentration
Lassitude/fatigue
« Le comportement de maladie »
Sans trouble induit
Trouble induit diagnostiqué
DSM-IV:
Analyse dimensionnelle: symptômes affectifs
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Tristesse apparente
0
1
2
3
4
SO S4 S12
Tristesse exprimée
0
1
2
3
4
5
S0 S4 S12
Tension intérieure
Analyse dimensionnelle: symptômes neurovégétatifs
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Réduction du sommeil
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Réduction de l’appétit
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Troubles de la concentration
S0 S4 S12
0
1
2
3
4
5Asthénie
1
Sans trouble induit
Trouble induit diagnostiqué
DSM-IV:
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Perte de ressenti
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Pessimisme
0
1
2
3
4
S0 S4 S12
Idées suicidaires
1
Analyse dimensionnelle: symptômes cognitifs
Sans trouble induit
Trouble induit diagnostiqué
DSM-IV:
20
25
30
35
40
45
50
55
semaine 0 semaine 4 semaine 12
Sans troubles psychiatriques
Troubles psychiatriques
Patients:
Scores STAI -Y Évolution de l’anxiété
Moment du traitement
1
2
3
4
5
6
7
8
semaine0 Semaine 4 Semaine 12
Score BFI
Évolution de la fatigue
Sans troubles psychiatriques
Troubles psychiatriques
Patients:
Variables:
Patients sans troublepsychiatrique PN= 64 (66%) N= 33 (34%)
SexeHommes 35 15
Femmes 29 18 ns
Age 47.5 ±12.7 4 3.9 ± 11..3 ns
Modes de contamination
Transfusion 26 10Toxicomanie intraveineuse 12 14Autres 26 9 0.05
Troubles psychiatriques induitsPar douze semaines de traitement
Groupes:
Statut marital
Seul(e) 20 12En couple 44 21 ns
Activité professionnellenon 34 13Oui 30 20 ns
Abus d’alcool (Selon les critères du DSM-IV)
Non
Oui
57 27
7 6 ns
Antécédents socio-biographiques
Variables:
Patients sans troublepsychiatrique
PN= 64(66 %) N= 33 ( 34 %)
Durée de contamination (n=90) 18.8± 7.3
Génotype viral
1 et 4 33 19
2 et 3 31 14 ns
Troubles psychiatriques induitsPar douze semaines de traitement
Groupes:
Activité virale (n=85)
0-1 (minime) 14 7
2-3 (modérée à forte) 42 22 ns
Fibrose hépatique (n=85)
1-2 (minime à modéré) 35 21
3-4 (sévère et cirrhose) 21 8 ns
ASAT (n=92) 62.0 ± 39.9 58.5 ± 35.9 ns
ALAT (n=92) 102.3 ± 80.3 95.7 ± 64.0 ns
Charge virale (en LogUI /ml) (n=88) 5.5 ± 0.8 5.3 ± 0.8 ns
16.1± 9.0
Antécédents médicaux
ns
Variables:
Patients sans troublepsychiatrique
PN= 64(66 %) N= 33 (34 %)
Antécédents psychiatriques (DSM - IV)
Non 30 16
Oui 11 17 0.006
Variables psychologiques à l’inclusion
Symptômes dépressifs ( MADRS ) 4.3±4 .3 10.8± 10.1 0.001
Anxiété trait ( STAI -Y) 34.4± 9.2 46.7±12.8 0.001
Anxiété état (STAI - Y) 30.3±9.3 41.8 ±13.8 0.001
Fatigue habituelle (BFI) 2.9± 2.1 3.8 ± 2.3 0.05
Troubles psychiatriques induitsPar douze semaines de traitement
Groupes:
Antécédents psychiatriques familiaux
Non 52 20
Oui 12 13 0.03
Nombre d’EDM passés (DSM - IV) 0.6 ±1.5 2.6 ± 3.3 0.001
Antécédents psychologiques
MADRS
Semaine 12Semaine 0
MADRS
STAI-T
STAI-E
BFI
0,38**
-0,21*Durée de contamination
AgeDétresse
psychologique
Comportement
de maladie
Antécédents psychiatriques familiaux
NBEDM
MADRS
Semaine 12Semaine 0
Détresse
psychologique
Comportement
de maladie
Durée de contamination
Age
Antécédents psychiatriques familiaux
0,28**
0,22*
0,21*MADRS
STAI-T
STAI-E
BFI
NBEDM
Semaine 12Semaine 0
Durée de contamination
Age
Antécédents psychiatriques familiaux Tension intérieure
MADRS item3
0,32**
0,23*
0,19*
MADRS
STAI-T
STAI-E
BFI
NBEDM
Semaine 12Semaine 0
Durée de contamination
Age
Antécédents psychiatriques familiaux SF-20
Qualité de vie psychologique
Qualité de vie physique-0,44**
MADRS
STAI-T
STAI-E
BFI
NBEDM
Semaine 12Semaine 0
Durée de contamination
Age
Antécédents psychiatriques familiaux SF-20
Qualité de vie psychologique
Qualité de vie physique
-0,26**
-0,21*
-0,32**
MADRS
STAI-T
STAI-E
BFI
NBEDM
Conclusions• La prévalence des troubles psychiatriques induits est élevée
• Tous les problèmes psychiatriques sont des troubles de l’humeur qui
apparaissent en majorité dans les trois premiers mois de traitement
• La manie irritable constitue une part importante des troubles
• Le syndrome dépressif induit est caractérisé par une composante
irritable qui le distingue de la dépression « classique »
• Les patients « à risque » présentent une vulnérabilité pré-traitement
caractérisée par une prédisposition à l’anxiété.
Recommandations• Nécessité d’un suivi psychologique régulier au cours du traitement
• Utilisation d’outils psychologiques validés
• Outils diagnostiques pour tous les troubles de l’humeur et anxieux
• Un traitement préventif par antidépresseurs semble peu approprié
pour ce type de patients
• Un suivi post-traitement semble nécessaire