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Lemien

Dossier spécial: Économie solidaire

Quand les Cigales deviennent fourmis

Michael Jackson : Jusqu’à la fin de la mort

Chroniques du bac

Iran 2.0

Free Hugs, Fight Club des temps modernes ?

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Quand les Cigales

Journal lycéen on stage

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N Superstitions etpetits rituels

La sentence est tombée, le suspense, fini.Mais avant d’arriver à ce terme, vous, pe-tits bacheliers, êtes nombreux à nousavouer quelques rituels avant les résultatsmais aussi avant le bac lui-même. Oui, rappelez-vous de cette période debonheur : une semaine à traîner chezvous, notes d'Histoire à la main ; vous nejuriez que par Sigmund et Frédéric (ouDjidane de Final Fantasy). Alors que vousêtes en pleine concentration, votre esprits’ éclaire enfin et vous donne l’ étrangeidée de vous lancer un défi : « Si j'arrive àmettre ce papier dans cette corbeille, j'au-rai une mention ». Puis, le jour fatidique,vous avez sûrement eu le droit au tradi-tionnel mot grossier auquel vous n’avezpas répondu (« C’est d’un vulgaire… »). L’ examen commence. Votre compagnonde guerre, votre voisin par ordre alphabé-tique, en a alors apparemment sauvé plusd’un d’entre vous. Alors que « son stylo fa-vori l’a lamentablement abandonné » du-rant sa première épreuve, Stéphane L. a étérepêché par cette main charitable dans cequi aurait pu être un carnage d’encre bleue(non-effaçable). Malgré ce beau geste, lecandidat parisien fut tout de même déçud’être ainsi « privé » de son stylo qui avait« brillé » à ses côtés dès ses épreuves anti-cipées de français. On vous répète que le bac n’est qu’un pas-seport pour votre futur. « Moi, nous confieClémence O., j’ai opté pour une clé spécialeportée dans ma poche : peut-être ouvrira-t-elle la porte de mon avenir (ndlr. lesétudes supérieures!) ? » Certains préfèrentla bénédiction d’une personnalité qui lesa marqué. Comme Cat Stevens, ou plutôtsa photographie, « je l’ai gardée précieuse-ment sur moi », avoue Jean U.. Après unesemaine de stress et de méditations, vousnous avez livré un conseil spirituel : en at-tendant leurs résultats, Maud P. et ClarisseS. sont allées « brûler un cierge à Notre-Dame » : nous venons d’apprendre qu’ellesont réussi leur examen avec brio.Enfin, suite à notre enquête auprès de plusde deux cents lycéens (Lemien sait vousservir), nous vous donnons une astucepour les grands chanceux de première quipasseront, en juin prochain, des momentsenivrants. La veille de l’examen, plongezvotre trousse dans de l’eau bénite, de pré-férence, par votre professeur principal(e),tout en veillant à y laisser vos outils fé-tiches. Le lendemain, votre matériel serautilisable (bien que trempé).

Lyn Mougeolle

ous voici réunis pour un unique nu-méro du Lemien. Mais qui sommes-nous ? Pour vous servir, et en exclu-sivité, une équipe explosive des ré-dacteurs du Contestador, de l’Im-pression, du Vaisseau de l’Info et deRêvons c’est l’Heure, lauréats duconcours Varenne*. Pas questionde frimer à propos de nos prix res-pectifs, bien que dûment mérités,mais plutôt de vous encourager,vous, lecteurs lycéens ou autres cu-rieux, à reprendre le flambeau etfaire partager vos pensées déri-soires et acnéiques. Plusieurs op-tions : la vulgarisation de l’actualitédu Vaisseau, la photo onirique et lejoyeux cynisme du Contestador(comme son nom ne l’indique pas,traduire par « répondeur télépho-nique »), la maquette proche de laperfection de L’Impression, ou enfinles envolées lyriques, absurdes et

ÉditoChronique du Bac

utopistes de Rêvons c’est l’Heure. Entout cas écrivez, affirmez-vous. Onest tous passés par des discussionsexistentielles sur la direction denotre journal, sans arriver à grandchose – finalement, on cherchaitsurtout des excuses à notre irresis-tible flemme de s’y mettre.Donc ne pas avoir peur, dessinez,photographiez, cuisinez, dissertez,critiquez et puis enquêtez. Surtoutenquêtez, interviewez parce quepersonne n‘ose, alors qu’artistes, re-porters professionnels et chocola-tiers n’attendent que vous. Au programme donc de ce Lemienqui maintenant devient tien, lec-teur : des câlins gratuits, la renais-sance des polaroïds, la révolte ira-nienne sur la toile, et surtout undossier spécial Cigales et chocolat(vous verrez, c’est compatible). Et onvous laisse la place pour l’annéeprochaine, lorsque votre fanzinesera n°1 français. JS

Formateur : Pascal Famery. Equipe de rédaction/stagiaires :

Stephane Ambach Albertini, Medi Benali,Marie Labadie Lemière, Lyn Mougeolle et

Juliette Sèdes.

EMI, 7 rue des Petites écuries 75010 Pariswww.emi-cfd.com

NB : quelques intrus se sont immiscés dansnos séances photo de la rédaction.

Ce stage a été offert par l’EMI aux trois journaux lycéens lauréats (ainsi qu’àRêvons c’est l’heure) du concours Varenne.

Pour plus d’infos sur ces journaux voir le site du concours : www.cnjs-varenne.org

Le Prix Alexandre Varenne - Concoursnational de journaux scolaires et lycéens est organisé par la Fondation Varenne, le Clemi et l’association Jets d’encreavec le soutien de l’EMI.

Ce journal a été réalisé dans le cadre du stage de 5 jours « Maquette/écriture journalistique - spécial journaux lycéens »de l’École des métiers de l’information (EMI).

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FJusqu’à la fin de la mort

On n’en finit pas de célébrer Michael Jackson, près dedeux semaines après une disparition brutale, qui aura

réussi à éclipser jusqu’à celle de Pina Bausch... La démesure des réactions à ce décès ne révèlerait-elle

pas la mort de tout un modèle ?

À travers ce terrible déchaînementde commémorations, de déclara-tions, dont celle de l’ancien chef dela direction de Sony Music qui n’at-tend que quelques heures après ledécès pour faire monter les en-chères sur les droits de titres iné-dits, à travers tout cela on décèlel’angoisse de l’agonie d’un modèle.Aucune star n’entraînera jamais au-tant de chiffre d’affaire grâce à l’in-dustrie culturelle. Au-delà du ta-lent éventuel, c’est le secteur qui esten crise, les disques ne se vendentplus, ne se vendront plus. Il est difficile d’imaginer qui que cesoit d’autre que Michael Jacksonfaire vendre des places de concertplus de 1000 euros. Plus possibleainsi de canaliser les désirs artis-tiques des consommateurs dansune superstar globale, et pourtantcertains ne s’y sont toujours pas ré-solus. Si Michael Jackson vendaitbeaucoup moins qu’avant, sa pré-sence devait être rassurante,comme prince survivant d’uneépoque où les ventes de CD secomptaient en dizaines de millions.Donc une dernière fois, depuis le25 juin, on y a cru, le spectacle a été

inalement cela ne représenteraqu’un show en plus dans sa car-rière, sûrement orchestré depuislongtemps, au cas où. La différencec’est que cette fois on se contented’images d’archives - quoique celan’ait jamais été qu’une affaired’image. Mourir reste une stratégiemarketing parmi d’autres, plutôtefficace. Bien sûr ce n’est pas l’inté-ressé qui en profite, mais encoreune fois ce n’est pas si nouveau. Évi-demment l’événement ne se limitepas à cela, pourtant c’est le senti-ment amer que l’on pourra retenirde ces dernières semaines.

La peur du videOverdoses d’éditions spéciales, télé,journaux, radios. Des millions demessages de désespoir virtuels surFacebook et autres Twitter, ont re-légué l’expression de la révolte ira-nienne au plan d’incident exotique.Trop de télévision surtout, pourchanger. En particulier de cette cé-rémonie d’un goût douteux au Sta-ples Center qu’un américain sur 10a regardé, et dont les frais dépas-sent le million dans un État de Ca-lifornie où le déficit monstrueuxpousse le gouvernement à couperles aides sociales, dédiées à la santéet à l’éducation. On aurait peut-être pu se passer deMariah Carey, on aurait pu laisser àla petite Paris l’occasion de se re-cueillir en paix plutôt que de fon-dre en larmes devant les camérasdu monde entier. Et puis We Aree World repris en cœur devantdes projections de vitraux, ce n’estsûrement pas ce qui fait le plushonneur à Jackson. Pourtant, la si-gnification de la chanson est perti-nente : Michael Jackson a été LAsuperstar globale, le roi de la popd’abord au sens du marché de lapop mondiale, et on s’aperçoit qu’iln’aura jamais de successeur.

mis en scène de manière presqueanachronique, pour la peut-êtredernière superstar. Beaucoup d’ima-ges, « Wacko Jacko » et Bad oubliéspour reprendre seulement We Aree World une dernière fois, et aufinal un portrait bien fade. Pourtant, Michael Jackson est lapremière star dont nous avons en-tendu parler à la maternelle, par lapub Pepsi, la poupée à son effigie,les clips en boucle sur MTV. Maisderrière tout cela il y avait quandmême la Motown, Quincy Jones àla production, les pas de danse ins-pirés de James Brown et du Hip-Hop en recréation permanente, leclip de Bad par Scorcese… Tout demême des partis pris artistiquesplutôt respectables.

DangerousC’est presque le schéma de l’ « hy-bris » grecque que l’on peut adapterà Michael Jackson et à l’industriemusicale. Montés trop haut, tropfort, pour sombrer ensuite de ma-nière tout aussi démesurée. Lanuance est dans le fait que l’étran-geté de l’artiste pouvait susciter unecertaine fascination : il était devenuune sorte de créature à part, pres-que surhumaine, « Wacko Jacko »pour certains, un grand enfant gé-nial pour d’autres. Quoi qu’il ensoit, il va désormais pouvoir tran-quillement hanter Neverland, en-fin à l’abri des caméras.

Juliette Sèdes

Si Michael Jackson vendait beaucoup moinsqu’avant, sa présence devait être rassurante,comme princesurvivant d’une époque où les ventes deCD se comptaienten dizainesde millions

Culture

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Ction de la boutique, mais décisive :elle déclenche une réaction en sériequi va permettre à Guillaume Her-mitte de bénéficier d'autres aides,en lui donnant de la crédibilité.Les financements suivront, desGuarrigues, à Essec ventures enpassant par le Fond Social Euro-péen et voilà la boutique sur pied :Puerto Cacao. Elle commercialisedu chocolat équitable, et facilite l'in-sertion sociale.

Mais pourquoi le chocolat? Guillaume Hermitte a ramené cetteidée dans ses bagages après unvoyage à l'étranger qui lui aura faitdécouvrir une chocolaterie "envoû-tante". Il a donc importé le concept,proposant dans le magasin du cho-colat sous toutes ses formes : ta-blettes, poudre, morceaux, pâte,confiture... et nous sommes à notretour envoutés !Le secteur du cacao est intéressantdu fait de son cours stable ; il neconnaît pas la crise. Considérécomme une drogue pour certains,produit courant chez les ménages,le chocolat est omniprésent dans lavie quotidienne. « Ce n'est pas unproduit de première nécessité, maispresque ! » plaisante le gérant.Equitable, c'est bien joli, mais quelledifférence ? Alors que le chocolatierargumente, il faut se concentrer

pour ne pas se laisser distraire parles vapeurs de crêpes au chocolatqui s’échappent de la cuisine.Notre odorat s’accoutume peu àpeu à l’atmosphère chocolatée etnous revenons à la conversation :les valeurs du commerce équitable. « En premier lieu, le respect. Ici, pasde profit sur le dos des producteurs,mais une garantie : un prix d'achatminimum du cacao. Ce prix est fixéavec les producteurs et se base sur lasomme d'argent dont les producteursont besoin pour vivre. »Puerto Cacao leur achète des pro-duits déjà transformés : beurre, pâteet poudre de cacao ; à plus forte va-leur ajoutée le producteur pourraalors en retirer un bien meilleurprix que s'il exportait du cacao brut.Outre un rapport commercial hon-nête, le commerce équitable s'at-tache à un rapport humain. « C'estpourquoi, précise Guillaume, nousavons un représentant de PuertoCacao auprès des producteurs de-puis 2009 pour travailler avec euxsur la certification équitable. Moinsd’intermédiaires, pour moins de fraisinutiles, et beaucoup plus de com-munication. »L'achat de cacao ne se limite pas à laboutique, il a des répercussions surla vie des producteurs. L'achat d'unconsommateur n'est pas sans con-séquences. Malheureusement seule

Puerto Cacaoachète des

produits déjàtransformés à

plus forte valeurajoutée.

Le producteurpourra alors enretirer un bien

meilleur prixque s'il exportait

du cacao brut.

Quand les Cigales se font fourmisAlors que le libéralisme subit la crise,

l’économie solidaire gagne en crédibilité.Les Cigales, clubs d’investisseurs

solidaires, permettent à des micros projets alternatifs de voir le jour,

proposant un autre modèle de développement. Ils commencent

à intéresser les collectivités locales.Puerto Cacao, chocolaterie basée sur

le commerce équitable est le fruit de ce type de démarches.

Dossier pages 4 à 6.

Solidarités chocolatéesPuerto Cacao est l’une de ces entreprises qui

doivent leur existence aux Cigales. Sa gestion, cohérente jusqu’au bout repose

sur une éthique qui embrasse tous ses aspects : fournisseurs, employés

et aménagement. Reportage.

omme il se doit, son jus d’orange estd’origine équitable. GuillaumeHermitte, nous reçoit un peu avantl’ouverture de sa boutique dans le17e arrondissement de Paris et nousraconte son parcours. À peine sorti de l'ESSEC, il se lanceen 2006 dans un projet un peu fou :celui de créer une boutique équita-ble, et d'y faciliter l' insertion so-ciale. Pour monter un tel projet, lamotivation ne suffit pas, il faut unfinancement. Famille et amis lesoutenant, il parvient à rassembler50 000 euros. Une somme déjà im-portante, mais encore inférieureaux besoins de son projet. Ilcontacte alors l'association dont il aentendu parler à l'ESSEC : les Ci-gales (voir page 6).Partageant un idéal commun avecelles, au niveau économique maisaussi social, le projet plaît : il estsoutenu. Les Cigales n'apporterontqu'une maigre participation sur les250 000 euros nécessaires à la créa-

Une véritable provocationd’odeurs et de saveurs.

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une minorité de clients en estconsciente et s'attache réellement àl'aspect équitable. « Les autres s'in-téressent juste au chocolat » constateGuillaume Hermitte. Pourtant lesclients curieux peuvent trouver unprospectus expliquant les dé-marches de l'entreprise. Si si ! Justeà côté de la caisse !

Éthique intégraleL’importance de la question socialedécoule aussi de la démarche desCigales. Ce mode de financementpar actions, veille en effet à cequ’elles soient rachetées au bout decinq ans, une fois l'entreprise bienlancée - soit en 2011 pour PuertoCacao. Attaché au partage des pro-fits, le jeune entrepreneur aimeraitque les employés en soient les nou-veaux propriétaires: « je suis per-suadé que des employés proprié-taires de l'entreprise dans laquelle ilstravaillent, sont plus motivés. »Équitable, c’ est déjà bien, maisPuerto Cacao s'attache à mieux.Alors que le commerce équitablepeut être perçu comme une modepar certains, il est un état d'esprit,une vraie politique pour Guillaume

Hermitte. Ce n’ est pas rien de pro-poser un mode équitable : l’achat ducacao étant plus cher, les marges bé-néficiaires sont plus basses, pourpouvoir garder des tarifs compéti-tifs. Un rapide coup d’œil sur les éti-quettes dans les rayons le confirme :les tarifs sont très abordables.L’ entreprise intégre aussi la dimen-

sion écologique. Tout dans la bou-tique est en accord avec ses convic-tions. De l'enduit naturel couvrantles murs, à l'utilisation de produitsd'entretien non chimiques, savonbio et équitable, sans oublier laconsommation d'électricité bassetension provenant d'énergies re-nouvelables... Les deux mots clés de PuertoCacao ? Social et environnemental.Social, pour son commerce équita-ble et respecteux, comme sa poli-tique d'insertion, de partage ; maisaussi environnemental, car l'entre-prise réduit au maximum son im-pact sur l'environnement - grâce àla compensation carbone.Aujourd'hui, l’entreprise est bienloin de ses débuts, elle a gagné encrédibilité, en notoriété. Et si l'es-poir de voir Puerto Cacao se déve-lopper en une chaîne de magasinsétait autrefois utopique, il seconcrétise aujourd’hui avec l'ouver-ture d'un petit nouveau dans le 12e

arrondissement début septembre. Avec à peine trois années d'exis-tence derrière elle, cette expériencedémontre qu’il n’est pas utopique decroire aux jeunes, aux projets so-ciaux, et de s’attacher à une certaineéthique. Puerto Cacao, bientôt en-seigne nationale de commerce équi-table ? C’est bien tout ce qu’on luisouhaite !

Marie Labadie Lemière

Quand les Cigales se font fourmis

« Un employé actionnaire de son entreprise est beaucoup plus motivé ! »

« En Île-de-France, l’économie solidaire fait jeu égal avec le secteur automobile »Rencontre avec Francine Bavay, vice-présidente du conseil régional de l’Ile-de-France.

Le fait que votre vice présidente soit consacrée à l’économie solidaire traduit-il le poidsdéjà existant de ce secteur ou une volonté de le développer ?L’économie solidaire est déjà présente sur le marché français, et elle a un poids assezimportant. Elle a été remise en lumière en 2000, et tend à être reconnue par un public de plusen plus large. Ce renouveau des dernières années a entraîné une grande ambition, et il y a un réel potentiel, et une volonté de développement.

Quelles sont les diverses composantes de l’économie solidaire ?L’économie solidaire a plusieurs priorités. Elles se situent au niveau des services à la personne,notamment avec les transports collectifs à la demande. Elles touchent également tout ce qui aun attrait écologique, équitable. Ainsi les commerces d’alimentation biologique et/ou équitablese sont développés ces dernières années. Nous accordons une grande importance à la placedes femmes dans les entreprises. Leur part (30%) est très inférieure à celle des hommes. Nousencourageons leurs démarches.

Quel est le poids de ce secteur dans l’activité économique francilienne ? L’économie solidaire représente 10 % de l’activité économique en Ile-de-France, elle englobedonc un grand nombre d’emplois. Cette part est importante, autant que celle du secteurautomobile, représentant 10 % également. Elle n’est donc pas à négliger.

L’économie solidaire est-elle un secteur d’avenir en période de crise ?La crise en elle même n’est pas une période qui amène des avantages, puisqu’elle détruitavant tout nombre d’emplois. Néanmoins, il est vrai qu’elle pousse les consommateurs às’interroger sur les produits qu’ils achètent. Cette économie offre le choix de consommerdifférement ; elle propose une alternative à l’économie du profit. ●

Mauvaise conscience gourmande contre bonne conscience équitable ?

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P plus l’aide qu’ils reçoivent impliquequ’en retour, les cigaliers prennentpart aux décisions de l’entrepriseaux assemblées générales, et sensi-bilisent aux engagements de l’éco-nomie solidaire. Contrairement àcelle des actionnaires habituels, laparole des petits contributeurs n’estpas rejetée. Émerge ainsi un désirde réhumaniser l’entreprise.D’abord en terme d’échelle : on faittout pour que tous ses acteurs, in-

lus que d’investir, c’est surtout d’undésir de s’investir qu’il s’agit. Au lieud’acheter des actions et jouer enbourse, sans s’impliquer dans lesprises de décision des entreprises,les « cigaliers », comme ils s’appel-lent entre eux privilégient la proxi-mité avec les porteurs de projet. Mode d’emploi d’une Cigales* : lesmembres du club, en général unedizaine de personnes, mettent encommun une partie de leurépargne, afin de former un petit ca-pital leur permettant de soutenir etd’accompagner des entreprises encréation. Financièrement, l’apportd’une Cigales est très modeste. Eneffet, les « cigaliers » épargnent enfonction de leurs possibilités, maissurtout sont pour la plupart étran-gers au milieu de la finance.

Un regard candide François Delhommeau, investis-seur au sein de plusieurs Cigales cesdernières années, exerce le métierd’instituteur. « Évidemment, nousavons un expert comptable au seinde chaque Cigales, mais le fait quenous venions d’horizons très diffé-rents nous fait profiter d’un regardcandide sur le monde de l’entre-prise » , nous confie-t-il. Les ciga-liers refusent les réflexes du profit àtout prix qui poussent une grandepartie des banques à refuser desprojets de jeunes entrepreneurs,notamment lorsqu’ils sont sensiblesà l’insertion de leurs salariés. « Ceque nous recherchons, c’est avanttout le rapport humain dans l’élabo-ration du projet. », insiste François.Quel genre de projet peuvent sou-tenir ces Cigales à petit budget ?« Chaque Cigales élabore ses critèresdans le choix des entrepreneurs à ac-compagner, répond le cigalier, maisles grandes lignes sont les mêmes :une certaine idée de l’économie soli-daire, du recrutement social des em-ployés, et du respect de l’environne-ment. » Les jeunes entrepreneursqui bénéficient de leur aide, man-quent de capital pour se lancer. De

Des investisseurs à visage humainClubs d’investisseurs, les Cigales défendent une idée de l’entreprise

qui rime avec « solidaire » et « locale ». En somme, « alternative » . En ces temps de crise : OVNI économique ou solution d’avenir ?

« On peut considérerl’économie solidaire

et des organismestels que les Cigales

comme une réponsecohérente à la crise »

François Delhommeau,

cigalier

vestisseurs, porteurs de projet, sala-riés, fournisseurs soient mis en re-lation. Le modèle de l’entreprise enexpansion permanente, collection-nant sous-traitances et délocalisa-tions, fournisseurs aux prix les plusbas à l’autre bout du monde, estremis en question avec véhémence.

Une “capital risque” solidaireL’apport des Cigales, c’est d’abordl’exercice d’une coopération con-crète entre entrepreneurs et inves-tisseurs. Si ce genre de projet pourl’économie reste marginal, et que sesacteurs regrettent que les politiquesn’en prennent pas la mesure, lecontexte actuel invite à s’y intéresserde près (voir interview page 5).Évidemment, tous les projets sou-tenus par les Cigales n’obtiennentpas un tel succès que Puerto Cacao.

C’est le principe de «capital risque» :les Cigales soutiennent les entre-preneurs jusqu’à l’épanouissementfinancier de leur projet, mais si cedernier échoue, les investisseurspeuvent perdre de l’argent. Il estassez rare qu’une Cigales fasse duprofit, là n’est pas le but. En tout cas, pas question de spécu-ler sur des valeurs virtuelles : « Onpeut considérer l’économie solidaireet des organismes tels que les Cigalescomme une réponse cohérente à lacrise », estime François Delhom-meau. Les entreprises soutenues partout le réseau de l’économie soli-daire ont assez peu souffert de cettepériode de débâcle économique,

entre autre du fait qu’elles sont éga-lement soutenues par des banquescoopératives, comme la Nef*.À l’heure où l’on cherche des solu-tions pour l’avenir de l’économie, lesCigales et les acteurs de l’économiesolidaire se reposent les questionsde base de l’économie. Tous affir-ment que leur engagement est clai-rement politique. Face au capita-lisme et aux désastres écologiqueset sociaux qu’il a entraînés notam-ment ces derniers mois, on peutimaginer simplement une manièrede réfléchir et d’agir ensemble, sansse perdre de vue les uns les autres.Ainsi, économie et éthique peu-

vent devenir compatibles, et onpeut se mettre à l’abri des tsunamisfinanciers. Et en prime, faire sa viedans le chocolat.

Juliette Sèdes

*Cigales : Clubs d’Investisseurspour une Gestion Alternatives

et Locale de l’Epargne Solidaire.

Nef : la Société financière de laNef est une coopérative

de finances solidaires.

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Guillaume Hermitte,fondateur de Puerto Cacao : une Success Storydes Cigales

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Alors que Polaroïd a arrêté sa produc-tion de fi lms et d’appareils photo-graphiques instantanés en 2008, lesderniers stocks s’écoulent à grandevitesse. Autrefois outil culte priséautant chez les artistes que le grandpublic, il est en passe de devenir unerareté photographique. Ce qui n’apas laissé sans peine les virtuoses dece format. La galerie Nivet-Carzon revient surcet appareil qui a traversé les décen-nies dans tous les milieux. AvecPol/A, 69 artistes offrent une expo-sition collective, coordonnée par lelabel d’art contemporain Hypothèse.Sur deux murs de la galerie, nous re-trouvons une soixantaine de clichés :un par artiste, un univers par pola-roïd. Car il s’agit bien là «d’un con-centré de morceaux d’univers quel’artiste formate selon son imagina-tion», nous indique le galeriste Kris-tof Seys, avec comme medium lecadre blanc du polaroïd et ses cou-leurs nostalgiques. «Le support est connu par certainsdepuis l’enfance, utilisé lors de fêtesfamiliales, alors que d’autres ne leconnaissent que comme objet d’ar-tiste à part entière.

Lyn MougeollePol/A, jusqu’au 1er août. Ouvert dumardi au samedi de 14h30 à 19h30Galerie Nivet-Carzon, 40, rue Mazarine – 75006 Paris+33 (0)9 54 29 30 10.

The Impossible ProjectLa production des films instantanés a certes été stoppée l’an dernier, maisle projet Impossible s’est donné le défid’une année pour relancer les précieux films. Il existe pourtant de nombreuses difficultés à résoudre. En effet, outre le savoir-faire desemployés, présents avant la fermeturede l’usine Polaroïd des Pays-Bas, il faut maintenant réinventer les composants chimiquespermettant l’instantanéité de la photographie, qui étaient autrefoisfabriqués dans l’autre usine Polaroïdau Mexique. La production reprendradébut 2010, si tout se passe bien.http://www.the-impossible-project.com/(anglais)

Medium blancIran 2.0Le 12 Juin dernier, les élections présidentiellesse tenaient en Iran. La réelection du présidentsortant Mahmoud Ahmadinejad a été obtenuau prix de fraudes massives. Ce qui a déclenchédes manifestations monstres de protestations. Pourtant dès le lendemain des élections, le gou-vernement iranien avait procédé à de nom-breuses actions arbitraires pour montrer son au-torité, pour faire peur et décourager leséventuelles protestations.Mahmoud Ahmadinejad est prêt à tout pourrester au pouvoir. Il a d'abord procédé à de nom-breuses arrestations de journalistes ou reportersétrangers, plus d'une trentaine, dont un journa-liste canadien travaillant depuis une dizained'années en Iran pour le magazine américain leNewsWeek : Maziar Bahari arrêté sans chef d’ac-cusation. Jon Leyne, correspondant en Iranpour la BBC a été expulsé du pays.Mais le gouvernement ne s'est pas contenté deces mesures, il a aussi fermé plusieurs chaînesde télévision et a arrêté une rédaction complète,d'un seul coup !Face à ces nombreuses tentatives pour empêcherla transmission d’information, les citoyens sesont tournés vers les nouvelles technologies etnouveaux réseaux de communication.D'après Clothilde le Coz de Reporters SansFrontières, « cette utilisation des réseaux sociauxcomme FaceBook et Twitter n'est pas nouvelle »,mais elle s’est amplifiée à l'approche des électionsprésidentielles où le pays a connu une périodeinédite de liberté d’expression dans laquelle lapopulation s’est engouffrée, surtout la jeunesse.Depuis, c’est devenu le seul moyen à la disposi-tion des manifestants pour témoigner de leursintiatives et de la violente répression qu’ils su-bissent. Les utilisateurs de ces sites prennent desrisques en contestant le pouvoir : en Iran, les ar-restations de bloggeurs sont fréquentes. Depuis quelques temps, ils adaptent aux réseauxsociaux une pratique développée à l’époquecontre les sbires du Shah d’Iran lors des mani-festations géantes de 1979 qui marquèrent la ré-volution islamique de l’ayatollah Kohmeiny. Ils’agit identifier, photo et nom - voire adresse - àl’appui, les basidjis (milice fanatisée proche desradicaux du régime) qui répriment les manifes-tants réformateurs. Puis de diffuser ces infor-mations grâce aux réseaux sociaux. Une mé-thode efficace pour les dénoncer et détruire leursentiment d’impunité.RSF dénonce le fait que la société mondialeNokia-Siemens «aurait fourni du matériel desurveillance téléphonique au gouvernement ira-nien», en précisant que, selon le géant, il ne s'agi-rait pas de matériel de surveillance sur Internetmais « seulement » d’écoute téléphonique. Nousvoilà rassurés.

Medi Benali

Dans le monde

Depuis le 12 juin, le pouvoir iranien a expulsé la totalité desjournalistesétrangers.Il s’efforced’exercer un contrôle absolusur Internet.

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VCâlin Gratuit !

Se voir proposer un câlin par un passant ? C’est le Free Hugs. Ce phénomène venu d’Australie vient de contaminer les parisiens.

ous en avez peut-être vu errer, pan-cartes levées, bras ouverts, les FreeHugeurs révolutionnent Paris ! Leurmission : nous proposer des câlinspour… le seul plaisir ! Ce sont ces derniers mois que cephénomène se répand plus que ja-mais, surtout chez les jeunes. Leprincipe est simple explique Léa B. :« prendre une pancarte, qu’on peutpersonnaliser : la mienne c’est unsimple cœur rouge avec des bras ou-verts vers l’extérieur. Ecrire “ FreeHugs ”, on le traduit par “ étreintes li-bres ” ou “ câlins gratuits ”. Puis, des-cendre dans la rue proposer des câ-lins, attendre que les gens viennentvers toi et te serrent dans leurs bras. »

Câlins réprimésApparu en Australie en 2004, en ré-ponse à la morosité et au cruelmanque d’amour, le Free Hugscherche à briser les barrières de l’in-dividualisme et de l’inhibition àpartager quelques secondes de cha-

leur humaine. Ce concept est de-venu une lutte : réprimé par les au-torités, c’est à la suite d’une pétitionde 10 000 personnes et d’un buzzsur YouTube (vidéo vue par ungrand nombre de personnes dansun temps limité) que le mouvements’est diffusé à échelle mondiale.« D’emblée, l’idée m’a plue, poursuitla jeune adepte, même si elle m’ a unpeu troublée en même temps. Lors

d’une manga expo des amis m’ontproposé une pancarte, j’ai accepté.Peu à peu on se rend compte : celafait tant de bien ! Non seulementpour le plaisir du moment mais avecle recul : on se sent si fier !» Quelquessemaines plus tard elle s’est rendueà un autre rassemblement de Hu-geurs, ces rendez-vous sont devenusun moyen de rencontre, une vérita-ble communauté s’est formée. «Pourma part, je ne me prends pas trop ausérieux, ce n’est pas une secte, celareste pour le plaisir. J’aime le contactavec les gens, le Hug permet de créerun moment fort d’émotion, de joie ettout cela est gratuit, accessible à tous,à tous moments.» Les Free Hugers semblent attacherune grande importance à ce queleur mouvement ne devienne pascommercial. « Il se fonde sur la gé-nérosité et la spontanéité. Nous avonstous un profond besoin d’attention,d’amour, de contacts humains. Dansun monde où tant de choses sepaient, le Free Hugs nous exprimeclairement : qu’attendez-vous, rien nevaut la chaleur humaine, allez versles autres ! »

Fight Club des temps modernes ?La particularité du Free Hugs estqu’il ne se repose pas que sur del’utopie : il se confronte à la réalité «Ce n’est pas toujours facile. Il y ad’ emblée énormément de méfiance,de rejets, témoigne Julie N. On pro-pose simplement, on n’insiste pas. Engénéral les gens sont gênés au départ,puis ils y prennent vraiment plaisir.Ce n’est qu’un peu de chaleur, on sefait plaisir en faisant plaisir aux gens.On montre que malgré peines, tracas,on peut se soutenir, le simple momentd’un câlin et même au-delà. Cet acteest gratuit et il fait du bien... »Tout comme le Fight Club de DavidFincher, le Free Hugs aurait unevertue thérapeutique : depuis qu’elleparticipe aux câlins gratuits, Léa B.remarque qu’elle se sent mieux : « jedors mieux, je me sens mieux avec lesautres, avec moi même et je fais deformidables rencontres ». Lorsquedes Geeks se réunissent pour secombattre virtuellement, ils témoi-gnent du même phénomène. Aufond peut-être n’est-ce rien d’autreque tous recherchent : le plaisir d'uncontact, le sentiment d'exister pourl’autre, et de se dépasser soi-même. Le Free Hugs, Fight Club des tempsmodernes ?

Stéphane Ambach-Albertini

Le Free Hugscherche à partagerquelques secondes de chaleur humaine.

« Et puis, ils y prennent vraiment plaisir ». Léa, pratiquante du Free Hugs.

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8 Lemien ■ Juillet 2009


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