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GESTION DES RESSOURCES PETROLIERES ET DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE Par Etanislas NGODI 11 e Assemblée Générale du CODESRIA 6 – 10 décembre 2005, Maputo, Mozambique. GESTION DES RESSOURCES PETROLIERES ET DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE NGODI Etanislas Chercheur IGRAC / Université Marien Ngouabi BP 13.244, Brazzaville Tel ( 242) 663 57 56 Email : [email protected] Le pétrole demeure une des matières premières les plus convoitées de la planète, au regard de son intérêt économique et sa dimension géopolitique et stratégique. L’importance de cette ressource dans le processus de développement apparaît irréversible. Cependant, dans

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GESTION DES RESSOURCES PETROLIERES ET DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE

Par Etanislas NGODI 11e Assemblée Générale du CODESRIA

6 – 10 décembre 2005, Maputo, Mozambique.

GESTION DES RESSOURCES PETROLIERES ET DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE

NGODI Etanislas Chercheur IGRAC / Université Marien Ngouabi BP 13.244, Brazzaville Tel ( 242) 663 57 56 Email : [email protected] Le pétrole demeure une des matières premières les plus convoitées de la planète, au regard de son intérêt économique et sa dimension géopolitique et stratégique. L’importance de cette ressource dans le processus de développement apparaît irréversible. Cependant, dans

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le contexte africain, l’utilisation des revenus pétroliers par les pouvoirs publics en place suscite des interrogations croissantes en raison de leur impact sur la distribution des richesses sur le développement. Dans le cadre de cette communication, nous traiterons des aspects suivants : l’enjeu de l’or noir africain dans la géopolitique pétrolière du nouvel ordre mondial ; la gestion et la contribution des revenus pétroliers dans le développement de l’Afrique. I- CARTE GEOPOLITIQUE PETROLIERE DE L’AFRIQUE 1- Présentation des pays pétroliers africains Le continent africain apparaît aujourd’hui comme un point névralgique du monde pétrolier. Il apparaît de plus en plus clair que le rôle de l’Afrique comme fournisseur des Etats- Unis et de l’Europe est renforcé. La carte de la géopolitique pétrolière de l’Afrique présente plusieurs zones d’intérêts économiques et stratégiques. Le Nigeria, l’Algérie, la Libye, l’Angola, le Congo, le Gabon, la Guinée – Equatoriale sont des principaux producteurs. D’autres pays comme le Tchad, les îles de Sao- Tomé et Principe, la Centrafrique, la République Démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire et la Mauritanie, s’ouvrent au monde pétrolier. Plusieurs licences d’exploration et d’exploitation sont accordées aux compagnies pétrolières au Soudan, en Ouganda, au Mozambique. Ce tableau montre que l’Afrique reste un continent pétrolier plein d’avenir, offrant une série d’avantages géostratégiques. L’Afrique du Nord en particulier l’Algérie, la Libye, l’Egypte et dans une moindre mesure la Tunisie est un fournisseur important du pétrole. Les deux premiers sont d’importants exportateurs de pétrole, alors que l’Egypte figure parmi les grands consommateurs. Cette réalité est lisible dans le tableau ci- dessous. Tableau 1 : Part du pétrole dans les exportations, le PIB et le budget de l’Etat Pays Exportations Part dans le PIB Part dans les ressources de l’Etat Libye 98 % 80 % 75 % Algérie 95% 30 % 60% Egypte 40% 4 % 10 % Source: Favennec, Copinschi, 2003 Par ailleurs, l’enjeu du Golfe de Guinée est relativement immense. Depuis la fin des années 70, cette région a intégré le paysage pétrolier mondial et est devenue l’une des destinations favorites des investisseurs pétroliers internationaux et la production y est relativement en forte croissance et de bonne qualité. Seul enjeu stratégique de la décennie sur le continent, l’exploitation du pétrole du Golfe de Guinée met en présence une galaxie d’intervenant qui œuvrent dans des cercles restreints aux règles difficiles à décrypter. Cette région connaît un développement harmonieux en terme de développement des champs pétrolifères (Nigeria, Angola, Guinée- Equatoriale, Tchad ) alors que d’autres pays entament leur déclin ( Gabon, Cameroun). Fig. 1 : Production pétrolière en Afrique subsaharienne

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Source : Agence Internationale de l’Energie, 2000 Des perspectives encourageantes se présentent en Afrique au regard des figures ci-dessous. Fig. 2 : Estimation de production Fig.3 : Projection de l’évolution de la production ( millions de barils / jour)

Source : Energy in Africa, 1999

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2- Pétrole et nouvel ordre politique mondial en Afrique L’Afrique connaît aujourd’hui une phase de boom pétrolier, devenant ainsi un acteur significatif de la scène pétrolière mondiale. La déstructuration du système économique fait de cette ressource un facteur de déstabilisation politique et sociale et source de la croissance économique. Au -delà des intérêts économiques, le pétrole est au centre des enjeux géostratégiques actuels notamment dans la gestion des relations internationales entre pays consommateurs du Nord et les pays de localisation de la production pétrolière. (1) - Le nouvel ordre mondial en question Depuis le 11 septembre 2001, on assiste à une sorte de troisième guerre mondiale, d’un nouveau type, qui se caractérise par des conflits permanents où s’imbriquent à la fois des guerres régionales, des crises mettant en cause les grandes puissances et un terrorisme de masse. Le 11 septembre a en effet marqué une césure aussi importante que la guerre froide dans l’histoire de l’humanité. Il a ouvert une période beaucoup plus longue de transformation du système international. Les Américains ont bien identifié les trois menaces contemporaines : le terrorisme, les armes de destruction massive et la tyrannie. La démonstration de force de la puissance américaine dans l’après-11 septembre éclaire le nouvel ordre mondial en construction et le consensus de Washington fondé sur le constat de la globalisation triomphante et annoncée. L’après-11 septembre annonce une accélération de la transformation stratégique et une montée conséquente de la puissance américaine. Avec le nouvel ordre mondial, l’Amérique doit mener la politique des forts. En effet, la géopolitique du pétrole est caractérisée par l’hiatus qui sépare les zones de gisements et celles de consommation des produits raffinés. Le nouvel ordre impérial peut être clairement défini dans la formule suivante : « Qui veut diriger le monde doit contrôler le pétrole. Tout le pétrole. Où qu’il soit ». Le nouvel ordre mondial, c’est l’anéantissement sans merci de toute opposition. Le but ultime de cette « théocratie ploutocratique » est de s’assurer, par tous les moyens, du contrôle des principales réserves énergétiques mondiales. Les priorités stratégiques américaines concernent : l’amélioration des capacités militaires en matière de sécurité internationale, la recherche de nouvelles sources de pétrole et la guerre contre le terrorisme. Le premier objectif stratégique vise en premier lieu à assurer l’invulnérabilité du territoire américain, en construisant un bouclier anti-missile et en préservant la supériorité américaine dans le domaine des armes de pointe. Il s’agit ensuite de développer la capacité des États-Unis à envahir des puissances régionales comme l’Irak, l’Iran ou la Corée du Nord. C’est ainsi que pour assurer la suprématie américaine à long terme, le président Bush se doit de mener une politique agressive, consistant en la mise au point d’une révolution de la pensée militaire. (2). Le deuxième objectif stratégique porte sur l’acquisition de nouvelles réserves pétrolières. Soucieuse de maîtriser le robinet des approvisionnements pétroliers dans le monde, les États-Unis font de leur politique sécuritaire un moyen de conquérir les riches réservoirs de pétrole situés dans les régions à instabilité chronique. Cette politique se traduit par la conduite ou la programmation de guerres de domination. Les territoires visés en particulier sont le bassin de

1 Durousset, M, Le marché du pétrole, Paris, Ellipse, 1999, pp 5-6 2 Mason, J., « Vers une sécurité intérieure mondialisée», Débat stratégique n°59, novembre 2001

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la mer Caspienne (en particulier de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan), de l’Afrique subsaharienne (Angola et Nigeria) et de l’Amérique latine (Colombie, Mexique et Venezuela).(3). Le troisième objectif stratégique, enfin, est la campagne contre le terrorisme. Cette « guerre au terrorisme » va cristalliser le consensus sur la refonte structurelle de l’appareil de sécurité nationale comme fondement d’un nouveau cycle de l’hégémonie américaine. Les dirigeants américains profitent des évènements du 11 septembre pour mener des opérations de guerre et de police internationale dans des conditions troubles avec des objectifs inavoués. Ils cherchent à réduire l’influence du pan-islamisme radical pour renforcer leurs positions dans le monde et mieux contrôler les ressources pétrolières. La guerre contre le terrorisme est un moyen d’accès au pétrole, dans le Golfe persique, dans le bassin de la mer Caspienne et dans d’autres « zones grises ».(4) Avec l’objectif consistant à maîtriser les ressources énergétiques, l’imperium nord-américain cible, entre autres sites de gisements de pétrole, le Golfe de Guinée qui détient des réserves aussi importantes que celles du Golfe persique. En effet, l’instauration d’un nouvel ordre stratégique et géopolitique recentre aujourd’hui la question des matières premières en Afrique , sur le pétrole. Les réserves pétrolières du Golfe de Guinée sont devenues un enjeu stratégique important à la suite des crises politiques et militaires apparues au Moyen-Orient, espace traditionnel d’approvisionnement des Américains et des Européens. La compétition en cours dans la sous-région se déroule dans un contexte de crise et de conflictualité qui ne profite pas aux populations, victimes des guerres civiles, mais plutôt aux multinationales américaines et françaises fortement impliquées. L’importance géostratégique du pétrole place plusieurs pays africains au centre des appétits et compromissions des multinationales occidentales. (5) - Nouveaux enjeux pétroliers dans le Golfe de Guinée La diversification des approvisionnements pétroliers reste le principal objectif de la stratégie occidentale dans le Golfe de Guinée. Plusieurs facteurs contribuent à l’intérêt croissant porté au pétrole de cette région, notamment la très bonne qualité de pétrole, avec une faible teneur en soufre, une caractéristique qui lui permet de répondre parfaitement aux besoins des consommateurs occidentaux et aux exigences techniques des raffineries aux États-Unis. Le pétrole africain procure donc des marges bénéficiaires particulièrement importantes, la proximité des champs pétrolifères des marchés américains, le long des voies maritimes de transport pétrolier et la disposition des gisements offshore, limitant du coup les interactions, potentiellement explosives, avec la population locale, mettant ainsi la production à l’abri des troubles sociaux susceptibles d’éclater dans le pays. Le risque politique, du point de vue des compagnies, en est réduit d’autant. L’importance géostratégique du pétrole n’est pas négligeable aujourd’hui dans le cadre de la redéfinition d’un nouvel ordre mondial, surtout au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. La position du Golfe de Guinée va changer dans l’avenir, particulièrement par les investissements étrangers. On assiste de plus en plus à un retour en force des compagnies dans les activités de prospection et d’exploitation du pétrole. Quelques chiffres reflètent leur « engouement » pour le continent noir, illustrant ce que certains chercheurs qualifient d’insertion rentière de l’Afrique dans la mondialisation. Aux dires de certains pétroliers, le

3 Mason, J., « Les retombées d’une conquête promise », Débat stratégique n°67, mars 2003 4 Saida Bedar, « L’hégémonie américaine après le 11 septembre », Débat stratégique n°58, septembre 2001 5 Wauthier, C., « Appétits américains et compromissions françaises », Monde diplomatique, octobre 1994

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Golfe de Guinée risque de devenir dans les vingt prochaines années, le « champ de bataille » le plus chaud dans la répartition des nouveaux marchés pétroliers. Avec plusieurs milliers de gisements découverts à ce jour, cet espace est en passe de devenir une des provinces de l’or noir les plus actives et les prometteuses. Aujourd’hui, les États du Golfe de Guinée reçoivent en premier lieu plus d’attention de la part des politiciens américains. Fruits de longues recherches menées par les firmes internationales comme Totalfina Elf, Petronas, Shell, Chevron-Texaco, ces découvertes prouvent à suffisance que l’Afrique dispose d’énormes potentialités pétrolières non encore explorées. Aussi, l’exploitation des gisements miniers et pétroliers se réalise de plus en plus en consortiums, alliances stratégiques momentanées associant des concurrents aux portefeuilles d’activités diversifiées. Par cette nouvelle forme de concentration, les multinationales ont acquis dans les négociations une capacité de neutralisation des pouvoirs publics, enjoints de se contenter de la rente qui leur est servie. Ces sociétés financent par conséquent un marché pétrolier international à la fois monopolistique, dans la détermination des coûts de production, et oligopolistique, en référence à la remise en cause de l’open market policy, par le partage des zones de production. Le regain d’intérêt pour le Golfe de Guinée fait partie de l’après-11 septembre 2001. C’est ainsi que M. Walker Kansteiner, sous-secrétaire d’État américain chargé des Affaires africaines estimait le 25 janvier 2002 que le pétrole du continent noir est devenu un intérêt stratégique pour les États-Unis (6). De son côté, le sénateur républicain de l’État de Californie, Ed Royce, président du sous-comité Afrique au sein du comité de la Chambre des représentants pour les relations extérieures, déclare que « le pétrole africain devrait être traité comme une priorité pour la sécurité nationale de l’après-11 septembre ». Selon les prévisions du National Intelligence Council américain, les Etats-Unis pourraient importer 25 % de leur pétrole d’Afrique subsaharienne d’ici à 2015 contre 16 % aujourd’hui, réduisant leur dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient. De son côté, le rapport AOPIG estime que les importations de pétrole africain devraient augmenter de 1,5 millions de barils par jour aujourd’hui à 2,5 millions de barils par jours en 2015. La concurrence féroce que se livrent les occidentaux dans la course aux gisements pétroliers réduit les chances de participation du continent africain à la mondialisation. Comme probable source d’approvisionnement pétrolier, le continent africain est contraint de se pencher sur son avenir pour espérer être maître de son destin, réussir son décollage économique au regard des jeux et enjeux qui se profilent à l’horizon. L’ampleur des investissements dans le secteur pétrolier au regard des convoitises pétrolières devait servir dans le cadre du développement de l’Afrique. II- RENTE PETROLIERE ET DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE 1- Facteurs du sous- développement des pays pétroliers africains Dans plusieurs régions, les richesses pétrolières sont sources d’instabilité, de corruption et de guerres civiles. L’utilisation des revenus tirés de la manne pétrolière ne participe pas toujours à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique équitable. La gestion du pétrole demeure une affaire privée entre le président de la République et la compagnie de pétrole agréée. Cette gestion rime avec constitution et approvisionnement de caisses noires, production de dossiers noirs et mise en place de fonds noirs. (7)

6 voir les documents de la Conférence de l’IASPS du 25 janvier 2002 7 Ngodi Etanislas « Pétrole et géopolitique en Afrique centrale », in Afrique centrale : crises économiques et mécanismes de survie, CODESRIA, 2005, pp. 71-72

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Les alliances stratégiques entre différents acteurs illustrent clairement le processus de pertes, de privatisation et de capitalisation des profits. Les recettes provenant de son extraction servent à maintenir les dictateurs au pouvoir, à leur offrir un appareil répressif sophistiqué ou à consolider des amitiés coupables. Par conséquent, l’utilisation des revenus ne participe pas toujours à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique. Plusieurs facteurs peuvent être énumérés comme étant à la base du sous- développement des pays producteurs du pétrole en Afrique. La corruption, la mauvaise gouvernance, les blanchiments d’argent alourdissent la dette des pays, alors que se consolident des circuits obscurs et réseaux maffieux qui interviennent dans le jeu pétrolier. De même, les préfinancements pétroliers, la redistribution des pétrodollars, les contrats pétroliers inefficients, les systèmes de bonus occultes accentuent la marginalisation de l’Afrique pétrolière dans le contexte global de la mondialisation.

• L’inefficience du système contractuel Les contrats pétroliers conclus dans la plupart des pays africains producteurs du pétrole sont souvent qualifiés d’inefficients. Ils sont signés dans un secret absolu au bénéfice d’un petit groupe de nantis et des compagnies pétrolières. La sécurité des investissements par la signature des contrats pétroliers renforce le processus de dépendance à l’égard de la rente pétrolière. A ce niveau, les crises de restructuration économiques servent dans l’ouverture et la déréglementation des marchés pétroliers africains. Deux types de contrats sont applicables : les contrats de concession et les contrats de partage de production. Les contrats de concession valables dans plusieurs pays (Angola, Gabon, Nigeria, Australie, Russie, Usa, Brésil, Norvège, Royaume- Uni, Colombie, etc.) n’offrent pas grand chose aux pays producteurs. Les Etats concèdent aux compagnies pétrolières des zones d’exploration pour une durée variant entre 25 et 50 ans pour une redevance dont la base proportionnelle de 17,5% est calculée sur le prix de vente. A cette redevance s’ajoutent des charges opérationnelles (impôts, taxes, frais d’exploration, évacuation et amortissement…). Par ailleurs, dans le cadre des contrats de partage de production adoptés dans plusieurs pays (Algérie, Libye, Egypte, Nigeria, Congo, Qatar, Indonésie, Kazakhstan, … ), les règles de partage de la rente pétrolière sont définies comme suit : Redevance minière (15%), Cost- Oil (50%), Profit Oil et Excess Oil (partage négociable), PID (1%) et Bonus. A la lumière des règles de partage définis, force est de constater que les bénéficiaires des différents contrats pétroliers sont les compagnies pétrolières. Dans le cas par exemple des CPP, la part attribuable aux Etats se situant entre 31 et 35 % dans la plupart des pays de l’Afrique sub-saharienne, alors qu’ils sont de l’ordre de 51% (Etat) contre 49% (compagnie) en Algérie et en Libye.

• Concentration des pouvoirs et des ressources L’exploitation des ressources pétrolières exige un grand savoir- faire et une excellente maîtrise des technologies de pointe. Dans le même temps, l’effet de la rente est généré par le pétrole pousse ainsi à la concentration tant de la production que des modes de financement. Dans ce contexte, la participation active et efficace des acteurs étatiques

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et transnationaux dans le jeu pétrolier explique l’imbrication des pouvoirs économiques et politiques et surtout la consolidation des relations d’intérêts mutuels. Le pétrole constitue une source de richesses hors du commun, dont l’appropriation très inégalitaire est généralement défendue ou contestée par la violence ou les détournements. En Afrique, le pouvoir est un instrument d’enregistrement, d’accumulation et de domination. C’est l’énonciation de la gouvernementalité du ventre (8), l’or des dictatures. Sa conservation et son exploitation permettent de s’amasser des fortunes immenses de la part de ceux qui occupent des positions d’autorité. (9) Seuls les kleptocrates qui ont la possibilité de profiter de l’argent du pétrole pour des affaires personnelles, maintenant ainsi la majorité de la population dans une situation de pauvreté sans cesse croissante. Des leaders comme Bongo, Biya, Obiang Nguema, Deby et Dos Santos appliquent la politique du partage du gâteau national dont une part importante et secrète vient du pétrole. Par le truchement de banques d’affaires comme FIBA, PARIBAS, CFD, ces sommes d’argent vont alimenter les comptes des hommes politiques convertissant ainsi la rente pétrolière en « réserve financière privée », fonds d’investissement sur le terrain politique : financement des activités de parti, achat des consciences citoyennes lors des élections, armement des gardes prétoriennes. Le problème de développement reste entier.

• L’absence de contre-pouvoirs Le désordre politique trouve son fondement dans le banditisme politique. La culture de violence et l’insécurité socio- économique sont des conditions mises en place pour la consolidation et la conservation du pouvoir. Le sous- développement des pays producteurs du pétrole n’est plus à démontrer en Afrique. En effet, dans la gestion de la rente pétrolière, de nombreux pays africains sont dépourvus d’institutions politiques capables de faire contre- poids, de lutter contre l’autocratie des régimes politiques, l’inefficacité des services publics et la mise à l’écart de la société civile dans les tractations politiques.

• Les préfinancements pétroliers Le préfinancement peut être défini comme un prêt, obtenu sur les marchés internationaux de capitaux, adossé à une vente de pétrole brut effectuée sur le marché pétrolier international. Ce prêt est accordé soit par l’acheteur de brut, soit par une banque. Le recours au préfinancement est, à l’origine, occasionné par les facteurs suivants : le décalage entre la période de réalisation des dépenses budgétaires et celle de l’encaissement des recettes de l’État issues de la vente de pétrole ; le niveau relativement élevé des besoins (dépenses) budgétaires après la période des guerres ; l’absence de l’aide et des financements extérieurs et les conditions des prêts accordés par les sociétés pétrolières. Les préfinancements pétroliers constituent la moitié de la dette du pays, et sont exceptionnellement difficiles à renégocier dans le cadre d'un accord de rééchelonnement de la dette. Le fossé entre les attentes immenses et les résultats économiques lamentables des pays producteurs de pétrole est politiquement explosif.

8 Bayard, J.F, L’Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Hachette, 1989 9 Médart, Etats d’Afrique noire. Formation, mécanismes et crise. Paris, Karthala, 1991 - Kamto, M, Pouvoir et droits en Afrique. Essai sur les fondements du constitutionnalisme africain Paris, LGDJ, 1991 - Bigo, A, Pouvoir et obéissance en Centrafrique. Paris, Karthala, 1988

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• L’endettement des pays pétroliers

Dans la plupart des pays producteurs du pétrole, la dette a gonflé de manière dramatique. Comme les pressions internes sur les dépenses publiques augmentent, les gouvernements s’endettent de plus en plus, allant jusqu’à hypothéquer les revenus pétroliers. (10) L’endettement des Etats pétroliers africains envers les agences de crédit à l’exportation des pays producteurs du pétrole du Golfe de Guinée se présente comme suit : Tableau 2 : Pourcentage de l’endettement extérieur détenu par les ACE (2000) Pays Pourcentage Nigeria 71 Gabon 55 Angola 20 Congo Brazzaville 42 République Démocratique du Congo 33 Cameroun 31 Source : Environmental Defense L’endettement des pays pétroliers est généré par des pressions qui viennent tant du côté de la demande que du côté de l’offre. Les gouvernements cherchent à emprunter pour couvrir les écarts entre les revenus attendus et les revenus effectifs, mais les banquiers sont, de leur côté, particulièrement favorables à ces prêts aux producteurs de pétrole parce que leurs crédits sont garantis par le pétrole. Les pays sont enfoncés dans la misère, la corruption et le pillage des ressources. La question qui demeure est de voir comment les richesses pétrolières peuvent - elles contribuer au développement économique .

• La redistribution des pétrodollars Les profits tirés de la rente pétrolière sont si importants que même les activités économiques saines préexistantes sont souvent désorganisées par la dépendance croissante envers les pétrodollars. La déliquescence des secteurs agricole et industriel des pays pétroliers rend ceux-ci non seulement encore plus dépendants du pétrole, ce qui exacerbe à son tour d’autres problèmes de dépendance, mais elle peut aussi mener à une perte définitive de compétitivité. Or, le secteur pétrolier ne peut pas compenser ce déficit : en effet, le pétrole est une enclave économique, c’est-à-dire une activité qui requiert de gros capitaux mais fournit peu d’emplois et n’a quasiment aucune retombée sur le reste de l’économie. Avec le temps, les revenus pétroliers diminuent la dépendance envers les impôts non liés au pétrole. Ils finissent même éventuellement par remplacer les systèmes fiscaux préexistants. Ceci libère les gouvernements des Etats producteurs des exigences des citoyens pour la transparence fiscale et la responsabilité politique qui viennent en contrepartie du droit des gouvernements de taxer la population. En fait, les pétrodollars finissent par desserrer les liens entre les populations et leur gouvernement, liens qui sont pourtant l’essence du contrôle citoyen.

10 Vershave, F.X, L’envers de la dette. Criminalité politique et économique au Congo et en Angola. Paris, Agones , 2001.

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Si la gestion des revenus pétroliers se fonde sur la transparence, la responsabilité et la justice, les pétrodollars peuvent être la source d’importants bénéfices pour les citoyens des pays producteurs de pétrole. Un processus de développement fondé sur le pétrole pousse ainsi fortement à la concentration tant de la production que des modes de financement, et ceci dans des pays où les pouvoirs économiques et politiques sont déjà souvent très concentrés. Comme les gouvernements des pays pétroliers détournent les pétrodollars pour leurs propres amis, leurs familles, leurs soutiens militaires ou politiques et pour les membres de leur clan ethnique ou religieux, la misère de la population est grande. Sans une amélioration des institutions démocratiques et de leurs capacités administratives, il est peu probable que les Etats pétroliers africains puissent utiliser leurs pétrodollars à une réduction effective de la pauvreté; au contraire, l’argent du pétrole va encore aggraver les conditions de vie des plus pauvres. La transparence dans les paiements des revenus pétroliers n’est pas pour autant la panacée pour résoudre les problèmes de mauvaise gestion de ces revenus. Les pétrodollars favorisent des régimes autoritaires et la militarisation des Etats pétroliers africains. Pris collectivement, les gouvernements consacrent plus d’argent tirés des revenus pétroliers aux dépenses militaires, car ils interdissent toute forme d’organisation allant dans le sens d’influer sur la gestion et la redistribution de la richesse pétrolière.

• Absence de contrôle fiscal ou institutionnel Les détournements de fonds au profit d'élites corrompues via des multinationales renommées sont monnaie courante dans plusieurs pays africains. Les revenus pétroliers alimentent les caisses noires dans des paradis fiscaux, détruisent la démocratie, nient la souveraineté des Etats, privent les populations des besoins humains fondamentaux et de ressources qui devraient leur revenir de droit. Ce système de prédation implique services secrets et loges maçonniques infiltrées dans les hautes sphères de l'Etat. Les conséquences visibles sont notamment: l'accroissement rapide d'une dette qui provoque une hémorragie criminelle de capitaux. Des sommes énormes ont servi dans des projets pharaoniques, à la demande des multinationales qui souhaitaient extraire les richesses du sous- sol africain; l'achat du matériel militaire dans la répression de l'opposition et dans des politiques clientélistes, pour renforcer les dictatures au pouvoir.

• Dépendance pétrolière Dans les pays de l’OPEP, la volatilité des prix du pétrole a une forte influence sur les finances gouvernementales. Elle ne permet en aucun cas la croissance, la bonne allocation des ressources, et l’équilibre de la balance des paiements. Cette volatilité des prix du pétrole rend les prévisions économiques et budgétaires extrêmement difficiles, empêche la stabilité des taux de change et entrave la libéralisation du commerce. Des effets énormes font sentir sur l’investissement, la redistribution des revenus, le niveau d’éducation et la réduction de la pauvreté. Dans un contexte de pressions pour dépenser toujours plus, de généralisation de la corruption et de pratiques de mauvaise gestion, les périodes de boom pétrolier s’accompagnent d’un relâchement des contrôles sur les dépenses publiques. Puisqu’il n’y a pas de transparence dans la gestion des revenus pétroliers, des budgets parallèles sont créés. Par conséquent, la stabilité des prix et la discipline budgétaire en souffrent. Ainsi, même lorsque la rente pétrolière est en abondance, les budgets des Etats pétroliers se caractérisent par des déficits et un taux d’inflation à deux chiffres.

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Tableau 3 : Dépendance pétrolière des pays africains Pays %PIB % Exportations % Revenus Nigeria 40 95 83 Angola 45 90 90 Congo Brazzaville 67 94 80 Guinée- Equatoriale 86 90 61 Gabon 73 81 60 Cameroun 49 60 20 Source : Banque mondiale, FMI, Département d’Etat américain, 2002. Le pétrole est au regard des données du tableau ci-dessus, la principale activité économique des pays et constitue le premier secteur d’exportation. Les gouvernements bénéficient des revenus du secteur pétrolier à travers les taxes, les impôts, les royalties et les bonus de signature.

La théorie de la dépendance pétrolière s’observe à travers le désengagement de l’Etat dans la prestation des services sociaux de base en vue de satisfaire aux conditionnalités du FMI, l’incapacité des Etats d’assurer leur légitimité politique par la redistribution de la rente, l’immobilisme politique, les contraintes du système financier et la crise de la dette liée à la stagnation de l’économie par des dépenses improductives liées à la légitimation de l’ordre social et le rôle central de l’Etat.

Le fait de dépendre du pétrole porte atteinte au développement pour les raisons suivantes: la mentalité de boom créée par la perspective de richesses pétrolières, incitant les pouvoirs publics à établir des projets grandioses ; l’accroissement spectaculaire des dépenses publiques du fait de l’augmentation des revenus (souvent bien moindres, en réalité, qu’ils ne s’imaginent) ; la perte du contrôle fiscal et de l'inflation ; accroissement de la dette extérieure… De même, l'instabilité du prix du pétrole porte atteinte à la croissance, à la distribution des ressources et à la réduction de la pauvreté. Les revenus pétroliers remplacent les impôts et affranchissent les pouvoirs publics du devoir de rendre compte de leurs dépenses au public.

2- Gestion opaque de l’or noir et les expériences nationales La rente pétrolière est à l’origine d’une entrée si disproportionnée en comparaison à d’autres secteurs économiques qu’elle engendre des logiques distributives. Suite aux fluctuations des prix du pétrole sur le marché mondial et aux négociations avec les firmes transnationales pétrolières, les pays producteurs sont contraints de réinvestir la rente dans l’entretien et l’expansion de leurs installations pétrolières et de s’endetter. La métamorphose de l’économie de rente à l’économie d’endettement est un trait caractéristique des Etats producteurs du pétrole. Cette tendance de libéralisation et de déréglementation est loin de favoriser le développement, puis que l’économie rentière prend la forme suivante : « l’accumulation du capital, la cohésion de la formation sociale et la légitimation de l’organisation politique qui dépendent des conditions de redistribution. » (11)

11 Carton, B., Pétrole en Afrique :violence faite aux peuples, Bruxelles, GRESA, 2000, p. 116

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Parler de la gestion de la manne pétrolière en Afrique, c’est aussi voir les acteurs de la scène pétrolière, les caractéristiques des Etats pétroliers et les spécificités locales. - Acteurs de la scène pétrolière en Afrique La scène pétrolière africaine connaît de nombreux acteurs parmi lesquels les institutions publiques, les compagnies transnationales, les sociétés d’Etat et les sociétés de sous- traitance pétrolière. Les institutions publiques (Etats) assurent des missions de réglementation, de régulation, de suivi, de contrôle et d’arbitrage entre différents acteurs en cas de discorde. Les sociétés de sous- traitance et de service assurent les missions de production liées aux activités de la filière aussi bien en amont comme en aval. Elles apportent un certain nombre de service aux compagnies pétrolières internationales et aux firmes d’Etat des pays producteurs. Dans ce groupe, on trouve des sociétés comme Dowell, Schlumbeger, Halliburton, etc.Les compagnies transnationales comprennent des majors qui contrôlent près de 70% de la production pétrolière mondiale. On trouve sur cette liste : Exxon Mobil, Royal Dutch Shell, British Petroleum, Chevron, Gulf, Texaco, Amoco, Arco, Total, etc. (12) Elles sont impliquées dans les travaux d’exploration, distribution, exploitation et production en Afrique. Les compagnies pétrolières indépendantes sont d’ores et déjà parvenues à s’établir dans certains pays comme des acteurs essentiels du jeu pétrolier. C’est le cas de Vanco, Armerada Hess, Marathon, Ranger Oil, Eni, Océan Energy, Triton, Petronas et Petrochina. Les compagnies pétrolières nationales jouent un rôle actif et déterminant dans la gestion des activités pétrolières. L’exemple du Moyen- Orient est révélateur avec des compagnies telles que Saudi Aramco (Arabie Saudite), l’INOC (Irak), la NIOC (Iran), KPC (Koweit ), ADNOC (EAU) (13). En Afrique, la situation est différente. A côté des compagnies nationales bien structurées comme la Libya NOC (Libye), la Sonatrach (Algérie), il faut ajouter les compagnies pétrolières nationales suivantes : NNPC (Nigeria), Sonangol (Angola), SNPC (Congo Brazzaville ),SNH ( Cameroun), Petrosen ( Sénégal), GEPetrol ( Guinée- Equatoriale), Sudapet (Soudan). Le Gabon pourtant ancien producteur du pétrole n’a toujours pas de société nationale. C’est le Ministère des Mines, de l’Energie et du Pétrole qui représente l’Etat dans les activités pétrolières. La gestion de la rente pétrolière est marquée par le poids considérable des compagnies pétrolières transnationales. Les parts importantes de partage de production reviennent aux multinationales occidentales. Un échantillon de ces compagnies peut être présenté dans le tableau ci- dessous. Tableau 4 : Compagnies pétrolières actives en Afrique subsaharienne Pays Compagnies pétrolières Nigeria Shell, Chevron Texaco, Total, Exxon Mobil, ENI/Agip Angola Total, Chevron Texaco, ENI/Agip, Shell, BP Amoco Congo Total, Chevron Texaco, ENI/Agip, Zetah M&P, Perenco , Occidental

petroleum Gabon Total, Shell, Vaalco Guinée- Equatoriale

Exxon Mobil, Ocean Energy, Marathon, Amerada Hess, Triton, CEPSA, Golf

12 Mihailovitch, L., Pluchard, Les compagnies pétrolières internationales, Paris, PUF, 1981, p.3 13 Jacquet, P, Nicolas, F., Pétrole : crise, marchés et politiques, Paris, IFRI, 1991,pp.25-27

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Sao Tomé et Principe

Chrome Energie, PGS, Royal Dutch Shell Exxon Mobil

Cameroun Total, Perenco, Pecten Tchad Chevron Texaco, Exxon, Petronas, Conoco Source : auteur Outre les compagnies pétrolières, les autres acteurs interviennent à travers des réseaux pétroliers parfois mafieux (sous- traitants ou prestataires de service). C’est le cas des "Messieurs Afrique" des compagnies publiques ( Amerada Hess, BP, Chevron, Energy Africa, Exxon, Marathon, Ocean Energy, Roc Oil, Shell, TotalfinaElf, Vanco, Conoco Philips…), les responsables Afrique des compagnies pétrolières (ENI, JNOC, NOC, Norsk Hydro, Petronas, Petrobras, PetroSA), des traders d'influence (Addax, Aurora, Glencore, Petrolin, Vitol), des banquiers du pétrole (AMB, AIG, BNP Paribas, Crédit Lyonnais, Natexis, Eximbank, Deutsche Bank…), des cabinets d'avocats spécialisés (Baker Botts, Cleary Gotlieb, Clifford Chance, Herbert) et des consultants et sociétés de sécurité ( KPMG, PGS, SSF, Geos, Kroll Associates, Ernest & Young…). Les interventions multiples des acteurs de la scène pétrolières ont des incidences énormes dans le processus du développement. Le pouvoir de négociation des Etats d'accueil pauvres est faible. Seules, un petit nombre de sociétés pétrolières extrêmement puissantes et importantes sont techniquement capables d’avoir accès aux gisements profonds. Les bénéfices d'Exxon - évalués à 15 milliards de dollars en 2001 - sont dix fois plus élevés que le PNB de 1,4 milliards de dollars du Tchad. - Caractéristiques des Etats pétroliers Le continent africain attire les sociétés pétrolières internationales pour plusieurs raisons. En premier lieu, le pétrole y est typiquement de très bonne qualité. Deuxièmement, il est facile à transporter aux marchés des Etats-Unis – et il est par-dessus le marché plus accessible que les gisements du Moyen-Orient. Troisièmement, la production pétrolière africaine est moins risquée pour les multinationales puisqu'elle a surtout lieu offshore, à l’abri des risques de perturbation sociale et politique des gisements à terre. Les revenus pétroliers jouent en conséquence un rôle de plus en plus important dans l'économie africaine. Force est de constater que les pays producteurs africains sont à l'heure actuelle les plus en proie à des difficultés économiques, les plus autoritaires et les plus susceptibles aux crises. Les revenus pétroliers s'accompagnent d'un accroissement de la pauvreté, de la corruption et des situations de conflit ainsi que d'un autoritarisme des pouvoirs publics qui manque de transparence, de responsabilité et d'équité. (14) La dépendance envers le pétrole encourage la corruption sous différentes formes: les sociétés effectuent des paiements ou accordent des prêts aux fonctionnaires de l'Etat pour obtenir des contrats et d'autres avantages. Les élites peuvent détourner les profits pour leur propre consommation, pour financer leurs intérêts d'affaires, ou pour acheter des armes pour maintenir leur contrôle des ressources naturelles. Dans certains cas, les ressources pétrolières ont permis de financer les régimes autoritaires (Nigeria, Tchad), d’approfondir des tensions ou conflits armés (Soudan, Congo Brazzaville, Nigeria). Comme la croissance économique n'augmente pas à la mesure des espérances, les pouvoirs publics des Etats pétroliers ont recours à la répression pour maintenir leur pouvoir.

14 Bottom of the Barrel, Global Witness, mars 2004, p.18

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- Spécificités et expériences nationales Le pétrole peut être un moteur essentiel du développement économique et social du continent africain, à condition de bien gérer les ressources et de réduire les conflits. Ce qui n’est pas le cas dans beaucoup de pays pétroliers, en particulier le Congo Brazzaville, le Nigeria, l’Angola et la Guinée- Equatoriale, dont les dirigeants ont été mis en cause à plusieurs reprises pour gaspillage et corruption, par plusieurs organisations non gouvernementales (Global Witness, Transparency International), mais aussi par des experts du Fonds monétaire international. Il sera ici tenté de mettre en perspective de façon très succincte la situation particulière de quelques pays producteurs du pétrole africain dans le but d’illustrer les modèles de gestion de l’or noir.

Le Tchad La prospection pétrolière au Tchad débute dans les années 1960. C’est vingt ans plus tard, que les activités d’exploitation recommencent en 1993, avant d’être suspendu en 1999. Les activités reprennent en août 2001 au lendemain de l’approbation du projet par la Banque Mondiale en juin 2000. Les réserves du bassin de Doba estimées à environ un milliard de barils, seront exploitées à travers 300 puits à concurrence de 225 000 barils par jour, durant une période de 25 à 30 ans. Les revenus globaux de l’exploitation sont estimés à 12 milliards de dollars. De ce montant, le Tchad recevra entre 2,5 et 5 milliards en revenus directs des droits sur la vente du pétrole, des taxes et des dividendes selon l’évolution des cours. Les dépenses du consortium et les emplois devraient rapporter quelque 3,5 milliards de dollars au plan local. Pour le Tchad, pays enclavé et ruiné par la guerre civile, les revenus pétroliers sont une opportunité d’améliorer les conditions de vie des populations, en particulier celles des zones rurales. Mais, se basant sur des exemples d’autres pays africains exportateurs de pétrole et sur la nature du système politique tchadien, nombreux sont les observateurs qui estiment que le pétrole permettra au Tchad de sortir du sous- développement. (15) Dans le but d’emmener les autorités tchadiennes à prendre l’engagement de consacrer une part considérable des revenus pétroliers au développement économique et social, le plan de gestion de la manne pétrolière adopté le 28 octobre 1998 et voté par l’Assemblée nationale tchadienne en décembre 1998 prévoyait l’affectation des ressources et les mécanismes de gestion des revenus pétroliers comme suit : 80 % seront destinés au développement rural (agriculture, élevage, eau, santé, éducation…), 10% seront réservées aux générations futures et 10% pourront couvrir diverses dépenses. Un Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources pétrolières (CCSRP) autorise les décaissements et contrôle l’affectation des fonds. Ces dispositions idoines et sans précédent, semblent avoir été prises pour éviter que les revenus pétroliers ne viennent creuser davantage le fossé entre les gouvernants nantis et les gouvernés dénués du minimum vital. Mais le Tchad est-il à l’abri du couple infernal Ressources-Violence, qui émaille la vie de la plupart des Etats d’Afrique subsaharienne exportateurs de pétrole ? Reste à savoir si le Tchad innovera dans la gouvernance des ressources pétrolières. Certainement pas, la mauvaise gouvernance dans les Etats africains n’est plus à démontrer. L’autoritarisme récidiviste du régime tchadien, les discriminations et exactions répétées, la personnalisation du pouvoir sont autant des problèmes qui se posent dans la redistribution des revenus pétroliers.

15 Loalngar, M., “ Le pétrole tchadien, le tournant decisive “ in le Temps n°227 du 31 novembre 2000 - Guetta, « de l’or noir à la guerre, les prémices d’une fin de règne », Temps n°227 du 31 novembre 2000

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Le Nigeria Le Nigeria occupe une place enviable par rapport aux autres pays producteurs du pétrole africain : 1er producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne, 5e producteur de l’OPEP après l’Arabie Saoudite, le Venezuela, l’Iran et les Emirats Arabes Unis. Les pétrodollars constituent 83 % des revenus du gouvernement fédéral, plus de 95 % des revenus d’exportation et environ 40 % du PIB. Ce pays possède approximativement 30 milliards de barils environ de réserves prouvées à en croire les sources officielles nigérianes. Il dispose d’un grand marché intérieur de 125 millions d’habitants. La dépendance pétrolière est écrasante au Nigeria. Les richesses pétrolières ont peu fait pour améliorer la situation des plus pauvres. Plus de 70 % des Nigérians vivent avec moins d’un dollar par jour. La mauvaise gestion et les stratégies de recherche de positions de rente sont si généralisées que le Nigeria est devenu quasi synonyme de corruption. Le détournement des revenus du pétrole est au quotidien. Les revenus de la vente du pétrole de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) sont versés sur un compte de la Banque Centrale du Nigeria que se répartissent ensuite les trois niveaux de gouvernement selon une règle constitutionnelle. En raison de l’absence d’instruments de stabilisation fiscale, de responsabilité et de transparence, les résultats sont, hélas, plus que prévisibles : les pétrodollars sont détournés ou gaspillés. Aucune règle fiscale n’est en place pour assurer la pérennité du système fiscal ou l’équité intergénérationnelle. Pour Human Rights Watch,« seule une très faible partie des revenus pétroliers reversés par le gouvernement fédéral aux gouvernements locaux est véritablement dépensée pour des projets réels de développement : il semble n’y avoir ni contrôle, ni audit digne de ce nom des dépenses faites par les autorités locales. » (16) Le Nigeria présente d’autres symptômes classiques du mal-développement lié au pétrole. La détérioration des conditions de vie s’est accompagnée d’une désintégration des structures politiques, d’une augmentation des violations des droits de l’homme liées au pétrole et de la violence dans la région pétrolière du Delta du Niger. Le gouvernement fédéral n’a jamais connu la stabilité, alternant entre des dictatures militaires et des régimes civils. Il existe un cycle d’activisme, de militance et de répression lié au pétrole, alimenté notamment par le fait que les déversements accidentels de pétrole et d’autres problèmes environnementaux se répercutent lourdement sur les moyens de subsistance des populations locales. L’affaiblissement de la légitimité de l’Etat a été à l’origine des conflits intercommunautaires alimentés par la distribution de la rente. Les compagnies pétrolières sont devenues la cible des communautés locales qui ne reçoivent quasiment rien des bénéfices de la production de pétrole de leur région payés au gouvernement fédéral, aux gouvernements des états fédérés et aux gouvernements locaux. Elles estiment que les compagnies pétrolières internationales sont en partie responsables des dommages à l’environnement et des violations des droits de l’homme. La gestion de la rente pétrolière au Nigeria ne participe nullement à la réduction de la pauvreté. Le secteur pétrolier est soumis à un système fiscal spécifique pour les compagnies étrangères dénommé « Memorandum of Understanding ». Les revenus pétroliers se répartissent entre la recette des exportations du pétrole de la NNPC, la taxe sur les profits pétroliers (PPT), les royalties, les revenus de la vente de pétrole brut sur le marché intérieur

16 Human Righs Watch, No Democratic Dividend, octobre 2002.

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et les revenus de la vente du gaz. Le taux de la PPT est de 85 %, celui des royalties est de 20 % pour la production terrestre et varie entre zéro et 18,5 % pour la production offshore. La règle de redistribution est : 48,5 % pour le Fédéral, 24 % pour les Etats et 20 % pour les gouvernements locaux. Les 7,5 % restants sont alloués à un fonds spécial. Le gouvernement fédéral a donné son accord pour que les revenus supplémentaires générés lorsque le prix du baril est supérieur à 20 dollars soient versés sur un compte spécial pour le développement, mais cette promesse, juridiquement non contraignante, n’a jamais été tenue.

L’Angola L’Angola est aujourd’hui considéré comme un site à forte compétition entre les compagnies internationales qui procèdent dans certains cas à des ententes stratégiques pour réduire la compétition. En effet, l’importance stratégique de l’Angola, en tant que « point chaud » de l’industrie pétrolière et deuxième producteur de pétrole du continent, est indéniable. Avec des réserves de plus de sept (7) milliards de barils, supposées être plus importantes que celles du Koweït note Jessica Lawrence (17). La dépendance pétrolière de l’Angola est profonde : de 1995 à 2001, les revenus fiscaux pétroliers ont représenté 70 à 90 % des revenus de l’Etat et plus de 60 % du PIB. Plus de 97 % du pétrole angolais se trouve offshore, ce qui limite les interactions entre les compagnies et les populations locales. Plus de 40 % de son pétrole sont exportés vers le marché américain. La production devrait atteindre 2 millions de b/j d’ici 2008 (18). Comme au Nigeria, la dépendance pétrolière de l’Angola est profonde. En 1960, le pétrole représentait 8% du PIB et l’agriculture 50%. En 1995,la part de l’agriculture était de 17% et celle du pétrole, de 40%. Aujourd’hui, les revenus fiscaux pétroliers ont représenté 70 à 90 % des revenus de l’Etat et plus de 60 % du PIB. Aujourd’hui, les revenus fiscaux pétroliers représentent 80 % des revenus de l’Etat et plus de 60 % du PIB. (19) La rente pétrolière constitue une manne en circuit fermé qui ne bénéficient pas au reste de l’économie. Le pays dépend presque uniquement de ses revenus pétroliers aujourd’hui en expansion. La guerre et la dette ont transformé l’Angola en un pays ruiné. 68 % des Angolais vivent en dessous du seuil de pauvreté et 66 % n’ont pas d’accès à l’eau potable. La fin de la guerre présente une occasion sans précédent de rediriger les revenus pétroliers pour les allouer à l’aide humanitaire et au développement. L’histoire de l’Angola en matière de corruption et de transparence laisse la plupart des observateurs sceptiques sur les chances d’une telle évolution. En 2002, l’Angola était le 3e Etat le plus corrompu parmi les 102 pays étudiés par Transparency International. Le Département d’Etat américain a même affirmé que : « La richesse du pays demeure concentrée dans les mains d’une petite élite qui utilise ses positions gouvernementales pour s’enrichir personnellement et massivement, et la corruption continue à tous les niveaux…On estime que 50 % des dépenses de l’Etat n’apparaissent pas dans le budget officiel ».(20) Selon l’Economist Intelligence Unit, le système de financement parallèle en Angola génère des détournements à grande échelle des revenus pétroliers. Les revenus perçus par Sonangol, provenant des taxes et des participations de la compagnie dans les opérations de production

17 Jessica Lawrence, Département d’Etat américain, «Washington File », « Commerce Assistant Secretary for Energy Briefs Press From Angola », 4 décembre 2002. 18 Martin Quinlan, « A Million Barrels a Day in Sight », Petroleum Economist, février 2003. 19 Carton, B., Le pétrole en Afrique: la violence faite aux peuples, Bruxelles, GRESA, 2000, p.178 20 Département d’Etat américain, Angola Country Report on Human Rights Practices 2002, 31 mars 2003.

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ne sont simplement pas rapportés dans les comptes du gouvernement. Aussi, le prix de pétrole est sous-estimé dans le budget de l’Etat et tout revenu dépassant cette estimation n’est jamais déclaré. Les déclarations des dépenses gouvernementales ne sont pas exactes. Les paiements de Sonangol au gouvernement ne sont transférés qu’après un long délai, après avoir été convertis en monnaie locale. En raison du taux d’inflation élevé de l’Angola, les revenus gouvernementaux sont considérablement dévalués au moment du transfert. Enfin, par l’utilisation de circuits financiers complexes qui entourent les emprunts gagés sur le pétrole. (21) En 2001, le régime de Luanda affirmait que les revenus pétroliers apportaient 3,18 milliards de dollars au budget annuel de l’Etat, soit 90,5 % du total des revenus gouvernementaux, (22), alors que les estimations parues dans la presse sur les sommes réelles versées au gouvernement varient entre 3 et 5 milliards de dollars par an, et au moins 4 milliards de pétrodollars auraient été détournés au cours des cinq dernières années. (23) L’opacité des revenus pétroliers de l’Angola, dans la lutte contre la pauvreté pose le débat sur la gestion des pétrodollars à travers la fiscalité pétrolière. Le problème de remboursement des prêts gagés sur le pétrole.

Le Congo Brazzaville Le Congo-Brazzaville au 3e rang des pays producteurs après le Nigeria et l’Angola. Les recettes d’exportations pétrolières ont grimpé de 820 millions de dollars en 1994 à 2,5 milliards de dollars en 2001, avec une production pétrolière de 283.000 b/j (estimations de 2000). La compagnie française Elf contrôle les 2/3 de sa production et le 1/3 restants est partagé par les sociétés italiennes Agip (actuelle ENI) et américaine Amoco. L’ or noir représente 80% de ces recettes d’exportation. La gestion opaque des recettes s’accompagne de l’expansion de la corruption. Avec des finances et un endettement non maîtrisés, le pays ne cesse de réclamer un statut à part de Pays Pauvre Très Endetté (PPTE). Les revenus pétroliers devraient fournir une base suffisante pour le développement d’un pays d’à peine 3 millions d’habitants, mais la faiblesse des institutions et la dépendance de l’Etat aux pétrodollars ne l’ont pas mis en situation de bien négocier ses contrats pétroliers. Ces revenus comprennent les recettes de la vente de la partie de la production de pétrole qui lui revient de droit, les royalties et le paiement de bonus de signature lors de l’attribution des permis d’exploration. Comme dans tout CPP, les bénéfices pétroliers sont partagés entre le gouvernement et les compagnies selon les clauses du contrat. Les termes de ces contrats sont encore très favorables aux compagnies pétrolières. (24) Les guerres civiles successives entre 1993 et 1999 et la dépendance envers le pétrole ont exacerbé le désordre fiscal. Le Congo Brazzaville n’a jamais réellement défini de stratégie fiscale cohérente pour faire face aux fluctuations du prix du pétrole et au caractère par nature

21 Economist Intelligence Unit 2002 22 Human Rights Watch, « The Oil Diagnostic in Angola: An Update », mars 2001.

23 David Leigh, « Angolan oil millions paid into Jersey accounts », The Guardian (Londres), 4 novembre 2002. - - Henri Cauvin, « IMF Skewers Corruption in Angola », New York Times, 30 novembre 2002.

24 Le taux des royalties est de 12 %. Elles s’appliquent sur le volume brut de production et sont perçues dès le démarrage de la production. Le « profit oil » se détermine en déduisant de la production brute les coûts de production (le « cost oil ») et les royalties.

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limité de ses ressources pétrolières. Si l’absence d’un fonds d’épargne peut s’expliquer par les besoins nécessaires à la reconstruction de l’après-guerre du pays, l’absence d’un fonds de stabilisation, destiné à faire face à l’évolution des revenus pétroliers en fonction des fluctuations du prix du pétrole, est réellement préoccupante. La confusion et le chevauchement des responsabilités des mandats administratifs ajoutent un peu plus au chaos qui caractérise la gestion pétrolière du Congo. Pendant des années, personne ne savait réellement quelle administration était chargée de la définition et de la mise en œuvre de la politique pétrolière gouvernementale, de la gestion des activités des compagnies pétrolières étrangères, ou encore de la négociation des contrats entre l’Etat et les compagnies. Dans un rapport publié en 2003, Global Witness accuse Elf d’avoir institutionnalisé l’opacité, favorisant des gouvernements qui ne répondent pas de leur gestion, un endettement massif et une instabilité chronique. L’ONG explique comment le Congo avec 3 millions d’habitants est devenu le pays le plus endetté du monde, per capita avec 6,4 milliards de dollars à rembourser aux créanciers étrangers. (25) La pratique des prêts gagés permet ainsi de comprendre le processus de dilapidation de la rente pétrolière. Le pays a été obligé d’utiliser ses réserves pétrolières comme garantie pour contracter des emprunts auprès de banques commerciales étrangères. Les emprunts gagés sur le pétrole assortis de taux d’intérêt très élevés sont exceptionnellement difficiles à renégocier dans le cadre d’un éventuel accord de rééchelonnement de la dette. Le gouvernement congolais s’est engagé en 2001 auprès de la Banque mondiale et du FMI à ne plus contracter de tels emprunts, sans tenir parole. L’impératif de transparence et de responsabilité dans la gestion du secteur pétrolier est une question clef du dialogue du gouvernement avec la Banque mondiale et le FMI. Récemment, le gouvernement s’est engagé à lancer un certain nombre de réformes, incluant un audit de la compagnie pétrolière nationale, la SNPC, une révision opérationnelle complète du secteur pétrolier, la restauration du contrôle fiscal, et l’arrêt des emprunts gagés sur le pétrole. Ces réformes sont en grande partie une réponse aux évolutions de l’environnement politique international. Ainsi, dans ses rapports, le FMI a clairement fait savoir au gouvernement congolais qu’il ne pourrait pas espérer être éligible à un accord de réduction de la dette en tant que Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) s’il continuait à contracter des emprunts gagés sur la future production de pétrole. Selon le FMI, entre 1999 et 2002 , 248 millions de dollars provenant de l’extraction du brut n’ont pas laissé de traces dans la comptabilité nationale. La SNPC, véritable caisse noire du régime est présentée comme une entreprise privée quand il s’agit de ses profits substantiels. Plus de 70 % de la population congolaise vivent avec moins d’un dollar par jour. En dépit des revenus exceptionnels du pays, la mortalité infantile est anormalement élevée et l’espérance de vie se situe seulement autour de la moyenne des pays d’Afrique sub-saharienne. Alors que les dépenses militaires augmentent, les infrastructures sanitaires et scolaires se délabrent pour cause de déficits budgétaires. La déclaration des Evêques Catholiques du Congo-Brazzaville, traduit bien cette réalité : « Le peuple congolais est mal informé sur le montant des recettes de notre pays grâce à cet or noir et ignore leur mode d’utilisation. Ce qu'il sait fort bien, c'est que le prix du pétrole ne se mesure pas en barils ou en dollars mais par la misère, les guerres successives, le sang, le déplacement des personnes, l'exil, le chômage, le paiement tardif des salaires, le non-paiement des pensions. »

La Guinée – Equatoriale

25 S.Smith “ Congo, Angola, Guinée-Equatoriale: trois kleptocraties pétrolières africaines” in Monde, 24 /03/04

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La Guinée- Equatoriale détient aujourd’hui le record mondial en matière d’octroi de permis de recherche pétrolière off shore en cours. Les recettes du pays sont rapidement passées de 3 millions de dollars en 1993 à environ 212 millions de dollars en 2000. (26). Le PIB par habitant est passé de 800 dollars dans les années 1990 à plus de 2000 dollars aujourd’hui. La production pétrolière a atteint 265.000barils/j en 2002. Le pays pourraient trouver l’occasion de créer une dynamique pour redistribuer sa nouvelle richesse plus équitablement. Les revenus pétroliers sont rapidement passés de sommes modestes pendant les années 1990 à des montants immenses aujourd’hui ; les recettes de l’Etat ont ainsi bondi de 3 millions de dollars en 1993 à environ 212 millions de dollars en 2000, et environ 725 millions de dollars en 2003. (27) Ces immenses revenus pétroliers devraient permettre à cette ancienne colonie espagnole de s’engager fermement sur le chemin de la lutte contre la pauvreté. Depuis 2001, le gouvernement Equato- guinéen a annoncé son intention de créer une compagnie pétrolière nationale, aujourd’hui appelée Gepetrole ( parfois dit Petroguesa ou PetroGuinea), afin de permettre au pays de prendre des participations plus importantes dans le secteur pétrolier amont et de faciliter le transfert de technologies. Soudainement courtisée par la France et par les Etats-Unis, ce pays est passé de l’archétype del’obscur « trou perdu des tropiques » à celui de nouveau point de mire de l’industrie pétrolière mondiale. Au cours des prochaines années, la Guinée Equatoriale va probablement dépasser le Congo-Brazzaville pour devenir le troisième producteur africain de pétrole avec une production de l’ordre de 300.000 à 400.000 b/j – un niveau de production qui devrait se maintenir pendant une quinzaine d’années. Ce début de boom pétrolier est emmené par ExxonMobil, actuellement l’opérateur le plus important du pays, mais le gouvernement a récemment attribué d’importantes licences à Total, ChevronTexaco et à d’autres compagnies. La Guinée Equatoriale est un cas idéal où les acteurs internationaux pourraient trouver l’occasion de créer une dynamique pour que ce nouveau producteur de pétrole redistribue sa nouvelle richesse plus équitablement. A moins d’importants et de rapides changements, le cocktail actuel de dépendance pétrolière, de négligence de l’agriculture, de banalisation de la corruption, de déliquescence des institutions et d’autoritarisme du régime constitue une excellente recette pour un avenir misérable. La dépendance pétrolière s’est généralisée dans l’économie de la Guinée- Equatoriale. Aujourd’hui, le pétrole représente 61 % des revenus gouvernementaux et 86 % du PIB. (28) Ces indicateurs économiques ne se traduisent par aucune amélioration notable du niveau de vie de la plupart des citoyens du pays. Un rapport de la Banque mondiale sur le pays note que « bien que les découvertes de pétrole et l’augmentation rapide des exportations pétrolières aient permis une amélioration substantielle des indices économiques, l’impact sur les médiocres indicateurs sociaux du pays est nul. » (29)

26 Banque mondiale (2002), « Project Performance Assessment Report: Equatorial Guinea – Second Petroleum Technical Assistance Project », 1er juillet 2002, rapport n° 24430, Département de l’Evaluation des Opérations.

27 Banque mondiale (2002), « Project Performance Assessment Report: Equatorial Guinea – Second Petroleum Technical Assistance Project », 1er juillet 2002, rapport n° 24430, Département de l’Evaluation des Opérations. 28 Banque mondiale, « Project Performance Assessment Report: Equatorial Guinea – Second Petroleum Technical Assistance Project » rapport n° 24430, 1er juillet 2002.

29 http://www.worldbank.org/afr/gq2.htm

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Jusqu’à récemment, les revenus pétroliers étaient largement sous-estimés et sous-budgétés. La politique budgétaire était marquée par de profonds déficits, alors que d’importantes dépenses extrabudgétaires étaient financées par des avances accordées par les compagnies pétrolières en échange des revenus pétroliers futurs. Les finances publiques sont si chaotiques que le FMI a été appelé à la rescousse. Celui-ci a commencé par insister pour que les revenus pétroliers soient intégralement rapportés dans le budget. Il s’agit des mesures visant à la mise en place d’un budget prévisionnel des futures recettes pétrolières et de la communication des informations au Parlement , bien que cette institution soit largement sous le contrôle du président. La Guinée- Equatoriale du président Théodoro Obiang Nguema est la caricature d’une kleptocratie familiale. Il apparaît que le Président Obiang contrôle étroitement les activités dans le secteur pétrolier et supervise personnellement toutes les transactions financières s’y rapportant. Les contrats en vigueur dans le secteur pétrolier sont des CPP. Le contrôle fiscal des versements des compagnies pétrolières à l’Etat n’existe même pas. Le Département d’Etat américain estime, dans son rapport sur les droits de l’homme de 2003, que la gestion des « revenus pétroliers manque de transparence et que peu d’indices laissent à penser que la richesse pétrolière du pays est bien consacrée au bien public. » (30) En attendant la mise en place effective d’un fonds pétrolier destiné à recueillir les surplus fiscaux avec pour vocation d’être un mécanisme supplémentaire pour parvenir à une meilleure gestion des revenus pétroliers, le gouvernement Equato- guinéen conserve les surplus de recettes pétrolières sur un compte du Trésor à l’étranger ou ajoutés aux réserves de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC). Mais les règles qui doivent encadrer la gestion et l’utilisation de ce fonds pétrolier, en supposant qu’il soit jamais effectivement mis sur pied, ne sont pas encore définies.

Le Gabon La rente pétrolière représente 73% du PIB et 70% des recettes budgétaires et 80% des exportations du pays . En effet, le Gabon, autrefois considéré comme le modèle régional de « l’émirat pétrolier » couronné de succès, s’apprête aujourd’hui à devenir le premier exemple d’un pays amené à devoir affronter la dure réalité des lendemains sans pétrole. La production pétrolière est en train de connaître un franc déclin. En 2003, pour la première fois en 30 ans, les montants budgétés des revenus pétroliers étaient inférieurs à ceux d’origine non pétrolière (31). Le FMI prévoit que la production pétrolière va à nouveau diminuer de moitié d’ici 2006 (32). En conséquence, le Gabon, bien que conservant un intérêt considérable pour les petites compagnies pétrolières indépendantes, fait partie certes de l’eldorado pétrolier que se disputent frénétiquement les grandes compagnies internationales, mais sans véritables enjeux. Le Gabon a été l’épicentre d’une série de scandales liés à Elf Aquitaine pendant les années 1990, comprenant des allégations d’accords pétroliers secrets et de l’utilisation de ses banques pour le blanchiment d’argent et le financement occulte de politiciens et de partis politiques français. C’est pourquoi des efforts ont été entrepris pour améliorer le contrôle fiscal, mais ils sont généralement restés sans lendemain. Les lois visant à rendre plus rigoureuse la gestion des pétrodollars ne sont pas observées. En 1998 par exemple, un Fonds pour les Générations Futures fut créé pour recevoir 10 % des revenus pétroliers budgétés, ainsi que 50 % des revenus non anticipés ; mais aucun dépôt n’a jamais été fait.

30 Département d’Etat américain, Country Report on Human Rights Practices for Equatorial Guinea, 2002, 31 mars 2003.

31 « Gabon: Drop in Oil Revenue », Africa Energy Intelligence, n° 334, 20 novembre 2002. 32 « Gabon: An Opening for Juniors », Africa Energy Intelligence, n°333, 6 novembre 2002.

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Les revenus pétroliers irriguent abondamment les « réseaux clientélistes » du Président Omar Bongo. Jusqu’à récemment, l’Etat disposait de 25 % des parts dans tous les consortiums de production de pétrole, montant qui pouvait monter jusqu’à 60 % grâce à l’achat de parts supplémentaires. Mais en raison du déclin d’intérêt des investisseurs pétroliers pour le pays dont les réserves s’épuisent, les conditions se font plus attractives depuis la fin des années 1990 : les royalties sont fixées entre 5 et 15 % (contre 20 % auparavant), et la participation minimale de l’Etat a également été revue à la baisse. L’exploration et l’exploitation pétrolières au Gabon sont soumises au Code Minier de 1982 qui favorise les contrats de partage de production (CPP) sous lesquels les compagnies contractantes prennent en charge l’ensemble des coûts d’investissement préalables. Alors que les réserves de pétrole s’épuisent, les conditions de ces contrats deviennent de moins en moins favorables au gouvernement. Tout en étant l’un des pays d’Afrique les plus riches, avec un PIB par habitant (très inégalement distribué) de 3.180 dollars en 2000, le pays est extrêmement dépendant du pétrole. Inondé de pétrodollars et ayant de surcroît une population réduite d’à peine plus d’un million d’habitants, le gouvernement s’est lancé dans une classique augmentation des effectifs de la bureaucratie d’Etat, des dépenses somptuaires autant qu’inutiles et des projets d’infrastructure démesurément ambitieux. Le Gabon, à l’instar du géant nigérian, n’a pas réussi à réduire la pauvreté ni à construire un modèle durable de développement. En 2003, pour la première fois en 30 ans, les montants budgétés des revenus pétroliers étaient inférieurs à ceux d’origine non pétrolière. Les revenus pétroliers parviennent au gouvernement par l’intermédiaire d’un régime fiscal simple et attractif pour les investisseurs étrangers. Les revenus pétroliers gouvernementaux proviennent des royalties, de l’impôt sur les bénéfices des compagnies pétrolières et de leurs filiales, des taxes sur l’exploration, des dividendes versés aux actionnaires par les compagnies et du produit de la vente du pétrole appartenant à l’Etat. La transparence dans la gestion de la manne pétrolière pose d’énormes défis. Les revenus pétroliers ont permis au régime en place d’établir des fortunes immenses. L’affaire Elf a démontré comment la politique de clientélisme altère toute possibilité de développement économique et engendre les endettements, la dépendance et les détournements au Gabon.

Le Cameroun Ce pays à l’image du Gabon a entamé un déclin dans la production du pétrole. En effet, la production de pétrole a fortement chuté ces dernières années, au point d’apparaître aujourd’hui comme quelque chose d’anecdotique. Ne capitalisant pas les mêmes chances que les autres producteurs de la (sous)région, sa production est passée de 164.000 b/j en 1990 à 110.000 en 1996. Les réserves, trouvées en fin 1996, s’élevaient à 400 millions de barils de brut. On estime que cette aventure pétrolière risque d’être de courte durée, à moins que l’on ne fasse de nouvelles découvertes venues s’ajouter à celles de Bakassi. La production pétrolière au Cameroun est assurée par trois sociétés : Total Fina Elf, Pecten Cameroun Company et Perenco qui opère dans le bassin de Rio Del Rey et de Douala Kribi Campo. Mais n’oublions pas de noter que la diversification des activités économiques et le dynamisme de la population confèrent au Cameroun une forte influence en Afrique centrale. Ce pays est désormais sur la voie du take off économique ; il ne peut s’en écarter que si les autorités gouvernantes ne redoublent pas d’efforts en matière de bonne gestion des ressources locales. Un grand mystère semble entourer l’utilisation de la manne pétrolière au Cameroun. Aborder cette question est un exercice mal perçu par les autorités dirigeantes de ce pays. En effet, les recettes pétrolières n’ont jamais été budgétisées pour, dit-on, ne pas

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habituer les Camerounais à la facilité. Mongo Beti et d’autres intellectuels ont toujours dénoncé les pratiques mafieuses de la France et de la compagnie Elf au Cameroun. L’utilisation de la rente pétrolière est un éternel contentieux en débat : « le pétrole, c’est la Présidence ». La problématique de la gestion de la rente pétrolière au Cameroun demeure un « sujet top secret ». Le contexte d’opacité et de criminalisation a favorisé le détournement massif des ressources. Ce tableau sombre de la gestion de la manne pétrolière en Afrique subsaharienne ne permet pas de participer convenablement à la lutte contre la pauvreté. Le sous- développement comme conséquence de la corruption, des détournements, des préfinancements, des circuits obscurs et les endettements est une évidence dans les pays producteurs du pétrole africain. La gestion calamiteuse des ressources pétrolières par les oligarchies politico- tribales fait l’objet de polémiques. Si en Algérie et en Libye, les revenus pétroliers ont contribué à la construction et à la modernisation des infrastructures, la réalité demeure chaotique en Afrique subsaharienne. III- CONTRIBUTION DES REVENUS PETROLIERS DANS LE PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT 1- Pétrole et développement : une chance ou une malédiction ? Dans l’optique néo-mercantiliste qui est souvent celle des observateurs inattentifs, l’abondance de ressources naturelles ne peut pas nuire au développement. L’histoire économique du Japon ou de la Corée du Sud au XXème siècle devrait pourtant nous amener à plus de prudence. A l’inverse, les pays richement pourvus ont souvent eu des destins économiques tragiques. Les mécanismes économiques qui sont à l’œuvre dans le processus de développement font du pétrole tantôt une chance et tantôt une malédiction. Le mécanisme macro-économique d’appauvrissement par le pétrole se caractérise par la déformation de la structure de l’économie. En effet, dans la plupart des pays africains, l’exploitation du pétrole se traduit par le développement d’une économie rentière. L’opacité de prédation économique garantie par la multipliction de sociétés écrans ( Castel, Bouygues, Elf, Bollore- Rivaud…), la corruption, les préfinancements et les commissions occultes ne permet pas de voir les contributions des revenus pétroliers au service du développement. Dans certains cas, la rente pétrolière agit en effet comme une sorte de feu vert donné à l’irresponsabilité budgétaire, au clientélisme et au report des réformes structurelles. Pour la politique macroéconomique comme pour la gestion des finances publiques, le pétrole est ainsi une source de perturbations et d’excès, comme en témoignent l’alternance rapide de phases d’euphorie et de phases récessives et le fait que les « Etats pétroliers » sont parmi ceux qui ont connu le plus grand nombre de crises d’hyperinflation et de surendettement. Les revenus pétroliers génèrent un « faux sentiment de sécurité » qui pousse les autorités à considérer le protectionnisme comme un luxe que le pays peut se permettre et à ne pas investir dans le capital humain. La compétition pour le contrôle de la rente tend à stimuler l’instabilité politique et peut entraîner des guerres civiles et des sécessions, ce qui semble s’appliquer, au moins en partie, à certains conflits africains. Il faut aussi mentionner le problème de la capture et de la transformation de l’Etat par les intérêts pétroliers. Dans plusieurs pays africains, le pétrole représente souvent 80 % des exportations et des rentrées fiscales des pays.

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La question de la fuite des revenus pétroliers met en lumière le processus de malédiction pétrolière. La transnationalisation des réseaux et lobbies politico- affairistes explique la légitimation de projets hégémoniques et prédateurs. De nombreuses illustrations montrent que dans certains cas, le pétrole a permis la mise en valeur et le développement des Etats comme l’Alaska, le Texas, la Norvège et le Royaume-Uni. Ce n’est pas le pétrole qui appauvri les pays africains, ce sont ces pays qui ne savent pas faire du pétrole une chance, faute de structures économiques et politiques adaptées c'est-à-dire ouvertes au contrôle. Si l’on découvrait du pétrole en Suisse ou en Irlande, cela ne se transformerait probablement pas en drame économique pour ces pays. Pour écarter les dérives bien documentées que le pétrole favorise, on pourrait imaginer des dispositifs de « rappel de la préférence latente ». La possession des ressources pétrolières est en principe une bénédiction pour les pays aussi bien industrialisés que pauvres. Des pays tels que la Norvège et les Etats pétroliers du Golfe Persique, sont passés d’une économie primaire à un genre de vie parfois disproportionné. Mais bien souvent, dans le cas africain, les ressources naturelles en général ont été sources de conflit, facteurs d’instabilité aussi bien à l’échelle globale qu’à l’échelon sous-régional. Ainsi en est-il de l’Afrique dont nombre de conflits internes aux Etats sont dus et financés par les ressources du sous-sol, où bien de conflits entre les Etats sont sous-tendus par le souci de contrôler les espaces utiles (terres fertiles, aquifères transfrontaliers riches en poisson et pétrole, eau dans un environnement aride, réserves de métaux précieux…). Le pétrole représente un grand enjeu du fait de son importance non seulement pour le fonctionnement des industries, mais aussi pour les transports, les services et la vie quotidienne. Avec cette matière première géostratégique, on achète et on vend de la sécurité économique et militaire, de la croissance industrielle et des possibilités de développement. Nombre de pays africains en possèdent et en exportent vers l’Europe et le continent américain, engrangeant des revenus considérables, disposant des moyens nécessaires pour améliorer les conditions de vie des populations. Mais une observation des incidences du pétrole sur les Etats africains producteurs, montre que cette ressource est plutôt un facteur majeur d’instabilité en Afrique subsaharienne. Dans des pays tels que le Nigeria, le Soudan, l’Angola ou le Congo, les revenus pétroliers ont servi à équiper les armées et les services de sécurité. Des compétitions violentes se sont instaurées entre des adversaires politiques désireux d’avoir la mainmise sur la rente pétrolière. Les exclus de cette rente se sont parfois insurgés contre le pouvoir en place, se sont attaqués au personnel des compagnies pétrolières ou aux installations de pompage et d’exportation du pétrole. Les contributions des revenus pétroliers dans le processus de développement du continent africain sont peu visibles. Le climat d’opacité n’augure pas de grand espoir. Le développement du pétrole crée fréquemment un boom initial: augmentation du revenu par habitant, accroissement de l'emploi, amélioration de l'alimentation et de la santé, infrastructure plus étendue et de meilleure qualité. Mais le boom a tendance à être de courte durée à mesure que la recherche de liaisons étatiques et la mauvaise gestion des ressources, sans compter parfois aussi l'instabilité des prix du pétrole, sapent les résultats positifs. 2- Pétrole à l’épreuve de la transparence L'extraction du pétrole ne conduit pas nécessairement à un développement médiocre. Si les revenus sont gérés de manière transparente, ouverte et juste, ils peuvent profiter aux citoyens des pays exportateurs de pétrole. Tout progrès nécessite cependant une volonté politique internationale concertée ainsi que la coopération de tous les partis concernés: les sociétés

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multinationales et d'Etat, et les pouvoirs publics des pays d'accueil et d'origine. Que faut-il faire ?

• Campagne Publish What You Pay La question que l’on peut se poser est de savoir : comment rendre moins opaque les rouages de l’or noir dans les pays africains ? Dans la foulée d’un premier rapport de Global Witness sur l’Angola en 1999, une coalition britannique en faveur de la publication des paiements dénommée Publish What You Pay (PWYP) s’était constituée en juin 2002 autour des ONG comme CAFOD, Oxfam, Save the Children, Open Society Institute et Transparency International (UK). La coalition compte plus de 200 membres à travers le monde. La campagne Publish What You Pay propose une panoplie de mesures pour faire face au problème de la gestion transparente de la manne pétrolière. Son objectif est de rendre transparent le financement des gouvernements par les revenus pétroliers. PWYD incite les compagnies pétrolières à publier de manière transparente tous les paiements (impôts, taxes, paiement de primes à la signature du contrat, redevances) qu’elles effectuent aux Etats producteurs du pétrole, prie l'Union Européenne de donner suite à l'engagement initial de la Directive sur les Obligations de Transparence (DOT), et fait appel à la Securities and Exchange Commission des Etats-Unis d'exiger la publication de paiements aux Etats. Depuis le lancement du PWYP en 2002, on a pu constater un développement considérable de la volonté politique internationale en faveur de la transparence pétrolière. Cela tient en partie au fait que la sécurité de l'énergie est menacée. Les pays africains fournissent à l'heure actuelle environ 15 % des importations de pétrole des Etats-Unis, un pourcentage qui pourrait grimper jusqu'à 25 % d'ici 2015. Depuis le 11 septembre 2001, l'administration du Président Bush s'est efforcée d'augmenter l'importation du pétrole africain aux dépens des producteurs du Moyen-Orient. Les Etats-Unis voudraient que les pays qui leur fournissent du pétrole soient stables et sans danger: l'instabilité fait monter les prix. Il existe donc pour le moment une bonne possibilité de créer une ambiance politique propre à profiter des richesses pétrolières pour la mise en place d'économies viables et la réduction de la pauvreté.

• L'Initiative sur la Transparence dans les Industries Extractives Pressé par les ONG, le Premier Ministre du Royaume Uni, Tony Blair a lancé en septembre 2002 à la suite du Sommet Mondial sur le Développement Durable à Johannesburg, l'Initiative sur la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Cette initiative cherche à pousser la communauté internationale vers la transparence pétrolière. L'ITIE soutient concrètement l'effort international en faveur de la transparence. L’ITIE a développé un modèle de publication pour s’assurer que les versements des compagnies extractives sont bien encaissées. 3- Perspectives d’avenir Le secteur producteur de rente connaît une forte expansion, alors que le reste de l’économie, plus particulièrement les activités anciennement exportatrices entrent dans une phase de récession. C’est le paradoxe de la «croissance appauvrissante». L’accroissement des exportations des hydrocarbures dans un pays donne lieu à une forte augmentation de ses revenus en devises. L’utilisation de ces ressources financières stimule la demande de biens dits non «échangeables» ou non exportables qui relèvent d’activités telles que le bâtiment, le commerce, les prestations de services, etc. Il s’ensuit une augmentation des prix intérieurs alors que les prix sur les marchés internationaux restent inchangés.

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L’utilisation incontrôlée de la rente énergétique produit un certain nombre d’effets pervers. L’importance prise par la fiscalité dans le budget de l’Etat relègue la question de la mise en place d’une politique fiscale adaptée aux besoins d’une économie en transition vers le marché et freine le développement des marchés financiers. L’adoption de la loi sur les hydrocarbures est l’occasion d’amorcer une réflexion sur les alternatives de rupture avec un modèle de croissance rentier. Le devenir des ressources pétrolières de l’Afrique fait aujourd’hui l’objet de sérieuses réflexions. Il sied important de voir comment le pétrole, au lieu d’être l’enjeu des convoitises entre les multinationales occidentales ou encore l’origine des conflits armés, pourrait contribuer au développement économique des pays producteurs. Le pétrole en Afrique est à la fois chance et malédiction. Il peut apporter aux populations le bien-être, comme au Botswana, en Algérie et en Libye. Les recettes générées par le pétrole ont contribué à la construction et à la modernisation de ces pays, Pour le moment, la rente pétrolière produit et véhicule la malédiction avec les nombreux conflits armés et tensions qui font l’actualité de cette partie de l’Afrique. L’histoire du pétrole y est centrée sur le politique et l’argent. La gestion calamiteuse des ressources pétrolières par les oligarchies politico- tribales fait l’objet de plusieurs polémiques. On comprend donc pourquoi, au- delà du sort de la réussite de certains pays, ont été produites de nombreuses thèses sur le pillage des ressources, la désarticulation et le blocage des économies, la dépendance et la domination. Bref, on a là autant de faits dont la combinaison est, à l’instar de la colonisation, une cause du sous- développement. L’histoire du pétrole étant particulièrement liée à la domination politique et économique des grandes puissances, l’avenir des pays pétroliers d’Afrique centrale se pose avec acuité. Le clientélisme altère non seulement toute possibilité de développement économique, mais engendre une dépendance totale envers les sociétés pétrolières et l’endettement des pays producteurs de pétrole. Les mécanismes de versement de la rente pétrolière sont opaques; les différentes compagnies s’immiscent dans les affaires intérieures des pays producteurs. Les prix du pétrole se négocient sur la base de la loi de l’offre et de la demande. Si les pays de l’OPEP disposent de l’arme de la baisse de la production pour tenter de réguler le marché pétrolier, les pays africains restent dépendants de leur bon vouloir. Les contrats mal négociés et signés par les élites gouvernantes sont à l’avantage des compagnies pétrolières, renforcent la dépendance économique, dévoilent la corruptibilité des gouvernants recevant des milieux d’affaires du pétrole d’importantes sommes d’argent. En Algérie, la rente pétrolière représente 60% du budget de l’État et 95% des recettes en devises. Dans le partage, 49% des parts sont affectées aux compagnies étrangères ayant procédé à l’exploration et 51% à l’État représenté par la SONATRACH (société publique d’hydrocarbures.). Quant à la Libye, la gestion centralisée des ressources pétrolières a permis de faire face à l’embargo frappant le pays depuis l’attentat de Lockerbie en 1988, et d’améliorer le cadre de vie des citoyens en investissant dans l’éducation, la santé et les infrastructures. En Afrique centrale, le pétrole, pomme de discorde par excellence, fait partie des joyaux du « domaine présidentiel. Le financement occulte pratiqué par les sociétés pétrolières renvoie à l’histoire des caisses noires dont l’actualité a été lisible à travers l’affaire Elf. La gestion transparente de la manne pétrolière reste l’équation à résoudre pour pouvoir réformer et reconstruire l’Afrique . Il est urgent de mettre un terme à la pratique du gage de redevance et à la dérogation aux règles et principes budgétaires élémentaires articulés à la séparation des pouvoirs et des fonctions. Il faut redynamiser l’universalité budgétaire, la non- concentration des recettes au détriment du produit brut. Les champs en exploitation doivent aider à la maximalisation des profits. Ce faisant, on aura en ligne de mire

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l’existence de champs de pétrole déjà « amortis ». Les compagnies doivent arriver au partage des profits pour permettre à certains pays africains de se développer. Cela implique la révision des législations et des codes éthiques ainsi que la mobilisation de moyens appropriés de lutte contre la corruption. On créera, à l’image du Tchad, un comité de contrôle composé de responsables gouvernementaux, de représentants de la Chambre des Comptes, du parlement et de la société civile. Les États producteurs manquent souvent de capacité d’absorption de la rente pétrolière, ce qui signifie particulièrement un manque de main- d’œuvre qualifiée et explique en partie le rôle dominant de la planification et du rôle d’agent productif. Les ressources humaines constituent donc un point de focalisation des politiques officielles de reconstruction de l’Afrique centrale où, pour l’heure, l’immobilisme politique est monnaie courante. La nécessité de résoudre la question du financement de l’industrie pétrolière est posée. On peut en dire autant avec la recherche, le transport et le stockage. Le système de financement africain ayant montré ses limites dans le soutien des charges relatives à l’exploration, l’exploitation et la distribution des ressources pétrolières, la mobilisation des capitaux devient quelque chose de crucial pour les États et les sociétés pétrolières. Un peu partout en Afrique , il se pose aussi des problèmes d’ordre technique et financier. Ces problèmes sont liés à la nature des gisements en hydrocarbures et surtout à l’aptitude des opérateurs à s’adapter aux marchés pétroliers. Très souvent, à cause d’une très forte extraversion du secteur pétrolier, les pays producteurs sont incapables de concourir économiquement en augmentant leur production. Pour que le continent africain devienne une véritable puissance pétrolière souveraine et donc capable de prendre des décisions propres, il lui faut des moyens suffisants de prise en charge d’activités telles que l’exploration, l’exploitation des gisements pétroliers et la transformation du brut exploité. La gestion de la manne pétrolière au service du développement nécessite la mise en place d’un cadre propice de transparence. Les recommandations faites par les ONG comme Global Witness, ACERAC, Caritas et se résument comme suit : - Les gouvernements des Etats producteurs de pétrole devraient : •Lever tous les obstacles légaux et extra-légaux à la transparence et à la surveillance du secteur pétrolier. Dans l’abrogation des clauses de confidentialité incluses dans les contrats de partage de production ; •Garantir le respect des droits de l’homme, y compris les libertés d’expression, d’association et de la presse ; •Collaborer avec les organisations de la société civile engagées dans la surveillance de la gestion et de la redistribution des richesses pétrolières ; •Rendre publics les résultats d’audits indépendants et réguliers des compagnies pétrolières nationales ; •Incorporer l’ensemble des revenus pétroliers dans le budget national ; •S’abstenir de recourir à des emprunts gagés sur le pétrole jusqu’à ce que des mesures efficaces en faveur de la transparence des revenus pétroliers et du budget soient prises ; •Affecter les revenus pétroliers aux secteurs sociaux prioritaires, et plus spécifiquement à l’éducation, à la santé et au développement d’institutions publiques compétentes ; •Considérer collectivement la transparence des revenus pétroliers comme un facteur clef de bonne gouvernance. - Les compagnies pétrolières internationales devraient :

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•Soutenir la campagne internationale « Publiez ce que Vous Payez » en rendant public, de façon détaillée et régulière, le détail précis des impôts, redevances et autres paiements versés aux Etats africains, à n’importe quel niveau, ou aux communautés locales ; •Travailler de concert pour soutenir les processus qui permettront de déboucher sur une uniformisation des procédures suivies pour la publication des revenus afin de rendre les règles du jeu égales pour tous ; •Observer les standards universellement acceptés des droits de l’homme tels qu’ils sont définis dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La question des droits de l’homme est particulièrement importante en matière de sécurité des installations pétrolières, de traitement des travailleurs et des populations locales, et de protection de l’environnement ; •Soutenir les efforts internationaux en faveur d’une transparence accrue des paiements versés par les compagnies pétrolières aux pays en voie de développement - Les institutions financières internationales devraient : •Démontrer que leurs activités dans le secteur pétrolier débouchent directement sur une réduction de la pauvreté et utiliser tous leurs moyens de pression pour encourager la transparence, une gestion et une redistribution équitables et responsables des revenus pétroliers, et le respect des droits de l’homme ; •Dépasser l’approche technocratique étroite et prendre en considération, dans leurs programmes, leurs procédures et leurs évaluations, l’environnement démocratique et la situation des droits de l’homme dans les pays emprunteurs ; •Développer une vision cohérente de la responsabilité d’entreprise et l’appliquer avec consistance, afin que les compagnies qui participent aux projets des IFI satisfassent à des normes minimales ; •Restreindre les futurs prêts pour des projets pétroliers en Afrique aux seuls gouvernements qui prennent des engagements fermes en faveur d’une gestion transparente des revenus pétroliers ayant pour cible la réduction de la pauvreté ; •Ne s’engager dans des projets pétroliers qu’avec les compagnies qui affichent une totale transparence dans leurs versements des revenus pétroliers aux gouvernements africains ; •Rendre publics tous les audits soutenus par la Banque Mondiale et le FMI ainsi que les autres données sur les evenus pétroliers à leur disposition. Ces institutions devraient améliorer leur propre politique de communication concernant les négociations et les projets avec les producteurs de pétrole africains. Les résultats des consultations au titre de l’Article IV du FMI devraient être rendus publics avec ou sans le consentement du pays membre ; •Exiger la transparence dans les revenus pétroliers et le budget national ainsi que des audits fréquents de la compagnie pétrolière nationale comme conditions pour l’obtention par ces pays des accords d’allégement de la •Promouvoir la transparence, la responsabilité et la démocratisation comme des conditions essentielles pour une gestion juste et équitable des revenus pétroliers. CONCLUSION Pour assurer le développement des pays producteurs africains du pétrole, il faut œuvrer pour la juste répartition des fruits du pétrole par l’investissement des revenus générés dans les secteurs sociaux offrant les services à coût réduits aux populations. Il convient également de gérer les ressources pétrolières de manière professionnelle en créant des fonds fournis pour les générations futures et en investissant dans la diversification des activités économiques. Les autres mesures consisteraient dans l’implication de la société civile dans tous les processus de prise de décision, notamment par la diffusion des

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informations relatives à l’exploitation du pétrole et autres ressources, les consultations des groupes organisés lors de l’élaboration des contrats. Tous les acteurs sont appelés à contribuer à la transparence des revenus pétroliers au service du développement. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Ouvrages Achnard, G., 2002, Le choc des barbaries. Terrorisme et désordre mondial. Complexe, Badié , B., 1995 : La fin des territoires , Paris, Fayard Bayart, J.F., , 1989 : L’Etat en Afrique : la politique du ventre , Paris , Hachette Bayart, S.Ellis, B. Hibou, 1997 , La criminalisation de l’Etat en Afrique , Bruxelles, Complexe Bernard, P., 1960 : Pétrole français , Paris, Hachette Bigo, A, Pouvoir et obéissance en Centrafrique. Paris, Karthala, 1988 Carton, B. 2000, Pétrole en Afrique :violence faite aux peuples, Bruxelles, GRESA, Chevalier, J.M , 1973 : Le nouvel enjeu pétrolier , Paris , Calmann Levy Douglas, A.Y., 1998, « Central Africa : Oil and franco-american rivalry » Afrique Politique, Karthala, Paris Jacquet, P., et Nicolas, F., 1991: Pétrole: crise, marchés et politiques, IFRI Kamto, M, 1991, Pouvoir et droits en Afrique. Paris, LGDJ, Le Floch Prigent , L., 2001: Affaire Elf, Affaire d'Etat, Paris, Cherche Midi Makouta Mboukou, J.P, 1999 : La destruction de Brazzaville ou la démocratie guillotinée, Paris , L’Harmattan Médart,1991, Etats d’Afrique noire. Formation, mécanismes et crise. Paris, Karthala, Mihailovitch, L. 1981, Pluchard, Les compagnies pétrolières internationales, Paris, PUF Roy, O., 1997 , La nouvelle Asie centrale, Paris , Seuil Ruffin , J.C, 1999 , Economies des guerres civiles Paris, Hachette

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