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Werther

jeudi 20 mai Opéra Comédie

Jules Massenet

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Direction de la publicationValérie Chevalier

Rédaction en chefBenjamin François

Conception graphiqueTrafik

Réalisation graphiqueAvril Barant

Illustration page de couvertureLim Kiihwan

ImpressionCopy Beaux-Arts

IconographieIllustrations pages 2, 4, 14, 28, 38, 44 : détails des décors (Réalisation ateliers de la Ville de Nancy)

Subventionné parMontpellier Méditerranée Métropole Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée Ministère de la Culture Ville de MontpellierDépartement de l’Hérault

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WertherJules Massenet (1842 – 1912)Drame lyrique en 4 actes et 5 tableaux Livret d’Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann, d’après le roman Les Souffrances du jeune Werther de Johann Wolfgang von Gœthe Création à Vienne le 16 février 1892. Création française le 16 janvier 1893 à Paris. Production Opéra national de Lorraine, France

Breitkopf éditions musicales

Jean-Marie Zeitounidirection musicaleJosé Darío Innellamise en scène d’après la mise en scène de Bruno Ravella

Leslie Traversdécors et costumesLinus FellbomlumièresSergio Carvalho Pessanhareprise lumièresDiane Clément assistante à la mise en scène

Xavier Bouchon régisseur de production Mireille JouveAnaïs Pélaquier régisseuses de scène Maya Lehec régisseuse du chœur Richard Neel surtitresTessa Thieryrégie surtitres

Les décors ont été réalisés par les ateliers de la Ville de Nancy Les costumes ont été fabriqués par l’atelier de l’Opéra national de Lorraine

Mario Chang Werther Marie-Nicole Lemieux Charlotte Jérôme Boutillier Albert Julien Véronèse le bailli Pauline Texier Sophie Yoann Le Lan Schmidt Matthias Jacquot Johann Emma de La Selle Kätchen Léo Thiéry Brühlmann Lisa MartinservanteGabriel Bertrand Marina Gallant Charlotte GleizeNaomi Renoir Brunelle SauvegrainNina Sauvegrainenfants

Vincent Recolinchef de chœurChœur Opéra Junior

Noëlle Génychef de chœurChœur Dames Opéra national Montpellier Occitanie

Orchestre national Montpellier Occitanie

Nous vous rappelons qu’il est formellement interdit de filmer, enregistrer ou photographier les spectacles

± 2 h 30 avec entracteChanté et surtitré en français

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SommaireDeux ou trois

choses à savoir sur Werther

p. 5

L’actionp. 9

Mais qui est Charlotte ?

Entretien avec Marie-Nicole Lemieux

p. 11

Échos de la mise en scèneEntretien avec Bruno

Ravella p. 15

Échos de la direction musicale

Entretien avec Jean-Marie Zeitouni

p. 19

Werther : un « drame lyrique »

français ou wagnérien ? Jean-Christophe

Branger p. 23

Werther, passion romantique,

passion tragiqueMarguerite Haladjian

p. 29

Ces années-làp. 35

De l’AllemagneMadame de Stael

p. 41

De l’amourStendhal

p. 45

Livretp. 45

Biographiesp. 67

L’équipep. 82

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Deux ou trois choses à savoir

sur WertherPar Benjamin François

« 15 juillet. Non, je ne me trompe pas ! Je lis dans ses yeux noirs le sincère intérêt qu’elle prend à moi et à mon sort. Oui, je sens, et là-dessus je puis m’en rapporter à mon cœur, je sens qu’elle… Oh ! L’oserai-je ? Oserai-je prononcer ce mot qui vaut le ciel ?… Elle m’aime ! Elle m’aime ! Combien je me deviens cher à moi-même ! Combien… j’ose te le dire à toi, tu m’entendras… combien je m’adore depuis qu’elle m’aime ! […] » J. W. von Goethe, Les Souffrances du jeune Werther [1774], traduction Pierre Leroux, ŒO (Œuvres Ouvertes), 2011.

« Je me souviens de l’avoir lu et relu dans ma première jeunesse… Les impressions que ces lectures ont faites sur moi ne se sont jamais effacées ou refroidies. La mélancolie des grandes passions s’est inoculée en moi par ce livre. J’ai touché avec lui au fond de l’abîme humain… Il faut avoir dix âmes pour s’emparer ainsi de celle de tout un siècle. » Alphonse de Lamartine

«... la grande qualité en fait d’art, la qualité rare, celle qui entraîne tout, c’est la sincérité. Des artifices, des habiletés de main, le pittoresque, la coloration peuvent nous amuser, nous intéresser même et on aurait tort d’en faire fi. Mais la sincérité seule fait les œuvres qui restent.» Le Ménestrel du 22 janvier 1893

Chef d’œuvre populaire de Massenet avec plus de 1300 représentations à l’Opéra Comique, Werther a fait le tour des opéras du monde entier depuis sa création en allemand, le 16 février 1892, à l’Opéra impérial de Vienne. Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux, sa création française eut lieu le 16 janvier 1893 au Théâtre de l’Opéra Lyrique de Paris (actuellement Théâtre de la Ville, place du Châtelet).

Les personnagesWerther, 20 ans (ténor) ; le bailli, veuf, 50 ans (baryton ou basse) ; Charlotte, fille aînée du bailli (mezzo-soprano) ; Sophie, sa sœur cadette (soprano) ; Albert, fiancé puis époux de Charlotte, 23 ans (baryton) ; Schmidt (ténor) et Johann, amis du bailli (baryton ou basse) ; Brühlmann, jeune homme ; Kätchen, jeune fille ; les six enfants Fritz, Max, Hans, Gretel, Clara (rôles muets) ; habitants de Wetzlar, invités, musiciens, chœur d’enfants en coulisses (dernier tableau).

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L’intrigue en deux motsÀ Wetzlar, dans les environs de Francfort, dans les années 1780, Charlotte, la fille aînée du bailli resté veuf avec ses six jeunes enfants, dont elle est la mère de substitution, et Werther, sont tombés amoureux l’un de l’autre au premier regard. Devenue la femme d’Albert, modèle du parfait époux à qui elle s’est mariée par devoir, Charlotte continue d’aimer Werther sans vouloir se l’avouer. Lui ayant fait promettre de s’éloigner jusqu’à Noël, elle éprouve que la séparation ne lui a pas fait oublier Werther. Ce dernier se voit acculé au suicide ; atteint mortellement par une balle d’un pistolet qu’il a emprunté à Albert, Werther meurt dans les bras de Charlotte, arrivée trop tard pour le sauver, mais apaisé car il sait que la jeune femme l’aime.

MassenetMassenet a quarante-quatre ans quand il écrit Werther. Déjà auteur d’Hérodiade (1881), de Manon (1884), et du Cid (1885), il s’inscrit davantage dans la continuité de la grande tradition de l’opéra français forgée au XIXe siècle par Meyerbeer, Berlioz, Gounod et Bizet, que dans la rupture. Peintre de l’éternel féminin, il est à l’aise dans les sujets mettant en scène des héroïnes, lesquelles occupent quatorze de ses ouvrages lyriques, mais aussi des oratorios sacrés ayant pour thème Ève, la Vierge ou Marie-Magdeleine. Pourtant, il a parfaitement su intégrer les apports de la révolution wagnérienne tout en

insufflant à ses ouvrages une certaine modernité qui annonce déjà Puccini, Debussy ou Strauss, n’en déplaisent à ses sévères confrères, envieux de l’enthousiasme sans bornes que soulevaient ses ouvrages auprès du public.Son premier opéra (La Grand’Tante) date de 1866, mais il a dû attendre onze ans avant que l’Opéra de Paris ne lui ouvre ses portes avec Le Roi de Lahore. Sa renommée n’avait cessé de s’étendre depuis ses oratorios Marie-Magdeleine (1873) et Ève (1875), ainsi qu’avec un opéra-comique (Don César de Bazan) en 1872.Il est nommé professeur de composition au Conservatoire de 1878 à 1896 : c’est le début d’une brillante carrière de compositeur officiel, personnalité très influente de la vie musicale française et voix prépondérante pour tous les jeunes compositeurs qui briguaient le Prix de Rome. Sa descendance est féconde : Alfred Bruneau, Gabriel Pierné, Paul Vidal, Xavier Leroux, Gustave Charpentier, Henri Rabaud, Charles Koechlin, Florent Schmitt, Georges Enesco...Après Werther, il enchaînera d’autres succès avec Thaïs (1894), Cendrillon (1895), Sapho (1897), Le Jongleur de Notre-Dame (1902), Thérèse (1907) et Don Quichotte (1910).

Genèse de WertherIl subsiste comme un parfum de légende autour de l’écriture de cet ouvrage lyrique. L’autobiographie romancée rédigée par Massenet lui-même et publiée en 1912 n’aura pas simplifié la recherche de la vérité. Mais les faits sont têtus : les

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premières esquisses de Werther datent de 1880. Une lettre de Massenet à Paul Lacombe en date du 25 septembre l’atteste : « Je me repose et prends de nouvelles forces pour écrire Werther, un drame lyrique en quatre tableaux ; cet ouvrage tout spécial est destiné à me satisfaire d’abord ; si cela vient bien, nous verrons... ». Quant à l’idée du projet, elle a germé l’année précédente lors d’un voyage à Milan, au cours d’une discussion avec Paul Milliet (le librettiste d’Hérodiade) et son éditeur Georges Hartmann. Puis s’ensuivent quatre années de dur labeur pour Paul Milliet, tellement exposé aux lubies de Hartmann qu’il finit par jeter l’éponge pour céder sa place à Edouard Blau, lequel termina le livret au printemps 1885. Durant l’été qu’il passa à Étretat, Massenet put jeter les bases du futur Werther, esquisses qu’il poursuivit à Versailles et dans quelques autres lieux. Le travail de composition étant terminé, le compositeur se lança dans la seconde étape cruciale, l’orchestration, du 15 mars au 2 juillet 1887.

C’est ici précisément que les difficultés commencent pour Massenet, contraint à une pause de quatre ans pour ce projet prometteur. En deux mots : le directeur de l’Opéra Comique, Léon Carvalho, ne crut pas au sujet, trop « lugubre » pour son public, la vénérable institution partit en fumée au lendemain de son refus, l’approche de l’Exposition universelle aiguilla le remplaçant de Carvalho vers un ouvrage à grand spectacle tandis que Massenet se lançait dans un opéra plus prometteur, Esclarmonde,

reléguant provisoirement Werther aux oubliettes. Enfin, après cinq années d’attente et de refus, la première fut annoncée en 1892 – non pas à l’Opéra Comique, mais à l’Opéra impérial de Vienne, dans une traduction allemande.

Le roman épistolaire de Goethe se meut en livret d’opéra

Au départ, Les Souffrances du jeune Werther, publié en 1774, a pour origine les souvenirs autobiographiques d’un amour de jeunesse de l’écrivain, Charlotte Buff, fille du bailli de Wetzlar connue lors d’un bal champêtre, courtisée, mais promise à un certain Kestner, futur conseiller d’ambassade. Enfin, un autre fait divers ayant défrayé la chronique de Wetzlar fournit son dénouement à Goethe : un certain Jérusalem se suicide après avoir vécu un amour sans issue pour la femme d’un de ses collègues, et le malheureux emprunte le pistolet fatal au même Kestner !

Dans leur livret, Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann étoffent les personnages de Goethe qui avait concentré toute la force dramatique de son roman épistolaire sur un seul et unique personnage – Werther – dont le regard subjectif envahissait tout l’espace.De son côté, Massenet, très soucieux de réalisme, a trouvé depuis Manon (1884) une forme lyrique qu’il

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préservera pendant trente ans. Renonçant à la forme binaire avec alternance traditionnelle entre scènes parlées et airs / duos / ensembles chantés, il opte pour l’étroite imbrication de ces éléments. Même les quelques chœurs ou airs qui pourraient représenter un tout autonome sont habilement insérés dans l’action, ce qui laisse rarement le loisir au public d’applaudir les performances des chanteurs.

L’orchestreComme dans Manon, l’orchestre de Werther est conçu pour une fosse plutôt modeste (et covido-compatible !) : les bois vont par deux et l’on demandera au deuxième hautboïste de jouer le cor anglais ; on notera un instrument rare dans la fosse, le saxophone alto, les cuivres sont raisonnablement fournis (4 cors en fa, 3 trombones et un tuba, sans trompette mais avec 2 cornets à piston beaucoup plus répandus à cette époque et au grave plus étendu), une seule harpe qui joue un rôle prépondérant dans la

couleur orchestrale, une paire de timbales (instrument que Massenet connaît parfaitement pour avoir été percussionniste dans divers théâtres pour gagner sa vie lors de ses impécunieux débuts). Un orchestre aux dimensions plutôt modestes, ce qui permet de maintenir les cordes à un niveau normal, d’autant plus que Massenet les divise pour obtenir l’intimité d’une formation de chambre.

Les moments célèbres de l’ouvrage• Airs de Werther à l’acte I : « Invocation à la Nature» («Je ne sais si je veille »), à l’acte III : « Lied d’Ossian » (« Pourquoi me réveiller »).• Airs de Charlotte à l’acte III : « Air des lettres », (« Ces lettres... ah ! je les relis sans cesse »), « Air des larmes » (Va ! laisse couler mes larmes »).• Le goûter des enfants à l’acte I• Le clair de lune à l’acte I

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Acte 1La maison du bailli Les six enfants du bailli répètent un chant de Noël tandis que Charlotte, la fille aînée, se prépare pour un bal. Deux amis du bailli, Johann et Schmidt, félicitent les enfants pour leurs jolies voix, mais se moquent gentiment du bailli qui fait répéter des chants de Noël en plein mois de juillet. Ils sont rejoints par Sophie, sa seconde fille, et discutent du bal qui doit avoir lieu non loin de là, à Wetzlar, de Werther, le jeune homme mélancolique qui doit accompagner Charlotte au bal, et d’Albert, le fiancé absent de Charlotte. Le bailli promet de retrouver ses amis à l’auberge dans la soirée et ils prennent congé. Sophie s’en va et le bailli entre dans la maison. Werther, accompagné d’un jeune paysan, entre dans la cour et contemple la maison. Il est ravi par ce qu’il voit et parle du chant des enfants provenant de la maison. Charlotte descend, habillée pour le bal, et les enfants accourent vers elle. Werther est présenté à Charlotte qui s’occupe des enfants depuis la mort de leur mère. Tandis que Charlotte confie les petits à Sophie, Werther admire la scène. Charlotte et Werther se mettent en route pour le bal, rejoints par d’autres couples, pendant que Sophie fait entrer les enfants et que le bailli s’apprête à rejoindre ses amis à la taverne.

C’est la tombée de la nuit et Albert, fiancé de Charlotte, revient plut tôt que prévu d’un long voyage. Charlotte rentre du bal en compagnie de Werther qui lui déclare son amour. On apprend alors que sur son lit de mort, la mère de Charlotte lui a fait promettre d’épouser Albert. Werther est au désespoir.

Acte 2Wetzlar, la place, les tilleulsOn est en septembre. Les gens se rassemblent pour se rendre à l’église où le pasteur célèbre ses cinquante ans de mariage. Mariés depuis quelques mois, Albert et Charlotte jouissent d’un bonheur tranquille, Werther les observe de loin, désespéré d’avoir perdu Charlotte. Johann et Schmidt reparaissent réconfortant leur ami Brühlmann qui a perdu sa Kätchen après sept années de fiançailles ; Albert les suit. Voyant Werther assis à une table tout triste, il essaie de le consoler. Sophie, jeune sœur de Charlotte, arrive toute joyeuse et demande à Werther de lui réserver le premier menuet. Elle le gronde pour son air déconfit, mais en aparté, celui-ci affirme que le bonheur lui est interdit. Albert, devant l’empressement de Sophie, suggère à Werther la possibilité d’un autre bonheur. Celui-ci refuse d’entendre et, de nouveau seul, se

L’actionPar Benjamin François

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laisse aller à sa souffrance. Charlotte apparaît et finit par lui demander de s’éloigner quelque temps, jusqu’à Noël. Werther part, avec l’idée de ne jamais revenir.

Acte III La maison d’Albert – NoëlCharlotte découvre son amour pour Werther et relit les lettres qu’il lui a adressées. Sophie entre, les jouets des enfants dans les mains ; Elle s’inquiète de la tristesse de sa sœur. Charlotte est de nouveau seule et Werther apparaît soudain, sombre et défait. Charlotte parvient difficilement à surmonter son émotion, tandis que Werther évoque leur premier baiser. Charlotte s’enfuit ; Albert, informé du retour de Werther, rejoint Charlotte encore bouleversée ; un domestique apporte un message sur lequel Werther, avant de partir pour un « lointain voyage », prie Albert de lui prêter ses pistolets ; Charlotte reçoit l’ordre de les lui faire remettre.

Acte IV Scène 1 : la nuit de Noël à Wetzlar (interlude orchestral)

Scène 2 : la mort de WertherDans sa chambre, Werther est étendu, mortellement blessé. Charlotte fait irruption et le découvre à terre. Pouvant encore parler, il lui demande pardon, mais elle lui dit que c’est elle la coupable. Elle veut aller chercher de l’aide mais il la retient, lui tenant la main en expirant. Charlotte peut désormais lui avouer son amour. Au-dehors, on entend les enfants chanter Noël.

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Mais qui est Charlotte ?

Entretien avec Marie-Nicole LemieuxPropos recueillis par Benjamin François le 26 avril 2021

Benjamin François : vous voilà incarnant Charlotte, fille aînée du bailli, 20 ans (félicitations !), fiancée puis mariée à Albert, amante de Werther : un personnage positif et rayonnant par excellence. Comment appréhendez-vous ce nouveau rôle, si riche émotionnellement ?

Marie-Nicole Lemieux : Il y a trois rôles que je rêvais d’incarner – Dalila, Charlotte et Carmen – et Charlotte était le dernier d’entre eux. Cela a été très long avant que la voix soit mature pour le faire, car Charlotte est écrit dans une tessiture plus aiguë que Carmen qui chante en définitive assez souvent dans le medium. C’est donc très bien que je l’aborde maintenant – à vingt ans (rires !) – avec une assise solide en considérant ma voix depuis toujours comme un instrument, et non comme quelque chose de fixé dans le marbre. Cela me permet tout simplement de m’adapter. Pour ce qui est de l’opéra, Werther est un de mes opéras favoris. Durant mes études au conservatoire, c’est le seul que j’ai écouté au moins trois fois avec

la partition en mains, par pur plaisir du sens dramatique. Ce qui me touche en Charlotte, c’est avant tout sa grande humanité. C’est un personnage réel, je la comprends totalement par ses valeurs, par son côté maternel, son affection filiale et cette force tranquille qui attire Werther malgré elle. Autant de qualités qui me touchent réellement. Cela rejoint ce matriarcat que nous avons au Québec, je repense à ma mère, à ces femmes rayonnantes de joie et en même temps très solides, conscientes de leurs devoirs. Alors oui, je me suis toujours sentie très proche de Charlotte. Je la comprends dans ses tourments, dans son amour pour Werther, et en même temps dans son incapacité à vivre avec le poids de sa décision. En même temps je me demande si elle aurait sauvé ce jeune homme dépressif, pour ne pas dire bipolaire. Aujourd’hui avec les progrès de la médecine, je pense qu’il ne se serait pas suicidé (ou je l’espère !). Elle se sent attirée par lui, par ce monde intérieur qu’ils partagent. En un mot, elle est

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« bonne fille » et c’est exactement cela que vient chercher Werther, et ce qu’Albert ne comprend pas. Lui aussi, comme on dit chez nous au Québec, il est un « bon gars », mais à mille lieues de ce qui fait vibrer Charlotte. En quittant cette terre, Werther n’en sera que davantage l’idéal masculin pour Charlotte, son fantasme suprême de ce qui aurait pu être.

Avec Karina Gauvin et douze autres grandes voix québécoises vous avez participé à l’ambitieux projet du label ATMA Classique d’enregistrer l’intégralité de l’œuvre de Jules Massenet, soit plus de 300 morceaux réunis en douze CD et trois coffrets, incluant duos, trios et quatuors dont plus d’une vingtaine d’œuvres inédites, toutes accompagnées sur un grand piano Erard de 1854 accordé au diapason de 435 Hz (le diapason utilisé du temps de Massenet, conformément à l’arrêté ministériel de 1859) ! Mais j’imagine que vous aviez abordé les grands airs de Charlotte bien avant ?

Évidemment, l’Air des lettres et Va, laisse couler mes larmes, je les chante depuis mes études au conservatoire. C’est tout le reste, les grandes scènes ou les airs qu’on entend plus rarement qu’il me restait à acquérir. En revanche cela a été très complémentaire de pouvoir participer à cette formidable intégrale Massenet, ces vingt-neuf mélodies, duos, trios (avec Karina Gauvin et Julie Boulianne, vous imaginez le trio de luxe !) et quatuors magnifiques (comme le cycle Chansons des bois d’Amaranthe) m’ont fait tenir artistiquement pendant la

pandémie et m’ont permis d’aimer encore plus Massenet. Et donc de le comprendre encore mieux comme compositeur. Il est pour moi un homme mystique et charnel à la fois que je retrouve dans un air comme Les Extases (1912), sur un poème d’Annie Dessirier. Sa dernière muse, Lucy Arbell, était contralto et j’ai surtout enregistré le répertoire taillé tout exprès pour elle, de même que pour la mezzo-soprano Marie Delna. Cette dernière était une grande mezzo-soprano qui m’influence beaucoup parce que je me rends compte que mon répertoire était aussi le sien : elle a chanté les rôles de Quickly, Cassandre dans Les Troyens, et elle a créé Charlotte à Paris. Je baigne littéralement dans les textes qu’il leur donne et dans cette sensualité bien française. À la lumière de ce répertoire en partie inédit, je redécouvre donc un Werther amoureux, sensible et mystique à la fois, servi par un grand compositeur qui sait traiter la voix comme il faut.

Justement, la vision précise que vous avez de son œuvre vous permet-elle de dire que Massenet a traité musicalement et vocalement son Werther différemment de ses autres opéras ?

Oui, car Massenet a toujours très exactement su ce qu’il voulait. Quand on consulte une partition de Massenet, je dirais presque que Verdi se rapproche de lui dans ses désirs : c’est la même exigence envers ses interprètes, car il note absolument tout. Dans les deux seules pages de l’air Va, laisse couler mes larmes, il note un maximum

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d’indications au chanteur et c’est un tour de force d’arriver à respecter toutes ces annotations. Et comme je suis plutôt « bonne élève » avec un respect total pour la partition, je suis souvent insatisfaite par certaines versions peu soucieuses de ces indications. C’est un point commun que Massenet partage avec Verdi, je pense en particulier à Falstaff : si vous saviez toutes les annotations que les chanteurs ont à respecter – portamentos, piqués, piqués-liés – les observer avec grande précision permet un réel confort pour le chant. Au contraire, quand j’ai chanté Samson et Dalila de Saint-Saëns, j’ai constaté une plus grande liberté laissée aux interprètes. Massenet est très exigeant sur ce point, et quand on fait tout ce qui est écrit, cela fonctionne parfaitement. Peut-être n’avait-il pas entièrement confiance en ses chanteurs (rires) ? Et je constate enfin que Massenet devait aimer passionnément les voix féminines, il n’est qu’à penser à Charlotte, Manon ou Cendrillon !

Admettons que leur amour ait pu se concrétiser : pourriez-vous imaginer une suite à leur relation ? Dans ce cas avec une issue positive, négative ?

J’y ai déjà pensé, figurez-vous, une fin heureuse où Albert se marie avec Sophie, et où Charlotte se marie avec Werther ! Mais il y a plusieurs options : il est certain pour moi que la version serait plus heureuse si l’opéra se déroulait de nos jours. Tout le monde ferait une thérapie, Werther prendrait ses médicaments, Charlotte ferait une thérapie sur sa gestion de la

culpabilité, et tout rentrerait dans l’ordre ! Mais si nous restons au XIXe siècle, c’est très différent : je pense qu’ils partiraient ensemble, mais je crois que Charlotte se sentirait terriblement coupable au bout d’un certain temps par rapport à sa mère. Ce serait très judéo-chrétien de sa part, mais c’est un trait de caractère très présent dans les personnages féminins de ce siècle. Elle l’évoque à plusieurs reprises dans l’opéra : elle n’aurait pas été capable de supporter le poids de la culpabilité. Or comme Werther n’est pas un être stable, je pense qu’une fin heureuse est impossible dans ces conditions, et Charlotte aurait fini comme Clara Schumann à rendre visite à son Robert à l’institut psychiatrique d’Endenich. Le prix à payer aurait été très lourd pour Charlotte.

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Échos de la mise en scène

Entretien avec Bruno RavellaPropos recueillis par Benjamin François le 20 avril 2021

Benjamin François : quand vous avez entrepris de mettre Werther de Massenet en scène, j’imagine que vous vous êtes tout d’abord plongé dans le roman épistolaire de Goethe ?

Bruno Ravella : tout à fait, j’ai commencé par cela. Beaucoup d’idées de mise en scène proviennent de cette lecture. Très vite j’ai eu la conviction que le « je » de Werther qui a fait de la souffrance son destin ultime, envahissait tout. Cet homme qui vient de la ville idéalise la nature qui l’entoure et décide de s’installer à la campagne pour dessiner : les paysans qui moissonnent dans les champs, le moindre brin d’herbe est sublimé, idéalisé. Il nous a donc semblé important d’explorer ce contraste entre nature et sentiment. Fidèles à l’expression forgée par Ruskin (intraduisible en français) de « pathetic fallacy », cette figure de style consistant en l’attribution à la nature de sentiments humains, dans le droit fil du roman de Goethe, nous veillons à ce que la nature (et donc le décor) soit un miroir fidèle des sentiments de Werther.

Par exemple, nous avons souhaité que le rideau de scène représente cette églogue digne d’une toile de Poussin, apte à recréer un monde parfait, serein, bucolique, presque fantasmatique, sans aucune référence ni à une réalité, ni à un état d’âme. Un peu comme l’image que nous avons du Hameau de Marie-Antoinette à Trianon, ce jardin à l’anglaise qui nous transmet une vision idéalisée de la nature. En revanche, nous avons renoncé aux éléments – arbres et jardin dans le premier acte, place arborée de village dans le second – qui renverraient à une nature trop réaliste. La nature est pourtant bel et bien suggérée, par la porte ouverte sur le jardin ou un ciel azuré qui nous renvoient une image de l’âme romantique de Werther.

L’opéra de Massenet, théâtralisation de ce drame humain, opère un changement de paradigme important par rapport à l’œuvre de Goethe, fragmentée dans le temps au rythme des lettres qui se succèdent. Aux côtés de ce nouveau découpage que l’opéra impose à la

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trame dramatique, un véritable chamboulement s’opère sous nos yeux : chez Goethe, Charlotte n’est pas éprise de Werther, tandis que dans l’opéra de Massenet l’amour est pleinement partagé entre les deux personnages...

Effectivement, dans le roman, Werther ne réussissait même pas à se tirer une balle, mettait des heures à mourir avant que Charlotte ne vienne le voir. Chez Massenet, homme de théâtre à l’incroyable sensibilité, le drame réside dans cet amour brûlant – mais impossible – de Werther et Charlotte. Cela est palpable dès leur premier duo : Charlotte aime Werther car il lui offre quelque-chose qu’elle n’a pas trouvé chez Albert. Werther lui pose des questions que nul ne lui a posées, ce qui lui donne l’occasion d’exprimer des choses qu’elle n’a jamais eu l’occasion d’exprimer, elle qui se doit de vivre dans l’interstice que la société a prévu pour elle : celui de mère de substitution qui doit s’occuper de sa jeune fratrie, ce qui exclut toute expression d’individualité intime et profonde. Pour lui, elle devient le symbole de la femme idéale, cette femme-mère qui se confond presque dans l’esprit de Werther à la vierge Marie. Avant même qu’il ne rencontre sa famille, il ne peut s’empêcher de la porter aux nues. Werther a déjà créé une image parfaite alors qu’il n’a pas encore pénétré dans la maison du bailli. Nous sommes au début du mouvement romantique, mais je constate que le sentiment est déjà omniprésent, imprimant sa subjectivité, son émotion et son individualisme au réel.

Albert l’a connue toute jeune donc il n’a jamais posé de question sur sa mère. Werther lui donne l’occasion de partager des sentiments inédits avec autrui. Il se crée donc un fort lien de complicité entre eux palpable aussi dans ce petit détail à la fin de l’Acte I. Quand Werther lui demande qui est cet homme qui vient la chercher. Elle répond honnêtement : « celui que l’on m’a promis ». Mais dans son regard, on comprend qu’elle serait à ce moment précis entièrement disponible pour fuir avec Werther. Pourtant, ce dernier la rappelle à son devoir. C’est comme s’il avait besoin de cet amour impossible pour aller au bout de son personnage attiré par l’abîme, prêt à s’apitoyer sur son sort d’homme toujours malheureux. Et quand au 2e acte Werther souhaiterait s’enfuir avec Charlotte, c’est elle qui lui rappelle son devoir de femme mariée, positionnement qu’il sera incapable d’assumer.

Comment les rapports entre les personnages se matérialisent-ils dans votre mise en scène et la scénographie ?

Nous l’avons dit, c’est un principe central de notre mise en scène : le décor évolue en fonction des émotions de Werther. Pour le premier acte, j’ai tout de suite eu la vision d’un intérieur domestique idéal et très traditionnel, symbolisant l’univers bourgeois du bailli, transmis de génération en génération, aux lumières chaudes et aux tentures qui portent la marque du temps passé. L’arrivée de Werther dont la personnalité idéalise tout, permet de faire

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entrer une nature sublimée par son âme romantique dans cet espace paisible : elle va transformer l’espace dans la mesure où le plafond se soulève. À la fin de l’acte I, dans l’imaginaire de Werther qu’il nous est donné de voir, les étoiles et la lune apparaissent, on est au paradis ! À l’acte II qui est l’acte de l’amour impossible (Charlotte est mariée à Albert), nous pénétrons dans un monde sans issue. Werther ne quitte pas la scène (il ne la quittera qu’à la fin de l’acte II). Le voici confiné dans cet espace. Tout ce qui était ouverture sur la nature dans le premier acte, a été transformé en un milieu clos avec des couloirs qui ne mènent nulle part. Il est coincé dans un monde qu’il s’est lui-même créé : le voilà prisonnier de son amour pour Charlotte, et Charlotte de son mariage. Nous avons ici pensé à un décor avec autant d’impasses, surmonté par des murs qui sont comme des remparts, avec un chemin de ronde qui permet à Schmidt et Johann d’observer et commenter l’action. Cet espace devient de plus en plus étouffant lorsque Werther entrevoit la mort comme unique et simple issue. Le monde se referme alors, et disparaît toute présence de la nature. Charlotte, Werther, Albert et Sophie se retrouvent dans un espace clos, où chacun est esclave malheureux de la situation. À l’acte III, la nature, le soleil deviennent quelque chose d’extérieur, et graduellement, Werther devient amoureux de l’idée de sa propre mort. La même peinture sert à construire un espace domestique totalement confiné et contrôlé. Et

à l’acte IV, les murs ont disparu ; Werther et Charlotte se retrouvent dans un espace désespéré et vide où la seule issue salutaire est le suicide de Werther. Le personnage retrouve son calme. En revanche, pour Charlotte, il ne reste que le désespoir sans aucune autre forme d’issue.

Et votre vision du personnage d’Albert ne correspond pas à la brute épaisse que l’on voit parfois ; au contraire, votre travail l’humanise, l’ennoblit presque...

La pointe d’agressivité d’Albert envers Charlotte vient de son amour authentique pour elle, et de l’impuissance qu’il ressent en constatant que son amour n’a pas de prise sur elle. Il est en grande souffrance que son amour authentique ne soit pas partagé par son épouse. On est aux antipodes d’un vaudeville avec le méchant mari trompé et l’amant dans le placard. Il n’est en rien un bourgeois dur, je souhaite un caractère profondément amoureux de Charlotte qui se rend compte qu’il n’a aucune prise : là réside son drame. Que peut-il faire dès lors qu’il se rend compte qu’il est marié à une femme qui le respecte, qui l’accompagne, est exemplaire sur le plan du devoir, mais ne l’aime pas ? Dans l’intermède musical de l’Acte III, je montre la douleur d’Albert qui se rend compte qu’il l’a perdue. Il s’écroule, pleure, de la neige tombe sur lui : entre Albert et Charlotte, une porte se ferme entre les deux. L’acte le plus difficile à mettre en scène était l’Acte II, mais j’ai pu résoudre ce problème quand j’ai pris conscience que la dernière

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phrase de Werther à l’Acte I est aussi la première phrase du personnage au début de l’Acte II : «un autre est son époux ! ». Tout s’est donc arrêté pour Werther à la fin de l’Acte I, il est désormais incapable d’évoluer. C’est pour cela que je le fais rester sur scène, et que tout devient clos autour de lui. De grandes portes s’ouvrent, comme à

l’Acte III, mais il ne peut s’échapper par aucune issue. La seule issue possible, c’est que quelqu’un meure dans le trio Albert–Charlotte–Werther. Werther ne peut pas tuer Albert, donc il décide de se tuer. C’est sa seule façon d’aboutir à une fin. Il n’y avait pas d’issue noble possible.

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Échos de la direction musicale

Entretien avec Jean-Marie ZeitouniPropos recueillis par Benjamin François le 24 avril 2021

« Seule la musique peut amplifier, commenter et enrichir un drame, dont nous ne pouvons avec notre pauvre vocabulaire de poètes, qu’esquisser les contours. »Jules Massenet

Benjamin François : Le compositeur qui impose à tous ses collègues de se « positionner » par rapport à lui, c’est Richard Wagner. Ressentez-vous une parenté entre Werther et le style wagnérien, même s’il sera moins épigonal que dans Esclarmonde et si Massenet se situe par nature davantage dans la continuité avec la tradition que dans la rupture avec les codes ?

Jean-Marie Zeitouni : Avec l’expérience qui est la mienne, j’ai de plus en plus tendance à me débarrasser des étiquettes et de regarder plutôt ce qui est unique chez chaque créateur. En surface au moins, je constate une certaine émulation, pour ne pas dire une mode wagnérienne dans les procédés de composition, comme le fameux emploi du leitmotiv

wagnérien ! Et effectivement, certains thèmes caractérisent Charlotte, d’autres Werther, ou encore certaines situations. Mais Massenet reste lui-même, très caméléon, n’hésitant pas à écrire à la manière du folklore allemand pour la scène sur la place du village de Wetzlar, faire quelques emprunts à l’harmonie wagnérienne dans l’instrumentation de certains passages dramatiques. Mais dans l’ensemble, Massenet sait se mettre totalement au service du propos théâtral. Reconnaissons-lui ce génie d’avoir parfaitement su relever ce défi, le roman épistolaire de Goethe n’étant en rien linéaire, c’est le leitmotiv qui va lui permettre de créer des liens entre scènes, situations et personnages. Un art combinatoire déjà présent dans un autre opéra de Massenet, Chérubin, que j’ai eu le bonheur de diriger en octobre 2015 à Montpellier.

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Comme vous le soulignez, la couleur lyrique de Werther semble n’appartenir qu’à elle et Massenet y déploie un registre neuf à l’Opéra Comique que l’on peut tenter de définir comme un mélange très personnel entre ce caractère intimiste (également présent dans Roméo et Juliette de Gounod) et un zest de morbidité à partager avec Hamlet d’Ambroise Thomas. Comment définiriez-vous ce genre atypique, « tout spécial », selon l’expression même de Massenet ?

On sait que Massenet avait parlé à Léon Carvalho de ce Werther de manière préliminaire, et que le directeur de l’Opéra Comique n’en voulait pas car il trouvait le sujet trop triste et doutait que son public pût le goûter pleinement. Un mois plus tard, le fameux incendie réduisait l’Opéra Comique en cendres et de nouvelles discussions ont été ajournées. Mais je ne suis pas surpris que Werther ait connu un grand succès lors de sa création – en allemand – à Vienne (à Weimar, la ville de Goethe, on aurait sûrement crié au sacrilège !), ce qui a aidé à son retour dans le giron français par la suite. Il n’en reste pas moins que le sujet n’est en rien un sujet d’opéra-comique, tout comme Carmen – le dernier opéra que j’ai dirigé en mars 2018 ici à Montpellier – malgré son aspect populaire, était aussi un sujet osé pour les mœurs bourgeoises de la maison de Carvalho. Le point commun entre Carmen et Werther, c’est qu’ils portent à la scène des personnages ordinaires qui parlent sans philtre au public : nous avons tous connu un amour impossible, on a tous été dans une situation où

nous devions choisir entre le devoir et le plaisir, donc pour moi, c’est totalement un sujet qui s’adresse au peuple. De la même manière que Bernstein a adapté Roméo et Juliette en West Side Story, Massenet et ses librettistes ont fait de même, en n’étant pas forcément fidèle à la lettre au chef-d’œuvre de Goethe, mais en en préservant toute la force dramatique.

Massenet semble avoir été en recherche de la plus grande fluidité de la texture – notamment en serrant au plus près la courbe naturelle de la parole – et de souplesse formelle le faisant opter pour l’arioso plutôt que pour le récitatif parlé. Est-ce la raison pour laquelle il fait fi de la tradition de l’Opéra Comique à numéros musicaux reliés par des dialogues parlés, comme dans Carmen (1875) et Manon (1884) ?

Effectivement, dans Werther, Massenet a renoncé aux textes parlés de transition entre les numéros si bien que le public n’a que peu de possibilités d’applaudir les performances des chanteurs car ils chantent en permanence ! À part la première scène qui introduit les personnages sur fond d’enfants qui batifolent, toutes les autres scènes font coexister deux choses : la réalité et un souvenir passé ou la réalité et l’introspection d’un personnage. Tout ceci est donc propice à des ariosos libres qui suivent parfaitement les inflexions de la langue française.

Justement, ne sommes-nous pas en présence d’une écriture musicale à deux tendances : tantôt elle

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tend vers le chromatisme, celui des orages de la passion fatale de Werther caractérisé par un accord diminué dès sa première entrée, et des souffrances de l’existence, tantôt elle emprunte au diatonisme pour évoquer la normalité bourgeoise, l’univers du bailli, de Wetzlar, de Charlotte et Albert ?

C’est complètement cela, j’approuve de désigner ce style comme une musique bourgeoise de campagne que Massenet sait si bien suggérer, ces scènes bucoliques, de nature qui frisent l’impressionnisme de Debussy, Fauré. C’est la musique du quotidien, le chant de Noël des enfants, la devise « Vivat Bacchus ! » que poussent Johann et Schmidt dès qu’ils apparaissent quelque part, les rythmes de danse des conversations gaies de l’acte I, la chanson de Sophie « Du gai soleil »... mais aussi la nature immortelle et le repos de l’éternité.En face, la musique chromatique réservée à Werther, pour laquelle Massenet emploie les quatre cors, les trombones. Et dans les duos entre Werther et Charlotte coexistent les deux styles, avec une orchestration qui change du tout au tout selon que l’un ou l’autre s’exprime.

Comment définiriez-vous les couleurs orchestrales de Werther ?

Les pupitres de cordes sont fréquemment divisés, si bien qu’on croirait avoir à faire à de la musique de chambre, le timbre chaud du saxophone alto permet de faire la liaison entre les bois et les cuivres, et Massenet réserve au cor anglais « instrument de la mélancolie douloureuse » de belles parties.

Enfin, la harpe est omniprésente, et d’autres instruments comme le carillon ou jeu de timbres sont présents pour les festivités de Noël : autant de couleurs qui me rappellent l’écriture des cordes divisées de Fauré, de même que les textures pastorales me font beaucoup penser à Pelléas et Mélisande de Debussy. Mais l’indice qui me rappelle que nous sommes vraiment dans de la musique française, c’est la place faite aux bois (clarinette, flûte, hautbois) comme solistes soutenant des textures harmoniques très limpides : le cor anglais, le saxophone utilisé presque comme un cor dans tout l’opéra, sauf quand arrive le fameux air Va, laisse couler mes larmes où, soudain triste, il tient une partie remarquée de soliste. Harmoniquement, je note aussi des influences wagnériennes ou franckistes qui nous rappellent que nous avons à faire à un orchestre romantique, mais qui n’est jamais massif. Massenet se sert aussi de l’orgue comme instrument d’orchestre, ce qui nous place instantanément dans le contexte d’une société fortement reliée à l’église du village. Durant deux bonnes pages, l’orgue aura même droit à son solo, ce qui signale une tendance très réaliste, déjà « vériste » de cette musique.

Que dire de la scène finale tout en tension où les enfants chantent un Noël naïf en sol majeur auquel l’orchestre oppose, en-dessous, la noirceur du ton d’ut mineur ? Ne serait-ce pas une manière de terminer cet opéra par une allégorie ?

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C’est un procédé fréquent à l’opéra que plusieurs choses se passent conjointement sur scène et c’est ce qui a été choisi ici : on le retrouve dans le Deuxième acte de La Bohème de Puccini, on l’a aussi dans scène finale de Carmen. Car il faut bien que la chute finale tant attendue et savamment préparée – entre le moment où il se donne la mort et le moment où il meurt vraiment s’écoule un certain temps

durant lequel des souvenirs refont surface et des échos de scènes du village – finisse par arriver. Je le comprends comme un travail de gestion du temps de la part du chef d’orchestre, mais aussi de l’auditeur, entre des actions lentes et rapides : parvenir à gérer tout cela au même moment sur une scène d’opéra est vraiment brillant.

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Werther : un « drame

lyrique » français ou

wagnérien ?Par Jean-Christophe Branger

Dès la création de Werther à Vienne, le 16 février 1892, puis l’année suivante à Paris, la plupart des critiques – autrichiens ou français – s’accordent à déceler une influence tyrannique dans la partition du compositeur français : « Massenet est un disciple de Wagner. Il a surpris et utilisé plus d’un des secrets du maître de Bayreuth », affirme le critique viennois de La Gazette du peuple. « Rappels de motifs, absence de chœurs, d’ensembles et de ballet, scènes continues, la mélodie de préférence confiée à l’orchestre », tels sont les éléments relevés par les journalistes pour justifier leur propos. Gabriel Fauré écrira aussi, lors d’une reprise à l’Opéra Comique en 1903 : « [Werther] date d’une époque où l’influence dominatrice de principes nouveaux se répandait sur notre

musique ; que cette influence, M. Massenet la subit, sinon au même degré que certains, du moins autant que la plupart de ses confrères, et qu’il semble bien qu’avec Werther, après Esclarmonde [1889], il ait payé une fois encore son tribut à la divinité du jour. » La part déterminante du créateur du rôle-titre, le ténor wagnérien Ernest Van Dyck, dans le succès de la première autrichienne a sans doute contribué à forger cette opinion, d’autant que l’intitulé générique de la partition (« drame lyrique ») ou le langage musical pourraient le supposer. L’influence de Wagner se décèle en effet dans certains épisodes harmoniques ou orchestraux, la présence de motifs de rappel et l’épisode symphonique, « La Nuit de Noël », reliant les actes III et IV. Dans la lignée du « Voyage de

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Siegfried sur le Rhin » (Le Crépuscule des dieux), cette pièce, conçue comme un poème symphonique, décrit aussi bien le tourment intérieur de Charlotte, partie retrouver précipitamment Werther, que la tempête de neige qui l’accompagne.

Pourtant, malgré ces affinités indéniables, Werther ne peut être considéré comme un drame wagnérien, car la musique en assimile subtilement et modérément les principes. Massenet récusait d’ailleurs cette image d’apôtre de Wagner qu’on lui accole trop souvent. Bien qu’il « s’incline devant le grand musicien qu’il nomme non pas un maître, mais le maître ! », le compositeur français puise son inspiration où bon lui semble. Dès la création du Roi de Lahore (1877), il ne cache « point l’impression profonde que lui avaient fait les belles, les grandes pages de l’Aïda de Verdi » et avoue : « J’ai été wagnérien, beaucoup trop peut-être ; aujourd’hui j’admire le beau chez Wagner comme chez les autres musiciens. » Lors de la première de Werther à Paris en 1893, Ernest Reyer a d’ailleurs livré une perception plus juste de l’ouvrage : « On ne peut pas dire que la partition de Werther, où le leitmotiv d’ailleurs n’apparaît que fort rarement […] soit une partition wagnérienne. Par intermittence, tout au plus. Elle témoigne même d’un éclectisme dont la plupart des œuvres de mon jeune confrère ne me semblent pas porter la trace au même degré. »

Werther relève en effet tout d’abord du genre de l’opéra-comique, mais un opéra-comique modernisé où des épisodes dramatiques alternent avec

des scènes de comédie. Massenet poursuit ainsi les transformations d’un genre typiquement français qu’il avait déjà menées dans Manon (1884). Sensible à la cohésion stylistique entre livret et musique, le compositeur français reste fidèle à un principe, qui le guide constamment, selon lequel la nature du sujet appelle la forme musicale. Aussi, comme dans Manon dont l’action se passe au XVIIIe siècle, Massenet rend hommage à l’opéra-comique tout en écrivant une partition où se mêlent les influences les plus diverses. Le compositeur recherche en fait un idéal qui serait, selon lui, dans la fusion harmonique entre les écoles allemande, française et italienne. Cette ambition s’inspire de la philosophie éclectique du « juste milieu » de Victor Cousin, selon laquelle la France, par sa position géographique, serait une terre de synthèses. Elle s’observe avant tout dans la présence de formes closes (airs, duos) ou de lignes vocales héritées d’une tradition franco-italienne, reliées par des épisodes plus déclamés soutenus par un orchestre expressif et signifiant, situé, non pas dans une lignée wagnérienne, mais dans une tradition française. Le traitement singulier des motifs de rappel, qui a semé le trouble dès la création, diffère en effet de celui de Wagner. Les motifs de Werther, peu développés et peu nombreux, peuvent se diviser en trois catégories relativement distinctes contrairement à celle, plus uniforme, du maître de Bayreuth. Des motifs de situation assurent l’unité d’une scène ou d’un tableau, comme le motif du bal à l’acte I, et créent une unité sous-jacente à la conversation

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dialoguée des protagonistes, tandis que des motifs caractéristiques, liés à des sentiments ou à des personnages, reparaissent tout au long de l’opéra, le plus saillant, exposé dès les premières mesures, étant associé à Werther. Parallèlement, des thèmes clefs, phrases mélodiques assez longues issues d’un air ou d’un duo, resurgissent plus ponctuellement. Ainsi, le célèbre « Clair de Lune », qui soutient, à l’acte I, le premier duo de Werther et Charlotte, revient écourté à l’acte II, quand Werther fait revivre les souvenirs de la première rencontre amoureuse, puis à l’extrême fin lorsque Charlotte rend son baiser au jeune homme sur le point d’expirer. Ce principe structurel n’est pas nouveau puisqu’il existe déjà chez Grétry et Méhul, deux auteurs majeurs de l’histoire de l’opéra-comique qui assuraient déjà l’unité de leurs ouvrages avec des motifs de ce type, avant qu’ils ne soient suivis par Auber, Meyerbeer puis surtout Gounod ou Bizet. Massenet emprunte ainsi un chemin similaire à celui de Wagner qui, en comptant aussi Méhul « au nombre de ses précepteurs », reconnaissait sa dette envers ce compositeur français. Cependant, Massenet perpétue et développe une tradition française que Wagner assimile pour en tirer un art personnel qui s’inscrit dans un héritage contrapuntiste de la musique allemande.

Ainsi, comme dans Manon dont l’action se situe à la fin du XVIIIe siècle, les motifs récurrents de Werther ne se réfèrent pas aux procédés wagnériens, mais obéissent à un principe fondamental : le langage musical doit refléter le sujet

et son époque que Massenet et ses collaborateurs ont délibérément déplacée, comme l’indique un courrier du compositeur à Van Dyck à propos de la mise en scène : « La date de 178… était intentionnelle. C’était pour éviter le costume Louis XV !!! Aussi, en ne prenant pas soin de ce détail, nous serons cause d’un contresens entre l’expression musicale et le costume. – Vous avez bien raison d’insister pour l’époque Louis XVI… » L’intitulé générique « drame lyrique » renvoie dès lors à une acception éloignée de la dramaturgie de Wagner, mais propre à l’opéra-comique des années 1780 et 1790, et plus particulièrement à Barnabé-Farmian de Rozoi. Dans sa Dissertation sur le drame lyrique (1775), ce librettiste de Grétry définit « un genre intermédiaire entre l’opéra proprement dit et l’opéra bouffon » qui, en reposant sur le mélange de situations dramatiques et légères, préfigure la dramaturgie de Werther. Les librettistes de Massenet se sont d’ailleurs inspirés de la première adaptation lyrique du chef-d’œuvre de Goethe, Werther et Charlotte (1792), « drame lyrique » en un acte de Rodolf Kreutzer dont certaines scènes s’apparentent étroitement à celles de l’opéra de Massenet dont le livret s’en approprie des extraits.

Massenet s’inscrit en fait dans un mouvement plus large. Après la guerre de 1870, la Troisième République érige en modèle l’opéra français du XVIIIe siècle dans l’espoir de retrouver une gloire perdue sous le Second Empire qui aurait mené à la défaite. De nombreux musicographes étudient ce domaine du patrimoine musical alors que des musiciens,

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avides de formes d’expression opposées au théâtre wagnérien, en explorent les ressources. Dans le cas de l’opéra-comique, c’est renouer avec les spécificités d’un genre, dont la diffusion et l’influence en Europe, notamment sur Beethoven, Weber, Schumann ou Wagner, reflètent la grandeur passée de la France. Ainsi, Werther, comme Manon, rend plus précisément hommage à Méhul dont Massenet va se faire l’apologue peu avant la création parisienne de son drame lyrique. Dans un discours prononcé en hommage à son prédécesseur, il observe comment ce dernier « devait accomplir dans la forme de l’opéra-comique la même révolution que celle qu’avait accomplie Gluck dans l’opéra. » Puis il évoque une époque déterminante à ses yeux : « J’aime à me rapporter à ces temps héroïques de la musique où l’opéra moderne [...] sortait de ses langes, servi par une pléiade d’artistes qu’on appelait Cherubini, Lesueur, Spontini, Grétry, Berton ; et je dis moderne avec intention, car ce sont eux qui ont ouvert les voies que nous suivons encore. » Massenet revendique encore cette filiation lorsqu’il affirme, peu avant la première parisienne de Werther : « Dans la partition de Werther, l’orchestre représente symboliquement le principal personnage. » Or il ne fait que s’approprier des propos de Méhul : « Dans tout ouvrage dramatique musical, l’orchestre doit être le principal personnage. »

Mais, afin de traduire au mieux la psychologie de ses principaux personnages, Massenet s’est aussi laissé guider par les écrits des

théoriciens germaniques dont les idées reflètent les concepts préromantiques qui prévalaient en Allemagne à l’époque de Goethe. Pour se conformer aux remarques de Ferdinand Hand ou Chrétien Schubart notamment, qui attribuent un caractère précis à une tonalité, Massenet associe ré mineur à Werther, car cette tonalité exprime « le spleen et les vapeurs » (Schubart) et « des sentiments de mélancolie, les plaintes d’un cœur oppressé, mais sans force ; en même temps aussi une douleur déchirante » (Hand). Les écrits comme la musique du XVIIIe ne constituent cependant pas les seules références perceptibles dans Werther, même si elles restent essentielles. Parallèlement, Massenet se plaît à glisser des citations musicales intertextuelles qui, au-delà de simples clins d’œil, témoignent aussi bien de l’éclectisme évoqué que d’un goût marqué pour l’Histoire. Elles contribuent surtout à la caractérisation musicale des personnages. Ainsi, à l’acte II, lorsque Werther s’interroge sur la mort (« Ô Dieu ! qui m’a créé, serais-tu moins clément ? »), des échos de La Damnation de Faust (1846) de Berlioz résonnent à l’orchestre pour rendre hommage aussi bien à un autre héros goethéen qu’au plus illustre des compositeurs romantiques français. De même, le célèbre air d’Ossian, chanté par Werther à l’acte III, cite textuellement des mesures de La Juive (1835) d’Halévy au cours desquelles Éléazar a le pressentiment du martyre sur lequel s’achève cet opéra (« Je vois s’ouvrir la tombe »), ce qui préfigure musicalement la destinée tragique de Werther et les paroles que celui-ci prononce peu après : « Ma

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tombe peut s’ouvrir !... » Les couleurs wagnériennes, extraites de Tristan notamment, ont aussi une portée symbolique évidente : Massenet souligne le caractère impossible de l’amour de Werther pour Charlotte qui, tel celui unissant Tristan à Isolde, s’achève inéluctablement par la mort. Ainsi, malgré son terme générique, ses références germaniques et la densité de ses motifs récurrents, Werther ne saurait être assimilé à un ouvrage d’inspiration strictement

wagnérienne. Après la création autrichienne, le directeur de l’Opéra-Comique, Léon Carvalho, ne s’y trompait pas lorsqu’il écrit à Massenet : « Revenez-nous […] et rapatriez ce Werther que, musicalement, vous avez fait français. »

Jean-Christophe Branger Université Lumière Lyon 2

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Werther, passion

romantique, passion tragique

Par Marguerite Haladjian, mai 2021.

Werther, un roman culte En 1774, le libraire Weygand publie à Leipzig à l’occasion de la foire d’automne Les souffrances du jeune Werther, un mince roman par lettres en deux volumes, le premier ouvrage d’un jeune écrivain âgé de 25 ans inconnu du public. Dès sa parution, le livre provoque le scandale. Il est perçu par les autorités locales comme immoral car, constatent-elles, il fait l’apologie du suicide. Elles en interdisent la vente. Au contraire, cette censure suscite la curiosité et contribue à l’immense succès que le livre remporte. Cette publication devient rapidement un véritable événement littéraire. Le destin du

jeune et sentimental Werther fascine les lecteurs tant en Allemagne qu’à travers toute l’Europe. Plusieurs rééditions paraissent dès 1775 dont deux traductions en France en 1776. Johann Wolfgang von Goethe (1749 – 1832) accède à une prodigieuse célébrité. Les échos du werthérisme sont considérables. L’influence de l’ouvrage se prolonge à travers poèmes, romans, adaptations théâtrales. La littérature française porte particulièrement l’empreinte de cette peinture de l’amour mortifère d’une âme vulnérable et exaltée. Chateaubriand s’imprègne de l’histoire de Werther pour son René daté de 1802, Madame de Staël publie en 1803 Delphine, assimilée à un Werther au féminin. Le roman de

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Goethe inspire à Senancour Oberman (1804), Adolphe (1816) à Benjamin Constant, Les Confessions d’un enfant du siècle (1836) à Musset, Lamartine à son tour est sensible à cette littérature de l’intime comme en témoignent ses romans Raphaël (1849 et Graziella (1852). De George Sand à Stendhal, de Sainte-Beuve à Hugo, de Fromentin, Dominique (1863) à Flaubert, L’Education sentimentale (1870), un nombre impressionnant d’œuvres jusqu’à aujourd’hui sont héritières de cette littérature des passions malheureuses et des tourments de l’âme. Werther a modelé la sensibilité romantique des artistes et des écrivains de plusieurs générations.

Werther, au miroir de Goethe Werther fut écrit dans un moment de fulgurante inspiration. Goethe avoue dans son autobiographie Poésie et Vérité (1746) que son ouvrage fut achevé en quatre semaines sans un plan de l’ensemble conçu au préalable. Quelques années après sa parution, il remanie le roman et le publie dans une nouvelle édition en 1787. Des événements factuels se sont conjugués à des éléments biographiques pour accorder une valeur humaine à cette éducation sentimentale que Goethe a écrite, selon son propre aveu, avec le sang de son cœur. Elle doit beaucoup à l’expérience personnelle des débuts dans la vie du génial écrivain. Des mésaventures affectives, des échecs sentimentaux et un drame survenu à l’un de ses familiers qui s’est suicidé

par amour ont nourri et suscité le geste créateur du romancier naissant et libérer son besoin d’écriture. En mai 1772, Goethe se trouve dans la petite ville de Wetzlar, siège de la Cour suprême du Saint-Empire pour parfaire ses études de droit. Il tombe éperdument amoureux de Charlotte, la fille pleine de charme du bailli devenu veuf. Cette dernière s’occupe de ses nombreux frères et sœurs, mais l’amour que le jeune homme éprouve n’est pas partagé. Goethe quitte Wetzlar mais reste en correspondance avec la jeune femme qui a épousé un certain Kestner, secrétaire de la légation de Brême et forme avec lui un couple bourgeois. Goethe apprend que Karl-Wilhelm Jerusalem, un jeune ami qu’il avait côtoyé à Wetzlar, s’est suicidé avec le pistolet emprunté à Kestner, après avoir été repoussé par la femme dont il s’était épris. Ainsi, se dessine la mise en place du sujet et le développement de la trame dramatique, les personnages et le cadre du roman. L’imagination de Goethe a enfiévré l’amour de Werther. Cette passion née dans l’instant de la rencontre et l’attrait quasi charnel qu’il ressent pour Charlotte sont d’autant plus violents que la femme aimée se dérobe sans cesse et laisse une béance dans le cœur sensible de l’amoureux éconduit, impuissant.

Goethe s’était rapidement détaché d’une œuvre qui le renvoyait aux inquiétudes, aux sentiments douloureux de son aventure sentimentale dont le souvenir le hantait parfois. « Que Dieu me préserve de jamais être dans le cas d’écrire ou de pouvoir écrire un Werther ! », confie-t-il dans une lettre

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à une amie. Il évoque son héros comme le compagnon des erreurs de sa jeunesse. « J’ai survécu à mon Werther. », écrit Goethe en mai 1805 à Barthélemy Froberville, un auteur français qui lui avait dédié son roman. Mais dans la vieillesse, le retour des souffrances passées l’obsède. Il s’en ouvre dans une lettre à Eckermann (1792 – 1854) en 1824 et écrit à propos de Werther « Il y a là tellement de mon être intime, tant de mes pensées et de mes sentiments (…) Je n’ai lu qu’une fois ce livre après sa parution, et je me suis bien gardé de le relire ensuite. Ce sont de vraies fusées incendiaires – ce livre m’est pénible, et je crains d’éprouver de nouveau l’état pathologique où il a pris naissance. » Et pourtant, la jeunesse est cette étape obligée « où la félicité contrariée, l’action entravée, les désirs insatisfaits ne sont point des infirmités particulières à un temps, mais celle de tout homme », poursuit-il. Ainsi, chacun peut, selon le vœu de Goethe, revivre à la lecture de ce roman une part de sa propre vie entre jeunesse et maturité et reconnaître ses souffrances à travers celles ressenties par Werther. Cette identification éclaire aussi les raisons de l’immense succès de l’ouvrage.

Werther, une littérature du moiLe roman retrace la destinée tragique d’un être exalté, en quête d’un amour absolu, une âme contemplative en communion cosmique avec une nature idyllique, amante complice et mère bienveillante. Goethe présente la passion dans sa forme extrême

dont la fin violente témoigne de la force destructrice d’une blessure d’amour contrarié. Le récit est centré sur le désir naissant que les obstacles attisent, sur la frustration de désirs amoureux inassouvis qui provoquent un état dépressif et morbide et un refus devant l’action. À l’aube du romantisme, l’histoire bouleversante de ce héros solitaire, désespéré, inadapté au monde, est devenue emblématique du mal être de générations dont les aspirations à un idéal impossible à atteindre ont frappé les imaginations sensibles en calquant la vie sur la littérature jusqu’à provoquer des vagues de suicides.

La mode du roman épistolaire Si Werther a séduit par la nouveauté radicale de cette littérature de l’exaltation du moi, le roman s’inscrit par sa forme dans le genre de la littérature épistolaire éprouvé depuis les Lettres de la religieuse portugaise de 1669, mais, en vogue surtout à partir de 1750 sur le modèle de Pamela ou La Vertu récompensée (1740) du romancier anglais Samuel Richardson (1689 – 1761). Le roman par lettres se répand à travers l’Europe, en particulier en France avec La Nouvelle Héloïse (1761), le célèbre chef-d’œuvre de Jean-Jacques Rousseau. Cette forme d’écriture immédiate, vivante, valorise l’émergence de l’espace intime et les aspects de la subjectivité par l’attention portée aux mouvements sensibles de la vie intérieure, aux drames de la conscience, à l’émergence des

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émotions. Elle se prête à la confidence dans le présent de l’écriture. Fidèle au mode épistolaire, le roman de Goethe se compose pour une grande partie de lettres rédigées par Werther puis l’éditeur assure la fin du récit tout en joignant à sa narration des événements déroulés en décembre 1772, des documents dont la traduction des chants élégiaques d’Ossian parus en 1760 du poète écossais Macpherson (1736 – 1796) et des lettres de Werther. Nous le découvrons à travers les quatre-vingt-douze lettres de Werther dont la majorité est destinée à Wilhelm, l’ami hors-champ dont les réponses ne sont pas connues. Monologue intérieur ou journal intime, les lettres dévoilent une âme rêveuse, habité par son univers imaginaire nourri de lectures romanesques. Ne trouve-t-on pas sur son pupitre après son suicide le drame de Lessing Emilia Galotti (1772) dont le destin semble une métaphore de l’existence et du suicide de Werther ? La première lettre est datée du 4 mai 1771, adressée à l’ami et la dernière est une longue confession destinée à Charlotte rédigée à minuit le 22 décembre 1772, Werther meurt quelques heures plus tard le 23 décembre, il est enterré la nuit même. L’issue d’un amour voué à l’échec trouve sa résolution dans le suicide, un geste transgressif qui outrage les règles sociales, morales et religieuses de l’époque.

Werther, le temps et l’espace du récitLes événements qui ponctuent la narration s’inscrivent dans le cycle

des saisons et dans les lieux où se déroule l’action. La première lettre date de l’arrivée de Werther dans une petite ville assez désagréable, mais dont les environs sont enchanteurs. Le roman débute au mois de mai dans la douce et apaisante lumière du printemps et l’éveil de la nature. Depuis la colline du village de Wahlheim, les paysages qui s’offrent au regard émerveillé du héros forment un cadre paradisiaque où règnent pureté et innocence, où l’ardente sensibilité du héros pour la nature et la vie peut jouir de bonheurs simples. Mais le retour d’Albert, le fiancé, change la perspective. La dernière lettre du 10 septembre 1771 qui clôt le premier livre évoque le départ de Werther, mais c’est pour revenir au printemps de l’année suivante. L’espoir de créer autour de Charlotte, de son père et de ses frères et sœurs une stabilité affective s’est dissipé. Autre temps, désormais, Werther est un errant solitaire et blessé, un marginal qui rejette l’ordre de la société et ses contraintes. Tout ce qu’il désire se dérobe et la vie sans amour est impossible.

Du roman de Goethe à l’opéra de Massenet Le sujet de Werther semble particulièrement propice à sa mise en musique puisqu’il réunit toutes les conditions d’une action lyrique liée à un drame humain. Cependant, le passage d’un roman autobiographique par lettres à un opéra suppose un remodelage de

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la matière romanesque auquel se sont livrés les librettistes Blau et Millet. Selon les contraintes de la scène de théâtre, contraires à la durée romanesque, ils ont resserré l’action autour de quelques temps forts pour imprimer un rythme vif aux événements, modifié et surtout simplifié le profil des personnages principaux, en ont inventé d’autres plus secondaires. Dès le début de l’opéra les actions sont précipitées : rencontre entre Charlotte et Werther, coup de foudre, annonce du retour d’Albert le soir même. Werther comprend son malheur et pense aussitôt à la mort. L’espace romanesque accorde aux événements comme aux sentiments le temps d’évoluer. Ainsi, nous découvrons l’âme ténébreuse de Werther que Goethe analyse finement, sa soif de bonheur auprès d’une femme aimante et protectrice, ses fortes sensations devant la nature, l’intensité de sa vision panthéiste du monde, son rejet de la société, ses motivations tant affectives qu’intellectuelles et la lente maturation de la décision finale. Dans l’opéra, les raisons qui mènent au suicide sont purement d’ordre passionnel. Toute la complexité du héros est atténuée, voire banalisée. La Charlotte conçue par Goethe subit également des distorsions majeures. Jeune femme de devoir, sensible, accordée à la réalité qui l’entoure, elle perçoit la part de fantasme dans l’amour sublimé de Werther. Cependant, une harmonie des cœurs les unit, elle le comprend, le console, elle sent le danger qui menace cet être fragile qu’elle veut protéger. La Charlotte de l’opéra permet à Werther de deviner ses sentiments

amoureux à peine voilés, mais lui confesse le serment qu’elle a fait à sa mère mourante d’épouser Albert. Elle avouera à Werther son amour, mais trop tard, quand il quitte la vie…Albert, le troisième pôle du trio subit à son tour une transformation majeure. Le personnage de Goethe est lucide sur les sentiments de Werther pour Charlotte mais, il ne s’en inquiète pas vraiment, bien qu’une fois marié, il espère que l’amoureux se montre moins souvent. Il semble ne pas accorder crédits aux intentions suicidaires de Werther, ainsi il demande à son épouse de lui remettre les pistolets qu’il désire. Dans l’opéra, il se montre rapidement un mari soupçonneux, jaloux, qui constate avec dépit l’amour de Werther pour son épouse. Il devient cruel, sadique et criminel en ordonnant à Charlotte désespérée, de remettre au domestique les pistolets que Werther a demandés.

Ainsi, espace romanesque et déroulement scénique nous offrent deux œuvres pensées et conçues dans des esthétiques que tout semble opposer. À l’opéra, scènes colorées se succèdent pour restituer l’atmosphère au déroulement de l’intrigue, la lecture du roman nous plonge dans une âme en détresse. Aux profondes angoisses existentielles qu’expose le roman, l’opéra propose une tragédie de l’amour insatisfait. Vision métaphysique du monde d’un côté, approche sentimentale de l’autre d’une même sombre réalité, le désir d’aimer, le désespoir de vivre.

« J’ai rassemblé avec soin tout ce que j’ai pu recueillir de l’histoire du malheureux Werther, et je vous l’offre

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ici. Je sais que vous m’en remercierez. Vous ne pouvez refuser votre admiration, votre amour à son esprit et à son caractère, ni vos larmes à son sort », écrit Goethe dans son avertissement au lecteur. L’opéra de Massenet a fait sien ce don

à travers le prisme de la musique pour exprimer la drame d’une conscience ardente qui résonne avec le romantisme exalté du jeune Goethe, avec son destin poignant.

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1774 Parution du roman épistolaire de Goethe Les Souffrances du jeune Werther.

12 mai 1842 Naissance de Jules Massenet à Montaud (aujourd’hui quartier de Saint-Etienne), benjamin d’une famille de douze enfants dont huit sont issus d’un premier lit. Sa mère se prénomme Adelaïde Royer de Marancourt (1809 – 1875) et son père Alexis Massenet (1788 – 1863), polytechnicien, maître de forges et industriel fabriquant de lames de faux à Pont-Salomon.

1844 Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes de Berlioz.

1848 Déménagement de la famille Massenet à Paris. Jules a alors six ans et reçoit les premières leçons de piano de sa mère. Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand.

1851 2 déc. Coup d’Etat « péché originel du Second Empire » : le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III, empereur des Français. Construction de la cité de Rochechouart à Paris : 86 premiers logements sociaux. Entrée de Jules Massenet au Conservatoire de Paris pour y étudier le piano dans la classe d’Adolphe Laurent, l’orgue dans celle de François Benoist... et la composition dans celle d’Ambroise Thomas. Début de l’exil de Victor Hugo qui durera durant tout le Second Empire.

1852 La Dame aux camélias, Alexandre Dumas fils. Début du règne de Napoléon III.

9 juin 1853 Loi de généralisation de retraite par répartition pour les fonctionnaires avec départ à la retraite fixée à 60 ans, création de la pension de réversion.

1854 Chimères, Gérard de Nerval. La Barque de Dante, Edouard Manet.

1855 Exposition universelle. Création du théâtre Les Bouffes-Parisiens sur les Champs-Elysées. Début de la collaboration d’Offenbach avec ses deux librettistes fétiches Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Ba-ta-clan, chinoiserie musicale.

1856 Victor Hugo, Contemplations. Poursuite des écrivains Baudelaire, Eugène Sue et Flaubert par le Parquet de la Seine pour leurs œuvres contraires « à la morale publique et religieuse ».

1857 Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire. Madame Bovary, Gustave Flaubert. Disparition d’Alfred de Musset.

1859 Premier prix de piano de Massenet. Faust, de Charles Gounod, sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après la pièce de Goethe. Inauguration par César Franck de l’orgue Aristide Cavaillé-Coll de la nouvelle église Sainte-Clotilde de Paris.

1860 Rattachement de Nice et de la Savoie à la France par plébiscite. Desserrement progressif de la censure, libéralisation du droit de réunion. Création progressive des grands magasins comme Le Bon Marché, le Bazar de l’Hôtel de Ville, le Printemps et la Samaritaine.

1861 Début du chantier de l’Opéra Garnier.

1862 Salammbô, Gustave Flaubert. Les Misérables, Victor Hugo. Madeleine Brès obtient le droit de s’inscrire à la Faculté de médecine.

1863 Premier prix de contrepoint, Jules Massenet remporte le grand Prix de Rome avec sa cantate David Rizzio. Il est donc admis à la villa Médicis, rencontre Franz Liszt qui le prend d’affection et lui confie quelques élèves de piano, parmi lesquels se trouve Louis-Constance dite « Nino » de Gressy (1841 – 1938) que Massenet épouse en 1866. Ils auront une fille unique, Juliette (1868 – 1935). Suite n°1 pour orchestre (composée à la villa Médicis) et créée en 1867. Les Troyens d’Hector Berlioz.

Ces années-là…

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1864 Instauration du droit de grève (6 janvier). Décret impérial sur la « liberté des théâtres ». Alfred de Vigny, Les Destinées.

1865 Création d’Esméralda, opéra composé à la villa Médicis.

1866 Lors d’un voyage en train à Milan pour assister aux premières représentations en Italie d’Hérodiade à La Scala, Massenet, Georges Hartmann et Paul Milliet discutent du Werther de Goethe et des possibilités d’en faire un opéra. Pendant plusieurs années, Milliet se met au travail, en relation avec Hartmann, tandis que Massenet est accaparé par d’autres projets. Victor Duruy impose l’obligation pour chaque commune de plus de 500 habitants d’ouvrir une école primaire pour filles.

1867 Massenet fait jouer son opéra La Grand-Tante. Exposition universelle dans un Paris transformé par le baron Haussmann. Accueil de 10 millions de visiteurs et de têtes couronnées venues de toute l’Europe. Frédéric Bazille, portrait d’Auguste Renoir (Musée Fabre, Montpellier). Terrasse à Sainte-Adresse, Claude Monnet. La Grande-duchesse de Gérolstein, Jacques Offenbach.

1868 Disparition de Gioachino Rossini.

1869 Victoire d’une courte tête des candidats favorables à l’Empire face à l’opposition républicaine aux élections législatives de mai 1869. Inauguration du canal de Suez (17 nov.). Disparition d’Alphonse de Lamartine. Sarah Bernhardt est révélée au public parisien en jouant Le Passant de François Coppée au Théâtre de l’Odéon.

1870 Mobilisation de Massenet dans le conflit franco-prussien. Pour échapper au conflit franco-prussien de 1870, Offenbach déménage à Saint-Sébastien, en Pays Basque espagnol. Cette guerre porte un coup fatal à l’ascension du « petit Mozart des Champs-Elysées ». Il est assimilé à l’ancien régime, est attaqué pour ses origines germaniques. À l’effondrement de l’Empire, sa musique tombe en disgrâce. Sa citoyenneté française ne le met pas à l’abri des mauvais coups : La Grande-duchesse de Gérolstein est interdite en France. Succès du plébiscite sur l’« Empire libéral ». Il conforte les réformes entreprises par Napoléon III. 20.000 kilomètres de voies ferrées, 110 millions de voyageurs annuels, la France a rattrapé son retard. Suite à la défaite de Sedan, capture et reddition de Napoléon III et fin du Second Empire (4 sept.). Proclamation de la République.

1871 La Commune de Paris qui débute le 18 mars prend fin à la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai.

1872 Triomphe de Sarah Bernhardt dans le rôle de la Reine de Ruy Blas. Bizet, L’Arlésienne.

1873 Premiers succès de Massenet avec l’oratorio Marie-Magdeleine, Don César de Bazan, Le Roi de Lahore.

1875 Janvier Inauguration de l’opéra Garnier à Paris. 3 mars : Première de Carmen de Bizet avec Célestine Galli-Marié dans le rôle-titre. Autoportrait, Paul Gauguin. Lamento pour orchestre de Massenet, dédié à Georges Bizet.

1876 Mallarmé, L’Après-midi d’un faune. Camille Saint-Saëns, Samson et Dalila.

1877 Emile Zola, L’Assommoir. Mort d’Adolphe Thiers.

1878 Nomination de Massenet au Conservatoire de Paris. Il compte Alfred Bruneau, Gustave Charpentier, Ernest Chausson, Georges Enesco, Reynaldo Hahn, Charles Koechlin, Albéric Magnard, Max d’Ollone, Gabriel Pierné, Henri Rabau et Florent Schmitt parmi ses élèves. Exposition universelle de Paris.

1879 Offenbach, La Fille du tambour-major.

1880 Disparition d’Offenbach à Paris à l’âge de 61 ans.

1881 Création posthume des Contes d’Hoffmann, orchestration achevée par Ernest Guiraud.

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1884 Création de Manon, un de ses ouvrages les plus populaires, à l’Opéra-Comique d’après Manon Lescaut de l’abbé Prévost.

Eté 1885 – juil. 1887 Massenet jette sur le papier les premières esquisses de Werther à Etretat, d’après le roman épistolaire Les Souffrances du jeune Werther de Goethe, son futur plus grand succès. Carvalho, le directeur de l’Opéra Comique juge l’ouvrage triste, sans intérêt et pour tout dire, condamné d’avance. Disparition de Victor Hugo à 83 ans.

16 août 1886Achèvement de la partition piano-chant de Werther, Massenet peut se détendre, il part assister à Parsifal à Bayreuth.

1888 Alfred Jarry, Ubu roi. Inauguration du Grand-Théâtre de Montpellier. La Société des Concerts Symphoniques tient ses réunions musicales dans la salle Molière.

1889 Massenet, Esclarmonde. Début de la diffusion de treize opéras de Massenet à Montpellier, notamment le trio populaire Hérodiade, Manon et Werther (et 99 reprises rien que pour ce troisième titre).

1891 Jules Massenet, Le Mage.

16 février 1892 Création de Werther à l’Opéra impérial de Vienne, cinq années après avoir terminé l’œuvre, suivie par des productions bien accueillies à Weimar et Genève. Henri de Toulouse-Lautrec, Le Baiser.

Janvier 1893Première représentation triomphale à l’Opéra Comique (logé temporairement au Théâtre-Lyrique, place du Châtelet, aujourd’hui Théâtre de la Ville). L’ouvrage tient l’affiche pendant deux saisons. Entrée au répertoire à partir de 1903, reprise chaque année pendant dix ans.

26 mars – 2 avril 1897Massenet descend à Montpellier à l’invitation de la direction de l’Opéra pour présider le 1er festival qui lui est dédié.

Janvier 1900Retour de Massenet à Montpellier où il séjourne chez son ami Ernest Michel, directeur du Musée. Hommage lui est rendu à l’Opéra où il écoute l’orchestre jouer (salle debout !) la Méditation de Thaïs.

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Participant de l’engouement qui saisit l’Europe entière pour ce personnage, ses émois, son destin funeste, Madame de Staël redonne ses lettres de noblesse à une figure reniée par son auteur et que l’on rend coupable d’avoir causé plus de suicides que la plus belle femme du monde.

« Ce qui est sans égal et sans pareil, c’est Werther : on voit là tout ce que le génie de Goethe pouvait produire quand il était passionné. L’on dit qu’il attache maintenant peu de prix à cet ouvrage de sa jeunesse ; l’effervescence d’imagination, qui lui inspira presque de l’enthousiasme pour le suicide, doit lui paraître maintenant blâmable. Quand on est très jeune, la dégradation de l’être n’ayant en rien commencé, le tombeau ne semble qu’une image poétique, qu’un sommeil environné de figures à genoux qui nous pleurent ; il n’en est plus ainsi même dès le milieu de la vie, et l’on apprend alors pourquoi la religion, cette science de l’âme, a mêlé l’horreur du meurtre à l’attentat contre soi-même.Goethe néanmoins aurait grand tort de dédaigner l’admirable talent qui se manifeste dans Werther ; ce ne sont pas seulement les souffrances

de l’amour, mais les maladies de l’imagination dans notre siècle, dont il a su faire le tableau ; ces pensées qui se pressent dans l’esprit sans qu’on puisse les changer en actes de la volonté ; le contraste singulier d’une vie beaucoup plus monotone que celle des Anciens, et d’une existence intérieure beaucoup plus agitée, causent une sorte d’étourdissement semblable à celui qu’on prend sur le bord de l’abîme, et la fatigue même qu’on éprouve après l’avoir longtemps contemplé peut entraîner à s’y précipiter. Goethe a su joindre à cette peinture des inquiétudes de l’âme, si philosophique dans ses résultats, une fiction simple, mais d’un intérêt prodigieux. Si l’on a cru nécessaire dans toutes les sciences de frapper les yeux par les signes extérieurs, n’est-il pas naturel d’intéresser le cœur pour y graver de grandes pensées ? [...] »(II, 28, Des romans)

« Les philosophes anglais ont fondé, comme nous l’avons dit, la vertu sur le sentiment, ou plutôt sur le sens moral ; mais ce système n’a nul rapport avec la moralité sentimentale dont il est ici question ; cette moralité, dont le nom et l’idée n’existent guère qu’en Allemagne, n’a rien de philosophique, elle fait seulement

Paroles d’admiratrice

Madame de Staël, De l’Allemagne, 1813.

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un devoir de la sensibilité, et porte à mésestimer ceux qui n’en ont pas. [...] En Allemagne, où l’on veut réduire en préceptes toutes les impressions, on a considéré comme immoral ce qui n’était pas sensible et même romanesque. Werther avait tellement mis en vogue les sentiments exaltés que presque personne n’eût osé se montrer sec et froid, quand même on aurait eu ce caractère naturellement. De là cet enthousiasme obligé pour la lune, les forêts, la campagne et la solitude ; de là ces maux de nerfs, ces sons de voix maniérés, ces regards

qui veulent être vus, tout cet appareil enfin de la sensibilité, que dédaignent les âmes fortes et sincères. L’auteur de Werther s’est moqué le premier de ces affectations ; néanmoins, comme il faut qu’il y ait en tout pays des ridicules, peut-être vaut-il mieux qu’ils consistent dans l’exagération un peu niaise de ce qui est bon, que dans l’élégante prétention à ce qui est mal [...] »(III, 18, De la disposition romanesque dans les affections du cœur)

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«Parmi les jeunes gens, lorsque l’on s’est bien moqué d’un pauvre amoureux et qu’il a quitté le salon, ordinairement la conversation finit par agiter la question de savoir s’il vaut mieux prendre les femmes comme le don Juan de Mozart, ou comme Werther. […]L’amour à la Werther ouvre l’âme à tous les arts, à toutes les impressions douces et romantiques, au clair de lune, à la beauté des bois, à celle de la peinture, en un mot au sentiment et à la jouissance du beau, sous quelque forme qu’il se présente, fût-ce sous un habit de bure. Il fait trouver le bonheur même sous les richesses. Ces âmes-là […] deviennent folles par excès de sensibilité comme Rousseau. Les femmes douées d’une certaine élévation d’âme qui, après la première jeunesse, savent voir l’amour où il est, et quel est cet amour, échappent en général aux don Juan qui ont pour eux plutôt le nombre que la qualité des conquêtes. Remarquez, au désavantage de la considération des âmes tendres, que la publicité est nécessaire au triomphe des don Juan, comme le secret à ceux des Werther. La plupart des gens qui s’occupent de femmes par état sont nés au sein d’une grande aisance, c’est-à-dire

sont, par le fait de leur éducation et par l’imitation de ce qui les entourait dans leur jeunesse, égoïstes et secs. Les vrais don Juan finissent même par regarder les femmes comme le parti ennemi, et par se réjouir de leurs malheurs de tous genres. […] Ce qui me fait croire les Werther plus heureux, c’est que don Juan réduit l’amour à n’être qu’une affaire ordinaire. Au lieu d’avoir, comme Werther, des réalités qui se modèlent sur ses désirs, il a des désirs imparfaitement satisfaits par la froide réalité, comme dans l’ambition, l’avarice et les autres passions. Au lieu de se perdre dans les rêveries enchanteresses de la cristallisation, il pense comme un général au succès de ses manoeuvres, et, en un mot, tue l’amour, au lieu d’en jouir plus qu’un autre, comme croit le vulgaire.Ce qui précède me semble sans réplique. Une autre raison qui l’est pour le moins autant à mes yeux, mais que, grâce à la méchanceté de la providence, il faut pardonner aux hommes de ne pas reconnaître, c’est que l’habitude de la justice me paraît, sauf les accidents, la route la plus assurée pour arriver au bonheur, et les Werther ne sont pas scélérats. Pour être heureux dans le crime, il

Destins d’amoureux

Stendhal, Werther et don Juan, in De l’Amour, 1822, livre 2, chap. 59.

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faudrait exactement n’avoir pas de remords […]. Il faudrait, ce qui est impossible, n’avoir exactement pas de sympathie, ou pouvoir mettre à mort le genre humain. Les gens qui ne connaissent l’amour que par les romans éprouveront une répugnance naturelle en lisant ces phrases en faveur de la vertu en amour. C’est que, par les lois du roman, la peinture de l’amour vertueux est essentiellement ennuyeuse et peu intéressante. Le sentiment de la vertu paraît ainsi de loin neutraliser celui de l’amour, et les paroles amour vertueux semblent synonymes d’amour faible. Mais tout cela est une infirmité de l’art de peindre, qui ne fait rien à la passion telle qu’elle existe dans la nature.Je demande la permission de faire le portrait du plus intime de mes amis. Don Juan abjure tous les devoirs qui le lient au reste des hommes. Dans le grand marché de la vie, c’est un marchand de mauvaise foi qui prend toujours et ne paye jamais. L’idée de l’égalité lui inspire la rage que l’eau donne à l’hydrophobe ; c’est pour cela que l’orgueil de la naissance va si bien au caractère de don Juan. Avec l’idée de l’égalité des droits disparaît celle de la justice, ou plutôt si don Juan est sorti d’un sang illustre, ces idées communes ne l’ont jamais approché ; et je croirais assez qu’un homme qui porte un nom historique est plus disposé qu’un autre à mettre le feu à une ville pour se faire cuire un œuf. Il faut l’excuser ; il est tellement possédéde l’amour de soi-même, qu’il arrive au point de perdre l’idée du mal qu’ilcause, et de ne voir plus que lui dans l’univers qui puisse jouir ou souffrir.Dans le feu de la jeunesse, quand toutes les passions font sentir la vie dans notre propre cœur et éloignent

la méfiance de celui des autres, don Juan, plein de sensations et de bonheur apparent, s’applaudit de ne songer qu’à soi, tandis qu’il voit les autres hommes sacrifier au devoir ; il croit avoir trouvé le grand art de vivre. Mais, au milieu de son triomphe, à peine à trente ans, il s’aperçoit avec étonnement que la vie lui manque, il éprouve un dégoûtcroissant pour ce qui faisait tous ses plaisirs […]. L’amour à la don Juan est un sentiment dans le genre du goût pour la chasse. C’est un besoin d’activité qui doit être réveillé par des objets divers et mettant sans cesse en doute votre talent. L’amour à la Werther est comme le sentiment d’un écolier qui fait une tragédie et mille fois mieux ; c’est un but nouveau dans la vie, auquel tout se rapporte, et qui change la face de tout.L’amour-passion jette aux yeux d’un homme toute la nature avec ses aspects sublimes, comme une nouveauté inventée d’hier. Il s’étonne de n’avoir jamais vu le spectacle singulier qui se découvre à son âme. Tout est neuf, tout est vivant, tout respire l’intérêt le plus passionné. Un amant voit la femme qu’il aime dans la ligne d’horizon de tous les paysages qu’il rencontre, et faisant cent lieues pour aller l’entrevoir un instant, chaque arbre, chaque rocher lui parle d’elle d’une manière différente et lui en apprend quelque chose de nouveau. Au lieu du fracas de ce spectacle magique, don Juan a besoinque les objets extérieurs, qui n’ont de prix pour lui que par leur degré d’utilité, lui soient rendus piquants par quelque intrigue nouvelle. L’amour à la Werther a de singuliers plaisirs ; après un an ou deux, quand l’amant n’a plus, pour

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ainsi dire, qu’une âme avec ce qu’il aime, et cela, chose étrange, même indépendamment des succès en amour, même avec les rigueurs de sa maîtresse, quoi qu’il fasse ou qu’il voie, il se demande : « Que dirait-elle si elle était avec moi ? Que lui dirais-je de cette vue de Casalecchio ? » Il lui parle, il écoute ses réponses, il rit des plaisanteries qu’elle lui fait. À cent lieues d’elle et sous le poids de sa colère, il se surprend à se faire cette réflexion : « Léonore était fort gaie ce soir ». Il se réveille : « Mais, mon Dieu ! se dit-il en soupirant, il y a des fous à Bedlam qui le sont moins que moi ! » […] Que cherche-t-on par l’inconstance ? Le plaisir apparemment. Mais le plaisir que l’on rencontre auprès d’une jolie femme désirée quinze jours et gardée trois mois, est différent du plaisir que l’on trouve avec une maîtresse désirée trois ans et gardée dix. Si je ne mets pas toujours, c’est qu’on dit que la vieillesse, changeant nos organes, nous rend incapables d’aimer ; pour moi, je n’en crois rien. Votre maîtresse, devenue votre amie intime, vous donne d’autres plaisirs, les plaisirs de la vieillesse. C’est une fleur qui, après avoir été rose le matin, dans la saison des fleurs, se change en un fruit délicieux le soir, quand les roses ne sont plus de saison. Une maîtresse désirée trois ans est réellement maîtresse dans toute la force du terme ; on ne l’aborde qu’en tremblant, et, dirais-je aux don Juan, l’homme qui tremble ne s’ennuie pas. Les plaisirs de l’amour sont toujours en proportion de la crainte. Le malheur de l’inconstance, c’est l’ennui ; le malheur de l’amour-passion, c’est le désespoir et la mort. On remarque les désespoirs d’amour ;

ils font anecdote ; personne ne fait attention aux vieux libertins blasés qui crèvent d’ennui et dont Paris est pavé. « L’amour brûle la cervelle à plus de gens que l’ennui. » – Je le crois bien, l’ennui ôte tout, jusqu’au courage de se tuer. Il y a tel caractère fait pour ne trouver le plaisir que dans la variété. Mais un homme qui porte aux nues le vin de Champagne aux dépens du bordeaux ne fait que dire avec plus ou moins d’éloquence : « J’aime mieux le champagne ». Chacun de ces vins a ses partisans, et tous ont raison, s’ils se connaissent bien eux-mêmes, et s’ils courent après le genre de bonheur qui est le mieux adapté à leurs organes et à leurs habitudes. Ce qui gâte le parti de l’inconstance, c’est que tous les sots se rangent de ce côté par manque de courage. Mais enfin chaque homme, s’il veut se donner la peine de s’étudier soi-même, a son beau idéal, et il me semble qu’il y a toujours un peu de ridicule à vouloir convertir son voisin. »

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LivretACTE IPréludeLa maison du bailli (juillet 178...)(À gauche, la maison à large baie vitrée, avec une terrasse praticable, couverte de feuillages, précédée d’un escalier en bois. À droite, le jardin. Au fond, une petite porte à claire voie. Au loin, les maisons du bourg et la campagne.Au premier plan, une fontaine. Au lever du rideau, le bailli est assis sur la terrasse, au milieu de ses six enfants qu’il fait chanter. Le rideau se lève sur un grand éclat de rire très prolongé des enfants.)

Le bailli (grondant)

Assez ! Assez !M’écoutera-t-on cette fois ?Recommençons ! Recommençons !Surtout pas trop de voix ! Pas trop de voix!

Les enfants (chantant avec brusquerie, très fort et sans nuances)

Noël ! Noël ! Noël !Jésus vient de naître,Voici notre divin maître...

Le bailli (se fâchant)

Mais non ! Ce n’est pas ça !Non ! Non ! Ce n’est pas ça !(sévèrement) Osez-vous chanter de la sorteQuand votre sœur Charlotte est là !Elle doit tout entendre au travers de la porte !

Les enfants ont paru tout émus, au nom de Charlotte : ils reprennent le Noël avec gravité.)

Les enfants

Noël ! Noël !

Le bailli (avec satisfaction)

C’est bien ! C’est bien !

Les enfants

Jésus vient de naître ! Voici notre divin maître, rois et bergers d’Israël ! Dans le firmament, des anges gardiens fidèles ont ouvert grandes leurs ailes et s’en vont partout chantant : Noël !

Les enfants et le bailli

Noël !

Les enfants

Jésus vient de naître ! Voici notre divin maître, rois et bergers d’Israël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

Le bailli

C’est bien cela ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

(Johann et Schmidt qui s’étaient arrêtés à la porte du jardin pour écouter le chœur d’enfants derrière la haie, sont entrés dans la cour.)

Johann

Bravo pour les enfants !

Schmidt

Bravo pour le couplet !

Les enfants (accourant joyeusement)

Ah ! Monsieur Schmidt ! Ah ! Monsieur Johann !

(Schmidt et Johann embrassent les enfants et les félicitent.) 

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Johann (au bailli)

Eh ! Mais, j’y pense vous chantez Noël en juillet. bailli, c’est s’y prendre à l’avance !

Le bailli (qui est descendu et serre la main à ses amis)

Cela te fait rire, Johann ! Mais quoi ? Tout le monde n’est pas artiste comme toi. Et ce ne sont point bagatelles que d’apprendre le chant… (avec importance)… le chant, à ces jeunes cervelles !

Schmidt (à Sophie qui vient d’entrer)

Bonjour, Sophie ! Eh ! Eh ! Charlotte n’est pas loin...

Sophie (lui faisant une révérence)

En effet, monsieur Schmidt, puisque nous prenons soin, Charlotte et moi, de la famille.

Johann (au bailli)

Hein, le superbe temps ! Viens-tu ?

Le bailli (à Johann)

Dans un instant.

Sophie (à Johann, continuant la conversation)

Ma sœur s’habille pour le bal...

Le bailli (à Schmidt)

Oui, ce bal d’amis et de parents que l’on donne à Wetzlar. On vient prendre Charlotte.

Schmidt

C’est donc cela ! Koffel a mis sa redingote, Steiner a retenu le cheval du brasseur, Hoffmann a sa calèche et Goulden sa berline. Enfin, monsieur Werther m’a paru moins rêveur !

Le bailli (à ses deux amis)

Fort bien, ce jeune homme.

Johann

Oui, mais pas fort en cuisine...

Le bailli (insistant)

Il est instruit... très distingué...

Schmidt (vivement)

Un peu mélancolique...

Johann

Ah ! Certes ! Jamais gai !

Le bailli (poursuivant son idée)

Le Prince lui promet, dit-on, une ambassade. Il l’estime et lui veut du bien...

Johann (avec mépris)

Un diplomate ! Bah ! Ça ne vaut rien à table !

Schmidt (de même)

Ça ne sait pas boire une rasade !

Johann (au bailli en lui tendant les mains)

À tout à l’heure au Raisin d’or.

Schmidt (de même)

Oui, tu nous dois une revanche.

Le bailli (se récriant)

Encor !

Johann (revenant sur ses pas)

Dame ! Et puis, c’est le jour des écrevisses ! Grosses comme le bras, Gretchen nous l’a promis...

Le bailli

Ô les gourmands ! Les deux complices ! (Les deux hommes font mine de se retirer.)  Vous n’attendez donc pas Charlotte, mes amis ?

Page 49: Jules Massenet - opera-orchestre-montpellier.fr

Schmidt (à Johann)

Nous la verrons ce soir. Nous voulons faire un petit tour sur le rempart.

Le bailli (souriant, à Johann)

Pour t’ouvrir l’appétit ? 

Johann (un peu grognon, à Schmidt)

Toujours il exagère... Allons, viens, il est tard !

Schmidt (revenant au bailli)

À propos ! Quand Albert revient-il ?

Le bailli (simplement)

Je l’ignore, il ne m’en parle pas encore, mais il m’écrit que ses affaires vont au mieux.

Schmidt

Parfait ! Albert est un garçon brave et fidèle, c’est un mari modèle pour ta Charlotte, et nous, les vieux, nous danserons à perdre haleine à la noce prochaine ! (les deux hommes, s’en allant bras dessus bras dessous, gaîment) Eh ! Bonsoir, les enfants !

Johann (gaîment)

Bonsoir, les enfants !

Schmidt (au bailli, plus bas)

À tantôt !

Johann (de même)

À tantôt !

Le bailli

Oui ! Bonsoir ! Bonsoir !

Sophie, Johann et les enfants

Bonsoir ! Bonsoir !

Johann et Schmidt (à pleine voix)

Vivat Bacchus ! Semper vivat !

Le bailli (aux enfants)

Rentrez ! Nous redirons notre Noël ce soir, avant goûter, note par note ! (Le bailli a remonté l’escalier et une fois dans la maison...)Sophie, il faut aller voir ce que fait Charlotte.

(Sophie sort. Le bailli s’installe dans le fauteuil de cuir à crémaillère. Les plus jeunes de ses enfants se blottissent sur ses genoux et écoutent religieusement la leçon qu’il leur donne. La baie vitrée est à demi fermée. Werther, accompagné d’un jeune paysan, s’avance dans la couret regarde curieusement la maison.) 

Werther (au paysan)

Alors, c’est bien ici la maison du bailli ? (congédiant son guide) Merci. (seul, Werther pénètre plus avant dans la cour et s’arrête devant la fontaine.) Je ne sais si je veille ou si je rêve encore ! Tout ce qui m’environne a l’air d’un paradis. Le bois soupire ainsi qu’une harpe sonore, Un monde se révèle à mes yeux éblouis ! Ô nature, pleine de grâce, reine du temps et de l’espace daigne accueillir celui qui passe et te salue, humble mortel ! Mystérieux silence ! Ô calme solennel ! Tout m’attire et me plaît ! Ce mur, et ce coin sombre... Cette source limpide et la fraîcheur de l’ombre. Il n’est pas une haie, il n’est pas un buisson où n’éclose une fleur, où ne passe un frisson ! Ô nature ! Enivre-moi de parfums, Mère éternellement jeune, adorable et pure ! Ô nature ! Et toi, soleil, viens m’inonder de tes rayons !

Les enfants (dans l’intérieur de la maison)

Jésus vient de naître ! Voici notre divin maître, rois et bergers d’Israël !

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Dans le firmament des anges gardiens fidèles ont ouvert grandes leurs ailes, et s’en vont partout chantant : Noël !

Werther (écoutant)

Chers enfants ! (à lui-même) Ici-bas rien ne vaut les enfants ! Chers enfants ! Autant notre vie est amère... autant leurs jours sont pleins de foi, leur âme, pleine de lumière ! Ah ! Comme ils sont meilleurs que moi !

(Werther va jusqu’à la fontaine et reste un instant dans une calme contemplation. Charlotte entre : les enfants quittent les bras du bailli et sautent au-devant d’elle.) 

Les enfants

Charlotte ! Charlotte !

Charlotte (au bailli)

Eh ! bien père, es-tu content d’eux ?

Le bailli

Content, content ! Ce n’est pas merveilleux !

Les enfants (entourant Charlotte)

Si, père est très content ! Très content ! Très content !

Le bailli (embrassant sa fille et admirant sa toilette)

Comme te voilà belle, mignonne !

Les enfants

Oh ! Mais c’est vrai !

Le bailli

Venez, Mademoiselle, qu’on vous regarde ! Nos amis seront jaloux !

Charlotte (souriante)

Nos amis ne sont pas exacts au rendez-vous, voilà ce dont je suis bien sûre ! Et j’en vais profiter pour donner le goûter aux enfants.

(Charlotte va chercher sur le buffet un immense pain rond qu’elle se dispose à couper en tartines et qu’elle va distribuer aux enfants. On entend dans le lointain les grelots d’un cheval et le bruit d’une voiture.) 

Le bailli

Hâte-toi, car j’entends la voiture !

(Les enfants se pressent autour de Charlotte, les mains tendues vers elle. Werther qui a monté l’escalier, s’arrête et contemple un moment ce spectacle sans être vu. À mesure qu’ils reçoivent leur goûter, les enfants s’en vont en sautant) 

Hans

Merci !

Gretel

Merci !

Hans et Gretel

Merci, grande sœur !

Karl

Merci !

Clara

Merci !

Karl et Clara

Merci, grande sœur !

Max

Merci !

Fritz

Merci !

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Le bailli (apercevant Werther et allant au-devant de lui)

Ah ! Monsieur Werther ! Vous venez visiter mon petit ermitage... Mieux, mon petit royaume, et j’en suis vraiment fier. (lui présentant Charlotte)  Ma fille, qui prend soin de ce ménage et de tous ces enfants gâtés depuis le jour où leur mère nous a quittés !

Charlotte (simplement)

Pardonnez-moi, monsieur, de m’être fait attendre, mais je suis en effet une maman très tendre, et mes enfants exigent que ma main leur coupe chaque jour leur pain !

(Les invités entrent dans la cour. Le bailli va à leur rencontre ainsi que Sophie qui reparaît toute rieuse.) 

Le bailli

Arrivez donc, Brühlmann ! Charlotte est prête ! On vous attend !(Brühlmann marche côte à côte avec Kätchen. Ils vont les yeux dans les yeux et ne font même pas attention au bailli qui les suit en riant.) 

Brühlmann (avec un soupir d’extase)

Klopstock !

Kätchen (avec ravissement)

Divin Klopstock !

Le bailli (riant, à Brühlmann)

Bavards ! Vous direz le reste à la fête... un aussi long discours vous mettrait en retard !

(Werther est resté muet et interdit en regardant Charlotte, et quand la jeune fille se tourne vers la glace pour mettre son écharpe, il saisit le plus jeune des enfants et l’embrasse. L’enfant a peur de cet élan de tendresse.) 

Charlotte (à l’enfant que Werther a saisi dans ses bras)

Embrasse ton cousin !

Werther (se relevant, étonné)

Cousin ? Suis-je bien digne de ce nom ?

Charlotte (enjouée)

En effet, cousin ! C’est un honneur insigne... Mais... nous en avons tant qu’il serait bien fâcheux que vous fussiez le plus mauvais d’entre eux ! (Werther s’éloigne en regardant Charlotte.) (à Sophie, avec autorité, sans sévérité, en lui montrant les enfants) Tu me remplaceras, Sophie, tu sais, je te les confie ! (aux enfants) Vous serez sages comme avec moi ?

Sophie

Oui, mais ils aimeraient bien mieux que ce fût toi !

Werther (avec extase, tandis que Charlotte embrasse les enfants)

Ô spectacle idéal d’amour et d’innocence, où mes yeux et mon cœur sont ravis à la fois ! Quel rêve... de passer... une entière existence... calmé par ses regards et bercé par sa voix !

(La plupart des invités est déjà presque sortie ; restent encore Brühlmann et Kätchen, absorbés et silencieux, près de la fontaine. Charlotte est prête maintenant, elle descend dans la cour. Werther va à sa rencontre. Sophie et les enfants forment un groupe sur la terrasse et envoient des baisers à leur grande sœur.) 

Le bailli (saluant Werther)

Monsieur Werther !

Charlotte

Adieu... père !

Le bailli (à Charlotte)

Adieu, ma chérie...

(Charlotte et Werther s’éloignent suivis d’un groupe d’invités. Brühlmann et Kätchen s’en vont les derniers sans avoir dit une parole.) 

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Page 52: Jules Massenet - opera-orchestre-montpellier.fr

Le bailli (avec bonhomie, les regardant en souriant)

À ceux-là ne souhaitons rien ! Klopstock ! Divin Klopstock ! L’extase magnétique ! Cela me paraît sans réplique !

(Sophie a fait rentrer les enfants dans la maison.) 

Le bailli (tout en fredonnant, va chercher sa longue pipe en porcelaine qu’il a décrochée du râtelier)

Vivat Bacchus ! Semper vivat ! (en fredonnant) Vivat Bacchus ! Semper vivat Bacchus ! (Il s’installe toujours fredonnant et d’un air un peu gêné, dans son large fauteuil et se dispose à fumer.) Vivat Bacchus ! Semper vivat !

Sophie (a reparu et sourit en voyant le bailli : elle a été tout doucement prendre dans le coin de la chambre la canne et le chapeau du bailli qu’elle lui apporte gentiment, avec malice)

Et qui donc a promis d’aller au Raisin d’or ?

Le bailli (d’un ton embarrassé)

Qui ? Moi ? Te laisser seule ?

Sophie

Eh bien ?

Le bailli (fredonnant entre ses dents)

La la la la la la la la la la la ! Non !

Sophie (gravement)

Je l’exige ! Schmidt et Johann doivent t’attendre encor.

Le bailli (se laissant convaincre et prenant le chapeau et la canne des mains de Sophie)

Rien qu’un moment... alors... (Il s’éloigne, se retournant, à Sophie) au fait promesse oblige !

(Sophie accompagne le bailli et ferme la porte de la rue sur lui. La nuit tombe peu à peu. Albert paraît, il vient du jardin, un manteau sur le bras. Il est entré doucement et interroge la maison du regard. Il s’approche et aperçoit Sophie qui redescend.) 

Albert

Sophie !

Sophie (reconnaissant Albert)

Albert ! Toi de retour ?

Albert

Oui, moi, petite sœur, bonjour !

(Il l’embrasse.) 

Sophie

Que Charlotte sera contente de te revoir !

Albert

Elle est ici ?

Sophie

Non, pas ce soir ! Elle qui jamais ne s’absente. (plus accentué) Aussi, pourquoi n’as-tu pas prévenu ?

Albert (simplement)

J’ai voulu vous surprendre... Parle-moi d’elle, au moins ! Il me tarde d’apprendre si de moi l’on s’est souvenu ? Car c’est bien long, six mois d’absence...

Sophie (avec simplicité)

Chez nous, aux absents (tendrement)  chacun pense, et d’ailleurs, n’es-tu pas son fiancé ?

Albert (joyeux)

Ah chère enfant ! Et que s’est-il passé ?

Sophie

Rien... on s’est occupé de votre mariage...

Albert

De notre mariage !

Sophie

On y dansera... dis ?

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Albert

Beaucoup... et davantage ! (avec chaleur) Oui, je veux que pour tous il y ait du bonheur... j’en ai tant au fond du cœur ! (reconduisant Sophie jusqu’au perron)  Va, rentre : j’ai peur qu’on t’appelle et qu’on apprenne mon retour : n’en dis rien, je serai près d’elle dès le lever du jour.

Sophie (rentrant)

À demain, à demain, à demain...(gentiment)  Monsieur mon beau-frère.

(Elle ferme la porte vitrée.) 

Albert (seul)

Elle m’aime ! Elle pense à moi ! Quelle prière de reconnaissance et d’amour monte de mon cœur à ma bouche ! Oh ! Comme à l’heure du retour un rien nous émeut et nous touche...et comme tout possède un charme pénétrant ! Ah ! Je voudrais qu’en rentrant Charlotte retrouvât les pensers que je laisse : tout mon espoir et toute ma tendresse !

(Il s’éloigne lentement. La nuit est venue. La lune éclaire la maison peu à peu. Charlotte et Werther paraissent à la porte du jardin. Ils viennent lentement, se tenant par le bras, et ne s’arrêtent qu’au bas du perron où tous deuxrestent un moment silencieux.) 

Charlotte (simplement)

Il faut nous séparer. Voici notre maison, c’est l’heure du sommeil.

Werther (plus accentué)

Ah ! Pourvu que je voie ces yeux toujours ouverts, ces yeux, mon horizon, ces doux yeux : mon espoir et mon unique joie... Que m’importe à moi le sommeil ? Les étoiles et le soleil peuvent bien dans le ciel tour à tour reparaître, j’ignore s’il est jour...

j’ignore s’il est nuit ! (doux et calme) Mon être demeure indifférent à ce qui n’est pas toi !

Charlotte (souriant)

Mais vous ne savez rien de moi.

Werther (pénétré)

Mon âme a reconnu votre âme, Charlotte, et je vous ai vue assez pour savoir quelle femme vous êtes !

Charlotte (souriant)

Vous me connaissez ?

Werther (grave et tendre)

Vous êtes la meilleure ainsi que la plus belle des créatures !

Charlotte (confuse)

Non !

Werther

Faut-il que j’en appelle à ceux que vous nommez vos enfants ?

Charlotte (pensive et se rapprochant de Werther)

Hélas ! Oui, mes enfants... (simplement et attendrie)  Vous avez dit vrai ! C’est que l’image de ma mère est présente à tout le monde ici. Et pour moi, je crois voir (plus accentué) sourire son visage quand je prends soin de ses enfants... de mes enfants ! (tendrement) Ah ! Je souhaiterais que dans cette demeure elle revînt et vît au moins quelques instants si je tiens les serments faits à la dernière heure ! (très attendrie) Chère, chère maman, que ne peux-tu nous voir ?

Werther

Ô Charlotte ! Ange du devoir, la bénédiction du ciel sur toi repose !

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Charlotte

Si vous l’aviez connue ! Ah ! La cruelle chose de voir ainsi partir ce qu’on a de plus cher ! Quels tendres souvenirs et quel regret amer ! Pourquoi tout est-il périssable ? Les enfants ont senti cela très vivement. Ils demandent souvent d’un ton inconsolable : pourquoi les hommes noirs ont emporté maman ?

Werther

Rêve ! Extase ! Bonheur ! Je donnerais ma vie pour garder à jamais ces yeux, ce front charmant, cette bouche adorable, étonnée et ravie... Sans que nul à son tour les contemple un moment ! Le céleste sourire ! Oh ! Charlotte ! Je vous aime... je vous aime et je vous admire !

Charlotte (revenant à elle, gravit rapidement les marches du perron)

Nous sommes fous ! Rentrons...

Werther (d’une voix altérée et la retenant)

Mais nous nous reverrons ?

Le bailli (dans la maison, en rentrant, à haute voix, parlé)

Charlotte ! Charlotte ! Albert est de retour !

Charlotte (défaillante)

Albert ?

Werther (interrogeant Charlotte)

Albert ?

Charlotte (bas et tristement à Werther)

Oui, celui que ma mère m’a fait jurer d’accepter pour époux... (encore à voix basse, et comme s’accusant) Dieu m’est témoin qu’un instant près de vous j’avais oublié le serment qu’on me rappelle !

(Werther se cache le visage avec ses mains, comme s’il sanglotait.) 

Werther (avec effort)

À ce serment... restez fidèle ! Moi... j’en mourrai ! Charlotte !

(Charlotte se retourne une dernière fois.) 

Werther (seul, désespéré, lorsque Charlotte a disparu)

Un autre ! Son époux !

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ACTE II Les TilleulsEn septembre, même année, à Walheim(La place. Au fond : le temple protestant. À gauche : le presbytère. À droite : la Wirthschaft entourée de houblons. Devant le temple : des tilleuls taillés qui en laissent voir la porte. Un banc sous les tilleuls, près de l’entrée du presbytère. Schmidt et Johann sont assis, attablés devant la Wirthschaft. Au fond, à droite : la route et la campagne. Beau temps. Dimanche après-midi.) 

Johann (le verre en main)

Vivat Bacchus ! Semper vivat ! C’est dimanche !

Schmidt (de même)

Vivat Bacchus ! Semper vivat ! C’est dimanche !

Johann et Schmidt

Vivat ! Vivat Bacchus ! Semper vivat ! Vivat Bacchus ! Semper vivat ! Vivat Bacchus ! Semper vivat !

(Une servante sort de la Wirthschaft et sert de nouveau à boire aux des amis.) 

Johann

Ah ! L’admirable journée ! De ce joyeux soleil j’ai l’âme illuminée !

Schmidt

Qu’il est doux vivre quand l’air est si léger, le ciel si bleu... le vin si clair !

Johann

C’est dimanche !

Schmidt

C’est dimanche !

(Orgue dans le temple.) 

Schmidt (d’un ton gouailleur)

Allez ! Chantez l’office et que l’orgue résonne ! (avec gaîté et franchise) De bénir le Seigneur il est bien des façons, moi, je le glorifie en exaltant ses dons !

Gloire à celui qui nous donne d’aussi bon vin et fait l’existence si bonne ! Bénissons le Seigneur !

Johann (de même)

De bénir le Seigneur il est bien des façons, moi, je le glorifie en exaltant ses dons ! Bénissons le Seigneur ! Bénissons le Seigneur ! (regardant) Du monde ! Encor du monde ! On vient de tous côtés ! Le pasteur verra bien fêtés ses cinquante ans de mariage !

Schmidt

C’est bon pour un pasteur cinquante ans de ménage, Dieu le soutient ! Mais moi je n’aurais pu jamais en supporter autant !

(Charlotte et Albert paraissent.) 

Johann (se lève en les regardant et se penche vers Schmidt)

Et cependant, j’en sais qui ne s’effraieraient guère de semblable félicité ! (les désignant) Tiens ! Ceux-là... par exemple !

Schmidt (se levant)

Et bien ! À leur santé allons vider encore un verre !

(Ils rentrent tous les deux dans la Wirthschaft. Charlotte et Albert sont arrivés sous les tilleuls, ils s’assoient sur le banc.) 

Albert (avec tendresse)

Trois mois ! Voici trois mois que nous sommes unis ! Ils ont passé bien vite... et pourtant il me semble que nous avons vécu toujours ensemble !

Charlotte (doucement)

Albert !

Albert

Si vous saviez comme je vous bénis ! (encore plus tendre) Mais, moi, de cette jeune

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fille si calme et souriante au foyer de famille, ai-je une femme heureuse et sans regrets ?

Charlotte (se levant et simplement)

Quand une femme a près d’elle à toute heure et l’esprit le plus droit et l’âme la meilleure, que pourrait-elle regretter ?

Albert (ému)

Oh ! La douce parole... et comme à l’écouter je me sens tout heureux et j’ai l’âme ravie !

(Charlotte, accompagnée d’Albert, se dirige vers le temple, puis Albert échange quelques mots avec ceux qui vont à l’office. Werther a paru au haut de la route. Il descend et contemple de loin avec un tourment visible l’intimité des deux époux.) 

Werther (à lui-même, avec douleur)

Un autre est son époux ! Un autre est son époux ! Dieu de bonté, si tu m’avais permis de marcher dans la vie avec cet ange à mon côté, mon existence entière n’aurait jamais été qu’une ardente prière ! Et maintenant... parfois... j’ai peur de blasphémer ! C’est moi ! Moi… (douloureusement)… qu’elle pouvait aimer ! J’aurais sur ma poitrine pressé la plus divine, la plus belle créature que Dieu même ait su former ! C’est moi, c’est moi... qu’elle pouvait aimer ! Lorsque s’ouvrait le ciel qui s’illumine, soudain je l’ai vu se fermer ! Je l’ai vu se fermer ! C’est moi ! C’est moi... qu’elle pouvait aimer ! Ah ! J’aurais sur ma poitrine pressé la plus divine, la plus belle créature que Dieu même ait su former ! C’est moi ! C’est moi... qu’elle pouvait aimer ! C’est moi... qu’elle pouvait aimer ! Tout mon corps en frissonne, et tout mon être… (avec un accent déchirant) … en pleure !

(Werther dans la plus grande agitation veut s’éloigner,mais il tombe accablé sur le banc, la tête dans ses mains.Schmidt et Johann reparaissent sur le seuil de la Wirthschaft. Schmidt donne le bras à Brühlmann navré et muet.) 

Schmidt (en entrant, à Brühlmann)

Si ! Kätchen reviendra, je vous dis !

Johann (à Brühlmann, tout en marchant)

À quelle heure et quel jour, aura lieu ce retour, qu’importe ! Puisqu’elle reviendra !

Schmidt (geste de dénégation de Brühlmann)

Puisqu’elle reviendra !

Johann

Sept ans de fiançailles, ça ne peut s’oublier de la sorte !

Schmidt (entraînant Brühlmann)

Dépêchons-nous ! Car j’entends le signal, si nous manquons l’office, au moins, ouvrons le bal !

(Ils sortent en trébuchant. En sortant du temple, Albert est descendu. Il pose la main sur l’épaule de Werther qui tressaille et fait un mouvement comme pour s’éloigner d’Albert.) 

Albert (à Werther)

Au bonheur dont mon âme est pleine, ami, parfois il vient se mêler un remords...

Werther (étonné)

Un remords ?

Albert (avec franchise)

Je vous sais un cœur loyal et fort.Mais celle qui devint ma femme vous apparut au jour qu’elle était libre encore, et peut-être près d’elle avez-vous fait un rêve envolé sans retour ? À la voir si belle et si douce je connais trop le prix du bien qui m’est donné pour ne comprendre pas que sa perte est cruelle ! (lui prenant la main affectueusement)  Comprendre ce tourment, c’est l’avoir pardonné.

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Werther

Vous l’avez dit : mon âme est loyale et sincère. (contenant à peine son émotion)  Si j’avais du passé trop amer souvenir, retirant cette main qui la serre, je fuirais loin de vous pour ne plus revenir ! Mais, comme après l’orage une onde est apaisée, mon cœur ne souffre plus de son rêve oublié, et celui qui sait lire au fond de ma pensée n’y doit trouver jamais que la seule amitié et ce sera ma part de bonheur sur la terre.

(Sophie accourt, des fleurs dans les mains.) 

Sophie (à Albert, gaîment)

Frère ! Voyez ! Voyez le beau bouquet ! J’ai mis, pour le pasteur, le jardin au pillage ! Et puis, l’on va danser ! Pour le premier menuet, c’est sur vous que je compte... (observant Werther et grondant légèrement) Ah ! Le sombre visage ! (naïvement et gentiment) Mais aujourd’hui, monsieur Werther, tout le monde est joyeux ! Le bonheur est dans l’air ! Du gai soleil, plein de flamme, dans l’azur resplendissant la pure clarté descend de nos fronts jusqu’à notre âme ! Tout le monde est joyeux ! Le bonheur est dans l’air ! Et l’oiseau qui monte aux cieux dans la brise qui soupire est revenu pour nous dire que Dieu permet d’être heureux ! Tout le monde est joyeux ! Le bonheur est dans l’air ! Tout le monde est heureux !

Werther (à part, plus sombre)

Heureux ! Pourrai-je l’être encore ?

Albert (à Sophie)

Va porter ton bouquet, chère petite sœur, je te rejoins. (Sophie s’éloigne de quelques pas.) (à Werther)  Werther ! Nous parlions du bonheur... On le cherche bien loin...

on l’appelle... on l’implore ! (avec intention)  Et voici que peut-être il passe en nos chemins... Un sourire à la lèvre et des fleurs dans les mains !

(Werther garde le silence.) 

Sophie (sur le seuil du presbytère à Albert)

Ah ! Frère, venez vite ! (à Werther)  Vous entendez, monsieur Werther, je vous invite pour le premier menuet ! (en s’approchant et en s’éloignant peu à peu)  Du gai soleil plein de flamme dans l’azur resplendissant la pure clarté descend de nos fronts jusqu’à notre âme ! Tout le monde est joyeux ! Le bonheur est dans l’air ! Tout le monde est heureux ! (en disparaissant)

(Albert a rejoint Sophie et il est entré avec elle dans le presbytère.) 

Werther (seul)

Ai-je dit vrai ? L’amour que j’ai pour elle n’est-il pas le plus pur comme le plus sacré ! En mon âme... un coupable désir est-il jamais entré ? (avec explosion)  Oui, je mentais ! Je mentais ! Ô Dieu ! Souffrir sans cesse ou bien toujours mentir ! C’est trop de honte et de faiblesse ! Je dois, je veux partir !

(Charlotte paraît sur le seuil du temple et se dirige vers le presbytère.) 

Werther (l’aperçoit et très ému, changeant de ton, à part)

Partir ? Non ! Je ne veux que me rapprocher d’elle !

Charlotte (sans remarquer Werther)

Comme on trouve en priant une force nouvelle !

Werther (de loin)

Charlotte !

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Charlotte (se détournant)

Vous venez aussi chez le pasteur ?

Werther (se rapprochant et tristement)

À quoi bon ? Pour vous voir toujours auprès d’un autre ! (se rapprochant encore de Charlotte restée immobile)  Ah ! Qu’il est loin ce jour plein d’intime douceur où mon regard a rencontré le vôtre pour la première fois ! Où nous sommes tous deux demeurés si longtemps, tout près... sans nous rien dire... Cependant que tombait des cieux un suprême rayon qui semblait un sourire sur notre émoi silencieux !

Charlotte (froidement)

Albert m’aime, et je suis sa femme !

Werther (avec emportement)

Albert vous aime ! Qui ne vous aimerait ?

Charlotte (plus doucement)

Werther ! N’est-il donc pas d’autre femme ici-bas digne de votre amour... et libre d’elle-même ? Je ne m’appartiens plus... Pourquoi donc m’aimez-vous ?

Werther

Eh ! Demandez aux fous d’où vient que leur raison s’égare ?

Charlotte (résolument)

Eh bien ! Puisqu’à jamais le destin nous sépare... éloignez-vous ! Partez ! Partez !

Werther

Ah ! Quel mot ai-je entendu ?

Charlotte (gravement)

Celui qu’il faut de moi que l’on entende !

Werther (violemment)

Et qui donc le commande ?

Charlotte

Le devoir ! (plus doucement)  L’absence rend parfois la douleur moins amère...

Werther (douloureusement)

Ah ! Me donner l’oubli n’est pas en son pouvoir !

Charlotte (plus doucement encore)

Pourquoi l’oubli ? Pensez à Charlotte au contraire, pensez à son repos. Soyez fort... soyez bon.

Werther (apaisé peu à peu)

Oui ! J’ai pour seul désir que vous soyez heureuse ! (avec des larmes, mais calme)  Mais ne plus vous revoir... c’est impossible ! Non !

Charlotte (avec une grande douceur)

Ami, je ne suis pas à ce point rigoureuse et ne saurais vouloir un exil éternel... (se dominant)  Vous reviendrez... bientôt... tenez... à la Noël !

Werther (suppliant)

Charlotte !

Charlotte (se retourne et disparaît)

À la Noël !

(Werther veut la rappeler mais il revient sur ses pas, découragé et abattu, songeant et regardant le chemin par lequel Charlotte a disparu.) 

Werther (après un moment d’accablement, avec résolution)

Oui ! Ce qu’elle m’ordonne... pour son repos... je le ferai ! Et si la force m’abandonne... Ah ! C’est moi pour toujours qui me reposerai ! (songeant) Pourquoi trembler devant la

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mort ? Devant la nôtre ? (fiévreusement)  On lève le rideau... (mystérieux)  … puis on passe de l’autre côté, voilà ce qu’on nomme mourir ! (songeant encore)  Offensons-nous le ciel en cessant de souffrir ? (simplement)  Lorsque l’enfant revient d’un voyage, avant l’heure, bien loin de lui garder quelque ressentiment, au seul bruit de ses pas tressaille la demeure et le père joyeux l’embrasse longuement ! Ô Dieu qui m’as créé, serais-tu moins clément ? Non, tu ne saurais pas, dérobé sous voiles, rejeter dans la nuit ton fils infortuné ! (douloureusement)  Ton fils ! (tendrement)  Devinant ton sourire au travers des étoiles, il reviendrait vers toi d’avance pardonné ! Père ! Père ! Père, que je ne connais pas, en qui pourtant j’ai foi, parle à mon cœur, appelle-moi ! Appelle-moi ! (sans voix, presque parlé)  Appelle-moi !

(Werther va s’éloigner lorsque paraît Sophie sur le seuil du presbytère.) 

Sophie (gaîment)

Mais venez donc ! Le cortège s’approche, et soit dit sans reproche, c’est vous seul qu’on attend !

Werther (brusquement)

Pardonnez-moi, je pars !

Sophie (suffoquée)

Vous partez !

Werther (embarrassé)

À l’instant...

Sophie (répétant, très émue)

À l’instant... Mais sans doute... vous reviendrez ? Demain ? Bientôt ?

Werther (violemment et avec une grande émotion)

Non ! Jamais ! Adieu !

(Il s’enfuit.) 

Sophie (très émue, l’appelant)

Monsieur Werther ! (Elle court après lui jusqu’à la route, inquiète et troublée) au tournant de la route... il disparaît... plus… (fondant en larmes)  … rien ! (Elle redescend.)  Mon Dieu ! Tout à l’heure j’étais si joyeuse !

(Le cortège de la Cinquantaine paraît, on vient de différents côtés.) 

Charlotte (apercevant Sophie et accourant auprès d’elle)

Ah ! Qu’est-ce donc ? Elle pleure ! Sophie !

Sophie (tombant dans les bras de Charlotte)

Ah ! Sœur ! Monsieur Werther est parti !

Albert (tressaillant)

Lui !

Sophie (très accentué)

Et pour toujours ! Il vient de me le dire... et puis… (en sanglotant, sans retenir)  … il s’est enfui comme un fou !

Charlotte (à elle-même et frappé)

Pour toujours !

Albert (sombre et considérant Charlotte)

Il l’aime !

(Le cortège de la Cinquantaine traverse la place. Acclamations, vivats.) 

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ACTE III Charlotte et Werther(24 décembre 178...)Le 24 décembre, 5 heures du soir(Dans la maison d’Albert. Le salon. Au fond à droite, dans un renfoncement très accentué, une porte à deux battants. À gauche, dans le même coin, un grand poêle en faïence verte. Au fond, le clavecin dont le clavier fait face d’auprès une fenêtre. À droite, porte de la chambre d’Albert. À gauche, porte de la chambre de Charlotte. Au premier plan, à gauche : un petit secrétaire; plus en face : une table à ouvrage et un fauteuil. Presque à droite, toujours au premier plan, un canapé. Une lampe allumée avec abat-jour sur la table) 

Charlotte (seule, assise près de la table à ouvrage, songeant)

Werther... Werther... Qui m’aurait dit la place que dans mon cœur il occupe aujourd’hui ? Depuis qu’il est parti, malgré moi, tout me lasse ! (Elle laisse tomber son ouvrage.)  Et mon âme est pleine de lui ! (Lentement, elle se lève comme attirée vers le secrétaire qu’elle ouvre.)  Ces lettres ! Ces lettres ! Ah ! Je les relis sans cesse... Avec quel charme... mais aussi quelle tristesse ! Je devrais les détruire... je ne puis ! (Elle est revenue près de la table, les yeux fixés sur la lettre qu’elle lit.) (lisant) «Je vous écris de ma petite chambre : au ciel gris et lourd de décembre pèse sur moi comme un linceul, Et je suis seul ! Seul ! Toujours seul !» Ah ! Personne auprès de lui ! Pas un seul témoignage de tendresse ou même de pitié ! Dieu ! Comment m’est venu ce triste courage, d’ordonner cet exil et cet isolement ? (Après un temps elle a pris une autre lettre et l’ouvre.)(lisant) « Des cris joyeux d’enfants montent sous ma fenêtre, Des cris d’enfants ! Et je pense à ce temps si doux

où tous vos chers petits jouaient autour de nous ! Ils m’oublieront peut-être ? » (cessant de lire, avec expression)  Non, Werther, dans leur souvenir votre image reste vivante... et quand vous reviendrez... mais doit-il revenir ? (avec effroi)  Ah ! Ce dernier billet me glace et m’épouvante ! (lisant)  «Tu m’as dit : à Noël, et j’ai crié : jamais ! On va bientôt connaître qui de nous disait vrai ! Mais si je ne dois reparaître au jour fixé, devant toi, ne m’accuse pas, pleure-moi !» (répétant avec effroi, craignant de comprendre)  « Ne m’accuse pas, pleure-moi ! » (reprenant sa lecture)  « Oui, de ces yeux si pleins de charmes, ces lignes... tu les reliras, tu les mouilleras de tes larmes... Ô Charlotte, et tu frémiras ! » (répétant sans lire)  ... tu frémiras ! Tu frémiras !

Sophie (entrant vivement et s’arrêtant à la porte, elle tient dans ses bras des jouets pour la fête du soir.)

Bonjour, grande sœur ! (Charlotte, surprise, cache précipitamment sur elle les lettres qu’elle tenait à la main.)  Je viens aux nouvelles ! (Sophie s’avance gaîment et dépose les objets sur un meuble.)  Albert est absent... on ne te voit plus ! et le père est très mécontent...

Charlotte (encore préoccupée)

Enfant !

Sophie (qui a pris Charlotte par la taille)

Mais souffres-tu ?

Charlotte (se détachant des bras de Sophie)

Pourquoi cette pensée ?

Sophie (qui lui a gardé la main)

Si, ta main est glacée (la regardant dans les yeux)  et tes yeux sont rougis, je le vois bien !

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Charlotte (se détournant, embarrassée)

Non, ce n’est rien... (se remettant)  Je me sens quelquefois... un peu triste... isolée ! Mais si d’un vague ennui mon âme était troublée, (d’un ton enjoué mais forcé)  je ne m’en souviens plus... Et maintenant, tu vois : je souris...

Sophie (câline)

Ce qu’il faut, c’est rire, rire encore, comme autrefois !

Charlotte (à part et avec intention)

Autrefois !

Sophie (gaîment)

Ah ! Le rire est béni, joyeux, léger, sonore ! Il a des ailes, c’est un oiseau... C’est un oiseau de l’aurore ! C’est un oiseau ! C’est la clarté du cœur qui s’échappe en rayons ! Ah ! Le rire est béni, joyeux, léger, sonore ! Il a des ailes, c’est un oiseau... c’est un oiseau ! Ah ! Ah ! (Sophie conduit Charlotte au fauteuil et se laisse glisser à ses genoux.) Écoute ! Je suis d’âge à savoir les raisons de bien des choses... Oui ! Tous les fronts ici sont devenus moroses... (hésitant) … depuis que Werther s’est enfui ! (Charlotte tressaille.)  Mais pourquoi laisser sans nouvelles (baissant les yeux)  ceux qui lui sont restés fidèles ?

Charlotte (se dégageant des bras de Sophie, se lève)

Tout... jusqu’à cette enfant, tout me parle de lui !

Sophie (revenant à Charlotte)

Des larmes ? Ah ! Pardonne, je t’en prie ! Oui ! J’ai tort de parler de tout cela !

Charlotte (ne se contraignant plus)

Va ! Laisse couler mes larmes (affectueusement)  elles font du bien, ma chérie ! Les larmes qu’on ne pleure pas, dans notre âme retombent toutes, et de leurs patientes gouttes martèlent le cœur triste et las ! Sa résistance enfin s’épuise, le cœur se creuse et s’affaiblit : il est trop grand, rien ne l’emplit, et trop fragile, tout le brise ! Tout le brise !

Sophie (effrayée)

Tiens ! Charlotte, crois-moi, ne reste pas ici, viens chez nous... nous saurons te faire oublier ton souci.(changeant de ton avec enjouement)  Le père a fait apprendre à tes enfants de magnifiques compliments pour la Noël !

(Sophie va reprendre les jouets qu’elle a déposés en entrant.) 

Charlotte (à part, dans le plus grand trouble)

Noël ! Ah ! Cette lettre ! (répétant d’un ton sombre) Si tu ne me vois reparaître au jour fixé... devant toi... ne m’accuse pas, pleure-moi ! Pleure-moi !

Sophie (revenant vers Charlotte)

Alors ! C’est convenu, tu viendras ?

Charlotte (sans conviction)

Oui, peut-être...

Sophie (avec une impatience affectueuse)

Non ! Non ! Certainement !

Charlotte (essayant de sourire)

Certainement !

Sophie (insistant)

Bien vrai ?

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Charlotte (la rassurant)

Oui, j’irai ! Je te le promets, mignonne !

Sophie (câline)

Tu viendras ?

Charlotte

Oui, j’irai...

Sophie (se retire doucement en regardant sa sœur avec tendresse, mais Charlotte subitement la rappelle par un geste et l’embrasse avec effusion)

Tu viendras ?

Charlotte (avec élan)

Ah ! Reviens ! Que je t’embrasse encore !

(Sophie s’éloigne. Charlotte seule, revient lentement vers la table.) 

Charlotte (avec désespoir, spontanément et comme malgré elle)

Ah ! Mon courage m’abandonne ! Seigneur ! Seigneur ! (avec élan et une ardeur suppliante) Seigneur Dieu ! Seigneur ! J’ai suivi ta loi. J’ai fait et veux faire toujours mon devoir, en toi seul j’espère car bien rude est l’épreuve et bien faible est mon cœur ! Seigneur Dieu ! Seigneur Dieu ! Seigneur ! Tu lis dans mon âme, hélas ! Tout la blesse ! Hélas ! Tout la blesse et tout l’épouvante ! Prends pitié de moi, soutiens ma faiblesse ! Dieu bon ! Viens à mon secours ! Entends ma prière ! Entends ma prière ! Ô Dieu bon ! Dieu fort ! Ô Dieu bon ! En toi seul j’espère ! Seigneur Dieu ! Seigneur Dieu !(La porte du fond s’ouvre, Werther paraît.) (vivement)  Ciel ! Werther !

(Werther est debout, près de la porte, pâle, presque défaillant, s’appuyant à la muraille.) 

Werther (d’une voix entrecoupée sans presque regarder Charlotte, douloureusement)

Oui ! C’est moi ! Je reviens ! Et pourtant... loin de vous... je n’ai pas laissé passer une heure... un instant... sans dire : que je meure plutôt que la revoir ! Puis lorsque vint le jour que vous aviez fixé... pour le retour... je suis parti ! Sur le seuil de la porte... je résistais encor... je voulais fuir ! (sans accent)  Qu’importe d’ailleurs tout cela ! (accablé)  Me voici !

Charlotte (très émue, cherchant à se contenir et à paraître indifférente)

Pourquoi cette parole amère ? Pourquoi ne plus revenir ? Quand ici chacun vous attendait... mon père... les enfants !

Werther (s’approchant avec une curiosité expressive)

Et vous ? Vous aussi ?

Charlotte (coupant court aux mots qu’elle sent sur les lèvres de Werther et sans lui répondre)

Voyez ! La maison est restée telle que vous l’aviez quittée ! À la revoir ainsi (tendrement)  ne vous semble-t-il pas qu’elle s’est souvenue ?

Werther (jetant un regard autour de lui)

Oui, je vois... ici rien n’a changé... (tristement) … que les cœurs ! Toute chose est encore à la place connue !

Charlotte (tendrement et simplement)

Toute chose est encore à la place connue !

Werther (va par la chambre)

Voici le clavecin qui chantait mes bonheurs ou qui tressaillait de ma peine, alors que votre voix accompagnait la mienne ! (venant près de la table)  Ces livres, sur qui tant de

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fois nous avons incliné nos têtes rapprochées ! (allant au secrétaire sur lequel est placée la boîte aux pistolets)  Et ces armes... Un jour ma main les a touchées... (d’une voix sourde)  Déjà j’étais impatient du long repos auquel j’aspire !

Charlotte (sans voir ce dernier mouvement, est remontée vers le clavecin sur lequel elle a pris un manuscrit puis elle redescend vers Werther)

Et voici ces vers d’Ossian que vous aviez commencé de traduire...

Werther (prenant le manuscrit)

Traduire ! Ah ! Bien souvent mon rêve s’envola sur l’aile de ces vers, et c’est toi, cher poète, qui bien plutôt était mon interprète ! (avec une tristesse inspirée)  Toute mon âme est là ! Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps, pourquoi me réveiller ? Sur mon front je sens tes caresses, et pourtant bien proche est le temps des orages et des tristesses ! (avec désespérance)  Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ? Demain dans le vallon viendra le voyageur se souvenant de ma gloire première... Et ses yeux vainement chercheront ma splendeur, ils ne trouveront plus que deuil et que misère ! Hélas ! (avec désespérance)  Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps !

Charlotte (dans le plus grand trouble)

N’achevez pas ! Hélas ! Ce désespoir...ce deuil... on dirait... il me semble...

Werther

Ciel ! Ai-je compris ? (plus accentué)  Ai-je compris ?

(palpitant)  Dans cette voix qui tremble, dans ces doux yeux remplis de larmes n’est-ce pas un aveu que je lis ?

Charlotte (frémissante)

Ah ! Taisez-vous !

Werther (en s’exaltant de plus en plus)

À quoi bon essayer de nous tromper encore...

Charlotte (suppliant)

Je vous implore !

Werther (avec ardeur)

Va ! Nous mentions tous deux en nous disant vainqueurs de l’immortel amour qui tressaille en nos cœurs !

Charlotte

Werther !

Werther (extasié et palpitant)

Ah ! Ce premier baiser, mon rêve et mon envie ! Bonheur tant espéré qu’aujourd’hui j’entrevois ! Il brûle sur ma lèvre encor inassouvie ce baiser... ce baiser demandé pour la première fois !

Charlotte (défaillante, tombe éperdue sur le canapé)

Ah ! Ma raison s’égare...

Werther (se jetant à ses pieds)

Tu m’aimes ! Tu m’aimes ! Tu m’aimes !

Charlotte (le repoussant)

... non ! Tout ce qui nous sépare peut-il être oublié ?

Werther (insistant)

Tu m’aimes !

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Charlotte (se défendant toujours)

Pitié !

Werther

Il n’est plus de remords !

Charlotte

Non !

Werther

Il n’est plus de tourments !

Charlotte

Ah ! Pitié !

Werther

Hors de nous rien n’existe et tout le reste est vain !

Charlotte

Ah ! Seigneur ! Défendez-moi !

Werther (avec transport)

Mais l’amour seul est vrai, car c’est le mot divin !

Charlotte (éperdue)

Défendez-moi, Seigneur, défendez-moi contre moi-même ! Défendez-moi, Seigneur, contre lui... défendez-moi !

Werther

Viens ! Je t’aime ! Il n’est plus de remords... Car l’amour seul est vrai, c’est le mot, le mot divin ! Je t’aime ! Je t’aime ! Je t’aime !

Charlotte (dans les bras de Werther)

Ah ! (se redressant, affolée)  Ah ! (avec égarement)  Moi ! Moi ! (s’enfuyant)  Dans ses bras !

Werther (subitement revenu à lui, implorant Charlotte)

Pardon !

Charlotte (résolument, se possédant enfin)

Non ! Vous ne me verrez plus !

Werther

Charlotte !

Charlotte (avec un reproche déchirant)

C’est vous, vous ! Que je fuis l’âme désespérée ! Adieu ! Adieu ! Pour la dernière fois !

(Charlotte s’enfuit et ferme la porte de la chambre sur elle. Werther se précipite sur ses pas.) 

Werther (atterré)

Mais non... c’est impossible ! Écoute-moi ! Ma voix te rappelle ! (palpitant) Reviens ! Tu me seras sacrée ! Reviens ! Reviens ! (presque parlé)  Rien ! Pas un mot... Elle se tait... (résolument)  Soit ! Adieu donc ! Charlotte a dicté mon arrêt ! (remontant vers la porte du fond, avec ampleur)  Prends le deuil, ô nature ! Nature ! Ton fils, ton bien-aimé, ton amant va mourir ! Emportant avec lui l’éternelle torture, ma tombe peut s’ouvrir !

(Il s’enfuit.) 

Albert (entrant préoccupé et sombre, durement)

Werther est de retour... (tout en plaçant son manteau sur un meuble)  On l’a vu revenir ! (changeant de ton, avec étonnement)  Personne ici ? La porte ouverte sur la rue... Que se passe-t-il donc ? (Il regarde un instant du côté de la fenêtre comme s’il voyait s’éloigner quelqu’un. Puis, le front rembruni, il se dirige du côté de la chambre de Charlotte.) (parlé, appelant)  Charlotte ! (plus haut avec insistance)  Charlotte !

Charlotte (paraissant et terrifiée à la vue de son mari)

Ah !

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Albert (d’un ton bref)

Qu’avez-vous ?

Charlotte (de plus en plus troublée)

Mais... rien...

Albert (insistant)

Vous semblez émue, troublée...

Charlotte (cherchant vainement à se remettre)

Oui... la surprise...

Albert (méfiant presque violent)

Et qui donc était là ?

Charlotte (balbutiant)

Là ?

Albert (sombre)

Répondez ! (Un domestique est entré apportant une lettre. Albert remarque sa présence et se toune vers lui brusquement.)  Un message ? (Albert reconnaît l’écriture et regarde fixement Charlotte.)  De Werther !

Charlotte (ne pouvant retenir un cri de surprise)

Dieu !

Albert (gravement et sans perdre Charlotte de vue, lisant)

« Je pars pour un lointain voyage... voulez-vous me prêter vos pistolets ? »

Charlotte (à part, se sentant défaillir)

Il part !

Albert (continuant)

«Dieu vous garde tous deux !»

Charlotte (terrifiée)

Ah ! L’horrible présage !

Albert (à Charlotte, froidement)

Donnez-les-lui !

Charlotte (reculant épouvantée)

Qui ? Moi ?

Albert (indifférent et la fixant)

Sans doute...

(Charlotte, comme fascinée par le regard de son mari, se dirige machinalement vers le secrétaire sur lequel est déposé la boîte aux pistolets.) 

Charlotte (à part)

Quel regard !

(Albert se dirige vers sa chambre à droite, et avant d’y entrer il regarde encore Charlotte qui remonte, en se soutenant à peine, vers le domestique auquel elle remet la boîte. Le domestique sort. Albert froisse la lettre qu’il tenait à la main, la jette au loin avec un geste de colère et entre vivement dans la chambre. Une fois seule, Charlotte se rend compte de la situation, elle semble se remettre et court prendre une mante qui est déposée sur un des fauteuils.) 

Charlotte (avec force)

Dieu ! Tu ne voudras pas que j’arrive trop tard !

(Elle s’enfuit, désespérée.)

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ACTE IV 1er Tableau La Nuit de Noël

2ème Tableau La Mort de WertherLe cabinet de travail de Werther(Un chandelier à trois branches, garni d’un réflecteur,éclaire à peine la table chargée de livres et de papiers,et sur laquelle il est placé. Au fond, un peu sur la gauche,en pan coupé une large fenêtre ouverte, à travers laquelle on aperçoit la place du village et les maisons couvertes de neige : l’une des maisons, celle du bailli est éclairée.Au fond à droite, une porte. La clarté de la lune pénètre dans la chambre. Werther, mortellement frappé, est étendu près de la table. La porte s’ouvre brusquement, Charlotte entre. S’arrêtant aussitôt et, s’appuyant contre le chambranle de la porte, comme si le cœur lui manquait subitement.) 

Charlotte (appelant avec angoisse)

Werther ! Werther ! (Elle avance, anxieuse.)  Rien ! (Passant derrière la table et cherchant, elle découvre le corps inanimé de Werther et se jette sur lui. Poussant un cri et reculant subitement épouvantée.)  Dieu ! Ah ! Du sang ! (Elle revient vers lui, à genoux, le prenant dans ses bras)  Non ! (d’une voix étouffée)  Non ! C’est impossible ! Il ne peut être mort ! Werther ! Werther ! Ah ! Reviens à toi... Réponds ! Réponds ! Ah ! C’est horrible !

Werther (ouvrant enfin les yeux)

Qui parle ? (reconnaissant)  Charlotte ! (mesuré)  Ah ! C’est toi ! (sans voix)  Pardonne-moi !

Charlotte

Te pardonner ! (très expressif)  Quand c’est moi qui te frappe, quand le sang qui s’échappe de ta blessure... c’est moi qui l’ai versé !

Werther (qui s’est soulevé un peu)

Non ! Tu n’as rien fait que de juste et de bon, (avec un effort qui l’épuise aussitôt)  mon âme te bénit pour cette mort... qui te garde innocente et m’épargne un remords !

(Il faiblit.)

Charlotte (affolée et se tournant vers la porte)

Mais il faut du secours ! Du secours ! Ah !

(Werther la retient.) 

Werther (se soulevant sur un genou)

Non ! N’appelle personne ! Tout secours serait vain ! (s’appuyant sur Charlotte et se levant)  Donne seulement ta main. (souriant)  Vois ! Je n’ai pas besoin d’autre aide que la… (il tombe assis)… tienne ! (puis, son front sur la main de Charlotte, et d’une voix très douce, presque câline)  Et puis... il ne faut pas qu’on vienne encore ici nous séparer ! On est si bien ainsi ! (lui tenant la main)  À cette heure suprême je suis heureux, je meurs en te disant que je t’adore !

Charlotte (tendrement passionnée)

Et moi, Werther, et moi… (avec élan)… je t’aime ! (très émue)  Oui... du jour même où tu parus devant mes yeux... j’ai senti qu’une chaîne impossible à briser nous liait tous les deux ! À l’oubli du devoir j’ai préféré ta peine, et pour ne pas me perdre, hélas ! (dans un sanglot) Je t’ai perdu !

Werther

Parle encore ! Parle, je t’en conjure !

Charlotte (continuant malgré le plus profonde émotion)

Mais si la mort s’approche... Avant qu’elle te prenne, (avec transport)  ah ! ton baiser, (tendre)  ton baiser... du moins je te l’aurai rendu ! Que ton

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âme en mon âme éperdument se fonde ! Dans ce baiser qu’elle oublie à jamais tous les maux... Les chagrins ! Qu’elle oublie les douleurs !

Werther

Tout, oublions tout !

Charlotte

Tout... oublions tout !

Werther et Charlotte

... oublions tout ! (presque soupiré)  Tout ! Tout !

La voix des enfants (au loin, dans la maison du bailli - dans la coulisse, on ajoutera des soprani femmes aux six enfants pour cette dernière scène seulement)

Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

Charlotte (douloureusement, écoutant)

Dieu ! Ces cris joyeux ! Ce rire en ce moment cruel ! (Charlotte est remontée vers la fenêtre, mais elle redescend aussitôt vers Werther.)  La voix des enfants Jésus vient de naître ! Voici notre divin maître, rois et bergers d’Israël !

Werther (se soulevant un peu, avec une sorte d’hallucination)

Ah ! Les enfants... les anges !

La voix des enfants

Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

Werther

Oui Noël ! C’est le chant de la délivrance...

La voix des enfants

Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

Werther

C’est l’hymne du pardon redit par l’innocence !

La moitié des voix

Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

Toutes les voix

Noël ! Noël !

Charlotte (se rapprochant, effrayée de ce délire qui commence)

Werther !

Werther (de plus en plus halluciné)

Pourquoi ces larmes ? Crois-tu donc qu’en cet instant ma vie est achevée ? (avec extase, se levant tout à fait)  Elle commence, vois-tu bien !

La voix des enfants (au loin, dans la maison du bailli)

Noël !

La voix de Sophie (au loin, dans la maison du bailli)

Noël ! Dieu permet d’être heureux ! Le bonheur est dans l’air !

La voix des enfants

Noël !

La voix de Sophie

Toute le monde est joyeux !

La voix des enfants

Noël !

La voix de Sophie

Le bonheur est dans l’air !

La voix des enfants

Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

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La voix de Sophie

Dieu permet d’être heureux !

(Werther qui a écouté debout, frémissant, les yeux grand ouverts s’appuie subitement sur le fauteuil, et s’y laisse tomber avec un gémissement.) 

Charlotte (le regardant, avec angoisse)

Ah ! Ses yeux se ferment ! (très déclamé)  Sa main se glace ! (avec effroi)  Il va mourir ! Mourir ! Ah ! Pitié ! Grâce ! (avec des sanglots)  Je ne veux pas ! Je ne veux pas ! Ah ! Werther ! Werther ! Réponds-moi ! (déchirant) Réponds ! Tu peux encor m’entendre ! La mort (doux et tendre, pressant Werther contre elle)  entre mes bras, n’osera pas te prendre ! (avec la plus grande émotion)  Tu vivras ! Tu vivras ! (murmuré)  Vois, je ne crains plus rien !

Werther (dans le fauteuil)

Non... (d’une voix éteinte)  Charlotte ! Je meurs...

(Charlotte veut protester...)

Werther avec un geste résigné...)

Oui... mais… (calme et grave)   … écoute bien : là-bas, au fond du cimetière, il est deux grands tilleuls ! C’est là que pour toujours je voudrais reposer !

Charlotte (suffoquant)

Tais-toi ! Pitié !

Werther

Si cela m’était refusé... si la terre chrétienne est interdite au corps d’un malheureux, près du chemin ou dans le vallon solitaire, allez placer ma tombe ! En détournant les yeux le prêtre passera...

Charlotte

Pitié ! Werther !

Werther (continuant)

Mais, à la dérobée, quelque femme viendra visiter le banni... et d’une douce larme en son ombre tombée, le mort… le pauvre mort... se sentira béni...

(Sa voix s’arrête, il tente quelques efforts pour respirerpuis ses bras d’abord étendus retombent, et la tête inclinée... il meurt.) 

Charlotte (avec épouvante)

Ah !

(Ne pouvant croire à ce qu’elle voit, elle prend la tête de Werther dans ses mains.) 

La voix des enfants (au loin)

Jésus vient de naître ! Voici notre divin maître, rois et bergers d’Israël !

Charlotte (l’appelant désespérément)

Werther ! (faiblissant)  Ah ! (comprenant tout enfin, elle s’évanouit, tombe inanimée par terre devant le fauteuil)  Tout est fini !

La voix des enfants

Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

(Rires bruyants, chocs de verres, cris joyeux.) 

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Jean-Marie Zeitouni

direction musicale

Reconnu comme l’un des plus brillants chefs d’orchestre de sa génération pour son style expressif et précis, dans un répertoire qui s’étend du baroque à la musique contemporaine, Jean-Marie Zeitouni est diplômé du Conservatoire de musique de Montréal en direction d’orchestre, en percussion et en écriture musicale, (il y a étudié notamment avec Raffi Armenian). Il est présentement le directeur artistique de l’Orchestre de chambre I Musici de Montréal et le premier chef invité du Colorado Music Festival. Au fil des ans, il a été directeur musical du Colorado Music Festival, du Columbus Symphony en Ohio, du programme d’opéra au Banff Center, assistant chef d’orchestre et directeur des chœurs à l’Opéra de Montréal ainsi que directeur musical de leur Atelier lyrique ; chef de chœur à l’Orchestre symphonique de Québec et à l’Opéra de Québec et directeur musical de l’orchestre et de l’atelier d’opéra de l’Université Laval. Avec Les Violons du Roy, il occupa durant une douzaine d’années, tour à tour les fonctions de chef en résidence, de chef associé et de premier chef invité. Chef lyrique reconnu, il a récemment

dirigé l’Orchestre national Montpellier et l’Orchestre national de Lorraine à Nancy ainsi que de nombreuses productions à l’Opéra de Montréal, de Québec, au Glimmerglass Opera, à Toulouse et à Nancy, Banff, Calgary, Edmonton, Cincinnati, Saint-Louis. Parmi les nombreux orchestres qu’il a dirigés au Canada, mentionnons les orchestres symphoniques de Montréal, de Québec, Toronto, Edmonton, Calgary, Vancouver, Winnipeg, Victoria, ainsi que l’Orchestre du Centre national des Arts, l’Ensemble Arion et le Club musical de Québec. À l’étranger, il a entre autres dirigé les orchestres symphoniques de Tucson, Houston, de l’Oregon, Monterey, San Antonio, Omaha, Honolulu, Huntsville et Cincinnati, de même que la Handel and Haydn Society de Boston, le Pacific Symphony, Seattle Symphony Orchestra, le Phoenix Symphony Orchestra, le Philharmonique de Marseille, Xalapa Symphony, National Symphony of Mexico, Hong Kong Philharmonic, l’Arco Ensemble et le Detroit Symphony. Il participe régulièrement au Festival international de Lanaudière, au Festival international du Domaine Forget, aux festivals de Round Top (Texas) et de Grant Park (Illinois), de même qu’à l’Elora Festival, au Parry Sound Festival et au Mostly Mozart Festival de New York. Il a récemment fait ses débuts à Moscou avec le Russian National Orchestra, et au Théâtre des Champs-Élysées. En 2020–21, il continue sa collaboration artistique avec l’Orchestre symphonique d’Edmonton, dirigera l’Orchestre symphonique de Montréal, sera dans la fosse des opéras de Québec et de Montréal, et dirigera l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine.

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D’après la mise en scène de

Bruno Ravella

Né de parents italien et polonais, Bruno Ravella a fait ses études en France. Il s’installe ensuite à Londres en 1991. Lors de la saison 2018–19, il fait ses débuts en Italie avec La Bohème de Puccini à l’Opéra de Florence. En 2015, sa mise en scène d’Intermezzo de Strauss à l’Opéra de Carsington au Royaume-Uni obtient d’excellentes critiques, il y retourne en 2018 avec Falstaff de Verdi. Pour l’opéra, il a mis en scène de nombreuses productions telles que Macbeth, La traviata et Falstaff, Agrippina de Haendel à l’Iford Arts (Royaume-Uni) ; Vénus et Adonis de Blow pour les Arts Florissants ; La traviata de Verdi et Jules César en Egypte de Haendel pour le festival « Stand’été » à Moutier (Suisse) ; La Descente d’Orphée aux Enfers au festival de Glyndebourne ; Mansfield Park de Dove, qui a été nominé dans la catégorie « meilleure production d’opéra » aux Offies 2014 à Londres ; Les Noces de Figaro et La Clémence de Titus de Mozart ; L’Elixir d’amour à l’Hampstead Garden Opera; Carmen de Bizet à l’Opéra de Riverside. A

Nancy, il a mis en scène L’Heure espagnole, Gianni Schicchi, La Belle Hélène, Cavalleria rusticana de Mascagni et Pagliacci de Leoncavallo, ces deux dernières nominées dans la catégorie « meilleure production d’opéra » aux Offies 2017. Il met en scène Werther à l’Opéra national de Lorraine, et plus récemment Faust de Gounod à l’Opéra de Melbourne. Par ailleurs, il réalise des reprises de productions de metteurs en scène tels que Sir David McVicar, Robert Carsen, John Cox, John Copley et Nicolas Hytner pour le Royal Opera House, le Festival de Glyndebourne, le Grand Théâtre de Genève, l’Opéra de Valence et l’Opéra de Sydney. Il a aussi été metteur en scène assistant ou associé dans certains des plus grands opéras internationaux tels que le Metropolitan Opera de New York, l’Opéra de Chicago, l’Opéra de Houston, l’Opéra de Monte-Carlo et le Teatro Regio de Parme. En 2015, Bruno Ravella a été nommé au concours de mise en scène organisé par l’association « Independent Opera » au Royaume-Uni. Prochainement, il mettra en scène à l’Opéra de Carsington, Der Rosenkavalier, en coproduction avec l’Irish National Opera et l’Opéra de Santa Fe.

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José Darío Innella

mise en scène

Né à Mendoza en Argentine, il a fait partie du Jette Parker Young Artists Program du Royal Opera House, Covent Garden de Londres. Il obtient son diplôme de metteur en scène à l’Institut Supérieur d’Art du Théâtre Colón. Il a étudié le théâtre, le design, le chant, le piano, la danse à Mendoza, à Buenos Aires, à Londres et à New York. En Argentine, au théâtre il joue dans : Yerma (Lorca), De Pies y manos (Cossa), De Actores y Otras Alimañas, o sía siempre y cuando la Tere se quede a dormir, The Medium (Menotti), La serva padrona (Pergolesi) et Hin und Züruck (Hindemith). Il a été Directeur d’art et Chef décorateur pour les courts métrages El Viaje de Camilo Gutierrez, Hell’s Kitchen de Lucas Santa Ana et El Limón Verde de Fernando Daneri, avec qui il a participé au 16e Marathon du cinéma fantastique et de terreur à Barcelone et au Festival Rouge Sang à Buenos Aires en 2004. Assistant metteur en scène pour Don Carlo, Der Rosenkavalier, The Rake’s Progress, Powder her face (Adès), Tamerlano et Le nozze di Figaro au

Royal Opera House ; pour La Bohème et Don Giovanni au Teatro Real, et pour Rodelinda au Gran Teatre del Liceu, il collabore à la mise en scène d’Aida au Théâtre Royal de la Monnaie. En 2009, il a mis en scène The Truth about Love, a little less than fate, un spectacle dramatique basé sur trois cycles de chansons de Britten, Schumann et Ebel (Linbury Studio du Royal Opera House), puis en 2010, « Summer Performance », extraits d’œuvres de : Capriccio, Die Schweigsame Frau, Intermezzo, Der Rosenkavalier, Die Zigeunerbaron, Die Fledermaus, La Belle Hélène et de Naughty Marietta de Victor Herbert (Royal Opera House). Depuis ses débuts comme metteur en scène avec Così fan tutte dont il a aussi créé les costumes, il a collaboré à plusieurs opéras et zarzuelas : La traviata, Aida, L’italiana in Algeri, Il barbiere di Siviglia, L’elisir d’amore, Don Pasquale, La Voix humaine, Carmen, Pagliacci, Cavalleria rusticana, La Bohème, Madama Butterfly, Il maestro di Musica (Pergolesi), Il maestro di cappella, Il matrimonio segreto (Cimarosa), Les Tréteaux de maître Pierre (de Falla), La Veuve joyeuse, Die Fledermaus, Marina (Arrieta), La Leyenda del Beso, La del Soto del Parral (Soutullo y Vert), Luisa Fernanda (Torroba), El Barberillo de Lavapiés (Barbieri), El Dúo de ‘La Africana’ (Caballero), La Rosa del Azafrán (Guerrero), El Asombro de Damasco (Luna) et Doña Francisquita (Vives), spectacles donnés en Argentine, notamment au Théâtre Colón de Buenos Aires…

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Mario Chang

ténor Werther

Vainqueur du concours Operalia 2014, le ténor guatémaltèque Mario Chang a été choisi pour incarner Alfredo dans La traviata lors de ses débuts à l’Opéra de Hong Kong et à l’Opéra de Floride. Récemment, il a fait ses débuts à l’Opéra National de Norvège dans le rôle du Duc dans Rigoletto et à l’Arizona Opera dans La Bohème (Rodolfo). En concert, il a chanté la Symphonie n° 9 de Beethoven avec l’Orchestre philharmonique de Los Angeles et la Petite Messe solennelle de Rossini à Washington. Au cours de la saison 2018 – 19, il a interprété Alfredo aux opéras de Washington, d’Atlanta et de Frankfurt. Il a été Rodolfo à l’Ppéra de Santa Fe et à l’Opéra de Francfort. A son répertoire, les rôles de Nemorino dans L’elisir d’amore (Metropolitan Opera), le ténor italien dans Der Rosenkavalier, Arturo dans Lucia di Lammermoor, le quatrième écuyer dans Parsifal, Ismaele dans Nabucco (Los Angeles), Edgardo dans Lucia di Lammermoor (Santa Fe), Lenski dans Eugène Onéguine, le Duc dans Rigoletto, les rôles-titres dans Werther et Roberto Devereux.

En concert, il chante Cassio dans Otello avec le Los Angeles Philharmonic Orchestra, le ténor italien avec le National Symphony Orchestra. On a pu l’entendre dans le Requiem de Mozart, la Symphonie n° 9 de Beethoven. A l’Opéra Studio de L’Accademia di Santa Cecilia de Rome, il chante avec Renata Scotto, fait ses débuts au Carnegie Hall lors d’un concert avec la Fondation Musical Olympus, puis avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne à Rennes. Il a été soliste invité de l’Orchestre symphonique de la Capella de Saint-Pétersbourg au Festival Musical Olympus en Russie. Il se produit en récital au Carnegie Hall dans le cadre de la Marilyn Horne Song Foundation. Prix Zarzuela et prix du public au concours Operalia 2014, prix de la Fondation Gerda Lissner 2014, il reçoit notamment le prix Plácido Domingo et le prix « Amigos de Sabadell » au concours Francisco Viñas au Liceu de Barcelone.Formé à la Juilliard School, membre du Lindemann Young « Artist Development Program » du Metropolitan Opera, lui et son épouse, la soprano Maria José Morales, ont cofondé « Querido Arte: Compañía de Ópera de Guatemala », une jeune compagnie d’opéra dont le but est de faire en sorte que le Guatemala devienne une référence dans le domaine lyrique. Depuis la création de la société, Ópera de Guatemala a présenté des productions entièrement mises en scène de Rigoletto, La Bohème et L’elisir d’amore.

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Marie-Nicole Lemieux

contralto Charlotte

Prix de la Reine Fabiola et Prix du Lied au Concours Reine Elisabeth en 2000, le début de carrière de Marie-Nicole Lemieux est marqué par la musique baroque (Orphée et Eurydice, Giulio Cesare, Ariodante, Orlando furioso, Salomon, Theodora…). Elle aborde le répertoire français du XIXe siècle (Les Troyens, Pelléas et Mélisande, Samson et Dalila, Carmen...), Rossini (Guillaume Tell, Tancredi, L’italiana in Algeri...) ou Verdi (Mrs Quickly dans Falstaff, Azucena dans Il trovatore, Ulrica dans Un ballo in maschera…). Elle enregistre Vivaldi (Orlando furioso – Victoire de la musique en 2005 — Griselda, La fida ninfa, le Stabat Mater, le Nisi Dominus...), Les Nuits d’été de Berlioz, les Wesendoncklieder de Wagner, les Rückertlieder de Mahler, L’Heure exquise (mélodies françaises), un disque de Lieder de Schumann, Ne me refuse pas : airs d’opéra français (prix de l’académie Charles Cros), Opera Arias, Streams of Pleasure (programme Haendel), Chansons perpétuelles, un programme dédié à Rossini et Les Troyens (Cassandre), et récemment la Symphonie n° 1, dite «Jeremiah », de Bernstein. Son CD « Mer(s) » avec

notamment les Sea Pictures d’Elgar et Le Poème de l’amour et de la mer de Chausson vient de paraitre. On l’entend dans Falstaff, Il trittico, L’italiana in Algeri, Tancredi, Rodelinda, Carmen, Madama Butterfly, Il trovatore (Azucena) à Salzbourg mais également à Orange, ainsi qu’à Madrid, Un ballo in maschera, Œdipe d’Enesco à Covent Garden, Jephtha à l’Opéra de Paris, Les Troyens, Samson et Dalila… Elle a interprété le Requiem de Verdi, Poème de l’amour et de la mer, les Symphonies n° 2, n°3 et n°8 de Mahler, Messe en si de Bach, la Passion selon saint Matthieu, Shéhérazade, et a effectué une tournée de concerts consacrés à Vivaldi avec l’Orchestre national de Lyon. Parmi ses projets, Carmen à Toulouse, Les Troyens (Cassandre) à Munich, Samson et Dalila (Dalila) et la Missa solemnis aux Chorégies d’Orange… Elle chantera Le Chant de la terre avec l’Orchestre national de Bordeaux Aquitaine, le Requiem de Verdi au Tsinandali Festival, Radamisto de Haendel avec Il Pomo d’oro en tournée européenne, le Requiem de Verdi, Alt-Rhapsodie et le Requiem de Duruflé avec l’Orchestre national de France et donnera de nombreux récitals à Montréal, Lille, Monte Carlo... Elle est Chevalier de l’Ordre National du Québec, Compagne des Arts et des Lettres du Québec, membre de l’Ordre du Canada et de l’Ordre de la Pléiade et Docteur Honoris Causa de l’Université du Québec à Chicoutimi.

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Jérôme Boutillier

baryton Albert

Jérôme Boutillier se forme d’abord au piano, avant de se tourner vers l’accompagnement des chanteurs, puis vers le chant lyrique. Révélation Classique de l’ADAMI en 2016, on le retrouve au Concert des Révélations Classiques au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris en février 2016. En 2017, il est Don Sanche (Le Cid ou Chimène, de Sacchini) à l’occasion d’une coproduction de l’ARCAL et du CMBV avec le Concert de la Loge sous la direction de Julien Chauvin, créé en Île-de-France puis en tournée dans toute la France. En août 2017, il remporte le 2ème Prix au Concours International de Marmande. En 2017–18, il est le Roi (Le Tribut de Zamora) à Munich avec le Palazzetto Bru Zane, puis remplace au pied levé, apprenant la partition en quelques jours, André Heyboer dans le rôle de Luddorf (La Nonne sanglante) à l’Opéra Comique. En 2018–19, il fait ses débuts à Genève avec le rôle de Moralès (Carmen), chante Urson dans le rare Tarare de Salieri à Paris, Versailles, Caen et Vienne et remporte le 2ème Prix lors de la 6ème édition du Paris Opera Competition au Théâtre

des Champs-Elysées. Il est ensuite Bardi dans la recréation scénique du Dante de Godard, puis Alidor dans Cendrillon d’Isouard à Saint-Etienne. En juin 2019, il est le Corregidor et Bridoison (Maître Péronilla) au Théâtre des Champs-Elysées et participe à Musiques en fête aux Chorégies d’Orange. Il est ensuite le Dancaïre (Carmen) avec l’Orchestre national de Lille, puis Gwellkingubar (Fervaal) au Festival Radio France Occitanie Montpellier. La fin de l’année 2019, placée sous le signe du répertoire français, lui offre les rôles de Hagen (Sigurd) à Nancy, Méthousaël (La Reine de Saba), Thierry et le Geôlier (Dialogues des Carmélites) à Toulouse dans la mise en scène d’Olivier Py, puis Zurga (Les Pêcheurs de perles) à Toulon. Récemment, il est Gaveston (La Dame blanche) à l’Opéra Comique et retrouve Alidor à Caen. Parmi ses projets durant la saison en cours, citons Richard (Aliénor, création d’Alain Voirpy) à Limoges. La saison prochaine, il chantera son premier Hamlet à Saint-Etienne, et Oreste (Iphigénie en Tauride) à Rouen. Fidèle de l’Opéra Comique, il y interprètera les rôles de Parker (Les Eclairs, création de Philippe Hersant) et Capulet (Roméo et Juliette). Il retournera au Capitole de Toulouse pour y incarner Starek dans Jenufa.

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Julien Véronèse

baryton-basse Le bailli

Julien Véronèse commence ses études de chant au Conservatoire de Toulouse. En 2007 il intègre le Cnipal à Marseille où il poursuit sa formation. Dès sa sortie, en 2008, il fait ses débuts dans plusieurs opéras nationaux notamment à Nancy où il interprète Don Ciccio dans la création contemporaine Divorzio al italiana de G. Batistelli. Il suit les cours et les conseils de grandes personnalités du monde lyrique, telles que Plácido Domingo, Gabriel Bacquier, Mady Mesplé, Tereza Berganza, Ludovic Tézier, Sophie Koch, Yvonne Minton, Tom Krause, Rolando Villazon, David Syrus. Il est régulièrement invité sur les scènes nationales et européennes : Opéra de Montpellier dans Chérubin  de Massenet, L’Enfant et les sortilèges  de Ravel et L’Hirondelle inattendue de S. Laks, ainsi que pour un concert et enregistrement Rossini Si,Si,Si,Si! avec Marie-Nicole Lemieux et Patrizia Ciofi ; à l’Opéra de Monte Carlo il chante dans Roméo et Juliette de Gounod au Grimaldi Forum puis au Royal Opéra House Muscat à Oman ; à l’Opéra de Marseille dans Boris Godounov de Moussorgski et

Lohengrin de Wagner. La saison 2016–17 marque ses débuts dans le rôle de Scarpia dans Tosca de Puccini au Teatro Reina Sofia, Benavente, ainsi qu’au Théâtre Ortega Palencia (Espagne). Durant l’été 2017, il est dirigé par Michel Plasson au festival de Colmar dans l’œuvre de Berlioz, La Damnation de Faust, donnée en version concert. La saison passée, il interprète notamment Bartolo dans Le nozze di Figaro à l’Opéra Royal de Wallonie Liège, et les quatre rôles Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto dans Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach avec le Festival Lyrique de Marmande. Il est également Abimelech dans Samson et Dalila de Saint-Saëns à l’Opéra de Monte-Carlo, rôle qu’il reprendra aux Chorégies d’Orange. On a pu l’entendre dans Fantasio (Le Roi de Bavière) d’Offenbach à l’Opéra de Montpellier, Lucrezia Borgia  (Gubetta) de Donizetti au Théâtre du Capitole de Toulouse, Tosca (Scarpia) de Puccini en tournée dans le sud de la France avec la New York Opéra Society, Rigoletto (Monterone) de Verdi à l’Opéra de Marseille, Guillaume Tell (Leuthold) de Rossini au Chorégies d’Orange ; il a interprété les rôles de Oroveso (Norma), Titurel (Parsifal) et Dulcamara au Capitole… Parmi ses projets : les rôles de Figaro, Colline, Barbiere au Capitole de Toulouse, Abimelech aux Chorégies, Dulcamara à Bordeaux et Quebec….

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Pauline Texier

soprano Sophie

Après des études de violon, Pauline Texier obtient une licence de musicologie puis le Prix de Chant du Conservatoire de Poitiers. Elle entre ensuite au CNSM de Paris dans la classe de Valérie Guillorit. Remarquée au concours de chant de Vivonne, elle est invitée à donner un récital de mélodie française à Bodø (Norvège). Elle chante ensuite les rôles de Daisy (Lady be Good de Gershwin) à Poitiers et La Belle Jeune Dame dans la création française de Memnon de Vojtĕch Saudek au Centre culturel Tchèque de Paris. Elle interprète les rôles de la Baronne de Gondremark (La Vie parisienne) au Théâtre Royal de Marrakech, Parthenis (La Belle Hélène) et Diane (Orphée aux enfers) mis en scène par Yves Coudray, Lucy (Le Téléphone de Menotti) à Poitiers, Serpetta (La finta giardiniera) au CNSM de Paris, Zelmira (Armida de Haydn) au Festival Kvarner de Opatija (Croatie). Elle chante dans les Bachianas Brasileiras de Villa Lobos aux côtés de l’Orchestre de Violoncelles de Lyon lors du Festival Vox Musica.Plus récemment, elle a interprété

la Musica (L’Orfeo) à l’Amphithéâtre Bastille et Marie, The Maid dans l’opéra contemporain Prima Donna de Rufus Wainwright au Festival d’Avignon avec l’Orchestre Régional Avignon Provence et à la Philharmonie de Paris avec l’Orchestre National d’Ile de France, Les Fêtes d’Hébé, Bastienne (Bastien et Bastienne) à l’Amphithéâtre Bastille, le rôle d’Elvira (L’italiana in Algeri) à l’Opéra national de Montpellier, Blondchen (Die Entführung aus dem Serail) à l’Opéra de Rouen et à l’Opéra de Massy, Maïma (Barkouf) à l’Opéra National du Rhin, Frasquita (Carmen) avec l’Orchestre National de Lille... Parmi ses projets, Les rôles d’Ernestine (Monsieur Choufleuri restera chez lui) à l’Opéra de Reims, Parthenis (La Belle Hélène) au Théâtre des Champs Elysées... Pauline Texier est révélation classique de l’ADAMI de l’année 2015.

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Yoann Le Lan

ténor Schmidt

Clarinettiste de formation, diplômé du CRR de Rueil-Malmaison, Yoann Le Lan découvre le chant lyrique à l’âge de 18 ans et décide de s’y consacrer parallèlement à son parcours d’instrumentiste. Il intègre le CRR de Boulogne-Billancourt dans la classe d’Anne Constantin en cycle spécialisé. Il étudie avec Myriam de Aranjo et participe à des masterclasses notamment avec Malcolm Walker et Anita Rachvelishvili. Depuis 2017, il travaille avec Mariam Sarkissian. En 2017, il gagne le Prix de la Banque Populaire Méditerranée au Concours d’Opéra Jeunes Espoirs de Raymond Duffaut organisé par l’Opéra Grand Avignon, et en 2018 le Prix d’Encouragement du Concours National de Béziers. Il est également finaliste du Concours d’Avignon.  Il a commencé à se produire sur scène dans le cadre du CRR de Boulogne-Billancourt sous la direction d’Évelyne Aïello, Javier Gonzales ou bien François-Xavier Bilger. Il y tient les rôles de Bastien dans Bastien et Bastienne, Basilio dans Les Noces de Figaro, le Maire dans Albert Herring ou bien Gardefeu dans La Vie

parisienne. À la fin de ses études, il y incarne le Roi Ouf 1er dans l’Étoile de Chabrier     Il a été invité à se produire lors du Gstaad New Year Music Festival en Suisse tout début 2019, sous le parrainage de la Princesse Caroline Murat. En juillet 2019, il chante le rôle de Damon dans la production d’Acis et Galatée de Haendel mise en scène par Claus Guth à l’Abbaye de Royaumont, avant d’incarner en décembre de la même année, le rôle de Félix dans Poil de Carotte à l’Opéra de Montpellier. Parmi ses projets : le rôle de Malcom dans Macbeth de Verdi à l’Opéra de Dijon, ainsi que Marcellus dans Hamlet à l’Opéra de Saint-Etienne.

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Matthias Jacquot

basse Johann

Matthias Jacquot découvre l’Opéra au Conservatoire de Nîmes alors qu’il vient d’obtenir son Certificat d’Études Musicales de Musiques Actuelles en tant que guitariste. À l’âge de 20 ans, alors qu’il est étudiant en 2e année de Licence de Psychologie, il se voit offrir une bourse d’études par la Guildhall School of Music and Drama de Londres pour y commencer ses études directement en 2e année. Fort des enseignements qu’il a reçus, notamment par le baryton Giorgio Zancanaro, Matthias Jacquot remporte en 2019, à l’âge de 21 ans, le 3e Prix du Concours de chant de Nîmes, ainsi que le prix du public. Suite à quoi il est invité à assurer une série de récitals à l’Opéra Orchestre national Montpellier. Sur scène, il interprète le Comte (Le nozze di Figaro) avec l’orchestre du CRR d’Avignon, Mathurin (L’Ivrogne corrigé) à l’Auditorium les 2 Rhônes, Fiorello (Il barbiere di Siviglia), Brühlmann (Werther) au Théâtre Bernadette Lafont.

Dans le domaine de la musique sacrée, il chante notamment la partie soliste de basse dans la Messe en sol mineur de Schubert.

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Emma de La Selle

soprano Kätchen

Née en 1999, Emma de La Selle étudie au Conservatoire à rayonnement régional de Montpellier, puis à l’Ecole Normale de musique de Paris. Elle suit les Cours Florent à Montpellier, et se perfectionne en chant auprès de Chantal Bastide. En janvier 2007, elle rejoint le chœur Opéra Junior, avec lequel elle participe en 2015 à L’Enfant et les Sortilèges de Ravel (mise en scène Sandra Pocceschi), Le Monstre du labyrinthe de Jonathan Dove (mise en scène Marie-Eve Signeyrole) au Festival d’Aix-en-Provence. En 2016, elle est Geneviève dans Geneviève de Brabant d’Offenbach (mise en scène Benoît Bénichou), en 2018 Rosalinde dans La Chauve-Souris de Strauss (mise en scène Benoît Bénichou). En 2019, elle est soliste pour le concert donné à l’Ambassade de France à Berlin dans le cadre de la quinzaine de l’Occitanie. Elle fait ses premiers pas dans le monde professionnel en décembre 2019 et janvier 2020 à l’Opéra d’Avignon, puis à l’Opéra Royal de Versailles elle est l’un des Knaben dans La Flûte enchantée (Cécile et Julien Lubek), sous la direction d’Hervé Niquet.

Léo Thiéry

ténor Brühlmann

Né dans une famille de musiciens, Léo Thiéry baigne dans les musiques classiques et actuelles depuis son plus jeune âge. À 11 ans, il commence la batterie à l’école de musique de Pérols et débute le chant quatre années plus tard. Après avoir obtenu son Baccalauréat Littéraire il part au Royaume-Uni pour faire une Licence de musicologie à L’université de Liverpool. C’est là qu’il découvre son amour pour le chant lyrique ainsi que pour la scène, et se produit dans la comédie musicale Made in Dagenham. De retour en France, il continue d’étudier le chant dans la classe de Christophe Le Hazif au conservatoire de Montpellier et intègre Opéra Junior. Il interprète son premier rôle d’opéra en jouant le prince dans La Belle au bois dormant d’Otto Respighi. Il prépare actuellement son DEM de chant lyrique au Conservatoire de Montpellier.

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Leslie Traversdécors et costumes

Leslie Travers a étudié à la Wimbledon School of Art. À l’opéra, il a créé des décors pour Don Carlos‚ Pleasure, I puritani‚ Elysium‚ The Haunted Manor‚ Salomé‚ Alice’s Adventures in Wonderland‚ La Bohème‚ Peter Grimes‚ Albert Herring‚ Tannhäuser‚ Otello‚ Don Giovanni‚ Giulio Cesare‚ Jenufa, La Veuve joyeuse‚ Les Contes d’Hoffmann, Roméo et Juliette‚ L’arbore di Diana‚ The Children’s Crusade‚ Véronique‚ I Capuleti e i Montecchi‚ The Fortunes of King Croesus‚ Iolanta/Gianni Schicchi, Le nozze di Figaro (Graz – Ring Award 2005)‚ Hans Heiling (Opéra national du Rhin-European Opera Prize). Il travaille aussi au théâtre sur Rebecca au Kneehigh Theatre au Royaume-Uni, pour David Pugh Ltd et pour des producteurs à Broadway, Twelfth Night pour le Chichester Festival Theatre‚ The Duchess of Malfi‚ Streets of Rage et Silent Cry à la West Yorkshire Playhouse, The Persian Revolution au Lyric Hammersmith à Londres, The Man with Two Gaffers au York Theatre Royal‚ et Variété avec la compagnie Lindsay Kemp pour une tournée mondiale.

Il crée des costumes et des décors pour des spectacles de danse et de ballet comme Cendrillon‚ Le Corsaire‚ Casse Noisettes et Le Lac des cygnes avec le K-ballet au Japon. Il remporte un Asahi Award en 2006 pour Casse-Noisette et en 2005 pour Le Lac des cygnes. Il travaille sur Some? pour la compagnie Space 211 à Paris Cendrillon avec le Ballet national du Portugal et The Lark Ascending avec l’English National Ballet. Souvent nommé pour ses créations, il remporte un prix pour Peter Grimes à Opera North et durant le Aldeburgh Music Festival (Best Anniversary Production International Opera Awards 2014 et What’s On Stage (Opera Event of The Year), pour Otello au Scottish Opera et à Opera North (Manchester Theatre Awards 2014 (Best Opera), pour The Children’s Crusade au Luminato Festival de Toronto (Dora Mavor Moore Award Best Opera Production 2010), et pour Vurt au Contact Theatre à Manchester (Arthur Peter Design Award). Récemment, il a travaillé sur Fiddler on the Roof à Malmö et Le Baron tzigane au Grand Théâtre de Genève, Francesca da Rimini à la Scala de Milan, Werther (Opéra National de Lorraine‚ lauréat du Prix de la critique Claude Rostand 2018, donné ensuite à l’Opéra de Québec), Billy Budd à Opera North à Leeds et au Nederlandse Reisopera Les Noces de Figaro au Kansas City Opera, à l’Opera Philadelphia et au San Diego Opera, La clemenza di Tito à l’Opéra Théâtre de Saint Louis, Twelfth Night au Manchester Royal Exchange Theatre.

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Linus Fellbom

lumières

Linus Fellbom fait ses débuts professionnels en 1995 ; depuis, il a mis en lumières plus de 200 productions, dans sa Suède natale et à travers le monde. En 2005, il fait ses débuts en tant que metteur en scène; il est engagé pour Der Freischütz et Les Contes d’Hoffmann au Folkoperan de Stockholm, Richard III, Creditors et The God Helmet au Riksteatern et Hänsel und Gretel à Malmö. Il organise aussi les festivités de la réception du prix Nobel 2016 à Stockholm. Il travaille en collaboration avec Leslie Travers. En mai 2018, il éclaire Werther à l’Opéra national de Lorraine. Parmi ses récentes créations en tant que décorateur figurent La Bohème et Rigoletto au Norrlandsoperan, L’Orfeo au Vermland Opera et Red in 3 pour le Stuttgart Ballett. En 2012, il travaille pour le groupe de punk hardcore suédois Refused pour leur tournée mondiale. En tant qu’éclairagiste, citons parmi ses dernières productions : The Portrait à Opera North mis en scène par David Pountney, Thaïs au Los Angeles Opera, mis en scène par

Nicola Raab, Don Giovanni et Così fan tutte à Florence, Il barbiere di Siviglia à Rome et Lucia di Lammermoor au Teatro Comunale de Bologne, mis en scène par Lorenzo Mariani, A Midsummer Night’s Dream au Staatsoper de Vienne, chorégraphié par Jorma Elo, Midsommarmattsdröm d’Alexander Ekman et Julia & Romeo de Mats Ek à Stockholm. En 2014, il a reçu le prix « Medea » de meilleur éclairagiste.

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Noëlle Gény

cheffe de chœur

Initiée au piano par sa mère, concertiste, élève de Walter Gieseking, Noëlle Gény étudie à Nancy où elle obtient ses prix de piano, solfège, musique de chambre et contrebasse. Elle se perfectionne à Paris auprès de Catherine Collard. De 1984 à 1992, elle débute sa carrière en tant que chef de chant au Grand Théâtre de Genève, placé sous la direction de Hugues Gall. Après avoir travaillé avec les chefs de chœur Jean Laforge et Gunther Wagner, elle est nommée Chef de Chœur de l’Opéra de Nantes. Depuis 1994, à la demande d’Henri Maier, elle est en charge de la direction du Chœur de l’Opéra Orchestre national Montpellier. Depuis lors, ce Chœur est régulièrement invité dans des festivals tel que celui de Radio France Occitanie Montpellier (Jeanne d’Arc au bûcher dont le DVD a été récompensé lors des Victoires de la Musique classique 2008), aux Chorégies d’Orange en 2009 pour Cavalleria rusticana et Pagliacci. Elle dirige de nombreux concerts avec des programmes très étendus, allant de l’opéra baroque au grand répertoire du XXe siècle. Elle joue

régulièrement dans des ensembles de musique de chambre en qualité de pianiste en Irlande. Le 20 juin 2013, elle a coordonné quatre chœurs (Montpellier, Avignon, Nice et Toulon) réunis pour accompagner le concert de Musiques en fête à Orange retransmis en direct sur France 3. Elle participe en juillet 2014 aux Chorégies d’Orange dans la production de Nabucco. Elle participe à La Soupe pop, création de Marie-Ève Signeyrole, donnée en décembre 2016 à l’Opéra national de Montpellier. Elle prépare et dirige le Chœur sur les spectacles de l’Opéra et lors de concerts symphoniques, comme celui de War Requiem de Britten en février 2018, ou plus récemment Star Wars donné à l’Opéra Berlioz en novembre 2018. Elle dirige cette saison le Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie lors des productions du Barbier de Séville, Le Voyage dans la lune, Falstaff, Werther.

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Vincent Recolin

chef de chœur Opéra Junior

Cévenol d’origine, Vincent Recolin a une double formation d’organiste et de chanteur. Il commence ses études musicales avec Geneviève Deleuze et au Conservatoire Régional de Montpellier et les poursuit à Bruxelles et à Mons jusqu’à l’obtention de cinq Premiers Prix, dont le Diplôme Supérieur d’orgue et un premier prix d’analyse musicale dans la classe de Harry Halbreich. Il se perfectionne ensuite dans la classe d’orgue de Michel Chapuis pour l’interprétation de la musique allemande du XVIIe siècle. En 1995, il rejoint le Chœur Régional PACA comme assistant de Michel Piquemal.En 1999, il crée la Maîtrise de Nîmes avec Françoise Cuillé. En 2011, il intervient en tant que chef de chœur pour Opéra Junior sur les ateliers de la Classe Opéra et du Jeune Opéra.Depuis 2014 il enseigne le chant choral au CRR de Paris, et dirige le Chœur Symphonique de Montpellier. En 2015 il est nommé chef de chœur et conseiller musique et jeunesse à l’Opéra de Montpellier.

En 2019 et 2020 , il dirige différents programmes autour de Vivaldi Concertos de mandoline avec Camilla Finardi, Haendel avec l’Ensemble Quinta d’Isula, le Magnificat de Bach (chœur symphonique), Petite Messe solennelle de Rossini ; Messe de Vierne (chœur symphonique), Let’s dance avec Opéra Junior... Il prépare entre autres les chœurs d’ Opéra Junior pour Poil de carotte (direction Victor Jacob), Les Aventures du roi Pausole (direction Jérôme Pillement), Trois Knaben (direction Hervé Niquet), Climat...

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Jean-François Carencoprésident

Valérie Chevalierdirectrice générale

Michael Schønwandt *chef principal

Anne Laffargueadministratrice générale

Soraya Hernieassistante à la direction

Fiona Perbellini collaboratrice artistique

Communication

Pascal Dufourdirecteur de la communication

Hélène Arcidet assistante

Avril Barantattachée à la direction chargée des éditions

Audrey Brahimiattachée à la direction chargée de la communication digitale et du développement numérique

Hugo Malibreraassistant

Anita Katouachechargée de diffusion et des accueils

Fabienne Rocheresponsable de la billetterie

Sandrine Casalé Claudine George Pascale Juretlocationnaires

Développement culturel et actions artistiques et pédagogiques

Caroline Maby *cheffe de projet

Mathilde Champrouxmédiation culturelle

Florence Thiéry Aurelio Crociassistants

Services artistiques

Karine Jolydirectrice de production

Jacqueline Cluzeau Anita Plasasecrétaires de direction

Torao Suzukirégisseur général de l’opéra

Maya Lehecassistante

Mireille Jouve Xavier Bouchonrégisseur•se•s

Jérémy Lair coordinateur artistique de la saison instrumentale et symphonique

Sarah Gervaischargée de production

Aline Chanuzchargée de la diffusion des concerts décentralisés

Romain Rouxresponsable du pôle son et vidéo

Sophie Méjeanresponsable de la bibliothèque musicale

Pierre Mignierassistant

Kaoru Ohtochargée des ressources musicales pour la programmation lyrique

Olivier Debonrégisseur général de l’orchestre

Myriam Karczewskiassistante

Jérôme Perrierrégisseur technique

Gilles Deshons NNtechniciens d’orchestre

Orchestre

Magnus Fryklund *chef assistant

Artistes musiciens

Premiers violonsDorota Anderszewskaviolon solo supersolisteAlexandre Kapchiev Aude Périn-Dureauviolons solosJulie Arnulfo Ekaterina Darlet-Tamazovaviolons co-solistesMisa Mamiya Yigong Zhangviolons seconds solistesEsther Bortot Agnès Brengues Isabelle Charneux-Rys Corinne Coignet Sylvie Jung Nina SkopekNNviolons

Seconds violonsOlivier Jungpremier chef d’attaqueLudovic Nicot Alice Rousseauchefs d’attaqueDidier Alay Pavel Soummviolons seconds solistesMichèle Boggio-Tochet Christian Cottalorda Thierry Croenne Geneviève DavasseNicolas Laville Philippe Rubens Isabelle Van Ginnekenviolons

Équipe

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AltosÉric Rougetalto soloNNFlorentza Nicolatroisième alto soloCécile Brossard Estevan de Almeida Reisaltos seconds solistesCorinne Bourré Gilles Coignet Philippe Nouaille Marie-Élisabeth Roesch-Touveneau Catherine Rouard-Versaveaualtos

VioloncellesCyrille Tricoirevioloncelle solo supersolisteAlexandre Dmitrievvioloncelle soloPia Segerstamtroisième violoncelle solo

Laurence Allalah Élisabeth Ponty-Scheuirvioloncelles seconds solistesJean-Paul Bideau Sophie Gonzalez del CaminoNNvioloncelles

ContrebassesJean Anécontrebasse soloGérard Fégelécontrebasse solo co-solisteBenoît Levesquetroisième contrebasse soloTom GélineaudThierry Petit Serge Peyre contrebasses

FlûtesChloé Dufossezflûte soloNN flûte solo co-solisteJocelyne Favrepiccolo solo jouant la flûteIsabelle Mennessierflûte jouant le piccolo

HautboisYe Chang Junghautbois soloDaniel Thiéryhautbois solo co-solisteTiphaine Vigneroncor anglais solo jouant le hautboisDavid Touveneauhautbois jouant le cor anglais

ClarinettesAndrea Fallicoclarinette soloJean-Pierre Loriotclarinette solo co-solistePatrice Mairepetite clarinette solo jouant la clarinetteBenjamin Fontaineclarinette basse solo

BassonsRodolphe Bernardbasson soloFrédéric Moisandbasson solo co-solisteBlandine Delangle contrebasson solo jouant le basson système français ou allemandMagali Cazalsecond basson

CorsSylvain Carboni cor soloNNcor co-soliste Pascal Scheuirtroisième corJacques Descampscor second solisteMarie Benoit Jean-Charles Masuriercors graves

TrompettesÉric Lewickitrompette soloNicolas Planchontrompette co-soliste cornet soloFrédéric Michelettrompette jouant le cornetDominique Bougardtrompette

TrombonesThomas Callauxtrombone soloJuliette Tricoiretrombone co-solisteRuben Gonzalez del Caminotrombone basseVincent Monneysecond trombone

TubaTancrède Cymermantuba solo

TimbalesPascal Martintimbales solo

PercussionsPhilippe Charneuxpercussions soloSteve Clarenbeek-Gennevéepercussionniste co-soliste

Chœur

Noëlle Génycheffe de chœur Valérie BlanvillainAnne Pagès-Boissetcheffes de chant

Maya Lehec régisseuse

Artistes des ChœursMarie-Camille Goiffon Josiane Houpiez-Bainvel Hwanyoo Lee Véronique Parizesopranos 1

Cécile Giglio Anne Raynaud Sherri Sassoon-Deschler Alexandra Zabalasopranos 2

Nathalie Cazenave Marine Chaboud CrouzazAlexandra Dauphin Julie Erst NNaltos 1

Marie-Anne Benavoli-Fialho Sylvie Pons NNaltos 2

Ernesto Fuentes Hyoungsub KimValentin MorelJean-Pierre Todorovitchténors 1

Charles Alves da CruzFrédéric Varenne NNNNténors 2

Jean-Philippe Elleouet-MolinaLaurent Sérou Xin WangNNbasses 1

Hervé Martin Jean-Claude Pacull Boixade Olivier ThiéryAlbert Alcarazbasses 2

83

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Opéra Junior

Jérôme Pillementdirecteur artistique

Vincent Recolinchef de chœuret conseiller musical jeunesse

Fabienne Massonattachée de production

Kaoru Ohtoformatrice musicale

Odile Fagesecrétaire encadrante

Dan Martinelloencadrant assistant de régie

Services techniques

Gabriel Helayeldirecteur technique

Marie André collaboratrice de direction

Nour-Eddine Slimcoordinateur sécurité maintenance et conditions de travail

Abderrahmane Khadirchef machiniste

Christian Favantineschef machiniste adjointtechnicien console

Christophe RocheRoland Zenatisous-chefs machinistes

Mario MarcouFathi SenaneNNNNNNmachinistes techniciens consoles

Michel Ferrara machiniste

Frédéric Jacquemet chef éclairagisteClaude Iraberrichef éclairagiste adjoint

Lucie Delville NNsous-chef·fe·s éclairagistes technicien·ne·s consoles

Joseph Helayel NNéclairagistes, sonorisateurs, techniciens consoles

Jean-Loup Cappelle chef accessoiriste

NN chef•fe accessoiriste adjoint·e

Christophe Minarrochef sonorisateur

NNchef•fe sonorisateur•trice adjoint·e

Fatma Zemoulicheffe costumière

Elisabeth Twardowski sous-cheffe habilleuse

Soizic Sidoitresponsable maquillage-coiffure

Céline Aigouytechnicienne de réalisation tapissière de théâtre

Maintenance et entretienNNassistant·e et responsable de la gestion des personnels d’entretien

Isabelle Fontugne Nadine Nicolaspersonnel d’entretien

Odile Bonin gestionnaire des approvisionnements

Michel Careltechnicien de maintenance

Accueil / StandardYamina Moussaoui Muriel Tailamé

Services administratifs

Ressources humainesLaurence Mérinonresponsable des ressources humaines et des affaires juridiquesCécile Gascassistante

FinancesPatrick FerrierresponsableSigrid Cazorla responsable paie, adjointe au responsable financierDelphine Bertrand Fanny JounencNNcomptables

InformatiquePierre LopezresponsableCathy Lebretinformaticienne / webmaster

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Le Cercle des Mécènes, créé en janvier 2021, est présidé par Gérard Guiter. Rejoindre le Cercle des Mécènes de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie, c’est s’inscrire dans cette chaîne qui unit les générations par la Culture, l’Histoire et l’Art.

Être mécène c’est aussi avoir la fierté de participer à la découverte, la protection, la création, la mise en valeur et la transmission d’un très riche patrimoine culturel et musical.

Outre la défense et la promotion du spectacle vivant, Le Cercle des Mécènes se dédie chaque année à une cause choisie : restauration d’un instrument, financement d’une création, financement d’une masterclass pour un Chef Assistant ou un Junior, achat de matériel dédié aux concerts...

Le Cercle des Mécènes a pour vocation de permettre aux mélomanes de se retrouver cordialement autour d’événements exclusifs et originaux.

Valérie Dimeglio Chargée de Mission Mécénat et [email protected] 06 60 89 82 70 / 04 67 60 19 95

L’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie tient à remercier les mécènes qui ont choisi de l’accompagner pour cette saison 2020 – 21 :

Entreprises et Associations

Avec le soutien de la Fondation Orange aux 30 ans d’Opéra Junior

Particuliers Mécènes

• Maïa Wodzilawska Paulin• Rosa Raspall

Le Cercle des mécènes

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opera-orchestre-montpellier.fr SOUNDCLOUD

Réservation04 67 60 19 99

Courrier Le Corum, CS 8902434967 Montpellier cedex 2


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