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Page 1: Inra Magazine n°10 - Octobre 2009

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AgricultureAlimentationEnvironnementINRA

N°10 - OCTOBRE 2009

◗ RECHERCHELa chrysomèlerentre en résistance

◗ HORIZONSLes Lauriers 2009 de l’Inra

◗ DOSSIER

Grippes : le monde face aux virus

Grippes :le monde face aux virus

◗ REPORTAGEChlorophylle in silico,la botanique virtuelle

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INRA MAGAZINE • N°10 • OCTOBRE 2009

◗sommaire

Directrice de la publication : Marion Guillou. Directeur éditorial : Jean-François Launay. Directeur de la rédaction : Antoine Besse. Rédactrice en chef : Catherine Donnars.Rédactrice en chef adjointe : Pascale Mollier. Rédaction : Magali Sarazin, Aline Waquet, Patricia Léveillé, Hélène Deval. Photothèque : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, ChristopheMaître. Couverture : © CDC/ Dr. F. A. Murphy. Maquette : Patricia Perrot. Conception initiale : Citizen Press - 01 53 00 10 00. Impression : Imprimerie Champagnac. Imprimé sur dupapier issu de forêts gérées durablement. Dépôt légal : octobre 2009.

Renseignements et abonnement : [email protected]

03◗ HORIZONSProposer des pistes contre le réchauffementclimatique

Les Lauriers 2009

06◗ RECHERCHES& INNOVATIONS

L’utérus reconnaît les embryons clonés

Dernier nez des capteurs

Cartographies des politiques rurales

La Chrysomèle rentre en résistance

Hormones sexuelles, fonction intestinale et perturbateurs endocriniens

Pour réussir la « traversée du désert » de la valorisation économique

25◗ REPORTAGEChlorophylle in silico

Observation en profondeur

Une antenne de la recherche brésilienne en Europe

32◗ IMPRESSIONS

34◗ REGARDHistoires d’agronomie

36◗ AGENDA

ISSN : 1958-3923

L ’actualité s’invite largement dans ce dixièmenuméro d’Inra magazine. Avec la grippe Ad’abord. Déjà très mobilisé lors de l’épidémie

de grippe aviaire, l’Inra s’implique fortement dans l’effort national face à la première pandémiedu siècle en se dotant de structures de confinementuniques en France et en développant des programmes de recherche allant de la moléculeaux troupeaux. Plus largement, en participant à l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé axée sur la santé humaine,l’Inra contribue à l’amélioration des connaissances au profit de la lutte contre les zoonoses.

La chrysomèle, insecte ravageur du maïs,le « billion dollars bug », a également fait les grostitres cet été. La confirmation de son expansion sur le sol français invite à comprendre au plus viteses dynamiques de développement et d’invasionpour mieux les contrer.

La tenue de la conférence de Copenhague en décembre donne également l’occasion de rappeler que l’Inra est partie prenante dans la définition des positions françaises sur le changement climatique.

Suite au saccage, début septembre, de la parcelle du centre de Colmar où étaient expérimentés des porte-vignes transgéniques, nous vousproposons de découvrir sur inra.fr un dossierspécial qui vous donne un éclairage sur les multiples enjeux de ces recherches.

Enfin, pour terminer sur une note plus légère, nousavons le plaisir de vous présenter les cinq lauréatsde l’édition 2009 des Lauriers de l’Inra.

La rédaction

Chers lecteurs

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE147 rue de l'Université • 75338 Paris Cedex 07 www.inra.fr

13◗ DOSSIERGrippes : le mondeface aux virus

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L ’enjeu est de taille : si l'on neréussit pas à réduire les émis-sions de gaz à effet de serreavant 2035, on pourrait

atteindre un réchauffement de 4°Cavec des impacts pratiquement irré-versibles pour la biosphère et pourles populations humaines les plusexposées. A la clé du sommet deCopenhague : l’inflexion des inves-tissements industriels et sociétaux.Les écosystèmes naturels et cultivésqui sont à la fois sources et puits decarbone pourraient être des variablesd’ajustement dans les discussions.L’Inra a été invité à contribuer à laposition française. Jean-FrançoisSoussana qui fut l’un des rédacteursdu 4e rapport du GIEC (1) paru en2007 nous apporte son point de vuesur une question qui est devenue unchantier de recherche majeur.

Quelle contribution l’Inrapeut-il apporter à la conférence de Copenhague ?Jean-François Soussana : L’Ins-titut met ses données et avis scienti-fiques à la disposition des pouvoirspublics nationaux et régionaux. Legouvernement nous a ainsi demandéd’actualiser les simulations que nousavions faites en 2008, à l’aune du nou-veau Plan climat. Ce rapport montreque l’agriculture et la sylviculture ont

eu un rôle moteur dans la réductiondes émissions totales de gaz à effet deserre entre 1995 et 2005 en France.Mais leur contribution pourrait s’a-moindrir, voire s’inverser à l’horizon2020 en fonction des scénarios quel’on privilégie. Les différentes filièreset les ONG s’appuient aussi surl’expertise de l’Inra.

Vous coordonnez un atelier de prospective sur l’adaptation de l’agriculture et des écosystèmes face au changement climatique (2).Quelles questions vous posez-vous ?J.-F. S. : Dans un contexte de chan-gement climatique, comment limiterles risques de flambée des prix agri-coles et préserver la sécurité alimen-taire ? Comment augmenter la rési-lience des écosystèmes et des zonesprotégées ? Comment faire face à lararéfaction de l’eau et à la dégrada-tion des sols ? Notre atelier porte surces grands enjeux. Il a pour vocationd’élaborer une stratégie ambitieusede recherche, qui est maintenant encours de discussion avec nos parte-naires européens, Au plan mondial,les enjeux sont énormes puisqu'il fau-dra vraisemblablement doubler laproduction alimentaire d’ici 50 anspour nourrir la planète.

L’Inra étudie aussi commentréduire la contribution nettedes activités agricoles et sylvicoles au réchauffement.J.-F. S. : Bien sûr ! Nos recherchesvisent à augmenter les stocks de car-bone dans la matière organique dessols, à valoriser le potentiel énergé-tique de la biomasse forestière, à ré-duire les émissions de méthane desruminants et celles de protoxyde d’a-zote des sols agricoles. Nous étudionségalement les synergies entre la luttecontre l’effet de serre et l’adaptationau changement climatique. ●

Propos recueillis par Hélène Deval

(1) Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat(2) Prospective Adage (Adaptation de l’agriculture et des écosystèmes anthropisés au changementclimatique), financée par l’Agence nationale pour la recherche

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Douze ans après Kyoto, la Conférence de Copenhague qui se tiendra du 7 au 18 décembre devrait fixer de nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Proposer des pistes contre le réchauffement climatique

TOUR DEMESURES dans une forêtlandaise de pinsmaritimes pourétudier lesmécanismesrégissant lestransferts entre un couvert végétalet l'atmosphère.

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+d’infosOsur le Web :Mission Inra sur le changement climatique :www.avignon.inra.fr/les_recherches__1/liste_des_unites/agroclim/mission_changement_climatique_et_effet_de_serrewww.inra.fr/la_science_et_vous/dossiers_scientifiques/changement_climatiquewww.clermont.inra.fr/adageSite de la Conférence :http://fr.cop15.dk/frontpageOContact :[email protected]

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Rendez-vous annuel depuis 2006, la cérémonie de remise des Lauriers de l’Inra s’est tenue à Paris le 22 septembre. Les Lauriers récompensent les qualités scientifiques, techniques et humaines de cinq personnalités ainsi que leur engagement dans le collectif professionnel. Cette année, cette distinction s’ouvre à des acteurs œuvrant dans des unités de l’Inra,mais pouvant appartenir à d’autres organismes, comme Michel Moreaux,professeur de l’université de Toulouse-Capitole.

Portraits par Pascale Mollier et Magali Sarazin

Les Lauriers2009

LAURIER « JEUNE CHERCHEUR »

Olivier Loudet, les vertus de l’observation

Après une formation d’ingénieur meunier, Joël Abécassis, 59 ans, a mené l’ensemblede ses recherches à l’Inra sur les procédés de transformation des céréales, dont il estdevenu un expert internationalement reconnu.

« En meunerie classique, on se contente de séparer l’enveloppe du grain de blé riche enfibres, de l’amande, que l’on transforme en farine. Actuellement, on cherche à séparer plusfinement les constituants des grains : - protéines, amidon, lipides, fibres et même micro-nutriments - pour l'alimentation, la chimie ou les biocarburants. On s’achemine vers laraffinerie du végétal par voie sèche », explique Joël Abécassis, qui développe des pro-grammes innovants en ce sens. Il participe aussi à la réflexion sur les nouvelles stra-tégies d’utilisation des ressources végétales rendues possibles par ces technologies. Ilanime pour cela à l’Inra un groupe de chercheurs issus de plusieurs disciplines, de labiologie moléculaire à l’économie. Soucieux du transfert vers la filière céréalière, ils’emploie à intégrer les connaissances acquises dans des logiciels d’aide à la décisionavec des évaluations bénéfices/risques. En outre, il est à l’origine de plusieurs inno-vations, dont le blé Ebly®, un blé dur cuit en dix minutes devenu classique dans plu-sieurs pays d’Europe.

Olivier Loudet, 35 ans, est entré à l’Inra en 2004, après des études d’ingénieur agronome,une thèse effectuée à l’Inra de Versailles et un post-doctorat au Salk Institute de San Diego.

Olivier Loudet étudie les mécanismes d’évolution des plantes et leur adaptation à l’environ-nement. Sur la plante modèle Arabidopsis thaliana, dont il ramène des spécimens du mondeentier, il a isolé plusieurs gènes qui contrôlent les réponses à la lumière et aux conditions dusol. « Arabidopsis, petite crucifère sauvage proche du colza, explique-t-il, offre un double avan-tage : celui d’étudier des mécanismes d’évolution naturelle, puisqu’elle n’a pas été sélectionnée parl’homme et celui de mettre à jour des mécanismes d’adaptation fondamentaux qui ont des chan-ces d’être conservés chez les espèces cultivées qui subissent les mêmes contraintes environnemen-tales ». Dépassant les clivages recherche fondamentale ou appliquée, Olivier Loudet combineaussi le laboratoire et le terrain. « L’observation est très importante, je l’ai appris au contact dessélectionneurs dont j’ai admiré le « coup d’œil » pour repérer les plantes prometteuses. J’observemes plantes tous les jours, et parfois, elles m’apprennent d’autres choses que ce que je cherche ».Pas d’a priori donc, mais une grande capacité d’évolution et d’adaptation chez ce jeune cher-cheur, qui dit apprécier particulièrement la marge de liberté dont il dispose à l’Inra. Ses tra-vaux sont largement repris dans la communauté scientifique et il vient d’obtenir un finance-ment du très sélectif Conseil européen de la recherche qui lui permettra de conforter son équipe.

LAURIER « INGÉNIEUR »

Joël Abécassis, de la technologie à l’intelligence artificielle©

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en bref

OEssai OGM saccagé • Les porte-greffes transgéni-ques de vigne destinés à luttercontre la maladie du court-nouéen essai au centre de Colmardepuis 2005 ont été saccagésle 7 septembre. L’Inra déplored’autant plus ce vandalisme quel’expérimentation devait apporterdes données scientifiquesprécises qui feront désormaisdéfaut et qu’elle avait fait l’objetd’une démarche de suivi pardes comités locaux et nationauxassociant chercheurs, vignerons,syndicats agricoles, élus et associations.

ONouveaux modèles auservice de l’alimentation Coordonné par l’Inra, un nouveauprojet européen, Dream, dévelop-pe des modèles alimentairesrendant compte de la structuredes aliments, facteur déterminantpour comprendre leurs effetsdans le corps humain. Cesmodèles permettront aussi desimuler l’impact des processusde transformation agro-alimentairesur les propriétés nutritionnelleset sanitaires des aliments.

OPrix scientifiquesJean Dénarié, directeur derecherche émérite au Laboratoiredes interactions plantes-microorganismes Inra-CNRS de Toulouse, a été élu membre de l’Académie des sciences.Hervé Vaucheret, directeur de recherche de l’unité biologiecellulaire (Inra Versailles-Grignon)a reçu conjointement avec OlivierVoinnet (CNRS), le Grand prixscientifique 2009 de la fondationLouis D. de l’Institut de France,pour ses travaux sur le rôle despetits ARNs au cours du déve-loppement et dans le maintien de l’intégrité du génome.Une équipe de l’unitéPhysiologie de la reproductionet des comportements de l’Inra de Tours a été récompensée par le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes pour son projet « ReproVet ».www.inra.fr/toute_l_actu/prix_et_distinctions

ORapport d’activité 2008Le rapport d’activité de l’Inra est disponible sur le site Web.www.inra.fr/l_institut/rapport_d_activite_2008

LAURIER DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE

Michel Moreaux, l’économie pour explorer les futurs possibles

Par trois fois, à Jouy-en-Josas, Angers, puis Toulouse, Jocelyne Olivier,60 ans, s’est lancée à la découverte d’un nouveau centre et de nouvellesthématiques en reproduction animale puis en pathologie végétale.

A Toulouse, dernière ville de son « tour d’Inra », dans l’unité intitulée« Interactions entre plantes et microorganismes », Jocelyne Olivier seconvertit aux récents outils de la biologie moléculaire : extraire de l’ADN,identifier et caractériser un gène, etc. Elle contribue à identifier chez latomate et la plante modèle Arabidopsis thaliana les gènes de résistance àRalstonia solanacearum, une bactérie du sol pathogène pour de nombreuses

plantes cultivées. Depuis plusieurs années, Jocelyne Olivier est aussi élue du personnel au ser-vice de l’Adas, l’association pour le développement des activités sociales de l’Inra, qu’elle pré-side aujourd’hui. Elle souhaite que l’Adas, par ses activités culturelles et de loisirs, apporte « del’extraordinaire » dans l’ordinaire du quotidien.

DEUX LAURIERS « APPUI À LA RECHERCHE »

Jocelyne Olivier, un parcours atypique

Laurence Le Maout, au devant des progrès de l’informatiqueLaurence Le Maout, 45 ans, a débuté à l’Inra comme technicienne forestière dans une uniténaissante de quatre personnes. Répondant aux besoins, elle s’est très vite investie dans lesopérations de gestion et gère actuellement les finances d’une unité de 80 personnes.

Dès son entrée à l’Inra, Laurence Le Maout a été sollicitée pour destâches administratives, car il n’y avait personne dans l’unité pour ce poste.Elle a su tirer parti de ce glissement professionnel du technique versl’administratif, utilisant sa compréhension du travail scientifique pourfournir un appui le plus adapté possible aux besoins de l’équipe. Elle anotamment commencé à prendre en charge les premiers contrats euro-péens. « Les enjeux pour l’unité étaient très importants, il fallait distribuerl’argent, rationaliser les dépenses, il y avait de la pression, mais c’était untravail utile ». Actrice des changements d’outils informatiques depuis 20ans, elle est devenue formatrice et s’active à mutualiser l’information etoptimiser les pratiques.

Michel Moreaux, 68 ans, est professeur de sciences éco-nomiques à l’université Toulouse - Capitole. Il est lefondateur du Laboratoire d’économie des ressourcesnaturelles (Lerna), une unité mixte Inra - université Tou-louse-Capitole.

Michel Moreaux s’intéresse aux ressources naturelles et àl’environnement dès la fin des années 70, au moment oùce champ commence à être investi par les économistes.« Mes travaux, explique t-il, reposent sur des modèles dyna-miques qui intègrent les répercussions à long terme de contrain-tes globales comme la disponibilité des ressources naturelles,renouvelables ou non renouvelables. Ces contraintes évoluentau cours du temps grâce au progrès technique dont la mar-che est en partie réglée par l’intensité des restrictions que cescontraintes font peser sur la société. Au XVIIIe siècle, 80 %de la population active était employée dans l’agriculture, lacontrainte forte était la disponibilité en terre de qualité et la

rente foncière représentait 25 % du produit national. La conjonction de ces contraintes physiqueset des contraintes économiques permet d’éliminer des scénarios totalement improbables, pour mieuxexplorer les futurs possibles et éventuellement repérer les ruptures à venir ».Quand il crée en 2000 le Lerna, il a pour ambition d’en faire un centre d’excellence académiqueinternational dans cinq domaines d’économie théorique et appliquée : l’énergie, l’eau, les risques,la régulation publique et l’activité agricole. Promesse tenue : moins de dix ans après sa création,le Lerna se classe premier dans le domaine en Europe et parmi les dix meilleurs au monde.

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+d’infos Osur le web : reportages, films : www.inra.fr/lauriers

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L’utérus reconnaîtles embryons clonés

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Les chercheurs de l’Inra de Jouy-en-Josas ont montré chez la vache que l’utérus peut distinguer des embryons générés par des technologies différentes et s’y adapteren exprimant différents gènes, mettant ainsi en évidence sa plasticité.

En juillet 1996, la brebis Dol-ly est née, non pas de larencontre d’un ovule etd’un spermatozoïde, mais

à partir du noyau d’une cellule depeau transféré dans un ovule énu-cléé. Cette technique, dite de « clo-nage par transfert de noyau », a étédepuis reproduite chez de nombreuxanimaux, vache, chèvre, porc, cheval,lapin, rat. (cf encadré). Le taux denaissance pour ce type de clonagevarie de 1 à 10 % contre 30 à 60 %pour la fécondation in vitro. Toutefoischez les ruminants, notamment lesbovins (où la durée de la gestationest de neuf mois), l’échec survientsouvent tardivement, les embryonsclonés se développant apparemmentnormalement pendant plusieursmois, bien au-delà de l’étape d’im-plantation de l’embryon dans l’utérusde la mère, implantation qui a lieuau vingtième jour de la gestation. Les

chercheurs se sont donc intéressés à la« réaction » de l’utérus lorsqu’ilaccueille un tel embryon.Olivier Sandra et Nadera Mansouri-Attia, dans l’équipe de Jean-PaulRenard, ont en particulier comparécette réaction pour trois types d’em-bryons différents : des embryonsobtenus par fécondation in vivo (1)des embryons obtenus par féconda-

tion in vitro (2) et des embryons obte-nus par clonage (3). Pour cela, ils ontmesuré le niveau d’expression desgènes exprimés par l’utérus aumoment où il établit les tout premierscontacts avec l’embryon. Ils mont-rent pour la première fois que l’utérusexprime des gènes différents pourchaque type d’embryons. Ces diffé-rences portent sur des gènes impli-qués dans l’immunité mais aussi dansla régulation du métabolisme. L’en-vironnement utérin est donc capablede reconnaître, par un mécanisme derégulation apparemment très fin, letype d’embryon avec qui il établit uncontact.Cette découverte d’une adaptationtrès précoce de l’utérus au potentielde développement de chaqueembryon constitue une avancée signi-ficative dans la compréhension de sacontribution au succès de l’implan-tation. Elle confère à l’épithélium uté-rin un rôle de « capteur précoce » dudestin de l’embryon.Que reconnaît l’utérus ? L’épithéliumde l’utérus établit les premierscontacts avec les cellules nourriciè-res de l’embryon, qui forment elles-mêmes un épithélium (cf photo).C’est à partir de ce contact entre deuxépithéliums que l’utérus, non seule-ment reconnaît la présence d’unembryon, mais aussi jauge ses capa-cités futures de développement pourmieux le porter. Or, l’équipe de Jean-

EMBRYON DEVACHE

huit jours aprèsfécondation. On

distingue lamasse

embryonnaireproprement dite

(en bas àdroite) et la

couche decellules extra-

embryonnairesnourricières, qui

tapisse lepourtour de

l’embryon.

Histoire de clonesLes premières vaches clonées ont vu le jour en 1998 à l’Inra de Jouy-en-Josas. « La première grande découverte, selon Jean-PaulRenard, qui dirige l’unité, a été le fait qu’un noyau de cellule adulte,donc différencié, puisse redonner un embryon. On ne croyait pas que la différenciation cellulaire puisse être un processus réversible ». Un vaste champ de recherche s’est alors ouvert pour comprendrece processus de « dédifférenciation-reprogrammation ». Le noyauadulte repasse à un état embryonnaire sous la seule influence du contenu cellulaire de l’ovocyte. Les gènes du noyau ne sont pasmodifiés, mais leur expression varie : on parle de modificationsépigénétiques. De nombreuses études visent à mieux comprendreces mécanismes en étudiant les embryons obtenus par clonage.

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en bref

OComptabiliser les dégâtsécologiques et les coûtséconomiques causés par les espèces invasivesSur les 10 000 espècesrecensées par le projet Daisielancé en 2005, 11 % auraient un impact négatif sur l’écologie et 13 % sur l’économie. Parmi les espèces occasionnant lesplus gros dégâts économiques,on trouve une algue unicellulairetoxique en Norvège (8,2 M€/an), la jacinthe d’eau en Espagne (3,4 M€/an) et le ragondin en Italie (2,8 M€/an).Front Ecol Environ 2009,doi,10.1890/080083

OInvasion dans les kiosques Le magazine Pour la sciencepublie en octobre un hors série« À la conquête des espèces »qui fait écho aux recherches de l’Inra sur les invasions biologiques.

OLes pins européens résistent bien au feuLes pins européens surviventmieux aux incendies, selon le classement établi par le programme européen, « FireParadox », auquel participe l’Inra. Le trio de tête desrésistants se compose du pindes Canaries, du pin maritime et du pin parasol.Forest Ecology and Mana-gement, 256 (2008) 246-255

ORetour du saumon dans la SeineLe retour spontané de diversesespèces de poissonsmigrateurs dont le saumonatlantique dans la Seine depuis 2000, marque une netteamélioration de la qualité des eaux du fleuve, selon les analyses réalisées par l’Inra,l’Onema et le Cemagref.

Une étude menée par l’InstitutPasteur, associé à l’Inserm et à l’Inra dévoile comment Listeriamonocytogenes, bactérie inoffensive de l’environnementdevient un dangereux pathogèneresponsable de la listériose une fois hébergée par son hôtemammifère, en modulantl’activité de tout son génome.Nature vol 460, 18 juin 2009www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/abs/nature08080.html

Paul Renard avait montré précédem-ment que les cellules nourricièresprésentent des défauts de repro-grammation souvent plus marquésque la masse embryonnaire propre-ment dite. L’adaptation de l’utérus àl’embryon trouve ses limites quandles anomalies initiales sont tropimportantes. C’est le cas le plus sou-vent avec les anomalies génétiquesconstitutives.L’objectif du laboratoire est mainte-nant de connaître les limites del’adaptation de l’utérus à la présenced’un embryon, un enjeu non seule-ment pour améliorer la fertilité desmammifères d’élevage mais aussi pourcomprendre, voire peut-être un jour

+d’infosMansouri-Attia N, Sandra O, Aubert J, Degrelle S, Everts RE,Giraud-Delville C, Heyman Y, Galio L, Hue I, Yang X, Tian XC,Lewin HA, Renard JP. 2009. Endometrium as an early sensorof in vitro embryo manipulation technologies. Proc Natl AcadSci U S A. 106:5687-92 Ocontacts :[email protected] ; [email protected]

moduler, le rôle de l’implantationcomme barrière au croisement entreespèces proches. ●

Pascale Mollier

Un parcours atypiqueINTERVIEW

Vous avez suiviun cursusoriginal en menant defront une thèsede biologiedans l’équipe de Jean-PaulRenard et une thèse

de philosophie. Qu’avez-vous retiré de cette dualité ? Béatrice de Montera : Ma conception philo-sophique du clonage s’est construite au furet à mesure, sur la base de mes résultats scien-tifiques dans le domaine. Au cours de ma thèsede biologie, j’ai contribué à montrer que desclones bovins sont très semblables généti-quement mais différents au niveau épigéné-tique*. La variabilité de la méthylation globalede l’ADN est plus importante entre des clonesqu’entre de vrais jumeaux (monozygotes). Sicette variabilité épigénétique n’empêche pasune vie adulte normale, pour autant, on neconnaît pas sa signification biologique, ni sonimpact à long terme. Par ailleurs, il a été mon-tré au laboratoire (Coulon et al, 2007) queles clones bovins présentent des différencesnotamment dans leur comportement d’explo-ration par rapport aux animaux témoins. Celapeut s’expliquer avant tout par leur contact pro-longé avec l’homme en raison des soinsindispensables qui leur sont prodigués par desvétérinaires à la naissance (leur mortalité resteimportante dans les 3 premiers mois). Mais ilest également possible qu’un clone soit différentde l’animal original dans son comportement,puisque les vrais jumeaux le sont entre eux. Ace titre, il paraît donc illusoire de cloner un ani-mal de compagnie disparu pour le « retrouver ».

Le clonage n’est pas un moyen d’atteindre l’im-mortalité !

Quelle est votre vision actuelle du clonage ?B. de M. : Le clonage est un très bon outilde biologie fondamentale notamment pourconnaître le rôle de l’épigenèse dans le dévelop-pement d’un organisme. C’est aussi pour l’ins-tant le meilleur moyen, combiné à une trans-génèse ciblée, d’obtenir des modèles decertaines maladies génétiques humaines. Ence qui concerne le sauvetage d’espècesmenacées, le clonage de certains individus,s’il est réussi, ne peut être utile que s’il restesuffisamment d’animaux différents géné-tiquement pour reconstituer la diversité biolo-gique nécessaire au maintien de l’espèce.

Le clonage pose t-il des questionsd’éthique particulières ?B. de M. : Chez les bovins, le syndrome ditdu « gros veau » touche 50 % des clones, contrequelques % chez des veaux issus de fécon-dation in vitro. Au laboratoire, on suit la gesta-tion des veaux clonés par échographie et onpratique une césarienne lorsque le clone estgravement atteint, pour éviter la souffrance dela mère porteuse et du fœtus. En général, pourtoute expérimentation animale, le chercheurdoit se poser la question de savoir si l’impor-tance de sa recherche justifie la souffrance desanimaux. Conformément à la réglementationeuropéenne, il est tenu de limiter cette souf-france et le nombre d’animaux utilisés. Il nes’agit pas de freiner la recherche, mais de larendre responsable.* Les modifications épigénétiques contribuent à la régulation de l’expression des gènes sans toucher à la séquence en nucléotidesde l’ADN. La méthylation de l’ADN est la modification épigénétique la plus étudiée chez les mammifères.

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(1) Insémination artificielle d’une vache, puis transfert de son embryon dans l’utérus d’une vache porteuse.(2) Fécondation d’un ovule par un spermatozoïde en tube à essai, puis transfert de l’embryon obtenu dans l’utérus d’une mère porteuse.(3) Transfert d’un noyau de cellule de peau dans un ovule énucléé, puis transfert de l’embryon dans l’utérus d’une mère porteuse.

OLa virulence de la Listeria

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À la rencontre de la biologieet de la nanotechnologie, la nouvelle génération de nez artificiels étudiés par le laboratoire Inra« Neurobiologie de l’olfaction et de la prise alimentaire(Nopa) » se montre pleine de promesses.

D ès qu’il y a une odeur àdétecter, il y a une appli-cation potentielle ! » s’en-thousiasme Edith Pajot

directrice adjointe du laboratoireNopa. D’où son énergie à réaliser unnez artificiel « qui pourrait déceler descomposés toxiques dans les aliments,la maturation des fruits, la formationd’arômes, les polluants de l’environ-nement dont les COV (composés orga-niques volatils), des explosifs mais aussides maladies, comme certains cancersou la tuberculose. » Des expériencesont par exemple déjà montré que ratsou chiens détectent avec fiabilité descancers du poumon, de la vessie etde la prostate. Les scientifiques saventen effet depuis longtemps que les cel-lules cancéreuses produisent des com-posés organiques volatils, moléculesodorantes qui passent dans l’urine,le sang ou l'haleine.Jusque-là, les nez artificiels n’ont pasrencontré le succès escompté. Leurfonctionnement repose sur des cap-teurs physiques ou chimiques dontles propriétés changent au contact dela molécule odorante. Mais ces cap-teurs varient selon les conditionsd’utilisation, ils ont une durée de vielimitée et s’avèrent peu précis. Lesnouveaux nez artificiels, ou « biosen-seurs olfactifs », s’inspirent directe-ment de recherches comme cellesmenées au laboratoire Nopa sur lefonctionnement des neurones olfac-tifs de la muqueuse qui tapissent lefond de nos fosses nasales. Chacunde ces neurones consacre une partiede ses gènes à commander la synthè-se de protéines réceptrices, recon-naissant et fixant les moléculesodorantes qui arrivent à leur surface.

Les chercheurs veulent donc mimerau plus près ce système olfactif bio-logique. Problème : il est extrême-ment difficile d'utiliser la celluleneuronale. Qu’à cela ne tienne, leurdispositif ne reposera que sur la pro-téine, qu’ils font « usiner » par uneautre cellule !

La levure « renifleuse » des chercheursLa toute première étape consiste àidentifier, à partir de tissus olfactifsprélevés sur des rats, les neurones (1)qui répondent aux odeurs recher-chées. Les chercheurs identifientensuite la séquence du gène codantpour la protéine-réceptrice ad hoc.« Cette séquence est introduite dansune levure de boulanger modifiée, Sac-charomyces cerevisiae, pour lui faireproduire à sa surface le récepteur olfac-tif, ce qu'elle ne fait pas naturellement »explique la scientifique. L’art des cher-cheurs ne s’arrête pas là ! Ils préparentà partir de cette levure des « nano-somes », billes de 50 nm (2) de dia-mètre portant les récepteurs. Puis, lesnanosomes sont associés à des nanoé-

Dernier nez des capteurs

lectrodes d’or, chargées de capter lesnanovariations des propriétés élec-triques du récepteur quand il reçoit lamolécule odorante.Ce savoir-faire, Edith Pajot et ses parte-naires le tirent de « Spot-Nosed » (3),projet soutenu par l’Union euro-péenne dans le cadre de son initiative« Futures technologies émergentes ».Il leur a permis d'établir la preuve duconcept et de mettre au point unprototype de taille microscopique.Déjà, la chercheuse et son équipe ontles yeux rivés vers « Bond » (2009-2012), un deuxième projet européendont le lancement interviendra enoctobre à Barcelone. En perspective,les chercheurs flairent de nouvellesinnovations... ●

Magali Sarazin

(1) Parmi les millions de neurones olfactifs, chacunn'exprime qu'un seul type de récepteur olfactif parmi unrépertoire de plus de 1 000. Chaque type de récepteurreconnaît entre 3 et 20 molécules odorantes etinversement, une même molécule odorante peut êtreperçue par 5 à 10 récepteurs !(2) Un nanomètre ou 1 nm = un milliardième de mètreou 10-9 m(3) Spot-Nosed, Single PrOTein NanObioSEnsor griDarray, recherches programmées de 2003 à 2006.

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LES CHERCHEURS ONT ÉLABORÉ UN PROTOTYPE de nez artificielqui capte les molécules odorantes comme peut le faire la truffe d’un chien.

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+d’infosODR : htpp://esrcarto.supagro.inra.fr Ocontacts :[email protected]

Cartographiesdes politiques rurales

Quelles sont les fondementsde l’Observatoire du développement rural ?Gilles Allaire : L’Inra, le ministèrede l’Agriculture et la récente Agencede service et de paiement (1) ont créé,en 2008, cet observatoire pour évaluerles politiques de développementrural, le deuxième pilier de la PAC. Enéchange de son implication, l'Inradispose d'informations très riches àdes fins de recherche. La coopérations’est depuis élargie à la MSA (2) pourl’emploi agricole et se finalise avecl’Inao (3) pour les données liées auxsignes de qualité.

Quels types d’informationanalysez-vous ? G. A. : On récupère les donnéesadministratives des dispositifs de ges-tion des politiques de développementrural. Les données primaires étantsoumises au secret statistique, leserveur les agrège. Néanmoins, les cal-culateurs peuvent les utiliser en modecaché. Du fait de la dispersion et dutrès grand nombre de données, ungros travail est nécessaire pour trans-former ce flux en données statistiquesnormalisées. Mais l’intérêt premier del'observatoire est cette exhaustivité.Alors que le Rica (Réseau d’informa-tion comptable agricole) correspondà un échantillon de 7 500 exploita-tions agricoles françaises, avec l’ODR,on peut brancher le calculateur surles données réelles des 390 000 bé-néficiaires du Plan de développementrural national. Enfin, les données sontrattachées à des codes géographiques :communes, zones Natura 2000, etc.L’observatoire génère donc des basesde données statistiques qui sont lo-calisées. On peut visualiser les résul-tats sous forme de cartes.

L’Observatoire produit donc des cartes.G. A. : Oui, l’interface web offre delarges possibilités de navigation carto-graphique entre échelles et types deterritoires. Il est aussi possible de

Les politiques agricoles et rurales foisonnent de mesures, conditions et spécificités régionales ou professionnelles. Elles génèrent des millions d’informations que l’Observatoire du développementrural (ODR) agrège et analyse. Interview de son responsable, Gilles Allaire, directeur de recherche à Toulouse.

ou celui d’un autre thésard sur la mor-talité précoce chez les bovins (70 mil-lions d’animaux). D’autres program-mes vont démarrer sur la biodiversitédes oiseaux en partenariat avec le Mu-seum national d’Histoire naturelle etsur la contractualisation en agricul-ture biologique avec l’Agence BIO (5).Plus généralement, l'objectif est d’in-téresser la recherche pour faire émergerde nouveaux indicateurs d’évaluationdes politiques publiques. ●

Propos recueillis par Catherine Donnars

superposer des fonds de carte à par-tir de liens avec le Géoportail natio-nal (4). Par surbrillance, on peutregarder l’éventuelle influence de fac-teurs comme la météo, l’altitude oul’hydrographie sur la variable étudiée,par exemple, le rendement. Au-delàdes simples visualisations, les utilisa-teurs peuvent exporter des donnéesagrégées, les croiser avec d’autres sour-ces, demander de nouveaux calculs…

Qui sont les utilisateurs ?G. A. : D’abord, les gestionnaires despolitiques publiques. On élabore poureux les données nécessaires au suiviet à l’évaluation des plans de dévelop-pement rural 2001/2006 et 2007/2013.Unique en Europe par son envergure,l’ODR est soutenu par la Commis-sion européenne. Il permet par ailleursdes recherches spécifiques. Citons untravail d'une doctorante sur le deve-nir de la production laitière en mon-tagne après la suppression des quotas

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La Politiqueagricolecommunecomporte deuxpiliers, le premierconcerne lesaides directes de soutien desrevenus et desmarchés, le second les plans dedéveloppementrural, compre-nant lesmesures agro-environ-nementales.

En bleu, les territoires où le pourcentage d’exploitations ayantcontracté des mesures agro-environnementales favorables àla qualité de l’eau est inférieur à la moyenne ; en rouge foncé là où il dépasse 15 % des exploitations, soitdans 10 % des territoires cartographiés. Le taux moyen decontractualisation est identique en zones vulnérables et endehors (6,7 %), les écarts variant à l’intérieur des zones selonles politiques départementales et locales.

Taux de contractualisation des mesures agro-environnementales ayant un effet fortsur la qualité de l’eau (période 2000-2006), dans et hors « zones vulnérables »

Indicateur : Nombre bénéficiaires MAE /Nbre exploitations RA2000 (en %)Zonage infra-cantonal

Légende :

Hors zone vuln.

Dans zone vuln.

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2 - 0.01-6.72

3 - 6.72-14.82

4 - >14.82

Secret statistique

(1) Agence de service et de paiement créée en avril 2009 qui fusionne l’Agence unique de paiement(premier pilier de la PAC) et le Cnasea (second pilier).(2) Mutualité sociale agricole(3) Institut national de la qualité(4) Le Géoportail est administré par l'Institut géographiquenational. www.geoportail.fr(5) Groupement d'intérêt public en charge du dévelop-pement et de la promotion de l'agriculture biologique.

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Page 10: Inra Magazine n°10 - Octobre 2009

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+d’infosOsur le web : www.inra.fr/la_science_et_vous/chrysomeleOcontact : Thomas Guillemaud [email protected]é mixte de recherche Inra-CNRS-université de Nice-Sophia Antipolis« Interaction biotique et santé végétale »,équipe « Biologie des populations eninteraction », centre Inra de Sophia-Antipolis

La Chrysomèle du maïs a ététrès médiatisée cet été, lesrecherches sur ce ravageurrestent-elles actives ?Thomas Guillemaud : Notre acti-vité est en effet assez soutenue. Notrelaboratoire a plusieurs projets derecherche dont un projet ANR finan-cé jusqu’en 2011 et de nombreusescollaborations avec les Etats-Unis etles autres pays européens. Nous pro-jetons entre autres de séquencer entiè-rement le génome de Diabrotica. Maisavec 2.5 milliards de bases c’est unetaille de génome de l’ordre de celuide l’Homme ! Les besoins de créditssont donc importants…

Quelles sont les nouvelles recherches en cours dansvotre laboratoire ?T. G. : Nous nous sommes par exem-ple penchés sur l’apparition de résis-tance de l’insecte à la rotation descultures. Cette méthode très écolo-gique est devenue, du fait del’apparition de cette résistance, moins

efficace dans les années 1990. Cer-tains insectes ayant perdu la fidélité àla ponte dans le maïs peuvent pondredans les champs de la culture alternée,dans le soja typiquement. Les larvesqui émergent l’année suivante dans lemaïs fraîchement semé provoquentune nouvelle infestation et des dégâts.Cette résistance reste pour l’instantcantonnée de l’autre côté de l’Atlan-tique. Mais il ne faut pas exclurequ’elle arrive un jour en Europe. Lorsde nos recherches au laboratoire, nousavons mis en évidence des différencesgénétiques entre populations sensibleset résistantes à la rotation. Cependant,nous n’avons pas réussi à isoler, avecnos outils actuels, de marqueursgénétiques qui diagnostiquent larésistance. C’est pour cela, entreautres, que le séquençage du géno-me de Diabrotica sera très utile.

Les insecticides restent-ils un moyen de lutte efficace?T. G. : Certaines populations euro-péennes provenant d’Amérique du

Nord présentent des résistances auxproduits américains mais, on a de lachance, pas à ceux qu’on utilise ici.

Cela n’empêche pourtant pasune augmentation des foyerschez nous.T. G. : La situation est contrastée enEurope. Pour l’instant, en France, il yavait un foyer en Ile-de-France quisemble éradiqué ou en très faible effec-tif aujourd’hui. En Alsace, les effectifsd’un foyer rampant depuis 2003 ontbien augmenté cette année et il semblequ’en Bourgogne et Rhône-Alpes, il yait un foyer désormais installé.

Continuez-vous d’étudier l’origine des Diabrotica ?T. G. : Oui, depuis 2005 nous étu-dions la provenance des populationsenvahissantes. Comme chaque année,de nouveaux foyers s’installent. En2008, nous avons ainsi continué àcaractériser les routes d’invasionsvenant des Etats-Unis et des foyerseuropéens déjà existants. Nousessayons aussi de décrire les évène-ments démographiques et génétiquesadvenant durant une invasion. Au-delà de l’avancée pour la recherchefondamentale, ces travaux peuventaider à comprendre pourquoi certai-nes stratégies d’éradication ne fonc-tionnent pas. ●

Propos recueillis par Antoine Besse

La Chrysomèlerentre enrésistance

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La larve du coléoptère Diabrotica virgifera virgifera, plus connue sous le nom de Chrysomèle des racines du maïs, fait des ravages dans ces cultures. Dans les champs d’Amérique du Nord,ses dégâts s’élèveraient à un milliard de dollars. D’où l’inquiétude des agriculteurs français et la mobilisation de l’Inra peu après l’apparition des premiers foyers français en 2002. Thomas Guillemaud de l’unité de recherche « Interactions biotiques et santé végétale » nous expose quelques pistes de recherche.

CHRYSOMÈLEvue au travers

d’une feuille de maïs.

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Page 11: Inra Magazine n°10 - Octobre 2009

+d’infosOestradiol decreases colonic permea-bility through oestrogen receptor ‚-mediated up-regulation of occludin andjunctional adhesion molecule-A inepithelial cells, Viorica Braniste, MathildeLeveque, Claire Buisson-Brenac, LionelBueno, Jean Fioramonti and EricHoudeau, The Journal of Physiology, 587- 3317-3328, 1/07/09.Ocontacts :[email protected]@toulouse.inra.fr

Perturbateurs endocriniens, œstrogèneset fonction intestinale

L e bisphénol A (BPA) est lamolécule-mère des plastiquessolides et transparents cou-ramment utilisés dans les

récipients alimentaires : biberons,récipients pour micro-ondes, revête-ment intérieur des boîtes de conser-ves, etc. Inconvénient : cette substancemigre facilement du récipient vers lesaliments lors du chauffage. Sa dégra-dation après ingestion est estimée àquelques jours. « En dépit de cela, lefait de la détecter dans l'organismed'une large majorité des Européensdémontre que ces expositions, faiblesen intensité, sont forcément fréquen-tes, voire quotidiennes » expliqueThierry Pineau, coordonnateur dePlastImpact (1), programme qui étu-die ce contaminant de la chaîne ali-mentaire. Autre inconvénient, le BPAest un perturbateur endocriniensuspecté d’être nocif pour la santécar il mime l’action des œstrogènessans contrôle (quand, combien, etc.),les œstrogènes étant les hormonessexuelles féminines essentielles à lareproduction mais aussi au dévelop-pement d’organes vitaux comme lesystème nerveux central ou le systèmecardio-vasculaire.

Le cycle hormonal sexuel exerce une influence sur les échanges d’eau intestinaux. C’est en cherchant à comprendre les effets sur l’intestin du bisphénol A, un composant du plastiquequi est aussi un perturbateur endocrinien, que des chercheurs de l’Inra l’ont découvert.

Cette régulation paracellulaire varieau cours du cycle menstruel. Les cher-cheurs ont travaillé sur des celluleshumaines mais aussi, in vivo, sur desrats femelles.Dans une première phase qui préparel’ovulation (également chez les fem-mes enceintes ou sous pilule contra-ceptive) les œstrogènes dominent. Laperméabilité de l’intestin est modifiéeet cela favorise une « rétention d’eau ».Puis, durant la deuxième phase quiprépare la gestation éventuelle,l’équilibre se rétablit. S’il n’y a pasfécondation, le cycle recommence. Leschercheurs ont ainsi mis en évidencel’influence du cycle sexuel sur leséchanges d’eau dans l’intestin. Ceux-ci représentent jusqu’à un litre et demipar jour chez l’adulte, soit la deuxièmevoie d’échange d’eau dans le corpsaprès les reins. Sous l’action du BPA, laperméabilité paracellulaire diminueet il n’y a plus de variation cyclique,favorisant la rétention d’eau. Les cher-cheurs ont utilisé ces résultats pourproposer une méthode permettantd’apprécier quelles seraient les doses àpartir desquelles des substances agis-sant comme les œstrogènes peuventprésenter un risque de toxicité. Biend’autres résultats sont attendus d’ici lafin de PlastImpact en 2010. ●

M. S.

(1) Financé par l’Agence nationale de la recherche.(2) Inra et école d’ingénieur de Purpan. Cette unité faitpartie du pôle de recherche en toxicologie alimentaire,Toxalim. (3) Pour les cellules humaines, les chercheurs ont testéla dose « NOAEL » (dose la plus élevée d’une substancepour laquelle aucun effet toxique n’est observé), la Dosejournalière admissible (100 fois plus faible que laNOAEL) ainsi qu’un dosage 10 fois inférieur à la DJA.

Eric Houdeau et des collègues dulaboratoire Neurogastroentérologie etnutrition (2) se sont focalisés sur l’in-testin, premier organe au contact desaliments ingérés et cible du BPAjamais étudiée jusque-là. « Nous avonsd’abord analysé le fonctionnement nor-mal de l’intestin sous l’influence desœstrogènes naturels, et ensuite, sousl’action du BPA à très faibles doses (3). »

Une perméabilité variableL’intestin fonctionne comme un filtresélectif, dédié principalement à l’ab-sorption des nutriments tout en assu-rant une protection immunitairecontre l’infiltration de pathogènes.On parle alors de « barrière intesti-nale ». La perméabilité agit selon deuxmodes : transcellulaire -elle ne laissepasser que les petites molécules, com-me les nutriments, à l’intérieur descellules- et paracellulaire : un passageentre les cellules permet la circulationde l’eau et des ions, participant ainsi àl’équilibre hydrique du corps. « Lesœstrogènes régulent ces espaces inter-cellulaires, explique Eric Houdeau,comme un filet dont on resserre lesmailles, en activant les récepteurs qui sesituent dans les cellules épithéliales. »

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VUEMICROSCOPIQUEde la barrièreintestinale.

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+d’infoswww.inra-transfert.frwww.seventure.fr

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Objectif Caltech ! L’univer-sité californienne est sou-vent citée comme modèleen matière de valorisa-

tion : associant excellence dans larecherche fondamentale et vigoureu-se politique d’innovation, elle est capa-ble de faire le grand écart entre lelaboratoire de recherche et le marché.C’est le modèle à suivre chez les uni-versités françaises qui veulent doperleur politique de valorisation. La créa-tion de ABA, société anonyme montéepar Inra Transfert en association avecla société de capital risque Seventure,spécialisée dans les thématiquesindustrielles proches de l'Inra, peutles aider à atteindre cet objectif.Entre une découverte en laboratoire etune innovation sous forme de pro-

duit ou serviceacheté par desclients, il y a ceque Gérard Jac-quin, présidentd’Inra Transfert etdirecteur de lavalorisation àl’Inra, appelle « latraversée dudésert ».Le long et difficileparcours de lav a l o r i s a t i o nimpliquant d’allerpêcher des finan-cements, desconseils en straté-gie et des structu-res de soutien. Eneffet, pour allerjusqu’à un pro-duit ou un servicequi intéresse desacteurs écono-miques, il faut

améliorer « la preuve de concept »avec des résultats appliqués, renfor-cer si besoin les revendications desbrevets et à terme, favoriser la créationd’une activité économique nouvelleexploitant la découverte initiale.

Un soutien en amontLors de cette traversée semée d’em-bûches certaines découvertes se per-dent dans des impasses ou se fontdépasser par la concurrence. Pour évi-ter ce genre d’échecs, ABA apporteune capacité d’action supplémentairepar rapport aux moyens limités quel’Inra pouvait dédier à cet effort detransformation. Pour Gérard Jacquin« ABA est un incubateur professionnelprivé au service de l’innovation agro-nomique ». Cette société, financée à1/3 par l’Inra et 2/3 par Seventure, se

focalise sur la phase amont de la valo-risation. Dès le dépôt de brevet, ellefournit les fonds nécessaires pourconfirmer les perspectives de déve-loppement d’un produit ou serviceinnovant. Elle apporte également desconseils pour que la création de lafuture jeune entreprise se fasse dansles meilleures conditions possibles dupoint de vue du couple, crucial, tech-nologie/produit pour le lancement.ABA soutient cette étape-clef depréparation avant création, dite depré-amorçage, au plus près des labo-ratoires de recherche de l’Inra. Pour lemoment, la société étudie une dizainede projets par an pour en sélectionnerdeux qui seront soutenus sur unepériode allant de 12 à 24 mois.« Depuis trois ans, les investisseurs encapital risque s’intéressent de plus enplus aux problématiques les plus por-teuses de l’Inra comme la nutrition et lasanté, la chimie du carbone et les bio-technologies vertes et blanches ,explique Gérard Jacquin, mais trouver,avec un coût d’approche et de transac-tion modéré, de bons projets où investirdevient difficile pour eux ».Dans le domaine agronomique, l’Inraa tissé un réseau national permettantune détection précoce des meilleursprojets. Cette capacité de détectionde l’Inra, associée aux ressourcesfinancières et à l’expérience de créa-tion d’entreprise de Seventure, offreun nouveau levier pour transformerles découvertes scientifiques de larecherche agronomique en produits etservices innovants. ●

A. B.

Pour réussir la « traversée du désert »

de la valorisation économique

La valorisation économique ou la transformation des découvertes et résultats scientifiques en produitset services innovants, est un défi majeur des organismes et des campus universitaires français. Avec la société ABA, Agro Biotech Accélérateur, créée fin 2008, l’Inra et sa filiale Inra Transfert proposent une structure originale pour favoriser cette transformation.

Illustration : Gianpaolo Pagni

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Grippes : le monde face aux virus

Dossier rédigé par Antoine Besse et Pascale Mollier

Responsables scientifiques : Abdenour Benmansour (Inra, Jouy-en-Josas)

et Thierry Pineau (Inra, Toulouse)

La mobilisation actuelle face à la grippe A reste sans précédent dans son ampleur et sa rapidité. Cela souligne bien les inquiétudessoulevées par les maladies émergentes dont les grippes sont particulièrement emblématiques. Touchant à la fois l’Homme

et les espèces d’élevage, elles peuvent avoir de lourdes conséquences tant économiques que de santé publique et animale. La recherche agronomiquejoue un rôle majeur pour en comprendre les mécanismes et en limiter les impacts.

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Page 14: Inra Magazine n°10 - Octobre 2009

Une grippe chasse l’autre.La grippe aviaire H5N1qui a connu une explosionde sa propagation chez les

oiseaux entre 2005 et 2006 a étérepoussée au second plan des préoc-cupations de la population par l’arri-vée retentissante de l’actuel virusH1N1, officiellement dénommé grip-pe A par l’Organisation mondiale dela santé (OMS). A une vitesse fulgu-rante, six semaines seulement, on estpassé des premiers cas détectés chezl’homme à une extension à tous lescontinents. C’est une première depuisla grippe de Hong Kong de 1968 :l’OMS a déclaré l’état de pandémie(épidémie s’étendant à un ou plu-sieurs continents) en juin dernier.A l’origine des grippes humaines etanimales, on retrouve la même famillede virus, les Orthomyxoviridae du

genre Influenza de type A. Des sous-types viraux se distinguent selon lacombinaison de deux de leurs pro-téines membranaires, l’hémaggluti-nine (16 variations de H1 à H16) et laneuraminidase (de N1 à N9). Leschercheurs ont dénombré pour l’ins-tant 23 associations H-N sur les 135possibles. Les grippes saisonnièreshumaines sont de type H1, H2 ou H3associé à N1 ou N2. Les grippes por-cines sont, elles, de trois sous-types,H1N1, H1N2 et H3N2. Quinze sous-types, H1 à H15, se trouvent chez lesoiseaux mais seuls trois (H5, H7 ouH9) sont pathogènes. La grippe estdonc une maladie fondamentalementaviaire. L’épidémie de grippe H5N1a sensibilisé l’opinion sur la perméa-bilité entre espèces qui existe avec cesvirus. Les oiseaux sauvages migrateursreprésentent un réservoir de vecteur

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De l’Influenza animale à la grippe humaine

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CHEZ UNEPERSONNEPORTEUSE DE LAGRIPPE A, chaquegouttelette libéréedurant unéternuement contient des virus.D’où la nécessité de se couvrir la bouche pour limiter la contagion !

Le virus H1N1 de 2009 se propage à une vitesse inédite mais la mobilisation scientifique a,elle aussi, été au pas de course. Six mois après son apparition nous en savons déjà beaucoupsur ce nouvel avatar de grippes qui est passé de l’animal à l’homme.

Les zoonosesMalgré des succès contre latuberculose ou la brucellose,les zoonoses c’est-à-dire lesmaladies animales transmissi-bles à l’Homme restent trèsnombreuses : encéphalitespongiforme, syndrome respi-ratoire aigu sévère, Influenzaaviaire, chikungunya, virus WestNile… Dans les trois quarts desmaladies émergentes chezl’Homme au cours des quinzedernières années, on trouve l’a-nimal soit à l’origine de l’épidé-mie, soit comme vecteur detransmission. La santé humaine apparaît doncétroitement liée à celle de l’ani-mal. Mais la lutte contre les zoo-noses va au-delà de ces enjeuxessentiels de santé. Les domai-nes couverts touchent le bien-être animal, les habitudesd’élevage ou les préjudices éco-nomiques (abattage des chep-tels, dépréciation des produits).Dans ce paysage des zoono-ses, les grippes ont un statutparticulier. D’une part, ellescomptent parmi les plus impor-tantes et anciennes maladiesépidémiques humaines : la grip-pe espagnole en 1918-1919, detype H1N1, a provoqué plus decinquante millions de victimesdans le monde. D’autre part, cesgrippes circulent largement ausein des espèces domestiques(oiseau, porc mais aussi chat,furet, souris, cheval...) avec com-me conséquences une grandedifficulté de contrôle des épi-démies et une forte variabilité etdonc le risque d’apparitiond’une souche plus virulente.

© CDC /James Gathany

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du virus. Le passage vers l’Hommes’effectue via les volailles et les porcsdans des élevages où ceux-ci sont encontact (cf encadré virus).Le virus responsable de cette grippeA de 2009 se montre très contagieuxtant par voie aérienne (éternue-ments) que par contact (mains ouobjets contaminés). Par rapport auvirus H5N1, la mortalité se révèleheureusement bien moindre. L’OMScomptait, au 16 juillet, environ127 000 cas de grippe A dans lemonde et 684 décès. Soit une mor-talité d’environ 0,5%. A compareraux 248 décès humains sur les 394cas constatés lors de la grippe H5N1de 2005, où on dépassait donc les60 % de taux de mortalité. Comme lesouligne Abdenour Benmansour, del’unité de recherche Virologie etimmunologie moléculaires de Jouy-en-Josas, « une recombinaison deH5N1 et H1N1 serait particulière-ment redoutable et ferait craindre unepandémie comparable à celle de grip-pe espagnole de 1918. » Un tel évè-nement n’a pour l’instant pas eu lieudans la nature et les hybridationsexpérimentales entre H5N1 et unvirus de la grippe humaine (H3N2)réalisées en laboratoire aboutissentà des lignées faiblement pathogènes.Si les perspectives d’une pandémiede grippe A (H1N1) meurtrière pourl’homme semblent s’éloigner, d’aut-res inquiétudes subsistent. Il a étéainsi montré dans une publicationrécente d’une équipe du Friedrich-

Loeffler-Institut que le virus peutrepasser de l’homme au porc (maispas aux oiseaux) puis rendre maladel’ensemble d’un cheptel. Ces résultatsde laboratoire ne sont pas transposa-bles tels quels dans les fermes. Maisderrière les problématiques de santéhumaine dont les médias font large-ment écho, on retrouve donc aussicelles de santé animale avec ce virus

H1N1. La grippe aviaire avait obligé àdes abattages massifs dansl’hémisphère sud. Pour l’instant lesdonnées manquent pour prévoir lesimpacts sanitaires et économiquespour la filière porcine d’une diffusiondu virus de la grippe A (H1N1)humaine des éleveurs vers les porcs,ainsi que les conséquences sur lavariabilité du virus.

Le virus Influenza est typi-quement constitué d’uneenveloppe et de matérielgénétique, sous forme d’a-cide ribonucléique (ARN).L’enveloppe du virus pro-vient en fait de la membra-ne de la cellule hôte, ellepossède trois protéinesvirales majeures : une peti-

te protéine (M2), l’hémagglutinine (H), la neuraminidase(N), qui forment des spicules dépassant vers l’extérieur etpossèdent des propriétés antigéniques.Le matériel génétique du virus est constitué de huit brinsd’ARN indépendants codant pour les différentes protéinesdu virus : les protéines des spicules, mais aussi desprotéines membranaires et des protéines internes quiassurent la réplication (multiplication) de l’ARN, sa protectionlors de son transit dans la cellule hôte ou encore, laneutralisation des défenses de l’hôte. La structure dugénome viral en plusieurs brins d’ARN explique son fort

potentiel de variabilité, ainsi que la possibilité de passerd’une espèce à l’autre : lorsque deux virus transitent dansun même hôte (le porc par exemple, qui peut être infectéaussi bien par des virus aviaires que par des virus humains),les mélanges deviennent possibles. Des brins d’ARNd’origine aviaire peuvent s’associer avec des brins d’ARNhumains et porcins, donnant un virus composite, qui exprimepar exemple des antigènes de type aviaire et des protéinesinternes de type humain. Le virus H1N1 actuel est parexemple composé de cinq segments d’origine porcineaméricaine et eurasienne, de deux segments d’origineaviaire et d’un segment d’origine humaine. Un autre facteur de variabilité du virus provient de l’enzymequi assure la réplication de l’ARN. Cette enzyme n’est pasfidèle et les erreurs commises lors de la synthèse desnouveaux brins d’ARN se traduisent par des modificationsprogressives des protéines qu’ils codent, en particulier desprotéines antigéniques H et N. D’où la nécessité de fabriquerchaque année un vaccin antigrippal différent, selon unecomposition indiquée par l’OMS en fonction des épidémiesen cours.

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© Cynthia Goldsmith

Portrait de la famille Influenza

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ET POULETdans une ferme

à Manille en 2009.Une telle proximité

favorise la contamination

inter-espèce.

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Page 16: Inra Magazine n°10 - Octobre 2009

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L ’Inra était absent de la recher-che spécifique sur l’Influenzail y a encore cinq ans, nousapprend Abdenour Benman-

sour de l’unité de recherche virolo-gie et immunologie moléculaires(VIM) de Jouy-en-Josas, mais nousavons rattrapé notre retard ! ». En effet,le réseau d’infrastructures travaillantsur le sujet compte dix unités derecherches et deux unités expérimen-tales réparties sur toute la France (cfcarte). Et l’Inra apparaît dans plus de60 % des programmes de l’Agencenationale de la recherche sur l’In-fluenza grâce à ses nombreux parte-nariats. Deux publications dansJournal of Virology, la revue de réfé-rence dans le domaine ont d’ailleursrécompensé ces investissementsimportants. Dès 2005, le réseau derecherche en virologie, associant l’In-ra, le CNRS et les Ecoles nationalesvétérinaires (ENV), avait identifié lesvirus respiratoires comme des sujetsde recherches prioritaires. La grippe Ade 2009 ne prend donc pas les équipesau dépourvu. L’importante mobilisa-tion pour la crise de l’Influenza aviai-re H5N1 initiée en 2005 restetransposable aux recherches sur lagrippe H1N1. « Pour nous chercheurs,ces virus sont des objets identiques, quiforment un espace évolutif continu etsoulèvent donc des questions de recher-che communes. » explique A. Ben-mansour. Ce dernier anime, depuisjuin 2005, le Bureau des grippes, unestructure flexible d'animation et deréflexion créée par le département deSanté animale de l’Inra. Ce bureaucoordonne les recherches avec cellesmenées par des partenaires de l’Inra :le CNRS, le Cirad, l’AFSSA et l’InstitutPasteur. Cette mobilisation a permis lamise en place en 2008 d’un fonds desoutien à la recherche sur l’influenzaaviaire (FRIA), doté de deux millionsd’euros par le MAAP (DGAL).

Les structures de recherche de l’Inra

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Depuis la crise de la grippe aviaire, l’Inra dispose d’un solide dispositif de recherche sur les virus Influenza aussi bien en virologie qu’en pathologie, en expérimentation animaleconfinée ou en épidémiologie.

L’étude des maladies infectieusessuppose de grandes précautions…Frédéric Lantier : Pour des pathogènes comme les virus influenzail faut des structures de confinementde niveau 3 au moins*. A Tours, nous avons inauguré en juillet 2008les locaux de l’Inprest. A l’origine, en 2002, cette structure était destinéeà la recherche sur l’encéphalite spongiforme mais elle est dédiée depuis à tous les pathogènes de

niveau 3. L’air y est donc filtré, la pression des locaux varie selon ledegré de confinement pour éviter les circulations d’air et tout le maté-riel sortant subit une désinfection par autoclavage. Pour travailler surdes animaux de la taille d’un porc qui ne peuvent tenir dans des isola-teurs, les chercheurs portent en plus des scaphandres filtrant l’air.

La grippe A nécessite-t-elle des équipements particuliers ?F. L. : J’ai porté le projet de réalisation d'isolateurs « climatiques »pour la plate-forme d'infectiologie dont la livraison est prévue pour octobre. Ces isolateurs à température et humidité contrôlées sont destinés à l'étude, essentiellement chez les volailles, de l'effet de facteurs de l'environnement sur la transmission de l'infection, entre autres dans le cas des grippes aviaires. Il est ainsi possible de modéliser la dynamique d’infection suivant les virus dans des conditions tropicales ou tempérées.

Vous êtes également coordinateur d’un réseau européen de recherche sur les maladies et infections animales nouvellement constitué, Nadir. Qu’apporte-t-il de plus ?F. L. : Ce réseau établit pour quatre ans un partenariat entre 14 instituts européens et englobe plus largement les recherches sur les zoonoses et maladies émergentes. Le budget de 7,5 millionsd’euros permet de mettre en commun des résultats de recherche, de financer des travaux spécifiques sur les modèles d’infections et d’offrir l’accès aux laboratoires à des équipes transnationales (privées ou publiques) pour mener des expériences nécessitant des infrastructures particulières. La demande pour travailler dans des locaux confinés est forte !

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Frédéric Lantier,de l’unité de recherche Infectiologie animale et santé publique, de Tours

Expérimentations confinéeset en réseau

* Il existe trois niveaux de confinement (P2, P3 et P4) correspondant à des agents biologiques classés 2, 3 et 4, par ordre de gravité croissante pour l’homme. Exemple : classe 2 : varicelle, classe 3 : HIV, classe 4 : Ebola.Les mesures concernent la conception du laboratoire, les aménagements internes, les pratiques opératoires.Le niveau P3+ correspond à un P3 avec des précautions supplémentaires pour protéger le manipulateur(isolateurs).

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Tours et Jouy en tête de pontL’unité de recherche VIM, dirigée parBernard Delmas, se montre particu-lièrement active sur le sujet desgrippes. L’équipe Influenza constituéeen 2006 étudie, en collaboration avecl’Institut Pasteur et le CNRS, les inter-actions entre cellule infectée et virus.Par ailleurs, un immunologiste tra-vaille spécifiquement depuis deux anssur l’espèce porcine dans un modèled’infection par l’Influenza. Il se trouvedonc aux avant-postes de la recherchesur la grippe A actuelle.Enfin, le centre de Jouy va réception-ner un laboratoire de confinementP3+ dès le début 2010 afin de travaillersur des virus hautement pathogènes.Au centre de Tours, les travaux vontde la protéine à l’animal. Daniel Marcet l’équipe de l’unité de rechercheInfectiologie animale et santépublique, travaillent sur la protéinevirale NS1 qui favorise la multiplica-tion du virus dans la cellule. Tandisque la Plateforme d’infectiologieexpérimentale dirigée par BertrandSchwartz (voir reportage Inra maga-zine n°8) mène des études de répon-ses vaccinales et de schémad’infection sur des animaux d’éleva-ge (volaille, porc…) dans des condi-tions génétiques et sanitairesstrictement contrôlées. Cela grâce auxlocaux de l’Inprest (Installation natio-nale protégée pour l'étude desencéphalopathies spongiformestransmissibles) qui assurent un confi-nement de classe 3 même pour desanimaux de grande taille. En 2010,ce centre va se doter d’isolateursclimatiques (cf. interview de FrédéricLantier) et de systèmes d’imageriemédicale de pointe (scintigraphiejumelée à un scanner X) afin desuivre in vivo les agents pathogènes.

Une coordination nationale La recherche sur la grippe ne se limi-te pas aux centres de Tours et de Jouy-en-Josas. L’Inra participe à des unitésmixtes de recherche dans cinq aut-res centres français (cf. carte). Parexemple à l’ENV de Toulouse, lesrecherches sur la virologie dessouches faiblement pathogènes appa-raissent comme une piste promet-teuse de vaccin. On trouve aussi destravaux à l’échelle des populationsavec par exemple les études du Ciradsur les passages inter-espèces notam-ment à Madagascar.

Une ouverture à l’international avec le CiradL’Asie du Sud-Est est une zone majeured’émergence et de diffusion des virusInfluenza. Cette situation découle defacteurs multiples : climat, écologie maisaussi habitudes sociétales avec, parexemple, l’existence de nombreux éleva-ges artisanaux mélangeant cochons etvolailles propices à l’apparition de nou-veau virus. Le programme Revasiaassociant Cirad et Inra en Thaïlande,Vietnam et Cambodge a pour but d’évalueret d’améliorer les réseaux de surveillancedes élevages avicoles dans le cadre de lalutte contre la grippe H5N1. La mise enplace des programmes de surveillance esteffectuée par les pays eux-mêmes, leCirad et l’Inra travaillant sur l’efficacité dessystèmes mis en place et l’analyse desdonnées collectées. En Thaïlande, deuxsystèmes ont été instaurés par leDepartment of Livestock Development.Une surveillance passive d’une part où leséleveurs déclarent les animaux maladesau vétérinaire local qui fait remonterl’information. On analyse ensuite si lamortalité était due à H5N1 ou pas. D’autre

part, il a été mis en place une surveillanceactive impliquant des enquêtes au porte-à-porte dans les élevages de tout le pays.Les prélèvements effectués (plus de150 000) lors de ces enquêtes ont permisde détecter des cas d’Influenza qui avaientéchappé à la méthode passive. Cetteméthode active s’avère bien plus coûteusemais très efficace durant les pics d’épi-zootie. Un des buts de Revasia consistejustement à adapter le coût de ces métho-des de surveillance par rapport à l’effica-cité recherchée. Par ailleurs, commel’explique Christian Ducrot de l’unitéEpidémiologie animale de Clermont-Ferrand Theix, « les données correctes etexhaustives de surveillance permettentensuite d'asseoir des études épidémiolo-giques analytiques pour comprendre lessources d'infection, voies de transmission,populations ou types d'élevage à risque ».Ces travaux doivent permettre de mieuxcontrôler l’infection en Asie du Sud-Estmais aussi d’éviter la diffusion des virusvers l’Europe comme on l’a vu en 2006.

Jouy-en-Josas

ToursNouzilly

ToulouseCastanet-Tolosan

UMR Interactions Hôtes-Agents Pathogènes (IHAP)

• UR Infectiologie Animale et Santé Publique (IASP) • PlateForme díInfectiolo gie Expérimentale (PFIE) incluant l’Inprest

Nantes

UMR VirologieMaisons-Alfort

Montpellier

UMR Contrôle des Maladies Emergentes et Exotiques (CMAEE)

• UMR Développement et pathologie du tissu musculaire (DPTM) + APEX • UMR Biologie-Epidémiologie et Analyse de Risque (BioEpAR)

Clermont-FerrandTheix

UR Epidémiologie Animale (EpiA)

• UMR Virologie et Immunologie Moléculaires (VIM)• UMR Infectiologie Expérimentale Rongeurs et Poissons (IERP)

LES UNITÉS INRA impliquées dans les recherches sur la grippe A

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De la molécule à la population :quelques résultats de recherche

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M algré les connaissancesaccumulées sur le virus,les scientifiques sont loinde comprendre les méca-

nismes d’adaptation à différentesespèces et à l’Homme. Les connais-sances sur les interactions du virusavec l’hôte restent rudimentaires. Ungrand domaine est donc ouvert pourles recherches fondamentales sur labiologie du virus, recherches qui per-mettront de déboucher sur des appli-cations, que ce soit la mise au pointde méthodes de dépistage ou de thé-rapies (vaccins, traitements). Le virusutilisant largement les mécanismesde la cellule hôte, de nombreuses pro-

téines cellulaires participent àl’infection et sont autant de pointsd’entrée pour une lutte efficace.

Cycle du virus dans la cellulehôte et situation des protéines « point d’entrée » de recherches à l’InraLes connaissances acquises sur le virusde la grippe permettent de décrire lesdifférentes étapes de son cycle dereproduction dans la cellule hôte :Etape 1 : Le virus se lie à la membra-ne cellulaire et pénètre dans la celluleL’une des hémagglutinines de l’enve-loppe du virus reconnaît les moléculesd’acide sialique présentes à la surface

des cellules (particulièrement nom-breuses à la surface des cellules respi-ratoires) selon un modèle clé-serrure.Le virus est englobé dans une inva-gination de la membrane cellulairequi forme une vésicule d’endocyto-se. Puis, l’enveloppe du virus fusion-ne avec la membrane de la vésicule etle contenu du virus est libéré dans lacellule. Ce mécanisme nécessite l’aci-dification de l’intérieur de la vésicule,mécanisme auquel participent plu-sieurs protéines virales (pompes àprotons, hémagglutinine). Puis, l’ARNdu virus pénètre dans le noyau de lacellule, guidé par des protéines virales(appelées NSP pour « non structuralproteins »).Etape 2 : Le matériel génétique duvirus se multiplie dans le noyau de lacellule hôte.Les nouveaux ARN synthétisés sortentdu noyau vers le cytoplasme.Etape 3 : Les protéines du virus sontfabriquées dans la cellule hôte à par-tir des « ARN messagers » du virus.Le virus détourne la machinerie cel-lulaire de la cellule pour fabriquer sespropres protéines. Certaines de cesprotéines -celles de la future envelop-pe virale- sont d’abord enchâsséesdans la membrane de la cellule hôte.Etape 4 : Les nouvelles particules devirus se forment à partir des ARN etdes protéines d’enveloppe.Les particules virales bourgeonnent,mais restent attachées à la membranede la cellule par les liaisons hémag-glutinine-acide sialique. C’est la neu-raminidase qui casse ces liaisons etpermet la libération des nouveauxvirus. Les traitements antivirauxactuels, le Tamiflu© et le Relenza©bloquent la neuraminidase et empê-

DESTECHNICIENS ENTENUE effectuentun prélèvement sur un porceletdans le centre de confinement P3de Tours.

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et ses collaborateurs (Inra de Tours,Inserm Toulouse et Université Tou-louse III) ont montré chez la sourisqu’une protéine présente dans lamembrane des cellules, appelée PAR2,peut jouer un rôle protecteur lorsd’une infection par un virus de labo-ratoire de type H1N1. Des études

La vaccination des volailles en question

chent le détachement des particulesvirales, gênant leur dissémination.

Même si les étapes du cycle viral sontbien décrites, de nombreuses ques-tions restent à élucider. Comment s’as-semblent le génome et les protéinespour former les nouvelles particulesvirales ? Quels sont les nombreux par-tenaires cellulaires qui interviennentdans le cycle du virus ? Les chercheursde l’Inra de Jouy-en-Josas ont identi-fié et décrit le mode d’action de deuxprotéines cellulaires qui interviennentdans le cycle du virus : l’annexine II etle récepteur PAR2. Des travaux sontégalement en cours sur une protéinevirale (PB1-F2), qui interagirait avecles mitochondries de la cellule hôte.

L’annexine IIL’annexine II est une protéine de lamembrane de la cellule hôte. Les cher-cheurs de Jouy-en-Josas ont montréque certains virus la « capturent »dans leur enveloppe lors de leur sortiede la cellule (étape 4 de la fig p VII). Ilsont également élucidé le rôle de cetteprotéine dans le cycle cellulaire duvirus. La présence d’une protéase dansla vésicule d’endocytose (étape 1) estindispensable pour que le virus soitlibéré dans la cellule. La plupart desvirus d’Influenza se multiplient dansle tractus respiratoire supérieur où lescellules sont riches en protéases. Lesrésultats suggèrent que l’annexine IIfournit une autre source de protéasepermettant ainsi aux virus d’infecterd’autres cellules que celles du tractusrespiratoire. L’annexine II est en effetun récepteur au plasminogène, unprécurseur d’une protéase abondantdans le sang. Les virus présentant del’annexine II sur leur membrane etcirculant dans le sang se chargeraientde plasminogène et deviendraient ain-si capables de se libérer et de se mul-tiplier dans des cellules immunitairessanguines qui les attaquent commeles monocytes. Ces cellules circulantesinfectées se propageraient elles-mêmesdans d’autres organes. La voie parl’annexine II expliquerait ainsi quecertains virus Influenza provoquentparfois des encéphalopathies mortel-les chez des malades sans aucun signede détresse respiratoire.

Le récepteur PAR2L’équipe de Béatrice Riteau chargéede recherches dans l’équipe « VirusInfluenza » de l’Inra de Jouy-en-Josas

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complémentaires sont nécessairespour vérifier ce rôle protecteur cont-re d’autres souches virales ( Cf inter-view Béatrice Riteau page suivante).

Les protéines viralesDes chercheurs de l’Inra de Jouys’intéressent à PB1-F2, une protéine

« Dans les élevages de volailles, on découvre périodiquement des virus Influenza faiblement pathogènes. L’émergence du H5N1n’a fait que mettre en lumière ce phénomène », indique BertrandBed’Hom, ingénieur dans l’unité de Génétique animale et biologieintégrative de l’Inra de Jouy-en-Josas. La vaccination préventivepourrait être une réponse, mais la réglementation européenne et française l’interdit pour deux raisons majeures : d’une partéviter de masquer la présence d’animaux porteurs ; et d’autre partgarantir aux importateurs étrangers que les animaux sontindemnes du virus. Les moyens de lutte sont l’abattage des animaux des élevages atteints et le confinement préventif desoiseaux. Toutefois, il existe des conditions dérogatoires autorisantla vaccination pour les parcs zoologiques et les élevages situés à proximité d’un foyer d’infection. Dans le cadre d’un programmede l’Agence nationale de la recherche coordonné par l’Inra, les chercheurs de Jouy et de Tours ont montré qu’il existe chez les volailles une variabilité génétique importante de la réponse à un vaccin commercial de type H5N9, autorisé en vaccinationpréventive contre H5N1. Le taux d’anticorps peut varier d’un facteur 1 à 10. « Il y a donc des individus qui répondent mieuxque d’autres et on pourrait imaginer de les sélectionner, conclutBertrand Bed’Hom, mais il faudrait impérativement s’assurerqu’une bonne réponse du système immunitaire aux virus Influenzane s’accompagne pas d’une faiblesse de réponse à d’autresmaladies infectieuses classiques comme la maladie de Marek, un lymphome d’origine virale, la maladie de Newcastle* ou la maladie de Gumboro*. »

(*autres maladies virales aux symptômes variables)

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Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler sur PAR2 ?Béatrice Riteau : PAR2, pour protease activated receptor, est un récepteur membranaire cellulaire.Lorsqu’il est activé, il module la sécrétion d’interférons ainsi que d’autres molécules dont on connaît lerôle antiviral. L’idée est d’utiliser le système immunitaire non spécifique de la cellule via les interférons en particulier pour lutter contre le virus. On espère ainsi toucher différentes souches de virus, alors queles stratégies de lutte actuelles, que ce soit par la vaccination ou l’utilisation d’antiviraux ciblant la neuraminidase, sont tributaires de la variabilité du virus Influenza.

Sur quel virus PAR2 a-t-il un effet ?B. R. : Nous avons utilisé une souche de laboratoire classique non pathogène pour l’homme,

mais pathogène pour la souris. Cette souche, de type H1N1, a été isolée à Porto Rico en 1934 et est propagée depuis dans les laboratoires, sans doute avec une certaine variabilité. Les souris infectées avec ce virus meurent toutes, alors qu’ellessurvivent lorsque l’on active, juste après l’infection, le récepteur PAR2 avec un simple peptide de six acides aminés. Ce peptidepeut être administré chez la souris par inhalation ce qui en facilite l’usage. Nous avons montré qu’il y a beaucoup plus d’interférons et beaucoup moins de particules virales dans les poumons des souris ayant inhalé le peptide.

Comment poursuivez-vous vos recherches ?B. R. : Nous avons déposé très récemment un brevet européen sur ce procédé. Nous allons maintenant le tester sur des souches de terrain telles que le H1N1 apparu au Mexique cette année, ou encore le H5N1. Nous collaborons pour celaavec le Professeur Bruno Lina du Centre national de référence sur la grippe de Lyon et pourrons bénéficier d’un laboratoire protégé P4, unique en France. Après la souris, nous testerons le procédé sur le furet qui est un meilleur modèle car le virus est contagieux chez le furet alors qu’il ne l’est pas chez la souris. Puis les industriels pourront prendre le relais pour étudier la faisabilité de l’utilisation en thérapie humaine.

O INTERVIEWDévelopper des moyens de lutte contournant la variabilité des virus

virale, décrite en 2001 par une équipeaméricaine. Présente seulement chezcertaines souches, elle aurait uneaction lytique sur les mitochondries,déclenchant un phénomène de mortcellulaire. Les chercheurs de Jouy ontmontré que cette protéine provoquaiteffectivement une lyse in vitro sur desmitochondries purifiées. D’autre part,ils ont observé qu’elle pouvait changerde conformation, et de ce fait interagiravec diverses protéines mitochon-driales. Son rôle n’est pas totalementélucidé.Une équipe de Tours étudie NS1 (NonStructural Protein 1), une protéinevirale qui exerce plusieurs actions pro-virales : favoriser l’expression des ARNmessagers viraux au détriment deceux de la cellule, bloquer les défensescellulaires de type interféron. Sachantque toutes ces actions requièrent laliaison de la protéine à des ARN, leschercheurs ont utilisé une méthodepermettant de déterminer les séquen-ces d’ARN qui ont le plus d’affinitéavec la protéine. Ils s’emploient actuel-lement à caractériser en détail l'inter-action NS1-ARN, ce qui pourraitpermettre d'élaborer de nouvelles stra-tégies antivirales dirigées contre NS1.Enfin, des chercheurs de l’Institut

Pasteur et de l’Inra de Tours ont mon-tré que le raccourcissement de la tigede la neuraminidase constitue l'un desdéterminants permettant l'adaptationau poulet de virus issus du canard.

La génétique réverseLes chercheurs produisent des virusmutants de façon ciblée sur des pro-téines clés : neuraminidase, NS1, PB1-F2… et comparent leurs pouvoirs

pathogène in vitro et in vivo sur despoulets (à Tours) ou des canards (àToulouse). Ce programme concerneessentiellement des virus aviairesfaiblement pathogènes, mais pourrainclure l’étude de virus hautementpathogènes comme le H5N1, grâceaux installations protégées (à Tours etbientôt à Jouy). Il mobilise cinq équi-pes (Institut Pasteur, Inra de Tours,Jouy, Toulouse et Nantes).

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Béatrice Riteau,chercheuse dansl’unité VIM, à Jouy-en-Josas

DANS UNLABORATOIRE DE

CONFINEMENTDE NIVEAU 3

américain, une chercheuse

inocule un embryon

de poulet avec levirus H5N1 pour

étudier sapathogénicité.

© CDC/ Greg Knoblock

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L'apiculture en France220 000 apiculteurs français en1988, 70 000 en 2008 (source :Fédération nationale desorganisations sanitairesapicoles départementales)1,4 million de ruches Plus de 90% d’apiculteurs dits« de loisir » (possédant de 1 à30 ruches) et 2% d’apiculteursconsidérés comme profes-sionnels (exploitant plus de 150ruches). Les mortalitésd’abeilles ont abouti ces

dernières années à unediminution des « petitsapiculteurs » et une augmen-tation des professionnels quiont eux-mêmes accru lenombre de ruches qu’ilsexploitent.La production de miel, de 18 000 t récoltées en 2007 (25 000 en 2004), est en baissedepuis 10 ans, alors que laconsommation reste stable, à 40 000 t par an.

Des équations contre la pandémie

Comment prévoir la propagation de la grippechez les animaux ou chez l’homme ? Com-ment identifier les « bonnes » actions de san-

té publique à mener en cas d’épidémie ? Les réponsesà ces questions essentielles pourraient bien se cacherdans les équations des biomathématiciens commeElisabeta Vergu, mathématicienne à l’unité Mathéma-tiques et informatique appliquées de Jouy-en-Josas(photo). Les travaux de modélisation, issus de la col-laboration entre des chercheurs en mathématiques,en biostatistiques, en épidémiologie et en économie ontpour objectif la prédiction des dynamiques épidé-miques ou pandémiques mais aussi l’évaluation del’efficacité des mesures de prévention et de contrôle. Etudiant les épisodes de grippe aviaire de 2003 auxPays-Bas, les biomathématiciens ont ainsi identifié,grâce à leur modélisation, des stratégies clés limitantla contamination entre les élevages. Par exemple, l’a-battage immédiat dans les fermes infectées appa-raissait plus efficace que l’augmentation du rayon d’a-battage autour de ces foyers. De telles stratégiesrestent transposables lors d’un prochain épisode viral.

Les déplacements modélisésLes chercheurs se penchent également sur les modè-les de prédiction des dynamiques des pandémies degrippe humaine. Mettre en équation les déplacementshumains à l’échelle du globe est évidemment plus com-plexe que ceux, très prévisibles, d’animaux d’élevage !Outre cet aspect spatial, le modèle utilisé inclut égale-ment des contraintes temporelles. La guérison dépendpar exemple du temps passé dans l’état infectieux.L’utilisation du modèle de métapopulations compre-nant des voyages aériens entre 52 grandes villes du

monde a permis, d’une part, de distinguer plusieursprofils de pandémie selon la vitesse de propagationet la durée de la contagion. Et d’autre part, de conclureque la propagation du virus H1N1 de 2009 devrait sefaire en plusieurs vagues et de manière différente dansle Nord et dans le Sud. D’après le modèle, l’efficacité des réponses de santépublique locale (distribution de masques, de médica-ments antiviraux…) dépend surtout de la rapidité deleur mise en œuvre quel que soit le profil pandémique,rapide et massif ou lent et progressif. La meilleuresolution reste encore une politique de vaccination pré-ventive : les travaux d’Elisabeta Vergu soulignent, eneffet, que l’immunisation de 30 % de la populationmondiale, via un vaccin efficace administré 6 moisaprès la détection des premiers malades, réduiraitde 80 % le nombre de cas dans le monde. « Ces don-nées sont traitées à l’Institut de Veille Sanitaire, ra-conte la mathématicienne, ils font partie des élémentsà prendre en compte mais aucun modèle ne peut êtresuivi à la lettre. » De tels résultats quantitatifs doiventêtre considérés avec une grande précaution : d’unepart, il reste encore beaucoup d’inconnues quantaux caractéristiques épidémiologiques et cliniques decette nouvelle souche H1N1. D’autre part, ils s’ap-puient sur des extrapolations à l’échelle mondiale derésultats obtenus à l’aide d’un modèle mathématiquesimulant la propagation du virus sur un réseau de villesqui, même s’il est représentatif, reste de taille assezréduite. Elisabeta Vergu travaille donc à affiner sonmodèle pour répondre à des nécessités de santé pu-blique, mais aussi pour faire avancer la connaissancedans des domaines plus fondamentaux de la biologiethéorique.

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C oncernant le virus H1N1,la France est actuellementen phase 5A d’alerte à lapandémie, correspondant

à une « transmission interhumaineétendue », alors que l’OMS est auniveau 6. À la date de rédaction decet article, le nombre de cas en Francepasse tout juste au-dessus du seuilépidémique. On assiste à une décruedes cas dans les DOM-TOM. Le virusA (H1N1) est cependant le virusgrippal majoritaire en France métro-politaine et une évolution de ladissémination est attendue.Un plan gouvernemental de luttecontre la grippe a été mis en place en2007, lors de l’émergence du virusH5N1. Il est réactivé en 2009 avecl’apparition de la grippe A (H1N1). Ilvise à protéger les personnes et à limi-ter la désorganisation des activitéséconomiques et sociales du pays.Dans le même temps et à son échelle,l’Inra a élaboré son propre plan surun schéma d’organisation décentra-

La prévention prise au sérieux à l’Inra

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Quelle sera votre première actionen cas de déclenchement de l’alerte ?Catherine Beaumont : Ce serad’informer nos agents. Nous avons préparé des messages différents selonqu’ils sont mobilisables ou non. Ces lettres expliquent ce qu’ils doiventfaire dans chaque cas, rappellent les consignes de sécurité pendant la période de crise et précisent les modalités de reprise de l’activité.

Puis, nous préparerons l’arrêt des activités : préserver le matériel précieux (en particulier les lignées expérimentales devolailles), prévoir l’approvisionnement en fuel, notamment pourles groupes électrogènes, en eau potable, en aliments pour lesanimaux… A Tours, nous disposons déjà d’un plan d’opérationinterne, qui comporte une chaîne d’alerte mobilisable 24h/24 et 7j/7 en cas d’urgence. Mais surtout, nos animaliers sont bien

formés et réalisent déjà des permanences durant les week-endset les vacances pour assurer les soins des animaux. En tout,une trentaine d’agents habitent sur place pour assurer la maintenance de nos installations ou les soins aux animaux.

Quel message faire passer auprès des agents de votre centre ?C. B. : Il faut se préparer à une période d’intense activitéavant la mise en sommeil… Mais nous sommes confiants car nous avons déjà géré des situations de crise, par exemple un incendie il y a quelques années, et nous avons déjà eu collectivement les bons réflexes.

Quels sont les points critiques sur votre centre ?C. B. : Ce qui sera critique, c’est la combinaison durée/intensité de la crise. Un épisode long sera plus difficile à gérer. De même, si de nombreuses personnes sont touchées,nous aurons plus de mal à maintenir les structures clés. Lepoint capital, mais difficile à prévoir, sera donc le pourcentaged’absentéisme pour cause de grippe des agents mobilisables.

O INTERVIEW

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lisé pour tenir compte de ses multi-ples implantations régionales.Pour construire ce plan, chaque pré-sident de centre Inra a consulté lesdirecteurs des laboratoires, des unités

expérimentales et des services. Il adéfini une liste des « points névral-giques », c’est-à-dire du matériel àpréserver - échantillons biologiquesprécieux, collections d’organismes

Préparer l’éventuelle mise en sommeil du centre

Catherine Beaumont,présidente du centrede Tours

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Activeun plannational

Activeun plan

de centre

DécisionsInformations Décisions

Coordination Informations

Décisions

Informations

La chaînedel'information

Préfectures

Cellule interministériellede crise

Intranet, Internet,Numéro national

info crise

Cellule de crisede centre** Agents

Cellule de crisenationale *

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virulence relativement faible du virusde la grippe A (H1N1) devrait ainsipermettre d’envisager le maintiend’un certain niveau d’activité.

Un site Intranet pour informerle personnel de l’InraCe site, ouvert en juillet 2009, permetau personnel de trouver les informa-tions sur le plan d’action gouverne-

+d’infosOpublications :Khaled Khoufache, Fanny Le Bouder, Eric Morello, Fabrice Laurent, Sabine Riffault,Patricia Andrade-Gordon, Severine Boullier, Perrine Rousset, Nathalie Vergnolle andBéatrice Riteau. 2009. Protective Role for Protease-Activated Receptor-2 againstInfluenza Virus Pathogenesis via an IFN-Dependent Pathway. Journal of Immunology182: 7795-7802 Fanny Le Bouder, Eric Morello, Guus F. Rimmelzwaan, Françoise Bosse, Christine Pechoux, Bernard Delmas and Béatrice Riteau. 2008. Annexin IIincorporated into influenza virus particles supports virus replication by convertingplasminogen into plasmin, Journal of Virology 82: 6820-6828 Oweb :www.inra.fr/la_science_et_vous/grippes_aviaires_et_animaleswww.inra.fr/sante_animale/le_departementwww.pandemie-grippale.gouv.frwww.invs.sante.fr/display/?doc=surveillance/grippe_dossier/index_h1n1.htm

vivants, animaleries, dispositifs infor-matiques - et des équipements néces-saires - congélateurs, tanks à azoteliquide, etc. L’Inra a ainsi dénombrésur l’ensemble de ses implantations370 points névralgiques.En fonction des compétences requi-ses, l’Institut a pu estimer à 860 lenombre de personnes minimumnécessaire au maintien de ces pointsnévralgiques dans l’hypothèse d’unefermeture des laboratoires - soit envi-ron 10 % des effectifs totaux del’Inra - et a établi une liste d’agentsd’astreinte sur plusieurs critères :volontariat, proximité, compétences,avis du médecin, situation de famille.Pour protéger les agents, l’Inra a cons-titué au cours des dernières annéesun stock de 102 000 masques. Outredes révisions annuelles, ce plan decrise fait l’objet d’une mise à jourmensuelle depuis le printemps 2009.En effet, la connaissance de plus enplus fine de la pandémie permetd’adapter la réponse de l’Inra. La

mental et sur celui de l’Inra, ainsi quede nombreuses recommandationspratiques sur les déplacements àl’étranger, l’accueil de nouveaux cher-cheurs, la conduite à tenir en présencede syndromes grippaux, les moyensde protection ainsi que des liens trèsutiles vers divers sites officiels donnantdes informations ayant trait à la pan-démie. ●

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CELLULE DE CRISE NATIONALE : * PDG, directeur scientifique « Animal et produits animaux », Prévention, Sécurité,Mission Communication, DRH, direction du système d’information…

CELLULE DE CRISE DE CENTRE : ** président de centre, directeurs d’unité, directeur des services d’appui, chargés de prévention, de communication, de maintenance, d’informatique…

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L a botanique évolue. Outreun goût du terrain et unsens aigu de l’observation,le botaniste va devoir manier

l’ordinateur. Surtout à l’unité Amap(botanique et bioinformatique del'architecture des plantes). Cette uni-té très mixte implique le Cirad, leCNRS, l’Inra, l’IRD et l’université deMontpellier 2. Elle tisse égalementdes liens très forts avec l’Inria etl’Ecole centrale de Paris. Il est rareque l’on y croise la totalité de sesagents titulaires, plusieurs d’entreeux menant leurs recherches auxquatre coins du monde : Argentine,Colombie, Guyane, Cambodge, Chi-ne, Inde, Laos, Mali, Vietnam, Nou-velle-Calédonie... L’unité développe

des amateurs et sociétés savantes pourrecueillir des données à grande échellesur les plantes ». Ce constat a donnénaissance à Pl@ntNet, un des projetsphare de l’unité Amap, initié en 2009et qui reçoit un soutien financier de lafondation Agropolis. Daniel Barthé-lémy nous dévoile, sur ordinateur,cette véritable boîte à outils virtuellepour botaniste connecté. Imaginez :vous êtes un amateur de botaniqueet, lors d’une randonnée, vous tombezsur une plante que vous ne connais-sez pas. Vous la photographiez avecvotre téléphone portable et de retourchez vous, vous vous connectez ausite web Pl@ntNet qui va identifierla plante à partir de votre photo etintégrer toutes les informations géo-

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une approche originale pour l’étudede la morphologie, de l’architectureet de la diversité des plantes et deleurs peuplements, actuels ou fossi-les, méditerranéens ou tropicaux. Seschercheurs, qui forment de nombreuxstagiaires étrangers, combinent bota-nique, agronomie, et écologie maisaussi - c’est plus étonnant - mathé-matiques appliquées et informatique.

La botanique sur la Toile« Les botanistes sont en train de subir lasixième extinction d’espèce, plaisanteDaniel Barthélémy, le directeur del’unité, lui-même botaniste, et commeles problèmes posés sont de plus en pluscomplexes, il est urgent, en complé-ment des chercheurs, de faire appel à

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O À MONTPELLIER

L’unité Amap étudie l’architecture des plantes et la dynamique de leur peuplementaux quatre coins de la planète. Pour cela, les chercheurs développent d’étonnants logiciels et outils en ligne. Bienvenue dans le futur de la botanique.

LE RÉSEAURACINAIRE decet eucalyptusdu Gabon peutatteindre 20 mde profondeur.C’est impos-sible à mesurer,mais l’ordina-teur le calcule à partir de lavitesse decroissance, de la géométrie du systèmeracinaire, etc.

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L’unité Amap collabore avec une équi-pe de l’Inria et avec le réseau de bota-nistes Tela Botanica pour mettre enplace le cahier des charges de cetteplate-forme informatique. Vingt per-sonnes - techniciens, ingénieurs,chercheurs et thésards botanistes,gestionnaires de données, dévelop-peurs web - devraient être recrutéespour participer au projet.Plusieurs études de cas pourront êtredérivées de la plate-forme informa-tique. Le projet Pl@ntGhâts par exem-ple permettra de répertorier ladiversité végétale des forêts tropicaleshumides du sud de l’Inde qui consti-tuent un « hotspot » de la biodiversité.Le projet plus appliqué Pl@ntInvF

mettra en place un outil de référen-cement, de reconnaissance et de suivides espèces invasives présentes dans lesDOM-TOM. Pl@ntNet devrait deve-nir opérationnel d’ici deux à trois ans.

Des plantes qui grandissentsur ordinateurL’activité de recherche principale del’unité, son cœur de métier, c’est lamodélisation de l’architecture et dufonctionnement de la plante. Deuxiè-me visite virtuelle, cette fois avecDaniel Auclair, directeur adjoint del’unité, plus particulièrement impli-qué dans les développements desméthodes informatiques et mathé-matiques. Alors que Daniel Barthélé-

graphiques que vous lui fournirez(coordonnées, altitude) dans une baseaccessible par tous les botanistes duréseau. Vous venez de participer à unecartographie automatique des espè-ces végétales qui permettra, pas à pas,d’avoir une vue globale de l’identité,de la répartition géographique et del’usage des plantes ! Tout a été pensépour que des non-professionnels uti-lisent cette plate-forme. Le projetPl@ntNet propose, par exemple, deslogiciels d’identification des plantesqui permettent de s’affranchir du jar-gon des botanistes et de l’approchecontraignante des flores classiques.L’un permet de traiter des imagesnumériques, tandis qu’un autre estbasé sur une identification graphiqueà partir de portraits-robots. Ainsi, nulbesoin d’être un as de la taxinomiepour identifier sa plante et en faireprofiter l’ensemble du réseau, quis’étend des botanistes aux forestiers,agronomes, douaniers qui ont à iden-tifier des spécimens transitant àtravers les frontières, ou même auxsimples citoyens amateurs. SurPl@ntNet, le « collecteur d’informa-tion » peut également gérer sa base dedonnées locale (par exemple sur lesmauvaises herbes des rizières deCamargue, sur les orchidées du Laosou sur les arbres de Guyane) dontcertaines données seront reverséesaprès contrôle dans la base commune.

LE TRAVAIL SUR LE TERRAIN reste indispensable. Ici un stagiaireparmi les caféiers en Guinée.

UNE PARTIE de l’unité autour de Daniel Barthélemy,au centre en chemise blanche.◗

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my a reçu une formation de botanistetropicaliste, spécialiste de l’archi-tecture des plantes, Daniel Auclair asuivi, après l’Ecole Polytechnique, unapprofondissement en physiologievégétale et foresterie.Il nous fait découvrir à l’écran deuxexemples de modèles développés ougérés dans l’unité.Le premier, dénommé « Greenlab », aété élaboré par Philippe De Reffye, lecréateur de l’Unité dans les années80. Il permet d’obtenir une plantevirtuelle qui reproduit au mieux ledéveloppement et la production dela plante réelle et répond comme elleaux contraintes du milieu. « L’intérêtd’un tel modèle, explique DanielAuclair, c’est qu’on peut réaliser desexpériences « in silico », alors qu’ilserait long et coûteux de le faire sur leterrain. On peut par exemple modi-fier les paramètres du milieu : lumière,apport en eau, nature du sol... et pré-dire le comportement de la plante. Il estpossible aussi, pour les plantes culti-vées, d’évaluer leur production en fonc-tion de différentes conditions deculture ». Le modèle, développé encollaboration avec l’Inria et l’Institutd’automatique de Beijing en Chine,fonctionne pour plusieurs plantesd’intérêt agronomique : betterave,blé, riz, maïs, tournesol, coton,tomate, poivron, caféier, chrysanthè-me… et même des arbres : Gingkobiloba, pin sylvestre…Un deuxième exemple, la plate-formeCapsis, concerne les peuplementsforestiers, avec des applications allantde l’échelle de la parcelle à celle dupaysage. Capsis est couramment uti-

apparaît comme un lieu de conver-gence disciplinaire où botaniquetraditionnelle se conjugue avec modé-lisation pour connaître et utiliser aumieux les ressources végétales sauva-ges et cultivées. ●

P. M.

lisée par les gestionnaires forestiers.Daniel Auclair montre à l’écran unmodèle de forêts, simule des coupespar un simple clic, indique les indi-vidus à élaguer, et visualise les consé-quences 20 ou 30 ans plus tard. Unequarantaine de modèles d’arbreset/ou de forêts ont été ainsi « mis enboîte » : feuillus (chêne, merisier) ouconifères (pin maritime). On peutégalement simuler un incendie et voircomment il se propage selon lesessences présentes et leur répartition.Encore une utilisation sur le terrainde la modélisation sur ordinateur !A travers tous ces exemples, Amap

+d’infosOweb :www.inra.fr/audiovisuel/web_tv/rencontres/salon_international_de_l_agriculture_2009/la_botanique_numeriquehttp://capsis.cirad.frhttp://amap.cirad.fr

CES DOUANIERS LAOTIENS utilisent Pl@ntnet pour identifier des orchidées.

PL@NTNET donne la répartition géographique de Gardenia imperialis,une espèce indicatrice des forêts humides subsahariennes.

PAYSAGE du carbonifèrereconstitué. Les donnéesobtenues à partirde fossilespermettent de comprendrel’évolution del’architecture des plantes◗

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L’unité de service Agro-Impact installe un nouvel Observatoire de recherche en environnement (ORE) sur le site Inrad’Estrées-Mons, en Picardie.

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V ingt-deux hectares de parcelles expérimentales à Estrées-Mons sont maintenant quadrillés dematériels scientifiques qui enregistreront des informations sur la qualité des sols, la séquestrationdu carbone, les pollutions diffuses, la vie organique… Ce matériel a été installé dans douze fos-ses (photos 1, 2), rebouchées début juillet pour de nombreuses années, l’ORE étant prévu

sur 15 à 20 ans. Les enregistrements, en continu, permettent de suivre l’impact environnemental de par-celles de pois, blé, colza ou panic érigé (switchgrass). L’équipe d’Agro-Impact a notamment mis enplace des tensiomètres qui mesurent la pression de l'eau du sol et des plaques lysimétriques (photo 4) quipermettent d’établir les bilans d’eau et de matière. Des capteurs de type Tdr (time domain reflectometry,photo 5) mesurent l’humidité volumétrique du sol, échantillonnée par des bougies poreuses . Au total,l’équipe a installé environ 300 capteurs. Reliés à des centrales de collecte (photo 6) et à des ordinateurs,ils entreront les données pour permettre aux scientifiques de suivre à la fois dans les sols, l’eau et l’air,la dynamique au long cours des cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote, etc.Au début de l’été, environ 80 personnes ont pu visiter les fosses (photo 3) avant leur fermeture ! L’occasion pour Nicolas Beaudoin, ingénieur de recherche, d’expliquer ce qu’est un profil pédologique.Le site d’Estrées-Mons a ainsi rejoint le réseau des ORE centrés sur les « Agro-écosystèmes, cycles biogéochimiques et biodiversité » qui comprend également les sites Inra de Theix et Lusignan. ●

Aline Waquet

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+d’infosOcontacts :[email protected] ; [email protected]

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la Commission européenne » complè-te-t-elle. Le projet sera conduit en col-laboration avec un autre chercheurdu Labex, en poste à l’Ensbana (pôleAgrosup Dijon).

Recherche et veille scientifiqueLa convention entre le Labex et l’ins-titut de recherche d’accueil cible unprojet d’intérêt commun de 2 ans. Lesalaire ainsi qu’un budget de fonc-tionnement de 10 000 €/an sont prisen charge par l’Embrapa. Le cher-cheur du Labex s’engage en contre-partie à réserver la moitié de sontemps à la veille scientifique et à une« articulation active » avec les recher-ches brésiliennes. « Nous restons enrelation étroite avec les responsables del’Embrapa », souligne Rozires Delizaqui a bien conscience de ce doubleenjeu : l’intérêt scientifique de sonprojet et sa responsabilité institu-tionnelle en tant qu’ « ambassadrice »de l’Embrapa. Pedro Braga Acuri jugele dispositif efficace. Peut-être per-met-il en effet de conjuguer les coopé-rations scientifiques avec les prioritésinstitutionnelles de l’Embrapa. C’estune question que se pose actuellementl’Inra : comment articuler la stratégieinternationale de l’Institut avec l’en-semble, dense, diversifié et mouvant,des échanges internationaux entrescientifiques ? ●

C. D.

L ’institut brésilien de recher-che agronomique, l’Embra-pa, s’est doté de laboratoires« extérieurs », ou Labex,

comme ambassades scientifiques àl’étranger. Un premier Labex a vu lejour aux Etats-Unis en 1998. Celuide Montpellier a été créé en 2002, untroisième se monte actuellement enCorée du Sud. « Le Labex Europe,installé à Montpellier dans les locauxd’Agropolis International, sert ainsi deporte d’entrée vers la recherche agro-nomique européenne. Il coordonne ence moment l’activité de cinq chercheursbrésiliens confirmés, affectés dans deséquipes scientifiques de renom, enFrance, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. » explique Pedro Braga Arcuri,

son coordinateur. Il propose aussi desséminaires d’échanges à l’instar decelui co-organisé avec le centre InraAntilles-Guyane, les 22 et 23 septem-bre derniers sur les approches systé-miques en écologie, en agronomie etsur l’évaluation du développementdurable.Spécialiste de l’analyse sensorielle desaliments au Brésil, Rosires Deliza arejoint ce Labex Europe et a intégré lelaboratoire Flavic (flaveur, vision,comportement du consommateur) àl’Inra de Dijon en mai dernier. « Ellenous apporte des compétences complé-mentaires aux nôtres, sur le couplagedes techniques quantitatives de l’éva-luation sensorielle avec des techniquesqualitatives permettant de mieux com-prendre le comportement du consom-mateur », note Sylvie Issanchou, lachercheuse de Flavic, qui encadre sonposte. Celle-ci connaissait RosiresDeliza pour avoir fait partie de sonjury de thèse, obtenue en 1996, enAngleterre. « Son terrain d’étude vanotamment porter sur du jambon sectraditionnel produit en Espagne parune technologie à haute pression. Cemode de conservation détruit les micro-organismes et peut être une alternativeà la salaison, alors qu’on cherche àdiminuer le sel dans l’alimentation.Cette étude pourra s’intégrer dans leprojet Europeen TrueFood (Traditio-nal United Europe Food) financé par

Une antenne de la recherche

brésilienne en Europe

+d’infosOweb :Embrapa Labex EuropeAgropolis [email protected]/international/labex.htmlwww.embrapa.brUMR Flavic (Flaveur, vision etcomportement du consommateur), Inra,Dijon,[email protected] [email protected] Projet Truefood : Traditional UnitedEurope Food, www.truefood.eu/L’Inra et le Cirad ont un représentantlocal commun au Brésil. Il intervientpour toutes les collaborations vers laR&D agronomique brésilienne.Philippe Petithuguenin,www.cirad.org.br

L’Embrapa (Empresa Brasileira de PesquisaAgropecuaria) est l’homologue brésilien de l’Inra. Créé en 1973, il emploie 8 500 agentsdont 2 100 scientifiques. Les équipes se répartissent entre 39 entités régionalesdéfinies par types d’écosystèmes, filières ou domaines scientifiques transversaux. Une trentaine de chercheurs Inra conduisentdes projets en commun avec leurshomologues de l’Embrapa, dans des domainestrès variés (agriculture biologique, génomique,ressources naturelles…) ; les deux instituts

ont réaffirmé cette année leur volonté d’accentuer leur coopération. Par ailleurs,l’Embrapa entretient de fortes coopérations avec le Cirad (génomique, dynamiquesterritoriales, développement durable, notamment en Amazonie).

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ROSIRES DELIZA(à droite),

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Sylvie Issanchou à Dijon.

L’institut brésilien de recherche agronomique (Embrapa)

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Il est courant de souligner la convergenceentre les bionanotechnologies et les sciences de l’information, Doutez-vous de cette convergence ?Raphaël Larrère : Prenons un exemple. La génétique et la biologie moléculaire se sontconstruites sur une métaphore informatique : le code génétique, qu’il suffirait de déchiffrer pour comprendre le vivant, et le génome commeprogramme. Puis est apparue une convergenceentre informatique et biologie, la bio-informatique.Paradoxalement, en devenant plus performantegrâce à la micro-informatique, la biologiemoléculaire a mis en évidence des mécanismesbien plus compliqués que ne le postulait l’idéed’un programme génétique, si bien que génétiqueet biologie moléculaire tendent à se séparer de ce qui leur a donné naissance.

Vous relevez cependant une réellesimilitude d’approche ?R. L. : Les recherches en bionanotechnologiesreviennent à initier des processus dont on ne saitpas très bien où ils conduiront et à en explorerles potentialités. On se propose d’observer ce qu’il advient du dispositif expérimental, alors que dans d’autres domaines, on valide des hypothèses à partir de l’état des connaissances ou on assemble des moyensen vue d’un résultat technique espéré.

Cette exploration expérimentale que vousévoquez semble à la fois relever d’uneobservation de mécanismes « naturels »du vivant et d’une construction artificiellede fonctionnalités que l’on recherche.

Quel regard critique portez-vous sur cette pratique ? R. L. : Nous plaidons pour une « philosophie deterrain ». Il faut certes se préoccuper des risquesque peuvent entraîner de telles innovations etdonc de la responsabilité morale des chercheursmais aussi s’interroger sur les transformations dumonde associées à ces innovations : monde plusjuste ou plus injuste ? Y serait-on, ou non, pluslibre ? Si le but est d’articuler l’épistémologieavec l’éthique, il est aussi de réfléchir avec lesscientifiques à la métaphysique de leursrecherches. Question centrale à l’échelle du nanomètre où il n’y a aucun moyen de faire la différence entre l’inerte et le vivant. Le programme américain NBIC (Nano-Bio-Info-Cognition), dont l’objectif est d’augmenter les performances humaines, tend à nier lesdifférences entre l’artifice, le vivant et l’esprit. Ces promesses d’améliorer l’espèce humaine(nano-implants thérapeutiques, manipulationsgénétiques, couplage des cerveaux avec desordinateurs), focalisées sur les performancesphysiques et cognitives des « bénéficiaires »,tendent à les adapter à un monde compétitif.Toute démarche scientifique est ainsi ancréedans une conception particulière du monde, sur laquelle il est bon de s’interroger.

Propos recueillis par M. S.

1) Dans le cadre du programme « Biotechnologies et nanotechnologies : enjeux éthiques et philosophiques » financé par l’Agence nationale de la recherche.

Ocontact : [email protected]

OBIONANO-ÉTHIQUE, PERSPECTIVES CRITIQUES SUR LES BIONANOTECHNOLOGIESouvrage collectif dirigé par Bernadette Bensaude-Vincent, Raphaël Larrère et Vanessa NurockVUIBERT, 2008, 21 €

Une analyse

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Les contributions d’un séminaire de recherche « Pour une évaluation critique des bionanotechnologies » (1) ont donné lieu à un ouvrage collectif. Philosophes,biologistes, physiciens, chimistes et agronomes y font un « débroussaillage » conceptueldes problèmes posés par ces technologies qui entreprennent de façonner le vivant. Le sociologue spécialiste d’éthique environnementale, Raphaël Larrère, président du comité d’histoire de l’Inra, est l’un des coordinateurs de l’ouvrage.

des recherches sur le nanomonde

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OLES FILIÈRES CÉRÉALIÈRESORGANISATION ET NOUVEAUX DÉFISCoord. Joël Abecassis, Jacques-Eric BergezEDITIONS QUÆ, 2009, 184P., 35 €

OLe lac d'Annecy et son planctonJean-Claude Druart, Gérard Balvay Voilà un ouvrage approfondi sur cemagnifique plan d’eau qu’est le lacd'Annecy, deuxième lac français ensuperficie et aujourd’hui l'un desplus propres au monde. Déversoirnaturel des eaux usées descommunes qui le bordent avant1950, il évite de justesse une mortlente par eutrophisation grâce à laprise de conscience locale. Faisantsuite à un travail de 1908, cettesynthèse décrit l’évolution physico-chimique des eaux, des micro-organismes et de la faune piscicole.Éditions Quæ, juin 2009, 176 p., 38 €.

en bref OGènes, pouvoirs et profits Recherche publique et régimes de production des savoirs de Mendelaux OGM Christophe Bonneuil, Frédéric ThomasDepuis plus d’un siècle, généticiens,sélectionneurs, biologistes, semen-ciers et agriculteurs transforment lesplantes cultivées, mais la définitiondu progrès génétique n’est ni unique, ni linéaire dans le temps :elle dépend des pratiques agricoles,des acteurs économiques et politi-ques, des usages et plus générale-ment de la manière dont on sereprésente le vivant et le progrès.Les auteurs explorent les méandres de cette histoire.Éditions Quæ, Fondation pour le pro-grès de l'Homme, 2009, 624 p., 55 €.

OHomme et animal, la question des frontièresValérie Camos, Frank Cézilly,Pierre Guenancia, Jean-Pierre Sylvestre (Coord.)Certains arguments permettentaujourd'hui de réévaluer la thèsede la singularité de l'homme vis-à-vis des animaux. Cet ouvrage écrit par des philosophes, des éthologues,des sociologues et des biologistesaborde le sujet sous de multiplesangles : biologique, éthique, mais certains invoquent aussi une solidarité d'ordre moral ou juridique entre les vieshumaines et animales.Éditions Quæ, collection UpdateSciences & technologies, juillet 2009, 216 p., 35 €.

Rédigé par les scientifiquesréunis dans un groupe

de réflexion sur les filièrescéréalières, cet ouvragecollectif propose des clefs de lecture pour mieuxcomprendre les marchéscéréaliers, le secteur des semences, la productionagricole et les diverses voiesd’utilisation des céréales.Forces et faiblesses,opportunités et menaces et innovations récentespermettent d’identifier les signes avant-coureurs des évolutions.Changement climatique,démographie mondiale,

globalisation des marchés, attentes des consommateurs,développement de nouveaux usages… sont autant de facteursdéterminants pour l’organisation des filières. Explorant ainsi lesfuturs probables, l’ouvrage est aussi une invitation au partagedes questions de recherche, adressée aux acteurs des filièrescéréalières.

O CONTRE MES SEULS ENNEMIS Isabelle Jarry ÉDITIONS STOCK, JUIN 2009, 208 P., 17 €

Lorsqu’en octobre 2007,Patrick Legrand, qui dirigeait

alors la Mission environnementet société de l’Inra, m’a emmenéeà Dijon visiter le bâtiment du centre de Microbiologie Sol-Environnement fraîchementachevé, et qu’il a évoqué la possibilité que j’écrive « le roman du bâtiment »,j’ai cru à une boutade. Certesj’écris des romans, mais le CMSE n’était pas précisément un sujet romanesque ! » Et pourtant,Isabelle Jarry en a tiré un roman mêlant anticipationet intrigue scientifico-amoureuse. « L’action se passedonc à Dijon, sur le site de l’Inra, dans le nouveaubâtiment du CMSE. Tout le reste relève del’imagination, avec en filigrane une certaine lecture de la science d’aujourd’hui, livrée du point de vue d’un écrivain », annonce l’auteure.En 2025, un jeune chercheur découvre qu’un virustransgénique envahit le bâtiment où il travaille...

O LA SAGESSE DU CHIMISTE Hervé This ÉDITIONS L’ŒIL NEUF, 2009, 131 P., 13,50 €

Hervé This, physico-chimiste à l’Inra, s’amuse en travaillant et nous transmet ici son goût de la chimie. « La chimieest une des sciences les plus belles parce qu’elle parle à la main comme à la tête, aux sens comme à l’esprit ».

En comparaison d’autres sciences, le chimiste n’a pas besoin d’aller dans l’espace infini pour y trouver de l’inconnu,il reste au laboratoire, cultive son jardin, observe les flaques d’eau, les glaçons qui flottent, et en déduit les propriétésdes liaisons faibles ou covalentes dans les molécules d’eau. Nous croisons dans cet ouvrage des chimistes depuis la plushaute antiquité. Nous y voyons Lavoisier décomposant de l’eau en la chauffant dans un canon de fusil ou Faraday qui a failli être relieur avant de suivre des « cours du soir » pour finalement conjuguer brillamment la physique et la chimie. Un hommage à cette science, qu’Hervé This dit « à la fois sage et folle ».

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Revue

En France,la production

biologique estinsuffisante pourrépondre à lademande. Ainsi, 25 %de la consommationde « produits bio »est importée. Enmatière d’élevagebiologique,ce numéro spécial

apporte opportunément un éclairagescientifique sur les acquis, les verrous et les perspectives de cette filière.Après une présentation du cahier des chargesfrançais et de la réglementation communau-taire (origine des animaux, conditions de logement, alimentation, traitement des maladies...), le sommaire propose une série d’articles sur différentes filièresanimales (avicole, porcine, bovine allaitante,ovine allaitante), un focus sur deuxapproches à l’échelle des systèmes d’élevage(ovin allaitant et bovin laitier) et enfin,des articles sur les problèmes les plus aigusrencontrés dans le domaine de la gestionsanitaire et de la maîtrise de la reproduction.

OLa mise à l'épreuveLe transfert des connaissancesscientifiques en questionsChristophe Albaladejo, Philippe Geslin, Danièle Magda,Pascal Salembier (Coord.)Le transfert des connaissancesscientifiques devient une questionde société lorsque la science estappelée à participer à des décisionsstratégiques. C'est le cas entreautres pour les problèmesenvironnementaux. Cet ouvragepointe les difficultés inhérentes à ce transfert des connaissancesdes chercheurs vers les acteurssociaux mais aussi entre les disciplines scientifiques.Éditions Quæ, collection UpdateSciences & technologies, mars 2009,280 p., 26 €

www.quae.com

c/o Inra - RD 10 -F-78026VersaillesCedex

éditionsQuæ

OLa démarche qualité dans la recherche publique et l'enseignement supérieurClaude Granier, Léandre-Yves Mas,Luc Finot, Bernard Arnoux, Nathalie Pasqualini, Vincent Dollé Cet ouvrage dresse un état des lieux de la démarche qualitédans la recherche et l'enseigne-ment supérieur en France. L’étude des objectifs des établissements et desexpériences de laboratoires ou d’universités offrent un regarddiversifié sur les pratiques, les difficultés rencontrées mais aussi les succès remportés. Éditions Quæ, collection UpdateSciences & technologies, sept 2009, 376 p., 49 €

OLe marché de l’excellence Les grands crus à l’épreuve de la mondialisation Marie-France Garcia-ParpetLa viticulture française qui dominehistoriquement le marché mondial,traverse depuis quelques annéesune crise inédite. L’auteure allieenquêtes ethnographiques et démarche sociologique pourcomprendre cette situation. Elle montre comment les batailles de classement sont au cœur destransformations récentes du marchéet combien la prise en compte des caractéristiques sociales des acteurs en jeu -entrepreneurs,Etat, commerçants, consommateurs- sont déterminantes.Éditions Seuil, collection Liber, mars 2009, 260 p., 20 €.

+d’infosEd. Quae. Les articles des numéros spéciaux sontmis en ligne gratuitement après épuisement de laversion papier : Owww.inra.fr/internet/Produits/PA

ODU CACAO AU CHOCOLATL'ÉPOPÉE D'UNE GOURMANDISEMichel Barel EDITIONS QUÆ, SEPT. 2009, 144 P., 29,50 €

De l’arbre qui ne perd pas ses fruits au chocolat que

l’on déguste en fermant les yeux de bonheur, les confidences deMichel Barel (chercheur au Cirad et membre de l’Académie française)sur le cacao nous emportent dans un périple gourmand et savant.

Apparu à l’aube des temps dans la chaleur et l’humidité de lagrande forêt amazonienne, le cacaoyer, Theobroma cacao, ou plutôtson breuvage, a conquis le Vieux monde au XVIIe siècle. Depuis,l’industrie du chocolat prospère. Après avoir parcouru la filière, le lecteur se voit conter quelques secrets de nutritionnistes ou de… juristes, puis est invité à explorer l’arôme du cacao qui se forme pendant la fermentation et la torréfaction des fèves. Et en guise d’épilogue, il apprend à déguster le chocolat.

Publier ou périr », cet adage, les chercheurs le connaissent trop bien ! Prenant appui

sur son expérience de chercheur et d’éditeur en chefdes Agronomy for Sustainable Development,et Environmental Chemistry Letters, Eric Lichtfouseexpose dans ce manuel les règles d’or de la rédactiond’un article scientifique. Il préconise quelques remèdescontre les défauts typiques des auteurs francophones qui souhaitent publier en anglais et prodigue de nombreux conseils pour vulgariser ses résultats ou les diffuser, y compris sous forme de micro-articles via Internet.

OÉLEVAGE BIOINRA PRODUCTIONS ANIMALES,VOL. 22, N° 3, 2009, 144 P., 26 €

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ORÉDIGER POUR ETRE PUBLIÉ !CONSEILS PRATIQUES POUR LES SCIENTIFIQUESEric Lichtfouse EDITIONS SPRINGLER, 2009, 100 P., 23,70 €

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nombreuses tentatives de définition, balançant entre scien-ces naturelles, chimiques ou économiques, entre approchesréductrices ou synthétiques et intégratives. Les histoiresnationales des sciences agricoles divergent entre une recon-naissance d’un vaste champ -l’agronomie en France- et saquasi absence avec un éclatement au sein d’autres regrou-pements (départements de biologie, génétique, phytopa-thologie, droit, sciences économiques) comme auxEtats-Unis ou en Italie.

Y a-t-il des apports récents dans l'approche de cette histoire, par exemple celui de la sociologie ? G. D. : L’intérêt porté au contexte socioculturel pourétudier le développement scientifique est relativementancien. Sans remonter à Auguste Comte ou Karl Marx,rappelons que les premiers travaux de Max Weber sur laprofessionnalisation de la science datent de la PremièreGuerre mondiale tandis que c’est en 1935 que LudwickFleck a écrit son ouvrage (récemment traduit et publié parNathalie Jas, historienne de l’agronomie et membre ducomité d’histoire de l’Inra, intitulé Genèse et dévelop-pement d’un fait scientifique). Ce qui caractériserait cetteapproche qui s’est fortement développée depuis les années1960-1970, ce serait l’effacement de la frontière entrehistoires « internalistes » par les textes et « externalistes »par le contexte. Aujourd’hui, l’idée que les concepts, lesthéories soient reconnus comme les produits du contextesocioculturel a trouvé pleinement sa place dans larecherche et l’enseignement supérieur. Par ailleurs, ce quicaractérise aussi l’histoire des sciences et notamment

Histoiresd’agronomie◗

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Gilles Denis, maître de conférencesen histoire et épistémologie dessciences du vivant à l’universitéde Lille 1, est membre du comité

d’histoire de l’Inra. Agronome de formation,docteur en histoire des sciences, ses recherches portent sur les sciencesagricoles notamment la phytopathologie et sur les relations entre les sciences et le mouvement des Lumières.

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Quel regard portez-vous sur l'histoire de la recherche agronomique dans l'histoireplus générale des sciences ? Gilles Denis : Sa spécificité est d’être intimement liée àl’histoire de l’agriculture, des techniques et savoirs paysans.Une théorie sur les systèmes de culture s’appuie générale-ment à la fois sur des principes scientifiques, physiolo-giques et pédologiques, et sur les pratiques et savoirspaysans ayant trait aux labours. L’histoire et l’épistémolo-gie doivent considérer cette double fondation. Même sil’agronomie à l’Inra peut héberger des recherches fonda-mentales, une hypothèse ou un modèle scientifique agro-nomique ne prend toute sa valeur que confronté au cadresocio-économique. D’une manière plus évidente qued’autres histoires des sciences, cette histoire ne peut seréduire à l’étude des textes savants. Logiquement, le comi-té d’histoire de l’Inra rassemble ainsi à côté d’agronomes,des historiens des sciences, des techniques et des histo-riens ruralistes.Mais de quoi parlons-nous lorsque nous parlons derecherche agronomique, qui plus est au singulier ? Depuisle 18e siècle, la science de l’agriculture fait l’objet de

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Propos recueillis par Catherine Donnars

agricoles d’aujourd’hui, c’est le fait de limiter son objetd’analyse pour mieux identifier la nature et le rôle de lascience. On ne cherche plus à faire une histoire del’agronomie du paléolithique à nos jours mais on s’inté-resse, par exemple, au contexte et aux conséquences de lamise au point d’un vaccin contre le charbon du moutonà la fin du 19e siècle ou de l’introduction du maïs hybrideen France dans les années 1950.

Quelles sont les grandes périodes de l’histoirede l’agronomie ?G. D. : Les périodes que je propose correspondent à unehistoire des engagements collectifs et des décisions institu-tionnelles qui déterminent le développement des disci-plines scientifiques agricoles. D’autres sont possibles.J’identifierais d’abord la préhistoire de l’agronomie, entrele milieu du 18e siècle et celui du 19e siècle. A partir desannées 1750, les succès de la philosophie empiriste et lavolonté utilitariste rejoignent l’engouement physiocra-tique pour constituer la communauté des physiciens agri-culteurs qui met en place des essais dans les fermes(maladie et conservation des grains, labours, rotations,etc.). A partir des années 1850, l’agronomie commence às’institutionnaliser, aidée par l’administration, avec la créa-tion des stations expérimentales et des écoles supérieures.Jusque dans les années 1970, son champ disciplinairedemeure relativement inchangé, ainsi que ses ambitions :le développement de la production agricole. Entre lesannées 1850 et 1970, l’évolution de la recherche est large-ment déterminée par celui du contexte économique etpolitique. Ainsi, les périodes où l’enjeu du ravitaillementest crucial voient la création de l’Institut des recherchesagronomiques (Ira) proposée pendant la Première Guerremondiale et la création de l’Inra à la suite de la seconde ;tandis que les périodes de surproduction des années 1930et 1970 conduisent à la fin de l’Ira et presque à celle du« premier » Inra, celui de la loi de 1946.Les décrets de 1980 et 1984 mettent en place ce que j’aidésigné comme le « second Inra ». Le premier se présentaitcomme « l’organisme de recherche de l’agriculture. » Lesecond, « partie agricole et agro-industrielle d’un réseau derecherche-développement », élargit ses objectifs et sesmoyens pour obéir à de nouveaux besoins liés à la surpro-duction en Europe, à l’ouverture des marchés, à l’arrivée desbiotechnologies, à la sensibilité à l’environnement et aux exi-gences, en qualité et en diversité, du consommateur.

Aujourd’hui où en sommes-nous ?G. D. : Nous assistons depuis quelques décennies à unenouvelle remise en cause ayant diverses origines : scienti-fique, politique et opinion publique. Les relations entrele champ et le laboratoire ont fortement évolué en faveurdu second modifiant les frontières entre disciplines scien-tifiques. Les domaines agronomiques tendent à serassembler différemment et avec d’autres, externes àl’agronomie, autour de deux grandes préoccupations : lagestion de l’environnement et l’aménagement du territoired’une part, et la maîtrise de l’utilisation de la matièrevivante comme matière première pour l’alimentation et

l’agro-industrie, d’autre part. L’Inra qui a en chargel’agronomie, au sens large, tente de maîtriser cette dicho-tomie par ce qu’il a appelé les « sciences de l’intégration ».Celles-ci caractériseraient finalement l’agronomie au senslarge, spécifique à notre pays. Ce modèle pourra-t-il semaintenir dans le cadre de l’unification des cultures scien-tifiques et de l’homogénéisation des institutions de recher-che et d’enseignement ?

Justement, comment un chercheur peut-il se situer dans cette histoire ? G. D. : L’histoire des sciences doit permettre l’analyseréflexive du scientifique, l’aider à mieux comprendre qui ilest et ce qu’il fait, en décrivant l’histoire institutionnelle,conceptuelle, politique même, dont lui et son laboratoiresont issus et qui explique le choix de tels ou tels thèmes derecherche ou approches expérimentales, sa propre repré-sentation de l’agriculture, de l’agronomie, etc. Le comitéd’histoire de l’Inra a été constitué dans cet esprit. ●

Le Comité d’histoire de l’Inra

Créé en 2005, le comité d’histoire de l’Inra se proposed'éclairer les évolutions scientifiques et institutionnelles qu’a connues l’Institut en les replaçant dans l’histoire des sciences et techniques agronomiques ainsi que dans l’histoire des transformations agricoles, agroalimentaireset rurales. Le comité organise des journées d’études (ayantfait l’objet de publications) et propose des thèmes de recherche à des étudiants (Mastère 2 ou thèse) avec engagement financier à la clé.Composé d'historiens universitaires spécialisés, de membresde l'Inra et d'archivistes, il s’appuie sur des archives écrites et orales (Archorales).

+d’infosOpublications de Gilles Denis :- « Du physicien agriculteur du dix-huitième à l'agronome des dix-neuvième et vingtième siècles », G. Denis, C. R. Acad. Agric. Fr., 87,n°4, 2001, pp. 81-103.- « L'agronomie au sens large. Une histoire de son champ, de sesdéfinitions et des mots pour l'identifier », G. Denis, in P. Robin, J.-P.Aeschlimann et C. Feller, Histoire et agronomie, entre ruptures etdurée, Paris, IRD, 2007, pp. 61-90.- « Quelques mots sur l'histoire de l'Institut national de la rechercheagronomique », G. Denis, Document interne Inra, Paris, 1995.

Opublications issues des journées d’études du comité d’histoire de l’Inra :

- Sciences, chercheurs et agriculture, pour une histoire de larecherche agronomique, C. Bonneuil, G. Denis et J.-L. Mayaud, Paris,Ed. Quae-L'Harmattan, 2008. - A quoi sert l'histoire des sciences ?, M. Morange, Ed. Quae, 2008.

Oweb :Archives orales de l’Inra : www.inra.fr/archorales60 ans d’histoire : www.inra.fr/60ans/histoireOcontact :Gilles Denis, maître de conférences en Histoire et épistémologie des sciences du vivant, UMR 8163 Savoirs, Textes, Langage - CNRS,Universités de Lille 3 et 1http://[email protected]

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◗AG

ENDA

2/3 déc PARIS

XVes Journées 3R -Rencontres recherchesruminantsL’Inra et l’Institut de l’élevageessaiment leurs résultats récentsdans différents secteurs de l’élevage des ruminants ainsi que leurs produits. L’édition 2009cible l’élevage en milieu tropical, la sélection génomique et l’évolutiondes procédés de transformation des produits animaux. WWW.journees3r.fr/

8 déc ...PARIS

Expertise scientifiquecollectiveL’Inra organise un colloque de restitution de l’Expertisescientifique collective consacrée à la douleur chez les animauxd’élevage, réalisée à la demande des ministères de la Recherche et de l’Agriculture. Programme et inscriptions disponibles à partir du 15 octobre sur le site Internet de l’Inra.WWW.inra.fr/l_institut/expertise

22/27 novembreCAYENNE, GUYANE FRANÇAISE

La science au service de la gestion des forêtstropicales humidesCette conférence internationale, co-organisée par le Gip Ecofor, l’Inra, le Cirad, l’IRD, le CNRS, AgroParisTech et l’université Antilles-Guyane, met en relation les éléments contextuels et les approches scientifiques pour nourrirune vision globale sur la gestion des forêtstropicales humides.WWW.gip-ecofor.org/publi/page.php?id=1&rang=0&domain=39&lang=fr_FR

9 octobreMONTPELLIER

Agricultures et alimentationsdu monde en 2050La prospective Agrimonde est uneréflexion collective sur les enjeuxalimentaires et agricoles mondiaux à l’initiative conjointe de l’Inra et du Cirad. Ce colloque sera l’occasionde présenter ses résultats.https://colloque.inra.fr/agrimonde

29 octobreANGERS

IsafruitColloque dédié aux professionnelseuropéens de la filière fruitière et de l’agroalimentaire sur lesrésultats du programme européenIsafruit (200 chercheurs, 60 organismes de recherche etentreprises) qui a étudié commentaccroître la consommation de fruits, améliorer leur qualité et démontrer leur « plus-value »santé.WWW.isafruit.org WWW.angers-nantes.inra.fr

20 octobreTOURS

La filière avicolefrançaise à l’horizon2025Restitution des scénariosd’évolution possibles de la filièreavicole à l’horizon 2025 dans le cadre de l’étude prospectiveengagée par l’Inra et l’Instituttechnique de l’aviculture (Itavi) en 2007.WWW.paris.inra.fr/prospective/actualites/la_filiere_avicole_francaise_a_l_horizon_2025

5 novembreANGERS

Ciag : Variétésinnovantes et modes de culture adaptésL'élaboration conjointe de variétésinnovantes et de modes de cultureadaptés permet des avancéessignificatives dans l’élaborationd’une agriculture durable et illustreune nouvelle démarche de recherche. Ce Carrefour de l’innovation agronomiquemontre comment intégrer l'analyseet la valorisation des ressourcesgénétiques à ce processus,optimiser les procéduresd'inscription variétale et faireévoluer la réglementation.WWW.inra.fr/ciag

PHOTO SATELLITE de cultures avec irrigation centrale au Kansas.

◗19/20 octPARIS

Agriculture et développement durableQuinze projets de recherche initiés en 2005 dans le programme« Agriculture et développementdurable » soutenu par l’ANR, l’Ademe, le Cemagref, le Cirad et l’Inra restituent leurs résultats.https://colloque.inra.fr/add

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