Transcript
  • I

    UNIVERSIT AIX-MARSEILLE

    cole Doctorale Sciences Juridiques et Politiques

    UNIVERSIT LIBANAISE

    cole Doctorale de Droit et des Sciences Politiques, Administratives et

    conomiques

    Thse pour lobtention du titre de Docteur en Droit

    Prsente par : Rola ASSI

    Co-directeur de recherche : Grard BLANC

    Co-directeur de recherche : Georges NAFFAH

    Composition du jury :

    M. BLANC Grard, Professeur la Facult de droit et de science

    politique de lUniversit Aix-Marseille

    M. NAFFAH Georges, Professeur lUniversit Libanaise

    M. LOQUIN Eric, Professeur la Facult de droit de lUniversit de

    Bourgogne (Dijon) - Rapporteur

    Mme ABDALLAH Amal, Matre de Confrences lUniversit

    Libanaise - Rapporteur PY Bruno, Professeur des Universits Universit d

    Thse soutenue Aix-en-Provence en avril 2014.

    Le rgime juridique des investissements trangers au Liban

    au regard de lordre juridique international

  • II

    Luniversit Aix-Marseille nentend donner aucune approbation, ni improbation

    aux opinions mises dans les thses. Ces opinions doivent

    tre considres comme propres leurs auteurs

  • III

    Je ddie ce travail,

    au Liban, esprant ainsi apporter une pierre

    ldifice de sa reconstruction ;

    mes trs chers parents, en tmoignage de

    mon grand amour et de ma gratitude pour

    leur soutien.

  • IV

    REMERCIEMENTS

    A lissue de la rdaction de cette thse, je suis convaincue que ce travail de recherche

    est loin dtre un travail solitaire. En effet, cette thse naurait pas pu aboutir sans le

    soutien dun grand nombre de personnes dont la gnrosit, la bonne humeur et

    lintrt manifests lgard de ma recherche mont permis de progresser dans cette

    phase dlicate de lapprenti-chercheur . Cest avec motion que je tiens remercier

    tous ceux qui, de prs ou de loin, ont contribu la ralisation de ce travail.

    Je souhaite tout dabord adresser mes remerciements les plus sincres mon

    directeur de thse, M. Grard Blanc, Professeur la Facult de droit et de science

    politique de lUniversit Aix-Marseille pour la confiance quil ma accord en

    acceptant dencadrer ce travail doctoral. Je lui suis galement reconnaissante pour

    toutes les heures quil a consacres diriger cette recherche et son attention de tout

    instant sur mes travaux. Ses conseils et son encouragement dans les priodes de doute

    ont t des lments moteurs pour moi. Enfin, jai t extrmement sensible ses

    qualits humaines dcoute et de comprhension tout au long de ce travail doctoral. Je

    lui adresse ma gratitude pour tout cela.

    Jadresse de chaleureux remerciements mon co-directeur de thse, M. Georges

    Naffah, Professeur lUniversit Libanaise, pour ses prcieux conseils qui ont t

    prpondrants pour la bonne russite de cette thse. Jai pris un grand plaisir

    travailler avec lui et jai beaucoup appris ses cts.

    Je voudrais remercier les rapporteurs de cette thse, M. Eric Loquin, Professeur la

    Facult de droit de lUniversit de Bourgogne (Dijon) et Mme Amal Abdallah, Matre

    de Confrences lUniversit Libanaise, pour lintrt quils ont port mon travail

    et pour avoir accept de participer ce jury.

    Je sais infiniment gr Mme Leila Saad, Doyen de lcole Doctorale de Droit et des

    Sciences Politiques, Administratives et conomiques de lUniversit Libanaise, pour

    tre une inspiration tout au long des mes tudes de droit.

    Ces remerciements seraient incomplets sans une pense lensemble des membres du

    Centre de Droit Economique de lUniversit Aix-Marseille III, de lEcole doctorale

    de lUniversit Aix-Marseille ainsi que de lEcole doctorale de lUniversit libanaise.

  • V

    Je suis particulirement reconnaissante Ali, Sarah, Jad et Sirine, ma seconde famille,

    auprs de qui je me suis sentie chez moi. Je les remercie pour leurs encouragements

    rpts, gnrosit, soutien et patience. Je leur dois beaucoup et ce travail leur est

    ddi.

    Jadresse de sincres remerciements Grard, mon ange gardien, qui me rptait,

    pendant tous les moments de doute, qu on ne gagne que les combats que lon

    mne . Son soutien, son coute et sa confiance ont t des sources de force. Quil

    trouve dans ce travail lexpression de ma gratitude.

    Jadresse une pense particulire Mme le Snateur Christiane Kammermann en qui

    je vois limage de la France accueillante. Je lui exprime ma trs profonde gratitude

    pour toutes ses qualits humaines dcoute, de comprhension et de bienveillance.

    Je souhaite notamment remercier Asha et sa famille pour tout le soutien et

    lencouragement quils mont accord avec plein damour.

    Je tiens galement remercier Ramia pour toutes les discussions existentielles que

    nous avons eues.

    Je souhaite remercier spcialement Ali et Samir pour leur soutien et leur coute

    pendant des moments trs difficiles.

    Un grand merci Elsa et Ghina, des amies trs spciales, pour leur soutien et

    notamment pour avoir relu certains passages.

    Un immense merci Suzanne, Hasan et Amani pour toute laide quils mont procur

    et leur soutien.

    Je ne pourrais que remercier celui qui ma beaucoup donn dune main, mais a

    beaucoup repris de lautre pour laide et le soutien quil ma accord avec bonne

    intention.

    La thse a t parfois un moment difficile pour mes proches. Mes dernires penses

    vont vers ma famille. Mon pre, ma mre, mon frre et mes surs que jaurai aim

    donner davantage pendant ces annes. Leur patience, leur amour et leur soutien

    affectif ont t des lments de russite de cette thse. Jespre avoir t la hauteur

    de votre confiance.

  • VI

    LISTE DES SIGLES ET DES PRINCIPALES

    ABREVIATIONS

    AFDI Annuaire franais de droit international

    ALENA Accord de Libre Echange Nord Amricain

    AMGI Agence multilatrale de garantie des investissements

    Ann. CDI Annuaire de la Commission du droit international

    Arb. Int. Arbitration International

    Bey. Beyrouth

    BIT Bilateral Investment Treaty

    BYIL British Yearbook of International Law

    CA Cour dAppel

    CCI Chambre de commerce internationale

    CDI Commission du droit international

    CEDH Cour Europenne des Droits de lHomme

    CIJ Cour internationale de justice

    CIJ Rec. Recueil des arrts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour

    internationale de justice

    CIRDI Centre International de Rglement des Diffrends relatifs aux

    investissements

    CJCE Cour de Justice des communauts europennes

    CNUCED Confrence des Nations Unies pour le Commerce et le

    Dveloppement

    CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce

    International

    CNSS Caisse Nationale de Scurit Sociale

  • VII

    COC Code des Obligations et des Contrats

    CPA Cour permanente darbitrage

    CPJI Cour permanente de justice internationale

    CPJI (Sr. A) Publications de la Cour permanente de justice internationale, Srie

    A: Recueil des arrts

    CPJI (Sr.

    A/B)

    Publications de la Cour permanente de justice internationale, Srie

    A/B: Arrts, avis consultatifs et ordonnances

    CPJI (Sr. B) Publications de la Cour permanente de justice internationale, Srie

    B: Recueil des avis consultatifs

    Fasc. Fascicule

    FMI Fonds Montaire International

    GATT General Agreement on Tariffs and Trade

    Gaz. Pal. Gazette du Palais

    Ibid. Au mme endroit

    ICSID Rev. ICSID Review

    ICSID Rev.-

    FILJ

    ICSID Review-Foreign Investment Law Journal

    ICQL International and Comparative Law Quarterly

    IDAL Agence pour le dveloppement des investissements au Liban

    Idem. De meme

    ILM International Legal Materials

    Int. A.L.R. International Arbitration Law Review

    Int Tax &

    Bus. Law

    International Tax & Business Lawyer

    J.-Cl.Dr .int. Juris-Classeur de droit international

    J-Cl. Dr. int.

    pr.

    Juris-Classeur de droit international priv

    JDI Journal du droit international ( Culent )

  • VIII

    J.dr.int.pr.

    Journal du droit international priv et de la jurisprudence compare

    (actuel JDI)

    J. Int. Arb. Journal of International Arbitration

    J. Pub. L. Journal of Public Law

    JWIT Journal of World Investment & Trade

    JWT Journal of World Trade

    NCPCL Nouveau Code de Procdure Civile Libanais

    NPF Nation la plus favorise

    NYLJ New York Law Journal

    Obs. Observations

    OCDE Organisation de dveloppement et de coopration conomique

    OMC Organisation Mondiale du Commerce

    POEJ Revue Proche-Orient, Etudes Juridiques

    RAI Recueil des arbitrages internationaux

    RCADI Recueil des Cours de lAcadmie de droit international de La Haye

    RDAI Revue de droit des affaires internationales

    Rec. Gaz. Pal. Recueil de la Gazette du Palais

    Rec. Hatem Recueil Hatem

    Rp. civ. Rpertoire de droit civil (Dalloz)

    Rev. arb. Revue de larbitrage

    Rev. crit. DIP. Revue critique de droit international priv

    Rev. dr. int.

    pr.

    Revue de droit international priv et de droit pnal international

    Rev. int. dr.

    comp.

    Revue internationale de droit compar

    Rev. lib. arb. Revue libanaise de larbitrage arabe et international

    RIDE Revue internationale de droit conomique

  • IX

    RTNU Recueil des traits des Nations unies

    SCC Stockholm Chamber of Commerce

    SFDI Socit franaise de droit international

    TBI Trait bilatral dinvestissement

    Trav.Com. Fr.

    DIP

    Travaux du Comit franais de droit international priv

    UNCTAD The United Nations Conference on Trade and Development

    UNCITRAL The United Nations Commission on International Trade Law

    Y.B.Com. Arb. Yearbook of International Commercial Arbitration

  • X

    SOMMAIRE

    REMERCIEMENTS ................................................................................................ IV

    LISTE DES SIGLES ET DES PRINCIPALES ABREVIATIONS ..................... VI

    SOMMAIRE ................................................................................................................ X

    INTRODUCTION........................................................................................................ 1

    Partie I - La libert des investissements trangers au Liban : un principe,

    rsultat dun choix conomique libral .................................................................... 30

    Titre I - Le principe traditionnel de libert dtablissement des investissements

    trangers ..................................................................................................................... 35

    Chapitre 1 - Le rgime libral dadmission des investissements trangers .............. 37

    Section 1 - Les conditions souples dadmission....................................................... 45

    Section 2 Le rgime avantageux de la procdure dadmission ............................. 63

    Chapitre 2 - Le rgime libral dtablissement des investissements trangers ........ 79

    Section prliminaire - La nationalit des socits .................................................... 81

    Section 1- La reconnaissance des socits trangres au Liban ............................. 110

    Section 2- Les modes dimplantation des socits trangres .............................. 132

    Conclusion du Titre I ............................................................................................... 165

    Titre II - Une libert rgule ................................................................................... 174

    Chapitre 1 - Le contrle du travail des trangers ................................................... 176

    Section 1- La soumission des trangers au rgime dautorisation de travail ......... 179

    Section 2- Lexclusion des trangers de certaines professions .............................. 210

    Chapitre 2 - Le contrle dacquisition par des trangers de droits rels immobiliers

    au Liban .................................................................................................................. 231

    Section 1 - La rglementation actuelle de lacquisition par des trangers de droits

    rels immobiliers au Liban ..................................................................................... 233

    Section 2 - Le domaine dapplication de la rglementation ................................... 256

    Conclusion du Titre II ............................................................................................. 292

  • XI

    Conclusion de la Partie I ......................................................................................... 296

    Partie II - La scurit des investissements trangers au Liban : une exigence

    renforce face au contexte politique ....................................................................... 299

    Titre I - Les garanties substantielles inspires du droit conventionnel............... 305

    Chapitre 1 - La protection contre la discrimination ............................................... 308

    Section 1 - Le traitement national : un obstacle la discrimination entre

    investisseurs trangers et nationaux ....................................................................... 311

    Section 2 - Le traitement de la nation La plus favorise : un obstacle la

    discrimination entre investisseurs trangers ........................................................... 344

    Chapitre 2 - La protection contre larbitraire ......................................................... 374

    Section 1 - La rgle du traitement juste et quitable .................................. 374

    Section 2- La norme de pleine et entire protection ......................................... 446

    Conclusion du Titre I ............................................................................................... 502

    Titre II - Les garanties procdurales controverses ............................................. 505

    Chapitre 1 - Larbitrage fond sur une offre publique de lEtat hte ..................... 510

    Section 1 - Larbitrage sur le fondement dun trait dinvestissement .................. 511

    Section 2 - Larbitrage sur le fondement de la lgislation interne ......................... 554

    Chapitre 2 - Larbitrage fond sur une clause darbitrage ..................................... 602

    Section 1 - Larbitrage dcoulant dun contrat dinvestissement ........................... 603

    Section 2 - La coexistence dune clause contractuelle darbitrage et dune clause

    conventionnelle de rglement des diffrends ......................................................... 631

    Conclusion du Titre II ............................................................................................. 666

    Conclusion de la Partie II ........................................................................................ 676

    CONCLUSION GENERALE ................................................................................. 679

    ANNEXES ................................................................................................................ 686

    INDEX ALPHABETIQUE ..................................................................................... 751

    BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 756

  • 1

    INTRODUCTION

    Si cest mon jour de rcolte,

    dans quels champs ai-je sem la graine,

    et en quelle saisons oublies ?

    Le Prophte ~

    G. Khalil GIBRAN

    1. Linvestissement international est un phnomne1 relativement rcent

    dans les relations internationales, apparu massivement aprs la seconde guerre

    mondiale au XXme

    sicle, mais qui connt un essor ds le XIXme

    sicle2. Ce

    phnomne constitue en effet lun des aspects les plus perceptibles de la

    mondialisation du commerce international3, un processus qui a t pleinement

    consacr sur le plan juridique par la signature en avril 1994 des accords de Marrakech

    instituant lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC). Bien que la cration de

    lOMC ne concerne pas principalement les investissements, mais surtout la libre

    circulation des marchandises, elle a eu une grande incidence sur les investissements

    internationaux en consacrant les rgles du traitement non discriminatoire. Louverture

    des frontires, la globalisation des changes, lexpansion des relations commerciales,

    conomiques et politiques entre les pays du monde ont abouti une dynamique de

    croissance de linvestissement international et un accroissement phnomnal et

    spectaculaire dans les flux des investissements trangers. En outre, les changements

    dans la structure de lconomie mondiale4, les moyens modernes de communication,

    1 Ce terme est employ par le Professeur Ch. Leben dans La thorie du contrat dEtat et lvolution

    du droit international des investissements , RCADI, t.302, 2003, p. 216. 2 Linvestissement se prsente depuis comme la pierre angulaire de lconomie mondiale. En effet, un

    grand flux de l'investissement tranger apporte des avantages substantiels pour l'conomie mondiale et

    notamment pour l'conomie des pays en dveloppement surtout en termes du transfert de comptences

    et de capitaux, de technologie ainsi quen termes d'expansion du commerce international. 3 La mondialisation a mme eu pour fondements thoriques la libert du commerce, la libert d'investir

    des capitaux et la libert dtablissement des entreprises dans les pays trangers. 4 Lconomie mondiale actuelle est la fois le produit des progrs technologiques ainsi que de la

    libralisation du commerce mondial.

  • 2

    lacclration du rythme de lvolution technologique ainsi que lintgration

    financire ont t des facteurs favorisant et renforant le besoin des entreprises de

    rechercher sur le plan international de nouveaux marchs lchelle rgionale mais

    aussi lchelle mondiale. Limportance des investissements internationaux rside

    ainsi dans le rle quils jouent dans le domaine de la coopration internationale pour

    le dveloppement conomique5.

    2. Avant dentamer une tude portant sur les investissements internationaux, il

    convient alors de dterminer ce quon entend par investissement international .

    Selon certains auteurs, la notion dinvestissement est une notion introuvable6 ,

    inexistante7 , sans tat dme

    8 qui na pas russi se dgager de sa

    nbulosit originelle9 et qui est entre dans le langage juridique sans quune

    dfinition nait pu [lui] tre tablie de faon globale ce jour10

    . Parler de

    linvestissement international ou dun droit de linvestissement international se heurte

    alors une question qui vient immdiatement lesprit : peut-il exister un droit de

    linvestissement international sans mme quune dfinition prcise de lobjet trait par

    la matire soit pralablement pose? Cette question semble incontournable en raison

    de ses implications pratiques car cest cette dfinition qui dterminera le champ

    dapplication du rgime juridique de traitement, protection et de garantie relatif aux

    investissements internationaux11

    . Sans doute, la qualification des oprations vises par

    cette tude sur les investissements prsente un grand intrt pour examiner et analyser

    lapplication du rgime juridique des investissements trangers au Liban au regard de

    5 Voir le Prambule de la Convention de Washington de 1965 instituant le Centre international pour le

    rglement des diffrends relatifs aux investissements. 6 P. Juillard, Investissements , chronique du droit international conomique, 1983, p. 773. Voir

    galement W. Ben Hamida, Les contrats BOT lheure du droit des investissements internationaux ,

    in Les aspects nouveaux du droit des investissements internationaux, Ph. Kahn et Th. Wlde, Martinus

    Nijhoff, 2007, n. 31, p. 290. 7 Ph. Kahn, International Law Association, Foreign Investment in the Developing Countries, rapport

    prsent au nom de la branche franaise, Helsinki, 1966, p. 819. 8 A. Bencheneb, Sur lvolution de la notion dinvestissement , in Souverainet tatique et marchs

    internationaux la fin du 20me

    sicle, Mlanges en lhonneur de Philippe Kahn, Litec, 2000, p. 196. 9 J.-P. Laviec, Protection et promotion des investissements : tude de droit international conomique,

    Paris, Presses universitaires de France, 1985, p. 13. 10

    P. Schaufelberger, La protection juridique des investissements internationaux dans les pays en

    dveloppement : tude de la garantie contre les risques de linvestissement et en particulier de

    lAgence multilatrale de garantie des investissements, Lausanne, Proefschrift, 1993, pp. 54 et s. 11

    Voir F. Yala, La notion dinvestissement dans la jurisprudence du CIRDI : actualit dun critre de

    comptence controvers (les affaires Salini, SGS et Mihaly) , in Nouveaux dveloppements dans le

    contentieux arbitral transnational relatif linvestissement international, Collection Bibliothque des

    hautes tudes internationales de Paris, Paris, Bruxelles, LGDJ, Anthemis, 2006, p. 290.

  • 3

    lordre juridique international. Cependant, on ne prtend pas faire dans les pages qui

    suivent une tude exhaustive de la dfinition de la notion d investissement , car

    cette question a dj fait lobjet de recherches diverses et abondantes12

    , tel point

    quun auteur sest demand si [l]essentiel, le meilleur, pour ne pas dire tout, na

    [] pas dj t crit, dit, depuis que le droit des investissements prtend

    lexistence13

    .

    3. A la base il y a une notion conomique, mais les Etats ont trouv

    indispensable de juridiciser le concept 14

    dinvestissement. Or, ces deux

    disciplines, lconomie et le droit, apprhendent la notion dinvestissement

    diffremment dans la mesure o chacune poursuit des objectifs diffrents. Dun point

    de vue conomique, linvestissement est examin au niveau de sa formation et de ses

    incidences, tant sur le plan micro-conomique, cest--dire au niveau de lentreprise,

    que sur le plan macro-conomique, cest--dire au niveau national. Du point de vue

    juridique, cest plutt le rgime juridique de lopration dinvestissement qui est

    tudi, couvrant les conditions de sa constitution, son dveloppement et sa disparition.

    Linvestissement international , plus prcisment, prsente une spcificit propre

    en raison de cet lment dextranit. Est ainsi rput international, linvestissement

    qui satisfait au critre classique de circulation transfrontalire des biens et des services

    tel que dcrit par le Procureur Gnral Matter en 1927. Ce dernier qualifie llment

    dextranit du contrat international comme caractrisant un flux et reflux au-dessus 12

    Voir A. Bencheneb, Sur lvolution de la notion dinvestissement , op. cit., pp. 177 ; I. Fadlallah,

    La notion dinvestissement : vers une restriction la comptence du CIRDI ? , in Liber Amicorum in

    honor of Robert Briner, ICC, 2005, p. 259 ; J.-M. Loncle, La notion dinvestissement dans les

    dcisions du CIRDI , RDAI/IBLJ, no3, 2006, p. 319 ; E. Gaillard, Reconnatre ou dfinir ?

    Rflexions sur lvolution de la notion dinvestissement dans la jurisprudence du CIRDI , in Le droit

    international conomique laube du XXIme

    sicle, en hommage aux professeurs D. Carreau et P.

    Juillard, Pedone, 2009, p. 17 ; F. Horchani, Le dveloppement au cur de la dfinition de la notion

    dinvestissement ? , in Le droit international conomique laube du XXIme

    sicle, en hommage aux

    professeurs D. Carreau et P. Juillard, Pedone, 2009, p. 49 ; S. Manciaux, Actualit de la notion

    dinvestissement international , in La procdure arbitrale relative aux investissements

    internationaux : Aspects rcents, Ch. Leben (dir.), Anthmis d., 2010, p. 145 ; A. Gilles, La dfinition

    de l'investissement international, Bruxelles, Larcier, 2012 ; E. Silva Romeo, Observations sur la

    notion dinvestissement aprs la sentence Phoenix , Cahiers de larbitrage, 2010, p. 87 ; I. Fadlallah,

    Retour sur investissement , in Liber Amicorum S. Lazareff, Pedone, 2011, p. 27 ; F. Horchani, Le

    droit international des investissements lheure de la mondialisation , op. cit., p. 367 ; P. Juillard,

    Lvolution des sources du droit des investissements , RCADI, tome 250 (1994-VI) ; I. Shihata,

    Recent trends relating to entry of foreign direct investment, ICSID Review, 1994, pp. 47 et s ; D.

    Onana, La comptence en arbitrage international : La qualification d'investissement et la condition de

    nationalit, Le cas du Cirdi, Bruylant, 2012. 13

    A. Bencheneb, Sur lvolution de la notion dinvestissement , op. cit., p. 177. 14

    Ibid., p. 181.

  • 4

    des frontires15

    . Ce critre de lextranit pourrait tre facilement appliqu la

    notion dinvestissement international. Dans le cadre de cette opration, deux ou

    plusieurs espaces conomiques nationaux sont directement concerns, celui du pays

    dorigine de linvestissement et celui ou ceux du ou des pays daccueil.

    Linvestissement international cre alors un lien direct entre deux ou plusieurs

    territoires relevant de souverainets tatiques diffrentes. Cest peu de dire que les

    Etats ne sauraient sen dsintresser !

    4. Au cours des annes, linvestissement international est devenu une matire

    dintrt international de premire importance. Un corpus juridicum considrable na

    ainsi cess de se dvelopper dans lordre juridique international, dans ces deux volets

    multilatral et bilatral. Toutefois, il nexiste pas aujourdhui un instrument juridique

    multilatral unique couvrant linvestissement international dans son ensemble. Il

    existe aujourdhui plutt une multiplicit de conventions et daccords pars16

    . Or, ce

    foisonnement de sources et cet ensemble dinteractions avec diffrentes branches de

    droit doubls dune technicit qui est au cur du droit de linvestissement

    international na pas t sans effet sur la notion mme dinvestissement17

    . En effet,

    cette mosaque dinstruments na pas pu constituer un corpus juridique

    suffisamment cohrent pour permettre de dgager une dfinition complte et uniforme

    de linvestissement18

    . Au contraire, loin que lunifier, la pluralit des sources de droit

    de linvestissement international a t lorigine dune pluralit de dfinitions de la

    notion19

    . Deux principales approches de linvestissement ont t adoptes dans les

    15

    Voir Cass. fr., 17 mai 1927, D.P., 1928.1.25, note Capitant. 16

    Il sagit dune profusion dsordonne de sources, dune prolifration qui peut inquiter autant

    que rassurer . Voir A. Bencheneb, Sur lvolution de la notion dinvestissement , op. cit., p. 178. 17

    Selon le professeur Carreau, lextrme foisonnement [du droit conventionnel] tant sur le plan bi-

    que multilatral [] il serait vain de vouloir dgager un rgime juridique clair aux artes bien

    tranches et reconnu par tous [du fait que] [l]a matire est largement domine par lautonomie de la

    volont des parties [] qui se traduit par des solutions au cas par cas et parfois incompatibles entre

    elles [] . Voir D. Carreau, Investissements , Rp. Internat. Dalloz, 2008, p. 39. 18

    Par ailleurs, ce manque duniformit ou dunit au niveau de la forme a impliqu une certaine

    incohrence au niveau du fond. Ainsi, cette matire reste non dveloppe sur certains aspects, bien

    quimportants pour le droit international des investissements, tels que la question de la concurrence, de

    lenvironnement, des relations de travail, du transfert des technologies. Voir dans ce sens, D. Carreau,

    Investissements , op. cit., pp. 49 et s. 19

    Ceci est dautant vrai que chacun de ces instruments suit une logique et un objectif propre et traite

    un aspect bien dfini en matire dinvestissement, sagit-il de la protection, la promotion, la garantie, le

    rglement des litiges relatifs aux investissements.

  • 5

    accords dinvestissement : la forme numrative (ou indicative) et la forme

    synthtique.

    5. La premire approche, utilise dans la plupart des accords20

    , y compris ceux

    signs par le Liban21

    , consiste fournir une liste dactifs qui peuvent, sparment ou

    combins ensemble, constituer un investissement22

    . Toutefois, cette approche a t

    sujette des critiques. Il lui a t reproch dtre non limitative et dtendre la notion

    d investissement dautres notions, de telle manire que ce dernier perd sa

    spcificit et est assimil un bien ou un droit. Une partie de la doctrine est mme

    alle jusqu considrer que cette approche prive la notion de toute signification tel

    point que lintitul de [celui-ci] ne correspond[ait] plus rellement son

    contenu 23

    . Bien que justifies, ces critiques doivent tre nuances. Ces traits ne

    peuvent pas sappliquer tout bien ou actif tranger ou du seul fait que lopration

    prsente un lment dextranit. En labsence dune disposition spcifiquement

    consacre linterprtation de linstrument, les principes et les objectifs cherchs par

    celui-ci sont le plus souvent prvus dans son prambule. On observe en effet que la

    plupart des traits bilatraux dinvestissement prvoient dans leur prambule que

    laccord vise la coopration entre les Etats parties dans le but de renforcer le

    dveloppement conomique dans lun ou les deux pays contractants. Or selon la rgle

    gnrale dinterprtation des traits, un trait doit tre interprt de bonne foi

    20

    Voir Ch. Leben, Lvolution du droit international des investissements , in Un accord multilatral

    sur linvestissement : dun forum de ngociation lautre, Journe dtudes de la SFDI, Pedone, 1999,

    pp. 7 et s. 21

    Les TBI signs respectivement par la France et le Liban adoptent cette forme de dfinition. Une

    clause prototype dispose que [l]e terme investissement dsigne tous les avoirs, tels que les biens

    et intrts de toutes natures et, plus particulirement mais non exclusivement :

    a) Les biens meubles et immeubles, ainsi que tous autres droits rels tels que les hypothques, privilges, usufruits, cautionnements et tous droits analogues ;

    b) Les actions, primes dmission et autres formes de participation, mme minoritaires ou indirectes, aux socits constitues sur le territoire de lune de Parties contractantes ;

    c) Les obligations, crances et droits toutes prestations ayant valeur conomique ; d) Les droits de proprit intellectuelle, commerciale et industrielle tels que les droits

    dauteur, les brevets dinvention, les licences, les marques dposes, les modles et

    maquettes industrielles, les procds techniques, le savoir-faire, les noms dposs et la

    clientle ;

    Les concessions accordes par la loi ou en vertu dun contrat, notamment les concessions relatives la

    prospection, la culture, lextraction ou lexpropriation de richesses naturelles, y compris, celles qui se

    situent dans la zone maritime des Parties contractantes. 22

    Dans la terminologie anglo-saxonnes, cette forme de dfinition est lexpression asset-based

    definition pour designer cette approche. 23

    S. Manciaux, Investissements trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants dautres Etats ,

    Travaux du Credimi, vol. 24, Litec, 2004, p. 55.

  • 6

    suivant le sens ordinaire attribuer aux termes du trait dans leur contexte et la

    lumire de son objet et de son but 24

    . Lapplication de cette rgle suffirait alors pour

    rfuter les critiques souleves par la doctrine et pour loigner la crainte de voir toute

    activit ou opration conomique qualifie d investissement .

    6. Quant la forme synthtique dune dfinition de linvestissement, celle-ci est

    rarement utilise dans les instruments relatifs linvestissement international. A la

    diffrence de lapproche numrative, la forme synthtique est une approche

    descriptive de linvestissement25

    qui dfinit lopration conomique concerne par

    sa principale caractristique : la contribution lconomie du pays daccueil en

    apportant une valeur ajoute 26

    . Dans ce cadre, linvestissement dsigne des

    apports en espces ou en nature faits par les ressortissants ou socits dune des

    parties contractantes sur le territoire de lautre, conformment la lgislation

    respective des parties contractantes, applicable aux investissements, en vue soit de

    constituer une capacit de production nouvelle de biens ou de services, soit de

    rationaliser des mthodes de production ou den amliorer la qualit 27

    . Bien

    quadopte par certains traits bilatraux dinvestissement, le recours la forme

    synthtique est plus frquent dans les lgislations nationales28

    . Est-ce le cas du droit

    positif libanais ? En effet, la loi no 360 du 16 aot 2001 relative au dveloppement et

    lencouragement des investissements, seul texte de droit libanais portant directement

    sur linvestissement, ne comporte aucune dfinition de cette notion. Cette loi se

    contente de dfinir dans son article 1er

    le projet comme tant le projet

    24

    Voir larticle 31 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traits,

    http://www.admin.ch/ch/f/rs/i1/0.111.fr.pdf 25

    Selon la terminologie anglo-saxonne, cette approche est dsigne par lexpression entreprise-based

    defintion . 26

    Ce dynamisme peut tre compris en des termes tels que accroissement , largissement

    ou amlioration . 27

    Cest la dfinition qui est consacre dans le TBI conclu entre la Suisse et le Zare tel quillustr par

    S. Manciaux, Investissements trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants dautres Etats , op.

    cit., p. 56. 28

    Un exemple plus ou moins rcent est celui du Code des investissements de la Rpublique

    dmocratique du Congo. Ce dernier comporte une dfinition de l investissement direct selon

    laquelle Tout investissement relevant du champ dapplication de la prsente loi envisag par une

    entreprise nouvelle ou existante visant mettre en place une capacit nouvelle ou accrotre la

    capacit de production de biens ou de prestation de services, largir la gamme des produits

    fabriqus ou des services rendus, accrotre la productivit de lentreprise ou amliorer la qualit

    des biens ou des services . Voir art. 2 de la loi no. 004/2002 du 21 fvrier 2002 portant Code des

    investissements. Sur ce mme modle, voir galement les lgislations tanzanienne, ougandaise,

    zambienne et guinenne ; Ch. Schreuer, The ICSID Convention a Commentary, Cambridge

    University Press, 2001, note 11, p. 132.

    http://www.admin.ch/ch/f/rs/i1/0.111.fr.pdf

  • 7

    dinvestissement portant sur lun des secteurs rgis par cette loi 29

    . Elle ajoute dans

    son article 2 quelle sapplique aux investissements effectus par des investisseurs

    dsireux de bnficier de ses dispositions et portant sur les secteurs de lindustrie, de

    lagriculture, de lagro-industrie, du tourisme, de linformatique, de la technologie,

    de la communication, de linformation ainsi que sur dautre secteurs dfinis dans un

    dcret publi par le Conseil des Ministres sur proposition du Premier Ministre . A

    dfaut de trouver une dfinition dans le droit interne, cest vers le droit international

    quil faut se tourner pour trouver une dfinition de linvestissement international. Les

    traits bilatraux dinvestissement conclu par le Liban adoptent la forme numrative

    de linvestissement.

    7. Le silence du droit libanais reflte-t-il une paresse du lgislateur libanais

    ou la crainte de donner une dfinition fige et limitative de linvestissement tranger.

    Dans lun ou lautre des cas, le lgislateur libanais manque d audace qui

    caractrise son homologue franais qui a dfini linvestissement tranger dans le

    cadre de la rglementation des relations financires avec ltranger dans le Code

    montaire et financier franais30

    . Cependant cette carence nest pas le seul fait du

    29

    Quant linvestisseur, celui-ci est dfini par larticle 1er

    de la loi no

    360/2001 comme tant la

    personne juridique ou morale de nationalit libanaise, arabe ou trangre investissant au Liban

    conformment aux dispositions de cette loi . 30

    Lart. R151-1 consacr aux relations financires avec ltranger du Code montaire et financier

    franais (modifi par larticle 6 du dcret n2005-1739 du 30 dcembre 2005 publi au JORF 31

    dcembre 2005) disposent dans les al. (5) et (6) que :

    5 Sont qualifies d'investissements directs trangers, pour l'application de l'article R. 152-5 :

    a) La cration d'une entreprise nouvelle par une entreprise de droit tranger ou une personne physique

    non rsidente ;

    b) L'acquisition de tout ou partie d'une branche d'activit d'une entreprise de droit franais par une

    entreprise de droit tranger ou une personne physique non rsidente ;

    c) Toutes oprations effectues dans le capital d'une entreprise de droit franais par une entreprise de

    droit tranger ou une personne physique non rsidente ds lors que, aprs l'opration, la somme

    cumule du capital ou des droits de vote dtenus par des entreprises trangres ou des personnes

    physiques non rsidentes excde 33,33 % du capital ou des droits de vote de l'entreprise franaise ;

    d) Les mmes oprations effectues par une entreprise de droit franais dont le capital ou les droits de

    vote sont dtenus plus de 33,33 % par une ou des entreprises de droit tranger ou une ou des

    personnes physiques non rsidentes ;

    6 Sont galement qualifies d'investissements trangers, pour l'application de l'article R. 152-5, des

    oprations telles que l'octroi de prts ou de garanties substantielles ou l'achat de brevets ou de

    licences, l'acquisition de contrats commerciaux ou l'apport d'assistance technique qui entranent la

    prise de contrle de fait d'une entreprise de droit franais par une entreprise de droit tranger ou une

    personne physique non rsidente [] .

    La dfinition de linvestissement tranger en France intgre dans le Code montaire et financier

    franais dans un Titre V consacr aux relations financires avec ltranger varie suivant que

    lopration vise par linvestisseur tranger est soumis une dclaration administrative, une

    autorisation pralable ou dune dclaration statistique. Larticle R152-5 du Code montaire et financier

  • 8

    droit libanais ; en effet, il nexiste pas [] de dfinition unique et globale de

    linvestissement international en droit international conomique positif31

    . Cette

    absence de cohrence et dhomognit nest pas uniquement le rsultat du

    jaillissement des instruments juridiques en droit des investissements internationaux.

    La tche de poser une dfinition bien prcise et uniforme de linvestissement

    international se rvle de plus en plus difficile du fait que lopration dinvestissement

    ne saurait tre isole. En fait, pour se raliser, elle a besoin dautres supports ,

    franais dispose que [l]es investissements trangers raliss en France mentionns aux 5, 6 et 7

    de larticle R. 151-1 font lobjet, lors de leur ralisation, dune dclaration administrative . Sont ainsi

    soumises une dclaration administrative adresse la direction gnrale du Trsor du Ministre de

    l'Economie, des Finances et de l'Industrie, lorsqu'elles sont ralises par des investisseurs trangers ou

    par des entreprises franaises dont le capital ou les droits de vote sont dtenus plus d'1/3 par des

    entreprises trangres, les oprations suivantes:

    - La cration d'une entreprise. - L'acquisition de tout ou partie d'une branche d'activit d'une entreprise franaise. - Les prises de participation dans les entreprises franaises existantes (une autorisation pralable

    devra tre demande si la prise de participation est suprieure 1/3 dans le capital des

    socits).

    - Les oprations assimiles telles que l'octroi de prts ou de garanties substantielles, l'achat de brevets ou de licences, l'acquisition de contrats commerciaux (par exemple, reprise de fonds

    de commerce ou d'lments de fonds de commerce exploits en France ou pris en location-

    grance) ou l'apport d'assistance technique, qui entranent la prise de contrle de fait d'une

    entreprise franaise par un investisseur tranger.

    - Les oprations effectues l'tranger ayant pour effet de modifier le contrle d'une entreprise trangre, elle-mme dtentrice d'une participation ou de droits de vote dans une entreprise

    franaise dont le capital ou des droits de vote sont dtenus plus d'1/3 par un ou plusieurs

    investisseurs trangers.

    Cependant, larticle R152-5 numre des oprations qui sont dispenses de ces formalits, savoir:

    1 La cration ou l'extension d'activit d'une entreprise de droit franais existante dtenue

    directement ou indirectement par des entreprises de droit tranger ou des personnes physiques non

    rsidentes ;

    2 Les accroissements de participation dans une entreprise de droit franais dtenue directement ou

    indirectement par des entreprises de droit tranger ou des personnes physiques non rsidentes

    lorsqu'ils sont effectus par un investisseur dtenant dj plus de 50 % du capital ou des droits de vote

    de la socit;

    3 La souscription une augmentation de capital d'une entreprise de droit franais dtenue

    directement ou indirectement par des entreprises de droit tranger ou des personnes physiques non

    rsidentes, sous rserve qu'elles n'accroissent pas cette occasion leur participation ;

    4 Les oprations d'investissements directs raliss entre des socits appartenant toutes au mme

    groupe, c'est--dire tant dtenues plus de 50 % directement ou indirectement, par les mmes

    actionnaires ;

    5 Les oprations relatives des prts, avances, garanties, consolidations ou abandons de crances,

    subventions ou dotations de succursales, accords une entreprise de droit franais dtenue

    directement ou indirectement par des entreprises de droit tranger ou des personnes physiques non

    rsidentes qui la dtiennent ;

    6 Les oprations d'investissements directs raliss dans des entreprises de droit franais exerant une

    activit immobilire autre que la construction d'immeubles destins la vente ou la location ;

    7 Les oprations d'investissements directs raliss, dans la limite de 1,5 million d'euros, dans des

    entreprises de droit franais artisanales, de commerce de dtail, d'htellerie, de restauration, de

    services de proximit ou ayant pour objet exclusif l'exploitation de carrires ou gravires ;

    8 Les acquisitions de terres agricoles . 31

    D. Carreau, Investissements , op. cit., n. 1, p. 3.

  • 9

    voire doprations auxiliaires fonds sur les principes de libert des changes

    commerciaux et des prestations de services, de libre circulation des personnes et des

    capitaux dtablissement, du respect des droits de la proprit artistique, littraire,

    intellectuelle, industrielle, etc. Or, il sagit de domaines dans le droit international

    conomique que celui-ci na pas encore pleinement et entirement contrl. En outre,

    il existe une difficult apprhender linvestissement international sous toutes ses

    formes. Cette difficult est rendue de plus en plus complexe du fait que les formes de

    linvestissement international ont d constamment voluer afin de rpondre aux

    besoins quexigent les contextes politico-conomiques successifs dans lesquels les

    investissements ont t appels se constituer32

    . Cette exigence dadaptation de la

    notion dinvestissement sest alors vue marier dune contrainte de flexibilit au sein

    des sources du droit des investissements internationaux.

    8. Cette flexibilit se justifie par la crainte denfermer la ncessit dune

    pratique dynamique des oprations conomiques en dictant une dfinition thorique

    fige et limitative de la notion dinvestissement. Tel est le cas de la Convention de

    Washington du 18 mars 1965 instituant le Centre pour le rglement des diffrends

    relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants dautres Etats (ci-aprs

    CIRDI ). Faute de consensus entre les rdacteurs sur la question, cette Convention

    ne fournit aucune dfinition de linvestissement33

    . Cette abstention semble tre tout

    fait volontaire34

    . Ainsi, selon une partie de la doctrine, labsence de dfinition de

    32

    Ainsi, dans certains cas linvestissement est en fonction de lentreprise . Cette dfinition saligne

    sur le concept traditionnel et classique de l'investissement direct et exclut ainsi linvestissement de

    portefeuille et l'investissement immobilier. La seconde approche consiste dfinir linvestissement

    en fonction des actifs . Cette approche a t utilise par la plupart des traits bilatraux sur la

    protection de l'investissement. A la diffrence de la premire approche, cette dernire inclut

    linvestissement de portefeuille et les actifs immatriels tels que la proprit intellectuelle. 33

    Cette carence a t justifie par les administrateurs de la Banque Mondiale par le fait que le

    consentement des parties constitue une condition essentielle de la comptence du Centre et par

    lexistence du mcanisme par lequel les Etats contractants peuvent, sils le dsirent, indiquer

    lavance les catgories de diffrends quils seraient ou quils ne seraient pas prts soumettre au

    Centre (art. 25 (4)) . Voir A. Broches, The Convention on the Settlement of Investment Disputes

    Between States and Nationals of Other States , RCADI, 1972, II, t. 136, pp. 331 et s., spc. p. 362; Ch.

    Schreuer, The ICSID Convention a Commentary, op. cit., p. 121 et s., no 80 et s. ; J.-M. Loncle, La

    notion dinvestissement dans les dcisions du CIRDI , op. cit., p. 319. Un autre auteur a expliqu que

    cette lacune rsultait d antagonismes entre ngociateurs et du caractre imprcis dune

    approche synthtique de la notion. Voir G. Delaume, Le CIRDI , JDI, 1982, p. 800. 34

    R. Kovar, La comptence du CIRDI , in Investissements trangers et arbitrage entre Etats et

    personnes prives. La Convention Bird du 18 mars 1965, CREDIMI, Paris, Pedone, 1969, p. 33.

  • 10

    linvestissement constitue un renoncement dordre tactique 35

    . Dautres auteurs ont

    considr que cette lacune devait tre interprte comme un gage de souplesse aux

    fins dapplication de la convention, [ni] le moyen dtendre son champ dapplication,

    [mais] peut-tre annonciateur du triomphe des approches casuistiques qui permettent

    de concevoir une comptence qui ne se limite pas aux seuls investissements

    directs36

    . Mais si cet instrument demeure silencieux sur la dfinition de

    linvestissement, il nen reste pas moins que cette notion reste primordiale dans la

    mesure o de cette qualification dpend la comptence du CIRDI37

    . Or, de cette

    comptence dpend aussi lindemnisation de linvestisseur tranger pour les pertes

    rsultant dun comportement de lEtat hte violant les garanties assures par les

    instruments du droit de linvestissement international, notamment les traits bilatraux

    dinvestissement. La pratique montre que la question de la dfinition de

    linvestissement se pose frquemment devant les tribunaux arbitraux du CIRDI38

    .

    35

    A. Bencheneb, Sur lvolution de la notion dinvestissement , op. cit., p. 182. 36

    S. Manciaux, Investissements trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants dautres Etats: 25

    annes dactivit du CIRDI, Thse Dijon, 1998, p. 39. 37

    La comptence du Centre ou le champ dapplication de la Convention est dfinit par larticle 25 de

    la Convention de Washington qui dispose que [l]a comptence du Centre stend aux diffrends

    dordre juridique entre un Etat contractant (ou telle collectivit publique ou tel organisme dpendant

    de lui quil dsigne au Centre) et le ressortissant dun autre Etat contractant qui sont en relation

    directe avec un investissement et que les parties ont consenti par crit soumettre au Centre .

    Larticle ajoute aussi que [l]orsque les parties ont donn leur consentement, aucune delles ne peut

    le retirer unilatralement .

    Amens se prononcer sur cette question, maintes reprises, les arbitres ont adopt diverses attitudes.

    Parfois, ils ont estim que leur comptence est justifie du seul fait que la volont des Etats sest

    dirige, dans le TBI, choisir le CIRDI comme moyen de rglement des diffrends. Il sagit alors pour

    le tribunal arbitral dans ce cas de se contenter de sa comptence matrielle en constatant que

    lopration conomique litigieuse entre dans la liste indicative des investissements numrs par le

    TBI. Le tribunal arbitral CIRDI a opt pour cette rponse dans laffaire Biwater c. Tanzanie, sentence

    du 24 juillet 2007, ARB/05/22 ; de mme pour laffaire MHS c. Malaisie, dcision du comit ad hoc du

    16 avril 2009, ARB/05/10.

    Mais dans la plupart des dcisions, les tribunaux arbitraux CIRDI ont t amens retenir une

    dfinition de la notion d investissement spcifique de larticle 25 de la Convention. Il sagit l pour

    les arbitres de procder selon un double test qui consiste dabord sassurer que lactivit litigieuse

    entre dans lnumration propose par le TBI, et ensuite de vrifier que cette opration remplie les

    critres dinvestissement dgags de la Convention CIRDI.

    Voir W. Ben Hamida, La notion dinvestissement : la notion maudite du systme CIRDI , Les

    Cahiers de larbitrage, Gaz. Pal., 14-15 dcembre 2007, p.33 et s ; E. Gaillard, Reconnaitre ou

    dfinir ? Rflexions sur lvolution de la notion dinvestissement dans la jurisprudence du CIRDI , op.

    cit., p. 17 et s ; S. Manciaux, Actualit de la notion dinvestissement international , in Ch. Leben

    (dir.), La procdure arbitrale relative aux investissements internationaux, LGDJ, 2010, pp. 145 et s. 38

    Voir titre dexemple, SGS c. Pakistan, sentence du 6 aot 2003, ARB/01/13 ; SGS c. Philippines,

    sentence du 29 janvier 2004, ARB/02/6 ; Ceskoslovenska Obchodni Banka A.S (CSOB) c. Slovaquie,

    dcision sur la comptence du 24 mai 1999 ; L.E.S.I. S.p.A et ASTALDI S.p.A c. Algrie, dcision sur la

    comptence du 12 juillet 2006 ; Bayindir Insat Turizm Ticaret Ve Sanayi A.S. c. Pakistan, dcision sur

    la comptence du 14 novembre 2005.

  • 11

    9. Si le droit de linvestissement international reste aujourdhui en plein

    mouvement, si la notion dinvestissement est une notion controverse en droit et

    continue faire lobjet de discussions doctrinales trs actives39

    , la ralit irrfutable

    demeure toutefois que linvestissement international existe aujourdhui, avec un

    ensemble dlments juridiques vidents : des conditions, des critres et surtout des

    consquences juridiques. Ainsi, dans cette tude nous adopterons la notion

    traditionnelle de linvestissement tranger40

    qui consiste en une opration

    conomique effectue sur le territoire dun pays daccueil, consistant en un apport en

    capital ou en service, ralise dans la dure, impliquant une prise de participation

    aux risques encourus41

    . Cette dfinition englobe trois critres de qualification

    dinvestissement, en loccurrence, un apport42

    , une dure43

    et un risque44

    . Ainsi,

    39

    Voir S. Manciaux, Investissements trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants dautres

    Etats , art. prc., pp. 37 et s. ; W. Ben Hamida, Larbitrage transnational unilatral. Rflexions sur

    une procdure rserve linitiative dune personne prive contre une personne publique , thse sous

    la direction du professeur Ph. Fouchard, Paris II, 2003, Bruylant ; N. Rubins, The Notion of

    Investment in International Investment Arbitration, Arbitrating Foreign Investment Disputes, N.

    Horn (dir.. publ.), Kluwer Law International, 2004, p. 283 ; F. Yala, La notion dinvestissement,

    Chronique arbitrage et investissements internationaux, Gazette du Palais, Les cahiers de larbitrage,

    n. 2004, deuxime partie, p. 15 ; id., La notion dinvestissement dans la jurisprudence du CIRDI :

    actualit dun critre de comptence controvers , Nouveaux dveloppement dans le contentieux

    arbitral transnational relatif linvestissement international, colloque IHEL, Pari, 3 mai 2004,

    Pedone ; D. Carreau et P. Juillard, Droit international conomique, Dalloz, 2003, par. 1117, pp. 377-

    399. 40

    En fonction de cette comprhension classique de linvestissement, celui-ci consiste en une

    implantation matrielle et durable de linvestisseur dans lconomie de lEtat hte. Il sagit dun

    apport dont la rmunration est diffre dans le temps en fonction des rsultats entrepris . Voir

    Ch.- A. Michalet, Les nouveaux cadres de la coopration industrielle , in Les investissements

    franais dans le Tiers Monde, conomica, 1984, pp. 59 et s. ; Ch. Oman, Les nouvelles formes

    dinvestissement dans les pays en dveloppement : Etudes du Centre de Dveloppement de lOCDE,

    1984, pp. 14 et s., spc. pp. 18 et s.; D. Carreau et P. Juillard, Droit international conomique, par.

    1091 et s.

    Certains auteurs ont propos des dfinitions moins exigeantes de la notion dinvestissement. Ainsi,

    nous citons par exemple, S. Manciaux qui a suggr de ne retenir que llment daccroissement du

    patrimoine de lEtat daccueil ( Investissements trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants

    dautres Etats , Travaux du Credimi, vol. 24, Litec, 2004, p. 71 et s.). Dans le mme sens, G.

    Delaume qui a propos de sen tenir la considration de la contribution escompte, sinon toujours

    effective, de linvestissement au dveloppement conomique du pays intress . ( Le Centre

    International pour le rglement des diffrends relatifs aux investissements (CIRDI) , JDI, 1982, p.

    775, spc. p. 801). 41

    Voir B. Hamady Deme, Interactions entre droit europen et droit international des

    investissements , Le Journal du Centre de Droit International, no 8 mars 2012, p. 11-15, spc. p. 11.

    42 Linvestissement international est une opration conomique qui se caractriserait plus

    particulirement par un apport substantiel. Linvestissement international dsigne en effet

    traditionnellement des oprations qui dplacent un volume significatif de capitaux. Plus prcisment,

    ce qui caractrise lapport du point de vue de linvestissement international, ce sont son origine, sa

    forme et sa destination. Pour ce qui est de la nature internationale de linvestissement, la question de

    lorigine de lapport se confond ncessairement avec la question de lorigine de linvestisseur, que lon

    prenne en compte sa rsidence ou sa nationalit. Pour ce qui est de la forme, lapport se fait

    traditionnellement en capital. Il peut nanmoins tre ralis aussi en nature ou en industrie. Quant la

  • 12

    seront considres comme constitutives dinvestissements, les transactions

    conomiques qui vrifient ces lments. Ces critres didentification de

    linvestissement ont t consacrs par la jurisprudence arbitrale, notamment par les

    tribunaux arbitraux du CIRDI. Outre les trois critres prcdemment numrs, la

    question de destination de lapport, celle-ci se confond avec les critres successifs que sont la dure et

    le risque.

    Voir sur cette question J. Jehl, La notion dinvestissement technologique travers les contrats ,

    Transfert du Credimi, 4, Paris, Litec, 1977, pp. 435 et s. Nous ne reproduirons pas ici le dbat

    concernant la question de savoir i lapport couvre, en tant que critre identificateur de linvestissement

    international, les apports en industrie. En effet, une partie de la doctrine semble contester cette

    inclusion ; voir notamment D. Carreau, Investissement , op. cit., pp. 2-3, qui exclut lapport en

    industrie mais cite comme exemple dapport en nature le savoir-faire ; voir aussi P. Juillard,

    Investissements privs , AFDI, Chronique de droit international conomique , 1984, p. 777, qui

    considre que lapport en industrie ne suffit pas caractriser linvestissement. Les cas que lon cite

    frquemment dinvestissements dshabills mettent n vidence lapport dun savoir-faire, dune

    connaissance technique, qui se greffe sur lindustrie : et on retombe alors dans le cas de lapport en

    nature . 43

    Il existe un accord, en cohrence avec le dplacement suppos dun volume significatif de capitaux,

    pour considrer quune opration dinvestissement international est une opration moyen ou long

    terme. Pour faire cho la formule du professeur Juillard, il faut ncessairement du temps pour

    sinvestir . P. Juillard, Investissements , chronique du droit international conomique, art. prc.,

    p. 773.

    Sont donc a priori exclues de la notion objective de l investissement les oprations de vente ainsi

    que les oprations court terme. Sur ce point, nous adhrons lide des professeurs D. Carreau et P.

    Juillard suivant laquelle les oprations de vente de biens dquipement ne peuvent pas constituer des

    oprations dinvestissement si la rmunration de linvestissement est parfaite par le seul paiement du

    prix de vente, mme si son paiement nest pas instantan, mais chelonn. Elles ne seront constitutives

    dun investissement que si la rmunration de linvestisseur consiste, pour partie, en le paiement dun

    prix, et pour partie, en le versement d montants calculs daprs les rsultats financiers de

    lexploitation . Voir D. Carreau et P. Juillard, Droit international conomique, op. cit., par. 1117, p.

    387.

    Le critre de la dure est une des manifestations de la proximit de la conception juridique

    d investissement avec la notion conomique d investissement tranger direct , laquelle

    implique la prise dun intrt durable dans lentreprise investie. La question se pose alors de savoir

    partir de combien de temps un investisseur est rput sinvestir. Toute rponse directe cette question

    semblerait quelque peu arbitraire. La dure de linvestissement et une indication parmi dautres et non

    un critre ncessaire, automatiquement qualifiant ou disqualifiant. Ce critre doit tre combin avec les

    critres de lapport et du risque pour rvler la vritable nature de lopration. Voir S. Manciaux,

    Investissements trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants dautres Etats , Travaux du

    Credimi, op. cit., p. 70. 44

    Il sagit l du fait que linvestisseur supporte, au moins en partie, les alas de lentreprise dans

    laquelle linvestissement a t opr. Le risque dont il sagit est bien entendu le risque commercial et

    conomique li lopration en cause. Ce que lon a dsign plus haut par la destination de lapport,

    cest son affection une opration conomique dont la profitabilit comporte une part dala. Cest

    notamment sur cette base que les modalits de ralisation des gains de lopration par loprateur

    conomique feront de lui un investisseur ou non. Le risque commercial et conomique qui caractrise

    linvestissement ne doit donc pas tre confondu avec le risque juridique ou politique que reprsente la

    violation par le partenaire local de ses obligations contractuelles ou conventionnelles vis--vis de

    linvestisseur. Le critre du risque dtermine ainsi nue conception classique de linvestissement et

    exprime encore une fois la proximit de la conception juridique de la notion d investissement avec

    la notion conomique d investissement direct puisque celui-ci se caractrise galement par

    lintention dacqurir un certain contrle et/ou une influence sur la gestion de lentreprise investie. Cet

    intrt dans le contrle et la gestion de linvestissement de bnficier de la productivit et des gains

    conscutifs son investissement.

  • 13

    pratique arbitrale du CIRDI semble avoir ajout un lment supplmentaire45

    ncessaire pour la qualification dinvestissement46

    . Ainsi, pour tre considre comme

    investissement, lopration conomique en question doit aussi contribuer au

    dveloppement du pays daccueil47

    . Toutefois, il semble que ce critre supplmentaire

    dict par la jurisprudence pose des difficults dapprciation aux juristes. Certains ont

    t trs prudents pour lintgrer dans lensemble des critres dterminants de

    45

    Les arbitres ont ainsi retenu un, deux, trois, parfois quatre, cinq et mme dautres fois six critres

    propres linvestissement. Voir respectivement :

    Il sagit de lapplication du seul critre de lapport et de sa rmunration, v. la sentence du 2 octobre

    2006, ADC Affiliate Ltd et a. c. Hongrie, ARB/03/16. 46

    Ce critre a t retenu pour la premire fois dans la sentence Fedax NV c. Venezuela. La question

    que les arbitres taient appels trancher tait de savoir si lachat de billets ordre vnzuliens par

    une socit trangre, pouvait constituer un investissement . La rponse du tribunal fut positive

    rfutant toutes les allgations soutenues par le Venezuela cet effet ainsi quen rejetant lexception

    dincomptence souleve par ce pays. Or, pour justifier leur comptence, les arbitres ont procd sur

    deux terrains parallles : en se fondant, tantt sur la Convention de Washington, et tantt sur le TBI.

    Dabord, le tribunal a considr que lopration litigieuse constituait vritablement un investissement

    au regard de la Convention CIRDI, en prcisant que le terme direct figurant dans larticle 25

    susmentionn dsignait les diffrends et non pas les investissements. Il en conclu alors que les

    tribunaux CIRDI peuvent juger aussi bien des investissements directs que des investissements indirects.

    Par ailleurs, les arbitres ont d se rfrer la prsence dun lment de risque dans lopration en

    question, lequel est considr par la jurisprudence comme tant un critre entrant dans la dfinition de

    linvestissement au regard de larticle 25 de la Convention CIRDI. Or, il a t jug que cet lment de

    risque est dautant plus consolid par la contribution de la socit trangre au dveloppement

    conomique de lEtat hte. Ensuite, pour retenir leur comptence sur le fondement du TBI, les arbitres

    se sont appuys sur le fait que la notion d investissement telle que adopte par cet instrument tait

    une notion trs large et gnrale. Il a ainsi t retenu que cette notion englobait un large nombre

    doprations conomiques, parmi lesquelles figuraient ncessairement les titres financiers ( titles to

    money ), dont il tait question dans laffaire prsente. Voir Sentence Fedax NV c. Venezuela, 11 juillet

    1997, ARB/96/3, par. 43.

    Il convient toutefois de signaler que la dcision du tribunal dans laffaire Fedax a suscit de

    nombreuses critiques de la part de la doctrine. Voir en ce sens, S. Manciaux, Investissements

    trangers et arbitrage entre Etats et ressortissants dautres Etats , Travaux du Credimi, op. cit., pp. 74

    et s. 47

    La sentence Salini a consacr la solution Fedax. Les arbitres ont confirm le critre relatif la

    contribution de loprateur tranger au dveloppement conomique du pays daccueil.

    Voir Salini Costruttori SpA et Italstrade SpA c. Royaume du Maroc, sentence, sentence du 23 juillet

    2001, CIRDI ARB/00/, DI, 2002, p. 196, obs. E. Gaillard. Voir galement F. Horchani, Le

    dveloppement au cur de la dfinition de la notion dinvestissement ? , op. cit. , p. 49.

    Cest dans le fil de laffaire Salini quest all le tribunal arbitral saisi dans laffaire Toto Costruzioni

    Generali S.p.A. c. Liban pour dcider que lactivit litigieuse constituait un investissement aussi

    bien au sens de larticle 1.2 (c) et (d) du TBI franco-libanais quen vertu de larticle 25 de la

    Convention CIRDI.

    Voir Toto Costruzioni Generali SpA c. Liban, affaire CIRDI n ARB/07/12, dcision sur la

    comptence, 11 septembre 2009, et spcifiquement 65 et 86-87. Cette sentence est disponible en

    anglais sur le site web du CIRDI :

    https://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&docId=

    DC1191_En&caseId=C104.

    Voir galement la sentence in Rev. Arb., 2009/4, p. 885. Voir le commentaire de W. Ben Hamida, in

    Gaz. Pal., 13-15 dcembre 2009, p. 43 ; Y. Nouvel, obs. sous CIRDI, Toto Costruzioni Generali SpA c.

    Liban, in Rev. Arb., 2009/4 ; I. Fadlallah, in ICSID Review, 2008, n 23/2, p. 320 ; E. Gaillard,

    Chronique des sentences arbitrales , JDI Clunet, no

    2/2010, pp. 499 et s. ; F. Latty, Arbitrage

    Transnational et Droit International Gnral , op. cit., pp. 685 et s.

    https://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&docId=DC1191_En&caseId=C104https://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&docId=DC1191_En&caseId=C104

  • 14

    linvestissement48

    . Il en ressort que la jurisprudence du CIRDI est loin dtre unifie

    au sujet des critres retenus dans le cadre de la Convention de Washington. Cet tat

    de fait se prsente sans doute comme une vritable et grande source

    dimprvisibilit49

    , voire dinscurit juridique50

    , tel point quune partie de la

    doctrine la mme dcrite comme un dsordre ou mme comme un chaos 51

    .

    Malgr ces difficults, linvestissement international a continu prsenter un grand

    intrt dans lordre juridique international.

    48

    Tel fut le cas dans laffaire Consorzio Groupement LESI-DIPENTA c. Rpublique algrienne

    dmocratique et populaire. Dans cette affaire, les arbitres du CIRDI ont soulign quil ne parait pas

    [] ncessaire [que linvestissement] rponde en plus spcialement la promotion conomique du

    pays, une condition de toute faon difficile tablir et implicitement couverte par les trois lments

    retenus [ : (apport, dure, risque)]. Voir Consorzio Groupement LESI-DIPENTA c. Rpublique

    algrienne dmocratique et populaire, sentence du 10 janvier 2005, ARB/03/08 (A. Faurs, P. Tercier

    (prsident) et E. Gaillard), 13.

    A premire vue, cette sentence semble aller totalement lencontre du Test Salini en contestant la

    ncessit pour linvestissement tranger de contribuer au dveloppement de lconomie du pays

    daccueil. Toutefois, nous pensons quune telle lecture constitue une interprtation superficielle du

    texte. Il ne sagit pas en fait dune rfutation de ce critre de fond, mais plutt de rfuter cet lment en

    tant critre indpendant des autres, dfaut duquel lopration conomique ne serait pas qualifie

    dinvestissement. Il nous semble que les arbitres ont bien voulu souligner la ncessit de cet lment, et

    pas le contraire ; mais laccent doit tre mis sur le fait quune telle caractristique est implicitement

    englobe dans les autres critres. Ainsi, cette sentence nest pas contraire celle dgage dans laffaire

    Salini, mais plutt une confirmation de cette dernire, au moins partiellement. Pour aller plus loin

    encore, on peut soutenir que toute autre analyse ou interprtation donne la sentence Consorzio

    exprimerait une jurisprudence arbitrale contradictoire. En effet, ces derniers, ont ajout dans le corps

    mme de la sentence, le paragraphe suivant, savoir une rfrence incidente, au critre de la

    contribution au dveloppement. Il a t soutenu que [s]agissant de la dure : mme si elle est plus

    dlicate cerner ds lors quelle comprend un lment dapprciation, la notion doit tre comprise

    largement. Pour que lon puisse en effet parler dun investissement au sens de la Convention, il faut

    que lon se trouve en prsence dengagements conomiques ayant une valeur importante, suffisante en

    tout cas pour que lon puisse admettre quil sagit dune opration de nature promouvoir lconomie

    et le dveloppement du pays concern . Voir Consorzio Groupement LESI-DIPENTA c. Rpublique

    algrienne dmocratique et populaire, op.cit., 14.

    Ainsi, il sagit l de deux approches : lune est celle de lextension des critres (tel est le cas des

    affaires Fedax et Salini), lautre est celle de dilution (tel est le cas de laffaire Consorzio. Cette double

    approche peut tre explique par lattitude mme des tribunaux CIRDI relative la question de la

    comptence du Centre et donc la question de la dfinition de la notion dinvestissement. On doit voir

    dans la dilution la ncessit dviter des dbats compliqus sur la porte conomique, relle ou

    potentielle, de lopration ou mme sur limpact ou les consquences conomiques quelle pourrait

    engendrer par rapport au dveloppement du pays daccueil. Les instruments contractuels qui tablissent

    les projets dinvestissement mentionnent frquemment, et de faon expresse, dans leurs prambules

    leur fonction de contribution au dveloppement de lEtat cocontractant. Ces formules semblent souvent

    tre que la condition pralable ncessaire pour obtenir le financement de ces projets. 49

    Cependant, on doit voir dans lextension des critres une ncessaire protection des investisseurs (ou

    oprateurs) trangers contre les comportements abusifs de la part des Etats htes. Cest l que revient le

    courant objectiviste qui se traduit en pratique par un recours souvent trs libral aux critres. Cela est

    notamment le cas du risque qui est interprt par les tribunaux arbitraux dans sa signification la

    plus large et gnrale, permettant dadmettre la comptence du CIRDI. 50

    E. Gaillard, JDI, 2010.508 ; S. Lemaire, Rev. arb., 2009.886. 51

    W. Ben Hamida, Le chaos samplifie devant le CIRDI , Les Cahiers de larbitrage, Gaz. Pal., 13-

    15 dcembre 2009, p. 40.

  • 15

    10. Dans un contexte mondial globalis, les Etats se sont alors trouvs de plus

    en plus engags dans le monde des affaires et des changes conomiques

    internationaux. Cette implication dans lconomie internationale les a rendus

    conscients des effets bnfiques des investissements trangers sur leur dveloppement

    conomique. Cette prise de conscience progressive a son tour engendr une

    concurrence acharne et accrue entre les diffrents Etats pour attirer les investisseurs

    trangers vers leur territoire52

    . Or, cette bataille concurrentielle pour la sduction des

    investisseurs trangers53

    a t assortie dun nouvel impratif pour les Etats, savoir

    mettre en place un cadre juridique favorable et attractif garantissant les rgles de

    protection et de traitement de linvestissement international. Ceci sest traduit

    concrtement par une vague de libralisation des politiques en matire

    dinvestissements internationaux par de nombreux pays. Ainsi, sont apparus deux

    phnomnes parallles et concomitants : on a pu assister, dune part, une

    internationalisation du droit des investissements 54

    et dautre part, une volution

    des droits internes relatifs linvestissement55

    . Sous linfluence, voire sous la

    pression, de la concurrence mondiale en la matire, la plupart des Etats ont choisi ou

    ont t contraints de complter leurs lgislations nationales avec des traits sur la

    promotion et la protection des investissements trangers 56

    . Que les Etats aient

    dlibrment choisi ou non daller dans ce sens, cette volution survenant sur le plan

    national paraissait inluctable pour suivre lvolution trs rapide qui soprait sur le

    52

    Afin de russir rorienter les flux de capitaux et attraire le maximum dinvestissements

    trangers, la majorit des Etats se sont aligns sur un modle conomique et lgal libral, prescrit par

    les pays exportateurs de capitaux .

    Voir R. Ben Khelifa, Le dni de justice en droit de

    linvestissement international : laffaire Loewen c. Les Etats-Unis dAmrique , in O va le droit des

    investissements ? Dsordre normatif et recherche dquilibre, Actes du Colloque organis Tunis le 3-

    4 Mars 2006 sous la direction de F. Horchani, A-Pedone, 2006, p. 240. Toutefois, ce libralisme fut

    accompagn dun vritable contrle de la lgalit des agissements des Etats au regard des exigences

    du droit international . Voir E. Gaillard, Observations , JDI, no 1, 2004, p. 214.

    53 Chaque Etat cherche sduire et attirer les investisseurs trangers notamment vers des secteurs

    importants de lconomie nationale, tels que linfrastructure, lnergie, les transports, etc. En assignant

    de tels secteurs des oprateurs privs, lEtat daccueil cherche allger ses finances publiques dans la

    mesure o le financement du projet incombera la partie prive . Voir J.-M. Loncle et D. Philibert-

    Pollez, Les clauses de stabilisation dans les contrats dinvestissement , RDAI/BLJ, no

    3, 2009, p.

    267. 54

    Cette expression est utilise par le Professeur Charles Leben. Voir Ch. Leben, LEvolution du droit

    international des investissements , in Journe dtudes Un accord multilatral sur linvestissement :

    dun forum de ngociation lautre ? organis par la Socit franaise pour le droit international,

    1999, p. 7-28. 55

    En fonction de ce dernier phnomne, certaines questions seront alors exclues du champ de l'action

    unilatrale des Etats htes sous peine de mise en cause de leur responsabilit internationale. Voir Ch.

    Leben, LEvolution du droit international des investissements , op. cit., pp. 7-28. 56

    Voir Ch. Leben, Lvolution du droit international des investissements , art. prc., pp. 7-28.

  • 16

    plan international. En effet, ce qui est le plus remarquable dans le dveloppement du

    droit international des investissements dans les trois dernires dcennies est la

    multiplication du nombre de traits bilatraux relatifs lencouragement et la

    protection des investissements57

    .

    11. Cependant, les considrations de souverainet nont pas disparu. Labsence

    de vritable apprhension globale et multilatrale des investissements directs privs

    dans lordre international traduit le dsir des Etats de garder un droit de contrle

    sur les investissements directs privs trangers au nom de la protection de leur

    souverainet conomique nationale 58

    . En vertu des principes du droit international

    public la conclusion dun trait bilatral dinvestissement ne limite pas

    ncessairement la souverainet de lEtat hte, mais est au contraire en elle-mme une

    manifestation de celle-ci. En outre, chaque pays a conserv sa comptence pour

    rglementer les investissements trangers sur son sol, mais galement les

    investissements nationaux ltranger59

    . Dans ce contexte, lattractivit dun cadre

    juridique relatif linvestissement tranger mis en place par un Etat donn est

    mesure en fonction de sa conformit avec les principes adopts dans lordre juridique

    international60

    . En effet, la pratique mondiale a montr que les critres dattraction et

    de promotion de linvestissement tranger ne se limitent pas aux seuls avantages ou

    incitations reconnus par le droit national dun Etat hte. Au contraire, les facteurs

    dencouragement dpendent galement et surtout de laptitude de lEtat daccueil se

    conformer aux volutions qui ont lieu dans lordre juridique international.

    12. Ce travail se propose justement dtudier le rgime juridique des

    investissements trangers au Liban au regard de lordre juridique international .

    Seront ainsi analyss les points de rencontre du rgime juridique libanais et du rgime 57

    Le nombre de ces traits a explos dans le monde durant les dernires dcennies. 58

    D. Carreau, Commerce et investissements , in O va le droit des investissements ? Dsordre

    normatif et recherche dquilibre, Actes du Colloque organis Tunis le 3-4 Mars 2006 sous la

    direction de F. Horchani, A-Pedone, 2006, p. 21. 59

    Voir en droit franais les dispositions gnrales relatives aux relations financires avec l'tranger et

    les obligations de dclaration pour les transferts de capitaux effectus par les personnes physiques,

    notamment le Code montaire et financier, art. L. 151-1 et s., L. 152-1 et s., L. 165-1, L. 721-2, L. 731-

    3, L. 741-4, L. 751-4, L. 761-3, R. 151-1 et s., R. 152-1 et s., R. 721-3 et s., R. 731-6 et s., R. 741-6 et

    s., R. 751-6 et s. et R. 761-6 et s. 60

    Lattraction des investissements trangers requiert une conomie librale, mais permettent leur

    tour de libraliser davantage lconomie nationale du pays hte en la rendant plus ouverte et adopte

    aux exigences conomiques mondiales.

  • 17

    juridique international, mais aussi les points de divergence entre ces deux systmes

    Malgr lintitul trs gnral, il convient de prciser quil nest gure question

    dexaminer ici la position du droit libanais concernant tous les types dinvestissement,

    mais uniquement le rgime juridique relatifs aux seuls investissements directs

    trangers. Cest dailleurs loccasion de souligner la distinction entre investissement

    direct et investissement indirect61

    . Dans le premier cas, linvestissement consiste en

    une prise de contrle de lentreprise dans laquelle on investit, alors que dans le second

    cas il sagit dune simple participation dans une entreprise tablie ltranger ou des

    placements purement financiers court terme62

    .

    13. Toutefois, le cadre juridique du pays daccueil ne constitue pas lui seul un

    facteur pour provoquer un changement majeur dans les conditions du march de

    linvestissement ou de lattitude des investisseurs trangers lgard de ce march. La

    question des investissements trangers est la frontire de questions juridiques,

    conomiques et politiques. En effet, les fondamentaux politiques et conomiques du

    pays daccueil, en particulier la stabilit sociopolitique et conomique du pays

    daccueil [] constituent les considrations principales qui attirent l[investissement

    direct tranger]. Analys en termes des facteurs qui dterminent la localisation de

    l[investissement direct tranger], le cadre juridique rgissant les relations entre le

    pays daccueil et linvestisseur nest quun facteur examin dans le contexte des

    fondamentaux politiques et conomiques du pays 63

    . La pratique montre que la

    dcision dun investisseur tranger dinvestir dans un pays donn est galement

    fonde sur deux sries de facteurs : les considrations conomiques et politiques de

    lEtat hte. Ainsi, la capacit du Liban attirer les investissements trangers est

    certainement subordonne des considrations politiques et conomiques favorables.

    Pour une meilleure comprhension de la problmatique juridique et du statut des

    61

    Voir sur cette question W. Ben Hamida, Les contrats BOT lheure du droit des investissements

    internationaux , art. prc., p. 291. Voir galement, J. Voss, The Protection and Promotion of Foreign

    Direct Investment in Developing Countries: Interests, Interdependencies, Intricacies, ICLQ, vol. 31

    1982, p. 686. 62

    Il sagit des investissements de portefeuille. 63

    P. Protopsaltis, Les Principes directeurs de la Banque mondiale pour le traitement de

    l'investissement tranger , in Ph Kahn et T. Wlde, Les Aspects Nouveaux de Droit Des

    Investissements Internationaux, Centre d'Etude et de recherche de l'Acadmie de Droit International de

    La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, La Haye, 2007, pp. 151 et s. et spc. p. 157.

  • 18

    investisseurs trangers au Liban, il parat vident de souligner en prliminaire le

    contexte politico-conomique des investissements trangers.

    14. Grce sa position gostratgique en Mditerrane et sa proximit

    gographique et culturelle des marchs du Moyen-Orient, le Liban se veut tre

    historiquement un carrefour dchanges et de transactions entre lEurope, lAsie et

    lAfrique. Pour jouer pleinement ce rle, le Liban sest dot dun systme conomique

    libral ouvert lextrieur, particulirement orient vers les services et les principaux

    secteurs de croissance, notamment les services bancaires64

    et le tourisme. Lconomie

    libanaise se caractrise par une forte tradition de libre march fonde sur la

    philosophie du laissez-faire 65

    qui sest traduite en pratique par le respect de

    linitiative prive66

    et une intervention limite de lEtat libanais dans le commerce

    extrieur. En outre, ce libralisme sest concrtis par labsence de tout contrle sur

    les mouvements de capitaux travers les frontires67

    et de toute restriction sur les

    changes68

    . Cette ouverture de lconomie libanaise est par ailleurs assure grce

    lexistence dune main-duvre libanaise bien instruite, hautement forme, trs

    comptitive et polyvalente pouvant sadapter facilement de nouvelles mthodes de

    travail. Grce un systme bancaire libral trs dvelopp, fiable et bien encadr et

    supervis par la Banque du Liban69

    , le Liban a t labri de la crise conomique

    mondiale. Paradoxalement, le pays a pu profiter de cette crise et a connu dimportants

    flux dinvestissements trangers depuis 2008. Ainsi, du point de vue conomique, il

    ny a pratiquement pas de restrictions sur les investissements internationaux ; au

    contraire le principe est celui de la libert. Le Liban apparat alors comme un pays

    64

    Grce une bonne rglementation bancaire interdisant d'investir dans des produits structurs

    financiers, le Liban n'a pas t affect par la crise financire mondiale. Au contraire, le pays a pu

    profiter de cette crise et a vu les investissements trangers augmenter en 2008 et le secteur bancaire,

    relativement sain, a connu dimportants flux de capitaux entranant une augmentation des dpts

    bancaires. Ce qui a augment la confiance dans ce secteur peru comme relativement sre compte tenu

    de sa forte liquidit et de taux d'intrt levs sur les dpts. 65

    M. Chiha, Propos dEconomie Libanaise, Editions du Trident, 1965. 66

    Lalina (F) du Prambule de la Constitution libanaise dispose que Le rgime conomique est

    libral et garantit l'initiative individuelle et la proprit prive . 67

    Labsence de toute contrainte sur les mouvements de capitaux, acquise de longue date, distinguent le

    Liban de ses voisins. Ainsi, un investisseur tranger peut en principe rapatrier librement le capital

    investi, les dividendes et les produits de cession de ses parts sociales. 68

    Il convient de souligner que la monnaie libanaise est entirement convertible et que la plupart de

    l'conomie libanaise est dollarise . 69

    Grce une bonne rglementation bancaire interdisant dinvestir dans des produits structurs

    financiers, les banques libanaises ont pu bnficier dune augmentation de leurs dpts en jouant le rle

    de refuge.

  • 19

    ouvert par dfaut aux investissements trangers et ses nombreux atouts ont pu,

    pendant des annes, attirer des socits trangres venues sy implanter.

    15. Toutefois, le climat politique du pays na pas t un facteur favorable. Les

    guerres successives qui se sont droules sur le territoire libanais depuis les annes

    1975 jusquau dbut des annes 1990 ont laiss un pays puis, dvast et ont entran

    un recul par rapport aux pays voisins tous les niveaux politique, conomique, social,

    juridique et institutionnel. Aprs une poque de prosprit, le pays sest alors trouv

    dans une situation de faiblesse de son pargne nationale, qui sest traduite par un

    dficit courant, une faible proportion des actifs dtenus en action par les nationaux et

    une faible attractivit de la Bourse de Beyrouth70

    . Au fil des annes, le pays a

    accumul une dette publique importante71

    faisant de lui lun pays des plus endetts au

    monde72

    . Or, ceci a eu une incidence ngative sur lattractivit du Liban tant donn

    que le dficit public est lune des proccupations majeures des investisseurs trangers.

    Pour remdier cette situation, le Liban a lanc en 1992 un large programme de

    reconstruction visant restituer linfrastructure relle et sociale du pays. Toutefois, le

    processus de redressement et de reconstruction fut ralenti par la dissolution de la

    plupart des institutions durant la guerre civile.

    16. Il a fallu alors attendre la Confrence des donateurs pour le soutien au Liban

    dite Paris II 73

    en novembre 2002, pour que le gouvernement libanais sengage

    introduire des rformes socio-conomiques et structurelles visant promouvoir la

    stabilisation de lconomie74

    . Lun des lments cl du programme de rforme

    70

    Voir sur cette question, M. BouAoun et H. Kazzi, La bourse de Beyrouth : vers une rforme

    indispensable , Al-Adl, 2009, vol. 1, pp. 94 et s. et spc. pp. 101-102. 71

    La dette publique a atteint la fin de lanne 2013 environ 143,1% du PIB (Produit Intrieur Brut),

    sachant que le ratio dette-PIB sest abaiss au cours des annes 2011-2012 pour atteindre 137,5% en

    2011. Cette information est disponible sur le site : http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/liban/dette-

    publique.html 72

    Une aggravation des dficits budgtaires est due en grande partie aux effets cum


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