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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE en partenariat avec Janssen-Cilag Fondation Nationale de Gérontologie

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Page 1: en partenariat avec Janssen-Cilag

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

en partenariat avec Janssen-Cilag

Fondation Nationale de Gérontologie

Page 2: en partenariat avec Janssen-Cilag

Fondation Nationalede Gérontologie49, rue Mirabeau75016 PARISTél. : 01 55 74 67 02Fax : 01 55 74 67 01E-mail : [email protected] : http://www.fng.fr

Abonnements :Catherine Dumoutier2005 (4 numéros)France : 90 €Étranger : 118 €

Tous les abonnementspartent du 1er janvier

Prix du numéro (2005) : France : 25 € - Étranger : 35 €chèque à l’ordre de la FondationNationale de GérontologieISSN 0151-0193Reproduction interdite de tous les articlessans autorisation

Les opinions exprimées dans les articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs

Gérontologie et sociétéest indexée dans la banque de données PASCAL (INIST - CNRS)

et dans la BDSP (Banque de Données Santé Publique).

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ÉDITORIAL ............................................................................. p 6

PRÉFACE ................................................................................. p 8

INTRODUCTION ................................................................... p 11DONNÉES DE BASE ................................................................... p 13DANS QUELLES STRUCTURES FAMILIALES SONT LES RÉPONDANTS ? ......................................................... p 16QUEL(S) LIEN(S) DE PARENTÉ ENTRE LES RÉPONDANTS ET LA PERSONNE MALADE ?....................................................... p 17QUI SONT CES PERSONNES MALADES ? ...................................... p 18

LES PERSONNES MALADES .................................................... p 21QUI SONT-ELLES ? ..................................................................... p 21LE DÉBUT DE LA MALADIE......................................................... p 21LES PERSONNES ONT-ELLES EU CONSCIENCE DE LEUR MALADIE AVANT LE DIAGNOSTIC ? ............................... p 26LE TEMPS DU DIAGNOSTIC ....................................................... p 29PRÉSENTATIONS FAMILIALES DES PERSONNES MALADES .............. p 30DES HYPOTHÈSES DIVERSIFIÉES.................................................. p 32

LA PERSONNE MALADE DANS SON ENVIRONNEMENT :FAMILLE, SOIGNANTS ........................................................... p 39QUI, DE LA FAMILLE, CONNAÎT LA MALADIE DE L’UN DES LEURS ? p 40UNE MARGINALISATION EN MARCHE ........................................ p 42TAIRE SA SOUFFRANCE ............................................................. p 44UN TEMPS PARTICULIER DE COMMUNICATION DIFFICILE EN FAMILE : L’ENTRÉE EN INSTITUTION ....................................... p 47FAMILLES ET PROFESSIONNELS .................................................. p 50

REGARDS CROISÉS SUR LES DTA ET AUTRES PATHOLOGIES.RÉALITÉS ET FANTASMES ....................................................... p 53DES MALADIES FAMILIALEMENT CONNUES ................................. p 54LES RÉPONDANTS SE SENTENT-ILS CONCERNÉS PAR CERTAINES PATHOLOGIES ? ................................................. p 57QUELLES PATHOLOGIES SONT REDOUTÉES PAR LES RÉPONDANTS ? p 57QUELS COMPORTEMENTS DÉCOULENT DE CES CRAINTES ?.......... p 61

S O M M A I R E

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

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numéro spécial - mars 2005 page 5

DES MOTS/MAUX À DIRE....................................................... p 63PEUT-ON PARLER DE SA MALADIE À LA PERSONNE CONCERNÉE ? p 63EN S’IMAGINANT MALADE, QUE SOUHAITE-T-ON ? ..................... p 66A QUI LES RÉPONDANTS SOUHAITERAIENT-ILS POUVOIR PARLER ?.. p 67ATTENTE VIS-À-VIS DES MÉDECINS : POUVOIR DIRE... .................. p 69... SAVOIR DIRE ........................................................................... p 75SI LA PAROLE EST DIFFICILE EN FAMILLE, À QUI ET OÙ PARLER ?... .... p 79ÊTRE ÉCOUTÉ ? OUI, MAIS PAR QUI ? .......................................... p 83

DES MOTS/MAUX À LIRE : LITTÉRATURE ET MÉDIAS.............. p 85LA LECTURE DE LIVRES SUR LES DTA ET DES RENCONTRES :UNE AIDE POSSIBLE ? ................................................................ p 85EN CE QUI CONCERNE LES MÉDIAS............................................ p 91UNE PISTE D’ACTION................................................................ p 93BIBLIOTHÈQUE D’OUVRAGES SUR LA MALADIE D’ALZHEIMER ..... p 93

POUR OUVRIR SUR L’AVENIR ................................................ p 103DES MOTS À DIRE... ................................................................. p 103... DES MOTS À LIRE .................................................................. p 109

ENCADRÉSMÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ......................................... p 14SECTEUR D’ACTIVITÉ ET NIVEAU DE RESPONSABILITÉ .................. p 16REMARQUES SUR LA RECHERCHE ELLE-MÊME ............................. p 20VERBATIM AUTOUR DES ÉVÉNEMENTS OU FAITS CITÉS À L’ORIGINE DE LA MALADIE ..................................................... p 34DIRE LA VÉRITÉ AU MALADE ? .................................................... p 70LA SOUFFRANCE ET LES QUESTIONS ÉTHIQUES QUI LUI SONT LIÉES ................................................................. p 80LES DTA, QUESTION DE SOCIÉTÉ ET DE SANTÉ PUBLIQUE ............ p 88

ANNEXES................................................................................ p 111TABLEAUX ............................................................................... p 111GUIDE D’ENTRETIEN................................................................. p 114QUESTIONNAIRE ...................................................................... p 117

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É D I T O

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

MALADIE D’ALZHEIMER, UN DES DÉFIS DU XXIe SIÈCLE

Les quinze dernières années ont pu témoigner des immenses pro-grès faits dans le domaine d’une des maladies les plus dévasta-trices. Sa prévalence est, en effet, liée à l’âge et double tous les cinqans de 65 à 85 ans ; d’où l’intérêt de tenter de retarder son appa-rition. Un retard d’apparition de cinq ans permet de diminuer laprévalence de moitié, un retard de dix ans la réduit des troisquarts. L’amélioration de l’espérance de vie dans les pays en voiede développement impliquerait qu’en 2025 le nombre de patientssoit plus élevé que dans les pays développés. Dans ces derniers, les projections indiquent que, en l’absence de prévention, lenombre passerait de 13,5 millions en l’an 2000 à 36,7 millions en2050. Mais dans les pays en voie de développement le nombre dedéments passerait de 8,6 millions à 67,9 millions.

Les progrès sont capables d’enrayer ce phénomène. Progrès dansla connaissance de la maladie et de ses mécanismes biochimiqueset génétiques même si le puzzle de son etio-pathogénie n’est pasencore complet. Progrès dans l’approche clinique et l’utilisationd’outils internationaux qui nous permettent de parler le mêmelangage et de travailler sans frontières. Progrès de la thérapeutiquequi offrent aux patients quatre médicaments symptomatiquesaméliorant pendant plusieurs mois ou années l’évolution clinique.A ces inhibiteurs de l’acétylcholinestérase va s’ajouter bientôt unmodulateur des NMDA récepteurs qui offrira pour la première foisune possibilité de bithérapie substitutive. Progrès, à nos portes, dela prévention que nous font entrevoir les données épidémiolo-

Pr Françoise FORETTE

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numéro spécial - mars 2005 page 7

giques identifiant les facteurs de risques et montrant la moindreincidence de la maladie dans certaines catégories de populationssoumises à des traitements divers (anti-inflammatoires, anti-hyper-tenseurs, anti-oxydants...). Espoir de traitement futurs permettantde stopper l’évolution des lésions tels les inhibiteurs de secrétasesen cours de développement industriel et immunothérapie encours d’essais cliniques.

Espoir que chaque médecin devienne l’artisan acharné du dia-gnostic précoce de la maladie d’Alzheimer insuffisant en France(50 % de cas diagnostiqués selon l’étude Paquid). Ce repérage estle seul garant de la mise en œuvre précoce d’un traitement spéci-fique pharmacologique (20 % seulement des patients bénéficientd’inhibiteurs de l’acétylcholinestérase) associé à un soutien psy-chologique, une stimulation cognitive et une information large sur la maladie.

Espoir que la douleur de chaque membre le la famille du plus petitau plus âgé soit prise en compte et reconnue. Espoir d’unemeilleure prise en charge médico-sociale qui allégerait le fardeaudes familles. Fruit de la collaboration entre neurologues, gériatres,psychiatres, généralistes, psychologues, orthophonistes, infir-mières, ce réseau de compétences doit permettre au patient debénéficier à la fois des progrès les plus récents de la science et d’unaccompagnement qui donne au métier de soignant tout son sens.

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Chaque époque voit l’émergence ou la transformation de cer-taines maladies conduisant au développement de nouveaux trai-tements capables à un moment donné, de les guérir, de les traiter,sinon en minimiser les symptômes.

Parmi les maladies qui vont marquer le XXIe siècle, la maladied’Alzheimer du fait de l’évolution de la pyramide des âges, poseet va poser à la communauté médico-scientifique mais égale-ment à la société dans son ensemble, des problèmes majeurs auxdimensions multiples.

En effet, cette démence neurodégénérative qui touche en premierlieu les fonctions cognitives, se répercute ensuite sur le comporte-ment et l’adaptation sociale des patients conduisant à leur institu-tionnalisation. Sa prévalence, la charge économique et socialequ’elle fait peser sur la société en fait un problème majeur deSanté Publique dans tous les pays industrialisés.

L’amélioration de la prise en charge globale des patients souffrantde la maladie d’Alzheimer passe par la découverte de nouveauxtraitements dans le but de minimiser, ralentir, voire stopper l’alté-ration des fonctions neurologiques. L’optimisation de la prise encharge repose également sur le diagnostic précoce et le dépistageen sensibilisant l’entourage et les médecins, afin qu’ils puissentdétecter à des stades précoces, les signes avant-coureurs de cetteterrible affection. La fierté de Janssen-Cilag est d’apporter sacontribution à cette stratégie de prise en charge globale.

P R É F A C E

Dr Martine WOLERVICE PRÉSIDENT DES AFFAIRES MÉDICALES JANSSEN-CILAG

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

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numéro spécial - mars 2005 page 9

Au plan thérapeutique tout d’abord, avec la mise à dispositiondes patients et du corps médical, depuis 2001, d’une molécule ori-ginale, la galantamine, dont le double mécanisme d’action à lafois sur l’acetylcholinesterase et les récepteurs nicotiniques, per-met d’agir sur tous les symptômes de la maladie d’Alzheimer ;avec la poursuite du développement et la recherche de nouvellesindications ayant permis l’enregistrement d’une nouvelle pro-priété pharmacodynamique dans la maladie d’Alzheimer à com-posante cérébro-vasculaire et enfin en développant des formula-tions galéniques innovantes afin d’optimiser l’administration dece traitement.

Conscients que le dépistage et le diagnostic précoce sont déter-minants dans l’évolution des démences et leur prise en charge,Janssen-Cilag a entrepris de réaliser de nombreuses réunionsnationales et régionales interdisciplinaires de formation sur lamaladie d’Alzheimer avec ou sans composante cerebrovasculaire.Enfin, soucieux de pouvoir également contribuer à améliorer laqualité de vie des patients et celle des familles confrontées à cetteaffectation, Janssen-Cilag a élaboré des programmes d’accompa-gnement et de soutien pour les familles et les patients démunisface au diagnostique de la Maladie d’Alzheimer.

Cet engagement aux côtés des praticiens, des patients et de leurentourage constitue la fierté de Janssen-Cilag qui renouvelle sonsoutien et son partenariat avec la Fondation Nationale de Géron-tologie afin qu’ensemble, au service des patients, nous puissionscontinuer d’affirmer que « la vie c’est tous les jours ».

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INTRODUCTION

L’origine de ce travail est issue des actions menées, depuis 1993,par la Fondation Nationale de Gérontologie auprès de jeunes surle thème du parcours de vie : Actions de sensibilisation à l’en-semble du parcours de vie, de la naissance à la mort. Au cours de celles-ci, des enfants et des adolescents n’ont pas hésité àplébisciter des ouvrages parlant aussi bien de la mort que de ladémence 1. Des éducateurs, comme des parents, ont su utiliser cesouvrages pour amorcer un dialogue en famille autour de cesgraves questions. Des personnes (adultes comme jeunes) ontbesoin de médiateurs (le livre en l’occurrence 2) pour verbaliser cequ’elles ressentent, ou pour se déculpabiliser face à une situationdouloureuse. Aussi ce travail est né de la préoccupation de rendrecompte de ce qui se dit et ce qui se tait, en famille, autour desdétériorations intellectuelles de type maladie d’Alzheimer (appe-lées plus loin dans les autres chapitres « DTA »). Cela, afin de mieuxcomprendre les résistances, les difficultés vécues face à ces trou-bles, et permettre une démarche de prise en charge plus précoceet plus efficace pour la personne malade comme pour son entou-rage. Ce travail n’aurait pu être réalisé sans le soutien actif de laFondation de France, la Fondation Médéric Alzheimer et Janssen-Cilag. Qu’ils soient remerciés d’avoir cru en ce projet.

1. Voir le site du Prix Chronosde littérature qui présentetoute la démarche ainsi que laliste des ouvrages primés :www.prix-chronos.org

2. Laroque G., Les démencesdans la littérature enfantine :quelques exemples à partirdu Prix chronos,Psychothérapies desdémences, Démences ettraumatismes, Perspectivespsychiatriques, 2000.

DES MOTS À DIRE,DES MOTS À LIRE

GENEVIÈVE ARFEUX-VAUCHERDIRECTEURE DE RECHERCHE, FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIECHERCHEURE ASSOCIÉE, LABORATOIRE « PSYCHOLOGIE DE LA SANTÉ ET DU DÉVELOPPEMENT » (EA 3729)INSTITUT DE PSYCHOLOGIE, UNIVERSITÉ LYON-2

MARTINE DORANGECHARGÉE DE RECHERCHE, FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

JEAN-CLÉMENT VIDALPSYCHOLOGUE CLINICIEN, UNITÉ DE SOINS LONGUE DURÉE, HÔPITAL LE VÉSINET

JACQUELINE GAUSSENSCHARGÉE DE MISSION, FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

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numéro spécial - mars 2005 page 12

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

3. www.prix-chronos.org

4. Voir dans ce numéro la présentation de la

bibliographie sur ce thème.

DES MOTS À LIREA l’issue de chaque entretien, lors de la phase qualitative, il étaitproposé aux personnes rencontrées de lire un ouvrage adapté à leurâge, portant sur le sujet de la démence ou d’un vieillissement difficilesur le plan familial, et de revoir la personne plus tard pour avoir sonsentiment sur l’ouvrage lu. Cette proposition découle des commen-taires faits spontanément par des jeunes comme par des adultes aprèsla lecture d’ouvrages du Prix Chronos de littérature 3. Il nous a semblépossible de tenter de mesurer l’impact de telles lectures auprès d’unpublic bien ciblé. En fonction des réactions obtenues, il serait possiblede développer des actions autour de ces livres, permettant auxfamilles et à leurs différentes générations de mieux comprendre lamaladie de leur proche, comme leurs relations à cette personne. Leursouffrance devrait en être atténuée, ce qui serait bénéfique pour toutle monde.

Les ouvrages proposés 4 aux adultes sont les suivants :

Des phrases courtes ma chérie de Pierrette Fleutiaux,

Je ne suis pas sortie de ma nuit d’Annie Ernaux,

Le sas de l’absence de Claude Pujade-Renaud,

Puzzle, journal d’une Alzheimer de Claude Couturier.

Les ouvrages pour les adolescents sont :

Mamie mémoire d’Hervé Jaouen,

Les volets clos de Marie-Sophie Vermot,

Miée de Xavier-Laurent Petit.

Les ouvrages pour enfants sont :

Momo petit prince des Bleuets de Yaël Hassan,

Mercredi ou jamais de Marie Jeanne Barbier,

Le dimanche noyé de grand-père de Geneviève Laurencin et Pef.

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numéro spécial - mars 2005 page 13

Entre le moment où ce projet a été élaboré et maintenant (fin2004) une évolution est perceptible 5. En effet, une littérature surla résonance auprès de toutes les générations familiales de la pré-sence d’une personne présentant une évolution démentielle com-mence à se développer, témoignant de recherches ou de projetsd’actions tant en France qu’en Amérique du nord 6. Cela montreque ce travail est bien en accord avec une question d’actualité. Les hypothèses de cette recherche sont les suivantes :

– vérifier que toutes les générations familiales sont concernées parla maladie ;

– vérifier que les adultes sont le vecteur de paroles ou de silencessur la maladie ;

– vérifier que la souffrance familiale empêche une communicationsatisfaisante avec la personne malade comme au sein de sa famille.

Une démarche en deux étapes a été élaborée :

– une exploration de la problématique, par entretiens semi-direc-tifs, auprès de personnes d’une même famille appartenant à plu-sieurs générations et ayant une personne atteinte d’une DTA ;

– une quantification des réponses obtenues dans la phase précé-dente, auprès de 500 personnes appartenant, elles aussi, à deuxgénérations d’une même famille.

DONNÉES DE BASE : MÉTHODOLOGIE ET POPULATIONSAYANT PARTICIPÉ À CE TRAVAIL

Dans un premier temps, nous avons élaboré un guide d’entretiensemi-directif avec des personnes d’une même famille, appartenantà des générations différentes. Familles ayant une personne atteinted’une DTA. Ces entretiens ont abordé l’histoire de la maladie, lesrelations familiales, les indices ayant fait penser à une maladie detype DTA, la communication au sein de la famille en lien avec lamaladie, les questions posées…

Rencontrer des personnes malades elles-mêmes n’était pas prévuau départ. Nous nous sommes adaptés à la demande desconjoints. Et cela a été source d’enrichissement pour l’ensembledes résultats, car, pour ces familles, la comparaison a pu être faiteentre les dires des différents membres rencontrés et ceux de la per-sonne directement concernée.

5. Voir le numéro 31 desCahiers critiques de thérapiefamiliale et de pratiques deréseaux, Vieillir - Le rôle de lafamille, Bruxelles, De Boeck,2003.

6. Beach D.L., Familycaregiving : the positiveimpact on adolescentrelationships, The Geronto-logist, vol. 37, n° 2, 1997. - Lavoie J.-P. Familles etsoutien aux parents dépen-dants, L’Harmattan, 2000.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

8. Nous remercions leséquipes du Pr Anne-SophieRigaud pour l’hôpital Broca,et celles du Dr Levillain pour

le Long Séjour de l’hôpital du Vésinet.

MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

PHASE QUALITATIVE :- Par l’intermédiaire d’associations de familles de résidants comme defamilles accompagnant un parent à l’hôpital de jour (Hôpital Broca) etcelles ayant un parent vivant dans l’unité de soins de longue durée de l’hôpital du Vésinet 8, nous avons rencontré individuellement 45 personnes, se répartissant ainsi :- 7 familles dont la personne malade vit à domicile : 2 personnesmalades (à la demande de la famille) ; 5 conjoints ; 11 enfants ; 9 petits-enfants ; 1 arrière-petit-fils (4 ans).- 6 familles dont la personne malade vit en établissement : 1 personnemalade (à la demande de la famille) ; 1 conjoint ; 8 enfants et neveux ;7 petits-enfants et petits-neveux.

PHASE QUANTITATIVE :Par l’intermédiaire de :– l’association des familles de l’hôpital Broca,– l’USLD de l’hôpital du Vésinet,– l’Hôpital de jour de Saint-Etienne,– IONIS, Groupe de Caisses de Retraites Complémentaires, pour sarégion Ile-de-France uniquement,– l’association France Alzheimer Seine-et-Marne,– l’association France Alzheimer Seine-Saint-Denis,– l’association France Alzheimer Hauts-de-Seine,plus de 1 000 questionnaires ont été adressés à une personne pivotdes familles avec la demande qu’une deuxième personne de la familleappartenant à une autre génération que le première accepte derépondre au second questionnaire adressé par voie postale.

Au total, 549 questionnaires sont revenus dans les délais pour êtresaisis.

Les répondants sont 172 hommes et 377 femmes. Les âges desrépondants varient entre 11 ans et 92 ans. Au vu du faible nombre depersonnes de 90 ans et plus, le texte et les tableaux reprendront larubrique « 80 ans et plus ». Cela témoigne qu’il y a bien trois géné-rations de répondants, ce qui était souhaité pour valider la partiequalitative. Génération de conjoints, génération d’enfants, générationde petits-enfants.

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A partir de l’analyse de contenu de ces entretiens, nous avonsconstruit la phase quantitative. L’élaboration du questionnaire 7 aété délicate, car certains thèmes abordés en face à face se prêtentmal à une question écrite. Comment obtenir des informations parécrit sur le ressenti des familles à propos de leur parent malade ?Comment connaître leurs fantasmes à propos de ces DTA, et com-ment interpréter des réponses sans que l’on puisse faire desrelances, afin que l’interlocuteur nuance sa pensée, apporte deséléments permettant des comparaisons et une meilleure compré-hension de ses réponses ?

Pour résoudre ces difficultés, nous avons choisi de construire unquestionnaire progressif dans l’abord des DTA. Nous avons mesuré,à travers du déclaratif, la présence ou non de diverses pathologies,invalidantes ou à forte mortalité, dans l’entourage familial du répon-dant. Puis, de fil en aiguille, nous l’avons amené à se positionnerpar rapport à ses craintes pour sa santé future, et enfin à aborder,dans la réalité, ses relations avec un proche atteint d’une DTA.

Nous avons aussi alterné des questions sur la réalité actuelle durépondant centrées sur la (les) personne(s) ayant une DTA dans safamille et des propositions de changement de rôle, le répondantdevant se mettre en position d’être atteint, plus tard, par une DTA.Ces allers retours entre deux points de vue, l’un vécu, l’autre ima-giné permettent de croiser ces résultats quantitatifs avec la richessedes contenus des entretiens semi-directifs.

Nous avons travaillé en lien avec différentes associations, ce qui apermis l’envoi des questionnaires à leurs adhérents 9 : deux parfamille en demandant que deux personnes appartenant à deuxgénérations différentes en remplissent un. Ceci afin de garder lavision plurigénérationelle de la partie qualitative de la recherche. Au total, 549 questionnaires ont été exploités. Plus de quaranteautres questionnaires, arrivés trop tardivement, ont, néanmoins,alimenté la réflexion.

STRUCTURES FAMILIALES DES RÉPONDANTS ET PLACEDES PERSONNES MALADES DANS CES FAMILLES

Âgés de 11 à 92 ans, les répondants ont massivement dépassé lacinquantaine. Mais l’ensemble représente bien trois générationsfamiliales, celles des grands-parents et des parents étant plusreprésentées que celle des enfants.

7. Voir en annexe unexemplaire du guided’entretien et duquestionnaire.

9. Voir l’encadré sur laméthodologie de larecherche.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Tableau récapitulatif du nombre de répondants par sexe et par groupe d’âge

Ages TOTAL Femmes Hommes

80 ans et plus 47 21 2670 à 79 110 63 4760 à 69 78 64 1950 à 59 132 101 3140 à 49 85 69 1730 à 39 34 20 1420 à 29 34 24 1019 et moins 16 10 6Age inconnu 7 5 2TOTAL 549 377 172

La moyenne d’âge des répondantes est de 55,42 ans (écart type :16,43) et celle des répondants est de 59,77 ans (écart type : 19,37).

Le mode de vie des répondants, se structure autour de trois pôlesprincipaux : la vie en couple sans enfants, la vie seule (beaucoupplus pour les femmes que pour les hommes) et la vie en couple avecenfants 10. A noter que 7% des répondants vivent avec leurs parentset grands-parents. Le statut matrimonial croisé avec l’âge des répon-dants nuance ces données 11.

SECTEUR D’ACTIVITÉ ET NIVEAU DE RESPONSABILITÉdes répondants de la phase quantitative :

De manière tout à fait conforme aux données de la populationgénérale, les répondants hommes qui ont (eu) une activitéprofessionnelle, viennent pour 38 % de l’industrie, 17 % de lafonction publique, 14 % du commerce, et 10 % d’une professionlibérale. Par contre leurs fonctions professionnelles sur représententcertaines catégories socioprofessionnelles. Ils ont (eu) un rôle de cadrepour 68 % d’entre eux, d’ouvrier/employé pour 16 % et de technicienou agent de maîtrise pour 16 %.

Du côté des femmes, 19 % d’entre elles n’ont pas (eu) d’activitéprofessionnelle, 21 % sont ou ont été dans l’enseignement, 22 % dansla fonction publique, 19 % dans le secteur de la santé, et 16 % dansle commerce. Elles ont (eu) un statut de cadre pour 47 % d’entre elles,d’ouvrière/employée pour 38 % et de technicienne ou agent demaîtrise pour 15 %.

10. Voir en annexe lesdonnées chiffrées.

11. Voir en annexe lesdonnées chiffrées.

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Les mariés dominent. Les classes d’âges où apparaissent les veufs etveuves sont conformes aux données générales de la population.Dès 40 ans, il y a des veuves alors que les veufs apparaissent seule-ment à partir de 60 ans. Les jeunes célibataires vivent en famille,ensuite en vie maritale, des veufs peuvent vivre avec des enfants…Il n’y a pas recouvrement de ces données sur le statut avec celles surle mode de vie.

DANS QUELLES STRUCTURES FAMILIALES SONT LES RÉPONDANTS ?

– 160 répondants ont leurs deux parents vivants. 22 ont seule-ment leur père, et 141 seulement leur mère. L’âge de ces parentsvarie entre 40 et 95 ans pour les pères (dont 45 de 80 ans et plus)et de 39 à 98 ans pour les mères (dont 118 de 80 ans et plus).

– 198 répondants sont grands-parents, et 33 d’entre eux sont aussiarrière-grands-parents. Les petits-enfants ont de 1 à 43 ans. Lesarrière-petits-enfants ont de 1 à 13 ans.

– 226 personnes ont perdu leurs deux parents.

– 409 répondants ont eu au moins un enfant. 405 en ont encoreau moins un au moment de l’étude. Au total, ces 409 personnesont eu 912 enfants. Il y a encore 864 enfants vivants au momentde l’étude. Plusieurs répondants ont perdu plus d’un enfant. Enfin9 décès de petits-enfants sont signalés.

QUEL(S) LIEN(S) DE PARENTÉ ENTRE LES RÉPONDANTS ET LA OU LES PERSONNE(S) AYANT UNE DTA ?

Seuls les liens les plus fréquemment cités sont retenus ici.

– Les grands-pères malades sont présentés par des petits enfantsayant de 11 à 30 ans.

– Les grands-mères malades le sont par des petits enfants ayantmoins de 40 ans.

– Les pères malades le sont par des filles entre 40 et 59 ans, et pardes fils entre 40 et 49 ans.

– Les mères malades le sont par des filles de 40 à 69 ans et par desfils de 50 à 59 ans.

– Les conjoints malades sont décrits par des épouses de 60 à 90 ans et les conjointes par des époux de 70 à 90 ans.

– Mais d’autres liens existent, certains répondants sont des neveuxou des sœurs de personnes malades.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Dans leur entourage familial chaque répondant a indiqué lenombre de (ou des) personne(s) qu’il connaissai(en)t et quiavai(en)t une DTA : 386 disent en connaître une, 96 en identifientdeux, et 33 en répertorient trois et plus. On peut voir dans letableau ci-dessous que dès l’adolescence, 20 % des répondantsconnaissent plus d’une personne avec une DTA dans leur entou-rage familial. De l’adolescence à la grande vieillesse, ces % de per-sonnes ayant dans leur entourage plus d’une personne atteinted’une DTA oscille entre 20 et 35 %, au fur et à mesure que l’ongrimpe dans l’échelle des générations. Cela permet de com-prendre la complexité des configurations familiales. Le tableau ci-dessous en rend compte en croisant l’âge des répondants et lenombre de personnes avec DTA dans leur environnement familial,hors les 34 personnes qui déclarent n’en pas avoir :

Pourcentages 12 des répondants, selon leur âge qui connaissent une ou plusieurspersonnes atteintes d’une DTA

1 personne 2 personnes 3 personnes et +

11 à 19 ans 81 % 13 % 6 %20 à 29 ans 71 % 21 % 3 %30 à 39 ans 76 % 12 % 3 %40 à 49 ans 65 % 23 % 6 %50 à 59 ans 71 % 19 % 6 %60 à 69 ans 65 % 16 % 10 %70 à 79 ans 71 % 15 % 5 %80 ans et plus 76 % 11 % 9 %

Entre 40 et 49 ans, les répondants sont presque un quart àconnaître deux personnes malades. C’est entre 60 et 69 ans queles répondants connaissent trois personnes et plus avec une DTAdans leur entourage familial. Génération de grands-parents, leplus souvent, concerné soit par un parent malade, soit par leconjoint. La charge familiale est forte à ce moment de la vie, sou-vent les premières années de retraite.

QUI SONT CES PERSONNES MALADES ?

Les répondants ont identifié les personnes suivantes comme por-teur d’une DTA ?– le répondant lui-même, pour trois personnes,– une mère pour 194,– un conjoint pour 143,

12. Voir en annexe lareprésentation graphique de

ces données.

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– un grand-parent pour 93,– un père pour 71,– un oncle ou une tante pour 33,– un beau-parent pour 30,– un beau-frère ou une belle-sœur pour 19,– un frère ou une sœur pour 16,– un cousin ou une cousine pour 14,– un neveu ou une nièce pour une personne– quelqu’un d’autre pour 19.Aucun enfant n’est identifié comme développant cette maladie.

Au vu de ces données on peut comprendre l’impact sociétal de cespathologies. Vu la complexité des familles, familles d’origine,belles-familles, familles recomposées, qui peut dire aujourd’huiqu’il ne connaît pas une personne avec cette affection dans safamille (au sens le plus large) ? Les mentalités s’emparent de ce faitpour surestimer la place réelle de ces affections. Nombreuses sontles personnes d’une même famille à connaître une personne avecune DTA, puisqu’il y a un nombre non négligeable de familles àquatre générations dans cette étude, avec des arrière-petits-enfants en âge de comprendre ce qui se passe.

Les personnes malades désignées dans les questionnaires, viventpour :– 45 % d’entre elles en établissement,– 18,5 %, chez elles avec leur conjoint, sans aide extérieure, – 15,3 %, chez elles avec leur conjoint, et des aides extérieures, – 9,5 %, chez elles seules, avec des aides extérieures, – 4,5 %, chez un enfant, – et 2,5 %, chez elles seules, sans aide extérieure.

Aucune donnée ne permet d’affirmer que les personnes qui viventchez elles sans aide extérieure ont un début d’évolution démen-tielle, surtout celles qui vivent seules. Mais cela reste une hypothèse.

Les chapitres suivants vont aborder les personnes malades, leurplace dans leur famille et la question de la communication entreelles et les différentes générations. Puis la question des réalités etfantasmes familiaux sera abordée, débouchant sur les mots/mauxà dire comme des mots /maux à lire. En contre-point à l’analyse,des encadrés mettent en valeur les paroles dites par les répon-dants, personnes malades comme membres de leurs familles surles thèmes traités.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

REMARQUES SUR LA RECHERCHE ELLE-MÊME

Plus d’un questionnaire sur deux (56 %) comprend des remarques desrépondants, qui peuvent être très longues. Certaines allant jusqu’àplusieurs pages.

Il y a 26 % des remarques qui sont des remerciements à la FNG pourcette recherche qui s’adresse aux familles au-delà de l’aidantprincipal, comme pour les aides matérielles et morales apportées parles associations France Alzheimer :

« France Alzheimer a un rôle très précieux. Surtout pour les maladessans famille aidante et pour les familles accablées par le poids de lacharge. » (Femme, 66 ans).

« Bravo, il est enfin admis l’importance des proches dans cettemaladie . » (Homme, 42 ans).

« Pour information : le fait de compléter cette enquête apporte un peude réconfort, car c’est déjà une prise en compte de nos questions. »(Homme, 37 ans).

« Je suis contente de parler de cette maladie [en répondant à cequestionnaire], car ma grand-mère est actuellement atteinte de lamaladie d’Alzheimer et vit chez nous en ce moment. » (Jeune fille, 17 ans).

Des critiques sont faites aussi sur la démarche (13 %) : trop dequestions, ou alors absence de questions plus médicales, sur letraitement, etc.

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LES PERSONNES MALADES

QUI SONT-ELLES ?

Les répondants ont déclaré connaître 636 personnes atteintesd’une maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés. Les liensentre les répondants et ces personnes ont été vus précédemment.Pour 272 de ces personnes, l’âge ou le lien avec le répondantmanque. Pour les 464 personnes dont le sexe, l’âge et le lien avecle répondant ont été notés, on peut voir une inégalité entre lessexes : il y a pratiquement un homme pour trois femmes ! La diffé-rence d’espérance de vie explique pour partie cette supérioritéféminine. Mais on la retrouve aussi dans d’autres études, notam-ment dans l’étude PAQUID 13. Le recrutement des familles ayantparticipé à cette recherche, via des associations de familles et desassociations France-Alzheimer influe aussi. Mais la concordanceavec d’autres données épidémiologiques est relativement bonne.

Distribution des personnes malades citées selon l’âge et le sexe

- 40 ans 40-49 50-59 60-69 70-79 80-89 90 et + TOTAL

Femmes 1 1 7 19 104 146 41 319Hommes 1 2 19 64 53 6 145TOTAL 2 3 7 38 168 199 47 464

LE DÉBUT DE LA MALADIE

Au cours des entretiens nous avons cherché à connaître l’histoirede la maladie, ou les histoires possibles, car chaque membre de la

13. Ramoroson H., Helmer C.,Barberger-Gateau P.,Letenneur L., Dartigues J6F.,Prévalence de la démence etde la maladie d’Alzheimerchez les personnes de 75 ans et plus : donnéesréactualisées de la cohortePAQUID. Revue Neurologique, 159 ;Masson, 2003.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

famille a sa version, même si un point central et commun aux dif-férents locuteurs est présent.

Les personnes malades rencontrées ont du mal à situer un début àleurs troubles. Par contre les conjoints et les enfants mettent enavant un évènement repère du début de la maladie. Cet évène-ment sert à parler de l’avant, période où la personne allait bien, etde l’après, période où elle est malade : infarctus d’un membre dela famille, séjour à l’hôtel, vacances dans un lieu familier. « C’est enréaction à l’infarctus de mon mari que maman est devenue malade ».« C’est quand j’étais à l’hôtel avec mes deux enfants [et ma mère], sansmon mari, que la démence de ma mère a démarré ». « Cet été-là, ellene s’est plus retrouvée dans sa maison de vacances familiales. Sa mala-die a commencé là ».

En général ce moment clé est le même pour tous les interlocuteursd’une même famille, même si chacun peut y ajouter des détailsnon présentés par d’autres. Par contre les petits-enfants ne peu-vent situer un début, ce qui est normal pour les plus jeunes quidisent n’avoir connu ce grand-parent que malade : « Aujourd’hui, jen’ai presque plus de souvenirs de mon grand-père normal. C’estcomme s’il avait toujours été malade ». Mais cela est plus déroutantpour certains petits-enfants presque adultes, qui se souviennentbien de leur grand-parent bien portant, mais n’ont pas intérioriséle moment (ou la période de temps) de passage de la santé à lamaladie : est-ce sans importance pour eux ? Est-ce la trace d’unnon-dit familial ? Sans doute pas, parce que l’évènement repèreintègre au fil du temps le roman familial à l’instar d’autres faitsmarquant la vie familiale sur plusieurs générations. Cela tient, enpartie, à la nature des liens avec les grands-parents, malade ounon. L’attention à l’autre ne valorise pas les mêmes éléments devie, ne s’inquiète pas des mêmes faits que les enfants-adultes. Lesrelations affectives entre petits-enfants et grands-parents suppor-tent mieux certains comportements que des enfants trouventinquiétants, voire pathologiques. Pour un pré-adolescent rencon-tré, le plus important est que son grand-père soit vivant, malgré saDTA (encore peu avancée de son point de vue à lui jeune adoles-cent) : « La maladie de mon grand-père n’est pas très prononcée. Çan’est pas très important, cela ne change rien. Il se trompe parfois, maison lui explique ; ça n’empêche pas de vivre. C’est la vie ! ».

Quoiqu’il en soit, la suite des entretiens montre qu’en réalité lestroubles ont commencé bien avant ces évènements décrits par la

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famille. Mais reconnaître ce démarrage plus précoce, c’est aussiaccepter de n’y avoir pas été sensible plus tôt ; de ne pas avoir prisces premiers signes au sérieux, comme d’autres études le confir-ment 14. Ce serait affronter une bonne dose de culpabilité pour cesconjoints et enfants. Aussi les discours vont osciller entre l’évène-ment qu’on raconte et des paroles relatives à des troubles plus pré-coces. « Finalement, ma mère s’est réfugiée dans sa démence pour sup-porter la mort de notre père et le suicide de son fils. C’est sa manièred’accepter les choses ».

Il est clair que ceci ne vaut pas en cas d’involution démentiellesuite à un AVC 15, cas rencontré avec quelques familles, même sil’une ou l’autre se demandent si l’AVC n’a pas accentué un pro-cessus démentiel (de type DTA) préexistant à l’AVC.

Les entretiens avec les conjoints et les enfants, voire les personnesmalades elles-mêmes, montrent deux attitudes : soit la famille ana-lyse mal la sévérité des symptômes et attribue au vieillissementnormal les difficultés de leur proche. Et ce n’est que plus tard, unefois confrontée aux troubles majeurs et au diagnostic que les diffi-cultés passées prennent valeur de signes. Soit, pour d’autresproches du malade, contre l’avis du reste de la famille, les difficul-tés sont bien perçues comme anormales, mais il peut exister pen-dant tout un temps, après l’évènement repère décrit, comme unpacte implicite entre la personne malade et son aidant principal,pour ne rien changer à son quotidien : tant que la vie est possible,malgré des troubles évidents mais encore mineurs, on ne consultepas, on ne cherche pas à savoir officiellement. Ce temps serait-il untemps de répit permettant d’accepter progressivement cette irrup-tion de la maladie : la démarche diagnostique étant entreprisequand le conjoint ou l’enfant se sentant en charge de son parentse sent prêt à l’admettre, ou ne peut plus faire autrement que del’admettre ? Dans ce dernier cas, la demande peut prendre laforme d’un appel à l’aide en urgence, pour être soulagé d’unecharge trop importante.

Ce décalage n’est pas propre à cette maladie. D’autres pathologiesproduisent aussi cette sorte de conduite d’évitement face à un dia-gnostic redouté. Mais il semble cependant que les familles vontpousser leur parent à consulter si un espoir, même mince, d’unethérapeutique efficace existe. En cas de DTA, l’évitement du parentaidant principal peut tenir à une ambivalence par rapport à cettemaladie : des personnes banalisent les troubles (« c’est normal avec

14. Bercot R., Maladied’Alzheimer : le vécu duconjoint, Erès, col. pratiquesdu champ social, 2003.

15. AVC = AccidentVasculaire Cérébral.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

l’âge »), mais ressentent aussi cela comme dévoilant toute l’horreurd’un vieillissement pathologique, perçu comme inévitable. Toutesles familles ne se sont pas comportées ainsi, mais plus de la moitiéde celles vues en entretien. Cela tient-il au fait que la prise deconscience des troubles remonte, pour certaines familles, au débutdes années 90, et sans traitement réellement efficace jusqu’à présent ? Depuis cette époque, le contexte social et médiatiqueautour des DTA a évolué, permettant sans doute aujourd’hui d’aller consulter plus facilement qu’il y a dix ans.

Les évènements repères dégagés lors des entretiens se retrouventdans la partie quantitative, avec une accentuation des troubles demémoire.

Massivement, ce sont les troubles de la mémoire qui alertent lesfamilles, quel que soit l’âge du répondant. Puis loin derrière, troisfois moins souvent cités, viennent, à égalité, quatre types d’élé-ments qui ont servi d’alerte : un désintérêt nouveau ou progressif,des réactions agressives inhabituelles, des difficultés à comprendredes choses simples, et la non reconnaissance de lieux habituels.Encore un peu moins souvent citées, la dépression et les difficultésà s’exprimer ont servi d’alerte.

Répartition des éléments qui ont servi d’alerte, en valeur absolue et pourcentage

Eléments qui ont servi d’alerte Nombre de citations Fréquence

Troubles de la mémoire 319 35,0 %Réactions agressives inhabituelles 107 11,7 %Désintérêt 103 11,2 %Non-reconnaissance de lieux habituels 102 11,1 %Difficultés à comprendre des choses simples 100 11,0 %Difficultés à s’exprimer 80 9,0 %Dépression 80 9,0 %Troubles du sommeil 17 2,0 %TOTAL 988 100,0 %

Derrière la notion de troubles de la mémoire, nous pouvonsreprendre ce qui nous a été dit lors de la phase qualitative de l’en-quête. A savoir, que très vite, la famille proche, conjoint, enfantsprésents régulièrement auprès du parent, ont été sensibles à desoublis particuliers. « Vers l’âge de 71 ans, elle a oublié tout à coup detéléphoner pour les anniversaires. Elle a perdu la notion du temps »

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(Fille de 51 ans). Ce n’est pas le mot qu’on ne retrouve pas, ou lachose que l’on raconte à nouveau, ou encore celle que l’on n’a pasenregistré, c’est un oubli plus sidérant pour celui ou celle qui leconstate et en premier pour la personne atteinte, oubli qui sort de l’ordinaire des défaillances de mémoire qui arrivent à tout âge,et sont plus fréquentes, normalement, dans la grande vieillesse. « Point de départ possible vers 1996. Des bizarreries mineures que j’attribuais alors à la crainte du vieillissement. Elle m’assimilait souventà un étranger, avait des réactions agressives inhabituelles vis-à-vis demoi exclusivement. Elle vivait “ailleurs”. Puis une fugue nocturne de 30 km. Elégance BCBG, souliers intacts… Comment ? Retrouvée dansun commissariat d’un bourg sur la route de S.. souliers intacts malgréune pluie infernale… » (Conjoint, 81 ans).

« Il y a 5, 6 ans. A ce moment-là mon père a commencé à effectuer desactes d’une façon répétitive… » (Fille 49 ans).

Ces familles confirment ainsi ce que d’autres études ont déjà montré quant aux signes repérés notamment les changementsd’humeur de personnes jusque là effacées, sans un mot plus hautque l’autre, voire qui acceptaient des reproches sans broncher. Un conjoint de 79 ans parle de « nervosité anormale ». Henri Bau-chau 16, pour sa part, parle de « terreur et phobie » et de forteangoisse chez sa femme, au début de sa maladie.

Près d’une personne sur deux estime l’ancienneté de la maladie deson proche. Cela va de 6 mois à 24 ans ! En reclassant les duréesdonnées (non vérifiables) on trouve 7 personnes dont l’anciennetéserait d’un an maximum, 44 entre 2 et 4 ans, 113 entre 5 et 10 ans,33 entre 11 et 15 ans et 10 de plus de 15 ans. Mais l’appréciationde l’ancienneté de la maladie varie selon la place générationnelledu répondant : plus il est proche de la personne plus il arrivera àestimer correctement la durée (rétrospectivement). A l’inverse, lespetits-enfants auront plus de mal, comme cet exemple le montretiré des deux questionnaires remplis par une fille et une petite fillede la personne malade. La fille de 55 ans fait remonter les premierstroubles vers les années 1987-89 « Un peu avant ses 80 ans, en cons-tatant des troubles du comportement lors de réunions de familles »,alors qu’une petite fille indique plutôt 1994 « le fait marquant pourmoi a été lorsqu’elle ne m’a plus reconnue ! », quand elle-même avait19 ans. La différence de sensibilité générationnelle semble cou-rante. Elle peut être un atout dans la relation entre petits-enfantset grand-parent malade.

16. Bauchau H., Journald’Antigone (1989-1997),Paris, Actes Sud, 1999.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

LES PERSONNES ONT-ELLES EU CONSCIENCE DE LEURS TROUBLES AVANT LE DIAGNOSTIC ?

Une personne malade (femme) rencontrée a une conscience fortede ses troubles, de leur accentuation avec le temps. Elle exprimeun sentiment d’humiliation quasi permanent et qui augmente dene plus être celle qu’elle a été. Elle dit préférer aller en établisse-ment plutôt que de devenir une charge pour sa famille. Elle nesupporte pas le comportement de son mari à son égard. Elle se vitcomme « prisonnière » chez elle. Lui, parle de sa femme en disant :« elle baisse, se fatigue plus vite ». Deux descriptions différentesd’une même réalité.

Une autre personne (homme) se sent coupable. Il essaie de « fairedes efforts », d’être « le moins gênant possible » et voudrait mourir« avant de ne plus reconnaître les miens ». Sa grande lucidité, et sa tristesse sont parfois masquées par des paroles humoristiquessur ses troubles de mémoire : « Vous pouvez me dire ce que vousvoulez : dans quelques instants je ne me rappellerai de rien ».

Annie Ernaux a trouvé une trace de la conscience de sa mère « Janvier 1984 (…) J’ai trouvé une lettre qu’elle avait commencée :“Chère Paulette, je ne suis pas sortie de ma nuit”. Maintenant, elle nepeut plus écrire. Ce sont comme les mots d’une autre femme. C’était ily a un mois » 17.

Conjoints comme enfants se sont interrogés sur cette conscienceprécoce chez la personne malade, sans pouvoir toujours déciderde la réponse à apporter à leur interrogation. Trop d’ambivalenceet de culpabilité se rattachent, de fait, à cette lancinante question.

Certains conjoints comme certains enfants, et dans une moindremesure petits-enfants pensent que la personne malade a euconscience de ses troubles, au travers de ses comportements plusagressifs, ses sautes d’humeur, ses larmes, jusqu’à l’évènementraconté comme marquant l’entrée officielle dans la maladie.Certains s’interrogent sur la capacité de la personne malade à mas-quer ou tenter de masquer ses troubles naissants, aussi bien à sonentourage qu’à elle-même.

Mais ils ont du mal à se souvenir de paroles qui diraient cetteconscience, alors que pendant toute une période ces personnesont eu un langage expressif important. C’est plus dans des com-

17. Ernaux A., « Je ne suispas sortie de ma nuit », Paris

Gallimard, 1997.

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portements particuliers qu’ils prennent appui pour le penser. Desrecherches menées au Canada montrent aussi cette conscienceparticulière des personnes malades, tôt dans l’histoire de leurmaladie 18.

Ce constat qualitatif est validé par les réponses au questionnaire. Il y a 43 % des répondants qui pensent que leur proche malade « avait conscience » de ses troubles avant le diagnostic, 38 % pen-sent le contraire et 19 % « ne savent pas ».

● Les enfants pensent pour 53 % d’entre eux que leur père oumère avait conscience de leurs troubles. « Maman avait pour princi-pale obsession la peur, pour ne pas dire l’angoisse, de perdre la tête.C’est dans ces moments là que nous aurions dû l’écouter, mais nous ne pouvions pas présager, il y a cinq ans seulement, qu’il s’agissait déjàd’appels au secours » écrit une femme de 58 ans. Ce témoignagemontre que la fille pense, rétrospectivement, que sa mère avaitconscience de ses débuts de troubles puisqu’elle utilise le motappel au secours. Certains répondants affirment que la personnemalade a su la première ce qu’elle avait et que le médecin n’a faitque confirmer ensuite le diagnostic. Une fille de 54 ans écrit quec’est sa mère (malade) « qui s’est alertée et est allée consulter ». Cesavoir premier chez la personne malade n’est pas expliqué, mais ilest important de souligner ces remarques spontanées d’enfantscomme de petits-enfants déjà adultes.

● Les conjoints (âgés le plus souvent) sont plus nombreux à pen-ser que leur conjoint malade n’avait pas conscience de ses diffi-cultés. Dix points d’écarts les séparent de ceux qui pensent qu’il enavait conscience : 47 % contre 37 %. Cette prise de position ne s’ac-compagne pas de commentaires justifiant cette réponse, aussibien chez les hommes que chez les femmes. Pourtant une femmeécrit « En ce qui me concerne, mon époux, actuellement décédé, avantmême que le diagnostic des médecins n’ait été établi, avait annoncélui-même avoir la maladie d’Alzheimer » (Femme, 77 ans).

● Les petits-enfants, quant à eux, se partagent à quasi égalité entreceux qui disent « oui », « non » et « je ne sais pas » à cette question(respectivement : 35 %, 33 %, et 32 %). Les effectifs pour les autresmembres de la famille (oncle, frères, beaux-parents…) sont tropfaibles pour analyser les réponses en fonction de ces liens fami-liaux. La situation de répondant en tant que « petit-enfant » de lapersonne malade accentue les réponses « ne sait pas ». Cela montre

18. Guertin M., La consciencechez les personnes Alzheimer.Etude de cas et éthique descomportements. QuébecMédiasPaul, 2000.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

bien une coupure entre ces personnes, parce que la maladie acommencé à un moment où le petit-enfant était trop jeune pourfaire attention à des troubles naissants, surtout si ses contacts avecson grand-parent étaient peu fréquents. Et pourtant les entretiensde la phase qualitative avec des petits-enfants ont montré leurquestionnement sur la conscience de leur grand-parent malade.Pas avec la même acuité que chez leurs parents, mais cela faisaitpartie de leurs préoccupations. Des enfants font la même réponse,car ajoutent-ils, jamais un dialogue avec leur parent malade n’aporté sur ce point. Evitement inconscient ? volontaire ? de la per-sonne malade comme de ses proches ?

Au vu de ces données, il semble que les conjoints sont moinsenclins que leurs enfants à admettre la conscience précoce de leurmari ou femme sur leurs troubles. Est-ce la proximité du lien, de lavie en commun, de ce que cela mettrait en cause dans leur vie decouple, qui explique ce comportement ? Ne serait-ce pas, aussi,pour moins culpabiliser de n’avoir rien fait à ce moment-là, d’avoirtardé, voire d’avoir été agacé (et moins tolérant : des personnesmalades disent « il va encore me gronder » en parlant de leurconjoint qui ne supporte pas telle erreur 19) par des comporte-ments qu’ils interprétaient mal ? Si un enfant sur deux admet queleur père ou mère avait conscience de ses troubles au début, celapeut être rapproché du double lien que les enfants adultes ontavec leurs parents. Lien de distanciation parce qu’ils ont fait unchoix de vie hors du cocon familial : à ce moment, reconnaître laconscience est plus facile car il y a une distance entre soi et sonparent. Mais aussi lien profond, inconscient, enraciné dans les pre-mières expériences de vie et qui développe une sensibilité trèsforte, qui fait intuitionner des émotions chez son parent en débutde maladie que son autre parent – le conjoint du malade – ne per-çoit pas d’emblée.

Nadine Trintignant, pour sa part, porte témoignage de la cons-cience que son frère a eu très tôt de ses troubles, comme du soinqu’il a pris pour les masquer à ses proches « J’ai retrouvé un agendaque tu as oublié chez moi, un jour, dans ton autre vie. Il date de 1986.Sur la première page tu as écrit (…) le nom de la rue où tu habitais. Lenuméro de code et (si l’un de nous était tombé sur cet agenda, ça l’aurait alerté) : “escalier gauche, dernier étage”. Ces lignes banalesm’ont fait basculer. Cette peur de te perdre, comme elle a dû te chahuter. Et tu as gardé tout ça pour toi » 20.

19. Rezvani n’écrit-il pas dansL’éclipse (Actes Sud, 2003)

« Aujourd’hui, après lui avoirrappelé que quelque chose

ne va pas, elle se vexe, elle sefâche, je veux qu’elle

comprenne ne serait-ce qu’unpeu – elle m’en veut… ».

20. Trintignant N., « Ton chapeau au vestiaire »,

Paris, Fayard, 1997.

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Finalement, pourquoi continue-t-on à se poser cette question surla conscience de ses troubles dès leur démarrage ? C’est l’inversequi serait troublant. Pourquoi ces personnes en bonne santé psy-chique ne se poseraient-elles pas de question en constatant leursdifficultés bien spécifiques de mémoire, difficultés encore épiso-diques ? Leur niveau de conscience est encore suffisamment per-formant pour qu’elles s’interrogent sur elles-mêmes. Par contre,cette acceptation est plus difficilement supportable par lesproches.

LE TEMPS DU DIAGNOSTIC

Près d’une personne sur deux (47 % des répondants) dit que lapersonne malade de son entourage a été informée de sa maladie.Deux répondants sur 5 affirment le contraire. Les autres (= près de13 %) ne savent que répondre. L’importance du « oui il a étéinformé » décroît avec l’âge de la personne malade. Plus la per-sonne malade est âgée, moins elle aurait été informée. L’âge durépondant n’influe pas vraiment sur cette réponse 21. Par contre leshommes l’affirment plus que les femmes (53 % contre 43 %). Cesdonnées renvoient sans doute au temps écoulé entre le momentd’annonce du diagnostic et celui de l’enquête. On peut faire l’hy-pothèse que les personnes malades les plus âgées le sont depuisplus de temps que les plus jeunes. Cela traduirait une évolutionaussi bien au sein du corps médical annonçant plus facilement (?)le diagnostic, comme des familles mieux préparées à entendre cequi est dit. Evolution des mentalités ?

Sur les 229 répondants qui disent que leur parent malade a étéinformé, il n’y en a que 205 qui savent par qui. Celui qui sembleannoncer le plus fréquemment la maladie est un médecin spécia-liste (gériatre, neurologue ?) pour 85 répondants, puis deux foismoins souvent le médecin traitant (45 personnes). Le conjoint estun informateur pour 38 personnes, et un enfant pour 31. Loin der-rière, la lecture de la notice de la boîte de médicaments est citéepar 6 personnes comme moment et moyen d’information de lapersonne malade.

Les mots utilisés pour dire la maladie renvoient aux « troubles dela mémoire » pour 48 % des répondants, à « maladie d’Alzheimer »pour 34 % d’entre eux, « maladie du cerveau » pour 12 % et « démence » pour 6 %. Certains répondants précisent « Les médecins

21. En fonction de l’âge durépondant âgé de plus de 30 ans, les % oscillent entre44 et 48 %.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

ont toujours dit qu’il ne s’agissait pas d’un Alzheimer, mais de démencesénile [suite à un AVC survenu à 90 ans] » (Fille 63 ans).

PRÉSENTATIONS FAMILIALES DES PERSONNES MALADES

En dehors des quelques personnes malades rencontrées directe-ment, parler des personnes oblige à recourir aux discours tenuspar leurs proches, à écouter ce qu’ils disent de leur histoire, de leursituation au moment de l’enquête.

Les conjoints des personnes malades pensent que celles-ci ont parmoments conscience de leur état. Ils le devinent à des expressionsdu visage, à quelques paroles dites, à des attitudes d’opposition,de refus de certains traitements (« laissez-moi vivre ma vie » dit unefemme démente face à sa rééducation orthophoniste). Rares sontceux qui parlent de caprice qu’il faut reprendre, ce que plus d’en-fants feront. Cette notion de caprice semble témoigner du refus(inconscient) de ce type de maladie qui est assimilée à la folie,puisque des comportements deviennent incompréhensibles etininterprétables par les proches : puisque ma femme, mon époux(mon père…) déambule sans raison apparente, sans but précis 22,il (ou elle) devient fou (folle ). Aussi, dire que la personne malade« le fait exprès » revient à recouvrir un comportement énigmatiquepar une intentionnalité adaptée socialement, leur permettant, sansdoute, de tenir le coup auprès de leur parent. Mais ils peuventaussi tenir un raisonnement inverse, disant qu’à l’heure actuelleelle n’a plus, ou de moins en moins, conscience de son état. Ce quipeut paraître comme un déni de leur propre observation leur sertaussi d’étayage à leur propre situation. Pourraient-ils supporter àdomicile leur conjoint si longtemps, s’ils n’introduisaient pas unedistance entre eux et leur conjoint en lui déniant une part d’hu-manité ? Ambivalence qui traduit/trahit leur souffrance devantl’évolution vécue sur le mode de la déchéance de leur compa-gnon. John Bayley exprime remarquablement cette nécessaire dis-tanciation pour tenir le plus longtemps possible « Maintenant l’es-prit [d’Iris] est vacant. Le mien n’a rien de mieux à faire que de secentrer sur soi-même. (…) Pour pouvoir penser et me souvenir, je doisoublier l’existence de ma femme, ce qui me culpabilise, mais sans cela,je n’aurais pas la liberté d’esprit nécessaire » 23.

Les enfants sont encore plus dans l’ambivalence et l’exprimentplus nettement. « C’est ma mère et ce n’est plus ma mère. Je ne peux

22. Aux yeux de la personnenon malade, s’entend.

23. Bayley J. Iris Murdoch, le dénouement,

Paris, Bayard, 2001.

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plus la reconnaître comme telle. C’est trop angoissant pour moi, etpourtant c’est ma mère » dira en s’effondrant en pleurs, un fils. « C’est de moins en moins ma mère. Ma mère c’est celle d’avant avecqui je pouvais parler, faire des câlins et que je voyais en train depeindre à la maison » dira une fille qui tout en s’occupant correc-tement de sa mère, ne voit plus (refuse de voir encore) sa mère en elle, condition semble-t-il pour qu’elle puisse poursuivre cetaccompagnement distancié.

Quant aux petits-enfants, ils n’osent exprimer facilement leurambivalence affective, car en famille ils ne peuvent la dire. Ils sesentent comme interdits de parole dessus, et ne sont pas d’accord(pour ceux que nous avons vus) avec ce fonctionnement familial.Rares sont les enfants qui arrivent à dire à leur propre enfant ado-lescent qui ne veut plus aller voir sa grand-mère « parce qu’elle neme répond pas », qu’il peut y avoir d’autres moyens de communi-quer que la parole, que sa présence est déjà une attention àlaquelle sa grand-mère sera sensible. Henri Bauchau en donne defréquents exemples « Journée où je suis allé à l’hôpital. Quand je l’aiembrassée avant de partir, L. les yeux fermés et tout endormie m’a faitun sourire délicieux » 24. Mais plus facilement que leurs aînés, lespetits-enfants voient la personne malade « dans son monde », unmonde différent du leur, de celui de la société, mais un mondevivant, dans lequel il se passe des choses : « Je sais qu’elle s’en rendcompte [qu’elle est malade] mais je la vois dans son monde à elle. Elleest toujours vivante » (Petite-fille de 12 ans).

En réfléchissant un peu plus, certains se demandent si, finalement,la personne malade n’a pas encore une plus grande conscience deses troubles que ce qu’ils pensent. Sa susceptibilité est souventcitée comme signe éventuel de cette conscience, même fugace ouintermittente. Mais reconnaître cette conscience à l’autre est, mani-festement, très perturbant pour eux. Se comportent-ils comme ilsdevraient le faire s’ils étaient totalement persuadés que la per-sonne, qui ne s’exprime plus comme avant, a une forme deconscience inimaginable jusque-là ? La demande de lecture dePuzzle, journal d’une Alzheimer 25 répond à ce désir de savoir ce quel’autre vit de l’intérieur, car cela reste une énigme pour eux.

Plusieurs répondants, essentiellement des conjoints, se mettentdouloureusement en cause quant à leur prise de conscience destroubles chez leur conjoint malade. Tous donnent la même expli-

24. Bauchau H., Passage dela Bonne-Graine, Journal(1997-2001), Paris, ActesSud, 2002.

25. Voir la partie Desmots/maux à lire, consacré àla lecture d’ouvrages.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

cation : les conjoints sont trop proches matériellement et affective-ment de la personne en train de devenir malade pour être sen-sibles aux tous premiers signes. Les personnes, de la famille ouextérieures, celles qui ne vivent pas au quotidien avec celle com-mençant une DTA, sont mieux à même de percevoir plus tôt lestransformations psychiques. Cet homme de 81 ans décrit très biences processus dans lesquels la proximité des conjoints rendaveugle sur l’évolution de l’autre : « Je ne vois guère de faits assimi-lables à des “facteurs déclenchants”. Mais je ne suis qu’un béotien enla matière. Tout s’est dégradé en douceur, en souplesse, du mental àl’incontinence vésicale. Peut-être des personnes extérieures à la cellulefamiliale se sont-elles interrogées ? Mais sans rien en dire… Pas devague. Je n’ai pas su assez tôt analyser les situations successives. Je nesuis qu’un vieil imbécile ». D’autres vont ajouter que cet aveugle-ment premier cède brutalement alors que les troubles sont déjàimportants. Ainsi cet homme de 76 ans dit : « En tant que conjoint jen’ai vraiment pas perçu l’arrivée de cette maladie… Seulement commeun pan de mur qui s’écroulait courant l’hiver 2001/2002, période où ila fallu l’hospitaliser ».

Quel statut a la personne malade pour ses proches ? Commentparlent-ils d’elle ? Est-ce un sujet ou devient–elle progressivementun objet dont on parle ? Tout ce qui précède montre ce passageprogressif d’un sujet à un objet. Cela peut être l’amorce d’un pre-mier travail de deuil du lien noué avec la personne avant sa mala-die. Deuil du lien qui va se faire avec l’exclusion progressive ducercle de famille. C’est aussi sans doute la simple expression de sasouffrance et de son incommunicabilité. Mais Claude Couturierrevendique pourtant une place de sujet « Je voudrais pouvoir vivrele présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue àme traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine quia des émotions et des pensées, même lorsque je semble “ailleurs”. » 26.

DES HYPOTHÈSES DIVERSIFIÉES

Des causes explicatives de l’apparition d’une évolution démen-tielle de leur parent ont été signalées par près de 2 personnes sur 5. Si la majorité des répondants est quasi muette sur ce point,la lecture des remarques ou propositions de compréhension ducontexte d’apparition de cette pathologie est riche d’investiga-tions à poursuivre. En outre, l’âge des personnes (femmes ethommes) ayant fait ces remarques suit parfaitement la distribution

26. Couturier C., Puzzle,Journal d’une Alzheimer,

Lyon Editions Josette, 1999.

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globale des âges de l’ensemble des répondants. Ce ne sont doncpas plus spécialement les plus jeunes ou les plus âgés qui seraientdans ce genre de questionnement.

Ces faits, cités comme hypothèse explicative de l’apparition de lamaladie, sont d’ordres familiaux, sociaux, psychologiques, médi-caux. Ils sont souvent exprimés sous forme interrogative, rarementde manière affirmative, sauf quand le répondant parle d’héréditéfamiliale.

Seules 16 personnes, sur 206 qui citent des faits ou des évène-ments susceptibles d’expliquer la survenue d’une DTA, parlentd’une hérédité familiale, parfois remontant sur trois générations.Cette morbidité généalogique est reconstruite la plupart dutemps. La terminologie maladie d’Alzheimer est récente. Anté-rieurement, le langage courant utilisait plus les mots de gâtisme,ramollissement cérébral, démence (encore aujourd’hui), voire l’ex-pression retomber en enfance.

D’autres faits médicaux sont aussi cités (48 fois) qui relient la DTAà des anesthésies à répétition ou qui se seraient mal passées, avecla prise de médicaments (somnifères, calmants, neuroleptiques) surde longues années, de l’HTA ou des séquelles d’AVC. Le lien entreanesthésie et perturbations (transitoires la plupart du temps) de lamémoire est connu. Mais leur influence réelle sur l’apparitiond’une maladie d’Alzheimer se situe sans doute plus du côté d’élé-ment révélateur ou accélérateur d’un processus déjà commencé.

Mais le plus frappant dans ces notations familiales est la descrip-tion des personnes malades d’un point de vue psychique. D’aprèsleurs dires, ce sont des personnes qui, depuis de longues années,voire depuis leur enfance, ont présenté de fréquents épisodesdépressifs, un caractère « soumis » aussi bien aux parents qu’auconjoint, des enfances malheureuses, des traumatismes psychiquesà répétition, une sorte d’incapacité constante à surmonter desépreuves douloureuses de la vie (allant de décès d’enfants – mala-die, accidents, suicides –, de parents, de conjoints, à des fins de vieprofessionnelle traumatisantes, en passant par des ruptures affec-tives débouchant sur une vie solitaire, sans investissement person-nel, ennui…). En tout il y a 186 notations de cette nature 27. Lesrépondants s’interrogent sur un lien possible entre ces réactions(ou absences de réactions positives par rapport à d’autres per-

27. Voir le Verbatim dans l’encadré (pages suivantes).

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

VERBATIM AUTOUR DES ÉVÈNEMENTS OU FAITS CITÉS À L’ORIGINE DE LA MALADIE

HÉRÉDITÉ

« Hypertension, l’âge, terrain familial (grand-mère paternelle atteintede la maladie d’alzheimer). » (Homme, 47 ans, à propos de son père).

« Grand-mère Alzheimer, Mère Alzheimer. » (Homme, 78 ans, à pro-pos de sa femme).

« Maladie familiale : mère, frère et sœurs (4 personnes). » (Femme, 70 ans, à propos de son mari).

« Une maladie héréditaire. Sa mère était aussi malade d’Alzheimer. »(Homme, 39 ans, à propos de sa mère).

« La mère de mon mari présentait de graves troubles de mémoire. Unede ses sœurs est décédée il y a deux ans. Sa sœur aînée est atteinteaussi de la maladie et vit actuellement en maison de retraite. »(Femme, 63 ans, à propos de sa belle-sœur).

« Sa mère avait eu une dégénérescence cérébrale vers 80 ans, mais jene sais pas si c’était Alzheimer ou autre car elle est morte en avril1966. » (Femme, 47 ans, à propos de sa mère).

MALADIES ET MÉDICAMENTS« Intervention cardiaque peu de temps avant le déclenchement de lamaladie. Pas d’autotransfusion, pas non plus de transfusion et ensuiteune année d’anémie, pourquoi ? Peut-être aussi un manque d’oxy-génation au cerveau durant l’intervention ? Je ne suis pas médecin,mais je me pose la question. » (Homme, 56 ans, à propos de sa mère).

« Ma mère a pris des anti-inflammatoires pendant plus de 20 ans pourdes douleurs rhumatismales. Je pense que des toxines ont gravementdétruit sa mémoire. » (Homme, 55 ans).

« Pas d’activités intellectuelles (n’est jamais allée à l’école). Sur-consommation de psychotropes. » (Femme, 27 ans, à propos de sagrand-mère).

« Une dépression lointaine dans le temps (traitée) puis les prises desomnifères régulières pendant des décennies, au début de la maladiede la morphine en traitement post opératoire. » (Femme, 57 ans, àpropos de sa mère).

« Peut-être plusieurs opérations importantes, rein, cancer, doncplusieurs anesthésies. » (Femme, 59 ans, à propos de sa mère).

......

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sonnes qui ont vécu des évènements ou traumas équivalents etqui n’évoluent pas vers une DTA) aux évènements cités et l’appa-rition d’une démence. Pour eux, un lien explicatif est pensé, mêmes’il est le plus souvent supputé.

Que peut-on dire de ces observations de proches dépeintes alorsque l’état de démence de leur parent est connu ? Auraient-ilsdécrits de la même manière cette personne si elle n’était pasatteinte d’une DTA ? La littérature sur ce sujet reste très prudentequant aux possibles relations de cause à effet entre les évène-ments décrits rétrospectivement par les familles et la survenued’une DTA 28. Par contre, des auteurs 29 montrent un lien statisti-quement significatif entre évolution démentielle et traits de per-sonnalité, notamment ceux de l’introversion déclinée en terme de« caractère réservé, inhibé, passif ». Cependant cette étude ne faitpas de lien explicite entre DTA et état dépressif, ce qui apparaîtpourtant dans beaucoup d’autres publications, sans pour autantsavoir d’où s’origine cet état dépressif (causalité ou réactivité ?) 30.

S’il faut prendre avec prudence ces paroles familiales, qui peuventservir à rationaliser l’incompréhensible et l’inacceptable de cettepathologie, ne pourrait-on tenter néanmoins de les comprendreen référence à deux concepts psychodynamiques actuels, à savoir« l’appareil adptatif inconscient » élaboré par Ploton 31 et celui de « résilience » 32. Cela ne met pas de côté le terrain somatique del’évolution démentielle, mais prend plutôt le parti de ce quePloton (et al) appelle « les boucles d’interaction individualisablessur les plans psychique et biologique » engendrant des « phéno-mènes de correspondance (en miroir) entre évènements psy-chiques et biologiques » avec des capacités de contre-performanceneuro-psychiques selon que les liaisons sont occupées, endomma-gées ou insuffisantes pour la masse d’informations à traiter. Ce que Nathalie Rigaux appelle « l’hypothèse de boucles de rétroactionentre le niveau biologique et les facteurs psychiques et envi-ronnementaux » 33. Contre-performances épisodiques ou plusdurables et de plus en plus importantes selon la dynamique desdéliaisons.

Dans cette optique, les éléments apportés par les familles décrivantdes personnalités plutôt dépressives, en deuil permanent, repliéessur elles-mêmes, témoigneraient de la défaillance, à certainsmoments clés de leur existence voire de l’absence de capacités de

28. Ritchie K., Nargeot N.,Herguetta T., L’hétérogénéitédes stades précoces de ladémence sénile de typeAlzheimer (DSTA) à travers lesobservations fournies par lesproches. La revue de Gériatrie,tome 17, n° 5, Mai 1992.

29. Jacomb P.A. Jorm A.F.Personnality change indementia of the Alzheimertype, international Journal of Geriatric Psychiatry, vol 11,n° 3, March 1996.

30. Dartigues, JF., Helmer C.,Letenneur L., Epidémiologiedes démences, inBougousslavsky J., Léger JM.,Mas JL., Démences, Doin,2002.Derouesné C., Lacomblez L.,Démences et dépression,Psychologie & NeuroPsychiatrie du Vieillissement,Dépression du sujet âgé, vol. 2-2004, suppl 1.

31. Ploton L., Gaucher J.,Joubert C., Ribes G., TalpinJM., Israël L., Blanchard F., La modélisation dufonctionnement mental àl’épreuve de la démence, La revue de Gériatrie, tome 28,n° 1, Janvier 2003.

32. Manciaux M., TomkiewickS., La résilience aujourd’hui,Gabel M., Jésu F., ManciauxM., Bientraitances; mieuxtraiter familles etprofessionnels, Fleurus, 2000.

33. Rigaux N., Le pari de laperplexité, in AlzheimerCerveau sans mémoire, La Recherche Hors Série, n° 10, Janvier-mars 2003.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

PROFILS PSYCHOLOGIQUES SPÉCIFIQUES

« Peut-être le fait que sa vie s’est limitée à sa seule famille, à sontravail (elle travaillait dans un CAT), aucune lecture, aucune activité(en dehors de la natation il y a longtemps). Renfermement sur elle-même depuis qu’elle est à la retraite. Elle ne sortait pas et son mari lalaissait souvent seule. Ils faisaient peu de choses en commun endehors des repas familiaux et des vacances. » (Femme, 59 ans, à pro-pos de sa sœur).

« Etat général de la personnalité, soumise à son mari, n’a pus’exprimer sans crainte. Perte d’un enfant en très bas âge. Maladiegrave de son mari. » (Femme, 20 ans, à propos de sa grand-mère).

« Ma grand-mère a toujours été effacée devant mon grand-père (ellene parlait presque pas). C’était mon grand-père qui faisait tout (parexemple, c’est lui qui remplissait les chèques, qui répondait auxcoups de téléphone). Ma grand-mère a souvent été dépressive à causedes raisons évoquées ci-dessus. » (Jeune fille, 15 ans).

« Père perdu très jeune des suites de la guerre. Elevée par uniquementsa mère, qui bien qu’institutrice, a créé un état dépressif, presquepermanent sur sa fille qu’elle a culpabilisée de ne pas s’être remariée.Cet état dépressif, même mariée, s’est poursuivi plus modérément aulong de sa vie. » (Homme, 82 ans, à propos de sa femme).

« Orpheline de père très tôt. Mère qui a entretenu un climat dépressifjusqu’au mariage de sa fille, qui, même mariée, avec un enfant trèsproche à tous points de vue, a conservé un fond d’état dépressif. »(Homme, 58 ans à propos de sa mère).

« Maman était une femme très anxieuse, pleurait souvent, maux detête. Ce qui à mon avis a réellement déclenché la maladie est la pertede mon frère à l’âge de 32 ans. Les symptômes sont apparus justeaprès. » (Femme, 41 ans).

« Rupture vie sociale. Personnalité très introvertie. » (Femme, 43 ans,à propos de sa mère).

« Vie très difficile, enfance difficile. Conjoint diabétique décédé/suicide à l’âge de 50 ans. Vit seule depuis. S’est occupée de sesparents. Dépressive après la mort de sa mère, mais restée très isolée.Le manque de contacts sociaux favorise-t-il cette maladie ? » (Femme,55 ans à propos de sa mère).

« Une enfance difficile selon ses dires. Une vie adulte, bien remplie etpositive pour un regard extérieur, mais ressentie depuis des annéescomme une accumulation de renoncements douloureux, d’échecs(couple, maternité) » (Femme, 46 ans, à propos de sa mère). ...

...

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résilience chez certaines personnes atteintes d’une DTA 34. Si ellesavaient eu ces ressources internes, si elles avaient pu les trouverdans leur environnement relationnel, elles auraient pu les mobili-ser pour dominer les évènements vécus dramatiquement : lesconnexions neuro-psychiqes auraient fonctionné sans aboutir àces ratés du fonctionnement mental. Ces ressources de résilienceauraient permis, alors, à leur appareil adptatif inconscient devieillir en évitant dépression et évolution démentielle. Cettedéfaillance à un moment donné ou survenant plus fréquemmentau cours de la vie renvoie à la question d’une (pré)disposition psy-chique à ces contre-performances si particulières dans les DTA,donc à la question d’une structure psychique inconsciente parti-culière.

Certaines de ces personnes sont dites comme marquées par le mal-heur dès leur enfance, sans avoir pu « acquérir des ressourcesinternes » ou après certains traumatismes trouver des « tuteurs derésilience » 35. Il est clair que nous n’affirmons pas que seules despersonnes plutôt soumises, réagissant difficilement aux difficultésmultiples de l’existence, vont développer une DTA. D’autresexemples connus montrent que des personnes qui semblent avoirassumé leur vie peuvent aussi avoir ce type d’évolution. Aucunmodèle n’est valable à 100 %. Mais ces pistes de recherche sur uneprédisposition psychique alliée à une prédisposition somatique etau rôle de l’environnement sur ces deux domaines 36, méritentd’être examinées, même si c’est finalement pour les réfuter, carelles permettraient éventuellement d’envisager des prises encharge précoces pour aider les personnalités les plus fragiles à seconstruire des « tuteurs de résilience ».

Quel rôle a la structure de la personnalité dans l’apparition d’unemaladie de type Alzheimer ? Ce n’est pas un lien de causalitédirect et exclusif dont il est question ici, mais de comprendre s’ilexiste comme un terrain psychique en interaction avec un certainterrain somatique qui prédisposerait à ce type d’involution. Poserla question de la structure psychique devrait aller de soi. C’est unélément de plus en plus pris en compte dans le champ de la santéaussi bien dans son aspect thérapeutique que dans la recherche de la survenance de telles pathologies : rôle du stress, comme dudésir de vivre dans le déroulement et dynamique de certainesmaladies 37. L’élément causal ou les éléments déclencheurs del’évolution démentiels devenant presque secondaires.

34. Peut-être de manière plusaccentuée que chez d’autrespersonnes, qui dans certainessituations difficiles sontcapables de mobiliser cescapacités de résilience.

35. Cyrulnik B., Les vilainspetits canards, Odile Jacob,2001.

36. Montrant bien que lesdémences relèvent à la foisdes domaines de recherchebiologique et psychologique.

37. Thomé-Renault A., Le traumatisme de la mortannoncée : psychosomatiqueet SIDA, Paris, Dunod, col. Psychismes, 1995.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Selon que son système immunitaire du moment et son état men-tal inconscient est stressé ou plus calme, qu’elle a besoin de béné-fices secondaires du côté de la régression par exemple, ces diffé-rences d’états font qu’une personne va attraper ou non le virus dela grippe de son voisin dans le métro. Ces correspondances ourétroactions fonctionnant aussi bien du biologique vers le psy-chique que du psychique vers le biologique. Les expressions « sefaire de la bile » ou « se faire un sang d’encre » montrent bien queces effets psychiques et biologiques, « tricotés » entre eux, sontconnus depuis longtemps.

« Plus ou moins abandon des parents, perte de situation, perte d’unenfant unique. » (Femme, 76 ans, à propos de son conjoint).

« Dépression, licenciement économique, mort de ses parents, de notrefille, retraite. » (Femme, 81 ans, à propos de son mari).

« Traumatismes de la vie : abandonnée à la naissance à l’assistancepublique, angoissée pendant la guerre (reste seule avec 2 enfantsdurant 6 ans), au retour de guerre, couple ne se reconstruisant pasd’où prise de Séresta à forte dose pour supporter le quotidien. »(Femme, 63 ans, à propos de sa mère).

« Mon père était angoissé au moindre changement dans sa vieprofessionnelle, voire quotidienne et était incapable de s’adapter auxévolutions de son temps. Très rigide, il lui était difficile d’entretenirdes relations avec les autres. » (Femme, 57 ans).

« Cette personne a eu peur de se retrouver en retraite pensant qu’ellene pourrait pas assurer le maintien financier pour sa famille. Petit àpetit s’est laissée aller sans réaction pour s’en sortir, pensant que sa vieétait fichue. » (Femme, 64 ans, à propos de son père).

« Suppositions, à partir de faits réels : 1° une enfance, adolescence etmême jusqu’à ce que nous nous mariions à 25 ans, une vie mal-heureuse chez ses parents (une mère vraie marâtre). 2° une mise à laretraite anticipée (58 ans) sans motif, sans délai (15 jours), quittantainsi à la sauvette une fonction de direction d’entreprise moyenne(600 salariés) qu’elle occupait depuis 25 ans. » (Homme, 71 ans, àpropos de son épouse).

« Maman était souvent dépressive, d’un caractère anxieux. Elles’adaptait difficilement à des situations inhabituelles ou imprévues.Elle n’a jamais accepté de décès de mon père. De plus, tout au longde sa vie, elle a eu à subir de gros problèmes de santé (cancer ducolon, donc vivant avec une poche depuis 35 ans) » (Femme, 58 ans).

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LA PERSONNE MALADE DANS SONENVIRONNEMENT : FAMILLE, SOIGNANTS

Qu’elle soit à domicile ou en établissement, la personne maladeest dans un ensemble familial qui compte parfois quatre généra-tions. Que se passe-t-il au sein de ces familles, au sein des diffé-rentes générations par rapport à la personne malade ? Si l’on a vuprécédemment comment certains membres de ces familles par-laient ou décrivaient ces personnes malades, comment vivent-ils lasituation familiale depuis l’émergence de la maladie ?

Les entretiens ont montré que la communication familiale tientcompte de la place générationnelle des personnes. Cette pratiqueest le reflet (modifié, comme en conviennent certains enfants aucours de l’entretien) des réseaux familiaux de relations et de com-munication qui se sont mis en place au cours de la constitution desdifférentes strates de la famille. « Nos parents ont toujours fait atten-tion à ne pas empiéter sur la vie de leurs enfants. Il fallait garder labonne distance. On reste sur la cadence d’avant. (…) Si ma mère avaittoute sa tête, je pense que je la verrais plus qu’aujourd’hui, étantdonné qu’elle prend de l’âge. Mais, c’est lourd à supporter comme touthandicap ». La communication au sein du couple est différente decelle entre parents et enfants, elle-même autre que celle entregrands-parents et petits-enfants, et ainsi de suite. De même au seindes fratries, les systèmes de communication sont multiples, enfonction du sexe des enfants, de leur place dans la fratrie, desécarts d’âge entre eux, etc. Il est donc normal de retrouver ici cessystèmes antérieurs de liens et de communication. Tel enfant se dit

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

enfant privilégié du père, tel autre de sa mère, tel frère ou sœur estdécrit par d’autres personnes de sa fratrie comme « le petit dernierà qui ses parents ne demanderont jamais rien ». Tel(le) aîné(e) sesent investi d’une responsabilité particulière. Tel(le) autre, aussi àcause de son métier, etc. Les petits-enfants se situent déjà par rap-port à leur parent et ensuite à leurs grands-parents, ce qui paraîtlogique. De ce fait ils sont concernés autrement que leurs parentspar la maladie d’un grand-parent. Ce n’est pas moins, comme lepensent nombre de parents, mais autrement : les troubles de lamémoire les effraient moins que les adultes, pendant tout untemps. N’en percevant pas, encore, le côté catastrophe annoncée,ils savent plus longtemps faire avec. Plus ils sont jeunes, moins ilsattachent d’importance à ces premiers symptômes, ce qui les rendplus tolérants à l’égard de la personne malade.

QUI, DE LA FAMILLE, CONNAÎT LA MALADIE DE L’UN DES LEURS ?

Comment la famille, au-delà de l’aidant principal a-t-elle apprisofficiellement la maladie dont souffre l’un des siens, par qui, et quepense t-elle de la manière dont l’information est passée ? Toute lafamille est-elle officiellement au courant ? Sur ce point la placegénérationnelle du répondant est un facteur à prendre en compte :les conjoints comme les enfants aidants principaux ont du êtreinformés autrement que les petits-enfants.

Le temps de consultation sert le plus souvent à confirmer un dia-gnostic devenu implicite pour certains membres de la famille maisaussi pour les personnes malades elles-mêmes. Ainsi, une femmetéléphonera à ses enfants l’après-midi du jour où elle a consulté,accompagnée de son mari, en disant à chacun d’eux « J’ai la mala-die d’Alzheimer. Je m’en doutais, je pense que vous le saviez aussi.Maintenant c’est officiel ». La fille d’une femme dit, comme un cer-tain nombre d’autres personnes « Nous nous en sommes renduscompte par nous-mêmes », sans que le diagnostic ait été donné à lapersonne malade. Cette auto-connaissance, sans confirmationpublique, semble-t-il, émane surtout de répondants dont le parentmalade vit en établissement. Or de nombreuses enquêtes mon-trent qu’une fois sur deux, le diagnostic de démence n’a pas étéfait précocement chez les sujets vivant en institution 38. La questionreste de savoir si l’établissement informe les familles, une fois quele diagnostic est posé. Aucune famille de l’échantillon ne l’a

38. Gonthier R., Terrat C.,Girtanner CH., Comment faire

évoluer la perception de ladémence du sujet âgé en

médecine générale, La revue de Gériatrie,

tome 26, n° 6, Juin 2001.

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signalé. Au contraire, vu les remarques faites par ces familles quisavent sans vouloir le dire au principal intéressé. Quant aux petits-enfants, certains connaissent le nom de la maladie de leur grand-parent, et savent faire (pour les plus âgés d’entre eux ainsi queleurs parents) la différence entre un état démentiel suite à un AVCet une DTA (lorsqu’il s’agit pour leur parent de la première propo-sition). D’autres petits-enfants sont tenus dans l’ignorance, commeon le verra plus loin. Mais la médiatisation autour des DTA fait quedes familles sont persuadées que leur parent a une DTA et ont dumal à accepter, lors d’une consultation spécialisée en gériatrie,qu’il ne soit que dépressif ou confus, et non dément.

Déjà, 50 % des répondants ont été informés par un médecin. Cesont essentiellement les conjoints et enfants accompagnant lorsdes visites qui ont eu l’information de cette manière. Les conjointsdes personnes malades ont informé 26 % des répondants, leursenfants principalement. La personne malade elle-même a informé3 % des répondants (sans doute des enfants, ce que l’on a vu dansl’enquête qualitative). Enfin, 21 % des répondants ont été informéspar un enfant de la personne malade. Il s’agit surtout des petits-enfants répondants.

Mais il semble que la circulation des paroles sur la maladie commesur la personne malade soit comme aseptisée, plus informative surdes faits que sur des ressentis, entre parents et enfants, comme siles familles mettaient en œuvre le dicton « on ne parle pas decorde dans la maison d’un pendu ». Ces informations débordentrarement sur la génération des petits-enfants : la plupart saventpeu de choses de la maladie de leur grand-parent, tout au moinsofficiellement. Leurs parents justifiant toujours cette mise à l’écart :il faut les protéger, ils sont trop jeunes pour y être associés. « Non,je ne leur ai rien dit. Ils voient leur grand-père. (….) Croyez-vous que jedevrais leur en parler ? » demande cet enfant en raccompagnantl’interviewer à la fin de la rencontre. Mais ces petits-enfants ensavent plus, souvent, que ce que leurs parents pensent, ne serait-ce que par ce qu’ils les entendent parler (en direct ou au télé-phone) de leur grand-père ou grand-mère. Certains de ces petits-enfants disent mal supporter cette sorte de surprotection qui lesempêche de parler et de questionner. « Avec mon père je ne peuxpas en parler, plus avec ma belle-mère. Mais avec papa, c’est tabou ».Un petit-fils dit : « La parole circule mais c’est aussi le problème. Le dis-cours est un peu vide. Ma mère craque parfois devant mon frère et moi

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

et c’est dur. Mais ce qui est marrant c’est que ce que ma mère reprocheà ses parents, c’est ce que moi et mon frère on pourrait lui reprocherplus tard ! ».

UNE MARGINALISATION EN MARCHE

Plus l’état de santé psychique de la personne se dégrade, moinselle sera incluse dans le dialogue familial. Elle sera de plus en plusmarginalisée, comme à l’extérieur du cercle de la famille. Onpourra lui dire bonjour, lui poser une question, et très vite s’adres-ser de plus en plus, seulement, aux personnes capables de conver-ser normalement. La personne devient témoin d’une vie familialequi se déroule sous ses yeux, à laquelle on l’associe de moins enmoins, à laquelle on pense qu’elle n’est plus capable d’être asso-ciée. Des conjoints verbalisent ce décalage qui s’accroît en disant « elle n’est plus la même », « elle se fatigue de plus en plus ». Mais aussi,des personnes malades s’isolent elles-mêmes, se sentant en déca-lage par rapport à leur famille, s’estimant un poids pour les autres.Cette mise à l’écart vient accentuer un processus très répandu, déjàà l’œuvre dans les familles vis à vis des plus âgés. Une femmeexplique très bien ce processus, quand elle dit « Mes enfants vien-nent se rencontrer chez moi, ils ne viennent pas vraiment me voir, saufquand je suis seule avec chacun d’eux ! ». Bien des adultes n’ont pasconscience de ces comportements liés à la désafférentation senso-rielle (audition et vue) qui fait que la personne ne sera plus aussirapide pour entendre, répondre… et que les enfants commepetits-enfants vont converser de plus en plus entre eux, pourrontmême aller dans une autre pièce pour laisser la personne âgée sereposer. L’évolution démentielle ne fait qu’accentuer ce fonction-nement de groupe. Cette distance s’instaure déjà au sein ducouple, quand des comportements étranges émergent, quand laparole commence à faire défaut, comme la citation de John Bayleynotée antérieurement le fait voir. Pourtant le couple peut survivreà ces difficultés, comme Henri Bauchau le montre de manièreexemplaire, mais si difficile à vivre pour soi « Courses et promenadeavec L. elle ne va pas bien, se laisse traîner, a perdu le sens de l’heure.(octobre 1994) (…) L. n’a pas faim. Je dîne seul et très fatigué. Je faisensuite une longue promenade dans notre triste quartier. Au retour, jeretrouve L. à table, elle croyait être le matin et prenait son petit déjeu-ner. Il lui est très difficile maintenant de se repérer dans le temps. Laretrouver ainsi m’a d’abord fâché, puis m’a causé un vif chagrin quej’ai senti en moi toute la nuit. (…) Depuis que L. ne se souvient plus et

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ne parle guère, je suis somme tout enfermé dans le silence » (Août1995). Ce qui ne l’empêche pas d’écrire en novembre 1998 « L. cematin à l’hôpital. Elle était belle et impressionnante. Révélant unaspect serein, au-delà de sa personnalité que je connaissais mais queje n’avais jamais vu sur son visage. Ainsi dans cette inconnaissance où nous sommes nous continuons parfois à nous découvrir l’un l’autre. » 39.

Au fur et à mesure de cette construction d’une distance entre lafamille qui va bien et la personne de cette famille qui va mal, lesenfants, dans la plupart des cas, vont de plus en plus parler entreeux du souci causé par l’aidant principal, surtout si c’est le conjointet non l’un d’entre eux. Cet aidant principal devient objet d’unepréoccupation forte, angoissante (certaines personnes ont pleuréen en parlant), prioritaire sur leurs préoccupations à propos de leurparent malade. « Mon plus gros souci, c’est papa » dit une fille (dontla mère, le beau-père et le mari ont une DTA ou un état végétatifsuite à un accident de santé). Il semble que cette angoisse serad’autant plus forte que le lien entre l’enfant qui en parle et leparent aidant principal était déjà comme privilégié antérieure-ment à l’irruption de la maladie. Derrière cette préoccupationconcernant l’aidant principal, il y a en filigrane la question de laprise en charge de la personne malade si l’aidant principal avaitdes difficultés de santé ou même s’il venait à mourir, avant la per-sonne malade. Ce souci vis à vis de l’aidant principal est peuabordé avec lui et entraîne une communication faussée. Desenfants qui envisagent entre eux l’avenir de leur parent malade,ne peuvent dire à l’autre parent le choix que, eux, enfants, ris-quent de faire : « On n’ose pas dire à papa que, s’il mourait avantmaman (malade), personne d’entre nous ne la prendrait à domicile. Ce qu’il souhaite. On n’ose pas lui dire qu’on la placerait ». Ce souci principal renvoie à la notion développée par Zarit 40 de l’ai-dant comme seconde victime ou victime cachée. Notion queSanda Samitca 41 déconstruit et remplace par trois formes de rela-tions à la maladie : s’en tenir à distance, se laisser envahir par elle,la maîtriser en l’acceptant. Il semble que les membres de la famillevoient plus l’aidant principal comme victime que comme per-sonne qui maîtrise la maladie. Ce souci pour l’aidant est accentuépar certains professionnels, comme le raconte Rezvani 42 « Je necesse de penser à la jeune neuropsychiatre de Fréjus qui m’avait dit“C’est vous qui êtes à plaindre” ». Dans ce contexte comment repo-sitionner la personne malade au centre des préoccupations ? Les

39. Bauchau H., o.c.

40. Zarit S.H., Orr N.K., ZaritJ.M., The hidden victims ofAlzheimer’s disease : familiesunder stress, New York, NexYork University Press, 1985.

41. Samitca S., Les « secondes victimes » :vivre au quotidien auprès depersonnes atteintes de lamaladie d’Alzheimer, Sciencessociales et santé, vol. 22, n° 2, Juin 2004.

42. Rezvani, o.c.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

familles se sentent comme encouragés à mi-mot par les soignantsdans cette marginalisation.

TAIRE SA SOUFFRANCE

Il est tout à fait logique, avec ce qui précède, de noter des silencesen famille. Ces silences touchent essentiellement la souffrance res-sentie par rapport à la personne malade, que l’on soit son conjoint,l’un de ses enfants, l’un des petits-enfants ou arrière petit-enfant.Si l’on fait silence sur sa souffrance à soi, parce que le conjoint neveut pas peser sur ses enfants (« ils ont déjà leurs problèmes ; je nevais pas en rajouter avec les miens »), parce que des enfants ne veu-lent pas assombrir l’atmosphère familiale 43, ou peser sur leur pèreou mère aidant principal, des personnes de toutes les générationsfont aussi silence sur la question de la souffrance (possible) de lapersonne malade. Plus le temps passe, moins on s’interroge surson degré de souffrance, sur son niveau de conscience de son état.La grammaire des phrases utilisée hésite entre « elle ne se rend pas compte de son état » et « il ne se rend plus compte de son état »,paroles entendues pour des personnes ayant des niveaux detroubles équivalents. Sur ce point, des paroles très contradictoiresont été formulées. Contradictions apparentes qui reflètent unique-ment l’ambivalence de l’être humain. Des enfants peuventadmettre que leur parent malade souffre, mais n’en parlent pasavec lui ni avec leur père ou mère, aidant principal, « pour l’épar-gner ».

Par ailleurs des familles osent exprimer le souhait, très culpabili-sant, de voir leur parent malade encore plus détérioré, « pour qu’ilne se rende plus compte de son état ». Lorsque les déficits sont telsqu’ils ne permettent plus un langage verbal, la famille considèresouvent que la personne malade ne souffre plus, comme si la non-communication verbale de la souffrance était le signe d’uneabsence de souffrance et absence de conscience. Toute la commu-nication infra verbale est considérée comme non significative, si cen’est d’une attitude démentielle. Dans d’autres familles, la souf-france de la personne malade devient trop envahissante et celles-ci se sentent de plus en plus impuissante, surtout quand la souf-france du malade s’exprime à travers de l’agressivité. Despersonnes disent avec culpabilité : « Elle se noie et on ne peut rien yfaire » ou encore « Je ne parviens pas à aider mon père comme je lesouhaite. Par moments j’ai l’impression qu’il me prend pour son bour-

43. « Plusieurs fois je suispartie avec ma voiture pour

aller pleurer seule dans moncoin. Ensuite je pouvais

rentrer chez moi plus calme.Je ne veux pas que la maladiede maman pèse sur ma vie de

couple et mes enfants ».

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reau ! » Ces situations familiales où la communication ne se fait plusaboutissent assez fréquemment à la construction de mécanismesde défense forts pour ne pas être envahi par l’angoisse non maî-trisée, ni maîtrisable de la personne malade.

Les petits-enfants peuvent rarement dire leur souffrance face à lamaladie de leur grand-parent. Ils sentent leurs parents peu dispo-nibles sur ce point. Et de leurs côtés, bien de ces parents n’envisa-gent pas que leurs propres enfants puissent souffrir de cette situa-tion. « Ils aiment bien leur grand-père » ; « Ils vont voir leur grand-mèrerégulièrement ». Pourtant l’arrière-petit-fils a su très bien représen-ter la différence analysée par lui entre son arrière-grand-père, avecqui il fait plein de choses et qu’il dessine debout, et son arrière-grand-mère (malade et de même âge que son conjoint) aveclaquelle il ne fait rien « parce qu’elle est vieille », et qu’il dessineassise. A 4 ans et demi, l’équation vieillesse = maladie/dégradationpsychique est déjà construite par imprégnation de paroles fami-liales entendues en ce sens.

Dessin Dessinde l’arrière-grand-père de l’arrière-grand-mère malade

L’arrière-petit-enfant de 4 ans et demi raconte tout en dessinant : « Avec lui, je luiraconte des histoires. Il aime ça. Et surtout on se parle au téléphone. Avec elle, je faisrien, parce qu’elle est trop vieille ».

L’arrière-grand-père est une fois et demi plus grand que sa femme. Il a des jambesdroites et compte cinq doigts aux mains comme aux pieds. L’arrière-grand-mère,atteinte de la maladie d’Alzheimer, est bien une femme : elle a l’ombilic bien net. Maisses jambes sont courbées/pliées « parce qu’elle est toujours assise » [dans un fauteuilroulant]. Elle ne compte que quatre doigts aux mains et aux pieds.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

La souffrance des petits-enfants, liée à la mauvaise santé de leurgrand-parent n’est pas exprimée en famille, surtout s’ils ont moinsde 15 ans. Les adultes les croient trop jeunes pour véritablementsouffrir. Ils les croient peu concernés par la maladie de leur grand-parent. Pourtant ceux-ci sont très contents de pouvoir s’exprimerdessus, mais ont du mal à dire spontanément leur « rejet » de leurgrand-parent malade, de peur d’être mal jugé. En fait, ils ressen-tent affection et dégoût, celui-ci étant d’autant plus fortement res-senti que la dégradation de la personne est importante. Et pour-tant, au fond d’eux-mêmes, ils continuent à aimer cette vieillepersonne, même si, comme certains, ils n’ont pas de souvenird’elle avant sa maladie. Les comportements incohérents ou déso-cialisés peuvent les choquer. Il ne semble pas qu’ils puissent le direau sein de leur famille. Il ne semble pas non plus qu’ils aiententendu des explications sur les causes de ces dysfonctionne-ments. La plupart des familles traitent ces jeunes enfants en per-sonnes incapables de comprendre les effets destructeurs de lamaladie. Peu leur apprennent comment se comporter avec cespersonnes. Mais les adultes eux-mêmes, le savent-ils ?

Plusieurs personnes rencontrées, conjoints ou enfants de la per-sonne malade (aucun petit-enfant) se plaignent de l’attitude debeaux-parents ou de leur conjoint, c’est à dire des membres de lafamille par alliance (« les pièces rapportées » comme certains lesappellent) vis-à-vis de la personne malade comme de la personnerencontrée. Elles se sentent peu soutenues dans leur souffrance.Elles ne peuvent leur parler de leur conjoint ou parent malade.Elles aimeraient plus de solidarité familiale. Certaines regrettentque leurs beaux-parents n’aillent jamais voir leur père ou mèredepuis que celui-ci vit en institution. Ces remarques ne sont pasapparues dans toutes les familles rencontrées. Cependant ellestémoignent de difficultés relationnelles au-delà des liens naturelsfamiliaux. Dans d’autres familles, par contre, des gendres et belles-filles soutiennent effectivement leurs conjoints, enfants des per-sonnes malades, en leur apportant un regard plus distancié, moinschargé d’affects très anciens, leur permettant de garder un contactpresque plus facile avec leur beau-parent malade. Ces soutienssont très appréciés.

Des remarques spontanées confirment les évolutions des relationsau sein des familles constatées lors de la phase qualitative, et lasouffrance que cela engendre, avec l’apparition de la maladie :

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« La maladie faisant peur, la famille du malade, frère, sœurs, neveux,nièces ne viennent plus le voir, ni ne prennent de ses nouvelles. Lemalade se trouve complètement mis à l’index de tout évènement fami-lial, d’où l’exclusion complète du malade ainsi que de l’aidant ».(Femme, 54 ans).

« Cette maladie déchire les familles, les enfants entre eux. En revanche,elle m’a appris à extérioriser mes sentiments envers mon père et à leslui transmettre, non plus par la parole puisqu’il la perd, mais au traversde gestes. Je suis devenue plus démonstrative aussi avec les autres,mais avec une exclusivité pour mon papa » (Femme de 45 ans).

« Cette maladie engendre la peur et éloigne l’entourage familial donton a le plus besoin » (Homme, 81 ans).

UN TEMPS PARTICULIER DE COMMUNICATION DIFFICILEEN FAMILLE : L’ENTRÉE EN INSTITUTION

L’introduction de professionnels au domicile est souvent difficile.Ainsi une fille raconte « J’ai fait toutes les démarches pour que papasoit aidé pour la toilette de maman. Il a tout le dossier, il n’a plus qu’àsigner. Tant qu’il ne veut pas, je ne peux le faire pour lui. Pourtant celale soulagerait ». Un conjoint explique les aménagements commen-cés dans son logement pour accueillir une aide professionnelle, ceque sa femme malade ne supporte pas dit-il, car elle « refuse decomprendre que j’en ai besoin pour la garder à la maison ». Si les rela-tions familiales au sein des familles ayant une personne atteinted’une DTA gardent le plus souvent la forme antérieurementconstruite, avec des remaniements au niveau des vécus et non deleurs structures, cette quasi-permanence dure tant que la personnemalade vit à domicile. Par contre, l’entrée en établissement est sou-vent source de crise familiale, de réaménagements des liens fonc-tionnant jusque-là, voire des ruptures de liens. Aussi la communi-cation au sein de la famille devient souvent plus difficile, alors que,paradoxe en apparence, elle va pouvoir s’améliorer entre desmembres de la famille et leur parent malade. Les entretiens ont faitapparaître la déchirure fréquente au sein des familles que repré-sente la décision de faire entrer en établissement son parent atteintd’une DTA.

Pour la plupart des familles, il y a de la culpabilité qui accom-pagne la décision de placer son parent malade, parce que ce choix

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

vient matérialiser la distance relationnelle déjà en place entre lesmembres de la famille et la personne malade. Cette distancedécrite plus avant pouvait être masquée, atténuée tant que la per-sonne malade restait à son domicile. Mais l’entrée en établisse-ment inscrit dans le réel cette distance, ou mise à l’écart. En mêmetemps elle permet une autre forme de lien, plus apaisée pour bonnombre de répondants.

Les ruptures familiales à l’occasion de l’entrée en institution, quantà elles, reposent sur deux sources de motifs : financiers et affectifs.Les premiers renvoient à des familles dans lesquelles certainsmembres coupent toute relation avec les autres, pour ne pas êtreobligés de contribuer financièrement à l’hébergement de leurparent. Il n’est pas sûr qu’à ces raisons financières ne se mêlent pas aussi des raisons affectives qui seraient tues, antérieures à la décision de l’entrée en établissement. Une femme de 63 ansécrit : « Maman a quatre petits-enfants qui ont fui devant “l’infirmité”de leur grand-mère. Je n’ai donc pu contacter d’autres générations[pour remplir ce questionnaire] ». Les raisons affectives touchentessentiellement les enfants. Certains d’entre eux n’acceptent pas ladécision prise du placement. Ceux-là auraient voulu le maintien àdomicile, à tout prix, même au prix de violences physiques de lapart de leur parent malade sur leurs propres enfants. Une certaineidée de la prise en charge du parent malade peut aller jusque-là.

Il est clair que la question de l’entrée en établissement (spécialiséou non) est peu prévue en famille. On aborde peu la question àl’avance. On l’escamote. De rares familles semblent l’avoir anticipé.Principalement celles ayant comme aidant principal le conjoint :celui-ci peut envisager (rarement) d’entrer en établissement avecson époux(épouse) dans « le meilleur établissement possible »,pour « l’accompagner jusqu’au bout ». Les enfants en parlent peuavec leur père ou mère aidant principal, parce que celui-ci veutassumer son rôle conjugal du côté du pire, « ayant eu le meilleurantérieurement », comme disent certains. Aussi certains enfants selassent d’essayer de faire bouger la situation. Ou d’autres disentrespecter les choix du couple de leurs parents : eux ne se donnentpas voix au chapitre.

Dans plusieurs familles, quelques conjoints, certains des enfants,comme des petits-enfants ayant près de 20 ans (pas chez les plusjeunes), rétablissent un lien avec la personne malade vivant en ins-

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titution de meilleure qualité que lorsqu’elle était à domicile.Quand on va la voir, c’est pour elle. Certains retrouvent une atten-tion, un contact physique, une prévenance, disparus depuis uncertain temps : la charge mentale, comme matérielle, de la per-sonne malade à domicile était telle que les personnes de la famillen’arrivaient pas à s’en soustraire pour développer une bonne qua-lité de présence auprès de leur parent malade. « Depuis l’hospitali-sation, il est redevenu mon père et un homme. Avant c’était ma croix,mon fardeau. Depuis le placement, nos liens se resserrent. Je fais plusd’efforts pour lui parler ».

Par contre les petits-enfants plus jeunes, en âge d’adolescence ouplus jeunes encore n’aiment pas aller dans les établissements. Cequi les effraie est moins leur grand-père ou leur grand-mère quele nombre de personnes très âgées, dégradées, ce qui pour eux,accentue l’aspect déshumanisé de leur grand-parent 44. Unepetite-fille (14 ans) raconte « Je suis allée voir ma grand-mère qui viten établissement depuis plusieurs années. Je savais qu’elle allait moinsbien, mais je ne l’ai pas reconnue, tellement elle avait changé, et telle-ment il y avait d’autres vieux près d’elle. Et pourtant, son regardn’avait pas changé. Je l’ai reconnu. De pas la reconnaître et de recon-naître son regard, ça m’a fait très mal. Les deux à la fois ». Aussi cer-tains petits-enfants préfèrent voir leur grand-parent uniquementquand il vient chez eux : le cadre du logement leur rend plus sup-portable la présence de la personne malade, au moins tant que lestroubles du comportement (alimentaires, vestimentaires et autres)restent tolérables par ces jeunes. Certains semblent ne pas pouvoirdire chez eux le dégoût ressenti face à leur grand-père ou grand-mère qui ne peut plus manger selon les codes actuels.

Des institutions mènent une réflexion sur l’intergénération au seinde leur établissement, avec des rencontres avec des enfants d’écolematernelle ou de garderies… Ces très jeunes enfants sont ceux quiacceptent le mieux les troubles du comportement, car n’ayant pasencore intégré tous les codes sociaux des « bonnes conduites ». Cesinitiatives méritent d’être poursuivies sur l’accueil bien plus difficileà réaliser, des petits-enfants et arrière-petits-enfants des résidants,ayant une DTA, surtout pour ceux en période de pré adolescenceet d’adolescence parce que les liens de parenté marqués d’affecti-vité font vivre autre chose que lorsqu’on va voir des vieilles per-sonnes qui ne sont pas ses propres grands-parents ou arrière-grands-parents.

44. Mietkiewicz M-C., Bauer V., Schneider B.,Souffrance des petits-enfantsconfrontés au syndromedémentiel et àl’institutionnalisation d’ungrand-parent, Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie, Masson,Juillet-Août 2004, n° 22.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

FAMILLES ET PROFESSIONNELS

Que les personnes ayant une DTA vivent à domicile ou en établis-sement, qu’attendent les familles des professionnels ?

Déjà plus de personnels, mieux formés, plus à l’écoute des familles,développant des trésors de patience, respectant la dignité des per-sonnes malades, attentifs, compréhensifs.

L’analyse lexicale des mots utilisés (les réponses étaient libres) pourdécrire les qualités attendues chez les professionnels met au pre-mier rang le mot « patience », puis « l’écoute », le « respect », « l’at-tention », la « compréhension », etc. En regroupant l’ensemble desréponses, trois catégories de compétences apparaissent :– les compétences professionnelles, (137 citations), autour de soinsde qualité, de l’efficacité des prises en charge, d’un bon niveau deformation, d’une bonne surveillance, de l’honnêteté, la discrétion,etc. ;– les compétences relationnelles, (238 citations). Savoir écouter,comprendre, communiquer, accompagner, soutenir, entourer, etc. ;– les compétences humaines, encore plus généralistes que les pré-cédentes, (496 citations). Patience, disponibilité, bienveillance, res-pect du malade, une bonne dose d’humanisme, douceur, ten-dresse, calme, tolérance, sympathie, délicatesse, dévouement,courage, etc.

La différence, de 1 à 3, entre les compétences professionnelles etles compétences humaines, signifierait-elle un désintérêt desfamilles pour le professionnalisme des prises en charge ? Il ne lesemble pas. Ce décalage signale plus l’impuissance des familles àdonner à leur parent malade toute cette chaleur humaine, et toutce respect, cette dignité dont leur proche atteint d’une DTA abesoin. Cela évoque une partie du récit d’Y. Inoué à propos duvieillissement démentiel de sa mère, relaté dans Histoire de mamère 45. Plus aucun enfant ne supporte chez lui cette vieille femmedont les troubles augmentent. Par contre une petite fille annonceà son père « … “Je m’occuperai moi-même de grand-mère. Parce que,vous autres, vous ne savez pas vous mettre à sa place, et vous la bles-sez. Je saurai très bien m’y prendre”. (…) La déclaration de ma fille mesidéra […]. J’avais l’impression d’être remis à ma place par une étu-diante. […] Elle avait, au fond, décidé de s’occuper vaillamment decette Grand-mère dont tout le monde se disait importuné. »

45. Inoué Y., Histoire de mamère, Stock, 1984.

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Pour renforcer cette analyse, il suffit de voir toutes les attentes enmatière d’amélioration des prises en charge, que ce soit à domicilecomme en établissement. On trouve en effet 40 % des remarquesfinales qui portent sur des besoins non satisfaits. Leur expression sefait de deux manières : en terme de demandes et en termes deplaintes. Quel que soit le mode d’expression, ces besoins concer-nent :

– l’absence d’établissement proche du domicile, adapté aux diffi-cultés des personnes atteintes de DTA, avec un personnel suffisantet bien formé : « … plus de places en hébergement à proximité de leurdomicile » (Femme, 73 ans). « Le seul et unique problème est lemanque de personnel en quantité et le manque de qualification et deformation adaptées à cette abominable maladie d’Alzheimer… »(Femme, 71 ans). « En raison du handicap physique et psychique d’unmalade atteint de la maladie d’Alzheimer, il est nécessaire d’avoir desétablissements spécialisés proches de la famille du malade pour faci-liter les visites, avec un personnel suffisant et bien formé. » (Homme,70 ans) ;

– l’absence d’accueils de jour, d’établissements spécialisés dansl’accueil de personnes jeunes avec une DTA afin de ne pas lesmêler aux personnes malades en âge d’être leur parent : « … créerdes lieux de vie structurés pour recevoir des malades jeunes aussi avecdes activités physiques par exemple… » (Femme, 61 ans). « Il faut créerdes centres spécialisés pour les malades Alzheimer jeunes. […] Monmari ne se sentait pas à sa place avec des personnes de plus de 70 ans,et il a refusé toute aide. Il a 62 ans. » (Femme, 59 ans) ;

– les personnes réaffirment le besoin de professionnels formés auxDTA, qu’ils travaillent à domicile ou en établissement, capablesaussi d’écouter les personnes malades comme les familles. « Pour-quoi, concernant mes parents, un psychologue n’a pas été nommépour leur parler ? Pourquoi ma sœur et moi ne sommes pas aidés par le corps médical ? Nous sommes en quête de réponses à nos ques-tions. » (Homme, 55 ans). « L’accompagnement de la personnemalade est très difficile quand elle reste consciente de ses troubles, cequi provoque un état dépressif chronique. Actuellement, le suivi psy-chologique n’est pas pris en charge dans le cadre de la maladie, ce quine me semble pas normal compte tenu de la gravité des troubles occa-sionnés. » (Femme, 48 ans).

Que ce soit dans la partie qualitative comme dans la partie quan-titative de cette recherche, les personnes dénoncent les carences

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

sanitaires et sociales dans la prise en charge des personnesatteintes d’une DTA, sans pour autant chercher à culpabiliser lepersonnel le plus souvent au contact avec les personnes malades.La plupart des personnes en font une question de choix dans lespriorités politiques.

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REGARDS CROISÉS SUR LES DTA ET AUTRES PATHOLOGIESRÉALITÉS ET FANTASMES

Aller au-delà de la réalité transmise par les répondants, explorerde manière multiple leur imaginaire sur la problématique des DTA,permet de mieux comprendre les mentalités actuelles, les attentessubjectives. C’est ce que ce chapitre va présenter.

Les entretiens qualitatifs ont montré que la question d’avoir uneDTA plus tard, puisque son parent ou un grand-parent en estatteint, concerne toutes les personnes rencontrées, ayant un liende filiation avec une personne malade. Pourtant ce sujet n’est pasabordé en famille, surtout au niveau des enfants : quelle probabi-lité existe que cette maladie me touche en tant que fils ou fille dela personne malade ? Les frères et sœurs rencontrés disent tous seposer cette question, mais l’aborder rarement entre eux, ni avecleur médecin traitant, alors que socialement cela devient presqueune mode selon F. Laborde « Alzheimer est entré dans le langagecourant. Personne ne dit plus « Je suis fatigué » ou « J’ai oublié ».Non, dans le langage convenu il faut dire « Oh ! C’est mon Alzhei-mer ! » Ce n’est pas seulement une coquetterie de langage, unterme à la mode, ça correspond à une crainte plus profonde » 46.Des petits-enfants s’interrogent eux aussi sur cette possibilité, avecd’autant plus d’angoisse quand ces petits-enfants ont deuxgrands-parents atteints par cette affection. Mais cela ne peut êtredit en famille. Par contre il y a des petits-enfants, adolescents, quipoussent leur père ou mère, enfant du grand-parent atteint d’une

46. Laborde F., Pourquoi ma mère me rendfolle. Paris, Ramsay, 2002.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

DTA, à aller « se faire dépister ». Cela montre bien que ces adoles-cents sont angoissés quant à l’avenir de leur parent, et par ricochetsur le leur, mais qu’il est difficile de le dire simplement. « Je nepense pas tellement à moi, mais pour ma mère, je veux savoir » diraun adolescent. Quant à lui plus tard, il refuse d’y « trop réfléchir ».Quelques conjoints de personnes malades s’interrogent à proposde leurs enfants, parfois avec une logique qui peut étonner « Pourmes filles, je me pose des questions, mais pas pour mes fils : l’héréditéva uniquement des mères à leurs filles, jamais à leurs fils ».

Pour tenter de quantifier ces craintes peu discutées en famille,nous avons englobé les DTA dans un ensemble de pathologiesgraves et demandé aux répondants de se positionner en plusieursétapes sur les propositions suivantes. Déjà de dire lesquelles de cespathologies existent dans leur famille. Puis de dire s’ils se sententconcernés ou non par ces pathologies. Enfin de signaler cellesqu’ils craignent pour leur propre avenir.

L’ensemble des pathologies regroupe les cancers, la dépression, lesDTA, l’infarctus, le SIDA, les accidents vasculaires cérébraux, l’hy-pertension artérielle, et la maladie de Parkinson.

DES MALADIES FAMILIALEMENT CONNUES

Le tableau suivant récapitule les réponses pour les pathologiesproposées. Les répondants sont 405 à dire qu’il y a (eu) une ou despersonnes de leur famille ayant (eu) un cancer, 118 non, 26 qui nesavent pas, et ainsi de suite :

Nombre de répondants connaissant ou non des personnes de leur famille,ayant (eu) ces différentes pathologies

Oui Non Ne sait pas

Cancer 405 118 26Dépression 288 173 88DTA 509 31 9Infarctus 217 267 65SIDA 16 480 53AVC 270 208 71HTA 334 136 79Parkinson 105 389 79

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En raison des filières utilisées pour faire cette enquête quantitative,il est normal que le nombre de DTA connues soit si élevé.

Il est important de noter les chiffres inversés entre DTA et SIDA,toutes deux maladies « nouvelles », qui touchent des publics diffé-rents, et qui renvoient à des imaginaires où le fantasme envahit laréalité. (Il y aurait 50 000 personnes atteintes du SIDA contre 700000 atteintes d’une DTA en France).

Chaque famille de répondants peut comptabiliser plusieurs per-sonnes concernées par l’une ou l’autre de ces pathologies. Aussi,avons-nous dénombré les personnes connues du répondant etayant(eu) telle affection et les avons classées en fonction du lienfamilial entre le répondant et celles-ci :

Au total, numériquement les cancers dominent. Puis viennent lesDTA, l’HTA et la dépression. Enfin les AVC et infarctus, et loin der-rière la maladie de Parkinson et le SIDA.

Les répondants déclarent avoir une HTA pour près de 20 % d’entreeux, puis des symptômes dépressifs pour 15 % d’entre eux 47, et uncancer (peut-être guéri) pour 8 %. A noter aussi que 3 répondants

47. Ce qui est légèrementsupérieur aux données dedifférentes recherches menées enFrance et en Europe : Bellamy V.,Roelandt JL., Caria A., Troublesmentaux et représentations de lasanté mentale : premiers résultatsde l’enquête Santé mentale enpopulation générale. Etudes etRésultats, DREES, n° 347,octobre 2004.

Membres des familles des répondants à être touché par telle ou telle pathologie

Lien du répondant avec la personne de sa famille Cancer

Dé-DTA Infarctus SIDA AVC HTA

Parkin-

touchée par une pathologiepression son

Père 100 34 71 69 1 49 88 22Mère 77 86 194 18 53 112 6Conjoint 33 59 143 17 1 13 54 7Grand-parent 107 16 94 46 85 73 18Enfant 17 21 3 1 10Petit-enfant 2 1 1 1 1Frère ou sœur 59 47 16 19 2 11 25 5Beau-parent 36 10 30 21 34 35 11Beau-frère /Belle-soeur 49 26 19 12 10 22 8Cousin(e) 76 21 14 11 6 7 6 6Oncle/tante 123 40 33 44 41 38 14Neveu/nièce 13 13 1 3 1Répondant lui-même 43 84 3 11 8 100 2TOTAL 735 458 618 274 11 313 565 99

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

s’auto-déclarent avoir une DTA, tous les trois ayant entre 70 et 79 ans.

En regardant d’éventuels liens (dont la nature peut aller de l’héré-dité, à l’influence de son écologie familiale) entre DTA, HTA etdépression 48, on peut voir que :– parmi les « pères » déclarés avec une DTA, plus de 18 % de ceux-ci ont aussi une HTA, et 17 % un état dépressif ;– parmi les « mères » ayant une DTA, 22,7 % ont aussi une HTA et23 % une dépression ;– parmi les « conjoints » ayant une DTA, 14 % souffrent d’une HTAet 23 % d’une dépression ;– enfin, parmi les « grands-parents » qui présentent une DTA, 35 %auraient une HTA et 9,6 % seraient déprimés.

Par ailleurs, parmi les répondants qui ont une HTA et une dépres-sion déclarée, on peut voir que :– 33 % de ces hypertendus ont un parent avec une DTA et 43 %un conjoint avec cette pathologie ;– 53,6 % de ces dépressifs déclarés ont un parent avec une DTA et32 % ont un conjoint avec cette pathologie. Ces deux points (HTA et dépression) seraient-ils le signe clinique,de la charge mentale familiale liée à la prise en charge d’un parent(au sens large) avec une DTA ? Comme ils peuvent être aussi lamanifestation de corrélations entre HTA/Dépression et présenced’une DTA.

Que penser de ce groupe de répondant et des pathologies dontils se déclarent atteints (ou avoir été atteints) par rapport aux don-nées de santé publique connues ? A partir des données publiéespar le Credes 49 sur les personnes de 18 ans et plus, il semble queles répondants à cette recherche ont un taux de morbidité équi-valent à la population étudiée par le Credes pour les problèmescardiovasculaires, mais des taux de morbidité nettement plus éle-vés que ceux de la population générale pour les cancers (8 %contre 2 %), la dépression (15 % contre 5,1 %) et l’HTA (18 % contre11 %). Il est impossible de savoir si les répondants parlent d’unemaladie diagnostiquée, puisque nous sommes dans du déclaratif,notamment pour la dépression, ou d’une simple interprétationfamiliale de symptomes, avec toute la subjectivité sous-tendue par ce déclaratif. La différence des % entre les études du Credes et ceux obtenus dans les questionnaires pourrait en partie venir de là.

48. Il s’agit de déclaratif.Derrière ce mot, les

répondants ont sans douteadditionné des dépressions

diagnostiquées, et dessymptômes dépressifs pas

toujours validésmédicalement.

49. Auray L., Dumesnil S., Le Fur P., Santé, soins et

protection sociale en 2000,Credes-ESPS 2000, Credes

Décembre 2001.

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numéro spécial - mars 2005 page 57

LES RÉPONDANTS SE SENTENT-ILS CONCERNÉS PAR CERTAINES PATHOLOGIES ?

Parmi les risques de développer des pathologies, en référence à sonhérédité familiale, comme aux risques liés au genre (masculin/fémi-nin), les hommes et les femmes qui ont répondu respectent assezbien les données connues en santé publique, sauf pour les DTA,comme si la présence dans la famille d’une personne ayant ce typede pathologie augmentait, dans l’esprit des répondants, les risquesstatistiques de développer cette pathologie plus tard, alors que lesétudes épidémiologiques ne l’ont pas encore démontré.

Répartition selon le sexe des répondants concernés par les pathologies suivantes

Personnellement concernés par Hommes Femmes

Cancer 31 % 41 %Dépression 19 % 25 %DTA 40 % 60 %Infarctus 20 % 10 %AVC 19 % 22 %HTA 27 % 23 %

QUELLES PATHOLOGIES SONT REDOUTÉES PAR LES RÉPONDANTS ?

Globalement les pathologies redoutées, sont en premier les DTA,puis les cancers. Mais les femmes redoutent plus les DTA que leshommes (83 % contre 67 %), alors que les craintes de cancer sontéquivalentes. En matière d’infarctus, les hommes les redoutentpresque trois fois plus que les femmes (16 % contre 6 %). Les autrespathologies ne font pas apparaître de distinguo selon les sexes.

Répartition des pathologies redoutées selon le sexe des répondants

Pathologies redoutées Hommes Femmes

Cancer 32 % 34 %Dépression 6 % 4 %DTA 67 % 83 %Infarctus 16 % 6 %SIDA 1 %AVC 21 % 20 %HTA 8 % 3 %Parkinson 6 % 6 %Dépendance 6 % 6 %

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numéro spécial - mars 2005 page 58

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Si l’on regarde l’influence du sexe et de l’âge des répondants, onpeut voir que :

Pour les hommes :– à tous les âges, les DTA sont leur crainte première ;– plus ils vieillissent, plus cette crainte augmente, pour culminerentre 50 et 59 ans (les répondants sont des enfants, et le fantasmede l’hérédité possible des DTA fonctionne), puis décroît pourretrouver à partir de 80 ans (à ce moment-là les répondants sontdes conjoints, le risque « héréditaire » fantasmé s’annule) le niveaudes hommes de 30 à 39 ans ;– les craintes d’un cancer augmentent aussi régulièrement avecl’âge et sont les plus fortes entre 60 et 69 ans, puis faiblissent for-tement après 80 ans ;– l’AVC est craint surtout entre 60 et 69 ans, alors que l’HTA est peucrainte ;– entre 80 et 89 ans, un homme sur 5 craint la dépendance phy-sique ;– pour les hommes répondants ayant plus de 80 ans, peu demaladies sont fortement craintes, mais plus un ensemble tournantautour de la dépendance physique, plus que psychique, commes’ils avaient franchi un cap, à ces âges, les mettant à l’abri despathologies, ou comme si la survenue de ces pathologies ne leseffrayait plus.

Pour les femmes :– à tous les âges, les DTA sont aussi la crainte première, encore plusque chez les hommes, restant à un niveau élevé chez les répon-dantes de 80 ans et plus ;– les cancers sont redoutés aussi mais dans une distribution selonles âges quelque peu différente par rapport aux hommes. Dès latrentaine les craintes augmentent plus chez les femmes et vont êtreles plus élevées entre 40 et 49 ans, c’est à dire 20 ans plus tôt quepour les hommes. Puis elles vont diminuer un peu et rester quasiétales jusqu’au-delà des 80 ans ; – les autres pathologies, citées dans le questionnaire sont peu sou-vent données comme craintes par les femmes.

Le décalage d’âge entre les hommes et les femmes répondants àpropos des craintes de cancer correspond aux données de l’épi-démiologie de l’apparition des cancers les plus fréquents chez leshommes (prostate, cancer de l’homme âgé disent différents docu-ments sur la santé des français) et les femmes (sein, utérus, ovaire,

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numéro spécial - mars 2005 page 59

avec dépistage systématique ou recommandé dès la trentaine encas de terrain familial qui prédispose, ou dès 50 ans dans une viséede prévention de santé publique). En comparant les tableaux glo-baux des pathologies vis à vis desquelles les répondants se sententpersonnellement concernés et celles qu’ils redoutent, trois possibi-lités d’écarts sont possibles :– il n’y a pas d’écart (les deux premières lignes), les % sont équi-valents dans les deux cas. C’est ce qui se passe pour l’AVC et unpeu aussi pour les cancers (pour les hommes plus que pour lesfemmes). Risques et craintes se rejoignent ;– il y a minimisation du risque (trois lignes suivantes), comme pourla dépression, l’HTA, et l’infarctus, comme si les répondants ne pen-saient pas ces maladies comme sans réponses médicales ou parti-culièrement graves. Ces maladies sont peu craintes ;– il y a surestimation du risque (deux dernières lignes), ce qui estle cas des DTA, à cause des images très négatives liées à ces patho-logies et de la faible efficacité actuelle des traitements médica-menteux. La surestimation existe aussi pour la maladie de Parkin-son, mais les risques comme les craintes sont sans communemesure avec ceux des DTA.

Etre concerné, craindre : distribution des réponses selon le sexe

Hommes FemmesPathologies Risques Craintes Risques Craintes

« familiaux » subjectives « familiaux » subjectives

Cancer 31 % 32 % 41 % 34 %AVC 19 % 21 % 22 % 20 %Dépression 19 % 6 % 25 % 4 %Infarctus 20 % 16 % 10 % 6 %HTA 27 % 8 % 23 % 3 %DTA 40 % 67 % 60 % 83 %Parkinson 4 % 6 % 3 % 6 %

A noter que le SIDA est très peu craint, même chez les répondantsjeunes, et qu’il semble nettement moins présent dans l’environne-ment familial des répondants. Pourtant la démonstration de sacontagiosité est faite depuis longtemps mais les moyens pour s’enprotéger sont largement diffusés. Les DTA, elles, ne sont pas conta-gieuses, et rarement héréditaires et pourtant très craintes.

Le tableau ci-dessous récapitule les décalages entre la réalité per-

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

sonnelle et familiale des répondants et leurs craintes par rapport àces différentes pathologies.

Atteints, connus, concernés, craints : quatre niveaux de rapports à la maladie,depuis le réalisé jusqu’au fantasmé (tous âges et sexes mélangés - chiffres bruts) :

Répondants Nombre de Répondants Répondants atteints par une personnes concernés par redoutant

pathologie connues dans une pathologie une pathologiela famille 50

Cancer 43 343 208 141Dépression 84 183 128 20DTA 3 375 296 334Infarctus 11 152 72 36SIDA 3 19 3AVC 8 198 115 84HTA 100 298 134 16Maladie de Parkinson 2 51 32 27

Si le groupe des répondants concernés familialement par la DTAde l’un de ses membres, surévalue son risque personnel de déve-lopper plus tard une telle affection, d’autres enquêtes d’opinionmontrent également que dans les familles non concernées parcette pathologie, les DTA représentent un avenir angoissant pourplus d’un. C’est une menace que les personnes qui se sententvieillir redoutent énormément. Sur les 34 répondants qui décla-rent ne pas avoir une personne avec une DTA dans leur famille,tous se sentent concernés par un risque de DTA et 74 % redoutentces pathologies. Même si l’effectif est faible et les réponses sansdoute orientées par l’objet de l’enquête, ces résultats témoignentd’une hyper sensibilité générale de la population à cette question.

Ces surévaluations des risques tiennent aussi à des faits objectifs,comme à des représentations mentales. Les pathologies les plusredoutées s’expliquent par :– la connaissance d’un proche atteint de cette pathologie, pour275 répondants ;– le fait que cette maladie provoque une trop grande charge fami-liale, pour 193 répondants ;– le fait que ces pathologies sont incurables, pour 169 ;– à égalité avec le fait que ces maladies empêchent de vivre nor-malement, (169 personnes aussi) ;– le fait que c’est une maladie dégradante, pour 154 personnes.

50. Dans cette colonne, ne sont décomptées que les

personnes de la famillesignalées ayant, à priori, un

lien biologique avec lerépondant, à savoir, les

parents, les grands-parents etles frères et sœurs.

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QUELS COMPORTEMENTS DÉCOULENT DE CES CRAINTES ?

Pour mieux évaluer les comportements face aux risques de mala-dies, nous avons proposé des signes cliniques qui peuvent amenerà consulter rapidement. Là encore, on peut être attentif pour soi oupour un proche à certains signes et en négliger d’autres. Parailleurs tous les signes déclarés comme importants amènent-ils àconsulter rapidement ou non ?

Les signes proposés l’ont été en lien avec les pathologies présen-tées en amont dans le questionnaire. Le tableau suivant présentedonc les réponses à trois questions : – quelle importance donnez-vous aux signes suivants ? – pour lesquels pousseriez-vous un proche à aller consulter rapi-dement ? – pour lesquels iriez-vous consulter vous-même rapidement ?

Variations de l’importance accordée par les répondants à des signes cliniquesselon la personne concernée

Sensibilité Pousser Aller soi-mêmepersonnelle un proche

consulter à des signes à aller consulter(11 % de(36 % de (9 % de

non-réponse) non-réponse) non-réponse)

Troubles de la mémoire 280 338 296Douleurs aiguës à la poitrine 222 381 395Comportements inadaptés 212 268 185Amaigrissement rapide 188 304 274Pertes de connaissances 169 284 305Maux de tête à répétition 121 144 179Chutes fréquentes 148 225 204Tremblements des mains 102 135 135Profonde tristesse 124 140 99

La sensibilité des répondants aux différents symptômes proposésmet au premier rang :– les troubles de la mémoire suivis rapidement par les douleursaiguës à la poitrine, et les comportements inadaptés ;– puis, viennent l’amaigrissement rapide, les pertes de connais-sance, un peu derrière les chutes fréquentes ;– enfin, la profonde tristesse, les maux de tête à répétition et lestremblements des mains.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Il apparaît donc chez les répondants une grande sensibilité à dessignes évoquant une DTA : est-ce une sensibilité acquise au contactde la personne malade, ou déjà là antérieurement à l’apparition dela maladie chez leur proche? La partie qualitative de cette étudenous ferait pencher plutôt pour la première hypothèse, celle de lasensibilité acquise, car beaucoup de personnes rencontrées recons-truisaient l’émergence de la maladie à partir de ces symptômes,tout en admettant qu’elle avait sans doute commencé plus tôt.Mais il ne faut pas oublier non plus, la sensibilité diffuse dans lasociété à tout ce qui évoque une évolution même pré démentielle.

Entre la sensibilité personnelle, et la démarche de pousser unproche à aller consulter rapidement, il y a inversion entre les deuxréponses les plus fréquemment citées : les douleurs aiguës à la poi-trine dépassent assez les troubles de mémoire, ce qui paraîtlogique, les risques vitaux liés à un infarctus devant être pris encharge plus rapidement qu’un début de DTA. Les comportementsinadaptés ne viennent, ici, qu’en quatrième position.

Quant aux signes pour lesquels les répondants cochent la case « aller rapidement consulter pour eux-mêmes », on retrouve dessignes cliniques nécessitant une prise en charge urgente (douleursaiguës à la poitrine et pertes de connaissances) puis les troubles dela mémoire et l’amaigrissement rapide (évoquant une évolutioncancéreuse, comme un SIDA)

A l’opposé, il est important de noter que la profonde tristesse (signed’un état dépressif) est un signe auquel les répondants portent peud’attention (23%), comme le signe pour lequel ils poussent lemoins un proche à aller consulter (32%), et celui pour lequel ilsiront le moins facilement consulter (42%). Or on a vu l’importancetant familiale que personnelle de la présence de symptômesdépressifs et le lien complexe, réactionnel en partie, qu’il y a entredépression et DTA. La surestimation notée plus haut des symptômesdépressifs par rapport à l’enquête du Credes, témoigne d’une nonmédicalisation ou d’une sous médicalisation de symptômes dé-pressifs. Reconnaître l’existence de tels symptômes n’entraîne passystématiquement une démarche pour une prise en charge théra-peutique (même si la France consomme beaucoup d’anti-dépres-seurs, souvent délivrés par le médecin généraliste). La dépressionne serait-elle pas à entendre comme un symptôme social pourlequel quelques pilules suffisent, et non comme une pathologienécessitant une prise ne charge thérapeutique plus complexe?

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DES MOTS/MAUX À DIRE?

Demander aux répondants de dire ce qu’ils pensent, en général,comme ce qu’ils attendent pour eux plus particulièrement s’ilsdéveloppaient une DTA, permet de mieux comprendre leur diffi-cile positionnement familial actuel.

PEUT-ON PARLER DE SA MALADIE À LA PERSONNE CONCERNÉE ?

Aborder la question d’une éventuelle pathologie grave chez unproche n’est pas aisé. Comment savoir si les doutes sont fondés ? Aqui parle-t-on de la personne malade ? Lui parle-t-on à elle de samaladie ? Comment savoir si la personne concernée s’interrogeelle-même sur sa santé ? Peut-on, faut-il parler avec la personneelle-même de ses doutes ? La nature des symptômes observésmodifie-t-elle le choix de parler ou de se taire ? Quels premiersinterlocuteurs les répondants se donnent-ils en cas de suspicion demaladie physique grave ou de DTA ?

En cas de suspicion de maladies graves, soit physique soit psy-chique (une DTA par exemple) chez un proche que feraient spon-tanément les répondants ? En parleraient-ils ou non avec la per-sonne concernée ? A qui en parleraient-ils en premier ?

Dans un ordre décroissant les premiers interlocuteurs sont, sonpropre médecin pour qu’il conseille, le conjoint de la personnesuspectée d’être malade, ses parents, ses enfants, puis elle-même.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Par contre en cas de suspicion de maladie physique grave, si lemédecin du répondant reste la première personne à qui ils en par-leraient, les autres interlocuteurs recueillent moins l’assentimentdes répondants, et la personne concernée est un peu plus recon-nue comme première interlocutrice.

A qui parler en premier des suspicions de maladies graves ?Réponses selon le sexe

En cas de suspicion de DTA Répondants hommes : Répondants femmes :ou maladie physique grave oui oui faut-il en parler en premier à : DTA Mal phy grav DTA Mal phy grav

Votre médecin pour qu’il vous conseille 72 % 70 % 81 % 81 %Son conjoint 73 % 59 % 75 % 57 %Ses enfants 65 % 44 % 72 % 46 %Ses parents 41 % 33 % 44 % 33 %La personne elle-même 26 % 35 % 24 % 39 %

La personne concernée arrive donc en dernière position. Cela n’estpas pour étonner. L’âge des répondants introduit-il des nuancesdans cette difficulté d’aborder la question avec la personne elle-même ? Le tableau ci-dessous donne les pourcentages selon lesexe et quatre groupes d’âges.

En cas de suspicion de DTA ou de maladie physique grave : Faut-il en parler en premier à la personne concernée ? Réponses en fonction de l’âge

Ages Hommes FemmesDTA : Oui Mal phy : Oui DTA : oui Mal phy : oui

29 ans et - 21 % 62 % 32 % 53 %30 - 49 32 % 45 % 28 % 50 %50 –69 26 % 36 % 26 % 38 %70 et + 27 % 25 % 15 % 24 %

Globalement, les répondants sont plus disposés à parler à la per-sonne concernée en premier de leurs doutes en cas de pathologiephysique grave, qu’en cas de DTA. Cependant, l’augmentation del’âge des répondants entraîne une diminution générale des pour-centages de personnes pensant qu’il faut lui en parler en premieret un rapprochement des points de vue entre les deux types de

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pathologie. Cela peut être un effet de l’âge amenant un état d’es-prit faisant de plus en plus esquiver des paroles laissant percevoirun doute au sujet d’une DTA comme d’une maladie physiquegrave.

Ne peut-on y voir aussi autre chose, et rapprocher ce déclaratif,par rapport à une suspicion, de ce qui se serait passé dans cesfamilles ? Peut-on, alors, avancer que ces réponses rejoindraient laréalité de ce qui s’est passé dans les familles, et qu’elles seraient enlien avec la place familiale des répondants? Avant 60 ans lesrépondants sont majoritairement enfants ou petits-enfants d’unepersonne avec une DTA et pensent qu’ils peuvent relativementfacilement lui en parler. Entre 60 et 69 ans, ils peuvent être encoreenfant mais aussi conjoint (e). Cette tranche d’âge voit apparaîtrefortement le nombre de conjoints avec une DTA (7 avant 60 ans,27 entre 60 et 69 ans). A partir de 70 ans, âge où les répondantssont majoritairement des conjoints, cela est encore plus difficile.Ces personnes se sentent-elles fragilisées par leur propre vieillisse-ment ou prises dans une relation conjugale leur rendant difficile cetype de paroles ? Les femmes restent plus rétives dans la grandevieillesse que les hommes de même âge à aborder ce sujet.Rapport sexué au corps malade, à l’être malade, relations de cou-ple avec une forme de domination masculine ?

Alors se pose la question de comment dialoguer avec la personnemalade si la base même du dialogue est tue ? Comment lui parler,l’écouter si l’on fait silence sur la maladie. Ce silence, commencépar la personne malade elle-même et poursuivi par ses proches,s’apparente à un secret de famille, préjudiciable pour tout lemonde. Toute communication qui fait l’impasse sur ce point nepeut être ressentie que faussée, en décalage avec la réalité. Unevraie communication ne peut se dérouler que sur des bases recon-nues de part et d’autre. Les oublis (progressifs) de la personnemalade ne peuvent à eux seuls justifier de tels non-dits.

Si la majorité des répondants éprouvent des difficultés à aborderla question d’une éventuelle DTA en premier avec la personneconcernée, avant toute autre personne, ce n’est pas seulement à cemoment-là qu’ils ne peuvent le faire. Tout au long de la maladie,une grande majorité d’entre eux n’y arrivera pas plus. La parole enfamille sur la maladie va circuler hors la personne concernée,quand elle circule. En cas de DTA, peut-être estime-t-on la per-

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

sonne en incapacité de comprendre ce qui lui arrive, ou ne pasvouloir risquer de la perturber, parce qu’elle en comprendraitquelque chose, du côté de la folie. Mais ne pas dire, et éviter les questions qui laissent penser que la personne « sait » et/ouqu’elle veut se l’entendre dire sont des attitudes fréquentes. Ce phénomène se retrouve aussi dans les familles avec des handi-capés mentaux.

EN S’IMAGINANT MALADE, QUE SOUHAITE-T-ON ?

Les répondants sont minoritaires à penser que l’on peut aborderavec la personne la question de ses troubles, que ce soit en pre-mier avec elle, ou pas. Toutes leurs réponses renvoient à de mul-tiples observations de la réalité, que la personne malade vive àdomicile ou en établissement. Cette absence de communication,souvent justifiée par de multiples raisons allant des déficits mné-siques comme langagiers, à la crainte d’augmenter l’angoisse de lapersonne malade, en passant par son absence de questionnementsur ce qui lui arrive, va de pair avec le souhait que leurs prochesleur en parle, donc qu’ils ne soient pas mis à l’écart de tout dia-logue par leur famille, si eux plus tard développaient une DTA.

Cela peut sembler contradictoire de constater que les mêmes per-sonnes estiment ne pas devoir/pouvoir parler avec la personneconcernée de sa maladie et vouloir qu’on ne les laisse pas dans lenon dialogue si eux étaient malades. Positions paradoxales, enapparence seulement. Les données ci-dessous récapitulent cespositions divergentes.

Comparaison des réponses (par sexe et âge) selon que le répondant est face à lapersonne malade ou à sa place

Proche Répondant Proche Répondant

malade : malade : malade : malade :

lui en parler en parler lui en parler en parleren famille en famille

Femmes Femmes Hommes Hommes

11-29 ans 41 % 70 % 56 % 62 %30-49 ans 41 % 81 % 42 % 68 %50-69 ans 38 % 60 % 44 % 62 %70 ans et + 20 % 69 % 34 % 53 %Moyennes 33 % 68 % 41 % 59 %

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La mise en parallèle de ces deux questions renvoie à une inversiondes rôles proposés aux répondants, en les obligeant à se projeterdans un état de malade qu’ils ne connaissent que face à eux, maispas en eux. Leurs réponses montrent que s’ils ont du mal à parlerde sa maladie à la personne malade de leur famille, par contre ilsdisent à une très forte majorité souhaiter pouvoir en parler enfamille si eux, plus tard, avaient une DTA. Ils revendiquent ce qu’ilsne peuvent faire.

Cependant, le sexe introduit des nuances dans ces attentes. Lesfemmes sont plus tranchées dans leurs jugements que les hommessur pouvoir parler à la personne malade et pouvoir parler si ellesdeviennent malades (35 points d’écart contre 18 !)

Par ailleurs, il y a une diminution générale avec l’âge du désir deparler avec la personne malade de ses difficultés. Pour les hommescomme pour les femmes, plus leur âge augmente, moins ils se sen-tent le droit ou la capacité d’en parler avec la personne concernée.Effet d’âge, effet de génération, effet de lien avec la personnemalade, effet d’ancienneté de la maladie ?

Si les femmes sont réputées comme parlant plus facilement que leshommes, c’est plus semble-t-il pour être écoutées, les hommes euxse sentent moins portés à parler, mais en vieillissant, ils sont euxaussi demandeurs d’être écoutés.

A QUI LES RÉPONDANTS SOUHAITERAIENT-ILS POUVOIR PARLER ?

Cependant, ne pas pouvoir parler avec la personne malade de samaladie n’enlève pas le désir chez plus de 90 % des répondantsde vouloir pouvoir parler en toute confiance de ce qu’ils ressenti-raient s’ils avaient une DTA. Ni l’âge ni le sexe n’introduisent degrande variabilité dans les réponses. Par contre, l’interlocuteur pri-vilégié pour ce « parler en toute confiance » n’est pas le mêmeselon l’âge et le sexe des répondants. Les jeunes femmes jusqu’à20-30 ans privilégient les conjoints (futurs) et les mères, alors queles jeunes hommes de même âge privilégient leurs mères et unami. A partir de 30 ans d’autres interlocuteurs privilégiés vontapparaître, à côté de ceux déjà cités (les mères étant moins inves-ties), le médecin pour les deux sexes et un professionnel del’écoute pour les femmes. De 40 à 59 ans, les conjoints sont les

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

oreilles attentives attendues par les deux sexes, mais encore pluspar les hommes que par les femmes ; les médecins obtiennentaussi de beaux scores, et les professionnels de l’écoute également,mais c’est une demande émise davantage par les femmes. Passés60 ans, les hommes attendent encore de leurs conjointes et deleurs enfants cette écoute, alors que les femmes demandent deuxfois plus souvent que les hommes de même âge de pouvoir êtreécoutées par leur médecin que par leur conjoint (elles ne sont pastoutes veuves dès 60 ans !). Les femmes vont aussi vouloir solliciterdes proches, des enfants, ce que répondent moins les hommes demêmes âges.

Pour résumer, jeunes, les hommes se voient se confier à leur mèreet à un ami, puis plus âgés, à leur conjointe et à leur médecin. Lesfemmes, elles, diversifient plus leurs écoutants potentiels. De leursmères, elles passent à leurs conjoints, mais négligent celui-ci à par-tir de 60 ans, investissent beaucoup leur médecin, et une fois surcinq un professionnel de l’écoute, puis dans le grand âge, lesenfants et les proches.

Globalement, sans tenir compte des âges, la répartition des écou-tants privilégiés, selon le sexe est la suivante :

Ecoutants privilégiés en cas de DTA future, selon le sexe des répondants

Ecoutants privilégiés en cas de DTA future : Femmes Hommes

Le conjoint 36,1 % 47,1 %Le père 0,3 % 2,3 %La mère 4,2 % 2,9 %Un proche 17,2 % 14,0 %Un professionnel de l’écoute 21,8 % 7,0 %Un enfant 17,0 % 18,0 %Un ami 14,6 % 8,1 %Le médecin traitant 39,0 % 43,0 %Quelqu’un d’autre 1,9 % 1,7 %

L’ensemble de ces éléments fait comprendre que les personnes, quisont face à quelqu’un de proche avec une DTA, sentent bien qu’ilfaudrait qu’elles puissent lui parler, mais surtout l’écouter ouapprendre à l’écouter, mais que faute de posséder ce savoir-faire,empêtrées dans leurs propres émotions douloureuses, elles évitent

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cette écoute comme ce dialogue, tout en espérant un renverse-ment à 180 ° de cette situation si elles-mêmes étaient atteintes àleur tour par cette pathologie.

Il nous semble que si cette écoute privilégiée se développait,auprès d’un proche comme auprès d’un tiers extérieur, les dia-logues familiaux ensuite intégrant bien évidement la personneatteinte, seraient plus faciles. Une parole circulerait mieux enfamille, entre toutes les générations. Parole qui n’exclurait plusautant la personne malade. Cela est confirmé par d’autresréponses. En effet, seulement 23 à 24 % des répondants désire-raient (en cas de DTA personnelle) « qu’on leur fiche la paix »,contre les trois quarts qui souhaiteraient « qu’on les traite en adulteresponsable », et 70 % souhaiteraient que « leur famille ne leurcache rien de leur état ». (Toutes ces données statistiques varienttrès peu entre les répondants hommes comme femmes et selon lesâges). La demande de Claude Couturier, déjà citée, va dans cesens.

Pourquoi est-ce si difficile de parler avec la personne malade deses difficultés, de sa maladie dans le quotidien alors que les répon-dants le souhaitent si fort pour eux-mêmes si plus tard ils déve-loppaient une DTA ? D’autres personnes sont-elles investies pourcommencer le difficile dialogue avec la personne malade ? Undétour par ce qu’ils attendent des médecins du côté de l’annoncedu diagnostic permet d’entrevoir la base d’une meilleure commu-nication.

ATTENTES VIS-À-VIS DES MÉDECINS: POUVOIR DIRE…

Si près de 20 % des personnes interrogées veulent que leur méde-cin leur cache leur état, si elles développaient ultérieurement uneDTA, plus de 65 % des personnes voudraient que leur médecintraitant leur dise la vérité et les conseille pour « lutter le mieux pos-sible ». Il y a donc une attente des familles, toutes générationsconfondues, vis-à-vis des médecins pour qu’ils ne se comportentpas uniquement en prescripteur de molécules, mais sachent écou-ter et motiver les personnes malades.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

VERBATIM ILLUSTRATIF

● DIRE LA VÉRITÉ AU MALADE : « OUI »

Parce c’est le rôle du médecin :

« Le médecin spécialiste en annonçant le diagnostic au malade avecbeaucoup de psychologie amène celui-ci à accepter le traitement. Cequi a été fait pour ma mère. » (Homme, 50 ans).« Je trouve que les médecins doivent assumer leur rôle et qu’il est trèsdésagréable de ne pas savoir ce que l’on a quand on va consulter.Même si l’annonce d’une maladie comme Alzheimer n’est pas facileà entendre, je pense que le médecin en en parlant, peut proposer dessolutions qui permettent de mieux accepter la maladie et de mieux lavivre. » (Femme, 25 ans).« Parce que le médecin se doit d’être franc envers son patient et doitdonc faire prendre conscience de sa maladie à ce dernier. » (Homme,20 ans).« C’est un diagnostic très lourd. Seul un professionnel est compétentpour annoncer et informer de l’évolution de la maladie. Les personnesles plus proches ne sont pas les mieux placées. » (Femme, 48 ans).« Cela me parait être dans la logique de la relation médecin-patient.La personne atteinte pose la question, dune façon ou d’une autre àl’entourage. Le médecin, autorité tierce est alors une référenceofficielle qui peut faciliter la réponse. » (Femme, 46 ans).« Je pense que le rôle du médecin est d’informer le patient sur samaladie et de lui expliquer clairement avec un vocabulaire adaptémême si cela prend plus de temps que l’heure de consultation. »(Jeune fille, 17 ans).« Parce qu’il a la distance suffisante. La relation avec le malade n’estpas affective. » (Femme, 43 ans).

Par respect de la personne première concernée :

« Parce que c’est elle que ça concerne pardi ! » (Jeune homme, 16 ans).« La personne concernée se voit changer, elle s’inquiète de sestroubles et est sûrement contente qu’on lui en parle. Dans la mesureoù elle peut encore comprendre. » (Femme, 51 ans).« Car elle seule peut réagir et doit savoir ce qu’elle a.» (Homme, 22 ans).« Parce qu’au début de sa maladie elle est en capacité de comprendreet qu’elle est sa meilleure aide. Par contre, il ne faut pas la laisserseule sans réponse à ses questions. Le malade est une personne adultesuffisamment mature pour entendre des vraies réponses. » (Femme, 38 ans). ...

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La moitié des répondants pensent que le médecin doit annoncerlui-même le diagnostic à la personne malade, 21 % pensant lecontraire et 29 % ne se prononçant pas, essentiellement les plusjeunes (c’est à dire les petits-enfants). Les trois quarts des répon-dants vont justifier leur réponse.

La différence de 2 à 1 entre le médecin spécialiste et le généralistequi doit annoncer le diagnostic peut s’expliquer de plusieursmanières. Les médecins généralistes ne sont pas formés pourannoncer un diagnostic de DTA. Par ailleurs, face à des symptômesde troubles de la mémoire chez quelqu’un d’âgé, ils peuvent avoirtendance à adresser ces malades à un gériatre, ou à une consulta-tion mémoire, de même qu’en cas de suspicion de cancer, ilsenvoient leur patient à un spécialiste ou à un hôpital pour desexamens plus approfondis, afin de vérifier l’intuition qu’ils peu-vent avoir d’une pathologie lourde. S’il y a, parfois, manque d’in-térêt pour les pathologies des vieilles personnes, il y a aussimanque de formation pour bien les reconnaître. Il peut y avoiraussi une certaine prudence, que des spécialistes utilisent pourlaisser du temps à la personne atteinte, comme à sa famille, pours’habituer à un diagnostic lourd de conséquence, étant donnée lafaible efficacité des traitements médicamenteux disponibles, lesdifficultés pour des prises en charge financières des charges nou-velles et à venir liées aux effets de l’évolution de la maladie,comme du manque de places d’accueil de jour ou d’hébergementtemporaire pour le répit des familles. Le devoir dire la vérité aumalade tolère un certain délai dans cette parole, dès lors qu’il n’ya pas de risque de contagiosité, ce qui est le cas des DTA.

Quelles justifications sont donc apportées, qu’ils aient répondu « oui », « non » ou « ne sait pas » à la question portant sur l’annoncedu diagnostic à la personne malade par le médecin ?

● Du côté du « oui », deux sortes d’arguments sont apportées.Déjà, le rôle du médecin, c’est lui le plus apte à expliquer la mala-die, pour pouvoir garder la confiance de ses malades. Mais ce premier type d’explication est très souvent suivi de la précision suivante « à condition qu’il soit formé à ce genre d’annonce » ! (57 notations sur ce rôle du médecin). Ensuite, les répondants insis-tent sur le respect de la personne malade, de sa dignité. Que lemédecin lui annonce sa maladie fait partie de ce respect dû à toutêtre humain. C’est la considérer, c’est l’aider à se prendre en

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

« Car la personne sait au début de la maladie ce qu’est la maladie etelle peut encore comprendre pourquoi les changements qu’elle a lafont souffrir. Moi je sais que si je suis atteinte de cette maladie, je mesuiciderais pour ne pas faire souffrir ceux que j’aime et pour qu’ilsgardent une image de moi telle que j’aurais été toute ma vie. »(Femme, 41 ans).« C’est la première personne concernée. » (Homme, 27 ans).« Pour être considérée comme un adulte responsable. » (Femme, 69 ans).« Car c’est elle qui est la plus concernée et c’est sa vie qui est en jeu. »(Femme, 22 ans).« Pour pouvoir se sentir respecté. » (Femme, 56 ans).« Il est normal qu’un individu soit le premier informé de son état desanté, même si la maladie est évoluée et qu’il ne peut en saisir laportée. » (Femme, 53 ans).« Cela ne sert à rien de cacher la vérité, elle se devine par lechangement d’attitude de l’entourage. » (Femme, 50 ans).

Pour aider le malade à lutter contre sa maladie :

« Des mots pour dire les maux permettent d’être sur un terrain réel,connu (l’absence de mots, c’est l’imaginaire, voire l’inconnu). »(Femme, 56 ans).« Parce que cette maladie est évolutive et que le patient doit pouvoirvivre en pensant que tout ne sera pas comme avant, que cette maladielui empoisonnera sa vie mais aussi le reste de sa famille. En sachantle nom de sa maladie, je pense qu’il ne s’enfermera pas sur lui-mêmeet qu’il vivra mieux sa maladie, car je doute que le patient ignore sonmal et vit alors dans une certaine honte. » (Homme, 55 ans).« Savoir faire face à la maladie pour mieux la combattre et vivre avec. »(Femme, 56 ans).« Pour prendre la maladie à bras le corps et essayer de se battre pourvivre le mieux possible. » (Femme, 68 ans).« Parce qu’on est responsable de soi, de son corps, de sa santé ; bieninformé, l’on est mieux à même d’affronter les difficultés et lamaladie. » (Femme, 63 ans).

Pour qu’il prépare son avenir :

« C’est oui dans la mesure où la personne est à un stade suffisammentprécoce de la maladie pour comprendre et éventuellement envisagerdes dispositions pour le futur. » (Homme, 71 ans).« Pour que le malade assume sa maladie et prenne les mesuresnécessaires. » (Homme, 61 ans) ...

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charge, l’aider à faire face. L’informer en faisant confiance à sescapacités personnelles de réaction 51 (176 notations sur ce thème).« Une personne que l’adversité (la maladie en l’occurrence) mobilisedoit être informée pour mieux réagir et mieux se battre (c’est le cas dema mère, qui connaît sa maladie et est très active pour faire travaillerson cerveau et sa mémoire). Chacun a le droit de connaître ce qui le concerne, pour être le plus possible et le plus longtemps acteur de sa vie. » (Femme, 54 ans).

● Pour justifier leur « non », les répondants invoquent les risquesencourus par la personne malade à l’énoncé de ce verdict. Un certain nombre parle de « risque suicidaire ». Ils pensent que nepas savoir permet de ne pas souffrir. Ainsi cette femme de 76 ansécrit : « Dans le cas de mon mari, cette annonce aurait encore accen-tué sa tristesse et sa dépression ». Tout en ajoutant que si une tellemaladie lui arrivait, elle souhaiterait être directement au courantdu diagnostic. Ne pas savoir évite des réactions agressives oudépressives (42 notations). D’autres justifient leur « non » en disantque la personne malade n’est pas en état de comprendre, et quecela risquerait de la perturber davantage (ce qui sous-entendqu’elle en comprendrait quelque chose !). Qu’il y aurait risque derefus d’accepter le diagnostic (30 notations). D’autres enfin pen-sent qu’il faut déjà prévenir un proche, avant de le dire à la per-sonne malade. Elle ne doit pas savoir en premier (16 notations).

● Enfin, les 80 répondants « ne sait pas » justifient leur non choixpar une phrase commençant le plus souvent par « Cela dépendde… » l’âge, de l’état de santé de la personne, du stade de la mala-die, de la personnalité, du contexte familial et de l’entourage…,sans préciser les éléments de l’âge, de l’état de santé, de la per-sonnalité, etc., qui les feraient répondre « oui » et ceux les faisantrépondre « non ».

En regardant la distribution par sexe et âge de ces justifications,quelle que soit la catégorie de la réponse, on peut mettre à jourdes logiques et d’âge et de sexe. En effet il y a des réponses plusspécifiquement masculines et d’autres plus spécifiquement fémi-nines, des justifications de jeunes et des justifications de vieillespersonnes.

Déjà par rapport à l’ensemble de la population, les femmes justi-fient plus leurs réponses que les hommes (13 points d’écart lesséparent) 52.

51. Et cela même si cespersonnes ont été décritesprécédemment, commeinhibées, plutôt introverties,dominées… Cela n’empêchepas les répondants de leursattribuer des capacités deréactions, ce qui arrive aussien lien avec la désinhibitionpulsionnelle que cespathologies entraînent.

52. 42 % de l’ensemble desrépondants expliquent leurréponse, contre 55 % desrépondantes.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

« Un malade bien informé peut mieux réagir à la maladie et prendreses dispositions quoi qu’il arrive. » (Homme, 39 ans).« Dans la mesure où elle a connaissance des conséquences de lamaladie et de son évolution, il est préférable qu’elle soit informéeavant qu’il ne soit trop tard pour prendre certaines dispositionsconcertées avec son entourage. » (Femme, 69 ans).« Pour qu’elles puissent intégrer l’idée qu’elles sont malades et quecela les concerne, surtout pour envisager l’avenir. Le leur et celui deleurs proches. » (Homme, 36 ans).« Pour permettre l’organisation assez rapide, si elle est souhaitée, dece qui peut ralentir la maladie, aussi bien les médicaments que lesateliers de mémoire. Pour permettre au malade de prendre un certainnombre de dispositions s’il le souhaite quant à sa prise en chargefuture. » (Femme, 54 ans).

● DIRE LA VÉRITÉ AU MALADE : « NON »

Parce que la maladie est trop avancée ; cela ne sert à rien :

« Lorsque la personne est atteinte de la maladie, elle ne veut pasrecevoir le message, elle n’est plus en mesure de le recevoir. »(Femme, 55 ans).« Au moment du diagnostic de la maladie, le malade est déjà dans laconfusion mentale. Le oui, le non, n’a aucune valeur, aucun sens. »(Femme, 73 ans).« La personne ne comprend plus. » (Homme, 75 ans).« Elle ne comprendrait pas. » (Femme, 84 ans).« Depuis 3 ans ma femme est atteinte de la maladie d’alzheimer.Jamais ni notre docteur ni moi-même n’avons prononcé ce nomd’alzheimer devant elle et je juge que c’est mieux ainsi. Je parle deperte de mémoire à la place. » (Homme, 77 ans).« Car elle n’est pas capable de comprendre ce qui lui arrive. Mais onn’a pas le droit de cacher à la famille proche la maladie et ses suites.Car étant dans l’ignorance elle agit comme avec une personnenormale et alors c’est le drame qui brise et le malade et la familletoute entière (conjointe, enfants, petits-enfants). Et la mort du maladen’amène pas forcément la possibilité de recoller les morceaux, bri-sés par la faute des spécialistes médecins etc. muets. Pourquoi ? »(Femme, 75 ans).« A mon sens, risque d’aggravation de la maladie du patient, puisqu’iln’y a pas de solution à ce jour pour en guérir (choc psychiqueconsidérable, facteur aggravant). » (Homme, 64 ans). ...

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– Les réponses hommes et femmes sont proportionnellementéquivalentes en ce qui concerne le rôle du médecin et la plusgrande capacité à lutter en connaissant son diagnostic.

– Les réponses masculines sont légèrement inférieures à celles desfemmes sur le thème permettre à la personne concernée depréparer son avenir.

– Les réponses féminines dominent plus nettement les rubriquesrespect du malade (+ 6 points) mais aussi ne sait répondre carcela dépend de la personnalité de la personne malade.

– Enfin les réponses masculines dominent sur le thème découra-gement et risque suicidaire (+ 5,5 points) .

Du côté de l’âge, par rapport à la moyenne d’âge des répondantset des répondantes– Les hommes plus âgés sont dans les deux raisons de ne pas

dire (+ 11 ans pour les thèmes décourager, risque suicidaire ; + 20 ans pour maladie trop avancée, ne sert à rien), commedans une moindre mesure dans le ne sait pas (+ 4 ans).

– Les femmes sont plus jeunes (–12 ans) pour la réponse respectdu malade, et aussi (– 4 ans) pour le rôle du médecin.

L’ensemble des répondants fait apparaître une sorte de typologiesexuée et âgée. Les femmes plus jeunes par rapport à l’âge moyendes femmes répondantes revendiquent l’information sur la mala-die à partir de la défense de la personne malade, de sa dignité, deson respect, et dans l’affirmation du rôle du médecin de savoirinformer correctement. Les hommes plus âgés par rapport à l’âgemoyen des hommes répondants, préférant la non information dela personne sur sa maladie, au nom de l’inutilité de l’annonce enraison d’un état psychique trop dégradé, et du risque d’aggrava-tion de la symptomatologie dépressive voire suicidaire des per-sonnes.

… SAVOIR DIRE

Si les médecins sont souvent cités comme les personnes qui doi-vent assumer l’annonce du diagnostic, nombreux sont les répon-dants qui critiquent les pratiques actuelles, ou d’un passé prochedes médecins : l’intensité de ces remarques est très forte. Les méde-cins, généralistes comme spécialistes, sont très critiqués pour leurabsence de savoir-être face aux personnes malades comme face àleurs familles. Certains répondants rapportent des propos demédecins assez abrupts :

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

« Maman est atteinte de la maladie d’Alzheimer, nous n’en parlonsjamais avec elle car personne n’a eu le courage de le lui dire. Et audébut de la maladie, elle n’aurait pas accepter son état, même si elleen était consciente. » (Femme, 52 ans).

Pour ne pas le décourager encore plus, ni augmenter le risquesuicidaire :

« Dans l’Alzheimer débutant, au moment des simples pertes demémoire, pourquoi déclencher tristesse et dépression par l’annonced’une maladie incurable dont la perspective est effrayante. » (Homme,82 ans).« On affronte gaillardement un danger qu’on ignore, c’est bien connu.D’autant que dans le cas présent dire précocement de quoi il s’agitc’est annoncer la mort programmée, conclusion de dégradations men-tales et physiques épouvantables. Quelle mort ! » (Homme, 81 ans).« Dans le cas de mon mari, cette annonce aurait encore accentué satristesse et sa dépression. Pour moi, personnellement, oui. » (Femme,76 ans).« Pour ne pas faire souffrir inutilement le malade durant la périodelimitée où sa lucidité lui permet d’apprécier encore la vie. » (Homme,72 ans).« Les personnes concernées se posent assez de questions (est-ce queje deviens folle) et sont déjà dans un état assez dépressif sans en plusleur dire qu’elles sont plus ou moins condamnées. » (Femme, 36 ans).« Je me suis doutée de l’état de mon mari bien avant qu’il soitofficiellement diagnostiqué mais je n’ai jamais voulu lui en parler.J’aurais eu trop peur qu’il ne mette fin à ses jours. » (Femme, 71 ans).« L’annonce risque fort d’être traumatisante. » (Homme, 86 ans).« On peut parler de troubles de mémoire et d’hallucinations sanspréciser démence ou Alzheimer qui risque de décourager les patientsd’une prise en charge possible voire de déclencher un suicide audébut. » (Femme, 51 ans).« Cela dépend de l’état mental du malade car il faut toujours penserque le malade peut se croire fou et se suicider. » (Femme, 58 ans).« Parce que la personne au début est en dépression. Elle commence abeaucoup souffrir. Elle voit des images qui partent de son cerveau. Ellese voit diminuer rapidement. Elle souffre. Elle est très triste. Elle pleureà gros sanglots. » (Femme, 63 ans).« On ignore la réaction du malade à cette information ! Je pense quele mental n’est pas assez équilibré pour admettre sa maladie. Il peut yavoir réaction violente ou au contraire dépression totale. » (Femme,77 ans). ...

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« … Ayant montré les clichés [de l’IRM de mon mari] à un neurologue ilm’a répondu “Il a des lacunes, vous en avez sûrement aussi”. » (Femme,82 ans).

« C’est un docteur d’Alzheimer à qui [ma sœur] parlait des faiblesses deson mari qui lui a répondu “Vous serez bientôt de mes clientes”.Aberrant de sa part. » (Femme, 81 ans).

« Dire devant un malade bien atteint “Monsieur X, atteint de la mala-die d’Alzheimer, vient de subir un examen cardiologique, etc.” est trèschoquant, indélicat et grave. » (Femme, 70 ans).

« J’espère que les médecins généralistes puissent très tôt prendre encompte les remarques faites par les proches et interviennent le plusrapidement possible. » (Homme, 50 ans).

« Que les médecins généralistes, souvent les premiers consultés, soientà l’écoute, donc prennent du temps, et n’attendent pas trop pour diri-ger leur client vers les médecins spécialistes. » (Homme, 71 ans).

Rezvani 53 met en mots ce que beaucoup de familles ressentent àl’annonce du diagnostic, même si elles savent déjà, à cause de laviolence de l’annonce pas toujours atténuée par les mots de l’an-nonce « Le 11 août 1999 (…) rien ne pouvait avoir prise sur mon espritcar je savais déjà de sûre intuition, et avant même qu’ils ne soient pro-noncés, quels seraient les résultats des tests, et quel serait le diagnostic.(…) Je croyais le savoir et cependant je reçus le choc comme si j’étaisignorant de ce que je vivais déjà depuis quelques années, et que for-cément j’avais nommé secrètement en moi. (…) [Me revient] obsession-nellement la phrase d’une violence insoutenable de la neuropsychiatreparisienne me prévenant qu’un jour mon amour serait “une morte sanscadavre” (…) je suis pris d’effroi en pensant que mon amour pourraittomber entre les pattes de ces terrifiants névrosés que sont tous les neu-ropsychiatres, neuropsychologues, neurogériatres, neurocapos !… ».

« Il faudrait surtout une campagne de sensibilisation auprès des méde-cins généralistes. Pour l’anecdote (sic !), j’avais téléphoné au généra-liste [de ma mère] pour l’alerter, j’ai reçu une fin de non recevoir avecdes paroles dures “madame il n’y a rien à faire”, alors que la maladieétait à son début. Nous avons perdu du temps. D’où une grande cul-pabilité pour nous. » (Femme, 44 ans).

Plusieurs répondants utilisent l’expression verbale « faire avouer »pour décrire leur relation au médecin à propos du diagnostic. Cesexpressions montrent comme une lutte entre la famille (voire le

53. Rezvani, o.c.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

« Cela dépend du stade de l’évolution et des médicaments qui serontdisponibles. La personne atteinte conserve une grande fierté et il n’estpas forcément bon de lui casser le moral. » (Homme, 64 ans).

DIRE LA VÉRITÉ AU MALADE : « NE SAIT PAS »

Cela dépend de la personnalité de la personne :

« Cela dépend de l’âge et de l’état de la personne. » (Femme, 90 ans).« Tout dépend du caractère de la personne, en sachant on peutretarder un peu la maladie mais il faut une aide psychologique. »(Femme, 55 ans).« Cela dépend de l’âge et de la personnalité de l’intéressée ».(Homme, 77 ans).« Tout dépend de la personnalité du malade. Chaque cas est un casparticulier. » (Femme, 79 ans).« Je ne sais pas car pour l’instant il n’y a pas de remède pour guérir lamaladie mais après tout il peut être nécessaire que la personne sesente comprise et traitée en adulte responsable par la reconnaissancede sa maladie. » (Femme, 62 ans).« Quand on ne sait pas pour une maladie incurable, il y a de l’espoir.Le non espoir avec la perspective d’une descente aux enfers fait direà ma mère : “Plutôt me jeter par la fenêtre si j’étais comme ça”, alorsqu’elle est atteinte et ne le sait pas de la maladie d’Alzheimer. »(Homme, 54 ans).

Cela dépend du stade de la maladie :

« Tout dépend du stade. Dans mon expérience familiale, la personnes’en était rendu compte au début. Puis le délire de persécution ren-dant toute explication impossible ultérieurement. » (Femme, 53 ans).« Cela dépend du stade de l’évolution et des médicaments qui sontdisponibles. » (Homme, 64 ans).« Si la personne est âgée, cela pourrait encore plus la perturber, si elleest jeune, il faut lui en parler » (Jeune fille, 13 ans).« Cela peut dépendre du malade et de l’état d’avancement de samaladie ». (Homme, 71 ans).« Cela dépend du stade de la maladie diagnostiquée et de l’étatrelationnel du malade. » (Homme, 49 ans).

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malade) et les médecins, comme un rapport de force mêlé dehonte ou de crainte : « J’ai dû faire avouer la maladie au médecin quin’osait me le dire. » (Femme, 72 ans). « Le médecin traitant n’a oséavouer ni à ma mère ni à moi la maladie de mon père. » (Femme, 47 ans). L’aveu, comme extorqué, témoigne du malaise médicalface à un diagnostic difficile à annoncer et à assumer encoreaujourd’hui où les thérapeutiques sont loin d’être très efficaces.

Ces paroles familiales dénonçant certaines pratiques médicalesdevraient être confrontées aux données issues d’une enquête deterrain qui serait réalisée auprès des médecins généralistes et spé-cialistes confrontés à ces pathologies et devant annoncer le dia-gnostic. Des médecins réfléchissent à la question et commencent àélaborer des protocoles d’annonce de ce diagnostic 54. Certainplaident pour une « méthodologie éthique de la révélation du dia-gnostic 55. Cette réflexion est à poursuivre et à largement diffuser.

SI LA PAROLE EST DIFFICILE EN FAMILLE, À QUI ET OÙ PARLER ?

On a vu que deux types de paroles sont difficiles en famille :d’une part le dialogue avec la personne malade parce que la basedu dialogue, à savoir sa maladie, est occultée, d’autre part unéchange sur ses affects, ses questions, ses doutes en raison de leurintensité, avec l’un ou l’autre de ses proches. On a vu aussi que ledialogue avec le médecin est souhaité, mais pas toujours à la hau-teur des attentes. Or tout garder pour soi renforce le stress inté-rieur, l’angoisse et peut déboucher sur des symptômes psychoso-matiques. Parler, échanger fait partie de la nature humaine. Pources familles, parler pour se dire et mieux comprendre ce qui sepasse et être compris est nécessaire.

Les entretiens qualitatifs ont montré que des enfants comme despetits-enfants savent utiliser des amis, des copains et des copinespour parler de ce qu’ils ne peuvent dire en famille. Ils se sententécoutés et vivent mieux leurs émotions.

Les petits-enfants utilisent des camarades de classe, mais nette-ment plus les filles que les garçons. Ces derniers semblent plusrefermés sur leur situation familiale et ne pas vouloir communi-quer avec leurs copains. Certains s’abstiendront même d’inviterchez eux leurs copains le jour où leur grand-parent malade vavenir. Ils redoutent la confrontation. Ils semblent avoir peur dujugement de leurs copains sur leur famille, jugement qu’ils pres-

54. Pouillon M., Larcher V.,Pariel-Madjlessi S., Belmin J.,Comment annoncer lediagnostic de la maladied’Alzheimer aux patients et àleur entourage ? La revue degériatrie, supplément A autome 28, n° 4, avril 2003.

55. Pancrazi M.P., Métais P.,(sous la direction de) Ethiqueet Démence, Paris, Masson,2004.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

LA SOUFFRANCE ET LES QUESTIONS ÉTHIQUES QUI LUI SONT LIÉESLa souffrance des familles et des personnes malades apparaît dans 21 % des remarques. Ces plaintes sont centrées pour les trois quartsd’entre elles sur la souffrance des aidants et autres membres desfamilles et seulement pour un quart d’entre elles sur celle despersonnes malades. Ce décalage confirme, d’une certaine manière, lamise à distance progressive de la personne malade par sa famillecomme déjà décrit antérieurement. Il y a même des remarques quisemblent comme exclure le malade : on parle de la maladie non de lapersonne qui en est atteinte :« … Je souhaite que cette enquête contribue à mettre en place uneaide aux aidants pour gérer cette maladie le plus longtemps possible,dès son diagnostic. Pour mieux combattre cette maladie, je pensequ’il faut l’assimiler à toute maladie invalidante… » (Femme, 53 ans).« J’aimerais bien consulter un psychologue pour pouvoir parler. C’estdifficile de dire à ses enfants ou à sa mère (89 ans) les souffrancesendurées chaque jour. Il y a des jours, je me sens découragée, puis, jeme ressaisis, je voudrais tellement qu’il reste le plus possible à lamaison. » (Femme, 63 ans).« La maladie d’Alzheimer et autres démences sont des pathologiesdifficiles à supporter pour l’entourage et le malade lui-même bien sûr.Ma mère n’a plus l’usage de la parole. Elle est complètement dépen-dante et maintenant elle ne marche plus (mais elle sourit). Je ne saispas si elle me reconnaît, mais je l’aime en lui tenant les mains (il sepasse quelque chose…). » (Femme, 66 ans).

La souffrance des personnes malades peut être notée avec finesse : « Maman est décédée en 92 d’un infarctus du myocarde. Ce qui a dûabréger ses souffrances, car de temps en temps elle avait des phrasestrès justes : 15 jours avant son décès, alors que manifestement elle nenous reconnaissait plus depuis longtemps, elle m’a dit textuellement“comment se fait-il que tu n’as pas ton tricot ?” J’avais l’habitude depasser mon après-midi avec elle en tricotant. » (Femme, 73 ans). Desrépondants associent souffrance des personnes malades et dignité : « Tout ce qui peut venir en aide aux personnes âgées doit être fait.Insister sur la détresse des familles et sur le besoin de vigilance pourle maintien de la dignité des personnes malades ». (Femme, 56 ans). « Toutes ces personnes [malades] sont des êtres humains et non des“déchets” ». (Femme, 51 ans).

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sentent comme négatif, à cause de la présence d’une personnedémente. Les filles utilisent plus les copines pour être comprises etplaintes (« C’est pas drôle pour toi ») de la part de copines qui « ontla chance de ne pas avoir de grand-parent avec cette maladie », maisaussi pour partager leur expérience avec celles de leurs copinesqui sont dans la même situation qu’elles. Elles se sentent rassuréesde n’être pas les seules à avoir une grand-mère ou un grand-pèreatteint d’une DTA. Elles partagent leur vécu, se sentent solidairesdans une épreuve difficile. Quelques petits-enfants adolescents oupréadolescents ont trouvé la possibilité de parler à un adulte n’ap-partenant pas à leur sphère familiale, ce qu’ils apprécient beaucoup.

Du côté des adultes, ce sont des amis ou des connaissances quivivent des situations familiales équivalentes qui vont être des inter-locuteurs précieux. Avec eux, on compare les faits et méfaits de sesproches malades, on peut dire sa souffrance, on peut rechercherune compréhension, un moment de soulagement. Ces temps sem-blent ponctuels, très irréguliers, au gré des aléas familiaux rencon-trés, que son parent malade soit à domicile ou en établissement.Chaque fois ces relations préexistaient avant la maladie de sonparent. Et c’est la découverte par hasard d’une situation fami-liale équivalente qui va engendrer ces nouveaux contenus auxéchanges. Quelques tentatives d’entrer dans des groupes commeceux de France Alzheimer 56, ont été signalées, qui ne semblentpas avoir satisfait ces personnes. Très peu disent continuer.

Quant aux conjoints, il semble que plus ils sont âgés, moins ils ontla possibilité de communiquer avec des amis. Au contraire, ilstémoignent d’un éloignement des amis, douloureusement ressentiet déjà constaté lors d’autres recherches 57. Les propositions desassociations pour ces conjoints sont des réponses, partielles, à cebesoin d’échange et d’écoute.

Les entretiens ont peu mis en évidence le rôle de professionnels del’écoute pour les personnes rencontrées. Seuls quelques enfantsévoquent une aide psychothérapeutique déjà utilisée ou à venirtrès prochainement. Cela leur permet de mieux accepter la mala-die de leur parent, d’être un peu soulagés d’une partie de leursouffrance. Ces démarches pourraient-elles être plus développées,ou plus systématiquement proposées aux familles ? Et pas seule-ment en milieu hospitalier, lieu que certaines personnes ont dumal à accepter. Ne pas se contenter d’opportunités comme pour

56. En dehors des adhérentsde ces associations qui ontparticipé à cette recherche,bien entendu.

57. David D., Arfeux-VaucherG., Barnier F., Dorange M.,Dos Santos C., DesouchesMiroglio M.M., (2000)Personnels en inactivité deservice et personnes âgéesdes I.E.G. – Activités socialeset lien social. Les cahiers del’IFOREP, n° 97.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

58. Quelques répondantsregrettent même qu’il n’y ait

pas eu de question claire surce sujet dans ce

questionnaire.

Ces souffrances des malades comme des autres membres de la familles’accompagnent quelque fois de la revendication du droit àl’euthanasie ou de se suicider. Cela n’est pas très fréquent, mais il estimportant de souligner que cela vient en remarque spontanée 58. Celaest à entendre du côté d’une non réponse sociale à la détresse desfamilles comme à celle des personnes malades elles-mêmes.« Pourquoi la question de l’euthanasie n’est pas posée. Le tabou estencore bien fort. Je suis touchée de très près par la maladied’Alzheimer. Les deux femmes que j’aime le plus sont dans un étatdégradé. Je ne tiens pas à leur survie des années dans cet état. Ce n’estpas une vie ni pour elles ni pour nous. Si cela devait m’arriver, jeprendrais mes dispositions. » (Femme, 48 ans).« Si je suis atteinte un jour, j’aimerais être au courant de mon état.J’aimerais ne pas être traitée comme une débile. J’aimerais en finiravant de traîner d’une manière horrible. J’aimerais qu’on m’aide à enfinir avant que la déchéance ne soit trop importante. A ce momenttoute dignité vous est ôtée. » (Femme, âge non précisé).« Dès lors que l’on devient grabataire, j’espère pouvoir profiter del’euthanasie librement. » (Homme, 62 ans).« Il manque peut-être un aspect [à ce questionnaire] : le libre choix desa mort face à des maladies incurables. Cela est d’autant plus impor-tant que l’évolution chaotique de la maladie d’Alzheimer empêchepeut-être de mettre son projet à exécution. Le sujet du suicide devraitêtre abordé aussi facilement que la maladie elle-même, y comprisdans ce type d’enquête. » (Homme, 36 ans).

S’il paraît relativement facile de parler de son désir de suicide, plustard, si une DTA atteint le locuteur, il ne faut pas oublier ce que despersonnes atteintes, rencontrées lors de la phase qualitative, nous ontdit : certaines y pensaient aussi.

Quant au désir de mort rapide des personnes de sa famille atteintesd’une DTA, nous l’avions déjà entendu lors de certains entretiens.Cela témoigne de l’insupportable de la situation dans laquelle setrouve le répondant face à une personne aimée, sans soutien poursupporter mieux et vivre encore un certain temps avec cette douleuret cette culpabilité éprouvée face à la personne malade. Ces parolesentendues ou écrites ne peuvent faire présager un travail de deuilfacile, quand la mort arrivera, mais devraient déboucher sur l’orga-nisation de lieux où ces paroles pourraient être dites, et entenduessans jugement de valeur afin que les personnes puissent ensuite faireplus facilement leur travail de deuil, parce qu’elles auront exprimé, duvivant de la personne avec une DTA, leur désir de mort vis-à-vis d’elle....

...

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l’une de ces personnes qui rencontre un psychologue au momentoù elle met au monde un enfant et en profite pour lui parler de cequ’elle vit par rapport à son père malade.

Il serait utile que les lieux de dépistage existants (centres experts,consultations mémoire, etc.) fassent une place plus importante auxpsychologues cliniciens pour un travail d’écoute de la personnemalade et d’accompagnement des familles 59, ouvert à toutes lesgénérations familiales, avec des modalités à définir, alors qu’ilssont trop souvent encore cantonnés, quand il y en a, dans l’uniqueactivité de passation de tests.

ÊTRE ÉCOUTÉ ? OUI, MAIS PAR QUI ?

Autant parmi les écoutants privilégiés, les «professionnels de l’écoute »étaient acceptés seulement par 21 % des femmes et trois fois moinspar les hommes, autant quand la question est posée seule sur lamise à disposition de psychologues pour la personne malade commepour les familles, les réponses sont nettement plus affirmatives, avecles nuances suivantes. Les répondants femmes n’hésitent pas dansleurs réponses, pour affirmer qu’il faut plus de psychologues pourles personnes malades (84,6 %) comme pour les familles (88,6 %).L’âge ne les fait que très peu varier dans ces taux de réponse. Ce quiveut dire que même jeunes ou très âgées, ce rôle est reconnu (etregretté parce qu’il n’est pas plus largement développé).

Les hommes, quant à eux, sont en moyenne un sur quatre à ne passavoir quoi répondre. Et ils sont seulement 66 % à accepter ce rôleauprès des personnes malades (avec une chute chez les jeunesadultes et les adultes de plus de 80 ans), et à 74 % auprès desfamilles. Plus que les femmes, ils minimisent l’apport d’une écouteprofessionnelle pour les personnes malades, comme aussi pour eux-mêmes. Si la proposition est néanmoins majoritairement acceptée,on retrouve une tendance déjà observée, celle d’hommes moinsenclins que les femmes à user de la parole pour « se faire du bien».Mais hommes comme femmes jugent un peu plus importantl’écoute des familles par rapport à l’écoute des personnes malades.Malgré cette légère minimisation, il est important de constaterqu’il y a une attente pour les personnes malades. Cela signifie queles difficiles dialogues familiaux, voire l’absence de vrai dialogueavec son parent malade, proviennent de l’absence de savoirs-faire,l’absence de soutien pour entreprendre ces dialogues, et non d’unrefus total d’échange.

59. Aquino J.P., Fior S.,Fremontier M., Guisset M.J.,L’aide aux aidants, un défipour le XXIe siècle, Soinsgérontologiques, n° 36,juillet/août 2002.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Répartition des réponses selon le sexe en ce qui concerne l’écoute par desprofessionnels

Un psychologue devrait être à disposition

Oui Non Ne sait pas TOTAL

– De la personne malade elle-même ? (Femmes) 84,6 % 4,2 % 11,1 % 100 %

– De la personne malade elle-même ? (Hommes) 66,3 % 8,1 % 25,6 % 100 %

– Des familles pour les écouter ? (Femmes) 88,6 % 1,9 % 9,5 % 100 %

– Des familles pour les écouter ? Hommes) 73,8 % 9,3 % 16,9 % 100 %

Dans la partie « remarques » du questionnaire un homme écritlibrement : « Je suis en analyse et je fais l’hypothèse que la maladied’Alzheimer est en partie d’origine psychosomatique. Et qu’en faisantune analyse, je vais casser les héritages psychologiques reçus qui m’in-citaient à la reproduction. » (Homme, 46 ans). Il n’est pas possibled’affirmer que sa démarche sera efficace. Elle lui apporte cepen-dant une aide pour mieux vivre la pathologie de son parent. Cettedémarche peut sans doute conforter sa construction de tuteur derésilience.

60. Arfeux-Vaucher G.,Dorange M., Solitude,

isolement, veuvage :recherche auprès des

adhérents de l’associationAprès et des ressortissants

des caisses de retraiteCapimmec et Irec. FNG,

décembre 2003. Recherche,dont la phase qualitative a fait

apparaître, chez despersonnes de plus de 80 ans,des paroles autour du droit à

se suicider.

Bien peu de personnes arrivent à faire ce travail sur soi auquel HenriBauchau est arrivé quand il note dans son journal, quelques joursavant la mort de sa femme « Il y a une quinzaine de jours j’ai cru queL. allait nous quitter. J’en suis encore bouleversé et pourtant c’est ceque je souhaite, avant que son état ne se dégrade plus encore et quedes souffrances apparaissent. La douleur et le souhait de sa mort sonten contradiction mais c’est une contradiction qu’il faut vivre etaccepter avec simplicité. » (Juin 1999).

Quant au désir de se suicider si une DTA survient plus tard, il est clairque ces paroles plus masculines que féminines, comme d’autresétudes l’ont déjà montré 60, ne signifient pas que ces personnespasseront réellement à l’acte, mais que le rapport à soi dégradé estvécu dans une telle violence que la seule issue n’est pas de tenterd’apprivoiser cet avenir mais à se nier pour le nier lui-même.

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DES MOTS/MAUX À LIRE : LITTÉRATURE ET MÉDIAS

LA LECTURE DE LIVRES SUR LES DTA, ET DES RENCONTRES : UNE AIDE POSSIBLE ?

Au début de cette recherche, nous avions fait l’hypothèse que lalecture de romans ou de témoignages pouvait aider des per-sonnes des familles rencontrées à mieux verbaliser leurs émotionset à pouvoir mieux continuer (ou réapprendre) à communiqueravec leur parent atteint d’une DTA. Aussi en fin d’entretien quali-tatif avons-nous proposé à chaque personne rencontrée différentsouvrages adaptés à sa situation. Puis demandé à les revoir, une fois la lecture terminée, pour connaître leurs impressions sur ceslectures.

Au total, 70 % des personnes rencontrées ont lu un ou deux ou-vrages. Chacune choisissant ce qu’elle avait envie de lire après unedescription rapide du contenu des ouvrages. Aucun conjoint n’asouhaité lire un des ouvrages proposés. Ce sont donc des enfants etpetits-enfants qui l’ont accepté. Quant à l’arrière-petit-fils rencontré,ce sont ses parents qui lui ont lu l’album apporté. Dans deuxfamilles, des gendres et brus ont tenu à lire également les livres choi-sis par leur conjoint, pour pouvoir en parler ensuite en famille.

Certains ont accepté pour faire plaisir à l’enquêteur ou comme cer-tains l’ont dit « pour faire quelque chose pour ma mère malade ».

Enfin près d’un tiers des personnes ont refusé, par manque d’ap-pétence pour la lecture, par refus de se replonger dans une souf-france dont elles cherchent à se tenir à distance, parce qu’elles ont

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

déjà lu des ouvrages sur ce thème (plusieurs titres inconnus nousont été donnés).

Majoritairement, les personnes ont apprécié la lecture, des enfantset petits-enfants y trouvant une meilleure compréhension de lapersonne malade, et de ce fait acceptant une plus grande tolé-rance vis à vis de ses troubles. Ce sont les petits-enfants qui noussemblent les plus grands bénéficiaires de ce temps de lecture, plusparticulièrement ceux de 10 ans et plus. Au moins ce sont eux quiont exprimé le plus facilement l’apport des livres. Majoritairementils ont éprouvé un soulagement émotionnel, une autorisation àressentir leurs émotions puisqu’ils les trouvaient décrites dans desouvrages. Des mots utilisés montrent bien ce que la lecture leur aprocuré : « ça m’a débloqué »; « ça m’a décoincé »; « Avant [de lire celivre] j’enviais mon frère plus âgé qui arrive à parler à ma grand-mère,moi j’étais bloquée. Maintenant, j’ai envie de me rapprocher d’elle, delui parler. J’ai appris que c’était possible ». Mais cette libération émo-tionnelle ne semble pas dicible en famille. Majoritairement, cesjeunes enfants n’ont pu dire ce qu’ils avaient ressenti à leurs pa-rents : ils ne les sentaient pas prêts à les écouter.

Autre point remarquable de cette proposition de lecture : l’attrait,inattendu pour les enquêteurs, du livre de Claude Couturier sur sapropre maladie. Bien des adultes, à la suite de la présentation deromans, de témoignages d’enfants ou de témoignage donné parla personne malade ont choisi ce livre-là « pour comprendre ce quema mère (ou mon père) ressent ». « Finalement je ne sais pas ce qu’il vit,peut-être qu’avec ce livre je vais mieux le comprendre ». On sent der-rière le succès de ce livre une curiosité forte de savoir ce que l’autre,malade, vit, mais en même temps cela peut faire peur de savoirque la malade est une personne qui raisonne, qui ressent, quiprend du recul par rapport à elle-même, malgré ses troubles dontelle peut parler sans fard. Cette curiosité peut être teintée d’ambi-valence. Des personnes ont choisi ce livre sans se souvenir qu’ellesl’avaient déjà lu et qu’elles l’avaient déjà apprécié et recommandéà des amis ou à des parents ! Pourtant toutes ces personnes ont luce livre récent alors que leur parent était déjà malade. Oublier celivre et son contenu est peut-être un bon acte manqué. D’autres luitrouvent un intérêt certain, mais ne peuvent en parler à leurentourage. Cette connaissance ne peut être partagée.

La lecture de témoignages peut aider à réfléchir à sa propre situa-tion. Rezvani évoque ses pensées à la lecture du livre de John

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Bayley 61, Elégie pour Iris « … bien sûr, John Bayley s’explique enexpliquant que chacun vit la maladie de l’être proche comme “unique”et donc incomparable. Et “qu’Iris est Iris”. Pourtant tous les symptômessont identiques, c’est bien ça qui désespère… en tout cas moi ! »

Les personnes qui ont lu plus pour faire plaisir (à l’enquêteur ou àleur parent) ont eu assez souvent des réactions mitigées : lesromans ou témoignages ne semblent pas correspondre à une forteattente. Certains, (des hommes surtout) souhaitant des ouvragesplus techniques, plus scientifiques (Internet est pour eux unesource importante d’information), donnant des conseils ou desrecettes de comportement. Pour autant, ceux d’entre eux quiconnaissaient le livre édité par France Alzheimer 62 disent l’avoirpeu apprécié : son côté didactique étant ressenti comme pesant.D’autres ont eu beaucoup de mal à commencer la lecture. Certainsouvrages ont polarisé une sorte d’agressivité, notamment celuid’A. Ernaux, jugé très « scatologique ». Le portrait qu’elle fait de samère et la description de ses émotions ont été ressentis commeexagérés. « C’était bon pour il y a 20 ans. Maintenant plus aucun établissement ne fonctionne comme cela. Ce n’est plus possible ! ».D’autres ouvrages ont été jugés peu réalistes : « Ça ne se passe pascomme cela, c’est trop raccourci. Les choses évoluent plus lentement ».Pour d’autres encore la proposition de lecture peut révéler ouaccentuer des résistances à une perception correcte de sa situationfamiliale. « Avec ce livre, vous m’obligez à voir ma mère comme je neveux pas qu’elle soit ». Quelques personnes (une minorité) qui ontlu Puzzle, journal d’une Alzheimer ont déclaré « Claude Couturiern’est pas une malade ordinaire, sinon elle n’aurait pas pu écrire ».Comme si savoir ce que ressent la personne malade leur étaitinsupportable. Aussi, le plus simple est de lui dénier l’identité demalade avec une DTA. D’autres témoignages montrent une atti-tude ambivalente vis à vis de ces ouvrages : ils sont appréciés, maisles lecteurs disent n’y avoir rien découvert, ou ne pas vouloir déve-lopper (par la lecture !) une attitude de voyeurisme par rapport à leur parent malade « J’ai ressenti les mêmes choses, mais je n’ai pas besoin de lire ce livre pour le savoir. Je ne suis pas voyeuriste dutout ». L’ensemble de ces réactions plutôt négatives montre lanécessité d’utiliser le média livre à bon escient et avec un appuirelationnel absent dans cette recherche.

Ce constat qualitatif, a été repris dans la phase quantitative sousforme de questions sur l’intérêt ou non de la lecture en tant

61. Bailey J., Elégie pour Iris,Editions de l’Olivier, 1999.

62. Lavallé S., Schneider C.,Chère Mamie, AssociationFrance Alzheimer etLuxembourg Guy Binsfeld,1999.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

LES DTA, QUESTION DE SOCIÉTÉ ET DE SANTÉ PUBLIQUE Fréquemment abordées, par près d’une personne sur deux, lesremarques affirment que les DTA sont un problème de société et desanté publique non pris en compte à sa juste valeur. Nombreuses sontles demandes insistantes pour que les pouvoirs publics donnent plusde place à la recherche sur les DTA, pour que ce problème de santésoit mieux pris en considération, que les politiques lui donnent plusde place dans leurs choix budgétaires, que la réglementation évolueafin que les familles ne se sentent pas autant « pressurées ». Le mot « pression » est souvent utilisé, pour parler de ce qui se vit en famille,mais aussi dans une autre optique, beaucoup plus de lutte sociale,comme dans la citation suivante : « … Je souhaite que vous ayezbeaucoup de réponses pour sensibiliser la population sur ce problèmeassez méconnu, faire pression sur notre gouvernement pour obtenirdes crédits pour la recherche… » (Femme, 81 ans).

Ce manque de crédits suffisants pour la recherche, se double, pour lesrépondants, de difficultés financières liées aux décisions politiquesprises jusque-là. Il y a l’absence de prise en compte correcte desbesoins financiers liés à l’apparition de DTA. Plusieurs famillesdétaillent les sommes à trouver pour une prise en charge correcte deleur personne malade, tant à domicile qu’en établissement, enmontrant les autres charges financières auxquelles elles doivent aussifaire face. L’entre aide financière concerne parfois trois générations. Etcomme disent certains : « Comment je fais pour vivre ? ». Des famillesannoncent des refus d’APA incompréhensibles à leurs yeux, des prixde journée d’établissements spécialisés hors de leur portée, sauf àaccepter une absence de qualité de la prise en charge. Bon nombrede ces familles sont confrontées à la prise en charge financière de leurparent avec une DTA et à la prise en charge financière, partielle, d’unpère ou beau-parent sans mutuelle ou avec de faibles ressources.

« Il faudrait de l’aide financière surtout pour que je puisse combler lesmanques de la résidence. Rémunérer des personnes qui viendraientpromener ma mère, lui parler, l’intéresser, car elle est avide des’occuper. » (Femme, 68 ans).« Si mon mari devait aller en maison de retraite, comment payer avecma pension de 8 000 F un établissement qui coûte de 17 à 18 000 F(pardon je ne peux pas me faire aux euros !). Qu’est-ce que je deviensmoi ? Comment voulez-vous que nous ayons le moral ? » (Femme, 63 ans). ...

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qu’aide pour mieux vivre ou comprendre sa situation familiale, enspécifiant le genre littéraire et les groupes d’âges (revues faisant lepoint sur les DTA, romans pour adultes, romans pour enfants ouadolescents, récits et témoignages). Les résultats confirment lesdonnées de la partie qualitative de cette recherche.

En effet, les revues qui feraient le point sur les connaissances et trai-tements possibles sont fortement attendues par les répondants(entre 85 et 80 %, à l’exception des hommes de 30 à 39 ans / 57 %. Pourquoi ?). Les romans pour les adultes sont deux foismoins acceptés, mais le sont plus par les femmes que par leshommes, (ce qui ne doit pas étonner, c’est une constante du rap-port au livre en général), sans grandes différences en fonction del’âge du répondant. Un homme de 34 ans répond à ces questions« Quant aux questions concernant les romans, il me semble utile desouligner que la littérature n’a pas pour vocation d’être au service dela thérapeutique. Si elle a à voir avec la vérité, c’est sur un autre modeque celui esquissé par votre questionnaire ». Les romans pour enfantsou adolescents sont encore un peu moins acceptés, mais l’âge durépondant introduit une évolution dans les % de réponses posi-tives à cette question (de manière encore plus nette chez lesfemmes). Plus les répondant femmes sont jeunes, plus elles vontvouloir des romans, plus elles vont être âgées, moins elles vontcroire en la vertu « thérapeutique » de romans pour les plus jeunesde leurs familles : – 60 % des moins de 20 ans souhaitent lire des romans sur cethème pour leur âge ;– alors que seulement 25 % des personnes de 80 ans et plus pen-sent que cela peut leur être bénéfique.

On retrouve, ici, un constat fait au sein des familles rencontrées.Bien des petits-enfants se sentent exclus des paroles familiales surleur grand-père ou grand-mère, car il faut les protéger, alorsqu’eux se plaignent de cette surprotection. Ils ont envie de pou-voir parler de leur grand-parent. Ils souhaitent pouvoir s’exprimersur ce qu’ils vivent. Ils souhaitent lire sur ce qu’ils vivent au sein deleur famille. Ils conçoivent ces ouvrages comme des aides à grandir. Mais leurs parents et grands-parents les trouvent « tropjeunes » pour partager, même à travers un livre, cette partie del’histoire familiale.

Enfin, les récits et témoignages sont presque autant appréciés queles revues, ce qui dénote le besoin de comparer sa propre expé-

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

« C’est bien de faire l’enquête. Ce serait mieux de lutter pour que cetype de maladie soit entièrement pris en charge par la Sécu. »(Femme, 62 ans).« Autre chose, les maisons spécialisées sont hors de prix, pourbeaucoup de familles. Il reste à certaines (conjoint–e) 304 euros pourvivre après avoir réglé la maison de retraite. » (Femme, 47 ans).« Je vais être encore dans l’obligation de face à face mensuels avec lesfrais de séjour qui augmentent plus vite que l’APA que je n’ai perçueque six mois l’an dernier. Belle trouvaille qu’une aide négative, mais,chut !, ça ne fait pas plaisir qu’on le dise … » (Homme, 81 ans).« Je me trouve dans une situation difficile, vu que le dossier [APA] demon mari a été rejeté et que je dois faire face à certains besoins de mamère qui est en maison de retraite : je dois régler les compléments depharmacie vu que ma mère n’a pas de mutuelle. Je trouve honteuxque la sécurité sociale ne prenne pas en compte la maladie d’Alz-heimer ! » (Femme, 68 ans).« A part les soins pharmaceutiques, tout le reste est à ma charge. Déjàperdue par la situation, tout devient compliqué et insurmontable. Laconjointe a l’impression de se trouver dans la même situation que sonmalade. C’est une spirale infernale, c’est la pagaille » (Femme, 68 ans).« Il faudrait surtout une prise en charge intégrale de la maladied’Alzheimer, et revoir les tarifs des maisons de retraite, notammentdans certaines villes de province. » (Homme, 56 ans).

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rience avec celles d’autres personnes ayant vécu une situationsemblable. C’est du reste une veine littéraire qui semble s’étofferactuellement. Cette demande de témoignages écrits renvoie à laquestion des rencontres avec d’autres familles, dans la même situa-tion, proposées par des associations. Les hommes sont plus distantsvis à vis des réunions de familles que les femmes (14 pointsd’écart). Ils disent préférer les amis vivant une situation identique.Ces rencontres ont un rôle complémentaire à ce que la lectureapporte. Il n’y a pas d’opposition entre ces deux modalités. Despersonnes peuvent hésiter à prendre la parole dans un groupe.D’autres trouvent ces réunions peu intéressantes. Tout dépend dudynamisme des personnes en charge de ces réunions. La lecturede témoignages permet d’éprouver, dans une relation de soi à soi,médiatisée par le livre, un reflet et/ou une distanciation par rap-port à sa propre histoire. Elle permet aussi d’aller à son rythme, derevenir en arrière, d’anticiper, dans un imaginaire (attirant commecraint) créé par le récit. Les échanges en réunion sont plus centréssur la réalité du quotidien.

EN CE QUI CONCERNE LES MÉDIAS

Le questionnaire nous a semblé un outil simple pour mesurer l’opi-nion d’un grand nombre de personnes sur l’influence et le rôle desmédias. Tant ceux observés que ceux souhaités.

Les répondants sont très critiques sur la faible part donnée aux DTAdans les médias tant écrits qu’audiovisuels. Massivement, femmeset hommes pensent que les médias ne parlent pas assez des patho-logies de type DTA. Les femmes sont même plus sévères que leshommes. En général, les répondants de 60 ans et plus sont moinscritiques sur ce point que les plus jeunes. Cela renvoie à deuxexplications complémentaires. L’âge, jeune, des plus critiques,révèle une moindre attention, de leur part, aux revues destinées àun lectorat plus âgé (journaux des caisses de retraite, Notre temps,Pleine vie…), qui abordent ce sujet. Rencontrer ses parents ou sesgrands-parents n’induit pas systématiquement de lire les revuesqu’ils reçoivent. Cela signifie aussi que les journaux et périodiquespour jeunes et adultes jeunes ne prennent pas en compte le faitque certains de leurs lecteurs sont des enfants ou des petits-enfantsde personnes ayant une DTA, et que leur souffrance, comme leursdésirs d’information ne sont pas satisfaits dans leurs lectures habi-tuelles. Certaines revues pour adolescents 63 traitent la question

63. Voir le numéro 772 de larevue Okapi du 15 décembre2004, avec son enquête Tesgrands-parents et toi.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

des grands-parents mais abordent très rarement celle d’une pos-sible évolution démentielle.

Par contre, tous les répondants sont plus réservés, ou plus per-plexes quand ils doivent se prononcer sur la manière dont les mé-dias traitent ces questions. Les réponses à la question « Les médiasen parlent-ils correctement ? », « oui », « non », « ne sait pas » sontpratiquement équivalents ! Rares sont les commentaires commecelui qui suit : Une femme de 66 ans écrit : « Souvent les médias augmentent 64 les peurs et les angoisses au lieu d’aider à les sur-monter ». – Le « oui » remporte 39 % des suffrages masculins et 32 % des suf-frages féminins. – Le « non » 36 % chez les hommes et 39 chez les femmes. – Le « ne sait pas », 25 % chez les hommes et 28 % chez les femmes.

Cette perplexité renvoie, sans doute, à la difficulté de dire claire-ment ce que l’on voudrait voir traiter dans ces médias et surtoutcomment. Déjà dans la partie qualitative de cette recherche, despersonnes rencontrées savaient qu’elles cherchaient des informa-tions, mais sans pouvoir toujours préciser lesquelles, ou quelsgenres d’informations elles souhaitaient. Informations sur les avan-cées des connaissances ? Sur les avancées des traitements ? Sur lesmodalités de prises en charges financières ? Sur les aides moraleset autres solutions de répit pour les familles ? Sur le poids, matériel,financier, affectif que ces pathologies génèrent ? Chaque interlo-cuteur a une attente confuse, souvent déçue dans ce qu’il trouve.D’où sans doute, cette répartition quasi égale entre les trois typesde réponses. Tous ne sont pas aussi négatifs. Une femme de 26 ansécrit « Depuis que ma grand-mère est atteinte de la maladied’Alzheimer, je m’informe le plus possible sur cette maladie, grâce auxdifférents documentaires télévisés ou dans certains magazines ».

Par contre quelques commentaires libres parlent des attentes desrépondants vis à vis des médias. Les répondants souhaitent que lesmédias fassent mieux leur travail d’information et de dédramatisa-tion de ces maladies, comme on le voit, disent-ils, pour d’autrespathologies. Ainsi cette femme de 57 ans dit-elle : « Il faut utiliser lesmédias, mais des médias intelligents. Le problème est souvent mal traitémalgré tous les efforts des associations et des spécialistes. Il faut en parler,cette maladie n’est pas honteuse même si elle est difficile à vivre ». Uneautre de 55 ans dit : « Plus d’émissions radio et télévision, et surtout auxheures grand public ».

64. Mot souligné par l’auteure de la phrase.

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UNE PISTE D’ACTION

Comment la société audio-visuelle et écrite peut-elle aider les per-sonnes malades et leurs familles ? Constatons que le nombre d’ou-vrages publiés, d’émissions de télévision et de radio, d’articlesdans la presse quotidienne, hebdomadaire, généraliste et spécia-liste, augmentent fortement. Si cela traduit un changement desmentalités, il reste que l’utilisation de ces outils n’est pas toujoursoptimum. Des personnes sauront en tirer profit, d’autres y trouve-ront une réactivation à leur blessure. Tel ouvrage bien reçu par lacritique, sera mal vécu par des familles concernées… Même chosepour les émissions de télévision. C’est à ce niveau que les soignants(et les associations de famille) ont un rôle à jouer, en proposantcertains ouvrages dans une relation d’aide, comme support à uneélaboration de sa situation. Des institutions d’hébergement,comme des services d’aide à domicile, peuvent former certains deleurs personnels à l’utilisation de livres comme médiateur dansleurs relations avec les différentes générations familiales, commeentre les membres d’une même famille.

BIBLIOTHÈQUE D’OUVRAGES SUR LA MALADIE D’ALZHEIMERpour les soignants comme pour les différentes générations familiales

C’est dans cet esprit, mais aussi pour les associations de familles,que nous proposons une bibliographie sur ce thème. Certains deces ouvrages ne sont plus dans le commerce, mais sont disponiblesdans les bibliothèques. Leur qualité nous amène à les présenter.Les niveaux de lecture sont là à titre indicatif. Chacun adapte seslectures en fonction de la présentation succincte des ouvrages quiest faite, et de ses goûts comme de ses centres d’intérêt.

● ALBUMS POUR PETITS ET PREMIERS ROMANS(Maternelle, CP et CE1 - CE2)

La maison de mon grand-pèreHOESTLANDT Jo, Bayard, Editions (2000).Hugo a l’habitude de passer les vacances d’été chez ses grands-parents, mais cette année, sa grand-mère est bizarre. Elle meurt aucoeur de l’hiver. L’été suivant, Hugo retrouve son grand-père bienseul, la maison et le jardin délaissés. Il décide de tout prendre enmain, comme le faisait sa grand-mère.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Le dimanche noyé de grand-pèreLAURENCIN Geneviève, Pef, Editions Gallimard, 1994.Comme tous les dimanches, grand-père vient déjeuner. Grégoireadore son Papé qui fait plein de choses de travers. Lui s’en moquecar ils font des promenades agréables. Mais ses parents paraissentsouffrir du comportement du vieil homme.

La tête à l’enversDUFRESNE Didier, Mango jeunesse, 2003.Quentin va voir sa grand-mère tous les week-ends. Il est inquietcar elle a « perdu la tête », mais il s’aperçoit qu’elle est toujours samémé quand même.

Ma grand-mère perd la têteDREYFUS Corinne, Thierry Magnier, coll. Petite poche, 2004.Passer des vacances chez une grand-mère qui perd beaucoup dechoses, qui en fait d’autres à l’envers est drôle pour sa petite fille.Mais ses parents sont plus inquiets. Elle trouvera cependant que sisa grand-mère a le regard perdu dans les nuages, c’est qu’elleespère reconnaître son mari mort depuis longtemps.

● POUR ENFANTS DE FIN DU PRIMAIRE (CM1 - CM2)

Mercredi ou jamaisBARBIER Marie-Jeanne, Actes Sud Jeunesse, 2001.Le passé n’est jamais tout à fait passé. C’est ce que va découvrirRémi à travers un personnage qui va perturber la vie de sa grand-mère ainsi que celle de tous les amis de l’âge de la grand-mère. Aquatre-vingt ans passés, peut-on redevenir un enfant de 10 ans,puis un jeune homme de vingt puis revenir à quatre-vingt et chan-ger aussi souvent d’âge ?

Mamie et moiCANTIN Marc, Milan poche, coll. junior, 2003.Alice adore sa mamie italienne qui vit avec eux à Paris, un peu fan-tasque car elle perd la tête. Mais la complicité qui les lie n’em-pêche pas le père d’Alice de décider de la mettre en maison deretraite car on ne peut pas toujours la surveiller.

Chère MamieLAVALLE Sandrine, SCHNEIDER Carlo, Luxembourg,Editions Guy Binsfeld, 1999.La vie d’une famille avec deux enfants, entre les horaires d’école etde travail, et les grands-parents qui jouent les baby-sitter. Legrand-père apprend à ses petits-enfants que leur grand-mère a la

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maladie d’Alzheimer. Une chute du grand-père et son passage àl’hôpital va mettre en évidence la fragilité de l’équilibre. Il seramaintenu si la vieille dame malade va régulièrement au centre dejour.

● POUR JEUNES DE DÉBUT DE COLLÈGE (NIVEAU 6° - 5°)

Momo, petit prince des Bleuetsde HASSAN Yaël, Editions Syros (1998).L’été, pour s’évader de sa cité, les Bleuets, Momo s’installe sur unbanc et lit les livres qu’il emprunte à la bibliothèque. Sur ce banc,il fait la rencontre de Monsieur Edouard, instituteur à la retraite.Avec l’aide du vieil homme, Momo se lance dans de multiples pro-jets, tels que peindre des crocus sur les murs gris de la cité, semerde vrais bleuets… Mais Monsieur Edouard a des troubles de lamémoire de plus en plus fréquents. Momo n’abandonne pas sonami et lui rend souvent visite à la maison de retraite.

Un petit boulot du mercrediDYMOND LEAVEY Peggy, Actes Sud Jeunesse 1999.Le grand-père de Mark est atteint de la maladie d’Alzheimer. Pourl’aider sans le bousculer dans ses habitudes, Giovanna décide d’al-ler vivre chez lui avec Mark. Le jeune garçon se fait rapidement denouveaux amis et il essaie aussi de trouver un petit boulot pourgagner de l’argent de poche. C’est difficile pour lui de se libérercar son grand-père ne peut pas rester seul un instant. Il lui en veutparfois, mais jamais bien longtemps car il se souvient combien songrand-père était merveilleux avant la maladie.

MiéePETIT Xavier-aurent, Ecole des loisirs, coll. Medium, 2001.Les parents sont toujours pressés. Miée, elle, a toujours le temps.C’est pour ça qu’Anna aime tant aller chez elle. Miée est douce,Miée est drôle. Miée fait comme personne les roudoudous de cara-mel à la fleur d’oranger dans sa toute petite casserole. Mais cetteannée-là, Miée n’est pas comme d’habitude. Anna va aider sagrand-mère à reboucher les trous de sa mémoire, tant qu’elle lepourra.

Ça s’arrangeraPESKINE Brigitte, L’école des loisirs, 1985.S’intégrer à un nouveau collège pour cause de déménagement etêtre coupée de sa grand-mère fait peur à Nathalie. Avec le tempsles choses s’arrangeront, mais elle découvrira un autre visage de la

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

vieillesse plus dramatique, à travers la rencontre inopinée d’unevieille dame seule qui va très mal.

Amours et brocolisPETERS Julie Anne, Milan, 2002.Entre une grand-mère qui se croit investie de missions bizarres parla CIA et qui confond souvenirs et réalité, sa passion pourdéfendre les animaux du monde, des parents divorcés plus préoc-cupés chacun de leur avenir que de leur fille, Chloé aura du mal à savoir ce qu’elle doit faire. Cacher la maladie de sa grand-mèreà son père ? Monter une opération pour sauver des oiseaux enpéril ? Comment concilier des chosez si différentes ?

Les cubesPONCELET Béatrice, Seuil jeunesse, 2003.Des vacances pas ordinaires où la famille découvre les confusions,les absences et les pertes de la grand-mère. (Très libre, mais fidèle,adaptation très illustrée de style onirique d’Histoire de ma mère).

● POUR JEUNES DE FIN DE COLLÈGE (NIVEAU 4° - 3°)

Mamie mémoireJAOUEN Hervé, Editions Gallimard, 1999.Quand Véronique apprend qu’elle doit céder sa chambre à saMamie qui ne va pas bien, elle le prend très mal. Petit à petit, elleapprend, comme le reste de la famille, à vivre avec cette vieilledame dont la mémoire s’effrite. La jeune fille découvre dans unemalle les souvenirs de sa grand-mère et part sur les traces du mys-térieux Pablo.

Poussière d’AngeJAFFE Laura, Editions du Rouergue, 2000.Anita a choisi de passer toutes ses vacances de fin d’année chez sesgrands-parents. Avec sa grand-mère une complicité est là faite decomplicité et de grande affection, mais Anita réalise qu’un jour sagrand-mère ne sera plus là. Avec son grand-père, Anita n’est pasaussi à l’aise : pourquoi dort-il si souvent, pourquoi ne répond-ilpas ?

La vie à coup d’épongeMOISSARD Boris, Ecole des loisirs, coll. Médium, 2001Adolphe Garde (dit Flûtiau ou Flageolet) n’a qu’une ambition dansla vie : ne rien faire. Il doit aussi veiller sur son grand-père (Papyrus)qui commence à perdre un peu la tête. Il va découvrir la chance

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de sa vie à travers l’histoire de son grand-père qui débarque parhasard au travers d’un certain M. Darzian que son grand-père aconnût 50 ans avant.

La légende de Robin des Bois (B.D.)LARCENET Manu, Dargaud, col Poisson Pilote, 2003.Robin des bois est atteint de la Maladie d’Alzheimer mais doitcontinuer sa mission de voler les riches pour donner aux pauvreset affronter son ennemi, le Sherrif de Nottingham. Il doit aussireconquérir le cœur de Marianne pour pouvoir mourir en paix.

Les volets closVERMOT Marie Sophie, Seuil, 1996.Une famille confrontée à la maladie d’Alzheimer du père alors qu’ilest encore jeune, travaille… Entre révolte, souffrance, espoir fou,ces adolescents et leur mère vont petit à petit accepter la maladieet faire face à son évolution rapide.

● POUR LYCÉENS ET ADULTES DE TOUS ÂGES

Ici, plusieurs types d’ouvrages sont édités :

– Des récits ou témoignages sur une histoire vraie :

Histoire de ma mèreINOUE Yasushi, Stock, La bibliothèque cosmopolite, 1984.Le récit des dernières années d’une femme âgée à travers lesregards multiples de son fils, de sa petite fille et d’autres personnesde sa famille quand la démence sénile survient. Souvenirs et quo-tidien se mêlent amenant une nouvelle organisation des relationsfamiliales.

On ne se lasse pas d’aimerRONSAC Charles, Robert Laffont, 1992.Charles raconte le désespoir de sa femme quand ils apprirentqu’elle avait des signes annonciateurs d’une évolution démen-tielle, ses tentatives de suicide… Huit années de vie communevont suivre au cours desquelles son mari va la soutenir dans salutte ce qui retardera l’échéance finale.

Au cœur du labyrinthe : vivre avec la maladie d’AlzheimerFRIEL MCGOWIN Diana, Presses de la cité, 1995.Récit par une femme atteinte par une forme précoce de la mala-die d’Alzheimer, de ce qu’elle vit, ressent. C’est ce qu’elle nommela « chronique de ma lutte contre la maladie ». Une post-face deux

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

ans plus tard lui permet de plaider pour le développement descollectifs d’aide aux personnes malades, comme celui dont elle apu tirer profit.

Je ne suis pas sortie de ma nuitERNAUX Annie, Gallimard, coll. Folio n° 3155, 1997.L’auteur raconte la vie de sa mère démente dans un établissementd’hébergement, ses émotions, sa souffrance et son attachement àcelle-ci malgré l’avancée de la maladie.

Ton chapeau au vestiaireTRINTIGNANT Nadine, Fayard, 1997.Récit mêlant passé et présent, souvenirs et questionnements, ten-dresse et culpabilité sur la vie et la maladie du frère de l’auteur.

Puzzle, Journal d’une AlzheimerCOUTURIER Claude, Editions Josette Lyon, 1999.Journal tenu par l’auteure depuis ses premiers troubles demémoire, l’amenant à se questionner sur leur origine, à réorgani-ser sa vie personnelle, professionnelle et familiale. De 1991 à 1998,ce journal fait vivre, de l’intérieur, l’évolution de la maladied’Alzheimer. Une réédition en 1999 permet à l’auteur de s’expri-mer encore sur ce qu’elle attend de la société pour les personnes,comme elle, atteintes par cette maladie.

La présence pureBOBIN Christian, Le temps qu’il fait, 1999.Avec un style très poétique l’auteur décrit la vie de son père,atteint de la maladie d’Alzheimer, dans une maison de long séjour,après un passage en hôpital psychiatrique. Vies humaines qui seterminent, saisons qui se matérialisent dans l’évolution d’un arbreau centre du jardin de ce long séjour, permettent à l’auteur de direquelques vérités sur les conditions de prise en charge des vieillespersonnes malaldes.

Journal d’AntigoneBAUCHAU Henri, Actes Sud, 1999.Passage de la Bonne-GraineBAUCHAU Henri, Actes Sud, 2002.Ces deux tomes de mémoires montrent l’entrelacement du travailde l’écrivain pour son œuvre, son activité d’analyste et la place desa femme malgré (ou à cause) de l’apparition puis de l’évolutionde sa maladie d’Alzheimer. Jusqu’au bout, et même après sa mort,sa femme l’aidera à vivre, à penser, à se ressourcer. Jusqu’au boutl’auteur témoigne d’une grande humanité pour sa compagne.

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Quel jour sommes-nous ? La maladie d’Alzheimer jour après jourLE BOURHIS Firmin, Chiron, 2001.Une femme, jeune encore, laisse apparaître des oublis qui intri-guent son mari, ses enfants. Plus le temps passe, plus le diagnosticde maladie d’Alzheimer sera incontournable. Comment s’organi-ser pour continuer à vivre, tout en intégrant l’évolution de la mala-die ? Les enfants, jeunes adultes, ont leur vie à construire. Le pèrene peut tout abandonner de sa vie professionnelle. Le temps quipasse oblige à des choix de plus en plus douloureux mais porteurspour l’avenir.

Elégie pour IrisBAYLEY John, Editions de l’Olivier, 2001.Iris, le dénouementBAYLEY John, Bayard, 2002.L’écrivaine anglaise Iris Murdoch a été vaincue par la maladied’Alzheimer. Son mari raconte dans ces deux ouvrages l’émer-gence de la maladie et son évolution tout en retraçant l’histoired’Iris et la sienne, avec d’autant plus de détails et de précisions quela mémoire de sa compagne l’abandonne.

Pourquoi ma mère me rend folleLABORDE Françoise, Ramsay, 2002.Ma mère n’est pas un philodendronLABORDE Françoise, Fayard, 2003.Dans un style très vif, l’auteure décrit le vécu des familles confron-tées à la maladie d’Alzheimer de l’un des leurs, ici sa mère. Ellerend palpable les différents problèmes, les souvenirs encore dou-loureux du passé, les relations au sein de la fratrie face à la mala-die. Le deuxième volume laisse une plus grande place à la parolede différents experts rencontrés, afin de donner une dimensionsociale aux drames familiaux.

Mon père en AlzheimerBILLET Marie France, Les arènes, 2002.Marie va vivre avec et contre la maladie de son père en passantpar le maintien à domicile, le moyen séjour, la maison de retraite,l’hôpital psychiatrique, puis l’accompagner dans sa fin de vie, jus-qu’au bout, entouré de sa famille et de ses amis.

L’éclipseREZVANI, Actes Sud, 2003.Le jour où le soleil fut caché par la lune, en août 1999, quand la

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

nuit revint en pleine journée, l’auteur et sa femme apprennent lediagnostic dont sa femme est atteinte : maladie d’Alzheimer. Cettecoïncidence, la nuit en plein jour, traduit la violence de l’irruptionde la réalité au milieu des questions supputées jusque-là. Ceromancier sait utiliser la force de la langue pour dire son désespoir,la violence reçue et vécue au quotidien auprès de sa femme.Ecriture libératrice, écriture porte parole de la souffrance desfamilles et d’une certaine surdité de la société.

– Des romans

Parmi ceux-ci, certains sont proches de certains livres témoignages :

Mademoiselle Casside DONOVAN Marie-Andrée, Canada, Les Editions David, 1999.Cassandre, dite mademoiselle Cassie, aime à se retrouver dans sonjardin, seul lieu où sa mémoire ne lui fait pas trop défaut. Avecl’aide de plus en plus active de Julien, son compagnon, elle va tra-cer son autobiographie tant qu’elle et lui le pourront.

Sans elle ? Sans ailesOZIER Renée, L’Harmattan, col Vivre et l’Ecrire Adultes, 1999.Court récit, dense, concret, retraçant l’apparition et l’évolution dela maladie d’Alzheimer chez la mère de l’auteur. Des premierssignes repérés à posteriori, à l’entrée en établissement, au change-ment d’établissement inadapté aux capacités de marche 18 moisplus tard, à la fin de vie, il y a sept années de vie, de joie, d’émo-tion et de souffrances partagées.

Les insensésPELLISSIER Jérôme, Losfeld, 2002.Louise a 82 ans, elle est veuve et gère seule la propriété, anciennemanade, depuis la mort de son mari. Sa fille, Marie, vit à Paris avecson mari et leurs deux enfants et ils viennent passer chaquesvacances avec elle. Son fils, Bernard, a vécu longtemps loin d’eux,il a une fille dont il s’est peu occupé. Louise commence à craindreque ses enfants veuillent lui prendre son domaine. Elle devientaigrie et agressive. La maladie est là et va petit à petit transformerla vie des ces trois générations. Entre passé et présent, tous crai-gnent l’avenir.

La reine nueBRAGANCE Anne, Actes Sud, 2003.Giuletta est un écrivain à succès. A près de 80 ans, elle veut vendreses souvenirs. Ses sept enfants n’ont pas vu venir la démence, elle

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la leur bien caché au début et maintenant ils sont perdus face à cepersonnage qui ne les reconnaît plus. Ils font bloc autour d’elle etla soigne, mais chacun va être touché de manière différente parcette maladie.

La part de l’angeJOUVANCY Monique, HB Editions, 1998.Une fille raconte la fin de vie de sa mère atteinte d’une maladied’Alzheimer depuis son entrée en établissement. Des allers-retoursentre présent et passé s’entremêlent avec beaucoup de poésie. Aufur et à mesure de ses reviviscences, l’héroïne peut se libérer de « sa mère noire » pour faire apparaître sa « maman ». Il lui restera àfaire le deuil de sa propre enfance.

Rayon de soleilILBERSTEIN Martine, auto-édité, ISBN 2/9510322-7-7, 2000.Berthe, vieille femme, célibataire, vit à domicile. Sa santé s’altérant,une étudiante qui travaille comme aide à domicile l’été pourfinancer ses études, intervient chez elle. Une amitié va se nouerentre ces deux personnes, même lorsque Berthe ira vivre en éta-blissement, car sa maladie d’Alzheimer aura trop évoluée.

– D’autres ouvrages, plus ou moins romancés ajoutent une parti-cularité, à savoir de mettre le héros, qui présente une évolutiondémentielle, en place de celui qui met à jour ou qui oblige àmettre à jour des secrets de famille. Ce que la clinique a déjà misen évidence. C’est pourquoi nous en citons quelques-uns :

Météorites sur fond noirLARTIGUE Pierre, France Europe Editions, 2002. Luce, la narratrice, au début de sa retraite, se met à l’ordinateurpour mettre au clair son histoire familiale. Progressivement lesparoles de son grand-père, atteint par la maladie d’Alzheimer laisseapercevoir un secret de famille à travers ses bribes de souvenirs.Quel est-il ? Le présent aurait-il été autre s’il n’y avait eu ce secret ?

Léa et les voixZALBERG Carole, Editions l’Embarcadère, 2002. Depuis vingt ans l’esprit d’Antoine se dégrade. Lors de momentsde lucidité, il raconte ce qu’il vit. Léa, sa petite fille devient gar-dienne de sa mémoire. Au fil des morceaux de souvenirs racontéspar Antoine, Léa découvre un secret qui la bouleverse. Plusieursécritures s’entremêlent, récit, confessions du grand-père et journalde sa petite fille.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Small WordSUTER Martin, Seuil col Points, n° 703, 2000.Konrad Lang est atteint de la Maladie d’Alzheimer. En luttant pourpréserver sa mémoire, des souvenirs affluent dont ses proches sepasseraient bien car en réalité il a été dépossédé de son immensefortune à l’âge de cinq ans. La mise à jour de ce secret va-t-ellechanger sa vie ?

– Des ouvrages, enfin, publiés il y a presque vingt ans permet-tent de sentir l’évolution des mentalités et des savoirs entre lesannées 80 et maintenant :

La mémoire blessée. Alzheimer : un autre nom pour la folieROACH M., La Manufacture, 1986.

Une saison de feuillesCHAPSAL Madeleine, Fayard, 1988.

ChimèresBERNLEF J., Calmann-Lévy, 1988.

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POUR OUVRIR SUR L’AVENIR

Comme nous en avions fait l’hypothèse, toutes les générations ausein d’une famille sont concernées par la maladie (DTA) de l’un desleurs. Les parties qualitatives et quantitatives de cette recherche leconfirment. Des petits-enfants ont été contents de nous recevoirou de répondre au questionnaire. Les DTA ne sont pas une affairequi se joue seulement entre la personne malade et son aidant prin-cipal. Les autres membres de la famille sur plusieurs générations yparticipent, même si c’est à travers la rupture de toute relationpour des raisons affectives ou pécuniaires. Si parler de l’aidantprincipal laisse entendre qu’il peut y avoir des aidants secondaires,trop peu d’études s’intéressent à ceux-ci, en tant qu’acteurs de laqualité de vie de la personne malade. Ceux-ci sont aussi concer-nés émotionnellement par la maladie de leur proche, et l’étude deces retentissements affectifs, comme matériels, sur les petits-enfantset les enfants (quand ils ne sont pas désignés comme aidant prin-cipal), sont à développer. L’écologie des personnes maladesenglobe sa famille et ses relations. Cette étude l’a bien montré.

DES MOTS À DIRE…

Cette emprise des DTA sur l’ensemble familial se manifeste déjà parla crainte exacerbée, par rapport à la réalité, d’être atteint plus tardpar cette même pathologie. Les données chiffrées montrent cemécanisme de sur-valorisation du risque. De même que la diffi-culté d’aller consulter soi-même si un signe avant-coureur arrivait.Retrouverait-on ici, chez les répondants au questionnaire, le même

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

mécanisme psychique que celui détecté chez la personne maladeface à la première perception de ses troubles, trouvé dans la phasequalitative de l’étude ? Peur de savoir bien avant le risque dedébut des troubles, contre peur de savoir au moment des premierstroubles ? Toute la question du dépistage précoce d’une prédispo-sition à une pathologie lourde se retrouve ici, au-delà de la seulemaladie d’Alzheimer 65. Globalement, on ne parle pas en famillede ses angoisses sur son risque personnel. De même qu’on n’enparle pas autour de soi, ni à un médecin.

Cette recherche montre aussi toute l’ambivalence des personnesnon malades dans leur relation à la personne malade. Des parolescirculent, mais elles excluent de plus en plus la personne avec uneDTA. En relation avec cette thématique, des silences, lourds à por-ter affectivement sont présents, source d’une souffrance souventenkystée. Ce dialogue de plus en plus difficile à établir amènecependant les répondants à souhaiter, dans un renversement desrôles, faire partie du dialogue familial, comme avec le médecin, sieux, à leur tour, avaient une DTA. S’ils souhaitent majoritairementque la société respecte la dignité des personnes avec une DTA, neleur cache pas leur état, ils se sentent eux assez désarmés pourtenir ce rôle auprès de leur parent, et ce d’autant plus qu’ils viventau quotidien avec lui. Si la société donnait plus d’importance auxDTA, par le biais de plus de moyens pour la recherche biomédicaleet psychothérapeutique, de meilleures informations, de meilleuresaides financières et matérielles, cela pourrait être une aide pour cesfamilles, qui se sentiraient moins les parents pauvres et dévalorisés(avec d’autres) des préoccupations officielles. Un autre regard dela société et des pouvoirs publics sur ces pathologies ne pourraitqu’aider ces familles et les malades eux-mêmes.

Un retour en arrière permet de constater que ces difficultés ontdéjà été pointées pour d’autres pathologies, elles aussi drama-tiques comme les cancers, le SIDA et d’autres faisant suite à degraves problèmes de santé publique (sang contaminé, hormonesde croissance, amiante…). Le silence, les euphémismes ont été uti-lisés tant au sein des familles que dans l’ensemble de la société.Pourtant une évolution est lisible, pas seulement liée aux évolu-tions des thérapeutiques. Les personnes malades, de maladiesincurables à plus ou moins courtes échéances, et leurs famillesréclament le droit de savoir et d’être traitées dignement, dans lerespect de leur identité. Les nouveaux droits des personnes

65. Kerschen N., Problèmeséthiques et légaux du

diagnostic précoce de lamaladie d’Alzheimer et des

pathologies démentielles.Approche européenne :

l’individu, maître de ses choix.3e Assises des Consultations

de la Mémoire,Paris, 1er et 2 février 2002.

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malades 66 témoignent du chemin parcouru, et de ce qu’il reste àfaire… Alors, peut-on espérer qu’une évolution comparable sefasse jour avec les personnes atteintes de DTA et leur famille ? Cela,afin que la parole ne soit pas qu’informative et permette l’expres-sion de ses sentiments, dans le respect de l’autre, permettant unaccompagnement de qualité de la personne malade au sein de safamille et non à la marge de sa famille, comme parfois l’impressionen ressort.

Ce qui semble manquer pour les personnes malades comme pources familles, c’est un lieu (et du personnel qualifié) pour prendre encharge l’angoisse de la personne qui se démentifie. Des famillesdisent regretter que leur parent soit trop détérioré pour manifesterde la souffrance comme « avant » et en même temps en être sou-lagées car elles n’ont plus à affronter sa souffrance, ses questions,signe d’un désir de dialogue (« est-ce que je suis en train de devenirfolle ? »; « qu’est-ce qui m’arrive ? »; « pourquoi je n’y arrive plus ? ». Lesbénéfices de l’avancée de la dégradation sont de soulager lesfamilles face au questionnement de la personne malade (il n’y aplus à chercher s’il faut lui répondre ou éluder sa question ou nierle problème : mais elles n’ont jamais su vraiment quoi faire).Comme le note John Bayley « Mais, dieu merci, le stade du désespoirau réveil semble dépassé. (…) Finies, les questions angoissées. (…) Aufur et à mesure que son état empire, il s’améliore. Il semble compenserchaque perte nouvelle » 67. Mais les personnes restent face à la diffi-cile acceptation de ce qu’elles vivent comme la mort de l’autre,une mort non réalisée mais progressive, toujours en train de sedérouler, un temps de fin de vie qui s’étire sur plusieurs années,une mort en marche, très lente et inéluctable. Mort en marche aucours de laquelle des répits apparaissent (une phrase sensée quiémerge au bout de plusieurs mois de mutisme), qui réchauffent, etréactivent la blessure. « L’œil noir et la réplique ont jailli, cinglantes enma direction. L’œil noir de mon Papa-d’Avant, quand j’avis dix ans.Celui qui me clouait dans un coin instantanément. Le même. Je jubile.J’ai revu mon père. L’œil. Un quart de seconde. JE L’AI REVU ! J’ai lecœur qui cogne pour de vrai. (…) Et le voilà qui part entre les tables,courbé, touchant à tout, buttant sur tout. Il ne nous voit plus. » 68.

Est-ce la famille qui peut supporter l’angoisse des personnesmalades ? Ne faudrait-il pas offrir d’autres supports à ces person-nes ? Ne faudrait-il pas aussi offrir aux familles un temps d’écoute(renouvelé si nécessaire) individuel, leur permettant (famille

66. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.

67. Bayley J., Elégie pour Iris,Paris, Editions de l’Olivier,2001.

68. Billet M.F., Mon père enAlzheimer, Paris, Les arènes,2002.

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

comme personne malade) de prendre le temps d’intégrer la nou-velle de la maladie 69, pour apprendre à vivre avec, comprendreles symptômes, et faire au mieux pour endiguer tout ce qui peutaccélérer son évolution ? Le rôle des associations pourrait interve-nir parallèlement ou secondairement. Il nous paraît manquer untemps essentiel de soutien individuel à la personne malade et à sesproches, par des professionnels formés à ce genre d’écoute. Lesmesures annoncées dans le Plan Alzheimer 70 peuvent améliorerles prises en charge, si elles entrent véritablement dans les faits.

On parle aussi rarement en famille de l’avenir de la personnemalade, de sa mort future en lien avec sa maladie. Cela s’entenddans les phrases prononcées au fil de l’entretien « Ma mère a unemaladie d’Alzheimer (…) Elle n’est pas malade car on ne meurt pas decette maladie ». Et pourtant, la mort du parent malade est omni-présente dans les esprits tant des familles que de bon nombre desoignants. D’une part parce que cette maladie touche le cerveau,dont l’activité électrique, support à la pensée, reste le critère de lavie humaine. Actuellement la mort clinique est définie légalementpar l’électroencéphalogramme plat, et non par l’arrêt de l’activitécardiaque. Ensuite parce que la perte progressive de l’autonomiedu parent malade est fréquemment perçue par la famille commeune régression qui, comme tout comportement régressif, réactivel’angoisse de mort. Toute la difficulté est donc d’aider les familles(toutes générations concernées) et les soignants aussi à com-prendre et accepter qu’il y a de la vie humaine, malgré l’évidencedes comportements déficitaires, dont l’expression est tellement endécalage avec nos codes de sociabilité. Comme le dit ChristianBobin 71 : « Avant d’entrer dans la maison où il est aujourd’hui, monpère a séjourné pendant quelques semaines chez les morts, à l’Hôpitalpsychiatrique (…) dans le pavillon “Edelweiss’. Les morts n’étaient pasles malades mais les infirmiers qui les abandonnaient la journéeentière sans aucun soin de parole. (…) Les morts étaient ces gens murésdans leur surdité professionnelle. Personne ne leur avait appris que soi-gner c’est aussi dévisager, parler/reconnaître par le regard et la parolela souveraineté intacte de ceux qui ont tout perdu ».

Cette angoisse de la mort est bien à l’origine de nombreux non-dits concernant la maladie et le malade. « Mort sans cadavre » ?Certainement pas, le dément est bien vivant et il nous interpelle.Certes, l’image du dément peut incarner la mort sur un plan fan-tasmatique, mais ses grimaces et son comportement bruyant sont

69. Voir le dossier completAlzheimer, diagnostic précoce

et accompagnement parudans Soins Gérontologie,

n° 36, juillet/août 2002.

70. Plan Alzheimer 2004-2007, présenté par

Philippe Douste-Blazy le 13 septembre 2004.

71. Bobin C., La présencepure, Le temps qu’il fait,

1999.

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bien là pour nous rappeler qu’il est toujours vivant. C’est cela quidérange et que l’on peut vouloir faire taire. Comment, effective-ment, retrouver dans ce dément-là celui ou celle qui hier encoreétait l’objet de notre désir ? La famille oscille alors entre des mou-vements de deuil anticipé (« Je préfère qu’il ne se rende plus compte,pour ne pas souffrir », « Je ne viens plus le voir, c’est trop difficile ») etparadoxalement, une attention soutenue au moindre signe deprésence, de communication, d’humanité.

Une autre peur se retrouve dans la démence, à l’instar d’autrespathologies psychiatriques, celle de la folie. Dans ces pathologies,le phénomène d’objectalisation du parent malade (que l’onretrouve probablement dans toute pathologie) n’est pas atténuépar le parent malade lui-même compte tenu de sa relative « pertede conscience de soi ». Comment, effectivement, revendiquer saplace de sujet, dès lors que l’on ne sait plus vraiment qui l’on est.On peut donc penser que les mécanismes de défense des prochesne diffèrent pas d’une pathologie à l’autre. La maladie, quellequ’elle soit reste toujours « ce coup de tonnerre dans un ciel serein ».Mais c’est l’attitude du parent malade et ses possibilités de réactionface à la maladie qui vont induire un certain type de relation avecses proches.

En tentant une comparaison (osée ?) on peut se demander si l’onne pourrait pas aider ces familles à découvrir une nouvellemanière de parler à leur proche qui se démentifie, comme onrecommande de parler justement aux personnes dans le coma. Onsait que ces personnes entendent ce qu’on leur dit, par le témoi-gnage de personnes sorties du coma. Ne pourrait-on faire l’hypo-thèse que les personnes démentes, et quasi mutiques parfois,entendent, à leur manière, ce qu’on leur dit, même si elles neréagissent pas. Mais comment concilier cette proposition avec leconstat suivant : La personne démente est à la fois absente (dansson monde) mais aussi omniprésente, imprévisible tant dans sesactions que dans ses paroles. Son discours, même désorganisépeut être emprunt d’une grande violence. Il est souvent percutant.Il aborde des sujets jusqu’à présent tus en famille, qui sont l’objetde tabous. L’évolution démentielle s’accompagnant d’une baissedes défenses qui encadraient l’expression de la vie pulsionnelledans les normes de la socialisation, certaines paroles de personnesdémentes peuvent servir à faire émerger, voire à tenter de réglerdes comptes familiaux. Des parents qui dénient tout sens au com-

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

portement de la personne démente le font justement parce queces comportements sont trop signifiants. Alors… des temps et deslieux de paroles pour les familles semblent nécessaires pour leurpermettre de sortir progressivement de ce dilemme sur la paroledes personnes démentes : elles disent n’importe quoi et ce qu’ellesdisent est sensé (mais d’un sens irrecevable). Cette nouvelleapproche de la personne démente pourrait casser la phrase ditepar une personne vue (et écrite dans Mon père en Alzheimer) « c’est une mort sans cadavre ». Non, une personne atteinte de lamaladie d’Alzheimer n’est pas morte, mais vivante et expressive, àsa manière.

Mais cela suppose aussi un changement du discours scientifiquesur les DTA, ne réduisant pas tout être humain à son unique « raison ». Comme le souligne N. Rigaux dans son article déjà cité :« Focalisé comme il l’est sur les pertes, en particulier cognitives quiaccompagnent la maladie, le discours scientifique incite très certaine-ment à lutter contre elle. Qu’il soit de nature à faciliter la vie avec elle,pour les malades et leurs proches, semble moins assuré ». Elle poursuiten montrant comment ce discours scientifique déshumanise lespersonnes malades, sans que les chercheurs de ces disciplines s’in-terrogent sur les conséquences sociales de cette déshumanisation,comme en terme de qualité de vie de la personne malade. Lesfamilles, comme les personnes malades ont à lutter contre cetteemprise du discours savant mortifère pour tout le monde. « Le dis-cours savant ne s’éloigne pas de la vision commune de la maladied’Alzheimer pour laquelle “quand on perd la tête”, la vie n’a plus desens et l’on est pour les siens comme un mort-vivant. Véhiculant sans yprendre garde un vieux fond cartésien, ce discours entretient et légi-time le regard déshumanisant si souvent porté sur la maladie » et surles malades ajoutons-nous.

Poursuivre ces réflexions, c’est aussi avoir la possibilité de mettre àl’épreuve l’hypothèse d’une prédisposition psychique, à côté d’unterrain somatique, à la maladie d’Alzheimer. Prédisposition liée àune certaine structure psychique qui confrontée aux aléas del’existence semble avoir du mal à rebondir, ou ne sait commentmétaboliser ces aléas pour les maîtriser, sans trop les subir unique-ment.

......

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… DES MOTS À LIRE

Un autre objectif de ce travail visait à estimer le rôle possible de lalecture comme aide personnelle et familiale face à la souffrancedes personnes ayant un parent proche atteint d’une DTA. Aide àune meilleure communication en famille, comme avec la personnemalade.

Qu’en est-il au vu des deux types d’enquêtes menées ? La lecturede récits ou témoignages personnels est plus vivement souhaitéepar les adultes que la lecture de romans. Les petits-enfants souhai-tent lire des romans plus que ne le pensent leurs parents et grands-parents.

Pour ceux qui souhaitent lire, cela est une aide personnelle, etéventuellement dans la relation avec la personne malade. L’aspectaide à la communication en famille n’a pas été souvent mis en évi-dence, sans doute parce que le recul de temps nécessaire pourune telle évolution au sein des familles n’a pu être pris en comptedans cette recherche.

Si la lecture peut être une aide à la communication et pas seule-ment à la compréhension de l’autre, il serait vain de penser quetout doit se dire en famille. Si certaines familles peuvent apprendreà mieux communiquer, il est aussi indispensable de trouver poursoi des interlocuteurs hors de son entourage familial, pour vivremieux en famille. Dans cette optique, le livre est un élément tiers,extérieur à ses relations familiales habituelles, mais qui peut rejaillirsur elles, même s’il n’y a pas de discussion familiale sur le livre.C’est une différence notable avec le constat fait avec les livres duPrix Chronos qui parlent de la mort : ceux-ci donnent souvent lieuà des discussions familiales. Ils en sont le point de départ. Lesouvrages qui mettent en scène une personne qui se démentifie neparaissent pas ouvrir au même dialogue. Mais avec le temps, ils ledeviennent peut-être.

Par contre, il nous semble que ces ouvrages, romans commetémoignages, sont une source à ne pas négliger dans la formationdes professionnels, qui sont au contact de personnes avec une DTAet qui vivent tant au domicile qu’en établissement, pour appré-hender la démence et les relations avec les personnes qui en sontatteintes, comme avec leurs familles. Le livre comme outil péda-

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

gogique, n’est pas assez souvent utilisé, aussi bien dans les forma-tions que dans des réunions d’équipe.

Par ce biais, de la lecture par des soignants d’ouvrages parlant desdémences, les familles, toutes générations concernées pourraientêtre touchées. Si tel soignant me dit que tel livre l’a aidé à com-prendre et à communiquer avec des personnes démentes, peut-être qu’à moi aussi comme à d’autres personnes de ma famille, cetouvrage apportera quelque chose. Puisque je peux mieux parlerde mon père, de ma femme, de ma grand-mère à quelqu’un quia lu ce livre, peut-être qu’à la maison des choses tues jusque-làpourront se dire tout simplement ? Utopie ? Pas si sûr. En tout casla réponse ne sera trouvée que si l’expérience est tentée. LaFondation Nationale de Gérontologie est prête à tenir ce pari avectous ceux, et celles, que cela tente.

Changer le regard social sur les DTA, à l’aide de la lecture, commeavec d’autres moyens, parallèlement aux travaux permettantd’améliorer l’efficacité des divers traitements de ces pathologies(médicaments, prises en charges psychosociales…), est un projetsimplement humain.

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ANNEXES

Tableau récapitulatif du nombre de répondants par sexe et par groupe d’âge

TOTAL Femmes Hommes

90 et + 2 1 180 à 89 45 20 2570 à 79 110 63 4760 à 69 78 64 1950 à 59 132 101 3140 à 49 85 69 1730 à 39 34 20 1420 à 29 34 24 1019 et moins 16 10 6âge inconnu 7 5 2TOTAL 549 377 172

Situation familiale des répondants, par sexe et âge

Ages 11-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80 et +

Mariés H 7 11 24 17 41 18Mariées F 11 39 62 38 32 10Célibataire H 6 8 3 1 3Célibataire F 10 15 5 10 16 3 9Veufs 2 3 8Veuves 5 5 13 21 11Divorcés 1 1 3Divorcées 1 7 10 8 1Vie maritale H 2 3 4 1Vie maritale F 9 3 8 7 2PACS HPACS F 1

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Représentation graphique du statut matrimonial des répondants en fonction de leur âge.

Représentation graphique du nombre de personnes atteintes d’une DTA en fonction de l’âge des répondants

90

85

80

75

70

65

60

55

50

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0jusqu'à 19

Mariés Célibataires Veufs PacsDivorcés Vie maritale

20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80 ans et +

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

1 personne 2 personnes et plus

jusqu'à 19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80 ans et +

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Secteur d’activité et activité principale des répondants de laphase quantitative :

De manière tout à fait conforme aux données de la populationgénérale, les répondants hommes qui ont (eu) une activité profes-sionnelle, viennent pour 38 % de l’industrie, 17 % de la fonctionpublique, 14 % du commerce, et 10 % d’une profession libérale.Par contre leurs fonctions professionnelles sur représentent cer-taines catégories socioprofessionnelles. Ils ont (eu) un rôle de cadrepour 68 % d’entre eux, d’ouvrier/employé pour 16 % et de tech-nicien ou agent de maîtrise pour 16 %.

Du côté des femmes, 19 % d’entre elles n’ont pas (eu) d’activitéprofessionnelle, 21 % sont ou ont été dans l’enseignement, 22 %dans la fonction publique, 19 % dans le secteur de la santé, et 16 % dans le commerce. Elles ont (eu) un statut de cadre pour 47 % d’entre elles, d’ouvrière/employée pour 38 % et de techni-cienne ou agent de maîtrise pour 15 %.

Ces données montrent bien que les répondants appartiennent àdes groupes sociaux à bon bagage culturel, plus que dans l’en-semble de la population générale. Aussi, les résultats ne peuventêtre étendus sans précaution à l’ensemble des familles ayant unparent avec une DTA.

Le médecin doit annoncer le diagnostic à la personne elle-même (en chiffres bruts)

Femmes HommesOui Non Ne sais pas Oui Non Ne sait pas

11-19 ans 7 2 1 3 320-29 17 1 6 7 2 130-39 12 2 6 11 1 240-49 39 13 17 11 2 450-59 52 18 31 16 5 1060-69 26 19 19 10 3 670-79 17 19 27 26 11 1080 et plus 8 7 6 9 9 8

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

GUIDE D’ENTRETIEN : « DES MOTS À DIRE – DES MOTS À LIRE »

PRÉSENTATION

Nous sommes là, avec vous pour parler du ressenti ou/et du reten-tissement familial lié aux troubles intellectuels et notamment de lamémoire dont souffre un de vos proches ; pour évoquer aussi lesréactions des enfants, des petits enfants et éventuellement desarrières-petits-enfants.

Nom de la personne.Lien de parenté avec la personne malade : faire arbre généalo-gique.Configuration familiale du répondant : Frères et sœurs, parents,enfants…Proximité géographique; rythmes des rencontres, appels télépho-niques…

1. IDENTIFICATION DES TROUBLES

• Pouvez-vous nous dire comment vous avez « appris » ou commentvous êtes vous rendu compte del’état de votre parent ?

• Histoire de la maladie, de la malade et de la famille, à partir del’arbre généalogique

• Qui a identifié le problème ? Mots utilisés pour dire les troubles

• Est-ce vous-même et comment ?

• Est-ce par un tiers et qui est ce tiers ?

• Qu’est-ce que vous avez ressenti ?

• La personne malade a-t-elle manifesté une conscience de sestroubles ?

• Quelles ont été vos premières réactions ?

• Avez-vous souhaité en parler ? Si oui avez-vous pu ? Si oui, à qui,pourquoi ?

• Actuellement, comment vivez-vous cette situation ?

• Faire décrire le quotidien, les intervenants/aide à domicile quandil y en a.

• Actuellement la personne malade a-t-elle conscience de ses diffi-cultés ?

• En souffre-t-elle ? Paraît-elle en souffrir ? S’exprime-t-elle dessus ?

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2. MODIFICATION DU COMPORTEMENT ET DE LA COMMU-NICATION ENTRE L’INTERVIEWÉ ET LE PARENT ATTEINT

• Si la personne malade vit en institution : depuis quand, qui a prisla décision ? Comment cela été vécu, par la personne, par lafamille ?

• Ce que fait la personne malade, ce qu’elle ne fait plus.

• Est-ce que la communication et le comportement avec votre parentont changé ?

• Pouvez-vous essayer de nous dire en quoi et comment cela achangé ?

• Est-ce que la personne malade est toujours quelqu’un de prochepour vous, ou vous devient-elle progressivement étrangère ?

• Pouvez-vous illustrer vos propos de faits vécus qui attestent de cechangement ?

• Depuis, comment percevez-vous votre parent, est-ce qu’il y a euune évolution et qu’est-ce qui va encore changer selon vous ?

• Pensez-vous que ces troubles peuvent atteindre des personnesd’autres générations ?

• Posez-vous des questions sur ce sujet à des professionnels ?Pourquoi ?…

3. MODIFICATION DE LA COMMUNICATION ET DES RELATIONS FAMILIALES

• Au niveau de la communication dans votre famille, qu’est-ce quecela a provoqué ou modifié ?

• Qu’est-ce qui a changé dans votre famille ?

• Est-ce que la personne malade vous reconnaît, et les autresmembres de votre famille ?

• Est-ce qu’elle vous appelle ou vous nomme correctement ?

• Entre vous et l’aidant principal (conjoint ou autre)– chez les enfants (enfants et parent malade et dans la fratrie)– chez les petits-enfants, et arrières-petits-enfants éventuels

• Pouvez vous nous relater des faits ou des situations vécus qui illus-trent vos propos ou nous citer des paroles ou des mots échangés ?

• De qui vous sentez-vous le plus proche et pourquoi ?

• De qui vous sentez-vous le plus éloigné et pourquoi ?

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

• A qui dites-vous le plus de choses ?

• Avec qui aimeriez-vous parler ?

• Qui vous aide ?

• S’il y a eu absence de paroles ou blocage relationnel, pourquoi,pour protéger qui ? Comment l’analysez-vous ?

• Quels sont les effets attendus ou les bénéfices secondaires suppo-sées de cette absence de parole ?

• Quelles conséquences sur le fonctionnement et l’organisation fami-liales (au niveau matériel) ?

• Quelles aides attendez-vous ?

4. PROPOSITION DE PARTICIPATION A L’EXPÉRIENCE DE LECTURE

• Dans le cadre d’expériences et d’études menées à la FNG, nousavons pu constater que la lecture d’ouvrages traitant de lavieillesse et de la mort pouvait permettre de mettre des motsautour de ces thèmes, y compris chez des enfants jeunes. Vous-même et votre famille accepteriez-vous de lire et de faire lire deslivres abordant le thème du vieillissement et parfois les troubles dela mémoire ou intellectuels des personnes âgées ?

• Si oui, accepteriez vous de nous revoir pour nous dire ce qui c’estdit ou ce que cela a provoqué au sein même de votre famille ?

• En cas de refus, faire parler sur le pourquoi du refus et l’analysequ’ils en font ?

COMMENTAIRES SUR L’ENTRETIEN.

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Caractéristiques du répondant

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DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Comportements familiaux face à des risques de santé

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numéro spécial - mars 2005 page 119

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numéro spécial - mars 2005 page 120

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

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numéro spécial - mars 2005 page 121

Suspicion de maladie grave

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numéro spécial - mars 2005 page 122

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Si vous suspectez dans votre entourage une maladie de type maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée,

Si vous suspectez dans votre entourage une maladie physique grave (telle cancer ou SIDA), vous semble-t-il souhaitable d’en parler en premier à :

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numéro spécial - mars 2005 page 123

Si dans votre famille, un proche est atteint (ou était atteint) d’une maladie telle la maladied’Alzheimer ou une maladie apparentée,

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numéro spécial - mars 2005 page 124

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

Des aides attendues : à propos des pathologies comme la maladie d’Alzheimerou maladies apparentées, vous pensez que :

Si dans votre entourage, une ou plusieurs personne(s) présente(nt) une maladie de typeAlzheimer ou apparentée

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numéro spécial - mars 2005 page 125

Si dans votre entourage, une ou plusieurs personne(s) présente(nt) une maladie de typeAlzheimer ou apparentée

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numéro spécial - mars 2005 page 126

DES MOTS À DIRE, DES MOTS À LIRE

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Commentaires libres sur cette enquête

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Fondation Nationale de Gérontologie

La Fondation Nationale de Gérontologie, reconnue comme Établisse-ment d’utilité publique, a pour mission de « rechercher les causes, lesmodalités et les conséquences du vieillissement, déterminer et faireconnaître les méthodes de prévention, de traitement et de rééducationappropriées, notamment par la création de services de recherches fon-damentales et cliniques, d’enseignement et de relations publiques »(Article 1er des statuts approuvés par décret du 27 juin 1969).

En juin 1975, la Fondation a décidé de promouvoir la recherche, ladocumentation et l’enseignement en gérontologie sociale qui, dans uneperspective nécessairement inter-disciplinaire, traite des aspects démo-graphiques, psychologiques, sociaux et économiques du vieillissement.

Présidents d’honneurPierre LAROQUE ✝

Ancien Président de la Section sociale au Conseil d’État

Clément MICHEL ✝Directeur honoraire de la Fédération Nationale

des Organismes de Sécurité Sociale

Francis PAVARDDirecteur honoraire de la Caisse Nationale

d’Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés

PrésidentGeneviève LAROQUE

Inspecteur général honoraire des Affaires sociales

DirecteurFrançoise FORETTE

Professeur des UniversitésChef de service à l’Hôpital Broca à Paris

Secrétaire généralJean-Michel HÔTE

Président de la Commission ScientifiquePierre MALANGEAU

Compogravure : ARCADIA

Imp. LA NEF - CHASTRUSSENuméro spécial - Mars 2005

N° Imprimeur 03-1945 / Dépôt légal : mars 2005

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