harmonie magazine sommaire n° 54 2005 édito éditorial harmonie magazine n° 54 2 harmonie :...

64
HARMONIE Magazine n° 54 1 éditorial ABONNEMENT (3 numéros), port compris : France : 23 € • Europe : 27 € • Autres pays : 28 € 15, AVENUE DU BÉARN 33127 MARTIGNAS-SUR-JALLE (FRANCE) TÉL. : 05 56 21 48 62 Courriel : [email protected] HARMONIE Magazine édito SOMMAIRE n° 54 2005 Editorial ............................................................. 1 COSMOS : The deciding moments of your life, Different faces, Live ................................................................ 2 ANGE : Point d’interrogation ou sans titre (?) .................... 5 MAN OF FIRE : Habitat ........................................ 6 STEVE HACKETT : Metamorpheus ........................... 7 STEPHEN STILLS : Man alive ! ............................... 8 EXODE : D’ici et d’ailleurs ........................................ 9 DREAM THEATER : Octavarium ............................... 10 BEYOND TWILIGHT : Section X .............................. 11 HOUSE OF NOT : Sexus ....................................... 12 PAIN OF SALVATION : Be ................................... 14 FIABA : I recconti del giullare cantore ............................. 16 KLAUS SCHULZE .............................................. 18 FREAK KITCHEN : Organic .................................... 19 PORCUPINE TREE : Deadwing et Warsawa .................. 20 RUSSEL ALLEN’S : Atomic Soul .............................. 21 PROCOL HARUM : DVD Live in Copenhague ................. 22 KAIPA : Mindrevolutions ............................................ 23 SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE : Mental torments 24 SHADOW GALLERY : Room V ............................... 26 APRÈS LA VAGUE : ProgAID, The tsunami projekt .......... 27 LIVE : PROG’SUD 2005 ................................ 28 5 e HORIZONS ROCK ...................................... 30 DVD .............................................................. 31 RICK WAKEMAN • SBB • DJABE • SIMPLY RED • GOUVEIA ARTROCK • BERNIE TORMÉ • THE STRAT PACK • JETHRO TULL • COLLAGE • PHIL COLLINS • TRAVIS • DAVID BYRNE • PROGFEST 2000 • IQ • INSIDE • DI MEOLA-PONTY-CLARKE • ERIC CLAPTON • SANITY • EMERSON, LAKE AND PALMER CHRONIQUES CD...................................................... 41 HIDRIA SPACEFOLK • ARIES • IN NOMINE • CLOUX • FRIPP AND ENO • JAMES LABRIE • NOVACT • PARALLEL MIND • PHAESIS • THE RUNNING MAN • SHAUN GUERIN 44 • WITHOUTENDING • SEBASTIEN FROIDEVAUX • ALCOOLS • DJABE • MAURY E I PRONOMI • EGG • INCRY • K 2 • GERARD • XSAVIOR • KHAN • BARCLAY JAMES HARVEST • LITTLE ATLAS • KINO • YEZDA URFA • CONTRAPUNTTO 48 PROJECT • ROOT • SIGN • LAC PLACIDE • STEVE THORNE • VAN DER GRAFF GENERATOR • AZOTH • EAST OF EDEN 52 • CINEMA • GIORGIO LIBERA • FINISTERRE • L’IMPERO DELLE OMBRE • QUATERSTORM • OVERHEAD • TAPROBAN • GIANCARLO ERRA NO SOUND• JASUN MARTZ • META- MORPHOSIS • FRAME SHIFT • EVERGREY • BROTHER APE 56 • NOVOX • STYX • LA MASCHERA DI CERA • U I BLUE • AM’GANESHA’N • DICE • THE 21ST CENTURY GUIDE TO KING CRIMSON • BLACK BONZO • JINETES NEGROS • ZAAL • MAGELLAN • WISHBONE ASH • UNDER THE SUN 60 • AT WAR WITH SELF • CARAVAN • RUNAWAY TOTEM • TROY DONOCKLEY AND DAVE BAINBRIDGE • ROBERT PLANT • TUNNELS • PRIME MOVER ALIAS DRIVKRAFT • SOULGRIND • LANA LANE • GROOVECTOR • LITTLE 64 KING PRIX AU NUMERO : 7 LA RÉDACTION Ont participé à ce numéro : Ph. Arnaud, D. Descamps, Ph. Gnana, J.C. Granjeon, B. Pourcheron, J.L. Putaux, R. Sérini, B. Versmisse, Ch. Zampol. Conception couverture : A. Robert Logo HARMONIE : H. Borbé Un tout nouveau dictionnaire du rock, abondamment diffusé, prend en considération le rock progressif, au milieu des autres genres, et ne descend pas en flammes les groupes « historiques » du genre. C’est assez habituel pour Magma, King Crimson ou Van Der Graaf qui ont toujours échappé à l’ire des chantres de la « pensée musicale unique » – ceux qui voient dans le progressif une parenthèse stérile et ridicule entre les ébats psychédéliques et la libération punk. Mais ici, plus surprenant, Yes se voit crédité d’une « ampleur musicale » importante au début des années 70, Genesis est bien défini, et il y a même un article – assez neutre – sur Marillion. Peu à peu, donc, l’Histoire joue son rôle et rend à chacun ce qui lui est dû ; il aura fallu plus de vingt-cinq ans de haine de la critique rock « officielle », mais, enfin, on en sort. Quant à l’actualité, elle est étonnante : The Musical Box fait salle comble à l’Olympia pour un voyage – jouissif, certes – dans le temps deThe lamb lies down on Broadway », Van Der Graaf sort de sa tombe. Et tout à leur joie de remonter le temps, les amateurs de progressif laissent mourir – audit progressif en tout cas – le festival de Sarlat. Et si les critiques haineux avaient raison ? Et si le progressif n’était qu’une musique « de salon », étrangère au rock et à sa sueur, à l’urgence « live » du rock ? Non, pourtant : ces dernières années les groupes prog’ qui ont brûlé les planches l’ont fait souvent avec leurs tripes, avec puissance et énergie, plus même que leurs glorieux aînés. Ils n’ont pas le public qu’ils méritent, c’est tout, et nous l’avons souvent dit ici. Découvrez, faites découvrir les groupes d’aujourd’hui, encouragez-les, soyons tournés vers l’avenir, pas vers une nostalgie régressive et stérile. Le titre du nouvel album de Van Der Graaf est Present. Dont acte ! Dépôt légal : 2 e trimestre 2005

Upload: phungkhanh

Post on 20-Jun-2018

245 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 541

éditorial

ABONNEMENT (3 numéros), port compris :France : 23 € • Europe : 27 € • Autres pays : 28 €

15, AVENUE DU BÉARN 33127 MARTIGNAS-SUR-JALLE (FRANCE)TÉL. : 05 56 21 48 62

Courriel : [email protected]

HARMONIE Magazine

éditoSOMMAIRE n° 54 • 2005

Editorial ............................................................. 1

COSMOS : The deciding moments of your life, Different faces, Live ................................................................ 2 ANGE : Point d’interrogation ou sans titre (?) .................... 5MAN OF FIRE : Habitat ........................................ 6STEVE HACKETT : Metamorpheus ........................... 7STEPHEN STILLS : Man alive ! ............................... 8EXODE : D’ici et d’ailleurs ........................................ 9DREAM THEATER : Octavarium ............................... 10BEYOND TWILIGHT : Section X .............................. 11HOUSE OF NOT : Sexus ....................................... 12PAIN OF SALVATION : Be ................................... 14FIABA : I recconti del giullare cantore ............................. 16KLAUS SCHULZE .............................................. 18FREAK KITCHEN : Organic .................................... 19PORCUPINE TREE : Deadwing et Warsawa .................. 20RUSSEL ALLEN’S : Atomic Soul .............................. 21PROCOL HARUM : DVD Live in Copenhague ................. 22KAIPA : Mindrevolutions ............................................ 23SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE : Mental torments 24SHADOW GALLERY : Room V ............................... 26APRÈS LA VAGUE : ProgAID, The tsunami projekt .......... 27

� LIVE : PROG’SUD 2005 ................................ 28 5e HORIZONS ROCK ...................................... 30

� DVD .............................................................. 31 RICK WAKEMAN • SBB • DJABE • SIMPLY RED • GOUVEIA ARTROCK • BERNIE TORMÉ • THE STRAT PACK • JETHRO TULL • COLLAGE • PHIL COLLINS • TRAVIS • DAVID BYRNE • PROGFEST 2000 • IQ • INSIDE • DI MEOLA-PONTY-CLARKE • ERIC CLAPTON • SANITY • EMERSON, LAKE AND PALMER

� CHRONIQUES CD ...................................................... 41 HIDRIA SPACEFOLK • ARIES • IN NOMINE • CLOUX • FRIPP AND ENO • JAMES LABRIE • NOVACT • PARALLEL MIND • PHAESIS • THE RUNNING MAN • SHAUN GUERIN 44 • WITHOUTENDING • SEBASTIEN FROIDEVAUX • ALCOOLS • DJABE • MAURY E I PRONOMI • EGG • INCRY • K2

• GERARD • XSAVIOR • KHAN • BARCLAY JAMES HARVEST • LITTLE ATLAS • KINO • YEZDA URFA • CONTRAPUNTTO 48 PROJECT • ROOT • SIGN • LAC PLACIDE • STEVE THORNE • VAN DER GRAFF GENERATOR • AZOTH • EAST OF EDEN 52 • CINEMA • GIORGIO LIBERA • FINISTERRE • L’IMPERO DELLE OMBRE • QUATERSTORM • OVERHEAD • TAPROBAN • GIANCARLO ERRA NO SOUND• JASUN MARTZ • META- MORPHOSIS • FRAME SHIFT • EVERGREY • BROTHER APE 56 • NOVOX • STYX • LA MASCHERA DI CERA • U I BLUE • AM’GANESHA’N • DICE • THE 21ST CENTURY GUIDE TO KING CRIMSON • BLACK BONZO • JINETES NEGROS • ZAAL • MAGELLAN • WISHBONE ASH • UNDER THE SUN 60 • AT WAR WITH SELF • CARAVAN • RUNAWAY TOTEM • TROY DONOCKLEY AND DAVE BAINBRIDGE • ROBERT PLANT • TUNNELS • PRIME MOVER ALIAS DRIVKRAFT • SOULGRIND • LANA LANE • GROOVECTOR • LITTLE 64 KING

PRIX AU NUMERO : 7 €

LA RÉDACTION

Ont participé à ce numéro :Ph. Arnaud, D. Descamps, Ph. Gnana, J.C. Granjeon,

B. Pourcheron, J.L. Putaux, R. Sérini, B. Versmisse, Ch. Zampol.

Conception couverture : A. RobertLogo HARMONIE : H. Borbé

Un tout nouveau dictionnaire du rock, abondamment diffusé, prend en considération le rock progressif, au milieu des autres genres, et ne descend pas en flammes les groupes « historiques » du genre. C’est assez habituel pour Magma, King Crimson ou Van Der Graaf qui ont toujours échappé à l’ire des chantres de la « pensée musicale unique » – ceux qui voient dans le progressif une parenthèse stérile et ridicule entre les ébats psychédéliques et la libération punk. Mais ici, plus surprenant, Yes se voit crédité d’une « ampleur musicale » importante au début des années 70, Genesis est bien défini, et il y a même un article – assez neutre – sur Marillion. Peu à peu, donc, l’Histoire joue son rôle et rend à chacun ce qui lui est dû ; il aura fallu plus de vingt-cinq ans de haine de la critique rock « officielle », mais, enfin, on en sort.

Quant à l’actualité, elle est étonnante : The Musical Box fait salle comble à l’Olympia pour un voyage – jouissif, certes – dans le temps deThe lamb lies down on Broadway », Van Der Graaf sort de sa tombe. Et tout à leur joie de remonter le temps, les amateurs de progressif laissent mourir – audit progressif en tout cas – le festival de Sarlat. Et si les critiques haineux avaient raison ? Et si le progressif n’était qu’une musique « de salon », étrangère au rock et à sa sueur, à l’urgence « live » du rock ? Non, pourtant : ces dernières années les groupes prog’ qui ont brûlé les planches l’ont fait souvent avec leurs tripes, avec puissance et énergie, plus même que leurs glorieux aînés. Ils n’ont pas le public qu’ils méritent, c’est tout, et nous l’avons souvent dit ici. Découvrez, faites découvrir les groupes d’aujourd’hui, encouragez-les, soyons tournés vers l’avenir, pas vers une nostalgie régressive et stérile. Le titre du nouvel album de Van Der Graaf est Present. Dont acte !

Dépôt légal : 2e trimestre 2005

Page 2: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 2

Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée par une lé-

gende comme Pink Floyd ?Daniel : Reto et Olivier sont de grands fans de Pink Floyd depuis le lycée. Aux tous débuts du groupe ils se sont aperçus qu’ils avaient la faculté de composer des chansons dans une veine similaire de celle du Floyd des seventies ou des eighties. Mais c’est aussi un fait que la musique de Pink Floyd semble être l’un des fondements commun à tous les membres ayant été impliqués dans le groupe un jour ou l’autre.

Harmonie : En quelques mots quelle est l’histoire de Cosmos ?Daniel : Le groupe a été formé aux alentours de 1990. Il s’appelait alors Glacier Eagles. C’est au moment de l’enregistrement du premier album que celui-ci est devenu Cosmos. Durant de nombreuses années, le groupe a été formé de 8 à 9 membres, écumant tout ce qui ressemblait à une scène dans la partie ouest de la Suisse. Malheureusement, en 1998, des problèmes entre plusieurs membres du groupe ont provoqué un split temporaire. La plupart des musiciens qui composaient le groupe à l’époque ont alors cessé toute activité musicale à l’exception d’Olivier, de Heiko et de la choriste Regula Kamber qui est aussi l’auteur de plusieurs textes pour l’ancienne comme pour la nouvelle mouture de Cosmos. En 2000, Olivier et Heiko ont formé un groupe du nom d’Eclipz avec un batteur de la région. Ils cherchèrent également à recruter un claviériste mais sans trouver la personne qu’ils désiraient jusqu’à ce que j’intègre le groupe en 2001. Lentement, nous avons rebâtis un line up complet puis écrit de nouvelles chansons. Enfi n comme Reto a fi ni par réintégrer son groupe, nous avons décidé de nous plongé dans le monde de Cosmos.

Harmonie : Peux-tu nous en dire plus à propos de la conception du premier album ?Daniel : C’est intéressant d’entendre que le

premier album sonne comme un concept album (NDLR : visiblement, il a mal interprété le sens de la question mais la réponse est cependant intéressante). Il n’y a cependant pas de lien conceptuel entre les textes. En fait, à la fi n de l’enregistrement, en 1994, il fallut bien sûr trouver un ordre pour les chansons et c’est alors qu’ils eurent l’idée de faire le lien d’un titre à l’autre au travers d’une fi ction. Certains intitulés de chansons durent même être modifi és. Voilà toute l’histoire derrière ce concept.

Harmonie : Sauf, si je me trompe, il me semble que Different faces n’existe qu’à l’état de démo CD. Il contient pourtant de l’excellent matériel. Pourquoi ne pas l’avoir commercialisé, où y a-t-il une chance qu’il le soit prochainement ?Daniel : En 2003, nous avons juste enregistré les chansons sur lequelles nous travaillions depuis deux ans sans aucune intention de les rendre disponibles pour autant. Nous avons enregistré aussi bien nos propres compositions que les re-prises que nous avions l’habitude de jouer. Nous avions assez de matériel pour un double album mais avons fi nalement opté pour un simple, comme ça, juste pour le fun. Different faces est néanmoins un bel album mais c’est un produit non fi nalisé. Des chansons comme Internal voices et Where tanks are rolling today ont subi d’importants changements et développements après l’enregistrement de Different faces. Nous avons l’intention de réenregistrer une partie de ce matériel pour notre prochain véritable album studio prévu pour le début 2006.

Harmonie : Quelles sont selon toi les princi-pales différences entre ces deux albums ?Daniel : Les chansons de Different faces sont plus longues, plus complexes, moins immédiates, tu peux appeler cela du progressif aussi. Cela représente l’évolution naturelle de Cosmos.

Harmonie : Pourquoi tout ce temps entre les deux ?Daniel : Tu sais, c’est très diffi cile de fi nancer un album dans un studio professionnel. Nous avons tous nos

jobs à côté de la musique et parfois, trouver le bon moment pour les sessions d’enregistrement, est un vrai casse-tête. Et puis, après le split de 1998, il a fallu rebâtir un nouveau line up, écrire de nouvelles chansons, réapprendre le vieux matériel et étudier les chansons de Pink Floyd dont nous désirions faire la reprise.

Harmonie : Peux-tu nous en dire plus à propos des nouveaux membres du groupe, Silvia et toi-même ?Daniel : Silvia a rejoint le groupe à l’automne 2003 en remplacement de Regula Kamber, la choriste d’origine. Elle a apporté de la fraîcheur au son du groupe grâce à sa voix puissante et passionnée. A l’école, elle a chanté comme soliste dans un chœur gospel et, durant son enfance, elle a aussi appris à jouer de la fl ûte et un peu de clavier. Mais sa passion, c’est le chant. Elle est aussi le plus jeune membre du groupe. Comme je l’ai dis, j’ai rejoint le groupe au début de l’été 2001. J’ai dû remplacer deux claviéristes, ce qui fut un sacré challenge. Mais, fi nalement, je suis très à l’aise au sein de ce groupe. Je n’ai pas écrit beaucoup jusqu’en 2003 mais depuis je suis devenu un membre important de l’équipe de composition. Dans ma jeunesse, j’ai participé à un groupe avec mon frère. Nous jouions une musique proche du néo-prog mais, au bout d’une dizaine d’année, j’en ai eu assez, je voulais passer à autre chose.

Harmonie : Com-ment est venue l’idée de l’album et du DVD live ?Daniel : Nous avons eu la chance de pou-voir jouer au festival Rugenrock d’Interlaken

Si, avec l’entrée dans le XXIe siècle, le concept de base du célèbre feuilleton de science-fi ction Cosmos 1999 est un peu tombé en désuétude, il n’en est pas de même de la musique de ce groupe suisse du même nom que nous avons

découvert récemment. C’est avec l’un des derniers arrivés parmi l’équipage de ce nouveau vaisseau progressif que nous nous sommes entretenus pour en savoir plus sur ce fi ls caché d’un des papes du genre, j’ai nommé Pink Floyd !

Page 3: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 543

après un warm-up gig, en mars 2004. Daniel Michel de la société Showtech, une boite spé-cialisée dans l’organisation de concerts, nous a beaucoup aidé en nous donnant la possibilité d’avoir un light show gigantesque et d’offrir une prestation scénique démesurée. Nous n’avions pas les moyens fi nanciers d’assurer seul un tel concert mais Daniel Michel nous a présenté cela comme une sorte de cadeau. Nous ne saurons jamais les remercier assez, lui et toute son équipe. Pour la création du light show, Reto et Daniel ont travaillé ensemble consultant des vidéos et des revues sur les performances scéniques de Pink Floyd afi n de tenter de produire quelque chose de similaire. Reto a été la force créatrice derrière tout cela et il avait tout imaginé dans sa tête. Une fois que la possibilité d’avoir un light show spécial a été entérinée nous avons pensé que c’était une bonne opportunité pour enregistrer un DVD.

Harmonie : Le DVD sonne très professionnel. Comment avez-vous préparé ce concert à Interlaken et son enregistrement ?Daniel : C’est assez incroyable que le résultat soit si professionnel car, en fait, nous n’avons pas vraiment eu la possibilité de préparer ce concert. L’équipe de tournage, les ingénieurs du son et le groupe ne s’étaient jamais rencontrés avant pour des répétitions. Et je dois dire que nous étions plutôt nerveux ce soir-là mais, fi nalement, tout s’est très bien passé !

Harmonie : Quels souvenirs gardes-tu de cet événement ?Daniel : Personnellement, j’ai pris du plaisir à chaque minute de cette nuit-là et je n’ai jamais revécu de telles sensations depuis. Et je crois qu’il en est ainsi pour tous les membres du groupe. Non, vraiment, ce show à Interlaken fut fantastique.

Harmonie : Si je te dis que votre musique est plus en connection avec la « light side » de la musique de Pink Floyd par opposition à la « dark side » (où en d’autres mots plus Gilmour que Waters), est-ce que tu es d’accord ?Daniel : Sur le fait que nous ne pouvons écrire des textes tels qu’en écrit Roger Waters, je suis d’accord. Mais si tu écoutes des chansons comme Where tanks are rolling today tu reconnaîtras que nous savons aussi approcher la « dark side ». Reto et Olivier sont des admirateurs des chefs- d’œuvre que Waters a écrit pour les albums The Wall, Dark side of the moon ou Animals. Ils ont aussi pas mal écouté ses albums solos comme The pros and cons of Hitchhiking et Amused to death. Et il y a aussi le fait que Reto chante dans un style proche de Gilmour et Olivier plus dans celui de Waters.

Harmonie : Vos reprises ne sont pas des copies carbones des originales (ce qui est une bonne chose à mon goût). Pensez-vous qu’il soit important d’apporter quelque chose de

COSMOSTHE DECIDING MOMENTS OF YOUR LIFE1995 - DFP music - Suisse - 44 min 58

DIFFERENT FACES2003 - Démo CD - Suisse - 74 min 12

LIVE CD & DVD2004 - Suisse - 71 min 07

Y a-t-il assez d’espace dans la galaxie prog pour une nouvelle comète ? Un ovni qui atterrit aujourd’hui sur nos platines en provenance de la Suisse germanique et qui, à moins que vous n’ayez, à l’époque, mis la main sur leur premier album paru en 1995, ne dira probablement rien à la plupart d’entre vous ; tout comme il ne me disait rien avant que le boss ne m’envoie leur disco-graphie en vue de cet article. Un groupe qui comme l’annonce clai-rement la bio, cherche à retranscrire l’esprit de la musique de la légende Pink Floyd, sans être pour autant un simple cover band. Pourquoi les honneurs d’une couverture pour un « petit » groupe s’ins-pirant ouvertement d’un géant comme le Floyd, pourriez-vous penser ? Eh ! bien parce que c’est aussi notre rôle que de mettre en valeur des artistes ne bénéficiant pas d’une grande cou-verture médiatique mais surtout parce que leur approche ou leur rendu de la musique de Pink Floyd (Cosmos interprète à la fois des reprises et un répertoire personnel) sont vraiment des plus réussis et des plus fidèles à l’esprit et à la tradition. Alors, certes, le futur de la musique ne se trouve pas ici mais devant l’incertitude de celui-ci, ça fait du bien d’avoir des valeurs auxquelles se raccrocher. Cosmos n’est pas naît du dernier big-bang puisque les origines du groupe remontent au début des années 90. Fondé par le batteur Reto Iseli, il s’appelait alors du curieux

patronyme de Glacier Eagles ! Une première démo en 1993 puis Cosmos se lance dans le grand bain avec un premier album enregistré fin 1994 et publié en 1995 sur le label DFP music. A l’époque, le groupe comprenait outre Reto Iseli, le guitariste chanteur Olivier Maier, le bassiste Heiko Garrn, une chanteuse du nom de Regala Kamber et deux claviéristes : Tom Kohler (orgue et synthés) et Benj Allenbach (piano et synthés). Comme les tensions internes touchent autant les petits que les grands, le groupe se sépare en 1998, Oli Maier et Heiko Garrn poursuivant l’aventure de leur côté sous le nom d’Eclipz. Mais, en 2003, le groupe se reforme avec le retour de son fondateur Reto Iseli et voit l’arrivée de Daniel Eggenberger aux claviers et de Silvia Thierstein au chant. C’est à cette époque qu’est

enregistré le démo CD Different faces. Ce qui nous amène à nous intéresser à eux, aujourd’hui, c’est la pa-rution simultanée d’un CD et d’un DVD live enregistrés en 2004, au festival Move to Rugenrock d’Interlaken, en Suisse. Ce CD et ce DVD reprennent exactement le même programme, soit une prestation d’une heure dix composée majoritaire-ment d’extraits de Different

faces, de trois reprises du Floyd et de deux inédits. Le DVD présente uniquement ce show, aucun bonus n’est présent, en revanche la qualité est au rendez-vous. Le son et l’image sont de très bonne qualité et, dans l’ensemble, c’est plutôt bien filmé et monté même si, parfois, on nous montre le ciel en plein solo ! Cosmos y délivre une prestation de belle facture où rien n’a visiblement été laissé au hasard, cela se sent. Les cinq musiciens évoluent en nocturne (c’est un open air) sur une scène plutôt spacieuse et ils ont cherchés, toutes proportions gardées, à retranscrire une scène à l’image de leurs idoles et maîtres. On y trouve donc un écran circulaire placé au centre et entouré d’un arc de lights du plus bel effet. Ingénieur du son et technicien lumière y font du bon boulot. Le son

différent lorsque l’on joue des reprises et est-il diffi cile de changer un solo ou d’ajouter des parties sans pour autant briser le feeling originel de la chanson ?Daniel : Il est très diffi cile de reproduire à l’identique de tels originaux sur scène à seu-lement quatre musiciens. Il y a donc une sorte de compromis pour les jouer de façon plus « light ». Mais beaucoup de gens nous ont dit que nous avions la faculté de remplir un certain espace sonore. Certaines parties des solos sont très proches des originaux surtout au niveau des guitares. Mais je dois avouer que le facteur

plaisir pur est plus grand si tu as la possibilité d’ajouter ta propre personnalité dans une reprise. Mais nous n’avons pas la prétention d’améliorer les compos de Pink Floyd, nous les jouons juste à notre manière.

Harmonie : Est-ce que vous avez des périodes ou des albums de Pink Floyd préférés ?Daniel : Notre album favori en commun est Dark side of the moon. Reto aime aussi The Wall et The fi nal cut. Olivier préfère l’atmosphère des albums live comme Pulse ou Delicate sound of thunder et personnellement mes favoris sont

(suite page suivante)

Page 4: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 4

est très clair et l’on peut apprécier à la fois les chorus enfiévrés de la guitare d’Olivier Maier et les nappes d’orgue et de synthés de Daniel Eggenberger que la basse bien ronde d’Heiko Garrn et la batterie électronique de l’imposant Reto Iseli. Quant aux jeux de lumières, ils ha-billent très habilement la musique comme ces jolis mélanges orange/mauve ou rose/blanc sur Electronical rival. C’est sur un autre joli fond bleuté que la guitare d’Oli Maier déchire l’atmosphère au son de l’intro de Shine on you

crazy diamond qui débouche sur le très bon In

the dark of the night dont l’accélération finale peut s’apparenter à celle de Money. Cosmos déroule ensuite trois ou quatre autres extraits de la démo de 2003 dont l’émouvant Tell me. Ils sont trois à se partager le micro en chœurs ou en solo. C’est le batteur Reto Iseli qui officie par exemple sur l’entraînant Internal voices qui sonne parfois un peu new wave années 80 et l’inédit Lonesome wanderer nous offre l’occasion d’apprécier la belle voix de Silvia Thierstein. Far away, rescapé du premier album, permet à Oli Maier de se mettre en valeur. Son jeu de guitare fluide, proche évidemment de celui de Gilmour, est un pur régal et son solo sur ce morceau n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il s’en sort notamment magnifiquement bien sur le pavé Confortably numb présenté dans une version légèrement raccourcie par rapport aux versions live du Floyd. J’aime également beaucoup son superbe solo final à la talk box sur le quasi instrumental Electronical rival. Le show s’achève avec deux autres « tubes » de Pink Floyd. Tout d’abord une excellente version de Another brick in the wall. Niveau sonorités, on s’y croirait et les écrans géants diffusent même la vidéo du clip. Puis Run like hell, assez fidèle également mais où les vocaux sonnent un peu trop forcés. Quoiqu’il en soit, une très bonne prestation et un live que l’on a envie de se passer en boucle.

Comme je vous le disais, le CD démo Different

faces sert en partie de support à ce concert. Hormis le fait que l’on sente qu’il n’a pas bé-néficié d’un mixage final (un son de batterie un peu plat notamment), c’est un album qui sonne très bien. Tout au long des treize titres qui le compose (dont trois reprises), Cosmos y délivre une musique donc très inspirée par Pink Floyd mais surtout très agréable à écouter. Une musique fluide, mélodique à chaque instant et qui vous apporte la sérénité même quand le propos se fait plus grave comme sur Tell me qui s’inspire de la tragédie du 11 septembre. Celles et ceux qui désespèrent d’un nouvel album du géant anglais (onze ans depuis The divison bell !) peuvent s’intéresser à Cosmos. On n’ira pas jusqu’à dire que le niveau d’inspiration atteint les niveaux stratosphériques du maître mais on y retrouve ces sonorités de guitares et d’orgue, ces arrangements, ces voix multiples qui sont les marques de fabrique du Floyd plutôt côté Gilmour par opposition à la face plus sombre, au côté obscur de la force, symbolisé par Waters. Niveau reprises, on retrouve de nouveau Confortably

numb (meilleure en live) et le diptyque Brain

damage/Eclipse échappé de Dark side of the

moon. Le reste est constitué de compositions personnelles. La palme revient au début de l’album avec le très joliment construit Tell me. Une semi ballade qui ouvre le disque en douceur avec de fort jolis duos de voix masculines et féminines, un superbe solo de Olivier Maier et une fin aux claviers qui mêle bruits d’avion et d’explosion en rapport avec le thème abordé. Suit un Different faces à la mélodie vocale typique du Pink Floyd des seventies, on se croirait au milieu de Wish you

were here. Then just call me est un mid tempo mélodique bien relevé par son solo de claviers et In the dark on the night qui utilise l’intro de Shine on you

crazy diamond, une excellente composition dynamique et floy-dienne en diable. Une très forte coloration que l’on retrouve sur Where tanks are rolling today avec ses sonorités d’orgue vraiment typique et son solo de guitare épique. Le reste, sans être désagréable, est un rien en dessous. Moments est un morceau très calme basé sur les claviers qui peut rappeler certains titres de Saga du même type. Eclipsed est un titre à dominante instrumentale assez planant et je trouve The fog et I stayed just because of you assez banals. Quant à Internal voices, il passe mieux en live.

Enfin revenons sur le premier album dont on peut par effet miroir apparenter le titre à celui de A mo-

mentary lapse of reason. Comme quoi Cosmos pousse le mimétisme parfois assez loin. C’est là aussi un fort bon album très bien joué et produit qui présente une musique assez similaire mais peut-être un tantinet moins élaborée que sur la démo de 2003. D’ailleurs, l’album ne dure que 45 minutes pour onze titres. Pas de reprises de Floyd, cette fois. L’album assez calme alterne des ballades souvent confiées au piano et aux synthés comme The deciding moments of

your life, Where is yourself, When the bird flies

down south ou Just a little pinprick à la construc-tion typiquement floydienne avec son piano, ses sons d’orgue, ses voix doublées et son chorus de guitare qui arrive après le premier refrain, avec des morceaux légèrement plus rythmés comme le très bon Far away qui figure sur le concert de 2004, Nightmare au swing discret qui raconte le doux cauchemar de la vie de rock star et I wonder emmené par la guitare. Notons également deux instrumentaux ou assimilés, New beginning et Voice of nature, qui offrent de belles mélodies au piano où à la guitare sèche nappées de synthés vaporeux. Cosmos possédait là une jolie carte de visite que les dissensions internes ont un peu tuée dans l’œuf. Souhaitons que la parution du live et du DVD permettent à ce sympathique et talentueux groupe suisse de prendre un nouvel envol vers les cieux étoilés de l’excellence progressive. Soyez sûr que de notre côté nous allons les suivre et vous tenir au courant de leur évolution.

Didier Descamps

Animals et Wish you were here. Enfi n je pense que Silvia n’est pas autant attirée par Pink Floyd que nous pouvons l’être, nous autres, musiciens.

Harmonie : Justement, Pink Floyd est-il la principale infl uence de chacun d’entre vous ?Daniel : Non, pas du tout. Je préfère Genesis, Yes et Marillion et Heiko écoute énormément de rock période seventies. Silvia est plus fan de pop music et de chanteuse à la voix puissante

comme Anastacia.

Harmonie : Com-ment choisissez-vous les chansons de Pink Floyd que vous allez repren-dre et quelles sont celles que vous aimeriez jouer ?Daniel : Ce sont Reto et Olivier qui choisissent en pre-mier lieu mais cela ne veut pas dire que le reste du groupe n’est pas profondé-ment impliqué dans la décision finale. Personnellement, j’aimerais beaucoup essayer des titres comme Dogs, Sheep, Sorrow, Welcome to the machine ou encore Hey you.

Harmonie : La Suisse est plus connue pour ses groupes de hard

rock dans le style ACDC (comme Krokus, Gotthard ou Shakra) que pour ses groupes de rock progressif. Est-ce qu’une vraie scène progressive existe et est active en Suisse ?Daniel : La scène progressive suisse est plutôt petite. Il y a quelques individus isolés comme moi qui essayent de garder ce style vivant à travers le temps. Je m’occupe avec deux amis d’un site Web www.proggies.ch. Pendant deux ans, j’ai été impliqué dans l’association de rock progressif suisse Progsol mais, en défi nitive, je n’avais pas le temps de vraiment m’y investir. Il y a néanmoins quelques formations vraiment talentueuses comme RAK, Sapphire ou Clepsy-dra. Mais ce qui est désolant, c’est de voir que tous ces groupes ont plus de succès à l’étranger que dans leur propre pays ! (NDLR : ça ne vous rappelle pas un autre pays limitrophe ?)

Harmonie : Et pour fi nir, quels sont vos projets dans un futur immédiat ?Daniel : Nous envisageons d’enregistrer un album studio basé sur notre démo CD Different faces et le matériel du live album en vue d’une sortie internationale. Puis, peut-être, sortir un single et nous étudions également la possibilité de donner des concerts à l’étranger, surtout en Europe.

Didier Descamps

COSMOSTHE DECIDING MOMENTS OF YOUR LIFE, DIF-FERENT FACES, LIVE CD & DVD (suite)

Page 5: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 545

De retour… Il nous l’avait promis pour le printemps 2005, il a tenu parole pour une fois. Le 2 mai très exactement. C’est vrai que Ange et la ponctualité n’ont pas toujours fait bon ménage mais, à chaque fois, ça valait la peine d’attendre. Seulement voilà, en allant trop vite (oui, quand Ange est à l’heure, c’est qu’il a été trop vite, vous me suivez ?), Christian Décamps a oublié de mettre un titre au nouvel opus ! Poussant même la plaisanterie en laissant l’acheteur choisir son titre et lui laissant la place au dos du digipack pour y mettre le sien (n’importe lequel de préférence comme il est stipulé). A vrai dire, le Père avait laissé le libre arbitre à son public de fidèles regroupés au sein du Pied dans la Marge, l’organe fédérateur de cette horde mouvante qui suit Ange depuis bientôt trente-cinq ans. Un sondage autour de cinq titres que l’on retrouve d’ailleurs disséminés au sein de l’album. Jazzouillis, Mémoires d’outre rêve

devenu Histoires d’outre rêve, Sous hypnose, Les

naufragés du Zodiaque et Reflux d’aubes tempérées

alias Passeport pour nulle part. Un titre était arrivé en tête bien sûr mais le Père, pour des raisons qui lui sont propres, a préféré laisser le fan faire son choix personnel en dernier ressort, laissant au fidèle Phil Umbdenstock le soin de dessiner une pochette qui donnera encore son nom à l’album dans dix ou vingt ans, ce sera le ?, oui le point d’interrogation. D’ailleurs, les fans contactés l’appellent tous ainsi. Aucun n’a voulu lui donner le titre qu’il s’était choisi…

Alors qu’en est-il ? On attendait ce nouvel album depuis 2001 et le dernier Ange en date, Culinaire Lingus emportait déjà le nouvel Ange, l’ex-Décamps & Fils vers d’autres rivages, d’autres sons, d’autres sen-sations… Ce Point d’interrogation bénéficie comme son prédécesseur, d’une production très couillue, un son très fort et distinct, clair et puissant où la voix de Christian jaillit des enceintes et feule, cajole, éructe, saisit l’auditeur en pleine poire. Elle ne change pas cette voix, elle met toujours le frisson au creux de la nuque, peut-être juste un poil plus sensuelle mais ce sont les thèmes qui veulent ça, certainement. D’autant plus qu’il n’est plus le seul à chanter, depuis La voiture

à eau, le Père laisse ses fils prendre de l’envergure. Comme des oiseaux poussés hors du nid, Tristan Décamps et Caroline Crozat voire Hassan Hajdi, non contents d’emmêler leurs organes mêlés au gré de chœurs exquis ou de pousser une tirade bienvenue entre deux souffles du Père, prennent la parole avec une assurance rageuse, gage d’un avenir radieux. La diversité qui s’ensuit permet à cet Ange protéiforme de voler toujours plus loin, toujours plus haut, vers d’autres territoires musicaux qu’il aurait été incongru d’imaginer encore il y a dix ans, l’intermède Martine Kesselburg n’étant que le fait d’une simple choriste ! Ces horizons musicaux mettent également à profit les talents d’Hassan Hajdi ou du nouveau venu dont c’est la première participation à un album d’Ange, le batteur Benoît Cazzulini, déjà vu sur de nombreux concerts auparavant. Ange n’hésite plus à vaporiser de senteurs aux arômes diffus, certaines compositions à

l’évidence réalisées ensemble, le groupe au complet, comme les nombreuses pho-tos de la Noiseraie le montrent avec ostentation dans le journal du groupe, Plouc Magazine. Le Père n’agit plus comme un roi en démocratie, ce qu’il se plaisait à évoquer au temps de Fou !

Quand les glorieux anciens tentaient un retour réussi au premier plan. L’âge et la sagesse inhérente à cet état inéluctable ont conduit Christian Décamps à répartir

les pouvoirs au sein d’un Ange dont la moyenne d’âge laisse augurer quelques belles surprises d’ici l’an 2010 et plus !

Prenons la belle Caroline, arrivée sur la pointe de ses pieds d’Esmeralda, gitane posée sur scène un beau jour pour ne plus quitter la bande à Mandrin… Elle tient, aux côtés du Père, un rôle évident et absolu de frontwoman que le Père, avec un plaisir évident, lui laisse tenir pour le meilleur et pour le rire ! Sur ce disque, sa voix a encore franchi un échelon dans la puissance et ses intonations rugissantes ou vaga-bondes magnifient une musique où Tristan tient une place importante, on sent depuis Culinaire Lingus, la touche du fils, il a apposé sa marque, son style dans l’élaboration musicale. Un sérieux rafraîchissement qui s’installe tranquillement et sculpte avec délicatesse les nouvelles orienta-tions angéliques, plus aventureuses, moins évidentes, en tout cas plus jamais naïves. Ange est devenu au fil des années passées et ce, depuis La Voiture à

eau, un vrai gang de rock, certes capable des plus belles envo-lées progressives (le mot est lâché) mais l’apport d’idées nouvelles et de sang frais dans les compositions, ont dirigé le vétéran de la scène française vers la sérénité que seule la longévité du Père ne peut expliquer ! On sent avec ce second album des années 2000 que l’Ange, longtemps qualifié d’immortel, restera le phénomène unique du rock en France et pas seulement par sa révélation des années 70 mais aussi pour ses métamorphoses, son pouvoir de caméléon musical tout en respectant une certaine idée de l’idéal humain, un humanisme parfois dépité mais où la tendresse tente toujours de percer le bout de la barbichette, celle du Père et depuis quelques temps, celle aussi du Fils ! Le fil conducteur reste l’amour et la lutte contre la connerie, sous quelque forme d’expression qu’elle soit…

Quant à ce Point d’interrogation en lui- même, explorons-le à tâtons… Christian démarre avec le Couteau suisse, un titre où sa voix à peine trafiquée, donne le La de l’œuvre, sa prose nous remet dans le bain de suite. On retrouve avec émotion ces évocations à tiroirs typiques du Père : « Je suis un couteau suisse, la queue en tire-bouchon »… « l’âme multifonctions »… « à zèle déployé »…

Déjà les premiers jeux de mots, ceux qu’on attend avec la même délectation fébrile à chaque nouveau disque, on n’est pas déçu, ils sont moins évidents et d’autant plus percutants.

Le premier objet d’émotion et de beauté arrive vite avec Ricochets que chante Tristan, une belle et triste histoire d’Afghane voilée « beauté assassinée à contre Coran »… On y découvre des plages de claviers à l’ancienne, exécutés avec malice par un Tristan, des choses soyeuses qui ont le goût des anciennes mélodies, la guitare acoustique du Père s’accorde avec précision sur cette première perle. Et la furia électrique du soliste Hajdi pour élever le morceau au final. L’émotion et la beauté encore juste après avec Histoires d’outre rêve, une introduction digne des meilleurs groupes de jazz-rock des mid seventies et ça démarre, un Christian pressé pour une histoire de papa clown qui veut partir, décoller loin des cons, encore être le moustique au cul des éléphants ! Et les premiers breaks pour un titre à la durée conséquente, autorisant ces cassures de style et de rythme (9 min 39). Pas d’ironie, juste une tristesse sous-jacente, une déception à peine voilée, une guitare qui arrache tout au milieu, l’Ange de scène quoi ! Un titre qu’on sent taillé pour l’exercice : « J’irai tagger sur les cons des graffitis d’étoiles »… et Hassan qui déchire le rideau de la douceur désabusée.

Puis J’aurais aimé ne pas t’aimer, une chanson qu’on aurait aimé fredonner à certaines personnes au cours de sa vie, à celles (ou ceux) qui vous ont lâché sans parachutes pour se crasher la gueule sur le pavé, en manque d’amour ! On retrouve avec exaltation le Christian qui vous raconte sa petite histoire rien que pour vous, celle qui vous touchera ineffablement. Une évocation du passé : « Tous ces pièges à cœur qui nous chagrinent », la « désabusion » comme disait Nino Ferrer !! Le cœur à corps et le duo Christian/Caroline, enlevé, exalté, acharné, les deux compères

se livrent un duel « nos corps-fusion recto-verso s’aimantent au lit » et un rythme facile, les deux plus belles voix, les plus chaleureuses en tout cas du rock français s’évitent, s’affrontent, se recouvrent, nous laissent pantelants. Puis Christian nous

délivre un de ces chants de désespoir mélancolique comme lui seul sait le faire depuis Schéhérazade ou

Sur les grands espaces bleus avec une orchestration basée sur des nappes embrumées. Sa voix rajeunit, reprend jusqu’aux intonations des années 80, un apitoiement sympathique qui n’est pas sans évoquer l’album Tout feu tout flamme de 1987 et la tristesse qui habitait alors notre Père spirituel à tous ! Les eaux

du Gange se déroulent, boueuses en apparence, limpides sur le fond. « Un jour, je partirai, un jour, je m’en irai, libre et solitaire »… S’ensuit le Naufragé

du Zodiaque et son thème astral pour 9 min 12 de rock fusion marqué par l’esprit hendrixien d’Hassan Hajdi et sa guitare volcanique, son complice Thierry Sidhoum bosse sa basse avec toute la rondeur et le groove qu’on lui connaît. Un petit air de Red Hot Chili Peppers épicé et un radical changement de direction pour réveiller les fans qui aiment quand l’Ange se déchaîne, se défonce. Mais les cassures révèlent la douceur sous l’écorce rugueuse et les claviers de Tristan assurent un lit brûlant, un véritable magma supportant la lave « hadjiesque » que Christian a la bonne idée de laisser s’écouler avec un chant qui

angeArtmedia/Wagram - France - 2005

Pointd’interrogation

ou sans titre (?)

ANGE 2005

Photo : Steve perceval/Jarodprod.com

Page 6: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 6

Les Américains sont vraiment très doués pour proposer des groupes de grande qualité (Echolyn, Izz, Bubblemath, parmi d’autres), à tel point que c’est toujours de ce côté du prog

que j’attends une étincelle nova-trice. Mais d’où sor t donc Man On Fire ? Et bien les mauvais élè-ves retardataires, comme moi, se précipiteront sur le n° 50 et la chro-nique de l’album précédent, The

Undefined Design (2003), signée Philippe Arnaud. Je le pille sans vergogne : «(...) Il est clair que ce

groupe utilise la puissance comme un ingrédient, parmi d’autres dans la composition d’une musique complexe et sophistiquée, à la fois directe et accessible pour les mélodies vocale, et foisonnante dans les arrangements et les ambiances.» Tout ceci s’applique parfaitement à Habitat, le troisième album enthousiasmant de Man On Fire. Si en lisant qu’Adrian Belew tient les guitares, vous craignez d’entendre une musique tor turée et expérimentale, il n’en est rien. Habitat se déguste sans difficulté. Si Man On Fire n’est pas un groupe foufou comme Bubblemath, Shaolin Death Squad ou Land of Chocolate, il prend plaisir à ajouter des éléments surprenants dans un contexte pop-prog que n’auraient pas renié Giraffe et Kevin Gilbert. Enfin un groupe qui ne lorgne pas vers les 70s ! On trouve par

exemple sur Mr Lie des sonorités synthétiques un peu new wave, un peu indus, qui habillent un leitmotiv entêtant qui débouche sur un solo de violon électrique à la Jerry Goodman ! Et ce violon, même s’il est utilisé discrètement, n’est pas qu’un ornement fugace. Il revient à diverses reprises, tenu par David Ragsdale (Salem Hill et ex-Kansas). La rythmique batterie/basse fretless (chaloupée à la Tony Levin) est vrai-ment originale, dynamique sans être lourde (Street game, Might is Right). La production est excellente et ne lésine pas sur la variété des sonorités, des effets vocaux et des bruitages qui lient les chansons entre elles. Jeff Hodges, en plus de tenir les claviers, est un chanteur

au timbre assez origi-nal qu’on imaginerait presque dans un groupe anglais de néo-prog. Man On Fire possède un sens inné pour les refrains accrocheurs qu’on n’oublie plus après deux écoutes. Il séduira cer tainement les fans de Sylvan ou de Simon Apple (pour ceux qui connaissent). C’est un groupe éclectique, frais et joyeux ! Une

vraie bonne surprise ! Jean-Luc Putaux

colle à sa musique. Les arrangements sont du virulent guitariste et ça s’entend tout de suite. On a aussi un aperçu des talents du batteur Benoît Cazzulini qui emballe la machine quand il faut jusqu’au fameux Thème astral, partie instrumentale indispensable à tout bon fonctionnement d’un album d’Ange ! Une chimère sonore qui semble ne jamais vouloir en finir, évoquant la richesse d’un Clodos de Ventre-blues ou Pierrot, la lune a soif, une pièce purement progressive digne du meilleur Porcupine Tree !!!

Changement radical de décor avec la délicieuse Caroline qui nous ramène sous la ceinture avec le passage égrillard que Christian offre à la Crozat ! Festival de jeux de mots scabreux à la limite de la décence… pour les vieux cons s’entend ! Il est vrai que le Père a souvent dévié à la limite du bon goût, en équilibre sur le muret de nos émois érotiques mais ce court interlude fort imagé amusera les plus blasés et choquera ceux qui ne connaissent pas le Père. N’empêche, quelle femme ne se reconnaîtra pas dans cette évocation d’un couple détruit par la grise monotonie de la vie à deux ? A grands renforts d’évocations lubriques, Caroline, délicatement sou-tenue par l’accordéon d’une autre Caroline, Varlet celle- là, accumule son dépit Entre foutre et foot, « bar tabac, barre ta bite, si tu crois qu’tu m’excites »… Je n’en évoquerais pas plus, vous laissant découvrir la jubilation qui naîtra inévitablement à l’écoute de ce petit bijou salace qui va diviser les fans !

On revient à une poésie plus céleste avec Les ombres

chinoises où Christian retrouve le ton désabusé qui lui sied si bien car il cache à chaque fois un espoir qui tient le cap. « J’ai pris la route quand j’ai su que j’étais condamné »… Un break genre gospel vient éclaircir le morceau, les choristes sont à l’aise dans ce

nouveau registre insoupçonné, Hassan en particulier, tandis que le Père éructe en évacuant une hargne qui couvre ses compères. On se retrouve Sous hypnose quand l’Ange développe une étrange ressemblance avec les climats particulièrement hypnotiques de La

Gare de Troyes auquel l’atmosphère de ce morceau laisse indiscutablement penser. L’ambiance est dans le ton avec la voix légèrement vocoderisée du Père et ce ton plaintif, attendri qu’il laisse traîner avec la volupté d’un accent vosgien retrouvé ! « Le fond de l’air est flou »… et un court relent de fusion à l’appui pour casser le rythme faussement nonchalant et languissant, Caroline en profite pour se lâcher et parcourt de vocalises aériennes une fin de morceau qu’on aurait aimer plus longue…

Ange nous délivre ensuite un Passeport pour

nulle part où le gentil Thierry Sidhoum marque son empreinte, bossa nova cool, latinerie précoce, envie de remuer le popotin sur des textes paniqués. Et encore cette abrupte confusion des genres, ce mél’ange atypique de l’Ange version années 2000. Un trombone monte au créneau, tenu par Guillaume Lebowski, une flûte mutine, celle d’Emilie Salata pour en rajouter dans la confusion des sens, un élégant jazz brésilien tenu en équilibre par les pans rock indispensables pour que l’édifice tienne en place. Quand je pense que le Père soutient que son Ange n’a jamais fait de progressif ou alors, juste à ses débuts !!… Voilà du vrai rock progressiste tiens… Des influences éparses qui s’assemblent pour faire du… Ange ! Et puis Reflux d’aubes tempérées, en voilà tout un programme justement.

Ça redécolle avec l’avant-dernier titre, quand est-ce qu’on viendra d’ailleurs ? et sa joyeuse palpitation. Un arrangement de fausses cordes et voilà Ange qui

fait du funk !!!! Oui, la pulsion est là, le refrain est imparable, l’excitation aussi, que ceux qui n’aimeront pas s’y fassent, ça viendra avec le temps ! Avec Ange, ça fait souvent cet effet-là, on se dit : « Mais pourquoi ils ont fait ça ? C’est pas leur genre…», ben oui, mais voilà, Ange n’a pas de genre, même pas de mauvais tiens ! Ange est un genre à lui tout seul, une institution qui sait se remettre en cause, un mystère qui dure, vous savez bien…

Et la fin, the last, le dernier, Jazzouillis, quelque chose me dit que le Père aurait bien donné ce titre- là à l’album tiens ! Ultime duo Christian/Caroline et voix enlacées, Caro n’a rien à envier à Maurane ou la Kaas qui nous les brise (facile), quelle voix, le Père a son digne pendant avec la Crozat qui peut aussi bien s’abîmer dans les graves les plus profonds que planer sur les hautes sphères de l’aigu. Sublime et courte terminaison qui finit dès le début comme une apothéose, une dernière éjaculation de bonheur en musique, un final bourré de tendresse et le Père et son mot de la fin … « Féline, pour toi je suis né Animal »… Oui, un sacré animal, cet indien-là, le poète chanteur- compositeur a encore frappé ! On ne se pose plus la réponse, il a toutes les questions…

Allez l’Ange, on est reparti pour un tour de rêve en classe tous risques, le vaisseau n’a jamais été aussi rutilant, l’équipage aussi avenant. Merci pour cette nouvelle offrande, ce nouveau plaisir des oreilles et du cœur. A bientôt sur la vie…

Bruno Versmisse

HABITAT ProgRock Records - 2005

MAN ON FIRE

http://www.manonfireband.com/

Contacts :www.updlm.com et www.angeweb.com

Un Pied dans la Marge :25 rue Victor Hugo 59410 ANZINLa Ligne Bleue : 03 44 51 99 45

Adrian Belew

Page 7: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 547

Harmonie : Depuis la parution de ton premier album Voyage of the acolyte, trente ans se sont écoulés. Quels sont tes meilleurs souvenirs ?Steve Hackett : De toute ma carrière ou spé-cialement à l’époque de ce premier disque ? Ok, donc laisses-moi quelques secondes pour me replonger en 1975, date de sortie offi cielle de Voyage of the acolyte… C’était l’époque de mon premier disque solo pour lequel j’avais reçu l’aide de mon frère John, Mike Rutherford, Phil Collins et tant d’autres musiciens de talent. Une ambiance extraordi-naire à l’époque d’ailleurs ; on l’a enregistré à Londres en trois semaines seulement et la nuit uniquement ! Une expérience folle où dormir était vraiment un luxe mais c’est un souvenir mémorable pour moi et certainement l’un des meilleurs moments de ma carrière d’artiste au sens large du terme.

Harmonie : Devant le succès de Genesis Box, peut-on espérer voir un jour le grand Genesis se reformer sous sa forme originelle ?S.H. : Effectivement, il est possible de refor-mer Genesis durant un show unique mais personne ne sait exactement la date de cette fameuse réunion sur scène. A vrai dire, je suis assez lassé de voir tant de groupes faire un come-back plus ou moins réussi. Nous ne sommes donc pas pressés malgré une demande toujours plus forte de la part des fans du groupe ! Si réunion il y a un jour, ce ne sera en aucune façon préméditée ou dictée par une maison de disques ou un effet de mode. Chaque membre de Genesis le conçoit aisément, on a tous conscience d’avoir appartenu à un groupe culte à une époque mais nous préférons laisser le temps venir même si ce n’est pas l’envie qui nous manque. Rejouer ensemble est une option pas un but en soi, les fans doivent l’accepter comme tel.

Harmonie : Il y a quelques temps, tu nous faisais part d’un projet de studio avec des membres de King Crimson. Peux-tu à ce sujet éveiller notre désir d’en savoir davantage ?S.H. : J’ai déjà travaillé avec Tony Levin et Ian Mc Donald par le passé à de nombreu-ses reprises de la même manière que j’ai collaboré, par exemple, avec Bill Bruford ou John Wetton.

De nos jours, dès qu’on a du temps libre en dehors de notre carrière en solo, on se prête facilement au jeu des guests sur les albums, c’est très amusant de rendre service à de vrais amis. Je me souviens d’un jour où John Wetton m’a téléphoné pour me demander de l’accompagner sur une

STEVE HACKETT

METAMORPHEUS Mars 2005

L’ancien guitariste de Genesis ne cesse de sortir de nouveaux albums et nous n’allons pas nous en plaindre, loin de là. Signalons pourtant à nos chers lecteurs que le Steve Hackett qui officie brillamment dans Metamorpheus est le musicien à inspiration classisante, celui qui nous proposa par le passé Bay of Kings,

Momentum ou A midnight

summer’s dream, albums acoustiques-classiques d’une indéniable beauté mais qui peuvent en dé-router certains. Steve a toujours mis en avant cette autre facette de son œuvre au point de tourner régulièrement en formule acoustique, ce qu’il a fait d’ailleurs un peu partout en Europe au printemps 2005. Ce nouveau CD composé de quinze titres dure cinquante-sept minutes et est totalement instrumental. Nous retrouvons notre guitar-hero version light accompagné d’un orchestre de six musiciens (violons, violoncelles, cor, trompette) renforcés par Dick Driver à la basse et l’incon-tournable frère John à la flûte. Le concept du CD raconte la légende d’Orphée. Rappelons pour la petite histoire que, dans la mythologie, Orphée était un musicien qui tirait de sa lyre des notes d’une beauté surnaturelle : lorsqu’il chantait ou jouait, son pouvoir ne connaissait pas de limites et rien ni personne ne pouvait lui résister. Tout ce qui était animé ou inanimé le suivait : les rochers, les collines se déplaçaient et les fleuves changeaient leurs cours. Il rencontra Eurydice, tomba amoureux et l’épousa. Hélas, le jour même des noces, la jeune épousée traversa une prairie, fût mordue par une vipère et mourut sur le champ. Orphée, fou de douleur, décida d’aller

au royaume des morts. Il fit résonner sa lyre et toute la multitude du royaume des morts s’immobilisa. On lui permit de retrouver Orphée à la seule condition qu’il ne se retourne pas pour la regarder avant d’accéder au royaume des vivants. L’un derrière l’autre, nos deux amoureux passèrent les portes du royaume des Morts, mais lorsque Orphée parvint à la lumière, il se retourna trop tôt car Eurydice était encore dans la caverne ; elle disparût en un éclair en lui murmurant Adieu. Il s’en retourna seul dans

le royaume des vivants, chantant et pleurant sa peine, s’accompagnant de sa lyre. Chaque titre de l’album suit pas à pas le canevas de l’histoire d’Orphée : tout dans Metamorpheus est tendrement roman-tique, la guitare y est cristalline. Nous ren-controns par moment des ambiances diffé-rentes, comme dans The

dancing ground, dans laquelle l’orchestre développe un tempo de valse joyeuse, la plainte poignante d’un violon dans Charon’s call (comme le thème du film La liste de Schindler), la montée en puissance mélodique des cordes dans Orpheus look back ou la grandeur symphonique de Lyra qui clôt le CD. Dans l’ensemble, l’élément dominant est la fluidité des mélodies et la magnificence de cette guitare classique qui nous enveloppe de sa magie. Au risque de nous répéter éternellement, nous ne dirons jamais assez à quel immense musicien nous avons affaire. Pour s’imprégner de Metamorpheus, il suffit de rentrer dans l’uni-vers romantique du Steve Hackett enchanteur de Bloond on the rooftops, Kim, Horizons ou

Walking away from rainbows et de mettre de côté le temps d’une heure la dimension électrique de notre homme, ici totalement absente.

Raymond Sérini

Steve Hackett

Interview

Guitariste au combien respecté de par son ambitieuse carrière exemplaire, Steve Hackett nous revient au mieux de sa forme avec un nouvel opus d’inspiration purement classique sobrement intitulé Metamorpheus. Long entretien nocturne avec un homme des plus méditatifs du circuit progressif…

Propos recueillispar Charles Zampol

Page 8: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 8

chanson pour Ringo Starrs, j’ai accepté de suite ! On préfère ce genre de collaboration temporaire mais de là à écrire un véritable projet en commun avec les membres de King Crimson, faudrait-il encore arriver à accorder nos emplois du temps et ce n’est pas une mince affaire ! (rires)

Harmonie : Que penses-tu de ce fantas-tique groupe Tribute-band The Musical Box qui tourne depuis plus de deux ans en Europe ?

S.H. : Bien évidemment j’ai été très surpris qu’après tant d’années, un groupe soit inté-ressé pour la reprise sur scène de titres de Genesis. L’interprétation de The Musical Box est littéralement excellente et vraiment très proche de ce que nous faisions à l’époque ; ils ont dû travailler d’arrache-pied pour en arriver à ce degré de précision. Je les ai déjà vu jouer au Royal Albert Hall de Lon-dres, en 2002 si ma mémoire est bonne. À cette occasion ils m’ont demandé de venir sur scène jouer quelques titres avec eux ! J’ai accepté l’invitation volontiers car nous sommes, Phil Collins et moi entre autres, assez honorés qu’un tel projet comme The Musical Box ait abouti de manière si parfaite et intime à la fois.

Harmonie : Metamorpheus est ton second album symphonique, quel est le but que tu t’es fi xé en l’enregistrant ? S.H. : Après A Midsummer’s Night Dream, je savais que je ne serais pas rassasié de ma passion pour le piano et la musique classique c’est donc tout naturellement que je me suis penché à la composition d’un nouvel opus entièrement symphonique. Je voulais encore une fois rendre hommage à des compositeurs de génie comme Prokofiev et Tchaikowski qui ont écrit une musique immortelle pour les décennies à venir. Ce genre musical défie le temps et des gens qu’on ne nommait pas encore artistes à l’époque mais qui l’étaient déjà en tout point, ont apporté quelque

chose de magique à la musique. Le classi-que restera un genre à part, d’une pureté inégalée à jamais.

Harmonie : À côté de tes propres produc-tions, tu as fondé ta maison de disques Camino Records. Pourquoi te surcharger encore davantage de travail à ce pro-pos ?S.H. : C’est une vieille histoire et un souhait assouvi en partie. Cette partie du business m’intéresse car tu peux comprendre la mé-canique complexe de l’industrie musicale dans sa globalité la plus intéressante. On a eu la chance de signer des artistes complets comme Chester Thompson, Ian Mc Donald. Effectivement la majeure partie des produc-tions du label sont mes propres disques et c’est véritablement une consécration à chacune de mes sorties. Je mets beaucoup d’énergie à contrôler le processus de chaque étape importante, mon manager Billy Budis travaille avec moi dans ce sens et donner une crédibilité supérieure à ma musique est un de mes buts à travers Camino. Au final, c’est lourd à gérer mais j’ai la chance de pouvoir gérer ma carrière en tous points, c’est mon choix et ça me convient parfaite-ment. Si InsideOut auvait été intéressé par mon album, j’en aurais été ravi également, je reste convaincu du bien-fondé de ma musique et crois en son potentiel.

Harmonie : Penses-tu à juste titre que ta musique restera dans la mémoire collec-tive ?S.H. : Personne ne le sait, encore moins moi ! Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours eu en tête le doux espoir que ma musique me survivrait à travers les âges, ça n’a rien de prétentieux mais chaque artiste exprime le même souhait, à savoir que ses compositions nourrissent sa mémoire un temps soit peu après sa mort. Malgré la compétition accrue et le nombre grandissant de musiciens talentueux de par le monde, il est bon pour le moral de chacun de croire

en ses rêves et de persévérer dans ce sens. Si ma musique touche et peut continuer à rendre les gens plus tolérants et réceptifs à l’appel de ce monde, j’en serais heureux.

Harmonie : Te considères-tu comme un pur guitariste ou plutôt comme un compositeur au sens large du terme ?S.H. : Je dirais instinctivement les deux : je joue de la guitare et j’écris ma musique en fait. Mais je préfère m’assimiler à un artiste qui écrit sa musique plutôt qu’à un véritable compositeur que je suis plus occasionnel-lement. C’est une distinction que je veux souligner car les gens, en dehors du monde musical, ne comprennent pas toujours la réelle subtilité qui réside en fait entre ces deux notions fondamentales.

Harmonie : As-tu l’idée justement d’endos-ser le costume de compositeur en t’associant à l’écriture d’une musique de fi lm ?S.H. : C’est une idée qui m’a déjà effleurée l’esprit mais tu rentres trop vite dans un monde régi par une politique de business. Le coût d’une telle production est assez conséquent et tu dois t’accorder parfaite-ment avec le désir du ou des producteurs, ce qui influence ton jugement personnel dans tes choix d’interprétation. C’est un travail différent et plus compliqué qu’il n’y paraît mais une aventure future qui m’intéresse néanmoins.

Harmonie : Ton frère John Hackett vient de sortir son album Checking out of London par ses propres moyens. Pourquoi ne l’avoir pas aiguillé vers InsideOut qui distribue tes disques à l’échelle mondiale ?S.H. : Tu sais j’aide mon frère du mieux que je peux. J’ai joué sur son album d’ailleurs et l’encourage à persévérer davantage car c’est un musicien talentueux que je respecte énormément. Il a également joué sur Metamorpheus et l’en ai déjà remercié à maintes reprises. Je ne veux pas influencer ses choix mais préfère le conseiller comme un frère se doit de le faire. Ce business est parfois compliqué et mieux vaut avancer pas à pas, chaque chose en son temps. La rançon du succès s’accompagne de beau-coup de patience, de travail et d’intuition. John a ses trois qualités donc je ne me fais pas de soucis, en temps et en heures, les opportunités viendront à lui…

Harmonie : Un dernier mot à tes fans fran-çais qui espèrent te voir prochainement en concert en France ?S.H. : Votre pays a toujours été très contrasté en matière de tournée, il est parfois difficile de trouver ou de convaincre un promoteur de vous organiser un concert juste sur Paris. A l’heure actuelle, aucune proposition dans ce sens n’a été faite mais je suis confiant en l’avenir et me produire prochainement chez vous serait formidable !

STEPHEN STILLSMAN ALIVE !Talking Elephant - Distrib. Musea

Nouvel album solo après une absence de presque quatorze années, Man

Alive ! annonce le retour en grande pompe de Stephen, guitariste émérite du célèbre trio rock américain Crosby, Stills and Nash. Véritable surprise en passant du rock sudiste à la country, le disque s’octroie des passa-ges soul et jazz de premier ordre, donnant à l’ensemble une homogénéité des plus singulières. Fidèle à ses convictions, l’homme distille quantité d’influences qui ont

marquées sa carrière dithyrambique tout au long d’un Man Alive ! qui s’avère tout simplement

essentiel à tout fan du guitariste. Nous con-gratulant d’un superbe duo avec son ami Neil Young au sein du titre Different Man, on est submergé par tant de sincérité musicale et de réelle complicité. Une vie d’artiste enri-chie par quarante ans de savoir et d’alchimie savamment dosée, voici en résumé les ingrédients d’une

recette de grande qualité qui surprendra son public averti…

Sesame

Page 9: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 549

Harmonie. – Roland, indiscrétion, quel est ton âge ?Roland : Je vais avoir 54 ans le 14 mai, je suis de l’année de la cigale 51 et oui!!!

Harmonie. – Le nom d’Exode vient de Ange, n’est-ce pas ? Raconte-nous d’où

Au-delà des décenniesQuel ne fut pas mon étonnement en découvrant sur le site internet de Musea, l’an-nonce de la sortie d’un album D’ici et d’ailleurs d’un groupe français nommé Exode ? Etait-ce l’Exode des folles années du fanzinat ? Cette fameuse décennie 80, célèbre

EXODED’ICI ET D’AILLEURSMusea - France - 2005

Je suis au regret de vous annoncer que votre serviteur, grand défenseur du rock progressif français d’expression théâtrale, est complètement conquis par le premier album d’Exode. Vous vous en foutez ? Ok, c’est votre droit le plus strict et pourtant, je possède une K7 bootleg datant de 1994 de cette formation qui a côtoyé notre Ange national sur les scènes de Navarre et particu-lièrement celle de Lyon durant les glorieuses seventies. A ce jour, le groupe n’avait jamais sorti de 33 tours et moins encore, de laser… Alors, attentions, respect ! Je m’incline devant

la ténacité et la longévité enfin récompensée de Roland Lelong, grand fou d’Ange, tombé dans la marmite depuis plus de trente ans et qui voit son rêve enfin aboutir. Ma seule question est com-ment Lelong a dû attendre si longtemps pour voir sa musique et ses textes enfin publiés ? A l’heure où tout un chacun qui gra-touille ou éructe dans sa piole, peut graver son CD

et le vendre sur internet, notre homme serait-il resté intègre au point de fomenter son œuvre suprême, la jugeant enfin digne d’une écoute à grande échelle ? Mystère, aucun site ne venant assoiffer mon envie d’en savoir plus…

Roland Lelong est une sorte de Dominique Le Guennec, tant au niveau de la voix (similitude troublante) que de l’allure, tout au moins la seule photo de scène du livret, le laisse supposer. Hom-mage à ces grands fous qui vivent leur passion, intacte, depuis des décennies, enrageant avec un enthousiasme naïf et vindicatif, des textes remplis de poésie adolescente. Une part de chacun reste ancrée en cette période magique qui vit naître ce rock symphonique, issue de la génération baba, je parle des vieux kids de 40 à 50 ans… Lelong s’est bien entouré, de toute évidence, de petits jeunes qui ont la pêche, la famille Raoux, Angélique, compagne de chant, telle Caroline Crozat chez Ange mais aussi flûtiste, Laurent aux claviers et Christian à la batterie. Rajoutez Christian Loyrion à la basse, Thierry Roseren à la guitare, Jérôme Brigaud à la guitare acoustique

et percus, vous avez un « band » copieux de six jeunes bardes en pleine furie (Hélas, titre explosif !) et un « vieux » papy du progressif enfin sous les feux de la rampe !

Il arrive, surtout pour un ancêtre de la chro-nique comme moi, de trouver de la redite dans ce fameux progressif français théâtral. N’est pas Nemo ou Ex-Vagus qui veut ! Mais depuis Naos et Nuance (vous vous rappelez les années 80, amis lecteurs ?) que de chemin parcouru et, d’une année à l’autre, que de combos reprenant le chemin broussailleux tracé par Décamps et sa bande. Exode ou plus justement, Lelong, a vécu en prise directe les débuts héroïques et glorieux d’Ange puisque son Exode à lui, inspiré par le titre angélique mais vous l’aviez déjà compris depuis belle lurette, a vécu ces années-là, pas avec le même personnel certes mais sa persévérance s’inscrit dans la lignée de ses ancêtres (Décamps, Le Guennec) qu’on aurait tendance à voir plus vieux, R. Lelong n’est pas beaucoup plus jeune ! Sacré destinée et drôle de parcours.

La musique, écrite par Lelong, est merveilleu-sement mise en valeur par ce jeune gang qui donne un sang (son) neuf aux narrations candides et sincères de son mentor. Que ce soit Thierry Roseren et son jeu de guitare simple mais efficace, collant au style élaboré avec la vigueur pointue qu’il se doit ou la voix d’Angélique Raoux, plus qu’une accompagnatrice et qui se retrouve bien souvent seule à chanter, joli contrepoint à l’em-phase chevrotante et volontaire du vieux sachem mais encore, les claviers délicats ou grondants de Laurent Raoux alliés à la guitare acoustique de Jérôme Grigaud, tout donne un élan sincère (clé de base de la réussite pour ce genre musical) à D’ici et d’ailleurs… Avec une préférence pour des titres comme Le Chaman (7 min), Chant

sous les océans (7 min 10 qui ouvre l’album de façon fort enlevée) ou Frère (7 min 41) un peu trop pur et simpliste au niveau des textes, pour emporter l’adhésion. Car avec R. Lelong, on est resté dans le trip naturiste et je dirai, amateur de la prose directe influencé par ces paroliers idéalistes des années 70. Mais son emphase naturelle emporte les dernières restrictions d’un critique sous le charme, forcèment !

Vous en saurez beaucoup plus sur le cas exemplaire et les particularités d’un homme à découvrir par le biais de sa créature, Exode à laquelle Musea donne enfin le droit d’exister et d’offrir une première trace avec ce disque enthousiasmant grâce à l’interview que Roland Lelong m’a accordé du fond de son antre…

Bruno Versmisse

pour les naissances tous azimuth des Harmonie, Big Bang et autre Varia… Car c’est peut-être bien dans Varia où j’ai lu quelques lignes sur ce groupe et son pa-tronyme qui rappelait Ange, forcément ! Par des moyens que seul le fan de rock progressif de ces années-là peut imagi-ner, j’obtins une K7 bootleg (vous vous rappelez, ces petites boîtes plastifiées qui essayaient de contenir l’équivalent d’un album sur une seule face ?!) d’un concert d’Exode. Je crois bien qu’il devait s’agir du gig donné en ouverture d’un concert de… Ange (!) à Lyon !! Après une écoute assidue et intriguée par le mimétisme de la voix du chanteur avec un certain Dominique Le Guennec, la K7 intégra une étagère dévolue aux raretés d’un univers underground qui était mon petit paradis personnel. Depuis, plus de nouvelles, ce groupe de-vait avoir sombré corps et biens, sans même avoir gravé un 33 tours (vous vous souvenez, ces drôles de rondelles noires qui devenaient inaudibles après une trentaine de passage…) voire un laser, alors à ses balbutiements. Quand mon cher rédac-chef, le Grand(vizir)jeon en personne, m’envoya la galette, je sus que je tenais par un de ces revirements de l’histoire du rock progressif dont seul ce mouvement a le secret, la première trace gravée officielle de cet Exode mystérieux, exhumé du cimetière des Arlequins et enfin audible pour tout humain normalement constitué. Pour la critique de ce disque, j’ai fait mon taf habituel avec un peu plus d’émotion et de fébrilité mais je ne pouvais résister à l’envie d’interpeller Roland Lelong, le sémillant quinquagénaire, authentique rescapé des seventies et fils maudit puis rédempté de l’ère vinylique ! Voici ses réponses enthousiastes à quelques questions indiscrètes…

Propos recueillispar Bruno Versmisse,

le 7 avril 2005

Roland Lelong

Page 10: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 10

tu viens et pourquoi Exode maintenant ? En 2005 ??!! Roland : À quelque endroit, c’est un peu vrai, mais je cherchais un nom représen-tant une fuite vers la planète Musique, fuir le quotidien pour s’éclater en concert, comme le joueur de flûte qui, par sa mélodie emmène tous les enfants derrière lui, d’où notre logo représentant un saltimbanque joueur de flûte.Mon parcours musical a débuté en 1965, premier concert, reprise de morceaux des Kinks, Rolling Stones...Toujours à partir d’amitié, nous formions des groupes de quartiers, nous étions fous de rock and roll, de pop et de rythm and blues, de formations en formations, d’influences en influences, j’ai eu une envie folle de créer ma musique, mes paroles. Effectivement j’ai côtoyé Ange en concert à leurs débuts. J’ai toujours été impressionné par leur présence scénique et leurs musiques, à l’époque, très originale.Par la suite, avec Exode, nous avons eu la joie de partager une scène en commun.

Une première partie inoubliable à Lyon.

Harmonie. – Expli-que-nous un peu pourquoi le premier album d’Exode sort seulement mainte-nant, en 2005. Roland : Notre pre-mier album sort seu-lement en 2005 car des accidents de la vie ont freiné la démarche que je m’étais fixé. Nous avons eu l’op-portunité de signer en 1990 voire en 1992 mais l’ambiance du groupe à l’époque ne me convenait pas. Pourquoi Exode en 2005 ? Exode date réellement de 1986.

Harmonie. – Tu as plein de choses à nous dire sur l’existence chaotique d’Exode. Bien sûr, ceux qui t’accompagnent, ne sont pas ceux des débuts ?

Roland : Effectivement, Exode a eu un parcours difficile. Lorsque j’ai créé le groupe, j’avais à cœur de faire une musique « rock progressif » où je désirais chanter, pas pour chanter mais pour narrer. Nous avions d’énormes difficultés à trouver des musiciens qui auraient envie de faire ce style de musique, d’autant plus que nous étions carrément à contre-courant. Malgré

Train of thought, jugé trop heavy et démons-tratif par certains fans de la première heure, avait laissé perplexe. Dream Theater allait-il devenir un groupe de hard-rock classique, brillant certes, mais laissant la puissance brute prendre le pas sur la sophistication musicale ? Octavarium apporte une réponse claire et nette et confirme une fois encore que, comme la plupart des grands groupes de rock, le théâtre du rêve n’a de cesse dans chaque album de « réagir à » son prédé-cesseur. Sur ce huitième opus studio, décoré par une splendide pochette signée Hugh Syme (l’illustrateur attitré de Rush et Queensrÿche), la formation exprime, sans aucune contrainte ni autocensure, une ins-piration intelligemment diversifiée et signe un de ses albums les plus clairement progressifs à ce jour.

Il ne fait guère de doute que de nombreux journalistes vont s’empresser de décrire cette cuvée 2005 comme la rencontre entre Falling Into Infinity et le Muse de Absolution. Force est cependant de souligner que cette ana-lyse, certes non dénuée de fondement, s’avère pour le moins réductrice. Si l’influence de la bande à Matthew Bellamy est incontestable sur un titre comme Never enough et si des ballades comme The answer lies within ou I walk beside you évoquent les morceaux les plus accrocheurs

de FII, Octavarium ne saurait raisonnablement être réduit à ces deux seules influences. Il est en effet impossible de passer sous silence l’apport, entre autres, du early-metallica sur The root of all evil (au crescendo implacable bâti, comme pour The glass prison et This dying soul, sur des riffs de six cordes hargneux) ou encore celui de Tool sur le sublime These walls. Au total cependant, du fait d’une production un peu trop « smooth », lisse et « tous publics », on n’a que rarement

l’impression d’écouter un groupe de metal –ce qui est pour le moins surprenant après le déluge de décibels que fut Train of thoughts. D’autre part, effet de la matûrité sans doute, le groupe laisse de moins en moins parler la virtuosité de ses instrumentistes, et privilégie la cohésion des morceaux : les solis de Rudess et Petrucci sont souvent concis, et les morceaux adoptent un tempo plus posé, presque

méditatif parfois, qui surprend. En revanche Myung, lui, ne s’est pas calmé du tout, ses parties de basse sont souvent sidérantes, façon Chris Squire ou Patrick Djivas. Mais on retrouve aussi parfois la hargne de Petrucci, notamment dans un Panic attack survolté et explosif.

Les pièces les plus ambitieuses de l’album entonnent pour leur part à pleins poumons un hymne à la gloire du progressif. Bénéficiant, grâce aux interventions d’un orchestre philharmonique

et au mix subtilement dosé de Michael Brauer, d’un son très typé et homogène, les epics Sacrified sons (10 min 42) et Octavarium (24 min) offrent un éblouissant feu d’artifice. On y retrouve, brillamment condensés, les prin-cipaux éléments constituant la force du combo : rutilance mélodique (la superbe introduction à la Pink Floyd de la suite éponyme, les soli de guitare gorgés d’émotion de John Petrucci), intensité dramatique (les climats tourmentés et le chant habité de James LaBrie), virtuosité (quand même !) et symphonisme altier (les majestueuses envolées de claviers d’un Jordan Rudess plus en verve que jamais). Au final, avec cette rondelle équilibrée et aboutie mariant l’intensité lyrique de Scenes from a memory, les expérimentations de Six degrees of inner turbulence et l’énergie, même assagie, qui reste la marque du combo, le gang de Mike Portnoy gagne haut la main le pari du changement dans la continuité. On pourra certes remarquer que cet album ne révolutionne rien et est plus un moyen pour le groupe de se recentrer sur ses bases (progressives) que d’évoluer. Comme tous les groupes qui prennent de l’âge –eh oui, déjà…–, il offre un tantinet moins de fougue et plus de savoir-faire –manifeste sur le quelconque I walk beside you que les instrumentistes et la performance vocale de La Brie sauvent à eux seuls. Il n’empêche : c’est un excellent album, à classer dans les bons DT –c’est-à-dire dans une excellence musicale absolue–, même si le groupe ne s’y transcende pas comme il a pu le faire dans Scenes from a memory par exemple.

Philippe Arnaud et Bertrand Pourcheron

OCTAVARIUM

War

ner

Exode

Page 11: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5411

tout nous sommes arrivés à une formation stable pendant cinq ans, puis de nouveau séparation, après de nombreux concerts, festivals et première partie de Ange, festivals européens avec Galaad, Now...En 1999, je reforme Exode avec mon fidèle batteur Christian Raoux qui était avec moi depuis 1986 à la création d’Exode.Nous avons eu la chance de rencontrer Thierry Roseren (guitariste endiablé), Christian Loirion (bassiste redoutable im-perturbable), Laurent Raoux, fils du batteur (clavier génial)…À partir de ce moment, nous étions certains que tout allait changer d’où mon envie folle de pouvoir enfin sortir notre premier CD. Un an plus tard, nous enrichissons notre musique d’une chanteuse-flûtiste (Angeli-que Raoux, fille du batteur) et d’un second guitariste (Jerome Brigaud), pourtant plus jeune que nous !!!Pour la première fois j’ai eu la sensation d’un groupe soudé ayant le même but. Du reste nous avons déjà six morceaux prêts à enregistrer pour le second album. De nombreux petits et moyens concerts et du travail avec un groupe théâtral (Le Voyageur Debout). Nous avons aussi fait la première partie d’Yves Matrat, ex-chanteur de Factory, groupe Givordien.

Harmonie. – Ta voix rappelle étrange-ment celle de D. Le Guennec de Mona Lisa et un peu celle de Ch. Décamps, est-ce volontaire ? Veux-tu pousser le mimétisme à faire comme les groupes français progressifs des années 70 ? Es-tu encore « possédé » par l’esprit de cette décennie et te vois-tu continuer dans cette voie ?Roland : C’est pas ma faute si mon tim-bre vocal se rapproche de celui de Le Guennec !! On me l’a déjà dit en première partie de Ange avec l’ex-Exode. Mon pote Alain Jacquin, ancien président du fan-club d’Ange à Lyon, me l’a fait remarquer. Chris-tian Décamps, comment pourrait-on ne pas se sentir influencer devant un personnage avec un tel charisme, c’est le Balzac des années 70 !!!Je suis un inconditionnel de la musique des années 70, un vrai possédé exacerbé mais je compte avec Exode me servir de cet énorme creuset pour refondre une musique fusion entre les chocs des gé-nérations afin de pouvoir la faire connaître aux jeunes et de continuer à la faire vivre d’un nouveau souffle sans prétention. Du reste… surprise pour notre deuxième CD !!! Nous sommes en train de monter un site internet, à suivre !!! Il existe aussi « Exode Musique Evolution », notre association loi 1901, qui se mettra en marche dès que possible pour aider et guider les jeunes groupes (concerts, studios, pub...).

Roland et sa tribu – J’ai soif car j’ai trop parlé et vive le rock and roll et Marc dit : « J’ai mal aux doigts, je n’ai pas l’habitude de taper »…– Ok, Roland, merci pour ta faconde et ta passion qui me rappellent quelqu’un et surtout, toute l’en-vie d’une époque, celle d’éclater les contraintes par la musique et la poésie.

HARMONIE. – Exit Jorn Lande de Masterplan, vous sortez, en ce début d’année, votre second opus Section X qui suscite un gros intérêt mé-diatique. Comment réagis-tu devant cette forte récompense de la part des professionnels ?Finn Zierler. – Au premier abord, on ne peut que se féliciter tous, au sein du groupe ; les membres se sont surpassés comme jamais d’ailleurs. L’épo-que avec Jorn a été bonne mais beaucoup ont assimilé Beyond Twilight comme étant purement et simplement le nouveau groupe de Jorn ce qui, pour nous, était une totale aberration ! L’écriture de ce nouvel album nous a pris énormément de temps et le résultat est salué par les critiques, on ne peut que s’en réjouir, c’est indéniablement le résultat qu’on attendait tous.

HARMONIE. – Où as-tu puisé ton inspiration première pour la réalisation de ce nouvel album justement ?Finn Zierler. – Là, je vais te raconter une histoire assez étrange…Je n’ai été influencé que par ma propre expérience personnelle sur ce coup-là ! Je me suis lit-téralement coupé du monde en restant une semaine chez moi, enfermé avec mon instrument et la notion de paranoïa arrivant, je me suis décidé à explorer d’autres environs et je suis parti à Londres vivre dans la rue. Une expérience vraiment naïve de ma part car ça a été la plus dure de ma vie au final, personne ne peut se rendre compte de la dureté de la tâche et l’insécurité permanente qui émane de la nuit. C’est dans ce contexte particulier que l’inspiration m’est venue et ce rôle que je me suis donné a profondément contribué à l’atmosphère du disque, un défi remporté sur soi-même à plus d’un titre !

HARMONIE. – Peux-tu décrire le concept propre à ce disque ?Finn Zierler. – On a voulu écrire une histoire en dehors du temps entre la réalité quotidienne de nos vies respectives et la fiction la plus intemporelle. Les fans peuvent faire le parallèle avec la vie réelle en s’imprégnant des textes de cet album qui se focalisent essentiellement sur la notion

de pouvoir et de clonage. On offre une vision globale des choses et tout un chacun peut en faire sa propre interprétation, adhérer et prendre conscience de cette réalité qui nous entoure. Un message en filigrane que tu peux noter peut-être : suivez votre instinct et votre cœur, vous n’en serez que plus fort !

HARMONIE. – Il était question a priori que Russell Allen, illustre chanteur de Symphony X chante sur cet album, pourquoi le deal initial ne s’est-il pas concrétisé d’ailleurs ?Finn Zierler. – Effectivement, mon premier choix s’est porté sur Russell car il possède une voix exceptionnelle mais il est très occupé cette année avec la sortie de son premier opus solo et surtout il est investi à 100 % dans le processus du nouvel album de Symphony X. C’est un leader charismati-que très bien implanté dans ce business et ça nous

aurait certainement ouvert davantage de portes mais on est plus que satisfait avec Kelly qui ne nous fera jamais faux bond !HARMONIE. – Parmi tes futur projets, as-tu de ton côté pensé à un projet solo avec une kyrielle d’invités ?Finn Zierler. – Je vais te répondre de manière laconique. Je n’y ai pas ré-fléchi et, dans l’immédiat, je n’y trouve pas d’intérêt, Beyond Twilight me prend

beaucoup de temps et d’énergie et je ne souhaite surtout pas précipiter les événements.

HARMONIE. – Au regard des élogieuses chroni-ques lues dans la presse nationale, on suppose qu’il est bien évidemment question de vous découvrir en concert à la rentrée prochaine, qu’en est-il ?Finn Zierler. – Notre management et notre label en France m’ont parlé de possibilités en octobre prochain, plusieurs éventualités ont été émises dont la première partie de Freak Kitchen, Candlemass ou King Diamond. On verra au final mais on est tous confiants et on espère pouvoir offrir le meilleur de nous-mêmes sur scène…

Propos recueillis par Charles Zampol, le 1er mai 2005

Second album pour un des plus prometteurs combos danois de metal progressif, econd album pour un des plus prometteurs combos danois de metal progressif, c’est littc’est littéralement la consralement la consécration unanime de la part de toute la presse qui cration unanime de la part de toute la presse qui

s’est empars’est emparée du phe du phénomnomène BEYOND TWILIGHT. Fine entrevue avec Finn Zierler, ne BEYOND TWILIGHT. Fine entrevue avec Finn Zierler, débordant d’enthousiasme.bordant d’enthousiasme.

InterviewBEYOND TWILIGHT

Page 12: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 12

Propos recueillis par Didier DescampsPropos recueillis par Didier Descamps

Harmonie : Brian, tu es à l’origine de la création du projet House of Not. Peux-tu nous en relater la genèse ?Brian : The walkabout of A. Nexter Niode est naît de traumatismes personnels et suite à des événements décisifs ayant bouleversé ma vie. Comment faire face à tout cela ? Dans mon cas, ça c’est traduit par une profonde rébellion à travers la création de ce projet.

Harmonie : House of Not est un trio (Ken, Lou et toi) ou est-ce d’abord et avant tout ton projet ?Brian : House of Not existe afin de conter l’histoire de Nexter, tout au moins pour le moment. Lou (dans le premier volet) et Ken (dans le second) ont tous deux fait du bon boulot en traduisant la sensibilité du monde de Nexter au travers de leur jeu de guitare. Ils ont, en tant que musiciens, apporté au projet leur expérience de la musique et leurs com-pétences en matière d’arrangements. De plus Ken a joué un rôle très important en matière de production, un domaine qu’il connaît sur le bout des doigts techniquement et artisti-quement parlant, ce qui lui a permis d’avoir une approche unique et facile de l’histoire. Sinon en tant qu’auteur-compositeur, je suis l’unique responsable de tout ce qui touche au côté artistique de ce projet.

Harmonie : Comment t’est venu l’idée de ce concept ?Brian : En 2000, l’existence, la vie me sont devenues insupportables ! Aussi suis-je parti dans l’Himalaya quelques temps afin de m’éloigner de tout. J’y est vu et rencontré beaucoup de touristes mais plus vraiment les « aventuriers » dont j’avais gardé le souvenir d’une première visite ici durant mon ado-lescence. Qu’étaient-ils devenus? Que m’ar-rivait-il ? Pourquoi nous dévalorisons-nous nous-mêmes ? Pourquoi renonçons-nous et pourquoi s’abandonne-t-on au pessimisme ? Qu’est-ce que l’intégrité ? Qu’est-ce que l’hy-pocrisie ? Autant de questions qui ont défini le concept du Walkabout (NDLR : littéralement « Le voyage »).

Harmonie : Qu’est-ce que Ken et Lou ont fait avant House of Not ?

Brian : Ken possède son propre studio et a toujours été un musicien de sessions. Lou est impliqué tous les jours dans la musique côté business et, personnellement, j’avais envie de me fixer un peu après des années de voyages et de boulot divers.

Harmonie : Est-ce que la musique et les textes des cinq volets de l’histoire sont déjà écrits ?Brian : Oui, tous les albums ont été écrits sous forme de démo dès 2001 sauf la partie 4 qui était déjà terminée en 2000. Cependant, chaque album subit des modifications lors-que Ken, Lou et moi-même les enregistrons. Certaines chansons ont même été réécrites ou profondément remaniées.

Harmonie : Pourquoi cinq albums et pas quatre ou six ? Cela a-t-il un rapport avec le concept ?Brian : Le schéma d’origine pour le concept de The walkabout s’articulait autour de ce qui est aujourd’hui la quatrième partie, Piper at the precipice. Mais qu’est-ce que tomber dans le précipice, dans la vie ? Qu’est-ce que le précipice ? Et puis, dans toute histoire, il est important d’explorer différents thèmes, de développer l’intrigue et les personnages. Ainsi ai-je pris un malin plaisir à développer chaque album comme une étape différente de la vie ou une phase différente du trip et tout cela a débouché finalement sur cinq albums.

Harmonie : Off the path était un très bon album mais Sexus semble plus mature, plus ambitieux ?Brian : Off the path fut comme une sorte de challenge pour débuter le concept de The walkabout. Cette première partie du trip est très « mentale » il était donc essentiel d’œuvrer dans un style assez psychédélique. Pour Off the path, un flux musical fluide et un très fort sens des atmosphères étaient très importants pour bien poser les bases du voyage. Nous nous sommes beaucoup amusés à jouer dans ce style psychédélique et nous espérons que tous nos efforts ont été de bon goût et respectueux du genre. De nos jours je pense qu’il est nécessaire de situer toute œuvre de musique rock dans un contexte

historique. The walkabout est une odyssée qui épouse parfaitement une large collection de « classics » que nous connaissons et adorons tous depuis bientôt trente-cinq ans mainte-nant. Ces chefs-d’œuvre n’ont plus besoin d’être défendus. Ils font maintenant partie intégrante de notre culture rock. Pour Ken, Lou et moi-même, innovation et originalité, dans un contexte « classic rock », forment l’essentiel de notre élan créatif. House of Not cherche à progresser dans ce contexte « classic rock » tout en assurant le développement du concept The walkabout.

Harmonie : Il semble que les parties vocales ont fait l’objet d’un soin tout particulier ?Brian : Dans la partie 2, Sexus, les atmos-phères rythm and blues et rock sudiste né-cessitaient forcément le recours à du chant féminin. Ces parties vocales féminines ont contribué aussi bien aux développements sonores de l’univers de Nexter qu’à l’histoire en elle-même. En plus, nous avons pris beau-coup de plaisir à les enregistrer. Chaque album sera ainsi une aventure musicale nouvelle par rapport à son prédécesseur et reflètera la maturité de Nexter.

Harmonie : Off the path était très orienté Pink Floyd alors que Sexus a un feeling plus rock, rythm and blues ; est-ce que cela est en relation avec la passion et l’érotisme qui sont deux des sujets phares de cette partie du voyage de Nexter ?Brian : Oui, il est indéniable que Sexus a été pensé pour être érotique, moite et sulfu-reux. J’espère que l’orientation plus groovy de la musique de ce second album aura su retranscrire cela. Ce qui est sûr, c’est que les atmosphères éthérées de Off the path ont cédé la place à quelque chose de plus sombre et habité de néfastes pressentiments.

Harmonie : Il y aura donc un climat musical différent pour chacun des cinq albums du concept ?Brian : Nous nous sommes efforcés de faire évoluer le style musical là où nous emmenait le voyage et ainsi de représenter au mieux, musicalement parlant, les tensions et les conflits internes de Nexter. Néanmoins, on pourra reconnaître la patte du groupe dans chacun des albums et à travers tout le trip car nous sommes restés fidèles à nos influences « classic rock », nos vibrations psychédéliques et notre son atmosphérique.

Harmonie : Les voix féminines, c’est quel-que chose qui s’est imposé de lui-même dans ce contexte de sensualité ?Brian : Absolument. Les voix féminines sont en quelque sorte un contrepoids sensé appor-ter à l’histoire cette touche de féminité, de sensualité et de tendresse, tous des éléments essentiels dans cette phase du trip de Nexter ici plongé dans un monde de pouvoir, d’obses-sions et de passions érotiques. Et puis, dans toute odyssée, il est important de faire le lien avec certains archétypes mythologiques afin de renforcer l’histoire et sa psychologie.

Harmonie : Peux-tu nous présenter Dione Taylor et Dee Brown qui réalisent de très belles prestations sur certains titres de Sexus ?Brian : Dione Taylor a été récemment nominé ici, au Canada, pour l’award du meilleur album

Un peu à l’instar de Elend, mais avec une musique plus abordable et traditionnelle, les Canadiens de House of Not ont entrepris la réalisation d’une imposante odyssée

qui s’étalera au total sur cinq albums. Après la parution du second volet de la saga intitulé Sexus, il était grand temps d’essayer d’en savoir plus. Nous nous sommes donc entretenus avec le père fondateur du projet, Brian Erikson, qui nous livre quelques-unes des clés pour entrer dans le concept d’A. Nexter Niode mais laisse suffisamment de zones d’ombre pour conserver intact l’intérêt des trois épisodes à venir.

Entretien avec Brian Erikson

Page 13: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5413

HOUSE OF NOTSEXUSFreakstreet production - Canada - 61 min 16

Nous n’aurons donc pas eu à attendre très longtemps la suite des aventures de A. Nexter Niode puisque je vous rappelle que Off the path, le premier volet de cet opus en cinq actes, a été chroniqué dans notre précédent numéro. Il faut préciser que nous avions un peu de retard puisque ce premier album avait été enregistré en 2003. Cette seconde partie du trip de Nexter le voit fleureter avec les tentations de la chair et de la passion érotique (d’où ce titre évidemment). Il tente d’y séduire Silk maîtresse du tyran Ol’Phat Folk. Mal lui en prend car il est sévèrement corrigé puis emprisonné par les sbires de celui-ci qui jette à son encontre une malédiction mentale et se sert de Silk, au rôle très ambigu, pour le détruire. L’équipe de base est la même. On retrouve donc l’instigateur du projet Brian Erickson au chant et les guitaristes Ken O’Gor-man, responsable d’une superbe production, et Lou Roppoli. Nombre d’intervenants comme les frères Gormley (basse/batterie) assurent le reste des instruments. La grande nouveauté vient de l’intervention de deux chanteuses à la voix magnifique. Dee Brown qui nous éblouit dans Lady in waiting, un morceau très atmosphérique, et donne la réplique au sieur Erickson pour l’excellent Voodoo bitch qui ouvre l’album et Dione Taylor, chanteuse de jazz à la voix très soul, qui interprète trois titres. On y trouve aussi un ex-April Wine aux

claviers et apparemment un musicien ayant joué dans Harem Scarem, soit deux générations de hard rock canadien ici représenté. Si l’équipe est en partie la même, la coloration musicale a changé. Le premier al-bum évoquait fortement l’univers du Pink Floyd de Roger Waters. Ici, même si cette influence subsiste, notamment dans l’instrumental Footnotes/Hurt et sur-tout la pièce de dix minutes Pipedream qui se révèle être l’un des highlights de l’album (comme Blood from a stone sur Off the path), ce n’est plus la principale. House of Not évite donc de se répéter et donne à ce Sexus une orientation très rythm and blues, soul, mélangée à du rock ce qui, finalement, convient très bien aux ambiances moites qu’évoque le sujet majeur de ce second volet. Bien entendu, le recours aux voix féminines renforce cet aspect chaud et sensuel de la musique comme ces vocalises tout en douceur et en caresse sur le final de Is that the best you can do ? Les voix sont d’ailleurs ce qui ressort en premier à l’écoute de l’album et la dualité masculin/féminin nous offre de superbes moments comme sur Behind the veil.

L’atmosphère est tantôt plus rock comme sur Secret dream et sa guitare saturée ou l’excel-lent Whitehouse qui groove à donf, on dirait du Stevie Salas, tantôt plus feutrée comme

ce Is that the best you can do ?, Voodoo bitch ou It’s your mother. Et si les parties de chant ont été indéniablement bien travaillées, ce n’est pas pour autant au détriment de l’instrumentation, très soignée également, et qui sait installer des climats émotionnels forts au tra-vers de superbes solos de guitares (Pipedream) ou de plus lourdes am-biances (le crescendo de State of the union). Bref, tout comme pour le premier album, il n’y a pas vraiment de temps morts et cette nouvelle orienta-tion musicale parvient à

renouveler notre attention sans couper les ponts avec la première et donc sans trop nous désorienter. Au final, Sexus est même sans doute supérieur à son prédécesseur au fil des écoutes. Si vous ne l’avez pas encore fait, intéressez-vous de près à ce projet et à ce trio canadien, vous ne devriez pas le regretter. Pour ma part, j’attends déjà la suite avec une grande impatience !

Didier Descamps

de jazz vocal 2005. Elle est extrêmement ta-lentueuse et ce fut un plaisir que de travailler avec elle. Dee Brown est un auteur-compositeur très renommé au Canada et elle a elle-aussi remporté un award comme chanteuse. Elle et Ken ont longuement travaillé ensemble. J’espère bien que Dione et Dee seront de retour plus tard dans The walkabout. Harmonie : Le personnage de Silk est très ambiguë ; devait-il nécessairement être une femme ?Brian : Voilà une question très pertinente ! Silk peut être une femme mais cela signifie aussi qu’il ou elle peut être bien plus ! En référence à la mythologie que j’évoquais ci-dessus, Silk peut être interprété ou vu de plusieurs façons différentes. J’espère que l’auditeur aura du bon temps avec ça si tu vois ce que je veux dire !

Harmonie : Depuis plusieurs années, de nombreux « Opéra rock » ont vu le jour en Europe comme Ayreon, Genius or Avantasia. As-tu entendu parler de ces groupes ou projets ?Brian : Non, je reconnais ma totale igno-rance

Harmonie : Souvent ces projets font ap-pel à plusieurs chanteurs, chacun jouant un rôle ; est-ce quelque chose auquel tu as pensé pour le concept du trip de Nexter ?Brian : Pour moi un opéra et une odyssée sont deux choses fondamentalement différente.

Une odyssée est d’abord narrative, à l’opposé d’un opéra où chaque personnage s’adresse aux autres à travers un jeu de rôles. Dans The walkabout chaque chanson s’adresse d’abord à l’auditeur en supposant que celui-ci s’identifie à l’un des trois personnages principaux que sont Nexter, Silk et The Hypocrite.

Harmonie : Pour quand pouvons-nous espérer la suite des aventures de Nex-ter ?Brian : Nous sommes actuellement sur le point de jouer live. C’est un break bienvenu pour Ken, Lou et moi-même car il nous semble que, depuis que j’ai commencé à travailler sur les démos en 2000-2001, puis démarré l’enregistrement des parties 1 et 2 avec eux en même temps que House of Not, cela a été comme une session de studio non-stop jusqu’en novembre 2004. Il va donc se passer au moins plusieurs mois avant que nous ne mettions à nouveau le pied dans un studio d’enregistrement !

Harmonie : Justement avez-vous des projets live basés sur le concept de The walkabout ?Brian : Oui, bien sûr. Le but final serait de présenter l’odyssée dans son intégralité dans un théâtre en utilisant au maximum les possibilités du multimédia.

Harmonie : Filmer l’ensemble pour un DVD de 5 heures serait une bonne idée, non ?Brian : Déjà les cinq pochettes d’albums

formeront un artwork complet assez intéres-sant que l’on pourrait décliner sous forme de poster. Une présentation sous la forme d’un DVD nous permettrait sûrement de présenter le projet dans sa globalité artistique à travers cet artwork, des photos, et de la vidéo bien sûr. Mais c’est quelque chose pour le futur.

Harmonie : Est-ce que tu penses que quelque part nous avons tous à accomplir d’une façon ou d’une autre le « voyage » de Nexter pour nous trouver nous-mêmes ?Brian : Le trip de Nexter est pensé pour réévaluer la notion de « Soi » et ce que nous souhaitons « trouver ». Se demander à soi-même : « Qu’est-ce que je veux faire de ma vie » est une question très commune que chacun se pose. Quel est l’intérêt d’une telle question si toutes les portes nous sont fermées, si toutes les possibilités nous sont refusées ? Le trip de Nexter, c’est justement cette quête des différentes possibilités. Est-ce que ce « voyage » est absolument nécessaire ? Non, mais avons-nous une autre alternative ?

Harmonie : Que pouvons-nous trouver sur votre web site et quel plus cela apporte- t-il aux albums ?Brian : Nous espérons que les auditeurs seront intrigués par le monde de Nexter et qu’ils voudront l’explorer un peu plus en profondeur. C’est pourquoi le site web offre une collection de clips musicaux, de dessins en rapport avec le trip, de courtes vidéos et le journal du voyage de Nexter qui, nous l’espérons, fera le bonheur des fans.

Page 14: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 14

HARMONIE. – Pour percevoir toutes les subtilités du fabuleux concept de Be, on doit vraiment faire preuve d’ardeur et étudier les paroles en profondeur. Peux-tu nous délivrer de notre torpeur en nous précisant ce complexe concept ?

Daniel Gildenlöw : J’ai voulu donner une dimension divine aux paroles de cet album car il était temps de prouver aux gens de métier que Pain of Salvation possède quelque chose que peu de formations ont au final, notre musique est le prolongement de notre âme au sein du groupe. Trop se méprennent sur la notion de spiritualité qu’ils abordent avec légèreté et incompréhension du sujet. Le thème principal de Be renferme les notions de liberté individuelle, du respect de la na-ture, du désir d’humanité et de la sensibilité harmonieuse à gérer notre vie parmi tous ses facteurs essentiels à notre propre survie. L’élément essentiel qui résulte de ce concept peut être résumé à travers la compréhension universelle de tout un chacun, qu’on soit bon ou mauvais, le sens réel de notre vie n’a d’intérêt que celui qu’on veut bien lui porter. Être quelqu’un et imposer sa per-sonnalité est honorable dans la mesure où chacun prend son destin en main, trop de gens se laissent diriger, au final, l’intégrité morale en perd tout son sens premier. Je laisse les fans puiser dans les pistes que je propose au travers mes paroles et si je peux en aider certains à réfléchir sur eux-mêmes, j’en serais ravi mais au mieux, je ne suis qu’un vecteur de conscience, rien

de plus. Que chacun trouve la sérénité en soi-même, il n’y a de paix intérieure que si l’on considère l’humain comme un être à part et non comme cette vulgaire notion de supériorité à toute épreuve.

HARMONIE. – Véritable cadeau pour les fans de la premièr heure, ce DVD a été enregistré dans votre ville natale, comment se sont déroulées les phases d’enregistrement ?

Daniel : On a choisi ce lieu pour remercier nos fans locaux de la première heure tout simplement même si on s’est vite aperçu que certains avaient dû certainement faire beaucoup de kilomètres pour assister à cet enregistrement en public. Une ambiance chaleureuse de travail en somme et un décor fabuleux qui, je l’espère, sera réutilisé car l’infrastructure était excellente.

HARMONIE. – Sur votre site internet, un étrange lien permettait d’envoyer des messages à Dieu, tu peux nous en dire davantage ?

Daniel : On a trouvé l’idée intéressante et innovante que de pouvoir concentrer les pensées humaines au travers une boîte de dialogue sobrement intitulée « Messages to God ». Ce qui nous a permis d’en sélec-tionner quelques-unes des plus émouvantes qu’on a incrusté dans la musique de Be. Peu de gens pensent à Dieu en dehors des occasions de mariage ou d’enterrements et donner l’occasion à nos fans de pouvoir se confier de façon anonyme peut être perçue

comme une délivrance personnelle. Je suis convaincu qu’au final certaines personnes l’ont fait bien que n’étant pas fan de Pain of Salvation, dans l’unique but de se soulager et de faire partager des émotions, c’est déjà une belle réussite en soi.

HARMONIE. – Si l’on en juge de par la qualité de tes paroles, tu dois certai-nement être féru d’œuvres littéraires durant tes moments de repos ?

Daniel : Les autres membres me disent souvent que je possède un certain talent donc je l’exploite au maximum de mes ca-pacités ! (rires) J’aime la philosophie dans son ensemble, se pencher sur la complexité des relations humaines est enrichissant et chacun devrait faire l’effort au moins une fois dans sa vie de lire ce type d’œuvre, on peut en apprendre beaucoup en peu de temps. La notion d’humanité est fondamen-tale mais elle n’est plus aussi respectée que par le passé. De nos jours, on se contente de tirer profit des ressources terrestres sans se soucier du côté moral et sacré de nos actes. On se doit de réguler nos sentiments et de parfaire nos compétences dans ce domaine. Malheureusement, cela n’est que de l’amour propre pour beaucoup, d’autres comme moi, préférons se pencher sur de vraies valeurs qui m’influencent dans ma musique indéniablement.

HARMONIE. – Quelles sont justement tes propres convictions religieuses ?

Daniel : Personnellement, c’est un sujet déli-cat mais utile pour se racheter une conduite intellectuelle ! Je crois sincèrement dans le potentiel que chaque humain est maître de son destin et qu’il possède toutes les clés pour réussir sa vie de manière constructive et harmonieuse avec ses ressentiments pro-pres. Il n’est pas par nature aisé, pour un musicien, que de prétendre à tel dogme ou telle religion car cela altère l’ego qu’on doit combattre pour être performant. C’est pour cela que je ne te répondrai pas intimement à cette question car il est bon de croire que le besoin de liberté et non d’asservissement face à une religion quelle qu’elle soit, est vital et nécessaire en tout état de cause.

HARMONIE. – Vous allez effectuer une tournée européenne en tête d’affiche, pourquoi ne pas proposer un package plus complet de groupes de votre trempe artistique ?

Daniel : Effectivement, nous avons reçu beaucoup de sollicitations dans ce sens mais au sens premier d’une tournée comme on le conçoit au sein du groupe, il n’y a de sens que de proposer une affiche qui se tient dans son ensemble. Pain of Salvation est presque un ovni dans la scène progressive et on préfère faire peu de concerts mais proposer un show des plus intimes. Le seul groupe qui a porté notre intérêt collectif est le groupe allemand Dark Suns, ils ont cette essence musicale qu’on apprécie grandement. On prévoit un show spécial qui insistera beaucoup sur les émotions en espérant voir aux premiers rangs, quelques larmes de bonheur…

InterviewPropos recueillis par Charles Zampol,

le 9 mars 2005

En véritable conteur, Daniel de PAIN OF SALVATION,nous éclaire sur la sortie de leur premier DVD qui renfermel’illustre histoire du concept initial de Be.Tout un programme avec quelques révélations croustillantes…

Page 15: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5415

Effectuons un petit retour en arrière. 2003, le groupe suédois Pain of Salvation, formation phare du progressif à la sauce métal donne plusieurs représentations live du concept Be né de l’esprit génial et torturé de son talentueux leader, Daniel Gildenlöw. Enregistré avec le renfort d’une mini formation classique (The orchestra of eternity), c’est l’un de ces concerts qui paraît aujourd’hui sous la forme double CD+DVD. Entre temps l’œuvre a fait l’objet d’un enregistrement et d’une sortie en version studio légèrement plus longue que celle proposée ici. Une œuvre difficile qui nécessite une approche particulière et dans laquelle des fans de Pain of Salvation m’ont avoué avoir eu du mal à pénétrer ! Sans doute parce que Be ne s’aborde pas comme une simple composition musicale mais bien comme une œuvre artistique à part entière. A ce titre cette publication en DVD apporte un plus indéniable et offre à travers la mise en scène et l’esthétique développée par des éléments divers comme les costumes, le maquillage ou les jeux de lumières quelques clés pour mieux pénétrer au cœur du concept et de la musique.

Je pense l’avoir évoqué dans ma chronique du CD studio, Be est de la « famille » de ces concepts-albums du rock progressif dans lesquels il n’est pas facile de rentrer sans en saisir la globalité. Un peu comme The Wall qui s’apprécia plus facilement après avoir vu le film. La question n’est pas de savoir si Be est du niveau de The Wall, l’époque n’est plus la même et il y a aujourd’hui beaucoup trop de groupes pour que Pain of Salvation parvienne à s’extirper de la masse et connaître un succès planétaire. Et ce d’autant plus que les médias dits généralistes ont perdu une grande partie de leur curiosité en matière musicale. Et cela est bien dommage car ce groupe génial ET original le mériterait bien. Aussi a-t-on envie de prendre plus encore fait et cause en sa faveur pour que ceux qui sont encore des défricheurs dans leur approche de la musique (et vous en faire sûrement partie sinon vous ne liriez pas Harmonie) fassent l’effort d’essayer de les comprendre.

Après avoir visionné plusieurs fois ce petit bijou j’ai envie de dire que ceux qui ont aimé la version studio vont se régaler car l’enregis-trement live décuple les qualités de celle-ci. A ceux qui n’auraient pas aimé je conseillerais de donner au moins une fois une seconde chance à Be … d’exister ! Je ne reviendrais pas en détail

sur la musique en elle-même (pour cela reportez vous à la chronique parue dans le numéro 52), n’y sur le CD live qui a néan-moins l’immense mérite de proposer une version plus chaude, plus chaleureuse ai-je envie de dire, des 70 et quelques minutes de l’œuvre. Preuve que son essence même résidait d’abord dans la magie de l’instant et que reproduire ces émotions en studio ne fut pas une gageure. Je prendrais comme exemple l’étrange Vocari Dei qui, je le rappelle, ne propose que des messages à Dieu laissés par les fans sur le répondeur du groupe. Curieux sur l’album, ce passage prend ici tout son sens, magnifié par un superbe accompagnement orchestral, un joli halo bleuté et cette image trou-ble du téléphone céleste ; tout ceci contribuant à renforcer les émotions (colère, espoir, désespoir…) véhiculées par ces messages.

C’est tout cela qui nous est offert par l’image et la technologie du DVD. Hormis quelques bonus assez anecdotiques celui-ci se concentre sur la prestation de Be qui est proposée en version normale et en version commentée. Cette dernière étant, dans ce cas précis, d’un grand intérêt car Daniel et Fredrik (le claviériste) y donnent de nombreux détails importants pour l’appréhension de l’œuvre, ceci malheureusement à condition de bien maîtriser l’anglais. C’est dans cette version par exemple que l’on apprend que Daniel a voulu que l’orchestre ne soit pas groupé et encore moins dirigé par l’habituel chef, ceci afin de lui laisser plus de liberté d’expression et de création. Ce qui ne fut pas chose aisée pour les musiciens classiques habitués à être dirigés. Ceux-ci sont ainsi mélangés en solitaire ou par petits groupes aux musiciens de Pain of Salvation eux-mêmes sur une scène très large et très profonde. Chaque musicien d’orchestre comme du groupe a le visage maquillé d’une couleur différente, chaque couleur ayant sa signification particulière par rapport aux éléments du concept. Ainsi Johan Hallgren est-il maquillé en gris sensé symboliser la terre et la poussière. Ceci avec un subtil jeu d’ombres et de lumières produit des effets saisissants comme sur le final très technique et enlevé de Nihil morari. On sent bien que rien n’a été laissé au hasard et que chaque musicien est à fond dans son rôle. La palme revient bien sûr au géniteur du concept qui délivre à la fois une prestation vocale éblouissante et fait preuve d’un sens du théâtre et de la mise en

scène inné. Tout au long du concert Daniel se change ainsi plusieurs fois depuis son entrée en scène au ralenti tout vêtu d’une étoffe d’un blanc virginal, jusqu’au costume, aux lunettes noires et aux cheveux gominés du person-nage de Mr Money sur la mini comédie mu-sicale Dea Pecuniae. Sur ce titre comme sur

quelques autres sont insérées des projections de mini scénettes ou d’images de la nature (le grandiose Pluvius Aestivus où Fredrik Her-mansson joue au petit prodige du conservatoire derrière son piano) en opposition avec d’autres de la civilisation moderne (Lilium cruentus). Le clou du spectacle est assurément Latericius

Valete/Omni avec son magnifique orgue d’église qui voit Daniel se baptiser dans la mini piscine installée au centre de la scène avant d’enfiler la veste complètement trempée de Mr Money non sans assurer de sa voix de tête des parties vocales sublimes et transcendantes. Une magie qui se prolonge grâce au piano liquide et aux superbes violons et violoncelles d’Iter impius où Johan Hallgren se fend d’un solo déchiré avant un final orchestral où la beauté dispute la vedette à l’intensité. Et le tout de s’achever sur les percussions tribales d’Animae partus II un peu comme un retour à la virginité du com-mencement de toute chose.

En bonus une galerie photo, de nombreux messages à Dieu supplémentaires non retenus dans le mix final, une petite séance de maquillage et un « religious fanatics track » qui voit ce sacré Daniel expliquer qu’auparavant, à l’époque du vinyl, les imprécateurs et autres tarés de tout poil pouvait chercher le diable dans la musique rock en écoutant les disques à l’envers. Difficile de reproduire cela de nos jours avec un CD ou un DVD. Daniel leur offre donc un titre avec des paroles entièrement à l’envers ! Il y a aussi un bonus caché dont je n’ai malheureusement pas pour le moment déchiffré l’énigme ; plus rusé que le père Fouras, notre Daniel !

Peut-être serez-vous plus perspicace si vous décidez d’aller jeter vous aussi un œil sur ce superbe DVD. Faites au moins l’effort une fois je le répète, le jeu en vaut la chandelle, et ce groupe à trop de talent pour être ignoré !

Didier Descamps

HARMONIE. – Apparemment vous vous êtes déjà mis à écrire The Perfect Element, Part 2, tu peux nous aiguiller sur quelques détails ?

Daniel : Je vais être bref sur cette rumeur, ce ne sera pas notre prochain album ! Be

PAIN OF SALVATIONBE LIVE CD + DVDInside Out - Suède

a été un grand sacrifice tant au niveau du budget alloué que de l’investissement global de l’orchestre et des membres bien sûr donc je préfère attendre encore afin de pouvoir hériter d’un orchestre plus complet. On doit encore vendre

beaucoup d’albums pour en arriver à ce stade mais c’est en bonne voix, je suis persuadé au final que les fans aiment l’honnêteté dans le travail et qu’ils trouvent cette notion chez Pain of Salvation…

Page 16: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 16

ABONNEMENT (3 numéros) : France : 23 €, Europe : 27 €, autres pays : 28 € (port compris)Tél. : 05 56 21 48 62 • Email : [email protected]

Complétez votre collection !PRIX AU NUMERO du 03 au 21* ----------------- 6,10 € + 0,61 € de port

PRIX AU NUMERO du 22 au 53* ----------------- 6,50 € + 1,45 € de port

OFFRESPECIALE

du n� 3 au n� 46

Pour 5 exemplaires au choix .... 20 €

Pour 15 exemplaires au choix ..... 45 €

Pour 25 exemplaires au choix ..... 70 €

Port

com

pris

Nom, prénom : __________________________________Adresse : __________________________________________________________________________________________________________________

3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 26 27 28 29 31 32 33 34

35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54

* Les numéros 1, 2, 25 et 30 sont épuisés

Ci-joint, mon chèque à l’ordre de J.C. GRANJEON • 15, avenue du Béarn 33127 Martignas-sur-Jalle (France)

HARMONIE. – Ce nouveau CD s’avère très romantique et me semble être un mélange du prog italien classique avec un zeste de musique baroque.Bruno Rubino : Du prog, nous avons pris l’esprit d’expérimentation et de la musique baroque une certaine mélancolie décadente.

Propos recueillis par Raymond SériniInterview

HARMONIE. – D’où te vient cette passion pour le Moyen Âge ? Bruno Rubino : Je pense qu’elle a toujours été présente, même lorsque j’étais enfant. Le Moyen Âge est une métaphore de l’in-conscient humain, emplie de symboles et d’archétypes très forts.

HARMONIE. – Pour nos lecteurs français, peux-tu nous faire un résumé de l’histoire contée dans ce nouveau CD ?Bruno Rubino : En fait, il n’y a pas une histoire, mais douze histoires différentes, douze contes avec des significations profon-des. La personne qui écoute peut s’arrêter à la narration ou chercher à découvrir ce qui se cache derrière chacun des textes. Mais ce sont tout simplement des fables.

HARMONIE. – Les groupes italiens de prog sont très nombreux. Mais pourquoi est-ce si difficile de jouer de la musique prog en live ? Comment font les musiciens de Fiaba pour trouver des concerts ?Bruno Rubino : Tous les espaces d’impor-tance pouvant accueillir de la musique live sont monopolisés par des multinationales dont l’unique intérêt est de vendre de la musique commerciale à consommer rapi-dement. L’expérimentation, la recherche et un son plus personnel qui ne se calquent pas sur les stéréotypes internationaux sont automatiquement mis à l’écart du marché. Fiaba joue donc pour des passionnés, comme tous les groupes alternatifs italiens qui ne sont pas connus du grand public. Mais les choses peuvent changer.

HARMONIE. – Le DVD est très beau. Comment a-t-il été réalisé ?Bruno Rubino : Il présente le premiermorceau de notre CD Angelica e il folletto del salice. Il dure un peu plus qu’un morceau

Page 17: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5417

normal (un peu plus de six minutes). Il s’agit là d’un cadeau que nous avons voulu faire à nos fans en le joignant au CD. Toutes les scènes que l’on peut voir sont originales et ont été réalisées uniquement pour cette vidéo, nous avons reconstitué entièrement les ruines de la cathédrale, le bois et aussi Martinetto (le lutin). Tout a été fait à la main ; l’ordinateur n’a été utilisé que pour le montage et la coloration. En vérité, nous voulions que tout semble réel, mais vu comme à travers une atmosphère irréelle, féerique. Le DVD a été réalisé grâce à notre maison de disque PC FILM (www.pcfilmonline.com) qui comme on l’imagine de par son nom, s’occupe principalement de productions vidéos.HARMONIE. – Même si elle est très per-sonnelle, la musique de Fiaba s’approche-t-elle plus de celle de Banco ? de Jethro Tull ?Bruno Rubino : Si j’écou-tais Fiaba avec une oreille extérieure, je dirai que le chant italien peu effective-ment faire penser à Banco et certains arrangements à Jethro Tull, mais je pense sincèrement que l’on ne peut pas donner d’étiquette à la musique de Fiaba.

HARMONIE. – Nous savons tous que faire de la musique prog, aujourd’hui, est un choix qui vient du cœur et que l’on ne peut faire ce choix que par passion extrême. Est-ce qu’un musicien de prog vivant à Siracuse, en 2005, peut vivre de sa musique ou doit-il avoir un autre job à côté pour s’en sortir ?Bruno Rubino : Il est vrai que tout cela ne peut se faire sans une passion profonde. Vivre de sa musique est très difficile en Italie, aujourd’hui. Comme je te le disais tout à l’heure, Pc film croit beaucoup en nous et a beaucoup investi sur notre nom. Le vrai défi n’est pas de vivre de la musique mais de vivre avec TA musique. Je ne sais pas si le marché italien est prêt pour cela mais nous ferons ce que nous avons à faire pour atteindre ce but.

HARMONIE. – Quels sont les projets du groupe ? Y aura-t-il des concerts en Italie ? En France ?Bruno Rubino : Notre management est en train d’organiser une tournée dans toute l’Italie. Si quelqu’un est intéressé pour faire jouer Fiaba en France, il peut joindre notre management sur [email protected], nous serons très heureux de venir jouer en France pour vous !!!En ce qui concerne les sorties à venir, notre single inédit Il lustrastelle ne devrait pas tarder. Il est tiré d’une histoire de votre génie français Claude Clément. La pochette a été réalisée par le grand John Howe (le dessinateur du Seigneur des Anneaux) et nous en sommes très honorés. Un salut amical à tous les lecteurs d’Harmonie.

FIABAI RACCONTI DELGIULLARE CANTORECD + DVDwww.fiabaweb.com

Voici le cinquième opus de ce groupe italien qui nous vient de Siracusa. Cette formation, née en 1991, est composée de Giuseppe Brancato au chant, Massimo Catena et Carlo Bonfiglio aux guitares, Giuseppe Capodieci à la basse et Bruno Rubino à la batterie. Une fois n’est pas coutume, l’âme du groupe, l’auteur-compositeur qui matérialise ses rêves les plus fous en mots et en musique est donc le batteur Bruno Rubino (voir interview ci-contre).

Fiaba veut dire fable et c’est tout naturellement que notre Bruno s’en vient naviguer dans l’uni-vers des sorcières, prin-cesses, elfes et autres créatures avec force métaphores, allégories et grande richesse de con-tenu. Il y a donc le texte brut qui est une histoire et la morale de la fable, qui se dessine peu à peu, par petites touches. En douze chapitres, Fiaba revisite un rock progressif très

chanté (en italien) et influencé par des sonorités celtico-médiévales et méditerranéennes. Le côté celtique fait penser à Jethro Tull, l’univers médiéval à certaines pièces maîtresses de Banco (Il giardino del mago du premier album). Le chant est très théâtral, la musique est traversée par un véritable souffle et le mot grandiloquent reste quoi qu’il en soit le plus adapté.

Il transparaît une force évidente dans cet opus car l’univers musical emprunte finalement des voies très différentes. De Nipote della Strega avec son tempo martial à Arriva lo spazzacamino, les contrastes sont nombreux. Ne vous imaginez donc

pas de couler des moments de douceur celtique enrubannée : la musique de Fiaba bouge et est même en perpétuel mouvement. Il y a bien sûr des moments calmes mais ils ne sont pas les plus nombreux, loin s’en faut. Le pere del arco, par exemple, est swinguant à souhait.

Le DVD, quant à lui, dure un peu plus de six minutes et présente le premier morceau du CD Angelica e il folletto del salice. En l’an de grâce 1735, quelque part en Europe, Angélique est une damoiselle qui pleure et attend le retour de son prince qui l’a abandonnée. Assise sous un saule-pleureur, elle est toute à son désespoir lorsqu’une musique se fait entendre et qu’un lutin lui apparaît. Il s’appelle Martinetto et la protège mais le temps passe. Un jour, on entend le bruit de sabots d’un cheval ; le prince est de retour. Angelica est toute à sa joie de retrouver son prince mais l’enchantement étant alors rompu, le lutin s’en va. La damoiselle s’enfuit alors à sa recherche et s’en retourne sous le saule-pleureur. Comme au début de l’histoire, ses larmes le font apparaître et le lutin Martinetto arrivera encore à la faire rire. Sauf que cette fois, tous deux vont disparaître corps et bien et que l’on ne retrouvera que la flûte de roseau avec laquelle le lutin jouait sa musique.

Ce résumé présente très clairement l’univers onirique de Bruno, très éloigné de notre quotidien de début de second millénaire. Mais les fables sont intemporelles et ce n’est pas Monsieur de La fontaine qui nous contredira à ce sujet. J’entends déjà certains esprits grognons disant : « Encore du prog italien, encore de la musique celtico-médiévale… ». Le fait est que nos amis transalpins ont le prog dans le sang et comme le pommier fait des pommes, les Italiens font du prog. Nous ne nous plaindrons pas, bien au contraire, qu’un groupe de qualité s’ajoute à la liste déjà longue des formations italiennes de talent. Ceux qui ont goûté avec délectation à certains albums des débuts de notre cher Ange ou justement à ce Banco dont on ne parle jamais assez seront en terrain conquis. Cette fable-là s’avère bigrement séduisante…

Raymond SériniS

tag

e d

e g

uitareDu 12 au 17 septembre 2005 Du 12 au 17 septembre 2005 à à ParisParis

avecFrédéric L’Épée

Le but de ce stage est de sortir des schémas musicaux traditionnels, de sortir des styles pour aller explorer des sonorités qui existent potentiellement dans la culture occidentale mais dont nous ne nous servons pas.

Infos :Infos :Vous pouvez obtenir des informations en tVous pouvez obtenir des informations en tééllééphonant auphonant au

06 17 71 83 0406 17 71 83 04 ou en envoyant un email ou en envoyant un email à à [email protected]@cegetel.net

Vous pouvez aussi vous rendre sur le web Vous pouvez aussi vous rendre sur le web à à l’adresse :l’adresse :http://www.laspada.perso.cegetel.net/stages.htmlhttp://www.laspada.perso.cegetel.net/stages.html

http://www.laspada.perso.cegetel.net/index_fr.htmlhttp://www.laspada.perso.cegetel.net/index_fr.html

Page 18: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 18

HARMONIE. – Que penses-tu réellement des personnes qui te décrivent comme étant le pape de l’Electronique ou le dieu de la Techno ?KS : De manière générale, je me sens flatté et je pense en premier lieu qu’après tant d’années, en toute modestie, je mérite peut-être ce titre étrange mais je n’y prête guère attention. J’ai commencé à pratiquer la musique il y a plus de quarante ans déjà et me suis intéressé dès 1969 à la musique électronique en intégrant Tangerine Dream. Deux ans plus tard, j’entamais une carrière en solo qui ne s’est toujours pas achevée et, sincèrement, je suis poussé par une passion intime qui m’in-terdit quelque part de m’arrêter ! (rires) A dire vrai, sur une période aussi longue, j’ai rencontré tellement d’artistes ou de groupes voulant à leur tour révolutionner ce genre musical et se séparer aussi rapidement, faute d’inspiration ou de réelle motivation que j’en ai conclu que j’avais une personnalité à part. Je vis depuis longtemps dans cette sphère fermée et je peux t’assurer que seule la détermination et la passion loin des sentiers commerciaux de la musique, sont les clés du succès. Un succès minime quand on voit ce que d’autres ont gagné dans un style différent après tant d’années au final. Il est de nature à ce que la

passion apporte la gloire parfois mais, de mon propre chef, j’ai toujours préféré accomplir ma mu-sique dans un souci d’intégrité et de réelle recherche ex-périmentale à mon avantage. Le plaisir que me procure ma musique est indescriptible et je n’arrive jamais à me rassasier, ce qui doit dérouter les fans absolus, j’en suis convaincu !

HARMONIE. – Dans quelle mesure as-tu eu l’opportunité de signer avec le label InsideOut bien qu’étant en contrat chez SPV ?KS : Je reste chez SPV quoi qu’il arrive car ces rééditions seront intégralement distribuées par SPV en Europe donc je reste avec mes collaborateurs quoi que l’on puisse penser. Thomas du label InsideOut m’a proposé de sortir une longue série de rééditions au format spécial comprenant une remasterisation complète des titres ainsi que des bonus, le tout accompagné de beaucoup d’archives de photos et de textes. C’est un très bon deal qui consiste, tous les trois mois, à rééditer quatre de mes albums. A mesure que le temps passe, les fans seront heureux de redécouvrir des pièces d’anthologie qui, pour certains d’entre-eux, ont déjà un certain âge ! (rires) Pour finir, j’ai signé ce contrat en étant le premier artiste de leur nouvelle subdivision appellé Revisited Records qui comme son nom l’indique, s’occupe principalement de rééditions.

HARMONIE. – Personnellement, quels sont les artistes, de nos jours, qui mé-ritent ton plus grand respect ?KS : Question pas évidente au premier abord mais de loin, je te citerais directement Amon Duul, Kraftwerk, Snap…Ce sont des amis de longue date qui ont chacun contribué à l’émergence de cette culture électronique à leur niveau et leurs groupes ont, pour certains, acquis un statut immense. Je veux évidemment parler de Kraftwerk qui sont en Allemagne l’institution absolue de ce mouvement et, en tant que compatriote, je suis très fier de ce succès qui ne s’est jamais démenti. C’est cela aussi que j’admire le plus chez ce groupe : l’intégrité morale.

HARMONIE. – Après plus d’une cen-taine d’albums publiés, qu’espères-tu encore apporter de rafraîchissant au sein du microcosme qu’est la musique électronique ?KS : A priori, je te dirais que bien qu’impopulaire comme musique pour beaucoup de personnes qui nous prennent pour des farfelus, on est loin

d’appartenir à une petite communauté comme tu l’indiques. La musique électronique est relayée dans beaucoup de pays, elle bénéficie d’une presse de qualité et d’un intérêt qui grandit à mesure que les années passent. Ce n’est pas un style à la mode pour autant car moins accessible mais je te garantis que beaucoup reste encore à faire dans ce domaine. Une musique est intemporelle, les combinaisons d’influence sont infinies et les possibilités de se renouveler sont sans limite, seule l’absence de créativité peut réellement mettre en péril ma musique ce qui, à mon avis, ne risque pas d’arriver puisque c’est ma propre maison de disque qui doit me freiner dans mon ambition ! Je suis un passionné de la dernière espèce, je ne peux pas m’arrêter de composer, de bidouiller ou de rechercher des sons, c’est littéralement ce que je sais faire de mieux dans ma vie.

HARMONIE. – Quel serait le synthétiseur absolu pour toi, à ce jour ?KS : Je prie tous les jours pour qu’il ne soit pas mis au jour, c’est une perpétuelle course à l’amé-lioration technique mais, en ce qui me concerne, la perfection n’existe pas en dehors de la nature donc il n’y a que peu de chance qu’un jour la perle débarque sur le marché ! L’instrument idéal serait celui qui jouerait à ma place, en totale synergie avec mes stimulations internes, ce qui pourrait s’assimiler à de la télépathie, dès lors on navi-guerait en pleine science-fiction… Je suis satisfait de mes instruments à l’heure actuelle, seule mon imagination les contrôle et je rêve trop souvent de sonorités que je n’arrive pas à retranscrire. Un jour viendra peut-être où je saurais les faire partager avec le plus grand nombre.

HARMONIE. – On te voie que trop rarement en concert en France, comptes-tu venir nous rendre une petite visite bientôt ?KS : Si tout ce passe bien, en octobre prochain, je devrais jouer à Paris, à la Cigale si je ne me trompe pas de salle mais, bien sûr, ce pays et cette ville en particulier me manque. Elle résonne en moi comme du papier à musique, c’est la ville où naissent les passions amoureuses. Ma vie est une communion entre la musique et la passion, j’en suis ravi et cultive tous les jours le bonheur de vivre de mon travail d’artiste. Je souhaite à beaucoup le même parcours car j’ai l’impression de n’avoir vécu qu’une infime partie de ce que j’espérais étant enfant.

InterviewPropos recueillis par Charles Zampol,

le 17 février 2005

Klaus Schulze est certainement le seul homme qui a sû dompter toute la magie et l’intensité de la musique électronique. A tel point qu’après plus de cent albums à son actif, il est toujours aussi présent et nous profitons de la sortie de plusieurs rééditions sur InsideOut pour rencontrer ce mythe d’un autre temps.

Picture Music (1975)

Mirage (1977)

X. (1978) Dig it (1980) Dreams (1986) En=Trance (1988) Le Moulin De Daudet (1992) In Blue (1995)

Page 19: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5419

composé quasiment l’intégralité du nou-vel album chez moi, un travail méticuleux a été apporté sur la qualité des mélodies. En tout cas, il n’est pas coutume chez nous de nous répéter alors expérimenter est une de nos devises, s’amé-liorer sans cesse, c’est l’élixir de jouvence du musicien !Harmonie. – Votre parcours musical est assez atypique et votre approche est assez unique dans le genre, la démarche d’un artiste comme Frank Zappa semble vous influencer par moment, peux-tu m’éclairer davantage sur ce point ?Mattias E. : Comparaison des plus flatteuses bien que Frank Zappa n’est d’égal que son ombre ! Tant d’artistes ont essayé de l’imiter en échouant. Il est l’icône indestructible des expérimentations en tout genre, aucune limite ne lui faisait peur et cette honnêteté et son charisme qui ont élevé dès son vivant son jeu inné et admirable de la guitare. Freak Kitchen n’a pas la prétention de plagier qui que ce soit, ce groupe a été créé dans un but de divertir et de parfaire notre jeu, album après album. Personne ne peux prédire la carrière fulgurante d’un musicien mais poser des jalons efficaces et progresser par étape peut néanmoins te conduire à un statut de reconnaissance du milieu fort appréciable mais la recette n’est pas magique, seul le travail acharné paie et c’est encore l’unique vérité à prendre en compte ! Harmonie. – Un titre comme Mussolini mind est étrange au premier abord. Quel en est la signification des paroles exactement ?Mattias E. : Une simple histoire personnelle vé-cue il y a quelques mois, deux amis d’enfance

qui ont changé sur le plan moral en devenant des êtres racistes à souhait me déversant leur flot de haine sans quelconque gêne à mon égard. Banal mais tellement d’actualité au final. Le fascisme perdure bien quand on se penche que quelques secondes sur notre société moderne. Mes paroles pointent du doigt ce type de personne à l’esprit cloisonné et stupide. Il est impensable de rester ami avec des gens d’opinion malveillante car le phénomène de perversion dans un cercle familial ou d’amis intimes, par exemple, peut vite arriver, la dérive d’un seul peut entraîner les autres donc mieux vaut les éviter et stopper les relations douteuses. Il a été dur d’écrire ce titre mais à titre d’intégrité morale, je l’ai fait et j’espère que ça touchera le cœur des bonnes personnes.Harmonie. – Organic proposera une version spéciale pour les fans, peux-tu nous présenter son contenu ?Mattias E. : Tout à fait, une version double accompagnée d’un DVD sera mise sur le marché. Trois prestations Live ont été enre-gistrées en France, à Paris et en province. On a rajouté nos clips dont nos fans ap-précient ce côté décalé et énergisant. C’est un beau cadeau et cela contribue à notre

façon de lutter contre ce fléau du gravage abusif et incontrôlable des albums sur Internet. Au moins, les gens en auront pour leur argent avec cette version collector de Organic.Harmonie. – Freak Kitchen va bientôt nous rendre vi-site à nouveau, en octobre prochain. Dans quel état es-tu, toi qui adore tellement notre pays ?Mattias E. : On revient

chez vous car vous avez un si bon vin ! (rires) Non, je plaisante évidemment. On va enchaîner une série de dates en France, au mois d’octobre, avec des guests encore non définis à l’heure actuelle. L’alchimie entre le groupe et votre pays est presque fusionnelle : on se sent aussi bien qu’à la maison, en Suède. Sur scène, c’est le délire constant et notre fan-base est importante, fidèle et nous pousse sans cesse à nous dépasser. C’est littéralement le bonheur de jouer en France alors ne nous loupez pas, on vous promet un show à la mesure de notre fantaisie…Harmonie. – En tout cas, on a l’impression de voir des adultes avec une âme d’enfant autant sur disque que sur scène. D’où vient cette fraîcheur perpétuelle dans vos compositions ?Mattias E. : Freak Kitchen a conscience que ses membres sont galvanisés par l’esprit de leur jeunesse. C’est tellement plaisant de vivre en tant que musicien, rêve que tu as fait si souvent quant tu étais enfant. La musique est notre façon d’exprimer nos sentiments passés et présents, on essaie au maximum de retranscrire notre vitalité furieuse dans nos titres de façon à toucher le cœur des fans. Chacun naît avec un rêve, quel est votre rêve ? Posez-vous intimement la question et approchez-le à défaut de le vivre…

Harmonie. – Vous avez joué un nouveau titre, Speak when spoken to, lors de votre dernière tournée avec Patrick Rondat en France. De bons souvenirs ?Mattias Eklundh : Evidemment, on s’est bien amusé encore une fois et tourner avec un ami comme Patrick est fantastique comme toujours. Speak when spoken to a été pré-senté au public qui a vite accroché au refrain très dynamique, on était confiant en son pouvoir de captation télépathique ! (rires) Votre pays est pour le groupe une longue histoire d’amitié et le plaisir de jouer chez vous est infini.

Harmonie. – Sur ce titre, tu as justement un célèbre invité de marque, peux-tu nous décrire cette collaboration fructueuse ?Mattias E. : Depuis le départ de la composi-tion du nouvel album, l’idée de faire appel à Ron Thal de Bumblefoot m’a séduite en effet. Entre musiciens fous, le feeling passe toujours vite, saches-le ! Son timbre de voix est assez unique et collait parfaitement au rythme de la chanson Speak when spoken to donc je lui ai demandé en toute modes-tie et en tant qu’ami de longue date, il a répondu à l’appel de manière très positive et enchantée.Harmonie. – Vous êtes un combo connu pour le culte des expérimentations sur disque et on se régale à foison lors de l’écoute de Organic. Ce dernier est très complémentaire de Freak kitchen paru en 1996. Que peux-tu nous dire à ce sujet ?Mattias E. : Si tu te penches sur Move, sorti en 2002, et Organic tu peux te rendre compte que les albums sont très différents dans l’approche de la composition. Cela a été un choix délibéré de notre part. A ta question, tu as raison bien que l’opus Freak kitchen sonne plus heavy dans l’ensemble. J’ai

Interview

Trio suédoisextra-terrestrerenommé poursa prestationscénique où sérieux,rire et folie sont de mise,Freak Kitchen nous revient avec un nouvel album, Organic, des plus hypnotiques.

Entretien avec un Mattias Eklundh des plus survoltéscomme à son habitude…

Propos recueillis parCharles Zampol,le 1er mai 2005

Page 20: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 20

Porcupine Tree

Le succès rencontré par Porcupine Tree est à la fois réjouissant et surprenant. Le groupe ne joue pas une musique à la mode mais, fort de la vision artistique intransigeante de son leader Steven Wilson et du soutien de Lava, un gros label plutôt éclectique de musique de « djeuns », il grignote des parts de marché, à tel point que la sortie de Deadwing a dû être repoussée en Angleterre, les demandes en pré-vente ayant largement dépassé le pressage prévu ! L’album figure même en bonne place dans le top des ventes de plusieurs pays (Suède, Pologne, Allemagne). Quant à Blackfield, le projet de Steven Wilson avec Aviv Geffen, il a séduit la critique et trouvé son public. Les anciens albums de Porcupine Tree ressortent en versions remixées/remasterisées avec généralement un second CD bourré de bonus. SW, très sollicité comme producteur, avec son air british détaché et ses opinions tranchées, ferait presque figure de gourou ! C’est l’état de grâce !

Comment succéder à In Absentia dont la perfection formelle laissait supposer que le groupe, déjà ancien, atteignait là son apogée ? L’album cristallisait enfin de manière équilibrée et mature toutes les influences envisagées par un SW toujours en recherche : énergie brute et heavy, atmosphère planantes post-floydiennes, harmonies vocales lumineuses, refrains séduisants... un univers sonore tout en contrastes et en reliefs (voir encart sur les versions DVD audio), dessiné par un producteur génial. Pourtant, In Absentia faisait presque figure de nouveau (et véritable) départ. Deadwing suit ses traces de très près. A l’évidence, SW tend un peu à appliquer les même recettes. Contrairement à la méthode qui consiste à arranger et à harmoniser des mélodies (comme peuvent le faire Neal Morse ou Echolyn, par exemple), les chansons de Porcupine Tree sont généralement construites sur des grilles très simples de quelques accords, voire des motifs rythmiques, sur lesquels se développe ensuite une mélodie vocale. Heureusement, SW n’a pas son pareil pour trouver des combinaisons d’accords lumineuses, à tel point que l’on se demande pourquoi personne ne semble y avoir pensé avant. C’est ça le talent ! Mais si l’on use et abuse des albums de Porcupine Tree, le système tend à lasser et on aimerait que SW enrichisse le fond sans pour autant délaisser la forme qu’il maîtrise si bien. Moins varié que In Absentia,

Deadwing tend à se répéter. SW a trouvé une formule gagnante. A lui de savoir éviter l’auto-plagiat.

Selon les « règles » établies depuis In Absentia, les morceaux se divisent maintenant en trois caté-gories :

1) les rouleaux compresseurs, dont la puissance est susceptible de séduire le public métal (Blackest eyes,

Futile, Strip the soul, Shallow) ;2) les balades aériennes avec des voix angéliques, sur lesquelles Richard Barbieri n’en finit plus d’inventer des sonorités colorées et polymorphes. Collapse the

light into earth, Glass arm shattering ou les bonus Revenant et Half Light dégagent un véritable sentiment de plénitude ;3) les jams (même si les morceaux finaux semblent exempts d’improvisation), plus linéaires, sur lesquels le groupe « déroule » après avoir lancé un groove basse/batte-rie. Chloroform, The

start of something

beautiful, Halo ou le bonus Mother and

child divided en sont de bons exemples.Les meilleurs morceaux de Porcupine Tree sont

généralement ceux où les points 1 et 2 se mélan-gent harmonieusement. Russia on ice, le magique Gravity eyelids ou encore Mellotron sctrach et Arriving somewhere sur Deadwing, illustrent alors parfaitement l’originalité et la personnalité du style Porcupine Tree.

Un petit regret cependant : l’addition de John Welsey semble une évidence lors des concerts, sa voix aigüe complétant parfaitement celle de SW. Pourquoi donc n’est-il pas invité aux séances d’enregistrement ? En parlant d’invités, Deadwing accueille Adrian Belew pour quelques solos de guitare ainsi que Mikael Akerfeldt, le copain d’Opeth, pour quelques chœurs. Un énorme atout de Porcupine Tree est la section rythmique Gavin Harrison/ColinEdwin, très solide, inventive et qui sait éviter la répétition. Les motifs rythmiques sont parfois complexes si l’on veut bien tendre l’oreille (Halo, The

start of something beautiful ou le bonus Mother and

child divided, par exemple). Porcupine Tree apparaît comme un quartet d’artistes « plastiques » dont SW et RB seraient les peintres et GH et CE les sculpteurs. Ajoutons à ceci l’imagerie des livrets, la mise en page du site web, les vidéos (clips et projections en concert) et le son high-tech (voir encadré) : Porcupine Tree est un groupe parfaitement multimédia, visiblement à l’aise dans son siècle !

Jean-Luc Putaux

Porcupine Tree

Attiré par plusieurs formes d’expression artistiques, magicien de la production, compte tenu du taux d’implantation des lecteurs

DVD et des amplificateurs home cinéma, Steven Wilson ne pouvait pas passer à côté des possibilités offertes par le support DVD-audio. Si la stéréo offrait déjà un relief satisfaisant, le son « surround » lui permet enfin d’accéder à de vraies constructions sonores tridimensionnelles. En travaillant avec Elliot Scheiner, éminent spécialiste du son multicanal 5.1, SW a pu profiter de la qualité sonore supérieure et de la grande dynamique offerte par le DVD. La

spatialisation est sans égal, notamment avec la version DTS, procédé surround largement utilisé au cinéma. La musique de Porcupine Tree acquiert une nouvelle dimension. Cha-que instrument devient presque tangible, se détachant clairement, avec une place bien définie dans l’espace sonore. Les chœurs sont amples, la voix de Steven semblant flotter telle celle d’un fantôme. Gravity

Eyelids est un petit chef-d’œuvre avec ses effets tournants, ses harmonies vocales et ses guitares distribuées dans tout l’espace autour de l’auditeur. Il y a de la place sur un DVD alors Porcupine Tree ne se gène pas pour ajouter des bonus. Les deux albums contiennent chacun trois chansons inédites. Sur Deadwing, Mother and child divided,

Revenant (deux instrumentaux) et Half light constituent presque une mini-suite. On trouve aussi les paroles des chansons, une galerie photos assez fournie ainsi qu’un « making of » vidéo qui permet de retrouver les musiciens en studio, le « petit Maître » aux manettes, Barbieri triturant ses boutons, etc. A peine plus chers qu’un CD audio classique, ces deux DVD-audio sont indispensables !

Jean-Luc Putaux

DeadwingLava. 2005

In Absentia et Deadwing

en DVD-Audio

Page 21: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5421

WARSAWALive 2001Snapper 2001

Steven Wilson s’obstine à ne pas sortir le DVD que tous les fans de Porcupine Tree attendent avec impatience. On peut toujours se mettre sous la dent les CD en concerts, officiels et en édition à tirage limité, ou profiter des res-sources d’internet. Pour l’instant, Il existe XM, un enregistrement pour la radio satellite XM, datant P

orc

upin

e

Tre

e

de décembre 2002 et vendu (un peu cher) lors des concerts de 2003. On peut aussi trouver un « webcast » internet d’un concert de novembre 2002, à partir du site de Studio M(*), sur lequel on trouve aussi des concerts issus du festival NEARFest. On a longtemps évoqué la sortie du concert au NEARFest 2001, justement mais, apparemment, cela ne se fera pas. Par contre, on trouve en boutique ce Warsawa, prestation enregistrée pour une radio polonaise en avril 2001. Le son est excellent et la set-list plaira à ceux qui apprécient moins le virage heavy pris sur les deux derniers albums et lors des dernières tournées. Even less reste un excellent titre pour lancer un concert, Russia on ice et Hatesong sont toujours aussi prenantes (et annonciatrices du style de In Absentia et Deadwing), Voyage 34 est un clin d’oeil au Porcupine Tree du siècle précédent.

Jean-Luc Putaux

(*) web: www.studiomlive.com/webcasts.html

HARMONIE. – Il y a moins d’un an sortait le premier album solo de ton claviériste Michael Pinella. Est-ce une pure coïncidence de voir le chanteur de Symphony X faire de même ?

Russel Allen : Pour le grand public effectivement, ça peut prêter à confusion mais je te rassure, on est les seuls chez Symphony X à l’avoir fait pour l’instant ! (rires) Plus sérieusement, j’ai commencé à composer cet album en novembre 2003, calmement chez moi, dans mon home-studio. La phase d’enregistrement a eu lieu au Dungeon Studio là ou tous les albums de Symphony X ont été produits. Je me suis occupé de toute la partie production également, c’est une œuvre 100 % personnelle et le résultat dépasse largement mes espérances car beaucoup de critiques ont salué le résultat final, ce qui me ravit au plus haut point.

HARMONIE. – Comment les autres membres du groupe ont perçu ce side-project plutôt dérou-tant ?

Russel Allen : Ce n’est pas un side-project comme on l’entendrait d’habitude, c’est Michael Romeo lui-même qui m’a incité patiemment de son côté à jouer sur ce disque car, pour être honnête, saches qu’au départ il n’était pas prévu que je joue sur ce

disque ! Etape par étape, j’ai composé des solos ici et là et bien que cela faisait longtemps que je n’avais pas joué de guitare, je m’y suis remis sans relâche et ai composé à mon rythme cet album de bon vieux rock typé 70’s.

HARMONIE. – Il est juste-ment agréable d’appren-dre ta passion démesu-rée pour la musique des seventies. Peux-tu nous

en dire davantage ?Russel Allen : Si tu écoutes une quantité de style de

musique, tu peux t’apercevoir que toutes n’ont pas la même sensibilité émotionnelle ou approche spirituelle par exemple. Le rock des années 70’s a la particularité d’être une musique avec une âme unique car elle est d’une richesse immense. Elle s’associe naturellement au blues de l’époque et ce style est peu exploité de nos jours, vraiment à la dérive comme si ce courant essentiel de la musique n’intéressait plus personne ! De mon côté, j’ai trouvé que c’était le moment idéal pour exprimer mes racines sur disque pour prouver d’une part que les musiciens de heavy metal ont une culture interne beaucoup plus étendue que certains voudraient bien l’entendre dire et d’autre part, pour m’octroyer une grande satisfaction personnelle.

HARMONIE. – Ton type de chant est assez diffé-rent de ce que tu peux entreprendre au sein de

Symphony X. Pourquoi avoir résolument changé de registre de voix ?

Russel Allen : Ce n’est en aucun cas le nouvel album de Symphony X, les fans auraient été trop déroutés, je pense ! (rires) En fait, je ne pouvais pas prétendre chanter dans le même registre, cela aurait été ridicule et surtout inutile au vu du style complètement différent. J’ai puisé mon inspiration vocale au sein de la vague des chanteurs des années 80’s tout simplement. Le challenge le plus dur a été d’adapter tout au long de l’album ma tessiture aux atmosphères des titres. Par la suite, je changerais peut-être ce timbre de voix pour le prochain mais je n’y ai même pas songé !

HARMONIE. – Te faire signer n’a pas dû te prendre des mois. Comment as-tu décidé de signer sur InsideOut exactement ?

Russel Allen : J’ai fait part très tôt du souhait d’enregistrer un album solo à Thomas Waber, patron d’InsideOut et, après avoir envoyé l’album chez diffé-rents labels susceptibles d’être intéressés, Thomas m’a rappelé pour me dire qu’un fort enthousiasme régnait au sein du label. Apparemment, ils ont été intrigués de la couleur de l’album mais m’ont proposé un excellent deal que je ne pouvais refuser. Ces gens me connaissent à travers Symphony X, maîtrisent parfaitement le marché du disque et, au regard du travail qu’ils ont effectué en matière de promotion, je ne peux que me réjouir de ma décision finale de signer chez eux.

HARMONIE. – Parlons du prochain Symphony X, tout le monde est impatient de connaître son contenu ?

Russel Allen : En pleine phase de composition, nous sommes tous et, comme d’habitude, Michael Romeo a composé la majorité des titres et s’attaque en ce moment même aux arrangements propres. Les sessions d’enregistrement se feront certainement durant cet été pour une sortie prévue à la fin de l’année vraisemblablement aux dires du label. On a pris notre temps car faire mieux que The odyssey est nécessaire pour notre salut, on est tous conscient de l’enjeu décisif du prochain album. Certains titres en chantier seront très heavy mais les mélodies seront toujours aussi présentes, on tient à notre image de marque.

RUSSEL ALLEN’sRUSSEL ALLEN’sRUSSEL ALLEN’sRUSSEL ALLEN’sInterview Propos recueillis par Charles Zampol ,

le 6 avril 2005

Chanteur charismatique de SYMPHONY X, Russel Allen’s Atomic Soul nous offre, à notre grand étonnement, non pas un album de metal progressif mais bel et bien un premier opus solo de pur hard rock ! Entretien détendu avec un homme des plus posés…

Russel Allen

Page 22: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 22

PROCOL HARUM

HARMONIE. – Es-tu nostalgique de l’époque des Paramounts (le premier groupe de Gary, juste avant la formation de Procol Harum)?Gary Brooker : Nostalgique ? Paramounts était un groupe dans lequel nous apprenions, une sorte de collège ou d’université. Pour beaucoup de musiciens cette phase d’apprentissage est très importante. Elle me permettra d’écrire des chansons très peu de temps après. Mais quoi qu’il en soit avec les Paramounts, nous avons eu du bon temps.

HARMONIE. – Vous avez toujours mélangé le rock et la musique classique dans Procol Harum. Beaucoup de spécialistes disent même que vous avez créé le rock progressif avec la suite In held t’was in I de 1968. Gary Brooker : Nous n’avons pas joué ce morceau ce soir. En fait, nous ne sommes pas venus souvent en France, en tournée. Nous ne savons pas vraiment ce que le public français aime. Ce soir, nous avons joué un set classique de Procol Harum.

HARMONIE. – Ce titre a été repris par un super groupe prog appelé Transatlantic qui, comme beaucoup d’entre nous, avait été impressionné par la beauté de ce morceau.Gary Brooker : Oui, j’ai appris cela. Ça nous a fait bien sûr très plaisir que de jeunes musiciens le reprennent.

HARMONIE. – Quand on lit ta biographie, on découvre que tu as été champion de pêche à la mouche… Etait-ce exactement comme dans le film Et au milieu coule une rivière avec Brad

Pitt qui lance sa ligne en faisant de grands mouvements circulaires ?Gary Brooker : Pas exactement pareil. Je suis un grand passionné de pêche à la mouche et cela se passait en 1987, il y a bien longtemps. Je suis allé à Dreux avec l’équipe anglaise pour le tournoi européen de pêche à la mouche. Si je m’y suis rendu, c’est parce qu’on avait besoin d’un traducteur et parce que je pouvais jouer du piano dans les bars. Mais quand je suis arrivé à Dreux, un des gars de l’équipe est tombé malade. Il ne pouvait plus pêcher et l’on m’a demandé si je voulais le faire à sa place. J’ai répondu : « D’accord » et j’ai pris plus de poissons que tous les champions présents. Un véritable miracle !!!

HARMONIE. – Toujours pour continuer ta biogra-phie, tu as été aussi patron de pub…Gary Brooker : Oui, j’ai tenu un pub avec des amis. J’y ai travaillé de temps en temps mais je n’y étais pas le barman.

HARMONIE. – Quand tu as arrêté la musique pen-dant plusieurs années, quel hobby avais-tu ?Gary Brooker : La pêche, toujours la pêche. Au début des années 80, j’ai joué dans le groupe d’Eric Clapton. Jusqu’en 1983, j’ai enregistré quelques albums solos, puis je suis parti pêcher à travers le monde pendant deux ans. J’ai même fait une cassette vidéo et j’ai eu un magasin d’articles de pêche.

HARMONIE. – Mais était-ce une volonté de fuite du monde de la musique, des tournées ?

Gary Brooker : Oui, quelque chose comme cela. La pêche était pour moi une sorte de thérapie.

HARMONIE. – Peux-tu composer n’importe où et vis-tu toujours avec de la musique dans la tête ?Gary Brooker : Le processus de composition vient pour moi comme un grand flot dans le corps et dans la tête mais j’ai besoin de beaucoup de silence. Pas de bruit, pas de sonnerie de téléphone, pas de conversations ni de nuisances extérieures. Mais ce silence est bien difficile à trouver dans le monde d’aujourd’hui. J’ai depuis peu une maison en France, dans le Lot.

HARMONIE. – Je comprends mieux pourquoi tu parles si bien le français. Tu as connu l’effervescence de l’âge d’or de la création artistique et musi-cale des années 60. Que ressens-tu face au monde musical actuel ?Gary Brooker : Les gens ont perdu un aspect essentiel. La musique de cette époque-là était en perpétuelle évolution. Cela a duré à peu près dix ans. Dès Revolver des Beatles jusque vers la fin des années 70. Le punk et le disco sont arrivés, il fallait que cela change mais tout cela était purement

commercial. Les temps étaient durs et beaucoup de bons groupes qui avaient construit pas-à-pas leur carrière furent carrément éjectés.

HARMONIE. – Que penses-tu de la présence de l’influence de la musique classique dans Procol Harum qui a fait dire que vous faisiez aussi partie du rock progressif ? Es-tu aussi conscient que vous étiez les premiers à réunir la puissance de deux claviers, piano et orgue Hammond ?Gary Brooker : Nous étions de jeunes gens et nous essayions d’aller de l’avant, de faire des choses nouvelles et différentes, d’écrire les chansons les plus intéressantes. Notre seul but était de progresser et de faire partie de cette évolution perpétuelle dont nous parlions tout à l’heure. Notre but n’était pas d’aligner des hits. Parfois une chanson marche bien, parfois pas. Mais que l’on donne une étiquette de musique rock ou de musique prog n’est pas important. Le plus important est d’aller de l’avant.

HARMONIE. – Tu as toujours dit que la qua-lité des chansons est plus importante que les musiciens.Gary Brooker : Une bonne chanson doit être bien écrite, bien jouée et interprétée avec une grande qualité d’émotions.

HARMONIE. – La musique de Procol Harum reste très vivante, très forte. Cela s’est encore vu dans le show de ce soir.Gary Brooker : En fait, si l’émotion de jouer ces

R É É D I T I O N S M U S E A

Propos recueillis par Raymond SériniINTERVIEW DE GARY BROOKER

Au soir d’un superbe concert de Procol Harum à Aix-en-Provence, le 11 mars dernier, nous avons eu le privilège de rencontrer Gary Brooker, leader-auteur-compositeur du groupe et figure de proue du rock progressif des années soixante-dix. Plus qu’une interview, cette rencontre fut surtout une conversation à bâtons rompus avec un gentleman britannique.

PROCOL HARUM

Page 23: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5423

chansons n’était plus présente, j’arrêterais tout sur le champ. L’émotion, la joie de jouer et de partager la musique, tout est là. Parfois, nous avons sem-blé jouer des choses très sérieuses mais Procol Harum est une expérience plus joyeuse qu’il n’y paraît. La musique est avant tout un amusement et une joie.

HARMONIE. – Quels sont tes projets ?Gary Brooker : Nous avons encore quelques dates en Angleterre puis nous restons en Europe jusqu’en juillet. Et puis j’ai envie de composer et de créer de nouvelles chansons ; j’ai plein d’idées et j’ai commencé à travailler sur un prochain album, même si le dernier n’est pas si ancien.

HARMONIE. – Connais-tu les nouveaux groupes de rock progressif comme Transatlatic, Flower Kings, Spocks Beard ? Gary Brooker : Non, pas du tout.

HARMONIE. – Tu continues à écouter les groupes de rythm and blues de ta jeunesse ?Gary Brooker : En fait, si j’ai du temps à consacrer à la musique, ce n’est pas pour en écouter, mais pour en écrire. Et puis, j’ai des centaines de CD mais quand j’écoute certain CD que l’on m’envoie, je suis trop souvent déçu. Le problème est ce manque d’évolution, de progression.

HARMONIE. – Tu ne tournes plus avec Ringo Starr ?Gary Brooker : Non, car il a maintenant un groupe différent. Mais j’ai fait trois ou quatre tournées avec lui.

HARMONIE. – Quand tu regardes en arrière, quel bilan fais-tu de ta vie de musicien ?Gary Brooker : J’ai toujours adoré Procol Harum et j’ai beaucoup d’estime pour les fans du groupe. Mon plus grand plaisir est de jouer les morceaux de Procol en scène, mais il y a toujours quelque chose de nouveau à faire. Je suis toujours affamé et je veux continuer à avancer et progresser.

PROCOL HARUMLIVE IN COPENHAGUEDVD - 15 décembre 2001 - Classic Pictures

Voici un DVD best-of qui a le mérite de re-mettre certaines pendules à l’heure. Durant l’été 1967, le succès écrasant du premier 45 tours de Procol Harum, A Whither shade of Pale, avait été un rouleau compresseur écrasant tout sur son passage. Pourtant, les différents albums du groupe parus par la suite regorgèrent de perles somptueuses. Tout l’intérêt de ce DVD est de faire redécouvrir ces perles intemporelles qui, au fil du temps, brillent d’un éclat différent, mais tout aussi somptueux. Gary Brooker a toujours déclaré que, pour lui, chaque concert de Procol Harum se doit de ne ressembler à aucun autre et c’est tout naturellement que cet adage se trouve respecté ici. Seul rescapé du groupe original avec Mattew Fisher à l’orgue Hammond, le leader de Procol Harum est entouré de Geoff Whittehorn à la guitare, Marc Brzezicki à la batterie et Matt Pegg à la basse. Ici, Procol

Harum joue au moins un titre de chacun des dix opus sortis jusqu’alors, du tout premier paru en 1967 à Prodigal Stranger de 1993. Et le contraste est toujours aussi saisissant entre un rock-blues-pop des racines et ces mélodies à inspiration classisante racées, majes-tueuses, implacables qui laissent à l’auditeur un goût d’éternité. Gary Brooker est définitivement l’un des plus talentueux compositeurs des quatre dernières décen-nies. Capable de passer des pièces les plus ambitieuses (A Salty dog, Grand hotel) à des rengaines pop qui ne quittent plus votre esprit (Beyond the pale), ou des rocks swinguant à souhait (Wizard man, Fires), il est l’âme, la cheville ouvrière, la pièce maîtresse, la pierre de voûte. Les compères qui l’entourent ne sont pas en reste

et donnent le meilleur d’eux-mêmes durant les vingt titres proposés en une heure quarante de

show. Le DVD, bien filmé, est agréable à regarder. Il faut pourtant souligner qu’un spectacle de ce groupe ne regorge d’aucuns effets poudre aux yeux habituels. Depuis toujours, la musique est en avant, elle se suffit à elle-même, elle envoûte le spectateur et laisse la magie s’ordonner naturel-lement par petites touches successives. En guise de cadeau, une quarantaine de minutes de bonus avec des interviews, huit titres en répétition et trois reprises (dont le célèbre Hey Joe) ainsi que l’apparition inat-

tendue de Keith Reid, l’auteur de tous les textes du groupe depuis le tout début.

Raymond Sérini

HARMONIE. – A la première écoute, MindRevolutions semble être plus mé-lodique que Keyholder, quelle est ton impression objective ?Hans Lundin : J’ai le même avis sur la question, le besoin de mélodies se faisait ressentir plus intensément dans la conception de ce nouvel album à vrai dire. On a accentué les différents arrangements de façon à mieux habiller les principales mélodies au sein des compositions. On a également créé davantage de mélodies instrumentales. Au final, on ressort avec un album plus riche et alambiqué, parfois on aime se compliquer la tâche chez Kaipa ! (rires) L’album est plus accessible que Notes from the past et ma vision première a été de me focaliser sur quelques mélo-dies récurrentes pour chaque titre avant d’incorporer les lignes de chant.HARMONIE. – La production est de première qualité, quelle est la recette miracle appliquée au groupe ?

Hans Lundin : Aucune en particulier, on effectue comme un athlète un travail de fond sur la compo-sition et le choix judicieux de titres qu’on enchaîne dans un ordre bien établi. Une fois que tout le monde est satisfait, on s’occupe de la production à proprement dit, avec l’expérience de chacun, on gagne en temps et en efficacité, c’est le travail de tous qui paie en somme, la production n’est qu’une étape, on la maîtrise parfaitement donc tout se passe vite comme tu peux le voir depuis trois ans maintenant, on va rattraper le retard.HARMONIE. – Si tu devais porter un jugement critique sur le Kaipa d’autrefois, quelle serait ta réaction ?Hans Lundin : Le seul reproche qu’on peut nous faire est le manque cruel de disques à notre actif, on en est tous conscients malgré le fait qu’à l’époque, tout allait moins vite. Cependant, on est toujours aussi ancrés dans les racines du folk suédois, ce qui est notre marque de fabrique à première vue. Les mélodies qui on bâti le succès du groupe sont toujours aussi présentes dans l’esprit, seules le nombre d’influences différentes changent. Dans

Propos recueillis par Charles Zampol, le 4 mai 2005

Interview

Après une absence de presque vingt ans,nos Suédois de KAIPA ont, depuis 2002,

sorti trois albums dont le dernier,MindRevolutions, atteste d’un nouveau souffle.

Entretien ouvert avec le claviéristeHans Lundin.

Page 24: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 24

les 70’s, on écou ta i t à longueur de journée de la fusion, de nous jours, b e a u c o u p m o i n s i n -t e n s é m e n t mais tu peux toujours dé-celer ici et là quelques éléments de

notre héritage musical. Kaipa a évolué et non changé, voilà tout !

HARMONIE. – Certains pensent que Kaipa s’obstine résolument à pratiquer un rock pro-gressif « vieille école », que rétorquerais-tu à cette accusation ?Hans Lundin : Il est de bon ton de cataloguer les groupes dans cette niche du rock progressif en leur octroyant des étiquettes plus ou moins fantaisistes. Effectivement, j’ai eu écho de la part d’amis proches qu’on était assimilé à faire du prog à l’ancienne comme si cette notion avait une valeur concrète pour certains ! J’ai de tout temps écrit une musique honnête avec mes convictions artistiques et sans jamais me renier et tomber dans la facilité la plus abjecte. Si jouer de l’orgue Ham-mond de nos jours signifie qu’on fait une musique progressive presque « has-been », je crois que je devrais éduquer alors certaines oreilles en mal de vivre. Sérieusement, Kaipa respecte ses racines et évolue avec son temps sans jamais tomber dans une musique qui peut être pressentie comme étant de la corruption artistique.

HARMONIE. – Quel est ton regard sur la scène progressive dite moderne justement ?

Hans Lundin : Sur ce sujet, je serais vindicatif. Que peux signifier moderne dans ce courant musical qu’est le rock progressif ? Les formations actuelles qui rencontrent le succès dans ce domaine sont des formations qui ont toutes un passé de plu-sieurs dizaines années. Sans citer d’exemple, la jeunesse de ce style pense qu’en conjuguant rock moderne et quelques touches de progressif typé 70’s, on peut prétendre jouer du rock progressif, quelle fausse idée ! Je ne me penche pas trop sur la musique des autres formations mais sais reconnaître le bon du mauvais « progressif ». De nos jours, on croit nous faire prétendre que ce style est en perte de vitesse alors que les fans de hier sont toujours aussi présents et que ce courant musical bénéficie d’un impact médiatique plus que prononcé.

HARMONIE. – Une tournée à l’automne est-elle prévue pour soutenir l’album ?Hans Lundin : A ce moment précis, rien n’est encore décidé, on en parle mais cela ne reste pas forcément une haute priorité,. On a depuis trois ans accéléré la cadence de nos sorties et habitué nos fans à nous voir beaucoup plus dans les médias, on ne voudrait pas déroger à la règle. Cela dit, une tournée en Europe pourrait se résumer aussi à faire quelques prestations live sur de bons festivals. On verra comment les événements se dérouleront dans quelques semaines…

KAIPAMINDREVOLUTIONSInside Out

Les Flower Kings, Karmakanic, The Tangent (vampirisé), les albums solos des uns et des autres : les musiciens de la « nébuleuse Roine Stolt » nous abreuvent de plusieurs albums par an, à un rythme défiant toute concurrence. Inévitablement, la quantité prime et la qualité baisse peu à peu. Cela nous semble évident à l’écoute de ce mal nommé Mindrevolutions, mais on doit à l’honnêteté de dire que le web regorge de chroniques en-thousiastes de cet album. On lui donnerait plutôt quant à nous le titre de deuxième album du groupe (dont la traduc-tion est : « Rien de nouveau sous le soleil » !)…

Récapitulons : chefs de file du rock scandinave dans les années 70 avec trois superbes albums, ambitieuse synthèse du progressif « doré » et du folk scan-dinave, Kaipa lança un jeune guitariste nommé Roine Stolt avant de disparaître. Stolt revint à cette expérience nourricière quinze ans plus tard en lançant les « Flower Kings ». Aujourd’hui, le mouvement semble inversé et c’est Lundin, crédité unique compositeur de ces 78 minutes de musique, qui se nourrit (trop) de l’univers des rois de la fleur. Deux ans après Keyholder, parfaitement exécuté mais sans la fraîcheur de Notes from the past, ce sixième album du groupe est trop souvent prévisible, confortable, pantouflard même. La suite titre de 25 minutes, après un beau début, se perd dans des méandres superflus, des solis inutiles et longs en solennité bavarde : cela aurait fait une superbe pièce d’un quart d’heure cela dit. L’album s’ouvre et se ferme

sur deux morceaux de huit minutes, The dodger

et Remains of the day, qui sont archiprévisibles. Bizarrement, ce sont de banales chansons qui ont le plus de charme.Electric leaves assume son côté AOR et le très funky A pair of sunbeams ne manque pas de charme. Le court Flowing

free n’a de cesse, durant ses quatre minutes, de prendre de la hauteur et de la noblesse vers un final aérien et beau. L’orchestration de Last

free indian ne manque pas d’ampleur et de noblesse, même si le morceau aurait gagné à être un tantinet resserré.

On touche au cœur du problème, proche, tiens donc, de celui d’un Dream Theater : Kaipa est ba-

vard. Il y a sur cet album de quoi faire un chef-d’œuvre de 50 mi-nutes, il faudrait juste couper ce qui n’est pas nécessaire dans les compositions, redondant, répéti-tif, dilué inutilement… mais on préfère sortir un CD bourré ras la gueule, 78 minutes de musique, tant pis s’il y a du déchet. On se souvient d’interviews du Genesis post-Gabriel qui coupait parfois jusqu’à la moitié du matériel dont il disposait : la capacité du CD nuit clairement à la qualité artistique du produit fini. Un pro-

ducteur aurait eu plus d’exigence, mais ici c’est Lundin qui produit : la boucle est bouclée.

Evidemment, on est une fois encore en pré-sence d’instrumentistes hors pair, Stolt parfaite-ment complémentaire de Lundin, Jonas Reingold égal à lui-même à la basse, Morgan Ägren impérial et souvent, lui, inattendu dans son jeu de batterie… ce sont surtout Patrick Lundström et Aleena qui donnent à l’album une dimension supplémentaire, le premier s’étant imposé depuis longtemps comme un des meilleurs chanteurs de progressif, véritable « interprète » ; qu’il ait chanté à l’Eurovision n’y change rien…

Au total, bien sûr que c’est un bel album, mais la nébuleuse Stolt va devoir veiller à l’indigestion de l’auditeur et se renouveler un peu plus qu’elle ne le fait…

Philippe Arnaud

SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE

HARMONIE. – Dès l’écoute de votre premier album Mental Torments, on assimile Spheric Universe Experience aux fascinants Américains de Liquid Tension Experiment. Que cela vous inspire-t’il réellement ?

SUE : Effectivement, on ne peut pas se cacher devant l’évidence mais pour être le plus honnête possible, saches que le

nom du groupe est en relation directe avec notre musique. On a choisi délibérément un patro-nyme long et complexe qui nous correspond, aux caractéristiques propres aux compositions de l’album. En d’autre terme, c’est purement intentionnel de notre part de vouloir plagier à ce niveau le side-project de certains membres de Dream Theater. Bien avant, on avait opté pour Crystal Moon mais au vu des titres, le

Interview Propos recueillis par Charles Zampol,le 16 mars 2005

Nouveau venu dans le paysage metal progressif français, Spheric Universe Experience (SUE) s’emploie admirablement bien à exécuter une musique complexe de premier ordre. Entretien avec un jeune groupe des plus doués de sa génération…

Kaipa

Page 25: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5425

SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCEMENTAL TORMENTSReplica - France – 62 min 29

Avec huit titres pour un peu plus de 62 mi-nutes et un nom tel que celui-là vous ne serez pas surpris d’apprendre que ce groupe fait du prog-metal. Eh ! oui, encore un ! Comme c’est un nouveau venu les présentations s’impo-sent. Spheric Universe Experience est un quin-tette qui nous arrive du sud-est de la France. Il est composé de Franck Garcia au chant, Vince Benaim à la guitare, Fred Colombo aux cla-viers, Jonathan Drai à la basse et Nicolas Muller à la batterie. Mental torments n’est que leur premier album mais ces cinq-là y font déjà preuve d’une belle assurance et d’un réel talent. Certes le propos reste classique au genre et les réminiscences de Dream Theater sont inévitablement présentes (mais quel groupe de prog-metal ne fait pas référence aux New-yorkais d’une façon ou d’une autre ?) mais SUE a su éviter les pièges du genre que sont une trop grande complexité permanente et une dilution trop prononcée des idées. De plus, le chant est de grande qualité, ce qui n’est pas toujours le cas dans le style notamment chez les nombreux groupes italiens, et la prononciation anglaise est excellente. Cet album est d’abord sorti sur le label danois Intromental et il est maintenant édité en France par le tout nouveau label Replica. Il a été mixé par Tommy Hansen. Ce dernier, surtout connu pour ses productions metal, a donné à la guitare un son très lourd et beaucoup trop compressé ce qui est à mon avis la seule véritable faiblesse de ce disque. Fort heureusement les claviers et le chant sonnent

parfaitement bien. En gros, il y a deux types de morceaux sur Mental torments. D’abord cinq titres assez concis tournant autour des 6 à 7 minutes. On en retiendra en priorité le titre d’ouverture So

cold qui possède un bon refrain et a l’intelligence de commencer l’album en douceur. Le break plus échevelé offre un duel guitare/clavier traditionnel mais efficace. Autre petite perle, l’instrumental Burning box gala où gros riffs sévèrement burnés et envolées de claviers parfois jazzy se mêlent à merveille. Là encore c’est très efficace et

l’on pense forcément à la fameuse YTSE Jam de qui vous savez. Now or never,

Moonlight et Saturated

brain offrent trois exercices de style de bonne facture. Sur ce dernier, chanteur et claviériste confirment tout le bien que l’on pensait d’eux. Le premier en al-ternant chant haut perché et parties plus graves avec aisance, le second en montrant qu’il maîtrise toutes les palettes de ses instruments (ici l’orgue

d’église). Les amateurs de longues suites seront comblés par les deux derniers titres qui suivent l’interlude néo-classique Halleygretto. Mental

torments affiche fièrement ses 15 min 30 en quatre parties. D’abord 4 à 5 minutes chantées, puis un long break instrumental assez technique avant un passage cool et atmosphérique où l’on appréciera de nouveau le chant de Franck, proche ici du registre soft de James Labrie. Puis vient une seconde séquence instrumentale qui s’achève sur un décollage heavy assez furieux avant une fin plus douce. Pour finir, Echos of the

stars, 11 minutes (mais il faut en amputer deux pour un final un rien délire) est un morceau plus calme et lyrique, pas une ballade pour autant car, après un début en douceur, le morceau décolle progressivement. SUE démontre donc qu’il maî-trise tous les canons du genre et j’espère que la prochaine fois que vous irez acheter un disque de prog-metal vous vous souviendrez qu’il en existe aussi de très bons en France !

Didier Descamps

caractère propre à l’identité aurait sonné trop « néo-classique » et on ne voulait surtout pas méprendre nos fans.

HARMONIE. – La qualité première de votre combo réside dans l’incroyable dextérité vo-cale dont fait preuve Frank, votre chanteur. Où avez-vous déniché ce talent hors pair ?

SUE : On a cherché longtemps un frontman capable de chanter en ayant un accent anglais le plus précis possible car c’est le réel problème des groupes français. C’est d’une importance capitale si tu veux bien t’exporter et intéresser le public étranger plus exigeant qu’auparavant. Notre management Intromental a corrigé pa-tiemment les bribes d’erreur qui persistaient jusqu’au résultat fi nal qui est parfait pour nous, à l’heure actuelle. Il chante dans d’autres formations et nous l’avons tous convaincus en commun de rejoindre défi nitivement le groupe, ce qu’il a accepté volontiers pour notre plus grand plaisir.

HARMONIE. – Vous avez utilisé le talent du graphiste suédois Matias Noren (Kotipelto, Evergrey, Ayreon...) pour le choix de l’art-work. Pourquoi avoir choisi ses services ?

SUE : Encore une bonne idée de notre manage-ment en Hollande. Matias Noren est bien connu de nos jours dans l’univers metal progressif et nous aimons particulièrement son approche limpide et précise. Il travaille régulièrement avec InsideOut, encore un bon point pour le groupe que de profi ter de valeurs sûres dans ce domaine de compétence.

HARMONIE. – Il n’est pas évident d’innover dans le registre du metal progressif quand on voit le niveau d’exigence demandé, comment faites-vous pour vous démarquer du fameux lot sirupeux des clones du genre ?

SUE : Question de volonté et d’aptitude men-tale ! (rires) On écoute tous du metal progressif plus ou moins à forte dose et il est très facile d’imiter un riff et de le modifi er à notre sauce mais on ne veut pas tomber dans ce schéma basique du jeune groupe qui pompe son idole à profusion. Le ridicule tue et nous cherchons par dessus tout à sonner d’une façon originale et puissante. Sur cet album, je pense en toute modestie qu’on y est certainement arrivés un temps soit peu et, au vu des premières réactions, on est très fi ers de nos efforts.

HARMONIE. – Avez-vous prévu une série de concerts pour défendre votre album sur scène ?

SUE : Pour l’instant, rien n’est encore décidé mais bien évidemment, on aspire à promotionner au maximum Mental torments auprès de nos fans. Espérons qu’à la rentrée, les choses se

précisent pour le groupe car on est tous motivés par l’expérience scénique à haut niveau !

HARMONIE. – Comment envisages-tu le prochain album du groupe désormais ?

SUE : Même s’il est tôt pour en parler, je peux t’annoncer que nous sommes déjà en train de composer les titres qui fi gureront sur le second opus. Notre ligne de conduite musicale se voudra moins technique et plus axée sur l’harmonisation des compositions entre-elles. On est jeunes et la maturité s’atteint avec l’expérience, quoi de mieux de s’atteler à la suite des événements pour ne pas devoir attendre des années avant de sortir un nouveau produit ! Il y a une réelle place pour le groupe en France et notre ma-nagement nous pousse fortement à garder une intégrité propre tout en se pliant aux règles du milieu : persévérance et écoute sont les clés d’une réussite construite sur de bonnes bases théoriques.

Page 26: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 26

HARMONIE. – La grande nouvelle fut sans doute votre signature avec InsideOut après votre départ de chez Roadrunner. Peux-tu nous raconter cette fantastique opportunité ?• Gary Wehrkamp : Nous avons sorti quatre albums chez Roadrunner, je pense qu’il était temps de chan-ger de label et au vu des signatures actuelles, nous serions restés de simples ovni ! (rires) J’ai beaucoup discuté avec des gens du métier et InsideOut aux USA nous a fait une offre de très bonne qualité en adéquation avec les garanties de la maison mère en Allemagne et je dois dire qu’au final, c’est une réelle chance qui s’offre à nous, travailler avec un label qui croit en notre musique et qui nous soutient autant financièrement que moralement. Les deux aspects sont importants, l’aspect humain est plus prononcé chez InsideOut, c’est une équipe de passionnés qui travaillent pour l’essor de la musique progressive. On est fier que Shadow Gallery contribue à leur succès ici, aux USA.

HARMONIE. – La production du nouvel album Room V est plus puissante et massive à la fois, peux-tu nous livrer ton sentiment ?• G. W. : Tu as raison. En fait, on s’est attaché à parfaire nos titres tout au long de la composition du nouvel opus. En réalité, dès le début, on voulait faire un disque qui sorte du lot par rapport à nos précé-dentes réalisations. Ce cinquième album est une étape importante au sein de Shadow Gallery. L’harmonie entre les titres est presque palpable, la rigueur au niveau du travail de production a été sans faille et l’investissement personnel de chacun en ce sens a réellement permis au disque d’avoir un dynamisme jamais atteint encore. Donc, c’est naturellement que les événements nous ont conduit à produire un Room

V puissant et symphonique à la fois.

HARMONIE. – Room V est votre cinquième album en treize ans de carrière, peux-t’on y déce-ler une certaine symbolique mystique ?• G. W. : Non, je dois dire que cela tient davantage à une pure coïncidence qu’à un choix prémédité ! (rires) Ce titre nous ressemble étrangement car c’est notre propre identité qui se cache derrière ce patronyme. En fait, nous sommes cinq individus au sein de Shadow Gallery, tous différents mais complé-mentaires dans la composition de cette musique. Le chiffre nous représente parfaitement et, en cherchant plus, tu as dû t’apercevoir que notre maison d’édition se nomme justement Room Five Music. Au final, le titre de l’album résulte de

l’ambition interne du groupe. On déclare clairement notre identité et de ce fait une certaine intégrité en découle forcément auprès des fans. Personne n’est superstitieux dans le groupe et cela aurait été obsolète d’assimiler ce titre au fait qu’on venait de sortir notre cinquième album, on aime plus faire réfléchir nos fans sur nos choix en général…

HARMONIE. – La thématique de Room V peut-elle être assimilée à la suite logique de Tyranny ?• G. W. : Je dirais que c’est un bon compromis entre les albums Tyranny et Legacy mais en aucun cas nous avons eu le sentiment de continuer une œuvre inache-vée par le passé. Chaque opus est différent et repré-sente le groupe à une époque don-née, on travaille dans un esprit de renouvellement perpétuel. Si un membre apporte une idée origi-nale, on se concerte en abordant les points positifs ou négatifs de celle-ci. Tout est affaire d’harmonie chez Shadow Gallery. Room V doit être considéré comme étant une étape à part, un travail de longue haleine qui fait évoluer l’aventure artistique dans sa globalité, on veut résolument éviter les clichés commerciaux et se concentrer sur une musique ambitieuse dénuée de concept marketing trop souvent utilisé dans ce milieu.

HARMONIE. – Un gimmick est récurrent chez vous, celui que chaque membre a toujours chanté sur tous les albums sauf votre batteur. Doit-on y voir une marque de fabrique particulière ?• G. W. : Je suis content que tu relèves ce détail.En général peu de monde y fait réellement allusion mais c’est une manière naturelle de procéder chez nous. On a tous une facilité au niveau de la voix, pourquoi ne pas agrémenter les titres en utilisant les différentes tessitures de chacun. Au début, on s’est posé la question de l’attrait supplémentaire que cela provoquerait au sein de notre musique et on a décidé de garder cette idée. Derrière ce petit plus par rapport

SHADOW GALLERYROOM V Inside out - 75 min 36

Nouveau label, donc, pour Shadow Gallery ; Inside Out a désormais une liste de musiciens plus que prestigieuse sur son label… Cin-quième album en quatorze ans, on ne peut pas dire que SG soit prolifique, ce qui crée une certaine attente autour de ses albums. En les réécoutant, on se dit encore une fois que le péché originel du groupe est décelable dans le grand écart entre le premier opus et le deuxième. Ce premier album éponyme, sorti à l’état de démo par Magna Carta trop impatient, en dit long sur ce qu’aurait pu être SG… sans la déferlante Dream Theater, la même année, avec Images and words. Trop souvent depuis le groupe s’est cru obligé de reprendre les recettes des Portnoy boys alors qu’il avait créé un style foncièrement nouveau, sorte de metal prog en dentelle, moins axé sur le riff qui plombe que sur le travail mélodique, les claviers ciselés et des chevauchées (gui-taristiques) épiques. A l’image de la suite de vingt minutes qui finissait l’album, Shadow Gallery aurait dû être un groupe qui prend son temps pour tisser des atmosphères étranges et délicates. La tension inhérente au groupe vient de ce contraste étonnant : le raffinement extrême du chant et des harmonies vocales de Mike Baker, des claviers ciselés de Chris Ingles associés aux guitares acoustiques d’un côté ;

la puissance de feu de la rythmique et des guitares électriques de l’autre. Beaucoup de groupes ont expéri-menté cette dichotomie, la force de Shadow gallery est d’être capable de le faire à l’intérieur d’une même séquence. Equilibre fragile, accord cristallin, alchimie mystérieuse bien souvent rompue, quand la puissance pure prend le dessus alors Shadow Gallery devient un groupe de metal prog’ comme les autres, un émule de plus de Dream Theater.

Ce Room V navigue entre deux eaux, moins heavy que Tyranny,

parfois proche de Carved in stone dont il reprend d’ailleurs la structure en deux actes. De belles ballades, amples et lumineuses (Vow,

Encrypted) rappellent les qualités naturelles du groupe, quand il sait prendre son temps, laisser les résonances agir… A l’ inverse, Birth of a daughter et Death of a mother nous la jouent speed metal,The archer of ben sale est long, lourd et pesant…Seven year et sa guitare tendue, en apesanteur au-dessus de riffs discrets, Rai et son ampleur symphoni-que sont de parfaites réussites quand The

Andromeda strain propose une mélodie un peu trop simpliste et des guitares banalement teigneuses. Bref, c’est inégal, souvent du fait d’un manque d’imagination de la section ryth-mique, batterie en particulier, mais les qualités du groupe emportent le morceau au total. On espère que le groupe pourra enfin tourner, ce qui lui permettra de revivifier sa musique, et de penser à un renouvellement…

Philippe Arnaud

Propos recueillis par Charles Zampol,le 4 mai 2005

La plus grande sortie attendue en matière de progressif symphonique metal nous vient de Shadow Gallery, combo qui renaît après une longue ab-sence et déterminé à le faire savoir au plus grand nombre.Interview palpitante avec son guitariste-claviériste, Gary Wehrkamp.

Interview

Page 27: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5427

aux autres formations, on peut affirmer que Shadow Gallery a acquis une certaine « trademark » mais en aucun cas cela nous rend vraiment différents. On a l’habitude de faire les choses de manière spontanée sans se soucier du regard ou des critiques. On privilégie le côté incisif de nos pensées et la liberté de notre musique résume bien notre état d’esprit actuel.

HARMONIE. – Le mixage a été confié à Jeff Glixman (Black Sabbath, Gary More, Kansas…). Pourquoi avoir à nouveau travaillé avec lui ?• G. W. : Non, c’est faux, je l’ai déjà signalé au label et c’est une faute qui a été imprimée sur la feuille promotionnelle accompagnant le disque. C’est le groupe lui-même qui a mixé Room V au final, Jeff n’a été embauché que pour faire le mastering complet, c’est bien différent cette fois-ci. On voulait réellement s’occuper du mixage, cet album nous tient à cœur

THE TSUNAMIPROJEKTDigital Chemistry 2005

L’idée du projet Tsunami naît dans les rangs du forum de discussion de Spock’s Beard, lancée par un fan, Barry Thomson. Rapidement, divers artistes amateurs ou professionnels répondent en envoyant des chansons. Brian Cob se charge donc de la réa-lisation et du mastering de la compilation qui s’étend sur deux CD. Martin Kornick s’occupe de la création du livret. Les « pointures » côtoient donc des artistes plus anonymes. Le premier CD est très homogène en qualité, en style et en son, ce qui est généralement difficile à réussir dans ce genre d’entreprise. Une mention particulière à Eleven, dont la chanson Theory

of everything rappelle un peu A Perfect Circle, et à Nullstadt, dont le Ancient possède une atmosphère moyen-orientale entêtante qui décolle progressive-ment. Schylla and Charybis, d’Abracadabra, est plus synthétique mais efficace, proche des convolutions

instrumentales de Kevin Leonard (North Star) en solo. La contribution de Gary Sauer et Holly An-derson (une reprise de Izz), tout comme celle de Mark McCrite et Don Schiff (Rocket Scientists), qui ressemble à une ba-lade de Styx ou NDV, font aussi très bonne impres-sion. Mellotrön signe le morceau le plus heavy avec un son énorme qui rend hommage à Devin Townsend. Quand à Nick D’Virgilio, il offre la version démo de Looking for

answers (titre qui figure dans le Snow de Spock’s Beard). Le morceau signé Izz, brillant mais bien trop court, est l’un des rares à être ouvertement pro-gressif ! Le second CD est plus disparate en qualité mais quelques grands noms y figurent. Ajalon, le groupe de Randy George, le bassiste actuel de Neal

Morse, est renforcé sur son What kind of love par Rick Wakeman ! Neal Morse nous fait cadeau d’un Tell me Annabelle typique du style des balades dont il a le secret (apparemment un titre non retenu pour son premier album solo). Enfin, iQ interprète Lost in

paradise, une version réarrangée d’une partie de The

darkest hour remixée par Mike Holmes, changeant la cadence et le ton du morceau tout en incluant des bandes d’actualité relatives au désastre du sud-est asiatique. Notez bien que cette version ne devrait figurer que sur cette compilation. En plus du prix d’achat du CD (15 $, somme très modique pour un double album), les organisateurs ont encouragé les donations. Au moment où j’écris ces lignes, les deux pressages (soit un peu plus d’un millier d’exemplaires) sont définitivement épuisés. Le montant des sommes récupérées, estimé à 10000 $, a été reversé à la Croix Rouge américaine. Félicitations !

Jean-Luc Putaux

Après la vague…À peine la tragédie venait-elle de frapper l’Asie du Sud-Est fin-Décembre et

alors qu’un élan de solidarité sans précédent se manifestait de par le monde, deux projets se montaient spontanément, impliquant divers membres de la communauté progressive. Les initiatives musicales à la suite de catastrophes humanitaires ou pour sensibiliser l’opinion publique à des problèmes sociaux ou écologiques ne sont pas nouvelles. On se souvent de BandAID (We are the world, Do they know it’s christmas ?) et du retentissant LiveAID, ou encore du Smoke on the water du RockAID Armenia (avec Keith Emerson et Chris Squire) et du single Spirit of the forest auquel participèrent Jon Anderson et Kate Bush. Ce type de projet réunit bien souvent des stars et rapportent des fonds importants reversés à des associations caritatives. A une bien plus petite échelle, les deux initiatives parallèles présentées ici ont un objectif similaire. Il existait deux méthodes possibles pour associer les efforts de musiciens, deux exercices différents mais complémentaires : le super-groupe et la compilation. ProgAID et The Tsunami Projekt en sont les illustrations respectives... et respectables.

PROGAIDALL AROUND THE WORLDF2 Music

Ce projet « all-stars » (à l’échelle du petit monde prog) est une initiative du label anglais F2 Music (celui de Magenta, de Cyan ou The Fyreworks) qui a réuni près d’une cinquantaine de chanteurs/musiciens. Bien qu’on retrouve impliquée une majorité de musiciens issus de formations britanniques (iQ, Magenta, Pendragon, Landmarq…), des groupes européens (Ayreon, Flower Kings…) et américains sont aussi représentés (Glass Hammer, Shadow Gallery…). La chanson choisie, All around the world, est une balade écrite par Rob Reed (Cyan), très simple (c’est plus facile pour faire participer des musiciens sans répétitions préalables), jolie mais uniquement rattachée au progressif par les musiciens impliqués et les choix d’instrumentation et de production. Une chanson qui débute par l’alternance des voix de Neal Morse, Alan Reed et Peter Nicholls, c’est tentant, non ? On comprend bien qu’il était difficile de construire un titre de cinq minutes équilibré à partir de l’ensemble des contributions de chacun, soit près de 125 pistes ! La solution a été trouvée en proposant sur le CD-single plusieurs « mix » différents. La version « officielle » est forcément frustrante puisqu’on entendra ses artistes favoris ne chanter qu’un ou deux vers ou n’égrener que quelques notes de guitare ou de claviers. Le

Definitive mix est deux fois plus long. C’est la version la plus intéressante musicalement car si la première moitié reprend la version « edit », la seconde partie rassemble un bon paquet de solos (Arjen Lucassen, Nik Barrett, John Mitchell…). Le Air

mix pourrait être une sorte de réunion de ténors du néo-prog des années 80 (Galahad, Pen-dragon, iQ, Pallas…) tandis que le Cue mix privilégie les acteurs du prog des années 90 (Neal Morse, Roine Stolt…). On trouve enfin une version entièrement instrumentale qui met bien en valeur les arrangements de piano de Rob Reed et que vous pourrez utiliser, puisque les paroles figurent dans le single, comme version karaoké ! En l’absence de notes détaillées, on s’amusera à reconnaître les interventions de chacun via un style plus ou moins caractéristique, exercice surtout amusant avec les guitaristes qui enchaînent leurs solos dans la seconde partie du Definitive mix ou les claviéristes et les guitaristes dans la troisième partie. Le CD contient aussi une plage mutlimédia sous forme d’un « clip » où l’on voit une partie des musiciens rassemblée dans un studio du Pays de Galles pour enregistrer dans une atmosphère de bonne humeur et de fraternité. Le chœur final avec toute la bande des schtroumpfs réunie vaut le détour ! Ce CD coûte 5 £, un prix modique pour faire une bonne action tout en se procurant ce qui deviendra sans nul doute un collector !

et cette étape devait être accomplie par nos soins. On est satisfait du travail et on réitérera certainement l’expérience pour le prochain album si le temps nous le permet.

HARMONIE. – Peux-t’on espérer vous voir un jour en Europe effectuer quelques prestations scèniques ?• G. W. : Shadow Gallery a toujours été un projet de studio il est donc presque impossible de nous voir faire un concert. Même si l’occasion se présente un jour, on réfléchira à deux fois ; c’est pas si évident de restituer l’atmosphère d’un disque sur scène et on ne pense pas à cette éventualité. L’idée peut paraître prétentieuse mais on préfère se focaliser sur l’aspect du studio plutôt que la scène. Tant de groupes tournent à longueur de temps qu’ils en perdent parfois la foi donc appréciez-nous encore et toujours sur CD…

web : www.progaid.com • www.f2music.co.uk www.digitalchemistrymusic.com/the-tsunami-project

Page 28: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 28

LIVELIVEEvoquer le Prog’Sud nous a semblé impossible

sans faire un rapide tour d’horizon, un bilan après six années de festival aux Pennes-Mirabeau. Le but des organisateurs a toujours été de proposer la plus large palette de styles progressifs avec trois axes principaux : groupes locaux et régionaux connus et moins connus, découvertes françaises et internationales, groupes reconnus ayant une audience dans le milieu prog. Ainsi, au fil des ans, les régionaux de l’étape se sont succédés avec Biomech Race, Holy Graal, Iris, Cymoryl, Lords of Mushrooms, Mirage ou Biocide. Nous avons découverts des groupes aussi variés que Némo, Odessa, DFA, Tryo, Adagio, Sylvan ou Mats/Morgan. Les combos célèbres ont écumé la scène du Jas’Rod : Eclat, Balletto di Bronzo, Cast, Flamborough Head, Iconoclasta, After Crying, Landmarq ou Minimum Vital avec, cette année, la participation de Caravan, groupe historique culte de notre mouvement musical. Cette liste non exhaustive permet donc d’apprécier la variété des groupes proposés, allant du prog métal au prog symphonique le plus classique, au néo-prog, au prog-rock enlevé jusqu’au world-prog et même à l’influence des planètes Magma ou de Frank Zappa et des « torturés » de tous bords.

Le pari de l’éclectisme a donc été largement gagné. Mais au-delà de ces considérations de

HARMONIE. – Depuis c inq ans, il y a un re-nouveau envers Caravan. Entre DVD, concerts

et nouvel album, le groupe n’arrête pas…Jeffrey : Effectivement, il se passe énormément de choses. Cela me fait penser aux années soixante-dix. Et puis, le public est constitué de personnes d’âges très différents. Ce soir, il y avait beaucoup de jeunes. Je suis très content de cela, ainsi que les autres membres du groupe.

HARMONIE. – Cette musique se bonifi e de plus en plus au fi l des ans.Jeffrey : Tu sais, Caravan existe depuis trente-six ans et c’est vrai que cette musique est de plus en plus forte, de plus en plus intense.

Pye Hastings : Moi, j’ai un autre job… je travaille dans un autre domaine, je suis ingénieur dans le secteur de la protection du gaz méthane.Jeffrey : En ce qui me concerne, je vis de la musique ainsi que Doug Boyle, notre guitariste et Jim, notre bassiste. En plus des tournées avec Renaud ou Caravan, je fais le tour des écoles avec mon violon accompagné d’un conteur. Je joue ma musique pour les enfants et j’adore cela. Jan, le clavier est moniteur d’auto-école, Richard le batteur a un superbe hôtel près de Canterbury.

HARMONIE. – Parle-nous de tes albums solos…Jeffrey : En 1992, j’avais fait un album solo Violon mon amour. J’ai maintenant un home studio près de Canterbury et je ne cesse d’en-registrer.

HARMONIE. – Nous connaissons ton amour pour notre pays. Est-ce que tu as envisagé d’avoir une maison en France et de t’installer chez nous ?Jeffrey : En 1997, quand j’étais avec Renaud, j’habitais dans un hôtel, à Montparnasse. J’ai habité un an en France et ce fût formidable. J’adorerai m’y installer.

base, le plus important est ailleurs. L’esprit prog des origines était hérité de l’esprit hyppie babba-cool et plus largement de la contre-culture. Repartons dans des époques préhistoriques, au tout début des années soixante-dix. En ces temps de l’ère musicale glaciaire de notre douce adolescence, écouter de la musique se faisait sur un tourne-disque à saphir plus ou moins usé autour duquel nous nous groupions religieusement. Un été, à Méribel, avec mon frère Pascal et d’autres chevelus aussi passionnés que nous, nous avons découvert Dark side of the moon de Pink Floyd avec autant d’enthousiasme et d’émotion que Christophe Colomb les Amériques.

Au Prog’Sud, la seule différence notable est qu’au lieu de nous grouper autour d’un tourne-disque, nous faisons bloc dans la salle du Jas’Rod des Pennes-Mirabeau. La grande force de cette ma-nifestation est la personnalité des organisateurs. Eliane, Alain, Fabrice, Cathy, Nicole, Thierry et tous les autres ont perpétué cette volonté de partager une musique qui a marqué nos existences. Comme cerise sur le gâteau, ils offrent spontanément une gentillesse, un accueil tout en simplicité et chaleur humaine qui font du Prog’Sud l’un des derniers bastions musicaux recelant une véritable authenticité. Cet esprit d’amitié sincère a séduit les journalistes spécialisés couvrant l’événement, les spectateurs se succédant au fil des ans et les musiciens venus y jouer. A cette authenticité, Alain Chiarazzo et Eliane Armansa apportent une noblesse de cœur peu commune. De toutes façons, il n’y a pas de secrets. Seuls la qualité d’accueil et le sérieux d’une organisation peuvent permet-tre à un tel festival progressif de perdurer aussi longtemps, du fait que la musique proposée est à des années-lumière de « tout ce qui marche ». Ce beau bébé de six ans se porte bien et poursuit une croissance des plus normales… pour le plus grand plaisir des afficionados du sud-est du prog, tant sont rares les concerts de notre musique préférée dans la région.

Il y a donc un esprit du Prog’Sud, un esprit qui rejoint celui des racines que nous connaissions dans les années soixante-dix. L’édition 2005 du Prog’Sud a eu lieu les 25, 26 et 27 mai, lors du pont de l’Ascension. Nous espérons que le voyage au Pennes-Mirabeau vous a permis de découvrir cette authenticité par vous-même…

À l’année prochaine pour la septième édition.

Raymond Sérini

SIX ANNEESde PROG SUD

InterviewLe violoniste de Caravan est un francophile convaincu, parlant la langue de Molière de manière quasi parfaite. Violoniste de Renaud en studio et sur scène depuis de nombreuses années, il est également un élément central du show de Caravan en ce qui concerne les rares jeux de scène du groupe. Jeffrey est surtout un violoniste hors pair et un être d’une grande gentillesse. Après un concert d’une grande intensité, nous lui avons posé une poignée de questions.

HARMONIE. – Quels sont vos projets après le Prog’sud ? Jeffrey : Nous allons faire une tournée en Angleterre de sept-huit dates puis nous retour-nerons aux Etats-Unis et au Japon. Ensuite, nous rentrons en studio pour enregistrer un nouvel album.

HARMONIE. – Est-ce que tu continues à tourner en France avec Renaud ?Jeffrey : En septembre, j’enregistre le nouveau CD de Renaud et en janvier, je devrais faire partie de la nouvelle tournée. Je dois le rencontrer à ce sujet très bientôt à Londres.

HARMONIE. – Une question à Pye Hastings : mais comment vit le groupe et que faites-vous lorsque vous ne tournez pas ou n’enregistrez pas d’albums ?

Propos recueillis par Raymond Sérini

Jeffrey RichardsonPROG’SUD • 7 MAI 2005

Page 29: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5429

Le jeudi 5 mai dernier, le parking du Jas Rod fut très tôt envahi de nombreuses voitures, signe que, comme à l’habitude, la soirée s’annoncerait festive, avec cette atmosphère bon enfant que nous apprécions tant. L’occasion de discuter de nos groupes et de nos concerts avec des passionnés de même acabit est trop belle. Il y a surtout cette joie d’écouter des formations connues ou inconnues et de communier tous ensemble à ce partage de la musique prog. L’affi che était sur le papier d’ores et déjà alléchante et lorsque l’on pense que les organisateurs ont reçu près d’une centaine de propositions de groupes voulant jouer durant ce festival, cela donne le tournis. Le problème n’est pas nouveau : les groupes de rock progressif, à de très rares exceptions près, ont très peu d’occasion de se faire entendre sur scène, du fait de la confi dentialité d’une musique qui ne passe pas en radio et demande une attention véritable ainsi que de la frilosité des directeurs de salles pour qui le prog est le dernier de leur soucis. Ce premier soir de festival nous permettra d’applaudir deux groupes : les Mexicains de Cabezas de Cera avec une musique diffi cile, exigeante et les Anglais de Caravan, groupe culte venu tout droit des années 70 et fi gure de proue de l’école de Canterbury. Le cocktail était savoureux et suivait l’optique de la politique générale des organisateurs qui mé-langent avec délectation les styles musicaux et les pays d’origine. La grande nouvelle était qu’enfi n nous pouvions applaudir un pilier, un groupe mythique ayant posé sa pierre personnelle dans les fondations du prog. Lors des cinq festivals précédents, la qualité des groupes proposés était indénia-ble. Il ne manquait que des acteurs de la période dorée du rock progressif pour que la perfection soit atteinte.

Cabezas de Cera est un groupe de trois musiciens mexicains qui n’ont pas choisi la facilité, loin s’en faut. Dans un pays ou seuls Iconoclasta et Cast (tous deux déjà venus au Prog’Sud) représentent la scène prog et où dominent comme partout les hits fadasses à la Ricky Martin, il fallait un sacré cran pour oser proposer un tel univers inclassable, mélange tout à la fois de jazz-rock, de free-jazz, de fusion, de rock, de world music. Leur musique très cérébrale, très expérimentale, se révèle un peu froide et fi gée à l’écoute des CD. Par contre, sur scène, elle prend une toute autre envergure ; l’énergie des trois compères, passant par là, transfi gure les compositions. Leur infl uence principale demeure le King Crimson des années 80 mais l’improvisation est omnipré-sente. Il y a deux facettes chez ce groupe : la facette expérimentale et celle beaucoup plus sage d’une musique folklorique tirant son inspiration dans les diverses chansons traditionnelles mexicaines et surtout la mu-

sique des peuples des Andes, popularisée entre autres par les Chiliens d’Inti Illimani. Le tout forme une recette explosive, uni-que et totalement déjantée. Sur le papier, Mauricio Sotelo tient les guitares, Ramsés Luna le saxophone et tous les instruments à vents et Francisco Sotelo les percussions. Mais, chers lecteurs, ne nous y trompons pas. En scène, Cabezas de Cera est une sorte de laboratoire en folie dans lequel les musiciens changent continuellement d’ins-truments. Francisco, qui est dans le civil sculpteur sur métaux, a même créé des instruments totalement originaux, pour la plupart à cordes et à percussion. Une harpe à douze cordes et un sitar indien métallique font, entre autre, partie de cette col-lection unique au monde, sorte d’inventaire merveilleux à la Prévert. Pendant plus d’une heure quarante, à travers onze titres, le groupe va revisiter son répertoire constitué de trois albums auto-produits (Same, Un segundo et Metalmusica, dernier double CD). Cabezas de Cera jouera une grande partie de ce dernier opus. Le rappel sera le titre Goxcilla, une perle cosmique qui peu à peu part en vrilles saxophoniques. Le public s’avèrera conquis par la fougue et l’enthousiasme des trois Mexicains. A en juger sur pièce et sur scène, Cabezas de Cera a de beaux jours devant lui.

Nous ne vous ferons pas l’injure de présenter Caravan. Le set fût somptueux et très différent de celui de Six Fours, il y a deux ans. Ce concert du Prog’Sud célèbre la troisième jeunesse du groupe qui jouera pendant près de deux heures. Pye Hastings à la guitare rythmique et au chant, Jan Schelhaas aux claviers, Richard Coughlan à la batterie, Jeffrey Richardson au violon et à la fl ute, Jim Leverton à la basse et Doug Boyle à la guitare solo composent le groupe actuel. Bien sûr, la majorité des titres est tirée de la période dorée des années 70 (Memory lain hugh, The dog, Golf girl, Nine feet underground, Hello hello, Who do we think we are et, en rappel, le fabuleux For Richard, titre fétiche du groupe). Au milieu de tout cela, une poignée de morceaux du très bon dernier CD The unathorised breakfast item (Revenge, Smoking gun, Breakfas item…). Le groupe très soudé est concentré sur sa musique. Les seules facéties viennent de Jeffrey

Richardson qui, par deux fois, mit une ambiance humoristique sur la scène. Sur le titre Golf girl, il endosse des gants de chirurgien et joue la rythmique du morceau avec des cuillères. Plus fort encore, sur Hello hello, il joue la rythmique avec un grand sécateur-tailleur de haies. Mais lorsque notre violoniste passe aux choses sérieuses, ça ne rigole plus. Nous ne sommes pas prêts d’oublier son dialogue violon/guitare avec Doug Boyle sur Nightmare. Si nouvelle jeunesse il y a, le travail impressionnant de Doug Boyle à la guitare y est pour beaucoup. La dextérité, la force des soli et

la présence forte de l’ancien guitariste de Robert Plant ont apporté une nouvelle fraîcheur à des titres mainte fois entendus. Mais chacun des mu-siciens mérite un coup de chapeau tant cette musique a pris une force peu commune au fi l des ans. La présence d’un jeune public qui ne cachait pas son plaisir fut le plus de la soirée. Et il y eut les deux grands classiques incontournables du prog, ces mo-numents que sont Nine feet under-ground et For Ri-chard ; deux titres qui vous laissent chaque fois litté-ralement à genoux. Le retour de Cara-van dans notre ré-gion aura donc été fracassant, pour la plus grande joie des spectateurs. La première soirée se termina dans le contentement général.

Hélas, le ven-dredi 6 mai, la seconde soirée ne put avoir lieu : un feu s’étant déclen-ché tout près des

Pennes-Mirabeau nécessita la neutralisation de deux pylônes électriques qui, manque de chance, alimentent une moitié de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pas de concerts donc parce que pas d’électricité mais cela n’était que partie remise.

Samedi 7 mai : la soirée commence ex-ceptionnellement à dix-neuf heures afi n de rattraper le temps perdu et Odessa ouvre le bal. Découvert au Prog’Sud 2003, ce groupe italien a su s’imposer de par son grand potentiel scénique et son répertoire

UNE VÉRITABLEUNE VÉRITABLERÉUSSITERÉUSSITEPROG SUD 2005 :

BIOCIDE

KEN’S NOVEL

MATS ET MORGAN

ODESSA

Page 30: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 30

qui oscille entre compos originales et re-prises judicieuses. Le groupe est toujours composé de Lorenzo Giovagnoli au chant et au clavier, Giulio Vampa à la guitare, Valerio de Angelis à la basse et Marco Fabbri à la batterie. Une heure trente de concert juteux et énergique avec, pour seule recette, une pêche de tous les instants et une maîtrise musicale qui s’affi ne toujours un peu plus. Leur musique puise à la source des années 70 avec orgue Hammond et guitare en avant et riffs à profusion. Le show débute avec trois titres de leur CD Stazione Gethsemani de 1999 (Lotta per il dominio, Esilio, Di buio e luce). Il conti-nue avec des morceaux connus de grands groupes progs italiens et deux titres d’un futur album (Senza fi atto, Going south, Leila, Viene la sera). Puis viennent les

fameuses reprises dans lesquelles Odessaexcelle : We will rock you et We are the champions de Queen, Highway star et Child in time de Deep Purple et en dernier rappel un ébouriffant Rock and roll de Led Zeppelin. Comme à l’habitude, notre cher bassiste Valerio, vêtu d’un tee-shirt Superman, s’en vient faire deux fois le tour de la salle avec sa basse en guise de mitraillette et présente les morceaux dans un français de cuisine qui fait écrouler de rire toute la salle. Mais la grande force du groupe vient de cette section rythmique de feu alliée à cette guitare incandescente et à la grande classe de Lorenzo, magnifi que claviériste et showman charismatique à la voix entre Robert Plant et Ian Gillan. Ce troisième passage au Prog’sud de Odessa a confi rmé encore une fois leur potentiel.

Toujours la même chose avec les festivals de prog’ : les organisateurs passent leur temps à chercher la date qui ne sera ni vacances, ni lendemain ou veille de pont, ni ni… De toute façon, un festival de rock progressif en province n’attire pas les foules, sauf exception (Corbigny en 1997, par exemple).

Bruno Barrière avait une belle affiche à proposer : Riverside, Tantalus, Eclat, Knight Area, The Tangent, Kafka. L’expérience des années précédentes avait montré que les grosses têtes d’affiche coûtent plus qu’elles ne rapportent en termes d’entrées et que les mélanges de styles musicaux n’attirent pas les foules non plus. L’association Triangle s’est donc recentrée sur le prog’ pur jus. Riverside a confirmé son statut de gros espoir du prog’, avec une prestation très

appréciée. Kafka, jeune groupe français, a montré une progression spectaculaire vers un post-rock assez crimsonien dans l’esprit, virulent et énergique. The tangent était curieux à voir, à ma droite Andy Tillison, affable et mort de trac (faute d’expérience suffisante des concerts apparemment), à ma gauche une bonne partie de la galaxie Flower Kings, parfaitement décontractée et efficace –eux, les concerts, ils connaissent !! Si Tantalus a un peu déçu, Knight Area se sera imposé en revanche comme la bonne surprise du festival. Leur premier album offrait un mélange de néo-prog’ et de délicatesse camélienne très agréable, avec de grandes qualités mélodiques. Sur scène, ils prennent un plaisir évident à jouer ensemble, sont à la fois très précis et enthou-siastes et les nouveaux morceaux dévoilés ce soir-là laissent présager un deuxième album qui marquera les esprits. Voilà pour la partie artistique, réel succès.

Côté finances, avec 220 entrées, le festival est une fois encore déficitaire et la SACEM réclame 10 % des dépenses engagées, ce qui veut dire une grosse galère en pers-pective pour l’association Triangle.

Résultat : il est probable que le festival va abandonner le progressif puisque toutes les formules tentées ne sont pas viables financièrement. Il pourrait se déplacer sur Bergerac et explorer d’autres « horizons rock », ceux du rock féminin par exemple. Tant pis pour le public progressif qui n’a jamais suffisamment répondu présent. On ne peut que le regretter et remercier Bruno et ses acolytes de nous avoir offert durant quelques années de beaux événements. D’un côté, des groupes qui se plaignent du manque de concerts ; de l’autre, des organisateurs prêts à les accueillir. Ne manque que le public… il répond présent, et paie cher, pour aller voir The Musical Box à Paris mais n’est pas prêt à payer la moitié du prix pour découvrir ce que les enfants de Genesis font aujourd’hui.

Sans commentaire.Philippe Arnaud

Il est grand temps que leur second album puisse enfi n voir le jour afi n que tout un chacun puisse les découvrir et apprécier leur musique vibrante et formidablement swinguante.

Pour leur succèder Biocide, un groupe marseillais qui surfe dans une musique qualifi ée de psychégroovecore. Un univers encore différent que le Prog’Sud aura su mettre en lumière. Les jeunes musiciens ont témoigné d’une fougue et d’une énergie réelles. La palette de leurs infl uences va de Pink Floyd à Magma, Bjork, ou Alice In Chains. Auteurs de deux CD à ce jour et forts de plus de deux cent concerts depuis 2001, ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes.

Avec les Belges de Ken’s Novel, nous voici retrouvant un néo-prog de très bonne facture. Le groupe avait ouvert la voie avec un premier CD, The Guide, en 1999 et attendit cinq ans pour resservir le couvert avec un nouvel opus Domain of Oblivion. Patrick Muermans au chant, Bruno Close aux claviers, Sébastien Mentior à la basse, Geoffrey Leontiev à la batterie et Eric Vanderbemden à la guitare ont pris d’as-saut la scène du Prog’Sud. Ken’s Novel a consacré la majeure partie du concert à quatre morceaux de Domain of Oblivion, les plus longs et les plus progs, à savoir The hallucinogenic lake, Empress of the frozen sea, Homeland et le phénoménal Domain of oblivion qui donne le titre au CD, le tout entrecoupé par un morceau du premier album, Homeland. Il y a chez ces musiciens une réelle capacité à entremêler des éléments très différents allant du néo-prog à la Rush, Dream Theater ou Saga à l’ethnique, le jazz, une certaine new-wave infl uencée par Simple Minds ou Tears For Fears et même l’expérimental. C’est pour cette raison que le qualifi catif néo, s’il est globalement justifi é, est quand même un peu réducteur. Il y a de toutes façons une belle osmose entre les musiciens et l’on sent dans l’exécution des différents titres un vrai travail de groupe ainsi qu’une totale connivence entre eux. Une chose est certaine : nos amis de Ken’s novel ont la patate (en Belgique, cela se dit la frite) et ils vont le prouver tout au long d’un concert qui ajoutera une belle page de plus aux shows néo de l’histoire du Prog’Sud. Ils iront même jusqu’à terminer leur set par un medley des meilleurs titres de leur premier album. Ce qui dominera est le sen-timent des différences entre les morceaux du premier et du nouvel album, ce dernier étant manifestement beaucoup plus métal. Mais qu’importe le fl acon puisque l’ivresse était bien là !!!!

Pour terminer le festival, il fallait frapper très fort. Ce fût le cas avec Mats and Mor-gan, duo venu de Suède, fort de plusieurs albums. Mats Oberg (claviers) et Morgan Agren (batterie) ont une réputation justifi ée

LIVELIVESARLAT • 22-23 AVRIL 2005

Page 31: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5431

de très grands musiciens. Par le passé, Bill Bruford et même le grand maître Frank Zappa (entre autres) multiplieront les éloges à leur égard. Lorsque l’on sait que Mats Oberg est aveugle de naissance, l’on se dit que décidément ce groupe ne ressemblera à aucun autre. Ce samedi 7 mai, les deux leaders bénéfi cièrent du renfort de Jimmy Agren à la guitare, Robert Elovvson aux claviers et Tommy Thordsson à la basse. Ici, nous avons droit à une musique ex-périmentale jouée avec frénésie, puisant tout à la fois aux sources de Frank Zappa, du jazz, du prog de l’école de Canterbury style National Health et des musiques nouvelles. Un certain rapprochement avec Magma n’est également pas à exclure. Et l’élément fondamental de cette musique est une énergie brute qui vous explose à la fi gure et vous laisse pantois. La ryth-mique est proprement phénoménale avec une batterie et des claviers du feu de Dieu. Les deux claviers sont situés chacun aux extrémités de la scène. Un déluge de notes, une fougue impressionnante, une rapidité d’exécution saisissante et un zeste de folie sont les ingrédients d’un concert de Mats and Morgan. Rien ne manquera dans ce concert : ni les compositions hallucinantes, quasi hypnotiques, ni la maîtrise parfaite de musiciens en état de grâce, ni l’extrême inventivité de thèmes s’entrelaçant les uns aux autres. Mais comment décrire une musique aussi personnelle, aussi intem-porelle, aussi forte ? Le mieux étant pour vous de vous procurer au plus vite l’un des CD de Mats and Morgan. Pour être clair, pendant une heure quarante cinq, le Jas’Rod fut envahi par une tornade qu’il sera impossible d’oublier à quiconque. Le fi nal sera encore plus grandiose puisque, sur le dernier morceau, les musiciens joueront… et sauteront en même temps à pieds joints. Lorsque nous vous disions que ce groupe ne ressemble à aucun autre. L’ovation qui s’ensuivit était amplement méritée.

La recette simple mais toujours de bon goût s’est avéré encore gagnante : un groupe local à découvrir, un représentant talentueux du néo-prog international, un combo italien qui sait chauffer une salle avec un prog seventies de derrière les fa-gots, deux formations expérimentales aux univers totalement uniques et un groupe-culte retrouvant une troisième jeunesse. Pour cette sixième édition, le Prog’Sud nous aura encore gâtés.

Les douze coups de minuit s’étaient égrenés depuis des lustres lorsque nous passâmes le portail du Jas’Rod en nous disant que le temps serait long et qu’il faudrait attendre un an pour retrouver ce festival Prog’Sud, la lumière des Pennes-Mirabeau et la sympathie chaleureuse de nos amis marseillais.

Raymond Sérini

RICK WAKEMANJOURNEY TO THE CENTRE OF THE EARTHClassic pictures - Live 1975 - Australie

Après les 35 ans du show d’ELP, voici que nous fêtons les 30 ans de cet album et de ce spectacle. A croire que l’époque est à la nostalgie et aux anniversaires. Tout d’abord, un petit cocorico d’allégresse gauloise : ce concept de Rick Wake-man était basé sur le célèbre Voyage au centre de la terre de Jules Verne (que nous lisions tous étant petits, en ces temps héroïques… où il n’y avait qu’une seule chaîne à la télé). Rick était le clavier magique de Yes et nous nous étions régalés de son premier album solo Six wives of Henry VIII. Le succès de l’album Journey to the centre of the earth (vendu à douze millions d’exemplaires) et le mécontentement au sujet de la direction musical prise par Yes dans Tales from topographic oceans furent les déclencheurs de son premier départ du groupe. Le voici donc redevenu un musicien maître de son destin. Journey sera filmé à Melbourne et jouée par les mêmes musiciens que sur l’album original, avec l’orchestre symphonique de Melbourne, narra-teurs et effets de scène datés (mais comment peut-il en être autrement trente ans après). Ce DVD permet de revisiter les meilleurs moments de la toute jeune œuvre de Rick avec trois morceaux du premier opus (Catherine Howard, Catherine Parr, Anne Boleyn), deux de l’album King Arthur alors en préparation (Guinevere et Merlin) et bien sûr l’intégrale de ce Voyage au centre de la terre. Rick Wakeman aura lui aussi à subir les mêmes jugements que Keith Emerson : leur musique est considérée par beaucoup comme pompeuse, ringarde, emphatique. Beaucoup de cuivres, de chœurs, d’envolées présents dans cet opus ont entrainé ces jugements hâtifs. La cape du Moyen Âge portée par notre claviériste suscita souvent quelques sarcasmes, masquant souvent l’essentiel. Pourtant, quelle virtuosité, quelle aisance, quelle maestria !!!! Parfois, la nostalgie a du bon, surtout lorsqu’elle est véhiculée par de si grands musiciens.

Raymond Sérini

SBBFOLLOW MY DREAMMetal Mind Production - Pologne - 210 min

Si la Pologne est aujourd’hui l’un des pays phares en matière de rock à affiliation progressive avec des groupes comme Satellite, Riverside, Amarok ou Indukti, c’est que ce pays a derrière lui tout un passé construit pierre par pierre, depuis trois décennies, par plusieurs générations de groupes dont SBB fut, à coup sûr, l’un des principaux artisans. Comme vous le disais mon confrère Philippe Arnaud dans notre précédent numéro à l’occasion de la sortie du DVD Live

at Jamboree 79, SBB est un groupe qui mêle adroitement influences rock, jazz et progressives. J’y ajouterais blues aussi, l’abréviation du nom signifiant d’ailleurs Silesian Blues Band. SBB est un trio à la base, formé par le talentueux claviériste/chanteur (et parfois bassiste) Jozef Skrzek, le batteur Jerzy Piotrowski et le guitariste d’origine grecque Apostolis Antymos. L’origine du groupe remonte à 1971 et le groupe a publié depuis plus d’une vingtaine d’albums. Metal Mind les a d’ailleurs regroupés dans un énorme coffret de 22 CD remastérisés et agrémentés de plus de

80 titres bonus ! Coffret qui se trouve à moins de 150 euros sur le Net. Ce même label nous envoie aujourd’hui un nouveau DVD très complet (3 h 30) qui couvre et retrace une bonne partie de la vie du groupe.

Un bon point sur le plan technique pour commencer. Le DVD est très bien monté, la navigation est facile et agréable et malgré des documents assez anciens et disparates, les qualités sonores et visuelles sont des plus satisfaisantes. Le contenu artistique n’est pas

Page 32: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 32

mal non plus. Les deux pièces principales sont un concert de 1994 à Zabrze et une télé (live au festival de Knokke, en Belgique, en 1978) sur le thème de la suite Follow my dream, un album-concept paru l’année précédente. Ce document de 37 minutes se présente en fait sous la forme d’un ballet sur la musique de SBB. Une musique dominée par les claviers et qui, après une courte introduction chantée, évolue entre un mélange de progressif lumineux et de space rock halluciné ! Je suis assez peu familier avec le milieu de la danse classique et il me sera donc difficile de juger de la qualité artistique de ce ballet mais celui-ci nous apparaît comme une œuvre contemporaine, avant-gardiste, qui colle parfaitement aux climats musicaux développés et à la libération des mœurs des années 70’s. On y voit notamment des créatures tout de vert vêtues prendre des positions suggestives à faire rougir le Kama-Sutra ! Un interlude de cinq minutes nous offre l’occasion d’apprécier les talents de chanteur et de pianiste classique de Jozef Skrzek. Puis le ballet reprend petit à petit, d’abord un couple seul puis une multitude de danseurs qui semblent tous se figer d’admiration pour quelque chose d’invisible à nos yeux. Une « force » qui finit par les terrasser et on les voit alors s’éteindre un à un. Le tout s’achevant par le retour de l’intro chantée. On peut voir et entendre tout ceci comme quelque chose d’un peu daté mais j’avoue aussi qu’on se laisse vite prendre au charme de la musique de SBB et des danseurs et danseuses. L’autre gros morceau est donc un concert de 1994 d’une durée d’une heure environ où le groupe se présente en quintette avec le renfort de Janusz Hryniewicz au chant et à la guitare acoustique et Andrzej Rusek à la basse. Ici c’est le côté jazz/blues de SBB qui ressort au grand jour comme sur le très jazz rock Odlot qui ouvre le show ou la suite Going

away qui mélange agréablement les deux avec en prime un petit exercice type boléro. Comme le faisait remarquer Philippe, la musique de SBB n’est pas exempte de longueurs et certains titres comme Drzewko oliwne révèlent les faiblesses du groupe. Certains titres sont chantés en polonais et on y trouve une version très raccourcie de Follow my dream. Les bonus sont nombreux et variés. D’abord un titre capté en 1974 (6 minutes) dominé par le chant (en polonais) et le piano. Le groupe y joue en trio et Apostolis fait son Jimmy Page (jeu à l’archet). Un orchestre est présent sur la scène mais ne joue pas. A noter le look terrible du batteur barbe et maillot de plage violet délavé à l’appui ! Puis un autre titre (9 minutes) qui date de 1979 où le groupe évolue en quatuor à deux guitares. Le début très énergique sonne jazz-rock à dominance guitares puis arrive un passage cool chanté qui

symbolise le côté aventureux de ces seventies ; on se demande bien là où le groupe va nous emmener. On y trouve aussi un extrait d’un film polonais (Golem) où le groupe apparaît en concert ainsi qu’un dessin animé d’une dizaine de minutes sur le concept de Follow my dream. Celui-ci n’est pas sans rappeler nos fameux Shadocks et Gb’s ! Il y a également un mini film d’une dizaine de minutes où le groupe nous montre ce qu’il sait faire mais ce n’est pas le passage le plus intéressant. Bien plus instructif en revanche sont la discographie complète décrite très en détail et la biographie qui nous apprend notamment que le groupe a été en 1978 co-headliner du fameux festival de Roskilde au Danemark avec Bob Marley. Puis le groupe a splitté en 1980 pour se reformer à plusieurs reprises dans les nineties et faire paraître, en 2001, Nastroje son premier album studio depuis 1980. On y apprend aussi qu’un nouvel album provisoirement intitulé New century est en gestation. Enfin chacun des trois membres originels est interviewé longuement (polonais sous-titré en anglais assez facile ; pas de son sur celle du claviériste ?). Des interviews intéressantes qui sont à elles seules un résumé de l’histoire du rock dans les pays du bloc de l’est durant les seventies.

Bref vous l’aurez compris un produit une nouvelle fois très complet et artistiquement parlant captivant auquel je vous invite vivement à vous intéresser. Après l’excellent DVD sur Collage, bravo et merci au label Metal Mind pour la redécouverte de tout un pan resté dans l’ombre de l’histoire du rock avec un grand R !

Didier Descamps

DJABEFLYINGPeriferic Records - Update tour 2001

On vous parle dans ces mêmes pages du dernier

album de ces magnifiques Hongrois qui constituent une énorme révélation. L’enthousiasme suscité par cet opus magnifique et quasi magique donne forcément envie de les connaître davantage, de découvrir ce qu’ils ont pu faire par le passé, de comprendre un peu plus leur parcours musical. Ça tombe bien puisqu’en même temps que le CD nous est parvenu ce DVD qui retrace l’état de l’Art du groupe en 2001, en concert. Autant le dire tout de suite, ce DVD est une sorte de best of, mais dans les conditions de la scène, là où ça se passe réellement, là où la réalité et la vérité d’un groupe se révèlent dans toute leur plénitude. Dans la chronique de l’album, la notion de rencontre revenait comme un leitmotiv. Dans ce DVD, on se rend compte à quel point ce groupe est fécond et créatif dans la rencontre avec son public (une assistance en nombre et attentive : le public existe pour cette musique), à quel point c’est un groupe de scène et non une chimère de studio.

La vérité de la scène révèle donc à quel point nous avons affaire à des musiciens impeccables, avec une maîtrise quasi parfaite de leur art tant sur le plan individuel que collectif. Chacun joue sa partition mais tout en étant à l’écoute de l’autre, au service des autres et de la musique à interpréter. Cela se traduit dans la façon très intelligente de

filmer le concert qui va constamment d’un cadrage individuel à un cadrage collectif, comme pour bien montrer que quelle que soit la performance d’un soliste, elle s’inscrit toujours dans un con-texte plus collectif. Il convient de préciser que ce constant va-et-vient n’a rien d’épileptique, contrairement à beaucoup d’autres DVD où souvent le réalisateur s’amuse à un zapping effréné qui rend incompréhensible la vision du DVD. Ici, on a des plans suffisamment longs pour comprendre la performance et suffisamment courts pour ne pas lasser.

Avec une réalisation aussi intelligente et sobre, on perçoit davantage la qualité des instrumen-tistes. Si sur CD, certains musiciens semblent occuper le premier plan comme le pianiste (Zoltan Kovacs) ou le flutiste-violoniste (Ferenc Kovacs), en réalité, sur scène chacun apporte sa pierre au même titre que les autres. On comprend mieux la place du guitariste acoustique (Attila Egerhazi) ou du percussioniste-vocaliste (Andras Sipos), sans compter la force de la rythmique, étourdissante de virtuosité (Szilard Banai et Tamas Bartabas). Djabe est un collectif dans lequel chaque composante possède une force intrinsèque impressionnante mais qui s’efface pour se mettre au service de la musique. C’est là le signe d’une grande maturité.

Question musique, le DVD survole de façon as-sez exhaustive l’ensemble de l’œuvre du groupe. De fait, certaines pièces révèlent une dimension plus jazz-rock, marquée parfois par certains des stéréotypes du genre. D’autres pièces révèlent une certaine africanité, notamment à travers les vocalises et les percussions d’Andras Sipos qui rappelle parfois Jean Baptiste Feracci et Minimum Vital. Cela tient aussi parfois de la transe shama-nique comme sur le morceau d’introduction avec sa dimension incantatoire. Ailleurs, on n’est pas très loin d’Isildur’s Bane ici ou de Miles Davis là. Bref, la palette sonore est large et à la lumière de cette diversité d’atmosphères et d’ambiances, on se dit que le dernier opus est une sorte de synthèse parfaite. Indispensable.

Philippe Gnana

Page 33: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5433

GOUVEIA ARTROCK2004Prog Rock Festival

Second DVD issu du nouveau festival progressif donné au Portugal par l’association culturelle Portugal Progressivo puisque seconde édition en 2004 ! Après ProgRésiste en Belgique et le Progfest aux Etats-Unis distribué par le label français Musea, la nouvelle mode (et qui s’en plaindra) est au support DVD pour immortaliser les groupes venus s’exprimer aux quatre coins du monde sur les scènes progressives. Groupes qui n’ont pas toujours les moyens de s’offrir ce support qui les offre aux regards concupiscents des progsters en manque d’images. Cette édition 2004 proposait trois formations et un soliste du pays que j’avoue ne pas connaître, Fernando Guiomar (non, pas le fils de l’acteur !), celui-ci n’est d’ailleurs présent que pour un seul titre, Ibero, long tout de même de 16 min 12, seul avec sa guitare acoustique ! On s’éloigne un peu du progressif mais c’est pour mieux y retourner avec les trois groupes majeurs de ce festival, Isildur’s Bane, les Suédois, et les deux Italiens, La Torre dell’ Alchimista et Periferia del Mondo. Incontestablement, Isildur’s Bane est la vedette de la manifestation avec pas moins de douze titres au compteur pour une prestation confortable avec leur son si particulier, mélange de chaud et de froid, lyrisme anglo-saxon confronté aux glaciations nordiques de trouvailles excitantes. Le guitariste Jonas Christophs, géant chauve, sorte de Mr. Propre au devant de la scène dont la six cordes semble n’être qu’une grosse allumette entre ses grosses pattes ! Pas moins de sept intervenants en concert et des passages très aguichants avec le violoniste Joachim Gustafsson et le chanteur Christof Jeppsson qui n’a rien physiquement de l’image que l’on se fait d’un Suédois mais plutôt une sorte de clone « hogar-thien » qui aurait mangé trop de hamburger !!!

BERNIE TORMÉSTRATOCASTER GYPSYAngel Air - 140 min

Qui connaît Bernie Tormé parmi les lecteurs d’Harmonie ? Né à Dublin, Tormé va vite rejoindre Londres pour s’associer à la vague du renouveau heavy metal des années 79/80. Hésitant entre punk et metal, à la manière du premier album d’Iron Maiden (remember), l’Irlandais va vivoter avec deux singles à son actif avant de rejoindre le Ian Gillan Band puis de créer son groupe en 1981. L’année suivante, il rejoint Ozzy Osbourne en remplacement de Randy Rhoads pour une courte tournée ! Il retournera à sa propre création, l’Electric Gypsies, en hommage à Jimi Hendrix dont il essaye de copier le jeu distordu dès 1983. Outre les nombreux titres live, ce DVD propose également quelques clips vidéo, une interview du bonhomme, une biographie et une galerie photos. Si vous voulez découvrir un guitariste seulement connu des adeptes de la fameuse Stratocaster ou presque, ruez-vous sur ce DVD, vous y verrez un véritable rocker, perdu dans les limbes de l’anonymat mais croyant à ce qu’il fait et balançant des kilos de blues et de hard bruts de pomme !

Bruno Versmisse

SIMPLY REDA STARRY NIGHT WITH.Warner Vision - 102 min

Oui, bon, je sais, là, carrément à côté de la plaque mais le boss m’a obligé sinon je n’avais pas les DVD du Progfest 2000 et du Gouveia 2004 !! Warner a pris le grand vizir en amitié et je dois me taper tous les concerts des groupes que je n’apprécie, disons, pas vraiment pour rester poli… Alors, vous pensez, Simply Red, c’est que je n’ai rien à en dire de spécial moi et ce que je dirai ne serait pas objectif. En plus, c’est comme pour Phil Collins, vous connaissez tous… Bon, je dirai juste que c’est un concert capté à Hambourg en janvier 1992 après le triomphe planétaire du groupe et de son quatrième album, Stars. 131 concerts, 1,5 million de personnes… ok, Simply Red marchait bien mais je m’en fiche. Bon, inutile de continuer boss ? Merci… La prochaine fois, je suis sûr que mon ami Didier Descamps sera ravi de le faire…

Bruno Versmisse

Pour les Italiens, même si ce ne sont pas là les formations les plus connues, c’est au contraire un plaisir de découvrir Periferia del Mondo avec neuf morceaux exécutés avec maestria et savoir- faire et surtout un saxophoniste omniprésent qui ne fait pourtant jamais basculer la musique vers le jazz-rock, Alessandro Papotto, également, dois-je le rappeler, membre de… Banco !!!! Ce qui explique l’excellence prodigue de la musi-que des cinq membres de ce très bon groupe formé en 1997. On rapprochera leur progressif de celui d’Area ou Arti and Mestieri pour ceux qui suivent… Quant à La Torre dell’Alchimista, c’est la magie retrouvée des années de feu avec des claviers « vintage » comme on dit et un petit paradis musical qui s’instaure sur scène avec six titres sélectionnés. Un seul album en 2001 mais déjà une grosse présence rappelant E.L.P. et la superposition de sons en strates comme les grands groupes italiens des seventies. La Torre était parti de Bergame pour faire 2000 kms et le seul plaisir de jouer live à la clé. Dans la foulée, ils s’envolaient pour le Nearfest américain… Quelle santé et quelle envie de jouer !

Voilà, DVD à posséder pour se rendre compte de la vivacité des groupes progressifs et l’occasion de mettre des visages sur des formations dont seuls les fanzines parlent… Vous savez ce qu’il vous reste à faire !

Bruno Versmisse

Page 34: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 34

JETHRO TULLNOTHING IS EASYLIVE AT THE ISLE OF WIGHTEagles - 1970

Dans un peu plus de deux ans, Jethro Tull fêtera ses quarante années de carrière. Autant dire qu’on est plus près de la fin du règne que du début. Si le groupe est toujours en activité, on ne peut pas dire pour autant que cette activité soit débordante. Il y a pourtant des parutions mais rien de fondamen-tal par rapport à une véritable activité tullienne, voire que de l’anecdotique : un album solo de Ian Anderson, un album de Noël du Tull, des DVD pour commémorer un anniversaire (celui des 25 ans) ou pour immortaliser une tournée sur cette poule aux œufs d’or qu’est devenu le support DVD, ironique-ment intitulé Living with the past. Dans le passé, on y reste avec ce nouveau DVD, si l’on veut, avec perfidie, prolonger l’ironie à son propos : on n’en finit pas d’explorer et d’exploiter le passé du Tull, aussi prestigieux fut-il, histoire de maintenir artificiellement un semblant d’actualité du groupe, tout en faisant tourner la planche à billets.

Cette fois la machine à remonter le temps nous ramène à la fin d’août 1970, à l’époque du fameux festival de l’île de Wight, le Woodstock anglais, pour une tranche d’Histoire du Rock qui semble marquer la fin de l’utopie hippie. A cette époque antédiluvienne Jethro Tull est l’étoile montante dans le fir-mament Rock, avec un Bourée qui a permis à la réputation du groupe de traverser toutes les frontières et un Aqualung qui se profile déjà, album qui sera une des œu-vres emblématiques de

Cela commence à devenir une habitude : de plus en plus souvent, les tour-nées des grands groupes de rock progressif ne passent plus par la France. Jethro Tull a entamé une tournée euroépenne avec 14 (quatorze !!!) dates en Allemagne au mois de juin, trois en Suisse début juillet (Fribourg, Lu-gano et Bâle), deux en Espagne (Madrid et Estepona) et une en Angleterre (Liverpool). Pour ceux qui seront en vacances chez nos amis transalpins, l’Italie permettra d’applaudir Ian Anderson, le flûtiste bondissant, et son groupe le 12 juillet à Sesto Fiorentino (près de Florence), le 14 à la Spezia (près de Gènes : infoline 00.39.0187.75.70.75), le 15 à Cattolica (sur la côte adriatique) et le 16 à Mantova, (près de Milan). A bon entendeur… Raymond Sérini

toute l’histoire du Rock. C’est donc un moment d’Histoire auquel on assiste, avec ses petites vicissitudes mais également ce qui en fait rétrospectivement sa grandeur. C’est que les éléments documentaires du DVD ne cherchent pas enjoliver les choses mais visent plutôt à une certaine objectivité, voire même à une certaine ironie (ce qui est bien dans le tempérament de Ian Anderson)

Du concert, on a en fait quatre morceaux : My

Sunday feeling, Dharma for one (et son inévitable solo de batterie qui paraît désormais si désuet), My God et Nothing is easy. On a emballé le tout avec quelques archives des coulisses qui nous informent sur certaines des difficultés rencon-trées pour des raisons idéologiques, entourant le concert, un extrait de The Rolling Stones

Rock’n Roll circus (A song for Jeffrey) ainsi qu’une interview de Ian Anderson datant de 2004 (la caution morale et artistique) qui, avec son humour coutumier, se souvient pour nous de ce que fut cette époque. On y apprend entre autres pourquoi ses prétentions de devenir guitariste ont été anéanties par la découverte d’Eric Clapton et comment et pourquoi il s’est rabattu sur la flûte traversière. On retient de la prestation une

formidable énergie et un enthousiasme dévastateur. Tout ceci ne nous rajeunit pas vraiment et une fois le voyage dans le temps achevé et la nostalgie assouvie, on revient dans la réalité du moment pour se dire qu’il serait grand temps que Jethro Tull se manifeste pour de vrai, et manifeste de sa vitalité pourtant bien réelle encore. A quand le nouvel album studio ?

Philippe Gnana

THE STRAT PACK LIVE IN CONCERTEagle Rock - 155 min

C’est à l’automne 2004 que se sont rassemblés, dans le but de célébrer le 50e anniversaire de la légendaire guitare Fender Stratocaster, une mul-titude de vieilles gloires du rock international.

A la Wembley Arena de Londres, les fans du rock anglais ont pu assister à une représentation qui ne manquait pas d’allure avec la présence d’authentiques stars et de sous-fifres aux pa-tronymes appréciés du public rock. Je vous cite quelques noms au hasard, David Gilmour, Phil Manzanera, Ron Wood, Joe Walsh, Paul Rodgers, Brian May, Gary Moore, Albert Lee, Hank Mar-vin, Mike Rutherford, Paul Carrack… Nombre d’utilisateurs célèbres de la fameuse six cordes vont ainsi balancer quelques hits mémorables confectionnés sur la mythique guitare. Il n’y a qu’en Angleterre que peut avoir lieu ce type de rassemblement.

Outre l’aspect échevelé et disparate de cette réunion, c’est à un véritable panégyrique du rock que nous sommes conviés sur ces deux heures et demie live non stop ! Pour quinquas et quadras nostalgiques évidemment mais aussi pour montrer aux petits jeunes l’essence même du rock intemporel…

Bruno Versmisse

LA TOURNÉE EUROPÉENNEDE JETHRO TULL

LI

VE

Page 35: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5435

COLLAGELIVING IN THE MOONLIGHTMetal mind production - Pologne - 240 min

Alors que Satellite (fondé faut-il le rappeler par trois ex-Collage) squatte nos platines CD avec un somptueux et inspiré second album, Metal Mind, excellent label polonais, nous fait un joli cadeau avec la publication de ce DVD de Collage. Ah ! Collage ! Quel amateur de néo-prog ne se souvient-il pas de la flamboyance de l’album Moonshine paru en 1994, assurément l’un des meilleurs du genre. Eh bien, grâce à ce DVD, c’est toute la magie de ce superbe album qui nous est restituée et, qui plus est, avec le bénéfice de l’image. Le programme est copieux avec près de quatre heures de matériel. Certes il faudra parfois être indulgent avec la qualité technique intrinsèque de certains documents mais passer à côté pour d’aussi futiles raisons serait une grossière erreur. La pièce de résistance de l’album, c’est ce concert d’une heure trente filmé en 1996 par une télévision locale. Il s’agit donc d’un live en studio sur une petite scène et devant un parterre de fans des plus réduits. On ne voit et on n’entend d’ailleurs ce public qu’à la fin sauf quand un lascar monte sur scène pour pousser un cri durant Living in the moonlight. Le son est ici très bon proposé en 5.1 ou en stéréo. Malgré un light show très léger, l’image est de qualité et tout cela est d’évidence réalisé par des professionnels. Mais le plus important reste la musique et là quel régal ! Tout l’album Moonshine y passe ainsi qu’un titre de Safe, deux vieux morceaux et une reprise de John Lennon. Chaque morceau est un petit bijou à lui seul hormis peut-être le second morceau chanté en polonais, Kolysanka. De Heroes cry on retiendra le lyrisme flamboyant et le solo Hackettien de Mirek Gil. De The blues, l’alternance maîtrisée des passages softs et des envolées plus rythmées mais surtout cette superbe mélodie exposée à la guitare. Sur la ballade Lovely day, c’est la sensibilité et la nature profondément humaine du chant de Robert Amirian qui font mouche. Certes, on a vu et entendu prestation vocale plus parfaite sur le plan technique mais en termes de feeling et d’engagement Robert en remontre à beaucoup. Le très long In your

eyes montre un groupe qui a tout compris, tout assimilé de l’héritage progressif des glorieux aînés et de l’art de bâtir une pièce à rallonge. Le dynamique Basnie apporte l’exotisme du chant en polonais alors que Mirek Gil et Wojtek Szadkowski se mettent en valeur sur le final. One of their kind met justement en valeur toute la science de cet excellent batteur qui parvient à propulser rythmiquement le morceau tout en faisant preuve de beaucoup de finesse dans l’approche de son jeu. Et une fois de plus quelle belle mélodie. Sur Wings in the night, c’est la fougue juvénile et l’imagination sans limite de la partie instrumentale qui séduisent. Et si Living

in the moonlight peut paraître un rien facile le grandiose Moonshine compense par son côté très aventureux. War is over apporte la petite touche folk, voire médiévale sur son final endiablé, et

on en oublie facilement les quelques hésitations dont le groupe se sort sans trop de bobos. Enfin, en apothéose, la reprise du God de John Lennon que le groupe transcende littéralement par son énergie avec une intro floydienne signée Mirek Gil qui se lance même dans un solo de slide avec une cannette de coca ! Les bonus sont légion. A commencer par une heure de live supplémentaire ; du vrai, cette fois, du bootleg même pris dans les archives du groupe. Tout d’abord une seconde version de God

captée à Varsovie, meilleure encore que celle de la télé, même si filmée apparemment par une seule caméra, car plus sauvage, plus débridée. On y trouve ensuite sept titres enregistrés en 1995 à Uden en Hollande. Là aussi c’est filmé en un seul plan large et même si les couleurs ne sont pas très belles et que le son, correct au demeurant, laisse entendre surtout lors des passages calmes les bruits de la salle (et Dieu que les Hollandais sont bavards durant les concerts, sans parler des bruits de cannettes !), il est intéressant de voir le groupe dans les conditions du vrai live. On y voit notamment un Robert Amirian à fond dedans. Il s’éclate, mime les instruments et se prend même pour un ténor à un moment donné. Voilà pour le live. A part cela, on trouve aussi sur ce DVD quatre clips vidéos dont Living in the moonlight

et Heroes cry filmés dans un joli décor bleuté, Lovely day qui alterne plans sur le groupe et vol majestueux d’un aigle et la curiosité Midnight flyer en noir et blanc datant des débuts du groupe. Une biographie, une discographie détaillée et une galerie de photos complètent l’ensemble. Sans omettre de citer les interviews de Robert Amirian, Mirek Gil et Wojtek Szadkowski qui reviennent longuement sur la carrière du groupe des débuts à nos jours. Un bien bel objet, très complet, et absolument indispensable pour tout fan de rock progressif qui se respecte.

Didier Descamps

PHIL COLLINSFINALLY… THE FIRST FAREWELL TOURWarner Vision

Oui, je sais, Phil Collins n’est qu’un petit clown arriviste et prétentieux, fossoyeur de Genesis et tutti quanti mais au-delà de tout ce qu’on reproche à notre bonhomme, il y a aussi ce fantastique faiseur de mélodies, ce showman hors pair, véritable mix d’Elton John et de Peter Gabriel, capable de repren-dre et de magnifier des standards rythm’n’blues ou de redonner une poignante émotion à un vieux titre de Genesis ! Un batteur exceptionnel qui est capable de se faire un duel avec Chester Thomp-son de presqu’un quart d’heure et de parcourir la scène grandiose de son dernier spectacle à la manière d’un Robbie Williams, sans souffler ou presque. Ce DVD est exceptionnel, la qualité des images, le show fabuleux, l’enchaînement de hits à tomber sur le cul ! Mais c’est Collins, alors bon, ben oui ! Mais je dois avouer que ces images sont à regarder du début à la fin et qu’on se laisse prendre à l’aspect « floydien » de la mise en scène. Un retour sur scène après les épisodes disneyiens et un léger oubli des foules. Mais le charisme du petit chauve emporte tout sur son passage et ses numéros avec les choristes et les jeux de lumière

et le saxophoniste, aussi Daryl Stuermer, autre fidèle gratteux et ancien de Genesis live au même titre que C. Thompson…

Enregistré le 16 juin 2004 dans un Bercy radieux et transporté de bonheur, ce concert atteint des sommets de professionnalisme et ça change des petites prestations de nos chers groupes progressifs ! Pour une fois, on se laisse aller sur des ritournelles qui ont enchanté nos dragues et comblés certains soirs déprimés. Un Collins en pleine forme et un show filmé comme un film, c’est que du bonheur, je vous dis ! Je suis le premier surpris alors faites comme moi, n’hésitez pas à craquer sur cet ex-batteur chevelu et barbu qui se planquait derrière Genesis…

Bruno Versmisse

Page 36: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 36

DAVID BYRNELIVE AT UNION CHAPELWarner Vision - 87 min

Comme pour Procol Harum, David Byrne, ex-taulier des fameux Talking Heads, groupe de l’intelligentsia new yorkaise des années 80, a été filmé à l’Union Chapel de Londres. C’est tout simplement le premier DVD du chanteur et c’est dans ce lieu mystique et à l’opposé de sa musique que celle-ci prend pourtant une toute autre dimension ! Car c’est accompagné d’une section de cordes et d’un ensemble rythmique que l’artiste nous la joue quasiment progressif. Le show est malheureusement entrecoupé d’in-terventions sous-titrées de Byrne himself mais faisons fi de ce grief pour tomber sous le charme envoûtant d’un artiste qui a laissé tombé toute sa panoplie de new-waver intellectuel depuis longtemps et dont la musique dépouillée de tout artifice saura séduire plus d’un amateur de musiques progressives…

Bruno Versmisse

PROGFEST 2000Musea

Il aura fallu presque cinq ans pour voir Musea nous servir le meilleur du Progfest 2000, peut-être le plus célèbre des festivals de rock progressif dans le monde. Il avait lieu cette année-là à la Miranda Theater de Los Angeles, les 1er et 2 septembre avec, au programme, les Japonais de Kenso, les Français de Mona Lisa, les Brésiliens de Tempus Fugit, les Mexicains de Codice et les Néerlandais de Supersister.

Si Mona Lisa, dont il s’agissait de la seule escapade hors d’Europe et ce, plus de vingt ans après la fin du groupe, a déjà eu les honneurs de l’enregistrement video avec la sortie en DVD de la quasi-intégralité de leur prestation à ce festival, c’est une première pour les autres dont Supersister dont il s’agissait là aussi, d’une reformation. J’évoque très vite Mona Lisa dont sont proposés quatre titres

mais il s’agira d’un malencontreux doublon pour ceux qui ont acquis le DVD de leurs exploits en terre américaine. Le groupe de Le Guennec et des Versaillais ainsi reconstitué reçut la plus belle ovation de tout le festival ! Les excentri-cités et les costumes du groupe certainement car il faut bien dire que la scène en elle-même apparaîtra dépouillée à l’excès tout au long des passages des différentes formations. Kenso qui interprète cinq titres avec un professionnalisme à toute épreuve où toute trace d’émotion disparaît derrière le jazz-rock progressif exercé avec un maximum de technique. Tempus Fugit qui, s’il n’a droit qu’à trois titres sur ce support, fait passer un certain frisson, avec son chanteur-claviériste black et son guitariste très à l’aise, pour nous arracher des soli courts et pointus du meilleur effet. Codice reste la formation la plus excitante de ce Progfest 2000. Non seulement sept (!) morceaux sont joués mais on retiendra les virevoltantes ballades du batteur qui va allégrement jouer des claviers à gauche de la scène avec le premier claviériste puis ensuite à droite avec le second ! Pour des intros de toute beauté mais aussi pour des passages à trois claviers qui instaurent des atmosphères éminemment progressives. Tour à tour Genesis ou King Crimson (pour la faire court), Codice sera la révélation de ce festival ! Enfin, Supersister, légendaire groupe hollandais dont le seul titre ici présent rappelle les seventies plus sûrement que les autres puisque le groupe s’est reformé spécialement pour cet événement.

Un bon témoignage qui a le mérite de nous présenter des groupes qui n’ont pas forcément les moyens de produire et distribuer leur spectacle par le biais traditionnel dorénavant du support DVD. A regretter, le mauvais piqué de l’image et un certain flou qui tranche malheureusement avec certaines vidéos et renforce l’amateurisme de ces groupes progressifs.

Bruno Versmisse

TRAVISLIVE AT THE ALEXANDRA PALACEWarner Vision

D’abord, je ne savais pas que sur scène, Travis utilisait les services d’un certain… Adam Wakeman ! Comme quoi, on en apprend toujours ! Les célèbres Travis dont le tube tourne en non stop sur toutes les radios, sont un compromis intéressant entre la pop anglaise intemporelle et une certaine forme de progressif à la It Bites. Enregistré devant 8000 fans le 20 décembre 2003, à Londres, Travis balance vingt-deux pop songs habiles et manifestement habitées d’un esprit que d’aucuns qualifieront de progressif. Si ce genre de groupe au même titre que Starsailor ou Coldplay continue de squatter les ondes pour notre plus grand bonheur, une ouverture reste possible pour les formations plus aventureuses telles Porcupine Tree dont au moins un titre pourrait devenir un hit potentiel. Est-ce le nom du groupe ? Pour en revenir à Travis, il ne s’agira pas d’un feu de paille. Comme Muse, les Doves ou Elbow, ce quartet a quelque chose à dire ! En plus, un petit documentaire du groupe en coulisses accompagne ce concert de très haute volée, une soirée en compagnie d’un groupe de dandys, adeptes de la mélodie exaltée. Très grand DVD…

Bruno Versmisse

Page 37: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5437

INSIDECOLLECTION « AN INDEPENDANT CRITICAL REVIEW »Classic Rock

La livraison habituelle de Classic Rock avec son lot de DVD à caractère historique… Je ne m’étendrai pas plus sur le sujet que la fois dernière ou la prochaine (?), sous-titrage toujours absent, ce qui limite l’acquisition aux anglophones, images d’archives certes intéressantes mais escamotées pour question de droits et de paie-ment à moins d’une minute par extrait (!)… bref, le procédé a ses limites. Pour les collectionneurs acharnés et les stakhanovistes du documentaire musical, il reste une belle série de DVD à classer au rayon « groupes essentiels ». Cette fois, nous avons le deuxième volume consacré à Genesis, The Gabriel years 1970-1975, Rain-bow 1979-1997, Deep Purple 1974-1976, Argent et Electric Light Orchestra 1970-1973.

Passons sur Genesis, Rainbow et Deep Purple que tout le monde connaît pour se pencher rapidement sur les cas Argent et Electric Light Orchestra. Le groupe de Rod Argent et Russ Ballard, Argent le bien nommé, n’est pas une formation des plus connues et n’a jamais hérité d’une classification particulière. On le trouve ainsi cité aussi bien dans les encyclopédies sur le hard-rock que sur certains sites de rock progressif. Cette ambiguité est due au phénomène pop des 70’s où le groupe sortit l’intégrale de sa discographie, huit albums entre 1970 et 1975 ! Un hard primitif virant rapidement vers ce que les Anglais nomment le « techno-pomp », pomp étant l’adjectif signi-fiant le progressif virant vers la baudruche gonflée artificiellement ! Quant à Electric Light Orchestra, il s’agit de sa période originelle, de 1970 à 1973, années où le groupe fondé par Jeff Lynne, tombé dans la marmite des Beatles et jamais vraiment remis, asséna au monde stupéfait, une sauce classico-symphonico-rock des plus surprenantes, ayant ses détracteurs les plus virulents comme ses admirateurs les plus assidus. Repoussoir idéal ou formation fantasmatique, sujet de tous les rejets typiques aux années 70 ou admiration béate pour les mélodies formatées aux gammes des Beatles, Electric Light Orchestra, à ses débuts, ressemble à toutes ces formations au look étrange venues d’ailleurs, hésitant entre glam et progressif. La section cordes, inhé-rente à l’existence d’Electric Light Orchestra, est ici mise en valeur, on s’en serait douté !

Voilà, à la prochaine livraison, chers lecteurs…

Bruno Versmisse

IQIQ20GEP - 2004

Il arrive parfois que dans le flot des sorties discographiques ou vidéo, nous laissions bien malgré nous passer quelque chose d’important. C’est tombé cette fois-ci sur iQ. Toutes nos excuses au groupe. En effet, comment oublier de chroni-quer le magnifique double DVD (sans équivalent CD pour une fois) sorti avant Noël 2004 ? iQ n’en finit plus de souhaiter son 20e anniversaire et c’est donc avec trois ans de décalage qu’il nous offre ce concert du 15 décembre 2001 au Mean Fiddler de Londres. 20 years of prog nonsense! Harmonie avait fêté l’événement à sa manière en consacrant un article nostalgique dans son numéro 45.

Depuis le temps qu’on le réclamait (et que Martin nous répétait que ça ne serait pas très professionnel...), voici enfin que le rêve mouillé de tout fan d’iQ se réalise enfin : un concert filmé où iQ joue bien ET fait l’andouille ! Pour qui connaît le groupe depuis longtemps, il n’y a là rien d’étonnant mais les précédentes vidéos (Forever Live et Subterranea) étaient tout de même un peu « pincées ». Le Mean Fiddler est une salle sympa, de capacité moyenne, mais ne permettant pas des prouesses de mise en scène et de jeu de caméra. Tant mieux, dans un sens. Le concert est filmé simplement, au plus près des musiciens, ce qui renforce le côté intime du concert. Après tout, ce n’est qu’un anniversaire entre copains ! Peter reprend le maquillage de ses débuts. Mike est tout simplement en pleine forme, gigote tout le temps (on l’a rarement vu aussi extraverti) et fait rigoler Peter. John virevolte. Martin sourit... souvent. La musique est bonne. Voilà à quoi devrait ressembler tout DVD d’iQ !

Après l’intro Harry Potter avec retrospective photographique, tous les albums sont cités, avec notamment un Thousand days plus excitant qu’à l’accoutumée, parfaitement enchaîné à Magic

roundabout, un Seventh House grandiose (un des monuments d’iQ), un Just changing hands

dépoussiéré et plein de bonnes choses encore. Moment fort : le retour de Tim Esau qui prend la basse pour que ce line-up historique d’iQ joue Headlong pour la première fois ensemble !

Si le premier DVD se limite au concert proprement dit, le second regorge de bonus. Par exemple les rappels, justement ceux que tout le monde attend car iQ se laisse aller, rejoint sur scène par quelques fidèles compères (hello Laurence !) dont Tim Esau qui permet à John d’haranguer la foule en se prenant pour le père Noël. Tout aussi bienvenue est la prestation de ce groupe au look disco interprétant un prog symphonique intéressant. Je plaisante à peine mais Mike, Martin, Paul et John ont décidé de nous ramener aux temps pré-iQ, alors que The Lens jouait une musique aux antipodes de ce qui était à la mode. The Lens assurait ici la première partie d’IQ20. Une autre page vient d’ailleurs récemment de se tourner. Paul Cook a décidé de partir se « ressourcer ». Il a été rapidement remplacé par l’expérimenté Andy Edwards. Merci Cookie !

iQ avait présenté Dark Matter à Sarlat l’été dernier. Il est grand temps que le groupe revienne visiter d’autres scènes françaises car, en 2006, on fêtera ses vingt-cinq ans !!

Jean-Luc Putaux

Page 38: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 38

DI MEOLA-PONTY-CLARKELIVE AT MONTREUXEagles

Pour reprendre un axiome mathématique, on pourrait créer spécialement pour ce trio un aphorisme selon lequel entre deux instants on pourrait placer un nombre infini de notes. Al Di Meola, Stanley Clarke, Jean-Luc Ponty : question virtuosité, il y a de quoi faire peur. Toujours à la recherche d’expériences et de rencontres musi-cales nouvelles, ces trois phénomènes musicaux de la scène dite jazz-fusion avaient donc tenté une expérience commune, au milieu des années 90, scellée par ce concert à Montreux, concré-tisée ensuite par l’album The rite of the string. Les organisateurs du concert avaient la bonne idée d’enregistrer la prestation de Montreux, ce qui nous permet de découvrir l’événement une dizaine d’années plus tard.

Les gens qui ont été chargés de la réalisation de l’enregistrement sont manifestement gens compétents qui connaissent leur travail, qui sont passionnés par la musique. Les prises de vue

ERIC CLAPTONCROSSROADS GUITARFESTIVALWarner Vision

Double DVD bourré de vedettes, ZZ Top, San-tana, J. Mc Laughlin, Robert Cray, J.J. Cale, Joe Walsh, Steve Vaï, etc., etc. Clapton pour venir en aide à une organisation caritative à Antigua contre l’alcoolisme, se donne en spectacle plus de trois heures en alignant blues, country, rock, jazz-rock, boogie et guitares sous toutes ses formes. En bermuda, « Slowhand » présente ses potes… Et c’est un défilé de guitaristes exceptionnels qui va délivrer une belle somme de titres héroïques comme aux plus belles heures du rock ricain des 70’s… De Joe Walsh à ZZ Top, tout ce que le rock américain a de plus glorieux, si on enlève les morts et Jeff Beck, absent (!), va redonner un aperçu magnifique avec un son des plus clairs, d’une époque qui nous a fait aimer à jamais le rock ! Une encyclopédie vivante, genre musée en marche pour une musique qui restera éter-nellement jeune… Vous aimez la guitare ? Vous aimerez obligatoirement ce double témoignage d’une densité rare de rock stars au m2 !!

Bruno Versmisse

permettent au spectateur de suivre l’action musicale au plus près, de comprendre la performance des musiciens, de partager un peu de la communion qui lie les artistes. Ça nous change des effets vi-suels débiles et des successions de plans n’ayant aucun sens et aucun rapport avec la performance des musiciens qui visent à mettre en avant la réalisation. Sobriété, intelligence et efficacité sont les caractéristiques de la réalisation.

La sobriété de la mise en image, on la retrouve dans l’attitude des musiciens qui n’en rajoutent pas

dans leur jeu de scène. Ce sont des musiciens pas des amuseurs de foire. Leur attention est toute concentrée sur leur jeu, leur perfor-mance d’instrumentiste et là, c’est une démons-tration de virtuosité im-pressionnante. Stanley Clarke à la contrebasse c’est quelque chose : écoutez donc un peu son exercice solo avec quelques lignes mé-lodiques qui transfor-ment sa contrebasse en guitare flamenco. Al di Meola est tout aussi performant avec son jeu supersonique qui reléguerait bien des casse-cou de la six cordes au rang de parkinsonien akinéti-que. Jean-Luc Ponty est peut-être celui qui étale le moins sa virtuosité mais il définit le plus souvent le cadre har-monique et mélodique. Le trio se trouve rejoint au moment des rappels

par le clavièriste Monty Alexander, qui n’est pas un manchot non plus.

Mais c’est le genre d’expérience qui ne peut durer. La densité en egos hypertrophiés et en virtuosités sur-dimensionnées est trop grande pour autoriser le maintien d’une cohésion sur une période plus longue. Un concert dans un lieu prestigieux, un CD quelques temps après puis chacun repart de son côté. Mais le temps de cette brève rencontre suffit à faire quelques étincelles. Des caméras étaient là pour en con-server le témoignage. C’est tant mieux pour les amateurs du genre qui y trouveront mille raisons de s’enthousiasmer. Impressionnant.

Philippe Gnana

Page 39: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5439

EMERSON LAKE AND PALMERPICTURES AT AN EHIBITIONClassic pictures

Ce DVD est le film d’un show enregistré en décembre 1970 au Lyceum Theatre. Il est le témoi-gnage d’une époque désormais révolue. Au temps de son heure de gloire (1970-1976), ce groupe a toujours suscité des réactions extrêmes : on l’adorait avec passion ou on le détestait avec obstination, parce qu’il était le représentant du pomp rock, le rock pompeux, image réductrice d’une formation de très grands musiciens. En fait, E.L.P. comptait en son sein un véritable virtuose, Keith Emerson, considéré comme le Jimi Hendrix des claviers. Cet extra-terrestre, totalement immergé dans son art, est une figure à part dans le rock. Lorsque ce show est filmé, le groupe décide de rendre hommage aux tableaux d’une exposition, œuvre célèbre du compositeur classique Moussorgsky. En fait, l’œuvre originale était une suite pour piano. E.L.P. se basera plutôt sur la version orchestrée de 1922 de Ravel, le but des trois musiciens étant de proposer une musique d’antan au plus grand nombre et de créer une passerelle entre passé et présent en adaptant cette musique à leur manière, en rock. L’univers musical proposé ici est un mélange de musique classique, de jazz, de pop, d’avant-garde et de psychédélique. Ce DVD met en lumière le rôle central de Keith Emerson. Celui-ci est le premier à utiliser le moog-synthétiseur sur scène et, avec le recul, il est assez cocasse de le voir programmer ce fameux moog du temps des cavernes, aussi imposant qu’une armoire en bois massif de nos grands-parents. Il faut dire que nous sommes alors à l’âge de pierre de la technologie. Le claviériste assure le spectacle, se démenant comme un beau diable entre orgue, grand piano et clavecin électrique. Moment fort du spectacle (vu un million de fois depuis) : Keith se bat avec son orgue. Greg Lake officie à la basse, à la guitare acoustique et au chant. Carl Palmer, quant à lui, tient la batterie et les percussions. Tous deux se révèlent bien sages, par contraste aux facéties de leur leader. La vidéo est elle-aussi d’époque avec

SANITYLIVE AT 22

Sanity est un jeune groupe néerlandais qui s’est formé en 2000 et qui depuis travaille à façonner sa musique. En guise de témoin de sa maturation, le combo sort régulièrement des CD démo qui lui ont permis d’attirer l’attention de la communauté progressive internationale, au point que le dernier enregistrement est désormais distribué par Musea.

Le groupe avait déjà publié sur un CD démo double, un CD vidéo, ce qui manifeste sa vo-lonté de s’affirmer comme un véritable groupe de scène ainsi que sa détermination à se faire connaître. Cette fois-ci, c’est carrément un coffret DVD-CD qui est proposé, ce qui, pour un groupe qui n’avait pas encore sorti de véritable album, est une réelle performance. Pour le coup, on a envie de dire que le groupe vient d’inventer un nouveau concept, celui du DVD démo, car on ne peut pas dire que l’enregistrement corresponde aux critères de qualité qu’exige ce support. Pour être honnête, il faut dire que cela ressemble à une transposition d’un enregistrement analogi-que vidéo sur support numérique. Quant à la musique, elle peut se définir comme une sorte de néo-progressif musclé qui aime bien durcir le son et le ton, un croisement entre le early Marillion et un groupe comme Queensrÿche. D’ailleurs, le chanteur ne possède-t’il pas des inflexions de voix à la Geoff Tate. Mais il peut aussi faire penser par moment à Iggy Pop par certaines de ses intonations alors que sa façon de se tenir sur scène rappelle certaines des attitudes de Fish.

Cela dit, il est difficile de se faire une opinion définitive sur le groupe à partir de ce DVD. Sanity est encore en période de gestation et il convient de le laisser poursuivre sa maturation, à l’image de ce qui se passe dans ce DVD dont les com-positions s’améliorent au fur et à mesure que le concert avance. On en reparle bientôt.

Philippe Gnana

images fixes estampillées années soixante-dix. Au bout de vingt minutes, le groupe est noyé par des couleurs criardes psychédéliques très en vogue en ces temps-là ainsi que par des incrustations d’images de bandes dessinées. Tout cela vous semblera très daté, chers lec-teurs… trente-cinq ans d’intervalle, cela n’est pas rien. Et pourtant, malgré son côté kitsch et ces effluves du passé, ce DVD rend finalement hommage à E.L.P. et démontre à quel grand groupe l’on avait affaire. Il est certain que les conclusions seront les mêmes qu’auparavant : cette virtuosité enchantera certains et agacera les autres. Mais peut-être, en 2005, est-il temps de tordre le cou aux idées préconçues et d’accueillir la musique d’Emerson, Lake and Palmer avec une nouvelle ouverture.

Raymond Sérini

DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE

TOUTE L’ACTUALITÉ

POP, ROCK, MÉTAL, PROG,

ROOTS, ÉLECTRO ET BLACK

CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX – 4,95 €

Page 40: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 40

Page 41: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5441

Chr niquesCD

CD

HIDRIA SPACEFOLK LIVE ELEVEN AMNEARfest Records - Finlande

Hidria Spacefolk : tout un programme rien que dans le simple choix du patronyme. Pourtant, malgré un nom qui ne passe pourtant pas inaperçu, ce groupe finlandais m’était resté inconnu jusque-là. Mais dans le petit monde du progressif, il y a des antennes un peu partout et les mailles du filet permettent toujours d’être informé tôt ou tard de l’existence d’un groupe de haute stature, comme Hidria Spacefolk. Ce n’est sûrement pas par hasard que le groupe s’est retrouvé à l’affiche du NEARfest 2004 et que, de surcroît, l’organisation du festival décide de publier sur CD, les bandes du con-cert. C’est le genre d’enregistrement live qui trouve une justification pleine et entière : faire découvrir un groupe enthousiasmant et faire partager un grand moment scénique. On imagine assez l’impression faite aux spectateurs qui ont dû prendre en pleine figure la prestation dynamique et puissante de ce combo finlandais, chose que l’on ressent à travers le CD malgré l’absence de l’impact visuel et de la confrontation physique. On se dit qu’un DVD aurait rendu un hommage plus appuyé encore à la performance.

Mais revenons donc à ce patronyme qui pourrait être source de malentendu, au moins partiel. Hidria Spacefolk n’a pas grand chose à voir avec le folk : il n’y a rien de bucolique dans sa musique. En revanche, il y a une certaine dimension cosmique et spatiale. En fait, le groupe dont il convient de rapprocher le combo finlandais, est Ozric Tentacles : même ésotérisme patronymique, même type de psychédélisme spatial, même verve jubilatoire, même enthousiasme instru-mental, même puissance rock avec une dimension hypnotique et incantatoire. Ce groupe est une authentique révéla-tion qui démontre toute sa force dans sa capacité à subjuguer son public même à onze heures du matin comme le titre de l’album le souligne ironiquement. Il reste à découvrir ce que ces joyeux iconoclastes ont réalisé jusque-là. Indispensable à découvrir.

Philippe Gnana

IN NOMINEMYTHOEMusea - Espagne - 2005

Fiers ibériques, nantis d’un premier album paru lui aussi chez Musea en 2000, Mutatis Mutandis, et influencé par Marillion et Arena, In Nomine revient en changeant ses guitares d’épaule en visant tout simplement plus haut. Parti d’un néo-progressif inspiré de Police (!!), les Espagnols ont revu leurs ambitions à la hausse avec un progressif de haute volée inscrit au registre du tableau prestigieux des œuvres à posséder absolument. Le sujet, ambitieux lui aussi à l’image de la musique développée, s’inspire des mythes grecs, bien connus de vous tous, lecteurs intellectuels de ce prestigieux fanzine…

Rock symphonique, envolées mé-lodiques d’une beauté frissonnante, jazz-rock surpuissant, polyphonies latines se télescopent dans un volcan de technique époustouflant. Grandes orgues, guitares stratosphériques, voix envoûtantes, registre complet dans la maîtrise du rock progressif des très riches de la décennie glorieuse des seventies, tout ici place In Nomine au sommet d’une pyramide des valeurs que nous ne cessons d’instaurer avec constance dans nos écrits respectifs.

Les fins limiers de Musea citent avec allégresse les noms prestigieux d’Echolyn, Steve Hackett ou encore Minimum Vital pour situer le dernier chef-d’œuvre des Espagnols. A tous ces gens-là, In Nomine emprunte des qualités que nous connaissons tous et soutenons avec vigueur. Court mais bon (45 min), ce Mythoe s’installe juste assez longtemps sans trop insister pour nous faire frémir d’aise et de bonheur avec la subtile envie de remettre ça dès que les dernières notes de la splendide suite Sisyphus finissent de s’égrener… Il faut de la patience pour accepter les métamorphoses et bien malin celui qui aurait pu prédire celle effectuée par In Nomine passant, on le suppose, avec la maturité due aux années, d’un disque néo-progressif et des scories pop qu’il contient inévitablement, aux fastes flamboyants d’un Mythoe éblouissant et digne d’un grand maître de l’inter-nationale progressive.

Messieurs Esteban Fragas (guitares, chœurs), Julio Cesar Fragas (basse), Andres Gonzalez (claviers), Leonardo Perez (batterie, chant, encore un bat-teur qui chante, tiens !) sans oublier Cruz Hermida, intervenante vocale sur certains titres dont une ouverture particulièrement chargée d’érotisme sensuel sur l’intro de Sisyphus, se sont surpassés pour offrir un de ces disques qui se placent d’entrée de jeu au sommet des classements de l’année 2005. Encore faudra-t’il ne pas l’oublier quand décembre sera venu…

Sûr que cette rondelle inspirée de l’antiquité va faire l’actualité et n’est pas prête de quitter vos platines. Tout y est remarquable, guitare, basse (lourde et omniprésente), des claviers qui proviennent d’un rêve de progster et une batterie au diapason, toute en souplesse, voire avec la finesse indue par le pro-gressif raffiné que In Nomine balance avec l’indolence des grands.

Une g rande œuvre à acquérir rapidement, l’évi-dence est là !!

Bruno Versmissewww.hidriaspacefolk.st

ARIESARIESMellow Records-Ita-2005

Les Italiens tiennent leur alternative aux Mostly Autumn et autres Karna-taka et October Project avec Aries, nouvogroupitalien (il y a longtemps que je ne l’avais pas placé), le rusé Mauro Moroni a mis l’oreille sur une excellente variation au classic-rock pop des groupes britanniques avec chanteuse. A la différence et elle est de taille, que Aries enrobe un rock aguichant et punchy d’une suave et profonde expression symphonique latine. Tout le charme vient de cette délicieuse opération, cumulant deux pôles particulièrement attractifs du rock progressif, aux familles si dissembla-bles. Mais ce groupe qui semble né de la dernière pluie, n’est autre qu’une nouvelle branche de l’arbre Zuffanti. Le leader des Hostsonatten et Finisterre qu’on ne présente plus, a épanché le trop plein de son génie créatif avec cet Aries, nouvelle émanation d’un rock prog’ transalpin toujours aussi effervescent. Il faut bien avouer que le chant envoûtant de la dame pré-sidant à cet effet n’est pas étranger aux sensations enivrantes que distille la formation avec un savoir-faire des plus savoureux. Une quintessence de l’art symphonique italien, confronté à des mélodies accrocheuses, le résultat est quasiment imparable !!

En résumé, je ne suis pas loin de penser avoir écouté le meilleur album de rock progressif de l’année (j’insiste sur le mot rock n’est-ce pas ?) ! J’écris cette critique en avril mais je serai étonné de vibrer autant d’ici décembre pour un disque de prog’ aussi revigorant et accaparant. Enfin un groupe qui réunit les deux écoles les plus probantes du genre qui nous passionne, restant aussi intègre sur la forme symphonique qu’efficace sur le plan des mélodies. C’est assez rare pour ne pas le souligner avec vigueur et ostentation. Cet Aries-là possède les principales qualités, rayonnant d’une joie de jouer qui enivrera les heureux auditeurs qui devraient se ruer sur cette galette tombée du ciel comme un pré-sent des Dieux du progressif !!…

Bruno Versmisse

http://www.mellowrecords.com/

Page 42: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 42

CLOUXFULL FOOLAutoproduction - France - 2005

Tout artiste quel qu’il soit et de n’im-porte quelle expression musicale peut-il se revendiquer, sait pertinemment que son œuvre, dès qu’elle est mise sous pli, autrement dit, pressée (de sortir…) sous forme cylindrique et orné d’une jaquette en carton ou en plastique, lui échappe pour tomber entre les pattes de vils chroniqueurs pas toujours très attentifs voire insouciants et pire, fai-néants ! Ces dits critiques en chambre ou professionnels (si, si, ça existe…), que ce soit sur papier glacé, internet, en radio ou à la télévision (non, pas la télévision !) vont encenser, démolir ou gentiment conseiller l’opus en question aux masses ébahies devant tant de sorties indépendantes et autoproduites, sans compter celles qui bénéficient déjà d’une petite aura singulière en sortant sur un label établi. Dans le cas de Cloux (quel patronyme !), voici un garçon, certainement Simon Fleury de son vrai nom, qui s’est lancé comme tant d’autres dans l’aventure incertaine mais pleine de joies, faut pas déconner non plus, de la sortie de son petit disque à lui. Pas très long, non, un EP comme on dit, vingt et une minutes où le gars fait étalage de sa science guitaristique et là, on songe tout de suite, après écoute de la rondelle, à un Satriani, un Vaï, un Schenker, enfin un peu un mélange de tout ça mais en apprentis-sage. Non pas que le talent n’est pas là mais notre homme aux performances de rôteur déjà très au point (écoutez le titre Burp évocateur…), semble s’avancer sur les sillons tout tracés des performers désignés plus haut. Simplement accompagné sur cinq titres par un bassiste, Cloux pratique l’humour à doses homéopathiques, (la pochette aussi) semblant hésiter entre déconnade et grimpés de manche en rappel, son jeu saccadé pourra faire grincer des dents les fins mélodistes, amoureux de rock-songs bien torchées quoique dans Treacle, un pont mélo-dique revient en leitmotiv. Il semble vouloir apprivoiser sa guitare ou bien jouer avec, comme une communication entre elle et lui, du style « je te parle, tu me réponds » mais ce serait aller bien trop loin dans l’analyse d’un tel projet qui s’adresse aux maniaques de la six cordes.

Parfois proche d’une démarche crimsonienne ou plus largement jazz-rock, Cloux ne remisera pas sa gratte au… clou (je me suis dit… tu la fais ou pas ? Et puis oui, quand même…) ! Les amateurs écriront à

www.cloux.new.fr

pour en savoir plus…

Bruno Versmisse

FRIPP & ENOTHE EQUATORIAL STARSOpal - Angleterre - 2004

Quoi de plus évident que de retrou-ver Robert Fripp et Brian Eno sur un enième projet commun ? Les deux génies se sont associés pour un album qui redéfinit les codes de la beauté contemplatrice. Juste la guitare de Maître Fripp et les drôles de machines de Maître Eno. Musique à écouter au casque, seul, assis au rebord de la montagne, sur un rocher face à la mer ou dans un arbre au milieu de la forêt. Fripp démontre une fois de plus qu’il sait faire autre chose que des stridences et sortir des sonorités quasi liquides de son instrument. Eno tient la longueur dans la droite ligne de sa moitié d’al-bum avec David Bowie pour le fameux Low en 1977. Encore plus calme, presque du new-age, cette musique des « stars équatoriales » apaisera les plus énervés. Chaque note dure et la suspension des cordes emmène l’âme où elle peut enfin se relaxer, vers des contrées insoupçonnées où le calme remplace luxe et volupté terrestre. Cette musique aussi minimale soit-elle, n’est à déguster qu’en état d’apaisement complet. Rien ne doit venir déranger, je ne dirais plus l’écoute mais la con-templation car très vite, entré dans le disque, votre imagination vous fera découvrir des visions que vous n’avez jamais cru possibles. Je m’attendais à une crispation pénible de la part des deux compositeurs mais la beauté engendrée par ce disque m’a laissé en état d’apesanteur une bonne partie de la journée. Pour les plus avertis cependant même si tout votre esprit réclame ce genre de musique en cette période de vacances bien méritée !

Bruno Versmisse

JAMES LABRIEELEMENTS OF PERSUASIONInside Out - USA - 66 min 50

Entre la fin de la précédente tournée, l’enregistrement du nouvel album de Dream Theater et quelques par ticipations de-ci de-là, James Labrie a trouvé le temps d’enregis-trer ce que l’on considérera comme son premier album solo même s’il avait déjà publié deux albums sous le couver t du projet Mullmuzzler. D’ailleurs, afin de rester en terrain connu et sans doute aussi de ga-gner du temps, James a fait appel à quasiment la même équipe que pour les albums de Mullmuzzler.

On retrouve donc aux claviers Matt Guillory de Dali’s dilemna, à la batterie Mike Mangini (Extreme, Annihilator) et à la basse Bryan Beller (Steve Vai). Seule la guitare a été confiée à un petit nouveau, un Italien du nom de Marco Sfogli qui se révèle être la très bonne surprise de l’album, son jeu à la fois virtuose et non dénué de feeling faisant des étincelles à de nombreuses reprises.

Comme le symbolise la très belle pochette, c’est un album sur l’homme et son évolution au cours de sa très éphémère existence. Et le moins que l’on puisse dire est que cela a inspiré à James Labrie une musique pour le moins colérique. A moins que celui-ci ne se sente finalement très à l’aise dans le contexte des deux derniers albums de Dream Theater. Car ici un maître mot domine les débats, Heavy ! Qui plus est un heavy metal à la sauce moderne qui ne dédaigne pas s’habiller de quelques atours fleuretant avec le néo-metal !

Cela pourrait être « bourrin » mais c’est justement là qu’on reconnaît toute la science de composition déployée car James et ses acolytes parviennent à marier modernité, tradition, agressivité et mélodie avec une rare faconde. Ainsi alors que la rythmique et la guitare installent un climat plombé à l’extrême servis par un son énorme (écoutez un peu les incroyables murs de guitares sur Freak ou In too deep), les claviers en procédant par de peti-tes touches piochées dans une large palette de couleurs, donnent à de nombreux morceaux des ambiances étranges, futuristes qui contribuent à l’atmosphère sombre et inquiétante de l’album en général.

Seul trois morceaux sur douze échappent un peu à cette ambiance. Lost, une courte chanson au groove très présent, Smashed, jolie ballade très mélodique confiée aux claviers et Slightly out of reach où Marco Sfogli dévoile un jeu à la Steve Vai notamment sur un solo bourré de technique et

de feeling à la fois. Sur ce genre de morceau James est comme un poisson dans l’eau et nous charme avec le côté le plus soft, le plus sensible et le plus velouté de sa voix. Pour le reste, et même si à l’exception du très speed Crucify qui ouvre l’album en rasant tout sur son passage, les tempos sont plutôt médiums, ça déboise dur. Les morceaux sont assez ramassés (cinq à six minutes en général) et chacun d’entre eux possède ce petit quelque chose qui le démarque des autres. Speederie intense et impressionnante montée dans les sphères aigues pour Crucify. Tempo chaloupé traversé de scratch, boucles et autres loops electro sur Alone nanti de deux très bons solos de guitares. Ambiance post-atomique et alternance de chant calme et torturé pour Freak. Début néo-metal pour Oblivious avec chant presque rappé qui contraste avec de belles vocalises la seconde suivante.

En fait, on retrouve souvent cet alliage brutalité/mélodie qui, imman-quablement, fait naître l’émotion et s’affirme comme la clé de ce superbe album. A ce titre, les deux derniers morceaux font partie des meilleurs même s’ils ne sont pas d’un accès des plus faciles. Sur In too deep, les claviers installent l’une de ces géniales atmosphères futuristes auquel fait écho ce fameux mur de guitare. Le tempo est lent, rampant même, puis explose sur certains passages avant un final superbe au piano et un solo de guitare magnifique, tout en délicatesse. Drained

poursuit sur une veine similaire dans un entrelacs de riffs costauds, de synthés modernes, de piano en écho, de voix voilée où mise à nue et une fois encore un excellent solo de l’ami Marco. Son jeu me rappelle d’ailleurs celui du Russe Victor Smolski (écoutez son solo sur Pretender) de Rage, ce qui me fait dire qu’en mariant Rage et Dream Theater, côté heavy on ne serait sans doute pas loin de ce que James Labrie propose ici.

Quoiqu’il en soit cet album est une totale réussite qui en surprendra plus d’un. Si le John Petrucci et bien sûr le Dream Theater nouveau sont aussi inspirés ça nous promet encore une sacrée année !

Didier Descamps

Page 43: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5443

CD

PHAESISPUZZLEMusea Parallèle - France - 2005

Qui se souvient de Phaesis ? Levez le doigt là-bas, au fond ! Hum, je vois, vous n’êtes pas trop nombreux à remuer les menottes. Voyons, un petit rattrapage vite fait : premier album en 1989 avec Réminiscence, on remet ça avec Labyrinthe en 1991 puis Hero en 1996. Depuis, plus rien… jusqu’à cette nouvelle rondelle que plus personne n’attendait vu le peu de réactions dans la classe. Presque dix ans plus tard, les Lorrains remettent le couvert chez Musea qui les accueille dans sa section dite parallèle. Pourquoi ? En vertu de quel décision ? Phaesis a rangé son progressif archaïque et disons-le tout net, un peu rugueux aux oubliettes, pour exposer un Puzzle beaucoup mieux constitué que ses prédécesseurs. Ce n’est pas encore parfait mais à l’image d’un Mona Lisa ou, plus près dans le temps, d’Abacab et tout récemment d’Exode, Phaesis perpétue la bonne vieille tradition du rock progressif « à la française », théâtrale et maniérée, avec tous les défauts que cela engendre. Défauts qui, je me tue à le répéter à chaque chronique que me demande le grand vizir, sont inhérents à ces formations d’ici, provinciales, pétries de conviction et au cœur gros comme ça !! Comme pour Exode justement,

PARALLEL MINDCOLOSSUS ADEAUnicorn Digital - USA - 61 min 43

Le label américain Unicorn digital inc nous fait parvenir deux nouvelles parutions. La première plaira à ceux qui aiment la musique instrumentale tech-nique et complexe. Il s’agit d’un power trio du nom de Parallel Mind qui nous présente ici son premier album. Un trio composé de trois excellents musiciens parmi lesquels on retrouve quelqu’un qui n’est pas tout à fait un inconnu, le bassiste William Kopecky qui a joué dans The Bollenberg Experience avec des pointures comme Rick Wakeman ou Jordan Ruddess. Tiens puisqu’on parle de sorciers du clavier, celui de Parallel Mind n’est pas mal non plus et ses parties sont aussi enthousias-mantes que son nom est compliqué à prononcer, Nibandh Nadkarni ! Avec son compère batteur, Joe Babiak, ils se partagent la composition des cinq plutôt longues pièces qui constituent ce Colossus Adea. Pas de guitares donc ce qui me fait dire qu’on évolue dans un créneau pas très éloigné de ce que propose un groupe comme Niacin même si les claviers sont plus diversifiés car dans Niacin ça regorge en priorité d’orgue Hammond. Cette influence est particulièrement vraie sur l’excellent Chromanic qui ouvre l’album du haut de ses quatorze mi-nutes. C’est à mon avis le titre phare de cet opus qui mêle avec beaucoup de bonheur influences jazz, rock et progressif. Le son est excellent, très clair et très dynamique ce qui permet d’apprécier individuellement chacun des instruments et Dieu sait s’il y a matière à jubiler car ces trois-là en connaissent un rayon sans pour autant nous la jouer trop prise de tête. Ecoutez un peu le jeu de la section rythmique sur Opposite to know, un régal ! Joe Babiak n’est d’ailleurs pas que batteur, il souffle dans divers binious de temps à autres comme sur Chromanic où son solo de cor fait écho à un solo de… guitare ! Eh ! Oui, il y en a un zeste tout de même sur ce titre grâce à l’intervention de Saar Schnitman qui place un joli chorus torturé à la wah-wah. D’autres invités se glissent ici et là comme Jason Pachona et Hamid Assian respectivement à la mandoline et au violon sur l’étonnant Casa de jig. Etonnant car ce morceau mélange le jazz-rock technique du trio avec un passage latino où Joe Babiak se distingue à la trompette pour évoluer la minute d’après sur une phrase folk médiéval. Preuve qu’en plus de leur impressionnant bagage technique nos trois lascars ont de l’humour et de la suite dans les idées en matière de composition. D’autres invités encore, vocal cette fois, sur la suite en quatre

parties qui donne son nom à l’album et s’étire sur plus de dix-huit minutes. Deux chanteuses, Julia Heyden et Suman Nadkarni, et un petit chœur de trois personnes. Ils interviennent de belle façon sur Into the depths, la seconde partie du morceau assez calme en regard de l’ouverture The guardian qui œuvre dans le ton général de l’al-bum, donc très technique. Les deux dernières parties mêlent adroitement de jolies mélodies exposées au piano et moult solos de synthés. Même si le dernier titre Beginning’s end faiblit très légèrement niveau inspiration ce Colossus Adea est donc une très bonne surprise à conseiller aux fans de musique instrumentale et d’artistes ou de groupes comme Niacin, Planet X, Jordan Ruddess et autres formations dominées par les claviers. A consom-mer sans modération !

Didier Descamps

Phaesis sculpte maladroitement, un 5 343e hommage à tout ce que l’Ange de Christian Décamps des années 70 et du début des eighties a pu apporter à deux générations de jeunes traumatisés par l’évocation musicale et sa transmutation « paysanne » du rock anglo-saxon progressif de cette époque. C’est dans cette direction, saupoudrée d’une débauche d’énergie mal fagotée, que les quatre de Phaesis foncent tête baissée pour le plus grand bonheur de certains (votre serviteur) et le malheur des autres dont le mépris s’accompagne d’un rictus de dégoût, un peu comme ces 4X4 du dimanche évitant de rouler dans la boue des chemins creux !! Drôle de métaphore j’en conviens mais elle me passait là par hasard, derrière la tête… D’ailleurs, ils le disent eux-mêmes : « l’art n’est pas forcément synonyme de perfection mais aussi d’émotion » !

C’est encore Jean-Pascal Boffo qui a mixé et masterisé dans son studio de Clouange, ce quatrième opus de ses compatriotes lorrains. Pour la petite histoire, Phaesis se compose de Dominique Vassart (guitares), Eric Her-billon (basse/chant), Gautier Lombart (claviers) et Hugues Masson (batterie). Qu’ajoutez de plus à cette chronique ? Que Phaesis fera plaisir aux amateurs qui se sentent visés plus haut, que de sérieux efforts ont été faits tant au niveau musical que pour la jaquette du CD, touffue et ornée de jolis dessins et photos, qu’enfin, cer tains titres dépassent le cadre restrictif du prog’ à la française pour s’avérer tantôt remplis d’émotion ou alors soignés aux petits oignons passant par une école hard déjà proposée par Absurd, autre fleuron du genre qui, lui, a tout compris !!! Décidemment, c’est l ’année des retours en force, Phaesis avait inauguré les premiers numéros d’Har-monie, content de les retrouver, sincèrement !

Bruno Versmisse

NOVACTTALES FROM THE SOUL (TO THOSE WHO UNDERSTAND)Sensory a division of Laser’s edge - Pays-Bas

Malgré un patronyme qui prétend à l’innovation, il faut bien dire que ce combo néerlandais, défiant toutes les recommandations de bison futé, déboule dans un créneau musical aussi surchargé qu’un péage d’autoroute un jour de chassé-croisé estival. L’obsti-nation, voire l’inconscience (à moins que ce ne soit de l’arrogance et de la prétention), méritent d’être saluées. Ces nouveaux prétendants du Prog Métal s’étaient réunis en 2001, sous l’appellation de Morgana X et se sont décidés à devenir Novact, en 2004. Ceci dit, tous les musiciens ont suffisamment baroudé dans le milieu pour se prévaloir d’une solide expérience et former un groupe d’emblée mature, susceptible d’attirer l’attention de Ken Golden, le mentor de Laser’s edge qui les a signés sans tarder. Pour leur premier album, ils ont même bénéficié, pour la production, des services d’Oliver Philipps, le leader d’Everon et accessoirement d’Eroc, figure légendaire de Grobschnitt.

De fait, ce premier album apparaît sans la moindre faiblesse, avec une grande puissance mélodique, beaucoup d’énergie, un savoir-faire imparable, une équipe d’instrumentistes irrépro-chables, un chanteur d’excellent niveau, une production sophistiquée à la rigueur toute germanique. Les références et affinités que l’on peut établir sont à rechercher du côté de l’Allemagne, du côté d’Everon (forcément) et surtout de Superior dont le phénoménal Ultima ratio semble être un peu le grand frère de ce Tales from the soul. Il manque peut-être juste cette petite pointe de folie contrôlée, voire la cohérence d’un concept innovant qui fait la différence entre l’excellence et le chef-d’œuvre, pierre angulaire d’un style musical, à la manière d’albums précurseurs comme Opération mindcrime ou Images and words. Mais après toutes ces années, y a-t’il encore la place pour un groupe de Prog métal, révolutionnaire et innovant. Tous ceux qui arriveront désormais ne seront-ils pas condamnés à suivre des procédés codifiés ? A Novact de nous prouver le contraire et de s’extraire d’un registre aux canons désormais fixés et dictatoriaux.

Philippe Gnana

www.novact.nl

Page 44: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 44

SHAUN GUERINARCHIVESUSA - 2005

Je concluais ma récente chroni-que de « The Epic Quality of Life » (Harmonie 53) en écrivant : (...) « un album qui procure bien du plaisir, mal-heureusement tempéré par la tristesse et le fait qu’il sera le dernier de Shaun Guerin.» Et bien heureusement, Shaun était entouré d’amis qui ont visiblement souhaité perpétuer sa mémoire en nous concoctant un recueil de démos inédites et de morceaux en concert. Shaun avait-il prévu de sortir ces bandes de son vivant ? Difficile à dire. Alors prenons surtout ces « Archives » comme un moyen, certes tardif, de mieux connaître cet artiste très attachant.

Avec à nouveau une pochette signée Paul Whitehead, l’album se partage en-tre compositions originales et reprises. Du Genesis, bien sûr, principalement tiré de l’album The Lamb (n’oublions pas que Shaun officiait au sein du tribute-band Cinema Show) mais aussi du Pink Floyd (In the flesh) et du ELP (Karn Evil #9, brillamment interprété mais un peu trop respectueux). Les démos des chansons originales de Shaun, multi-instrumentiste aussi à l’aise à la batterie qu’aux claviers, sont généralement des balades romantiques, simples mais joliment arrangées (If

this is a dream, Without you, Two

turns to one). The river’s edge évoque directement la qualité d’écriture de feu (lui-aussi...) Kevin Gilbert même si la chanson et les vocaux ne sont pas encore totalement matures. Les qualités de batteur de Shaun sont évidentes sur les instrumentaux comme ce Cypher aux accents délicieusement fusion. She doen’t care se rapproche plus du Genesis moderne. L’atmosphère est tendue, le chant passant comme par enchantement du registre de Gabriel à celui de Collins. Des phrases de guitare à la Rutherford, des claviers luxuriants à la Bankstatement ; on croirait vraiment entendre la version démo d’une chute de We can’t dance, voire Calling all stations.

Shaun était aussi membre de Clearlight. Cyrille Verdeaux rend donc hommage à son ami avec le « 2nd mo-vement » de son Infinite symphony. Mais il faut bien reconnaître que ce morceau d’inspiration (vieux) Camel n’intéressera que les fans de Clear-light. Il détonne un peu avec le reste de l’album pourtant assez homogène malgré son côté compilation.

Peut-être existe-t-il de nombreuses autres archives tout aussi sympatiques à découvrir. En attendant, Shaun Guerin chante aussi sur le premier album de K2, Book of the dead, paru chez ProgRock records.

Jean-Luc Putaux

THE RUNNING MANTHE RUNNING MANAngel Air - Angleterre

J’ai eu beau faire un tour sur le site internet de Angel Air, nouveau label anglais de « classic rock » comme ils se définissent (bonne nouvelle d’ailleurs !), je n’ai pas eu plus d’in-fos à me mettre sous la dent et par conséquent, sous les vôtres ! En lisant les faiblardes notes de pochette, tout juste si j’apprends que sévissait dans ce groupe des seventies, un certain Gary Windo, excellent saxophoniste, surtout connu des initiés.

The Running Man m’était inconnu jusqu’à l’arrivée de ce disque chez moi et je suis ravi de voir qu’il existe encore tant et tant de groupes mécon-nus à découvrir et de quoi se régaler pour perpète ! Pas vraiment progressif mais juste une rondelle comme il en pullulait dans cette décennie magique, un savoureux mélange de rock, de blues, de pop sauvageonne, bref une mixture qui redéfinit l’évolution et l’expérimentation à sa sauce, donc au final, un véritable album de rock… progressif ! Claviers comme on aime, un Hammond évidemment et des élu-cubrations quasi ésotériques pleine de fumisteries aux relents psychédéliques avec une basse rondelette, un chant plaintif voire pleurnichard, un saxo pas encore omniprésent, de quoi s’éclater en vrille sur plus de 50 minutes avec l’obtention d’un titre bonus complète-ment anecdotique étant donné la grande popularité de la formation !

Comme d’habitude, je conseille chaudement ce disque aux gens de ma génération et celle d’avant (je ne suis pas si vieux, moi !), vous m’en direz des nouvelles !!

Bruno Versmisse

SEBASTIEN FROIDEVAUXVOYAGES EXTRAORDINAIRESAutoproduction - Suisse - 2005

C’est en contactant par mail, l’auteur-compositeur lui-même que j’ai pu goûter aux délices de cette jolie petite galette réalisée à compte d’auteur avec toute une passion sous-jacente que l’on ressent à chaque minute de son écoute. Sébastien Froidevaux n’est autre que le guitariste d’un excellent groupe, Galaad qui donna deux albums de feu au public progressif, Premier Février en 1992 et Vae Victis en 1995 avant de s’éteindre malgré le potentiel évident que recelait cette formation suisse ô combien attachante avec son chanteur écorché vif et la vitalité des thèmes développés, alors peu répandus par leur audace dans un underground progressif replié sur ses anciennes valeurs ! Notre guitariste semble d’ailleurs entretenir une nostalgie tout à fait compréhensible envers ce qui a dû être pour lui, comme pour ses compagnons de route, une épopée assez exaltante. Le travail ici effectué, peut être comparé à celui d’un orfèvre, artisan qui façonne son album solo avec passion et précision. De la pochette, magnifique par ses allures de Journal Illustré du XIXe siècle au lettrage gracieux à la musique, bien entendu, principale source d’émerveillement. S. Froidevaux tire de sa guitare des mé-lodies que n’auraient pas renié un Steve Hackett ou encore un Nick Barrett, voire un Andy Latimer, tous trois maîtres des arpèges stratosphériques et du touché de cordes en apesanteur !! L’audace évoquée dans l’œuvre de Galaad n’est pas de mise mais c’est au contraire, un superbe album instrumental où toute la fougue conjuguée à la mélancolie de l’artiste, résonne comme une ode au symphonisme de chambre si chère à ce merveilleux âge d’or du progressif, ces délicieuses et surannées années 70. Particulièrement émouvant, « La mort de Galaad » clôture ce joli petit disque dans la mélancolie d’une épo-que révolue.

Sébastien Froidevaux a réalisé cet album à partir de maquettes esquissées entre 1997 et 1999 et finalisées chez lui en mars 2004 comme les notes de pochette m’autorisent à le dire et le guitariste suisse a tenu tous les instruments, ce qui rend son travail encore plus épatant, tant sur la forme que sur le fond. Vous vous régalerez en commandant cet album sur le sitewww.nuancia.com/sebastienfroidevauxcar c’est là seulement qu’il est dispo-nible pour l’instant de même que Vae

Victis, le dernier album de Galaad.Une attendrissante et poignante dé-

couverte, un coup de cœur que je vous invite à partager incessamment…

Bruno Versmisse

WITHOUTENDINGWITHOUTENDINGProrock Record - Australie

WithoutEnding est un groupe aus-tralien originaire de Melbourne qui s’est formé en 2001 sous la houlette du duo Georgakopoulos-Totta et qui se signale à notre attention avec ce premier album éponyme.

D’emblée il convient de préciser que le registre musical dans lequel se situe le combo est le métal- progressif, style dont on connaît l’extrême prolixité et dans lequel il est devenu quasi impos-sible de se faire un nom et de se faire reconnaître tant cette voie est désormais aussi encombrée qu’une autoroute un jour de grand départ. Dans le registre de la surenchère dictée par la loi du genre, le toujours plus fort, toujours plus rapide, toujours plus grandiloquent, tou-jours plus technique, ceux qui arrivent désormais, partent forcément avec une longueur de retard. C’est ainsi le cas de WithoutEnding. Mais au fond, à y regarder de près, le groupe ne cherche pas la démesure. Ce n’est pas là son propos. Il y aurait même une sorte de mélancolie qui traverse sa musique, une mélancolie qui ne colle pas avec la coloration Métal qu’il s’impose. Erreur de casting ? On a presque envie de leur dire de laisser tomber ces oripeaux métallisants un peu uniformes pour laisser parler leur âme. Leur musique gagnerait certainement à trouver un habillage plus léger et plus chatoyant, comme sur le morceau final, The third

day, jolie ballade mélancolique.Un premier album honorable qui

ne brille certainement pas son ori-ginalité.

Philippe Gnana

www.withoutending.comwww.progrockrecords.com

Page 45: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5445

CD

DJABE TÀNCOLNAK A KAZLAKGramy records GR-039 - 2003 - Hongrie

La Hongrie est décidément terre d’élection pour la musique progres-sive. C’est incroyable le nombre de groupes hongrois qui sont capables d’atteindre l’essence et la quintessence de l’Art progressif, avec un grand A. Aphorisme approximatif, histoire de donner une base descriptive : Djabe est au jazz-rock progressif ce que After Crying est au rock-progressif. Mais l’étiquette et le parallèle sont forcément réducteurs, d’autant que Djabe opère un syncrétisme musical, point de rencontre d’horizons musicaux multiples et lointains.

Ce groupe ou plutôt ce collectif s’est formé en 1995, il y a dix ans. A l’origine quartet, il publie trois premiers albums en 1996 (Djabe), 1998 (Witchi tai to) et 1999 (Ly-O-lay Ale Loya). Après un album live en 2000, la formation devient sextet qui fait paraître le DVD Flying à l’automne 2002. C’est donc une équipe riche d’une longue expérience musicale, à la palette sonore variée et multiple de par sa configuration humaine et rodée par une solide expérience de la scène qui s’est attelée à la réalisation de Tàncolnak a kazlak.

Nous parlions de rencontre un peu plus haut. L’histoire de cet album est aussi celle d’une rencontre, la ren-contre entre la peinture et la musique. Chacune des compositions de l’album peut être comprise comme la réponse émotionnelle et musicale des musiciens de Djabe à certains des tableaux du peintre hongrois Imre Egerhazi (1925-2001), lui-même fan inconditionnel du groupe dont il ne ratait aucun concert et dont la musique servait de source d’inspiration à ses travaux de peinture. C’était aussi le père d’un des membres fondateurs du groupe : le guitariste Attila Egerhazi. Ce disque apparaît comme un hommage posthume au peintre ce qui en explique, au moins en partie, le sentiment de solennité hiératique.

La rencontre ou plutôt les rencontres existent également au plan musical. Ce sont un peu toutes les musiques du monde qui se sont données rendez-vous sur cet album. La base de l’harmonie est classique, ce qui

autorise la solennité d’atmosphères qui planent en apesanteur (un mer-veilleux flugelhorn et un non moins fantastique piano acoustique) mais la musique peut tout aussi bien évoluer vers des hardiesses contemporaines (Talkers et l’étourdissant exercice de piano solo de Zoltan Kovacs) ou voir le tempérament slave s’inviter (le violon tzigane de Ferenc Kovacs sur Sheafs are dancing ou The mountains

of Gyimes). La base de la rythmique pourrait être qualifiée de jazz (quoique le toucher de piano y participe parfois également) mais l’africanité rythmique est aussi présente ainsi que le tabla indien, sans oublier certains éléments arabisants ou brésiliens. Modernité et tradition se mélangent également sans complexe au plan sonore.

Les rencontres se poursuivent éga-lement au plan humain. L’historique du groupe en est emblématique. Le collectif n’hésite pas non plus à enrichir sa palette sonore en faisant appel à des invités : la chanteuse Judit Herczeg qui, dès qu’elle intervient, rapproche Djabe de la musique de Pat Metheny, le saxophoniste Ben Castle, Monsieur Steve Hackett en personne qui se fend d’une contribution à la fois acoustique et électrique sur Reflections of Thiérache, sans oublier Imre Egerhazi qui vient raconter une de ses expériences de mort imminente à l’origine du tableau et du morceau Flying. Pour l’anecdote, on s’amusera à noter l’insertion de la bande son d’une annonce à la TV française (sic !) de la réalisation par Imre Egerhazi d’une peinture historique à propos d’Henri IV.

Il ne manque plus que la rencontre avec le public. On espère simplement que cette musique pourra rencontrer le plus grand nombre. Ce ne serait que justice pour une musique à la force quasi mystique qui touche au plus profond du cœur et qui élève les âmes. Gainsbourg disait que la différence entre la musique savante et la musique populaire, entre un Art majeur et un Art mineur, était que l’Art majeur nécessitait une initiation. On a envie de dire que Djabe pratique un Art majeur qui ne nécessite pas d’initiation particulière.

Philippe Gnana

MAURY E I PRONOMIECCITAZIONI NEOCLASSICHEMellow records - Italie - 2005

Nous ne le dirons jamais assez : nos amis transalpins ont le rock progressif chevillé au corps. Eccitazioni neoclas-

siche est le troisième opus de Maury e i pronomi, après deux CD auto-produits, Ziqqarat nel Canavese et Tanganica, il

passato e il futuro. Maury est Maurizio Galia, leader-clavier –chanteur du groupe et auteur-compositeur de la totalité des onze compositions du CD. Il est entouré de trois complices (I pronomi) : Nicola Guerriero à la guitare, Enrico Testera à la basse et Sergio Ponti à la batterie. Le CD est construit en deux parties : une longue suite de trente minutes et sept mouvements nous présentent les interrogations d’un jeune enfant qui découvre sur une armoire un livre de mythes et légendes grecs. Ainsi, Hermès en personne vient répondre aux nombreuses questions du jeune héros. Ici, nous avons affaire au rock progressif italien le plus pur, celui de Pfm, de Le Orme, et l’influence également prononcée de Pink Floyd et Genesis. La seconde partie du CD (de la même durée de trente minutes), avec les quatre derniers titres, ont des teintes différentes : un peu plus rock (Voglio cambiare) ou pop (Lei e venezia) ou même blues (Oceano). L’album se clôt avec L’assenza, une douce mélodie précieuse avec une flûte gabriélienne aérienne qui plane dans les airs. La production est de qualité, la musique présentée ne sort jamais des sentiers battus mais témoigne de ce romantisme élégant typiquement italien. Ce CD est un hommage appuyé au pop-prog des groupes italiens des années soixante- dix, un salut nostalgique à toute une génération de musiciens qui, de l’autre côté des Alpes, ont cru à la musique prog, à sa beauté, à sa force intem-porelle. Comme le dit si bien Maurizio, le seul but de cet opus est de se faire plaisir en jouant une musique tant aimée et de la faire partager au plus grand nombre. Parce qu’il a été conçu et enregistré avec une passion véritable par un auteur-compositeur passionné, parce que cette même passion se retrouve dans les interventions des musiciens pré-sents, Eccita-

zioni neoclassi-

che conserve un charme émou-vant provenant tout droit de la décennie glo-rieuse du siècle passé qui nous a tant marqué.

Raymond Sérini

http://www.mellowrecords.

com/

ALCOOLSONEAutoproduction - 2003 - France

C’est en parcourant le net à le re-cherche de sensations différentes que je suis tombé sur le site d’Alcools, un groupe français pour le moins original, originaire de la région parisienne. Original ? Imaginez quatre jeunes hommes amoureux du Pink Floyd psychédélique de la fin des sixties, remixant leurs influences à l’aube de la new-wave des eighties ! Comme si Syd Barrett s’acoquinait avec Cure ! Tambouille pas si incongrue que ça, à bien y réfléchir… Cet album est sorti en janvier 2003 composé de neuf morceaux studio plus deux titres inédits live enregistrés à la fête de la musique 2004. Il n’est donc que peu représentatif de la musique développée par le groupe quoi que… Si Alcools n’aime tant qu’à reprendre du Floyd préhistorique lors de ses prestations nombreuses en Ile-de-France et même plus loin (Béthune en début d’année), il reste fidèle à un esprit psychédélique proche de citations plus modernes tels Radiohead ou Air. Emmené par Renaud Urcun (clavier/chant), Rodol-phe Guillard (basse/chant) et Arnaud Duris (guitare/clavier), rejoints ensuite par Bernard Thepin (batterie), le quartet a évolué vers un rock électronique très basique, à mille années lumière des performances boum-boum d’artistes electro de la scène actuelle. Ce qui fait flasher Alcools, ce sont les plages de claviers minimales qui instaurent un climat dépouillé et onirique, renforcé par la voix tranquillement hallucinée de R. Urcun. Ce groupe ignorait tout de l’underground fanzinesque avant que je ne les contacte. J’aurai aimé me rendre compte de visu de leur aspect scéni-que mais des contraintes matérielles m’en ont empêché… Je ne peux que rendre compte de l’excellence de leur album qui en appelle un autre, tant le terreau musical sur lequel s’appuie nos « alcooliques anonymes » engendre un arbrisseau au bois encore tendre ! En durcissant leur propos, les quatre d’Alcools peuvent séduire un public varié et j’estime le lecteur d’Harmonie, apte à sauter le pas, pour les plus curieux, s’entend !!!

Bruno Versmisse

www.alcools.net

DJABE

Page 46: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 46

EGGEGG (1970/2005)THE POLITE FORCE (1971/2005)Musea - Angleterre

A l’instar de Khan, Musea réédite également deux autres sommets de la nébuleuse Canterbury, alors en pleine croissance. Avec Egg, groupe de Dave Stewart, présent sur Khan, (voir la chronique page 47), le label lorrain passe en revue un joli pan de l’histoire du progressif en train de se bâtir, pierre après pierre. Et pas n’importe quelle pierre, non, de celle dont on construit une bâtisse solide, la preuve, on en parle encore avec un enthousiasme toujours aussi communicatif, trente-cinq ans plus tard ! Et puis Musea, très à son affaire quand il s’agit de rééditer, nous a placé le tout premier indice discographique de la formation avec, en bonus, le 45 tours Seven is

a jolly good time/You are all princess, sorti le 29 août 1969 !

Egg s’est d’abord appelé Uriel et la fondation de ce groupe remonte à… mai 1968, le premier gig étant donné par la formation, le 3 mai, en ouverture de Captain Beefheart ! En son sein, un gamin débutant, Steve Hillage quittera Uriel pour s’inscrire à l’université du Kent pour la rentrée 1968-69. L’histoire du phénomène Canterbury est résumé dans ce court épisode, Hillage retrou-vera Stewart au sein de Khan trois ans plus tard, tous les membres, étudiants intellectuels, vont tourner au sein des nombreux groupes qui se montent dans ce secteur géographique du sud de l’Angleterre. A signaler l’existence d’Arzachel et son album éponyme sorti en juin 1969 avec les membres d’Uriel (Egg) plus S. Hillage, qu’est-ce que je vous disais ?…

Plus orienté jazz et encore embar-rassé d’oripeaux psychédéliques, Egg synthétise la déconnade et le sérieux emberlificotés que préconise cette école

progressive. Exemple ? A la Fugue in D

minor de J.S. Bach, exercice emballé à la manière de Procol Harum avec toute la préciosité que cela suppose, succède un They laughed when I sat

down at the piano, courte pièce d’une minute où Mont Campbell bégaye sur un piano !!! Les outrances du combat mené par le trio (claviers/batterie/basse) auquel il faut parfois rajouter le chant pressé de Campbell, sont d’une extrême et jouissive exubérance. Au sein de Egg, album éponyme paru en 1970, il faut parler de l’impressionnante Symphonie

n°2 et ses quatre mouvements plus l’épisode Blane, vaste mouvement de près de vingt-cinq minutes, créé par le groupe au complet et naviguant à vue sur les flots déchaînés d’un jazz de chambre, teinté d’une structure classique et joué par un véritable groupe de… rock ! L’émerveillement indiscu-table à l’écoute de cette pièce situe le niveau de créativité instauré par ces formations à la croisée des années 60 et 70. Une folie créative qui a bénéficié d’un contexte politico-social et qu’on est bien incapable, à l’heure actuelle, de retrouver (à mon avis, ça risque de durer encore un moment !).

Mais j’oublie de citer les membres de Egg : Dave Stewart (claviers), Mont Campbell (chant, basse), Clive Brooks (batterie), oui, je sais, pas de guitare et alors ? Egg fait oublier ce détail (!) et on se demande encore comment ?! Toute la force créative et expérimentale il faut le signaler, de ce trio, réside en un amalgame de jazz, blues, psy-chédélique et musique classique où le clavier, le piano et le fameux tone generator (effets spéciaux) font office sous les doigts ingénieux de Stewart, d’un tout instrumental, meneur de revue… Influencé par The Nice (les précurseurs de E.L.P.) tout autant que Cream (premier groupe qualifié de progressif mais ça, on l’a oublié !!), Pink Floyd, tout jeunes puceaux à peine sorti de l’effet stroboscopique de l’ère psyché ou encore Fleetwood Mac (de vrais bluesmen blancs, en ce temps-là !), Egg (ex-Uriel) s’inscrit dans la mouvance toute éclose de l’œuf (hé, hé) du rock progressif qui va englober le meilleur du jazz, du classique, du blues et surtout du psychédélique aux alentours de 1968, 69, 70, 7… Je me répète mais c’est volontaire.

L’année suivante, 1971, Egg tout fier de son premier effort vinyl, enregistre The Polite force, beaucoup plus court (45 min). Fort de quatre longues pièces dont Long Piece n°3 la bien nommée qui culmine à 20 min 42, Egg continue sur sa lancée avec ce son si reconnaissable du clavier aigrelet et jazzy de Dave Stewart. A visit to Newport Hospital (8 min 25) en souvenir de juillet 1968 où Uriel et ses membres séjournent un temps sur l’île de Wight au Ryde Castle Hotel, ouvre le disque sur un ton doucereux et nostalgique avec la voix douce de Campbell, un morceau d’essence jazzy pure. Le plus court,

Contrasong, introduit le saxophone de deux invités, particulièrement nombreux sur ce second album, Bob Downes et Tony Roberts. Un ton plus angoissant sur un faux rythme scande cette cu-rieuse partie mais l’esprit général de Egg reste en place. Deux trompettistes sont là aussi (Henry Lowther et Mike Davis), Egg dérive courageusement vers un jazz-rock européen sans aucune trace du funk qui caractérisera le mouvement du même nom quelques années plus tard en provenance des U.S.A. Et c’est Boilk (9 min 23) avec son petit outcase sur Bach (une ha-bitude !). Jamais prétentieux même si les journalistes de l’époque férus de rock’n’roll l’affirmaient, la musique de Egg s’avère d’une réelle intensité et surtout, d’une douce folie qui n’atteindra jamais le rivages d’un Soft Machine, trop barré de l’autre côté et qu’on peut taxer, eux, de prétentieux… (désolé, je le ressens comme ça !). Egg comme tant d’autres à cette époque, tel un petit Mickey dans Fantasia, expérimentaient dans leurs marmites toutes neuves, s’émerveillaient des sons et mélodies qu’ils arrivaient à extraire de leurs influences brouillonnes et très (trop ?) nombreuses.

Trois rééditions (avec celle de Khan) à faire mijoter le plus vite possible sur vos lecteurs, chers lecteurs, vous allez comprendre comment on est arrivé là !!!! Le rock progressif à l’orée du bois…

Bruno Versmisse

K²BOOK OF THE DEADProgrock records - USA

Il y a une étrange ironie du Destin à retrouver la voix de Shaun Guerin résonner dans ce Livre des Morts, lui qui y est entré récemment pour de vrai et trop tôt. A moins que ne soit une sorte d’hommage anticipé. Quoiqu’il en soit, Ken Jaquess, l’éminence grise du projet et bassiste remarquable, s’est plongé dans la mythologie de l’Egypte ancienne (un intérêt qui lui vient de sa maman, semble-t’il) pour élaborer la trame de ce concept album. Pour parvenir à ses fins, il a même réussi à débaucher quelques pointures du monde progressif pour l’aider à mener à bien son projet : Allan Holdsworth, Ryo Okumoto. On n’en néglige pas pour autant les autres talents, la violoniste Yvette Devereaux, le batteur Doug Sanborn, le guitariste John Miner : c’est tout simplement que ce sont des figures moins connues, ce qui n’enlève rien à leur talent.

A l’évidence Ken Jaquess aime le progressif des années 70 et c’est donc dans ce registre que se situe sa musique, avec une filiation indéfectible avec Genesis, la chose étant renforcée par la voix gabriélienne de Shaun Guerin. Mais sur cette base connue et reconnue, les invités apportent cer-taines touches d’originalité que ce soit Yvette Devereaux et ses magnifiques parties de violon ou Allan Holdsworth et son style inimitable et immédiatement identifiable, sans pour autant dénaturer la nature profonde du projet. Il n’y a plus qu’à se laisser entraîner par tout ce petit monde dans les différentes pièces musicales de cette pyramide, tels des égyptologues. Un disque qui dévoile toutes ses richesses au fil des écoutes

Philippe Gnana

www.kenjaquess.com

INCRYL’ESPACE D’UN INSTANTAutoproduction - France - 2005

Nous avons reçu cette petite galette trois titres en provenance de Saint- Fargeau, en Seine-et-Marne (chef-lieu, Melun), et il sera difficile pour ne pas dire impossible de classer Incry dans l’underground progressif. Chant en français, agressivité typiquement rock, pas très loin d’un Kyo (L’espace d’un

instant), voire des jolies ritournelles d’un Calogero (Tu es) ! Est-ce un mal que de penser et d’écrire cela ? Si vous avez des oreilles et surtout, une cervelle ouverte sur la musique en général, vous ne manquerez pas de jeter un tympan ou même les deux sur cette autoproduction timide mais pleine de promesses. Love/Hate, le troisième titre, tend plus vers un rock fusion genre Silmarils. Bref, Incry est à découvrir avec l’indulgence que les fans de progressif savent réserver aux groupes guère éloignés de leurs préoccupations habituelles. L’autoproduction ne cache pas le talent que semble possèder ce quatuor d’Ile-de-France, aussi un album entier est attendu pour vérifier la véracité de ces dires !!…

Bruno Versmisse

www.incry.com

Page 47: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5447

CD

XSAVIOR CALEIDOSCOPE ATENZIA RECORDS - SUEDE

On vous parle dans ces mêmes pages des Suédois de Prime Mover alias Drivkraft qui, tels des artisans orfèvres, s’ancrent dans une tradition musicale suédoise. Avec Xsavior on se situe à l’opposé. Rien dans la musique de cet autre combo suédois ne laisse supposer une origine suédoise. Si vous deviez découvrir ce groupe à l’occasion d’un blind test, c’est vers les Etats- Unis que vous vous tourneriez pour en rechercher les origines.

La musique de Xsavior mime jusqu’à l’ultime ce qui se fait de mieux dans le registre hard-Fm-progressif de l’autre côté de l’Atlantique : mélodies impa-rables et efficaces, voix impeccables, chœurs ultra travaillés, savoir-faire instrumental étourdissant, production sophistiquée, symphonisme en poin-tillé, puissance et dynamisme. Imaginez une synthèse entre World Trade, Cairo et Shadow Gallery.

On peut prédire un énorme destin à ce groupe qui ne devrait pas rester très longtemps inconnu. Puisque Magna Carta semble devoir céder le témoin à Inside Out, il ne serait pas étonnant que dans un avenir proche on retrouve Xsavior aux côtés de Spock’s Beard ou de Flower Kings pour venir prêcher la bonne parole d’un progressif à l’amé-ricaine. Impressionnant.

Philippe Gnana

KHANSPACE SHANTYMusea -Angleterre - 1972/2005

Un groupe légendaire pour l’histoire de l’école de Canterbury nous est réédité par Musea et, histoire d’allécher plus tôt que prévu ceux que ça intéresse, le label lorrain a fouillé sérieusement pour inclure, comme à son habitude, des bonus conséquents à l’œuvre originale. Deux titres, Break the chains (3 min 31) et la première version de Mixed up man

of the mountains (4 min 28), présent sur l’album, donc plus courte de 3 min 26 pour être précis !

Pour en revenir à Khan, voici un groupe qui vécut telle une libellule, le temps de faire un petit tour au soleil avant de s’éteindre dans la langueur du soir. Fondé en avril 1971 par mes-sieurs Steve Hillage, Dick Henningham, Nick Greenwood et Eric Peachey, Khan va donner une vingtaine de concerts jusqu’en novembre avant d’enregistrer son unique album, Space Shanty pour le label des Rolling Stones, Decca. À cette occasion, Henningham s’en va et laisse sa place à Dave Stewart, en latence de Egg, auquel il vient de participer pour deux albums, par ailleurs chroniqués dans ce numéro. Il faut attendre mai 1972 pour voir la sortie de l’album chez Deram, filiale de Decca. Entre temps, Val Stevens sera le second claviériste sur scène. Et en août, une nouvelle mouture du groupe avec le bassiste Nigel Griggs enregistre des bandes qui serviront à Steve Hillage pour son premier album solo Fish rising en 1974. C’est en octobre 1972 que Steve Hillage décide de quitter Khan pour rejoindre la formation de Kevin Ayers puis ensuite plus conséquemment Gong.

Après de nombreuses prestations, le plus souvent en compagnie de Caravan, V.D.G.G., Lindisfarne voire Genesis !), Khan se sépare, laissant chacun œuvrer dans des formations plus réputées, tel Hatfield and the North pour Dave Stewart (à ce sujet, ne manquez pas la sortie d’un album Hatwise Choice, qui compile des archives de 1973 à 75 et du live inédit).

Khan est souvent considéré comme le groupe de S. Hillage, à juste titre puisque c’est lui qui compose tous les titres, à l’exception de Break the

chains dont N. Greenwood (ancien

membre du groupe d’Arthur Brown) est le co-auteur.

Le style s’éloigne parfois de celui préconisé par Canterbury pour aller lorgner du côté de la pop la plus corsée de l’époque guère éloignée d’un certain rock hard avec Mixed upman… par exemple ! Mais le son caractéristique de la guitare de S. Hillage pointe le bout de son nez, assurant quelques soli spatiaux préfigurant les voyages interstellaires magnifiés sur ses premiers albums solo. Le touché de D. Stewart sur des claviers au son daté (et c’est ce qui en fait tout le charme) est presque celui qu’on lui connaîtra plus tard. Par là, même si Hillage reste le créateur, on sent bien tout l’usage que fait Stewart de ces mélodies effervescentes, créant un style qu’il emploiera plus tard à développer au sein de Hatfield entre autre…

Certains iront étiqueter cet album d’un « cosmic jazzy prog’ rock », la définition a le mérite d’expliquer en qua-tre mots ce que représente la musique de Khan. Le cosmique pour la guitare de Hillage, le jazzy pour le clavier de Stewart, le progressif pour l’ensemble de l’œuvre (ça voulait dire quelque chose en ce temps-là !), le rock pour la tournure donnée à certaines parties très enlevées. Et puis, ce délicieux son suranné dû à l’époque et ses moyens d’enregistrement. Pour tous ceux qui, comme moi, savourent avec une dé-lectation non feinte, la stéréo d’alors à ses balbutiements (une partie à gauche, une partie à droite !), ce disque est un régal, un mets de gourmet.

N’hésitez pas à écouter ce disque, vieux de trente-trois ans et toujours aussi envoûtant, la genèse de deux grands noms du progressif s’y inscrivent en let-tres d’or, Steve Hillage et Dave Stewar t, qui, dans leurs rôles respectifs, pré-parent une lon-gue décennie de pure jouissance auditive !!!

BrunoVersmisse

GERARDPOWER OF INFINITYMusea - Japon - 2005

Gerard dont le patronyme lui a valu (à l’instar de Fromage) un foutage de gueule en règle depuis vingt-trois ans que le groupe existe, publie un nouvel album, lui qui doit en être environ à son douzième, si on compte sa colla-boration avec Ars Nova. Ce qui fait de cette formation l’ancêtre du progressif symphonique japonais en activité. La pléthorique activité de Gerard est due en partie, à l’insistance de son maître d’œuvre, le claviériste Toshio Egawa, superbe clone nippon de Keith Emerson, tout au moins pour sa propension à gaver ses disques d’une montagne de claviers en folie.

Je reviens encore une fois sur le sujet, il y a ceux qui aiment (adorent) et ceux qui n’aiment pas (détestent !). Avec Gerard, c’est beaucoup ou pas du tout ! Certains ont déjà assommés de leurs dithyrambes venimeuses cet énième album, le considérant comme un soufflé rococo, kitsch et boursouflé évidemment… Je ne suis pas tout à fait en phase avec les argumentations de ces critiques. Gerard synthétise certes, les outrances du progressif intellec-tualisé de la mid seventies mais pas au point d’être aussi souvent dénigré. Egawa adore ce style symphonique ampoulé et grandiloquent, laissons le musicien développer son œuvre comme il l’entend.

Ce Power of Infinity ne déroge pas à la régle. Il y eut Robin Suchy, le Canadien, pour chanter sur Pendulum, cette fois c’est Alex Burnori du défunt Leviathan, groupe italien, qui prend la relève sur trois titres pour aérer de sa voix claire et puissante, un panthéon du clavier en rut ! Seulement cinq titres mais deux superbes envolées comme seul le rock symphonique en a le secret avec Caravan on the moon (11 min 14) et Blue world, part I-III (14 min 09). Les moog, mellotron et autres claviers de Toshiro Egawa gardent toujours cette puissance énorme, évoquant un ouragan sans fin, quand ils déferlent sur les compositions tonitruantes du compositeur déchaîné, comme à l’accoutumé d’ailleurs.

Ce qu’on peut reprocher à Gerard, c’est de ne jamais ménager des ins-tants de repos dans ses déferlantes rugissantes. Et quand il le fait (de rares moments dans Only the light ou Warning ! Warning !, on est plus proche de la rengaine simili romantique à deux balles. On le voit, l’emphase s’accommode mal de la médiocrité et c’est à coup sûr ce type de rengaine trop sucrée qui, à contrario, plombe les ambiances exubérantes qu’Egawa et ses acolytes insufflent comme des démons en chaleur.

Outre Alex Burnori, on retrouve Atsushi Hasegawa à la basse et Masuhiro Goto à la batterie. Toujours pas de guitare chez Gégé !!! Encore un motif de reproche ? Peut-être mais les claviers sont la base de l’œuvre et ce n’est rien de l’écrire… Je comprends les petits martyres effarouchés par la pompe mise en exergue par Toshio Egawa pour perpétuer son amour du rock symphonique mais… Boudiou… Quel panard quand tout décolle ! On sait à quoi s’attendre, Gerard est resté le même, chantre et gardien du symphonique extrême. À prendre ou à laisser…

Bruno Versmisse

XsavioR.com

Page 48: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 48

BARCLAY JAMES HARVESTLIVE IN BONN30TH OCTOBER 2002Pure Music/M10

Un live de plus pour BJH dont la notoriété n’échappe pas à ce type d’album qui ne coûte pas trop de brouzoufs et va engendrer un achat nécessaire pour le fan de base ! Sous l’appellation contrôlée et obligatoire « Featuring Les Holroyd » suite à des démêlés juridico-musicaux avec un autre membre du groupe, BJH nous ressert un live sans intérêt particulier un peu comme cette compilation récente, Evolution years destinée à capitaliser sur le passé d’un groupe qui n’a plus grand chose à nous proposer ! Neuf titres sans Mocking bird (z’en ont honte ou quoi ?) et un public allemand respectueux qui n’a pas oublié que c’est lui qui a apporté la gloire à ce groupe anglais atypique.

Que pourrais-je ajouter de plus ? Que BJH reste une superbe machine à écouler le miel dans les oreilles et ce, même en live mais cela n’atténuera pas le manque de fraîcheur de l’entreprise… Un de plus comme on dit !

Bruno Versmisse

LITTLE ATLASWANDERLUSTUSA

Retour aux sources ? Telle pourrait être en tout cas l’impression que pourrait susciter la mise en perspec-tive de l’œuvre de Little Atlas. Les commentaires sur le premier opus du combo américain, Neverworldly (1998), laissaient entendre qu’il n’y avait là rien de très enthousiasmant, probablement quelque chose de très pop (mais on n’en dira pas plus puis-que cet album nous est inconnu). Nous vous avions fait part en revanche d’un certain enthousiasme concernantSurface serene (2003) dans notre numéro 50, tout en situant Little Atlas dans un registre néo progressif à l’américaine, façon Relayer, Iluvatar ou Ancient Vision. Il va falloir, une nouvelle fois, réviser nos critères de taxonomie au moment d’aborder ce nouvel album, Wanderlust. C’est que Little Atlas

n’en finit pas d’évoluer, toujours à la recherche d’une palette plus grande et d’expérimentations nouvelles.

Mais la notion d’expérimentations chez Little Atlas ne signifie pas élu-cubrations sonores absconses. La préoccupation mélodique est cons-tante. Le jeu consiste alors en un défi personnel, à repousser ses propres limites en se confrontant au savoir- faire de quelques-uns des maîtres du progressif des seventies. De fait, Little Atlas se fait davantage progressif que néo-progressif, sa musique se faisant plus tourmentée, plus dense, plus alambiquée, plus contrastée égale-ment, ce qui se traduit également par l’allongement des morceaux. C’est donc sans surprises que l’on retrouve des références à Genesis, Yes, Kansas, Rush, King Crimson… Gentle Giant (la fameuse fugue vocale sur Weari-

ness rides, que certains interpréteront comme une référence à Spock’s Beard). Un peu comme si le groupe cherchait à remonter à des racines musicales qu’il aurait découvert depuis peu, ce qui semble avoir eu quelques vertus cathartiques musicales et qui va assez dans le sens de certaines explorations anamnestiques exprimées dans les textes (The ballad of Eddie Wander-

lust et son expérience de régression psychologique, Mirror of life et ses relents psychanalytiques, antithétique de Losing it de Rush, avec un même violon, pourtant).

C’est que les textes constituent une des clefs de la réussite de cet album. Il n’y aurait que la musique, dont l’inspiration seventies est indéniable et l’on aurait le sentiment de plagiat. Mais cette musique se construit autour des textes, en parfaite osmose avec eux. Les mouvements de l’âme, les processus psychologiques décrits, les questionnements philosophiques voire métaphysiques trouvent une parfaite illustration au travers d’une musique tour à tour tourmentée, mélancolique, grave. Un autre des facteurs de la réussite de cet album est l’interprétation par un groupe extrêmement soudé, très cohérent, au sein duquel brillent le guitariste Roy Strattman, par ses précieuses enluminures mélodiques omniprésentes, et le bassiste Rik Bigai par sa verve mélodique et son dynamisme puissant. Il est vrai que le groupe existe désormais depuis huit ans et qu’il atteint un degré élevé de maturité. Mais on pressent que bien que nanti d’un Wanderlust de haute volée, le groupe ne compte pas en rester là et qu’à n’en point douter il aura la volonté d’entraîner sa rhétorique musicale plus loin encore. Désormais une valeur sûre dont on peut espérer de grandes choses.

Philippe Gnana

PS : Il convient de préciser que le CD est pourvu d’une plage vidéo qui permet de découvrir le groupe sur scène : instructif.

KINOPICTUREInside Out - GB - 2005

Histoire d’être un brin provocateur, on pourrait au premier abord qualifier Kino de « supergroupe des seconds couteaux » ! En effet, lorsqu’on regarde la composition du groupe anglais, on trouve des musiciens qui ont dû ou doivent encore s’affirmer en sortant de l’ombre des principaux compositeurs de leurs groupe respectifs. John Mitchell essaie de se bâtir une carrière en dehors d’Arena qui, bien qu’ayant bien intégré la fraîcheur des idées du guitariste, reste « dirigé » par le tandem Nolan/Pointer. Le talent de John Beck éclatait au sein d’It Bites grâce à l’alchimie qui existait entre Frank Dunnery et lui. Pourtant, on sait lequel des deux a réussi une prolifique carrière solo après la dis-solution du groupe. Peter Trewavas avait trouvé en Transatlantic un moyen idéal de surprendre son monde et de casser son image trop effacée au sein de Marillion. Quand à Chris Maitland, il reste l’ex-batteur de Porcupine Tree. Doit-on trouver dans cette analyse un peu osée la raison de l’énergie qui déborde du premier album de Kino ? Si vous connaissez le second CD de The Urbane (Glitter), vous ne serez pas vraiment dépaysés ici. John Mitchell y menait tranquillement sa barque, révélant un réel talent pour composer de la pop originale mais typiquement britannique. Pour monter un cran plus haut, il fallait qu’il s’associe à des pointures. Aux côtés des vétérans Pete Trewavas et John Beck (sans vouloir trop les vieillir quand même), John, qui avoue avoir idolâtré Marillion et It Bites, il y a plusieurs années, fait ici figure de gamin.

Dans les années 80/90, le néo-prog était du prog qui lorgnait sérieusement

vers la pop, à la recherche de reconnais-sance par les gros labels. Le style de Kino est plutôt l’inverse. C’est de la pop mais avec des ouvertures typiquement prog. Après tout, on sait bien que c’est le public prog qui accrochera en premier, ne serait-ce que par curiosité ou par respect pour les musiciens dont il suit les groupes respectifs. Plusieurs des morceaux de Picture ont des intros très travaillées ou bien des envolées instru-mentales sophistiquées sur lesquelles les musiciens se lâchent un peu plus (Loser’s day parade, People ou Holding

on). John Mitchell balance quelques solos de guitare bien sentis dont il a le secret et John Beck saupoudre des claviers sautillants un peu partout. On retrouve parfois (final de Holding on) ces breaks qu’il affectionnait dans It Bites. Cependant, sur ces chansons particulièrement bien écrites, il manque tout de même un grand chanteur. John Mitchell chante avec enthousiasme, certes, et a des intonations rauques qui sont assez séduisantes. Mais il manque de coffre et masque un peu ses lacunes en mettant sa voix en retrait dans le mixage ou en la noyant dans la réverb. Bien sûr, il peut faire comme Nick D’Virgillio, travailler encore et encore, devenir un très bon chanteur et nous convaincre. John Beck interprète aussi Swimming in women, une émouvante balade qui décolle vraiment vers la fin à la manière de certains titres de Porcupine Tree. Mais on ne m’ôtera pas de l’idée que la solution était là, juste sous le nez d’Inside Out (et RPWL ne s’y est pas trompé avec Roses). Imaginez un instant ce que deviendrait Kino avec Ray Wilson au chant !

Picture est un album bien réalisé, très agréable (les musiciens ont visiblement pris un grand plaisir à travailler ensem-ble), que l’on apprécie un peu plus à chaque écoute mais, compte-tenu du niveau des membres de Kino, on aime-rait qu’il soit un peu plus qu’agréable. Il manque encore un je ne sais quoi qui fait que l’on retiendra sans peine des refrains imparables (c’est ce qui faisait la grande force d’It Bites qui a initié ce style). Kino est un nouveau groupe de pop-prog, au même titre que Blackfield ou Rain For A Day, chroniqué dans Harmonie 53. Serait-ce le genre qui va exploser en 2005 ?

Notez que le premier concert du groupe a été retransmis sur la télévision allemande, lors de l’émission Rock-palast. Quatre des chansons interpré-tées ce soir-là sont rassemblées sur un DVD bonus dans l’édition limitée de Picture. Le groupe assurera aussi la première partie des concerts euro-péens de Spock’s Beard au printemps (apparemment rien en France...).

Jean-Luc Putaux

www.progrockrecords.comwww.littleatlas.com www.kinomusic.com

Page 49: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5449

CD

SIGNINNOCENCEAutoproduction - France - 2005

Dans la lignée de Incry, Sign,groupe amateur lyonnais, nous envoie sa première autoproduction de sept titres (là encore, l’ont-ils fait exprès ?), très proche de Kyo et Calogero pour ce mélange soft-rock aux limites embourgeoisées mais ancrées dans un esprit rock FM américain crédible pour la qualité apportée aux sons et à l’enregistrement. La révolte et la rébellion ne sont pas, semble-t’il, le fort d’un quartet composé de trois frères blancs, Alfred Martos (basse), Miguel (guitare/chant), Manuel (batterie) et d’un chanteur black, Marc Kando. Au contraire, poli, soigné, lissé et nanti d’un potentiel radio très imprégné de belles mélodies, Sign signe sept morceaux des plus agréables pour l’oreille des plus de 40 ans, dans la lignée des meilleurs groupes AOR d’outre-Atlantique ! Déjà auteur d’un single trois titres aux textes anglais, Sign a préféré la langue française pour s’épanouir et s’ouvrir les portes désespérément fermées des radios d’ici, toutes aussi frileuses que leur grande sœur, la télévision ! La guitare de Miguel Martos reste énergique et s’accommode à merveille de la voix souple de Marc Kando.

Au final, un mini-album aux rythmes enlevés, proche du hard-rock de la fin des seventies (on pense à Klaxon, remember ?) malgré des sonorités modernes, empruntées à la fine fleur du rock hexagonal de ces dernières années. Certains titres, tels Solitude ou Rester

là témoignent d’une extrême facilité à écrire et composer… Sign ne devrait pas en « rester là » si certains labels osent parier sur le dynamisme revigorant de ces quatre j eunes gens dont le look n’a strictement rien à voir avec les mé-lodies déployées sur moins d’une demi-heure…A d é c o u v r i r sans ar r ière-pensée, fran-chement !…

Bruno Versmisse

www.signrock.com

ROOTILLUMINATION2005

De moins en moins d’infos et c’est vraiment dommage pour le coup parce que ce Root vaut le détour dans le genre néo-prog mâtiné d’efforts mélodiques incontournables… Tout est écrit et joué par David Kendall, un solitaire qui fait sonner son boulot comme un vrai groupe.

Vu la tournure des événements, c’est un coup de maître ! Le Kendall en question sera mieux défendu dans des canard concurrents mais néanmoins amis car moi, ici, je n’ai même pas le contact internet de ce compositeur très doué. Une voix magnifique et légèrement voilée, une mise en scène de sa musique (ça se dit, ça ?) qui n’oublie aucune des composantes de l’élaboration d’un rock progressif digne de ce nom, cet Illumination fait mieux que tenir la route, il éclaire son chemin par la grâce de mélodies mignonnes à croquer et un joli petit spleen de derrière les fagots pour enrober le tout d’une dérive nostalgique assez bien contrôlée.

Comme un Ray Wilson beaucoup moins acoustique ou un Phil Collins dont les talents de mélodiste ne sont pas à occulter, David Kendall dévoile douze trésors de sensibilité qui mériteraient des passages radio pour décrasser l’oreille des auditeurs moyens. La beauté des compositions et la facilité qui semble en découler, comme toute musique qui coule de source à la première écoute, est un enchantement. Une perle inattendue pour l’été et un album à nicher sous l’oreiller quand on est amoureux ! Essayez c’est l’adopter comme disait l’autre…

Bruno Versmisse

YEZDA URFABORISSyn-Phonic - USA - 1975/2004

On peut réellement parler de petit maître oublié ou méconnu avec Yezda Urfa car ce groupe américain qui n’a publié que deux albums, Boris en 1975 suivi de Sacred Baboon, l’année suivante, fut noyée dans la masse des productions de rock progressif, floris-santes au milieu de la décennie sacrée. Vénéré par une poignée d’exégètes, détenteurs de quelques saint-graals progressifs au tournant maudit des années 80, au même titre que Babylon ou Mirthrandir, autres bands made in USA perdus dans le tourbillon des sorties anonymes des années 70, Yezda Urfa, originaire de l’Illinois, est aussi considéré par d’autres, comme un faiseur, un imitateur, bref un parfait petit faussaire des hautes œuvres de ses contemporains plus médiatisés (je rappelle que nous sommes en 1975 et que oui ! Le progressif était médiatisé !!)… Ce qui revient souvent dans les rares textes consacrés au groupe, c’est bien cette dualité entre admirateurs et ironiques, je me sens plus proche de la première catégorie, Yezda Urfa révélant dans ce premier opus, une fraîcheur et une coloration tout à fait exaltante. Certes, nous avons ce son caractéristique des formations symphoniques des mid-seventies qui excite les oreilles plus facilement et opportunément que les groupes de nos jours. Mais c’est là le fait des fans de la première heure, ceux qui ont eu la chance d’être nés au bon moment et de pouvoir savourer le progressif dans tout l’éclat de son adolescence, période la plus émoustillante. Souvent comparé à Gentle Giant pour l’énergie symphonique et la complexité de ses accords mais aussi à Yes grâce en partie à la voix de Rick Rodenbaugh, proche cousine de celle de Jon An-derson, le progressif ardu mais facile d’accès pour une oreille exercée à ce type de fanfaronnades musicales des cinq américains, accaparera l’attention de bien des progsters en manque de véritable rock progressif, tel que le terme a été créé pour le définir. Il faut savoir

que Boris est sorti en autoproduction à l’époque et distribué par le groupe lui-même, ce qui n’a rien que de très naturel dans un pays peu friand des excentricités européennes en matière de rock. Yezda Urfa était un cas isolé mais a dû écouter un bon stock de Gentle Giant et de Yes pour peaufiner dans un style si pur, ce mix d’influences anglo-saxonnes exigeant et raffiné. Le son ne pâtit pas vraiment des soucis liés à l’autoproduction et il faut rendre justice aux harmonies vocales poly-rythmiques, à cette flûte ensorcelante, ces claviers somptueux et cette voix si enchantée… Obscur groupe peut-être mais musique lumineuse, Boris se laisse goûter avec délicatesse et on finit son bol comme un gros cochon avide d’en reprendre !!! A signaler l’existence d’un bonus-track, The basis

of Dubenglazy while Dirk does the

dance de près de dix minutes portant la durée totale de cette réédition aux environs de la petite heure.

De la belle ouvrage, occultée jusque-là, qui devrait jaillir de son mystère pour éclater aux oreilles des croyants. Les lettres de refus, reproduites au sein du livret, des principaux labels auxquels le groupe avait proposé sa musique, montrent que la frilosité des majors a toujours été de mise !! No comment… Et maintenant, savourez.

Bruno Versmisse

CONTRAPUNTTO PROJECTELEGIE D’INVERNO 2004 Mellow records Italie

Contrappunto project est en fait le projet musical d’un seul musicien, le clavier turinois Andrea Cavallo qui a réuni autour de lui quelques compères, histoire de justifier le label « project ». Indéniablement, toute la presse spécia-lisée transalpine vante la très grande valeur de musicien de Andrea.

Ses influences actuelles sont les univers de Stravinski, Gerschwin, Debussy, Piazzola ainsi que Michael Nyman ou Keith Jarrett. Ce CD totale-ment instrumental est difficile d’écoute, très certainement trop ambitieux. Le problème vient du fait que l’on s’y ennuie ferme du début à la fin à cause du développement de fugues (dans le sens d’échappées) pianistiques interminables. Le titre du CD signifie élégie hivernale. Sachant qu’une élégie signifie une plainte douloureuse de sentiments mélancoliques, nous ne pouvons que confirmer la limpide intuition contenue dans ce titre puisque nous l’avons vécue de bout en bout à l’écoute de ce CD.

Raymond Sérini

http://synphonic.8m.com/ http://www.mellowrecords.com/

Page 50: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 50

LAC PLACIDEFREEDOM FROM THEIR HANDSFrance - Autoproduction - 2005

Je sais maintenant que Lac Placide est français ! Oui, j’avais des doutes sur leur identité à propos de leur premier album, sorti en 2003 et chroniqué dans le n° 49 de notre vénérable revue… Away avait surpris son petit monde progressif en posant les jalons d’une conquête dudit petit monde avec cet album infiniment savoureux.

Pour faire patienter les nouveaux adeptes du lac placide, les membres du groupe aux patronymes mystérieux, ont décidé de combler le temps avec un mini CD de trois titres, avant-coureur du futur album. Et ils ne se foutent pas

Contact : www.lacplacide.com

du monde, les compères ! Trois titres mais de quoi peupler l’attente avec les 9 min 34 de Healing, les 7 min 34 de Haïtise et les 8 min 08 de Freedom

from their hands… Un Healing dont les claviers analogiques ne sont pas sans rappeler les heures glorieuses du Rising de Rainbow, associés aux chants conjoints du Rôdeur Renaud et Sa Majesté Roy, délicieusement décalés et d’un rafraîchissement ultra seventies !

Lac Placide a une curieuse façon de marier le hard rock aventureux comme on le tripatouillait il y a trente ans au rock progressif à la française, avec ses naïvetés, ses errements, voire ses égarements qui le rendent si attachant. Il semble se détacher une tendance plus exploratrice avec ce présentoir du futur du groupe, on y reconnaît les voix caractéristiques mais la musique se veut plus technique, plus savoureuse aussi, les tonalités étant plus claires à mon humble avis, le velouté de la basse sur le titre éponyme, la clarté du son de la guitare ayant un rendu assez exaltant.

C’est avec une certaine impatience que nous attendons donc la parution du second opus qui risque de placer Lac Placide assez haut dans la hiérarchie du progressif d’ici…

Bruno Versmisse

STEVE THORNEEMOTIONAL CREATURES, part oneGiant electric PEA - GB - 2005

Une trouvaille du label d’IQ mérite toujours toute notre attention, de prin-cipe. Le fait qu’un garçon comme Martin Orford mise ar tistiquement sur un musicien qui nous est encore inconnu, est une caution suffisamment solide pour apporter d’emblée le plus grand crédit à Steve Thorne. Autre élément qui démontre tout le talent et la classe du bonhomme, c’est le nombre de gens qui font autorité dans le domaine, qui se sont empressés de venir lui donner un coup de main : Tony Levin, Geoff Downes, Nick D’Virgilio, Paul Cook, Gary Chandler, Rob Aubrey.

Une fois que tout cela est précisé, à quoi peut-on s’attendre musicalement ? En tout cas, pas à une synthèse de tous les groupes dont sont issus les

prestigieux invités. Histoire de prendre tout le monde à contre pied, Steve Thorne s’est contenté de rester lui- même et d’écrire des chansons et des mélodies. Le casting de roi qui officie sur l’album s’est mis au service des compositions de Steve, sans vraiment en altérer la nature profonde. C’est que le bonhomme s’avère être un compositeur inspiré, doublé d’un multi- instrumentiste doué, et un chanteur tout à fait remarquable.

À bien chercher, on pourra trouver quelques réminiscences de IQ sur la jolie ballade Ten years, ou encore un petit côté Cat Stevens par endroits. Pour le reste, Steve Thorne opère une synthèse musicale toute personnelle, un peu à la manière d’un Fish, capable de se nourrir musicalement de tout ce qui peut se faire et de le faire passer à travers le filtre de sa personnalité. C’est un peu le même type de démarche, sans qu’il soit question de clonage ou de plagiat. Ce serait une étrange coïncidence que de voir surgir Steve Thorne au moment même où le grand bûcheron écossais parle de jeter l’éponge. Sans parler de passation de pouvoir, on peut prédire que l’ami Steve saura occuper le créneau, sans que le poisson volant ne vienne lui faire de l’ombre, avec l’avantage de pouvoir composer sa musique lui-même. A suivre attentivement.

Philippe Gnana

Page 51: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5451

CD

VAN DER GRAAF GENERATORPRESENTVirgin

« Come on, let’s get lost in the dark »(« In babelsberg »)

« Allez, perdons nous dans le noir »

Drôle de génération que la nôtre – celle qui grosso modo a grandi dans les années 80 et se promène autour de la quarantaine. A quinze ans, vers 1980, on se rend compte qu’on arrive un peu trop tard, que les glorieuses années 70 sont derrière, qu’on ne verra jamais en concert la plupart des glo-rieux groupes progressifs, et que le genre « progressif » appartient peut-être au passé.

Déboule alors Marillion et à sa suite une cohorte de groupes anglo-saxons : on revit ! Et puis, dans les années 90, les uns après les autres, nos héros du progressif originel ressortent du tombeau, on va voir en concert Kansas, Yes, Focus et tant d’autres. Mieux, The Musical Box nous offre les sensations qu’on aurait pu ressentir à un concert de Genesis au début des années 70. Le présent et le passé se mêlent et se brouillent.

VDGG dont la musique a toujours été d’outre tombe, n’avait guère envie d’en sortir. Hammill avait toujours démenti vigoureusement et méthodiquement toutes les rumeurs depuis presque trente ans. C’était logique d’ailleurs : en permanent renouvellement, lancé dans une carrière solo prolifique, passionnante et passionnée, Peter n’avait guère envie de se retourner sur son passé. Evans et surtout Jackson – voire Banton sur un titre de Skin en 1986 – répondaient présents quand il les appelait, et il fallait s’en contenter. Quant aux motivations commerciales, VDGG n’a jamais touché le « grand public », a construit toute sa carrière sur un refus catégorique de toute forme de compromission et on pourrait en dire autant du travail solo d’Hammill : aucune chance que la perspective de quelque gain que ce soit les motive en aucune façon. Bref, on n’espérait plus que le dernier des grands dinosaures ressurgisse, on en avait fait son deuil. C’est dire si cette reformation-là n’est pas comme les autres.Le titre claque comme un coup de fouet, et une pro-

fession de foi, confirmés par les quatre profils en clair obscur sur la pochette : Here and now, Ici et maintenant, pour reprendre un titre d’Hammill. Pas de nostalgie, pas de passéisme. On fait la musique qui nous vient maintenant. Dans l’urgence : projetée en 2003, la reformation a été plutôt accélérée que ralentie par l’infarctus d’Hammill. C’est à force de se retrouver à l’enterrement de leurs amis qu’ils se sont dits : si on ne le fait pas maintenant… Une fois encore, la mort, grande inspiratrice…

De fait, la musique de VDGG, faite de blocs d’angoisse rageuse, a toujours été une musique du chaos, faisant face au néant. Appeler cet album Present relève d’ailleurs presque du gag : le bizarre alliage formé par la vox hammillienne, le sax tordu de Jackson, les orgues insidieux de Banton et la batterie d’Evans n’est d’aucune époque, pas plus de maintenant que des années 70. Il est hors du temps, « perdu dans l’espace » (un autre titre…), touchant à une sorte de chaos primordial, bloc d’énergie en fusion émergeant du néant (ou y retour-nant, parfois). La stupéfaction passée, on se dit alors qu’elle est logique, cette reformation, presque inscrite dans les gênes du groupe dont les membres se rapprochent peu à peu de l’échéance qui n’a cessé d’inspirer leur musique. Quand même : vingt-sept ans après Vital, presque trente ans après le dernier enregistrement du quatuor ici présent (pour Worldrecord), c’est une sacrée résurrection…

L’album ? Double, six titres studio, à peine plus de trente-cinq minutes, et dix impros sur un deuxième album. Commençons par lui : il n’est pas « bonus », il est le « 2 » : Guy Evans l’écrit, on y est « enfermé dans une pièce avec Van Der Graaf Generator : vous êtes les bienvenus ». Bienvenue, donc, dans le laboratoire du générateur. Un laboratoire qui, en 1970, en était déjà à son troisième album alors que Genesis et Yes se cherchaient encore. Gabriel n’a d’ailleurs jamais caché ce que la genèse devait au générateur (Supper’s

ready doit beaucoup à Plague from a

lighthouse’ keepers…). Laboratoire de savant fou, donc, qui peut évoquer King Crimson (sur tout Thrakattak), Coltrane, Wyatt et beaucoup d’autres. Entre fureur et accalmies, apaisement et rugissements, entre jazz (beaucoup), rock, blues et on ne sait quoi, ces dix pièces défient toute description, mais donnent des clés précieuses. Les créations du groupe sont dans la tension entre ce volcan en éruption musicale permanente et l’écriture qu’Hammill, compositeur quasi-systé-matique du groupe, apportait. Parfois stériles, souvent impressionnantes et fascinantes, ces impros expliquent beaucoup de choses sur le noyau dur du générateur.

Le premier album est donc constitué de six pièces, fort différentes les unes des autres. On y retrouve Van Der Graaf comme si on ne l’avait jamais quitté. Banton, devenu fabricant d’orgues, a délaissé le bon vieil Hammond mais tire toujours des sonorités invraisemblables de ses claviers, procédant peut-être un peu plus par nappes qu’auparavant. Every bloody emperor ouvre l’album avec une mélodie superbe, des en-volées de flûte à la Undercover man, une ampleur mélodique et un chant réminiscent de H to he, who am the

only one (1970 !! Intemporel, vous dit-on !!). Au bout de six minutes, le morceau s’achève, après une plage de chaos contrôlé grand cru. Côté textes, Hammill est plus que direct tout au long de l’album, et préoccupé du « présent ». Les « putains d’empereurs » sont les hommes politiques, leurs poses pour l’Histoire et la postérité, leurs « gri-maces » et leurs « mensonges ». Le chaos final est celui de la décadence : « c’est par cela que nous sommes tous portés : notre foi dans la nature humaine./Mais notre foi diminue – près du final/ Nous ne sommes que des serfs et des esclaves/ pendant que l’empire décline ». Première d’une longue série d’images de disparition qui vont hanter l’album. L’instrumental Boleas panic pourrait être un successeur du mythi-que W. Nutter alert, son sax ravageur et son orgue trafiqué, semblent sortir tout droit de Godbluff, tout comme la tension explosive qui sous-tend le morceau. Abandonship est une sorte de blues-rock râpeux, teigneux, dantesque, apocalyptique, à l’image de l’univers évoqué : le vieillissement et l’acharnement à vivre contre toute raison (« abandonnez le navire » !). Im babelsberg évoque une promenade nocturne et les fantômes inquiétants (guerriers) de Berlin qu’on y devine, à grands coups de riffs et de sax convulsif. Encore un morceau tendu à l’extrême et bourré d’énergie, dense et concis. A contrario, l’album s’achève de façon évanescente avec On the beach, léger, jazzy, linéaire, comme un apaisement final après la tempête. Il n’empêche : toujours sombre, prophétique, hantée par l’urgence, la musique de Van Der Graaf ne fait décidément pas de concessions…

On retrouve donc un groupe sur lequel le temps n’a pas prise : « On a joué comme si on n’avait jamais arrêté » (Guy Evans dixit). Drôle de génération décidément que la nôtre, qui découvrira le générateur sur scène cette année, pour achever le cycle des résurrections.

En attendant, allez, perdons-nous encore une fois dans les ténèbres…

Philippe Arnaud,Bertrand Pourcheron,

Philippe Gnana

AZOTHTHE AWKWARD AGE’S ENDHP Records - Japon - 2005

Même sans lire la jaquette, on sent dès l’intro du CD d’Azoth que l’on a affaire à un groupe japonais. Le son de guitare, la basse assez sèche, les claviers luxuriants, Azoth semble être, au premier abord, une synthèse de plusieurs formations du début des années 90. Et c’est là un grand compliment !

Domino débute en fanfare comme un inédit d’Outer Limits et se poursuit dans un style mélodique enlevé et un peu jazz rock à la Kenso. Isolation est plus dans le style Providence : rock, dynamique, syncopé avec une touche symphonique. L’album est équitable-ment partagé entre morceaux chantés et instrumentaux. Chikato Ohki (basse et chant) se défend plutôt bien, pour peu que vous ayez appris à apprécier le timbre assez typique des chanteurs nippons, moins séduisant que celui des chanteuses. Côté musiciens, c’est du béton. Ce ne sont certainement pas des débutants. Le guitariste Masayuki Adashi compose tout ! Quand à Junko Minobe, excellente violoniste et clavié-riste (Z et son joli break de piano latino ou le solo de The last night of summer), nous l’avions aperçue à Londres alors qu’elle avait rejoint iQ sur scène pour tenir le violon sur Subterranea (Harmo-nie n° 50). Après un premier tiers en fanfare, The awkward age’s end devient ensuite un peu plus terne. Heureuse-ment, il redécolle dans son dernier tiers, à partir de Moments qui intègre même des cuivres assez inhabituels dans le prog japonais. Apostrophe renoue avec le style Outer Limits avec un joli break de claviers marillio-nesques.

Avec ce CD, Azoth montre qu’il est aux cô-tés de Wappa Gappa, l’une des valeurs sûres du progressif japo-nais actuel.

Jean-LucPutaux

Page 52: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 52

CINEMAMindscapeMusea - Japon - 2005

Voici revenu le temps des produc-tions boursouflées du pays du Soleil levant. Ne voyez pas en cette annonce péremptoire quelque effet de méchan-ceté mal placée envers un sous-genre qui eut le mérite de relever la sauce affadie des mid-eighties en maintenant l’intérêt des progsters en mal de rock symphonique. Car si mérite il y eut de la part des groupes japonais, c’est bien celui d’avoir tenté et relevé le défi de maintenir en vie ce sacré rock progressif d’essence symphonique au cours d’une décennie dépourvue de pièces montées rococo et kitsch, lancées par E.L.P., Rick Wakeman en solo, voire Deep Purple ou Procol Harum en certaines occasions !

Donc, en 2005, la grosse vague, (j’allais dire le tsunami, sorry…) s’étant retiré progressivement…, quelques formations issues de cette époque ou leurs succédanés oeuvrent encore avec le même acharnement dans ce pro-gressif pompier et lourdement chargé d’ornements redondants. Cinema est l’un de ses tenants les plus assidus malgré une discographie éparse. The

Seven Stories en 1997 puis Into the

State of Flux, trois ans plus tard, en 2000, sont les premières œuvres d’un

EAST OF EDENMERCATOR PROJECTED 1969SNAFU 1970Eclectic discs - GB

Le label Eclectic discs s’est spécia-lisé dans la réédition d’albums souvent introuvables. Ainsi, comme dirait les hommes politiques, nous nous en félicitons grandement. Car grâce à l’excellent travail de ce label, nous avons pu profiter de la « renaissance » de galettes musicales de Mandalaband, Nektar, Khan ou autres Egg. Parmi ces exhumations inattendues, East of Eden est la belle surprise de ce premier se-mestre de l’année 2005. Pendant des années, nous avions entendu parler de ce East of Eden ; mais les vinyls origi-naux étaient souvent cotés à des prix prohibitifs dans certaines conventions de disques. Voici enfin revenus à la vie les deux premiers opus.

Le groupe est composé de Geoff Nicholson à la guitare, Steve York à la basse, Ron Caines au saxophone, Dave Arbus au violon et Dave Dufont à la batterie. La belle surprise vient du fait qu’à l’écoute de ces deux œuvres, nous sommes immergés dans une période de création totalement folle.

En 1969-70, des dizaines de groupes émergent et le plus souvent une sorte de fusion de divers styles musicaux s’opèrent chez certains d’entre eux. East of Eden témoigne de cette liberté totale de création en proposant une mu-sique libérée de tout carcan, totalement avant-gardiste. Mercator projected fut enregistré à l’origine sur le label Deram, celui des Moody Blues. Tous les titres de ce premier opus consistent en une combinaison totalement déjantée de musique psychédélique, de musique d’extrême Orient, de blues, de rock progressif (naissant à cette époque) et de jazz-rock. Il en est de même pour Snafu, encore supérieur à Mercator

Projected.Comment peut-on décrire une mu-

sique qui virevolte, part dans tous les sens et passe d’un style à l’autre sans arrêt ? Plein d’invention, Snafu était un opus dans lequel l’on pouvait entendre harpe, cloches indiennes et flûtes diverses. La musique de East of Eden ne ressemble à rien de ce qui se faisait à l’époque. Peut-être pour approcher sa complexité peut-on la qualifier de jazz-rock-prog avec des touches de musiques folkloriques. Le miracle vient du fait que cet univers musical con-serve une véritable fraîcheur presque quatre décennies après sa création. La douce folie soufflant tout au long des compositions s’avère délectable et cette même fraîcheur peut séduire nombre d’entre vous, même les moins accros à ce genre de fusion, comme l’est votre serviteur.

Raymond Sérini

groupe qui perpétue le maniérisme cher aux Outer Limits, Pageant, Vermillion Sands de nos années 80.

Issu de la désintégration du groupe Fromage en 1993 (oui, je sais… ce nom ! Il y a aussi Gerard dans le genre, ce qui me valut des plaisanteries dou-teuses de la part d’un ex-rédac-chef que je salue au passage…), Cinema va continuer sur la lancée en bouchant les trous du gruyère nippon disparu dans quelque fondue trop gratinée en reprenant là où la légende nipponne avait laissé ses fans se languir. Le raffinement (pour employer un mot plus gentil) que développe Cinema se trouve accentué dans ce troisième opus, Mindscape où la part belle est laissée au violon de Tokisho Nakanishi, instrument maître de cette langoureuse pièce montée en sept étages. La grosse cavalerie symphonique est de sortie comme prévue, piano, violoncelle, guitare à fendre un roc en deux… Toute composition déjà ultra mélancolique est passée à la moulinette d’une vision très XVIIIe siècle de la musique européenne. Le chant mélodieux et larmoyant de Hiromi Fujimoto accompagne quelques morceaux comme un voile de regret éternel, survolant avec une grâce exquise les violonades ensorcelantes de son compère Nakanishi. Pourtant, malgré certaines coquetteries new- age, le guitariste Tohru Ohta ose se lancer parfois dans des soli d’une rare intensité, évoquant le temps où Steve Rothery pimentait Marillion de ses interventions lyriques.

Ne cherchez pas l’aventure ou l’ex-ploration de territoires inconnus, c’est le bon vieux Cinema de papa qui nous est resservi ici avec ses défauts mais aussi ses joies profondes, célébrées par tout amateur de symphonisme nos-talgique. Les plus longues tirades, The

corridor of the time (11 min 19) et The

sea without a shore (12 min 33) sont contrebalancées par de plus courtes pièces comme A breeze (2 min 40) ou la fermeture de l’œuvre, Departure for

the fortune (1 min 57) qui reprend le thème de l’intro joliment troussé par un violon dispendieux d’un lyrisme émollient. Court (environ 50 min), ce troisième album de Cinema ravira au sens propre les amateurs égarés dans les méandres de pensées nostalgiques et embuées de spleen. À ceux-là, je conseille en particulier l’écoute de The

hill of water, un sommet d’émotion de 9 min 16 qui ouvrira toutes grandes les portes du souvenir à votre âme égarée par les aléas de la vie.

En définitive, on se laisse attraper par la musique de Cinema même si elle fait partie intégrale de cette école sym-phonique nipponne si décriée au sein même de la communauté progressive. Belle ouvrage pour aborder l’été !

Bruno Versmisse

GIORGIO LIBERAWHAT’S ALL THIS NOISE FOR ?Suisse - 45 min 25

Comme on classe à peu près tout et n’importe quoi dans un courant ou un autre du monde progressif, les magazines spécialisés en la matière sont la meilleure vitrine possible pour ce genre d’album. Car ce disque du Suisse Giorgio Libera doit autant au classique, au rock en général voire au jazz qu’au progressif. Mais pour autant je vois mal les magazines de l’un ou l’autre de ces genres se risquer à en parler. C’est donc à nous qu’incombera cette tâche ! Il y a en effet de tout dans cet album qui débute par un morceau on ne peut plus bizarre qui change de rythme sans arrêt, nanti de multiples interventions vocales, d’un chorus assez jazz rock puis de riffs de guitares appuyés et de solos distordus. Et que dire de Francis une « suite » en trois parties qui s’étale sur… 4 min 07 ! C’est en fait un court morceau assez délirant qui compte pas moins de cinq chanteurs et qui est précédé et prolongé par un interlude parlé en anglais, italien et même chinois ! Puis déboulent deux reprises des Beatles (Day tripper et Come together) plutôt quelconques si ce n’est la fin en forme de conversation de Come together. Short stop in Monte

Carlo avec ses conversations (encore !) de casino renoue avec le côté fourre- tout du début. C’est correctement joué tout cela mais ça manque un peu de cohésion. Je préfère nettement la seconde partie de l’album qui mêle influences classiques ou jazzy (le piano de The rain or what ever) sur quelques instrumentaux dominés par les savan-tes programmations de Giorgio Libera. Enfin cela se termine par des extraits de discours de George W Bush mis en musique et fort justement intitulé The war on terrorism. On se demande bien d’ailleurs ce que cela vient faire ici ! En dehors de la batterie la quasi totalité de la musique est interprétée par Giorgio Libera himself soit à la guitare, soit je vous le disais sous forme de programmations. Un album curieux, parfois intéressant, parfois rébarbatif. Pour un peu on dirait presque qu’il porte bien son nom !

Didier Descamps

Page 53: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5453

CD

FINISTERRELA MECCANICA NATURALEImmaginifica - Italie - 2004

Le voici enfin, ce nouveau Finisterre tant attendu. Cette fois-ci, le groupe de Gènes a franchi un nouveau palier, fidèle à son credo qui est de naviguer entre rock, musique électronique, prog, jazz, folk, ambient et même une pointe d’atmosphères minimalistes. In ogni

luogo, le précédent opus datait de 1999. Finisterre a donc fêté ses dix ans d’existence en enregistrant ce CD très personnel, une sorte de kaléidoscope d’émotions dans lequel nous retrouvons la poésie des textes et la force d’une musique devenue au fil du temps d’une extrême richesse. Soulignons que cet opus est produit par Franz di Ciccio, le batteur du mythique Pfm. Le groupe se compose aujourd’hui de Marco Cavani à la batterie, de deux claviers, Agostino Macor (orgue) et Boris Valle (piano), de Stefano Marelli à la guitare et au chant et de l’incontournable Fabio Zuffanti à la basse. En dix titres et presque cinquante-quatre minutes, Finisterre déploie un univers musical qui a encore beaucoup évolué depuis In

ogni luogo.Le thème central du CD est une réflexion sur la nature des choses et sur les choses de la nature. En fait, la nature possède des processus d’une subtilité inouïe permettant de réinventer des couleurs et des parfums à chaque saison. Les textes tournent autour d’une foule de questions autour de la magie de ces morts et résurrections cycliques. Le rôle essentiel du musicien est évoqué : celui-ci a la privilège de se mouvoir entre poésie et sons et se doit d’affirmer haut et fort que la musique est un des vecteurs principaux permettant de faire renaître notre cycle de vie. Typiquement prog italiens sont les quatre titres La perfezione, La mia

identità, Ode al mare ou Incipit, proches du meilleur Banco ou PFM. Le reste du propos est plus difficile à cerner, tant cet univers musical s’en va pointer son nez vers le jazz-rock, le rock tout court, avec parfois des petites touches de psyché (le chorus de la seconde partie de Il volo) ou de ce que l’on appelle aujourd’hui le post-rock. A chaque écoute, nous découvrons la complexité des compositions, l’ho-

http://www.finisterre.biz/

L’IMPERO DELLE OMBRESAMEBlack Widow-2004

Existant depuis 1995, ce ténébreux groupe italien ne connaît les honneurs de la publication que neuf ans après ! Faut-il qu’ils aient peaufiné leur art ou l’aveuglement des labels a-t’il encore frappé ? Bref, si vous aimez Black Sabbath, Black Widow ou plus près de nous, les chantres du doom tels St-Vitus, Pentagram ou Candlemass, vous allez alors furieusement flasher sur L’Impero delle Ombre !!! Adepte d’un genre qu’ils on appelé le « Cemetery rock », les Italiens emmenés par la voix délirante de Giovanni Cardellino sont tout à fait dans la lignée des groupes aux relents 70’s du label Black Widow, le bien nommé. Imaginez des nappes orchestrales, un peu de clavecin ou de piano, voire de l’orgue et une guitare des plus lyriques et inventives et vous avez un album qui se rapproche du progressif par certaines ambiances mais s’implique bien plus dans une atmosphère 70’s des plus ravagées. Le doom est un style de metal qui appuie lourdement tous ses accords, L’Impero a tout compris de cette école qui présente des ressemblances cer-taines avec le stoner, autre succédané du metal des années 70. Mais c’est un véritable état de grâce qui anime cette formation que le metal n’a pas étouffé dans ses méandres glauques. L’esprit de l’aventure souffle sur ce « nouvogroupitalien » !

Bruno Versmisse

QUATERSTORMRépublique tchèque

C’est donc un mini CD de quatre titres auquel nous avons affaire, un CD de présentation comme l’affirme le groupe, une carte de visite musicale.

Ce groupe tchèque (la chose n’est pas si courante ) s’est formé en 2001 mais ne s’est stabilisé (provisoire-ment ?) qu’en 2004 : sans doute la difficulté à concilier quête d’identité et problèmes matériels. La première impression à l’écoute de ces quatre morceaux est celle d’une résurgence hippie, un mélange suranné de néo- psychédélisme (le chant féminin), de jazz-rock (la rythmique et le saxo) et de proto-progressif (les claviers, tenus par une demoiselle), avec une discrète touche mélodique slave.

Il faut dire que les musiciens ont fourbi leurs premières armes dans des groupes de reprises, notamment de Pink Floyd, Janis Joplin. Il s’agit là d’une base commune qui a orienté la musique d’une certaine façon, avec une recherche d’identité qui se traduit encore dans l’hésitation à choisir en-tre chant en anglais et en tchèque. Il semblerait que ce ne soit déjà plus la direction actuelle du groupe. Au regard de la qualité des musiciens telle qu’elle apparaît déjà dans ces quatre vignettes musicales, il aurait été étonnant que Quaterstorm en reste là.

On peut leur faire confiance pour nous revenir avec quelque chose d’original et de puissant : leurs qualités intrinsèques, leurs influences, leurs origines autorisent à l’espérer.

Philippe Gnana

www.quarterstorm.cz

mogénéité d’une formation totalement soudée allant vers le but initial qui est l’émergence d’une musique originale en tous points. Le résultat final s’avère éblouissant. Nous constatons souvent dans nos colonnes que le prog n’évolue pas assez, qu’il reste confiné dans les modèles de constructions des grandes formations des années soixante-dix et bien souvent stagne, malgré la classe de musiciens hors pair. Finisterre dé-montre ici brillamment qu’il n’y a plus de modèles, que les carcans que l’on se donne peuvent voler en éclat (si on le désire vraiment) et que la musique se doit d’évoluer et de s’en aller vers des contrées nouvelles.

Raymond Sérini

OVERHEADMETAEPITOMEMusea - Finlande - 2005

Un peu moins jeunes qu’à la sortie de leur premier album, Zumanthum, en 2002, les petits gars d’Overhead ont remis ça avec le même aplomb, celui qui leur permet de reprendre l’oriflamme déliquescent des Landberk et autre Anekdoten ! Sans oublier d’y déverser le peu d’influences metal qu’ils ont été chercher du côté des Rush, Dream Theater et Pink Floyd dont ils semblent être grands admirateurs (le jeu de guitare de Jaakko Kettunen qui imite à la perfection celui de Gilmour dans le premier titre éponyme, Overhead)… De Landberk (j’insiste), Overhead a gardé un goût pour des atmosphères sombres et limite déprimantes mais jamais aussi glauques que celles de leurs « sinistres » aînés. En y laissant filtrer goutte à goutte l’élixir de jouvence dû aux influences de leur âge, le club des cinq Finlandais définit une nouvelle donne dans le vaste récipient nordique du progressif cafardeux. La maturité que je laissais entrevoir et espérais après la sortie de Zumanthum se fait donc tout naturellement. Overhead assimile le curieux mélange de ses écoutes pubères dans un croisement Thin Lizzy/Anglagard (!!!) des plus fascinants et inattendus… La guitare de Kettunen sait se faire hard à la manière du croisement des années 70/80 et rappelle le jeu d’un Gary Moore à sa belle époque Lizzy mais ensuite c’est le fameux crissement des six cordes sur le parpaing, image idéale pour rendre compte du jeu époustouflant et parfois aride du jeune maestro. Son complice aux claviers et capable de parties pianistiques d’un élégant lyrisme, Tarmo Simonen, n’est pas en reste pour écouler un spleen inconsolable. Le chant d’Alex Keskitalo possède cette intonation douce et sûre qui colle comme un miel frelaté aux complaintes mélancoliques du quintet. Incontesta-blement, les 58 (!) climats différents introduits dans le morceau phare de l’album Overhead et ses 19 min 40 sont pour beaucoup dans l’évalua-tion de ce second album admirable. Overhead devrait faire parler de lui un peu plus encore et franchir les divers paravents dres-sés par les fan-zines habituels pour se dresser comme un des p lus sé r i eux espoirs de la scène progres-sive scandinave, voire mondiale, n’y allons pas par le dos de la cuillère !

Bruno Versmisse

Page 54: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 54

Au SOMMAIRE dun° 29 :

Interview HANS LUNDINHANS LUNDIN,,nterview HOUSE OF NOTHOUSE OF NOT,,Interview nterview GREENWALLGREENWALL,,

Interview FABIO ZUFFANTIFABIO ZUFFANTI,,FINISTERREFINISTERRE,,

TOMAS BODIN,TOMAS BODIN,STEVE HOWSTEVE HOWEE

SIMON APPLESIMON APPLE……

C/O : Highlands magazineHighlands magazine411, La Pommeraie411, La Pommeraie

90, rue André Messager90, rue André Messager33520 Bruges (France)33520 Bruges (France)

Highlands

Abonnement(4 numéros) : 29 €

GIANCARLO ERRA NOSOUND SOL 29Italie - 2005

Lors de notre précédent numéro d’Harmonie, nous vous avions présenté la version courte de ce CD qui sort enfin dans sa version intégrale avec trente-cinq minutes et cinq titres sup-plémentaires. Pour ceux qui n’ont pas suivi l’épisode précédent, Giancarlo est un fan de la musique de Pink Floyd et de Porcupine Tree et son univers mu-sical en est grandement imprégné. A la question : « Le CD définitif est-t’il aussi prenant que la version courte ? », nous répondons oui avec enthousiasme. Au risque de nous répéter, le charme envoûtant de la musique de Giancarlo opère dans les grandes largeurs et

TAPROBANOUTSIDE NOWHEREMellow - Italie - 2005

Toujours sous la forme d’un trio, Taproban l’Italien se démène pour proposer un progressif aventureux et libre de toute entrave classique. Même si le passé profite à l’élaboration de ce nouvel opus, Taproban sait aussi inclure des nouveautés de l’ère actuelle comme ces voix vocoderisées ou des tournures plus modernes, bien éloignées de l’esprit 70’s. Ayant quitté Musea pour son rival transalpin Mellow, le trio fait revivre malgré tout les charmes d’un Banco ou d’un Le Orme avec la même désinvolture non falsifiée.

Eternelle chamaillerie entre an-cien progressif et nouveau, Outside

Nowhere, second album de Taproban vaut le détour pour la magnificence con-trôlée de sa musique où le saxophone entretient un climat baroque en pointant son museau de temps à autre. Aucun morceau n’est supérieur à un autre et même si la suite éponyme Outside

Nowhere peut attirer les oreilles plus particulièrement, c’est l’ensemble qui permet à Taproban de surnager au-delà de la production pléthorique italienne.

Entre classicisme de l’âge d’or et renouveau des nineties, Taproban donne le meilleur d’un style italien difficile à cerner mais à l’arrivée facile à classer dans son pays natal tant le progressif par-delà les Alpes est un véritable vivier de talents jamais pris en défaut. Lyrique, mélodieux, emporté, parfois ampoulé et précieux mais sans exagération, ce second album de Taproban est une excellente médecine pour ceux qui seraient en manque de rock progressif essentiel.

Bruno Versmisse

la magie vient du fait que ce brillant jeune romain a « tout fait tout seul » dans son home studio : compositions, enregistrement, production. Il joue de tous les instruments : guitares, claviers et synthés divers. Qu’en est-il donc de ces cinq titres supplémentaires ? The

moment she knew est une brillantissime composition de plus de neuf minutes qui s’étire et monte en puissance. Waves of time, un entracte mené au synthétiseur avant Overloaded, un des plus beaux moments du CD, avec une autre composition magique digne du meilleur Steve Wilson. The broken

parts s’avère tout aussi fascinant avec la facilité de notre barde transalpin de créer des mélodies en boucle qui tournoient autour de vous, semblant se rapprocher de votre âme pour encore mieux envoûter l’auditeur conquis que vous êtes déjà. Guitares et claviers se répondent et l’on ne sait plus trop que dire, sinon que tant de maturité pour un premier CD laisse sans voix. The

broken parts se termine par un long solo de guitare étincelant. Pour termi-ner en beauté, Giancarlo nous offre le titre éponyme du CD, Sol 29. Après une introduction au synthés une voix féminine s’élève et le thème principal se dessine, sorte de lent tempo presque new-age, avec des claviers flottant dans le vent rappelant par instant le Vangelis des premières années ou le Jon Anderson de Angel’s embrace. Si vous rajoutez la critique des cinq titres de notre numéro précedent, mon tout est un CD de toute beauté qui devrait plaire à grand nombre des lecteurs d’Harmonie. Et lorsque l’on pense à la marge de progression de notre Romain bondissant, on peut être certain que Giancarlo Erra a encore de belles pages musicales à nous faire partager.

Forza Giancarlo, sei grande !!!!

Raymond Sérini

JASUN MARTZTHE PILLORY/THE BATTLEUnder the Asphalt Prod. - USA - 2005

J’avais été on ne peut plus dithy-rambique en décembre 1994 sur le disque de Jasun Martz, The Pillory. Je débutais ou presque au sein d’Harmonie et je me sentais obligé d’en rajouter des tartines dans l’élaboration d’une chronique ! Quand je la relis, je ne peux que m’amuser à l’évocation de « mon 1er vrai CD de progressive » chroniqué !! Oui, exagération due à l’enthousiasme de découvrir des inconnus ferraillant bravement à la pointe de musiques invraisemblables. J’ai vieilli et je ne suis plus capable des mêmes émois sur certains disques, a priori le type de musique développée par Jasun Martz. Si je ne retire aucune ligne de ce que j’ai pu écrire dans ce n° 24, je serai plus mesuré dans mes propos à l’heure actuelle. D’autant plus qu’à

cette réédition, vient se rajouter The

Battle pour un deuxième CD. Et le concours du Philharmonic Orchestra et du Royal Intercontinental Choir à l’appui. Pour faire rapide, je rappelle que le bonhomme a travaillé avec Zappa, Far East Family Band (des Japonais), Starship (ex-Jefferson) et même… Michael Jackson !!! Martz fut un compagnon de tournée de F. Zappa et cela s’entend car, à côté des envolées mellotronesques et des violonades terriblement progressives, vient se juxtaposer une « musique concrète » si proche de certains travaux de Zappa et de son mentor, Boulez !!! Le choc des cultures pour un artiste assez complet et se complaisant d’ailleurs dans une approche du rock progressif quasi complète. C’est simple, avec ce double album, vous aurez l’impression d’avoir fait le tour de la question progressive ! Ceux qui se torturent les méninges sur un certain jazz-rock aride et déviant et les autres, plus nombreux, qui flashent ad vitam eternam sur les grandes orchestrations pompeuses et rococo, vont se rencontrer au carrefour de cette grande œuvre, incontournable monument de la cause progressive. Jasun Martz ne sait jamais vers quel style se tourner alors il opte pour une approche globale des écoles différentes de la cause… Et comme son talent de compositeur est à la hauteur de ses envies, c’est une cathédrale qui s’érige entre les enceintes de votre nid douillet. Il faut bien dire que le mellotron, omniprésent, additionné aux effets du grand orchestre et des chœurs quasi religieux, ça remue l’intérieur ! Le violon en rajoute dans la sensiblerie et la mélancolie, le grandiloquent ne sombre jamais dans le ridicule comme on pourrait le soupçonner. On reste loin des tirades japonaises dans le genre mais Jasun Martz assure comme le génie qu’il est et semble rester malgré les appels d’inconditionnels vénérant le « monstre » issu de son cerveau torturé. Bon, je m’arrête là car moi aussi, je vais me faire une resucée de mon article de 1994. Putain, déjà onze ans… Preuve que le progressif est intemporel, l’œuvre fut composée en 1976 et enregistrée une première fois en 1982 !! Tout est dit…

Bruno Versmisse

L’actualitédu rock progressifmagazine

Page 55: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5455

CD

EVERGREYA NIGHT TO REMEMBERInside Out - Suède - 112 min 26

Evergrey est sans contestation pos-sible le groupe le plus heavy de l’écurie Inside Out. Pour celles et ceux qui ne seraient pas familier avec ce groupe rappelons que ce quintette originaire de Suède existe depuis quelques années déjà puisque son premier album The

dark discovery date de 1997. Depuis quatre autres albums studio sont venus compléter la discographie, Solitude-

Dominance-Tragedy (1999), In the

search of truth (2001), Recreation day

(2003) et The inner circle (2004). Il était donc temps pour Evergrey de sortir un premier album live. Evergrey est-il un simple groupe de heavy metal de plus ? Non car ce groupe possède ce qu’il faut de personnalité et d’individualité pour se sortir de la masse. Certes sur son premier album, nettement inférieur aux autres, on sentait bien que le groupe se cherchait encore. Mais dès le second apparaissaient ces influences que certains qualifieraient de gothiques qui font que le heavy metal d’Evergrey d’abord puissant et efficace à la base s’est depuis teinté d’ambiances et d’atmosphères sombres qui rendent leurs albums si particuliers. Ceci étant encore plus vrai pour les deux derniers. Des climats développés par le recours somme toute classique au piano, aux orchestrations et aux chœurs mais aussi grâce au charisme et à la voix unique de son leader Tom S. Englund. Une voix forte, puissante, rauque, bien à l’image du physique imposant du bonhomme mais derrière laquelle se cache une sensibilité et une fragilité qui prend tout son sens sur les morceaux plus softs. Bref, un heavy metal qu’on qualifiera d’intelligent et d’inspiré mais surtout pas d’intellectuel pour autant, toute la

METAMORPHOSISWHEN ALL WAS SILENTAutoproduction - Suisse - 2005

Si notre estimé canard national de rock, Crossroads, a consacré une chro-nique puis une interview à Jean-Pierre Schenk, le géniteur de Metamorphosis, c’est qu’il y a une raison ! Entre le Floyd des 70’s et le Eloy qui imitait le Floyd à la même époque, Mr. Schenk s’est laissé aller à ses envies de space rock planant en se plaçant dans le sillage de ces glorieux aînés. La même équipe entoure notre Suisse féru de culture progressive, Giovanni Esposito (gui-tare), Milena Zaharieva (flûte), David Grillion (guitares éparses) et Olivier Guénat (un seul solo de gratte). Pour le reste, imaginez tout ce que peut jouer J.P. Schenk !! Il s’agit du troisième opus après After all these years en 2002 et Nobody cares en 2003. Le Suisse a de la suite dans les idées et surtout une phénoménale envie de composer et de jouer. Concept-album engagé, bourré de messages dans l’esprit d’un certain Roger Waters, cet album semble être celui de la consécration pour son projet Metamorphosis. Ayant toujours cru en la musique progressive puisque baignant dedans depuis toujours avec son groupe Nature qui s’est arrêté en 1978, l’homme n’a jamais voulu se résigner à laisser tomber « son » progressif chéri et c’est un véritable fan du genre qui se libère d’un trop plein de créations à l’image de ses groupes chéris. Bien sûr, surnagent encore un peu de naïveté (dans le propos) et l’usage d’une batterie acoustique (mieux que la boîte à rythmes des précédents albums tout de même !) mais la production s’est affinée et les guitares et surtout les claviers sont prépondérants dans l’œuvre de Schenk. Bâtis en nappes, sous forme de climats lancinants, ils participent à l’évidence au climat général à l’image d’un Eloy. Les guitares nous gratifient de quelques soli plutôt pointus tout en restant du genre plaintives et si l’image du Floyd persiste, Schenk et ses amis dérivent doucement vers un style propre.

Une étonnante et éclatante confir-mation du savoir-faire d’un musicien scrupuleux et opiniâtre.

Bruno Versmisse

FRAME.SHIFTAN ABSENCE OF EMPATHYProgRock Records - Grande-Bretagne

Frameshift est un des nombreux projets du multi-instrumentiste Henning Pauly, petit génie allemand parti à Bos-ton faire ses armes dans la fameuse école de Berklee. Ce jeune homme n’a pas son pareil pour aller débaucher quelques personnages reconnus de la scène musicale et les persuader de participer à ses œuvres. Pour son précédent opus sous l’appellation de Frameshift, il semblerait qu’il ait réussi à obtenir le concours de James Labrie, entre autres. Cette fois-ci, c’est Sebastian Bach, le gosier hurlant de Skid Row qui s’y colle, sans compter une petite contribution de Michael Sadler, le Monsieur de Saga. Pour son prochain album, un opéra rock intitulé Babysteps, la liste des invités ressemble à un carnet mondain impressionnant ce qui démontre, si besoin était, que le bonhomme est déjà reconnu par ces gloires de la scène musicale comme un des leurs.

Il semblerait également que le projet Frameshift soit pour Henning Pauly un espace musical propice à une réflexion sur un thème précis, ce qui a abouti jusqu’ici à deux albums concept. Le précédent réfléchissait à divers aspects de l’évolution, en s’appuyant en particu-lier sur les thèses de Richard Dawkins et sa fameuse théorie du gène égoïste. Cette fois-ci la réflexion porte sur la violence humaine, avec une approche sociologique et psychologique sur la guerre, le meurtre, la torture, le viol, la violence à l’école (des choses toutes plus « sympathiques » les unes que les autres).

Une telle thématique semble avoir orienté la musique vers beaucoup de violence : il y a beaucoup de rage et d’agressivité dans cet album. Entre les guitares saturées, les rythmes rapides et les voix rageuses (parfois façon AC-DC), on ressent un étrange sentiment d’oppression et de malaise. Il faut attendre le quatrième morceau pour enfin atteindre un moment de calme relatif. Mais, globalement, la musique est une sorte de hard rock sophistiqué et ténébreux qui vous prend à la gorge de bout en bout. La sophistication est pourtant là dans les structures, dans certaines parties vocales à la Spock’s Beard, dans les arrangements de claviers en filigrane qui s’insinuent dans l’arrière plan mais ce que l’on prend d’abord en pleine poire c’est cette sensation d’oppression. Cet album constitue une étrange expérience qui au prime abord peut rebuter mais qui révèle bien des richesses lorsqu’on l’apprivoise au fil des écoutes.

Philippe Gnana

nuance est là ! De plus, les musiciens possèdent et usent à foison d’un ba-gage technique assez impressionnant, notamment les deux guitaristes Tom S. Englund et Henrik Danhage. Néanmoins je dois vous avouer avoir été très déçu par leur prestation live au festival de Raismes, en 2003. Fort heureusement ce n’est pas l’impression que laisse ce double live. Tout d’abord il s’agit d’un seul et même concert enregistré chez eux, à Goteborg, en décembre 2004. De plus, c’est un album qui sonne vraiment live. Il serait étonnant qu’il n’ait pas fait l’objet de quelques retouches mais cela ne se ressent pas dans le son d’ensemble qui restitue parfaitement l’atmosphère d’une salle de concert. Rien à redire ensuite sur la prestation, c’est du béton armé ! Il faut préciser que ce concert Evergrey l’a préparé plus qu’un autre en vue de cet enregistrement live mais aussi en vue d’un DVD à venir. Mais surtout il a eu l’intelligence d’inviter sur scène un quatuor à cordes composé de membres de l’orchestre symphonique de la ville et trois choristes (2 femmes et 1 homme) dont l’excellent Andy Engberg, ex-chanteur de Lion’s share et choriste chez Therion à ses heures perdues. Et j’avoue que cela change tout dans le rendu des arrangements de studio si peaufinés. On retrouve ainsi cette dualité qui fait le charme et l’intérêt de la musique d’Evergrey avec des morceaux puissants et percutants (sans être agressifs pour autant) tels Blinded, The masterplan ou Blackened

dawn, et ces pièces plus calmes aux ambiances pesantes et empreintes de tragique comme le très prenant When

the walls go down, For every tears

that falls ballade avec un duo féminin, Harmless wishes ou Waking up blind. Et puis comment envisager un morceau aussi génial que Nosferatu (extrait de Solitude-Dominance-Tragedy) sans les chœurs ! Aucun album n’est oublié même si, bien entendu, la balance penche en faveur des trois derniers (ceux parus chez Inside Out) avec 14 morceaux sur 19 présents. On atten-dra maintenant le DVD avec impatience d’autant plus que le groupe annonce avoir filmé son show dans un théâtre vieux de plus de 160 ans et avec rien moins que quinze caméras. On espère qu’ils auront su retranscrire en images et en mise en scène les colorations qu’offre leur mu-sique. Les quel-ques photos du livret sont en tous cas alléchantes et la bande son plus que promet-teuse.

DidierDescamps

www.frameshift2.com

Page 56: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 56

STYXBIG BANG THEORYUSA - 2005

Après un excitant Cyclorama qui avait vu le nouveau Styx quadri-vocal remis sur les rails (cf. Harmonie n° 49), on attendait avec impatience de nou-velles compositions. Et bien il faudra patienter encore un peu car Styx a décidé de s’offrir une petite récré. Rush avait ouvert le bal avec Feedback sur lequel il remontait le temps et reprenait des titres des Who, Yardbirds, Love, Cream, Buffalo Springfield... bref, du pur 60’s/70’s. À près de trente ans de carrière, ayant connu un succès planétaire (sauf, comme d’hab... tous en chœur... en France !), les musiciens de Styx ont aussi eu envie de rendre hommage aux formations qui ont bercé leur enfance. Ces dernières années, Styx a donné des concerts aux quatre coins des Etats-Unis, aux côté de Reo Speedwagon, Boston ou Journey. Il existe, en effet, un public fidèle et enthousiaste pour ce qu’on nomme le « classic rock » (Kansas n’a jamais non plus vraiment arrêté de se produire sur scène). Pour des raisons d’âge, ces fans sont donc ravis d’entendre Styx reprendre des chansons des Allman Brothers, des Who, de Blind Faith ou Free. La preuve en est qu’en cadeau bonus, ce Big bang theory permet au groupe de remettre les pieds dans le Top 50 américain ! Qui l’eut cru ?

L’album s’ouvre sur une version live du célèbre I am the walrus des Beatles, chantée par Larry Gowan. C’est probablement le succès de ce single sur les radio rock américaines qui a suscité l’idée d’un florilège de reprise. I can see for miles des Who

ressemble finalement pas mal à du vieux Styx. Can’t find my way home colle tout à fait au style des ballades signées Tommy Shaw, ou du moins celles qu’il composait avec Jack Blades dans les années 90 (alors qu’il n’était pas dans Styx justement). Respectant la règle d’alternance des voix, James Young n’est pas en reste et se charge des titres plus blues (It don’t make sense de Willie Dixon) ou rentre-dedans (le Manic depression d’Hendrix lui va comme un gant). On trouve quand même deux titres qui nous rapprochent du progressif. Tout d’abord une reprise de A salty dog de Procol Harum, chanté avec émotion par Larry Gowan. Pompe et majesté sont de retour durant cette chanson, comme au bon vieux temps de La grande Illusion. C’est probablement le meilleur titre de l’album. Locomotive breath du Tull est plus bourrin mais convient encore une fois parfaitement au vieux renard James Young. Talking about the good

times des Pretty Things, complètement « cycloramé » (jeu de mot pour ceux qui apprécie le précédent album de Styx), repose aussi sur de belles harmonies vocales psyché-Beatles (idéales pour Neal Morse si vous voyez ce que je veux dire). L’emphase des arrange-ments rappelle le Queen des débuts. Dans le même style vocal, la reprise de Crosby, Still and Nash, bien trop courte, est tout aussi réussie. Pour clôturer l’album, Styx se rend hommage à lui-même avec un Blue collar man très réarrangé.

Depuis Cyclorama, Styx a perdu une belle voix puisque Glen Burtnik a préféré arrêter les tournées pour se consacrer à sa famille. Soit dit en pas-sant, il en a profité pour sortir l’album d’AOR le plus explosif de ces dernière années, le tonitruant et indispensable Welcome to Hollywood ! Côté basse, il a été rapidement remplacé par Ricky Philips et Styx est reparti de plus belle. Big bang theory est très réussi mais quand un groupe en pleine forme ne sort qu’un album de temps en temps (et à cet âge-là, la tendance s’inverse rarement), on préférerait quand même entendre de nouvelles chansons. Long live Styx !

Jean-Luc Putaux

BROTHER APEON THE OTHER SIDEProgress Records - Suède - 2005

Groupe suédois ayant signé chez Progress après avoir sorti un premier album à 500 copies, Brother Ape se veut comme une formation inspirée par Weather Report ou Brand X, soit deux groupes parmi les plus renommés du jazz-rock progressif. Soit… Mais est-ce aussi l’influence avouée des Saga, Rush, Yes ou plus récente de A.C.T., qui fait dévier la musique de Brother Ape vers un produit bâtard où l’on se dirige le plus souvent vers une variété de grande classe du genre de celle que répand Chicago depuis le début des années 90 ? Voilà l’impression ressentie après l’écoute de ce premier véritable disque de Stefan Damicolas (chanteur et leader) et ses potes !

Si certaines critiques entrevues sur le net soulignent une ressemblance avec Zappa (là, je voudrais que l’on m’explique), It Bites (vaguement, pour quelques lignes mélodiques bien amenées), c’est vers un jazz-rock typé 70’s aseptisé au son FM des années 80 retouché d’une pointe de modernité dans le son et la production, qui en font un bel album de coucher de soleil à siroter en juin mais pas un chef- d’œuvre inoubliable. Une belle voix, des assortiments guitare/claviers riches mais guère aventureux, en somme un bel album qui s’écoute facilement mais n’y cherchez pas la sophistication décrite par certains, sauf celle d’une production qui place cet album sur un piédestal du son riche, c’est au final, ce qui sauve ledit opus de l’oubli. Un 10/10 pour les mélodies savoureuses qui feront craquer les plus romantiques et leurs épouses/copines/petites amies (barrez la mention non retenue) respectives !!!

Bruno Versmisse

NOVOXNOVOXMusea - Hollande - 2005

Ne vous laissez pas rebuter par la pochette particulièrement hideuse et loupée (prenez exemple sur InsideOut, je sais pas moi !!!), cet album de Novox est une petite bombe au sens progressif du terme. Novox, quesaco ? Un groupe new wave de 1981 exhumé par un membre muséesque sous amphé ? Une nouvelle médicamentation issue d’un labo philippin ? Que nenni, messires, Novox est le blaze, pas très réussi lui non plus, d’un projet de Dick Heijboer. Ah tiens, mais qui c’est celui-là ? Voyons, le claviériste de Cliffhanger, vous aviez déjà oublié ? Faut dire que depuis que Knight Area existe, vous avez sûrement relégué vos galettes du groupe batave au fin fond de l’armoire à souvenirs ? Car Heijboer tout comme son compère bassiste Gijs Koopman, a fait partie de Cliffhanger et maintenant de sa réminiscence plus flashy, Knight Area ! Koopman qui vient donner un coup de main sur ce projet de son complice, vous l’avez bien compris.

En marge de Knight Area, Heijboer et Koopman se la pétent dans des instrumentaux qui auraient déparé au sein des compositions policées de Knight Area. Essayez d’imaginer, cinq minutes, le son de Tony Banks aux claviers sur des parties qui ont la pêche de compositions eighties (dynamisme, pas néo-prog hein ?), vous avez là les douze excellentes réparties de Heijboer, seul compositeur et producteur de la chose. Faut dire que le gaillard a mis deux ans et demi pour torcher son affaire. De septembre 2001 à février 2004 pour être précis et c’est Musea qui ramasse le jackpot, enfin façon de parler… Se sont joints à l’entreprise le batteur Hans Boonk, les guitaristes Rinie Huigen (ex-Cliffhanger aussi) et Mark Vermeule, autres complices fameux pour cette expédition dans le monde d’un rock progressif très bien produit quand au niveau sonore, un bon bol de prog’ typé seventies avec cette énergie qu’on ne retrouve qu’à par tir des années 80. Comme un combo qui voudrait faire du néo-prog mais sans la facilité mélodique qu’on connaît à ce mouvement. La vocation instrumentale dénuée de tout chant si ce n’est la voix de Dave Ingham sur l’intro I wrong ! ne facilite pas la compa-raison surtout quand le band entourant Heijboer s’essaye à un morceau que n’aurait pas renié Dream Theater, Joe Satriani ou Bozzio/Levin/Stevens, le terrifiant Never mind, glorieuse pièce de sept minutes, dédiée au dieu jazz-metal apparu au milieu des années 90. On le comprend, Heijboer a voulu se faire plaisir en gravant ses autres envies musicales et le pire, c’est que cette collection de morceaux tient la route. J’en reviens à la pochette qui

n’entretient aucun rapport avec le contenu de la chose en question. On dirait une production Crypto si vous voyez ce que je veux dire… Dessin d’ado quittant la puberté ! Antinomie entre le contenant et le contenu on ne peut plus effarante… Je parlais de son seventies, influence Genesis, oui c’est vrai mais aussi de metal prog expérimental sauce jazz-rock, certes mais encore, et bien oui, j’oubliais, cette attirance pour les musiques contemporaines ou nouvelles avec une incursion en ce monde étrange avec l’aride Then there was one (tiens, une allusion déguisée à Genesis ?) qui finit de dérouter le consultant d’Harmonie qu’est votre serviteur, aux jugements altérés par les directions prises par Heijboer qui semble avoir voulu mettre en boîte tout ce qu’il aimait faire à côté quand il se repose de Knight Area.

Une bombinette qui vous pètera à la gueule si vous l’enfournez dans votre lecteur mais avec l’exquise et délicate grâce qui sied aux amateurs de progressif, bien entendu…

Bruno Versmisse

www.styxworld.com

Page 57: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5457

CD

LA MASCHERA DI CERAIN CONCERTOMellow - Italie - 2005

Après La Maschera di Cera en 2002 et Il grande labirinto en 2003, voici déjà le live incontournable de La Maschera di Cera, un des autres groupes du prolifique Fabio Zuffanti. Un des tous meilleurs groupes symphoniques selon de nombreux critiques mérite-t’il déjà la publication d’un album en public ? Oui, si l’on se fie aux chroniques extatiques des fanzines, non s’il s’agit pour Mellow de spéculer (si peu) sur la petite renommée dont bénéficie le groupe italien. Il s’agit cependant d’un enregistrement effectué à la Mecque du rock progressif européen, j’ai nommé le Spirit of 66 de Verviers, en Belgique. Alors là évidemment, je ne peux que souscrire à la sortie précoce d’un tel live ! Le 14 septembre 2003, La Mas-chera a déployé ses ailes symphoniques dans la célèbre salle wallonne pour faire briller de mille feux une interprétation fidèle des meilleurs titres de ses deux albums. On ne peut que s’incliner devant cette prestation brute qui rend encore plus crédible la énième créature de Zuffanti dont la musique livrée en pâture aux petits Belges s’avère plus rude que sur les albums studio mais, de ce fait, on a l’impression d’écouter un live sorti vers 1973 !! Entre Locanda delle Fate, Balletto di Bronzo et Biglietto per l’Inferno, La Maschera délivre ses soli de flûte, ses breaks de basse (Zuffanti), son chant aride et imprécateur (Zuffanti encore !) et surtout ses parties de cla-viers issues d’un vase d’or retrouvé… Le gargouillis du Moog en agonie sous les roucoulades anémiques de la flûte, a quelque chose d’intemporel (ben oui, je sais, c’est comme ça) et le chant désespéré de Zuffanti éructe au-dessus de tout cela. On dirait du Caricatures de Ange mélangé à du Moody Blues de 1969 !!! Les mellotron, moog, piano, clavecin d’Agostino Macor ont envoûté le Spirit ce soir-là et c’est à votre tour de succomber aux charmes surannés mais inestimables de La Maschera di Cera.

A l’arrivée, un live… indispensable qui fera acheter à ceux qui ne l’avaient pas encore, les deux fabuleux premiers albums du groupe transalpin.

Bruno Versmisse

U I BLUESONGBIRD’S CRYUSA - 2004

U I Blue est le groupe de Mlle Laura Lindstrom, une chanteuse à l’organe cristallin qui ferait de l’ombre à la gracile Heather de Mostly Autumn tant leurs registres sont compara-bles. Nous n’avons pas affaire à une apparition supplémentaire d’inconnus car la demoiselle est chaperonnée et produite par le duo qui préside aux destinées de Glass Hammer, Steve Babb et Fred Schendel et le bassiste n’est autre que celui de Somnambulist, Terry Clouse. Laura Lindstrom cède volontiers sa place à Jon Paul dont le timbre feutré vient s’insérer pour des duos pleins de charme. Parfois même, par coquetterie (?), Jon Paul chante en français, ce qui ajoute une note d’intérêt non négligeable pour nous autres, auditeurs intrigués. La musique d’U I Blue n’est pas du pur progressif car elle cède souvent la place à des facilités vaguement electro et principalement trip hop, n’étant pas sans rappeler le dernier opus de Kari Rueslatten, l’ex-égérie de The 3rd and The Mortal. Mais pour ceux qui aiment, cet album sera une révélation, les fêlures dans la voix de L. Lindstrom feront craquer plus d’un cœur en détresse ! Douceur et mélancolie sont les clefs de cet album qui, le cul entre deux chaises, peut aussi bien révéler un démarrage de mellotron discret qui fera frémir les adeptes, qu’un tempo trip hop langoureux aux accents de spleen pluvieux. Sans oublier les interventions discrètes de violon ou d’accordéon ici et là. Si certains critiques d’outre Atlantique englobent la musique d’U I Blue dans un registre folk symphonique, ils occultent cette face par manque de repère en la matière. On discerne, au creux des morceaux, un peu de White Willow, une goutte de Tori Amos, le versant le plus romantique de Mostly Autumn ou le meilleur chanté de Mike Oldfield, voilà à quoi on peut se raccro-cher pour tenter une définition encore loin du compte pour cerner U I Blue, une belle révélation ! Les interventions de Fred Schendel aux claviers dont le fameux mellotron, pour être au compte gouttes, n’en sont pas moins de par leur rareté, comme des oasis disséminés au sein de l’album. L’écriture est très européenne comme le dit lui-même Steve Babb. Outre l’apport éparpillé de la langue française, on comprend ce qu’a voulu transcrire le membre de Glass Hammer, les Américains ne sont guère rompus à ce style de musicalité et rares sont les perles du genre chez eux. Mais pour une première, c’est réussi, cet album est incontournable, vous serez conquis ou alors, vous avez une pierre à la place du cœur !!

Bruno Versmisse

AM’GANESHA’NELEFTHERIAHoly records - France – 68 min 56

Mine de rien, voilà le catalogue d’Holy records riche maintenant de plus d’une centaine de références. Une grande partie de celles-ci étant assimilables au metal extrême, nous n’avons pas toujours l’occasion de vous en parler dans nos pages mais c’est toujours avec plaisir que nous accueillons les nouvelles parutions car la ligne de conduite artistique du label tant au point de vue des groupes en eux-mêmes que du soin apporté aux produits (nombreux et superbes digipack) est une démarche qu’il faut saluer. Il nous en arrive justement deux ce mois-ci à l’opposé l’une de l’autre. On commencera en douceur avec le nouvel album de Am’ganesha’n. Sous ce nom étrange se cache un musicien du nom de Gérard Chambellant qui cultive l’art de marier les instruments traditionnels d’Asie et d’Afrique avec des vocalises féminines et de créer une musique intemporelle, toute en atmosphères spirituelles et en climats méditatifs à la croisée des chemins du gothique et de l’ethnique. Tout cela ne sera pas sans vous rappeler le duo Jeanne et Fabrice de Rajna. Et pour cause car, en plus de figurer sur le même label, Gérard Chambellant n’était autre que le troisième membre originel de Rajna avant que leur chemin mutuel ne se sépare. Alors Am’ganesha’n qui avec ce Eleftheria publie ici son troi-sième album est-il une copie carbone de Rajna ? Eh ! bien, pas tout à fait. Certes les bases sont les mêmes et de prime abord leurs musiques paraissent proches. Tout est affaire de climats et d’ambiances en fait. Car là où Rajna exalte un mélange de plénitude, de sensualité et de sérénité, Am’ganesha’n

semble s’amuser à brouiller les pistes avec un jeu de faux semblants et une musique aux masques multiples qui sourit sur une face mais grimace sur l’autre. Un peu comme une de ces fleurs qui attire et repousse à la fois et dont le parfum envoûtant peut aussi s’avérer fatal. On a aussi l’impression que la musique de lumière créée par les voix féminines et les instruments acoustiques s’est imprégnée du côté sombre et inquiétant qui se dégage de nombres des parutions du label, un groupe comme Elend en tête. Je n’irais pas jusqu’à dire que Am’ganesha’n est un mélange de Rajna et d’Elend mais il y a un peu de ça quand même. Ainsi tout au long de ces quinze titres nous avons droit à une alternance de mor-ceaux sereins et apaisants où les voix entremêlées de Karin Mérat et d’Amélie Duranteau appellent vos sens au voyage et à la méditation, avec d’autres aux climats étranges, dissonants parfois, où les voix souvent masculines se font fantomatiques et inquiétantes. Dans la première catégorie on classera notam-ment les très beaux interludes a capella que sont Atma ou Altar mais aussi des titres comme Zephiria et son son de flûte qui évoque les charmeurs de serpent ou encore Song of devotion joué sur un instrument à cordes à la très belle sonorité et Samsara où Amélie et Karin alternent les voix hautes perchées et susurrées. Dans la seconde, on remar-quera surtout Stigmata particulièrement prenant avec des vocaux totalement déformés et un instrument à cordes graves (violoncelle, contrebasse ?) qui contribue à renforcer le côté sombre du morceau. Citons aussi Nharba, son rythme lent, ses percussions tribales et ses voix spectrales. Parfois tout cela s’entremêle comme sur le final Lamentations, l’un des titres phares de l’album, qui débute sur ces voix mas-culines trafiquées et ces incantations féminines avant de développer (après un blanc de 3 à 4 minutes !) une longue litanie au son des cordes graves et de quelques percussions. J’avoue être plus sensible à la musique de Rajna et notamment à la sensualité qui se dégage de la voix de Jeanne mais ce côté blanc et noir, doux et amer que laisse la musi-que d’Am’ga-nesha’n produit aussi son petit effet. Je vous laisse y goûter pendant que je vais me perdre dans les effluves de Samsara et les limbes de Lamentations !

DidierDescamps

Contact : www.uiblue.com

Page 58: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 58

THE 21ST CENTURY GUIDE TO KING CRIMSONVOL.ONE Pinnacle records - 1969-1974

Ce coffret de quatre CD, à l’image de ce que Virgin a fait pour VDGG et Genesis, inclut un mini-livre avec une chronologie détaillée des événements vécus par le groupe au cours de sa grande existence, photos à l’appui : ce sont, définitivement, de beaux objets. Le but avoué de cette « nième » compil’, par ailleurs, est de remplacer Frame y

frame (1991), en offrant un meilleur son grâce au progrès technologique. Deux CD studio et deux CD live forment ce coffret. L’essentiel de la production studio du groupe est regroupée ici. La manie de Fripp de triturer et abréger ses propres productions ne s’est guère exercée qu’au détriment de Sailor’s tale (soit) et Starless (non mais ça va pas la tête ??). A noter que les morceaux de In the court of the Crimson King, premier album intégralement repris ici, bénéficient du master original, récemment redécouver t. Tout cela est bien sûr remasterisé, les sons des concerts – des tournées d’époque, déjà exhumées par Virgin – sont très bons. Seul problème : à qui tout cela est-il destiné ? Les fans voudront probablement ajouter ce bel objet à leur collection, mais il ne leur apportera rien de neuf. Les autres sont inondés depuis quelques années de concerts et compil’ du roi pourpre, sans parler des pirates.

Cela dit, il n’était pas illégitime de faire pour King Crimson ce qui a été fait avec succès (tant commercial qu’artistique) pour Genesis et VDGG. A vous de voir, donc…

Philippe Arnaud

DICETIME IN ELEVEN PICTURESScene records - Allemagne - 59 min 56

Avant d’avoir cet album entre les mains je n’avais jamais entendu parler de Dice. Pourtant ce groupe d’origine est-allemande existe depuis plus de vingt-cinq ans au moins. C’est du moins ce que laisse présager sa discographie sur le label Scene re-cords qui comprend une douzaine de références. Apparemment, le groupe a d’abord existé au début des années 80 puisqu’un des albums semble être une compilation de 1979 à 1983 et un autre un live de cette même année 1983. Puis, depuis le milieu des 90’s, le groupe est réapparu publiant depuis et très régulièrement un album chaque année dont deux autres live en 1998 et en 2003 (ce dernier intitulé Cosmic

prog live existe en DVD). Ce Time in

eleven pictures est donc leur 7e album studio depuis cette « reformation ». Comme le laisse supposer le titre de leur dernier live, Dice fait du prog qui a un peu la tête dans les étoiles. Mais que ceux qui préfèrent les mélodies et les chansons aux grandes envo-lées planantes ne fuient pas à toutes jambes car la musique de Dice penche d’abord de ce côté-là. On pourrait la décrire comme un croisement entre Dire Straits pour le côté très lissé du son et les tempos un rien nonchalants en général, Pink Floyd pour les aspects planants et les solis de guitare avec une touche non négligeable d’Uli Jon Roth sans le versant hard. Une impression renforcée par le chant de Christian Nové, leader chanteur et guitariste du groupe, qui évoque fortement celui de l’ex-guitariste des Scorpions (écoutez le début de Life in space 2133, par exemple) tout en étant un peu moins voilé et plus puissant tout de même. Même son jeu de guitare rappelle celui d’Uli parfois, la saturation en moins, les grattes étant quasiment en son clair tout au long de l’album. Celui-ci contient onze titres. Sept morceaux de 6 à 11 minutes et trois courts instrumentaux sous-titrés Dreamscene 12 à 14. Comme en 2000 est sorti un album intitulé Dreamland, on supposera que depuis, et un peu comme Saga avec ses fameux Chapters, Dice glisse dans chaque disque plusieurs passages d’une longue suite. Quoique ici les morceaux en question soient vraiment courts sauf la partie 14 un peu plus développée et dominée par une guitare inspirée. Sinon les morceaux offrent tous un profil à peu près identique avec les traditionnels couplets/refrains, break, solo et re-couplets/refrains. Comme les ambiances varient aussi assez peu, on a tendance à s’ennuyer un peu sur la durée. C’est sans doute pour cela que l’on accroche mieux

sur les premiers morceaux comme le joli Cloud freedom et son excellent refrain ou Life in space 2133. Time

machine (9 minutes divisées en deux parties) accroche par son côté un peu plus aventureux, son rythme un peu bastringue et ses interventions un chouia théâtrales. On y apprécie aussi le jeu aux très belles sonorités des deux guitaristes. Enfin la pièce de 11 minutes, The gates of heaven, elle aussi dotée d’un refrain accrocheur et d’un joli final aux guitares aériennes, aurait gagné à bénéficier d’un chant plus puissant qui n’aurait pas manqué de la faire décoller. Christian Nové montre ici ses limites dans ce domaine. En revanche, des titres comme Time game ou surtout Time is always ending avec sa mélodie trop évidente sont moins intéressants. Dice ne va donc pas révolutionner le prog mais il a le mérite de proposer une musique fort agréable à écouter et parfois plutôt inspirée, ce qui n’est déjà pas si mal !

Didier Descamps

www.visionandsound.se/Dice/Dice01.html

BLACK BONZOBLACK BONZOB & B records - Suède - 61 min 11

Un petit coup d’œil à la pochette (une espèce de Gorgone qui tient dans ses mains une boule de cristal où sont enfermés les cinq musiciens de Black Bonzo) et quelques secondes dans votre platine, il ne vous en faudra pas plus pour comprendre que ce nouveau groupe en provenance de Suède a cassé l’aiguille de son compteur aux environs de 1969/1970 ! Je vous jure que j’ai regardé à deux fois, mais non, cet album n’est pas une réédition mais a bien été enregistré entre janvier et mars 2004. Le son, sinon son côté plus clair et dynamique apporté par les technologies d’aujourd’hui, est vraiment typique de l’époque avec une basse bien ronde, une guitare et un orgue à l’unisson et un chant bien mis en avant ce qui n’est pas gênant car Magnus Lindgren possède une très jolie voix claire au timbre caressant.

La démarche est assez similaire aux Italiens de Wicked Minds et l’influence majeure qui ressort de cet album est celle d’Uriah Heep. Mais alors que les

Italiens exploitaient à fond le côté hard de la musique d’Uriah Heep en y incor-porant de fortes touches Deep Purple, Black bonzo s’est souvenu qu’Uriah Heep était aussi un groupe qui fleuretait plus que de raison avec le progressif ; des titres comme Magician’s birthday,

July morning ou Salisbury étant entrés dans la légende du genre. Les deux côtés de la musique des Anglais sont d’ailleurs parfaitement retranscrits par les deux titres d’ouverture. D’un côté Lady of the light qui, hormis un break plus calme nappé de mellotron, déboule tel un Easy livin. De l’autre, les neuf minutes de Brave young soldier beaucoup plus prog dans l’esprit avec ces grandes nappes de synthés, ces guitares acoustiques, ces voix douces et éthérées (Ah ! ces vocalises, du pur jus années 70’s !).

La suite nous offre quelques autres bons moments comme These are days

of sorrow. Un titre avec un bon groove, un excellent solo de Hammond et un autre à la wah-wah. Avec une voix plus rock ou plus rauque (c’est comme vous voulez), on n’aurait pas été bien loin de certains groupes de rock sudiste. Jailbait est très rock également avec de bons riffs de guitares (celui de l’intro fait penser au morceau Telegram de Nazareth) et encore beaucoup de Ham-mond. New day et Fantasy world le bien nommé sont incontestablement sortis du moule Uriah Heep du milieu des 70’s avec cette voix et ces vocalises typiques et ce symphonisme créé par l’orgue (le final de Fantasy world). Y manque tout de même l’incandescence de la guitare de Mick Box. Et que dire du solo de Hammond de Leave your burdens. Nicklas Ahlund doit être le clone de Ken Hensley ! Freedom et Sirens sont un peu moins intéressants, jolis mais trop nonchalants. Enfin Where the river

meets the sea est une sorte de fausse ballade qui se prolonge par la reprise du thème de Lady of the light d’abord exposé tout en douceur au piano (on croirait d’ailleurs entendre le thème du sublime Dream on d’Aerosmith !), puis plus rock comme au début.

Tout cela aurait donc constitué un excellent album d’Uriah Heep et je conseille vivement aux fans de ce groupe d’y jeter une oreille attentive. C’est aussi une heure de musique certes hors du temps mais très plaisante à écouter, interprétée avec brio, finesse et émotion. Bravo messieurs de Black Bonzo, on vous conseillera juste d’ar-rêter de vous envoyer la discographie des Anglais en boucle. Une petite touche de personnalité la prochaine fois et tout sera parfait !

Didier Descamps

http://www.blackbonzo.com/

Page 59: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5459

CD

ZAALLA LAMA SOTTILEMellow - Italie - 2004

Nouvogroupitalien ? Non, enfin oui mais non quand même ! Zaal est le terrain de jeu perso d’Agostino Macor, claviériste de vingt-sept ans déjà célèbre au sein de l’aéropage progressif pour ses multiples participations et impli-cations dans de nombreux groupes et projets transalpins.

La liste est édifiante pour qui touche sa bille dans la connaissance de cet univers underground, La Maschera di Cera, Hostsonaten, Finisterre, Merlin, LaZona… Quand on a du talent, il faut en profiter et Macor a jeté dans cette rondelle, une multitude d’instruments dignes de confiance (mellotron, Fender Rhodes, violoncelle, saxophone, violon, piano) qui augurent déjà d’une écoute conséquente. On retrouve à ses côtés des potes comme Fabio Zuffanti ou Maurizio Bavastro ainsi que Stefano Marelli, tous issus des formations citées plus haut.

Pourtant, c’est vers des contrées jazzy que A. Macor se tourne, évoluant dans un halo atmosphérique enrobant d’émotion une musique d’esthète. A mi-chemin du rock progressif et du jazz-rock dépouillé, Zaal trace une voix qu’on n’attendait pas. Le mélange obtenu par les sonorités des nombreux instruments utilisés rehausse la qualité d’un album somme toute plutôt tourné vers la face acoustique mais Macor a bien le droit de s’amuser lui aussi non ? Et puis, ça nous fait un joli petit album rafraîchissant de plus à nous caler entre les oreilles…

Bruno Versmisse

MAGELLANSYMPHONY FORA MISANTHROPEInside Out - 2005

Il y a déjà plus de dix ans, Magellan, avec son brillant premier album Hour

of restoration, réveillait l’espoir en un progressif ambitieux, grandiloquent, désinhibé. Il confirmait avec Impending

ascension et osait même durcir le ton avec un Test of wills étonnamment métallique. Tout était pour le mieux. Trent Gardner produisait les projets spé-ciaux de Magna Carta (Leonardo), des albums-hommages (Encores, Legends

and Paradox) et s’éclatait avec des musiciens de luxe au sein d’Explorer’s Club. Et puis vint la rupture douloureuse avec Magna Carta et le passage plein de promesses chez Inside Out. Alors d’où vient cette impression que du statut de groupe-leader, Magellan est maintenant rentré dans le rang ? Il est vrai que Trent s’investit beaucoup dans le management du label Muse-Wrapped Records.

Ce nouveau Symphony for a misan-

thrope s’ouvre pourtant de manière idéale avec une Symphoniette synthé-tique co-composée et interprétée avec Steve Walsh. Robert Berry est aussi invité sur un autre morceau. Une fois n’est pas coutume, l’écriture des textes a été partagée avec Jeff Curtis. Puisque je ne taris généralement pas d’éloge sur le travail de Trent Gardner, je vais pour une fois me montrer très critique envers la production et le mixage. On s’attend généralement à ce que les groupes progressent mais ce n’est pas le cas pour Magellan sur ce CD. Bien que les arrangements soient toujours soignés (l’ouverture de Why water weeds), le mariage des sons laisse souvent à désirer ainsi que la mise en place des instruments (les solos de guitare puis de claviers superposés au chant sur le même Why water weeds ?). On retrouve parfois ce côté décousu qu’on reprochait au second album d’Explo-rer’s Club (Harmonie n° 46). La prise de son de la voix est parfois limite (le refrain de Wisdom). Les chœurs qui étaient l’une des marques de fabrique de Magellan sont ici quasiment absents et ne compensent plus le fait que Trent n’a jamais été un chanteur né, bien qu’enthousiaste et sincère. Le son de

la guitare rythmique de Wayne Gardner est toujours aussi peu travaillé. L’intro de Doctor Concoctor sonne comme un mauvais repiquage vinyle mal équalisé. Le mixage de Cranium Reef Suite est totalement déroutant. Le morceau est bavard, étouffant, sans une seconde de silence. Et Trent qui répète « cranium reef » à chaque coin de phrase, plus que « love » dans les chansons de Jon Anderson ! Estadium nacional, Storms

and mutiny ou Walk fast, look worried, ça avait une autre gueule, non ?

Bref, tout ça n’est pas vraiment du niveau auquel Magellan nous avait habitués. Après tout, Trent souhaite peut-être sortir des sentiers battus, bousculer les habitudes comme il l’avait fait lors du second Explorer’s Club. Mais pour le moment, si la musique reste intéressante, la production fait fausse route. Comparez donc avec son travail sur le premier Explorer’s Club, Encores,

Legends and Paradox ou Leonardo. La différence est flagrante. J’ai pourtant l’impression que la finition de Symphony

for a misanthrope n’a pas été soignée (sauf le livret, toujours somptueux, signé Thomas Ewerhard). Le CD est d’ailleurs étonnamment court et se termine en queue de poisson alors que Trent avouait dans une précédente interview composer un peu de musique chaque jour (cf. Harmonie n° 46). Quand on voit le haut niveau général des albums métal et progressifs (ceux du label Inside Out, par exemple), je ne peux pas croire que Magellan n’ait pas les moyens techniques de ses ambitions alors même que Trent se présente comme un producteur expérimenté.

L’album se termine sur un Every bullet

needs blood prometteur, tout à fait dans l’esprit Kansas. D’ailleurs, pourquoi ne pas demander à un vrai violoniste de jouer sur l’introduction ? On retrouve dans ce morceau un Magellan qui en veut (avec un titre comme ça...) : des breaks, des modulations, un vrai batteur (Joe Franco, le meilleur que Magellan ait eu), des chœurs et un final grandiose. Magellan semble donc à un tournant de sa carrière ou plutôt devant plusieurs options.Trent Gardner s’orientera-t-il encore plus vers le management ou bien dégarera-t- i l assez de temps pour que Magellan reste un projet (à dé-faut de groupe) progressif de haute volée ?

Jean-LucPutaux

JINETES NEGROS JINETES NEGROS 2000CHRONOS 2001Viajero Inmovil Records - Argentine

La crise économique qu’a traversée l’Argentine, il y a quelques temps, n’a pas pour autant étouffé les velléités musicales et progressives du pays. En tout cas le label Viajero Inmovil se montre très actif et nous propose coup sur coup les deux premiers albums du groupe Jinetes Negros, enregistrés pourtant en 2000 et 2001 : mais il fallait bien attendre des circonstances plus favorables pour pouvoir faire paraître ces deux CD.

Jinetes Negros, c’est le projet né de la rencontre, en 1999, du clavié-riste Octavio Stampalia (transfuge de Anima) et du chanteur Marcelo Ezcurra. C’est également le point de rencontre entre la musique classique et le rock, l’idée originale du rock progressif. La dimension rock est portée par la voix rugueuse de Marcelo Ezcurra mais également par le groupe lui-même. La dimension classique est le fait d’Octa-vio Stampalia, claviériste qui maîtrise l’écriture d’ampleur symphonique mais également d’une véritable chorale qui s’intègre en filigrane dans la musique ainsi que d’invités divers (pianiste, flûtiste, violoniste).

Les deux albums sont sous-tendus par une trame conceptuelle inspirée d’un poème de Nene D’Inzeo pour le premier album et de l’œuvre de Salvador Dali pour le second. Le premier album s’avère plus débridé, plus « fou » dans son équilibre inhabituel entre énergie rock et sophistication classique, avec notamment ces chœurs pleins d’en-thousiasme qui tiennent tout autant du gospel que de la chorale classique, et qui s’insinuent dans toutes les ruptures rythmiques. Il y a bien des moments d’accalmie (le très beau Floreces, tiem-

blas y te vas) mais l’ensemble dégage une impression de délire baroque et bariolé, une dimension épique.

Le second opus effectue un re-centrage stylistique autour du groupe lui-même dont le corollaire est un effacement de la dimension baroque : plus de chorale folle, une palette sonore plus restreinte. Le son est certes plus affirmé, plus net et plus rugueux mais c’est au détriment de la richesse et du contraste qui cèdent la place à une certaine sensation d’oppression. C’est certes plus professionnel mais cela perd un peu de son inventivité et de sa capacité à surprendre.

Que va nous réserver la suite, après des changements d’atmosphères aussi radicaux en à peine deux albums ?

Philippe Gnana

www.jintes-negros.cjb.net

Page 60: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 60

WISHBONE ASHBACKBONES (3 X CD)Talking Elephant records - Angleterre - 2004

Triple compilation de Wishbone Ash, une légende vivante du rock anglais, de celle qu’on appelle dorénavant un tenant du Classic-Rock. Il y a même une revue basée là-dessus en Angleterre, sur les légendes vivantes ou mortes aussi… du rock des sixties, seventies et moyen-nement eighties. Chez nous, Compact-Crossroads tient fort honorablement ce rôle en n’oubliant jamais d’inclure les nouveaux qui font du p… de bon rock, du vrai ! « À la manière de » en somme… En oubliant volontairement la soupe merdique qu’on nous sert en plein milieu de cette décennie 2000. Je n’imaginais pas que la diffusion du rock serait réduite à une peau de chagrin en 2005, seule cette excellente revue tenant fermement le flambeau de la révolte et de la résistance. Être dans l’armée des ombres, ça fatigue, toute cette reconnaissance qui va à de faux artistes, et j’en sais quelque chose avec cette insistante soutenance à Ange… Ne venez pas me parler de Rock’n’Folk, Rock Sound et autre Inrockuptibles… L’un et l’autre ont vendu leur âme au diable, sont à côté de la plaque ou naviguent dans l’Art avec un A plus grand que ça, svp, au lettrage, Mme Granjeon.. merci beaucoup ! Nous, ce qu’on aime, c’est l’émotion, la musique qui te tient par les c… d’une main et te malaxe le cœur de l’autre, une forme d’existence en somme, vue à travers le prisme du rock, une façon d’être.

Bon, Wishbone Ash ! A part une ou deux chroniques de DVD récemment (tiens, même dans ce numéro, je crois), on n’a jamais parlé d’eux dans Harmonie et pour cause, c’est pas du prog. Oui, je sais mais à bien écouter, y’a comme un p’tit kek’chose qui interpelle depuis toujours l’amateur éclairé (entendez par là, celui qui aime le rock au sens large). Les mélodies, le celtisme sous-jacent, l’emploi de ces deux fameuses guitares conjointes, sur lesquelles le Wish a bâti sa légende. Ce qui en a fait un certain bâtard, le cul entre deux chaises, plutôt bien vu des revues de hard pour ses mémorables et légendaires bagarres de six cordes en apesanteur. Mais résumer le Ash à cette persistante anecdote rock’n’rollienne, fait fi de la qualité des mélodies écrites par le duo Powell/Whitefield, maîtres d’œuvre devant l’éternel de l’histoire de Wishbone Ash et membres récurrents de la légende. Mais comment oublier Martin Turner, bassiste des trois premiers albums, remplacé en 1981 par un certain John Wetton (il a été partout, celui-là !)…

UNDER THE SUNSCHEMATISMProgrock records - USA - 71 min 22

Le festival Nearfest qui se tient chaque année dans le nord-est des Etats-Unis, a déjà fait l’objet de plusieurs parutions live (celui des Argentins de Nexus en 2002, par exemple). En voici une de plus grâce au label Progrock. Une parution avec un certain décalage puisque le concert en question date de l’édition 2001 du festival.

Cette prestation est celle d’un groupe américain répondant au nom de Under the sun. Ce groupe avait déjà réalisé un album, en 2000, sur le défunt label Magna Carta et produit par Terry Brown. L’essentiel de ce concert est bien entendu axé sur cet album. Under the sun est un groupe de rock progressif américain typique. Entendez par là qu’il pratique une musique très dynamique (pas de ballades à l’horizon), plutôt technique, mais qui reste néanmoins très abordable. Les influences majeures sont sans surprise et à aller chercher du côté de Kansas, Rush et Yes (Perfect

world). C’est du travail bien fait dans l’ensemble mais là où le bât blesse c’est qu’aucun des neufs titres, plutôt longs en général, n’accroche vraiment. Il y manque toujours ce petit quelque chose qui fait la différence et surtout c’est assez pauvre en bonnes mélodies.

Musicalement rien à redire, chacun des quatre membres possède la maîtrise de son instrument sans pour autant qu’une quelconque individualité ne ressorte, ce qui renforce le côté travail bien fait mais trop clinique. En revanche niveau chant ce n’est pas ça et la voix de Chris Shryack se révèle être le handicap majeur du groupe. Son chant évolue dans un registre haut perché qui lorgne vers Steve Walsh de Kansas mais sans approcher l’aisance et la superbe que celui-ci possédait par le passé (il a un peu perdu depuis). C’est même parfois limite juste.

Les meilleurs moments sont la longue suite Souljourner aux fortes réminiscences Rush notamment lors du break central, Perfect world très Yes ou le diptyque final Breakwater et From

henceforth and forever qui rappellent aussi beaucoup les Canadiens période 70’s. A l’inverse on s’ennuie ferme sur Reflections ou This golden voyage.

Bref un album mi-figue mi-raisin qui a pour principal mérite d’offrir un son bien live et très dynamique. Hormis cela, voilà juste un groupe de prog de plus sans grande originalité ni inspiration et qui, d’ailleurs, n’a plus donné de nouvelles depuis. Y aurait-il là relation de cause à effet ?

Didier Descamps

Seul aujourd’hui reste de la formation initiale, Andy Powell présent dès août 1969 à la guitare et au chant. Un peu comme Ange aujourd’hui, tiens… Fort d’une œuvre de près de quarante albums (vous avez bien lu !), le Ash se compose actuellement d’Andy Powell son mentor, Muddy Manninen (guitare, chant), Bob Skeat (basse, chant) et Ray Weston (batterie).

Sur cette compilation (triple, svp), vous aurez droit à des extraits récents avec cinq titres de Illuminations de 1996, cinq titres de Bare Bones de 1999 et quatre titres de Bonafide de 2002 pour le premier CD, un second CD plus spécial avec uniquement des extraits de Tracks et Tracks 2, deux albums de raretés et d’inédits, qui représentent un attrait supplémentaire pour le fan basique, cinq morceaux pour Tracks et quatre pour Tracks 2 plus trois titres de Lost Pearl, le der-nier album en date (2004). Quant au dernier CD de ce magnifique digipack, ce qui est vraiment l’attrait n° one de l’objet, il regroupe un Strange affair, live acoustique de 2002, un The king will

come (miam miam), live de 2002, et un Hard times, live de 2002 aussi. Le clou, pour le fan, pas les autres, c’est la très longue interview d’Andy Powell (50 min) réalisée en septembre 2004 pour ce triple Backbones !!

Wishbone Ash, c’est un miraculeux concentré de furie rock’n’roll quand il décide de faire péter les grattes, une délicieuse harmonie quasi folk-ameri-cana, une légère évanescence celtique, du blues-boogie de derrière les fagots (Almighty blues brrrrr….), y’en a même qui les trempe avec des pincettes dans le rock sudiste (pour les duos/duels de six cordes !) et du progressif avec ces mélodies pondues sur le cul d’un dieu bienveillant un soir où il s’est endormi, bercé par le murmure des anges. Le Ash, c’est aussi et vous le saviez déjà, deux grattes miraculeuses, des duels et des corps-à-corps tour à tour épidermiques, sensuels ou diaboliques, ça me rappelle l’amour, ça, tiens… ! Alors, prenez le temps de découvrir un groupe hors du commun et du temps, qui a survécu parce qu’il est sincère, comme tant d’autres, y’a bien une raison, non ?!!

Bruno Versmisse

Page 61: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5461

CD

CARAVANTHE ALBUM 1980BACK TO FRONT 1982Eclectic discs - Grande-Bretagne

Avec ces deux rééditions de Ca-ravan, nous nous trouvons dans la douloureuse expérience du critique face à ses responsabilités. Caravan est un pilier majeur de notre style musical préféré, une borne incontournable, une formation majeure qui a enchanté nos lointaines adolescences. Les premiers albums de Caravan sont aujourd’hui des classiques du prog. L’intelligent mélange de mélodies pop et de progres-sif unique mettait en avant les claviers trafiqués de Dave Sinclair, la voix haut perché et la guitare de Pye Hastings, le jeu de basse de Richard Sainclair, les breaks de batterie de Richard Coughlan, la flute de Jimmy Hastings. L’alchimie savamment dosée de psyché, de folk, de jazz créait des compositions très fortes. De tout cela, il ne reste plus grand-chose dans ces deux albums de 1980 et 1982. L’époque n’est plus à la création, le punk a fait voler en éclat la plupart des grands groupes précédents (prog ou rock) et les rares « survivants » sont pressés par les maisons de disques de faire des hits à tous prix. Un comble pour des mu-siciens dont les préoccupations étaient très éloignées de ce concept. Ainsi, malgré le goût de Pye Hastings pour les mélodies pop (ceci n’empêchant pas cela), ces deux derniers albums précédant la dissolution du groupe sont bien moyens par rapport aux merveilles d’antan. Le problème n’est pas tant du choix d’une musique plus pop (la plupart des « vieux »groupes de prog ont eu ce choix à faire dans ces années-làou se sont sabordés) mais d’un manque de magie inexplicable. Nous pouvons évidemment sauver quelques morceaux par-ci par-là comme Piano

player ou Watcha gonna tell me dans The album. Le reste navigue comme il peut entre complainte pop gentillette, disco, reggae et rock. Dans Back to

front, le niveau est un peu plus relevé avec Proper song et Back to herne bay

song qui retrouvent un peu de l’éclat des lustres passés. Peut-être cela est-il dû au fait que nous retrouvons le line-up original de Caravan, avec Pye Hastings, les cousins Sinclair et Richard Coughlan ?Le reste de l’album s’écoute très agréablement mais tout cela reste bien éloigné des possibilités d’un groupe au talent immense qui, à l’écoute des deux albums, semblait en ces temps-là au creux de la vague en ce qui concerne sa créativité. Cette rubrique me fait penser à ce qu’un critique de cinéma pourrait vivre. Ima-ginez que l’on vous convie à visionner Psychose et Les Oiseaux de Hitchcock, puis, quelques temps après, quelques films oubliés de la période anglaise du même réalisateur. Le jour et la nuit…La réédition de ces deux albums est une bonne chose ; elle permettra aux fans

RUNAWAY TOTEMPLEROMAMusea - Italie - 2004

Un des meilleurs représentants du progressif italien entre de nouveau en action ! Tenant d’un style à nulle autre pareil car incluant deux écoles a priori antinomiques, le Runaway Totem propose son cinquième album et on peut déjà parler d’œuvre absolue, d’autant plus que ce Pleroma clôture quant à lui une trilogie entamée avec Andromeda en 1999 puis poursuivie, en 2002, avec Tep Zepi. Sans oublier les deux albums précurseurs, Trimegisto en 1993 et Zed en 1996 qui avaient annoncés la couleur !

Avec Runaway Totem, désormais réduit à deux éléments, Cahal de Betel (chant, guitares, basse, synthés, sam-pler et sequencer) et Tipheret (batterie, percussions et claviers), c’est à un véritable choc des cultures progressi-ves que nous assistons ébahis, depuis douze ans. Pour rafraîchir la mémoire des plus jeunes, sachez, gentils néo-phytes, que le groupe italien fabrique contre toute attente un sculptural et quasi idéal monstre musical ! Du rock emphatique aux vocaux scandés de Magma, des rythmes déconstruits basés sur une basse monumentale de King Crimson, d’une intensité paroxys-mique décalquée des folies originelles de Van der Graaf Generator, Runaway Totem embarque tout cela à la fois ! Mais vient obstinément y apposer un mysticisme sombre et ténébreux digne de certaines formations gothiques sans

oublier quelques aérations lyriques et raffinées plus proches du rock progres-sif anglo-saxon des seventies. Sacré partouze n’est-ce pas ?

Pour Pleroma, le (désormais) duo transalpin n’a rien perdu de cette har-gne à tout mélanger. En aboutissant sa trilogie, Runaway Totem décrit le voyage de l’âme humaine après la mort et ses combats contre les démons au jugement dernier. Programme qui ne pouvait être conçu que dans la mar-mite bouillonnante d’un rock zeulhien embourbé par de larges digressions au caractère gothique. Mais si la manière de déclamer employée par Cahal de Betel évoque immanquablement celle de Christian Vander, les Italiens restent cependant plus clairs dans leur propos, échappant à la stricte qualification zeuhl, sachant ébouriffer leur ténébreux enli-sement en enfer, d’à-côtés progressifs plus gouleyants. Cette panade fait tout le charme (mot mal à propos dans un sens !) de l’œuvre de Runaway Totem. Il faut aussi souligner la qualité des parties de clavier que Tipheret arrive à arracher aux martèlements rythmiques des guitares de son compère.

Ce détonnant mélange rassemblera- t’il les aficionados des deux écoles, réputés pour s’ignorer royalement, chacun s’engonçant dans un mépris dédaigneux pour l’autre ? On peut écouter des musiques différentes et rester sectaire, Runaway Totem avec Pleroma œuvre contre cet état de fait en parvenant avec la plénitude de l’expérience, à sevrer chaque école de ses a priori malheureux. L’expérience Runaway Totem malgré la diminution de son effectif parvient encore à aller plus loin dans le but qu’il s’est fixé. Un sixième album pourra-t’il explorer plus loin les contours d’une œuvre qu’on sent infinie sans tour-ner en rond et éviter la redite ? Nous attendons ça avec curiosité mais savourons Pleroma plus en avant car une tel-le œuvre néces-site un nombre d’écoutes elles aussi… infinies pour en goûter les secrets.

Bruno Versmisse

AT WAR WITH SELFTORN BETWEEN DIMENSIONSFree Electric Sound, FES 4004 - USA

Dès le premier coup d’œil sur la pochette, on sait que l’on n’a pas affaire à des plaisantins. L’espèce d’androïde ligoté, tiraillé avec le masque facial à moitié arraché, laisse supposer la traduction d’une lutte intérieure, d’un dé-chirement comme le suggère également le nom du groupe, « en guerre avec soi ». De toute façon, chacun l’inter-prétera comme il l’entendra puisque la musique est entièrement instrumentale et qu’aucun texte ne vient prétendre donner plus d’éclaircissement que les titres des morceaux. Il y a une part de mystère qui enveloppe la musique de ce trio américain.

L’éminence grise du trio semble donc être Glenn Snelwar, principal compositeur et guitariste qui, acces-soirement, tient également les claviers. Il est soutenu dans son projet par une section rythmique impeccable, Michael Manring (bassiste) et Mark Zonder (batteur), qui autorise toutes les audaces et les expériences. C’est que la musique de ce trio se veut très sérieuse, sous-tendue par un concept quasi métaphysique, comme le souli-gne la citation de Dhammapada dont le nom laisse supposer un gourou ou un maître spirituel quelconque.

La première impression à l’écoute de l’album laisse un sentiment mitigé. Les premiers morceaux semblent verser dans une espèce de métal instrumental plutôt conventionnel avec toutefois une certaine sophistication dans les atmosphères et les structures. Mais au fur et à mesure que l’on avance dans l’album, les atmosphères se diversifient, les expériences sonores varient et se font plus éclectiques, la tonalité métal se dilue pour laisser place à une di-mension nettement plus expérimentale ou progressive. C’est un peu comme si l’aspect agressif du début symbolisait la lutte intérieure et que la dimension plus apaisée qui succède traduisait l’accession à une certaine sérénité de l’esprit. C’est une interprétation possible, susceptible de surprendre l’auteur lui-même mais qui autorise bien d’autres explications. A chacun d’y projeter son propre imaginaire : le signe d’une œuvre de qualité.

Philippe Gnana

de posséder l’intégrale de leur groupe préféré. Ils y trouveront quelques bons moments mais il est indéniable que parfois, même lorsque les chiens aboient, la caravane peut rester figée dans les starting-blocks.

Raymond Sérini

www.glennsnelvar.com

Page 62: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 62

PRIME MOVERALIAS DRIVKRAFT Suède

Prime Mover alias Drivkraft est une nouvelle formation suédoise qui se révèle à nous. Mais on aurait tort, dans un réflexe pavlovien, de le placer soit dans la case crimsonerie nordique, façon Anglagard ou Anekdoten, soit dans la case orthodoxie progressive façon The Flower Kings ou Ritual. Le groupe s’ancre d’abord et avant tout dans une tradition suédoise qui ne saurait se résumer pourtant à de la musique folklorique. A l’image de Kerrs Pink ou de Kaipa, celui des années 70, c’est dans le choix de chanter dans sa langue natale, dans l’inspiration de ses lignes mélodiques et dans l’utilisation d’instruments tels que le violon, le bouzouki ou la trompette (tout comme Masque) que s’établit cette filiation avec la tradition musicale de sa terre d’origine. Cela étant, le groupe est aussi un groupe de son temps qui allie tradition et modernité. La pulsation rock est omniprésente et sous-tend la finesse mélodique. C’est en cela que le groupe se révèle authentiquement progressif, sans se situer nécessairement dans le sillage d’un ténor du progressif. Le combo semble s’être installé dans son propre sillon et devoir suivre sa propre voie. Un disque relativement court (environ 40 minutes), sans fioritures, sans superflu qui ne révèle aucune faute de goût, parfaitement équilibré : à découvrir.

Philippe Gnana

TROY DONOCKLEY & DAVE BAINBRIDGEFROM SILENCEOpen Sky Records - Grande-Bretagne - 2004

Autant l’album solo de Dave Bain-bridge intitulé Veil of Gossamer avait suscité notre plus grand enthousiasme (cf. Harmonie n° 52), autant cette collaboration avec Troy Donockley laisse dubitatif. On a beau expliquer les circonstances tragiques qui ont encadré l’enregistrement du projet (le décès accidentel de Dave Williams, ami intime de Troy, juste une semaine avant l’enregistrement, qui aurait ajouté une dimension quasi mystique au proces-sus), on a beau faire valoir le caractère tout à fait particulier des conditions d’enregistrement (un enregistrement quasi improvisé, sans musique écrite auparavant, dans le cadre d’une ca-thédrale, avec une technique innovante paraît-il), le résultat n’est pas facile à appréhender. Nul doute que l’expérience de l’enregistrement a pu constituer pour les protagonistes un moment particulier et intense, étant donné le cadre et les circonstances mais, de l’autre côté du CD, c’est une toute autre histoire. Cette new-age celtique semble s’étirer en longueur et il faut un énorme effort de concentration pour ne pas sombrer dans la somnolence. A moins d’être dans un état d’esprit propice à la méditation transcendantale, ce n’est pas gagné.

Philippe Gnana

ROBERT PLANTMIGHTY REARRANGERSanctuary - Grande-Bretagne - 46 min 30

Un magazine comme le nôtre, dédié à une musique dont les fondations sont très fortement ancrées dans les 70’s, ne pouvait passer sous silence le nouvel album de l’une des icônes de ces glorieuses années. Ce Mighty rear-

ranger n’est donc pas le premier album de mon voisin anglais des dernières vacances en camping mais bien celui de l’ex-chanteur de Led Zeppelin. Un album qui sort sous le nom de Robert Plant and The Strange Sensation Groupe avec lequel il avait déjà sorti un premier CD intitulé Dreamland, en 2002.

Quatorze titres au programme pour un peu plus de trois quarts d’heure de musique, autant dire que l’heure n’est pas à l’épanchement. L’album est donc assez direct et sonne plutôt rock avec parfois un son un peu trop sale comme c’est devenu une fâcheuse habitude depuis le début des années 90 et la comète grunge. Je vois déjà d’ici certains snobinards du rock se pâmer et prétendre que Plant renoue ici avec les glorieuses années Led Zep. Pourtant ce Mighty rearranger me laisse assez dubitatif et j’estime

que l’homme a fait mieux en solo avec son premier album, le très bon Pictures at eleven (1982) ou Fate of

nations (1993), par exemple. Quant aux réminiscences Led Zep même si elles sont nombreuses et indéniables, elles ne permettent pas pour autant aux compositions de vraiment décoller. Comme pour beaucoup d’autres quand on a connu la faconde d’un duo de compositeurs comme pouvaient l’être Page et Plant, difficile de faire mieux lors de l’effort solitaire. Il y a donc du Led Zep de-ci de-là comme ces inévitables sonorités acoustiques sur des titres comme All the king horses ou la ballade Dancing in heaven, le tempo destructuré de Freedom fries qui rappelle The crunge (House of

the holy) ou la non moins prévisible influence orientale qui transparaît sur The enchanter. Un morceau curieux plutôt hard rock lourd et lancinant au début pour s’achever sur des sono-rités modernes genre techno/dance ! Des sonorités modernes que l’on retrouve aussi sur Tin pan valley, l’un des meilleurs morceaux néanmoins qui alterne passages calmes avec chant presque parlé et des explosions très rock qui renvoient à rien moins que le fameux Whole lotta love. A noter encore le mélange réussi de blues acoustique avec une pointe de musique hindoue sur Somebody knocking.

A part ça, rien de bien spécial. Attention, cet album n’est pas mauvais mais il intéressera surtout les incondi-tionnels du Zeppelin car il est cependant assez loin de ce que l’on est en droit d’attendre d’un bonhomme de la trempe de Robert Plant. Par comparaison, allez donc jeter une oreille aux albums que réalise un certain Glenn Hughes, c’est d’un autre niveau !

Didier Descamps

TUNNELSLIVE THE ART OF LIVING DAN-GEROUSLYBuckyball Music - Angleterre - 2004

Tunnels présente son premier album en public après trois rondelles studios. Jamais relatés dans nos colonnes, (on ne peut pas tout recevoir…), ce groupe est une réminiscence voire une suite de Brand X. Fondé par Percy Jones, membre éminent de la célèbre formation jazz-rock britannique, Tunnels reproduit un succédané quasi identique dans l’esprit et surtout la forme de l’œuvre du groupe anglais, rejoint sur le tard, pour quelques performances scéniques par un certain… Phil Collins ! Tous les fans de Genesis connaissent d’ailleurs bien cette escapade du batteur à la fin des années 70. Accompagné de Marc Wagnon (guitares) et Frank Katz (batterie, autre membre de Brand X à partir de 1992), les seuls membres officiels de Tunnels, Percy Jones à la basse, s’adjoint les services de son ex-coéquipier, John Goodsall pour ces extraits de différents concerts donnés sur le territoire américain courant 2003 dont un morceau tiré du Nearfest ! D’où la forte ressemblance avec Brand X mais c’est aussi un conglomérat composé de Van Manakas (guitares), Mark Feldman (violon), Justin Feltin (guitariste suisse) et Mark Feldman (violon également) venu apporter son savoir-faire en la matière. On est en pleine confrérie jazz-rock comme le terme recouvrait l’époque 1974-1979 environ avec des formations aussi riches et variées que Mahavishnu Orchestra, Return to Forever, Shakti ou Passport.

Pour revenir sur John Goodsall, sachez que le bonhomme a participé à de nombreux groupes dont celui d’Alan Brown et Atomic Rooster sur l’album Nice’n’Greasy mais a débuté avec Babylon, groupe qui comprenait quelques futurs membres du Joe Coc-ker’s Grease Band ! Sacré pédigré qui précède l’aventure Brand X. Depuis, le guitariste a participé à des albums de Bill Bruford, Peter Gabriel, Billy Idol ou Bryan Adams.

Ce qui explique, sans aucun doute, l’évidente complicité entre Jones et Goodsall sur ces bandes live d’une haute technicité (le contraire aurait été

étonnant !), le bassiste et le guitariste s’en donnant à cœur joie dans des démonstrations qui n’altèrent jamais l’aspect purement musical de l’ensem-ble. Un son d’une pureté inouïe (ah… cette basse, oh… cette batterie !!), même les nombreux réfractaires à ce style musical ne peuvent que rester bouche bée devant une telle débauche d’énergie hyper concentrée sur le sujet. La variété des ambiances et la valeur technique des intervenants dont trois membres de Brand X, faut-il le rappeler, font de ces bandes live, un album d’une beauté absolue pour qui ferait l’effort de redécouvrir un pan soigneusement ignoré de l’école progressive.

Bruno Versmisse

www.troydonockley.co.uk

Contact : www.buckyballmusic.com www.skikraft.com

Page 63: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 5463

CD

SOULGRINDTHE ORIGINS OF THE PAGAN-BLOODHoly records - Finlande - 44 min 36

L’autre sortie en provenance de Holy records donne dans un genre beaucoup plus extrême. D’ailleurs vous vous doutez bien qu’avec un nom comme celui-là (littéralement « Le broyeur d’âmes ») ce groupe ne va pas venir vous conter fleurette ! Et l’espèce d’Alien qui orne la pochette semble prêt à bondir pour venir vous hacher menu !

Soulgrind est un groupe finlandais qui existe depuis 1992 et cet album

est déjà leur quatrième paru chez Holy records. Un coup d’œil au verso du CD et vous aurez deviné à la vue du bellâtre tout de cuir vêtu et le visage maquillé en blanc qu’il y a du black metal là-dessous. Certains dirons : « Après Metallica la fois dernière, du black metal maintenant ! Z’ont péter une durite chez Harmonie ! » On cherchera à bassement se justifier en disant que c’est d’abord par respect pour Holy records qui nous a envoyé ce CD et dont nous apprécions la démarche et l’esprit défricheur. Mais c’est aussi par pur éclectisme sachant que face à l’océan de musique alambiquée et planante qu’est parfois le prog, y a pas de mal à s’envoyer un petit truc plus basique de temps à autres. D’autant que limiter Soulgrind au seul black metal serait une grosse erreur. Certes il y a ces vocaux typiques au genre ainsi que quelques passages hyper rapides où ces fameux blast beat (Paganblood) mais ceci s’intègre dans le contexte d’une musique parfaitement construite, produite et interprétée qui mêle adroitement ces passages black avec un heavy symphonique de fort bonne facture. Quant au chant brutal

d’Azhemin il est contrebalancé par la douce voix d’une charmante brune répondant au nom de Lilith Whisper. Certains des musiciens ne sont pas des inconnus puisqu’ils ont joués avec des groupes comme Sinergy ou Children of Bodom. On trouve donc tout au long de ces dix titres un bon compromis entre des compositions qui arrachent comme on dit telles Paganblood, When those

nights have circled over et son intro symphonique à la Epica, Red river et son pont doom au piano ou encore The

tree of life et son intro à faire peur, et des titres plus posés comme The valley qui ouvre l’album de belle manière avec une bonne alternance entre les deux types de chant et un bon refrain ou encore le superbe Autumn au tempo assez lent, sans oublier Northlander où apparaissent quelques lignes de chant gothic. Rien ici pour accrocher l’oreille du fan de prog pur et dur. En revanche, celui qui voudra tenter l’expérience ne devrait pas être déçu, Soulgrind fait du bon boulot. Rien de fondamentalement original non plus et des groupes comme Soulgrind il en existe sûrement des dizaines dans ce milieu.

Ce qui vous fera choisir celui-là plutôt qu’un autre alors ? Disons que cela vous évitera d’y aller à l’aveuglette ; au moins, celui-ci, on vous le recom-mande. À moins que ce ne soit le fait que l’édition limitée propose un DVD bonus de 68 minutes avec 4 vidéos, 5 morceaux live, 2 bonus tracks, plus de 200 photos et même un extrait enregis-tré en France au festival de la Rotonde à Hirson. Soit de quoi faire largement plus ample connaissance avec ce sextet finlandais. Prenez juste garde à ne pas en abuser car je ne suis pas sûr que votre chère et tendre apprécierait de vous voir vous transformer en loup-garou à la tombée de la nuit ou invo-quer quelques démons ances-traux, nu au cen-tre d’un penta-gramme tracé au beau milieu du salon de belle-maman !

DidierDescamps

Page 64: HARMONIE Magazine SOMMAIRE n° 54 2005 édito éditorial HARMONIE Magazine n° 54 2 Harmonie : Com-ment et pourquoi un groupe choisit-il de baser sa propre musique sur celle jouée

HARMONIE Magazine n° 54 64

CD

LANA LANELADY MACBETHFrontiers - USA - 54 min 16

Quel paradoxe ! Confier l’interpréta-tion d’un personnage aussi sulfureux que Lady Macbeth à une femme et une chanteuse aussi chaleureuse et sensible que Lana Lane. Le pari était osé mais le couple Lana Lane/Erik Norlander qui fête ici le dixième anniversaire du début de la carrière internationale de Lana s’en sort avec les honneurs. Le couple est talentueux, ça on le sait, mais après dix ans le risque de se répéter et de lasser les auditeurs était grand. Alors certes cet album ne révolutionne pas leur style et ce n’est sans doute pas leur meilleur mais il contient suffisamment de titres forts pour emporter l’adhésion.

Comme à son habitude le couple a soigné son sujet. Lana s’est ainsi, comme le relatent les traditionnelles Notes from the producer desk, im-mergée de nombreuses semaines dans l’œuvre de William Shakespeare afin de s’imprégner du personnage de Lady Macbeth avec au final une présence plus importante qu’à l’accoutumée dans la composition de l’album. Un album concept donc où Lana et Erik ont cherché, au-delà d’une simple relatation des faits, à plonger l’auditeur futur au cœur de l’intrigue. Chacun sera juge de l’achèvement ou non de ce but. Pour la partie purement musicale, on retrouve un patchwork entre les habituels musi-ciens de studio qui accompagnent le duo, Don Schiff au stick Chapman, Neil Citron et Mark McCrite aux guitares, et certains de leurs touring members hollandais notamment l’excellent Peer Verschuren à la guitare ainsi que Ersnt van Ee à la batterie. Et il y a un petit nouveau assez inattendu en la per-

sonne de Kristoffer Gildenlöw, le frère de Daniel, et donc bassiste de Pain of Salvation. Après un album plus soft (Project Shangri-

là), on nous avait annoncé un retour au heavy puis-sant et sympho-nique de Secrets

of astrology. La réalité se situe à mi-chemin entre les deux puisque l’album contient

certes des brûlots comme Keeper of

the flame ou The dream that never ends mais aussi pas mal de ballades ou de morceaux assez calmes. Cette fois pas d’intro et d’outro instrumentale, on entre dans le vif du sujet avec d’emblée l’un des highlights de l’album. Ce The dream

that never ends commence tout doux mais débouche très vite sur un tempo très rapide si ce n’est le plus débridé du groupe à ce jour. C’est un titre de huit minutes, composé par Erik Norlander seul, parfaitement construit et sans le moindre temps mort. Un gros travail a été réalisé sur les guitares avec rien moins que six solos qui se succèdent, partagés entre Peer Verschuren et Neil Citron, auxquels vient se mêler Don Schiff. Nul doute qu’il sera l’un des prochains chevaux de bataille scénique mais dieu qu’il risque d’être complexe à reproduire. En écho survient Someone to believe, une composition 100 % signée Lana Lane. Un contraste mélodique du plus bel effet introduit au mini moog et nanti d’une guitare acoustique au son superbe appelée Variax. Dans une veine similaire, on classera Shine on golden sun, un mid tempo assez symphonique où la voix de Lana brille de milles feux. A noter un nouveau gros travail sur les guitares (quatre solos une fois encore) et même un peu de mandoline. Cette omnipré-sence des guitares est d’ailleurs l’une des caractéristiques d’un album où le maître ès keyboards Erik Norlander apparaît un brin plus en retrait que d’habitude. Que les fans se rassurent, il est toujours là quand même comme le prouve l’instrumental The vision, magnifiquement introduit au piano et où le moog se mêle au dialogue des guitares, ou Keeper of the flame, un autre tempo speed qui, avec son fier orgue Hammond, sonne un peu comme du hard à la Purple/Rainbow. Pour le reste et hormis le lent et assez rock Summon the devil, ce sont des ballades (4 sur 10). Le duo et Lana tout particulièrement sont généralement à l’aise sur ce style de chansons. C’est néanmoins sur ce terrain où il est plus difficile encore de faire du neuf. Ainsi Our

time now et We had the world sont-ils de bons morceaux mais qui sonnent un rien trop classiques, trop évidents. Je leur préfère No tomorrow aux sonorités plus originales avec un refrain plus appuyé ou le très joli Dunsinane walls qui clôt ce disque en douceur au son du piano, de la guitare acoustique et du mellotron (flûte, violon). Un morceau qui colle bien aux « sons » de l’époque à laquelle se réfère le concept.

Une ou deux baisses de régime donc mais rien qui ne doivent vous empêcher de goûter comme il se doit à cette nouvelle œuvre du duo américain qui nous offre en cerise sur le gâteau un joli livret agrémenté de magnifiques photos de Lana pour associer le plaisir des yeux à celui de l’ouie !

Didier Descamps

GROOVECTORDARKLUBING AT TAVASTIA KLUBMellow records - Finlande

Nous vous avons déjà longuement entretenu à propos de cet excellent groupe finlandais, dans le numéro 42 pour Ultramarine et le numéro 49 pour Enigmatic éléments. Nous ne nous attarderons guère sur ce nouvel opus qui propose une compilation des deux premiers albums, enregistrée dans des conditions live. En fait, l’enregistrement s’est effectué à un an de distance, en janvier 2001 pour les quatre premiers titres et en janvier 2002 pour les trois derniers. Remarquons simplement que le groupe sait transposer sur scène l’onirisme mélancolique inspiré de Camel dont il sait faire preuve sur ses disques. Une excellente façon de découvrir le groupe pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, mais un peu de la redite pour les autres, pas désagréable pour autant.

Philippe Gnana

LITTLE KINGVIRUS DIVINEUnicorn Digital - USA - 36 min 09

L’autre parution de chez Unicorn est beaucoup moins intéressante et enthousiasmante. Là aussi il s’agit d’un power trio formé cette fois de Ryan Rosoff au chant et à la guitare, de Shannon Brady à la basse et de Wes Kuhalekula à la batterie. Ce groupe a apparemment déjà réalisé un premier album en 1997. Il aura donc fallu huit ans pour lui donner un successeur et on peut se demander pourquoi tout ce temps pour arriver à un résultat si pauvre.

Dès la pochette plutôt moche, on ne le sent pas bien. Impression renforcée par les 36 petites minutes qui s’affichent lorsque l’on glisse le CD dans la platine. Et une fois qu’on a pressé la touche « play » défilent huit titres qui ne laissent aucune trace de leur passage. Une sorte de hard rock vaguement mélodique mâtiné de progressif à la Rush période fin des seventies (l’album est d’ailleurs mixé par Terry Brown), voilà le menu que nous propose Little king. Mais le plat manque cruellement de saveur aussi bien côté inspiration que côté interpré-tation (rien ni personne qui ne sorte du lot) et l’on a déjà entendu tout cela des dizaines de fois en mieux.

Très franchement je vois mal qui ce genre de disque peut bien intéresser. Désolé messieurs mais la copie est à revoir !

Didier Descampswww.groovector.com