fascisme, nazisme et stalinisme huitième cours : bilan et postérité

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Fascisme, nazisme et stalinisme Huitième cours : Bilan et postérité

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Page 1: Fascisme, nazisme et stalinisme Huitième cours : Bilan et postérité

Fascisme, nazisme et stalinisme

Huitième cours :

Bilan et postérité

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3 – L’URSS stalinienne3.1 – Du Front-Uni au pacte germano-soviétique

• L’arrivée au pouvoir de Hitler modifie la politique étrangère de l’URSS, qui jusqu’à cette date, considérait tous les pays capitalistes comme des ennemis potentiels, prêts à fondre sur l’URSS à tout moment.

• Litvinov, alors commissaire aux Affaires étrangères, propose de travailler à la mise sur pied d’un système de sécurité collective en Europe. L’ennemi principal n’est donc plus les États capitalistes, mais l’Allemagne nazie.

• De 1933 à 1939, toute la politique étrangère de l’URSS sera dominée par son implication dans le mouvement antifasciste. Sa priorité sera de travailler à une union avec les puissances occidentales pour isoler l’Allemagne et l’Italie fascistes.

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• Le premier succès de l’offensive diplomatique de l’URSS sera l’établissement de relations diplomatiques avec les États-Unis en novembre 1933, et l’intégration de l’URSS à la Société des Nations, ce qui ouvrira la voie à une normalisation de ses relations avec l’Occident et permettra de résoudre différents problèmes.

• Mai 1935 voit la signature d’un accord soviéto-français d’assistance mutuelle sans grande valeur pratique, dans la mesure où il ne sera suivi d’aucun accord militaire précisant la forme et l’ordre de grandeur de l’aide.

• En outre, l’ennemi que les deux partenaires ont en tête rend le traité caduc par le simple fait qu’advenant une agression allemande en France, l’URSS ne pourrait venir en aide à la France qu’en passant par le territoire polonais. Néanmoins, ce traité ouvre la voie à la signature d’un autre du même type avec la Tchécoslovaquie.

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• Après la remilitarisation de la Rhénanie en 1936, l’URSS propose à la SDN de prendre des mesures contre l’Allemagne nazie pour la contraindre à respecter les traités et à ne pas toucher à l’ordre international. Mais sa voix n’est pas entendue...

• Le grand changement dans la politique étrangère soviétique surviendra à la fin de 1938, consécutivement à la conférence de Munich. Très méfiant à l’endroit des Occidentaux, Staline se convainc alors de l’inutilité de maintenir sa politique du front uni. Il démet Litvinov de ses fonctions pour le remplacer par Molotov, en lui donnant l’ordre d’assurer par tous les moyens la sécurité du territoire de l’Union soviétique.

• Ce changement aboutira à la conclusion, à la fin du mois d’août 1939, du pacte de non-agression germano-soviétique, à la stupeur du monde entier en général, et de la population soviétique en particulier.

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3.2 – La préparation à la guerre

• Staline sait que la trêve conclue avec l’Allemagne hitlérienne ne durera pas. En 1939, il considère avoir besoin de cinq ans encore pour préparer son pays.

• Avec le déclenchement des hostilités, les forces soviétiques s’emparent des territoires que les protocoles secrets du pacte de non-agression confient à l’URSS : Pologne de l’est, républiques baltes, puis Bessarabie. Profitant du fait que les canons tonnent, Staline s’emploie ensuite à repousser la frontière finlandaise, en déclenchant la « Guerre d’hiver ».

• Envisagée comme une promenade, la guerre contre la Finlande s’avère très difficile et entraîne des pertes très sévères pour l’URSS. Au terme de 4 mois de résistance, les Finlandais sont contraints à la paix et doivent céder sur presque toutes les exigences soviétiques.

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• Les difficultés de l’Armée rouge lors de cette guerre obligent le gouvernement à se concentrer sur l’amélioration des capacités militaires du pays.

• On prend des mesures extraordinaires pour augmenter la production industrielle du pays, surtout militaire (entre 1938 et 1941, la production militaire sera multipliée par 4); on augmente le budget militaire et on ressert la discipline au travail, afin d’augmenter la productivité.

• Les bureaux d’ingénieurs du pays travaillent à la conception de nouvelles armes, dont les fameux T-34, mais ces nouvelles armes ne seront pas disponibles en nombre suffisant avant 1942. Au moment où les hostilités sont déclenchées, la majeure partie de l’armée est encore très mal équipée.

• De plus, le haut commandement de l’Armée et la direction de l’État omettent de travailler à de nouvelles tactiques et stratégies militaires.

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• Une fois encore, les purges se feront cruellement sentir : les partisans d’une armée mobile et motorisée ayant été purgés en 1937, il ne reste que des chefs d’armée peu compétents et très peu imaginatifs.

• Les opérations menées par l’Allemagne à l’ouest sont peu analysées (Timochenko déclarant que les opérations militaires n’avaient rien apporté de nouveau). S’installe la certitude que l’éventuelle guerre sera courte, qu’elle se déroulera essentiellement hors du territoire de l’URSS et qu’elle sera peu coûteuse en vies humaines.

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3.3 – La guerre et le régime stalinien

• Si la guerre a entraîné l’effondrement du fascisme et du nazisme, elle a au contraire conforté le régime stalinien qui, en 1945, est encore plus solide qu’en 1939.

• Ce n’était pas évident en 1941 : prostré et déprimé dans les premiers jours de la guerre, Staline va prendre plus de trois semaines avant de s’adresser à la population, et c’est Molotov qui se charge le 22 juin 1941 d’annoncer à la population le début de l’offensive allemande.

• Staline craignait cette guerre et a tout fait pour l’éviter, ou la retarder : deux heures avant l’offensive, le Reich avait accusé livraison d’un train de marchandises soviétiques. Malgré les nombreux avertissements des gardes-frontières et de gouvernements étrangers, Staline se refusait à donner le moindre prétexte à Hitler pour déclencher l’invasion.

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• Son déni de réalité va encore plus loin : dans les premières heures de la guerre, il interdit de répliquer aux attaques allemandes, espérant que ces actes ne soient que des provocations et ce n’est que trois heures après le début de l’offensive qu’il ordonne des ripostes.

• Le régime se ressaisit en juillet 1941, même si cela ne transparaît pas dans les opérations sur le terrain, les forces allemandes continuant d’avancer sur tous les fronts.

• De nombreux historiens considèrent aujourd’hui que du côté soviétique, le tournant de la guerre n’est pas Stalingrad, mais Moscou : même si les offensives allemandes se poursuivent en 1942, le coup d’arrêt donné à l’avancée de la Wehrmacht lors de son opération Typhon, qui marque l’échec de la guerre éclair et le premier revers des Allemands, a joué un rôle fondamental sur le plan psychologique et militaire.

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• C’est en effet en octobre 1941 que Staline se décharge d’une part importante de ses responsabilités militaires sur des chefs compétents, entre autres Joukov, Rokossovki et Malinovski.

• Le retrait de la toute-puissance stalinienne est aussi manifeste dans la propagande du régime, alors que jusqu’en 1943, l’accent est mis sur la défense du pays, et non sur celle du régime.

• Le contrôle tatillon du centre sur tout ce qui se passe au pays s’assouplit considérablement. Sans être aboli, le système des kolkhozes est grandement assoupli, alors qu’une latitude plus grande est laissée aux producteurs.

• Mais le régime demeure violent par nature et même si la lutte contre « l’hétérodoxie » perd de son acuité, le péril incite le pouvoir à mettre en place des mesures violentes sur le front, comme l’ordre « Plus un pas en arrière » émis dans la foulée de l’offensive allemande sur Stalingrad.

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• Dès 1943, le rôle du NKVD redevient fondamental. Sur les arrières de l’Armée rouge, il s’emploie à rétablir l’ordre stalinien au fur et à mesure de la libération du territoire. Une chasse aux collaborateurs est alors lancée, laquelle se manifeste entre autres par la déportation massive de peuples collectivement punis pour avoir collaboré.

• En 1945, le stalinisme est triomphant, car non seulement le système a permis de triompher du nazisme, il est aussi à l’origine d’une vaste expansion de l’influence mondiale de l’URSS. Les partis communistes d’Europe occidentale ont le vent en poupe, Staline étant vu comme le grand vainqueur de la guerre.

• C’est la raison pour laquelle à l’intérieur rien ne changera. La guerre menace, certes, mais c’est surtout l’appui de la population soviétique, qui voit dans le système stalinien la première explication de la victoire soviétique, qui incitera Staline à ne rien changer.

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3.4 – Les deux morts de Staline

• Comme ses homologues de l’Ouest, Staline va mourir au pouvoir, mais dans des circonstances différentes : ce n’est pas la guerre qui viendra à bout du dictateur, mais les années. En 1953, Staline, âgé de 74 ans, voit sa santé décliner rapidement à partir du mois de février.

• Le 1er mars, Staline est découvert gisant sur le sol dans la datcha gouvernementale, victime d’une attaque de congestion cérébrale. Son décès sera constaté le 5 mars, même si selon certaines informations, il serait mort dès le 3 mars. Sa mort est annoncée à la population qui se pressera à ses funérailles le 9 mars.

• Le système survivra à son fondateur, mais dans une forme nettement assouplie. Dès la mort du Guide, certaines mesures sont prises qui témoignent de changements politiques importants.

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• Si Beria est arrêté et exécuté à l’été 1953, c’est la dernière fois qu’un chef politique sera exécuté. Les purges, qui vont continuer périodiquement sous Khrouchtchev, prendront une forme beaucoup plus civilisée et se solderont par des mutations.

• D’une certaine façon, la véritable mort de Staline survient plus tard, en février 1956, lors du XXe congrès du PCUS, alors que l’un de ses fidèles lieutenants lui portera le coup de grâce.

• D’abord, le congrès en lui-même est assez novateur : parmi les grands changements qui surviennent, on notera l’acceptation de la théorie des voies multiples vers le socialisme, qui met fin au dogmatisme stalinien qui prédominait jusqu’alors.

• L’intervention de Mikoïan annonce quelque chose de plus fondamental : sans nommer expressément Staline, le ministre critique les tendances autocratiques au sein du parti, le culte de la personnalité, etc.

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• Mikoïan étant peu connu, son intervention passe assez inaperçue, mais elle prendra tout son sens à la clôture du congrès.

• La dernière journée, les congressistes du PCUS sont avisés qu’il y aura une séance spéciale à la fin de la journée, à laquelle ne sont pas invités les membres des délégations étrangères. C’est lors de cette séance à huis clos que Khrouchtchev lira aux délégués médusés son fameux rapport secret, qui condamne très durement l’ère stalinienne et lance le processus de déstalinisation.

• Dans ce rapport, Khrouchtchev attaque violemment l’héritage stalinien : il critique le culte de Staline, sa responsabilité dans les désastres des premiers mois de la guerre, sa guerre menée contre le parti, sa politique de déportation de masse, sa suspicion et sa paranoïa, bref, presque tout y passe. Apparemment.

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• Mais pas tout : le rapport présenté par Khrouchtchev est très sélectif et ne remet en question ni la collectivisation, ni l’industrialisation à marche forcée du pays. Bref, il ne touche pas aux assises fondamentales du régime.

• Malgré les blancs, les non-dits, les omissions volontaires et involontaires du rapport, c’est néanmoins une véritable révolution, qui va changer radicalement le cours du développement de l’URSS.

• Après un certain retrait entre 1957 et 1961, la déstalinisation fait un retour en force lors du XXIIe congrès du PCUS, qui se tient à la fin de 1961.

• Bien que certains éléments fondamentaux du régime ne sont toujours pas remis en question, le discours de Khrouchtchev est alors beaucoup plus radical : il n’est plus question des « erreurs » de Staline, mais de ses « crimes »; de même, alors qu’il n’avait évoqué que les purges ayant touché le parti, le Secrétaire général évoque alors aussi celles qui ont décimé la population.

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• Pour marquer le coup, consécutivement à ce XXIIe congrès, la dépouille de Staline est retirée du mausolée Lénine sur la place rouge pour rejoindre les autres hiérarques du régime dans le mur du Kremlin, sa postérité lui refusant le statut de demi-dieu qu’il avait donné à Lénine.

• Quant au système qu’il a créé, il avait déjà pour une bonne part cessé d’exister dès 1953, alors que ses lieutenants vont s’employer à assouplir les angles : 3 semaines après la mort de Staline, 1,2 million de détenus sont libérés des camps et en 1958, le GOULAG est aboli.

• De sorte que le régime soviétique d’après 1953, qui demeure stalinien par son lexique, n’a plus grand-chose en commun avec celui de Staline, même si, à la différence de ses deux collègues en dictature, il laissera une postérité et un héritage au pays qu’il dirigea d’une main de fer pendant un quart de siècle.

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Huitième cours :

1 – Bilan des régimes « totalitaires »

2 – Postérité des fascismes

3 – Postérité du stalinisme

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1 – Bilan des régimes « totalitaires »

1.1 – Fascisme

• Puisque l’Italie a perdu la guerre et que le régime mussolinien s’est effondré en 1943, le bilan final du régime apparaît négatif : il n’a rien laissé, à part quelques nostalgiques qui s’expriment au sein de la Ligue lombarde et de quelques autres partis

• Cela étant, on ne peut se limiter à ce constat pour faire un bilan du régime mussolinien et il importe de porter le regard sur les réalisations italiennes de la période 1922-1943, même si pour la plupart, elles n’apparaissent pas évidentes aujourd’hui.

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• La monarchie peut être considérée comme une victime collatérale. Même si à la libération en 1943, les Alliés n’ont pas imposé une abolition de la monarchie, Victor-Emmanuel III cède en 1944 son trône à son fils.

• La haine et la colère des Italiens contre le régime fasciste se retournent contre la monarchie, accusée d’avoir collaboré avec Mussolini et supportant le discrédit de celui-ci. En 1946, un référendum abolit la monarchie et instaure la République italienne.

• La répression du régime, bien que modérée, apparaît comme un élément négatif, même si bien sûr aucune comparaison ne saurait être faite entre la répression mussolinienne et celle d’Hitler ou de Staline.

• Les réalisations économiques du régime apparaissent plutôt minces. Dans un premier temps, le système s’est employé à consolider le pouvoir économique des grands patrons.

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• À partir de 1931, et surtout à partir de la guerre d’Éthiopie, l’État s’implique davantage dans le processus économique et on voit alors une plus grande ressemblance avec la politique économique allemande.

• En ce qui concerne les indicateurs sociaux, la période 1922-1939 ne voit pas vraiment une accélération de l’amélioration de ceux-ci : si l’alphabétisation progresse, son rythme n’est pas significativement plus élevé dans les années 1930 que dans les années 1910. Même chose en ce qui concerne l’espérance de vie.

• La comparaison de l’Italie de 1943 à celle de 1922 permet de constater que le régime mussolinien a eu peu d’impact et s’il apparaît comme une parenthèse néfaste, les conséquences sur le long terme demeurent faibles. Par exemple, la société civile italienne n’ayant pas eu à subir d’assaut comparable à l’allemande, elle peut renverser le régime avant la fin de la guerre. L’Italie n’a pas eu à subir un sort aussi infamant que l’Allemagne en 1945 et la « défascisation » fut moins douloureuse.

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1.2 — Nazisme

• Alors que la popularité du régime nazi au milieu des années 30 dépassait les frontières de l’Allemagne, la Seconde Guerre mondiale et la confirmation, lors de l’avancée soviétique, des camps d’extermination nazis, ont provoqué un ressac qui n’a jamais cessé depuis.

• Nombreux sont les pays dans le monde où les mouvements nazis sont interdits et où la simple remise en question de la politique génocidaire de l’Allemagne hitlérienne est passible de peines de prison.

• De sorte que tout bilan de l’expérience nazie doit presque obligatoirement commencer par la question du génocide. Sauf quelques hurluberlus, personne ne remet en question la réalité du génocide juif. Les chiffres évoquent le nombre de 6 millions de Juifs exterminés, mais on parle beaucoup moins souvent des autres : près de 1 millions de Tsiganes, 3 millions de Soviétiques.

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• À cela il faut ajouter les victimes de la répression nazie à l’intérieur : communistes, socialistes ou opposants sans étiquettes politiques, homosexuels, handicapés physiques et mentaux, etc. L’empire concentrationnaire nazi avait élaboré une classification très complexe des différentes catégories de détenus.

• La question de la guerre ne peut pas non plus être évacuée, même s’il est toujours risqué d’évoquer la pleine responsabilité d’un État particulier dans le déclenchement des hostilités. Par exemple, on a pu prétendre que c’est la France qui, en imposant le traité de Versailles, a conduit à l’arrivée au pouvoir d’Hitler et que conséquemment, c’est elle qui est responsable du déclenchement de la guerre.

• Malgré la logique de ces arguments, il faut admettre que c’est le régime nazi qui déclenche la guerre et que même si les responsabilités du carnage sont partagées, l’odieux repose sur celui qui le premier ouvrit le feu.

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• De cette façon, les 85 millions de morts de la guerre auraient peut-être été évités si Hitler ne s’était pas emparé du pouvoir en 1933.

• Cela étant, il faut s’employer à analyser le système nazi au-delà de ces éléments, car c’est la seule façon de comprendre pourquoi les Allemands ont en très grande majorité soutenu le régime.

• Comme le régime a été détruit en 1945 et que son effondrement a entrainé une dénazification profonde, il ne reste que peu de choses des réalisations nazies. N’eut été de la désobéissance de Speer aux consignes de destruction d’Hitler, cela eut été encore pire.

• C’est sans doute sur le plan économique que le régime nazi présente ses plus grands succès. Encore une fois, plus rien de cela ne subsiste, mais il faut néanmoins garder à l’esprit l’extraordinaire redressement économique du pays à partir de 1933.

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• Hitler avait de très vagues connaissances en matière économique, mais il avait sous la main le docteur Schacht, principale autorité économique du régime. À partir de 1934, il reprend la politique de grands travaux que le gouvernement Schleicher avait initiés en 1932 et qui s’inspire en partie du New Deal de Roosevelt.

• Le « Plan nouveau » de Schacht, lancé en septembre 1934 vise à organiser l’autarcie du pays, afin de le rendre moins vulnérable aux crises économiques mondiales. Diverses mesures mises de l’avant par le ministre permettent d’accroitre la masse monétaire de plus de 30 % entre 1933 et 1938.

• Ces mesures, conjointement avec la politique de réarmement du régime, permettent de réduire drastiquement le nombre de chômeurs, qui passe de 6 millions en 1933 à quelques centaines de milliers seulement. La politique de contrôle des prix permet à la population d’avoir un niveau de vie supérieur à ce qu’il était dans les années 1920.

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• Nombreux sont les spécialistes de l’Allemagne nazie qui expliquent la nécessité de partir en guerre en 1938-1939 par l’état de l’économie : pour ces auteurs, les grands travaux et le réarmement avaient atteint en 1939 leurs limites et les réserves financières de l’État étaient alors à leur plus bas, rendant impossible la poursuite de ces politiques. De ce pont de vue, le seul véritable succès du régime nazi n’aurait été que temporaire.

• Pour le reste, les principaux indicateurs de développement ne subissent pas de mutation suffisante au cours de la courte période 1933-1939 pour permettre d’évaluer les impacts sociaux du régime.

• Si on pose la question du bilan nazi en comparant l’Allemagne de 1932 à celle de 1945, on doit en conclure à un bilan négatif. La puissance internationale du pays était faible en 1932, mais elle est inexistante en 1945, alors que l’Allemagne est divisée et occupée. Du point de vue territorial, il faudra attendre 1989 pour que les conséquences du nazisme soient partiellement effacées.

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1.3 – Stalinisme

• À la différence des deux systèmes de l’ouest, le stalinisme a eu une postérité étatique. Certes, le stalinisme à proprement parler meurt en 1956, mais certaines des bases du régime qu’il a construit se maintiendront jusqu’à la fin des années 1980.

• Le premier élément sur lequel se portent les analyses occidentales du système stalinien, c’est le bilan humain.

• Tout au long des 25 années de règnes du Petit père des peuples, des millions, voire des dizaines de millions de personnes, ont été victimes des politiques de l’État : 2 à 3 millions de victimes de la famine de 1932 à 1933, de 6 à 10 millions de victimes (dont probablement au moins 1 million de morts) lors de la collectivisation, de 5 à 15 millions de personnes ayant subi la répression politique (dont 1 à 5 millions de morts)…

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• Malgré l’horreur que suscite ce bilan désastreux, le régime stalinien ne saurait se limiter à cela et la focalisation exclusive de la tradition historiographique occidentale sur l’élément répressif nuit à la compréhension du système soviétique et stalinien, empêchant de comprendre pourquoi Staline demeure populaire auprès de la population.

• Car si le nombre d’œufs cassé pour constituer l’omelette stalinienne est effarant, cette omelette existe encore et certaines caractéristiques des sociétés postsoviétiques contemporaines sont issues de la période stalinienne.

• C’est le cas de l’alphabétisation : la rapidité avec laquelle l’alphabétisation s’est répandue entre 1917 et 1960 laisse pantois, passant de 10 % à plus de 80 %. De même, lorsque l’on compare le taux d’alphabétisation des républiques d’Asie centrale (autour de 100 %) à celui de l’Afghanistan (25 %), il devient évident que la politique stalinienne ne fut pas que négative.

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• Au plan économique, les succès du stalinisme sont considérables, même s’il faudra attendre la mort du guide pour que l’industrialisation du pays apporte des bénéfices à la population.

• Au cours des années 1930, la vie des Soviétiques demeure très difficile, même si certains éléments atténuent ces difficultés, comme la certitude d’avoir un toit sur la tête et quelque chose dans l’assiette. De même, si la vie est dure, elle l’est pour tous, ou presque, ce qui la rend plus supportable.

• C’est surtout en ce qui concerne la personnalité internationale et la puissance de l’État soviétique que le bilan stalinien devient remarquable : en 1925, l’URSS est un pestiféré international auquel on accorde peu d’importance parce qu’il est faible. 28 ans plus tard, l’URSS est la seconde puissance du monde et pèse de tout son poids sur les affaires internationales.

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• Un exemple frappant donne la mesure du progrès accompli par l’URSS au cours de ce quart de siècle de stalinisme en ce qui concerne l’économie, l’industrie, l’instruction, la science et la puissance internationale : en 1957, quatre ans après la mort du guide, l’un des États les moins avancés de l’hémisphère nord en 1925 met en orbite le premier satellite artificiel; quatre ans de plus, et Gagarine devient le premier homme dans l’espace.

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2 – Postérité des fascismes

2.1 – Les régimes européens : franquisme et salazarisme

• D’un point de vue sémantique, on ne peut pas inclure les régimes de Franco et de Salazar dans une postérité du fascisme, entendu qu’ils sont contemporains de celui-ci.

• Surtout, malgré des ressemblances frappantes, on ne peut pas non plus les qualifier de fascistes à proprement parler, à cause de certaines distinctions fondamentales.

• D’abord, l’attitude de ces deux régimes au cours de la période 1939-1945 en Europe témoigne d’une première différence importante : la guerre est indissociable du fascisme, que ce soit dans sa forme originale italienne, ou à plus forte raison dans sa variante allemande.

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• Or, Salazar et Franco se sont tenus à l’écart de toute aventure militaire d’envergure au cours de leur règne, au point où il s’agit pratiquement des seules nations neutres du continent européen au cours de la Seconde Guerre mondiale.

• Mais il y a plus important et il manque à ces régimes un élément fondamental pour pouvoir être classés dans la même catégorie que le fascisme et le nazisme : l’idée révolutionnaire et l’aspect téléologique des projets italien et allemand en sont complètement absents.

• L’une des caractéristiques fondamentales des régimes « totalitaires » est qu’ils prétendent construire un homme nouveau pour une société nouvelle. Il n’existe rien dans le salazarisme et le franquisme qui rappelle cela.

• Tout régime d’extrême droite n’est pas nécessairement totalitaire. Franco comme Salazar sont issus de milieux profondément conservateurs de leurs sociétés (l’armée pour Franco, la bourgeoisie rurale pour Salazar).

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• Les projets politiques de Salazar et Franco n’ont rien de révolutionnaire et même si l’antibolchevisme et l’antiparlementarisme y sont aussi présents que chez Hitler et Mussolini, les réponses qu’ils apportent sont radicalement différentes.

• Franquisme et salazarisme sont des systèmes dictatoriaux classiques, conçus pour faire obstacle à la menace révolutionnaire, alors que le fascisme est révolutionnaire : il cherche des modèles nouveaux pour répondre à un contexte social et politique nouveau.

• Loin d’être pensés pour permettre l’ascension politique et économique de nouveaux individus et de nouvelles classes sociales, les régimes de Salazar et de Franco sont précisément conçus pour permettre aux élites traditionnelles de rester au pouvoir.

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• Cela n’exclut pas certaines filiations. Les régimes de la péninsule ibérique partagent avec les fascisme une certaine rhétorique, mais ce sont davantage par leurs ennemis communs que par leurs objectifs communs qu’ils se ressemblent et s’assemblent.

• Ainsi en est-il de la participation allemande et italienne à la guerre d’Espagne : le but est de contrer un mouvement associé à la gauche révolutionnaire. Une fois la victoire de Franco assurée, les liens entre son pays et ses alliés italien et allemand demeureront tenus.

• En fait, c’est de l’autre côté de l’Europe, à l’est, qu’il faut chercher des régimes semblables à ceux de la péninsule ibérique. En Pologne, Hongrie, Roumanie, Yougoslavie, Lituanie, etc., les régimes politiques issus de la Première Guerre mondiale (dans des pays qui n’existaient pas avant celle-ci), d’abord libéraux, ont tous chancelé sous le poids de la crise consécutive à la guerre et de celle de 1929.

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• Dans tous les cas, la montée d’un ressentiment social fort contre les institutions a provoqué la peur des élites traditionnelles devant le péril rouge et les a incitées à mettre en place des régimes autoritaires fortement ancrés à droite.

• C’est aussi ce qui se passe en Allemagne et en Italie. Mais si les problèmes sont les mêmes, les solutions proposées sont différentes : révolution sociale pour l’Italie et l’Allemagne, conservatisme consolidé par un régime autoritaire pour tous les autres, dont l’Espagne et le Portugal.

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2.2 – Les régimes sud-américains : péronisme et autres avatars

• De toutes les dictatures militaires postérieures à la Seconde Guerre mondiale, celle du colonel Péron est la seule qui, sans être calquée sur le modèle mussolinien, s'apparente par de nombreux traits au fascisme.

• Lorsque le groupe de jeunes officiers dont fait partie le colonel Péron renverse, en juin 1943, le régime argentin pour instaurer une dictature militaire « progressiste », l'Argentine est en pleine mutation grâce au boom économique et on assiste à l'essor d'une bourgeoisie industrielle aspirant à accroître sa puissance.

• S'opposant aux élites traditionnelles (grands propriétaires et bourgeoisie conservatrice), cette nouvelle élite trouve dans le nationalisme une justification à ses aspirations hégémoniques et des alliés parmi les militaires d’origines modestes.

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• Péron, devenu ministre du Travail, met à profit sa situation pour se constituer une clientèle parmi les masses pauvres de la capitale. Mais, en même temps qu'il prend des mesures en faveur des ouvriers pauvres et des chômeurs, il noue des liens étroits avec de nombreux dirigeants industriels et ne tarde pas à devenir l'homme fort du gouvernement.

• Le colonel Péron s’emploie alors à établir son pouvoir personnel et ne recule pas devant les moyens pour briser les oppositions, mais son régime politique ne devient pas totalitaire pour autant : les masses argentines ne sont ni enrégimentées dans des organisations paramilitaires, ni soumises à une pression idéologique comparable à celle des régimes fascistes.

• Le péronisme ressemble au fascisme par sa démagogie verbale et son nationalisme, qui ne débouche pas cependant sur un projet impérialiste et guerrier.

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• Il ne s’agit pas non plus ici d’un système politique ayant pour vocation de refonder totalement l’ordre social, même si par ses origines, sa structure et son évolution, il demeure plus près d’une conception révolutionnaire que conservatrice du pouvoir.

• Par ailleurs, si le péronisme est l’inspirateur de certains régimes politiques en Amérique du Sud, c’est loin d’être le seul modèle politique autoritaire à se déployer dans le sous-continent.

• En effet, si le régime de Pinochet, par exemple, présente lui aussi certaines caractéristiques communes avec le fascisme, il s’agit avant tout d’une dictature militaire classique, visant comme les régimes de Salazar et de Franco à freiner l’érosion du pouvoir des élites traditionnelles : il ne suffit pas qu’un régime soit violent pour être qualifié de fasciste.

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2.3 – Le fascisme et le nazisme dans le monde occidental contemporain

• Depuis environ 20 ans, les mouvements d’extrême droite ont le vent en poupe en Europe. Mais même si souvent les médias assimilent extrême droite et fascisme, ce rapprochement est loin d’être toujours fondé.

• L’une des grandes différences entre les mouvements d’extrême droite contemporain et le fascisme, c’est que les premiers s’inscrivent souvent dans des courants conservateurs et antimodernistes, comme les courants monarchistes (de Villiers en France), alors que le fascisme est par essence révolutionnaire et modernisateur. La nostalgie de Jean-Marie Le Pen pour la grandeur française est sans doute d’extrême droite, mais n’a rien à voir avec les projets téléologiques des fascismes originaux.

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• En fait, les mouvements fascistes et nazis véritables sont aujourd’hui une rareté et seuls quelques groupuscules sans grande influence politique peuvent être considérée comme des héritiers idéologiques.

• En Italie au lendemain de la guerre, le mouvement social italien (MSI) a connu certains succès électoraux de 1950 à 1990, avant de se saborder et de devenir en 1995 l’Alliance nationale, un parti de droite modérée, donnant ainsi naissance au Mouvement social – Flamme tricolore, fondée par les dissidents qui refusaient de suivre cette transformation.

• Il y a aussi le parti ultranationaliste de l’Action sociale d’Alessandra Mussolini, qui utilise les références idéologiques du système politique de son grand-père, mais cela relève davantage de l’incantation que de la filiation.

• Raciste, la Ligue lombarde d’Umberto Bossi ne peut être qualifiée de néofasciste au sens strict.

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• En France, au cours des années 50 à 70, plusieurs formations à tendance néofasciste (Jeune Nation, Œuvre française, entre autres) n’ont jamais vraiment remporté de succès auprès de la population, à l’inverse du populisme d’extrême droite d’un Poujade, qui ne saurait cependant être qualifiée de fasciste.

• Au Royaume-Uni, l’Union Movement d’Oswald Mosley (chef de la British Union of Facists d’avant-guerre) n’a pas non plus connu de grand succès électoral et est resté jusqu’à sa dissolution en 1973 un groupuscule sans réelle influence politique.

• En Belgique, le parti ultranationaliste flamand Vlaams Belang, connu entre autres pour ses prises de position antiimmigrations est souvent assimilé aux courants néofascistes, de même que le Voorpost, présent en Afrique du sud et aux Pays-Bas, mais ici encore, il s’agit davantage de mouvements racistes que fascistes à proprement parler.

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• En Espagne existent certains partis se réclamant du régime de Franco, comme Fuerza Nueva.

• Le néonazisme, qui utilise explicitement les références au IIIe Reich d’Hitler, est également un courant politique dont la couverture médiatique excède largement l’influence réelle. C’est le cas en Allemagne de l’Office fédéral de protection de la Constitution qui, sous ses airs légalistes, constitue l’une des plus puissantes organisations néonazies (elle compte selon diverses sources de 3 000 à 5 000 membres).

• En Belgique, le mouvement Sang, terre, honneur et fidélité démantelée en 2006 était sans doute l’une des organisations néonazies les plus radicales du continent, mais elle demeurait extrêmement limitée en terme d’adhérents, alors que seulement dix-sept personnes (dont onze militaires) ont été arrêtées en vertu des lois antiterroristes du pays.

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• Étrangement, compte tenu du fait que c’est justement dans cette partie de l’Europe que les méfaits nazis furent les plus manifestes, c’est en Europe de l’Est que les mouvements néonazis sont les plus forts.

• En Bulgarie, par exemple, le parti Ataka ouvertement raciste, antisémite et xénophobe a obtenu plus de 20 % des suffrages lors de l’élection présidentielle en 2006. Les attaques contre les Tsiganes et les Turcs y sont très fréquentes, car tolérées visiblement par les autorités.

• En Russie, où le néonazisme est formellement interdit, on retrouve de multiples formations et mouvements politiques qui s’inspirent clairement de la symbolique du IIIe Reich et s’en prennent aux commerçants issus de l’immigration (surtout du Caucase et de l’Asie centrale).

• Enfin, mentionnons qu’il y existe aussi au sein du KKK américain certaines cellules fortement colorées par le néonazisme, même si à proprement parler le Klan ne saurait être assimilé au nazisme.

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• À cela il faut ajouter les activistes du Stormfront, groupuscule sans réelle influence politique, mais violemment antisémite et anticommuniste, le Aryan Nations, ainsi que le American Nazi Party, encore plus insignifiants en termes d’audience, même si ce dernier dispose d’un lobbyiste au congrès depuis 2012.

• Bref, si l’extrême droite occidentale se porte bien, les mouvements fascistes et néonazis ne constituent qu’une petite partie de ce courant et les craintes quelques fois exprimées quant à la résurrection politique du fascisme et du nazisme sont très exagérées : ils appartiennent désormais au passé.

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3 – Postérité du stalinisme

• Si en 1945 l’échec patent du fascisme et du nazisme fait en sorte que peu de régimes et de mouvements politiques veulent s’en inspirer, le stalinisme, au contraire triomphant, va susciter un grand nombre d’imitateurs plus ou moins convaincants.

• Il convient ici de relever le paradoxe le plus éclatant du « marxisme pratique » : si Marx envisageait le communisme comme le stade suprême du développement économique, possible seulement dans les États les plus avancés, ses disciples ont tous tenté, en parfaite contradiction avec ses recommandations, de lancer la « marche vers l’avenir radieux » dans des États très en retard d’un point de vue économique sur les régimes que Marx avait en tête.

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• De sorte qu’historiquement, pour le moment, au moins, le « marxisme appliqué » (qui n’a rien à voir avec Marx, ou si peu) s’est avant tout manifesté comme une doctrine de modernisation pour des États faiblement urbanisés et industrialisés. La marque de Staline est ici parfaitement évidente, de même que la déformation des théories marxistes que son régime a induites.

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3.1 – Maoïsme

• Le plus remarquable des avatars du stalinisme, c’est bien sûr le maoïsme. La réaction de Mao à la déstalinisation est très évocatrice du changement qui survient alors en URSS et témoigne de l’éloignement de plus en plus grand de la direction soviétique du mode de fonctionnement du pays à l’époque stalinienne.

• Si la Russie d’avant la révolution était généralement considérée par les marxistes comme le dernier État où pourrait survenir une révolution à caractère marxiste, la chose est encore plus évidente dans le cas de la chine prémaoïste.

• En effet, en 1949, la Chine est très loin de présenter les caractéristiques d’une société industrielle : son taux d’urbanisation est inférieur à 10 %, moins de 15 % de la population du pays est alphabétisée et son économie est essentiellement agricole.

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• Comme dans la Russie d’avant 1917, des progrès importants ont été réalisés dans les années précédent la prise du pouvoir par le PCC. La Chine de 1949 est donc un État en cours de modernisation, tout comme l’était la Russie en 1917. Il n’est guère étonnant dans ce cas que Mao se soit grandement inspiré du modèle stalinien.

• Mais il y existe de grandes différences entre les deux, car le contexte démographique chinois est très différent de celui de la Russie impériale, avec une population près de 5 fois plus importante.

• La marche à l’industrialisation devra donc prendre d’autres formes qu’une urbanisation accélérée, dans la mesure où il est impossible de concentrer aussi rapidement que l’a fait Staline la population dans des ensembles urbains : la Chine vient à peine d’atteindre un taux d’urbanisation de 50 % et à la mort de Mao en 1976, ce taux n’était que de 20 % à peine.

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• Le modèle de développement est conséquemment différent : par exemple, la politique du Grand Bond en avant (1956) visait à l’industrialisation des campagnes, plutôt qu’à leur « urbanisation » comme dans le modèle stalinien des années 1930.

• Mao ne s’est jamais rendu aussi loin que son homologue géorgien dans le processus d’enrégimentement social. Bien sûr, le PCC est le seul parti politique autorisé et il y existe une multitude d’organisations sociales ayant pour objectifs d’encadrer la population, mais le degré de pénétration de celles-ci ne sera jamais comparable au modèle stalinien.

• Ainsi, la révolution culturelle lancée à la fin des années 1960 a avant tout concerné les populations urbaines, alors que dans les campagnes, elle ne pouvait que concerner certains bourgs plus importants, la campagne profonde demeurant largement impénétrable à cette époque.

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• Tout comme Staline, Mao pratique le culte de la personnalité avec d’autant plus de facilité que le contexte historique chinois et sa tradition politique se prêtent très bien à une personnification du pouvoir.

• Bref, même si le maoïsme partage de nombreux points communs avec son système politique de référence, peut-il pour autant être qualifié de « totalitaire »?

• Certes, Mao manifeste une volonté totalitaire, mais les caractéristiques propres à la Chine rendent encore plus difficile le recours à cette caractérisation : si on peut admettre qu’il était sur la voie du totalitarisme, le maoïsme en était encore très éloigné lorsque Deng Xiaoping entame ses réformes à la fin des années 1970.

• D’ailleurs, la Chine d’aujourd’hui s’est considérablement éloignée du modèle maoïste et a pris depuis 35 ans des formes s’inspirant davantage du confucianisme que du marxisme. La Chine ne conserve plus guère du marxisme qu’un certain lexique révolutionnaire.

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3.2 – Castrisme

• Lorsqu’il s’empare de La Havane en 1959, après avoir chassé le dictateur Batista, le Comandante ne peut pas être qualifié de marxiste et entretient des liens tenus avec les organisations se réclamant de cette idéologie.

• À son origine, le castrisme est un mouvement anticolonial qui a d’abord pour objectif la libération du territoire national. Ce n’est qu’une fois au pouvoir, et suite à l’accroissement de l’influence de certains de ses lieutenants (Ernesto Guevara au premier chef) que Castro sera entraîné dans l’orbite soviétique.

• La réaction américaine à l’arrivée au pouvoir de Castro a eu une influence prépondérante sur l’évolution du régime : dans un premier temps relativement sympathiques au personnage, les autorités américaines vont déchanter lorsque le régime choisit en 1960 de nationaliser une part importante des entreprises étrangères au pays.

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• Les intérêts américains se trouvant menacés, Washington change son fusil d’épaule et s’emploie à faire tomber le régime de Castro qui, particulièrement après la tentative de la Baie des Cochons 1961, n’a d’autres choix que de chercher un appui extérieur. Le plus évident de ces alliés potentiels est bien sur l’URSS.

• Assimiler le castrisme au stalinisme apparaît très exagéré : même si le régime se montre parfaitement dictatorial, il n’atteint jamais un degré de répression comparable au stalinisme ou au maoïsme. À titre d’exemple, la violente épuration des institutions gouvernementales menée par Guevara en 1960 entraîne la condamnation à mort d’environ 600 personnes.

• Mais c’est surtout en ce qui concerne l’idéologie que le castrisme se distingue nettement de sa matrice stalinienne, car il s’agit avant tout d’un mouvement de libération national.

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• Même si le « marxisme pratique » accroit son influence au cours des années 1960, cette dimension anti-impérialiste demeure fondamentale (alors que chez Staline elle est plutôt accessoire) et se traduit par l’implication des forces cubaines dans de nombreuses luttes « anti-impérialistes », comme en Angola par exemple.

• Le guévarisme, qui est d’une certaine façon un avatar du castrisme, accentue cette dimension, le Che préférant abandonner rapidement ses prérogatives gouvernementales pour se consacrer à exporter la révolution cubaine en Amérique latine et en Afrique. De ce point de vue, castrisme et guévarisme sont plus près du trotskysme que du stalinisme.

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3.3 – Polpotisme

• Caricature la plus repoussante du marxisme, le régime du Kampuchéa démocratique est passablement éloigné du stalinisme et des théories marxistes.

• En fait, dans la grande famille du « marxisme appliqué », il s’agit davantage d’une forme nationale du maoïsme, compte tenu de l’absence totale dans la société cambodgienne des éléments matériels nécessaires à la mise en place de la société communiste.

• Car si la Chine de 1949 est très loin d’une société industrielle, c’est encore plus vrai du Cambodge de 1975. Ici encore, il y a fusion entre les aspirations à la souveraineté nationale et les courants marxisants.

• Le régime de Pol Pot (de son vrai nom Saloth Sar) a le triste privilège d’être le plus sanglant de tous les systèmes politiques à s’être ouvertement réclamé du marxisme.

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• Au cours de la courte période de direction de Pol Pot, environ 2 millions de personnes ont été exterminées. Si ce chiffre fait pâle figure face au stalinisme, il faut tenir compte de la faible population du pays pour pouvoir comprendre toute l’horreur du régime : il s’agit en effet de 25 % de la population.

• Le polpotisme est aux antipodes du régime technologisée que suppose le totalitarisme : le Cambodge est l’un des États les moins développés du monde en 1975, mais surtout, le modèle de « développement » est une exaltation de la tradition cambodgienne rurale.

• Parmi les aberrations du régime de Pol Pot, il faut noter la désurbanisation et l’archaïsation sociale. Faiblement urbanisé, le Cambodge de 1975 l’est trop aux yeux des dirigeants, qui vont vider la capitale, Phnom Penh, de ses quelques 2 millions d’habitants.

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• Les déplacés seront contraints à vivre dans des camps de fortune en campagne à cultiver le riz, que le régime considère comme la ressource fondamentale qui permettra un jour le développement du pays.

• Profondément antiintellectuel (le port des lunettes est interdit), le régime de Pol Pot confond dans un même rejet Occident et modernité et tout ce qui appartient au second terme renvoie dans son esprit au premier, donc au passé colonial du pays, et doit conséquemment être annihilé.

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3.4 – Stalinisme et Occident

• À côté de tous les régimes du tiers-monde et des États en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine qui s’en sont inspirés, le stalinisme a survécu à sa mort pendant quelques décennies en Occident par le biais de certains partis politiques qui s’en réclamaient.

• À la fin de la guerre, deux partis communistes d'Europe occidentale occupent une place fondamentale dans leur pays en conséquence du rôle qu’ils ont joué pendant la guerre en tant que force de résistance au fascisme : le parti communiste italien et le parti communiste français.

• Le PCI s’est rapidement éloigné du modèle stalinien à la suite de la déstalinisation entreprise en 1956. Il ira même plus loin, alors que, dans la foulée de la répression hongroise de 1956, Togliatti, alors secrétaire général, prend ses distances avec Moscou.

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• De même, il est le premier parti communiste d’Occident à défendre clairement la théorie des voies multiples vers le socialisme et il est aussi l’initiateur de l’eurocommunisme au début des années 1970.

• Ce retournement et cette critique du monopole idéologique de l’URSS sur le mouvement communiste international conduiront à différents schismes au sein du PCI, dont le plus célèbre entraînera le développement des Brigades rouges, organisation terroriste d’extrême gauche des années 1970.

• Avant même l’effondrement de l’URSS, en janvier 1991, le PCI se dissous et donne naissance à deux partis politiques distincts, le parti démocratique de gauche, une formation de tendance sociale-démocrate et la Refondation communiste, très minoritaire, qui s’inscrit dans une tendance radicale sans pour autant être stalinienne.

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• Le PCF connaîtra une évolution différente. Encore plus stalinien que le PCI en 1945, le parti de Maurice Thorez a joué un rôle si fondamental dans la résistance française au cours de la guerre qu’il est à la fin de celle-ci l’un des principaux partis politiques du pays.

• Lors de la déstalinisation en 1956, le PCF maintient une ligne très stalinienne, qui fait de lui une exception dans la famille des partis communistes d’Occident. Il faudra attendre la mort de Thorez en 1964 pour que le PCF commence à remettre en question les dogmes de l’époque stalinienne. Il devient alors, plus le temps passe, une force politique secondaire et n’est plus aujourd’hui que l’un des multiples partis de gauche radicale en France.

• Aujourd’hui, il n’y existe plus guère en Occident de partis politiques déclarant s’inspirer ouvertement du stalinisme, terme devenu tout aussi infamant que celui d’hitlérisme.