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Droit Administratif Dossier 3 : Les sources du Droit Administratif Chapitre 5 : Les normes administratives Section 1 : Le pouvoir normatif de l'Administration ..... Section 3 : Définition et classification des normes administratives § 1 : Acte unilatéral et contrat A) Le critère de la distinction Le nombre des auteurs de l'acte n'est pas déterminant : s'il y a en a au moins deux dans le contrat, il n'y en a pas forcément un seul dans l'acte unilatéral. Le critère est qualitatif, il prend en compte le contenu de l'acte. Plus précisément, la position par rapport à ce contenu des auteurs de l'acte et de ses sujets. Le contrat est l'acte dont le contenu règle les rapports mutuels de ses auteurs (acte dont les auteurs sont aussi les sujets). L'acte unilatéral est l'acte qui a pour objet de régler la conduite de personnes autres que ses auteurs. Les sujets ne sont plus les auteurs. La norme s'impose à eux sans leur consentement. B) Décider ou négocier ? = acte unilatéral ou contrat ? Une fois faite la distinction, la question qui en pratique se pose est celle du choix par les autorités administratives de l'un ou l'autre procédé. Dans certains cas, il n'y a pas le choix, il y a compétence liée. L'Administration doit agir par voie d'acte unilatéral. Une personne publique ne pourrait conclure avec ses fonctionnaires un contrat qui aurait pour objet de déroger à leur "situation légale et 1

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Cours de Droit Administratif réalisé par le Pr Patrice Chrétien à l'Université de Cergy Pontoise. Il traite avec concision et précision des aspects globaux du droit administratifs. Afin de compléter ce cours , se référer au livre du même auteur dans la collection SIREY.

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Droit Administratif

Dossier 3 : Les sources du Droit Administratif

Chapitre 5 : Les normes administratives

Section 1 : Le pouvoir normatif de l'Administration

.....

Section 3 : Définition et classification des normes administratives

§ 1 : Acte unilatéral et contrat

A) Le critère de la distinction

Le nombre des auteurs de l'acte n'est pas déterminant : s'il y a en a au moins deux dans le contrat, il n'y en a pas forcément un seul dans l'acte unilatéral.

Le critère est qualitatif, il prend en compte le contenu de l'acte. Plus précisément, la position par rapport à ce contenu des auteurs de l'acte et de ses sujets.

Le contrat est l'acte dont le contenu règle les rapports mutuels de ses auteurs (acte dont les auteurs sont aussi les sujets).L'acte unilatéral est l'acte qui a pour objet de régler la conduite de personnes autres que ses auteurs. Les sujets ne sont plus les auteurs. La norme s'impose à eux sans leur consentement.

B) Décider ou négocier ?

= acte unilatéral ou contrat ?

Une fois faite la distinction, la question qui en pratique se pose est celle du choix par les autorités administratives de l'un ou l'autre procédé.

• Dans certains cas, il n'y a pas le choix, il y a compétence liée. L'Administration doit agir par voie d'acte unilatéral. Une personne publique ne pourrait conclure avec ses fonctionnaires un contrat qui aurait pour objet de déroger à leur "situation légale et réglementaire".

• Dans d'autres cas, si la procédure unilatérale occupe toujours en droit administratif une place plus grande qu'en droit privé, il y a de plus en plus affirmation d'une volonté de négocier. La tendance est à la contractualisation des actions et moyens publics d'intervention. Contractualisation désigne des relations contractuelles là où i n'y en avait pas. Plus largement, ça vise un mouvement d'ensemble, le fait que le contrat tend à devenir le mode normal d'action administrative.Contrat, mode d'action publique et de production de norme (rapport du CE 2008).Ce mouvement de contractualisation peut être observé à deux niveaux :• Dans les relations entre personnes publiques (consécutif à la décentralisation).• Dans les relations entre personnes privées.

C) Les situations intermédiaires

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S'il reste essentiel d'opposer contrat et acte unilatéral, l'opposition n'est en pratique pas toujours très nette.

Il y a d'abord des contrats ayant "un contenu entièrement défini par voie législative et règlementaire". Ce sont des contrats parfois qualifiés de contrats d'adhésion ou d'actes-condition parce que l'aspect contractuel s'y réduit à peu de choses. Exemple-type du contrat par lequel il est procédé eu recrutement d'un agent public non-titulaire. Le contrat est si proche de l'acte unilatéral que le CE a admis que des tiers puissent en demander l'annulation par voie de REP : arrêt Ville de Lisieux de 1998.

Il y a également des actes unilatéraux qui se présentent comme des actes unilatéraux négociés. Ça ne pose pas de problème a priori car l'existence d'une négociation en cours de procédure n'empêche pas qu'il y ait vraiment acte unilatéral. Malgré tout, c'est souvent ambigu en raison d'une tendance à la confusion du vocabulaire. Voir l'exemple de la fonction publique : alors qu'il ne peut y avoir contrat, sont souvent signés des protocoles d'accords dans le cadre de politique contractuelle. S'ils sont essentiels au fait, ils n'ont aucune valeur juridique. Se pose le problème de la reconnaissance d'une valeur juridique à certains de ces actes. Voir le rapport 2008 du CE sur le contrat (page 230) à propos des "conventions d'objectifs et de moyens". Il est dit que ce ne sont pas des actes unilatéraux mais pas non plus des contrats. Le CE propose alors de distinguer contrats et conventions, e qui voudrait dire que, sans être un contrat, la convention ne serait pas pour autant dépourvue de toute valeur juridique.

Il existe encore des actes mixtes (actes pour partie contractuelle et pour partie unilatéraux). Voir des contrats de concessions de service public ou de concession de travail public. D'un côté, l'administration confie pour une durée déterminée à son cocontractant la charge d'assurer l'exécution d'un service public ou l'exploitation d'un ouvrage public. D'un autre coté, en principe, le concessionnaire exécute le service public ou exploite l'ouvrage à ses frais et risques tout en ayant à respecter un cahier des charges. Il est rémunéré grâce aux redevances qu'il perçoit grâce aux usagers.

Il y a ainsi des clauses vraiment contractuelles (concernent la durée et ses conditions financières) mais ensuite des clauses considérées comme règlementaires, ce sont celles relatives à l'exécution du service public ou à l'exploitation de l'ouvrage ou celles relatives aux relations avec les usagers. L'existence de clauses règlementaires a toujours eu deux conséquences :

– L'autorité concédante, dans l'intérêt général, peut à tout moment les modifier

– Les tiers peuvent, par REP, demander l'annulation de toute décision qui ne les respectent pas. Depuis un arrêt Cayzeele de 1996, est aussi admis un REP direct des clauses règlementaires elles-mêmes.

§ 2 : Classification des normes administratives

Quelles sont pour les contrats, comme pour les actes unilatéraux, les catégories les plus importantes ?

A) Les contrats administratifs

Deux catégories au moins à distinguer :

• Les marchés publics : ils sont définis à l'article 1er du code des marchés publics (2006). Ce sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leur besoin en matière de travaux, de fournitures ou de services. Sont définis à l'article 2 l'État et ses établissements publics autres que

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ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. Il en résulte que le code ne s'applique pas à toutes les personnes publiques (sont exclus les EPIC).La version de 2006 n'est pas tellement différente des précédentes : il y a toujours commande d'une prestation moyennant rémunération versée directement.Subsiste aussi avec cette définition un critère organique.Est néanmoins adopté en 2006 le vocabulaire communautaire. Dans le texte, pouvoir adjudicateur remplace personne morale de droit public et opérateur économique remplace personne publique.S'ajoute également la possibilité de conclure des accords cadres, c-a-d des contrats entre un pouvoir adjudicateur et des opérateurs ayant pour objet d'établir les termes régissant les marchés à passer au cours d'une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et le cas échéant les quantités envisagées.

• Les délégations de service public : elles sont aujourd'hui définies à l'article 3 de la loi du 11 décembre 2001 dite MURCEF. Une délégation de SP est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l'exploitation du service. C'est le mode de rémunération qui distingue ces conventions des marchés publics.La loi ne fait là que reprendre une définition jurisprudentielle qui résultait d'un arrêt préfet des Bouches du Rhône de 1996. Suite à cet arrêt, on s'est beaucoup interrogé sur le mot substantiellement. Au vu de la jurisprudence, il est apparu signifié "de manière suffisante". Il s'en suit que si l'administration peut quand même verser elle-même un prix, celui-ci ne doit pas dépasser un certain seuil. La rémunération doit être substantiellement liée au résultat de l'exploitation. Si tel est le cas, il n'y a plus délégation de SP mais marché public.Comme illustration, voir l'arrêt SMITOM de 1999. Il s'agissait de savoir si un contrat passé par le syndicat pour le traitement d'ordures ménagères collectées était marché public ou DSP. En l'espèce le contrat est DSP dans la mesure où 30% des recettes du cocontractant sont liées au résultat de l'exploitation. Par ex, la vente d'énergie produite à partir des déchets.Un arrêt de 2008 Département de la Vendée a précisé la formule retenue par la loi en faisant référence à la notion de prise de risques. Ainsi la rémunération doit être regardée comme substantiellement liée au résultat de l'exploitation dès lors qu'il y a une part significative du risque d'exploitation demeurant à la charge de ce cocontractant.Il y a essentiellement deux types de délégation :

• La concession : lorsqu'il y a concession c'est grâce à un prix perçu sur l'usager que le concessionnaire trouve sa rémunération.• L'affermage : si c'est proche de la concession, ça s'en distingue sur deux points.Tout d'abord, c'est la personne publique elle-même qui assure elle-même au départ les frais d'équipement. Ensuite, une redevance lui est versée. Autrement dit, cette personne publique réalise les travaux et confie à un fermier l'exploitation, il verse alors une redevance.

Si la concession et l'affermage sont des procédés traditionnels, l'expression utilisée pour les regrouper est récente. Elle ne s'est vraiment imposée que depuis la loi de 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique (loi anti-corruption = loi Sapin).L'article 6 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit à autoriser le gouvernement à créer de nouvelles formes de contrat par voie d'ordonnance;En est résultée une ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariats. Il s'agit de contrats de partenariats dits publics-privés (PPP) destinés à réaliser des opérations complexes. Le partenaire de l'Administration a une mission globale, ce qu'il veut dire qu'il finance, construit, et assure l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou gestion des ouvrages ou équipements. Exemple : un hôpital, une prison, … Si ces contrats sont présentés comme n'étant ni des marchés ni des

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conventions de délégation de SP, le CE a jugé qu'il constitue des marchés publics au sens du droit communautaire. Arrêt Sueur de 2004, RFDA 2004 page 1103 avec les conclusions.Une loi du 28 juillet 2008 est intervenue pour faciliter le recours au contrat de partenariat (mais elle ne l'a fait qu'en partie). En 2004, le CC avait estimé que ces contrats ne devaient être réservés à des situations répondant à des motifs d'intérêt général (tel que l'urgence ou les caractéristiques de l'équipement envisagé). Figurait dans le projet de 2007 des dispositions présumant l'urgence, qui ont été déclarées contraires à la C° (TD 12).

B) Les actes administratifs unilatéraux

Il est possible en adoptant différentes points de vue d'en faire au moins trois classifications.

• Acte règlementaire • Acte particulier• Acte individuel

• L'opposition essentielle reste celle d'acte règlementaire/individuel. La catégorie qui s'intercale vise à prendre en compte l'existence de situations intermédiaires difficiles à qualifier. C'est une catégorie fourre-tout comprenant des actes dont le régime relève en partie de l'acte règlementaire et en partie de l'acte individuel. Le plus souvent, il s'agit d'actes qui appliquent à un cas d'espèce une règlementation qui ne s'en trouve pas modifiée. S'il ne crée pas de normes, il ne vise pas non plus de particuliers. Exemple-type : l'acte de tutelle de l'État sur une collectivité. Ou encore la déclaration d'utilité publique préalable à une expropriation.S'ajoutent aussi des actes dont les destinataires peuvent être des individus. Mais alors soit ils sont pris sous une qualité unique, (décret de dissolution d'un conseil municipal) soit il s'agit d'une opération unique (convocation d'électeurs).Pour classer un acte dans telle ou telle catégorie, la jurisprudence est très empirique. Voir arrêt 2008, comité des vins d'appellation d'origine. Le refus du 1er ministre de notifier à la commission européenne un texte relatif à une aide de l'État ou tout au moins susceptible de constituer une telle aide. L'acte peut sembler règlementaire s'il vise toute une série d'entreprises mais quand serait-il si une seule entreprise était visée ? En l'espèce la question ne se posait pas mais le rapporteur public suggère qu'il pourrait toujours s'agir d'actes règlementaires "compte tenu de la plasticité de cette notion".

• Aux actes créateurs de droits peuvent encore s'opposer les actes non-créateurs de droits. Cette distinction ne pose problème que pour les actes individuels. Actes règlementaires et particuliers ne sont normalement pas créateurs de droits.Il est difficile de systématiser et de donner un critère de distinction. La jurisprudence procède au cas par cas. Ne crée pas de droits les nominations aux emplois supérieurs à la discrétion du gouvernement, les nominations de police, les autorisations de voiries, les actes refusés par fraude.Au contraire, créent des droits les nominations et promotions dans la fonction publique, les autorisations de construire/démolir, les décisions accordant un avantage financier (alors même que l'autorité publique avait l'obligation de refuser cet avantage : arrêt Soulier de 2002).

• Sous-catégorie parmi les actes créateurs de droit : si certains sont véritablement intangibles, i.e constituent ainsi des droits acquis, d'autres sont précaires.

• Aux décisions expresses s'opposent les décisions implicites (voir le § sur le scénario d'un procès avec la décision préalable). A coté des décisions implicites de rejet alors évoquées, il existe des cas de décisions implicites d'acceptation. Selon la loi DCRA du 12 avril 2000, le silence gardé pendant deux mois vaut acceptation dans les cas prévus par décret en CE.

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Il est précisé qu'il peut y avoir des délais différents si la complexité ou l'urgence de la procédure le justifie.

Section 4 : Délimitation

§ 1 : Par rapport au droit privé (déjà vu)

§ 2 : Normes administratives ou actes ne faisant pas griefs

Tous les actes unilatéraux qui se présentent comme administratifs ne sont pas forcement susceptibles de REP, certains sont insusceptibles car ne faisant pas griefs.

A) Les mesures d'ordre intérieur

A la différence des circulaires dénuées de caractère impératif et des directives, ce sont de véritables décisions. Il y en a toujours eu deux sortes :– Des mesures de gestion interne qui portent sur le fonctionnement des services administratifs.– Des mesures dites de police interne, mesures qui peuvent être des sanctions et qui sont prononcées par une autorité administrative envers des personnes dont elles sont responsables. Sont concernées l'armée, les prisons, les établissements d'enseignement.

Il a aussi toujours été difficile d'en donner un critère. Elles sont trop peu importantes pour donner lieu à un recours, "le juge ne s'occupe pas des broutilles".Il n'y a malgré tout jamais eu de limites très précises. Ce qui est sûr c'est que dans les années 80, certaines de ces MOI pouvaient avoir "un certain caractère de gravité" : arrêt Caillol de 1984 concernant une mesure de placement d'un détenu en quartier de plus grande sécurité.Si la jurisprudence pouvait se justifier, elle a par conséquent toujours été très critiquée. L'irrecevabilité des recours peut paraître allée à l'encontre même du principe de l'État de droit.

Ça pourrait paraître contraire à la CEDH, laquelle a été une conception très extensive du droit à l'octroi d'un recours effectif, droit reconnu à l'article 13. Il en est résulté une tendance constante à la réduction des cas d'irrecevabilité. Voir arrêts Marie et Hardouin de 1995.Le premier concerne les prisons. Il revient sur la jurisprudence Caillol et admet un recours contre "la sanction de mise en cellule de punition pour une durée de 8 jours avec sursis eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure".Le second concerne les casernes : il admet les recours contre une punition de 10 jours d'arrêt.

La notion d'ordre intérieur subsiste mais elle est beaucoup plus circonscrite. Pour ce qui est des prisons, 3 arrêts de 2007, AJDA 2008 ont précisé la jurisprudence Marie.

L'approche se veut toujours concrète, donc pas exclusivement juridique. Il faut pour un acte "apprécier sa nature et l'importance de ses effets sur la situation des détenus". Il ne s'agit toutefois plus de procéder au cas par cas mais par catégorie d'actes. Ainsi, a été jugé susceptible de recours la décision de changement d'affectation d'une maison centrale à une maison d'arrêt.

Pour les catégories d'actes insusceptbiles de recours, il peut être fait exception lorsque "sont en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus". Avec ces arrêts, le CE a voulu donner une grille pour délimiter ce qui est ou non susceptible de recours.Voir Guyomard, AJDA 2009. On peut s'interroger sur la disparition à termes de la mesure d'ordre intérieur dans les prisons.

B) Les circulaires dénuées de caractère impératif

Depuis l'arrêt Duvignéres de 2002, elles sont à distinguer des circulaires impératives, lesquelles font grief et sont susceptibles de recours. Auparavant, faisait référence un arrêt de 1954

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institution ND du Kreis-Keur, lequel distinguait entre circulaire interprétative et circulaire règlementaire.

D'une manière générale, les circulaires sont des textes que les autorités administratives adressent à leur subordonné pour leur donner des explications et des commentaires sur le contenu des lois et règlements qu'ils sont chargés d'appliquer ou de faire appliquer. Cela dit, la pratique administrative est telle qu'il y a malgré tout un problème de délimitation. Il s'introduit souvent des dispositions allant au-delà de la simple interprétation, autrement dit édictant des normes règlementaires nouvelles.

Il est possible de le faire par inadvertance ou en toute connaissance de cause. Ce n'est pas forcément irrégulier si l'auteur de la circulaire a un pouvoir règlementaire, peu importe que son règlement se glisse dans un texte interprétatif.C'est irrégulier si, n'ayant pas le pouvoir règlementaire, une autorité a tenté d'édicter des règles qu'elle n'avait pas le pouvoir de prendre. D'où la jurisprudence de 1954 : face à un texte qui se présentait comme une circulaire, le CE recherchait toujours en principe s'il y avait ou non des dispositions règlementaires.S'il y en avait, le REP était recevable et il y avait contrôle de leur régularité.

Avec la jurisprudence nouvelle, la recevabilité du recours dépend non plus de l'objet de la circulaire (l'interprétation) mais de son effet (l'obligation). Ce n'est pas parce qu'elle ne fait qu'interpréter qu'elle ne fait pas grief. L'un des intérêts du changement est d'admettre le recours quand une circulaire ne fait que rappeler une règle antérieure irrégulière.Si elle apparaît impérative, il peut y avoir recours et examen par voie d'exception de la règle rappelée.

C) Les directives

Ce sont des actes d'orientation du pouvoir discrétionnaire. Actes par lesquels peut être fixée une ligne de conduite, "une doctrine" en vue de décisions à prendre. L'objectif est de limiter les risques de contradiction ou les discriminations involontaires.

Il s'agit de rationaliser, faciliter l'action administrative lorsqu'il y a liberté de choix, possibilité d'apprécier l'opportunité d'une décision.

Il ne s'agit pas toujours de l'acte d'un supérieur hiérarchique.Attention, rien à voir avec les directives européennes.

Ce sont aussi des actes qui, à partir des années 60, ont posé problème. C'est une époque de développement du pouvoir discrétionnaire, notamment en matière d'interventionnisme économique.• Pour être en mesure de s'adapter aux circonstances, l'administration ne souhaitait pas des décrets qui auraient lié son pouvoir.

• En même temps, il lui apparaissait nécessaire de fixer les principes guidant son action pour elle-même mais aussi pour en informer les intéressés.D'où parallèlement à l'extension du pouvoir discrétionnaire, la multiplication des directives. D'un côté, elles paraissaient pleinement justifiées car elles assuraient la cohérence de l'action mais aussi l'égalité des administrés. D'un autre côté, elles ne pouvaient qu'apparaître irrégulières car lorsque l'on a un pouvoir discrétionnaire pour prendre des actes individuels, on doit procéder à un examen particulier de chacun des cas. On ne doit pas se lier en fixant des règles.

• La solution actuelle de ce problème résulte de l'arrêt Crédit foncier de France de 1970. Cet arrêt considère qu'une décision prise en application d'une directive n'est pas de ce seul fait irrégulière. Cela dit, c'est à la condition que la directive n'impose pas absolument le respect des principes qu'elle contient. Les autorités chargées de la mettre en œuvre doivent conserver leur pouvoir d'appréciation, ce qui veut dire qu'il leur faut procéder à un examen de la situation

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individuelle du demandeur et il va de soi qu'elles doivent pouvoir déroger à la directive soit en raison de la particularité de l'affaire, soit pour des motifs d'intérêt général. Le régime des directives en résulte :

• Dès lors qu'elles n'ont pas de caractère règlementaire, elles sont insusceptibles de recours.• Elles sont opposables aux administrés.• Elles sont aussi opposables à l'Administration.• On peut contester, à défaut de faire un REP, leur régularité à l'occasion des recours contre les décisions qui en font application.• C'est très ambigu. Voir note Marcel Waline sur l'arrêt Crédit Foncier : a directive est un acte qui ne modifie pas la situation juridique du particulier mais qui, la modifie tout de même. Attention, bien réviser.

§ 3 : Normes administratives et actes de gouvernement

Problème d'identification. Les actes de gouvernement sont réputés avoir été à l'origine des actes que le CE se refusait à contrôler en raison de leurs "mobiles politiques".Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Toute référence aux mobiles politiques a été abandonnée par un arrêt Prince Napoléon de 1875. Était en cause une décision refusant de rétablir le prince Napoléon sur la liste des généraux. S'en se préoccuper de l'arrière-plan politique de l'affaire, le CE examine et rejette le recours. Après l'arrêt Blanco, cet arrêt est l'un des premiers grands arrêts du DA.

Cela n'a toutefois pas empêché le CE de s'estimer incompétent pour connaître de certaines catégories d'actes administratifs (ni normes privées, ni mesures d'ordre intérieur), que l'on a qualifié d'actes de gouvernement, alors même que le CE utilise très rarement la formule.

S'il y a longtemps eu des controverses concernant ce qui peut justifier leur existence, on tend à admettre qu'ils relèvent d'une fonction gouvernementale distincte de la fonction administrative à proprement dire.

Une telle explication ne donne pas un critère. A défaut, on peut constater que les actes de gouvernement existent et se placent en deux grandes catégories :

– Certains concernent les rapports entre pouvoirs publics centraux. Il y a des actes du gouvernement dans ses rapports avec le Parlement, décrets portant convocation ou clôture de cession parlementaire ou encore décision de saisir ou non le CC ou encore décision de mettre en œuvre l'article 16.Actes intéressants les rapports entre le gouvernement et le Parlement : relatif à la constitution du Parlement.

– D'autres relatifs aux relations internationales de l'État (tout ce qui concerne la signature des traités internationaux). Tout ce qui concerne la protection diplomatique.Deux sortes d'actes sont exclus de cette catégorie :– Les traités et accords : pas de REP.– De nombreux actes considérés comme "détachables des RI". Ne sont pas détachables les actes dont le juge ne pourrait connaître sans s'immiscer dans les relations extérieures de l'État, les actes "tournés" vers l'ordre international. Voir arrêt Association Greenpeace France de 1995 concernant la décision de reprise d'une série d'essais nucléaires. Par opposition sont détachables les actes tournés vers l'ordre interne, tels les actes pris en matière d'expulsion d'étrangers. Tout au long du XXè la tendance a toujours été à la réduction du nombre des actes du gouvernement. Même si on justifie par l'existence d'une fonction gouvernementale, l'immunité juridictionnelle risque toujours d'apparaître comme contraire à l'État de droit.

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Arrêt Royaume-Uni de 1993 admettant la recevabilité du recours du R-U. Il ne considère plus comme acte de gvt le refus d’extradition opposé par la Fce à un E étranger. L'évolution se fait petit à petit. Pour la décision d'extrader, le CE s'était déjà reconnu compétent en 1937 dans un arrêt Decerf.Voir aussi arrêt Comité … des vins d'appellation d'origine 2008 (voir arrêt Glaser, page 111 AJDA 2009). → n’est pas acte de gouvernement et donc est susceptible de recours " la décision par laquelle le premier ministre ou un ministre refuse de notifier un texte au titre de la règlementation communautaire des aides d'États" y compris quand le texte en cause est de nature législative. Une telle décision précise l’arrêt "se rattache à l’exercice par le gouvernement d’un pouvoir qu’il détient seul aux fins d’assurer l’application du droit communautaire et le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes". Cependant, le juge administratif ne peut connaitre d’un recours contre la décision de notifier un acte au titre des aides d’état, le motif est alors que cette décision "n’est pas détachable de la procédure d’examen par la commission".

Dossier 5 : Les règles relatives aux moyens d'action de l'Administration

Dossier 6 : Les règles relatives aux normes administratives

Chapitre 1 : Le contrat administratif

Section 1 : La formation du contrat

Existent des règles qui pour l’essentiel sont fixées par des textes.

Il y a eu depuis une 20aine d’années multiplication de ces textes = ère de l’inflation normative, législative. Ce n’est pas clair. Devrait être procédé à une clarification et simplification du droit :

• D'ores et déjà, le ministre de l'économie publie un guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics sous forme de circulaires.• Est annoncé "un code de la commande publique", susceptible de concerné tous les contrats publics et pas les seuls marchés publics. A propos de ce code, déjà la loi de simplification du droit de 2004 avait autorisé le gouvernement à l’adopter par ordonnance, cela n’a pas été fait. Néanmoins le rapport du CE de 2008 a appelé à le remettre en chantier, c’était une de ses recommandations… A suivre.

La plupart des règles nouvelles sont intervenues pour l’application du droit communautaire. Il en est ainsi depuis la fin des années 80 car il a fallu en France comme ailleurs transposer de

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nombreuses directives. A cela s’est souvent ajoutée une volonté de renforcer les contrôles, de mieux encadrer les procédures, dans le cadre de la lutte contre la corruption.

§ 1 : La transposition des directives communautaire et la prévention de la corruption

Des directives communautaires ont été adoptées en matière de marchés publics pour assurer le respect des principes de non-discrimination et de libre circulation.

S’il n’y avait rien dans le traité de Rome concernant ces marchés, c’est sa logique même qui a conduit à s’y intéresser et à les régir en partie. On ne vise que les conditions dans lesquelles les contrats sont passés, il faut faire en sorte qu’il y ait mise en concurrence, que les ressortissants des autres États ne soient pas a priori exclus.

Il y a 4 de ces directives qui sont intervenues entre 1989 et 1992 et ont été transposées par 4 lois :

➢ Loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence.

➢ Loi du 4 janvier 1992 relative aux recours en cas de violation des règles édictées par la loi précédente.

➢ Loi du 11 décembre 1992 relative à certains contrats dans les secteurs dits "exclus" (= secteurs autres que ceux visés par la loi précédente, secteur de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (si ces 4 secteurs peuvent paraitre hétéroclites, ils ont en commun d’être particuliers, ils correspondent aux industries en réseaux car ce sont des secteurs où, dans tous les États, pendant longtemps, il n’y a guère eu de concurrence, où les autorités nationales avaient concédé des droits exclusifs pour l’exploitation des réseaux.

➢ Loi du 29 décembre 1993 relative aux recours en matière de secteurs exclus.

Aux vues de ces lois, on peut s'étonner que le code résulte d'un simple décret. Selon un arrêt Ordre des avocats à la Cour de Paris de 2003, ça vient tout à la fois de l'article 34 qui n'exige pas de lois pour les marchés de l'État et d'un décret-loi de 1938 qui donne compétence au pouvoir règlementaire pour étendre aux marchés des CT des dispositions applicables aux marchés de l'État.

Il en ressort notamment que les critères communautaires des marchés publics ne sont pas exactement ceux du droit interne français tout simplement car le critère organique est ignoré.

Il peut s’agir de contrats passés par les personnes privées dès lors que celles-ci sont soumises à l’influence des pouvoirs publics. C’est beaucoup plus souple que les jurisprudences Culard et Peyrot autrement dit plus souple qu’en droit français.

Conséquence : les règles communautaires s’appliquent tout à la fois aux marchés publics et à certains contrats de droit privé y compris contrats entre personnes privées.D’où la formule de la loi du 3 janvier 1991 relative aux marchés, elle est obligé de viser des marchés qui ne sont pas en droit français des contrats administratifs.

D’autres règles résultent notamment de la loi anti-corruption de 1993 (loi Sapin). Cette loi aussi étend des principes de publicité et de mise en concurrence contenus dans le code des marchés publics à des contrats qui pour le reste n’en relèvent pas.

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Sont visés par exemple dans la loi Sapin les contrats de sociétés d’économie mixte ou les contrats d’HLM.

Cette loi institue également une procédure d’appel d’offre pour les conventions de délégation de services publics. Pour la passation de ces contrats, il n’y avait aucun encadrement normatif, aucune obligation d’informer tous ceux qui sont susceptibles d’être intéressés.

Les codes de 2004 et 2006, pour l’essentiel, ont transposé des directives de 2004.

➢ L’une de ses directives est générale et porte sur la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

➢ L’autre est relative au marché dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des

services postaux, ce que l’on appelle aujourd’hui les secteurs spéciaux (le 4ème a changé). S’il est question de services postaux, on ne trouve plus les télécommunications dès 1996.

Dans les secteurs mis à part, disparaissent les télécommunications et apparaissent les services postaux. Pour ce qui est des recours, une nouvelle directive de 2007 a été transposée par l'ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.

Alors que la directive est relative aux marchés publics, sont visés les marchés publics au sens du droit interne mais aussi des marchés privés, les contrats de partenariat ou encore les conventions de délégation de services publics Voir doc TD 12.

Tend à s'imposer peu à peu avec tous ces textes un "droit commun de la commande publique". La formule est du CC (26 juin 2003) sur une loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit. Selon le CC, trois principes de valeur constitutionnelle s'appliquent, qui sont complémentaires :

• Le principe de liberté d'accès à la commande publique ;• Le principe d'égalité de traitement des candidats ;• Le principe de transparence des procédures.Ce sont là des principes rappelés par l'article 1er du code des marchés publics (code en question est celui de 2001). Le code ne peut énoncer un principe constitutionnel, il ne fait que le rappeler.

Il s'agit de principes qui découlent des articles 6 et 14 de la déclaration de 1789. Pour la passation des contrats publics, il y trois principes constitutionnels à respecter.

Pratiquement, et d'après le code des marchés publics, pour respecter ces principes, il faut que le pouvoir adjudicateur :

– Procède à une définition préalable des besoins

– Respecte des obligations de publicité et de mise en concurrence des opérateurs économiques

– Choisisse "l'offre économiquement la plus avantageuse", ce qui veut dire que toujours prévaut la "règle du choix du mieux disant" et donc jamais celle du moins disant (c'est ce qui explique la disparition de la procédure d'adjudication (= procédure au terme de laquelle devait être retenue le candidat proposant le prix le moins élevé).Si on prend toujours en compte le prix, ce n’est plus qu’un élément parmi d’autres). Il s’agit d’assurer "l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics".

– Ce que le CC a trouvé dans la déclaration de 1789 rejoint ce que la CJCE a logiquement fait

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découler des règles fondamentales du traité en général et du principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier :Arrêt Telaustria de la CJCE de 2000 : ce principe de non-discrimination implique notamment "une obligation de transparence qui permet au pouvoir adjudicateur de s’assurer que le dit principe est respecté"."Cette obligation de transparence consiste à garantir, en faveur de tous soumissionnaires potentiels, un degré de publicité adéquat permettant l’ouverture du marché de services à la concurrence ainsi que le contrôle des procédures d’adjudications".Pour la CJCE, cela vaut même en dehors du champ d’application des directives qui ne concernent que les marchés, autrement dit c’est de portée générale.Par exemple, cela s’applique aussi aux concessions de services publiques.

Le CE a ainsi jugé dans un arrêt du 1er avril 2009 communauté urbaine de Bordeaux que doit alors être assurée "une procédure de publicité adéquate … insusceptible d’échapper à l’attention des opérateurs raisonnablement vigilant pouvant être intéressés y compris ceux implantés sur le territoire d'un autre État".

– Il est fait exception selon une jurisprudence Peckal de 2005 "en cas de prestation intégrée de quasi-régie".Aucune publicité ne s'impose ni mise en concurrence. Sont visés les contrats que passe un pouvoir adjudicateur avec une autre personne (personne publique à proprement dite ou société à capitaux entièrement publics).Plusieurs conditions :

– Il exerce sur celle-ci un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services.– Celle-ci réalise avec lui l'essentiel de son activité.

§ 2 : Le choix du cocontractant

Peuvent se poser d'abord des problèmes de compétence, il faut déterminer l'autorité administrative qui, au nom de chaque personne publique, signera les contrats.

Pour l'État, au niveau central, ce sont en principe les ministres, sous réserve de délégation de compétence ou de signature.

Dans les services déconcentrés, c'est le préfet.Pour les autres personnes publiques, ce sont les autres organes exécutifs qui interviennent.

En toute hypothèse, l'exercice de cette compétence peut être subordonnée, soit à une autorisation préalable de l'organe délibérant, soit à une approbation de l'autorité de tutelle. Depuis 1982, cela ne vaut que pour les établissements publics.

Suite à l'arrêt Martin de 1905, tous les actes administratifs unilatéraux pris par les autorités compétentes et relatifs à la formation des contrats (autorisation, approbation mais aussi décision de contracter) ont été considérés comme des actes détachables, actes donc susceptibles pour les tiers de REP.D’où le problème des conséquences à tirer d’une annulation de tels actes détachables. Deux règles sont à retenir :

– L'annulation est en principe sans conséquence sur le contrat.– (Règle qui corrige la première). Si le juge du contrat est saisi par l'une des parties d'un litige relatif à l'exécution de ce contrat, il ne peut qu'en tirer les conséquences et le cas échéant, il doit annuler le contrat.

Tout le problème est alors de faire en sorte que ce juge du contrat soit saisi. Si les parties ne

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le saisissent pas, l’annulation reste théorique, pas d’effet sur le contrat.Pour que tel soit le cas, en 1994, dans un arrêt Lopez, le CE a jugé que suite à l’annulation

pour détournement de pouvoir d’une délibération autorisant la passation d’un contrat, il appartient à la collectivité publique, à défaut d’y être parvenu par d’autre voie, de saisir le juge du contrat afin qu’il prononce la nullité du contrat (la personne publique doit saisir le juge).

En 1999, dans un autre arrêt Société Hertz France, le CE, utilisant les pouvoirs que lui reconnait la loi du 8 février 1995 a enjoint à l’autorité mise en cause de provoquer la résolution du contrat soit d’un commun accord entre les parties, soit, à défaut d’accord, en saisissant le juge du contrat.

Depuis l'arrêt Société Tropic travaux signalisation de 2007, "le concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif n'est plus recevable à faire un REP contre des actes détachables après la conclusion du contrat".

A) Le choix en cas de marché public

Le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalable, si son montant estimé est inférieur à 4 000 euros HT (un décret de 2008 avait fait passer ce seuil à 20 000 euros mais il a été annulé par l'arrêt Perrez du 10 février 2010 au motif que "le pouvoir règlementaire avait méconnu les principes d'égalité à la commande publique, d'égalité de traitement de candidats et de transparence des procédures").

En dehors de ce cas, doit d'abord être faite une publicité pour informer des besoins des candidats potentiels.➢ En dessous du seuil de 90 000 euros, il faut une "publicité adaptée et suffisante". Cela relève de la responsabilité de l'acheteur.➢ Entre 90 000 euros et les seuils communautaires, il faut procéder à une publicité déterminée par le code (ex : faire une publication au BOAMP par ex : bulletin officiel des annonces des marchés publics).➢ Au-dessus des seuils communautaires, il faut une publicité nationale et européenne.Depuis le 1er janvier 2010 sont de :• 125 000 euros HT pour l'État ;• 193 000 pour les CT s'il s'agit d'un marché de fourniture ou de services.• 4 845 000 pour les marchés de travaux, État et collectivités confondues.

Ensuite, après la publicité, (sauf pour les marchés inférieurs à 20 000€), il faut faire une mise en concurrence, ce qui va permettre de respecter les principes du code :

➢ En dessous des seuils de l'UE, les marchés sont conclus "selon une procédure adaptée", procédure que la personne publique définit elle-même.

➢ Au-dessus des seuils de l'UE, l'appel d'offre est en principe la procédure de droit commun.Selon l'article 33 du code, c’est "la procédure par laquelle le pouvoir adjudicateur choisit l’attributaire, sans négociation sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats". L’appel d’offre peut être ouvert ou restreint. Il est ouvert si tout opérateur peut remettre une offre, par opposition il est restreint si seuls peuvent le faire les opérateurs autorisés après sélection.

➢ A défaut, s'il n'y a pas appel d'offre, il y a normalement "procédure négociée" : art 34 du code. Le choix est fait après consultation des candidats et négociation des conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux. Ce n’est possible que dans certains cas énumérés par le code. La

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procédure négociée est l’exception, il faut qu'elle soit prévue par un texte.

Diverses procédures particulières existent :

➢ La procédure de "dialogue compétitif": vise les cas de marchés complexes où la personne publique n'est pas en mesure de définir ses besoins.

➢ Le "système d'acquisition dynamique", article 78. Procédure entièrement électronique pour des fournitures courantes.

La procédure à suivre dépend de seuils (= de la somme du marché) de l'UE et elle est soit une procédure adaptée, soit une procédure formalisée. Pour les contrats de partenariat, l’ordonnance de 2004 prévoit deux des procédures applicables aux marchés publics :– Le dialogue compétitif ;– L’appel d’offre (en cas d’urgence).

B) Le choix en cas de délégation de service public

Lorsqu’un service public doit être confié à une personne privée ou publique, la loi anti-corruption oblige en principe la personne dont dépend le service à engager une procédure en 2 étapes :

• Elle doit assurer la publicité de son projet de façon à provoquer la mise en concurrence

• Elle doit établir ensuite la liste des candidats admis à présenter des offres et adresser à chacun un document donnant toute précision sur le service à assurer.

Même s'il n'y a pas là de directive communautaire, s'impose la jurisprudence de la CJCE : Telaustria de 2000 et Teckal.

S’il s’agit de services publics locaux, la loi de 93 prévoit en plus l’intervention d’une commission composée d’élus de la collectivité. Elle doit donner un avis sur les offres recueillies avant que la discussion ne soit librement engagée.

Depuis la loi MURCEF, c’est cette commission qui dresse la liste des candidats admis à présenter une offre. Aux termes de cette procédure, le principe reste celui de la liberté de choix du délégataire, les offres sont librement négociées avec leur auteur.

§ 3 : Les référés pré-contractuels

Il s’agit de recours qui, en vertu de directives communautaires, se sont ajoutés aux recours a posteriori traditionnels.

L’objectif des directives était d’éviter que, pratiquement, les violations des règles communautaires ne se résolvent uniquement après la conclusion du contrat, donc finalement par l’octroi de dommages et intérêts.

Elles laissaient cependant aux États la possibilité de confier les procédures de recours soit à une juridiction soit à une administration. En France, c’est la voie juridictionnelle qui a été retenue.

La loi du 4 janvier 1992 institue 2 types de recours :

• L’un ouvert devant le juge judiciaire pour les contrats de droit privé

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• L’autre devant le juge administratif pour les marchés relevant du droit public.

Dans les deux cas, les recours sont portés devant le président de la juridiction compétente ou

évidemment celui qui le délègue, lesquels "statuent en 1er et dernier ressort en la forme des référés".

Dans les deux cas également, il s’agit là d’un référé très particulier car le juge peut tout à la fois prendre des mesures définitives et "préjudicier au principal" (c-a-d statuer sur le fond).

En effet, s’il ne peut octroyer des dommages-intérêts, le juge peut prendre d’une part des mesures provisoires (telle l’injonction à la personne responsable du manquement de se conformer à ses obligations ou encore la suspension de la procédure de passation et de toutes décisions qui s'y rapportent) et d’autres part il peut prendre aussi des mesures d’annulation préalablement à la passation du contrat (annulation de décision se rapportant à la procédure, ou suppression de clauses de prescription destinées à figurer dans le contrat).

Alors qu'en 1992 seules pouvaient être invoquées la violation des règles communautaires, la loi anti-corruption de 1993 a étendu la procédure à la violation de toutes obligations applicables à la passation des marchés. Elle l’a aussi étendu aux conventions de délégation de services publics.

La loi du 30 décembre 1993 relative aux secteurs exclus institue quand à elle 2 autres types de recours pour les contrats passés dans les "secteurs exclus". Son dispositif n’est plus le même qu'en 1992, le juge administratif ou judiciaire peut toujours avant la conclusion du contrat ordonner à l'auteur du manquement de se conformer aux obligations. Mais ensuite, il est précisé seulement qu’il ne peut que prononcer une astreinte provisoire ou définitive.

Apparaissait là en matière administrative une nouvelle possibilité d’astreinte pour le juge administratif mais il n’était plus question de suspendre la passation du contrat ni de l’annuler.

En dépit de leur succès, diverses faiblesses de ces recours sont apparus, la principale étant qu'à compter de la signature, ils n'ont plus lieu d'être. En est résulté une "course à la signature des contrats".

C'est pour y remédier qu'est intervenue une nouvelle directive de 2007 transposée par une ordonnance du 7 mai 2009. Elle a été suivie par un décret d'application du 27 novembre 2009.

➢ L'ordonnance concerne l'ensemble des référés précontractuels, ainsi, outre des dispositions communes, sont distingués les contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs (ceux visés par la loi de 1992) et les contrats passés par les entités adjudicatrices (ceux de la loi de 93).Entité adjudicatrice est le nom aux opérateurs de réseaux.

➢ Il est précisé que peuvent agir les personnes "ayant un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésés par le manquement invoqué … ainsi que le représentant de l'État lorsque le contrat doit être conclu par une CT".

➢ Selon le décret d'application, après notification du choix d’un candidat à tous les candidats, le contrat ne peut être conclu avant un délai de 16 jours (laisser le temps d'agir aux évincés).En principe, le juge a 20 jours pour statuer, l’ordonnance précisant que le contrat ne peut être signé à compter de sa saisine et jusqu’à notification de sa décision.

➢ Sont aussi renforcés par l'ordonnance les pouvoirs du juge.

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Section 2 : L'exécution du contrat

Il existe des règles qui pour l’essentiel sont d’origine jurisprudentielles (vieilles jurisprudence du début du XXème siècle). Ces règles se caractérisent surtout par l’importance des pouvoirs qu’elles confèrent à l’Administration.

§ 1 : Les prérogatives de l'AdministrationA) Le pouvoir de modification unilatérale

Il existe et se justifie par les exigences de l'intérêt général. A l'origine de sa reconnaissance, deux arrêts font référence :

➢ Arrêt Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen de 1902.Arrêt relatif aux conflits des gaziers et des électriciens. La commune avait concédé le monopole de l’éclairage une compagnie de gaz. Mais se développe l’éclairage électrique. Le CE admet que cet éclairage électrique nouveau pourra être concédé à un tiers si la compagnie, après mise en demeure refuse de s’en charger.On voit là la nécessité d'une mutabilité des contrats mais il n'y a pas encore reconnaissance expresse d'un pouvoir de modification.

➢ Arrêt compagnie générale française des tramways de 1910, c’est une affaire où le préfet, au nom de l'État, avait imposé à la compagnie d’augmenter le nombre de rames pour mieux satisfaire les besoins accrus de la population.Le CE, sur recours de la compagnie, reconnait qu’il avait ce préfet le pouvoir de prescrire les modifications et les additions nécessaires, pour assurer, dans l’intérêt du public la marche normale du service.Justification par l'intérêt général.Ce pouvoir reste limité :

▪ il n'est pas discrétionnaire mais il est conditionné mais il est conditionné par des changements de circonstances et il ne vise qu'à la satisfaction de l'intérêt général.

▪ Il ne peut aller jusqu'à changer l'économie du contrat▪ Il ne s'applique jamais aux clauses financières.

▪ S'il cause un préjudice, le cocontractant a droit a une indemnité.

Deux analyses sont susceptibles d'être faites :

➢ D'aucuns considèrent qu'il y a purement et simplement dérogation à 1134 CC et que ce qui caractérise ainsi le contrat administratif est sa mutabilité.

➢ D’autres sont + nuancés : ils soulignent que s’il n’y a pas intangibilité sur les normes contractuelles, il n’y a pas non plus consécration pure et simple d’un principe de mutabilité (se serait nier la logique contractuelle).

B) Le pouvoir de résiliation

En effet, c'est en plus radical le complément logique du pouvoir de modification. En effet, s’il ne suffit plus de procéder à des aménagements limités, si le contrat ne correspond plus aux exigences du service public, il peut être résilié en l’absence même de toute faute. Le cocontractant,

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s’il subit un préjudice, a le droit à réparation de l’intégrité de son préjudice.

C) Les pouvoirs de contrôle, direction et sanction

A tout moment, l'Administration peut exiger des renseignements sur la manière sur la manière dont le contrat est exécuté, notamment pour faire usage des autres pouvoirs.Elle peut aussi imposer certaines modalités d'exécution, non-précisées par le contrat (par ex fixer l'ordre des opérations).

En cas de méconnaissance des clauses du contrat, ou inobservation de ses instructions, elle peut infliger elle-même les sanctions, sans avoir à saisir le juge, après simple mise en demeure. Trois types de sanctions sont possibles :

➢ Sanctions pécuniaires.

➢ Sanctions coercitives : faire en sorte que le contrat soit exécuté. L'Administration peut exécuter elle-même ou faire exécuter elle-même aux frais et risques du cocontractant défaillant.

➢ Sanctions résolutoires : en cas de faute grave, résiliation du contrat (attention, différent avec le pouvoir de résiliation pour absence d'intérêt général qui est accompagné d'une indemnisation. Il y a des exceptions : la déchéance du concessionnaire ne peut, sauf si le contrat le prévoit, être prononcé que par le juge).

§ 2 : Les obligations et droits du cocontractant

A) L'obligation d'exécution personnelle

Le cocontractant ne peut être dispensé d'exécuter ses obligations qu'en cas de force majeure. Il ne peut en décider lui-même (illustre que les parties que ne sont pas sur un même pied d'égalité) et il ne peut que saisir le juge.Trois conditions pour qu'il y ait force majeure :

• Le fait invoqué doit avoir été absolument indépendant de la volonté du cocontractant.• Il doit n’avoir pu être prévu ni empêché.• Il doit rendre l’exécution du contrat absolument impossible.

Le caractère personnel de l'obligation a longtemps posé deux problèmes : celui de la cession du contrat et de la sous-traitance.Aujourd’hui la cession est possible mais sur autorisation expresse de l’administration. Pour la sous-traitance, il faut tout à la fois l’acceptation du sous traitant et l’agrément prévu pour sa rémunération. MURCEF a précisé que le paiement direct est réservé au sous-traitant de premier rang (sont exclus les sous-traitants de sous-traitants). Elle a aussi interdit la sous-traitance de la totalité d'un marché public.

B) Le droit au paiement du prix et à l'équilibre financier

Outre le paiement initialement prévu, le cocontractant a droit à rémunération intégrale des prestations supplémentaires imposées par l’Administration (voir l’arrêt des tramways de 1910).Au nom du même droit à l'équilibre financier, il peut aussi y avoir rémunération de sujétions imprévues (dans les marchés publics de travaux, il s’agit par exemple d’aléas d’ordre technique, de difficultés matérielles non prévues à l'origine, concernant par exemple la composition géologique d’un sol).

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• D’abord, il appartient au cocontractant de prouver qu’il s’agit de difficultés anormales exceptionnelles, imprévisibles, bouleversants l’économie du contrat.• L’indemnisation n’est pas automatiquement intégrale, il y a partage des responsabilités.

C) Le droit à indemnisation en cas de "fait du Prince"

On trouve au moins 3 conceptions :

➢ Conception extensive : l’expression vise toute intervention des pouvoirs publics qui a des effets sur le contrat, qui bouleverse son équilibre.

➢ Conception intermédiaire : l’expression ne vise que les mesures de la personne publique contractante

➢ Conception restrictive : ne vise que certaines mesures prises par la personne publique contractante, celle qu'elle prend en agissant en une qualité autre que celle de puissance contractante ex : le maire intervenant en tant qu’autorité de police.

La dernière surement est la plus rigoureuse, elle ne mélange pas des situations différentes. C'est celle retenue par la jurisprudence.

Le fait du prince est légal (qu’une personne publique passe un contrat avec une entreprise ne l’empêche pas d’exercer ses compétence), à condition qu’il ne s’agisse pas d’un détournement de pouvoir.Le fait du prince peut donner lieu à indemnité. La jurisprudence est quand même réputée difficile à interpréter.

Quand le cocontractant est seul atteint, il semble qu'il y ait une indemnisation intégrale. C’est moins évident si toute une série de contrats est concernée : si portée générale, semble prévaloir l'absence d'indemnisation.

D) Le droit à indemnisation en cas d'imprévision

Construction jurisprudentielle prolongeant celle relative aux sujétions imprévues nées dans le contentieux des services publics locaux suit à la guerre 14-18.

A l’origine de cette construction : arrêt compagnie générale d’éclairage de Bordeaux de 1916 : il s’agissait d’une histoire de concessionnaire au gaz qui utilisait du charbon dont le prix du fait de la guerre avait été multiplié par 3. En conséquence, il demandait que la ville supporte l’augmentation de ses charges.

Tout en admettant une indemnisation, le CE a fixé des conditions :

• Il faut des éléments extérieurs (différence avec le fait du prince), indépendant de la volonté des parties.• Il faut que ces évènements "bouleversent l’économie du contrat".• Il faut qu’ils soient imprévisibles.

L’indemnité ne couvre pas l’intégralité des charges nouvelles car elle vise, pour assurer la continuité du service public, à permettre au contractant "de traverser une situation difficile".Elle tend aussi au partage des charges.L’indemnité doit n'être qu’un expédiant provisoire dans l’attente d’un retour à la normale.

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Le cocontractant n’est pas dispensé de ses obligations.

Toutefois, quand le retour à la normale s’avère impossible, l’imprévision se transforme en cas de force majeure qui justifie la résiliation du contrat (Arrêt de 1932 Compagnie de Cherbourg).

§ 3 : Le contentieux contractuel

C’est un contentieux qui, il y a quelques années apparaissait comme extrêmement rigide et inadapté :

– Quand le juge, saisi par les parties, constatait une irrégularité, il ne faisait que constater la nullité du contrat (nullité signifiant annulation rétroactive).

– Le même juge n’acceptait pas les recours en annulation dirigés contre les actes d’exécution du contrat. On a là un principe irrationnel, séculaire et insatisfaisant.Son rôle se résumait donc à des dommages-intérêts en cas de préjudice.

La transformation de ce contentieux devrait résulter de l’arrêt 28 décembre 2009 commune de Béziers qui redéfinit l’office du juge du contrat. (AJDA 2010 p 142).

• Est d’abord envisagé dans cet arrêt le cas où les parties saisissent le juge d'un recours de plein contentieux "contestant la validité du contrat qui les lie" et la nouveauté est qu'il est exposée dans cet arrêt toute une gamme de solution possible "selon la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des situations contractuelles" (cela va de la poursuite du contrat moyennant régularisation à l’annulation, en passant par la résiliation).

• S’agissant d’un "litige relatif à l’exécution", c’est plus elliptique, il est dit que le juge doit "faire application du contrat" étant entendu que s’il constate une irrégularité, "il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel".Selon l'AJDA, le CE renverse la perspective antérieure. Voir deux arrêts de 2011 : Grosse et Manoukian. Le contrat ne peut être écarté pour le règlement d'un litige que "eu égard à la gravité de l'illégalité, et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise".

• L’arrêt Société tropic travaux signalisation de 2007 avait ajouté déjà, devant le juge du contrat, un nouveau recours pour "tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif". RFDA 2007, Didier Cassas, page 697.Bien qu’il ne s’agisse plus d’un recours des parties à un contrat, c’est encore un recours de pleine juridiction.Ce recours doit être fait "dans un délai des 2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées", et il peut être assorti d’une demande tendant à la suspension de l’exécution du contrat (là où la loi de 2000 sur les référés ne visait que les actes unilatéraux, devient possible avec cet arrêt la suspension d’un contrat).

Il ne peut être exercé qu’à l’encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à la date du 16 juillet 2007.Voir chapitre sur la jurisprudence administrative : le CE reconnait que la règle jurisprudentielle qu'il crée ici n’a pas d’effet rétroactif. IL est fait exception pour des actions en justice déjà engagées.

A partir de la conclusion du contrat et dès lors qu’il dispose du nouveau recours, le concurrent évincé ne peut plus faire de REP contre les actes préalables détachables du contrat. En principe, rien n'empêche cependant l’intéressé de contester les actes détachables dans le cadre de nouveau

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recours.

Les pouvoirs du juge sont très étendus, il peut annuler le contrat, accorder des indemnisations (subsiste et a même été renforcé à côté de ce nouveau recours le référé précontractuel).

L’ordonnance du 7 mai 2009, outre qu’elle réforme le référé précontractuel, crée un référé contractuel.

Il est différent du "recours Tropic" qui est un recours au fond qui n'est pas destiné à permettre une action rapide des concurrents évincés et qui permet aussi de soulever des moyens autres que ceux relatifs au manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence."Il est néanmoins troublant de constater que ses deux recours vont se superposer. Ils ont un champ d’application identique, à savoir les contrats précédés d’une mise en concurrence et pourront dans certains cas permettre de sanctionner les mêmes irrégularités par la même sanction, à savoir l’annulation du contrat". JCDA 2009, n°2144.

Chapitre 2 : L'acte unilatéral

Section 1 : L'élaboration de l'acte unilatéral

§ 1 : L'analyse de l'acte

Bien apprendre. L'expression acte unilatéral prend deux sens :

– Elle peut désigner la norme elle-même, un certain contenu qui fixe.

– Elle peut désigner aussi l'opération normatrice. Dans un sens large, elle vise alors, outre le contenu, tout ce qui peut intervenir pour l'élaboration de la norme, et donc, peut s'analyser en différents éléments.Dans ce second sens, l'acte unilatéral se décompose en 7 éléments :– le contenu ;– l'auteur ;– la procédure : l'ensemble des opérations qui interviennent pour la préparation de la décision et pour son entrée en vigueur ;– la forme : en admettant qu'il y ait acte écrit, c'est l'ensemble des indications portées sur l'acte, i.e la présentation du document ; avec l'énoncé du contenu mais aussi avec différentes mentions qui renvoient aux autres éléments de l'acte. Voir par exemple la motivation, c-a-d le fait d'écrire ses motifs sur l'acte. C'est un élément de la forme mais cet élément renvoie au motif, il n'est que l'expression sur l'acte des motifs.– les motifs : ensemble des données, antérieures et exterieures à l'acte et qui le rendent nécessaire (compétence liée) ou au moins possible (pouvoir discrétionnaire). C'est ce que l'on appelle aussi des "raisons de fait et de droit".– le but/mobile : objectifs visés par l'acte. Toujours difficile à cerner car– le lieu/moment : coordonnées spatio-temporelles.

En un lieu, à un moment donné, aux vues de motifs et dans un certain but, un auteur décide d'un contenu, selon une procédure et avec des formes.

Chacun des éléments distingués peut faire l'objet de règles qui s'imposent à l'Administration sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir.Les règles se répartissent en deux blocs :

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• Légalité externe avec tout ce qui concerne l'auteur de l'acte, sa procédure et sa forme. Ces 3 éléments sont dit externes par ce qu'ils visent la façon dont on décide et non pas ce qui est décidé. Ils ne touchent pas directement le contenu même de la décision.

• Légalité interne avec ce qui concerne le contenu, ses motifs et son but.N'apparaissent pas les coordonnées spatio-temporelles car il n'y a pas à leur propos de règles spécifiques. Le lieu est indifférent. Le moment, s'il est essentiel, notamment parce qu'il fixe dans le temps un point pour apprécier le droit et les faits applicables, et s'il y a des règles qui le déterminent en fixant certains délais pour agir, ce sont soit des règles de compétence telles 38 C°, soit des règles de procédure comme par exemple les délais fixés pour la durée des enquêtes publiques.

§ 2 : La légalité externe

A) Les règles relatives à l'auteur de l'acte

L'autorité compétente pour prendre une décision est aussi compétente même dans le silence des textes pour la modifier ou l'abroger : en vertu de la règle du parallélisme des compétences. Il peut y avoir des délégations de compétence, ces délégations sont de deux sortes :

• La délégation de pouvoir consentie à une autorité désignée de façon abstraite, indépendamment de la personne et elle réalise un véritable transfert juridique de compétence. De telle sorte que le délégataire prendra en son nom propre des actes qui se situeront à son propre niveau dans la hiérarchie des normes.L'auteur de la délégation est dessaisi de la compétence, il ne peut plus l'exercer.

• La délégation de signature : elle est consentie à un autorité nominativement désignée et donc elle ne fait que décharger matériellement le déléguant d'une compétence dont il reste le titulaire et donc qu'il peut à tout moment continuer d'exercer.Dès qu'il y a changement dans la personne du délégataire ou du déléguant, elle cesse.Font exception depuis un décret de 2005 les délégations des ministres aux principaux responsables de leur ministère. Elles sont faites de droit et n'ont pas à être réitérées à chaque changement de ministère.

B) Les règles relatives à la procédure de l'acte : procédure précédant l'acte

Il y a d'abord des règles qui organisent les consultations pour avis, ce que l'on appelle les procédures consultatives. Elles régissent tout à la fois les organismes consultatifs et les modalités de leur consultation.Elles précisent aussi les effets de la consultation. Trois hypothèses sont à distinguer :

– Soit la consultation est facultative et une autorité compétente à une entière liberté de décision.

– Soit la consultation est simplement obligatoire, il faut prendre cet avis sans être tenu de le suivre. La consultation est obligatoire, pas l'avis. Il faut consultation de la décision ou qu'elle corresponde à l'avis proposé par l'organisme consultatif.Cela n'empêche pas.Selon la jurisprudence du CE, en principe, il suffit que la consultation ait portée sur "l'ensemble du problème". Seules sont exclues les questions nouvelles.Il en va autrement pour les avis du CE : la jurisprudence est beaucoup plus rigoureuse : c'est le texte même du gouvernement ou celui retenu par le CE qui doit être adopté.

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– Soit la consultation, tout en étant obligatoire, est aussi destinée à recueillir un avis conforme : c'est beaucoup plus rare. On est plus dans la consultation mais dans la co-décision.

D'autres règles imposent des procédures contradictoires. Voir arrêts Trompier-Gravier/Aramu à propos de décisions ayant le caractère d'une sanction et consacrant les principes dits des "droits de la défense".La jurisprudence n'a pas limité l'application de ce principe aux seules sanctions et, selon la loi DCRA de 2000 "exception faite des cas où il est statué une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 … n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites, et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales". Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.

Se sont ajoutées (depuis 30 ans environ) à ces règles classiques diverses règles d'amélioration des procédures. DCRA en rappelle et en précise certaines. Deux exemples :

• Toute demande fait l'objet d'un accusé de réception, lequel doit comporter certaines mentions importantes, par exemple doit être mentionné le délai à l'expiration duquel, à défaut de réponse expresse, la demande sera réputée acceptée ou rejetée. De même, doivent être précisés les délais et voies de recours contre une décision implicite de rejet.

• Lorsqu'une demande est adressée à une autorité incompétente, celle-ci doit transmettre à l'autorité compétente.

L'amélioration va de plus en plus de pair avec la généralisation des télé-procédures. En même temps est poursuivi l'amélioration des sites internet des personnes publics.Cette évolution n'empêche pas les démarches au guichet des bureaux de service public mais tend à se mettre en place une administration "à accès pluriel" (accès internet ou au guichet).

C) Les règles relatives à la forme de l'acte

Le droit administratif n'est pas formaliste. Prévaut la liberté des formes. Il n'y a pas de règles relatives aux visas. Les visas sur un acte sont la mention de tous les actes antécédents : les normes qui sont appliqués, les sources, tous les actes de procédure tel que les consultations). S'il est d'usage de les mentionner, ce n'est jamais obligatoire.Une erreur dans le visa n'est pas une irrégularité. Ce qui compte c'est le texte effectivement appliqué. Le visa ne qualifie pas l'acte : arrêt Frampar de 1960. Un préfet avait visé un texte relatif à la PJ et donc, avait pris un acte de PJ alors même que le CE considère, au vue de l'acte pris, d'un acte de police administrative.

Cette absence de formalisme se justifie parce que ce qui compte c'est le fond pas la forme qui n'en est que l'exception. Cela n'empêche pas la forme d'être essentielle.

Outre les règles relatives au contreseing ministériel, il y a malgré tout :

– Obligation de signature de certains actes.

– Obligation de motivations de certains actes.

– La motivation est pour l'essentiel régie par la loi du 11 juillet 79 telle que complétée par une loi de 1986.

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Le CE estime que cette loi n'a pas remis en cause le principe de non-motivation, principe qui subsiste hors les cas expressément prévus par la loi ou par d'autres textes ou jurisprudence. Cette loi n'est pas seule à imposer la motivation : article L2213-2 du code des CT par exemple où sont visés certains règlements de police municipale.Cela dit, elle prescrit la motivation de deux catégories de décisions individuelles :

– Les décisions individuelles défavorables :

– Celles qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police.– Celles qui infligent une sanction– Celles qui subordonnent la délivrance d'une autorisation à des conditions restrictives.– Retire ou abroge une décision créatrice de droit.– Oppose une forclusion ou une déchéance.– Refuse un avantage constituant un droit.

– Les décisions individuelles -positives ou négatives- qui dérogent aux règles générales fixées par les lois ou règlements. En matière d'urbanisme et de droit du travail surtout.Trois cas où il est possible de ne pas motiver :

– Si les motifs concernent des faits couverts par le secret.– S'il y a "urgence absolue".– S'il s'agit d'une décision implicite.

Si les deux premières limites sont définitives, les autres sont momentanées. Chaque fois, le destinataire peut exiger une motivation a posteriori dans le délai de recours contentieux.Si l'obligation de motiver se justifie aisément, il y a toujours eu plus ou moins discussion sur sa portée exacte. Elle se justifie en tant qu'elle répond à trois exigences :

– démocratie,– exigence de bonne administration,– exigence de bon contrôle de l'administration (si l'administration s'explique, le juge sera plus à même de contrôler le respect de la règle de droit).

Les discussions viennent qu'en pratique, la règle peut être facilement détournée. La motivation peut être à côté de la plaque.

§ 3 : La légalité interne

Il y a toujours des règles relatives au contenu. Tout acte doit avoir une "base légale".

Par contre, il n’y a pas forcément de règle imposant l’existence de certains motifs de fait : il peut y avoir pouvoir discrétionnaire.Précision :

• Tout dépend de la nature de l’acte, les actes non-règlementaires le plus souvent sont conditionnés pour sanctionner un fonctionnaire, tel n’est généralement pas le cas des actes règlementaires :

▪ 2 sortes de règles sont possibles :

• Les unes en présence de certains faits obligent à prendre l’acte• Les autres ne font que le permettre.

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Dans les deux cas, deux opérations sont à faire :

• Il faut examiner la matérialité des faits, leur existence.• Il faut effectuer la "qualification juridique des faits". Il faut déterminer aux vues des faits qui sont établis s'ils relèvent ou non de la condition prévue par la règle de droit. Par ex, si on a établit qu'il y a trois agités ivres, sont-il susceptibles de troubler l'ordre public ?

Concernant le but, il y a une règle qui vaut pour tous les actes, toujours ils doivent être fait dans l’intérêt général, cela exclut les actes qui n’ont pas ce but. Pour le reste deux sortes de règles existent pour le but :

• Des règles d’assignation de but spécifique à telle ou telle catégorie d’acte. Ex : la police des établissements dangereux et insalubres.

• Des règles d’adéquation de l’acte au but, il ne suffit plus alors que le but soit régulier, il faut encore que l’acte soit adapté au but ou permette de le réaliser, voir la police.

Section 2 : L'exécution de l'acte unilatéral

§ 1 : L'entrée en vigueur

Une fois l'acte élaboré et signé, c'est en principe la publicité qui marque la date à partir de laquelle il entre en vigueur et devient obligatoire pour les administrés, et donc le délai pour le REP. Ce n'est qu'un principe : cette publicité ne suffit pas toujours (voir actes des CT : certains mais pas tous, les plus importants. Certains doivent faire l’objet d’une transmission au représentant de l'État pour que celui-ci exerce son contrôle et le cas échéant saisisse le tribunal administratif.)Voir le cas du règlement qui fixe à une date ultérieure don entrée en vigueur

Pour les actes individuels, il y a plus précisément une notification aux destinataires. Parfois s’ajoute la nécessité d’informer les tiers intéressés pour leur permettre au moins de faire un recours, par exemple le permis de construire.L’entrée en vigueur peut être antérieure à la notification. Selon la jurisprudence, en effet, s’il faut notifier c’est seulement pour imposer des obligations. Il en résulte que les décisions favorables entrent en vigueur dès leur signature.

Pour les autres actes administratifs, il y a normalement publication ou affichage. L’administration, sauf s’il y a un texte précis, dispose d’une certaine liberté pour choisir le mode de publicité. Dans certains cas, comme pour les lois, il doit y avoir publication au JO. Il en est ainsi selon une ordonnance du 20 février 2004 pour les décrets, les ordonnances et pour les autres actes lorsqu’une loi le prévoit. La même ordonnance précise que la publication est assurée "sur papier et sous forme électronique de manière permanente et gratuite".Voir Légifrance.

La même ordonnance précise aussi que les actes en question entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou à défaut, le lendemain de leur publication.

Si l’administration ne fait pas ce qu’il faut (si la publicité apparait insuffisante par exemple), il n’y aura pas irrégularité de l’acte, autrement dit, il n’y aura pas un vice qui ferait l’objet d’un REP. Tout simplement, l’acte ne sera pas opposable et le délai de recours ne sera pas déclenché.Toutefois peut être attaqué le refus de publier un règlement.Voir arrêt de 2003 Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale : est consacré le PGD selon lequel l’autorité administrative est tenue de publier dans un délai raisonnable les règlements qu’elle édicte.

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Toutes ces règles font que, souvent, l’acte existe avant d’être en vigueur.

➢ L’acte existe dès sa signature. Ça a au moins 3 conséquences :

▪ C’est à cette date de la signature que l’on apprécie sa régularité en cas de REP.▪ L'acte peut servir de fondement éventuellement à d’autres actes.▪ L'acte peut faire l’objet d’un REP.

Il n’empêche qu’il n’est pas alors opposable aux administrés (les administrés ne sont pas censés le connaitre), il ne le sera que quand la publicité adéquate aura été faite.

➢ L’entrée en vigueur est en principe non-rétroactive. Il y a des exceptions et donc des cas possibles de rétroactivité :

▪ En vertu de lois,▪ D’une manière générale,

• lorsqu’il faut tirer les conséquences d’une annulation juridictionnelle • lorsque l’Administration dispose du pouvoir d’annuler elle-même ses actes en décidant de leur retrait.

§ 2 : Le retrait et l'abrogation

Une fois l'acte entré en vigueur, dans quelles conditions peut-il être mis fin à son application ?

Retrait et abrogation ne sont que des cas particuliers de la sortie de vigueur. En effet, très souvent l'acte disparait lui-même car il cesse de produire ses effets.

Retrait et abrogation sont plus précisément des cas où la disparition de l’acte résulte d’un acte distinct de l’acte initial.

A) Le retrait

L’acte de retrait est une décision d’annulation rétroactive d’un acte initial déjà existant. C’est un acte qui a les mêmes effets qu’une annulation pour excès de pouvoir. Son régime juridique dépend de ce qu’est l’acte initial. A chaque fois, il se faut se demander :

• Si cet acte initial est régulier ou non (si a priori il n'y a pas de raison de retirer l'acte régulier, on peut penser qu’il faut retirer l’acte irrégulier sans attendre la décision du juge). Est en jeu le principe de légalité.

• Si l'acte est ou on créateur de droit. S’il crée des droits, il faut en assurer le respect et donc il faut exclure le retrait. Si l'acte ne crée pas de droit, il n'y pas d'opposition à le retirer. Est en jeu le principe de sécurité juridique.

Il faut trouver un équilibre entre légalité/sécurité juridique.

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Jusqu’en 2000, 3 grandes règles pouvaient se dégager de la jurisprudence :

➢ Qu’il soit régulier ou irrégulier, l’acte non créateur de droits peut être en principe retiré à toute époque (sauf différentes exceptions notamment celle des règlements devenus définitifs). En effet, s’ils ne créent pas par eux même de droits, ils ne peuvent qu'être abrogés dès lors que leur application a fait naitre des droits.

➢ S’il est régulier, l’acte créateur de droits ne peut être en principe retiré (sauf exceptions de la loi, si l’intéressé le demande ou si cela ne porte pas atteinte aux droits d’un tiers).

➢ S’il est irrégulier, l’acte créateur de droits peut être retiré pour des motifs d’irrégularité et dans le seul délai du recours contentieux.Voir exemple grand arrêt Dame Cachet de 1962 qui fait référence en la matière jusqu'en 2000. 3 précisions ont été apportées par des jurisprudences ultérieures :

▪ Quand un acte individuel doit être à la fois notifié à son destinataire et publié, il peut être retiré tant qu’il n’est pas notifié et publié (tant que les deux délais ouverts par ces deux publicités ne sont pas expirés).Arrêt Ville de Bagneux de 1966 : il s’agissait d’un permis de construire qui avait été notifié mais non publié. De ce fait, le délai avait été ouvert et était expiré pour le destinataire mais non pour les tiers. Par suite, l’acte n’était pas définitif (si elle était logique, cette solution pouvait se discuter car elle pouvait aboutir à prolonger indéfiniment la période pendant laquelle l’administration pouvait retirer une décision créatrice de droit et cela alors même que c’est l’administration qui n’avait pas fait la publicité nécessaire). Au bout du compte, un choix était fait en faveur de la légalité contre la stabilité des situations juridiques.

▪ Quand une législation organise un mécanisme de décision implicite d’acceptation ou d’autorisation sans publication. La formation de la décision implicite à l’expiration du délai prévu provoque le dessaisissement de l’Administration de sorte que tout retrait devient impossible alors même que la décision serait irrégulière et pourrait toujours être attaquée devant le juge administratif, notamment par des tiers. Voir l’arrêt Sieur Eve de 1969. On a la une autre logique que celle de l’arrêt Ville de Bagneux où il n’y avait pas eu de publicité, dès lors prévaut ici la sécurité juridique.

▪ "L’administration ne peut se prévaloir de la circonstance qu’elle n’a pas mentionné les voies et délais de recours à l’encontre d’une décision individuelle (dans la notification qu’elle en a adressé à l’intéressé) pour retirer cette décision au-delà d’un délai de 2 mois après sa notification" : arrêt Madame de Laubier de 1997 : dans cette affaire, antérieurement la loi DCRA de 2000, c’est un décret de 1983, aujourd’hui abrogé, qui obligeait à indiquer aux administrés les voies de recours et délai possibles étant entendu que si ce n’était pas fait, le délai de recours contre l’acte ne commençait pas à courir. L’administration qui n’avait pas mentionné les voies et délais de recours prétendait pouvoir retirer l’acte à tout moment. La règle qui se veut favorable aux administrés se retourne contre eux. Ce que ne fait pas le CE. L'administration ne peut se prévaloir de la circonstance qu'elle n'a pas mentionné les voies et délais de recours pour retirer ce recours.

L'article 23 DCRA de 2000 a remis en cause le jurisprudence Eve et posé une règle contraire en permettant le retrait pour illégalité d’une décision implicite d’acceptation. Plus précisément, 3 hypothèses :

• S’il y a eu des mesures d’information des tiers, le retrait est possible pendant le délai de recours.

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• Sinon, à la différence de l’arrêt Eve, il l’est possible dans les deux mois suivant la date à laquelle la décision est intervenue.

• Il l’est encore, en cas de recours contentieux, pendant la durée de l’instance.C’est la solution qui peut apparaitre plus équilibrée que la jurisprudence. On ne permet pas indéfiniment le retrait en l’absence de publicité, il n’est pas non plus complètement exclu, "il l’est dans les deux mois".

L’arrêt Ternon de 2001 a remis en cause la jurisprudence Ville de Bagneux et réduit la portée de la jurisprudence Cachet. "Sous réserve de dispositions législatives ou règlementaires contraire, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’Administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit si elle est illégale, que dans le délai de 4 mois suivant la prise de cette décision" (pour les décisions implicites de rejet mais quand même créatrices de droit s’applique toujours la jurisprudence Cachet).

Quelques précisions sur cet arrêt : Sont ainsi dissociés les délais de retrait et de recours :

• Est posé un délai de retrait de 4 mois.• Il n’empêche pas le délai de recours de rester ouvert si les publicités nécessaires n’ont pas été faites (par exemple si, comme dans l’arrêt Ville de Bagneux, il y a eu notification à l’intéressé mais pas de publicité pour les tiers).

• La logique de cet arrêt Ternon est la même que l’arrêt de Laubier. L’administration ne peut plus tirer partie du défaut de publicité. C'est une logique qui privilégie la sécurité juridique tout en retenant une solution qui parait plus équilibrée. On ne sacrifie pas la légalité (on n’interdit pas le retrait d’un acte irrégulier), le retrait reste possible pendant un délai de 4 mois. La logique du retrait est celle du recours contentieux.

• Le respect du délai de 4 mois s’apprécie à la date à laquelle a été prise la décision de retrait, et non pas à celle de sa notification au bénéficiaire de l’acte retiré. Ce qu’à confirmé l’arrêt Société Brétim de 2007.

Tout cela est fort complexe ! La chronique de l’AJDA dit à propos de l'arrêt Brétim "le paysage est passablement touffu".2 remarques :

• Sans qu’il n’y ait de justification très claire, le retrait des décisions explicites (jurisprudence Ternon) est régi par des règles différentes de celui des décisions implicites d’acceptation (loi DCRA).S’ajoute à ces règles différentes exceptions qui résultent de textes …

• Reste à simplifier, doc de TD extrait d’un article AJDA 2008 où l’auteur s’interroge sur les différentes solutions qui pourraient être apportées à la solution pour simplifier.

B) L'abrogation

Met aussi fin à l'existence d'une décision antérieure mais il ne le fait que pour l'avenir. Quant à la possibilité d'abroger, deux règles au moins se dégagent de la jurisprudence :

➢ Si l'acte n'est pas créateur de droits, il peut toujours être abrogé, étant entendu que le principe de sécurité juridique peut imposer des mesures transitoires (arrêt KPMG).

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➢ Si l'acte est créateur de droits, il ne peut l'être en cas de décision expresse individuelle que dans les conditions définies par l'arrêt Ternon : arrêt Coulibaly.

➢ S'ajoutent d'autres règles qui, dans certains cas, obligent à abroger, deux jurisprudences ont posé de telles règles :

▪ Arrêt Alitalia de 1989 concernant l'obligation de déférer à une demande d'abrogation d'un règlement irrégulier. Il en ressort que "l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer : soit que ce règlement ait été illégal dès la date de la signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date".

▪ Arrêt Association "Les verts" de 1990 : concernant l'obligation de déférer à une demande d'abrogation d'un acte non-règlementaire irrégulier qui n'a pas créé de droits. La règle de 1990 n’est pas exactement celle posée pour les règlements. En effet, dans la jurisprudence "les verts", "l’obligation ne vaut que si la décision est devenue illégale à la suite de changement dans les circonstances de droit et de fait postérieures à son édiction". Autrement dit, il n est pas dit qu'elle vaut aussi si l'acte est illégal dès sa signature. Seulement lorsqu'il y a changement de circonstances et pas quand l'acte est illégal dès l'origine. Voir conclusion sur l’arrêt de 1990, RFDA 1991.

▪ L’article 1 de la loi de 2007 relative à la simplification du droit a donné valeur législative à l’obligation d’abroger les règlements tout en aménageant quelque peu la jurisprudence Alitalia. Il ajoute un article 16-1 à la loi DCRA de 200 : "L’autorité administrative est tenue, d’office ou à la demande d’une personne intéressé, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date".

Voir AJDA 2008 p 399, commentaire du député-rapporteur de la loi qui défend le texte + commentaire critique sous le titre "pourquoi ne rien voter quand on peut voter une loi inutile ?" : inutile car il n’ajoute rien à la jurisprudence, d’une certaine manière, elle marque un recul car là où le CE obligeait à abroger dès la signature, la loi dit "depuis la publication".Quand la loi dit d’office, si l’administration ne fait rien, cela ne veut rien dire, pas de portée pratique.Quant à l'obligation d'abroger des textes sans objet, c'est sans portée pratique : s'il est sans objet, il n'a pas à s'appliquer.L’auteur du texte explique que l’idée est d’obliger l’Administration à faire un toilettage dans les textes.

§ 3 : Les moyens de faire face à un refus d'exécution

Que se passe-t-il si l'administré refuse d'exécuter un acte ? L'autorité administrative peut-elle sanctionner ou forcer à exécuter ?

Elle le peut mais dans des conditions très restrictives. Elle le peut, comme toujours, au nom de l'intérêt général, du point de vue de l'État, impossible de faire obstacle à la puissance publique. C’est très restrictif car s’est toujours susceptible de porter atteinte "aux libertés individuelles et au droit de propriété".

A) Les sanctions administratives

De par la séparation des pouvoirs, c'est en principe le juge répressif qui a le pouvoir de prononcer des sanctions. C'est ce qui fait qu'il y a de nombreux texte qui prévoient des sanctions

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pénales : des lois mais aussi des règlements.Depuis 58, contraventions sont du domaine du règlement. Il y a malgré tout possibilité de sanctions administratives (actes qui, par leur contenu, sont répressifs, mais qui, par leur auteur, sont administratifs). Voir CADA : pouvoir de sanction en cas de violation des règles relatives à la réutilisation des documents publics.

Le CC a admis leur constitutionnalité : décision de 89 sur le CSA. Mais deux limites :– pas de privation de libertés,– ce pouvoir doit être assorti de mesures protectrices des droits des administrés. Sont applicables tous les principes constitutionnels qui valent pour les procédures pénales : "Le principe de légalité des délits et des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi d'incrimination plus sévère, ainsi que le principe du respect des droits de la défense".Cela rejoint la jurisprudence du CE : dès lors qu'il y a sanction, peu importe que le législateur ait laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non-judiciaire, il y a toujours les mêmes principes à respecter.

En cas de recours contentieux, devant le juge administratif, les sanctions administratives ne relèvent plus de l'excès de pouvoir lorsqu'elles sont " infligées aux administrés " (cela ne vaut pas pour les agents publics objets de mesures disciplinaires ni pour les professionnels soumis à une réglementation. Il y aura toujours pour eux REP avec contrôle restreint pour les agents publics et contrôle normal pour les autres) : arrêt 2009 Société Atom : "le juge se prononce … comme juge de plein contentieux". Ainsi, il peut prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, faire application d'une loi nouvelle plus douce. Voir sujet de 2009.Sanctions pour les administrés = plein contentieux.

B) Exécution forcée ou d'office

Il s'agit d'utiliser la force pour contraindre à exécuter. Dans quelle mesure est-ce possible ?

Le principe est l'absence d'exécution forcée. Voir les conclusions Romieu sur l'arrêt TC Société immobilière de Saint-Just de 1902. Normalement, c'est l'emploi de sanctions pénales qui doit permettre d'obtenir l'exécution.

Exécution forcée possible que dans 3 cas :

➢ Si la loi l'autorise expressément.

➢ S'il y a urgence.

➢ S'il n'y a pas d'autres moyens, c-a-d aucune sanction pénale mais aussi aujourd’hui aucune sanction administrative et plus généralement "à défaut de tout autre procédure pouvant être utilement employée".

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Dossier 7 : Les règles relatives aux objectifs de l'action administrative

Chapitre 1 : La police administrative

Ici, la police sera définie comme activité normative destinée à réaliser certains buts relevant de l'intérêt général. Elle sera ainsi distinguée des actes matériels (contrôle routier, dispersion de manif, ...) qu'accomplissent les personnels qui sont eux aussi dits de police.

Section 1 : Les objectifs de la police administratives

Ils sont très divers. Il s'agit de maintenir l'ordre public, ce que fait la police générale. S'ajoutent différentes objectifs spécifiques qui constituent les polices spéciales.

§ 1 : La police générale

A) La notion d'ordre public

Pour l'essentiel, "l'ordre public, au sens de la police, est l'ordre matériel et extérieur" : Maurice Hauriou. Il s'agit d'empêcher les atteintes :

– A la sécurité publique (accidents, dommages aux personnes, …)– A la tranquillité publique.– A la salubrité publique.

Tel qu'il est ainsi conçu, cet ordre public résulte du développement au XIXè siècle de l'État libéral. Autrement dit, ce n'est pas n'importe quel ordre public, il correspond à un État où il y a des libertés publiques et où les mesures de police qui les restreignent ne doivent pas être la règle mais l'exception. Sauf à devenir totalitaire, l'ordre public ne doit pas devenir trop puissant.

La notion n'en reste pas moins très contingente et relative, elle ne saurait être définie une fois pour toute. Elle dépend des représentations que l'on s'en fait. Elle est l'expression des choix politiques.

Il en va de même pour déterminer ce qu'exige le maintien de l'ordre public. C'est variable dans le temps et dans l'espace. Voir la police municipale. En principe, les mesures à prendre sont fonction de circonstances locales.

IL y a d'autant plus d'incertitudes que la conception traditionnelle de l'ordre public (celle d'Hauriou) tend à se renouveler. Ainsi, le juge administratif a fait de la moralité publique, du respect de la dignité de la personne humaine et de la protection des mineurs des composantes de l'ordre public.Trois jurisprudences à retenir :

➢ Arrêt Société des films Lutetia de 1959 : admet l'interdiction municipale d'un film lorsque sa projection et susceptible "d'être, à raison du caractère immoral dudit film, et, de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public". Jurisprudence qui a toujours été très discuté et souvent même considéré comme dangereuse. Voir conclusions : "l'autorité de police ne peut prévenir les désordres moraux sans porter atteinte à la liberté de conscience ou alors elle tend à imposer l'ordre moral".

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Attention, le caractère immoral. Des circonstances locales sont aussi évoquées. Il doit y avoir des circonstances locales. Voir la diffusion d'une œuvre blasphématoire dans une ville de pèlerinage.Ou film évoquant une affaire criminelle dans la localité où celle-ci s'était déroulée.Si cela peut se justifier, c'est si vrai qu'autorités administratives et juges veillent à éviter les affaires susceptibles de prêter à discussion.

Sauf exception, les maires n'utilisent plus ce pouvoir d'interdiction d'un film. Lorsqu'ils le font, le juge exerce un contrôle très rigoureux.

➢ Jurisprudence concernant les lancers de nains : arrêts Commune de Morsang-sur-Orge et ville d'Aix-en-Provence de 1995. Jurisprudence qui admet, même en l'absence de circonstances locales, l'interdiction d'une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine. En l'espèce, interdiction par des arrêtés municipaux du lancer de nains dans les discothèques. Les nains étaient privés de leur travail.Cela pose les mêmes problèmes qu'en matière de films.

Au moins deux différences avec la jurisprudence sur les films :

• Il n'est pas fait référence à des circonstances locales.• Il s'agit d'un domaine, où, à la différence des films, il n'y a pas de réglementation au niveau national. La jurisprudence est venu combler un vide juridique.Voir arrêt CAA de Douai 2006 Société Valnor : était en cause l'autorisation d'un centre de stockage de déchets ménagers sur un champ de bataille de la guerre 14-18 où il y avait encore des dépouilles de soldats.

➢ Jurisprudence sur le couvre-feu imposé aux mineurs : ordonnance juge des référés préfet du Loiret 2001 : jurisprudence qui admet que pour contribuer à la protection des mineurs, le maire peut faire usage de son pouvoir de police en fonction des circonstances à une double condition : que "les mesures soient justifiées par l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels elles sont édictées et qu'elles soient adaptées par leur contenu à l'objectif pris en compte". Était en cause un arrêté du maire d'Orléans ayant interdit la circulation la nuit des mineurs de moins de 13 ans non-accompagnés d'une personne majeure. Extension de la mission de police. Il s'agit de protéger un intérêt privé.On prévoyait de ramener les mineurs chez eux. S'ajoute une mission de responsabilisation des parents.

AJDA 2002, page 353. Voir actualité : a été adopté au Parlement un projet de loi qui tout en précisant, reprend cette jurisprudence.LOPSI II (loi d'orientation et de programmation pour pour la performance et la sécurité intérieure).

En 2010, la réflexion sur l'ordre public a été relancée et a conduit à la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Voir décision du 7 octobre du CC. Une étude avait été demandée au CE. Il doutait de la constitutionnalité du projet estimant qu'était supposée une conception de l'ordre public n'ayant "jamais été élaborée ni par la doctrine juridique, ni par les juges, et qu'elle ne semble pas rencontrer d'échos dans les systèmes juridiques de nos voisins". Il ne censure pas la loi en se fondant notamment sir l'article 5 de la DDHC de 1789 "la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société". Le CC reste très flou.

Il faut aujourd'hui aussi compter avec le droit de l'UE. Au nom de l'ordre public, les Etats peuvent déroger aux libertés du marché commun. Leurs décisions peuvent être contestées. Voir arrêt CJUE 2004 à rapprocher du lancer de nains : la cour considère comme PGD communautaire le "droit fondamental à la dignité humaine et à l'intégrité de la personne". Était en cause une variante

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d'un jeu laser ayant pour objet de tirer sur des cibles humaines. Ce jeu avait été interdit en Allemagne et une société qui ne pouvait plus l'acheter en Angleterre se plaignait de l'atteinte au principe de libre-circulation des marchandises.

B) Le caractère préventif des mesures prises

Il s'agit de prévenir des atteintes à l'ordre public. C'est ce qui distingue la police administrative de la police judiciaire. L'une est préventive, vise à éviter que l'ordre administratif ne soit troublé, l'autre est dite répressive (constater une infraction, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs).

§ 2 : Les polices spéciales

2 sortes à distinguer :

• Certaines ne concernent qu'un aspect déterminé de l'ordre public. C'est le cas de la police des édifices menaçant ruine. Ou la police des débits de boisson. Ce sont des objectifs inclus dans la police générale. Les isoler permet de leur donner un statut particulier.

• D'autres ont une finalité différente de la police générale. Exemple : la police du cinéma. Relève au niveau national d'une police qui vise la protection des bonnes mœurs, de la moralité des mineurs et des intérêts économiques du cinéma.

Ce qui caractérise ces polices c'est qu'il n'en existe ni définition ni liste très précise. Elles tendent à se multiplier. Elles évoluent en fonction des préoccupations propres à chaque époque.

Section 2 : Le régime juridique des actes administratifs

Il s'agit toujours d'actes unilatéraux. Ce sont aussi toujours des actes non-créateurs de droits qui restreignent l'exercice de libertés. Ils doivent donc être règlementés et contrôlés. La liberté est la règle, la police est l'exception.

§ 1 : Les autorités compétentes

A) En matière de police générale

Jusqu'en 2004, seules les autorités de 3 catégories de personnes publiques pouvaient intervenir : l'État, les communes et les départements.

Avec la loi du 13 aout 2004 se sont ajoutées les EPCI à fiscalité propre. Les maires des communes membres peuvent transférer au président de l'établissement certaines compétences de police dans 5 domaines et dans des conditions fixées par la loi.L5211-9-2 du CGCT.

Trois niveaux de compétence sont à distinguer :

➢ Niveau national : il y a en principe en vertu de Labonne, compétence du PM. A cette compétence s'ajoute celle du PR.

➢ Niveau départemental : 4 compétences à distinguer au niveau départemental :

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▪ Pour prendre des mesures nécessitées par le maintien de la sécurité publique sur les routes nationales hors agglomérations où ce sont les maires compétents.

▪ D'une façon générale, compétence pour prendre tourte mesure de police dont le champ d'application excède le territoire d'une commune. Ex en période de sécheresse : l'interdiction dans tout le département de l'arrosage des pelouses.

▪ Vis a vis des maires et du président du conseil général, pouvoir de substitution d'action. Cela veut dire que si ces autorités ne prennent pas les mesures qui relèvent de leur compétence, le préfet peut, après mise en demeure restée sans résultat, agir à leur place au nom des collectivités concernées lesquelles qui portent éventuellement la responsabilité des mesures prises. C'est un cas où la loi de décentralisation n'ont pas supprimé la tutelle. Avec le déféré préfectoral, elle n'a fait qu'enlever au préfet le pouvoir de suspendre ou d'annuler les arrêtés qu'il estime illégaux ou inopportuns.

▪ Compétence pour le maintien de la tranquillité publique dans les communes où a été instituée une police d'État, c-a-d une police nationale avec des personnels qui sont fonctionnaire de l'État.

Jusqu'en 1995, il s'agissait pour l'essentiel des communes de plus de 10 000 habitants. Une loi a alors supprimé ce seuil. Il peut y avoir police d'État dans une commune en fonction de ses besoins en matière de sécurité.

A Paris existe un régime d'exception. Préfet de police qui a des pouvoirs beaucoup plus importants que les autres préfets. Par exemple, ce qui relève de la circulation, de l'hygiène et de l'environnement. Pouvoirs exercés au nom de la ville de Paris, pas au nom de l'État.

C'est révélateur de la manière dont évolue l'organisation de la région parisienne. La loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupe précise que ce préfet de police a en outre " la charge de l'ordre public dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne et il dirige l'action de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale".Il s'agit là de constituer une "police d'agglomération". Cette mesure permet une collaboration avec la police de la petite couronne. La référence aux gendarmes vient que s'ils ont toujours le statut de militaire, en matière d'ordre public, ils sont aujourd’hui placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur.

➢ Niveau communal : il y a, en tant qu'agent de l'État, compétence du maire. Si le maire est pour l'essentiel l'agent de la commune CT, il agit parfois au nom de l'État. Ainsi, peut-il avoir à assurer l'exécution des "mesures de sûreté générale", mesures prescrites par le gouvernement, alors, évidemment, sous l'autorité du préfet.

S'agissant des autorités communales, seul le maire (sous réserve de transferts et d'arrêtés pris conjointement avec le président de l'EPCI), sous l'autorité du préfet, et avec les limites que l'on a vues, exerce le pouvoir de police.

Ce pouvoir de police est un de ses "pouvoirs propres", c-a-d un de ceux qu'il n'exerce pas en tant qu'exécutif.

Même quand il il y a police d'État, il conserve en matière de tranquillité certaines compétences, concernant notamment les "troubles de voisinage" et les" rassemblements habituels" : foires, marchés, défilés traditionnels, …

Pour l'exécution des arrêtés de police, l'existence d'une police d'État n'empêche plus la commune de créer à ses frais une police municipale. Une loi de 87 a en effet légalisé ces polices et

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leur régime juridique a été fixé par une loi de 1999. Sujet toujours d'actualité, LOPPSI 2 prévoyait que les policiers municipaux auraient un pouvoir de police judiciaire, qu'ils pourraient faire des contrôles d'identités …

S'agissant du département, le président du conseil général a une compétence récente et qui reste limitée car elle résulte d'une loi de 1982 qui l'investit des pouvoirs afférents à la gestion du domaine départementale, notamment "en ce qui concerne la circulation sur ce domaine". Cette compétence, bien que limitée, a pris plus d'importance depuis la loi du 13 aout 2004 en raison du transfert au département d'une grande partie des routes jusque là nationales.

B) En matière de police spéciale

Deux sortes d'autorités peuvent être compétentes :

➢ Des autorités n'ayant pas le pouvoir de police générale :

• Des autorités de l'État (le ministre de la culture pour la police du cinéma, le ministre de l'Intérieur pour la police des étrangers).

• Des autorités de toute autre personne publique (le président de l'université pour le maintien de l'ordre dans les locaux universitaires).

➢ Des autorités ayant le pouvoir de police générale. Elles ont alors compétence :

• Soit dans des domaines relevant de leur compétence générale. C'est le cas de la police des édifices menaçant ruine qui appartient au maire.Ce qui fait qu'il y a police spéciale, c'est l'existence de pouvoirs ou de procédures spécifiques.

• Soit dans des domaines ne relevant pas de leur compétence. C'est le cas de la police des gares et des aérodromes qui appartient au préfet alors que le maintien de l'ordre devrait relever du maire.

C) Les concours de police

Il faut faire coexister toutes les compétences. 3 hypothèses à envisager :

• Le concours des pouvoirs de police générale : arrêt de Néris-lès-Bains de 1902.Arrêt qui confirme Labonne, en généralisant. Si l'autorité de niveau inférieur ne peut empiéter sur les pouvoirs de l'autorité supérieure, elle peut compléter cette prescription mais seulement en aggravant leur sévérité, et à condition que des circonstances locales le justifient.Par exemple, le code de la route limite à 50 km/h dans les agglomérations, un maire peut fixer à 40, 30, … en fonction des circonstances locales.

• Le concours des polices spéciales et de la police générale :

• Soit la loi établissant la police spéciale interdit l'intervention de la police générale, il n'y a pas de problème.• Soit, l'intervention de la police générale n'est pas exclue et, comme dans la jurisprudence Néris, elle peut aggraver la mesure de police spéciale. Voir les films Lutecia. Alors que le ministre avait accordé un visa d'exploitation pour le film "Le feu dans la peau", le maire de Nice a pu interdire la projection.Voir aussi TA Cergy-Pontoise contre préfet de Seine-Saint-Denis : affaire où le préfet n'était pas

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intervenu et le maire prend une mesure. Il est admis que le maire puisse intervenir.

• Le concours entre polices spéciales : chaque police ayant ses objectifs et ses procédures, il ne doit pas y avoir d'empiètement de l'une sur l'autre.

§ 2 : Règle d'adéquation au but

Règle selon laquelle doivent être prises les mesures nécessaires à la réalisation de l'objectif. Si ce n'est pas la seule règle qui s'impose aux autorités de police, elle permet de préciser ce que sont leurs pouvoirs.

S'il y a réellement risque de troubles, l'autorité de police est tenue d'intervenir : il y a obligation d'agir, notamment d'exercer le pouvoir règlementaire. En pratique, c'est assez compliqué : s'il y a bien obligation, il ne saurait y avoir obligation de rétablir l'OP à n'importe quel prix (cas d'une manifestation). Il faut apprécier le bilan coût-avantage d'une action de force. L'autorité de police peut temporiser en choisissant la négociation. Il lui appartient d'apprécier ce qu'il faut faire.

Certaines mesures sont en principe prohibées. Par exemple, il n'est pas possible, par voie de règlement, de subordonner l'exercice d'une activité à une déclaration préalable ou une autorisation. Voir arrêt Daudignac de 1951 : le CE annule l'arrêté d'un maire au motif qu'il ne pouvait, sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie (LCI) subordonner l'exercice de la profession de photographe-filmeur sur la voie publique à la délivrance d'une autorisation.Seul en principe la loi peut le faire.→ Voir la loi de 2001, article 53, relative à la sécurité quotidienne concernant "les rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisés par les personnes privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin".Est instauré un régime de déclaration préalable au préfet.

Sont a priori suspectes les interdictions générales et absolues :

• Elles ne sont pas nécessairement irrégulières

• Mais il convient de se demander si elles ne sont pas trop générales ou absolues

• La règle est qu'il faut en faire le moins possible. Seul est admis ce qui est strictement indispensable.Arrêt Benjamin de 1933 concernant une conférence interdite par un maire. Dans cet arrêt, le conseil d'État commence par rappeler qu'il faut concilier l'exercice des pouvoirs de police avec le respect de la liberté de réunion. De là il conclut qu'aux vues des circonstances, le maire aurait pu "sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures qu'il lui appartenait de prendre".Voir aussi jugements de TA de 95 qui annulent des arrêtés qui interdisent la mendicité.Voir arrêt Bricq de 1997 qui, lui, admet une interdiction de passer la tondeuse le dimanche matin entre mai et octobre (limitée dans le temps).

Chapitre 2 : Les autres services publics

Comme le mot "police", l'expression "SP" a des sens très différents, est polysémique. Elle désigne couramment les activités, les objectifs visés. Elle désigne aussi les organes.→ Voir le Que sais-je ? de Jacques Chevalier : il montre que l'expression est "saturée de significations multiples".

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Au singulier, l'expression désigne principalement une notion : elle qualifie certaines activités auxquelles s'applique un certain régime juridique.

– Quelles sont les activités concernées ?– Quel en est le régime juridique ?

Est aujourd'hui retenue essentiellement une conception fonctionnelle ou matérielle. Service public = activité d'intérêt général assurée ou assumée par une personne publique et régie, au moins partiellement, par des règles de droit public.

Au pluriel, ce sont toutes les activités ainsi qualifiées de service public.

Section 1 : La notion de service public

§ 1 : La notion de SP

§ 2 : Éléments d'identification du SP

Il y a peu encore, on considérait qu'il n'y avait pas de critère très précis. D'aucuns considéraient même que le SP n'était qu'un "label". Voir AJDA 1982, page 427 Didier Truchet.

Force était malgré tout d'avoir quelques repères, quelques cadres de raisonnement. Dans cette perspective,2 éléments d'identification se sont imposés : la mission d'intérêt général et le rattachement à une personne publique.

Si cela rester vrai, la jurisprudence s'est efforcée de clarifier et donc de préciser les critères :

– Comme par le passé, en l'absence de clarification, il ne peut y avoir mission de SP que s'il y a mission d'intérêt général. C'est malgré tout l'élément premier.Voir arrêt Rolin de 1999 concernant le LOTO et autres jeux.

– S'il doit toujours aussi y avoir rattachement à une personne publique, différentes hypothèses sont à distinguer :

– Si la personne publique assure elle-même l'activité, il y a forcément rattachement. Mais il n'y a pas toujours pour autant service public.Voir arrêt Ordre des avocats au barreau de Paris. Il distingue les missions de SP dont sont investies les personnes publiques et les activités qu'elles peuvent prendre en charge si elles justifient d'un intérêt public (et si elle respecte la LCI et le droit de la concurrence). A lire l'arrêt, on peut penser que dans le second cas, il n'y a pas SP. C'est ambigu parce que les activités visées correspondent à ce qu'on a toujours appelé SPIC.

– Si la personne publique n'assure pas elle-même : arrêt APREI de 2007 (association personnelle relevant des établissements pour inadaptés).

Sont réservées les cas où le législateur a tranché.

Hors ces cas, "une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration, et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public" (solution traditionnelle).

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Jusqu'à cet arrêt, la question était de savoir si en l'absence de telles prérogatives, il pouvait u avoir service public.Réponse positive de l'arrêt : "même en l'absence de telles prérogatives, différents indices sont énumérés concernant la création, l'organisation et le fonctionnement de l'activité ainsi que les obligations imposées".Il en ressort qu'il peut y avoir SP s'il apparaît que l'administration a entendu confier à la personne privée une telle mission.Arrêt société UGC ciné citée de 2007 : exemple d'application.

– Arrêt Commune Aix-en-Provence de 2007 ajoute une autre hypothèse : si personne privée a pris l'initiative de l'activité. Normalement, pas de service public. Il peut en aller autrement "si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y fait obstacle, des financements".

Une activité d'initiative privée peut devenir service public.

§ 3 : SPA et SPIC

Un SP est présumé administratif. Cette présomption ne cède que si trois conditions se trouvent simultanément remplies : voir conclusions arrêt 1956 USIA (union syndicale des industries aéronautiques). Si une condition manque, pas SPIC mais SPA. Pour qu'il y ait SPIC :

– Objet du service analogue à une entreprise privée.

– Le financement du service doit être assuré "pour l'essentiel" par le prix ou la redevance que payent les usagers pour services rendus. S'il y a financement par l'impôt ou par subvention, le SP est administratif.Élément le plus précis. Il peut poser problème du fait de la multiplicité des financements.

– Les conditions de fonctionnement du service doivent renvoyées aux usages du commerce et à des règles de droit privé.Voir par exemple avis contentieux CE 2000 Madame T, conclusions Chauvaux. Concerne les activités de l'établissement français du sang. Le CE répond qu'il y a SPA parce qu'il y a "mission de santé publique qui se rattache par son objet au SPA. Peu importe que le financement et certaines règles de fonctionnement soient semblables à ceux des SPIC".

§ 1 : Évolution de la notion de SP

Quatre périodes peuvent être distinguées :

➢ La théorisation : si au XIXè siècle, l'expression SP a pu figurer dans différents arrêts (Blanco par exemple), la notion n'a été vraiment théorisée que fin XIXè/début XXè, notamment par "l'école du SP" (= école de Bordeaux (doyen = Duguit)). L'école de Bordeaux s'oppose à l'école de Toulouse (doyen = Maurice Hauriou).Il semble y avoir trois éléments pour définir le SP :

• Activité visant à satisfaire l'intérêt général.

• Elle est prise en charge par une personne publique.

• S'applique un droit spécial.

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SP = personne publique = DA. La notion de SP paraît être la pierre angulaire du DA :notion déterminant tout à la fois le champ d'application et la compétence du JA.Il y a malgré tout des difficultés. L'équation réputée limpide n'est pas toujours vrai, même à cette époque-là. Certains SP échappent au DA. Il y a pour les autres SP une part de gestion privée → arrêt des porphyroïdes.

Même à cette époque, il y avait incertitude sur le premier élément de la définition. Duguit considère comme SP "toute activité indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, toute activité de nature telle qu'elle ne peut être réalisée que par l'intervention de la force gouvernante".Il s'appuyait sur la sociologie de Durkheim et sur le solidarisme de Léon Bourgeois. On lui a reproché de ne jamais énumérer très précisément les activités en question.

Gaston Jèze précisait qu'il fallait s'en tenir à la seule intention des gouvernants. Faute de critère objectif, pour lui était SP tout besoin d'intérêt général que les gouvernants d'un pays donné, à une époque donnée, ont décidé de satisfaire par le procédé du SP.Cela équivalait à admettre que l'on ne pouvait pas définir le SP.A partir des 20's, avec le développement de l'interventionnisme, s'est produit un double éclatement, et donc, une crise.

➢ La crise : Aux incertitudes concernant l'intérêt général, s'est ajouté dans le droit positif le rejet des deux autres éléments de la définition. Sur le premier, personne n'est d'accord. Les deux autres sont évacués.

◦ Sont apparus les SPIC suite à l'arrêt du TC Société commerciale de l'Ouest Africain de 1921. Arrêt dit aussi du Bac d'Eloka : Bac qui transportait des voyageurs et des véhicules sur le littoral de la Cote d'Ivoire. En coulant, il endommage un véhicule de la compagnie requérante. "La colonie de la CI exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire". Il n'est pas question de SP. L'arrêt a malgré tout était lu et interprété comme admettant que des services publics tout entier puissent relever du droit privé. Cela permettait de justifier le développement des interventions publiques.Ne retrouve-t-on pas dans l'arrêt ordre des avocats du barreau de Paris de 2007 la logique de Bac d'Eloka ?L'arrêt de 21 distingue les activités de SP et celles assurées dans les conditions d'un industriel ordinaire. L'arrêt de 2007, de même, oppose à ce qui est SP les activités économiques prises en charge par des personnes publiques. Entre les deux périodes, pour ses activités, on a fini par dire SPIC. Si on revient à la logique de 1921, on ne dit plus SPIC. Voir les conclusions Boulouis sur CE département de la Corrèze 2010.

◦ Recours à des personnes privées pour gérer des SPIC : voir arrêts Montpeur et Manier.

➢ Le retour : au terme de cette évolution, le SP n'implique ni implication du DA, ni même activité d'une personne publique. Ne subsiste que l'élément de l'intérêt général.Paradoxalement, en dépit de la crise, à partir des 50's, il y a eu retour en force de la notion de SP. D'abord, la jurisprudence a utilisé la notion pour déterminer différents critères de compétence du JA. Elle l'a fait pour les contrats (arrêts Bertin et Grimouard de 56).Pour les travaux publics aussi : arrêt Effinieff de 55.Les grands principes du SP ont été réaffirmés :

• L'égalité,• La continuité,

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• La mutabilité.

La notion n'a jamais cessé d'être utilisée comme point de référence par le législateur. Voir loi de 2008 relative à la réforme de l'organisation du SP de l'emploi. Voir aussi la loi du 20 aout 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, en cas de grève. Cette loi crée un nouveau SP que l'on a appelé le SP d'accueil des élèves.La notion de SP n'est plus celle conçue par l'école du SP. On ne dit plus seulement activité assurée par une personne publique mais assurée ou assumée par une personne publique. De même, on ne dit plus activité relevant du DA mais régie au moins partiellement.

➢ Le face à face avec l'Europe : à partir des 80's, se sont posés des problèmes de conciliation entre la Notion de SP et les notions de SIEG et de service universel propres au droit communautaire.Le traité de Rome ignorait pour l'essentiel la notion de SP. On y trouve une fois l'expression à propos de la politique commune des transports.On a pu penser que les SP étaient menacés. Il y a eu évolution, trois périodes :

• Indifférence : tout autant que le traité, le droit communautaire dérivé ignore la notion de SP.

• Recherche d'une concurrence effrénée dans les 80's.

• Recherche d'un équilibre. Lecture plus soucieuse d'établir un équilibre. Arrêt Paul Corbeau de la CJCE à l'origine de cette évolution.

➢ Notion de SIEG instrument de cette évolution. Selon le traité de Rome, article 106 de l'actuel TFUE, "les entreprises chargées de la gestion d'un SIEG sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de la concurrence, dans les limites où, l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie".Pour la CJCE, sont considérées comme des entreprises toutes les entités exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (peu importe la nature privée ou publique). Ainsi défini, les entreprises se distinguent de l'autorité publique.Quant à l'activité économique, elle se définit comme toute activité consistant à offrir des liens ou des services sur un marché donné.

Deux questions se sont posées, notamment dans l'affaire Paul Corbeau :

Quelles sont les activités économiques d'intérêt général ? Quelles dérogations aux règles de la concurrence sont possibles ?→ CJCE a eu tendance à admettre de plus en plus facilement tout à la fois l'existence d'un SIEG et la possibilité d'y déroger.

Dans l'affaire Corbeau, il s'agissait des postes belges, elles ont été considérées comme SIEG et la Cour admet une limitation de concurrence de la part des entrepreneurs particuliers au niveau des secteurs rentables pour permettre aux postes belges d'assurer les secteurs moins rentables.

La notion de service universel est apparue parallèlement comme une notion-plancher : dans un secteur donné, elle désigne un ensemble minimal de service qui doivent être mis à la disposition des citoyens.Trois éléments la caractérisent : universalité, qualité du service, abordabilité du prix. Le troisième complète le premier.

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Rien n'empêche les États d'aller au-delà et de définir des missions d'intérêt général supplémentaires.Voir la réforme des télécommunications de 96 transposant une directive. Elle introduit dans ce secteur un service universel, lequel n'est qu'un élément parmi d'autres du SP.

Va-t-on vers une fusion des catégories de SP dans les catégories du droit de l'UE ? Des SIEG on est passé au SIG (service d'intérêt général) comprenant les SIEG et les SNEIG (services non-économiques d'intérêt général). C'est ce que consacre le traité de Lisbonne dans un des protocoles.

A certains égards, l'opposition SIEG/SNEIG se rapproche de la distinction SPIC/SPA. Voir article Truchet, AJDA 553, il en conclut qu'il faudrait "renoncer à l'expression SP". → Très controversé. Ignore la dimension symbolique du SP.

Une cinquième période peut être s'annonce : la fusion dans les notions du droit de l'UE.

Section 2 : L'organisation et le fonctionnement des SP

§ 1 : La création et la suppression des activités de SP

Deux questions se posent : quelles sont les autorités compétentes ? Quel est l'étendu de leur compétence ?

A) La compétence du législateur

34 C° ne lui donne pas explicitement compétence mais différentes dispositions font qu'il continue de jouer un rôle essentiel. Par exemple, il fixe notamment les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. → Limitation des libertés. Si la création ou la suppression est en principe une question d'opportunité, il y a des SP imposés par la C°. Voir les privatisations en 86. Il en ressort qu'il existe des SP constitutionnels qui ne pourraient être transférés à des personnes privées. La jurisprudence ne dit pas clairement ce qu'ils sont.Ce qui est sur, c'est qu'il y a au moins les SP régaliens, ceux qui correspondent à des questions de souveraineté. La création doit aussi se faire dans le respect du droit communautaire, notamment sous réserve de dérogations justifiées par l'existence d'un SIEG dans le respect des règles de la concurrence.

B) La compétences des autorités administratives

S'agissant des Collectivités Territoriales, il y a d'abord des SP dont la création par l'Assemblée délibérante est légalement obligatoire. Il y a faculté de créer des SP prévus ou non par la loi : arrêt Chambre syndicale de commerce de détail de Nevers de 1930 : il fixe des limites à la compétence compte tenu notamment de la LCI. Il considère que "les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée, et que les conseils municipaux ne peuvent ériger des entreprises de ce tte nature en SP communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière".→ Même logique qu'en matière de police : la liberté est la règle, le SP est l'exception.

En toute hypothèse, la création doit se faire dans le respect du droit de la concurrence.En est résulté une tendance à considérer que les CT peuvent, tout comme l'État, toujours

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concurrencer les entreprises privées dès lors qu'il y a égalité des conditions d'intervention (tendance à considérer que la jurisprudence de 1930 était abandonnée).

Toutefois, l'arrêt Ordre des avocats au barreau de Paris de 2006 a réaffirmé que la prise en charge d'activités économiques par les personnes publiques ne peut se faire que "dans le respect tant de la LCI que du droit de la concurrence".Une fois qu'elle intervient, elle doit le faire à égalité avec d'éventuelles personnes privées.

§ 2 : Le choix du mode de gestion

Il ne suffit pas de créer un SP, il faut encore décider de la manière de l'assurer. Ce choix appartient aux collectivités publiques responsables des services (État ou CT).→ arrêt Ville d'Aix-en-Provence de 2007.

Il y a deux possibilités : soit la gestion est directe, soit elle est déléguée.

A) La gestion directe

Si on décide de gérer directement un SP, les collectivités publiques "peuvent, à cette fin, le gérer en simple régie ou encore s'il s'agit de CT, dans le cadre d'une régie à laquelle elles ont conférées une autonomie financière et le cas échéant, une personnalité juridique propre". Régie = gestion directe par la collectivité. Cela dit, cela n'empêche pas une certaine autonomie, voire même une personnalité.

Il y a aussi gestion directe du SP si des collectivités publiques "créent à cette fin un organisme dont l'objet statutaire exclusif est, sous réserve d'une diversification purement accessoire, de gérer ce service et, si elles exercent sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leur propre service". C'était le cas en l'espèce : était en cause l'association gérant le festival d'art lyrique. Le CE reprend la jurisprudence communautaire sur les prestations intégrées.

Cela dispense de conclure une délégation de SP, notamment il n'y a pas à respecter les règles de publicité et de mise en concurrence relatives à ces contrats. Voir jurisprudence Teckal. La CJCE, dans l'arrêt Commission contre Allemagne, a admis une même solution lorsque plusiuers collectivités mettent en commun. Il s'agissait de l'élimination de déchets.

Une loi du 28 mai 2010 a autorisé la création par les CT de SPL (sociétés publiques locales). Elle fait suite à une loi de 2006 autorisant à titre expérimental la création de SPLA (sociétés publiques locales d'aménagement).En 2010, il s'agit de sociétés à capitaux entièrement publics. Dès lors qu'il ait prévu que les conditions exigées par la jurisprudence Teckal soient remplies, l'objectif est d'éviter toute règle de publicité et de concurrence.

Jusque là, il n'y avait que des SEM (sociétés d'économie mixte) qui, outre les personnes privées et certains établissements publics, étaient délégataires de SP. Pour déléguer un SP ou renouveler une délégation, il fallait procéder à une mise en concurrence. Les SPL permettent de l'éviter.

B) La gestion déléguée

La délégation doit être faite à un tiers "authentique", pas par exemple une association transparente (commune de Boulogne-Billancourt), sinon on est dans l'hypothèse des prestations

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intégrées.

Il y a des cas où elle n'est pas possible. Cela dit, la délégation peut être contractuelle ou unilatérale.En principe, doit être conclu un contrat de délégation de SP ou un marché public. Une exception est envisagée lorsque le tiers auquel la collectivité s'adresse, ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel. Ça doit viser les cas où l'activité confiée au tiers n'est pas une activité économique.

Il y a aussi de nombreuses délégations unilatérales. Voir le cas des délégations faites à des fédérations sportives.

§ 3 : Les différentes régimes juridiques

Les régimes juridiques des SP varient en fonction des catégories de services. S'il y a SPA, les rapports avec les usagers, le personnel et aussi les tiers sont en principe régis par le DA.

Les régimes juridiques varient en fonction du statut des organes. Le fait qu'il y ait personne publique ou personne privée n'est pas indifférent. Si l'organisme est privé, son statut relève du droit privé. Le DA reste l'exception. Si c'est une personne publique, le statut relève du DA.

Quelle que soit la catégorie de service, ou le statut de l'organe de gestion, s'il y a activité économique, doivent être respectées les règles de la concurrence.Ces règles résultent de l'ordonnance de 86 relative à la liberté des prix et de la concurrence mais aussi du droit communautaire. Elles s'appliquent aux actes administratifs. Arrêt Million et Marais de 1996. Elles n'interdisent pas le versement d'aides qui sont la compensation d'obligations de SP.Si l'entreprise gère un SIEG, et si elle a des obligations que n'ont pas ses concurrents, les aides visent à rétablir l'égalité. Règles fixées par arrêt CJCE Altmark de 2003.

§ 4 : Les principes généraux de fonctionnement

Différents grands principes traditionnels régissent les SP.➢ Le principe de mutabilité : le régime des SP doit pouvoir être adapté à l'évolution des besoins collectifs. Explique le pouvoir de modification unilatérale des contrats. Explique aussi le caractère mixte des contrats.Explique aussi le fait qu'il n'y a pas droit au maintien d'un SP.

➢ Le principe de continuité : il faut satisfaire sans interruption aux besoins d'intérêt général. Explique la théorie de l'imprévision en matière de contrats. Explique aussi en matière de fonction publique la règlementation relative à la grève.

➢ Le principe d'égalité : des situations identiques doivent être traitées de manière identique.

➢ Le principe de neutralité : implique l'égalité. S'il est lié au principe d'égalité, il résulte tout autant du principe de laïcité.Selon la jurisprudence du CE, sa portée n'est pas la même pour les usagers et les agents du SP.

Depuis le années 90's, dans le cadre de la politique de modernisation administrative, de nouveaux principes tendent à s'imposer. Voir la circulaire du PM de 95 relative à la reforme de l'État et des SP : était affirmé la nécessite de "donner corps à des principes nouveaux : la qualité, l'accessibilité, la simplicité, la rapidité, la transparence, la médiation, la participation, la responsabilité". Principes destinés à compléter les principes traditionnels.

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Deux questions : qu'en est-il de ces principes ? Avec la RGPP, le principe premier ne devient-il pas de faire des économies ? Ne reforme-t-on pas désormais les SP sur le modèle de l'entreprise dans la mise à l'écart des exigences d'intérêt général ?→ Le Monde, 29 mars.

Dossier 8 : Règles relatives à la responsabilité administrative

La RA est l'une des trois sortes de R susceptibles d'être encourues par les personnes publiques. Elle se distingue de leur éventuelle RC quand il y a SPIC mais aussi parfois de leur RP, laquelle résulte de l'article 121-2 du Code Pénal.

Au sein de la RA, seule sera traitée la responsabilité extra-contractuelle. Il existe en effet une responsabilité contractuelle (responsabilité sans faute).

S'il y a des règles propres au DA, les problèmes posés n'ont, pour l'essentiel, rien de spécifique.

La R n'est jamais que l'obligation qui pèse sur une personne de réparer les dommages subis par une autre. Toujours quatre éléments se distinguent :

– La constatation d'un préjudice subi par un plusieurs victimes.

– L'identification d'un fait générateur.

– L'imputabilité du préjudice au fait générateur (lien de causalité).

– Évaluer le préjudice. Réparation.

Chapitre préliminaire : Introduction

§ 1 : L'affirmation de la responsabilité administrative

Résulte de l'arrêt Blanco de 1873.

A) De la loi des 16 et 24 aout 1790 à Blanco

Après la loi de 1790, le principe était resté celui de l'irresponsabilité de l'État. C'était une survivance de l'idée que le Roi ne peut mal faire.

Il n'y avait par conséquent que quelques régimes spéciaux de R. Ainsi, en matière de travaux publics, la R ne pouvait être engagée que sur le fondement de la loi du 28 pluviôse an VIII.

Pour la gestion du domaine privé, avait aussi très vite été admise la compétence judiciaire. Il en allait de même pour les collectivités locales : R engagée car considérées comme des groupements privés.

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Cela dit, la charge de la responsabilité était normalement reportée sur les fonctionnaires qui, suite à 75 C° de l'an VIII, qui s'est appliqué au-delà de la C°, pouvaient être poursuivis, mais devant les tribunaux judiciaires. C'était malgré tout très restreint, très théorique, en raison de la garantie des fonctionnaires : il fallait, pour poursuivre, une autorisation du CE, laquelle n'était quasiment jamais accordée.

B) Les arrêts Blanco et Pelletier (TC, 1873)

Blanco pose le principe selon lequel la R de l'État a ses "règles spéciales" et n'est ni générale, ni absolue. S'il sous-entend ainsi un principe de R, l'arrêt reste restrictif.La formule marque deux limites : la R n'est pas générale en raison de l'irresponsabilité totale qui reste attachée à certaines activités. Elle n'est pas absolue parce qu'il y a des cas où la R est subordonnée à une faute d'une certaine gravité (faute lourde).

L'arrêt Pelletier a distingué la faute personnelle relevant du juge judiciaire de la faute de service relevant du JA.

Cet arrêt fait suite à un décret de 1870 supprimant la garantie des fonctionnaires. Il donne de ce décret une interprétation restrictive. Alors que d'aucuns pensaient que les fonctionnaires, désormais, pourraient toujours être poursuivis devant les tribunaux judiciaires, le TC juge que cette possibilité ne vaut que s'il y a eu de leur part faute personnelle, c-a-d faute qui, selon La Ferrière (Édouard de son prénom, fils de Firmin), "l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences".Il doit y avoir faute détachable des fonctions exercées, susceptible d'être appréhendée en elle-même.

"Si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur", la compétence ne peut qu'être administrative. Voir arrêt Papon.

§ 2 : L'évolution

A) L'extension de la RA

La première extension résulte de l'unification du contentieux de l'État et de celui des CT. Blanco ne concernait que l'État. Deux autres arrêts ont permis de généraliser.

– Arrêt Terrier de 1903, à propos de la R contractuelle d'un département.

– Arrêt Feutri de 1908 en matière de R quasi-délictuelle : compétence administrative dès lors qu'était en cause l'organisation et le fonctionnement d'un SP.

D'autres extensions ont eu pour effet à la fois de supprimer en matière administrative les cas d'irresponsabilité et de réduite les cas où une faute lourde est rédigée.

Deux arrêt symbolisent ces notions :

– Arrêt Tomaso Grecco de 1905 : reconnaît que l'État est responsable même pour ses activités de police.

– Arrêt Monsieur et madame V : exigence d'une faute lourde dans le contentieux de la R

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hospitalière. Accident survenu lors d'un accouchement.

S'est aussi développée une R sans faute.

En toute hypothèse, on a pu admettre que c'est le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques qui fonde la jurisprudence.

En matière de R pour faute, on estime anormal que le service ait mal fonctionné pour certains alors qu'il fonctionnera bien pour d'autres.Même idée en matière de responsabilité sans faute : on considère anormal que certains soient seuls à supporter des charges ou risques inhérents à telle ou telle activité d'intérêt général.

Qu'en est-il de la R de l'État du fait des lois adoptées en méconnaissance des engagements internationaux de la France ? Responsabilité admise par Gardedieu (2007).

C'est le même principe qui explique en partie les limites de la RA.Si la vie en société comporte des avantages, il faut aussi en supporter certains inconvénients. Toute rupture de l'égalité n'est en conséquence par indemnisée. Il faut que le dommage soit anormal.

A ces limites s'en ajoute une autre qui vient de la multiplication des cas de compétence judiciaire.

Aujourd'hui, il n'y a pas seulement eu extension de la R proprement dite parce que celle-ci n'est pas toujours apparue suffisante ou adaptée. En effet, il y a des cas où, au nom de la solidarité nationale, le législateur a prévu des systèmes d'indemnisations originaux et cela indépendamment des actions en R qui peuvent être engagées par ailleurs contre les auteurs de dommages.

Ainsi en est-il pour les victimes de dommages corporels résultant d'une infraction pénale, les victimes d'acte de terrorisme, les victimes contaminées (SIDA, amiante). Voir aussi l'actualité → Mediator → création d'un fonds d'indemnisation. Chaque fois un fonds est créé : il indemnise. Il se trouve subrogé dans les droits de la victime et dispose d'une action récursoire à l'encontre du ou des responsables.

La société prend en charge le risque. Voir le rapport du CE 2005 : Socialisation du risque. La loi du 5 juillet 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ne participe pas de cette logique. En effet, aucun fonds n'est institué par cette loi : la loi ne fait qu'organiser une procédure permettant une indemnisation.

Si la victime accepte la somme proposée, cela vaut transaction et aucune action juridictionnelle n'est plus possible.

B) Les cas de compétence judiciaire

Cas où il est fait exception à la compétence administrative. Sur ce, …

Chapitre 1 : Le fait générateur de la responsabilité

Section 1 : La responsabilité pour faute

§ 1 : La faute de service

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Il y a faute quand on n'a pas fait ce qu'on aurait du faire. La difficulté est de diagnostiquer la faute. Reste à savoir ce que cela veut dire.

Peuvent être fautifs soit des actes juridiques, soit des opérations matérielles (agissements). Pour les premiers, c'est en principe très simple. Toute décision irrégulière a le caractère d'une faute. Attention quand même, c'est en réalité plus subtile et quelque peu incertain.La règle ne signifie pas que toute faute génère un préjudice indemnisable au moins pour deux raisons :

• Souvent, des actes annulés, par exemple pour vice de procédure, ne donnent pas droit à des indemnités parce qu'au fond ils se révèlent justifiés.

• Il reste des cas où une faute lourde est exigée.

Cela dit, pour les opérations matérielles, pas de règle générale. Si un agent est en cause, on est assez proche de la logique du droit civil : est fautif le comportement qui aurait pu être évité par un agent normalement formé et diligent.Pour le reste, il faut qu'il y ait faute anonyme du service résultant de dysfonctionnements divers. Voir l'affaire de l'amiante : arrêt Botella de 2004 : le CE juge qu'il y a eu faute de l'État du fait de carences dans la prévention des risques.

L'ordonnance CAA Douai reconnait l'état fautif pour n'avoir pas assuré à des prisonniers des conditions de détention conformes à la dignité humaine.

Voir aussi arrêt Bleitrach : est créé un nouveau cas de R sans faute : avocate handicapée moteur. Attention, dès lors qu'il n'est pas fait allusion à la gravité de la faute, cela signifie qu'une faite lourde n'est plus exigée.

Dans certains cas, une faute simple ne suffit pas. La Jurisprudence exige une faute lourde. L'idée générale est que ces cas ont beaucoup diminué depuis quelques années. Voir en matière hospitalière arrêt Monsieur et Madame V de 1992.

Voir aussi le cas des activités de secours et de sauvetage : différents arrêts dans les années 90 ont abandonné également l’exigence d’une faute lourde. Ils concernent les cas d’urgence comme les sauvetages en mer, les secours et la lutte contre l’incendie.

Voir aussi en matière d'administration pénitentiaire l'arrêt Chabba de 2003 : abandonne l'exigence d'une faute lourde. Il juge qu'un suicide en prison est la conséquence d'une "succession de fautes imputables aux services pénitentiaires". Attention : dès lors qu'il n'est pas fait allusion à la gravité de la faute, cela signifie qu'une faute lourde n'est pas ou n'est plus exigée.

En matière d'administration fiscale, arrêt du 21 mars 2011 Monsieur K : un nouveau clou dans le cercueil de la faute (sous-entendu un nouveau recul : la faute lourde souffre, elle agonise, elle a très mal).

Jusque là faisait référence un arrêt Bourgeois de 1990 qui faisait subsister l'existence d'une faute lourde lorsque le fisc se heurte à une difficulté particulière. Avec la nouvelle jurisprudence, cette réserve disparaît.

Restent malgré tout des activités ou il faut toujours une faute lourde. 2 cas notamment à noter :

➢ L’activité des juridictions administratives : longtemps il y a eu irresponsabilité pure et

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simple, ce n’est plus tout a fait vrai.Il y a eu une évolution constitutive à une loi de 1972 sur les juridictions judiciaires qui posait le principe d'une responsabilité pour faute lourde et plus précisément cette évolution a été consécutive à un arrêt de 1978 Darmont, où tout en reconnaissant que la loi ne s'applique pas aux juridictions administratives, le CE y admet à la charge de l'État une responsabilité pour faute lourde, sauf pour ce qui concerne les décisions juridictionnelles devenues définitives.

Cela n'est plus tout à fait vrai : un arrêt Gestas de 2008 a admis une dérogation. Ainsi, la responsabilité de l'état peut être engagée "dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entachée d'une violation manifeste du droit communautaire, ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers". Jurisprudence consécutive à celle de la CJCE condamnant l'irresponsabilité lorsque sont en cause des décisions violant le droit communautaire.

Attention, indépendamment de ces jurisprudences Darmont et Gestas, la responsabilité de l'État peut être aussi engagée selon un régime de faute simple en raison de la durée excessive d’une procédure. Fait référence à l’arrêt Magiera de 2002, ce n’est plus la même démarche que les jurisprudences Darmont et Gestas.

➢ L’exercice du contrôle de légalité = voir arrêt commune de Saint Florent de 2000 = faute lourde d’un préfet qui n’a pas déféré au TA pendant 3 ans, neuf délibérations successives d'un syndicat intercommunal, "manifestement entachées d’incompétence et ayant des conséquences financières graves pour les communes".

Remarque (en voie de disparition) : pour d’autres activités, l’exigence d’une faute lourde est réputée variée selon les circonstances. 2 exemples systématiques :

• L’activité des services fiscaux : ne vaut plus depuis l'arrêt Monsieur K.

• La police : évolution. Au départ, suite à l’arrêt Tomaso Grecco de 1905, il n'y avait que faute lourde.Par la suite, ont été distinguées les activités sur le terrain et les activités bureaucratiques. Comme cela n'a jamais été systématique, il a été admis que la jurisprudence procède au cas par cas. S'il y a un choix difficile à faire, nécessitant une appréciation délicate, il y a régime de faute lourde. Sinon, il y a faute simple.Aujourd’hui, faute de jurisprudence significative, on finit par se demander s’il y a vraiment toujours exigence d’une faute lourde.

§ 2 : La répartition de la responsabilité entre l’administration et sesagents

La répartition continue de se faire sur la base des principes posés par l'arrêt Pelletier.

Il y a toujours eu tendance au développement de la responsabilité administrative au détriment de la responsabilité personnelle pour permettre aux victimes de mettre en cause l'administration plutôt que ses agents pour faciliter leur indemnisation. Ce développement s’est fait de deux manières :

• Par une conception restrictive de la faute personnelle : voir arrêt TC Thépaz de 1935, arrêt qui considère que même une faute pénale peut ne pas être une faute personnelle (la faute est liée au service), la faute personnelle est difficilement admise.

• Par des "théories du cumul", théories qui posent des problèmes particuliers par rapport à la

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répartition de la responsabilité.

A) Les théories du cumul

Alors que l’arrêt Pelletier paraissait considérer que les deux sortes de fautes étaient exclusives l’une de l’autre, la jurisprudence a admis l’action contre l’administration même quand le dommage résulte d’une faute personnelle.

D’abord a été admis ce que l’on appelle "le cumul de faute" par l’arrêt Anguet de 1911. Il en ressort que s’il y a plusieurs fautes à l’origine d’un seul et même dommage, la victime peut soit réclamer l’intégralité de la réparation à l’Administration soit agir contre le fonctionnaire.

En l’espèce, un bureau de poste ferme avant l’heure (faute de service), de là, pour faire sortir Anguet, deux agents le brutalisent au point de lui casser la jambe (faute personnelle). Faute personnelle qui n’a été rendue possible que par la faute de service.

A ensuite été admis "le cumul des responsabilités" par l’arrêt époux Lemonnier de 1918 : il s’agit toujours de permettre à la victime de choisir son action mais dans l’hypothèse où le dommage est causé par une faute unique qui s’analyse à la fois comme faute personnelle et comme faute de service.

Histoire d’un maire qui autorise un stand de tir sur le bord d‘une rivière alors qu’il y a de l’autre côté de la rivière une promenade → faute personnelle (car des promeneurs reçoivent des balles et sont blessés) mais faute considérée également comme faute de service (faute du maire d’avoir autorisé cela) car elle n’a été rendue possible qu’en raison du pouvoir dont disposait le maire.

Cumul de R : faute unique du au fait de l'agent mais entrainant la responsabilité du service aussi bien que celle de l'agent.

B) Les actions récursoires

Suite logique, car dès lors que la responsabilité de l’administration a été engagée pour des fautes essentiellement personnelles, le problème s’est posé de la possibilité pour cette Administration de se retourner contre ses agents, autrement dit de faire des actions récursoires.

➢ Dans un premier temps, suite à l’arrêt Lemonnier dans les années 20, toute action récursoire est apparue impossible (pas de fondement très solide). Seul existait alors un mécanisme de subrogation destiné surtout à éviter que la victime, ayant attaquée à la fois l’administration et l’agent, ne perçoive deux indemnités.

Hypothèse où le juge administratif condamne l'administration à réparer et le juge judiciaire, de son côté, condamne l'agent. L'agent, au lieu de régler la victime, de par la subrogation, règle l'administration.

Si l’administration pouvait récupérer des sommes versées parce qu’elle avait été condamnée pour faute de service, c’était très théorique, elle ne pouvait qu’être exceptionnelle. Il y avait donc toujours quasi-irresponsabilité des fonctionnaires.

➢ Ce sont deux arrêts de 1951 Laruelle et Delville qui ont admis la possibilité d’actions récursoires :

▪ Action de l’administration contre son agent ;

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▪ Mais aussi action de l’agent contre l’administration.

Ces actions relèvent toujours du juge administratif alors même qu’il va falloir apprécier des fautes personnelles. Si une faute personnelle est exclusive du dommage, tout peut être mis à la charge de l'agent public. S'il y a différentes fautes, il faut répartir. Ce sont toujours des problèmes qui ne concernent plus la victime.

Il s’agit pour ce juge de régler la contribution finale de l’administration et de l’agent à la charge des réparations. Pour une illustration où il a été fait une application de cette théorie du cumul, voir l’arrêt Papon de 2002 : le CE a admis un partage des responsabilités, il a estimé qu’il y avait faute personnelle de Maurice Papon. Mais en même temps, il y avait faute de l'État.

Le CE a condamné l'État à prendre en charge la moitié des dommages-intérêts. Voir aussi sur la responsabilité du CE pendant la même période l’avis contentieux du 16 février 2009 qui confirme qu’il y a une faute de l'État.

Section 2 : La responsabilité sans faute

L'anormalité ne se situe plus au même niveau. Dans la responsabilité pour faute, ce qui est anormal, c’est la faute. Dans la responsabilité sans faute, c’est d’abord le dommage qui est anormal dans la mesure où il n’y avait pas de faute.

Certaines conditions doivent en principe être réunies pour qu’il y ait préjudice anormal (générateur d'une rupture d'égalité devant les charges publiques).

Deux sont positives :

• Le préjudice doit être "spécial" c-a-d doit être particulier à un individu ou à un groupe d'individus, mais pas à tout le monde.

• Il doit être "grave", parfois "suffisamment graves". Dépend souvent de considérations d'équité.

Deux autres conditions que l’on peut dire négatives s'ajoutent :

• Le préjudice ne doit pas s’analyser comme la réalisation d’un aléa normalement assumé par la victime (un risque que prend la victime en toute connaissance de cause).

• La réparation ne doit pas avoir été exclue par le législateur (pour la jurisprudence le silence de la loi a longtemps semblé synonyme d’exclusion. Ce n’est plus le cas.Voir l’arrêt de 2005 Société coopérative agricole Ax’ion.

Deux sortes de situations peuvent conduire à un préjudice anormal, on distingue 2 types de responsabilités sans faute :

➢ La responsabilité pour risque (celle dont le préjudice résulte de la réalisation d’un risque).

➢ La responsabilité pour rupture directe de l’égalité devant les charges publiques, hypothèse où on ne fait plus le détour par la faute ou le risque, responsabilité directement fondée sur le principe de légalité (préjudice sciemment causé).

§ 1 : La responsabilité pour risque

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A) Les dommages subis par les collaborateurs du service public

A été admise la responsabilité pour risque professionnel → arrêt Cames de 1895. Premier grand arrêt concernant la R sans faute.

Mais aujourd’hui il n’a plus aucun intérêt. 2 précisions :

➔ Il ne concerne que les collaborateurs permanents à l’exception des fonctionnaires civils et militaires car pour ceux-ci il y avait déjà des régimes forfaitaires d’indemnisations.Des lois ultérieures lui ont fait perdre sa portée, notamment la loi de 1946 qui généralise la sécurité sociale et qui fait qu’un employeur public est couvert par la SS.

➔ L'arrêt Cames conserve quand même un intérêt car dans cette logique, l'arrêt Commune de Saint-Priest-Laplaine de 1946 a étendu la jurisprudence Cames aux "collaborateurs occasionnels du service public". Cela concerne surtout trois sortes de SP :

• La lutte contre l’incendie ;

• Le secours aux accidentés ;

• L’organisation des réjouissances publiques (bals, feux d’artifices).

Néanmoins, ce n’est pas exhaustif, tous les services publics peuvent être concernés, même ceux gérés par une personne privée.

En toutes hypothèses, 3 conditions doivent être réunies pour qu'il y ait indemnisation :

➢ Il faut participer au service public, la jurisprudence est souple, elle admet assez facilement la participation aux services publics. Mais il y a quand même des limites. Par exemple, lors d’une fête communale, d'un match de foot.

➢ La collaboration doit être agrée par l’autorité publique, mais ce n’est pas forcément expresse comme l'a dit un commissaire de gouvernement : "Peu importe que le sauveteur ait obéit à la voix du tocsin ou à celle de sa conscience".

➢ La collaboration doit être justifiée. Là aussi, la jurisprudence l’admet assez facilement. La jurisprudence semble malgré tout veiller à ne pas décourager les bonnes volontés.

B) Les dommages procédant d'un risque exceptionnel

Dommages non-subis par les collaborateurs. A été admise la R pour risque de voisinage. Arrêt Regnault Desroziers de 1919 concernant l'explosion d'un dépôt de munitions. La R est liée à l'utilisation de choses dangereuses (munitions, armes à feu, …). Aux choses dangereuses se sont ajoutées certaines activités administratives. Sont visés les dommages causés par des détenus ayant bénéficié de permissions de sorties, de régimes de semi-liberté ou de libération conditionnelle.Dommages aussi causés par des malades d'établissements psychiatriques, en cours de traitement et ayant bénéficié d'une sortie temporaire ou des mineurs délinquants placés dans une institution publique. Arrêt Thouzellier de 1956. La loi pénitentiaire de 2009 a toujours prévu une même R en faveur des détenus ou des ayant droits des détenus. Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès d'une personne détenue, causé par des violences commises au sein d'un établissement pénitentiaire par une autre personne détenue. A rapprocher de la jurisprudence Chabba qui admet une R pour

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faute simple.

Pour les mineurs placés au titre de l’assistance éducative, il existe depuis 2005 un régime particulier de responsabilité qui se présente comme fondé sur la notion de garde = arrêt GIE Axa courtage de 2005, c’est un régime inspiré de la responsabilité civiliste du fait d’autrui mais qui selon le commissaire du gouvernement reste un régime de responsabilité pour risque. La même solution a été admise dans deux autres cas :

Pour les mineurs délinquants, c’est l’arrêt MAIF de 2006 : un mineur délinquant est confié à une association il cause des dommages à des tiers, la responsabilité de l’association est engagée même sans faute car elle en a la garde (alors toutefois la responsabilité de l'État peut toujours être engagée dans le cadre de la jurisprudence Touzellier). Est simplement devenu possible un cumul de responsabilité.

Lorsque, en l’absence de décision du juge, une personne publique a accepté de prendre en charge le mineur = arrêt Département des Côtes d’Armor de 2008.

• La personne ayant la garde est responsable "indépendamment de toute notion de surveillance effective ou de garde au sens matériel du terme" = arrêt Lauze de 2008 (mineur placé dans un foyer qui commet une agression dans son lycée, le foyer est responsable même s’il agit en dehors de ce cadre).

• La réparation n’est pas soumise à la condition d’anormalité du préjudice, autrement dit tout préjudice est indemnisable, sauf cas de force majeure ou faute de la victime.

Existe aussi une responsabilité du fait des attroupements et rassemblements. R est encourue selon les termes de la loi de 1914 à raison du risque social. 3 précisions :

• Cette responsabilité a d’abord pesé sur les communes et l’enjeu était judiciaire.

• Dès 1983, c’est une responsabilité d'État et elle relève du juge administratif.

• Il faut que le fait dommageable ait un caractère collectif et que les manifestants se soient livrés à des actes de violence constitutifs de crimes ou de délits.

A été admise par la jurisprudence une responsabilité sans faute pour certains actes de diagnostics ou thérapeutiques composant des risques : arrêt Bianchi de 1993 : arrêt dont les termes étaient très restrictifs tout comme la jurisprudence qui la suivit.

C’est notamment pour étendre les possibilités d’indemnisation qu’est intervenue la loi de 2002 relative aux droits des malades, loi qui crée un fonds d’indemnisation, et organise une procédure spécifique par un organisme spécifique : l’ONIAM.

S’est encore ajoutée en vertu d’arrêts de 1995 une responsabilité sans faute des centres de transfusions sanguines à raison des produits qu’ils fournissent. Depuis cet arrêt, cette responsabilité a été admise plus généralement pour "la défaillance des produits et appareils de santé" = arrêt Marzouk de 2003 à voir avec jugement TA Toulouse de 2008 (TD) qui écarte la jurisprudence du CE parce qu’incompatible avec une directive communautaire.

§ 2 : La responsabilité pour rupture directe de l'égalité devant les charges publiques

Cette rupture fonde la responsabilité du fait des lois et du fait des conventions

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internationales.

Arrêt SA des produits laitiers la Fleurette de 1938 a admis, à condition que le législateur n’ait pas entendu refuser tout droit à indemnisation, la responsabilité de l'État quand une loi reposant sur des motifs d’intérêt général a pour conséquence de causer spécialement à un administré un dommage grave excédant la charge que doit supporter un citoyen au nom de l’intérêt public.

Attention, si cette responsabilité est restée assez théorique, ne donnant lieu qu’à très peu d’application, la jurisprudence récente parait moins restrictive. Une évolution se dessine peut être. → Cf arrêt Coopération agricole Ax’ion.

En 1966, l’arrêt compagnie d’énergie radioélectrique a étendu les principes de 1938 concernant les conventions internationales pouvant causer un préjudice spécial et grave susceptible de donner lieu à indemnisation. Mais plus encore que pour les lois, c’est exceptionnel, il y a eu une application positive en 1976 et 1984. Arrêt Susilowati 11 février 2011.

Elle fonde aussi la responsabilité du fait des décisions et agissements non-fautifs de l’administration. Le premier exemple a concerné le refus de prêter le concours de la force publique pour l’exécution de la force judiciaire.

Exemple qui résulte de l’arrêt Couiteas de 1923 : sur un domaine de 38 000 hectares vivent 8 000 personnes. Couiteas, le propriétaire, obtient un jugement qui ordonne leur expulsion. Il demande alors et se voit refuser le concours de la force publique aux motifs que l’opération ne pourrait se faire sans trouble grave. Le CE admet ce refus tant qu’il y a "danger pour l’homme et la sécurité" (il dit au préfet que son refus est légal) mais il ajoute que le préjudice en résultant "ne saurait, s’il excède une certaine durée, être regardé comme une charge incombant normalement à l’intéressé".Illustration de cette jurisprudence sur le cas des jugements ordonnant l’expulsion de locataire. Si jugement pas exécuté, indemnisation.

En dehors de cette jurisprudence Couiteas, c’est à partir des années 1960 qu’a été admise clairement la responsabilité sans faute du fait d’actes réguliers :

Sont concernés les actes réglementaires, voir tous les cas d’entraves à l’utilisation du domaine public. Sont ainsi concernés :

– Les actes non-règlementaires (voir tous les cas d'entrave à l'utilisation du domaine public).

– Les actes règlementaires (arrêt Commune de Gavarnie) : le maire prend un arrêté coupant le chemin en deux. Recours d'un marchand de souvenirs. Recours rejeté mais principe admis.

– Arrêt Bleitrach : avocate atteinte d'un handicap moteur et qui se plaignait de ne pouvoir accéder au palais de justice.Au départ, une loi était en cause (loi précisant qu'il y aurait étalement dans le temps des travaux à faire pour permettre l'accès aux handicapés).Cet étalement, admet le CE qui ne l'estime pas fautif "ne saurait, s'il revêt un caractère grave et spécial, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressée".

Section 3 : Les dommages résultant d'opérations de travaux publics

Concerne aussi les dommages résultants des ouvrages construits. Il y a au moins deux raisons de mettre à part ces dommages :

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– C’est un domaine où le droit possède une certaine autonomie depuis la loi du 28 pluviôse an VIII.

– S’il y a une part de responsabilité sans faute, c'est pour le reste discuté.

Section 4 : La responsabilité de l'État du fait des lois adoptées enméconnaissance des engagements internationaux de la France

Le principe de cette responsabilité a été admis par le CE arrêt Gardedieu de 2007. Suivi d’un Arrêt TC société Boiron de 2008 précisant que la juridiction administrative est seule compétente pour en connaitre.

Une fois admise l'application de Nicolo aux directives par l’arrêt Rothmans de 1992, s’est posé un problème nouveau de responsabilité. Voir arrêts Arizona Tobacco et Philippe Morris de 1992. Les fabricants de tabacs se plaignaient d’un arrêté ministériel, ayant, en vertu d’un décret d'application d’une, loi fixé le prix du tabac. Ils estiment la loi contraire à une directive et demandent réparation du manque à gagner.

D'où la question, en admettant que la loi soit effectivement incompatible avec la directive, la responsabilité de l'État peut-elle être engagée du fait de la non transposition par le législateur d’une directive, du fait d’une certaine manière de sa faute ?

➢ Pour la CJCE, cela va de soi : arrêt Francovitch de 1991 = il faut réparer le préjudice causé "dans le cadre du droit national de la responsabilité".

➢ Dans le cadre du droit français, ce n’était pas si évident. Toute responsabilité du fait des lois n’était pas exclue, voir la jurisprudence La fleurette de 1938. Il en ressort de cet arrêt qu’en principe, il peut y avoir une responsabilité sans faute… Toutefois, elle reste exceptionnelle.

L’idée même de mettre en cause la R du législateur du fait de sa faute reste quelque chose de difficilement concevable.

Par conséquent, avec l’affaire du prix du tabac de 1992, le CE était coincé entre les exigences du droit communautaires qui lui disait d'indemniser dans le cadre du droit national et la logique du droit français où l’idée d’une R paraissait comme quelque chose de farfelu.Le CE s’en est sorti dans l’arrêt de 1992 en trouvant le moyen d’indemniser en esquivant la question :

• Selon la jurisprudence, Nicolo le CE contrôle la loi au regard de la directive.

• Après l'avoir écartée (parce qu’incompatible avec la directive), il juge que le règlement pris pour son application est dépourvu de base légale.

• C’est ce règlement et non la loi qui apparait comme le fait générateur du préjudice.

• Il peut ainsi y avoir indemnisation sans que le législateur ne soit mis en cause car il va y avoir indemnisation.

• Le pouvoir règlementaire n’aura pas du appliquer la loi, il a donc commis une faute en l’appliquant.

• Indemnisation possible en considérant que le pouvoir règlementaire avait appliqué une loi

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qui ne respectait pas une directive.

Restait l’hypothèse où la question ne pouvait être esquivée et celle où aucun acte administratif ne serait susceptible d’engager la R = affaire Gardedieu.

De la responsabilité admise en 1938 (jurisprudence La Fleurette), le CE distingue désormais une responsabilité de l'État susceptible d’être engagée "en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques pour réparer l’ensemble des préjudices qui résultent de l’intervention d’une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France".

Attention : il n’est finalement pas question de faute, la R est simplement engagée du fait de la méconnaissance des engagements internationaux de la France [par ailleurs, quand une question apparait bloquée, le meilleur moyen de s’en sortir est de changer les données du problème]. On ne dit pas non plus que c’est une responsabilité sans faute… cela reste très incertain, voir les grands arrêts, ils disent que "le fondement juridique est mal aisé à déterminer".

Chapitre 2 : La mise en œuvre de la responsabilité

Section 1 : L’imputabilité du préjudice

Si c’est en fait souvent délicat, c’est très simple en droit. Etant donné un préjudice, il faut faire apparaitre un lien suffisamment direct entre celui-ci et un fait générateur susceptible d’engager la R. Cela ne suffit pas même si c’est l’essentiel.

Il faut aussi identifier la personne responsable du dommage. C’est celle qui assume le service ayant mal fonctionné en cas de faute ou ayant engendré un préjudice anormal ou spécial. Parfois c’est moins évident, notamment il peut y avoir problème quand des agents d’une collectivité sont appelés à exécuter des tâches qui relèvent de la compétence d’une autre personne publique.

Alors, la R est en principe celle de la personne chargée du service et non pas celle dont relève l’agent.

Voir le chapitre sur la police quand le préfet se substitue à une commune, il agit au nom de la commune.

Voir aussi l’arrêt Popin de 2004 = il concerne l’exercice de la fonction juridictionnelle et il juge que même lorsque cette fonction est assurée par des instances qui ne relèvent pas de l'État, la responsabilité est toujours celle de l'État parce que la justice est rendue de façon indivisible au nom de l'État. Était en cause la sanction d’un conseil d’administration d’université constitué en formation disciplinaire (= c’est une juridiction administrative). Il faut agir contre l'État car la justice est rendue de façon indivisible contre l'État.

S’il apparait que le dommage n’est pas imputable à la seule activité administrative mais aussi à une cause étrangère, la R est susceptible d’être atténuée voir supprimée.3 sortes de causes étrangères :

• La force majeure.

• La faute de la victime.

• Le fait d’un tiers.

Section 2 : Le préjudice indemnisable

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C’est le préjudice anormal. C'est-à-dire le préjudice qui résulte soit d’une faute, soit qui remplit les conditions d’anormalité. S’ajoutent diverses conditions :

- Le préjudice doit être certain et réel. Cela pose, en droit administratif comme ailleurs, un problème, notamment lorsqu’est invoquée la perte d’une avantage futur.

- Le préjudice doit constituer une atteinte "à un intérêt juridiquement protégé" = intérêt légitime.

- Il doit être appréciable en argent, ce qui veut dire que peuvent être indemnisés les dommages matériels mais aussi "la douleur morale" depuis Letisserand (1960). Font exception les agissements du régime Vichy.→ Voir avis contentieux du 16 février 2009 = il en ressort qu’il y a là un cas où la réparation n’a pu se borner à des mesures d’ordres financiers. En effet, le CE estime qu'il y a eu réparation du fait d'une "reconnaissance solennelle" du préjudice collectivement subi par les victimes de la déportation. Le CE énumère les éléments qui constituent une reconnaissance solennelle.

Section 3 : L’indemnisation

Différents problèmes se posent : quels montants, quelles modalités de réparation ?

Remarques concernant l’action en indemnité devant le juge :

Les TA sont juges de droit commun et, depuis 1989, le CE n’est plus que juge de cassation car normalement il intervient sur recours dirigé contre les arrêts des CAA (mais attention, dans certains cas, les TA se prononcent en 1er et dernier ressort, ce qui veut dire alors qu’il n’y a pas d’appel possible, seulement un pourvoi en cassation devant le CE. Cela résulte d’un décret de 2003 relatif aux CAA).Sauf en matière de travaux publics, il faut avoir fait une demande préalable à l’Administration.

S’il y a décision expresse de rejet, il y a deux mois pour saisir le juge. S’il y a silence prolongé de 2 mois, il y a décision implicite de rejet. La règle n'est pas celle qui vaut en REP. L’expiration du délai de 2 mois ne fait pas courir le délai de recours contentieux. Il n’y a alors aucun délai sous réserve de la prescription quadriennale.Il en va de même en matière de travaux publics.

Le ministère d’avocat est en principe obligatoire, toujours et pas seulement en matière d’appel.

Indépendamment des règles sur les délais, il peut y avoir prescription. En effet, selon une loi de 1831 telle que modifiée en 68, sont prescrites "les créances qui n’ont pas été payées dans un délai de 4 ans à partir du 1er jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis". C’est une règle purement comptable, règle dont il faut se méfier quand on dit qu’il n’y a pas de délai dans les cas précédents, la pratique montre que le temps que les choses se mettent en route, souvent des PB d’inscription se posent.

Attention aussi : le délai ne commence pas au jour du fait générateur de la créance mais au 1er janvier de l’année suivante.Par suite, il expire le 31 décembre de la 4ème année. Les ministres sont libres d’apprécier l’opportunité d’opposer ou non la prescription.Il y a différentes possibilités d’interruption notamment une réclamation ou un recours juridictionnel

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Dossier 9 : Introduction au droit du contentieux administratif

Même si ce contentieux ne va pas sans droit administratif, ce droit est à distinguer du DA à proprement dit.

Chapitre 1 : Le Recours pour excès de pouvoir

Quatre remarques introductives :

➢ Recours qui permet de demander au JA l'annulation d'un acte administratif unilatéral pour cause d'irrégularité.

➢ Le REP se distingue du ou des recours de plein-contentieux, principalement par l'étendu des pouvoirs du juge.

➢ La distinction REP/RPJ n'est pas figée. Dans certains domaines, l'évolution conduit à passer du REP au RPJ, ou inversement. La tendance actuelle est à aller vers le plein-contentieux.Par exemple, CE 2009, Société Atom concernant les sanctions administratives infligées à un administré. Là où il y avait REP, il y a maintenant RPC.

➢ La distinction a toujours été très discutée, contestée. Néanmoins, elle reste essentielle même si le REP s'est beaucoup transformé.

Section 1 : Les conditions de recevabilité du REP

Quatre sortes de données sont à prendre en compte.

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§ 1 : La requête

= acte introductif d'instance. Voir chapitre sur l'organisation de la juridiction administrative.

§ 2 : Le requérant

Il lui faut la capacité d'agir en justice. Les règles de droit commun s'appliquent mais avec quelques aménagements destinés à l'admettre plus largement.

Ainsi, certains incapables, selon le droit civil, ont la capacité de faire un REP. Par exemple, une personne placée dans un hôpital psychiatrique sur décision préfectorale peut former elle-même un recours contre la décision prescrivant son internement.

Il n’y a aucune condition concernant la nationalité, ce qui sous-entend que les personnes privées ou publiques étrangères peuvent faire un REP. Les États étrangers peuvent faire des REP : (arrêt Grande Bretagne).

Depuis 1864, il n’y a pas besoin d’avocat, tout au moins devant le TA. Pour l’essentiel, depuis 2004, en vertu du décret pour alléger les CAA, ce n’est plus vrai dans les CAA.

Il faut justifier d’un intérêt pour agir (intérêt matériel mais aussi purement moral). S’applique donc le principe général de procédure : "pas d’intérêt, pas d’action". Lors du développement du REP (fin XIXè, début XXè), cette application a été très discutée. Car, dès lors que le recours était dit "objectif", c-a-d censé ne tendre qu’au respect du droit, on pouvait estimer qu’il devait être ouvert à tout administré, "une véritable action populaire".

Finalement, la jurisprudence s’est située entre deux positions extrêmes :

- D’un côté, on ne peut se prévaloir seulement de sa qualité de citoyen.

- Mais inversement, il n’est pas nécessaire que l’intérêt invoqué soit propre et spécial au requérant.

- Une personne physique doit seulement justifier d’un intérêt personnel suffisant, il lui faut "établir que l’acte attaqué l’affecte dans des conditions suffisamment spéciales, certaines et directes".

Par exemple, tout usager d’un service public peut contester les actes d’organisations ou de fonctionnement du service si le service est directement mis en cause. Ainsi, des étudiants peuvent attaquer les nominations de leurs professeurs mais non une nomination comme chef de service dans le ministère d’un inspecteur général.

Voir arrêt Croix de Seguey-Tivoli de 1906 : recours fait à l’initiative de Léon Duguit qui, avec les habitants de son quartier, se plaignait de la suppression d'une ligne de tramway.

L’intérêt d’une personne morale s’apprécie en fonction de son objet social. L’intérêt à agir d’une personne publique contre les actes d’une autre personne publique est aussi largement admis, tout comme celui de certaines autorités administratives. Voir arrêt Commune de Néris les Bains de 1902 : il reconnaît l’intérêt à agir d’un maire contre un acte du préfet.

§ 3 : L’acte attaqué

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Il faut attaquer un acte tout à la fois normateur, unilatéral, administratif. (Voir chapitre sur les normes administratives).

§ 4 : La juridiction saisie

Pour que le recours soit recevable, il faut saisir le juge compétent. En principe le TA, mais aussi parfois directement le CE.

Les jugements de TA sont normalement susceptibles d’appel. Mais il existe des exceptions résultant du décret de 2003. Un arrêt Meyet de 2003 a précisé alors que la règle du double degré de juridiction n’est pas un principe général du droit.

Précision quant au cours du premier semestre : un décret du 29 février 2010 a réduit la compétence du CE en premier et dernier ressort. La liste a été peaufinée de telle sorte que le nombre de ces cas a été réduit.

Deux exemples :

– Là où le CE était compétent pour les décisions des organismes collégiaux, il ne l’est plus que pour 13 AAI qui sont énumérées.

– Pour les litiges relatifs à la situation des fonctionnaires nommés par décret en conseil des ministres, ne sont plus concernés que les litiges relevant de la discipline et du recrutement.

Il faut aussi qu’il n’y ait pas de "recours parallèle", c-a-d qu’il n’existe pas d’autres recours juridictionnels permettant d’obtenir le même résultat.

C’était là une condition essentielle au milieu du XIXè siècle, avant le développement du REP. Car, alors, de très nombreux recours étaient considérés comme parallèles, le REP faisait alors figure d’exception.

Par exemple, si on contestait un règlement de police, on considérait qu’il y avait recours parallèle et donc irrecevabilité du REP. On disait : si vous n’exécutez pas le règlement, vous serez poursuivis devant le juge pénal, si vous avez raison vous ne serez pas condamné, c’est le juge pénal qui appréciera. En raisonnant comme cela, on n’admettait pas le REP.

Tel n’est plus le cas. La plupart des hypothèses de recours parallèles ont disparu car elles n’apparaissaient pas équivalentes au REP.

Dans le cas de la police, c’est évident. Mieux vaut une annulation pour excès de pouvoir qu’une exception d’illégalité : mieux vaut faire un REP.

Cela dit, malgré tout, la disparition n’est pas totale. Par exemple, le recours fiscal contre un acte individuel d’imposition devant le juge de l’impôt. Dès lors qu'il est considéré comme parallèle, il ne peut y avoir REP.

Section 2 : Les cas d'ouverture du REP

Cas où le recours peut être exercé avec succès. Formule qui désigne les différentes irrégularités, les différents moyens d'annulation susceptibles d'être invoqués. Il s'agit, en négatif, de ce que l'on a vu pour les actes administratifs.

Là où on avait distingué légalité externe et légalité interne, on va distinguer irrégularité externe ou irrégularité interne.

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§ 1 : Les irrégularités externes

A) L’incompétence

Prendre un acte sans avoir compétence. Cette incompétence peut être négative. Par exemple, si l'autorité refuse de prendre une décision qu’elle aurait du prendre. Elle peut être positive si l’autorité excède les limites de sa compétence. 3 hypothèses :

- L’incompétence matérielle ;

- L’incompétence territoriale ;

- L’incompétence temporelle.

Pour permettre au juge de soulever d’office l’irrégularité, certains vices de procédure sont assimilés à l’incompétence. Ainsi, par exemple : quand le gouvernement n’a pas respecté la procédure de consultation du CE. Dans ces cas là, le CE assimile ce vice de procédure à une incompétence (c’est alors justifié par le fait que les avis du CE sont en principe secrets. Les requérants ne pouvant pas savoir s’il y a ou non irrégularité, il faut que le CE puisse le cas échéant soulever d’office le moyen).

Peut être soulevé d’office le moyen qui est d’ordre public.

B) Le vice de procédure et le vice de forme

Il y a irrégularité entrainant l’annulation s’il y a omission pure et simple d’une forme ou d’une procédure obligatoire.

Il en va de même s’il y a irrégularité substantielle, c-a-d irrégularité telle que la règle a été dénaturée. Par exemple, le fait que l’organisme consulté soit composé de telle manière que n'est pas respecté le principe de l’impartialité.

Autre exemple : s'il y a une motivation, le fait qu'elle soit très superficielle ne permet pas de connaître les motifs.

Il n’y a pas annulation :

- Si l’irrégularité est jugée non-substantielle ;

- Si l’irrégularité, bien que substantielle, est considérée comme ne devant pas être sanctionnée.Par exemple, procédures dont le respect s’est révélé impossible. C’est le cas si un organisme qui doit être consulté refuse de se prononcer ou s'il n’est pas encore constitué alors que la décision doit être prise.

§ 2 : Les irrégularités internes

A) La violation directe de la loi

C’est le cas le plus simple. C’est une formule qui désigne l’irrégularité concernant le contenu de l’acte. Par exemple, infliger à un fonctionnaire une sanction qui n’existe pas dans la liste qu'énumère le statut.

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B) Le détournement de pouvoir

C’est une irrégularité relative au but de l’acte. C’est une irrégularité très souvent invoquée, mais ne donnant lieu qu’à très peu d’annulations pour deux raisons :

- Il est difficile à établir ;

- Il y a souvent interférence d’intérêts différents, les intérêts publics et privés tendent à se mélanger et, sauf exception, on finit toujours par justifier une décision. Voir l'expropriation pour cause d’utilité publique.Des intérêts privés sont admis dès lors qu’ils ne sont pas déterminants, qu’il y a d'autres intérêts qui justifient l’opération.

Par exemple, arrêt Ville de Sochaux de 1971 = affaire où il y avait eu expropriation pour construire une déviation routière facilitant l’accès aux usines Peugeot. Malgré cet intérêt privé, il n’y a pas eu détournement de pouvoir car "il est conforme à l’intérêt général de satisfaire à la fois les besoins de la circulation publique et les exigences du développement d’un ensemble industriel qui joue un rôle important dans l’économie régionale". Par delà l’intérêt privé, on trouve l’intérêt général.

C'est un arrêt qui a donné lieu à beaucoup de commentaires sur la confusion de l’intérêt général et du privé.

C) L’inadéquation de l’acte au but

Irrégularité difficile à établir, dont le contrôle a toujours été très discuté. L’acte doit être de nature à réaliser le but. Si ce n’est pas le cas, il y a irrégularité. Sous couvert de contrôler la régularité, le juge tend en réalité à ne faire qu’une appréciation de l’opportunité des actes. Il va au-delà d’un contrôle proprement juridique.

Par exemple, en matière de police, voir arrêt Benjamin, ainsi que l’expropriation où est mise en œuvre "une théorie bilan" pour contrôler l’utilité publique : arrêt Ville nouvelle Est de 1971 : pour déterminer s’il y a utilité publique, le juge pèse les avantages et inconvénients.

D) Les irrégularités relatives aux motifs de l’acte

C’est un peu plus complexe. Il y a au moins 4 irrégularités à distinguer :

➢ L’erreur de droit : erreur concernant le sens et la portée d’une norme supérieure.Exemples : l’application d’une norme inapplicable, l'application d’une norme irrégulière, l'erreur d’interprétation de la norme supérieure.

Attention : cette erreur de droit ne se distingue que difficilement de la violation directe de la loi. De l’une à l’autre, seul, peut-être, change la perspective :

▪ Soit, partant du contenu de l’acte, on dit qu’il ne respecte pas une règle supérieure = violation directe.

▪ Soit partant de la règle supérieure, on dit qu’elle a été mal appliquée = erreur de droit.

➢ L’erreur de fait : erreur concernant les faits. Une décision est prise qui se fonde sur des "faits matériellement inexacts".

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C’est une erreur qui n’est contrôlée que depuis l’arrêt Camino de 1916 : étape essentielle dans le développement du contrôle du juge de l’excès de pouvoir. Jusque là, il était considéré que l'Administration était seule compétente.

➢ L’erreur de qualification juridique des faits : erreur où une décision est prise qui se fonde sur des faits qui peuvent être matériellement exacts mais qui ne sont pas de nature à la justifier.

Cette erreur n'est contrôlée que depuis l’arrêt Gomel de 1914 : si cet arrêt est antérieur de 2 ans à l’arrêt Camino, c’est uniquement du au hasard du contentieux.C’est une affaire où le préfet de la Seine avait refusé un permis de construire Place Beauveau à Paris au motif que la construction envisagée allait porter atteinte à une perspective monumentale.

▪ Le CE considère qu'il lui appartient "de vérifier si l’emplacement de la construction projetée est compris dans une perspective monumentale existante et, dans le cas de l’affirmative, si cette construction, telle qu’elle est proposée, serait de nature à y porter atteinte".Il y a annulation au motif que la place Beauveau "ne saurait être regardée dans son ensemble comme formant une perspective monumentale".Il y avait un double problème de qualification : est-ce qu’il y a bien une perspective monumentale ? Est-ce que la construction que l’on veut faire va porter atteinte à cette perspective monumentale ?

Si l'arrêt Gomel est antérieur à l'arrêt Camino, c'est du au hasard du contentieux. Logiquement, il aurait du être postérieur.

▪ Après l’arrêt Gomel, le contrôle a eu tendance à se généraliser. Mais il a subsisté des domaines où il ne s’est pas exercé, où par conséquent, le CE a voulu laisser un pouvoir discrétionnaire à l’Administration.

➢ L'erreur manifeste d'appréciation : c'est l'erreur dont le contrôle a été progressivement développé à partir des années 60, dans les domaines où, auparavant, n’était pas contrôlée la qualification juridique. Dans ces matières est apparu un contrôle manifeste de l’erreur manifeste d’appréciation.

Voir, concernant les sanctions des fonctionnaires, l’arrêt Lebon de 1978. Jusque là, il y avait déjà en la matière un certain contrôle : le juge vérifiait si les faits reprochés étaient de nature à justifier une sanction. Seulement, il n’était pas contrôlé si telle ou telle faute justifiait telle sanction plutôt que telle ou telle autre (= pas de contrôle de la sanction au regard des autres). Avec l’arrêt Lebon, le CE contrôle l’erreur manifeste.

Un arrêt Madame P du 30 juin 2010 a admis un contrôle normal.

S’il n’y a jamais un contrôle identique à celui exercé en vertu de la jurisprudence Gomel, c’est malgré tout un contrôle de même nature. Ce qui le distingue, c’est qu’il est plus superficiel, plus limité. Autrement dit, il conduit à ne sanctionner que les erreurs grossières, "évidentes même pour le non-spécialiste". Il n’y a entre les deux qu’une différence de degré, ils sont alternatifs, c’est l’un ou l’autre. L'arrêt Gomel est approfondi, l’autre est superficiel, s’en tient à ce qui est manifeste.

Lorsqu’est seulement contrôlée l’erreur manifeste d’appréciation, il y a "contrôle restreint".Le contrôle n’est alors restreint qu’en ce qui concerne les motifs de fait et plus particulièrement leur qualification juridique. Il n’empêche pas la prise en compte des autres cas d’ouverture. Lorsque que le contrôle n'est pas restreint, il est normal.

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Il peut être aussi moins que restreint mais plus que normal.

• C'est moins que restreint (contrôle infra-minimum) dans les cas où il n’y a même pas contrôle de l’erreur manifeste, cas de plus en plus rare mais qui subsiste. Par exemple, l'appréciation par un jury de concours ou d’examen de la valeur des épreuves d’un candidat. Exemple aussi de l’appréciation des mérites d’un postulant à la légion d’honneur.

• C’est plus que normal dans les cas où il y a contrôle de l’adéquation de l’acte au but visé, ce que l’on appelle aussi contrôle de proportionnalité. Voir arrêt Benjamin, police, expropriation.Ce sont des cas où il ne suffit plus que les motifs soient de nature à justifier la décision, il faut aussi que cette décision soit considérée comme susceptible de réaliser l’objectif donné.

En toute hypothèse, l’étendue du contrôle peut toujours évoluer. Il n’y a pas un tableau d’ensemble qui serait fixé une fois pour toute, il y a des jurisprudences qui varient en fonction du pouvoir discrétionnaire que le juge entend laisser à l’Administration.

Si les évolutions sont très diverses, la tendance générale a toujours été plutôt au développement du contrôle qu’à sa limitation.

Section 3 : Les effets du recours pour excès de pouvoir

"L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu" : arrêt association AC de 2004. Ce principe n'est pas nouveau et est juste rappelé par l'arrêt. Cet arrêt ne fait que réaffirmer une règle traditionnelle.Il signifie que l'administration doit se placer à la date où l'acte annulé avait été pris, afin, le cas échéant, de reconstituer tout ce qui serait passé s'il n'y avait pas eu irrégularité et annulation.C'est souvent en pratique très complexe. Le principe est à la fois une nécessité et une fiction. Nécessité car dans la logique du REP.

Mais on ne peut pas effacer ce qui s'est passé entre l'acte et la date de son annulation. Il y a des cas contradictoires (voir arrêt de 1925 Rodières).

La loi du 8 février 1995 permet aujourd’hui au juge administratif d’intervenir directement notamment pour prescrire les mesures à prendre.

L'arrêt Association AC !, tout en réaffirmant le principe, admet qu’il puisse y être dérogé à titre exceptionnel, cela lorsqu’il "est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison, tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, que de l’intérêt général pouvant s’attacher au maintien temporaire de ses effets".

L’arrêt admet aussi que l’annulation ne prenne effet qu’à une date ultérieure déterminée par le juge. Ainsi, alors qu’il est du 11 mai 2004, il prononce l’annulation de certaines dispositions à compter du 1er juillet 2004. Il s'agit de laisser le temps à l'administration de prendre les mesures nécessaires pour qu'il n'y ait pas de vide juridique.

Voir les conclusions du commissaire de gouvernement Devys, RFDA 2004 page 454. Voir aussi le document de TD (extrait du rapport du CE → exigence de SJ).Revoir aussi l'arrêt Techna qui participe de la même logique : au nom de la SJ, ont alors été prolongés les effets dans le temps de la suspension par le juge des référés d'un décret au-delà de l'arrêt rejetant le recours contre ce décret. Si le recours est finalement rejeté (suspension mais pas annulation), la suspension n'a plus de raison d'être. Mais elle peut se prolonger un peu, par exemple

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pour permettre de prendre des mesures transitoires.

S'agissant des conséquences de l'annulation d'un acte détachable d'un contrat, l'arrêt société Ophrys du 21 février 2011 a précisé ce qu'il appartient au "juge de l'exécution de faire". Le juge de l'exécution est celui qui, depuis la loi de 95, peut se prononcer sur les conséquences de sa décision tout en ayant un pouvoir d'injonction et pouvant prononcer des astreintes. C'est un juge de plein-contentieux.

On en était resté à l'arrêt Hertz de 1999 enjoignant à l'autorité mise en cause de provoquer la résolution du contrat, soit d'un commun accord entre les parties, soit en saisissant le juge du contrat.

Le nouvel arrêt confirme que l'annulation d'un acte détachable n'implique pas nécessairement la nullité du contrat. Tout dépend de la nature de l'illégalité. Ce qu'il ajoute, ce sont les options possibles :

– Le juge (qui intervient comme juge de plein-contentieux) peut décider qu'il peut y avoir poursuite de l'exécution du contrat, sous réserve, s'il y a lieu, de mesures de régularisation.

– Il peut enjoindre à la personne publique de résilier le contrat.

– Si l'irrégularité est très grave, il peut inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'accord, à saisir le juge du contrat pour qu'il règle les modalités de la résolution.

Jurisprudence à rapprocher de celle issue de l'arrêt Commune de Béziers. En effet, les termes et les possibilités offertes sont les mêmes.

Selon la chronique AJDA 2011 page 669, le CE fait du juge de l'exécution "un juge hybride, presque chimérique, qui, pour tirer les conséquences d'un litige d'excès de pouvoir, va devoir se transformer en quasi-juge du contrat. Son pouvoir s'arrête simplement aux limites de l'injonction : s'il peut ordonner à une collectivité de résilier ou régulariser son contrat, il n'a pas la capacité de porter atteinte à ce contrat lui-même en l'annulant ou le résiliant".

Attention, dans ces arrêts (Ophrys, Béziers, …), on ne parle plus seulement de nullité d'un contrat (expression signifiant que l'état de nullité pré-existait à l'intervention du juge). Désormais, c'est l'annulation qui est la sanction ultime. Elle se distingue de la résiliation qui n'a pas de portée rétroactive. Ça rejoint aussi la jurisprudence AC ! en témoignant d'une même volonté de permettre des solutions nuancées adaptées aux circonstances.

Chapitre 3 : La compétence du juge administratif

Section 1 : La compétence suit-elle le fond ?

A priori oui : arrêt Blanco. C'est contesté par Chapus qui estime que doivent être distinguées les questions de compétence et de fond.

Il en ressort qu'en gros, si la règle est à peu près juste, elle ne donne pas un critère de compétence : qu'est-ce que le fond ?

Section 2 : Les critères de compétence du juge administratif

§ 1 : Les sources de ces critères

Il y en a trois :

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– C° : elle fait de la répartition des compétences une matière législative, 34 C°, tout en fixant des limites. Voir CC 1987 Conseil de la concurrence.

– Loi.

– Jurisprudence CE, TC, C.Cass.

§ 2 : L'évolution historique

Longtemps, il y a eu recherche par "la doctrine", d'un critère unique susceptible de rendre compte de toute la jurisprudence : voir l'école du SP (Jèze).

On a fini par admettre que ce critère n'existe pas et que la jurisprudence emploie simultanément plusieurs critères (SP, …).

§ 3 : Les solutions actuelles

Voir les différents domaines du DA. S'il n'y a pas de critère unique, il faut procéder matière par matière).

Section 3 : Les compétences résiduelles du juge judiciaire

Exceptions aux principes généraux de la compétence administrative. Elles sont à distinguer des compétences existant normalement quand des activités ne sont pas considérées comme administratives.

Elles sont de deux sortes :

• Certaines sont propres au juge judiciaire et concernent des matières qui lui sont réservées.

• D'autres sont des compétences normalement administratives que le juge judiciaire exerce exceptionnellement en statuant sur des questions préalables (non-préjudicielles).

§ 1 : Les matières réservées au juge judiciaire

Certaines de ces matières sont réservées en vertu du principe de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle et de la propriété privée.Le principe a une origine incertaine, sa formulation et sa portée sont floues et il est contesté.

Il est aussi avancé pour expliquer les théories jurisprudentielles de l'emprise irrégulière et de la voie de fait.

➢ L'emprise irrégulière : il faut qu'il y ait véritable dépossession irrégulière d'une propriété immobilière. Le juge judiciaire est compétent pour fixer l'indemnité qui dédommage la victime mais seul le juge administratif peut apprécier le caractère régulier ou non de l'emprise.

➢ La voie de fait : il faut une atteinte grave à la propriété privée ou à une liberté fondamentale. Il faut que l'action de l'administration ait eu un caractère gravement irrégulier. Elle peut être fondée sur une dénaturation de l'action administrative.Il y a deux sortes de voie de fait :• Celle où une décision administrative est en elle-même, indépendamment de ses conditions d'exécution, manifestement insusceptible d'être rattachée à l'exécution d'un texte législatif ou règlementaire, ou, plus généralement, d'un pouvoir appartenant à l'administration.

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• Celle où une décision, même régulière, a fait l'objet d'une exécution forée.

Les deux peuvent se combiner : arrêt TC Action Française de 1935. Si la voie de fait ne résulte que d'une décision, il y a compétence parallèle des deux ordres de juridiction pour constater l'inexistence de cette décision.Sinon, la compétence judiciaire est exclusive.

§ 2 : Les questions préalables

Cf manuel. Distinction civil/pénal.

Section 4 : Le règlement des conflits de compétences

§ 1 : Le tribunal des conflits

Loi du 24 mai 1872. Ministre de la justice. 4 représentants de l'ordre administratif, 4 représentants de l'ordre judiciaire.Ce sont des membres d'emprunt. Chaque juridiction en élit 3 pour 3 ans et les 6 en désignent deux autres. Ils se réunissent 3 à 4 fois par an. Ils jugent 30 à 40 affaires par an. C'est un vice-président qui préside.

Le ministre n'intervient que pour départager le tribunal très contesté, souvent perçu comme une séquelle de la justice retenue. Même si l'on peut citer comme exemple l'affaire Blanco,

§ 2 : La TC, arbitre des conflits existants

Ces conflits sont soit positifs, soit négatifs.

A) Les conflits positifs

Conflits entre l'administration et une juridiction judiciaire. Ils surviennent lorsqu'une affaire est portée devant le juge judiciaire mais que l'administration refuse la compétence.

A aucun moment il n'y a intervention de la juridiction administrative. C'est toujours la compétence judiciaire qui est contestée, jamais celle de la juridiction administrative.→ Signifie que le TC a d'abord et surtout été créé pour protéger l'administration.

Le TC intervient au terme d'une procédure en deux actes :

– Le préfet adresse au juge judiciaire, par l'intermédiaire du ministère public, un déclinatoire de compétence. Il demande au procureur général de requérir, pour des motifs qu'il précise, le dessaisissement de la juridiction.

– Si le juge ne se dessaisit pas : le préfet élève le conflit : arrêté de conflit. L'arrêté a pour effet d'obliger le juge à surseoir à statuer.Soit le TC confirme l'arrêté de conflit ou il l'annule.– Existent des exceptions : matières où le conflit ne peut être élevé (matière pénale).

B) Conflits négatifs

Quand les deux ordres de juridiction saisis se sont tous les deux déclarés incompétents.Si la réforme de 1960 rend théoriquement de tels conflits, il y en a parfois. C'est au requérant qu'il

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appartient de saisir le juge des conflits. Soit le TC rejette le recours si les conditions ne sont pas réunies, soit il annule un des jugements d'incompétence.

• Cette procédure vise à la défense des intérêts des justiciables à la recherche d'un juge.

• Le conflit négatif n'est pas l'envers du conflit positif.

• En toute hypothèse, le TC ne tranche pas le litige au fond, il n'indique même pas le tribunal compétent. Il ne détermine que l'ordre juridictionnel compétent.

§ 3 : Les autres rôles du TC

A) Les jugements au fond (loi de 1932)

A l'origine de la loi il y a eu un fait divers : affaire dite Rosay (accident entre voiture civile et voiture militaire : un passager de la première qui fut blessé n'avait pu, en l'état du droit, obtenir réparation ni devant le JJ, ni devant le JA → déni de justice).Après le second de ces jugements, l'intéressé a 2 mois pour saisir le TC, lequel doit trouver une solution en équité.

B) Les procédures de renvois

Résultent d'un décret de 1960. Il y en a deux, elles visent à prévenir les conflits.

➢ Le renvoi obligatoire destiné à éviter les conflits négatifs. La deuxième juridiction transmet directement l'affaire au TC au lieu de rendre un jugement d'incompétence.

S'il y a quand même encore des conflits négatifs, c'est parce qu'il y a des cas où les deux juridictions ne sont pas saisies du même litige.

➢ Le renvoi facultatif : par les juridictions suprêmes lorsqu'elles ont à juger un litige qui, à leurs yeux soulève une "difficulté sérieuse de compétence".En pratique c'est important : un nombre non-négligeable des arrêts du TC résulte de ces litiges.

Arrêt Borvo !!!

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