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AgricultureAlimentationEnvironnement

Nouvellesruralités en 2030

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w REPORTAGEUne femme en or

N°8 - MARS 2009

w RECHERCHELa fièvre catarrhale ovine

w HORIZONSHaute performanceenvironnementale

w DOSSIER

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wsommaire

Directrice de la publication : Marion Guillou. Rédactrice en chef : Catherine Donnars. Rédaction : Gilles Aumont, Yves Brunet, Laurent Cario, Jean-Michel Carnus, Frédérique Chabrol,Armelle Favery, Lisa Gauvrit, Céline Goupil, Jean-Marc Guehl, Renaud Lancelot, Patrick Lechopier, Patricia Léveillé, Dominique Martinez, Pascale Mollier, Olivier Mora, Magali Sarazin, Isabelle Savini. Photothèque : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Maître. Couverture : Julie Rousset. Maquette : Delphine Bacri. Conception initiale : Citizen Press - 01 53 00 10 00. Impression : Rafal. Imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement.PEFC/10-31-9 Dépôt légal : mars 2009.

Renseignements et abonnement : [email protected]

03w HORIZONSHaute performance environnementale en agriculture

Tempête, huit ans de recherches

06w RECHERCHES& INNOVATIONSLa FCO une maladie vectorielle émergente en Europe

Alimentation des poissons d’élevage

Bio-invasion et lutte bio

Reprendre du muscle plus vite !

25w REPORTAGEUne femme en or

Visite guidée du nouveau dispositifd’infectiologie expérimentale à Tours

Rétrospective sur les installationsexpérimentales en santé animale

31w IMPRESSIONSLe sol à nos pieds

34w REGARDPenser comme un animal

36w AGENDA

ISSN : 1958-3923

e Grenelle de l’environnement a eu la grande vertu de dégager un consensus sur la nécessité d’une agriculture à haute

performance environnementale.Pour y parvenir, des innovations sont bien sûrnécessaires. Il faut aussi comprendre comment les acteurs peuvent se les approprier et commentils conduiront ces systèmes agricoles plus performants. La synthèse des connaissancesacquises par la recherche ainsi que l’analyse des difficultés rencontrées dans leur applicationnourrissent un apprentissage collectif.Les rencontres que nous proposons à nospartenaires dans le cadre du Salon internationalde l’agriculture y contribuent.Y contribuent aussi des exercices de prospectivetels que celui rapporté dans le dossier central de ce numéro sur les nouvelles ruralités à l’horizon 2030. Ce travail permet d’engager le débat avec des interlocuteurs variés, parfoisnouveaux pour l’Inra, et pose de nouvellesquestions pour l’avenir des territoires.

Marion Guillou, présidente de l’Inra

Chers lecteurs

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE147 rue de l’Université • 75338 Paris Cedex 07 www.inra.fr

13w DOSSIERNouvelles ruralitésen 2030. Quellesdynamiques villes-campagnes ?

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Erratum En page 9 du numéro 7, la figure 2 best par erreur identique à la figure2a alors qu’elle devait comporter uneligne rouge illustrant le retrait del’eau dans le bois d’été.

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L’Inra organise, au Salon de l’agriculture, un colloque sur l’agriculture « à hauteperformance environ-nementale ». Qu’apporte ce nouveau terme ?Jean-Marc Meynard : Le terme« haute performance environnemen-tale » (HPE) n’est pas spécifique à l’a-griculture, il est déjà employé par lessecteurs énergétique et du bâtimentnotamment. Il a l’avantage de ne pass’en tenir aux impacts négatifs, maisde suggérer que l’agriculture est aussiperformante et peut donc avoir deseffets positifs, par exemple sur la bio-diversité ou les paysages. N’ayant pasencore été « récupéré » par une caté-gorie d’acteurs, comme a pu l’être leterme « agriculture raisonnée », il n’estpas rejeté par d’autres…Globalement, le terme HPE recouvredes objectifs similaires aux termes de« production intégrée » ou « inten-sification écologique ». Il est plusconsensuel dans la mesure où il nedit rien, justement, sur les modes deproduction qui permettent d’atteindrela haute performance environne-

mentale. C’est bien lorsque l’onaborde les manières de faire que lesdésaccords apparaissent entre lesacteurs, y compris au sein même dumonde agricole.Jean-Baptiste Coulon : La notion dehaute performance environnementales’inscrit dans la suite du Grenelle del’environnement. Dans son rapport, lecomité opérationnel « Recherche »insiste notamment sur le fait que « ledéveloppement de l’agriculture à hautevaleur environnementale, notammentbiologique, doit faire l’objet de recher-ches intégrées sur les systèmes de pro-duction », en rappelant que les nou-veaux systèmes de productionproposés devront permettre un niveausatisfaisant de production, de revenuet de qualité des produits. Il s’agit doncbien de mettre en place des systèmesde culture et d’élevage durables.

Le Grenelle parle de hautevaleur environnementale,quelle différence ?J-M. M. : La « haute valeur » du Gre-nelle a vocation à déboucher sur unecertification des exploitations, sur

une norme. L’expression « haute per-formance » nous renvoie à la néces-sité d’apprécier ces performances pardes indicateurs ou des mesures, per-mettant en particulier d’enclencherdes « boucles d’apprentissage ».J-B. C. : La difficulté est d’avoir unedéfinition partagée de la performanceenvironnementale. Celle-ci recouvredifférentes dimensions (consomma-tions d’intrants, rejets polluants, pré-servation de la biodiversité ou despaysages) et différentes échelles d’im-pacts (parcelle, exploitation, terri-toire). Selon le poids relatif accordé àces dimensions et selon les échellesconsidérées, l’évaluation de la per-formance peut être très variable. Tou-tes les dimensions ne sont pas tou-jours conciliables. Cela renvoie auxchoix des critères de performance.

Est-ce là que se situe lacontribution de la recherche ?J-B. C. : Entre autres. Les approchesmulticritères, notamment les Analysesde cycle de vie (ACV), permettent d’évaluer de manière cohérente lesdifférentes performances environne-

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Pour rendre compte des efforts en faveur de l’environnement, on parle aujourd’hui de haute performanceenvironnementale. Jean-Marc Meynard et Jean-Baptiste Coulon, respectivement chef du département de recherche Sciences pour l’action et le développement (SAD) et adjoint du chef de département Physiologieanimale et systèmes d’élevage (Phase) commentent cette évolution pour les systèmes agricoles.

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DISPOSITIFSde recherche

au champ sur longue durée.

Conséquencesdes épandages

de composts

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environnementale en agriculture

Haute performance

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mentales de tel ou tel système. Cesapproches conduisent parfois à desrésultats contre-intuitifs. A Rennes,une équipe a ainsi réalisé une ACVsur le traitement du lisier de porcsexcédentaire montrant que le transfertvers des parcelles éloignées était plus« durable » que le compostage.On connaît déjà des voies techniquesd’amélioration des impacts environ-nementaux : jouer sur la compositionde l’alimentation pour diminuer l’émission de méthane par les rumi-

nants, utiliser desphytases dans l’ali-mentation pourréduire les rejetsphosphatés chez lesmonogastriques,modifier la gestiondes pâturages pourpréserver leur bio-diversité… Mais ces solutionsdoivent être éva-luées à l’échelle dusystème de produc-tion. Ainsi se foca-liser sur l’émissionde gaz à effet deserre par les rumi-

nants des élevages extensifs ne dit riensur le coût énergétique de leur ali-mentation, ni sur leur rôle dans l’en-tretien du territoire. Plus largement,de nombreux résultats « anciens » derecherches réalisées pour optimiserles apports de nutriments aux ani-maux ou aux plantes pourraient êtrerevisités sous l’angle de leur intérêten matière environnementale, et enintégrant l’acceptation d’une baisse - légère - de la production par animalou par hectare.

J-M. M. : On sait effectivement demieux en mieux mesurer et modéli-ser les performances environnemen-tales des systèmes agricoles. En revan-che, les efforts de recherche restentmodestes sur la conception même denouveaux systèmes agricoles. Com-ment, par exemple, intégrer desconnaissances scientifiques et desconnaissances expertes dans laconception ? Quelle démarche pro-poser à un agriculteur, ou à unconseiller agricole, pour élaborerlocalement des systèmes écologique-ment durables, socialement accepta-bles et économiquement viables ?Comment articuler les échelles de laparcelle, de l’exploitation agricole etdu territoire dans un processus deconception innovante ? Celle-ci nécessite des dispositifs d’ex-périmentation lourds. Plusieurs uni-tés expérimentales sont engagées dansle test de systèmes innovants : Mire-court, Gotheron, Dijon, Versailles,Monts d’Auvergne, Alénya ou Saint-Laurent de la Prée…

Y a-t-il des manques dans la recherche pour concevoirde tels systèmes ?J-M. M. : J’en citerai deux. A monavis, l’investissement de l’Inra sur lagénétique et la sélection des plantess’est concentré sur un petit nombred’espèces, alors que l’on aurait besoinde variétés performantes sur des espè-ces de diversification. Une re-diversi-fication des cultures est en effetindispensable pour rompre les cyclesdes bio-agresseurs et réduire l’usagede pesticides.Autre exemple : des recherches (etdonc des compétences) en écologie

du paysage sont nécessaires pour faireémerger, en synergie avec l’agrono-mie et les sciences sociales, une véri-table ingénierie agro-écologique.

Peut-on dire que la problématique HPE est « mûre » ?J-B. C. : Oui. Le Grenelle a clairementexprimé la pression politique etsociale en faveur de pratiques agrico-les plus respectueuses de l’environ-nement. On demande à la recherchecomme aux agriculteurs des résultatsavec des échéances précises, notam-ment en matière de réduction des pes-ticides et de développement de l’agri-culture biologique.L’Inra capte cette tension en interne etdans ses relations partenariales etdécline cette demande en questionsscientifiques dans le cadre de grandsprogrammes pluridisciplinaires (voirencadré). Mais le message politiquevéhiculé au travers de la PAC et l’affectation des aides agricoles serontdéterminants pour l’évolution descomportements.

J-M. M. : Les agriculteurs et les orga-nismes impliqués dans la R&D agri-cole sont désormais bien conscientsdes demandes de la société en matièred’environnement. L’évolution régle-mentaire les oriente également versdes méthodes de contrôle des bio-agresseurs plus « douces ». Les pro-grammes de production intégrée quenous menons avec des organisationsagricoles, dans différentes filières,témoignent de cette évolution. l

Propos recueillis par Catherine Donnars et Isabelle Savini

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Production intégrée en arboricultureLe programme de recherche « Production fruitière intégrée » (PFI 2000-2005) a été conçu comme une « expérience » de recherches pluridisciplinaires à l’échelle de la filière fruitière. Il a intégré un objectif de qualité des fruits et despréoccupations environnementales dans la protectionphytosanitaire. Les professionnels s’en sont inspiré, à desdegrés variables, pour des cahiers des charges « PFI ». Depuis,les recherches continuent pour améliorer le niveau des performances environnementales.Partenaires : Inra et CTIFL Production intégrée en cultures légumières, PICleg Un groupement d’intérêt scientifique (GIS), créé en 2008 pour10 ans, assure l’animation scientifique et le montage de projetsengageant tous les acteurs de la filière légumière, transformationet commercialisation comprises, dans une démarche deproduction intégrée, avec réduction du nombre et des quantitésde substances pesticides.9 partenaires : Inra, FNPL, CTIFL, ministère de l’Agriculture,Viniflhor, Fedecom, Felcoop, Interfel et APCA

Systèmes de grandes cultures à hautes performancesenvironnementales et économiquesUn partenariat est en voie de finalisation début 2009 pour rassembler l’Inra, les instituts techniques concernés par les grandes cultures et d’autres parties prenantes autourd’un programme fédérateur dont les travaux se structurerontautour de points critiques identifiés dans le fonctionnement des systèmes de culture. Dans le pilotage des agrosystèmes, la prise de décision, ses effets d’irréversibilité et son ergonomiesont ainsi retenus comme priorités.Productions animales L’Inra prépare un programme sur les systèmes de productionanimale à haute performance environnementale, avec le concours des partenaires du secteur animal. Impliquant les filières ruminants et monogastriques, il a pour ambition de concilier enjeux environnementaux et socio-économiques. Ce projet s’appuie sur le Réseau de recherches sur l’élevageextensif (R2E2, Inra Clermont et nombreux partenaires) et le projet Filières agro-industrielles animales et développementdurable (FA2D, Inra Rennes).

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en bref

OAgronomes pour demainLe 23 octobre 2008,l’Association françaised’agronomie est née. Quelque200 agronomes présents àl’assemblée constituante veulentainsi fédérer les professionnelsde l’agronomie des secteurs de la recherche, de la formationet du développement. L’AFA se veut un carrefour pourrepenser l’agronomie en prenanten compte les enjeux sociétauxet [email protected]

OL’Inra recrute L’Inra recrute 68 chercheurs et 359 ingénieurs, cadres et techniciens.www.inra.fr/les_hommes_et_les_femmes

OEvaluation AERES L’Inra sera évalué par l’Agenced’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur(AERES) en 2009, tout commele CNRS, le CEA et l’ANR.Cette évaluation porte sur la stratégie de l’établissement ;elle repose sur une analyse des objectifs assignés à l’organisme et de sa capacitéà les atteindre. Pour conduirecette évaluation, le comitéinternational de visite utilise les éléments d’auto-évaluationfournis par l’Institut.

OOrganisation interne La direction de l’Inra a mandaté François Houllier(directeur scientifique) pour lui faire des propositions en matière d’organisation avec trois objectifs :l’internationalisation desactivités de l’Inra, l’améliorationde son efficacité et de saréactivité et le renforcement de l’attractivité des métiers de la recherche agronomique.

OABA Inra Transfert, filiale de l’Inra et Seventure Partners, filiale de Natixis Private Equity, ontcréé en joint venture AgroBiotech Accélérateur (ABA) qui soutiendra la naissance de start-up.

Première question soulevée après unetempête : l’évaluation des dégâts. Desméthodes assez fiables ont été déve-loppées à partir de photographiesaériennes couplées aux observationsau sol ou par évaluation satellitaire(images SPOT). Au-delà du pourcen-tage d’arbres tombés, se pose la ques-tion des impacts indirects et de moyenterme. La tempête de 1999 a montrépeu d’effet sur le bilan de carbone etdes conséquences sanitaires (maladies,populations de ravageurs) réduites.

L’instabilité au ventL’observation et l’analyse in situ desdégâts a permis de mieux connaîtrel’influence de certains facteurscomme la différence de sensibilité auvent selon les espèces, l’importancede la hauteur (les dégâts augmententdès 15m pour les résineux, contre 20à 25m pour les feuillus), le rôle de lagrosseur du houppier* et de la ferti-lisation, celui de l’architecture raci-naire et du type de sol… En revan-che, les contours de la lisière et lastructure du peuplement, qui peutêtre hétérogène ou régulier, mélangéou monospécifique, en futaie ou avectaillis sous futaie, jouent peu. La den-sité, tout comme la réalisation d’é-claircies, influent davantage. Et plusencore, la fragmentation du massif,qui peut augmenter la turbulencedes vents. On peut renforcer la sta-bilité au vent soit en favorisant laprofondeur d’enracinement, soit enadaptant le choix végétal (essence,

type de plants), soit en diversifiantles itinéraires techniques (densité,nombre d’éclaircies…).L’influence du paysage « amont »milite pour qu’on raisonne la protec-tion des forêts à l’échelle du paysage.L’acquisition de nombreuses donnéesde terrain, associées à des mesures ensoufflerie sur maquettes et à de lamodélisation mathématique ont per-mis de développer la simulationnumérique du comportement du ventet de l’arbre. L’intérêt : tester différentsétats du peuplement et scénarios degestion forestière, afin de mieux inté-grer le vent dans les schémas de ges-tion et d’aménagement et d’élaborerdes outils d’aide au diagnostic et à lagestion à l’échelle régionale.

Gestion et reconstitution des peuplementsL’Inra a créé ou adapté des logiciels degestion pour les forêts de pin mari-time, comme ForestGales et Capsisou encore Optimfor, ainsi que pour leDouglas. Des recherches doiventencore être menées pour améliorer laconduite des régénérations des boi-sements après tempête. L’un desenjeux est maintenant d’associer plusétroitement les sciences économiqueset sociales pour aborder ensemble lagestion durable de la forêt et l’orga-nisation de la filière bois. l

Jean-Michel CarnusYves Brunet et Jean-Marc Guehl

+d’infosOcontact : [email protected]épartementÉcologie des forêts,prairies et milieuxaquatiquesOLivre : Forêt, vent et risque :des connaissancesenrichies pour unemeilleure gestionforestière.Co-éditions Quae-Ecofor, à paraître en avril 2009OColloque : Carrefour del’innovationagronomiqueLe 30 juin 2009 surla sylviculture et lestempêtes

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Tempêtehuit ans de recherches

Fin janvier 2009, la tempête Klaus, après celle de 1999, suscite de nouvelles interrogations sur les risques de tempête et les implications pour une gestion durable des forêts. La recherche a conduit un travail important sur ce thème au cours des huit dernières années.

* Partie feuillée de l’arbre.

DÉGÂTS de la tempête

Klaus près de Mios,forêt landaise

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La FCOune maladie vectorielle émergente en Europe

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La fièvre catarrhale ovine (FCO) représente un parangon des maladiesvectorielles émergentes liées aux changements globaux : évolution du climat,intensification des mouvements et échanges d’animaux, adaptation et plasticité des virus, et des vecteurs de ces agents pathogènes. La crise sanitaire actuelle illustre la pertinence de travailler conjointementdifférents aspects des maladies vectorielles.

a Fièvre catarrhale ovine(FCO) est une maladie viralenon contagieuse. Elle est trans-mise par des arthropodes

hématophages, qui en sont donc les« vecteurs ». Dans le pourtour médi-terranéen, le principal vecteur est lemoucheron piqueur Culicoides imi-cola. La maladie est due à l’infectionpar le bluetongue virus (BTV), appar-tenant au genre Orbivirus. Dans cegenre, on trouve d’autres virusmajeurs comme ceux provoquant lapeste équine ou la maladie hémor-ragique épizootique des cervidés. LaFCO touche les moutons mais aussiles bovins et les caprins. Les rumi-nants sauvages peuvent jouer un rôlede réservoir du virus. A ce jour, onadmet qu’il existe 24 sérotypes diffé-rents du virus. Un nouvel orbivirusidentifié en Suisse (Toggenburg) esten cours de caractérisation et pourraitconstituer un sérotype 25 si sa parentéest confirmée.

Une forte phase épidémiqueDans les régions européennes nou-vellement atteintes, en particulier enFrance où l’épidémie est massive, lesconséquences économiques sontdrastiques pour l’élevage. Depuis2002, la maladie a provoqué la mortde plusieurs dizaines de milliers d’ovins en Europe, et surtout unebaisse des performances zootech-niques. L’interdiction des échangescommerciaux (animaux, produitsanimaux et gamètes) a de fortesrépercussions sur certaines filièresovines ou bovines (jeunes broutardsfrançais exportés en Italie pour êtreengraissés). A ce jour, exceptéquelques études ex ante dans le nordde l’Europe, il n’existe pas d’évalua-tion approfondie des coûts écono-miques induits. Les impacts sontprobablement moins importantsdans les nombreux pays méditerra-néens et inter-tropicaux où la FCOest enzootique.

Symptômes hétérogènes et impacts variablesSous nos latitudes, l’infection par leBTV se traduit par des formes cli-niques variables. Les symptômes peu-vent être la fièvre (d’où le nom de fiè-vre catarrhale), une inflammation desmuqueuses notamment de la langue(d’où le nom Afrikaner de la maladie)ou diverses atteintes des tissus lym-phatiques, pulmonaires et des organes sexuels. Il existe probable-ment des interactions facilitatricesentre la FCO et d’autres troubles desanté. Des analyses sérologiques et virologiques en laboratoire sont doncindispensables pour confirmer le dia-gnostic clinique et pour identifier lesérotype incriminé. Des méthodesmoléculaires ont été récemmentdéveloppées pour améliorer la qualitéde ce diagnostic.L’hétérogénéité clinique observée estprobablement due aux variations depouvoir pathogène des sérotypes oudes souches de virus, aux vecteursimpliqués, à une variabilité indivi-duelle et/ou à la résistance de cer-tains génotypes animaux notammentovins. Les déterminants de cettevariabilité font l’objet de recherches.

Deux fronts de progressionen EuropeDécrite pour le première fois en 1881en Afrique du Sud, la FCO est pré-sente dans toutes les régions chaudesdu globe. Elle a fait plusieurs incur-sions dans le bassin méditerranéenpar le passé. A partir de 2000, la situa-tion s’est détériorée. Depuis des évé-nements épidémiques récurrents tou-chent la côte nord de la Méditerranée.Quasiment tous les pays méditerra-néens sont affectés depuis 2002, mal-gré des campagnes de vaccination(contre les sérotypes BTV 2, 4 et 16).

DESSYMPTOMES

VARIABLES.Sécrétion

salivaireexcessive,

inflammationlinguale avec

nécrose,congestion

des yeux

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De façon surprenante, des foyers deFCO ont été identifiés aux Pays-Bas,puis en Belgique et en Allemagne en2006 en l’absence du principal vecteurconnu. L’épidémie s’est ensuite pro-pagée dans toute la France. L’épizoo-tie nord européenne présente une tri-ple originalité par rapport aux foyersméditerranéens : d’une part l’intro-duction de nouveaux sérotypes, leBTV8 en 2006 (originaire d’Afrique etd’Amérique latine), puis le BTV6 fin2008, l’identification d’un nouveauvariant viral (TOV) chez des caprinsen Suisse, le BTV 11 en 2009 ; d’autrepart l’atteinte clinique significativechez des bovins; et enfin une diversi-fication des vecteurs impliqués, aut-res que Culicoides imicola.Cela conduit à différencier la luttecontre la FCO dans le bassin médi-terranéen, de la zone Nord Europe.Dans le premier cas, l’émergence etle caractère endémique de la FCOsont associés en priorité à la remon-tée de la limite nord de distributionde son vecteur principal C. imicola,grâce à des conditions climatiquesplus favorables.Dans la zone tempérée de l’Europe,l’émergence est associée à la trans-mission avec une incidence étonnam-ment élevée, du BTV par des insectesdu genre Culicoides qui se sont ainsiavéré être des vecteurs biologiques dela maladie. Compte tenu de l’adapta-tion de ces diptères piqueurs autoch-tones aux conditions climatiques euro-péennes, le virus a la capacité de serépandre sur le continent. Les paysdoivent ainsi réviser leurs mesures de

contrôle et de surveillance de la mal-adie. Le pouvoir pathogène variablede certaines souches virales ainsi queleur persistance pendant plusieurssemaines ou mois chez les animauxinfectés (notamment chez les bovins)pourraient expliquer la capacité duvirus à se maintenir dans des régionssoumises à un hiver qui élimine lespopulations de moucherons adultes.Outre la surveillance entomologique,les équipes du CIRAD étudient ladiversité des vecteurs, la dynamiquede leurs populations et leur compé-tence vectorielle.

Méthodes de lutte Les ruminants domestiques infectéssont systématiquement dépistés. Maisla lutte contre cette maladie est renduedifficile par l’existence d’une fauneréservoir et par la diversité des vec-teurs. Le contrôle passe par la maî-trise partielle des populations de vecteurs et surtout la vaccination.Compte tenu des 24 sérotypes duBTV, la vaccination cible le sérotypeimpliqué car il n’y a pas ou peu deprotection croisée.Depuis 2004, les autorités vétérinairesfrançaises préconisent d’utiliser desvaccins inactivés. Leur efficacité (pro-tection clinique et virologique) reste àdocumenter sur les espèces caprineet bovine. Les recherches visent àidentifier des possibilités de vaccinsmultivalents recombinants.Face à l’épidémie, les différents acteursse sont mobilisés à travers le Réseaufrançais pour la santé animale qui ras-semble recherche privée et publique et

Thématiques de recherche du Département santé animale sur la FCO VirologieVariabilité génomique des virusImpact de la variabilité des isolats BTV-1/BTV-8sur la réponse immune humoraleDéveloppement d’outils sérologiques pour la différenciation entre animaux infectés et animaux vaccinésPhysiopathologie, immunologie, vaccinologieRôle de l’immunité passive maternelle contre uneinfection et sur l’interférence avec la vaccinationPhysiopathologie de l’infection à BTV, interactionsentre le virus et les cellules cibles Implication des cellules dendritiques dans la dissémination virale, la pathogénicité et l’immunitécontre le BTVCaractérisation génomique fonctionnelle des cellules dendritiques en réponse aux vaccinsclassiques et innovants Innovation vaccinale et réponse immune aux épreuves vaccinalesCaractérisation des vecteursTaxonomie et développement d’outils de diagnostic moléculaire quantitatif

Dynamiques spatiales de population des vecteurset déterminants environnementauxBio-écologie des espèces Compétence vectorielle des espècesLutte antivectorielle, insecticides et répulsifs, pharmacologieCriblage de différentes molécules par contact ou ingestion, tests de différentes formulationsBases moléculaires de la sensibilité aux insecticidesPharmacocinétique des insecticides chez les espèces ciblesEpidémiologie, économie de la santé, aide à la décision pour la gestion de la FCOEstimation de paramètres épidémiologiquesFacteurs environnementaux impliqués dans la diffusion des épidémiesModélisation spatio-temporelle de la propagationdes épidémies de FCOÉvaluation des effets zootechniques de l’infectionet de la vaccinationModèles d’évaluation des impacts économiquesdes incidences des épidémies de FCO

+d’infosOcontacts :[email protected]/recherches/axes_prioritaires/sante_animale_maladies_emergentesgilles.aumont@tours.inra.frwww.inra.fr/sante_animale/OUnités de recherche impliquées• UR 892 VIM (Jouy-en-Josas) :immunologie, vaccinologie• UMR 1161 AFSSA ENVA INRAVirologie (Maisons-Alfort) : virologie,vaccinologie• UMR 1225 ENVT INRA IHAP(Toulouse) : vaccinologie, physio-pathologie, génomique• UMR CIRAD INRA CMAEE(Montpellier) : entomologie, lutte anti-vectorielle, épidémiologie, vaccinologie• UMR 181 ENVT INRA PTE(Toulouse) : pharmacologie des insecticides• UE 1277 PFIE (Tours) : approchesexpérimentales en zone confinée• UMR 1300 IENVN INRA BioEpar(Nantes) : incidence économique de la crise sanitaire de la FCO• UR 346 EpiA (Clermont Ferrand) :épidémiologie et modélisation spatio-temporelle

LES FRONTSde diversesinfectionsconvergenten France :foyers duBTV1 en bleufoncé et duBTV8 enrouge. Source Afssa,novembre 2008

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est co-piloté par l’Afssa, l’Inra et leSIMV (Syndicat des industries dumédicament vétérinaire).

Enjeux scientifiquesLe Département de recherche en santéanimale associe des équipes de l’Inra,du Cirad, de l’Ecole vétérinaire deToulouse (ENVT) et de l’Afssa (à Mai-sons-Alfort). Ses travaux sur la FCOdatent de 2000. Deux axes sont privi-légiés : l’innovation pour obtenir desvaccins multivalents (efficaces contreplusieurs sérotypes) et si possiblerecombinants (produits par géniegénétique) et l’étude de la réponseimmune des ovins au BTV. Depuis2007, le DSA développe un ensemblecohérent de compétences et de res-sources afin de pouvoir aborder lesmaladies émergentes vectorielles àvenir. Cette stratégie a été mise enoeuvre pour les maladies à prions oul’influenza aviaire. Elle sous-tend lesrecherches sur la FCO qui constitueen ce sens une maladie exemplaire. l

Gilles Aumont, Renaud Lancelot et Dominique Martinez

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Aujourd’hui dans le monde, près d’un produit aquatique sur deuxprovient de l’élevage. A Saint-Pée sur Nivelle, des biologistes de l’Inratravaillent sur la nutrition et le métabolisme des poissons d’aquaculture.Leur but : analyser l’intérêt et les limites de nouvelles formulesalimentaires pour favoriser la croissance des poissons, limiter leursrejets et améliorer leur qualité finale pour le consommateur. Interviewde Françoise Médale, directrice de l’unité Nutrition, aquaculture et génomique 1.

Alimentationdes poissons d’élevage

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Le poisson devient un enjeude santé publique :le Programme nationalnutrition santé 2 enrecommande d’en consommerau moins deux fois parsemaine. Quel est son intérêtnutritionnel ?Françoise Médale : Le poisson est laprincipale source d’acides gras longspolyinsaturés de la série des oméga 3dans l’alimentation humaine. Ilsreprésentent jusqu’à 25 % des lipidesde la chair de poisson contre 3 % chezles animaux terrestres. Or ces oméga 3ont un effet protecteur contre les mal-adies cardio-vasculaires, les inflam-mations et sont indispensables audéveloppement cérébral. Ensuite, lepoisson est riche en protéines. Danscertains pays, il constitue même laseule source de protéines animales.Les constituants de ces protéines ren-dent le poisson très digeste, tout enrecélant vitamines et microéléments(phosphore, fluor, etc.).

Pourquoi l’alimentation est-ellecentrale dans la pisciculture ?F.M. : D’abord, bien que le poissonsoit un transformateur d’aliment effi-cace 3, l’alimentation représente lamajeure partie du coût de la produc-tion aquacole. Ensuite, l’alimentationengendre des rejets dans l’eau : restesnon consommés, mais aussi fèces etdéchets du métabolisme (azote,ammoniaque, etc.). Nos travaux ontcontribué à la diminution des rejetspolluants, en jouant sur la composi-tion de l’aliment et à l’élaboration detables d’alimentation pour adapterles quantités d’aliments aux besoinsdes poissons.Enfin, les aliments piscicoles sontdépendants de la pêche dite mino-tière, basée sur des poissons de petitetaille (anchois du Pérou, merlan bleu,etc.) peu prisés pour la consomma-tion humaine. Ils sont transformés enfarine et huile pour nourrir les pois-sons d’élevage, carnivores comme85 % des poissons existants. Il faut

pêcher 4 à 5 kg de poisson pour pro-duire 1 kg de farine de poisson et 20kg pour un litre d’huile 4 ! Cette pêcheest soumise aux aléas climatiques etaux quotas instaurés pour permettrele renouvellement des stocks de pois-sons sauvages, très menacés. Si l’a-quaculture continue sa progression,il n’y aura plus assez de matières pre-mières marines pour répondre à lademande, la production de farine ethuile de poisson à partir de co-pro-duits de l’industrie de préparation ettransformation du poisson étant fai-ble (5 à 10 %). C’est pourquoi, depuistrente ans, les scientifiques prospec-tent différents ingrédients de substi-tution aux farines et huiles de poisson.

Les aliments commerciauxactuels contiennent déjà de 30 à 40 % de produitsvégétaux. Peut-on fairemieux ?F.M. : Les poissons sont de grosconsommateurs de protéines, entre30 et 55 % selon les espèces (maxi-mum 20 % chez les poulets à titrede comparaison). La farine de pois-son, constituée à 70 % de protéines,répond bien à ce besoin. Elle est res-tée majoritaire dans les aliments d’é-levage jusqu’en 2001, quand a étélancé le programme européenPEPPA 5 dont notre laboratoire étaitcoordonateur.Son objectif : remplacer la plus grandeproportion possible de farine de pois-son sans conséquence sur le produitfinal, dans un contexte où l’utilisationd’autres farines animales (fabriquéesà partir de déchets d’abattoir) estinterdite dans l’alimentation des pois-sons. Résultat : 50 à 75 % des farines

repères

En France11,6 % despoissonsconsommésproviennentd’élevages, contre77 % en Chine(FAO, 2006).

Dix espècesde poissonsoccupentaujourd’hui 65 %du marchéfrançais : thon(pêché), saumon,cabillaud, truite et poissonstropicaux (élevés)

L’aquaculturea progressé de8,8 % par andepuis 1970, à comparer aux2,8 % pour lesproductions deviande d’animauxd’élevageterrestre (FAO,2007).

PISCICULTUREEXPÉRIMENTALE

de Lées-Athas,Pyrénées

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précurseurs d’acides gras oméga 3sous une autre forme que l’huile depoisson, comme les produits du lin.

Peut-on changer le régimealimentaire d’un poisson,c’est-à-dire transformer un carnivore en végétarien,sans aucune conséquence ?F.M. : Une partie de nos recherches,plus fondamentales, est consacrée àidentifier les conséquences de l’ali-mentation sur l’expression des gènes,des protéines et leurs régulations.Dans ce but, nous étudions les inter-actions entre le génotype et l’alimen-tation avec l’équipe de génétique despoissons de l’Inra à Jouy-en-Josas.Nous cherchons notamment à iden-tifier des gènes impliqués dans le fonc-tionnement du foie, organe centraldu métabolisme nutritionnel, quipourraient servir d’indicateurs poursuivre ces évolutions.

Quelles sont vos nouvellespistes de recherche ?F.M. : Dans le cadre du projet euro-péen AQUAMAX 6, les recherchesportent sur une substitution conjointede la farine et de l’huile de poisson.L’objectif est le développement d’ali-ments dont le contenu en matièrespremières d’origine marine seraencore réduit. Les nouvelles formu-lations seront validées par des essais àlong terme en grandeur réelle dansdes fermes d’élevage pour quatre espè-ces, truite arc-en-ciel, saumon atlan-tique, daurade et carpe, parmi les plusconsommées en Europe. Un autre défiest d’arriver à sélectionner des pois-sons sur la base de leur aptitude à tirerprofit des matières premières végéta-les. Nous recherchons notamment desindividus ou des familles présentantdes aptitudes particulières pour lestockage des acides gras oméga 3. l

Propos recueillis par Céline Goupilet Magali Sarazin

de poisson ont pu être remplacés pardes matières végétales, pourtant moinsriches en protéines et en certains aci-des aminés essentiels. Chaque sourcevégétale a été testée en observant leseffets de taux croissant d’incorpora-tion sur la croissance, le systèmeimmunitaire, la reproduction, lesdéchets azotés, les qualités nutrition-nelles et sensorielles de différentesespèces de poisson. Certains compo-sants des végétaux, identifiés commeindésirables (perte d’appétit, mau-vaise digestion) peuvent être dimi-nués ou inactivés.Toutefois, pour conserver l’appétencedes aliments piscicoles riches en ingré-dients végétaux, nous sommescontraints de conserver une part defarine de poisson. Nous avons ainsiréussi à remplacer jusqu’à 90 % de lafarine de poisson par un mélange deprotéines végétales (soja, lupin, pois,colza) sans augmenter le coût. Il existedéjà sur le marché des aliments tota-lement à base de végétaux, mais pourles poissons d’eau chaude qui ont demeilleures capacités digestives etmétaboliques.

Et pour l’huile de poisson,dont on sait qu’en 2010, il n’y en aura plus assez pour satisfaire les besoins de l’aquaculture ?F.M. : Nous avons montré que sonremplacement total par un mélanged’huiles végétales (colza, palme, lin)était possible sans modificationmajeure des mécanismes de consti-tution des tissus gras de l’animal maisréduisait fortement sa teneur enoméga 3.Une « période de finition » est doncnécessaire dans le cadre de la substi-tution, c’est-à-dire un apport ali-mentaire d’huile de poisson les moisprécédant la commercialisation. Desrecherches sont encore nécessairespour déterminer les proportions et ladurée, mais aussi pour introduire des

en bref

OOrigine des espècesUn mécanisme génétique simplecontribuerait à la spéciation , selonune étude de l’Inra en collaborationavec l’université de Nottingham.Les chercheurs ont mis enévidence une incompatibilitéchromosomique due à un seulgène, l’histidinol phosphateaminotransférase (HPA) quiexplique pourquoi certainesdescendances de croisements,chez la plante modèle Arabidopsis,ne sont pas viables.Science, 01/2009

OEsthétique foliaire Une famille de gènes appelésNAM/CUC3 est responsable de la forme de feuilles aussi dif-férentes que celles du géraniumou du trèfle. Un modèle général,mis au point par l’Inra avec l’uni-versité d’Oxford, montre queces gènes ralentissent la crois-sance au bord de la feuille etactivent la formation de foliolesvoisines, ce qui donne au bordsa forme dentée. Science, 12/2008

OFood milesLes Food miles, indicateur dedéveloppement durable, désignentla distance parcourue par lesproduits alimentaires entre le lieude production et les lieux deconsommation. En prenant lesexemples d’une eau minérale desîles Fidji et du sel de l’Himalaya,des chercheurs soulignent que c’est d’abord l’image positivede l’exotisme qui compte pour un échantillon de consommateursfrançais, la distance évoquant plusles conditions de production quela dépense énergétique généréepar le transport. International Journal ofConsumer Studies, 32, 508-515

OSurveiller l’environnementDes chercheurs de l’Inra et de la faculté de pharmacie de Lille,qui travaillent sur les méthodes de biosurveillance, ont élaborédes protocoles d’utilisation dedifférentes plantes (tabac, lichen,mousse, ray-grass) pour surveillerla qualité de l’air en particulier.Leurs travaux ont abouti à la parution de quatre normesAFNOR en juin 2008.

1. Inra, Ifremer, universitéde Bordeaux I

2. PNNS2 :www.mangerbouger.fr/IMG/pdf/guide_alimentaire.pdf

3. Le rendement detransformation de l’alimentpar le poisson est le meilleur de toutes les productions animales : par exemple, 1 à 1, 2 kgd’aliment permettent de produire un kg de truite.

4. Car il s’agit de poissonsà chair maigre, qui n’ontqu’une faible capacité àstocker des lipides commeréserves énergétiquesdans les tissusmusculaires : moins de 5g/100g (plus de15g/100g pour lesespèces à chair grasse).

5. Programme PEPPA,Perspectives of PlantProtein Use in Aquaculture,et RAFOA, ResearchingAlternatives to Fish Oils inAquaculture.

6. www.aquamaxip.eu

TRUITE arc-en-ciel

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ébut 2008, un programmeeuropéen établissait l’in-ventaire des espèces inva-sives en Europe (Daisie,

Inra magazine n°6) et attirait l’atten-tion sur l’accélération des invasionsinvolontaires, d’insectes notamment,identifiées comme des menaces pourl’agriculture, l’environnement et lasanté humaine.En revanche, depuis plus d’un siècle,la lutte biologique est une méthodede protection des cultures, alternativeou complémentaire à d’autres métho-des, qui repose sur l’introduction pla-nifiée d’insectes exotiques. Ces « auxi-liaires » sont des prédateurs dubioagresseur visé lequel est en générallui-même d’origine exotique. La luttebiologique connaît de francs succès,par exemple dans la lutte contre lapyrale du maïs (Ostrinia nubilalis) àl’aide de trichogrammes parasitoïdes

élevés en masse et lâchés de façonsrépétées. Dans le cas des acclimata-tions d’insectes auxiliaires, les réus-sites sont également spectaculaires etprésentent l’avantage d’un coût demise en œuvre réduit puisqu’ellesn’ont pas à être renouvelées. Néan-moins, un grand nombre de tentativeséchoue. Des explications sont trou-vées au cas par cas. Cependant, onpeut penser que des causes génériquesexistent et que leur compréhensionpermettrait d’améliorer l’efficacité dela lutte biologique.Par l’expérimentation in natura qu’elleapporte, la lutte biologique semble leterrain idéal pour tester les hypothè-ses émises en biologie de l’invasion.C’est ce qui motive, depuis 2001, desprogrammes conjoints entre l’équipeBiologie des Populations en Interac-tionet l’unité de Lutte Biologique deSophia Antipolis.

L’effet Allee Une première collaboration s’est inté-ressée à la dynamique des petitespopulations. Une des hypothèses desmodèles développés repose sur l’effetAllee lequel prédit que les petitespopulations ont plus de difficulté dereproduction et donc un faible tauxd’accroissement. Conséquence d’uneffet Allee : l’implantation d’uneespèce invasive est étroitement liéeau nombre d’individus introduitsinitialement, que ce soit fortuitementou volontairement.Le programme de lutte biologiquecontre la cicadelle Metcalfa pruinosa,ravageur phytophage, par introduc-tion de l’hyménoptère parasitoïdeNeodryinus typhlocybae importé ducontinent nord américain, a été orga-nisé de manière à tester l’existencede l’effet Allee au tout début de l’in-vasion. Les lâchers de Neodryinustyphlocybae ont été réalisés sur 60sites localisés dans le sud-est de laFrance, en mai 2001. Les propagules(organes de dissémination) furentpréparées de manière à contenir 0, 1,10 ou 100 femelles fécondées. Leschercheurs ont alors observé si lataille ou la densité initiale des popu-lations avaient un effet sur la proba-bilité d’implantation de la popula-tion, sur son taux de croissance, sur laprobabilité d’accouplement et sur lecontrôle des populations hôtes. À l’issue des essais, toutes les réponsesétaient négatives, concluant à l’ab-sence d’effet Allee.Plusieurs raisons peuvent être avan-cées. Premièrement, les hyménoptères,majoritaires parmi les auxiliaires delutte biologique, sont dotés de systè-mes très efficaces de localisation, quece soit pour les hôtes ou pour les com-pagnons (forte sensibilisation auxphéromones). Ils souffrent donc peud’une faible densité au moment de

Bio-invasionet lutte bio

LA MOUCHEde l’olive

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Biologie de l’invasion et lutte biologique partagent des approchesdémographiques, génétiques, comportementales similaires. Des expérimentations de lutte biologique contribuent à comprendre le succès ou l’échec des invasions accidentelles (bioagresseurs) ou planifiées (acclimatations d’agents de lutte biologique).

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1. Le programme Bactrocera oleaebénéficie de financements ANR (projetBio-Inv4I coordonné par ThomasGuillemaud ), de l’ONIGC et du ConseilGénéral des Alpes-Maritimes et de la participation technique de l’AFIDOL, d’AgriBio 06 et de lasociété BIOTOP. La démarche a étéinitiée avec A. Estoup, Inra Montpelier.2. Réunion Theidolb : 16 et 17 décembre 2008 - Le problème de l’adaptation dans les petites populations.www.inra.fr/reid/les_groupes/theidolbProgramme Metcalpha pruinosaet effet Allee : X. Fauvergue, L. Giuge et J.- C. MalausaProgramme Bactrocera oleaeet hybridation : A. Auguste, J.-C.Malausa, N. Ris, M. Thaon, S. Warot, G.Groussier-Bout, S. Cheyppe-Buchmann.

+d’infosOcontactsUnité mixte de recherche InteractionsBiotiques et Santé Végétale (Inra,CNRS, UNS), équipe Biologie desPopulations en Interaction,[email protected]é expérimentale de lutte [email protected]

ORéférencesFauvergue X., Malausa J.C., Giuge L.,Courchamp F. 2007. Invadingparasitoids suffer no Allee effect : a manipulative field experiment. Ecology. Fauvergue X & Hopper K.R. In press. French Wasps in the NewWorld : experimental biological controlintroductions reveal a demographicAllee effect. Population Ecology.

populations sources différentes. Unedes hypothèses avancées est l’appari-tion soudaine de populations hybridesplus performantes. Le programme delutte biologique contre la mouche del’olive Bactrocera oleae 1 vise à testercette hypothèse. Les travaux ont béné-ficié de plusieurs années de prospec-tions des ennemis naturels de la mou-che de l’olive en Afrique organiséespar le laboratoire américain EuropeanBiological Control Laboratory. Ellesont permis d’identifier le parasitoïdePsyttalia lounsburyi, ennemi naturel etspécifique de la mouche de l’olive,n’ayant jamais été introduit en Europeet pour lequel deux souches différen-ciées étaient disponibles.Les premiers élevages de Psyttalialounsburyi ont débuté en janvier 2007sur le centre de recherche de Sophia-Antipolis. Parallèlement, des étudesphénotypiques ont mis en évidencedes caractéristiques différentes entrela souche du Kenya et la souche d’Afrique du Sud, en ce qui concernel’influence de l’âge de l’hôte sur lenombre de descendants et le ratiomâle / femelle. En laboratoire, lesgénéticiens ont obtenu 21 marqueursmoléculaires qui permettent de dis-criminer les populations et éventuel-lement de suivre l’évolution géné-tique des populations qui se serontacclimatées.Le lâcher de l’auxiliaire Psyttalialounsburyi est intervenu en juillet der-nier sur 60 sites situés sur le pour-tour méditerranéen, 20 sites avec lasouche du Kenya, 20 sites avec la sou-che d’Afrique du Sud et 20 sites avecdes individus des deux souches afinde produire une descendance hybride.Pendant au moins deux ans, les cher-cheurs vont observer la présence oul’absence des auxiliaires, leur densitéet le ratio mâle / femelle ainsi que ladensité des bioagresseurs de l’olive.Ce suivi évaluera la réussite ou l’échec

l’introduction. Deuxièmement, cesinsectes parasitoïdes se reproduisentd’autant plus sur un site qu’ils ontparcouru un long trajet pour l’attein-dre, comportement qui favorise lacolonisation de nouveaux sites. Troi-sièmement, les hyménoptères sonthaplodiploïdes : une baisse du nom-bre de mâles entraîne une baisse dunombre de femelles accouplées etdonc, une hausse du nombre de mâlesnaissant car les mâles sont issusd’œufs non fécondés. Cela peutcontrecarrer la difficulté initiale de lareproduction.Ainsi, un programme de lutte biolo-gique comportant une expérimenta-tion sur l’effet Allee a permis de docu-menter de manière contre-intuitivele rôle d’un des paramètres majeurs enbiologie de l’invasion : le nombreminimal d’individus nécessaire pourréussir une invasion. Depuis, ce typed’étude a été reproduit, indiquant cer-tains résultats similaires, d’autres radi-calement différents. Ce qui ouvre denouvelles questions de recherches etmontre que l’écologie faisant inter-venir des mécanismes complexes, ilest difficile de généraliser certaineshypothèses ! L’effet Allee repose surdes concepts démographiques, géné-ralement indépendants des particu-larités génétiques des populationsconcernées, ce qui pourrait expliquerune partie des observations contra-dictoires. Poursuivant cette nouvellehypothèse, la biologie des populationsopère une convergence entre appro-ches démographique et génétique.

L’impact de l’hybridation chez la mouche de l’oliveL’étude de certaines invasions biolo-giques a ainsi mis en évidence quel’explosion démographique d’espècesinvasives se déclenchait après untemps de latence parfois long et desintroductions multiples issues de

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de l’acclimatation tandis que les pré-lèvements serviront à estimer la varia-bilité génétique des populations accli-matées. Parallèlement à ces opérationsde terrain, des études sont en courspour documenter plus précisémentl’influence de l’hybridation chezP. lounsburyi.

Un réseau de réflexion Explorer de nouvelles hypothèsespour comprendre les processus inva-sifs apparaît crucial si l’on veut pou-voir prédire le succès invasif d’auxi-liaires et contrôler les populationsinvasives nuisibles. C’est la missionque se donne le groupe de chercheurs« Theidolb », nom de code pour« Test d’hypothèse sur l’écologie desinteractions durables lors des opé-rations de lutte biologique » 2. Cegroupe co-animé par Xavier Fauver-gue, Nicolas Ris du centre Inra deSophia-Antipolis et Stéphane Dupasde l’IRD, a notamment aidé à l’émergence du projet de recherchePsyttalia lounsburyi. l

Armelle Favery

CHAMPSD’OLIVIERS et PSYTTALIALOUNSBURYI

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+d’infosOréférences :Vazeille E. et al. The ubiquitin-proteasomeand the mitochondria-associated apoptoticpathways are sequentially down-regulatedduring recovery after immobilization-induced atrophy. Am. J. Physiol. Endocrinol.Metab., 2008, 295, E1181-E1190.

Ocontact :[email protected]

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ourquoi s’intéresser aumuscle ? Parce qu’il joue unrôle majeur dans la loco-motion et, moins visible, un

rôle métabolique. En effet, le muscleest le principal réservoir de protéinesdu corps humain. Ces protéines sontformées d’acides aminés qui sontfournis principalement par l’alimen-tation. Elles fondent littéralement aucours d’une maladie ou d’une immo-bilisation prolongée. Dans ces situa-tions particulières, les muscles pren-nent le relais de l’alimentation, enassurant la fourniture en acides ami-nés aux autres organes, comme lecœur, le foie ou le cerveau, mais aussipour la fabrication de protéines impli-quées dans la défense immunitaire.En somme, pour être et rester enbonne santé, il faut absolument pré-server sa masse musculaire.

Au cours de l’immobilisation par plâ-trage, 20 à 25 % de la masse muscu-laire est perdue et la période de récu-pération qui s’ensuit est longue. Parexemple, dans le cas d’une personnequi a la jambe plâtrée pendant troissemaines, la récupération dure aumoins six mois s’il n’y a pas de réédu-cation kinésithérapique. La situationest plus préoccupante pour les per-sonnes âgées car elles ne récupèrentjamais totalement leur état muscu-laire initial et entrent alors dans unespirale de dégradation de leur qualitéde vie, pouvant perdre autonomie etcapacité de défense face aux patholo-gies. La taille du muscle est condi-tionnée par un processus de fabrica-tion (synthèse) et de dégradation desprotéines (protéolyse), mais égale-ment par la régénération (différen-ciation) et la destruction (apoptose)

des cellules. Chez un adulte en bonnesanté, ces processus sont équilibréset maintiennent constante la massemusculaire.Les chercheurs ont utilisé un modèleexpérimental d’immobilisation mus-culaire. Ils ont plâtré pendant huitjours une des pattes arrière de rats. Ilsse sont intéressés aux mécanismes deprotéolyse et d’apoptose, jusqu’alorspeu étudiés, mais qui jouent un rôleprépondérant dans le contrôle de lamasse musculaire. Ils observent unefonte musculaire importante en find’immobilisation, associée à une aug-mentation de la protéolyse et de l’apoptose. Après le déplâtrage, lamasse musculaire se stabilise pendantles dix premiers jours. A ce stade, laprotéolyse est déjà normalisée. Unephase de récupération débute ensuitede façon lente et progressive. Pendantcette période, l’apoptose est sous régu-lée avant d’être complètement nor-malisée après vingt jours de récupé-ration. Par contre, trente jours après ledéplâtrage, plus de la moitié de lamasse musculaire perdue reste encoreà récupérer.La normalisation de la protéolyse etde l’apoptose n’est donc pas suffisantepour permettre une récupérationtotale. La synthèse des protéines mus-culaires doit donc jouer également unrôle capital. La longueur de la périodede récupération rend possible l’élabo-ration de stratégies nutritionnelles. Lapremière, pendant l’immobilisation,basée sur l’utilisation de micro-cons-tituants végétaux connus pour limiterla protéolyse et l’apoptose et la seconde,pendant la récupération, basée sur l’utilisation de régimes protéiquesadaptés connus pour favoriser la syn-thèse des protéines musculaires 2. l

Magali Sarazin

Reprendre dumuscle plus vite !

A l’unité de Nutrition humaine 1, des chercheurs de l’Inra étudient les mécanismes de reconstitution de la masse musculaire après une immobilisation prolongée. L’objectif : adapter une stratégie nutritionnelle pour accélérer la reprise musculaire.

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P1. Unité mixte de

recherche Inra et université d’Auvergne

Clermont-Ferrand 1 :www1.clermont.inra.fr/unh/

2. www.inra.fr/presse/un_regime_alimentaire_

supplemente_en_leucine

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Dossier rédigé par Olivier Mora et Lisa Gauvrit, avec l’appui de Catherine Donnars.

À partir de la prospective Nouvelles ruralités à l’horizon 2030 pilotée par Guy Riba (directeur

général délégué chargé de la programmationscientifique) et Bernard Hubert (directeur du GIP Ifrai)

et coordonnée par Olivier Mora (unité Prospective).Rapport et liste des experts et collaborateurs

à l’adresse : www.inra.fr/l_institut/prospective/prospective_nouvelles_ruralites

Nouvelles ruralités en 2030Quelles dynamiques villes-campagnes ?

Notre imaginaire reste polarisé par l’exoderural et pourtant les campagnes ontprofondément changé depuis plusieursdécennies. Etroitement liées auxdynamiques urbaines et territoriales, les campagnes sont à la fois des lieux de résidence, de loisirs, de production et de nature. Simultanément, les villesévoluent. À leurs frontières, de plus en plusdiffuses et étendues, se développent des espaces périurbains, hybrides de ville et de campagne.La prospective Nouvelles ruralités 2030invite à déplacer notre regard pour imaginerdes scénarios d’évolution des relationsvilles-campagnes. Car la prospective ne relève ni de la science, ni de l’oracle,mais prend tout son sens dans le débatqu’elle suscite sur les futurs possibles et souhaitables à envisager collectivement.

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lII INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 2009

Un regard sur les ruralités

n travaillant, habitant et sedétendant, les individus tis-sent des liens avec unediversité de territoires

urbains comme ruraux. Quels sontles traits majeurs des ruralités ?Commençons par la mobilité. Qu’ils’agisse des personnes, des biens oudes informations, l’essor des mobi-lités marque profondément les ter-ritoires ruraux. Les va-et-vient quo-tidiens (navette), les déplacementsliés aux loisirs, les mobilités rési-

dentielles liées au cycle de vienotamment, mais aussi les migra-tions internationales s’inscriventdans une transformation radicaledu rapport des personnes à l’espace.

Essor des mobilitésFavorisés par l’essor des transportset des technologies d’information etde communication, ces déplacementsfréquents et diversifiés montrent l’émergence de différentes formesd’appartenance territoriale, en rap-

port avec une diversification des styles de vie. Cette multiappartenanceterritoriale marque la fin de la séden-tarité qui avait caractérisé les cam-pagnes. De nouvelles complémenta-rités entre les espaces ruraux eturbains se font jour. Cependant,l’avenir des mobilités individuellessemble incertain car dépendant del’évolution du coût des transportsindividuels et collectifs : le prix del’énergie et les innovations dans cedomaine seront déterminants.

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Histoire et prospective rurales« Depuis quelques années, les recherches et lescolloques se succèdent pour étudier le sort de noscampagnes. Le Sénat, la Datar du côté des pouvoirspublics, le CNRS, l’Inra, des universitaires, à Paris, à Lyon, à Grenoble, à Toulouse, par exemple, se sontpenchés sur cette question. Les campagnes françaises ont enregistré au cours des cinquante dernières années un double choc.D’abord, une rupture dans une évolution millénaire, « la findes paysans », selon Henri Mendras (1967). Ensuite, uneavancée interrompant plusieurs siècles de retrait,

« la renaissance rurale », selon Bernard Kayser (1989). Dès lors, comme l’écrit Philippe Perrier-Cornet, il fallait« repenser les campagnes » (2002), d’autant que sur les mêmes territoires doivent cohabiter maintenant desespaces et des intérêts aussi divers, et souvent aussicontradictoires, que ceux de la résidence, des infrastructures lourdes, de l’agriculture et de lanature. Les voies d’une prospective des nouvelles ruralitésétaient ainsi ouvertes. »

Armand Frémont, géographe, ancien recteur des académies de Versailles et de Grenoble

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PRÈS DE 45 %des surfacesagricoles sesituent dans

l’espacepériurbain

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Un espace rural très présentLa délimitation des zones ruralesdépend des critères de définitionchoisis (cf. page V). Ainsi, la Francereste à l’échelle européenne un paysoù dominent les zones à faible densitéde population. On peut distinguerdeux types d’espaces ruraux : desespaces ruraux périurbains qui sontsitués à la périphérie des agglomé-rations, et des espaces ruraux quisont en dehors de l’influence directedes agglomérations.Ces derniers couvrent aujourd’hui,selon la définition de « l’espace àdominante rurale » de l’Insee, prèsde 60 % du territoire métropolitain etregroupent 18 % de la population(cf. page V). Plus de 80 % de la popu-lation vit dans « l’espace à dominanteurbaine » qui couvre 40 % du terri-toire national ; parmi eux 12,3millions d’habitants vivent dansl’espace qui est qualifié de périur-bain (soit 21 % de la population).

Ruraux et périurbains L’espace périurbain traduit l’expan-sion continue, depuis une trentained’années, des zones urbanisées à lapériphérie des pôles urbains. Cettepériurbanisation a accru la popula-tion dans ces espaces, notammentautour des grandes agglomérations.Les ménages y trouvent un cadre devie de qualité, à proximité de lanature, et un accès facilité à la pro-priété. Les espaces périurbains cons-tituent de fait un espace d’indis-tinction entre ville et campagne :intégrés fonctionnellement aux airesurbaines, ils conservent générale-ment un paysage campagnard, mar-qué par les cultures, la forêt, l’habi-tat pavillonnaire, des infrastructuresroutières et des zones d’activités.Près de 45 % des surfaces agricolesfrançaises se situent dans l’espacepériurbain, ce qui suscite des conflitsd’usage, ainsi que de fortes tensionssur le prix du foncier agricole.

Croissance démographiquegénéraleEn parallèle, hors des zones d’in-fluence des grandes agglomérations,les campagnes structurées par desbourgs ruraux et des petites villesconnaissent une croissance démo-graphique. Les derniers recensementsInsee témoignent ainsi d’un repeu-

plement de la plupart des espacesruraux ce qui traduit une redistribu-tion de la population sur le territoiremétropolitain (recensement 2005,Insee 2009, cf. page V). C’est une rup-ture par rapport aux tendances pas-sées (cf. page V), Ce regain démo-graphique est essentiellement dû àdes migrations résidentielles vers desespaces ruraux, devenus plus attrac-tifs. La mise en perspective de cesévolutions avec les projections démo-graphiques de l’Insee à 2030 montrequ’une part importante de la crois-sance démographique prévue d’ici2030 devrait concerner les territoi-res ruraux. Les conditions d’accueilde ces nouvelles populations, en ter-mes de logement et d’accès aux ser-vices, constituent un enjeu majeurpour les territoires ruraux. Alors quela population y est déjà aujourd’huiglobalement plus âgée, le vieillisse-ment s’annonce être un enjeu crucial.

Dynamiques économiquesdes territoiresLa métropolisation tend à concentrerles activités et les services dans lesgrandes agglomérations. Mais lesannées 1990 et 2000 ont vu une dif-férenciation accrue des territoiresruraux. « Les migrations résidentiel-les constituent le premier vecteur d’évolution et de différenciation descommunes. Les activités traditionnel-les, qu’elles soient agricoles (l’agricul-ture représente aujourd’hui moins deun emploi sur 10 dans l ’espace rural)ou industrielles (la catégorie socialedes ouvriers est largement prédomi-nante dans la population des commu-nes rurales), sont en déclin. Ce sontles activités tertiaires qui impulsent ladynamique économique, tout spécia-lement par la croissance des servicesaux personnes. L’économie résiden-tielle suit le mouvement de dispersionde la population sur le territoire et sedéveloppe, en bénéficiant du maillagedu territoire en petites villes et bourgsd’appui, ainsi que de l’accueil de tou-ristes et de résidents secondaires »,explique Francis Aubert, chercheurà l’unité Économie et sociologie rura-les appliquées à l’agriculture et auxespaces ruraux (Cesaer) de Dijon etexpert dans la prospective Nouvellesruralités. On parle aussi d’économie« présentielle », liée aux personnesprésentes sur le territoire.

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Montée des enjeux environnementauxLes enjeux environnementaux globauxet locaux concernent directement lesespaces ruraux. D’autant plus que l’in-térêt des individus pour la nature s’af-firme en relation avec l’évolution desstyles de vie (cadre de vie, paysage,nature « sauvage »). Cet intérêt s’ex-prime parfois en terme de valeurs et setraduit fréquemment par un mouve-ment de patrimonialisation du rural.

« Commençons par le pluriel : les ruralités ont remplacé la ruralité. Voilà de quois’éloigner de l’idée héritée d’un monde ruralhomogène qu’il s’agirait de faire perdurer en le réinventant, voire en le réenchantant.Une telle idée de la ruralité unie n’a plusguère de sens, même si elle persiste. En posant ici la question des « nouvellesruralités », le groupe de travail rassemblé par l’Inra a fait ce choix : entendre par là les dynamiques de tous ordres qui travaillentles rapports entre ville et campagne. L’objetde leur prospective devient donc l’ensembledes rapports entre une société en immensemajorité urbaine, et ses espaces de recoursrésidentiels, récréatifs et productifs, qui, sous la forme dite des campagnes, couvrentl’immense majorité du territoire.

Ce choix est essentiel. Il dénoue l’oppositionde destins entre un urbain et un rural quiseraient étrangers l’un à l’autre, dans leursraisons d’être, leurs systèmes de valeurs,leurs mondes de représentations, y compris le monde politique. Il substitue à cetteétrangeté réciproque, encore largementcultivée, flattée, outrée, fantasmée, le mondedes liens, des mouvements, des échanges,des circulations et des interactions quiunissent chaque jour davantage les villes et les campagnes. La prospective desnouvelles ruralités en France devient alorscelle d’un monde global, interpellé dans sesrapports à cet espace essentiel que sont à la fois l’espace de nature, l’espacenourricier et l’espace du « plein air », l’espace à vivre en somme. »

Martin Vanier, professeur de géographie à l’université Joseph Fourier (Grenoble), unité mixtede recherche Politiques publiques, action politique,

territoire (Pacte)

Les ruralités ont remplacé la ruralité

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A propos de la méthode

La prospective Nouvelles ruralités a réuni desspécialistes de la géographie, de l’économie, de la sociologie, de l’agronomie et de l’écologie,des acteurs institutionnels (aménagement,équipement, urbanisme et agriculture),accompagnés de prospectivistes. Pendant deux ans, ils ont conjugué leurs approches pour construire des visions partagées de l’évolution des espaces ruraux.

La démarche a débuté en 2006 classiquement par la mise en relief des grandes tendancesactuelles étayées par des données statistiques.Une attention particulière a été portée aux « signaux faibles » comme indicateursd’évolutions encore peu perceptibles, parexemple au travers d’analyses des territoires« vécus » et des conflits d’usage dans les territoires. Constatant les controverses qui entourent les définitions de l’urbain et du rural, tant sur le plan théorique que sur le terrain, le groupe de travail de la prospectivea pris le parti d’examiner le devenir des territoires, non pas en partant de définitions

exclusives de l’urbain et du rural, mais à partirdes dynamiques conjointes des villes et des campagnes : dilution des frontièresurbain-rural, densification urbaine, interactionsentre des réseaux de villes et leurs campagnes.Les ruralités sont alors définies comme des arrangements composites, portant à la foissur les transformations des espaces et de leursusages, sur les vécus et représentations de la Nature, du patrimoine et des enjeuxécologiques et sur les modes de gouvernanceterritoriale. Quatre scénarios ont alors étéélaborés à partir d’hypothèses d’évolution des mobilités, des dynamiques économiques,des ressources naturelles et patrimoniales et de la gouvernance. Chaque scénarioreprésente l’illustration d’un avenir possible, nonexclusif des autres. Début 2007, ces scénariosont été confrontés à quatre études de casrégionaux, 7en tant que « territoires vécus » :Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Basse-Normandie.

Au plan national, les terres agricolesont tendance à régresser, en raisond’un recul de l’activité agricole auprofit de la forêt, et surtout en raisonde la forte croissance des sols artifi-cialisés (+17 % entre 1993 et 2004,selon l’enquête Teruti) avec des consé-quences sur la fragmentation desmilieux et la banalisation des paysages.

Gouvernances diversifiéesRésultant des recompositions socialeset de l’intensité des relations entreespaces ruraux et urbains, les acteursdes territoires ruraux se diversifient :résidents permanents, multi-résidents,touristes, associations, collectifs etacteurs économiques… Les jeux d’acteurs mêlent de plus en pluspublic et privé. De nouveaux grou-pes sociaux s’affirment tandis queceux plus traditionnels (les agricul-teurs notamment) reculent dans lareprésentation politique.En termes d’action publique, ladécentralisation a affirmé le pouvoirpolitique des collectivités territoriales,

notamment des Régions et grandesagglomérations. Les Etablissementspublics de coopération intercommu-nale se sont généralisés, transformantles échelles de gestion et conduisant àune territorialisation de l’actionpublique. Les dispositifs de concer-tation, notamment les Pays ou lesParcs naturels régionaux, ainsi qued’autres dispositifs contractuels (lesprogrammes Leader par exemple)ouvrent des possibilités d’associationdirecte des habitants, des acteurs éco-nomiques et des citoyens, à la défi-nition de politiques publiques ou àl’élaboration de projets de territoire.Les documents d’urbanisme, tels queles Plans locaux d’urbanisme et lesSchémas de cohérence territorialejouent un rôle important, notam-ment pour le foncier. Cependant,malgré ces différents outils, la prise encompte des interactions et des dyna-miques villes-campagnes par les poli-tiques publiques reste difficile, en l’ab-sence de dispositifs de coordinationadaptés aux différentes échelles.©

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PÉRIURBAINDE REIMS

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L’OCDE définit l’espace rural comme l’espace où la densité de population est inférieure à 150 hab./km2. D’après cettedéfinition, la très grande majorité de l’Europe est de naturerurale, notamment la France.

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VARIATION ANNUELLE de la densité de population due au solde migratoire apparententre 1982 et 1999 et entre1999 et 2006Les évolutions des soldes migratoiresillustrent le renouveau démographiquedes espaces ruraux. La population seredistribue à l’échelle du territoire. Lesespaces ruraux, même éloignés desvilles, deviennent attractifs. (InseePremière, n°1218, janvier 2009)

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Densités de population en France et en EuropeDENSITÉ de population en France en 2006 INSEELa carte de l’Insee précise le peuplement des territoiresfrançais. L’étalement de la population au-delà des zones de concentration urbaines témoigne de la périurbanisation.

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TAUX DE PRÉSENCE ANNUEL dans les communes françaisesmétropolitaines (2003)

Cette carte illustre le fait qu’avec le développement de la mobilité, la population « présente » en un lieu estdifférente de la population « résidente ». Les espaces lesplus nettement ruraux (montagne notamment) ont lestaux de présence les plus forts, les grandes métropolesles plus faibles. Population présente = population résidente – résidentsen voyage hors du territoire à un jour donné + touristesprésents ce même jour. (source Talandier, 2007).

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SCÉNARIO 1La ville s’étale ! Les campagnes de la diffusion métropolitaineEn 2030, les agglomérations s’étalentet les campagnes périphériques se

périurbanisent massivement. Les airesd’influence métropolitaine atteignentparfois la taille de régions entières.Les résidents périurbains profitentd’un cadre de vie plutôt rural et tra-

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En 2030, la population de Midi-Pyrénées s’est accrue de 700 000 habitants ; les deux tiersse sont installés dans l’aire métropolitaine de Toulouse, attirés de toute la France, par desemplois qualifiés et une qualité de vie. Le dynamisme économique a été particulièrementmoteur. L’aire métropolitaine intègre désormais de nombreuses villes moyennes (Foix, Car-cassonne, Revel, Albi, Gaillac, Montauban, Auch). Toulouse, métropole « aspirante »,concentre les fonctions de centralité et la plupart des activités économiques et de services.La diffusion métropolitaine, qui s’étale sur cinq départements, a radicalement transforméles espaces ruraux. Une urbanisation diffuse s’est développée, caractérisée par de nom-breuses zones pavillonnaires et le développement des zones d’activités. Les communesles plus proches de l’agglomération toulousaine ont été intégrées au tissu urbain.Les paysages agricoles et naturels ont été déstructurés, avec d’importants impacts surles écosystèmes. Pression foncière, fragmentation des espaces et conflits récurrentsavec les autres usagers du territoire ont rendu difficile l’exercice de l’activité agricole dansle périurbain. Les réactions des résidents à la dégradation du cadre de vie se sont mul-tipliées. Toutefois, des « corridors écologiques » ont été mis en place pour permettre uneconnectivité des écosystèmes et certains espaces agricoles ont été préservés parles acteurs locaux. A distance de l’aire métropolitaine, les espaces ruraux devenus peu attractifs connais-sent une crise démographique, économique et sociale. Seule une agriculture intensivede grandes cultures, approvisionnant les entreprises agro-industrielles, s’y maintient. AuSud, les espaces ruraux des Pyrénées se sont constitués en jardins de « nature sauvage »fréquentés par les résidents périurbains. De nouveaux Parcs naturels régionaux y ontvu le jour (par exemple en Ariège en 2010). L’élevage s’est maintenu (signes de qua-lité et pluriactivité) ce qui a permis de garder des paysages ouverts dans les vallées pyré-néennes. La gouvernance des territoires ruraux est sous la dépendance de la métropoletoulousaine qui s’appuie sur des politiques nationales et européennes.

Les ruralités périurbaines de la métropole toulousaine

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vaillent dans la métropole. Ils sedéplacent quotidiennement grâce àdes innovations dans les transportsindividuels (généralisation des voi-tures électriques) et collectifs. Polari-sée par la métropole, l’économie desespaces ruraux périurbains est essen-tiellement résidentielle ; elle fournitdes services aux résidents locaux etbénéficie du desserrement des acti-vités métropolitaines. La diffusiondes zones pavillonnaires et d’activitésconduit à la formation d’un tissu dis-continu de champs, de bois, de mai-sons, de zones d’activités et de routes.Les paysages ruraux périurbains sefragmentent et se banalisent. L’agri-culture, située dans les espacesouverts, est soumise à de fortesconcurrences sur les usages du sol.Au cœur de ces zones urbanisées,l’agriculture adapte ses pratiquespour répondre aux attentes de lapopulation en augmentant sa pro-ductivité et le contrôle de ses effetssur l’environnement. Hors des airesmétropolitaines, des espaces inter-médiaires peu peuplés sont dévolus àdes agricultures sous faible contrainteenvironnementale. Des espaces denature sanctuarisés se sont dévelop-pés ça et là, pour répondre auxdemandes d’urbains de la métropole.La gouvernance des territoires estmarquée, par un certain laisser-fairede l’action publique vis-à-vis de lapériurbanisation. De fait, « les ména-ges aménagent le territoire ».

Quatre scénarios denouvelles ruralités en 2030

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SCÉNARIO 2Un pied à la ville, l’autre à la campagne ! Les campagnesintermittentes des systèmesmétropolitains En 2030, les individus aisés et mobi-les ont adopté de nouveaux styles devie en rupture avec la sédentariténaguère attachée à l’espace rural.« Multi-appartenants » et multi-rési-dents, ils alternent des séjours en villeet à la campagne sur des échelles detemps hebdomadaires, mensuelles ouannuelles. Connectés aux systèmesmétropolitains par des réseaux detransports collectifs performants, lesterritoires ruraux valorisent desatouts naturels ou culturels, offrantcadre de vie, paysages, écosystèmes,patrimoine matériel ou immatérielsinguliers. Constituant une sorte d’ar-chipel, des villes et des campagnesqui ne sont pas forcément contiguëssont en relation directe.L’usage des technologies de l’infor-mation et de la communication(TIC) permet aux individus de tra-vailler à distance. Des innovationssociales et organisationnelles dans ledomaine du logement (échange etlocation) facilitent la résidence dans

les territoires. Afin de capter des fluxd’individus et les revenus dépenséslocalement, les territoires ruraux ontdéveloppé une économie présentielle,qui englobe services aux populations,commerce, agriculture, tourisme etconstruction. L’intensification desusages de l’espace par des résidentsintermittents entraîne une recompo-sition des territoires ruraux, parfoisgénératrice de conflits.La gouvernance territoriale esthybride, intégrant des acteurs publicset privés. Elle peut soit privatiser l’u-sage des espaces ruraux au bénéfice decertains groupes ou réseaux sociaux,soit stimuler l’attractivité par des poli-tiques publiques dynamiques, en par-tenariat avec les acteurs locaux, et enconcertation avec les pouvoirs métro-politains. L’agriculture assure l’en-tretien des paysages et la gestion desécosystèmes. Elle répond à une fortedemande de proximité en produitsde terroirs (AOC, Bio, etc.).En dehors des territoires valoriséspour leur singularité, subsistent desespaces ruraux non connectés aux sys-tèmes métropolitains qui sont désor-mais partagés principalement entreactivités agro-industrielles, forêts etespaces de « nature sauvage ».

En 2030, le sillon alpin est structuré par une ville linéaire quis’étend de Grenoble à Genève. Cette métropole s’est déve-loppée grâce à l’innovation industrielle, la recherche et les tech-nologies de pointe. Elle joue de la qualité du cadre de vie qu’of-fre la région pour attirer des cadres qualifiés. Hors des vallées urbanisées, une large variété de territoiresruraux ont su capter les flux de population urbaine (venusde la métropole voisine comme de toute l’Europe), tout enconstruisant leur développement propre, grâce à des dispo-sitifs de gouvernance novateurs. Ainsi les massifs de la Char-treuse, des Bauges, de Belledonne et du Vercors hybridentdes activités résidentielles permanentes ou temporaires, del’agriculture et du tourisme. Grâce à des productions souslabels de qualité (AOC fromagères notamment), l’agricultureapprovisionne des marchés éloignés mais valorise aussi la pré-sence de résidents intermittents.

La préservation de la nature s’appuie sur deux politiques : l’une limite l’extension urbaine en bloquant l’usage du fon-cier ; l’autre vise une gestion des écosystèmes et de la biodi-versité, remarquable ou plus ordinaire, des montagnes dont l’en-tretien est assuré par les pratiques d’élevage.La gouvernance se structure, en lien avec la métropole dansun « Schéma métropolitain » unique, autour des Parcs naturelsrégionaux, organisés par massif et fédérés à l’échelle dusillon alpin.Les Parcs sont des lieux de mise en débat du territoire. Ils offrent un cadre de concertation entre les acteurs (éleveurs,résidents permanents et intermittents, artisans), de conciliationdes usages et d’élaboration de projets de territoire. Le rôle del’élevage dans la gestion des écosystèmes montagnards et l’im-portance des filières agricoles y sont pleinement reconnus.

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Les nouvelles ruralités du sillon alpin en 2030

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SCÉNARIO 3La ville s’érige !Les campagnes au service de la densification urbaine En 2030, les rapports entre villes etcampagnes ont été bouleversés par lalimitation des mobilités des indivi-dus, liée à une augmentation du coûtde l’énergie fossile en l’absence d’in-novations techniques, et à des poli-tiques de réduction des émissions degaz à effet de serre. En l’absence d’énergie de substitution permettantle maintien des déplacements quoti-diens entre villes et campagnes, l’usagerésidentiel des campagnes a régressé etla périurbanisation a pris fin.Face à cette crise sans précédent desespaces ruraux, les villes se densifientet se verticalisent pour loger les ex-ruraux qui s’y installent en masse.Dans les villes, les difficultés pour seloger et se déplacer affectent d’abordles populations les plus défavorisées.Les grandes villes créent de nouvel-les relations fonctionnelles avec leursespaces ruraux environnants en lesmettant à leur service pour la pro-duction de matières premières agri-coles destinées à l’alimentation, la pro-duction d’énergie ou la chimie, deservices écologiques et de réserves debiodiversité. Des formes de « micro-campagnes » intra-urbaines mêlantparcs urbains et activités agricoles

En 2030, d’importantes migrations, en provenance du hautpays provençal, d’autres régions françaises ou de l’étranger,ont transformé la conurbation littorale en un vaste conti-nuum urbain de Menton à Avignon, qui se prolonge au Nordpar le couloir rhodanien, et à l’Ouest par la conurbationlanguedocienne. Activités économiques et services sontconcentrés sur cette aire métropolitaine littorale et dansquelques villes facilement accessibles de l’arrière-pays. Le tissu urbanisé, initialement polycentrique et éclaté, s’estdensifié, tout en intégrant dans ses mailles des élémentsnaturels ou agricoles (ex : parc des Alpilles, montagneSainte-Victoire). Une agriculture intensive « intra-urbaine » (àforte technologie et impact environnemental maîtrisé) sedéveloppe dans des zones agricoles protégées (ZAP) etapprovisionne les urbains en produits frais. La crise énergétique a stoppé la périurbanisation des villesdu moyen pays. Seuls les espaces agricoles les plus pro-ductifs continuent d’être exploités par des entreprises agro-

industrielles qui produisent principalement des fruits et duvin. Les zones montagneuses connaissent une forte dépo-pulation et redeviennent sauvages. A proximité des villes, devastes espaces de maquis sont couverts de panneauxphotovoltaïques. La forêt méditerranéenne, peu productive,est relativement peu exploitée (recul des activités, notammentpastorales) ce qui pose de graves problèmes de gestion desrisques d’incendie aux zones métropolitaines. Désormais en Provence-Côte d’Azur, les interactions entre villeset espaces ruraux de l’arrière pays sont principalement orien-tées vers la gestion des ressources en eau du massif alpin, laproduction d’énergie et la gestion de la biodiversité. Desmécanismes de compensation environnementale se sont misen place entre le littoral et l’arrière-pays. Le développement dumarché carbone provoque l’achat d’espaces naturels pardes fonds de pension, des banques et des grandes entre-prises, dans le moyen pays et les zones de montagne.

Une métropole littorale dense et son arrière-pays en Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2030

rendent la ville plus agréable à vivre.Plus loin, les espaces ruraux, forte-ment dépeuplés, connaissent uneorganisation duale où l’agricultureindustrielle est strictement séparéedes espaces protégés. De fortes inter-

ventions publiques s’appuyant surdes politiques incitatives dans lesdomaines de l’habitat, du transport etdes infrastructures écologiques auniveau européen ont été nécessaires àde telles évolutions.

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SCÉNARIO 4Une diversité de territoiresouverts sur des dynamiquesmétropolitainesLes campagnes dans lesmailles des réseaux de villesEn 2030, une multitude de territoi-res imbriquent villes et campagnes.Les personnes ne sont plus attiréespar les grandes agglomérations, maispar les villes moyennes ou petites et lesbourgs ruraux. Couples avec enfantsou retraités y trouvent une certainequalité de vie, des paysages agréableset une proximité avec la nature. Larépartition équilibrée des populations,des activités et des services assure désormais une complémentarité entrela ville et la campagne. Grâce auxréseaux de villes, les individus dispo-sent d’une offre complète de servicesdans un rayon de 30 km. L’économieterritoriale se fonde sur une diversitéd’activités « productives » et résiden-

tielles. Les technologies de l’infor-mation pallient l’enclavement de cer-tains espaces, et facilitent les rela-tions entre territoires, le travail àdistance et l’accès aux services. Dif-férentes agricultures (intensives,conventionnelles, bio, etc.) et orga-nisations de filières coexistent. Lesespaces agricoles et forestiers s’en-chevêtrent avec des espaces naturelsprotégés. Ces paysages complexes etdivers fournissent un cadre de vierecherché et renforcent les fonctionsécologiques des milieux. La gouver-nance territoriale garantit de fait unearticulation stable entre les différentsusages, les habitants, les activités etprenant en compte les écosystèmeset la culture. Elle s’appuie sur uneforte mobilisation des acteurs locauximpliqués dans des projets de terri-toire animés par des collectivités ter-ritoriales et soutenus par des poli-tiques publiques nationales.

En 2030, le département de la Manche voit sastructuration consolidée autour d’un réseau depetites villes et de bourgs. De nouveaux arri-vants, français ou anglais, attirés par la qualité devie dans les territoires ruraux, s’y sont installés demanière temporaire ou définitive (activité ouretraite). Les jeunes partent se former ou tra-vailler dans les grandes villes, revenant souventdans le département dès qu’une opportunité se présente. Les espaces ruraux demeurent marqués par lamer, l’agriculture et l’élevage offrant une grandevariété de paysages et de biotopes (littoral, bocagesaint-lois, marais du Cotentin…). De Cherbourg àAvranches, de Coutances à Saint-Lô, les rési-dents accèdent à un ensemble de services dis-tribués sur des pôles à proximité. Les nouveauxusages du numérique ont permis de développerdes pôles ruraux de recherche et d’innovation,profitant de la dynamique résidentielle. La Mancheest ainsi devenue un « territoire augmenté » etdéveloppe un patrimoine immatériel collectif. Sonéconomie s’appuie sur les industries nucléaire etagro-alimentaire, la filière équine, l’artisanat et letourisme, mais aussi sur les services aux popu-lations et aux entreprises. L’équilibre entre éco-nomie résidentielle et productive a été réaliségrâce à l’essor des dispositifs d’intercommuna-lité et de concertation à partir des Pays et desParcs naturels régionaux. Les forums locaux sesont développés. Les acteurs économiques etsociaux se fédèrent autour de projets de territoirequi reconnaissent la valeur durable du patrimoinenaturel, culturel et immatériel.Les acteurs de l’agriculture et de la filière équinesont des opérateurs importants de leur mise enœuvre. Ils structurent un espace de qualité, enparticipant à la gestion des écosystèmes et àl’économie touristique. Les éleveurs et les coopé-ratives agro-alimentaires (filières fromagères enAOC surtout) ont renforcé leurs liens avec lesdynamiques territoriales, par exemple en déve-loppant des circuits courts de commercialisa-tion. Une diversité de formes d’agriculture semaintient, stabilisant notamment les systèmesde production herbagers.

Le département de la Manche en 2030

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es différents scénarios d’évo-lution des ruralités interro-gent le devenir de l’agricul-ture dans sa diversité. L’enjeu

foncier est particulièrement décisifdans la plupart des situations explo-rées. Dans le scénario 1 de périurba-nisation diffuse, l’agriculture, soumiseà de fortes pressions d’urbanisation,

voit ses ressources foncières disponi-bles se réduire et augmenter les ten-sions sur les usages. Une alternativeà cette évolution consiste à restruc-turer l’espace périurbain à partir deprojets de micro-territoires re-pola-risant des activités économiques etdes activités résidentielles autourd’« espaces ouverts » (agricoles etnaturels). L’aire métropolitaine s’or-ganise alors en « peau de léopard »(Secchi, Bertrand). Dans le scénario 2,l’agriculture, les forêts et les espacesnaturels doivent s’agencer de façonà garantir simultanément un patri-moine naturel, culturel et productif,support de l’attractivité du territoire.Le scénario 3 est celui d’une triparti-tion de l’espace entre ville, campa-gne et nature. Quand on s’éloigne desvilles, se posent des problèmes d’amé-nagement du territoire et d’accès auxservices. Au sein des villes, ce scénariointerroge également la révolutiontechnologique (notamment en ter-mes de prévention des risques sani-taires) imposée par la cohabitationtrès dense d’activités agricoles, urbai-nes, industrielles, patrimoniales etculturelles. Enfin, le dernier scénariomet en exergue l’enjeu de l’imbrica-tion, entre elles, de diverses formesd’agriculture.

Alimentation et localisationLa couverture des besoins alimentai-res et la localisation des zones de pro-duction agricoles par rapport aux bas-

Les quatre scénarios élaborés sont des outils pour animer des débats avec les chercheurs de diverses disciplines et avec des partenaires institutionnels.Leur portée est d’abord heuristique. À la différence d’une juxtaposition de points de vue spécialisés, ils permettent de partir d’une image d’un futur,plausible et cohérente, pour repérer des enjeux interdisciplinaires et mettre en relief des partenariats nouveaux.

sins de consommation sont réin-terrogées : suivant les scénarios, laproximité de zones agricoles peutdevenir décisive pour l’approvision-nement des métropoles, tandis que laproximité de bassins de consomma-tion peut être une opportunité pourl’agriculture. Les systèmes alimentai-res évoluent en fonction des coûts detransport des produits, de la localisa-tion des firmes agro-alimentaires, desmodes de commercialisation (super-marchés et circuits courts, aux deuxextrêmes), et de l’évolution des styles de vie et de la demande sociale :produits typés, de qualité, relationconsommateur-producteur…

Changement climatique et environnementLes scénarios proposent des réponsesdifférentes à des enjeux liés à l’eau, à labiodiversité et au changement clima-tique… Ils mettent notamment enscène différentes situations de concur-rence pour les usages de l’eau entrel’agriculture et la consommationdomestique des urbains. Quelle sera laréactivité des systèmes sociotech-niques face à une raréfaction des res-sources ? Suivant les scénarios, deuxapproches de l’aménagement et de lagestion de l’environnement dans lesterritoires se distinguent : d’une part,l’intégration des différentes fonctionsécologiques, productives et patrimo-niales au sein de mêmes espaces, etd’autre part, des espaces qui tendent à

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« Les espaces ruraux, naturels et périurbainsconstituent des réceptacles importants des tensions et conflits liés aux usages de l’espace, en raison de leur caractèremultifonctionnel : ils sont support d’activitésde production de biens et services,résidentielles, récréatives et de conservationdes patrimoines naturel, culturel et paysager.Les conflits d’usage de l’espace présententdeux caractéristiques principales. Ce sontd’une part, des signaux des mutations deséconomies et des sociétés contemporaines, et d’autre part, des plateformes de prise de parole pour les populations insatisfaitesdes décisions et projets en cours. Il fautprendre en compte ces conflits dans lesprocessus de gouvernance des territoires. »

André Torre, unité Sciences pour l’action et le développement : activités, produits, territoires

(Sadapt), Inra Paris-Grignon.

De nombreuxconflits d’usages et de voisinage

Les scénarios,outils de débat pour l’Inra

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« Désormais, le devenir des campagnes ne peut plus se concevoirindépendamment de celui des villes. Les campagnes ont besoin des villes pour créer des richesses (économiques, technologiques et culturelles) et les villesont besoin des campagnes pour offrir des lieux de vie répondant aux attentesdes urbains comme des ruraux, assurer une production agricole diversifiée,développer la qualité des paysages, veiller à la reproduction des ressourcesnaturelles et au maintien de la biodiversité. Pour chaque scénario, un principedéfinit les mobilités (recherche d’espace, temps choisis, arrêt des déplacements,qualité de vie). En ressortent des pratiques quotidiennes qui sont les vecteursdes ruralités en émergence. D’importantes mutations sociétales sont associéesaux nouvelles formes de ruralités : individualisation des comportements,transformation des âges de la vie, recomposition de familles, exigence de qualitéde la vie, essor des loisirs, émergence de valeurs écologiques… et, parallèlement, aggravation des processus de précarisation et renforcementdes inégalités, à l’origine de conflits d’usages et de tensions. Les scénariosmontrent, de façon différenciée, certaines robustesses et diverses fragilités vis-à-vis de ce nouveau contexte sociétal. »

Edith Heurgon, directrice du centre culturel international de Cerisy, conseillère en prospective

Habiter, travailler, échanger… dans les nouvelles ruralités

se spécialiser sur une fonction parti-culière : des espaces de production,des espaces de protection, etc.La robustesse des territoires face auchangement climatique varie selon ledegré d’artificialisation des sols et lasimplification des paysages agricoles.Finalement, dans tous les scénariosd’évolution envisagés, le rôle de l’agri-culture, ses contraintes et ses poten-tialités, résultent du type d’interactionentre les zones urbanisées, les zonesagricoles et les milieux naturels.

Modalités de gouvernance Quelles modalités de gouvernanceterritoriale et d’action publique sontassociées à ces nouvelles ruralités ?Les scénarios soulignent le rôle desorganisations territoriales et des rela-tions avec les métropoles en matièrede politique publique. Mais ce sont lesformes de participation des acteursà la gouvernance qui seront centrales.Les territoires peuvent osciller entreune gouvernance selon une logiquede club, où des groupes sociaux loca-

} La concurrenceentre l’agriculture et les lieux d’habitationpeut être source de conflits. Les espaces naturelsprotégés resistentsouvent mieux du faitde leur caractèrerécréatif pour les populationsurbaines. ~

lement puissants privatisent l’usaged’un espace, et une gouvernancehybride, mêlant public et privé (scé-nario 2). Les dispositifs de gouver-nance basés sur la concertation entreacteurs et sur la formulation de pro-jets de territoire peuvent orienter l’évolution des ruralités (scénario 4)et jouer un rôle croissant dans l’aménagement du territoire. Plu-sieurs experts analysant la faible effi-cacité des dispositifs réglementaires,en matière de régulation foncièrenotamment, soulignent la « force desliens faibles » des organisations deconcertation et de projet. Cela estparticulièrement vrai en zone périur-baine, à l’image des Parcs naturelsrégionaux. Enfin, les ruralités enémergence questionnent la mise enrelation des territoires comme enjeude politique publique, enjeu que Martin Vanier désigne sous le termed’interterritorialité.

Redéfinir les contours des objets de rechercheCôté scientifique, les scénarios deNouvelles ruralités ont d’abord étémis en débat lors de carrefours avecdes chercheurs dans les centres Inra deToulouse et de Dijon. Depuis, lesrésultats continuent d’être discutés.Les scénarios ont par ailleurs servi lesréflexions du réseau de rechercheeuropéen pour l’élaboration du pro-gramme Eranet Ruragri. Ils ont aussiété l’occasion de souligner la perti-

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lXII INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 2009

+d’infosOLivres : Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030,Mora O. (coord.), Éditions Quae, décembre2008, 112 p.La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses.Davezies L., Editions du Seuil, 2008,110 p. La périurbanisation : problématiques etperspectives. Roux E., Vanier M. ÉditionsLa Documentation française, 2008, 87 p.Première leçon d’urbanisme. Secchi B.,Éditions Parenthèses, 2006. 155 p.Repenser les campagnes. Perrier-CornetPh. (dir.), Éditions de l’Aube, 2002, 279 p.Les orphelins de l’exode rural. Essai sur l’agriculture et les campagnes du XXIe siècle. Hervieu B. Éditions de l’Aube, 2008. 152 p.Territoires de Conflits. Analyses des mutations de l’occupation de l’espace.Kirat Th., Torre A. coord., Éditions de l’Harmattan, 2008.La renaissance rurale: sociologie des campagnes du monde occidental,Kayser B., Editions Armand Colin, 1990,316 p.La fin des paysans. Mendras H., EditionsActes Sud, 1992 (1ere éd. 1967). 436 p.

ORevues :Les espaces ruraux, refuge d’activitésdéclassées ou milieu attractif pour de nouvelles orientations productives.Aubert F., Schmitt B., Blanc M., 2002. In Agriculteurs, ruraux et citadins, les mutations des campagnes françaises, J.-P. Sylvestre (dir.). Éditions Educagri -CRDP, 251-272.Quelle contribution de l’agriculturepériurbaine à la construction de nouveaux territoires : consensus ou tensions ?Bertrand N., Souchard N., Rousier N. MartinS., Micheels M.-C., 2006. Revue d’économierégionale et urbaine, 3, 329-353.Recensement de la population de 2006. La croissance retrouvée des espacesruraux et des grandes villes.Laganier J. et Vienne D., 2009. InseePremière, 1218.Être ici, être d’ici. Formes d’appartenancedans le Diois (Drôme).Sencébé, Y., 2004. Ethnologie française,34 (1), 23-29.

Oweb :Unité prospectivewww.paris.inra.fr/prospective/Plaquettewww.inra.fr/l_institut/prospective/prospective_nouvelles_ruralites__1Programme pour et sur ledéveloppement régionalwww.inra.fr/psdr

OVidéos : www.inra.fr/l_institut/prospective/prospective_nouvelles_ruralites

OContact :[email protected]

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nence de certaines recherches sur lesagricultures périurbaines, en particu-lier dans le programme que l’Inraanime « Pour et sur le développementrégional ».En effet, le fait que l’avenir des cam-pagnes et des villes soit désormaisinextricable suppose que les sujets derecherche de l’Inra évoluent. Quatrepoints se dégagent. Le premier insistesur la diversité des ruralités, dans sarelation avec les systèmes de produc-tion agricoles. Là où l’urbanité se ren-force, les activités agricoles devrontconcilier des exigences de production,de productivité, de respect de l’envi-ronnement, de qualité des produits. Larecherche de nouveaux systèmes agri-coles répondant à ces exigences nerepose pas sur la seule problématiquedes ruralités. Mais le développementd’une agro-écologie ou d’une agri-culture à haute performance envi-ronnementale ne va pas de soi danstous les scénarios.Le second point concerne le dévelop-pement d’approches comparatives desruralités et des urbanités dans lemonde. A l’heure de la mondialisa-tion, les métropoles se déconnectentde plus en plus de leurs arrière pays.D’où des tensions exacerbées et de pos-sibles problèmes d’approvisionnementalimentaire. « C’est un appel au ren-forcement des recherches conduites en cedomaine à l’ Inra grâce à de nouvelles

collaborations avec des juristes du fon-cier, des sociologues, des géographes »souligne Guy Riba, directeur géné-ral délégué à la programmationscientifique.Le troisième point concerne l’analysedes représentations de la nature dansla société où elles semblent de plus enplus diverger en fonction des acteurs.Enfin, il s’agit d’encourager l’émer-gence d’une économie des servicesécosystémiques. C’est-à-dire une éco-nomie qui valorise les services desécosystèmes en matière de gestion desressources, de production, de biodi-versité et de paysages, etc.

Ouverture à de nouveauxpartenariatsLes scénarios Nouvelles ruralités ontaussi été présentés dans diversesenceintes institutionnelles nationa-les et régionales, notamment lesConseils économiques et sociauxrégionaux. En invitant à rester atten-tif à la diversité des ruralités, la pros-pective fait le pari que cette « géodi-versité » des territoires, selonl’expression d’Armand Frémont, per-durera, tout en se modifiant. « Leregard qui est porté sur les ruralitésrenouvelle certaines questions, boule-verse leur hiérarchie et interroge surl’adéquation entre les objets de recher-che, les compétences et les alliancesactuelles de l’Inra. » conclut Guy Riba.

VILLAGE EN BEAUCE et champs d’éoliennes.

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e blé est une planteextraordinaire, il nourritun tiers de la planète etsa domestication est à la

base de nos civilisations. Travailler surune plante d’intérêt agronomiquecomme celle-là donne une sacrée moti-vation ! » Discuter avec CatherineFeuillet, spécialiste du génome du bléà l’Inra, c’est à coup sûr passer unmoment d’intelligence en toute sim-plicité, entre l’Amérique d’Obamad’où elle revient enthousiaste aprèsun congrès sur la génomique végé-tale et le studio de France Inter, oùelle attend d’être interviewée. Inter-nationalement reconnue par ses pairs,Catherine Feuillet sait aussi parler aunéophyte et le convaincre : « mes

dressé avec son groupe la carte phy-sique du chromosome 3B du blé (2),gros comme trois génomes entiersdu riz, génome décodé en 2002 parune dizaine de pays. Forts de cettevictoire, Catherine Feuillet et ses col-laborateurs s’attaquent avec seizepartenaires européens à trois autreschromosomes dans le cadre du pro-gramme européen TriticeaeGenome 3

qu’elle coordonne. « Aucune équipene voulait se lancer à l’assaut du blé.Trop compliqué » s’amuse-t-elle. Laparticularité du blé, au cours des10 000 ans de croisements qu’il aconnus depuis le néolithique, c’estde posséder trois génomes dans unemême cellule 4, quand il n’y en aqu’un seul dans une cellule humaine.

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Une femme en

recherches, très fondamentales, pourséquencer le génome du blé, sont unpréalable pour pouvoir ensuite sélec-tionner des blés plus résistants auxmaladies, mieux adaptés aux varia-tions climatiques et dont les rende-ments seront plus importants. » Cardepuis dix ans les rendements sta-gnent, alors que la population mon-diale, elle, s’accroît chaque année de1,3 %. Pour répondre aux besoins ali-mentaires de la population mondialeen 2050, c’est dès aujourd’hui qu’ilfaut investir dans la recherche.

Du gène au génomePour le moment, la chercheuse n’estqu’au début du défi, malgré son pre-mier exploit signé fin 2008. Elle a

unportrait

O CATHERINE FEUILLET

Le trophée de la « femme en or » a été remis à Catherine Feuillet, directrice adjointe de l’unitéGénétique, diversité et écophysiologie des céréales à Clermont-Ferrand 1 pour ses travaux sur le séquençage du génome du blé. A travers une meilleure connaissance des gènesresponsables des caractères du blé et par le développement de nouveaux outils diagnostics,ces travaux permettront d’améliorer la production de blé.

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La carte physique et le séquençage duchromosome 3B s’insèrent dans lecadre d’un consortium international 5

constitué depuis trois ans pourséquencer le génome de blé tendre etdont Catherine Feuillet est égalementl’une des coordonnatrices et pilotepour l’Europe. Les données qui enseront issues seront disponibles pourtous sans restriction d’utilisation etde coût. L’objectif du séquençage dugénome entier sera probablementatteint d’ici cinq ans si les moyensfinanciers suivent. Ces nouvellesconnaissances alimenteront les recher-ches fondamentales pour compren-dre l’organisation du génome, sonévolution, on encore les mécanismesqui gouvernent l’expression de sesgènes. Elles permettront aussi, et c’estle but essentiel, de sélectionner plusefficacement et plus rapidement denouvelles variétés.

Allez les chercheuses !Catherine Feuillet s’est échappée deson laboratoire à Clermont-Ferrand… le temps de monter sur lepodium aux côtés de neuf autres fem-mes d’exception, dont la journalisteAudrey Pulvar, la comédienne JulieDepardieu, la peintre Monique Fryd-man ou l’organisatrice des salons duchocolat Sylvie Douce. Car la biolo-giste vient de recevoir le trophée 2009de la « femme en or » dans la catégo-rie « recherche » 6. Décerné par uncomité de journalistes et d’entreprisespartenaires de l’événement, ce prixrend hommage aux femmes quiaident à faire évoluer la société. « Cetrophée a été une vraie surprise ! J’étais tout d’abord angoissée à l’ idéed’une remise de prix aussi « people »,mais très vite, les personnalités pré-sentes se sont montrées admiratives denotre travail. Ce prix a donné une visi-bilité à la recherche agronomique dontpersonne ne pourrait rêver, même enenchaînant trois publications dansNature ! ». Et comment se portent lesfemmes dans le monde de la recher-che agronomique ? « Au sein de monunité, j’encourage les chercheuses àavoir davantage confiance en elles. J’airemarqué qu’elles doutent très souventde leurs capacités. Dans ces conditions,elles ont du mal à émerger au niveauinternational. Mais l’ Inra est un excel-lent vivier et au-delà de l’aspect scien-tifique, je suis ravie de travailler dansun institut et un département – celui deGénétique et amélioration des plantes -dirigés par des femmes ! »

Profil internationalAutre corde à son arc, à 43 ans, Cathe-rine Feuillet en a déjà passé dix enSuisse alémanique comme maîtreassistante, l’équivalent non permanentd’un enseignant-chercheur en France,au sein de la très réputée université deZurich. Elle y a « tout appris », du com-ment publier à comment monter unprojet de recherche, sans oublier des’imposer dans un milieu très concur-rentiel. « Là-bas, à la manière des Etats-Unis, les scientifiques décrochent surprojet des financements importantspour trois ans, incluant salaires, fonc-tionnement et équipements, auprèsd’une agence de financement du typeANR 7. Les chercheurs n’ont que rare-ment un statut permanent, et malgrétout, le système donne leur chance auxjeunes chercheurs. Bien que plus concur-rentiel qu’en France, il y a aussi plusde flexibilité et de liberté dans le sys-tème de recrutement des jeunes ensei-gnants-chercheurs et ceux-ci font unminimum d’enseignement au début deleur carrière pour leur laisser le tempsde développer leurs projets de recher-che. Le temps d’enseignement augmenteavec l’expérience ce qui me paraît pluslogique », commente la chercheuse.Cette expérience lui a aussi permis dese sentir à l’aise dans un environne-ment international, avec des échangesquotidiens en anglais au laboratoireet des cours à donner en allemand.« Les jeunes chercheurs français sontvraiment brillants intellectuellementparlant, observe-t-elle, mais souffrentsouvent lors de leurs présentations enanglais ! Au laboratoire, j’essaie de les yfamiliariser très tôt. » Avec CatherineFeuillet, les réunions se font toujoursau complet, tous les personnels dulaboratoire, techniciens ou chercheurs,sont conviés. « Pour être motivé, il fautsavoir pourquoi on est là » argumente-t-elle, directe et décidée. l

Magali Sarazin

Il existe donc le chromosome 3B maisaussi le 3A et le 3D, qui tous troiscomportent des gènes similaires maisdont la séquence globale diffère.

« Il nous a fallu mettre au point uneméthodologie différente de celle utili-sée pour le génome humain, cinq foisplus petit que celui du blé et décrypté en2 000 d’un seul tenant. Grâce à unecollaboration entre l’Inra et un labora-toire tchèque spécialisé dans le tri dechromosomes, nous pouvons travaillersur chaque chromosome individuelle-ment. Cela permet aussi de se répartirle travail plus facilement au niveauinternational. » C’est d’ailleurs parceque le chromosome 3B est le plus gros,qu’il a pu être isolé en premier parmiles 21 paires de chromosomes quecompte le blé et servir de modèle pourla construction des cartes physiques.Résultat : la première carte d’unchromosome de blé, qui servira desupport pour isoler la quarantaine degènes d’intérêt agronomique déjàconnus sur ce chromosome, comme« un gène situé au milieu du bras courtqui confère une résistance à la rouillenoire, une maladie dévastatrice provo-quée par un champignon ». Cette carten’est cependant pas assez précise : ilfaut encore décrypter les 6 000 gènesprésents, c’est-à-dire décoder l’en-chaînement de chacune des milliardsde paires de bases - adénine (A), thy-mine (T), cytosine (C), guanine (G) -mais aussi le chromosome entier.

+d’infos31 août - 4 septembre 2009,Clermont-FerrandXIXe congrès de l’Initiativeinternationale de cartographie desTriticeae et IIIe rencontre COSTTritigen, réseau de chercheurseuropéens développant des projets engénomique des Triticeae pour lapromotion de cultures européennesessentielles :https://colloque.inra.fr/itmi2009Ocontacts :[email protected]©

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Monde- 30 000 espècesutilisées - 600 Mtproduites.

France- 35 Mt produites- 1er producteurde l’UE- 5e producteurmondial

1. Inra et université Blaise Pascal.

2. Science, 3 octobre 2008.

3. TriticeaeGenome,financé par le 7e

programme cadre de recherche etdéveloppement de l’Unioneuropéenne (PCRD), a pour but de construireles cartes physiques de sixchromosomes de blé et d’orge :http://www.triticeaege-nome.eu

4. Le blé est une plantedite « hexaploïde » à 42chromosomes (21 paires),dont le patrimoinechromosomique contienttrois génomes issus de trois espèces de blé«diploïdes » ancêtrespossédant chacune septpaires de chromosomes.

5. International WheatGenome SequencingConsortium :http://www.wheatgenome.org/organization.php

6. Les chercheusesfrançaises sontsélectionnées par unescientifique du comitéd’élection en relation avecla mission « parité » duMinistère de la rechercheet de l’enseignementsupérieur et avec lesétablissements derecherche :http://www.femmesenor.fr

7. http://www.agence-nationale-recherche.fr

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ur la route entre Tours etNouzilly, prendre à droiteaprès le château d’eau, versle pôle des maladies infec-

tieuses. Nous sommes dans le vastedomaine du centre Inra, bastion desrecherches animales. Les laboratoiresde recherche sont épars entre champs,bosquets, fermes d’élevage et bâtimentsd’expérimentation. La zone des bâti-ments confinés est entourée de grilla-ges. Il faut montrer patte blanche :interphone, carte électronique, saspour revêtir les sur-vêtements ad hoc.

gnostics, mettre en place des essaisvaccinaux, analyser les réponses dusystème immunitaire… Ceci à l’inté-rieur d’un bâtiment qui regroupedonc des activités d’élevage, de chirurgie, d’autopsie et de laboratoire.Domaine stratégique, les recherchesen santé animale, et leurs éventuelsprolongements en santé publique,attendent de ce nouveau dispositifqu’il permette un saut qualitatif dansla production de données expéri-mentales. In fine, l’objectif est de trou-ver des solutions pour protéger lesanimaux contre de nouvelles maladies.La plateforme d’infectiologie de Tourscréée dans les années 60 compte parexemple à son actif la mise au point

Navire amiralL’Inprest se détache du reste. Sonallure massive, ses couleurs tranchées,son escalier extérieur confèrent aubâtiment l’allure d’une proue depaquebot. L’image revient à BertrandSchwartz, directeur de la plateformed’infectiologie expérimentale dontfait partie l’Inprest. La parabole mari-time vaut aussi parce que les maladiesqui y seront étudiées sont, sur biendes points, des terrae incognitae queles scientifiques espèrent découvriraprès d’aventureuses traversées… Ilfaut tout à la fois comprendre les pro-cessus infectieux, la biologie des bac-téries, virus et autres « agents nonconventionnels », outiller les dia-

lPLAN

D’ARCHI-TECTE

façade nord

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uneunité

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Visite guidéedu nouveau dispositif

d’infectiologie expérimentaleL’Installation nationale protégée pour la recherche sur les encéphalopathies spongiformestransmissibles, l’Inprest, démarre ce mois-ci ses premières recherches. Le bâtiment hautementsécurisé est dédié aux maladies infectieuses transmissibles à l’homme et/ou émergentesparticulièrement dangereuses. Unique en France par sa taille et la modernité de seséquipements, cette plateforme d’infectiologie s’inscrit dans le réseau européen expérimental,Nadir. Visite pendant la phase de tests des fonctionnalités du bâtiment.

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lL’INPRESTinauguré en juillet 2008

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du vaccin contre la brucellose en 1968(dans un bâtiment voisin, l’étable« B »– aujourd’hui d’apparencevieillotte. cf. page 30), les recherchessur les traitements pharmaceutiquescontre le varron ou sur le vaccin qui apermis que la maladie de Marek, quis’attaque aux volailles, ne cause plusde mortalité dans les élevages.Rémi Delaunay, un des animaliers del’Inprest, accompagné ce jour-là d’unestagiaire du lycée agricole de Ven-dôme, nous guide. La façade exté-rieure du bâtiment est bordée decoursives desquelles on peut voir l’in-térieur par des baies vitrées. Derrièrel’une d’entre elles, un groupe decanards mulards prend le soleil hiver-nal, à côté, dans la pièce voisine, cesont des porcelets qui, curieux, s’ar-rêtent pour nous regarder. « En arri-vant le matin, avant même d’entrer,on peut voir les animaux », note RémiDelaunay. La remarque n’est pas ano-dine : entrer dans les zones d’élevagenécessite de passer par plusieurs sasétanches, de se doucher et de revêtirdes vêtements et accessoires de pro-tection ad hoc. Une contrainte forte.Ces fenêtres ouvrent paradoxalementce lieu hautement hermétique surl’environnement alentour et sur lalumière du jour.« Voyez comme ils sont calmes », remar-que Rémi Delaunay. Parole d’éleveurqui regarde ses animaux avec empa-thie et d’animalier d’une unité expé-rimentale soucieux de répondre aux

chouc pour le couchage des vaches etmême la radio pour les génisses iso-lées », énumère Bertrand Schwartz.

Biosécurité maximale Au premier étage du bâtiment,s’étend une vaste salle des machinesavec une foultitude de canalisations,verrous, tableaux de contrôle et man-chons d’air qui flottent au-dessus denous… « Les aliments tombent d’ icivers les animaleries par des clapets quiempêchent les transferts d’agents patho-gènes. Tous ces circuits d’alimentation,de ventilation, etc., sont reliés chacun àune salle située en dessous. Ils fonc-tionnent indépendamment et garan-tissent le confinement de chaque expé-rimentation. Le système permet enparticulier de faire varier la pressionde +20 à -120 Pascals de manièredécroissante entre des salles contiguës.L’air ne peut jamais sortir. La vitesse derenouvellement de l’air est régie pardix-huit centrales de traitement del’air ! En ce moment, on est en trainde qualifier toutes les performancestechnologiques du bâtiment. On a vupar exemple que les canards pouvaientencrasser les filtres par la poussièrequ’ils agitent et leur petit duvet »,détaille Pierre Sarradin, responsablede la cellule d’ingénierie de l’expéri-mentation.Le sous-sol est, lui, dédié à la décon-tamination des déchets et des effluentsd’élevage. Macabre information : ilfaut six heures pour stériliser une

questions du bien-être des animauxavant même qu’on ne les lui pose…C’est un métier difficile et qui ren-voie sans cesse à l’éthique du travail.Ils sont 53 animaliers sur l’ensemblede la plateforme d’infectiologie àTours. La culture collective aide beau-coup, nous dit-on. « De génération engénération, les animaliers se transmet-tent cette culture de l’infectiologie. Etétant donné que l’on héberge des ani-maux pendant longtemps, il y a unedimension de ferme pilote. On a unecertaine fierté des troupeaux, du gesteefficace… On dépasse le cadre de l’ex-périmentation pour être éleveur »,explique Rémi Delaunay.Si l’expérimentation animale est jugéeindispensable pour les recherches ensanté animale, elle est strictementencadrée. Avant d’expérimenter, cher-cheurs et animaliers doivent justifierla pertinence de « l’intention d’expé-rimenter », de l’effectif animalindispensable, et vérifier s’il n’existepas de méthode alternative. C’est unequestion d’éthique. La mise en réseaudes plateformes d’infectiologie à l’échelle nationale et européenne(encadré) et leur accessibilité à l’en-semble de la communauté scienti-fique visent également à réduire lerecours à l’expérimentation animale.Les conditions d’élevage ont aussi étédéterminantes dans la conception dubâtiment : « cellules collectives pour lesanimaux, sol antidérapant, perchoirspour les volailles, matelas en caout-

Repères

La plateformed’infectiologieexpérimentale- 22 bâtimentsdont l’Inprest.

- 8 ingénieurs et 45 techniciens

1 M € defonctionnement(2007)

Inprest - 4150 m2

- 11,2 M € HTd’investissement

lDISCUSSIONpendant la phasede tests desfonctionnalités du bâtiment

4 lÉQUIPEMENT

DE PROTECTIONdes animaliers

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lBISOU cochon !

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l INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 200926

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INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 2009 l

+d’infosOsur le web :www.inra.fr/sante-animale/

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pour les mises bas ont été prévus. « Ondoit pouvoir étudier de multiples ques-tions, par exemple la transmission d’unemaladie entre la mère et son petit oula mise en place de l’ immunité contreun agent pathogène ».Les premiers lots d’animaux - sains -sont là pour tester « à plein régime » lefonctionnement du bâtiment. « C’estune période riche en activités ! Etmême si tout le monde est impatient, cerodage est indispensable pour être prêten mars, quand débutera la premièreexpé sur la fièvre Catarrhale ovine »,poursuit Bertrand Schwartz.Touchant à sa fin, cette phase de test amobilisé le centre Inra de Tours au-delà des laboratoires impliqués etnotamment très largement le person-nel de maintenance. « Les tests dudispositif expérimental n’ont repré-senté qu’une quinzaine de tests sur56 items, estime le directeur, enthou-siaste que l’« esprit d’équipe soufflepour cette nouvelle aventure. » l

Laurent Cario et Catherine Donnars.

Reportage photo Alain Beguey et Gilles Vasseur Delaitre

carcasse de vache. Tous les traitementsde décontamination répondent à desnormes et à des protocoles qui varientselon la dangerosité des déchets et deseffluents.Pour limiter les risques pour le per-sonnel, les contacts avec les animauxmalades sont limités autant que pos-sible. « L’Inprest se veut à l’heure de latélémétrie et de la collecte de donnéesà distance. Les informations physio-logiques peuvent par exemple être pri-ses sans toucher les animaux. Les pre-miers modèles de thermomètres àingérer, un transpondeur émettant unsignal ont été validés par leurs cons-tructeurs, illustre Pierre Sarradin ;avec ce type d’équipement, on peutfaire un suivi longitudinal sans inter-ruption. La sortie des informations sefait par connexion à un serveur de sai-sie de données. ».

Tout le monde sur le pontL’autre nouveauté, c’est le volume. L’In-prest peut accueillir 128 petits rumi-nants (ou des porcs ou des volailles) et24 bovins répartis dans deux étables.La vocation étant d’offrir un suivi aulong cours, salles de traite et dispositifs

L’Inprest s’insère dans laPlateforme d’infectiologieexpérimentale (PFIE) ayantobtenu le label du ministèrede la recherche et qui estcertifiée Iso 9001 : 2000. Ilest aussi membre du réseauNadir (Network for AnimalDiseases InfectiologyResearch infrastructures),créé en 2008, entre 15infrastructuresexpérimentales européennesdédiées aux maladiesinfectieuses animales, en particulier les zoonoses.Nadir coordonne au niveaueuropéen les méthodes et ressources en matièred’infectiologie animale pourlesquelles il existe une fortedemande des acteurs de la recherche vétérinaire et biomédicale.

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lÉTANCHEITÉ

des circuitsde ventilation

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lCUVE de

décontaminationdes effluents

8 lLA PRESSION dansles salles décroîtavec le confinement

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lVUE du 1er étage. Rémi Delaunayverifie les panneaux de contrôle

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Page 30: Inra Magazine n°8 - mars 2009

« a station expérimen-tale de Pathologieinfectieuse et Immu-nologie (Pii) a été

créée au centre Inra de Tours à la findes années 60. Les mammites et labrucellose bovines sont les deux thé-matiques fondatrices.

Très rapidement les thématiques derecherche se sont élargies, au fur et àmesure de l’arrivée de nouveaux cher-cheurs ou équipes : autres maladiesabortives (chlamydiose, toxoplasmose,fièvre Q), maladies virales porcines,colibacillose, salmonelloses et listé-riose. Au final, toutes les espècesdomestiques (bovins, ovins, caprins,porcins et volailles) ont été étudiées, enplus des souris modèles. Pour accom-pagner les recherches, on a hébergé etcréé des « lignées » consanguines muri-nes (souris), ovines et porcines, en plusdes élevages bovins, ovins et caprinsclassiques. Près d’ une trentaine d’animaliers et techniciens ont partagécette aventure.Les expérimentations sur les maladies

restructuration de l’ étable « B » (B comme Brucella) envisagée en 1992a été possible grâce aux financementscomplémentaires liés aux recherchessur la maladie de la « vache folle »(1995). Elle a été l’occasion de mettreau point un procédé de décontamina-tion thermique des effluents à 120-135°C. Ainsi, au début des années2000, l’unité expérimentale disposaitd’environ 2400 m2 d’installations confi-nées de niveau 3 pour gros animaux,répartis sur 12 unités indépendantes.Face au besoin croissant de recherchessur les maladies à prions, un projet deconstruction d’un nouveau bâtimentconsacré prioritairement à ces maladiesa été déposé auprès du Groupementd’intérêt scientifique (GIS) prions. Leprojet, qui prévoyait initialement l’accueil de 40 bovins, 200 ovins et uneanimalerie souris, a été arbitré enfaveur de l’Inra en 2001. La premièrepierre de ce qui allait devenir l’Inprest,a été posée le 11 février 2002. »

Témoignage de Patrick Lechopier,ancien directeur de la station

expérimentale en santé animale.

abortives, avec leurs germes dange-reux (de classes 2 et 3), ont fait émer-ger rapidement un état d’esprit deresponsabilité chez tous les profession-nels, de manière à empêcher les conta-minations humaines et à protéger l’environnement.

Le confinement, une responsabilité de chacunDes procédures ont été définies et amé-liorées petit à petit. La vigilance conti-nue des animaliers a été indispensa-ble. Il fallait compter sur leur capacitéde réaction devant un évènement inat-tendu porteur de risque.L’ aménagement ou la restructurationdes installations ont jalonné l’évolu-tion des recherches. Ils ont répondu à lanécessité d’améliorer les conditions detravail et les niveaux de confinement.Ainsi, une bergerie et une porcherieconfinées ont vu le jour au début desannées 80. Avec son système de décon-tamination des effluents à 80°C, laporcherie étanche était l’un des pre-miers bâtiments de niveau de confi-nement 3 dédié aux gros animaux. La

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Rétrospectivesur les installations expérimentales en santé animale

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lTRAITEMENT

AU XYLÈNEdes effluentsde l’étable B

1 lEXPÉRIMEN-TATION sur la

brucellose

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lTENUE des

animaliers dansles années 80

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INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 2009 l

OENTRETIEN AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION« DDeeppuuiiss ddeess ssiièècclleess,, llee ppaayyssaann pprreennaaiitt aauu ssooll,, ssaannss jjaammaaiiss ssoonnggeerr àà lluuii rreennddrree…… ». Cet extrait des Rougon Macquart, d’Emile Zola, paru en 1887, se trouve, avec d’autres citations, dans ce dossierconsacré au sol. Il nous rappelle que,même si notre mode de vie semble laissercroire que les ressources sont illimitées, il suffit de regarder sous nos pieds pour constater que tel n’est pas le cas…

Pourquoi un dossier sur le sol ?Ce projet vient du constat que le sol, à la fois fragile etprimordial, était méconnu de la société et peut-êtreinsuffisamment reconnu comme ressource à préserver,dans les recherches sur l’environnement, malgré l’en-gagement de la communauté scientifique concernée.C’est une petite surface par rapport aux terres émergées,son épaisseur n’est que de quelques décimètres àquelques mètres. Pourtant, il assure la production végé-tale et l’élevage, bases de notre alimentation. La prise deconscience du caractère fini des ressources et de la fra-gilité du système planétaire lui-même, s’étend désor-mais au sol, comme le révèlent les inquiétudes expri-mées lors du Grenelle de l’Environnement sur le rythmed’artificialisation des surfaces agricoles ou le projet de

directive européenne pour la protection des sols. Àl’Inra, plus de cinquante équipes étudient ce milieu.Elles se sont mobilisées pour faire partager, au traversde ce dossier, savoirs de base et regards neufs. Il y a deréelles avancées, par exemple sur la vie dans le sol :chaque gramme contient plusieurs millions de micro-organismes très divers dont la majorité était inconnueparce qu’impossible à cultiver en laboratoire. On lesconnaît mieux et surtout, on comprend qu’ils sontindispensables à la croissance et à la santé des plantes enintervenant dans les cycles du carbone, de l’azote, duphosphore, etc., ou grâce à leur antagonisme vis-à-visdes micro-organismes pathogènes. Il y a aussi de grandsprogrès dans les modèles de circulation de l’eau dans lesol, qui parviennent à intégrer la forte hétérogénéité dece milieu, dans la connaissance des sols urbains oudans celle de l’absorption des polluants par certainesplantes. Ce dossier illustre la diversité des approches derecherche autour du sol.

Le dossier est particulièrement imagé et coloré. Comment avez-vous travaillé ?La ligne graphique est née de la nature même du sujet,de ses multiples facettes et du dialogue avec les cher-cheurs. Il a fallu créer une cohérence visuelle entre lesdifférents éléments du dossier, textes, illustrations…Nous avons, entre autres, fait un travail approfondisur les schémas scientifiques afin de traduire avecrigueur les connaissances pour un public très large.Chaque auteur pouvait consulter la maquette d’en-semble et situer son texte ; cela a permis des réactionstrès riches : illustrations, nouveaux textes…

A qui s’adresse ce dossier ?Il est destiné aux chercheurs et aux enseignants, auxagronomes et aux agriculteurs, et plus largement àun public curieux de comprendre le rôle vital du sol.Il contient des éléments d’information pertinents aumoins pour les 5 ans à venir. Au-delà des connais-sances, le dossier nous semble pouvoir sensibiliser àl’aspect politique de la gestion des sols. Tous les déci-deurs, quelle que soit leur région, sont concernés parle sol même s’ils ne le savent pas encore !

Propos recueillis par P. M.

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le sol à nos pieds

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ODOSSIER « LE SOL ».EDITIONS QUAE, JANVIER 2009, 184 PAGES, 27 €.Équipe de rédaction : Martine Tercé, Denise Grail, Marc-Antoine Caillaud, Pascale Inzerillo, Frédérique Chabrol

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SOGuide de co-constructiond’indicateurs de développe-ment durable en aquacultureJ. Lazard, coord.Ce guide valorise les acquis du projet de recherche Evad,Evaluation de la durabilité dessystèmes aquacoles, qui a réunitdes chercheurs du Cirad, de l’Ifremer, de l’Inra, de l’IRD et de l’université de Montpellier 1,ainsi que leurs partenaires de cinq« terrains » au Cameroun, Chypre,Indonésie, France et Philippines.Diffusion Cirad- renseignement : [email protected]

en bref

Des mangeurs qui réfléchissent O LES INTERMITTENTS DU BIOPOUR UNE SOCIOLOGIE PRAGMATIQUE DES CHOIX ALIMENTAIRES ÉMERGENTSClaire Lamine CO-ÉDITION QUAE-LA MAISON DES SCIENCES DE L’HOMME, 2008, 342 PAGES, 35 €

Dans leur grande majorité, les consomma-teurs bio sont irréguliers dans leur choixbio : ce sont des mangeurs bio intermit-tents. L’ouvrage de Claire Lamine s’inter-roge, à partir de l’étude d’« autobiographiesalimentaires » et d’enquêtes sur ces man-geurs, sur leurs motivations gustatives, dié-tétiques, sanitaires et éthiques, et sur la ten-sion éventuelle entre le souci de soi et lesouci de l’environnement. « Certains ont tôtfait de les qualifier d’irrationnels et d’incon-

séquents », explique l’auteur, qui préfère aucontraire « étudier les formes de rationalitéde mangeurs « pluriels », devenus plus réflé-chis - ou réflexifs - du fait de l’installationd’un régime d’abondance alimentaire danslequel on ne se demande plus si l’on aura àmanger, mais ce que l’on doit manger ». L’au-teur montre aussi que les choix alimentairesne dépendent pas que de critères de prix,mais résultent d’un arbitrage entre les troisgrandes composantes de nos rapports à l’aliment que sont la dimension sensorielle(aspect, goût, etc.), la dimension cognitive(les informations et connaissances dispo-nibles) et la dimension éthique (les valeurset relations en jeu). Ces différentes compo-santes peuvent se rééquilibrer entre elles,en particulier dans les situations d’incerti-tude. Claire Lamine donne l’exemple d’unecliente qui, sur un marché, exprime sa sur-prise de voir des tomates biologiques aumois d’octobre, époque qu’elle considèrecomme « hors saison » pour une produc-tion biologique locale. Ce sont alors desinformations complémentaires fournies parce producteur (la production est biologique,

locale et sous-abri) et la relation établie aveclui, qui lui redonnent confiance. « Ces rééqui-librages, précise l’auteur, c’est en situationqu’on les observe, mais les mangeurs ne redé-marrent pas à zéro à chaque situation ali-mentaire, ils créent fort heureusement desrégularités dans leurs modes de choix et dedélégation - par exemple au label bio - ce quim’a permis de développer, au sujet des pra-tiques alimentaires, la notion de réflexivitéroutinière, c’est-à-dire d’arbitrages complexesmême dans le quotidien. »L’analyse de l’auteur s’oppose donc à l’imaged’un consommateur « zappeur » et déstruc-turé ou à l’inverse soumis à un déterminismesocial implacable, pour nous proposer d’ac-céder à la complexité et à la variabilité despratiques alimentaires contemporaines.Claire Lamine est sociologue dans l’unitéEco-Innov de l’Inra. Auparavant, elle a tra-vaillé pour le développement local, créé unrestaurant à thèmes et soutenu une thèsede sociologie à l’EHESS, dont l’ouvrage sefait l’écho. Elle travaille aujourd’hui sur lestransitions de l’agriculture conventionnellevers des formes durables.

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ORéférentiel pédologique 2008Association française pour l’étudedes sols. Coordonné par D. Baizeet M.C. GirardCette nouvelle version du référentielpédologique était très attendue ! En effet, il offre une typologiedétaillée de la multiplicité des solsdu monde entier. Fruit du travailcollectif de spécialistes denombreux pays, à l’épreuve du terrain depuis plus de quinze ans,c’est le seul système officiel de désignation des sols reconnu parles différents ministères dans le cadre des principaux programmesnationaux d’inventaire (IGCS) et de suivi des sols. Editions Quae, 2008, 480 pages, 45 €.

OVers une esthétique environnementaleN. BlancQuelle est la part laissée à l’esthétique dans l’aménagementdes villes ? S’appuyant sur les penseurs classiques, mais aussisur les réflexions d’artistescontemporains, N. Blanc met en lienles éléments vivants du quotidienurbain (animaux, plantes, jardin) avec les jugements qui opposentsauvage/domestique, beau/laid,propre/sale et enfin avec la perception sensible de l’homme(air, odeur, lumière, forme, couleur).L’auteur est chercheur engéographie urbaine au CNRS.Editions Quae, 2008, 228 pages, 26 €.

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INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 2009 l

OREVUE D’ETUDES EN AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENTACTUALITÉ DE LA REPRODUCTION DES GROUPES SOCIAUX AGRICOLES EN FRANCE (N° SPÉCIAL) 2008-3, VOLUME 88, EDITIONS INRA, 148 PAGES, 25 €Qu’est devenu le caractère familial dela profession agricole ? Les auteurs,tous sociologues universitaires ouissus du CNRS, de l’Inra, etc., yrépondent par des approches éclec-tiques où les données théoriques ne

sont jamais loin de l’analyse « de ter-rain ». Ils montrent notamment que,si la passation de la terre reste prin-cipalement familiale, les jeunes nefont pas que reprendre l’entreprise,ils la développent, la rénovent dans

une logique de création d’entreprise.Deux articles explorent ce quedevient le couple, l’un à travers « lechoix des conjoints », l’autre à tra-vers la séparation.

OAPIDOLOGIEVOL. 39 N° 6, NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2008

Revue internationale, Apidologie affi-che tous les deux mois des articles ori-ginaux sur la science des abeilles ausens large (domestiques ou sauvages).Le dernier sommaire présente pêle-mêle une étude sur la paralysie aiguë

des abeilles domestiques, un cas rare dedispersion des graines par les abeillesou le poids des ruches comme mesurede l’activité de la colonie.A noter : la sortie prochaine d’unnuméro thématique sur la conser-

vation des abeilles dans les diverscontinents.Créée en 1970 à l’initiative de l’Inra etdu Deutscher Imkerbund, l’associa-tion des apiculteurs allemands, larevue est éditée par EDP Sciences.

OPOLITIX Nº 83 (3/2008) MONDES RURAUX, SEPTEMBRE 2008, 20 €

Politix, revue de science politique exis-tant depuis vingt ans, termine l’année2008 par un numéro consacré auxmondes ruraux. Coordonné par EricDoidy, Julian Mischi et Nicolas Renahy,

trois sociologues de l’Inra, le numéromontre le renouveau des comporte-ments électoraux et les pratiques poli-tiques en milieu rural.

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OSCIENCEN° 5908,VOLUME322, PAGES1650-1655,12 DÉCEM-BRE 2008

Une étude impli-quant des cher-cheurs de l’Inrafait la couverturedu magazineScience du 12

décembre 2008 ! L’image donne à voir unensemble virtuel de cellules végétales, tel-les qu’elles se présentent dans la zone decroissance de la plante appelée méristème.On a appliqué aux cellules végétales unmodèle biophysique utilisé dans les domai-nes du bâtiment ou de l’aviation. Selon cemodèle, la destruction de deux cellules crée,

autour des trous (en bleu), des champs deforces mécaniques concentriques (lignesblanches). Les biologistes ont montré quelorsque l’on détruit deux cellules dans unvrai méristème, les cellules environnantesréagissent à ces forces mécaniques. Enquelques heures, elles réorientent leursmicrotubules (constituants principaux dusquelette des cellules) de façon parallèle auxchamps de forces mécaniques créés par lestrous. Ainsi, ces cellules rigidifient le péri-mètre du trou et résistent aux forces méca-niques qui tendraient à l’élargir. C’est unphénomène général dans le tissu végétal,où chaque cellule oriente ses microtubulesde façon à résister à la pression venant descellules voisines. Cela explique par exem-ple que la tige acquiert une forme régulièreau cours de sa croissance, malgré les pres-sions diverses des cellules qui ne grandis-

sent pas à la même vitesse, ce qui pourraitprovoquer des déformations.Ces travaux montrent donc que l’organisa-tion du cytosquelette, qui conditionne laforme des cellules et des organes, est affec-tée par un stress mécanique induit par lescellules environnantes. Elle n’est donc passous le seul contrôle de facteurs génétiques,ni de l’auxine, la principale hormone decroissance. La forme des organes résulteplus vraisemblablement de la coordinationde ces différents mécanismes.Ces résultats sont issus d’une collaborationentre des biologistes de l’Inra, du CNRS,des universités de Lyon et de Paris 7, de l’École normale supérieure de Lyon, du Cali-fornia Institute of Technology de Pasadena(USA) et des biophysiciens de l’université deLund (Suède) et de l’Ecole normale supé-rieure de Paris.

À la Une de Science : le stress mécanique qui donne leur forme aux plantes

OGSEÉDITÉ EN OPEN ACCESS PAR BIOMED CENTRAL

Depuis janvier 2009, la revue Gene-tics Selection Evolution (GSE) est édi-tée en libre accès par BioMed Central(BMC), plus grand éditeur de revuesscientifiques en open access en bio-

logie et médecine. Tous les articlessont publiés sous format HTML etPDF, ainsi que sous format XMLpour exportation dans les bases dedonnées. Ce changement d’éditeur

et de modèle de diffusion est uneopportunité pour élargir l’audienceinternationale de GSE.

www.gsejournal.orgArchives des n° de 1969 à 2008

revues

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essayant d’être le plus neutre possible, elle attire au contrai-re sur elle l’attention des babouins qui trouvent cette neu-tralité suspecte. Pour l’accepter parmi eux, les babouinsattendent de leur hôte un comportement social, une répon-se à leurs sollicitations. De nombreux éthologues com-mencent à prendre en compte ce point de vue de l’animal.

Est-ce une réflexion nouvelle chez les éthologues ?La prise en compte du point de vue de l’animal n’est pasvraiment nouvelle mais a connu des fortunes diversesdepuis le 19e siècle. A cette époque, beaucoup de naturalistestrouvaient normal d’essayer d’imaginer ce que l’animalperçoit. Ils pensaient par exemple qu’un insecte s’orientedans un champ selon les mêmes critères qu’un humaindans une rue. Puis, au début du 20e siècle, les behavioristes

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Penser comme un animalw

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Vinciane Despret s’intéresse aux relations entre les scientifiques et les animaux avec lesquels ils travaillent. Elle se pose en particulierla question du point de vue que peut avoir l’animal sur l’expérience

à laquelle il est soumis. Elle a présenté en octobre 2008 une conférence-débat intitulée : « Penser comme un rat », dans le cadre

de « Sciences en Questions »*. Diplômée en philosophie et psychologie, elle travaille actuellement au département de Philosophie de l’Université de Liège et enseigne à l’Université Libre de Bruxelles.

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Qu’entend-on par « point de vue de l’animal » ?Vinciane Despret : Plusieurs travaux montrent que l’a-nimal d’expérience a un point de vue sur ce qu’on luidemande de faire. Par exemple, dans les années 1960, lepsychologue Rosenthal montre que si l’on fait croire à desexpérimentateurs que leurs rats ont été sélectionnés pourleur intelligence, leur comportement sera tel que les ratsprésenteront des performances en accord avec les prédic-tions. Les rats, et d’autres animaux, perçoivent ce que l’onattend d’eux et s’y conforment. On peut donc faire l’hy-pothèse qu’ils ne répondent pas à la question qu’on leurpose, mais à ce qu’ils pensent que l’on attend d’eux, etqu’il y aurait donc des artefacts dans les expériences. Fina-lement, même s’il fait des efforts, l’expérimentateur nepeut pas être neutre. C’est ce que conclut aussi la prima-tologue Barbara Smuts lorsqu’elle étudie les babouins. En

VINCIANE DESPRET

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INRA MAGAZINE • N°8 • MARS 2009 l

+d’infosDespret V. et Porcher J.2007. Être bête. Ed. Actes SudDespret V. 2002.Quand le louphabitera avecl’agneau. Co-éd. Le Seuil / LesEmpêcheurs depenser en rond

se sont radicalement opposés à cequ’ils considéraient comme de l’an-thropomorphisme, et ont assimilé lesprocessus psychiques de l’animal àune boîte noire que l’on ne peut enaucun cas comprendre. Cependant,dès cette époque, on remarque les tra-vaux d’un naturaliste estonien, JacobVon Uexküll (1864-1944), qui propo-se une voie pour résoudre ce conflit.Etudiant les invertébrés, il s’est attachéà explorer scientifiquement leurs capa-cités sensorielles : par exemple, en utilisant une batterie de stimuli, ilmontre qu’une tique perçoit essen-tiellement la chaleur de la peau, lecontact du poil et l’odeur du sang.Elle sera indifférente à d’autres sti-muli. De même qu’un crapaud seraindifférent à une libellule si elle n’estpas en mouvement et que le papillonignorera une femelle prisonnière d’u-ne cloche car il ne peut détecter sonodeur. C’est ainsi qu’avec son bagagesensoriel propre, chaque animal cons-truit son « monde », selon d’autrescritères que ceux que l’homme peutlui prêter s’il projette son propre fonc-tionnement. Ce que montrent ces tra-vaux, c’est d’une part, qu’un animalest capable de subjectivité, c’est-à-dired’une vision personnelle de son envi-ronnement, et d’autre part, que cettesubjectivité est différente de celle del’homme.A la fin du 20e siècle, les recherchesdes cognitivistes montrent que l’ani-mal est capable de comportementscognitifs élaborés comme la recon-naissance de soi ou la capacité de men-

*Les conférences« Sciences en Questions »de l’Inra invitent des philosophes,sociologues,épistémologues à des réflexions critiquessur la pratique de la recherche.

tir. Devant un miroir, le chimpanzéessaie d’enlever la tache qu’on lui afaite sur le front, signe qu’il reconnaîtson image dans le miroir. Mais ce testfonctionne aussi pour d’autres ani-maux, tels que les mammifères marins(orques) ou les oiseaux (pies). D’au-tres expériences tentent de montrerque les cochons et les corbeaux sontcapables de mentir, s’ils y trouvent unintérêt. Ainsi, tous ces travaux resti-tuent aux animaux des capacités niéespar les behavioristes du 20e et peut-être attribuées trop vite au 19e, où l’ondécrivait un peu trop de limacesamoureuses ou d’araignées en colère !

Comment cette réflexionpeut-elle influer sur les pratiquesscientifiques ?À la lumière des études sur la subjec-tivité de l’animal, on comprend mieuxque l’animal puisse interpréter à safaçon le sens d’une expérience. Le rat,brusquement tiré de son contextehabituel et placé dans un labyrinthe,

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« Le propos de Vinciane Despret rejoint mon expérience de recherche sur le régime alimentaire des herbivores en pâturages naturels. Chez des éleveurs et dans leurs troupeaux, j’observe durant des séries de journées la totalité des prises alimentaires chez l’animal. La démarche scientifique canonique veutque l’on choisisse au hasard les animaux à observer. Or, procéder ainsi, c’est à coup sûr se faire rire au nez par l’éleveur ou le berger. Car ils savent que leurtroupeau est un groupe social avec ses affinités et ses relations de typehiérarchique, dans lesquelles, même en tant qu’observateur le plus neutrepossible, vous allez obligatoirement interagir. Par exemple, si vous tirez au sortune chèvre ou une vache laitière qui cherche à monter dans la hiérarchie,celle-ci profitera de votre présence valorisante à ses côtés pour consacrer du temps à signifier à ses congénères son changement de statut. Elle mangerabeaucoup moins que d’habitude, ou différemment. Elle bousculerafréquemment d’autres individus occupés à brouter, afin de prendre leurnourriture. Il arrive même que la situation devienne problématique lorsque le reste du troupeau n’accepte pas la subite progression sociale de l’individuobservé et passe la journée à le rouer de coups de cornes ! C’est pourquoi leséleveurs et bergers nous incitent à choisir parmi ce qu’ils nomment les « anonymes », celles qui ne profiteront pas de votre présence pour tenterde modifier leur statut, et surtout, auprès de qui votre présence sera acceptéepar le reste du groupe. Autre solution : la caméra vidéo entre les cornes, mais elle sera mise en miettes… »

Michel Meuret, chercheur à l’unité de recherche Éco-developpement, Avignon

Un chercheur au milieu du troupeau

comprend tout de suite qu’il lui faut leparcourir. D’ailleurs, que peut-il faired’autre ? Une vache ou un cochonauxquels on fournit des jeux vont semettre à jouer. Et nous, nous nousréjouissons en pensant que l’animalbénéficie de cet environnement enri-chi et retrouve sa curiosité. Mais l’animal est-il heureux de le faire ou nele fait-il que parce que l’on le luidemande ? En quelque sorte, notrequestion induit la réponse, mais cen’est peut-être pas ce que l’animal choi-sirait si on lui proposait autre chose.Finalement, à quelle question l’ani-mal répond-il ? Et comment menerdes expériences en évitant les arte-facts ? Je dirais que l’expérimentateurpeut se rapprocher des pratiques del’amateur qui a une connaissance inti-me de l’animal. L’éthologue allemandKonrad Lorenz, qui vivait en étroiteintimité avec des choucas, avait finipar comprendre intuitivement leurcomportement et par « penser commeeux ». Cette proximité avec l’animalexiste aussi chez les éleveurs et les ber-gers. Je laisserai sur ce point la paroleà Michel Meuret.

Propos recueillis par Pascale Mollier

D’APRÈS HONORÉBestiaire de A. Vialat, ED. Arlea

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5 mai IVERSAILLES

Agriculture périurbaineCette 4e édition des Carrefours de l’innovationagronomique (Ciag) s’intéressera à la place de l’agriculture dans les dynamiques territoriales péri-urbaines ; la valorisation des produits et services de l’agriculture en zones péri-urbaines et l’accompagnement des acteurs en zones périurbaines et l’organisation agricole.WWW.inra.fr/ciag/colloques/agriculture_peri_urbaine

14/16 mai BERLIN, ALLEMAGNE

Protection des plantes et santé desplantes en EuropeLe 3e Symposium « Plant Protection and Plant Health in Europe - The DPG-BCPC Symposium 2009 » sur le thème des plantes résistantes aux facteursbiotiques et abiotiques (demandes actuelles, potentielleset futures) est organisé par la Société phytomédicaleallemande (German Phytomedical Society, DPG) et le Conseil britannique des productions végétales(British Crop Production Council, BCPC), en coopérationavec d’autres partenaires dont l’Inra.http://dpg-bcpc-symposium.de/

29 avrilPARIS

Génoplante a 10 ansLe Groupement d’intérêt scientifique Génoplantepartage le bilan de ses 10 années de programmes de recherches en génomique sur les espècesvégétales. Pour l’occasion, un film relate les succèsscientifiques et les brevets ; un colloque présentel’actualité de la génomique, ses enjeux et les principaux résultats de Génoplante par type de produits (vigne, céréales, maïs, riz, espècesforestières …) ou problématique (lutte contre les bactérie, bioinformatique…)WWW.genoplante.com

2 avrilPARIS

Fibres, céréales et nutritionCette conférence-débat se déroulera en 3 temps : une information pédagogique sur les plans nutritionnel,technologique, technofonctionnel et réglementaire desfibres. Puis présentation des résultats d’un programme de recherche, Aquanup, visant à améliorer les qualitésnutritionnelles du pain en préservant ses qualitésensorielles et finalement les débats. Organisée par l’Inraet l’Institut de recherches en technologiesagroalimentaires des céréales (Irtac) en partenariat avec l’Observatoire du pain.WWW.inra.fr/inra_cepia/restez_informes/evenements/fibres

RÉGÉNÉRATION de plantes in vitro

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