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    Nonnos de Panopolis

    Paraphrase de l'Evangile selon Saint Jean

    Texte rtabli, corrig

    et traduit pour la premire fois en franais

    par

    le Comte de Marcellusancien ministre plnipotentiaire

    1861

    Numrisation et introduction

    par

    Albocicade

    2012

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    Introduction

    Vouloir mettre le quatrime Evangile en vers et y parvenir, voila une ide qui ne pouvait

    germer que dans l'esprit d'un pote aguerri.

    Que ce pote ait auparavant chant la gloire de Bacchus est dj plus incongru.

    C'est pourtant le cas de Nonnos.Il ne lui a pas fallu, la charnire des IVe et Ve sicles, moins de 21287 vers pour rassembler

    avec une imagination exubrante tous les mythes sur la jeunesse de Dionysos/Bacchus. Jusque

    l, rien de trop tonnant, de la part d'un habitant de Panopolis (aujourd'hui "Akhmn" en

    Haute Egypte, sur la rive droite du Nil), la "ville de Pan", ce mythologique compagnon de

    lutte de Bacchus.

    Aprs son tour de force, qu'est-ce qui a dcid cet inlassable pote, s'enchanant un texteinaltrable, mettre le style d'Homre au service de la Bible, courber l'pithtemythologique sous le joug de l'vangile ?En fut-il de lui comme de son contemporain latin, Prudence, qui crivait, en prologue son

    Cathemerinon :

    Dj ma vie, si je ne me trompe,s'est prolonge pendant cinq dizaines d'annes,

    et aprs ce demi-sicle j'ai vu sept fois le retour des saisons,

    jouissant de ce soleil qui roule sans cesse.

    Le terme s'approche, le dernier jour n'est pas loin;

    Dieu le montre ma vieillesse.

    Qu'ai-je fait d'utile pendant ce long espace de temps?

    Il est temps que je me dise moi-mme:

    Quelque charge que tu aies occup,

    ton me a perdu ce monde auquel elle s'tait livre.

    Dieu n'a pas t l'objet de ses recherches,

    Dieu sous la main de qui tu vas tomber.

    Au terme de ta carrire,

    que ton me pcheresse se dfasse enfin de sa folie;

    qu'elle loue Dieu par des chants

    puisqu'elle ne peut louer Dieu par des vertus.

    Qu'elle remplisse le jour de ses hymnes;

    qu'aucune nuit ne se passe sans qu'elle chante le Seigneur.

    Qu'elle combatte contre les hrsies;

    qu'elle expose la foi catholique.

    Qu'elle renverse les fausses divinits des Paens.Qu'elle insulte, Rome, tes idoles;

    qu'elle consacre des hymnes aux martyrs,

    des louanges aux aptres.

    Pendant que j'cris,

    pendant que je chante de si nobles sujets,

    puisse mon me, affranchie des liens du corps,

    s'lancer comme un rayon

    l o tendront les accents de ma langue

    exprimant un dernier chant !

    En l'absence de tout lment biographique, il nous est impossible mme de conjecturer quellesuite d'vnements a pu amener le chantre du paganisme antique se faire le propagateur du

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    christianisme. Une chose pourtant est hors de doute : c'est un chrtien aussi savant que

    convaincu qui compose cette "mtabole" de l'Evangile de Jean.

    "Mtabol", c'est le mot que cet Egyptien hellnis choisit pour dsigner son ouvrage. Tandis

    que la "Paraphrasis" parle selon le sujet et le dveloppe, ou que la "Metaphrasis" est plutt

    une interprtation, la "Mtabol" est la rptition d'une mme chose sous la varit des termes

    : c'est donc bien un mme rcit rpt sous des termes soumis l'hexamtre, et entrecoupd'images potiques ou de pieuses rflexions.La langue franaise n'tant pas la grecque, il a bien fallu au traducteur se rsoudre employer

    le mot "paraphrase" dans le titre, tout en s'en expliquant dans l'introduction.

    Au vrai, lire cette paraphrase, c'est entrer dans un change quatre voix : d'abord et avant

    tout, Jean, le "disciple bien aim", auteur de l'Evangile ; puis Nonnos qui autours du sobretexte de l'Aptre multiplie les variations en vers hroques, ensuite le traducteur, qui non

    content de rendre en franais la teneur de cette "Mtabol" dut pralablement en rviser

    intgralement le texte grec, et enfin le lecteur qui recevra ce texte en fonction de son propre

    arrire plan, de ses propres attentes.

    Disons donc un mot du traducteur, puisque c'est travers son regard que nous parvient le

    texte de Nonnos. Le comte de Marcellus fut diplomate durant les quinze annes de la

    Restauration : d'abord secrtaire d'ambassade Constantinople, il fut ensuite en poste

    Londres, Madrid et Lucques, avant de se voir proposer un poste de Sous-Secrtaire d'Etat aux

    Affaires trangres dans le gouvernement Polignac, poste qu'il refusa. La monarchie de Juillet

    mit fin sa vie publique.

    C'est pendant qu'il tait en poste Constantinople qu'il empcha in extremis - avec culot et

    pugnacit - que la Vnus de Milo nouvellement dcouverte ne soit embarqu sur un navire

    turc : au final, c'est lui que l'on doit de la voir au Louvre

    Ses annes "orientales", le marqurent durablement et, bien longtemps aprs, dans sa retraite

    force, il publia ses "Souvenirs de l'Orient", puis les "Chant du peuple en Grce" avant de selancer dans l'uvre immense consistant traduire les 48 chants des "Dionysiaques".

    Ce n'est donc pas en botien qu'il entreprit de traduire le second pome de Nonnos.

    De son auteur il connaissait le vocabulaire, la tournure des phrases, et mme les petites

    manies lorsqu'il dcida de se pencher sur les 3750 vers de "Mtabole de l'Evangile". L'dition

    grecque de Franz Passow, publie en 1834 Leipzig, laissant beaucoup dsirer malgr une

    prsentation fort intressante (sur la mme page, le texte de Nonnos et le passage

    correspondant de l'Evangile), il fallut tout d'abord "nettoyer" un texte par endroit dfigur par

    quelque copiste ngligent ou par quelque critique trop imaginatif avant de pouvoir donner une

    traduction en franais. Nonnos crivait en hexamtres dactyliques, le Comte traduisit en prose: tenter de mettre le vers grec en vers franais eut t pour le moins hasardeux, le rythme des

    phrases et la richesse des images suffisent.

    Ce travail, il eut tout juste le temps de le mener bien, et c'est de manire posthume que fut

    publie, en 1861 la "Paraphrase de l'Evangile selon Saint Jean par Nonnos de Panopolis,rtablie, corrige et traduite pour la premire fois en franais", ainsi qu'une dition du textegrec "rtabli et corrig".

    Mine de rien, le chantre de Bacchus avait ramen le Comte passionn d'hellnisme vers les

    paroles de l'Aptre.

    Dans cette traduction, on trouvera donc inextricablement lis les mots de Nonnos, et ceux deson traducteur.

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    Car c'est bien au traducteur qu'appartient un vocabulaire parfois vieilli celui de son poque

    lorsqu'il emploie tous propos le voussoiement, qu'il dsigne les prtres juifs servant dans le

    Temple de Jrusalem sous le vocable de "pontifes", ou que parlant d'un garde, il le nomme

    "satellite".

    C'est par contre bien Nonnos qui, en pote, dsigne David, le roi-prophte (et avec lui les

    autres prophtes de l'Ancien Testament) comme "la lyre divine", qui parle de la vie "mreuniverselle du monde", nomme "livres de la Sagesse" les crits de l'Ancien Testament et qui

    ( la suite d'Homre) nous dpeint les "rayons de rose de l'aurore".

    D'autres choix ont une porte indniablement thologique, et ce n'est pas un hasard s'il

    dsigne par exemple Marie comme "la vierge mre du Dieu n de lui-mme " (Chap 2. 65-

    66 du texte grec) : c'est toute la thologie orthodoxe telle qu'elle est exprime Nice (et le

    sera Ephse) qui est condense en ces mots.

    Deux curiosits signaler en passant :

    * D'une part, il est question des "Galilens l'intacte chevelure". L''expression a quelquechose d'nigmatique. Faut-il y voir une allusion au fait que, si traditionnellement, les Romains

    d'une part avaient les cheveux coups courts et le menton ras, et les Egyptiens d'autre part nerechignaient pas se raser le crne aussi ; les Juifs eux avaient interdiction de se tailler les

    coins de la chevelure et de la barbe (cf Lvitique 19.27), sans parler des "Nazir" (cf. Nombres

    6.5) qui ne se coupaient pas les cheveux du tout durant le temps de leur vux ? Ou n'est-ce

    qu'une formule image emprunte Homre comme il s'en rencontre plusieurs dans cette

    paraphrase. N'est-il pas question dans l'Illiade (chant 2, 3) des "Achens la longue

    chevelure" ?

    * D'autre part, au chapitre 19, il est question, dans la traduction du Comte de Marcellus, au

    passage correspondant au verset 31, de prtres Juifs se rendant chez Pilate pour lui demander

    que Jsus et les deux brigands aient "aprs trois jours, les membres rompus par le fer" afinque les corps ne soient plus sur les croix le jour de la Pques. Cette ide que les condamns

    seraient rests trois jours en croix est trange. En fait, elle semble bien n'tre qu'une

    inadvertance du traducteur (en tous cas, je ne l'ai retrouv dans aucune traduction, tant

    anglaise que latines, que j'ai pu consulter).

    Le texte est prsent en 21 chapitres, conformment aux ditions de l'vangile de Jean. Ce

    type de division tant "rcent" (XIIIe sicle) il est vident que Nonnos ne l'a pas connu, et

    n'en a donc pas tenu compte.

    Par contre, et eu gard la mticulosit avec laquelle Nonnos suit son modle, il semble que

    le manuscrit dont il disposait ne contenait pas certains versets ( 5.1, 5.29, 4.27) mme s'il

    n'est pas exclu que le textes grec de la "Mtabole" puisse, par endroit, tre lacunaire.

    L'absence la plus importante concerne le passage de "la femme adultre" (Jn 7.53 8.11). Onsait que cette pricope ne s'est fixe dfinitivement que tardivement la place que nous lui

    connaissons : il est admis qu'elle n'tait pas dans le manuscrit que Nonnos avait sous les

    yeux.

    Deux choses, encore :

    Quoiqu'ayant rdig cette introduction, je n'ai pas cru indispensable de faire disparatre la

    prface que le Comte de Marcellus avait donn son dition. Je l'ai donc place en annexe.

    D'autre part, n'ayant pas la possibilit technique de faire comme Passow, je me rsous

    mettre le texte (en traduction franaise, cela va de soi) de l'vangile de Jean en annexe.

    Mais trve de discours, place la "Mtabole".Albocicade, le 2 janvier 2012

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    Paraphrase de l'Evangile selon Saint Jeanpar Nonnos de Panopolis

    Traduction par le Comte de Marcellus1861

    CHAPITRE PREMIER.A l'origine ineffable des ges tait le Verbe, incomprhensible, hors du temps, contemporainde son Pre, et d'une nature gale, fils dpourvu de mre, Verbe lumire d'un Dieu n de lui-mme, lumire venue de la lumire, indivisible du Pre, assis avec lui sur le trne sans fin. CeVerbe tait aussi un Dieu, n dans le ciel ; plus ancien que le monde, il a brill ds lecommencement ct du Dieu ternel auteur de l'univers. Par lui fut tout ce qui est anim etinanim ; avant sa parole productrice rien n'tait de ce qui est. En lui tait la vie inne, la viechre tous, la vie qui perptue et claire tous les phmres humains. Dans un mondeobscurci, une lumire se rpandit sur la terre, brilla de rayons clestes ; et les tnbres nepurent la comprendre. Alors vivait dans une fort frquente des abeilles, au sein desmontagnes, citoyen de la dserte colline, le hraut du baptme originel. Son nom tait Jean, ledivin rgnrateur du peuple. Il fut un messager vridique, car il porta tmoignage lalumire, afin qu' la voix d'un seul tous possdassent la foi droite, infinie, mre du monde. Iln'tait pas la lumire intelligente ; mais il avait rendre un double tmoignage ce peupleprt recevoir son Dieu, d'abord en ouvrant pour tous une seule bouche prophtique, puis ense montrant le prcurseur de cette lumire qui ne s'tait pas encore rvle. En effet,conjointement avec son Pre, le Verbe fils unique tait la lumire vritable et primitive quipurifie l'homme tout entier, en illuminant d'un rayon spirituel la nature humaine venue sur laterre. Il apparaissait tout coup un monde incrdule, ce monde qui fut tout entier contrelui ; et ce monde gar mconnut la venue du Verbe. Il tait prs des siens ; et les siens, dans

    leur aveuglement insens, ne l'honorrent pas comme un hte. Mais tous ceux qui, dans lasagesse de leur cur, et sans chanceler dans leur foi, l'accueillirent, il accorda une seule etmme cleste rcompense : celle de s'entendre appeler les fils du Dieu toujours vivant, filsque n'a point enfants une nature fconde, qui la volont de l'homme ne donna pasl'existence, que n'a pas fait natre l'union conjugale de la chair et de l'amour, mais fils issus deDieu le Pre, sans en avoir t engendrs. Et le Verbe n de lui-mme se fit chair, Dieu ethomme la fois ; celui qui avait devanc les gnrations se manifesta tardivement ; et, parune sorte de chane ineffable, il runit et enlaa la nature divine l'humaine nature. Dieu, ilvoulut habiter parmi les hommes ; et nous vmes de nos yeux mortels sa gloire, cette gloiretelle qu'un fils unique la reoit d'un pre qui le comble de grce et de vrit.Or, ce Verbe incarn, Jean, le saint prcurseur, le confirma par ce fidle tmoignage : "C'est

    de lui que j'ai dit cette parole vridique : Il m'a devanc, celui qui vient aprs moi, car il taitbien auparavant ; et tous, nous avons reu de lui cette autre grce tardive de la divineplnitude des temps en change de sa grce primitive. C'est lui, le Pre de tous, qui donna aupeuple par l'organe de Mose le livre de toutes ses lois ; et la grce mana du Christ ; et lavrit se manifesta au monde. Jamais nul ne vit de ses yeux et en face le Dieu n de lui-mme.Il a t rvl par la propre parole du Fils unique, sur naturellement prpar dans le seinaccoutum de ce mme Pre invisible dont il marche l'gal."Tel est le tmoignage que, d'une voix presque divine, a port le fidle Jean, le hrautvridique, quand le peuple des Hbreux envoya ses lvites et ses prtres vigilants vers lespenchants de la fort isole. C'est l que, s'chappant loin des hommes, il habitait sous unegrotte naturelle aux pieds de la montagne. Les serviteurs du culte, runis, l'interrogent en peu

    de mots : "Qui es-tu ? Serais-tu le Christ ?" Celui-ci leur rpond, et ne cache ni ne refuse sontmoignage : "Je ne suis point le Christ." La troupe des envoys hbreux recommence

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    questionner l'homme inspir : "Qui donc es-tu ? dis-le ; serais-tu lie, l'habitant de la terre deThesb, qui reparatrait ?" Alors il s'crie : "Je ne suis point lie. migr d'autrefois, je nedescends point de nouveau et si tard sur la terre." Plus hardie alors, la troupe des prtres quine lavent point leurs pieds lui dit : "Ne serais tu pas celui qu'on nomme le prophte divin,celui qui a annonc l'avenir ?" Et il leur rpond encore par deux mots : "Je ne suis ni lie, ni

    le prophte divin." La foule des prtres consacrs Dieu dit encore : "Qui es-tu ? car il nousfaut rapporter ta rponse tous les chefs du culte, qui nous ont chargs de venir promptementauprs de toi. Que peux-tu dire sur toi-mme ce peuple facile persuader ?" Alors il fitentendre la parole que Dieu avait dicte dans le livre saint l'homme des anciens temps : "Jesuis la voix de celui qui crie parmi les rochers du dsert : Prparez la voie qui est due auSouverain universel, et que le sentier soit prt, comme, dans son livre, le clairvoyant Isae l'acrit d'une main prophtique" Or une troupe nouvelle et incrdule de Pharisiens abuss arrive,et interroge l'homme qu'anime la science de Dieu : "Pourquoi baptises-tu aussi ? A quoi boncette eau pour purifier l'homme, si tu n'es ni le Christ venu des cieux, ni lie, le conducteur duchar de feu qui l'enleva, ni un prophte de Dieu, dont l'esprit bouillonne sous l'ardeur desoracles divins ?" A ces questions l'homme de Dieu rplique ainsi : "Je suis venu vers vous

    pour baptiser avec l'eau de la plus pure ablution. Mais celui qui doit me suivre est au milieude vous aujourd'hui ; et ma main mortelle, indigne de toucher l'extrmit de ses pieds, nemrite pas mme de dnouer le cordon de la chaussure qui enlace un Dieu !" Tout cela sepassait prs de la terre sacre de Bethabara, de l'autre ct du lit du fleuve du Jourdain.Mais quand une autre aurore, jetant au loin sa lumire, eut recommenc son cours, les regardsde saint Jean rencontrrent Jsus devant lui, et le reconnurent ; or, comme il marchait toutauprs, de son doigt dress il le dsigna la foule qui tait l : "Voil prs de vous l'Agneauintelligent du Dieu qui a cr l'univers. C'est de lui que j'ai dit : Un homme vient aprs moi,qui tait bien avant moi. Mes yeux ne l'avaient point vu auparavant. Mais, afin que, sous safigure tous inconnue, il appart aux enfants d'Isral disperss et sans chef, je suis venu moi-mme, avant-coureur de sa prsence ignore ; et j'ai baptis une foule vagabonde, incrdule etsans doctrine." Puis, d'une voix qui s'chappait de sa bouche inspire et charmait toute unefoule curieuse, il tmoigna qu'il avait vu l'Esprit de Dieu descendre du sein des airs, et, sous laressemblance d'une colombe emporte par l'essor anim de ses ailes, venir jusqu' lui et s'yarrter : "Je ne le connaissais point auparavant ; mais lui-mme, comme il m'envoyait en avantpour baptiser les hommes et les rgnrer dans une ablution dpourvue d'esprit et de feu, ilm'a dit de sa voix souveraine : Celui sur lequel tu verras descendre le souffle rapide du Dieuintelligent et s'y fixer, c'est celui-l qui doit donner la lumire aux hommes plongs dans lestnbres, et les baptiser par le feu et l'esprit. Je l'ai vu de mes propres yeux, et d'une voixvridique j'ai tmoign que celui-l est le Fils de Dieu, du Pre toujours vivant."Ds qu'une seconde fois l'aurore eut ramen la lumire, l'homme de Dieu s'approcha, et avec

    lui deux de ses disciples qui ne connaissaient pas encore la divine figure du Christ. Alors, envoyant le sublime directeur du char qui traverse les airs fouler de ses pieds le sol comme unvoyageur terrestre, saint Jean dit encore d'une voix enthousiaste : "Voici l'Agneau du Dieu duciel qui s'avance et qui parle." clairs par cette divine parole de l'homme vridique, les deuxdisciples, sans hsiter, se mettent accompagner le Christ dans sa marche. Il s'en aperoit delui-mme, et, tournant son visage en arrire, il interroge le couple qui le suit : "Que venez-vous chercher ici ?" A cette question du Seigneur, tous les deux rpondent par une mmeparole : "Rabbi (ainsi s'appelle le matre), o habitez-vous ?" Et le Seigneur rplique ainsi l'un et l'autre : "Venez et voyez." Ils vinrent, en effet, jusques sa maison, apprirent o ildemeurait, et, disciples familiers, ils passrent ce jour dans l'habitation du Christ et en sacompagnie. La deuxime heure, au cours rapide, finissait alors. L'un de ceux qui avaient paru

    dans la maison o se cachait un Dieu tait Andr, vou la pche des hommes aprs la chassedes eaux ; frre du pcheur Simon, il tait l'un des deux disciples qui le Christ avait donn

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    l'hospitalit ; la voix de Jean, que tous deux avaient entendue, il tait arriv avec soncompagnon, se tenant prs de lui, et, d'une volont commune et unanime, ils s'taient attachsau Christ. Andr, qui marchait en avant, rencontra son frre Simon, habitu scruter avec luiles eaux fcondes, et lui dit rapidement : "Frre, nous avons trouv ce sage Messie, Dieu-Homme, que les Juifs nomment en grec le Christ." Aprs ces mots, il amne promptement son

    frre l'endroit o habite Jsus. Le Christ regarde Simon d'un visage paisible, et lui adresseces douces et profondes paroles : "Tu tais le fils de Jona ; tu es Simon, l'ouvrier de la mer ;pour moi, je t'appellerai Cphas. Reois, aprs le premier, ce nouveau nom, qui pour d'autreshommes signifie Pierre, et qui cachera l'ancienne appellation de Simon. Le nom de Pierrel'emporte ; car il est l'emblme d'une indestructible foi."Cependant, lorsque l'aurore vint rougir les bords du ciel sous ses rayons chargs de rose,Jsus, aprs la nuit et ses tnbres, voulut descendre vers la ville fconde des Galilens lalongue chevelure. Comme il en approchait, il rencontra Philippe, et le Matre lui dit dedevenir son fidle auxiliaire et son compagnon dans la route qu'il avait parcourir : "Suis-moiaussi, Philippe." Or celui-ci accueille soudain d'une oreille zle cette parole qu'il vientd'entendre, et mme avant sa voix ses pieds ont obi. Philippe avait la mme patrie qu'Andr,

    Bethsade ; et c'est aussi l que demeurait l'intrpide Simon. Or Philippe, voyant sous un arbreaux beaux rameaux Nathaniel, cherche l'attirer par ces paroles : "Celui que le sage Mose,chef de notre race, a dsign dans son livre inspir, celui dont tous les prophtes, interprtesde l'avenir, ont d'un commun accord port tmoignage, nous l'avons trouv. C'est Jsus,qu'on" nomme le fils du vnrable Joseph ; il habite Nazareth, et il est le Fils de Dieu." Alorsle prudent Nathaniel s'approche de Philippe et lui dit : "Peut-il venir rien de bon de Nazareth?" A cette question Philippe rplique par quelques mots simples et sans dguisement. "Vienset regarde." Et comme Nathaniel accourt, le Seigneur le montre la foule : "Voici, dit-il, unvritable enfant d'Isral, qui ne dresse de pige personne ,et ne manifeste point dessentiments trompeurs." Nathaniel s'tonne ces mots et rpond : "Comment ton me mediscerne-t-elle, quand jamais tu ne vis mon visage ? D'o me connais-tu ?" Alors le Seigneurlui fait entendre ces accents de sa voix divinatrice : "Avant que Philippe t'ait interpell, je t'aiaperu sous le figuier, reposant l'ombre de ses rameaux levs et touffus ; mes yeux et moncur t'avaient vu en ton absence." Nathaniel, aussitt convaincu, frappe dans sa surprise d'unemain pieuse son front fidle, et s'crie : "Rabbi, sublime rgulateur des sphres clestes, voustes le roi d'Isral ; c'est vous qui tes le Christ et le Verbe Fils du Dieu ternel. Je vousproclame fois le Dieu roi des enfants d'Isral et le Fils vritable du Dieu vivant." Alors leSeigneur le fortifie et l'attire vers une meilleure foi : "Tu as cru, lui dit-il, pour avoir entenduune parole toute simple, et seulement parce que je t'ai dit que je t'avais vu au pied d'un figuier.Tes yeux, mieux affermis encore, seront tmoins de plus grands miracles. En vrit, en vrit,et que cette splendeur soit pour vous un signe infaillible, vous contemplerez le ciel ouvert

    sous l'effort divin, et les espaces invisibles s'cartant devant la troupe nombreuse des anges,dont les ailes superbes volent tout l'entour ; alors vous les verrez, empresss servir le Filsde l'homme, descendre des cieux, et reprendre la mme route pour y revenir au travers desairs."

    CHAPITRE DEUXIME.Mais comme la troisime aurore, qui annonait un mariage, teignait les rochers de sa pourpre,il y eut dans la plaine chananenne de la fertile Galile une de ces unions qui donnent la viedont elles sont la source primitive. Union heureuse ; car au repas terrestre prpar pour cepeuple de mortels la longue chevelure, le Christ tait l'un des convives. Tous les disciples ytaient rangs avec lui. La vierge mre de Dieu le Christ tait aussi venue ce festin, elle qui,

    en enfantant, avait gard une perptuelle virginit, et, sans avoir particip la couche deshommes, portait la table nuptiale une main immacule. Dj, sous les libations redoubles

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    des buveurs, les aiguires odorantes demeuraient vides de la liqueur savoureuse. Dj, dans la joyeuse salle, les chansons attrists, qui servaient une table o manquait le vin, tenaientvainement dans leurs mains des coupes sans breuvage, lorsque la mre assise auprs de sonfils lui dnona, bien qu'il le st d'avance, ces boissons inacheves du repas et cette absencedu vin : "Cette noce, lui dit-elle, a besoin de ta parole tutlaire, car on n'y verse plus les flots

    d'un vin dlicieux." Et le Christ lui rpondit : "Femme, que m'importe moi, ou toi-mme ?La dernire heure qui doit s'couler pour moi n'est pas encore venue." Marie ordonne alorsaux serviteurs de faire tout ce que dirait Jsus. Il y avait, ranges contre le mur, au nombre desix, des amphores pareilles pouvant contenir dans leurs larges flancs deux ou trois mesures ;elles taient destines verser de leur bouche de pierre l'eau pure rserve aux ablutions desJuifs. Aussitt, pressant les serviteurs de ce banquet o la soif demeurait inassouvie, le Christdit d'une voix qui va crer le vin : "Remplissez-moi ces amphores d'une eau toute frache !"Ceux-ci les remplissent l'une aprs l'autre, jusqu' ce que l'eau toute limpide en atteigne lesbords et les couronne. Soudain s'opre le miracle. Cette eau se colore, altre sa nature,s'empourpre, change ses flots de neige en flots d'un liquide noirci, et, travers ces vases quiont reu des eaux, nage et pntre le dlicieux parfum du vin le plus pur. Le Seigneur, de sa

    parole souveraine, commande ainsi aux chansons : "Puisez abondamment ce pressoirdomestique, et portez toute cette liqueur au directeur du banquet." On puise aussitt sansrelche ; les coupes se renouvellent ; et, quand l'intendant du festin gote de ses lvres pour lereconnatre ce liquide qui s'panche sous les rouges nuances du vin, il ne sait d'o il est venu ;mais la troupe des chansons le savait, elle qui avait retir des vases de pierre destins l'eaucette liqueur inaccoutume. Alors l'ordonnateur du repas appelle hors de la salle le nouvelpoux, et lui parle ainsi : "On a pour habitude de choisir le meilleur vin afin de le verser lepremier ; puis, quand les ttes s'appesantissent, et qu'on voit l'ivresse gagner les convives, onsert alors plus tard le vin de moindre qualit. Mais vous, au contraire, vous aviez chez vous cevin suprieur, et vous l'avez gard pour la dernire heure." Ce premier miracle, d'un vinmultipli pendant ce joyeux repas, fut accompli par Jsus l'endroit que l'on nomme Chanaan,sjour des Galilens l'intacte chevelure. C'est ainsi que, dans un banquet dont il tancha lasoif, il manifesta hautement aux Hbreux sa gloire ; et chez ses disciples, raffermis dans uneinbranlable croyance, toute hsitation cessa. Aprs le festin nuptial d'une noce o le vin avaitmanqu, le Matre ne demeura pas longtemps dans cette plaine dite de Chanaan. Mais, sedirigeant vers la ville de Capharnaum au bord des eaux, il revint sur ses pas et suivit le cheminqui descend, accompagn de ses frres, et de la vierge mre du Dieu n de lui-mme, qui nequittait pas son fils : eux s'tait jointe une troupe de disciples au nombre de douze, qui lessuivait sur la mme route et formait leur cortge.Or il ne s'y arrta pas beaucoup, et il abrgea les jours ; car la pque tait proche, et, voulanthonorer la fte du sacrifice, il monta vers la pieuse Jrusalem avec ses prudents compagnons.

    Dans le temple consacr Dieu, il trouva des bufs aux larges cornes, des ranges de brebiscouvertes de leurs toisons, des colombes au plumage vari. Il y trouva aussi une foule dechangeurs de monnaie assis leurs riches comptoirs, et un grand nombre de marchands,occups vendre au haut de leurs boutiques. Il fit alors, en le tressant de ses mains, une sortede fouet avec des cordes ; puis il chassa le troupeau des bufs comme la bande des brebishors de la maison de l'encens, et, redoublant ses coups, il renversa sur le sol sacr et y laissabouleverses toutes les boutiques des vendeurs. Ensuite, secouant violemment les comptoirsentours de la foule, il en rpandit la monnaie terre ; et il dit un homme qui faisait lecommerce des colombes : "loignez tout cela de l'enceinte du temple, et, tourments que voustes des penses et de l'aiguillon du gain, ne faites pas de la sainte demeure de mon Pre unemaison de trafic, car c'est la maison de la prire." Or les disciples se souvinrent qu'il est crit

    dans le livre inspir de Dieu : Le zle de ta divine maison me dvore. La foule alors lui fitentendre cette voix menaante : "Quels miracles divers montres-tu aux Hbreux pour justifier

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    de tels actes ?" Et le Seigneur adresse ce peuple qui lui rsiste une parole merveilleuse qu'ilne sait pas comprendre : "Dtruisez ce temple, et en trois jours je le rebtirai." Mais euxs'crient : "Quoi ! ce temple que Salomon a lev de tant de pierres, d'ornements si varis, etdont il a dispos sur des lignes recourbes les longues galeries, pendant l'espace de quarante-six ans consacrs sa construction, toi, dans le cours de trois aurores, aprs de tels amas de

    ruines, tu le rdifierais sur de nouveaux fondements ?" Le Christ, par une sorte d'allusionmystrieuse, parlait du temple de son corps qu'il devait ressusciter le troisime jour. Aussi,quand, abandonnant le sein du spulcre d'o il n'y a pas de retour, il sut, par une sorte de viergnre, revenir du trpas pour recouvrer son ancienne gloire cleste, c'est alors seulementque les disciples se souvinrent qu'il avait appel son corps une maison ; ils confirmrent ledivin langage du livre o Dieu avait parl, et ils crurent la parole que Jsus leur avait dite.Cependant il demeurait prs du temple construit en l'honneur de Dieu, et sjournait Jrusalem pour y clbrer encore la solennit de la pque, puisque la fte o les prtresconsommaient l'agneau faisait toujours retentir ses bruyants mystres. Beaucoup, la vue desmiracles qu'il oprait, jetrent au vent leur aveugle incrdulit, et crurent au nom du Christ.Mais il ne confia pas sa pense ces nouveaux croyants. Car il n'avait pas besoin du

    tmoignage d'une voix trangre pour connatre l'esprit des hommes : il savait par sa proprescience leurs uvres, et tout ce qui, dans le fond du cur humain, se cache sous le manteaumuet du silence.

    CHAPITRE TROISIME.Parmi la race sacre des Pharisiens gars tait un chef des Juifs, homme opulent et juste. Il senommait Nicodme. Il vint pendant la nuit auprs du Christ, marchant avec prcaution et sanstre vu. Oui, c'est la nuit qu'il pntra dans une maison o tait la lumire ; et Jsus, endvoilant cet homme fidle l'clat divin du baptme, purifia de sa parole ce nocturnevisiteur. Celui-ci, que Dieu commenait persuader, lui dit : "loquent Rabbi, qui nous parlezde Dieu, nous voyons de nos propres yeux qu'il vous a envoy pour enseigner le monde etpour secourir l'existence humaine ; car un mortel ne peut accomplir tous les miracles de tantde sortes qu'achve votre parole salutaire et merveilleuse, moins qu'il n'ait pour auxiliaire leDieu bienfaisant." Jsus pronona alors ces mots, qui avaient une sorte d'obscurit : "Si, aprsles premires angoisses d'un fcond enfantement, l'homme mortel n'est pas engendr uneseconde fois, il ne peut voir le royaume ternel de la cour cleste." Nicodme aussittmanifesta ainsi sa surprise : "Comment, aprs sa vieillesse, aprs sa chevelure dj blanchie,un homme pourrait-il encore subir l'preuve d'une tardive naissance ? Pourrait-il jamais,dpourvu de pre, rentrer dans le sein primitif de la mre qui l'a port, l'a t'ait crotre, et sesoumettre ainsi la loi fconde d'un enfantement renouvel ?" Jsus, pour enseigner celui quienseignait les autres, lui rpondit : "Si l'homme, en purifiant son corps par des bains

    rgnrateurs, ne reoit pas la fois de l'Esprit divin et de l'eau une seconde et nouvelleorigine, image spirituelle de la naissance qu'il tient de la femme, cet homme ne peut connatrela cleste rcompense prpare de tout temps dans l'avenir sans fin. Car tout ce que portentdes entrailles humaines sur la terre, cr par une chair mortelle, est la chair de l'homme ; maisce qui est divin, purifi par l'eau du bain de l'Esprit n de lui-mme, est l'esprit vivifiant, et,par une sorte de loi en dehors de la gnration, devient le germe spontan d'une naissancerenouvele. Or ne vous tonnez pas de cette parole inspire de Dieu, quand je vous ai dit qu'iltait ncessaire de recommencer la carrire de la vie par la rnovation de l'eau. L'Esprit, quis'agite sous un invisible effort, sait souffler o il veut, et vous entendez prs de vous le bruitde sa voix, qui Dieu fait traverser les airs pour arriver vos oreilles ; mais vos yeux nepeuvent vous apprendre ni d'o elle vient, ni o elle va. Telle est l'image de tout homme que

    l'Esprit a engendr par une humide flamme et non par un grain de poussire." Il dit, etNicodme rpond : "Comment tout cela peut-il tre ?" Et Je Christ rplique de sa parole

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    d'oracle : "Vous tes docteur dans Isral, et vous l'ignorez ! Le sens vous chappe, et vous nesavez pas ce que je veux dire. En vrit, en vrit, recevez encore ce ferme tmoignage : ceque nous savons tre la vrit toute remplie de divins oracles, nous le publions, et le semonsde nos lvres vridiques dans les oreilles rebelles des hommes. Or tout ce que mes yeux ontvu de mon Pre, le matre des cieux, nous vous l'apprenons par une parole qui en a la science

    et en fait foi. Mais l'esprit intraitable des mortels indociles ne reoit pas mon fidletmoignage ; et si, quand j'ai dit quelque chose des vaines uvres de la terre, vos oreilles sontrestes tellement incrdules, votre esprit inexpriment croira-t-il davantage en entendantparler des lments clestes et invisibles, si je lui raconte l'arme qui vole et les uvres duciel ? Jamais mortel n'a foul sous ses pieds ariens les inaccessibles contours des cieux, si cen'est le divin Fils unique de l'homme, qui est descendu d'en haut, sa demeure, pour enchanersa forme immortelle la chair, lui qui fait sa rsidence dans le palais toil de son Pre, ethabite de toute ternit le firmament. Et comme, au bord de la route, sur une roche dserte,Mose dressa le serpent, meurtrier des hommes qu'il avait mordus, et le soumit une formefictive et des anneaux d'airain, ainsi le Fils de l'homme, image de la figure du serpentprservateur, doit surgir aux regards des humains, pour calmer les souffrances des maux qui

    les consument, afin que celui qui le reoit dans la condition d'une foi sincre jouisse de la paixde la vie qui sera la gloire de l'homme pendant tout le cours indestructible du temps. Car leRoi des cieux a aim ce monde inconstant et divers, ce point qu'il a donn l'univers entierle Verbe, son Fils unique, bienfaiteur des mortels, afin que celui qui le recevrait, renonant la mobilit de sa croyance, et courbant volontairement la tte sous une inbranlable foi, entrtdans le chur ternel de la vie cleste, et habitt une demeure imprissable sous les ombragesdu paradis. Non, Dieu n'a pas offert au monde le Verbe son Fils pour juger ce monde avant letemps, mais pour relever la race humaine tout entire qui succombait. Ainsi donc celui quil'apaise par la soumission d'un cur constant, et qui, jetant aux vents des airs son aveugleincrdulit, s'affermit dans la foi, n'est pas jug ; mais celui qui, tendant vers la chair humaineun regard perdu, ose ouvrir la bouche pour s'opposer Dieu, celui-l est jug, parce qu'il n'apoint admis la foi dans son me rebelle la persuasion, et qu'il n'a pas chang de pense, nicru au nom du Roi bien-aim, Fils trs-haut de Dieu le Pre. Telle est la sentence qu'a mritede tout temps ce monde impie. Car la lumire est venue du ciel sur la terre, et la gnrationmobile des hommes a prfr l'obscurit son clat ; cette race a dsir la lumire moins queles tnbres, parce, que ses uvres sont quivoques. Tout homme, en effet, qui commet desiniquits dignes de la nuit, hait volontiers la lumire, et ne marche jamais vers elle ou ct,de crainte que sa clart ne rvle les uvres qu'il accomplit en les dissimulant sous unmystrieux silence. Celui, au contraire, qui se consacre tout entier et sincrement la vrits'avance de lui-mme vers la lumire, pour manifester les actes qu'il excute par la volont deDieu."

    Aprs ces mots, Jsus, qui avait quitt les plaines de Galile, vint dans la contre sainte de laterre des Juifs, et il y demeura avec les disciples qu'il venait d'instruire, sjournant dans lesmaisons trangres : il baptisait les tribus diverses des pays voisins, et lavait dans des ondessalutaires les souillures du cur de l'homme. Saint Jean donnait aussi lui-mme la fouleerrante qui croyait en Dieu le baptme de l'eau, auprs de Saleim o les courants sontprofonds. L, en effet, le fleuve plus large roule dans ses flots perptuels une eau abondantequi suffisait tous. Une foule pieuse l'entourait ; et, effaant leurs fautes par une sage ettardive pnitence, ils se purifiaient dans le Jourdain. Car l'homme divin n'avait pas encore tconduit charg de chanes, en raison de l'union adultre du Roi, dans la demeure toujoursgarde qui mne la mort. Une sorte de dispute s'levait alors au sujet de l'expiation entre lesdisciples de Jean, qui partageaient ses doctrines, et un Hbreu. Ils accoururent la hte auprs

    de l'homme divin, cet homme qui avait pour tout vtement une lgre tunique de poil, et luiadressrent ces paroles : "Rabbi, tu as t le premier publier le bienfait des eaux ; mais celui

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    qui tait avec toi de l'autre ct du fleuve, et que ta parole prophtique dclarait issu de Dieu,celui-l, l'imitation de tes bains expiatoires, baptise beaucoup plus encore : car tous leshabitants empresss courent l'envi et en foule, pour participer ses ablutions divines." Alorsl'homme vridique rpond ceux qui se succdent autour de lui : "Nul ne peut rien recevoirdu sein des cieux, si Dieu ne lui en accorde la faveur. Vous savez et vous tes tmoins que j'ai

    dit en public et sans nul dguisement : Je ne suis pas le Christ, le Sauveur ; mais le Dieusouverain m'a envoy devant lui pour prparer ses voies. Celui qui a l'pouse est le mari ;mais auprs de lui se tient son fidle compagnon, qui l'coute quand il parle, accueille sa voixaccoutume d'une oreille ravie, et se rjouit de sa joie. Mon plaisir est tout pareil et aussigrand. A lui, il faut pour toujours des honneurs sublimes, grandissant sans cesse et immortels,car il est Dieu : pour moi, homme, il faut me mesurer moins, parce que je suis d'une racesubalterne. Celui qui est venu des hauteurs des espaces clestes marche au-dessus de tous ;tandis que celui qui porte en ses veines le sang de la terre, et raconte les choses de la terre,n'est qu'un homme terrestre. Or celui qui est descendu du sein des airs, demeure de Dieu,publie ce qu'il a entendu dans le ciel, et personne n'admet son divin tmoignage ; Et pourtantl'homme qui a reu ce tmoignage issu d'une bouche divine, cet homme qui ne ment pas,

    confirme par sa parole que celui-l est le seul Dieu vritable, envoy du ciel sur la terre poursecourir le monde, et pour y rpandre de lui-mme la rose de la sagesse hrditaire. Car Dieune lui mnage pas son Verbe ; mais il donne son Fils unique l'Esprit, source de prophtiesqui ne tarit jamais. Dieu, le Pre souverain, chrit son Fils, et lui a accord de tout avoir dansses mains. Or celui qui appuie une ferme croyance sur des convictions qui ne dfaillent point,celui-l jouira des honneurs d'en haut, et il possdera une vie, immortelle compagne du tempsqui se renouvelle sans cesse : tandis que l'homme dont l'orgueil refuse de croire au Fils du,Dieu vivant, le courroux vengeur du Trs-Haut, pour chtier sa dmence, marche dj verslui."

    CHAPITRE QUATRIME.Et quand le Seigneur eut appris que la troupe ennemie et dissimule des Pharisiens, jalouse deces purifications inspires de Dieu, s'offensait de ce qu'il attirait vers la lumire les hommesgars, les baptisait dans l'eau, et avait plus de disciples que Jean (or le bruit en tait faux, carle Seigneur ne baptisait point dans l'eau, mais seulement ses disciples) ; alors il quitta la villedes Juifs aux remparts levs, et retourna dans la plaine des Galilens bienveillants, pourviter l'incrdule frnsie des intraitables Pharisiens.Il lui fallut traverser Samarie aux belles eaux, en prenant son chemin par la route qui confinedes deux cts aux contres intrieures. Htant ainsi sa marche divine vers le midi, il parvint l'antique cit de la contre samaritaine, Sichar, btie sur la hauteur o Jacob avait plant unchamp de vigne qu'il avait donn son fils Joseph. L tait une source au sein profond, et

    jadis, aprs avoir resserr sous des constructions la base humide d'une fosse creuse dans laplaine, Jacob en amena les eaux au fond de ce puits limoneux. C'est l qu'arrtant sa longueroute, et fatigu du voyage, le Christ s'assit, pour reposer sa lassitude, sur les bords duchemin, o la source rapproche de la ville versait aux habitants, en dehors de ses souterrains,une onde abondante. La sixime heure avait ramen la soif, et s'coulait en ce moment. Unefemme de Samarie, qui portait sur ses flancs sa cruche accoutume, s'approcha de la fontaine ;et le Seigneur lui demanda de l'eau de cette cruche : "Femme de Samarie, j'ai soif, et puisque

    j'arrive dans ton pays, donne-moi boire une eau hospitalire." Il tait rest seul alors, car latroupe qui l'accompagnait, voyant l'heure de midi s'avancer dans le ciel et hter le moment durepas, s'tait rendue la ville voisine de la route. La Samaritaine, curieuse, l'interroge aussi deson ct : "Comment, puisque vous savez que je suis une femme de Samarie, me demander de

    l'eau contre la coutume et sans prudence, vous qui appartenez la race mticuleuse desHbreux ? Qu'y a-t-il de commun entre une Samaritaine et votre nation, pour que vous buviez

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    de ma main ? Si votre loi vous en empche, je dirai respectueusement que vous tes Juif, carles Juifs ne mlent pas leur vie celle des Samaritains, et n'ont pas les mmes lois." Le Christlui rpondit par quelques paroles quivoques : "Si tu connaissais la grce du Dieu trs-haut,ses dons, et quel est celui qui te dit : Apaise ma soif avec cette eau passagre d'une sourceterrestre ; c'est toi qui lui demanderais de bon cur l'eau ternelle, et il aurait te donner le

    breuvage de vie." Or la femme, qui ne comprend pas ce breuvage de vie, rplique : "Seigneur,vous m'tonnez. Vous ne portez ni seau arrondi pour puiser, ni corde pour retirer d'une mainalternative l'eau recueillis dans les flancs de ce puits ; et il est trs-profond. Comment doncferez-vous sortir des entrailles de la terre cette eau nouvelle qui donne la vie ? Avez-vousdonc vous-mme quelque autre boisson ? Et seriez-vous plus grand que notre divin Jacob,pre de la postrit mle d'o nous sommes issus ? C'est lui qui a donn la terre de Samariece puits bienfaisant ; et, lui-mme, il y a bu une eau naturelle, qui a suffi lui, ses enfants,aux habitants des montagnes et, aux nombreux troupeaux." Alors Jsus instruit cette femme,dont l'esprit se rveille, et qu'il fait passer de l'obscurit la lumire : "Celui qui boit l'eaupassagre de la source contenue dans les flancs du sol, ou l'onde adoucie d'un fleuve n de laterre, aura soif encore : mais celui qui j'aurai donn boire l'eau ternelle n'aura plus jamais

    soif, car le flot qui jaillit de la sagesse demeurera dans ses entrailles ; et cette eau, sans cesserenaissante, d'une source intrieure que la puissance de Dieu fait sortir des profondeurs de lapense, ce n'est pas l'eau d'un fleuve terrestre, mais bien l'eau de la vie ternelle." LaSamaritaine supplie alors d'une voix docile : "Seigneur, donnez moi cette eau vivifiante, sidiffrente des sources de la terre, afin qu'aprs l'avoir bue, je n'aie plus soif, et ne vienne plusici puiser grands efforts dans les profondeurs de ce puits." A ces mots, Jsus, voulantprouver son tour cette femme avise, qui avait eu beaucoup de maris, lui dit : "Va, amneton poux, et reviens rapidement avec lui de la ville." La Samaritaine, qui ne comprend pasencore, et qui cherche dissimuler ses nombreuses unions, rpond cependant par cesvridiques paroles : "Comment ferais-je venir vers vous mon mari, puisque je n'en ai pas, etn'en ai jamais eu ?" Et Dieu la rprimande ainsi : "Je sais, femme, que tu as un sixime pouxillgitime aprs cinq autres ; car tu as eu successivement cinq maris, et celui que tu asmaintenant n'est pas ton lgitime poux. Tu m'as donc dit vrai." Alors, toute stupfaite, lapauvre Samaritaine, d'une voix enthousiaste, rpond : "Seigneur, je reconnais que vous tesun prophte divin. Nos anctres, en gravissant ces montagnes, y ont inclin leurs ttes auprsd'une pierre o ils invoquaient Dieu par de pieux et nombreux sacrifices. Mais vous, vousavez prpar sur les hauteurs de Jrusalem un autre endroit propice, choisi par la divinevolont ; et c'est l qu'il faut s'agenouiller sur le sol, se prosterner humblement et prier auprsde l'autel lev Dieu." Et le Seigneur rpondit : "Femme de Samarie, crois en moi d'un curvritable ; car l'heure approche, qui annonce une vie nouvelle et amne la pit. Ce n'est pluspar un culte artificiel, auprs d'un autel lev Dieu sur vos montagnes, ni dans les vallons de

    Jrusalem aux larges collines, que vous verserez en libation le sang des taureaux, ou que vousappuierez sur la pierre vos genoux suppliants. Celui que, dans l'inconstance de vos cursgars, vous n'avez pas reconnu au fond de vos esprits, vous l'honorez seulement par ou-dire,en vous crant une sorte d'image de la vraie tradition ; mais nous, pour celui-l mme nousinstituons les mystres des saints autels, nous l'exaltons dans nos chants religieux, et nousclbrons dans nos concerts intelligents le Dieu n de lui-mme tel que nous le connaissons.Or le moment arrive, que Dieu a vou au culte raisonnable ; l'heure vient, o les vrais initiscourberont tous ensemble vers la terre leur tte suppliante, leur tte tranant sur la poussire etprosterne devant la vrit et l'esprit. Car c'est ainsi que le Dieu souverain veut des adorateurs,qui, pliant devant lui les deux genoux, et appuyant humblement leur face sur le sol, confessentde la voix l'Esprit divin et la vrit : Esprit, Dieu vritable, qui amne les hommes de la terre

    confondre dans une invocation unique l'esprit et la vrit, et glorifier le Dieu crateur dumonde ternel." Il dit ; et, sans le comprendre, la Samaritaine adresse au Christ sur le Christ

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    qu'il avait fait dans l'enceinte de Jrusalem, quand les heures voues Dieu et mres de lapit y avaient ramen les rjouissances de la fte sainte, puisqu'ils s'y taient rendus eux-mmes pour le jour sacr. Jsus revint habiter cet endroit du pays de Chanaan, o il avaitauparavant fait rougir l'eau, et en avait chang la couleur neigeuse contre des flots de vin.Il y avait alors dans la ville de Capharnam, auprs du lac, un homme, serviteur du roi et chef

    de ses troupes, dont le fils malade tait alit par des souffrances qui affaiblissaient etenchanaient ses genoux. Le tendre pre se dsolait du mal qui affligeait son fils, plus que cefils lui-mme peut-tre. Ds qu'il sut le retour de Jsus, il courut la demeure de Chanaan, etdemanda instamment au Seigneur de prendre la route qui descend vers la ville et enrapproche, pour venir y sauver son jeune fils. Jsus lui adressa d'abord cette rprimande : "Sivous ne voyez les miracles divers de ma parole, vous ne croyez point en moi." Aussitt,inond de larmes plus brlantes, le pre s'crie, dans l'ardeur qui consume son me :"Seigneur, htez-vous. Descendez des champs de Chanaan avant que mon fils ne meure ; caril a besoin de votre parole." Alors de cette voix qui donne la vie, le Seigneur l'encourage :"Va, et tu trouveras vivant et plein de sant ton fils bien-aim ; assois-toi donc de bon cur ta table, o ton fils sera ton convive." Ainsi dit le Seigneur. Soudain l'homme crut la parole

    que venait de prononcer Jsus, et chez lui la foi se joignit l'esprance. Or, comme ildescendait la longue route, ses serviteurs joyeux vont au-devant de lui. Il ne leur demande pasle sujet de leur satisfaction ; mais il devine, au silence intelligent de leur visage, que son filsest vivant. Alors tous ensemble lui adressent ces paroles, qui lui sont bien douces : "Tendrepre, ton fils vit, marche d'un pas rapide, et ne s'est jamais port si bien." Il questionne alors,dans sa joie, ses serviteurs sur l'heure bienfaisante o est venue l'heureuse fin de la souffranceet la gurison. Et tous s'accordent lui rpondre : "La maladie a quitt ton fils hier, quand laseptime heure, qui lui a rendu la vie, s'coulait." Il reconnut alors par son propre calcul cettemme heure salutaire o, de sa voix vivifiante, le Matre divin lui avait dit : "Ton fils estguri." Accueillant aussitt dans une me pure une inbranlable croyance, lui et tous ceuxqu'il nourrissait se soumirent, sur le tmoignage de cette parole, au joug invincible de la toi ;et il entrana, sa maison tout entire dans les voies d'une irrprochable pit.Ce fut le second miracle opr par la voix vivifiante de Jsus dans les champs chananens dela Galile aux belles tours, comme il revenait de la Jude dans la ville des Galilens la noblerace et la longue chevelure ; le premier avait t le miracle des noces, o l'on but longstraits l'eau rougie et change en flots de vin.

    CHAPITRE CINQUIME.Or Jsus monta vers la ville, qui brillait de l'clat vari des marbres, et levait ses colonnesdans les airs. L, sous la probatique o les eaux abondent, tait un large et lgant bassin,entour d'une ceinture vote en pierres de taille, avec cinq vastes portiques sous le mme

    difice. C'est l que les malades, quand ils voyaient les eaux jaillir et s'agiter d'elles-mmes,purifiaient leurs corps dans ces flots bouillonnants ; et, chassant ainsi les cuisantes souffrancesde leurs maux endurcis, trouvaient dans cette onde, mieux que chez les mdecins, la fin deleurs douleurs.Il y avait alors auprs de la fontaine un homme toujours infirme qui avait vu, depuis sa cruellemaladie, s'couler trois fois dix annes surmontes de huit autres. Jsus l'aperut gisantimmobile sur sa couche accoutume, et comprit que ses membres, enchans par un malpresque incurable, l'y retenaient. Alors, d'une voix compatissante, le Seigneur l'interroge ainsi: "Voulez-vous tre guri ?" Mais le malheureux, lent comprendre, et exhalant de sa poitrinedbilite un souffle haletant, lui rpond peine d'une voix affaiblie : "Matre, il me faudrait uninfirmier bienveillant ; et je n'ai personne pour me servir, qui m'emporte et me jette dans la

    sainte piscine au moment o l'on voit s'enfler les eaux de la fontaine sacre. Pendant que jetrane mon pied paresseux et mal assur, un autre plus jeune que moi et plus alerte me

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    devance, et saute rapidement dans le bassin, quand les ondes lancent leur cume dans lesairs." Alors le Seigneur l'encourage de sa voix vivifiante : "Levez-vous, prenez votre lit, etmarchez sans effort." Aussitt l'impotent s'lance, s'appuie sur ses pieds et, debout, il prendson lit sur son dos, traverse la demeure ouverte au public, agite ses genoux dont il avait perdul'usage, et emporte sans fatigue sur ses paules le lourd fardeau de sa couche. C'tait le jour du

    sabbat ; et ceux qui avaient remarqu sous l'lgant difice l'homme que le Seigneur, siprompt oprer, venait de gurir d'une maladie invtre par sa parole salutaire, demandrentau malade quelle voix imprative avait pu lui ordonner de s'en aller en emportant son lit. Ilrpondit ces envieux ces paroles de foi et de sagesse : "Celui qui m'a relev de la couche o

    j'tais gisant, celui-l m'a dit aussi de la prendre et de marcher." Or la foule orgueilleuse desJuifs le questionne encore : "Quel est donc celui qui t'a donn cet ordre tmraire, et t'a dit :Va-t'en et emporte ton lit sur tes paules ?" Mais il ne savait point qui l'avait guri. Or Jsus,qui le vit s'avancer dans l'enceinte de pierre du temple, se souvint de l'ancienne faute dontcette maladie avait t le chtiment, et l'arrta en lui adressant cette exhortation rvlatrice :"Tu tais malade, et te voil guri ; ne commets pas une seconde faute, car tu t'en trouveraisplus mal." Celui-ci retourne aussitt promptement vers les Hbreux annoncer la foule

    jalouse et incrdule que c'est Jsus qui l'a guri spontanment de sa voix inspire, et,dmarcheur tardif qu'il tait, l'a fait porteur inaccoutum du lit o il soignait ses souffrances.Et c'est pourquoi, dans la fureur insense de leur cur, les Hbreux poursuivaient Jsus parcequ'il avait os, dans un difice consacr, accomplir ces choses le jour du sabbat, et enfreindreseul la loi qui oblige chacun au repos, et veut que tout travail humain vienne cesser. LeSeigneur leur adresse alors firement ces paroles : "Le Pre travaille jusqu' prsent suivant samanire accoutume, et moi, son Fils, je fais mon ouvrage de la mme faon." Alors lesHbreux cherchaient par une mort dtourne se dfaire du Christ, non pas seulement parcequ'il n'avait point respect la clbration lgale du jour o le travail est dfendu, mais encoreparce qu'aprs ce saint jour coul, il avait appel le Dieu n de lui-mme son Pre, galantainsi sa gloire celle du Roi des cieux.C'est alors que Jsus parla ainsi : "Je vous le dis en vrit, le Fils ne peut rien accomplir par savolont propre, s'il n'a pas vu son Pre l'oprer aussi ; et toutes les uvres la fois que monPre excute, le Fils, l'imitation de Dieu le Pre, les accomplit. Car le Pre chrit son Fils ;et tout ce qu'il fait, il le montre son Fils, et lui montrera bien plus encore, afin que vousadmiriez toute la perfection de ses actes. Or, comme le Pre ressuscite les cadavres aprs lamort, et rend de nouveau la vie le corps inanim des hommes, ainsi le Fils ressuscitepareillement ceux qu'il veut, et rend de nouveau la vie aux corps des humains expirs. MonPre ne veut juger personne ; et il a remis son Fils de juger plus tard toute l'humanit, afinque tous honorent le Fils l'gal de son Pre, et autant qu'ils glorifient le Pre qui rgne dansles cieux. Celui qui, dans l'inconstance de son cur, n'honore pas le Verbe Fils du Pre,

    mprise le Pre aussi. Je vous le redis en tmoignage : en vrit, en vrit, celui qui reoitnotre parole dans une me fermement convaincue et qui croit en mon Pre, ne prendra pointpart au jugement venir ; mais il passera par la mort pour arriver cette vie immortelle que letemps ne sait plus dtruire. En effet une heure imprvue, et la dernire, une heure viendra plustard aider les hommes renatre, et les rveiller du trpas. Alors les cadavres s'chapperontdes retraites qui ne connaissent pas le retour, la seule voix victorieuse de la mort, que le Filsbien-aim du Pre vivifiant leur fera entendre. Or, ainsi que le Pre possde la vie, mreuniverselle du monde, dont il dpart tous un souffle salutaire, de mme il a donn son Fils,l'universel souverain, de porter avec lui la vie ; il lui a concd des honneurs divins gaux auxsiens, et la puissance de juger pareillement son gr, parce qu'on l'appelle aussi le vivifiantFils de l'homme. Et ne vous tonnez pas si je vous ai annonc pour l'avenir, comme une sorte

    d'oracle divin, qu' une heure dernire, et cette heure n'est pas loigne, les morts en foulesurgiront de toutes parts du fond de ces tombes dont on ne revient pas, et qui vont enfanter la

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    vie au divin retentissement de la parole du Christ. A sa voix, ils viendront l'un aprs l'autrefouler encore sous leurs pieds renaissants le sol d'autrefois. Ceux qui dans la lice ont combattufidlement et sans reproche, ressusciteront pour une vie immortelle ; et ceux qui ont accompliles uvres d'une existence gare par les passions et leur frnsie, revivront pour le jugementfutur. Je ne puis, il est vrai, rien achever de moi-mme sans la participation de mon Pre

    cleste : mais je puis juger sur ce que je sais, et mon jugement est vritable ; car je ne suis pasvenu pour procurer ma gloire, mais bien celle de mon Pre. Je ne parle pas pour m'honorermoi-mme, et. si je portais mon propre tmoignage, on ne me croirait pas ; en m'entendant,ma parole ne serait pas sincre, puisque ce tmoignage sortirait de ma propre bouche. Mais unautre a port de moi son tmoignage, et il me suffit ; car je sais qu'il est fidle et vridique.Pour interroger la saintet de Jean, que remplissait l'esprit divin de prophtie, vous avezenvoy travers les montagnes une troupe d'hommes consacrs au culte ; et cet inspir deDieu, ce tmoin au cur inbranlable, a marqu d'un sceau indlbile la parole de vrit.Quant moi, je ne reois point le tmoignage de la voix terrestre des hommes ; mais je vousexplique tout cela pour l'enseignement des Hbreux, afin qu'en vous clairant mes discoursvous sauvent tous ensemble. Ce mme Jean, qui a projet de si intelligentes tincelles, a t le

    vritable flambeau de la pit manifest au monde : et vous, dans le cours rapide d'une heureprmature, vous vous tes purifis l'clat de ses tmoignages accoutums ; la lumire dece flambeau, vous vous tes rjouis de ces eaux merveilleuses. Pour moi, je possde untmoignage suprieur la voix de Jean et un oracle qui le surpasse. Les uvres dont mon Prem'a confi l'accomplissement retentissent loquemment elles-mmes : du fond de leur silence,elles me proclament, et celui qui m'envoie jette un son que rien n'touffe. Vous n'avez jamaisvu la forme divine du Pre, ni entendu sa voix, ni gard sa parole dans une oreille convaincue.Or celui que mon Pre a envoy devant lui pour secourir le monde, ce Dieu son Fils, vous nel'avez pas plus reu que le Pre dont il est venu. Le Pre, qui m'a envoy devant lui du hautdes cieux ne m'a laiss ni inconnu ni sans avant-coureurs ; mais lui-mme, en m'envoyant, ena produit, par la bouche des hommes qui parlent de Dieu, un tmoignage vivant dans le livreirrcusable. Consultez les oracles gravs dans les livres sortis de la bouche divine, et qui vousdonnent, aprs la succession des temps, l'esprance d'une vie que rien ne doit abrger : leurscritures crient mon tmoignage par leur parole rvle, clairon immortel. Et vous cependant,instruits par ces crits qui parlent d'eux-mmes, vous ne vous htez point de venirvolontairement moi. Non, je n'accepte pas la gloire qui vient des hommes. Mais je vous aireconnus votre indiffrence : vous ne ressentez pas l'amour du Pre cleste, le roi universel.Je suis venu proclamer dans le monde le nom de mon Pre, et vous n'avez pas cru mon Pre,et vous ne m'avez pas reu, moi qui suis Dieu. Si quelque ennemi de Dieu, tranger et sous unnom suppos, se prsente, alors vous admirez et flattez l'indigne imposteur ; de sorte que l'onpeut dire : Ils ont refus le bon, et accept le mauvais. Comment pourriez-vous honorer en

    moi le Verbe Fils de Dieu, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne savez pas larapporter Dieu, seul crateur universel ? Vainement vous attendez que, dliant ma langueaccusatrice, je dnonce mon Pre votre dmence. Des saintes critures surgit contre vous unbien autre accusateur : c'est le lgislateur Mose, qui a parl le premier, et qui seul serapportent vos croyances. Oui, si vous aviez laiss pntrer dans vos oreilles persuades saparole certaine, vous auriez cru fermement en moi, puisque c'est de moi qu'a crit cet hommedivin et vridique. Mais quand vous ne croyez pas ses critures, donnes au monde par Dieului-mme, comment, dans vos esprits plus endurcis encore, pourriez-vous accueillir, quandelle n'est point crite, la parole que vous entendez sortir de ma bouche ?"

    CHAPITRE SIXIME.

    Il dit ; et quelque temps aprs, dans une barque nombreuses rames fendant les ondes qui lesparent de la contre voisine, il traverse la mer de Tibriade. Il tait suivi de la foule, tmoin

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    des miracles que sa voix avait coutume d'oprer en gurissant les cruelles maladies quifrappent le corps humain. Et comme il prenait la route solitaire qui mne la rgion descollines, il parvint la montagne aux cimes leves, et il s'assit au milieu de ses disciplesformant un cercle autour de lui. La grande solennit que les Hbreux nomment la Pqueapprochait. Il leva les yeux, et, travers les arbres de la fort, il vit runie auprs de lui une

    foule immense et trangre qui avait march jusque l. Alors il s'adressa Philippe assis sescts : "O allons-nous acheter, dis-moi, des pains en assez grande quantit pour tantd'hommes ?" Il dissimulait ainsi son intention, mettant l'preuve Philippe, qui ne la devinaitpas ; car lui seul savait ce qu'il voulait faire. Philippe, inquiet, exprima en ces mots sontonnement : "Des pains pour une valeur de cent deniers ne suffiraient pas rassasier cettemultitude pareille des grains de sable, de manire que chacun en et sa petite portion." Alorsl'un des compagnons qui taient auprs de Dieu donna une bonne nouvelle. C'tait Andr, lefrre de Simon le marin et le pcheur. Il annonait un repas, et il adressa au Seigneur ces mots: "Il y a l un enfant qui a cinq pains d'orge, avec une couple de poissons de la mer voisine,poissons cuits tous les deux. Mais que seront-ils, partags entre une si compacte et si voracemultitude ?" Cependant Jsus dit ses compagnons les plus empresss : "Faites asseoir terre

    par ranges et tous ensemble les convives." Il y avait l une herbe touffue ; et cet essaim deconvives entremls s'assit terre. Le nombre tait en tout de cinq mille. Un rang s'appuyaitsur l'autre ; car ils s'taient placs par ordre cette table allonge sur une belle verdure. LeChrist prit les cinq pains d'orge ; et, rendant grce son Pre l'Eternel, il les rompit sous letranchant effort de ses deux mains runies, et les offrit tous. Il fit de mme pour les deuxpoissons, et donna aux convives manger tant qu'ils en voulurent. Puis, quand la foule eutrassasi sa faim cette table surabondante, Jsus dit ses disciples zls : "Ramassez au plustt, tous ensemble et d'un seul coup, les parcelles et ce qui est rest de trop aprs le repas, afinque rien ne se perde." Alors la troupe de ses compagnons, active dans son service, et allantsans cesse de ct et d'autre, rapporte, empils dans ses mains arrondies, des pains dont ellefait un monceau, rassemble sur le vert gazon les dbris des aliments pars avec ce qu'il y avaiteu de trop, et cherche tout l'entour jusqu' ce que, la place des cinq pains, elle ait rempli dece mlange les larges flancs de douze corbeilles.Beaucoup de ceux qui virent ce miracle redirent aux autres ce que le Christ venait d'accomplirpour nourrir toute cette Foule, et pour faire honneur ce repas, o le pain renaissait de lui-mme : "C'est le vrai prophte qui nous est annonc, et que l'on dit devoir venir pour rgir lemonde ternel." Mais le Seigneur, dont la science intime connat la secrte pense de leurcur, et qui sait que la multitude veut se porter ce mme endroit pour l'enlever et l'tablirroi, monte travers la fort jusqu'au rocher dsert du haut de la montagne. Puis, quand lecrpuscule annona l'approche des tnbres, ses disciples coururent vers la mer voisine, et, se

    jetant dans une barque, char rapide des eaux, ils navigurent vers la rive oppose pour

    regagner la ville de Capharnam. Cependant, dj de son voile noir l'obscurit avait recouvertla terre entire, et, revtant la surface varie de sa robe, laissait briller les toiles. Le Christn'avait pas encore rejoint ses disciples impatients. Bientt, sous l'effort de la tempte, lecourant de la mer grossit, s'enfle autour d'eux, et les matelots fendent de leurs longues ramesles ondes que soulvent les vents contraires ; enfin, quand ils ont parcouru sur la mer vingt-cinq ou trente stades, ils aperoivent le Christ qui marche sur les vagues, et s'avancerapidement d'un pied que les flots ne mouillent pas. Ils frmissent, s'crient ; mais Jsus dit ses disciples stupfaits : "Jetez vos frayeurs aux temptes ; je suis le Christ, et je sais voyagerlgrement sur les eaux." Ils veulent alors le prendre au milieu d'eux ; car la mer taitfurieuse, et il n'y avait point de port : mais, par un lan venu de Dieu, la barque, aussi prompteque la pense, sans le secours des rames ni des vents, aborda d'elle-mme la rive loigne.

    Quand l'aube, se montrant au bord des ombres, commenait les effleurer et rougir la rochede Tibriade, sa voisine, la foule, debout en face de la mer et sur ses belles plages, reconnut

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    l'homme qui se nourrit de mon corps vivra par moi. C'est ce pain de la vie qui estl'incorruptible et le vritable ; il n'est point semblable au doux aliment dont vos anctres sesont nourris autrefois prs des roches du dsert, quand ils sont morts exils et errants dans lesretraites des montagnes. Tout homme sur la terre qui se repat de ce pain vritable jouira de lavie, tant qu'une longue chevelure et une barbe abondante et allonge argenteront la tte du

    Temps." C'est l ce que Jsus enseignait dans le superbe temple de Capharnam aux solidesremparts. Beaucoup des disciples qui l'entendirent, poussant jusqu' la colre leur garementinsens, disaient : "Les paroles qu'il prononce nous sont bien dures ; qui donc pourraitl'entendre parler ainsi ?" Le Christ a compris aussitt par sa propre science que la troupe quil'accompagne se dtourne, et lui cache les murmures des langues effrnes ; il communiquealors aux disciples pervertis ces paroles : "Ce discours excite votre incrdulit. Que ferez-vousdonc en apprenant que vous verrez le Fils de l'homme retourner dans les demeures clestesd'o il est venu, et y resplendir ct de son Pre ? C'est l'esprit qui soutient la vie en tout : lanature humaine d'une chair terrestre est d'une autre sorte, et ne sert rien. Le cours inspir desparoles que je vous adresse est la fois l'esprit, la vie et le vritable oracle. Mais il est deshommes que leur dmence gare, et qui n'y croient pas." Il savait, en effet, quels taient ceux

    dont l'esprit inconstant abandonnait leur foi aux haleines vagabondes des mers, et quel taitl'homme atteint de la maladie et de la passion de l'or qui devait le livrer aux Juifs. Puis leSeigneur ajouta : "C'est pour cela que, comme je vous l'ai dj dit, aucun homme ne peutvenir moi volontairement, s'il n'est chri de Dieu, et s'il n'en reoit la grce de la bont demon Pre." A ces mots, incertaine, et portant ses pas en arrire, la troupe de ses partisans, quitait venue de loin, s'en retourne ; et, dans l'inconstance de ses affections, elle ne suit plus leChrist comme auparavant. A la vue de cette troupe changeante et mobile qui se dtachait delui et entranait la multitude errante et trangre, le Seigneur dit ses douze disciples restsplus fidles : "Et vous, ne vous hterez-vous pas d'al1er rejoindre les trangers ? et lesdisciples indignes sont-ils semblables ces faux amis ?" Mais Pierre, qu'on appelle Simon,lui rpondit : "Auprs de qui irions-nous ? et qui possde mieux que vous les sourcesdlicieuses des paroles de la vie ternelle ? clairs par les livres loquents de nos pres, nouscroyons fermement et d'un cur unanime que, seul, vous tes le Saint de Dieu." Et leSeigneur rpond la foi de Pierre par ces bienveillantes paroles : "N'est-ce point parce que jeconnais toutes les penses des hommes que je vous ai choisis dans le nombre ? Et pourtantparmi vous il y a un ennemi, un perfide, qui est le familier des disciples, et que la postritnommera un second Satan." Il dsignait ainsi leur convive habituel, Judas Iscariote, le filsartificieux de Simon, pre mal partag. C'tait lui, en effet, qui devait livrer Jsus une mortqui mne la vie ; et parmi les douze il est le seul que dans ses piges trompeurs l'amour del'or ait surpris.

    CHAPITRE SEPTIME.Cependant le Seigneur ne cessa point de rsider en Galile, et de parcourir de ses pasbienfaisants le pays qui borde la mer ; il ne voulait pas visiter la terre sacre des Juifs, parcequ'ils cherchaient le faire prir dans de perfides embches et souhaitaient la mort du juste.La fte universelle qui porte le nom de la fixation des Tabernacles, et qu'on clbre tous lesans, approchait. Ses frres supposs, les quatre fils de Joseph, vinrent presser le Christ deleurs sollicitations unanimes : "Eloignez-vous d'ici, et htez-vous de vous rendre sur leterritoire limitrophe de la Jude, afin que, ramenant vers vous un peuple inconstant etincrdule, vos disciples retrouvent eux-mmes leur foi premire, quand ils auront vu lesuvres opres par votre puissante parole ; car l'homme n'opre point en secret ses actes, etne les drobe pas sous l'obscurit impntrable du silence, quand il veut rsolument tre

    connu du public. Si vous faites des miracles divers, donnez ces miracles voir tout lemonde." Tels taient leurs vains discours. Incrdules comme les autres, bien qu'ils fussent les

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    arrivera, personne ne doit savoir d'o il vient, et vous connaissez celui-ci." Alors, au milieudes splendeurs du temple, Jsus fit retentir ces mots : "Oui, vous me connaissez dans le fondde vos curs et dans la supriorit de vos intelligences ; vous savez d'o je viens, bien quevotre silence le dissimule : car je ne suis pas venu ici de moi-mme, c'est mon Pre qui m'arellement envoy ; et je sais bien srement que c'est de lui que je viens, et que c'est lui qui

    m'a fait venir." Or plusieurs s'empressaient et s'excitaient ne pas mnager Jsus, et s'emparer de sa personne. Aucun nanmoins n'osa porter sur lui une main inhumaine, parceque son Pre n'avait pas encore fix l'heure de sa mort volontaire. Cependant, parmi la foulerassemble, beaucoup crurent en lui, et lui rendirent un hommage unanime en ces termes : "Sile Seigneur Christ vient jamais pour sauver le peuple, son salutaire langage oprera-t-il desmiracles suprieurs aux uvres qu'accomplit celui-ci ?" La troupe incrdule des Pharisienspervers entendit ces murmures de la multitude babillarde et effrne qui se plaignait d'eux. Or,dans leur jalousie, les prtres envoyrent leurs serviteurs pour s'emparer sans mnagement dece Jsus qu'on ne pouvait atteindre. Et c'est alors que le Seigneur, prdisant l'heure prochained'une fin qu'il avait choisie lui-mme, leur adressa quelques mots obscurs : "Je n'ai plus quepeu de temps rester prs de vous sur la terre, et je vais m'en aller bientt vers le Pre qui m'a

    envoy. Vous me chercherez alors dans votre inconstance ; vous me chercherez, et ne metrouverez plus. Car vous n'avez pas la force de porter le pied dans la voie o je marcherai." Etl'on se disait alors, en se mlant les uns aux autres : "O veut-il donc aller dans peu de temps,en sortant d'ici ? A-t-il envie de parcourir les villes voisines o sont rpandues les populationsdes gentils, pour y enseigner aux enfants des Grecs eux-mmes les lois de sa doctrine ? Quelest donc ce langage qu'il tient en prsence de tout ce peuple : Vous me chercherez, vousvoudrez me revoir ; vous ne me trouverez plus, et il n'est pas permis vos dsirs de cheminerdans la voie inaccessible o je marche." Mais, quand vint le dernier jour des solennits de lafte, le Seigneur se tint auprs des belles colonnes du temple, et de sa voix mouvante il criaaux Juifs : "Celui qui ressent une soif dvorante n'a qu' venir moi, et il boira l'eauprservatrice de ma source ; car tout homme qui a la foi sera sauv. Or, comme l'a dit l 'antiqueparole de Dieu, sans cesse dans les entrailles de cet homme les fleuves de la sagesse roulerontd'eux-mmes le flot vivant, et des ondes intimes et divines y jailliront toujours renouveles."C'est ainsi qu'il prophtisait la splendeur de l'esprit universel qui devait plus tard se rpandredans les mes disposes l'accueillir parmi la gnration disperse des croyants. Carl'apparition future du Christ, assis ct du trne de son Pre, n'avait pas encore pris racinedans l'humaine comprhension. Beaucoup de ceux qui l'entendaient proclamaientbruyamment, en grand nombre et d'accord cette fois, d'une bouche entirement convaincue :"C'est l le prophte vritable que l'criture a dsign." Les uns, inhabiles la controverse,rptaient : "C'est vraiment le Seigneur Christ." Les autres, donnant carrire leursraisonnements sur la foi, rapportaient les sentences graves dans le livre de la Sagesse : "Le

    Seigneur Christ doit-il donc nous venir des bords de la mer de Galile ? Ce n'est pas ce quenous a annonc l'oracle divin. Le Christ, qui doit sortir du sang royal de l'antique David, seprsentera aux Juifs, en se nommant lui-mme, dans la patrie o habitait David et qu'il animadu son de sa lyre, Bethlem, o paissent les brebis." Et ces dbats divers continuaient separtager la foule. Plusieurs insenss cependant, suscits par l'iniquit des chefs du peuple,essayrent de s'emparer l'improviste de Jsus ; mais il ne purent y russir, car il n'avait pasencore consenti cette dernire heure qui devait lui apporter la mort. Les serviteursintelligents revinrent stupfaits vers les prtres ennemis de Dieu. Ceux-ci leur dirent :"Pourquoi ne l'amenez-vous pas ?" Et ces excuteurs infaillibles de la cruelle ncessitrpondirent sagement : "Aucun homme ne fit jamais entendre de telles paroles." Alors latroupe insolente des irrconciliables Pharisiens s'cria : "N'allez-vous pas aussi vous laisser

    sduire, et vos esprits gars vont-ils ajouter foi ses inventions ? Est-ce qu'aucun des chefsou des Pharisiens clairs a cru en lui ? C'est cette populace mchante et maudite, cet essaim

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    suffisamment avanc." Cependant le pre de l'aveugle, en observant les nouveaux yeux et lesrcentes prunelles du visage de son fils, en parlait avec admiration, mais en secret, pour ne pastre entendu d'une multitude hostile. Quant celui qui s'tait promen longtemps et l enaveugle, les prtres, dans un accs de jalousie, le mandrent auprs d'eux, et lui dirent :"Rends grce, enfant, au Dieu qui rgne dans le ciel, qui t'a sauv, et qui tu dois la vue.

    Celui qui tu en rapportes l'honneur est un homme adonn au pch." Mais il leur rponditcourageusement : "Je n'ai point reconnu qu'il soit rellement pcheur. Je ne sais qu'une chosedans le fond de mon me : c'est que depuis le jour de ma naissance j'tais aveugle, et que j'yvois maintenant." Puis la foule des Hbreux l'interrogeait ainsi : "Dis-nous, que t'a-t-il faitavec cette fange si efficace, et comment a-t-il dissip les nuages de ta ccit ?" Et lui, d'unevoix libre et imperturbable, leur rpliqua : "Je l'ai dj dit ; ne l'avez-vous donc pas entendu ?Pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? Serait-ce Dieu qui agit sur vos mes ? Et allez-vousdevenir vous-mmes de faux disciples du Christ venu du ciel ?" Aussitt ils l'invectivent etreprennent : "C'est toi qui es le disciple de cet infracteur de la loi. Quant nous, nous sommesles suivants de notre divin anctre, Mose le lgislateur, et les ministres de sa parole ; nous neconnaissons pas celui-ci." Il rpond alors : "C'est vraiment une bien plus grande merveille

    qu'il vous soit rest inconnu, et que pourtant il m'ait ouvert les yeux. Nous savons que Dieu lePre dirige toutes choses, et n'coute pas la voix du pcheur. Mais quiconque se livre auxuvres de la pit et accomplit d'une me pure les prceptes divins, celui-l est cout deDieu, qui cde promptement ses prires. Depuis que, dans sa fconde varit, le tempsperptue son cours, on n'a pas entendu dire que personne ait donn la lumire un hommedont l'il entirement ferm n'a jamais clair le visage, et que l'heure de sa naissance a vusortir tout aveugle du sein gnrateur. Or, si celui-ci ne venait pas du Roi des cieux, il n'et

    jamais tout seul opr un tel miracle." Alors les prtres le maltraitrent par ces parolesinjurieuses : "Il faut que tu sois n et lev tout entier dans le sein du pch, toi qui nousinsultes et qui veux en savoir plus que les saints docteurs." Et, le poursuivant de crisunanimes, ils le chassrent du temple.Jsus apprit, d'une oreille qui tout parvient, qu'il avait t expuls par les prtres orgueilleux,et, le rencontrant, il lui dit : "Crois-tu, et honores-tu le Fils du Roi cleste ?" Et il rpondit :"Seigneur, quel est celui que vous m'engagez honorer ?" Jsus rpliqua : "Tu l'as vu de tesyeux ; et c'est celui qui te parle en ce moment." Il dit alors : "Seigneur, je crois." Et, posant satte sur le sol, il inclina ses paules recourbes jusque sur les pieds divins, et en baisa labrillante chaussure.Alors, en entendant cette sage parole, Jsus reprit : "C'est pour ce discernement que je suisvenu dans ce monde mobile et draisonnable. Oui, je suis venu pour un jugement double etdissemblable la fois ; afin que ceux qui n'ont pas encore aperu la lumire de l'auroreinvisible jusqu'ici, s'ils sont aveugles, voient de leurs yeux, et, s'ils sont clairvoyants, perdent

    la vue." Alors la troupe des Pharisiens qui suivait Jsus s'approcha, et dit : "Eh quoi ! nosyeux nous trompent-ils, et serions-nous aveugles nous-mmes ?" Et Jsus leur rpond en leurreprochant leur incrdulit : "Si les tnbres eussent couvert la lumire de vos regards, j'auraisdit que vous ne connaissiez pas votre pch ; mais, maintenant que vous voyez cette lumire,vous vous garez vous-mmes. Vous tes aveugles bien plutt de l'esprit que des yeux ; et leshommes en qui demeure le pch usent bien vainement de leur vue."

    CHAPITRE DIXIME."En vrit, en vrit, et que cette parole vous soit un inbranlable tmoignage : celui qui sautepar-dessus la porte d'une bergerie parfaitement close o les brebis sont renfermes, ou bienqui y pntre par ailleurs, rampant de loin, invisible, et passant par quelque entre tortueuse,

    celui-l est un voleur, qui agit en voleur. Mais celui qui vient dans le bercail la tte haute, etsans dtour, celui-l est le pasteur qui nourrit les brebis. C'est devant ses pas que le gardien

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    : "Bien souvent, oui, bien souvent je vous l'ai dit, et vous ne croyez pas mon langage. Lesuvres que j'accomplis en invoquant la puissance de mon Pre sont mes tmoins. Leur silenceloquent parle, et s'exprime envers les hommes sous une forme visible aux regards ; mais vosyeux ne voient jamais, et vos esprits ne comprennent pas : car vous n'tes pas de la racepromptement docile de mes brebis. Mes troupeaux prtent au son de ma voix une oreille

    charme, et suivent leur conducteur ; je connais mes brebis, et je donnerai toutes ensemblela vie ternelle qui doit venir ; et de tout le troupeau aucune brebis ne se perdra tant que dansles votes des cieux le temps perptuera son cours circulaire. Personne n'arrachera de mesmains mon prudent troupeau ; car mon Pre, qui m'a donn mes brebis diriger, est au-dessusde toutes choses. Moi-mme et mon Pre souverain, nous sommes une seule nature, inne, quiporte en elle-mme une racine d'o les plantes infinies de ce monde ont jailli."A ces paroles du Seigneur, la foule se prcipite, et, dans sa fureur de lapidation, dtache lespierres du sol pour accabler Jsus sous ces traits ns des torrents ; il y rpond par cesreproches : "Je vous ai enseign en grand nombre, de la part de mon Pre le Trs-Haut, lesbonnes uvres que j'en ai apprises : pour laquelle de ces uvres divines voulez-vous mechtier, quand vous vous armez de pierres pour m'assaillir ?" Et la foule rplique : "Ce n'est

    pour aucune bonne uvre que nos citoyens furieux s'attroupent ici pour t'accabler, et te faireun vtement de ces pierres ; mais c'est en raison de ta bouche criminelle, lorsque, participant la gnration terrestre dont tu es un germe, mortel toi-mme, tu soutiens que tu es Dieu." LeChrist reprend, et adresse ce peuple ennemi ces paroles irrfutables : "Est-ce que le livre devotre loi ne porte pas expressment ceci : J'ai dit : Vous tes dieux ? Eh quoi ! si certainshommes de la terre qui seuls alors parvenait comme un songe la parole divine, sont nommsdieux par le texte de votre loi, et si l'oracle des critures n'est jamais vain, ce Verbe lui-mmeque le Trs-Haut a donn au monde, et qu'il a marqu du sceau sacr de sa main si pure, vousle proclamez blasphmateur, parce qu'il se dit le Fils du Dieu vivant ! Si je n'accomplis pas lesuvres du Pre, le Matre de la vie, ne croyez jamais en moi ; mais si, par une parole quidonne la vie, je me montre digne de mon Pre, l'ternel, croyez aux uvres dont vos yeuxsont les tmoins, afin que vous reconnaissiez du moins ce langage inspir de Dieu que monPre existe en moi, et que, bien que paraissant au milieu de vous, je suis insparable de monPre, et indissolublement li avec lui."Alors quelques insenss tentrent de s'emparer de Jsus, qu'ils ne purent saisir ; il chappa leurs mains impies par une course plus rapide, et se retira dans la plaine qui est de l'autre ctdu Jourdain. La foule rangs presss accompagnait sa marche ; et, dans leurs sentiments defoi, l'un disait l'autre : "Jean, dont la parole est vridique, n'a donn la foule qui leregardait aucun miracle voir ; mais tout ce qu'il a dit de celui-ci, nous le voyonseffectivement, et nos yeux ne nous trompent pas." Or beaucoup, en cet endroit mme, crurentau Fils de Dieu en raison de ses uvres inimitables.

    CHAPITRE ONZIME.Il y avait alors un homme nomm Lazare, malade de la fivre dans l'intrieur de Bthanie,clbre village de Marthe et de Marie. C'tait cette mme Marie appele l'htesse de Dieu labelle chevelure, qui, la fois, lava les pieds du Seigneur dans une essence liquide etparfume, et les essuya de ses tresses. Oui, cette htesse de Dieu la belle chevelure, quiparaissait si dlicate, fit pntrer dans les boucles de ses cheveux l'eau qui venait de baignerles pieds immortels. C'tait son frre dont les genoux appesantis tremblaient en ce momentsous le frisson brlant de la maladie. Les deux surs, en le voyant languissant, amaigri sous lemal qui dvorait ses os, et prs de mourir, mandrent au Roi qui chasse les douleurs cecommun message : "Lazare, que vous aimez, gmit sous une cruelle souffrance ; venez voir

    votre ami." A ces mots le Seigneur s'cria : "Les heures de la fivre n'ont pas encore amen lemal au point de le faire succomber pour toujours. Mais c'est la plus grande gloire de Dieu que

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    par cet homme son Fils chri soit encore glorifi par des honneurs immortels." Jsus aimaitd'une sorte d'affectueux attachement Marthe et Marie, femmes hospitalires, ainsi que Lazare.Et lorsqu'il reut, l'endroit o il tait, la nouvelle que Lazare, retenu dans son lit par un malqui enchanait ses membres, approchait de la mort, il laissa s'couler les deux aurores quidevaient amener sa fin, et, aprs ce couple de jours, il dit ses disciples : "Retournons sur le

    fameux territoire des Juifs." Les disciples lui dirent en le retenant : "Matre, les frntiquescitoyens de la Jude ont cherch tout rcemment vous lapider ; et vous voulez aller l ol'habitant vous est hostile ?" Mais Jsus, apaisant les plaintes et les inquitudes unanimes descompagnons qui vivaient avec lui, leur dit : "N'y a-t-il pas douze heures dans le cercle du jour? Le jour lev, le voyageur ne blesse point son pied en heurtant ou en glissant dans la route ;mais celui qui aime cheminer pendant les tnbres de la nuit, celui-l parcourt une voietrompeuse."Aprs ces mots, il dit encore ses disciples qui ne l'arrtaient plus : "Le plus cher de noshtes, Lazare, dort d'un sommeil contraint et prmatur ; je vais aller le rveiller." Lesdisciples, qui ne comprirent pas cette parole, dirent alors : "Si Lazare dort, il gurira." MaisJsus entendait ce sommeil qu'on dort dans une tombe arrose de larmes, quand on vient de

    mourir, ce sommeil de la mort o l'on ne parle plus, et d'o l'on ne revient jamais. Et c'estvainement que les disciples s'attendaient trouver le mort bien-aim dormant sur son lit, danssa maison, d'un sommeil doux et temporaire. Alors, d'une voix compatissante, le Seigneur leurdit clairement : "C'est la mort commune qui a endormi Lazare de cet autre sommeilimpitoyable. Je me rjouis pour vous de ce que je n'tais pas auprs de lui quand la fin de sadestine approchait, afin que la foi vous vienne en voyant un mort aprs sa vie marchervivant, s'asseoir de nouveau table, et donner encore au Christ l'hospitalit. Mais allons verslui." A ces mots Thomas, qui porte un double nom puisqu'on l'appelle Didyme, s'mut et fitentendre aux disciples runis cette parole, toute remplie de regrets et de larmes : "Allons verscet ami si cher, pour y mourir dans son amour et partager sa destine."Cependant le Seigneur, s'tant dirig tardivement vers le village qu'il connaissait, trouvaLazare mort, et couch sur la poussire du tombeau, o on le pleurait depuis quatre jours.Bthanie est quinze stades environ de la ville de Jrusalem. Une foule de Juifs s'y taientrendus en raison du voisinage, et visitaient la maison hospitalire de Marthe et de Marie pourleur porter en commun des condolances sur la mort de leur frre, consolations accoutumesqui apaisent souvent les accs d'un chagrin cuisant et dissipent la douleur qui veille. Enapprenant le bruit qui s'tait rpandu de la venue du Seigneur, Marthe courut au-devant de lui,tandis que, retire dans l'intrieur de la maison, Marie se dsolait dans un triste silence.Marthe s'approche du Christ et lui dit en sanglotant : "O bienheureux ! si vous aviez t iciquand le mal consumait Lazare, mon frre ne serait pas mort ; mais je sais dans le fond ducur que maintenant encore votre Pre vous accordera la fois tout ce que vous lui

    demanderez." Et le Seigneur lui rpondit : "Votre frre ressuscitera." A ces paroles de la voiximmortelle, Marthe rpliqua : "Je sais et n'ignore point la rsurrection dont il ressusciteradfinitivement au dernier jour." Alors le Sauveur pronona cette sentence inspire : "Je suis lavie et la rsurrection ; celui qui croit en moi, ft-il un cadavre inanim, ressuscitera, etl'homme qui nourrit la foi dans son cur ne mourra plus dans l'ternit du temps. Croyez-vousque ce que je dis l soit vrai ?" Et elle reprit : "Seigneur, je le reconnais ; et je crois aussi quevous, le Christ, vous tes le Fils du Dieu librateur et le Verbe venu en ce monde."Aprs ces mots, elle courut appeler sa sur Marie, et elle murmura secrtement son oreille :"Le Sauveur qui enseigne est arriv et te demande." A l'instant celle-ci, plus prompte que laparole, s'lance palpitante la fois de douleur et de joie : telle que le vent, elle dirige dans sondlire sa course vers le Christ, qui n'tait pas loin. Toutes les personnes qui, dans la maison

    plaintive, en adoucissaient le chagrin par des paroles sympathiques, consolations de la douleurqui veille, en voyant Marie courir si vite, en silence, et hors d'elle-mme, la suivirent tous

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    Christ. Les Pontifes insenss se runirent en une bruyante assemble, o le conseil desvieillards assistant en entier occupait le premier rang ; et l'un dit l'autre : "Qu'allons-nousfaire ? Cet homme, notre adversaire, accomplit les miracles les plus grands et les plus divers.Si nous le laissons oprer de pareils prodiges, le peuple ne sera plus avec nous ; les citoyensn'auront foi qu'en lui seul, et l'accompagneront. Oui, tous, ils l'accompagneront. Puis les

    Romains viendront s'emparer de notre nation tout entire, nation et pays la fois." Il y avaitparmi eux un homme injuste, astucieux, nomm Caphe, qui, en sa qualit de pontife pourcette anne, prsidait la fte ; celui-ci adressa aux Juifs ces paroles perfides : "Vous ne saveztrouver aucun expdient dans vos esprits inexpriments, et vous ne considrez point ce qu'ily a de prfrable : c'est qu'il est bon qu'un citoyen meure pour tout un peuple, et qu' cause delui notre nation entire ne coure pas sa ruine. Par la mort d'un seul homme tout l'tat serasauv." Or cet homme prophtique ne parlait pas ainsi de lui-mme : mais, comme le soin dessacrifices lui tait confi, et qu'il tait le grand prtre de l'anne, il prdisait aussi, sans lesavoir, que le Christ devait mourir pour la nation juive, volontairement et d'une mortexpiatoire ; et non pas seulement pour cette nation juive, mais afin que les enfants de Dieudisperss dans le monde ne fissent plus qu'un. Ds ce moment, qui fut le principe du mal, les

    pontifes inhumains prirent la rsolution, d'accord avec la troupe ruse des Pharisiens endurcis,de faire mourir Jsus.Le Sauveur cependant ne se montrait plus en public parmi les Hbreux. Il traversa sans bruitla contre sainte de la terre de Jude, et vint de l prs de la rgion montagneuse du dsertdans une ville o il demeura, ayant ses disciples avec lui. Elle s'appelle Ephram. La fte siclbre de la Pque approchait ; et, des vastes espaces du territoire, bien des Juifs limitrophesdu dsert montrent Jrusalem, o se clbrait la solennit, pour se purifier par lesexpiations divines avant le jour de la bruyante fte. Beaucoup cherchrent, dans le templeparfum d'encens, le prophte Jsus. Ils se parlaient l'un l'autre de son absence, et la fouledisait : "Pensez-y. Que vous en semble ? que cet homme ne puisse point assister la fte quivient de commencer ?" En effet, les pontifes incrdules, comme la troupe astucieuse desorgueilleux Pharisiens, avaient donn cet ordre aux habitants : Quiconque le verra par la ville,ou en entendra parler, devra en donner avis la multitude des russ Pharisiens, afin que leursecte qui lui est hostile s'en empare et le mette mort.

    CHAPITRE DOUZIME.Cependant, aprs avoir quitt la route du dsert qui conduit la rgion fertile, Jsus gagnasans tre atteint le village accoutum. Il vint Bthanie, o il avait ressuscit Lazare dj dansla tombe, et o sa voix lui rendit une me. Il vint Bthanie lorsqu'il ne manquait plus que six

    jours jusqu' la fte que le cercle des heures avait ramene. On y prpara le festin, et Marthe,dans son empressement affectueux, servait la va


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