Éducation nutritionnelle destinée à des patients migrants dialysés

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Cah. Nutr. Diét., 42, 2, 2007 103 médecine et nutrition médecine et nutrition ÉDUCATION NUTRITIONNELLE DESTINÉE À DES PATIENTS MIGRANTS DIALYSÉS David NOUET Les populations migrantes se trouvent être les plus vulnérables face au fonc- tionnement du système de santé qui bien souvent leur échappe. La raison principale vient de leurs difficultés à maîtriser la langue du pays d’installa- tion et à intégrer les codes culturels de la société d’accueil [1]. À l’hôpital, l’environnement de ces patients, à la fois socio-économique, médical, linguis- tique et même psychologique, nécessite une approche spécifique de la part des professionnels de santé qui sont d’ailleurs demandeurs d’information, de formation et d’outils pour limiter l’inobservance thérapeutique de leurs patients d’origine étrangère. Le rôle du diététicien auprès de patients suivis dans le service d’hémodialyse de l’hôpital Saint-Louis à Paris a été d’identi- fier leurs croyances de santé, leurs représentations face à la complexité de la maladie rénale pour proposer des outils didactiques adaptés. Pour cela, il a été nécessaire d’explorer avec le patient migrant son degré d’acceptation de la maladie, son contexte de vie familiale afin de déterminer qui informer, qui éduquer. Connaître l’alimentation de chaque culture et analyser les modifi- cations des pratiques alimentaires inhérentes à sa venue en France s’est avéré également nécessaire pour saisir plus finement les « tropismes culturels ». Cette démarche doit faire l’objet d’une évaluation systématique à chaque séquence éducative et à la fin du programme. Cette dernière partie est essen- tielle à un programme pédagogique pour que les patients migrants atteignent plus facilement les objectifs pédagogiques fixés par les soignants, sans qu’ils aient le sentiment que pour se conformer aux prescriptions, il leur faut aban- donner leur culture d’origine. Lieu de soins, l’hôpital doit-il aussi participer à des actions d’éducation pour la santé ? Depuis 1991, la loi hospitalière lui en donne expressé- ment mission [2]. Les lois du 4 mars 2002 et du 9 août 2004 sont venues renforcer et préciser l’obligation de l’hôpital d’inscrire la prévention et l’éducation du patient dans sa stratégie [3, 4]. De fait, l’éducation thérapeutique, telle qu’elle est définie par l’OMS [5] « comme le moyen pour le patient […] d’acquérir et conserver les compétences qui l’aide à vivre de manière optimale sa vie avec la maladie », fait partie intégrante du soin et donc des missions confiées entre autre aux diététiciens. Or, éduquer ne s’improvise pas [6] et réclame des compé- tences particulières à acquérir [7-9] d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une population migrante dont les croyances et les Hôpital Saint-Louis, Service diététique, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris. Correspondance : David Nouet, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected]

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Cah. Nutr. Diét., 42, 2, 2007

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médecine et nutrition

médecine et nutrition

ÉDUCATION NUTRITIONNELLE DESTINÉE À DES PATIENTS MIGRANTS DIALYSÉS

David NOUET

Les populations migrantes se trouvent être les plus vulnérables face au fonc-tionnement du système de santé qui bien souvent leur échappe. La raisonprincipale vient de leurs difficultés à maîtriser la langue du pays d’installa-tion et à intégrer les codes culturels de la société d’accueil [1]. À l’hôpital,l’environnement de ces patients, à la fois socio-économique, médical, linguis-tique et même psychologique, nécessite une approche spécifique de la partdes professionnels de santé qui sont d’ailleurs demandeurs d’information, deformation et d’outils pour limiter l’inobservance thérapeutique de leurspatients d’origine étrangère. Le rôle du diététicien auprès de patients suivisdans le service d’hémodialyse de l’hôpital Saint-Louis à Paris a été d’identi-fier leurs croyances de santé, leurs représentations face à la complexité de lamaladie rénale pour proposer des outils didactiques adaptés. Pour cela, il aété nécessaire d’explorer avec le patient migrant son degré d’acceptation dela maladie, son contexte de vie familiale afin de déterminer qui informer, quiéduquer. Connaître l’alimentation de chaque culture et analyser les modifi-cations des pratiques alimentaires inhérentes à sa venue en France s’est avéréégalement nécessaire pour saisir plus finement les « tropismes culturels ».Cette démarche doit faire l’objet d’une évaluation systématique à chaqueséquence éducative et à la fin du programme. Cette dernière partie est essen-tielle à un programme pédagogique pour que les patients migrants atteignentplus facilement les objectifs pédagogiques fixés par les soignants, sans qu’ilsaient le sentiment que pour se conformer aux prescriptions, il leur faut aban-donner leur culture d’origine.

Lieu de soins, l’hôpital doit-il aussi participer à des actions d’éducation pour la santé ?

Depuis 1991, la loi hospitalière lui en donne expressé-ment mission [2]. Les lois du 4 mars 2002 et du 9 août

2004 sont venues renforcer et préciser l’obligation del’hôpital d’inscrire la prévention et l’éducation du patientdans sa stratégie [3, 4].De fait, l’éducation thérapeutique, telle qu’elle est définiepar l’OMS [5] « comme le moyen pour le patient […]d’acquérir et conserver les compétences qui l’aide à vivrede manière optimale sa vie avec la maladie », fait partieintégrante du soin et donc des missions confiées entreautre aux diététiciens.Or, éduquer ne s’improvise pas [6] et réclame des compé-tences particulières à acquérir [7-9] d’autant plus lorsqu’ils’agit d’une population migrante dont les croyances et les

Hôpital Saint-Louis, Service diététique, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris.

Correspondance : David Nouet, à l’adresse ci-dessus.Email : [email protected]

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représentations diffèrent des présupposés culturels impli-cites des soignants.C’est dans le cadre d’un DU en éducation thérapeutiqueet prévention des maladies chroniques que c’est inscritcette réflexion axée sur la notion de compétence cultu-relle ; c’est-à-dire un savoir-faire dans le contact avec lespatients migrants. Cette compétence dite transculturelle(modèle de Purnell) [10] signifie que le soignant doit pos-séder une connaissance, une compréhension de la culturedu patient mais aussi accepter et respecter les culturespour adapter les soins dispensés de façon congruente.

Matériels et méthodes

Population

L’expérience acquise dans le service d’hémodialyse del’Hôpital Saint-Louis m’a permis de constater que la moi-tié des patients était d’origine étrangère ou de culturedifférente.Les populations migrantes les plus représentatives du ser-vice étaient originaires du Maghreb (23 %), d’Afrique del’Ouest (12 %), de l’Asie (3 %) et des Antilles (9 %).Un questionnaire effectué auprès de 50 de ces patientsmet en exergue que leur culture d’origine est rarementprise en compte dans la diffusion des messages nutrition-nels, qui s’avèrent alors inadaptés.On constate dans les résultats du questionnaire que lesmessages nutritionnels majoritairement diffusés en fran-çais posent un problème de compréhension, puisque54 % d’entre eux maîtrisent peu ou pas la langue fran-çaise à l’écrit.Concernant la délivrance de ces messages, on note queles habitudes alimentaires d’origine restent ancrées mêmeaprès plusieurs années d’installation : les trois quarts ontmodifié en partie ou pas du tout leur façon de se nourriren arrivant en France

(fig. 1)

; 43 % des patients migrantsinterrogés consomment tous les jours des aliments typi-ques de leur culture

(fig. 2)

.Même si 86 % d’entre eux ont reçu une information nutri-tionnelle concernant le traitement de la dialyse, la moitiéjuge qu’elle n’a pas permis d’améliorer la prise en chargede leur maladie

(fig. 3)

parce que pas du tout adaptée àleur culture d’origine

(fig. 4)

, alors que 78 % des patientsmigrants estiment qu’un tel document les aiderait à unemeilleure compréhension de leur maladie

(fig. 5)

.Ils expriment d’ailleurs une demande spécifique en cesens :– un support visuel (photos, dessins…) ;– une traduction des conseils nutritionnels en français ettraduit dans leur langue maternelle.Enfin, ils souhaiteraient y voir figurer avant tout les carac-téristiques nutritionnelles des aliments consommés spon-tanément, des recettes adaptées au régime de la dialyse,les lieux d’approvisionnement et une répartition alimen-taire adaptée aux spécificités de leur culture.

Méthodes

Une éducation nutritionnelle « classique », qui ne tiendraitpas compte des données culturelles et socio-économiquesde ces patients, serait un frein à leur bonne compréhen-sion et un échec pour le soignant dans l’atteinte des objec-tifs pédagogiques.

En effet, de nombreux éléments font obstacle à unemeilleure diffusion des messages nutritionnels : croyancesde santé, difficultés socio-économiques, barrière linguisti-que, arbitrages financiers généralement effectués au détri-ment de la santé [11].La mise en place d’un programme d’éducation thérapeu-tique qui tient compte de ces spécificités paraît alors indis-pensable pour permettre aux patients d’origine étrangèrede ne pas avoir le sentiment que, pour se conformer auxprescriptions, il leur faut abandonner leur culture d’ori-gine.

Le diagnostic éducatif

C’est la première étape de la démarche d’éducation qui vapermettre d’identifier son projet de vie [12] ; prérequisindispensable pour que le patient soit convaincu que cequ’il apprend a un sens pour lui, pas seulement au sensrestrictif de la norme biologique, mais aussi au sens dedéterminisme de vie [13, 14].L’objectif est d’explorer avec lui le retentissement de samaladie sur sa vie, ses choix alimentaires spontanés qui,rappelons-le, répondent à une triple demande : biologique(sensation directe d’un besoin qui se satisfait), émotion-nelle et affective (satisfaire les désirs) et enfin, sociale, cul-turelle et ethnique (la nourriture est un lien essentiel de laconstruction, du maintien, de la restauration de l’identitéculturelle) [15].Pour ce faire, le diététicien identifie les croyances desanté, son contexte de vie familiale et sociale afin dedéterminer qui informer, qui éduquer, son degré d’accep-tation de la maladie et ses potentialités d’apprentissage.Il est important d’explorer avec le patient migrant lesmodifications de ces pratiques du fait de sa venue enFrance ou sous l’influence de ses enfants nés en France[16]. Cela permet aux soignants de saisir plus finement lesprocessus d’acculturation. Car un système culturel« source » n’est jamais reproduit à l’identique une foistransplanté dans une autre culture.

Aider le patient à déterminer un projet de vie

Citons parmi les projets de vie formulés par des patientsmigrants, l’exemple de :– M. T., originaire du Mali : « Arriver en bon état à lagreffe pour pouvoir repartir dans ma famille au Mali » ;– Mme D., originaire de la Guadeloupe : « Bien connaîtremon régime pour ne pas pénaliser mes enfants pendantles repas » ;– M. C., originaire de Côte d’Ivoire : « Ne plus avoir peuren mangeant des plats de mon pays » ;– Mme R., originaire de La Réunion : « Passer le moinsde temps possible en dialyse ».

Définir les compétences et objectifs spécifiques à acquérir par le patient migrant pour réaliser son projet : le contrat d’éducation

Les compétences rassemblées dans le contrat d’éducationservent à déterminer les connaissances essentielles àtransmettre. Elles indiquent clairement ce que le patientdoit être capable de faire en fin d’éducation [17].Elles déterminent ainsi les contenus à faire apprendre, lesméthodes et les techniques qui seront utilisées à cet effet.Il faut s’assurer que les concepts d’éducation n’entrent pasen conflit avec des conceptions antérieures car un patientn’est jamais vierge d’expérience.

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Matériels

Le diététicien, facilitateur d’apprentissage, se doit d’iden-tifier les croyances de santé et les représentations face àla complexité de la maladie rénale afin de proposer desoutils didactiques adaptés.Nous proposons de fait 2 types d’outils dont l’un est des-tiné aux patients. Il se présente sous la forme d’un clas-

seur imagé d’éducation nutritionnelle en dialyse/Cultureasiatique/Maghreb/Afrique de l’Ouest/Antilles.Chaque classeur comporte :– une pyramide alimentaire spécifique pour chaque culturequi permet une représentation visuelle quantitative et qua-litative des conseils nutritionnels proposés dans le cadrede l’insuffisance rénale terminale. En bas de la pyramidese trouvent les familles d’aliments nécessaires à l’apporténergétique et protidique. En haut, de façon plus res-treinte, se trouvent celles qui se caractérisent par leurapport en calcium-phosphore, potassium et eau ;– une traduction du régime de dialyse mais qui peut s’avé-rer inutilisable car certains patients ne maîtrisent pas for-cément leur langue maternelle à l’écrit. Il est alorsnécessaire de passer par des supports uniquement visuelspour déterminer les comportements alimentaires à repé-rer. Il est capital d’évaluer la compréhension des messageset de faire reformuler les notions abordées ;– une banque d’images (300 à 500 photos par classeur)qui permet une visualisation des aliments et préparationstypiques de la culture envisagée. Chaque image d’alimentest classée en fonction de ses caractéristiques nutritionnel-les au regard des paramètres à contrôler lors du régimeen dialyse. Pour chaque photo, une traduction est pré-vue : en arabe littéraire, mandarin, laotien, thaï et en cam-bodgien. Pour le classeur des Antilles et de l’Afrique de

Figure 1.Avez-vous changé votre façon de vous nourrir en arrivant en France ?

Oui Non En partie

Figure 3.Cette information vous a-t-elle permis d’améliorer

la prise en charge de votre maladie ?

Oui sur une courte durée Oui sur une longue duréePas du tout

Figure 5.Pensez-vous qu’un document adapté à votre culture vous aiderait

à une meilleure compréhension de votre régime ?

Figure 2.À quelle fréquence consommez-vous des aliments typiques

de votre culture ?

Tous les jours À certaines occasions Jamais

Figure 4.Cette information vous a-t-elle parue adaptée à votre culture d’origine ?

Tout à fait adaptée Pas du tout adaptéeEn partie

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l’Ouest, des équivalences d’appellation qui peuvent chan-ger en fonction de l’île (Guadeloupe, Martinique, Guyaneet Réunion) ou du pays (Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire)s’avèrent également nécessaires ;– une banque d’images des recettes typiques de chaqueculture. Chaque recette est alors classée dans un tableaupermettant rapidement de savoir si la recette est compa-tible avec le régime de dialyse en l’état ou bien si ellenécessite une adaptation préalable à son utilisation. Si telest le cas, le tableau renvoie à une fiche techniquedétaillée permettant de réaliser la recette avec les conseilsspécifiques. Le choix des recettes s’est construit à partirdes références culinaires des patients eux-mêmes ;– une liste des lieux d’approvisionnement (marchés, bou-tiques) sur Paris et la région parisienne.L’autre outil qui est à destination des soignants est unlivret pédagogique/culture alimentaire. Ce livret d’aide àla prise en charge des patients d’origine étrangère est des-tiné à l’ensemble de la communauté soignante (médicaleet paramédicale) afin de permettre à chacun d’avoir undegré d’information identique sur les habitudes alimen-taires, les relations entre alimentation et religion maisaussi sur la symbolique alimentaire de chaque culture.

Résultats

Déroulement des séances d’éducation et utilisation des outils pédagogiques

En séance individuelle, le programme d’éducation nutri-tionnelle sur la semaine se déroule de la façon suivante :

– accueil, présentation du service et identification desintervenants ;– entretien diététique – Diagnostic éducatif – Contratd’éducation ;– planification et présentation des objectifs pédagogiquesà atteindre au terme des séances d’éducation

(tableau I)

.À la fin de la semaine, le patient remplit de nouveau lequestionnaire d’évaluation des connaissances sur l’alimen-tation pour mesurer l’efficience des séances d’éducation

Évaluations

Les évaluations doivent se faire en 3 temps :On évalue tout d’abord les séances à différents momentsdu programme : avant, après et à distance de la séanced’éducation. Avant de présenter de nouveaux concepts, ilest nécessaire d’évaluer systématiquement les connaissan-ces antérieures du patient sinon toute nouvelle informa-tion risque d’être rejetée et donc oubliée. Il est doncprimordial de connaître l’architecture des connaissancesinitiales du patient [18].À la fin de la séance d’éducation, le patient remplit lemême questionnaire que celui distribué en début deséance pour se rendre compte de l’impact immédiat de laformation.À distance de la séance d’éducation, on évalue les effetsde l’éducation [19] sur 3 niveaux distincts :– évaluation pédagogique : vérification des compétencesacquises (niveau de connaissances et leur application, lesdécisions prises depuis) ;– évaluation biomédicale : mesure des paramètres biolo-giques et cliniques (kaliémie, phosphorémie, natrémie,prise de poids entre chaque dialyse) ;

Tableau I.Planification des objectifs à atteindre par un patient d’origine marocaine hospitalisé pour insuffisance rénale terminale.

Objectifs Moyens Outils pédagogiques

Explorer les connaissances initia-les sur la maladie, le traitement et l’alimentation

� Évaluation des connaissances initiales du patient sur l’alimentation

� Questionnaire imagé

� Expression, verbalisation à l’aide de la technique du photo-langage en aidant le patient à attribuer des mots ou phrases qu’il peut associer à chacune des photos

� Photo 1 (patient en séance de dialyse) et photo 2 (étals d’aliments, scène de rue au Maghreb)

� Discussion – Classification des termesÉtablir un lien entre le traitement de la dialyse et l’alimentation

� Le patient établit et s’explique le lien entre l’alimentation et la maladie rénale

� Bilan biologique du patient

� Détermination des spécificités de l’alimentation en dialyse (apport énergétique, protidique, hydrique et minéral)

Faire repérer les aliments riches en potassium

� Identification et classification des aliments en fonction de leur teneur en potassium :

– Permis– À ne pas cumuler avec un autre légume ou fruit riche en potassium– Fortement déconseillés

� Classeur d’éducation nutritionnelle pour la dialyse, culture du Maghreb

� Discussion et échange sur la façon d’utiliser et préparer ces aliments dans la cuisine de tous les jours, leur place dans la culture Maghrébine (fêtes, religion, symbolisme, vertus thérapeutiques…)

Réaliser un équilibre diététique sur la journée

� Savoir ajuster l’apport journalier en potassium (nombre de parts) avec mise en situation

� Exemples de menus traditionnels

� Savoir utiliser les modes de cuisson adaptés � Document imagé représentant les différents modes de cuisson� Gérer son régime en fonction des situations particulières

(fêtes religieuses)

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– évaluation psychosociale : mesure du comportement,du mode de vie, de la qualité de vie, degré de fonctionne-ment social…Le second temps correspond à l’évaluation par le patientlui-même de l’éducation reçue.Cette phase d’autoévaluation permettra aux soignants deréajuster les séances d’éducation nutritionnelle si néces-saire. Les grilles d’évaluation par le patient des séancesd’éducation doivent porter sur l’organisation matérielle,l’accueil, la durée des séances, la qualité de l’animation etl’utilité des informations

(tableau II)

.Le troisième et dernier temps doit comporter une évaluationfinale par les soignants de l’éducation qu’ils auront dispensés.Cette source d’information a pour but la poursuite de la qualitédu programme et de savoir dans quelle mesure les objectifspédagogiques ont été atteints. Les éléments mesurés

(tableau III)

sont ceux ayant trait à la situation de départ, leniveau de compétence du personnel soignant, les objectifs del’action d’éducation et enfin l’efficience des séances éducatives.

Discussion

Les séances d’éducation nutritionnelle de groupe n’ontpas encore été élaborées car elles s’avèrent plus compli-quées à mettre en place en terme d’organisation (mobili-sation de toute l’équipe de soin, locaux…). Ce projets’oriente actuellement plus vers la constitution de grouped’éducation pluriculturel. La confrontation multiculturelleau sein d’une même séance d’éducation aurait ceci d’inté-ressant qu’elle relativiserait certaines croyances sur les ali-ments (interdits fréquents des œufs en Afrique de l’Ouest,consommation importante au Maghreb par exemple). Ellepermettrait de dépasser certains tabous en créant un consen-sus dans le groupe. Elle donnerait aussi l’occasion auxpatients africains par exemple de s’exprimer sur leursavoir et pratiques alimentaires. C’est une phase prélimi-naire de mise en confiance et de découverte de leurs pra-tiques par le formateur. Cela s’avérerait être un préalablepour réaliser une éducation nutritionnelle qui ne peut êtreétendue et comprise que si elle s’appuie sur les savoirs.

Conclusion

La mise en place d’un programme d’éducation nutrition-nelle destiné à des patients migrants permet d’expérimen-

ter combien manger diffère de se nourrir et révèle deséléments de valeurs, de croyances et d’aspiration de grou-pes humains.Parler d’éducation du patient aujourd’hui, c’est s’intéres-ser à un acte thérapeutique intégré aux soins qui se placedans une prise en charge globale de l’individu.Le diététicien, comme révélateur d’être et médiateursocial, doit rester à l’écoute du patient migrant pour nuan-cer, modifier ou « apprivoiser » ses tropismes culturelspouvant faire obstacle à sa bonne compréhension.C’est par une valorisation symbolique des démarches tra-ditionnelles parallèlement aux messages médicaux, parune information nutritionnelle rétive à la généralisation,par le développement de conseils personnalisés, ciblés etprogressifs, que les soignants peuvent aider les patientsmigrants dans l’appréhension et la compréhension de lamaladie rénale.

Résumé

L’unité d’hémodialyse de l’hôpital Saint-Louis à Parisaccueille une importante population migrante, principale-ment originaire d’Afrique de l’Ouest, d’Asie du Sud-Est etdu Maghreb.Une étude réalisée dans le service auprès des patientsmigrants dialysés met en évidence que leur culture d’ori-gine est rarement prise en compte dans la diffusion desmessages nutritionnels, qui s’avèrent alors inadaptés. Or,l’environnement de ces patients, à la fois socio-économi-que, médical, linguistique et même psychologique, néces-site une approche spécifique.La mise en place d’un programme d’éducation nutrition-nelle et des outils pédagogiques adaptés destinés auxpatients migrants était donc justifiée.

Mots-clés :

Éducation nutritionnelle – Culture – Migrant– Dialyse.

Abstract

The unit of hemodialysis of the hospital Saint-Louis –Paris accomodates a significant migrant population,mainly stemming from West Africa, Southeast Asiaand Maghreb.

Tableau II.Grille d’évaluation du programme d’éducation à remplir par le patient.

Critères d’évaluationTout à fait d’accord

Plutôt d’accord

Plutôt pas d’accord

Tout à fait en désaccord

Sans opinion

Le lieu était adapté pour le déroulement de la séanceL’accueil était agréable et m’a mis en confianceLa durée de la séance était suffisanteLe classeur d’éducation nutritionnelle était très utileLes informations étaient adaptées à ma culture d’origineLes explications des animateurs étaient clairesLes animateurs ont tenu compte de mon vécuLes animateurs se sont assurés de ma compréhensionLes animateurs ont cherché à faciliter mon expressionJe me sens capable d’appliquer ce qui m’a été enseigné

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Tableau III.Grilles d’auto-évaluation du programme d’éducation nutritionnelle à remplir par le diététicien

Critères d’évaluation Tout à fait d’accord

Plutôt d’accord

Plutôt pas d’accord

Tout à fait en désaccord

Éléments ayant trait à la situation de départL’analyse des besoins a été réaliséeLe but du programme a été identifiéLa planification du programme a été réaliséeLes objectifs pédagogiques ont été définisÉvaluation préalable du profil des patients bénéficiant des séances d’éducationÉvaluation de leurs caractéristiques socioprofessionnellesÉvaluation de leur niveau de langageÉvaluation de leurs expériences pédagogiques antérieuresÉvaluation des ressources didactiquesIl existe un dossier d’éducationIl existe un résumé de l’éducationIl existe une réunion d’équipe pour la formulation et l’ajustement du diagnostic éducatifIl existe un document écrit remis au patient décrivant le programme d’éducation, son organisation et les ressources disponiblesIl existe un entretien avec le patient pour négocier les compétences à atteindreIl existe des supports pour l’éducation en groupeIl existe une réunion d’équipe pour la conception et la modification du programme d’éducation (techniques, supports pédagogiques)� Action(s) correctrice(s) envisagée(s)Critères d’évaluation Insuffisant Moyen Bon ExcellentNiveau de compétence du personnel soignantConnaissance de la pathologie abordéeConnaissance des aspects psychosociaux de la maladieConnaissance des caractéristiques ethnologiques des patientsConnaissance des approches en éducation du patientCompétences pédagogiques pour animerRigueur méthodologique pour faire progresser l’actionCompétences organisationnelles (planification, partage des tâches)Compétences pour travailler en équipe pluridisciplinaireCompétences pour l’analyse des besoins� Action(s) correctrice(s) envisagée(s)Objectifs et résultats de l’action d’éducation Tout à fait

d’accordPlutôt

d’accordPlutôt pas d’accord

Tout à fait en désaccord

Il y a eu échange de témoignage sur l’alimentation dans le cadre de la dialyseIl y a eu échanges de témoignages sur le vécu de la maladieIl y a eu un obstacle matérielIl y a eu obstacle méthodologique concernant :la durée de la séance d’éducationle nombre de patients/séancele temps nécessaire à la mise en confiance des groupes non préalablement constituésles difficultés d’animation de groupeles difficultés de communication avec un public non francophoneles éventuels écarts de programmes vis-à-vis des objectifs initiauxLes documents pédagogiques utilisés pendant la séance étaient :adaptés au publicun outil adéquat pour favoriser les échanges et la prise de paroleadaptés aux habitudes alimentaires spécifiques des patientspertinents pour mettre en évidence la possibilité de garder leur culture ali-mentaire spécifique malgré les contraintes du régimede bonne qualité technique (visibilité des photos, format)� Action(s) correctrice(s) envisagée(s)La séance d’éducation a permis aux patients d’améliorer : Tout à fait

d’accordPlutôt

d’accordPlutôt pas d’accord

Tout à fait en désaccord

leurs connaissances sur la maladieleurs connaissances sur le régime de la dialyseleur collaboration aux soinsleur état de santéleur qualité de vieleur motivationleur savoir faire pratiquel’image de l’hôpital� Action(s) correctrice(s) envisagée(s)

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A study carried out in the service near the dialysedmigrant patients highlights that their culture of originis seldom taken into account in the diffusion of thenutritional messages, which prove to be unsuited.However the environment of these patients, at thesame time on a socio-economic, medical, linguistic andeven psychological point of view, requires a specificapproach.The set up of a program of nutritional education dedi-cated to the migrant patients was thus justified.

Key-words:

Nutrition education – Culture – Immigrant– Dialysis.

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