Download - Poly Sociétés

Transcript

Socits/MG/ 11/12

1

INTRODUCTION

Socits/MG/ 11/12

2

Le droit des socits est cet ensemble de rgles applicables aux socits dfinies en ces termes par larticle 1832 du Code civil : La socit est institue par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat daffecter une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bnfice ou de profiter de lconomie qui pourra en rsulter. Elle peut tre institue, dans les cas prvus par la loi, par lacte de volont dune seule personne. Les associs sengagent contribuer aux pertes. Ces rgles concernent la cration des socits, leur organisation, leur fonctionnement et leur dissolution. Elles ne relvent pas exclusivement du droit commercial ; le droit des socits est en effet compos autant de rgles de droit civil que de rgles de droit commercial. En outre, dautres branches du droit concernent les socits : notamment le droit fiscal, le droit social ou le droit pnal, sans omettre le droit communautaire. Lors de sa runion du 8 octobre 2001, le Conseil de lUnion europenne a dfinitivement adopt sous rserve dune ventuelle saisine de la CJCE par le Parlement, un projet de rglement relatif au statut de la socit europenne ( societas europea) et un projet de directive relative limplication des travailleurs dans cette socit. La socit europenne a t enfin introduite par amendements la loi du 26 juillet 2005 relative la confiance et la modernisation de lconomie. Plus gnralement, le droit des socits sintgre dans un ensemble plus vaste que lon appelle le droit de lentreprise. Ce droit a une importance pratique considrable : en 1993, 1 320 000 entreprises sont des socits, qui se rpartissent en 591 000 socits responsabilit limite, 459 000 socits civiles, 169 000 socits anonymes, 38 000 socits non immatricules, 30 000 socits en nom collectif, 10 000 groupements dintrt conomique et 1 500 socits en commandite . En 2007, 295 516 entreprises nouvelles sont nes, et on constate que lentreprise peut prendre des formes juridiques trs diffrentes. En effet, une entreprise peut tre possde et exploite par une mme personne, mais peut choisir aussi bien le nouveau statut dautoentrepreneur que celui de personne morale comme une EURL, voire une socit anonyme simplifie. Elle peut encore tre une socit fictive comme une SARL dont en ralit, toutes les parts sont entre les mains dun seul entrepreneur. En 2007, la moiti des crateurs dentreprises ont choisi lactivit individuelle, 35 % la SARL, 11 % lEURL et 2 % la SAS. La raison de ces choix napparat pas trs clairement et ils ne sont pas toujours rationnels. 1 EIRL et entreprise socitaire Lentreprise individuelle responsabilit limite, et la socit sont avec le GIE - les deux modes possibles dorganisation de lentreprise commerciale en droit franais. Difficile cerner, lentreprise nest pas considre comme ayant, en elle-mme, de personnalit juridique. LEIRL na donc pas de personnalit : elle na quun patrimoine distinct de celui de la personne physique qui lexploite alors que la socit se caractrise par lexistence dune personnalit juridique propre. Cette diffrence fait pressentir les raisons dune prfrence pour lentreprise socitaire. Il convient maintenant de rechercher prcisment les critres juridiques du choix en sachant quil existe dautres motivations : Le chef dentreprise peut vouloir bnficier dune image plus valorisante que celle du commerant. A cet gard, la socit anonyme est particulirement apprcie puisque le chef dentreprise peut porter le titre de prsident directeur gnral . Cependant, le choix dune forme rigide de socit ne sera justifi que si des considrations juridiques limposent.

Socits/MG/ 11/12

3

Celui qui entend frauder peut essayer de profiter de lcran protecteur de la socit. Il

nest pas rare, dans un tel cas, que, pour renforcer lanonymat, le fraudeur utilise non pas une, mais une cascade de socits. Ces raisons inavouables sont irrecevables et ne peuvent servir une recherche des critres juridiques du choix, mme sil faut bien constater lexistence en jurisprudence de socits constitues pour frauder les droits de son conjoint ou pour luder limpt. Quant lEIRL, le Professeur LUCAS y a vu un monument de fraude paulienne. Il faut donc rechercher les critres juridiques relatifs lentreprise et ceux qui seraient propres lentrepreneur pour cerner les raisons dun tel choix. I LES CRITERES JURIDIQUES RELATIFS A LENTREPRISE Choisir lentreprise socitaire peut permettre datteindre deux objectifs dont lintrt juridique doit tre prcis : assurer lidentit juridique de lentreprise, utiliser le capital social comme instrument de dveloppement. A LAUTONOMIE JURIDIQUE DE LENTREPRISE Deux motivations peuvent conduire prfrer la socit : lune vise assurer la prennit de lentreprise ; lautre, fiscale, conduit une approche ncessairement nuance. 1 La recherche de la prennit Les deux techniques supposent le respect dun formalisme : en contrepartie, le patrimoine (affect ou social) est labri des poursuites des cranciers personnels des associs. Au-del de cet effet commun, la socit est un mode dorganisation de lentreprise permettant de construire toutes sortes de montages et datteindre des objectifs compatibles avec les contraintes lies sa propre structure sociale. Elle est ce que la pratique appelle de faon image un vhicule . A cet gard, la SAS semble devoir tre un bolide : tout est dsormais possible avec son institution par un seul associ personne physique ou morale. La forme la plus librale de la socit de capitaux devient une structure disponible pour une entreprise individuelle. De mme, la prparation dune succession passe souvent par une donation-partage facilite lorsque lentreprise est exploite en socit : Si son entreprise est individuelle, chacun des enfants devient co-indivisaire. Ce statut peut poser problme si, pour des raisons professionnelles, lun dentre eux ne peut acqurir la qualit de commerant. En outre, en cas de msentente, lunit conomique de lentreprise est menace, car nul nest tenu de demeurer dans lindivision. Si lentreprise est socitaire, la dtention de parts sociales dans certaines formes socialesou dactions ne confre pas la qualit de commerant et ne pose aucun problme dincompatibilit. De plus, certains montages successoraux permettent, tout en respectant lgalit entre les hritiers, de donner le pouvoir lun dentre eux. Sont ainsi rduits les risques de remise en question de lunit de lentreprise. 2 Limposition des bnfices de lentreprise : un critre fragile

Socits/MG/ 11/12

4

a Si lentreprise individuelle fait des bnfices, ceux-ci ( appels bnfices industriels et commerciaux) sont soumis au nom de lentrepreneur personne physique limpt sur le revenu au taux de la tranche dans laquelle il se trouve ce taux pouvant approcher 50% - + 10% de contributions sociales. Cependant, le rgime fiscal de lentreprise individuelle nest pas toujours pnalisant : dune part, si les bnfices sont plus faibles, le taux dimposition sera moins lev (lIR tant un impt trs progressif) ; dautre part, elle peut bnficier dun abattement de 20%, pour une fraction du bnfice , en adhrant un centre de gestion agr. Il convient de prciser quen 2007, le gouvernement envisage de modifier les taux dimposition et de supprimer cet abattement de 20% pour tous ceux qui en bnficiaient. b Limposition de lentreprise socitaire nest pas homogne. On distingue sur un plan fiscal, les socits semi-transparentes et les socits opaques. Bien quayant comme les autres la personnalit morale, les socits transparentes voient leurs bnfices imposs non leur niveau, mais celui des associs ( IR si ces associs sont des personnes physiques). Le critre fiscal nest donc pas pertinent pour ces socits ( socits civiles, socits en nom collectif, socit en commandite simple pour la part de bnfices revenant aux commandits, SARL de famille et les EURL (et SASU ) cres par une personne physique. . Dans les socits opaques, les bnfices sont imposs au niveau de la socit qui paie limpt sur les socits au taux de 33.33% ( Loi de Finances 2000). Cependant, le taux normal de lIS a t abaiss par la loi de finances pour 2000 15% pour certaines PME. Sont imposes lIS, les socits anonymes, les SARL ( autres que celles prcdemment cites), les socits en commandite par actions , les socits en commandite simple ( pour la part de bnfices revenant aux commanditaires) et les socits par actions simplifies. La fiscalit est donc pour ces formes sociales un critre de choix : quel est , pour lentreprise concerne, le rgime fiscal le plus favorable ? Il faudra le calculer et ensuite choisir. B UTILISER LE CAPITAL SOCIAL COMME UN INSTRUMENT EN FAVEUR DE LENTREPRISE Ds lors que lentreprise suppose lexistence de moyens ncessaires lexercice de lactivit, la place accorde au travail ( si elle emploie du personnel salari) et aux capitaux apparat un critre important de choix entre entreprise individuelle et entreprise socitaire. Lapport de fonds propres Toute entreprise a , pour se dvelopper, besoin dargent et le rle dune banque nest pas de prter lentreprise tous les capitaux qui lui seraient ncessaires. Celle-ci doit disposer de fonds propres pour que la banque accepte de financer son activit. Si lentrepreneur individuel nest pas en mesure de runir seul ces capitaux, il sera oblig de donner son entreprise la forme dune socit. En effet, lentreprise individuelle ne permet pas laccueil dapporteurs de fonds propres parce quelle tend toujours se confondre avec lexploitant. Elle ne peut disposer que des seuls fonds appartenant celui qui lexploite. En revanche, le capital dune socit a pour vocation de souvrir des partenaires financiers. Certains organismes se sont spcialiss dans lapport de fonds propres aux socits nouvelles ( socits de capital- risque)

Socits/MG/ 11/12

5

En outre certaines socits, comme la socit anonyme, mettent la disposition delentrepreneur toute une palette dinstruments financiers : on peut ainsi mettre des titres qui permettent de faire rentrer des capitaux sans donner de pouvoir ceux qui les apportent ( certificats dinvestissement). La socit peut aussi proposer des formes complexes demprunt permettant au souscripteur de devenir actionnaire ou de choisir de ne pas ltre ( obligations convertibles, obligations avec bons de souscription dactions). 2 La participation des salaris aux rsultats de lentreprise Dans une entreprise individuelle, le chef dentreprise ne peut motiver ses salaris que par des augmentations salariales et des primes, formes rudimentaires dintressement ( soumises limpt et aux charges sociales). A linverse, dans une entreprise socitaire, laccs du personnel ( et en particulier de lencadrement) est facilit par le lgislateur ( ordonnance du 21 10 1986 On peut citer aussi la loi du 31 10 1970 instituant les options de souscription ou dachat dactions rserves aux salaris et mandataires sociaux stock options plans -). II LES CRITERES JURIDIQUES RELATIFS A LENTREPRENEUR La prfrence pour lentreprise socitaire peut se comprendre aussi en se plaant du point de vue de lentrepreneur lui-mme, entit distincte de lentreprise. Deux critres apparaissent significatifs : la recherche dune protection patrimoniale et le dsir dobtenir le statut fiscal et social le plus favorable. A UNE PROTECTION PATRIMONIALE Lexercice du commerce suppose des risques que lentrepreneur peut vouloir limiter. Cf Chronique de C.T. BARREAU 1 Les risques de lentreprise individuelle responsabilit limite Lorsque lentrepreneur est mari, il peut et mme devrait choisir un rgime de sparation de biens qui met en principe le patrimoine de son conjoint labri de ses cranciers professionnels. Mais traditionnellement rien ne protgeait son patrimoine personnel des poursuites de ses cranciers. Certes la loi du 11 2 1994 dispose que doivent tre saisis en priorit les biens professionnels, pour autant que leur consistance soit suffisante pour dsintresser les cranciers. A dfaut, le juge doit ordonner la saisie de tous les biens du dbiteur. A cet gard, la loi du 1 er aot 2003 permet un progrs important de la protection de lentrepreneur individuel : celui-ci peut dsormais dclarer insaisissable limmeuble o lentrepreneur a sa rsidence principale, de telle sorte que les cranciers professionnels postrieurs ne puissent le saisir. La loi du 4 aot 2008 tend ce rgime tous les biens immobiliers non affects lexploitation. Linstitution de lEIRL a t prsente comme un moyen permettant un entrepreneur de limiter les risques inhrents au commerce. La protection patrimoniale de certaines socits La socit semble plus protectrice dans la mesure o elle a une personnalit distincte de celle du chef dentreprise. Cependant toutes les socits noffrent pas la mme protection patrimoniale. Il convient de distinguer deux types de socits : Certaines socits sont dites transparentes dans la mesure o les associs sont indfiniment responsables des dettes sociales ( associs des socits civiles, associs en nom,

Socits/MG/ 11/12

6

commandits). La socit nest pas un mode dorganisation permettant de protger le patrimoine personnel des associs. En revanche, les socits opaques protgent leurs associs qui ne sont tenus que dans la limite de leurs apports ( SA , SARL et EURL, SAS et SASU, commanditaires dans les socits en commandite ). Une protection attnue Mme dans une socit au sein de laquelle les associs ne sont tenus que dans la limite de leurs apports, ceux-ci peuvent par contrat sengager personnellement. Toutes les fois que le montant du capital social nest pas suffisant pour garantir un emprunt de la socit, une banque exigera le cautionnement du dirigeant de la socit qui sera souvent un associ important. Par ce cautionnement, le ou les associs engageront leur patrimoine personnel en garantie des dettes de la socit, dbiteur principal. Sur un plan lgal, deux actions permettaient de poursuivre les dirigeants si la socit tait dclare en redressement ou en liquidation judiciaire. Seule demeure la responsabilit pour insuffisance dactif : lorsque la rsolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparatre une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribu cette insuffisance d'actif, dcider que les dettes de la personne morale seront supportes, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribu la faute de gestion. En cas de pluralit de dirigeants, le tribunal peut, par dcision motive, les dclarer solidairement responsables. Points sensibles :quelques mots propos du patrimoine La socit nest pas la seule technique dorganisation de lentreprise, mais personne morale, elle est videmment le meilleur outil pour affecter des biens, des capitaux, des droits et des obligations une activit dtermine par son objet. Peut-on affecter des biens, des capitaux, des droits une activit sans crer une personne morale mais en les isolant dans son propre patrimoine ? En droit, la question a t largement dbattue. Certes, le principe de lunicit du patrimoine semblait assez bien ancr en droit franais qui a longtemps rpugn lide quune universalit de droits ou dobligations ne soit pas attache une personne. La thorie de lunicit du patrimoine a t dveloppe au XIXme sicle partir dune interprtation de larticle 2284 du Code civil qui dispose quiconque sest oblig personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, prsents et venir . Aubry et Rau ont dfini alors le patrimoine comme lensemble des biens dune personne envisag comme formant une universalit de droits . Selon eux lide du patrimoine se dduit directement de celle de la personnalit . Le patrimoine serait ainsi, comme la personnalit, une et indivisible. Cette thse a longtemps t admise par la jurisprudence et enseigne dans nos facults. Laisss en tte du Livre quatrime du Code civil Des srets cr par la rforme du 23 mars 2006, les articles 2284 et 2285 du Code civil ont repris sans changement les anciens articles 2092 et 2093 crant le gage gnral. Ce droit de gage constitue simplement la norme laquelle toute sret droge, et la rforme de mars 2006, modernisant les srets du droit franais, en a augment lautonomie et la diversit. En effet, le lien entre la personne et luniversalit des droits correspond de moins en moins la ralit conomique et sociale. Il y a bien longtemps que le droit anglo-saxon, comme dailleurs de nombreux droits continentaux, ont reconnu une existence propre un ensemble de biens : le trust ou la fondation.

Socits/MG/ 11/12

7

La cration dun trust ou dune fondation, affectant des biens ou des droits un objet, peut avoir pour but dtablir une sret, de conserver un patrimoine ou de le transmettre. On peut sinterroger sur la rsistance du lgislateur franais lintroduction de la fiducie dans notre droit qui est aujourdhui chose faite. Etait-il guid par la peur de violer les principes suprieurs dgalit instaurs par la Rvolution, comme lgalit devant lhritage et linterdiction du droit danesse, ou plus simplement tait-il guid par la crainte de favoriser lvasion fiscale ? Il est toujours difficile de sonder la raison des peuples ; toujours est-il que dsormais, en droit positif franais, la fiducie organise bien laffectation du patrimoine du constituant. Mais trs tt, la thse dAubry et Rau a t combattue. Il suffit de constater quun patrimoine peut exister sans lexistence dune personne Et notamment au dcs de cette dernire. Certes, selon le vieil adage le mort saisit le vif , mais lacceptation dune succession sous bnfice dinventaire fait quun patrimoine existe avec ses droits et ses obligations avant dtre intgr au patrimoine des hritiers, ou dfaut avant dtre liquid. Accept sous bnfice dinventaire par lhritier, le patrimoine du dfunt reste le gage des cranciers puisque lhritier nest tenu de ses dettes que dans les limites de lactif successoral. Dans ses Leons de droit civil , le Professeur Michel de Juglart reprenant luvre dHenri Lon et Jean Mazeaud crit dj en 1965 (5me dition, 1er volume, p. 325) : il serait souvent souhaitable quun commerant puisse naffecter son entreprise quune masse de biens dtermine de faon prserver pour la scurit de sa famille une fraction de son capital contre les risques dune faillite , et il ajoutait du moment que des biens sont affects un but particulier, ils forment ncessairement un tout qui doit pouvoir vivre une vie juridique commune . Et Michel de Juglart fait remarquer quil nexiste pas de principe suprieur de droit interdisant daffecter des biens une activit particulire en leur appliquant les rgles du patrimoine et notamment celles essentielles de la subrogation. Lintroduction de la fiducie en droit franais est maintenant la preuve que ce droit na jamais exig lexistence dun lien entre la personne et le patrimoine, pas plus que le droit anglo-saxon dailleurs. Cela signifie que lon peut parfaitement affecter une masse de biens, un ensemble de droits et dobligations un but dtermin, et ce but dtermin peut parfaitement tre une activit conomique. Ds lors, la thorie dAubry et Rau qui est elle-mme date ne constitue pas un principe suprieur de droit auquel le lgislateur ne pourrait pas droger. Il est cependant vident que la cration dun droit permettant daffecter une partie dun patrimoine une activit ncessite la modification de larticle 2284 du Code civil puisque lobligation de lentreprise est bien celle personnelle de lentrepreneur. Il conviendrait dcrire Sauf affectation spciale dune partie du patrimoine une activit, quiconque est oblig . Une autre solution pourrait consister doter lactivit dune personnalit laquelle on rattacherait les lments du patrimoine transfrs par lentrepreneur, que ce soit en usufruit ou en pleine proprit. Cette nouvelle entit ressemblerait alors trangement une personne morale. La diffrence avec une EURL serait trs faible si ce nest que les rgles dune socit commerciale ne seraient pas automatiquement applicables. B LA RECHERCHE DU STATUT FISCAL ET SOCIAL LE PLUS FAVORABLE Le statut fiscal

Dans une entreprise individuelle, le chef dentreprise ne peut tre assimil un salari et

bnficier des avantages fiscaux qui leur sont accords. Cette forme dentreprise exclue toute forme de rmunration du chef dentreprise, celui-ci ne recevant que des bnfices industriels et commerciaux. Faute de rmunration, il ne peut tre assimil un salari ( une possibilit dabattement existe en cas dadhsion un centre de gestion agr).

Socits/MG/ 11/12

8

Limposition du dirigeant de socit (qui assume le rle de lentrepreneur )nobit pas au mme rgime selon que la socit est opaque ou semi-transparente. Dans une socit soumise lIS, le dirigeant peut tre fiscalement assimil un salari : cest le cas pour le prsident du conseil dadministration de la SA et pour le grant minoritaire de la SARL. Dans les socits par actions, le dirigeant peut aussi obtenir des stocks options fiscalement intressantes. Lacquisition dune entreprise individuelle a t fiscalement plus onreuse que celle de parts sociales ou actions : la vente dun fonds de commerce supposait un droit denregistrement dont le taux allait jusqu 11.4% ; dans le cas de cession de parts sociales le taux ntait que de 4.8% et ce taux sabaissait 1% dans une cession dactions. Lentrepreneur qui souhaitait cesser son activit avait donc intrt avoir constitu une socit : il trouvait plus facilement un repreneur . Depuis la loi de finances pour 2000, ces discriminations ont disparu. Dsormais les cessions de fonds de commerce est infrieur 22 500 euros sont exonres tandis que la fraction suprieure ce seuil supporte un taux de 4,80%. Le statut social Le chef dentreprise peut-il tre assimil un salari ? la rponse est ngative dans lentreprise individuelle : lexploitant relve de rgimes moins intressants que ceux des salaris. Il faut cependant noter que la loi du 11 2 1994 a amlior la protection sociale des entrepreneurs individuels , comme dailleurs celle des dirigeants non assimils des salaris en leur permettant de dduire des cotisations dassurance chmage. En revanche, le prsident du conseil dadministration de la SA et le grant minoritaire de la SARL sont en principe socialement assimils des salaris , dans des conditions que nous tudierons plus tard.

2 La notion de socit Le mot socit a des sens diffrents : il dsigne tantt un contrat ( ou un acte unilatral), tantt une personne morale. Jusquen 1966 pour les socits commerciales et 1978 pour les socits civiles, la personnalit morale naissait ds la conclusion du contrat . La jouissance de la personnalit morale est aujourdhui subordonne limmatriculation au RCS. _A LA SOCIT COMME CONTRAT ? La socit est, en gnral un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie en vue de partager le bnfice ou de profiter de lconomie qui pourra en rsulter. La thorie contractuelle recouvre une ralit : la socit est dabord une manifestation de volont . Elle appelle toutefois des critiques : Une qualification impropre : ce qui caractrise le contrat, cest qu partir de volonts dont le contenu est diffrent, un accord est ralis entre des intrts antagonistes. Il aurait t prfrable que le lgislateur utilise plutt la notion dacte juridique collectif, caractris par le fait que les volonts ont le mme contenu et tendent vers le mme intrt. Lorsquelle est institue par la volont dun seul, la socit est alors tout simplement un acte unilatral. Lacte juridique crateur se limite la volont du constituant daffecter certains biens une certaine activit, dtachant certains biens de son patrimoine pour les apporter la nouvelle personne ainsi cre. Lapplication du droit des socits une telle situation est

Socits/MG/ 11/12

9

invitablement dforme. A cet gard, la modification des rgles de cration dune socit par actions simplifie reprsente une vritable rvolution dont il faudra prendre la mesure. Mme cette analyse ne rend pas toujours compte du droit positif. Comment expliquer quune socit institue par un faisceau de dclarations unilatrales de volonts survive leur disparition : jusquen 1966, la jurisprudence, fidle la logique du contrat, dcidait que cette runion entranait la dissolution immdiate de la socit avec comme autre rsultat une lourde imposition. La loi du 24 juillet dcide que la runion des parts sociales ou actions en une seule main nentrane pas de plein droit la dissolution de la socit. Lassoci unique peut tout moment dissoudre la socit par dclaration au greffe du tribunal de commerce. Le lien entre la socit et le contrat est mis en cause dune autre manire : pour protger notamment les tiers, la jurisprudence a admis quun groupement pouvait avoir une certaine vie juridique, bien que ne reposant pas sur le consentement valable des associs. Ces principes ont t repris par le lgislateur discrtement en 1966, de manire explicite avec la loi du 4 janvier 1978 : la socit de fait ne tend pas maintenir la socit pour lavenir, mais rgler les consquences dune nullit du contrat, assimile une dissolution. Lorsque lexistence de la socit est invoque par lun des associs, il doit apporter la preuve des trois lments du contrat de socit : les apports, le but lucratif et laffectio societatis cest dire la collaboration effective lexploitation dans un intrt commun et sur un pied dgalit, chacun participant aux bnfices comme aux pertes. La principale application de ces principes concerne la socit entre concubins. Elle sert liquider, aprs la rupture des relations hors mariage, les biens qui ont t acquis en commun et partager les bnfices de lactivit commune. Les mmes principes ont t invoqus propos de groupements momentans dentreprises en vue dadjudications de travaux publics. Lorsque lexistence de la socit est invoque par un tiers, celui-ci doit seulement prouver quune apparence extrieure la port croire lexistence dune socit. Lapparence sapprcie globalement, indpendamment de lexistence apparente de chacun des lments caractristiques de la socit. Ainsi, dans larrt 1re Civ 13 novembre 1980, la Cour de cassation approuve les juges du fond davoir considr que le fait pour deux personnes dexercer la mme activit, de partager les mmes locaux et dutiliser la mme ligne tlphonique crait lapparence dune socit et engageait indfiniment et solidairement ces associs. La faveur faite aux cranciers cre un risque pour les commerants qui se mettent dans une telle situation ou pour un banquier qui aurait donn aux tiers lapparence davoir constitu avec son client une socit. Aprs la jurisprudence, la loi du 4 janvier 1978 a consacr cette construction de la socit cre de fait en dclarant applicable ces socits de fait les dispositions concernant la socit en participation. De fait, la frontire entre la socit en participation et la socit cre de fait risque dtre bien imprcise ds lors que la socit en participation peut exister de manire ostensible. Plus gnralement, il nest pas certain que lapplication des rgles prcises du droit des socits soit justifi pour des personnes qui nont pas vritablement choisi dinsrer dans le cadre dune socit.

B LA SOCIT PERSONNE MORALE

Socits/MG/ 11/12

10

Depuis 1966 et 1978, le contrat est impuissant faire natre seul, la personnalit morale. La socit est aussi une institution dote de la personnalit morale dont ltude devient aussi importante que le contrat qui lui a donn naissance. Celle-ci implique une subordination durable des droits et intrts privs aux fins quil sagit de raliser Ripert et Roblot - ; elle est un corps social dpassant les volonts individuelles Weil. A priori, cette thorie de linstitution applique la socit parat intressante car elle permet dexpliquer le dpassement au profit de lintrt social, de lintrt de chaque associ. En fait, il faut considrer que la socit, celle comptant au moins deux associs, a incontestablement une nature hybride . La part respective de lacte juridique et de linstitution varie : ainsi dans les socits de personnes, lacte juridique est prpondrant alors que dans les socits de capitaux , la dimension institutionnelle est souvent trs accuse. Cependant, la rvolution de la SAS doit conduire nuancer cette opposition : la forme la plus librale de socits de capitaux devient disponible pour tous ceux qui le souhaitent. C LA SOCIT TECHNIQUE DORGANISATION DE LENTREPRISE

Nest-il pas judicieux de se tourner vers les finalits de la socit ? Le Doyen Ripert a t le premier soutenir que la socit est au service dune finalit. Cette ide a t reprise par le Professeur Champaud, mais cest le Professeur Jean Paillusseau qui lui donna son essor en analysant la socit anonyme comme une technique dorganisation de lentreprise. De la mme faon que la socit est une technique dorganisation, la personnalit morale est une rponse un besoin dorganisation juridique. LEcole de Rennes allait donner des fondements solides la doctrine de lentreprise et partant, la thse de la socit institution. Cependant, des travaux rcents proposent aujourdhui de remettre en cause ces thses fonctionnelles et institutionnelles au profit dun renouveau de la thse contractuelle( A Couret Le gouvernement dentreprise, la corporate governance ) : la rvolution de la SAS semble sinscrire dans ce courant. Ainsi, MM Cozian et Viandier ont dmontr quoutre lorganisation de lentreprise, la socit est une technique dorganisation plus gnrale, en particulier une technique dorganisation du partenariat et une technique dorganisation du patrimoine. Le droit des socits prend ainsi une dimension stratgique et vise optimiser les grands choix de lentrepreneur en matire de cration, de gestion, de financement ou de reprise dentreprise. La SAS est appele occuper une place importante par sa plasticit. Pourtant une srie de textes visent dvelopper le droit des actionnaires minoritaires et amliorer lefficacit dans la surveillance de la gestion des socits. La loi NRE du 15 mai 2001 a rform le fonctionnement interne des socits anonymes, la corporate governance. Cette loi rsulte dune rflexion sur la rpartition du pouvoir et du contrle au sein des socits et a entran des changements importants dans le droit des socits. Fortement branl en 2001, celui-ci entre dans de nouvelles turbulences. Au niveau national, la loi du 1er aot 2003 contient diverses dispositions significatives dont celles qui ont trait au montant du capital dans les SARL. Au niveau europen ensuite, les autorits ont manifest leur intention de faire preuve de volontarisme. La communication de la Commission sur la rforme des socits en date du 21 mai 2003 annonce un vritable plan en la matire . La loi sur la scurit financire (1er aot 2003) prend place pour partie dans ce mouvement important quoique disparate. Le texte entretient des parents avec la loi NRE mme si son souci premier est le fonctionnement externe des marchs financiers

Socits/MG/ 11/12

11

travers le couple scurit confiance. Certaines dispositions sont porteuses dvolutions profondes, notamment le rle nouveau confr aux commissaires aux comptes. Saccentue ainsi la diffrenciation entre les socits qui font publiquement appel l'pargne et celles qui ne le font pas. A cet gard, la loi du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de lconomie , sefforce dadapter le cadre juridique pour le mettre davantage au service de lconomie . Lexpos des motifs constate que La situation financire des entreprises franaises a rarement t aussi saine, les liquidits aussi abondantes et pourtant nombre de projets dinvestissement ne trouvent pas leur financement. Des capitaux en jachre, des projets en attente de financement, ce sont autant de croissance et demplois en moins pour notre conomie. Aussi, la loi vise donc lever un certain nombre de blocages, en modernisant les rgles de fonctionnement des entreprises, en facilitant leur accs aux financements bancaires et aux marchs financiers et en renforant la confiance des investisseurs et des mnages, notamment grce une plus grande diffusion des mcanismes dintressement des salaris aux rsultats de lentreprise. Ltude de cette volution ne serait pas complte sans mentionner la grande rforme du droit des procdures collectives par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005. En effet, la sauvegarde des entreprises est un enjeu majeur pour notre conomie et les hommes qui la dveloppent. La lgislation relative au traitement des difficults des entreprises, issue des lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985, codifies au livre VI du Code de commerce, peut tre analyse la lumire de prs de vingt annes dapplication au cours desquelles des modifications importantes, mais nanmoins insuffisantes, ont t apportes la matire, dans un contexte juridique et conomique qui a considrablement volu. Ce droit est dsormais inadapt notre conomie. Il trouvait sa place dans un principe dconomie dirige, caractris par les nationalisations et linterventionnisme de lEtat dans la vie des entreprises. Il se traduisait par un considrable amoindrissement des droits des cranciers, au profit de la recherche tout prix du sauvetage de la plus grande part des entreprises en difficult, et par une attention insuffisante porte aux objectifs et au droulement de la liquidation judiciaire. Lobjectif recherch na pas donn les rsultats esprs. Le prsent projet corrige ces dfauts. Lobjectif de la sauvegarde de lentreprise est crucial. Il doit tre poursuivi par des moyens diversifis, sans porter datteintes excessives aux autres entreprises que sont les cranciers. Pour ce faire, la loi doit permettre dapprhender les difficults de lentreprise ds quelles deviennent prvisibles, avant mme quelles ne se traduisent en trsorerie. Visant des situations diffrentes, plus ou moins graves, elle doit comporter des procdures adaptes ces diffrences et aux conditions douverture largies. Les procdures sont diversifies, car la procdure judiciaire nest pas le seul moyen de traitement des difficults dune entreprise : la conclusion dun accord amiable srieux est depuis longtemps reconnue comme un instrument fiable, le dbiteur tant le mieux mme dapprcier la procdure la mieux adapte sa situation. La faiblesse juridique du dispositif actuel dans lequel sinsre un accord entre le dbiteur et les cranciers a conduit lensemble des milieux conomiques intresss souhaiter sa redfinition. Le domaine du traitement amiable des difficults des entreprises est donc largi et permet aux cranciers, aux investisseurs et aux dbiteurs de conclure un accord juridiquement scuris. Les conditions douverture des procdures sont largies, car elles ne permettent actuellement que rarement la mise en uvre dune vritable solution pour sauver lentreprise. Lun des motifs juridiques de cet chec est limpossibilit douvrir une procdure lorsque lentreprise rencontre des difficults srieuses mais quelle nest pas en cessation des paiements. La loi met

Socits/MG/ 11/12

12

fin cet obstacle par la cration dune procdure de sauvegarde, destine, ds que le dbiteur justifie de difficults susceptibles de conduire la cessation des paiements, la rorganisation de lentreprise afin de permettre la poursuite de lactivit conomique, le maintien de lemploi et lapurement du passif. Ainsi, par lanticipation quelle permet, la procdure de sauvegarde renforce lefficacit de notre droit. Elle permet ladoption de nouvelles mesures, dbattues par le dbiteur avec ses cranciers runis au sein de comits. Lorsque les comits ont adopt un projet de plan, le tribunal arrte le plan conformment ce projet aprs stre assur que les intrts de tous les cranciers sont suffisamment sauvegards. Par ailleurs, la loi tablit une distinction claire fonde sur lobjectif des diffrentes procdures. La sauvegarde, de mme que le redressement, sont les seules procdures utiles lorsque le dbiteur peut poursuivre lui-mme son activit. En revanche, la liquidation est destine raliser lactif de la personne concerne, si possible au moyen de la reprise de lentreprise par un tiers capable dassurer la poursuite de lexploitation. Par consquent, les dispositions instituant un plan de cession de lentreprise ne peuvent demeurer dans le cadre du redressement et ainsi crer une inscurit juridique. Le traitement des difficults des entreprises ne se conoit pas sans une procdure de liquidation susceptible dtre adapte limportance de lactif, permettant dans un dlai raisonnable de le raliser, de payer les cranciers et de mettre fin lactivit du dbiteur afin de lui permettre dexercer nouveau sa capacit dentreprendre, si le tribunal nestime pas ncessaire de prononcer son encontre une mesure emportant interdiction de grer. Lefficacit retrouve des procdures de traitement des difficults des entreprises conduit inclure dans leur domaine tous les acteurs conomiques, ainsi que la rvl limportante concertation pralable llaboration du projet de loi. Les dispositions actuelles selon lesquelles les personnes physiques exerant une profession librale ne peuvent bnficier daucune procdure collective de traitement de leurs dettes professionnelles sont prjudiciables aux intresss, leurs cranciers et leurs salaris. Elles sont modifies. Cette rforme intervient en tenant le plus grand compte des spcificits lies lexistence dordres professionnels, garants des intrts collectifs de la profession, et dans le respect du secret professionnel qui simpose certaines professions librales. Enfin, ds lors que la rforme diversifie les procdures de traitement des difficults que le chef dentreprise peut engager, elle modifie profondment le rgime juridique de sa responsabilit. En consquence, le rgime des sanctions commerciales et professionnelles quil encourt est modifi. Le projet abroge des dispositions qui ne correspondent aucunement la finalit conomique des procdures, conduisant louverture dun redressement ou dune liquidation lgard de personnes qui ne connaissent pas de difficult. Paradoxalement, celles-ci ne permettent pas de poursuivre efficacement les entrepreneurs de mauvaise foi. Le projet permet de distinguer clairement les situations et dadapter les rponses chacune delles. Le dbiteur malchanceux sera distingu du maladroit. Les sanctions professionnelles sont limites dans le temps. Le dbiteur interdit de grer ne subira plus la reprise des poursuites de ses cranciers, actuellement prvue. Enfin, dans un souci daggravation du sort des dbiteurs malhonntes, une sanction pnale entranera, aprs la clture de la liquidation, la reprise des poursuites individuelles par la victime crancire de dommages-intrts. Le projet de loi comporte deux titres, le titre premier relatif aux dispositions modifiant le titre 1er du livre VI du code de commerce, lui-mme divis en sept chapitres, le premier sur la conciliation, le second sur la sauvegarde, le troisime sur le redressement judiciaire ; le quatrime est relatif la liquidation judiciaire, le cinquime aux responsabilits et aux sanctions, le sixime, consacr aux dispositions gnrales de procdure, est essentiellement relatif aux voies de recours et le septime porte les dispositions particulires aux dpartements

Socits/MG/ 11/12

13

du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Le titre second a trait des dispositions diverses, notamment dapplication de la loi dans le temps.

LIVRE 1 LES REGLES COMMUNES A TOUTES LES SOCIETESCette tude sera mene en trois temps : la constitution, le fonctionnement, la dissolution et la liquidation.

CHAPITRE 1 SOCIETES

LA CONSTITUTION DES

Socits/MG/ 11/12

14

Le consentement individuel est toujours lorigine de la naissance dune socit. Cependant, cet acte juridique ne suffit pas faire natre la personnalit morale qui dpend de laccomplissement de formalits de publicit.

SECTION 1 LES CONDITIONS DE FONDLa socit est traditionnellement considre comme un contrat qui permet de donner naissance une personne morale. Depuis la loi du 11 juillet 1985, elle peut tre aussi institue par la volont dune seule personne et lacte constitutif ne peut tre quun engagement unilatral. Mais, la socit unipersonnelle est drogatoire au droit commun, quelle soit recherche ds lorigine ( EURL ou SASU - Loi 12 7 1999) ou quelle soit le produit de la runion des parts sociales ou des actions en une seule main. Dans les autres cas, la constitution dune socit continue de supposer deux ou plusieurs associs, ce qui implique la ncessit dun contrat.

SOUS SECTION 1 LE RESPECT DE REGLES GENERALESPour que lacte de socit soit valablement form, il doit runir les conditions de fond exiges pour la validit de tous les contrats. Cependant, le droit commun des contrats est remis en question dans les socits de capitaux : pour protger les tiers, le droit communautaire directive du 9 mars 1968 - a voulu rarfier les causes de nullit, ce qui attnue, pour le moins, limportance des conditions classiques de validit. A LE CONSENTEMENT 1 Le consentement doit exister Le contrat de socit tant un contrat consensuel, cest dire form par le consentement des parties, il faut, pour sa validit, que les associs (ceux-ci peuvent tre des personnes physiques ou morales, des commerants ou des non-commerants lexception de la socit en nom collectif , franais ou trangers ) aient donn leur consentement. 2 Le consentement doit tre sincre et rel On enseigne traditionnellement que le consentement nest quapparent sil y a cration dune socit de faade pour dissimuler une exploitation personnelle: les conflits surgissent alors entre deux ayants cause de la socit lun se rclamant de lapparence et prtendant avoir en face de lui un tre moral dont le patrimoine est son gage exclusif alors que lautre entend faire tomber tous les actes accomplis par la socit et englober dans la mme faillite tous les biens de lassoci unique et ceux de la socit de faade. Paris 25 2 1981

Socits/MG/ 11/12

15

Mais il est une autre hypothse : celle o, sous lapparence dune socit, on dissimule un autre contrat et la situation vritable est rvle par une contre-lettre ou la conduite des intresss : dissimulation dun contrat de prt Com 12 12 1978 ; dissimulation dun contrat de travail Civ 13 02 1946 ou Soc 17 4 1991 propos de la conclusion dun contrat de socit en participation entre un employeur et des chauffeurs de poids lourds ; dissimulation dun contrat de vente ( par exemple pour chapper la rescision pour lsion) Req 10 4 1932 - Com 10 6 1953. Les intresss ont le droit de faire rtablir la vrit et reconnatre la nature exacte de lacte intervenu et ce droit est ouvert aussi bien aux parties quaux tiers. Une socit fictive qui se dfinit comme la cration volontaire dune apparence trompeuse est un fantme juridique ne rpondant pas la dfinition de larticle 1832 c civ. Elle ne comporte pas daffectio societatis : la sanction de la nullit est alors la sanction logique. Cependant certains auteurs considrent quelles sont non pas nulles mais inexistantes. Ainsi, M Calais-Auloy : Les socits fictives sont atteintes dune tare beaucoup plus grave.... : ce nest pas leur validit qui est en cause, cest leur existence , ce qui permet dchapper lapplication de larticle 368 de la loi de 1966 qui carte la rtroactivit de la nullit et dans un arrt de 1976 la troisime chambre civile avait consacr linexistence. Une dcision rcente de la Chambre commerciale 16 juin 1992 constitue un revirement par rapport cette jurisprudence puisque dans une hypothse similaire, il nonce : une socit fictive est une socit nulle et non inexistante . Ainsi, la fraude la loi est , pour la Cour de cassation, un cas de nullit de la socit commerciale en vertu du principe que la fraude fait exception toutes les rgles ( Fraus omnia corrumpit ), mme si cette rgle nest pas pour les socits de capitaux en harmonie avec le droit communautaire. Ainsi, dans un arrt du 28 janvier 1992 Cass Com (relatif une SARL) , la Chambre commerciale fait de la fraude commune des associs une cause autonome de nullit et ne se plie pas aux injonctions du droit communautaire. On pourrait aussi considrer que dans cet arrt, la Cour de cassation utilise la nullit pour sanctionner labus de la personnalit morale : une socit fictive est une socit nulle et la sanction ne viserait pas alors les conditions de validit dun contrat. En lespce, il sagissait de la constitution dune SARL par un poux avec trois autres personnes qui avait pour objectif la prise en location-grance dun fonds cr par les poux aujourdhui divorcs et ce, en fraude des droits de lpouse 3 Le consentement ne doit pas avoir t vici Il doit tre exempt de vices, pour lesquels le droit commun a en principe, vocation sappliquer : lerreur sur la substance ( sur la nature de la socit ou sa forme) sur la personne, mais seulement dans les socits de personnes qui sont institues intuitu personae. le dol la violence Cependant, dans les socits de capitaux ( SA, SARL, SCA ) le vice du consentement nentrane pas la nullit du contrat de socit. En effet, la directive communautaire du 9 mars 1968 a conduit le lgislateur poser cette rgle pour assurer la scurit des tiers qui ont trait avec la socit. Les mmes exigences valent pour un acte unilatral instituant une socit.

Socits/MG/ 11/12 B LA CAPACITE

16

Cest laptitude dune personne tre sujet de droit. Pour conclure un contrat, il faut tre capable. A cet gard, on applique les rgles gnrales des incapacits du droit commun en tenant compte du statut des associs. un associ personnellement tenu du passif social doit avoir la capacit de faire du commerce, ce qui exclut en principe les mineurs et les incapables majeurs. un associ seulement tenu dans la limite de son apport nest pas commerant : la capacit civile suffit et un mineur reprsent peut devenir, par exemple, actionnaire ou associ unique dune E.U.R.L. Dans les socits de capitaux, lincapacit nest une cause de nullit que si elle atteint tous les associs fondateurs. Remarque : le cas des poux Pendant longtemps, la jurisprudence na pas admis les socits entre poux - en npargnant que les socits anonymes -. Cette entrave a t leve en deux temps : dabord par lordonnance du 19 12 1958 qui a admis la validit des socits entre poux, sauf si les poux taient tous deux solidairement et indfiniment responsables des dettes sociales, puis par la loi du 23 12 1985 qui a lev cette restriction. Aujourdhui chaque poux peut entrer librement dans une socit en faisant lapport dun bien dont son rgime matrimonial permet de disposer librement, sauf si lun des poux manque gravement ses devoirs et met en pril les intrts de la famille. La capacit de la femme marie, dj renforce par la loi du 13 juillet 1965, a t pleinement consacre par la loi du 23 dcembre qui tablit lgalit des poux dans la gestion de leurs biens communs. En effet, lorsque les poux sont maris sous le rgime de la communaut, chacun deux peut librement faire apport de ses biens propres (cest dire ce quil possdait avant le mariage ou quil a obtenu par succession, don ou legs pendant le mariage). Cependant, en cas dapport de biens de communaut une SNC, une SCS ou une SARL, lapporteur doit en informer son conjoint et justifier de cette information dans lacte dapport. Cette obligation a pour but de permettre au conjoint de revendiquer la qualit dassoci sur la moiti des parts souscrites, mais le conjoint qui dclare expressment ne pas revendiquer cette qualit dclare y renoncer Paris 16 10 1993 sans pouvoir revenir ultrieurement sur cette dcision Com 12 1 1993 .La sanction est la nullit de lopration ds que le conjoint nest pas inform, que les dirigeants ou les associs soient ou non de bonne foi (loi du 10 juillet 1982). La validit des socits entre poux, est affirme par larticle 1832-1 du Code civil mme si ces derniers napportent que des biens communs . C LOBJET 1 Les deux sens du mot objet Il importe de bien distinguer lobjet de lobligation de lobjet social : Lobjet de lobligation est la prestation que le contractant soblige fournir, en loccurrence laffectation des apports une entreprise commune. Lobjet social sapprhende deux niveaux : lobjet lgal est le but que doit poursuivre toute socit lobjet statutaire est lensemble des activits dtermines par le pacte social, que la socit peut exercer Y Chaput. Lobjet de la socit doit tre indiqu dans

Socits/MG/ 11/12

17

les statuts et tre licite : dfaut, la socit est nulle de nullit absolue ( mme si elle ne joue que pour lavenir en application de la thorie de la socit de fait). Cette cause de nullit est, pour les socits de capitaux, la seule qui soit admise par la directive du 9 mars 1968 , mais larrt MARLEASING CJCE 13 11 1990 limite ce motif au seul objet statutaire, lexclusion de lobjet rel. La jurisprudence franaise qui examine le caractre licite de lactivit, non pas daprs lobjet social statutaire, mais daprs lactivit relle se trouve ainsi en contradiction avec le droit communautaire. Il doit tre dtermin : ainsi, les statuts do il rsulterait quune socit peut entreprendre toutes sortes dactivits ne seraient pas rguliers. Il faut donc trouver un compromis entre un objet trop prcis limitant le champ ouvert aux initiatives des dirigeants (mme si, dans les socits de capitaux, les dirigeants engagent la personne morale par des actes qui excdent lobjet social, sauf sil est tabli que le tiers connaissait le dpassement) et un objet trop vague, au point de ne plus tre dtermin..

2 Lintrt de la notion

Il peut dterminer le caractre civil ou commercial de la socit malgr la prdominance de

la commercialit par la forme Lobjet social sert dfinir ltendue des pouvoirs des dirigeants en vertu du principe de spcialit des personnes morales : les actes trangers lobjet statutaire sont nuls. Cependant, dans les socits risque limit, les dirigeants engagent la socit mme sils dpassent lobjet social, sauf sil est tabli que le tiers connaissait le dpassement. Les dirigeants sociaux ne peuvent accomplir de tels actes sans sarroger une prrogative qui appartient lassemble extraordinaire, seule comptente pour modifier les statuts. Une socit peut contracter les actes les plus divers ds lors quils peuvent se rattacher lobjet statutaire par leur but CA Versailles 7 3 1996 La ralisation de lobjet entrane logiquement la dissolution de la socit Il convient de bien distinguer lobjet social de lintrt social, notion plus fluctuante que lon peut dfinir comme un standard, un impratif de conduite qui simpose aux organes sociaux, une boussole . Mais cette apprciation donne lieu des interprtations divergentes : lintrt social est-il celui des associs ou correspond-il celui de lentreprise ( J Paillusseau) ? Nest-il pas un impratif simposant la fois aux associs et la personne morale quils ont cre ? D LA CAUSE Cest le motif pour lequel les associs ont dcid de constituer une socit. Cest le but poursuivi que la pratique confond souvent avec lobjet et ce but doit tre licite : la socit ne doit pas avoir un motif contraire une loi imprative, lordre public ou aux bonnes murs. Labsence ou lillicit de la cause constitue un motif de nullit. Traditionnellement, en droit franais, parce que lobjet social illicite est considr comme cause impulsive et dterminante du contrat de socit, lobjet social illicite est souvent

Socits/MG/ 11/12

18

assimil la cause du contrat et constitue un motif de nullit. Cette jurisprudence serait donc en contradiction avec larrt MARLEASING. Cependant, dans un arrt du 28 janvier 1992 Cass. Com. (relatif une SARL) prcit, la Chambre commerciale fait de la fraude commune des associs une cause autonome de nullit. Larrt DEMUTH prcit rvle que, pour la Cour de cassation, lannulation pour fraude obit, mme pour une socit de capitaux, aux articles 360 et suivants de la loi du 24 juillet 1966. Le raisonnement peut tre tendu toutes les nullits pour fraude. Elle semble, cependant, faire une concession la directive communautaire en exigeant que tous les associs aient particip la fraude, ce qui ressemble ce qui existe pour les incapacits et limite les cas de nullit aux fraudes pures .

SOUS SECTION 2 CONDITIONS SPECIALES AU CONTRAT DE SOCIETE : SES CARACTERES SPECIFIQUESSi lon se rfre larticle 1832 du Code civil, deux conditions sont ncessaires. Tout dabord de la part de deux ou plusieurs personnes, affecter une entreprise commune des biens ou leur industrie ; il sagit des apports. En outre, ces apports doivent tre effectus dans le but de partager le bnfice ou de profiter de lconomie qui pourra en rsulter. Mais ces lments ne suffisent pas donner naissance une socit, car ils se rencontrent aussi dans dautres contrats ( prt avec participation aux bnfices par exemple ). Aussi faut-il rencontrer un lment intentionnel, laffectio societatis. 1 Les apports Le lgislateur, tant dans sa formulation du 24 juillet 1966 que dans celle du 4 janvier 1978 a fait de lapport une des caractristiques de la socit. Il convient, cependant de prciser que les apports ne sont pas propres au contrat de socit et se rencontrent aussi dans les associations ou les groupements dintrt conomique. En fait, toute personne morale suppose la runion dapports, quil sagisse de groupements de personnes ou de biens. Cette exigence lgale a, en matire de socit une importance particulire parce quelle dtermine limportance des moyens conomiques dont dispose lentreprise socitaire : lapport est, cet gard lacte fondateur dune socit et de sa puissance conomique. De plus, le clivage entre socits de personnes et socits de capitaux est sous-tendu par lide dapport et la responsabilit qui y est ou non lie. La suppression de tout capital minimum pour les SARL (loi sur linitiative conomique, 1er aot 2003) est symboliquement significative. Cette notion dapport prsente une ambivalence : ce terme dsigne tout la fois un bien ou un service dtermin et une opration juridique dterminante.

I LAPPORT : UN BIEN OU UN SERVICE DETERMINE Il convient de prciser la nature du bien ou du service et de mettre en vidence les particularits lies sa dtermination.

Socits/MG/ 11/12

19

A LA NATURE DU BIEN OU DU SERVICE APPORTE A LA SOCIETE Larticle 1832 distingue deux catgories dapports, mais traditionnellement, une classification tripartite est retenue : les apports en numraire, en nature et en industrie. 1 Les apports en numraire

Cest lapport le plus frquent et le plus simple : il sagit de verser une somme dargent la socit. Lassoci na pas besoin dtre propritaire des sommes apportes et lapport serait valable mme sil a t fait au moyen de sommes empruntes. En rgle gnrale, les statuts fixent librement la proportion de capital qui doit tre libre lors de la souscription et la date des appels complmentaires. Mais la ncessit de protger les cranciers sociaux conduit le lgislateur limiter dans les socits de capitaux cette facult de libration terme : la libration doit reprsenter, dans les socits par actions, au moins la moiti de la valeur nominale des actions L 223-7 -. En outre dans ces socits, les fonds doivent tre dposs pour le compte de la socit en formation la Caisse des dpts, chez un notaire ou sur un compt bancaire spcial et ne peuvent tre dbloqus quaprs immatriculation au RCS (pour protger les associs de fondateurs malhonntes). Les modalits du paiement, cest dire de la libration mettent en exergue limportance de lapport dans la vie dune socit. En effet, les intrts moratoires courent de plein droit ds le jour dexigibilit de lapport, sans quune mise en demeure soit ncessaire ; en outre, le juge peut accorder des dommages et intrts complmentaires sans que le crancier ait tablir la mauvaise foi du dbiteur . Lassoci est donc trait plus rigoureusement quun dbiteur ordinaire. Lavance en compte courant, somme laisse la disposition de la socit par un associ, nest pas un apport et ne fait donc pas partie du capital social : lassoci, rmunr par un intrt fixe, peut toujours en demander le remboursement , sauf si lassoci a accept que le compte soit bloqu. Lavance en compte courant permet dchapper au formalisme du droit des socits, une telle avance relevant de la libert contractuelle. 2 Les apports en nature Ces apports sont tous les biens, autres que le numraire, qui peuvent tre transmis la socit : fonds de commerce, immeuble, brevets dinvention. Lapport en nature est donc marqu par sa diversit tant au plan du bien lui-mme que de la nature de lapport. Lapport peut tre fait en pleine proprit : le bien passe du patrimoine de lassoci celui de la socit. Le transfert de proprit ne peut se raliser qu partir du moment o la socit acquiert son existence juridique, cest dire son immatriculation ( lassoci doit jusqu' ce moment veiller la conservation de la choses et ventuellement reverser la socit les fruits perus par ailleurs, le transfert de proprit des immeubles et des droits de proprit industrielle ne devient opposable aux tiers quaprs accomplissement de formalits de publicit. Toutefois, la mutation de droits nest pas aussi radicale que dans le cas dune vente. Lapporteur perd tout droit sur la chose, mais, sauf stipulation contraire, a vocation le reprendre la dissolution de la socit sil figure toujours dans lactif

Socits/MG/ 11/12

20

social. A linstar dun vendeur, il garantit la socit contre lviction et les vices cachs. Il ne reoit pas dargent, mais des droits sociaux ; il ne bnficie pas du privilge du vendeur crdit. Enfin, en cas dapport dimmeubles, il ne peut plus exercer laction en rescision pour lsion des 7/12 Lapport en usufruit, qui ne peut tre consenti pour une dure excdant trente ans, permet de transfrer la socit lusus et le fructus. Cet apport confre la socit un droit rel sur la chose, amput cependant de labusus. Il arrive aussi que deux personnes, dont lune est usufruitire et lautre nu-propritaire, fassent en mme temps apport de leurs droits respectifs la socit : cependant, la runion au profit de la socit de droits appartenant lusufruitier et au nu-propritaire ne fait pas pour autant delle un vritable propritaire. Pour la Cour de cassation, lusufruit ne steint pas par confusion et cette solution sexplique par le souci de protger les tiers et vise viter que le cessionnaire des droits dusufruit ne mconnaisse les engagements relatifs au bien quaurait pu prendre, avant la cession la personne dont il a acquis les droits. Lapport en jouissance a un caractre successif : il oblige lapporteur laisser, pendant la dure prvue au contrat, la socit jouir librement du bien. Il ne confre donc la socit quun droit personnel contre lassoci, mais un droit personnel original qui ne saurait tre rduit , par exemple, une location grance de fonds de commerce. En effet, pour la Cour de cassation, la loi de 1956 ( L. 144-1 et suivants ) ntait pas applicable lapport en jouissance dun fonds de commerce : Com 3 dcembre 1991 BLIAUT La distinction entre apport en numraire et apport en nature est parfois dlicate, notamment lorsque le bien concern est une crance : la rponse dpend en fait de la solvabilit du dbiteur et en cas de doute, il conviendra de le considrer comme un apport en nature. 3 Lapport en industrie Il est lengagement pris par un associ de consacrer tout ou partie de son activit aux affaires sociales et de mettre ainsi son exprience, ses connaissances techniques ou professionnelles ou sa notorit au service de la socit - sous rserve de la licit de lapport. Il prsente ainsi un caractre futur et successif qui le distingue des deux autres formes dapport : ds lors, il impose son auteur ne pas faire de concurrence la socit. Il revient excuter un travail pour le compte de la socit, mais cette prestation est toujours fournie de manire indpendante par rapport aux autres associs, ce qui le distingue du contrat de travail, caractris par la subordination. Cependant, lapport en industrie a un rle plus limit dans le droit commun des socits : interdit dans les socits anonymes ( incessible, sa nature est incompatible avec la responsabilit limite aux apports), il est admis dans les SARL. B LES PARTICULARITES CONCERNANT LA DETERMINATION DE LA VALEUR DU BIEN APPORTE 1 Lapport, un acte translatif alatoire

Socits/MG/ 11/12

21

Lapport dun bien ou dun service a un caractre onreux et translatif de droits et lapporteur doit, selon la nature de lapport, la garantie du vendeur ou celle du bailleur. Mais, la diffrence de la vente qui est un contrat commutatif, lapport a un caractre alatoire, car lassoci sil connat la valeur de son apport ignore celle des parts ou actions quil reoit en contrepartie : elle dpend des rsultats de la socit. Cest ce qui explique la diffrence entre lapport dune crance et lavance en compte courant dont le titulaire est crancier de la socit. Cet apport, nous lavons vu, obit un rgime juridique distinct, sui generis : ainsi, la Cour dappel de Rouen avait dcid en 1988 que la mise en redressement judiciaire dune SARL, laquelle une associe avait fait apport en jouissance dun fonds de commerce, constituait une cause de reprise du fonds par lassoci apporteur pour la raison du dfaut dexploitation. La Cour de Cassation casse larrt, car il montre une confusion entre deux oprations trs diffrentes : la location-grance qui a une nature contractuelle et lapport en jouissance dont la nature sinscrit dans un cadre diffrent, celui du droit des socits. 2 Une difficult dvaluation

Lapport en nature prsente la particularit dtre marqu par une relative incertitude concernant sa valeur. Cependant, une valuation aussi prcise que possible simpose tant dans lintrt des associs - les parts ou actions sont attribues chacun en proportion des apports effectus - que dans celui des tiers - le capital social form par les biens apports constitue le gage gnral des cranciers sociaux. Dans les socits de personnes caractrises par la responsabilit solidaire et indfinie dassocis, le lgislateur na impos aucune contrainte aux associs . En revanche, dans les socits de capitaux, la loi rglemente les formes de cette valuation : dans les socits anonymes, la valeur de lapport doit tre vrifi par un commissaire aux apports agissant sous sa propre responsabilit L.225-8. Les associs demeurent libres de dterminer la valeur du bien, mais le rapport du commissaire est publi au RCS : une ventuelle distorsion peut tre, ds lors, aisment constat par un crancier de la socit. Dans les SARL, cette hypothse implique, pendant 5 ans une responsabilit solidaire de la valeur attribue aux apports en nature. Cette rglementation complexe peut tre assez aisment tourne : il suffit que lassoci vende le bien la socit un prix qui lui convienne, puis fasse lapport en numraire du prix qui lui a t pay. Aucun mcanisme ne permet alors de sassurer que le prix de vente na pas t major, sauf dans les SA si la vente a lieu dans les deux ans suivant la constitution de la socit et si la valeur du bien reprsente plus de 10% du capital. Lapport en industrie prsente des difficults dvaluation encore plus grandes, mais dont lenjeu est moindre : il est interdit dans les socits anonymes et admis restrictivement dans les SARL ( il ne fait pas partie du capital social ). Au plan symbolique - la rgle nest pas dordre public et les statuts lcartent presque toujours - le lgislateur dcide que lapporteur en industrie na droit qu une part dans les bnfices gale celle de lapporteur en numraire ou en nature dont les apports sont le moins levs. II UNE OPERATION DETERMINANTE A LACTE FONDATEUR DUNE SOCIETE

Socits/MG/ 11/12 1 Lopration dapport constitue lobjet mme du contrat de socit

22

La mise en commun des apports est une condition indispensable la constitution dune socit : sans apports, il ne peut pas y avoir de socit. Il en est ainsi lorsque lapporteur nest pas propritaire du bien apport ou lorsque lapport na pas de valeur pcuniaire parce quil est grev dun passif suprieur son actif Trib Com Honfleur 20 11 1970 ou encore parce quil serait contraire lordre public : apport ralis en fraude de droits des cranciers de lassoci apporteur Com 27 2 1973 . Lorsquaucun apport valable na t ralis, la socit ne peut se constituer. En revanche, si un associ est dfaillant, la solution est plus nuance : la socit reste valable toutes les fois que le bien apport ne constitue pas un corps certain et que les autres associs peuvent le remplacer et maintenir ds lors la souscription intgrale du capital. Cet apport marque la limite de lengagement de lassoci envers la socit et il ne peut tre contraint daugmenter son engagement : si une augmentation de capital est dcide, lassoci nest pas tenu, en principe, dy participer. Dans les socits capital fixe, lexclusion dun associ qui a ralis son apport nest pas possible. 2 La runion des biens forme le capital social, concept essentiel dans les socits de capitaux En contrepartie de leurs apports en numraire et en nature, les associs reoivent des droits sociaux qui forment le capital. Cet ensemble est soumis un rgime diffrent de celui applicable aux autres biens de la socit. Il se distingue de lactif social - sauf la constitution de la socit - : si la socit fait des bnfices, lactif augmente et dpasse le capital ; lactif peut tre aussi rduit par des pertes. Le capital se distingue aussi des fonds propres qui comprennent le capital et les bnfices mis en rserve. a Le capital, ainsi dfini, constitue le droit de gage gnral des cranciers sociaux et peut tre considr comme une sorte de patrimoine daffectation marqu par sa fixit : ces principes de fixit et dintangibilit interdisent aux associs de faire varier le montant du capital statutaire en fonction de la seule volont de lun ou de plusieurs des associs . Il ne peut donc tre dcid de subordonner limmatriculation de la socit la rdaction dune stipulation dans les statuts visant augmenter le capital ( tablis en euros) pour le cas o, du fait des fluctuations montaires, sa contre-valeur en francs deviendrait infrieure au minimum lgal Paris 3 6 1994 . Aussi, la socit ne peut distribuer aux associs aucune somme prleve sur le capital et dans les socits de capitaux le dlit de dividendes fictifs sanctionne la violation de cette interdiction. de mme, toute modification du capital est strictement rglemente, en particulier la rduction du capital : en labsence de pertes, les cranciers ont un droit dopposition et le juge en apprcie le bien fond.( Les socits capital variable obissent, de par leur nature, un rgime simplifi tant au plan de la publicit qu celui des dcisions collectives. b Cest pour ces raisons que la loi cherche garantir la ralit du capital social, notamment dans les socits de capitaux : lexigence de la souscription intgrale du capital ( attnue dans les SA pour les augmentations de capital : les actionnaires peuvent, condition de lavoir expressment prvue, dcider que laugmentation est valable, mme si tout le capital

Socits/MG/ 11/12

23

nest pas intgralement souscrit - le lgislateur exigeant cependant un montant suprieur aux de ce qui avait t envisag -). la vrification des apports en nature a le mme objectif en cours de vie sociale, la rgle selon laquelle la dissolution peut tre prononce lorsque les pertes dpassent la moiti du capital social vise garantir sa ralit. Il en va de mme de lexigence dun capital minimum et de sa publicit sur tous les documents adresss des tiers. c Le rle du capital ne se limite pas servir de garantie aux tiers ; en effet les dividendes et la dtention du pouvoir dans la socit dpendent souvent de la rpartition du capital. Cependant, il faut bien comprendre quen matire financire, le capital est une notion qui ne permet pas de bien cerner la valeur de la socit. B UNE IMPORTANCE RELATIVE DANS LA VIE SOCIALE 1 Une cl de rpartition des droits de vote

Dans les socits de capitaux soumises la loi de la majorit, les apports dterminent les droits de vote des actionnaires ou associs. Lapport dtermine donc limportance respective des associs et le contrle de la socit. Limportance de lapport comme cl de rpartition des droits de vote doit tre cependant nuance : dans les SA, il existe des actions sans droit de vote et pour mieux rsister aux tentatives de prise de contrle, des actions droit de vote double. En revanche, dans les socits de personnes, limportance de lapport doit tre trs relative : dune part, les parts sociales sont attribues proportionnellement aux apports, mais seulement dans le silence des statuts ; dautre part, les dcisions sont en principe, prises lunanimit et si les statuts ont choisi une majorit, elle se calcule par tte, indpendamment du pourcentage de capital apport. 2 Une cl de rpartition des bnfices et de la participation aux pertes

Les bnfices sont, sauf clause contraire dans les socits de personnes, rpartis proportionnellement aux apports. Dans les socits de capitaux, le principe strict de proportionnalit est plus strict, mme si le lgislateur a institu des actions dividende prioritaire. Pour ce qui est des pertes, la mme distinction socits de personnes et socits de capitaux se retrouve, de manire encore plus nette : Quelle que soit la situation financire de la socit, lapport marque la limite de lengagement de lassoci tant lgard de la socit qu celle des tiers dans les socits de capitaux : lassoci ne peut pas tre contraint daugmenter son apport. Dans les socits de personnes, lgard des tiers, lapport limite moins nettement les obligations de lassoci : il existe des socits o les associs sont tenus solidairement du passif social et il ny a pas ds lors une correspondance totale et immdiate entre le montant de lapport et celui de la dette de lassoci. La notion dapport ne rapparat quau moment o celui qui a pay exerce son recours contre les autres associs : proportionnellement aux apports, sauf disposition contraire des statuts.

Socits/MG/ 11/12

24

2 La participation aux rsultats Depuis la loi du 4 janvier 1978, une socit peut tre institue soit pour partager les bnfices soit pour profiter de lconomie qui pourra en rsulter. Quel que soit leur choix, les associs doivent contribuer aux pertes. I LA RECHERCHE DU BENEFICE OU DE LECONOMIE A UN BUT ALTERNATIF Traditionnellement, la socit se dfinissait par son but lucratif, cette notion ntant pas rigoureusement dfinie - sauf au sens comptable du terme : on pouvait et la dfinition convient toujours aujourdhui considrer comme bnfice tout gain positif, un enrichissement en argent ou plus largement tout avantage matriel apprciable en argent. Dans son clbre arrt du 11 mars 1914 Caisse de Manigod, la Cour de cassation lavait dfini comme tout gain matriel ajoutant la fortune des associs. Depuis 1914, la Cour de cassation a volu et cart lapplication du principe de rigueur quelle pos : elle a ainsi considr comme socit et non comme association les coopratives de crdit et de consommation. Progressivement, de nombreux textes ont remis en question la simplicit de la distinction originelle : lordonnance du 28 9 1967 cre des groupements que lon peut faire fonctionner aussi bien dans un but intress qu des fins non lucratives. La loi du 4 janvier 1978 parachve cette volution . Elle modifie la formulation de larticle 1832 et autorise dsormais la constitution dune socit aussi bien pour raliser des bnfices que de simples conomies. Elle a, de ce fait, cre une difficult de distinction entre la socit et lassociation : la loi de 1901 ninterdit lassociation que le partage des bnfices, non sa recherche. B LE BUT DU CONTRAT ET LA DISTINCTION ENTRE ASSOCIATION ET SOCIETE La dualit des rgimes juridiques donne cette distinction ses intrts pratiques sans que le choix dune forme de groupement par les intresss soit une qualification incontestable : il peut y avoir erreur ou calcul de leur part soit pour donner une capacit juridique plus complte soit pour tenter dviter certaines contraintes du doit commercial. A cet gard, le statut des associations demeure toujours marqu par une certaine inadaptation. 1 Les intrts de la distinction

Les conditions de constitution ne sont pas les mmes : la plupart des associations fontlobjet dune simple dclaration avec dpt des statuts la prfecture. Les socits doivent, pour certaines dentre elles , comporter un capital minimum et sont toutes astreintes des

Socits/MG/ 11/12

25

formalits de publicit, notamment une immatriculation au RCS qui donne lieu un contrle au moins formel de la rgularit de la constitution. Dans le cadre qui leur est trac par le principe de spcialit lgale, la capacit des socits est calque sur celle des personnes physiques. Lassociation a un statut qui comporte des incapacits et ne peut recevoir des dons et legs - sauf les associations reconnues dutilit publique - . Il nempche quune association peut exercer une activit conomique et mme se livrer des oprations lucratives, sous rserve de ne pas distribuer de bnfices ses membres. Le partage de lactif social, aprs dissolution de la socit, est impos par la nature du droit qui appartient chaque associ sur cet actif. Lors de la dissolution dune association, lactif est dvolu une autre association Dans les associations, les membres du groupement ne sont pas personnellement responsables des engagements de la personne morale, ce qui nest pas le cas dans toutes les socits. Le rgime fiscal nest pas le mme Enfin, lassociation serait encore aujourdhui considre, jusqu' preuve du contraire, comme un groupement civil par nature alors que les socits peuvent tre civiles ou commerciales et que la plupart des formes sociales sont toujours commerciales.

2 Une tendance au rapprochement des rgimes juridiques Des textes de plus en plus nombreux soumettent une rglementation identique soit toutes les personnes morales de droit priv soit plus spcialement les personnes morales ayant une activit conomique, ce qui concerne beaucoup dassociations, notamment dans les domaines de la sant, des loisirs, de la communication ou de lducation. Lorsquelles dpassent certains seuils (personnel, chiffre daffaires, total du bilan), les associations doivent nommer un moins un commissaire aux comptes Les procdures de redressement et de liquidation judiciaire concernent toutes les personnes morales de droit priv. Elles peuvent, sous certaines conditions, mettre des obligations et des titres associatifs comportant les principaux traits des titres participatifs mis par certaines socits. 3 La recherche dun critre de distinction

Dans ltat actuel des textes, un groupement ayant pour but la dfense des intrts

patrimoniaux de ses membres peut dsormais se constituer indiffremment sous forme de socit ou dassociation. Le Doyen Ripert souhaitait quune classification plus cohrente, impliquant une dfinition stricte de lassociation, vite que celle-ci puisse apparatre comme une forme juridique concurrente de la socit. A dfaut, pourraient tre considres comme socits les personnes morales ayant pour objet principal la ralisation dune conomie et conserveraient leur nature originaire, les groupements pour qui la ralisation dune conomie na quun caractre accessoire par rapport une activit conomique. Cette solution propose par Y Guyon est cependant difficile mettre en uvre, car la distinction du but principal et du but accessoire nest pas toujours vidente. En outre, les solutions jurisprudentielles accentuent limprcision du statut des associations.

Socits/MG/ 11/12

26

En effet, la jurisprudence accepte dappliquer certaines rgles empruntes au rgime des actes de commerce : dans un arrt du 12 2 1985 Association du Club de chasse du Vert Galant, la Cour de cassation refuse de considrer que lassociation est soumise au rgime juridique des actes de commerce, au motif que son activit conomique na pas un caractre rpt au point de primer lobjet statutaire ; un arrt de la Cour de Dijon applique ce raisonnement a contrario 4 11 1987 Association Radio 2000 et estime que lactivit de lassociation revtait un caractre spculatif rpt au point de primer lobjet statutaire : la Cour confirme la comptence des juridictions consulaires. La Cour de cassation utilise pour ce faire une distinction fragile entre la lactivit conomique spculative et lobjet statutaire - alors que cette activit doit, depuis le 1 12 1986 - figurer aux statuts. En revanche, la Cour de cassation refuse dadmettre quelle puisse donner un fonds en location grance, car elle nest pas commerant 19 1 1988 Foyer Lo Lagrange) sous le rapport des droits . En revanche, elle pourrait ltre sous le rapport des obligations . Cependant, lhypothse dune disqualification dune association en socit cre de fait semble exceptionnelle et suppose la runion de conditions mettant en vidence une volont de faire chec artificiellement aux rgles du droit des socits. Rappel : cf. article Brichet JCP 1989 I 3385

II LE PARTAGE DU BENEFICE ET SA CONTREPARTIE, LA CONTRIBUTION AUX PERTES

A LAFFECTATION DES BENEFICES Une socit na pas seulement pour finalit de raliser des profits. Il faut surtout quelle les transmette ses associs. Cest mme l son lment le plus spcifique. Une association peut la rigueur faire des bnfices si elle les rutilise dans un but dsintress ; en revanche, elle perdrait sa nature juridique si elle venait distribuer des sommes dargent ses adhrents. Ce partage suppose un pralable, lexistence dun bnfice distribuable ralis au cours de lexercice ou au cours dexercices antrieurs (et mis en rserve ) . La mise en rserve consiste prlever sur les bnfices certaines sommes qui seront affectes une destination dtermine ou conserves la disposition de la socit. Elle peut tre obligatoire lorsquelle rsulte de la loi (SA, SARL) ou des statuts. Les rserves facultatives rsultent dune dcision collective des associs : dans les socits de capitaux, la dcision de la majorit simposant aux minoritaires sauf abus de droit - voir en ce sens Com 22 avril 1976 : pendant 20 ans, la socit navait procd aucune distribution de dividendes pour contraindre les minoritaires cder leurs parts un prix infrieur leur valeur relle . Aprs affectation aux rserves, le bnfice peut tre distribu aux associs, en principe proportionnellement aux apports. Tel est le principe pos larticle 1844-1 du Code civil. Mais le principe pos nest pas impratif : on peut donc concevoir - sauf dans les SARL- une rpartition qui ne serait pas exactement fonction de la valeur des apports. Toutefois dans le but dviter des abus, larticle 1844 1 apporte une restriction la validit de ces clauses : les statuts ne peuvent pas comporter des clauses lonines visant exclure un associ du droit de participer aux bnfices ou lexonrant de sa contribution aux pertes. Cette prohibition traditionnelle peut sembler dune utilit pratique limite. Comment des associs seraient-ils

Socits/MG/ 11/12

27

assez nafs pour admettre que lun dentre eux puisse sexonrer des pertes ou sapproprier tous les bnfices ? La raison en est que ces accords sinscrivent en gnral dans un contexte embrouill tant du point de vue juridique que financier Paris 5 12 1983 . La jurisprudence a tendance interprter extensivement cette notion. Plusieurs arrts ont, en particulier, considr comme lonine la convention par laquelle un associ obtient des autres associs quils lui rachtent terme et un prix fix davance ses droits dans la socit Com 10 2 1981 ou Civ 1 7 4 1987. Cette solution sexplique par la crainte que les mauvais rsultats ventuels ne sont pas supports par lassoci ds lors que la convention est conclue. En fait, le caractre lonin de lengagement dpend de son objet : ne porte pas atteinte au pacte social une convention dont lobjet est, sauf fraude, dassurer la transmission des droits sociaux. Pour tre valable, la promesse doit donc tre dnue de toute intention frauduleuse : les promesses dachats et de vente de mmes actions sont licites ds lors quelles sont libelles en des termes identiques au profit de chacune des parties contractantes. Lopration confre alors un caractre alatoire tous les engagements pris et ceux-ci nont pas pour objet dinstituer, au profit dun seul, une garantie contre la dprciation des cours Paris 22 10 1996 Lapplication de la nullit est limite la clause, rpute non crite, et cette nullit partielle qui laisse subsister la socit est une sanction efficace : elle rtablit lquilibre socitaire, tout en maintenant dans la socit les associs qui avaient voulu sattribuer la part du lion. La mme sanction affecte une disposition extra-statutaire : un pacte avait t conclu entre un associ et un grant associ pour modifier la part des profits qui leur tait attribue et affectait celle des autres associs quelle rduisait zro. Cette disposition lonine est annule par la Cour de Paris 8 octobre 1993 . La clause dintrt fixe est galement prohibe dans les socits commerciales et rpute non crite. La frontire entre ces deux notions est parfois fragile : ainsi, dans un arrt du 18 octobre 1994 SCHAEFFER C/ MARTIN, la Cour de cassation considre comme lonine une clause aux termes de laquelle un associ renonce aux bnfices mais se mnage le droit de percevoir une redevance mensuelle forfaitaire est une clause lonine, ds lors quelle lexonre de toute contribution aux pertes. On aurait pu aussi y voir une clause dintrt fixe galement prohibe. B LA CONTRIBUTION AUX PERTES La contribution aux pertes doit tre distingue de lobligation aux dettes sociales. 1 La participation aux pertes La participation aux pertes est une condition aussi ncessaire que la participation aux bnfices. Si ce partage est un caractre fondamental et distinctif du contrat de socit, les modalits de ralisation de ce partage restent trs souples ; cependant, sauf clause contraire, le partage des pertes ne se fait pas au fur et mesure de leur ralisation, mais seulement la dissolution par amputation de lactif net revenant aux associs. Cette notion dactif net permet aussi de dterminer les obligations des associs envers les tiers, en ce qui concerne le paiement des dettes sociales. Lorsque lactif net disparat, deux situations peuvent se prsenter selon le statut de lassoci.

Socits/MG/ 11/12 2 Le paiement des dettes sociales

28

Lobligation aux dettes concerne les rapports des associs avec les cranciers sociaux.

Elle dpend de la forme sociale et peut tre indfinie ou limite aux apports, conjointe ou solidaire, immdiate ou subordonne la mise en demeure de la socit ou une discussion des biens de celle-ci. En toute hypothse, ces rgles sont dordre public et ne peuvent tre cartes par une disposition des statuts. La contribution aux dettes concerne les relations des associs entre eux : elles sont rparties, sauf stipulation contraire des statuts, proportionnellement aux apports avec la mme limite des clauses lonines. Est interdite toute clause qui affranchirait un associ de toute contribution aux pertes ou qui mettrait sa charge la totalit des pertes. Il peut limiter sa perte et la loi ladmet elle-mme dans certaines socits ; il ne peut sexonrer. 3 Laffectio societatis A LA NOTION DAFFECTIO SOCIETATIS 1 Lanalyse classique Laffectio societatis est llment intentionnel du contrat alors que les apports seraient plutt de nature objective. Le consentement des contractants doit porter sur la nature du contrat et certains auteurs ont voulu y voir lexpression dun caractre particulier du consentement : les associs doivent avoir la volont de se traiter comme des gaux et de poursuivre ensemble luvre commune. La doctrine classique y voyait une collaboration *0 volontaire (pour la distinguer de lindivision o la collaboration est force) *1 active, pour la distinguer du prt : il arrive que celui qui prte une somme dargent soit rmunr par un pourcentage des bnfices plutt que par un intrt fixe. Il est ncessaire de distinguer ces prts participatifs de la socit. En pratique, seule lintention des parties, laffectio societatis permet de faire la diffrence. Le critre reste dlicat manier et la jurisprudence montre que des espces apparemment analogues reoivent des solutions diffrentes. Un arrt a, par exemple, considr quune socit avait t cre de fait dans une affaire o un tableau avait t achet frais communs, le bnfice de sa revente devant tre ensuite partag entre les acqureurs. En revanche, a t qualifi de prt participatif la fourniture dune somme dargent pour lacquisition dun fonds de commerce, alors que la rmunration alloue celui qui avait fait lavance devait varier en fonction du prix de vente. *2 intresse (pour la diffrencier de lassociation) *3 galitaire (pour distinguer le contrat de socit de contrats voisins, le salari avec participation aux bnfices). 2 Des limites Dans la plupart des cas, sauf dans la socit en nom collectif, la collaboration nest ni active, ni galitaire. Des associs se comportent comme des matres de laffaire, dautres nont ni lenvie, ni les moyens de simmiscer dans la gestion, voire mme de la contrler. Le lgislateur a dailleurs parfois pris acte de la relativit de laffectio societatis en crant des actions sans droit de vote et en abaissant le quorum requis dans les assembles extraordinaires de la socit anonyme.

Socits/MG/ 11/12

29

Qui plus est, au cours de la vie sociale, la runion des parts sociales ou actions en une seule main nentrane pas de plein droit la dissolution de la socit et cette cause de dissolution est carte dans les SARL. Aussi, laffectio societatis implique sinon une convergence dintrts, du moins une entente minimum sans laquelle la socit ne pourrait pas fonctionner et devrait tre dissoute. B LAPPRECIATION DE LAFFECTIO SOCIETATIS volont den faire un concept uniforme. En ralit, laffectio est multiforme : il est le concept rvlateur de lexistence de la socit, la condition dune bonne rgulation de la vie sociale et le moyen de distinguer le contrat de socit de contrats voisins. Son intensit varie selon les formes sociales : forte dans les SNC, plus limite dans les SA et selon le but de la socit : la volont de collaborer est plus tenue lorsque la socit a seulement pour objectif la ralisation dune conomie. Lexamen de la jurisprudence semble conforter cette analyse : tantt, cest le caractre volontaire de la collaboration qui est privilgi par le juge, notamment lorsquil sagit de rechercher lexistence dune socit entre concubins tantt, cest la participation la gestion qui semble le rvlateur le plus pertinent de laffectio societatis, ce qui permet de distinguer lactionnaire des titulaires de certificats dinvestissements ou de valeurs composes. Cest ce critre qui, ventuellement, conduit le juge considrer quun banquier sest comport comme un associ et doit alors en assumer la responsabilit Com 12 10 1993 pour distinguer lassoci dun bailleur de fonds tantt, cest la convergence dintrts qui est le moyen de distinguer le contrat de socit de contrats voisins, tel le contrat ddition tantt enfin, cest labsence de subordination qui permet doprer cette qualification. Mais en de nombreuses occasions, la Cour de cassation infirme cette analyse et dans un arrt du 3 juin 1986, la juridiction suprme casse larrt de la Cour dappel de Reims qui avait considr quen sintressant la gestion du fonds de commerce et en participant, sinon ses bnfices, du moins ses dettes et charges, laffectio societatis stait exprime. La Cour de cassation rappelle lexigence de la dfinition classique collaborer de faon effective lexploitation du fonds dans un intrt commun et sur un pied dgalit avec son associ pour participer aux bnfices comme aux pertes . Lanalyse du Professeur Guyon a le mrite de mettre laccent sur llment psychologique prpondrant, mais la motivation des juges du fond doit faire apparatre les conditions requises par la Cour de cassation. Cette condition est inadapte aux socits unipersonnelles. CONCLUSION : LENJEU DE LA SOCIETE CREEE DE FAIT

Comme le dit Y Guyon, les difficults de la thorie classique sexpliquent par la

Entre associs, lexistence dune socit cre de fait suppose donc la preuve de la runion

des trois lments caractristiques du contrat de socit : des apports, un but lucratif ou non lucratif et aussi une affectio societatis.

Socits/MG/ 11/12

30

Ainsi, dans un arrt ancien, du 6 12 1977, la Cour considre que lexistence dune socit cre de fait est retenue bon droit par les juges du fond, ds lors quils constatent que les parties avaient mis en commun leur activit, leurs moyens financiers, leurs immeubles et installations afin de raliser un objet commun, une entreprise de travaux publics, avec lintention de sassocier et de participer aux bnfices et ventuellement aux pertes. Plus rcemment, la Cour de Paris 9 11 1992 considre que pour constituer une socit cre de fait, les concubins doivent paralllement leurs relations dordre personnel, avoir tacitement conclu et excut une convention comportant des apports, un partage des bnfices et laffectio societatis : les apports en industrie ne peuvent se ramener une aide occasionnelle et laffectio societatis implique une collaboration volontaire la gestion en vue de raliser des bnfices entre des personnes ayant des intrts communs et se comportant en partenaires gaux. Cette solution classique est applique par la Cour de cassation propos de la construction dun pavillon destin au logement des concubins et de leur enfant Civ 1re 11 2 1997 En revanche, lgard des tiers, il suffit pour ce tiers, souvent un crancier, de prouver que lapparence la port croire lexistence dune socit. Ds lors, il na pas apporter la preuve des trois lments du contrat de socit, lapparence dune socit cre de fait sapprciant globalement, indpendamment de lexistence apparente de chacun de ces lments > Cass 1re Ch Civ 13 novembre 1980 . Dans cet arrt, la Cour fait - sans doute pour la premire fois - application de la thorie de lapparence en matire de socit cre de fait : elle admet que lexistence apparente dune socit cre de fait suffit engager indfiniment et solidairement les pseudo-associs envers les tiers tromps par lapparence. La solution favorise les cranciers et cre un risque pour les commerants qui se mettent en situation dassocis apparents. La solution reste valable sous lempire de la loi du 4 janvier 1978 qui a modifi le rgime des socits cres de fait et celui de


Top Related