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Reconnaissance de berges, sabotage d'un pont, destruction d'une installation électrique: ce sont les trois missions que devaient effectuer les plongeurs de l'armée de terre, lors du raid de synthèse du stage Tacoxy, mi-juillet, à Angers. A la

sombres de la Maine.

Texte et photos; Dominique ANDRE

Les recycleurs et les planchettes de navigation sont bien amarrés sur les kayaks, les stagiaires peuvent entamer la dernière partie de ce long exercice.

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Les plongeurs sont, ici, loin de leur milieu de prédilection, èt les évolutions terrestres

sont souvent lentes et pénibles

Ci-dessus, à gauche. ïv Jj»f i L'exercice n'a pas encore commencé,

ffP et ce stagiaire se prépare à entamer la , 7 • jj? progression qui le conduira au premier

Jf» r " changement de milieu.

Ci-dessus, à droite. En plus de l'équipement standard et de

™ l'armement, les binômes se répartissent le matériel propre à la mission. Ici, un

détecteur de mines.

En rythme, les pagaies s'enfoncent silen­cieusement dans la Maine. Les kayaks noirs sont à peine visibles dans la brume qui masque les premières lueurs de l'aube.

La boule de feux et de chaleur qui vient de se dissiper au loin derrière les plongeurs leur confirme que la dernière partie de leur mission vient d'être accomplie avec succès. L'objectif principal du raid, le pont routier de Bouchemaine au sud d'Angers, a été traité quelques dizaines de minutes auparavant. Les charges explosives placées sur les haubans suffiront à fragiliser et limiter l'utili­sation de l'ouvrage par l'ennemi, et la neu­tralisation du transformateur électrique adja­cent ajoutera encore à la désorganisation.

Après la pose des charges et une fois tous les équipiers à nouveau à l'abri des eaux du fleuve, il faut encore rejoindre à la palme les embarcations camouflées un peu plus loin. Les recycleurs Frog et les planches de navigation sont arrimés sur la petite plate­forme arrière du kayak. Les plongeurs se déséquipent à tour de rôle, sans échanger un mot, pendant que leur binôme assure la surveillance.

Tous ont conservé les combinaisons de Néoprène humide qu'ils portent déjà depuis près de dix heures, certains s'offrant juste le luxe d'enfiler un coupe-vent en Gore-Tex par-dessus.

De là, l'exfiltration était prévue en aval du fleuve, mais le faible niveau d'eau à l'embou­chure de la Maine et de la Loire contraint

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les commandos à choisir un itinéraire plus sûr, mais plus « physique », en remontant le courant en amont.

Il est maintenant 5 heures du matin, et les visages camouflés de noir sont fortement marqués par l'effort physique, le manque de sommeil et les interminables heures pas­sées en immersion.

Pourtant, et bien que la mission ait com­mencé déjà 48 heures plus tôt, les hommes accélèrent le rythme, en silence, dans le froid étonnamment piquant de ce petit matin de juillet.

Encore quelques kilomètres isolés en ter­ritoire « hostile », et ils rejoindront une zone

qui marquera la fin de leur engagement. Et la réussite de leur stage.

Oxyhase = Initoxy + Tacoxy Pour les neuf stagiaires (deux officiers,

six sous-officiers et un militaire du rang) déjà tous qualifiés pour la plongée à l'air, issus du 13e RDP, du 1 e r REG, du 17e RGP et des 31 e et 19 e RG, ce raid de synthèse n'est que l'aboutissement d'une longue formation qui les a emmenés d'abord à l'école des plongeurs de la marine nationale à Saint-Mandrier pour un stage d'initiation à la plongée au recycleur (Initoxy), puis à Angers pour le stage Tacoxy, et cette fois uniquement dans des eaux intérieures.

A la fin du stage, il faudra, sous le contrôle des formateurs de la Direction

En haut, à gauche. A tour de rôle, il faut monter la garde pendant que le binôme se déséquipe, en essayant de rendre cette phase vulnérable la plus silencieuse et rapide possible.

En haut, à droite. On réalise ici la difficulté à évoluer

discrètement dans, mais, surtout, hors de l'eau, avec un tel équipement.

de formation des plongeurs de l'armée de terre (DFP), appartenant à l'école du génie, et des renforts moniteurs provenant des détachements des plongeurs de l'armée de terre, restituer cinq savoir-faire pratiques et un savoir-faire théorique, enseignés durant le module Tacoxy:

- plonger au recycleur avec un sac étanche et une arme d'épaule positionnés dans le dos, et une arme de poing position­née sur la cuisse;

- effectuer une sortie et une entrée d'eau tactique ;

- effectuer un changement de milieu (changer de tenue avant et/ou après une plongée au recycleur, soit passer d'une tenue de plongeur à une tenue de combat­tant, et inversement) ;

- effectuer un décapelage et un recape-lage en pleine eau ou sur un fond;

- s'équiper et se déséquiper à partir d'un kayak;

- é laborer une navigat ion en eaux intérieures.

Ainsi, pendant deux nuits, ces stagiaires, issus des forces spéciales, de la Légion étrangère, du génie ou de régiment parachu­tiste, effectueront les missions suivantes: une reconnaissance de berges, la fragilisa­tion d'un ouvrage d'art, la destruction d'une installation électrique.

Lundi en fin d'après-midi, un briefing permet aux stagiaires de recevoir les ren­seignements qui leur permettront d'élaborer collectivement leur navigation. Ils disposent alors de 24 heures pour présenter aux for­mateurs les itinéraires de navigation choisis

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et pour préparer tout le matériel nécessaire à la réalisation de la mission.

Mardi soir, juste avant la tombée de la nuit, les neuf candidats quittent l'école de plongée en camion, pour être déposés en amont de la ville d'Angers, sur les bords de la Maine.

Ils ne sont alors équipés que de leurs treillis, d'un Famas et d'une arme de poing portée sur la cuisse, mais les sacs contenant l'équipement de plongée sont impression­nants et la mise en route est quasiment impossible sans l'aide du binôme.

Malheureusement pour eux, les lois de la physique sont incontournables, et pour pouvoir atteindre une flottabilité négative et compenser les volumes morts créés par le matériel qu'ils transporteront dans leurs sacs étanches, les plongeurs doivent emmener du lest, qui vient s'ajouter à l'appareil res­piratoire à circuit fermé, à la planche de navigation, à la combinaison en Néoprène, aux palmes, masque, bouée et autres équi­pements propres à la mission (charges explosives, détecteur de mines, etc.). Le

volume et le poids sont énormes! Au crépuscule commence alors un

étrange et laborieux ballet dans les fourrés qui bordent la rivière, car avant de pouvoir retrouver leur élément de prédilection, il faut que les stagiaires effectuent leur premier changement de milieu...

Revêtir un équipement de plongée sous-marine en plein jour peut parfois s'avérer un peu long et compliqué, mais le faire dans le noir complet et en ambiance tactique est un véritable défi.

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Les matériels sont sortis du sac dans un ordre précis et mis en place en aveugle, mais avec la plus grande minutie, car toute erreur se paye immédiatement dès la mise à l'eau et parfois très cher.

Il ne faut, bien sûr, rien oublier, ne rien lais­ser sur place qui pourrait trahir la présence du commando et compromettre la mission, et pendant que l'un s'affaire en silence, son binôme assure la sécurité à quelques mètres en attendant d'échanger les rôles. D'ailleurs, il fait si noir que les moniteurs doivent veiller au bon déroulement de la manoeuvre... avec l'aide d'un intensificateur de lumière. Ces changements de milieu sont pourtant un des savoir-faire dont l'acquisition est indispensable pour ces jeunes plongeurs et ils devront être pratiqués jusqu'à la per­fection. Trois seront effectués pendant la synthèse, dans des conditions toujours aussi compliquées.

Enfin arrive la délivrance : c'est le moment de se glisser dans les eaux sombres, mais protectrices, de la Maine. Durant la première

nuit, il faudra s'infiltrer et traverser la ville d'Angers en alternant la natation de sur­face, la natation discrète et la navigation en immersion avec le recycleur.

Sur les quais et sur les ponts, les noctam­bules ne remarquent pas les cinq bouées de sécurité qui glissent silencieusement. En matérialisant chaque binôme, elles per­mettent aux moniteurs d'assurer leur sécu­rité depuis la surface dans des embarcations semi-rigides.

Les kilomètres s'enchaînent à un rythme régulier, seulement perturbé par les prises et vérifications de cap au compas. Mais une évolution sous-marine nocturne fluviale dans des eaux chargées d'obstacles en tout genre n'est jamais anodine, même lors d'une mission d'entraînement... Un des stagiaires s'est pris dans des lignes : il est contraint de faire un arrêt forcé aux urgences de l'hôpital

d'Angers, avec un hameçon profondément enfoncé dans la main. L'infirmière hyperbare qui suit au plus près les évolutions, avec une ambulance, préfère ne pas prendre de risque: elle fait évacuer le stagiaire, qui pourra rejoindra ses camarades au petit matin.

Après de longues heures de palmage et de navigation, une fois les dernières lumières de la ville laissées derrière elles, les ombres silencieuses émergent à nou­veau. Il s'agit pour l'un d'entre eux, et sous la protection de ses camarades restés dans l'eau, d'effectuer une reconnaissance de berges. Réalisée avec du matériel spécifique de l'arme du génie, cette reconnaissance est nécessaire pour confirmer la présence ou non de mines dans le chenal d'accès.

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retenu, en vue (dans la réalité) d'autoriser une manœuvre amphibie permettant le déploiement de renforts.

Avant l'aube, le groupe doit encore réa­liser un des changements de milieu de la mission afin de se dissimuler pour le reste de la journée.

Mais le confort de se retrouver enfin dans des treillis à peu près secs et de se réchauf­fer un peu est de courte durée, car il faut à nouveau charger à dos les énormes paque­tages et entamer une progression à pied jusqu'à la zone de bivouac qui permettra de remettre le matériel de plongée en condition et de préparer la mission de la nuit suivante.

Les quelques ki lomètres en charge semblent interminables et les silhouettes qui s'éloignent en file indienne disparaissent sous leurs fardeaux.

Mercredi soir, alors que les feux du 14 Juillet embrasent au loin le ciel d'Angers, il est déjà temps d'endosser une dernière fois les combinaisons pour l'ultime phase de la mission : le sabotage du pont routier.

La progression, d'abord en natation de surface, est une fois de plus très longue, mais elle n'entame pas la volonté des PAT, qui sont déjà bien aguerris par d'intermi­nables séances de palmage.

Bien avant l'objectif, et toujours le plus

discrètement possible, les binômes s'immer­gent un à un après avoir pris un dernier cap sur leur planchette. Quelques centaines de mètres en plongée, et c'est enfin la dernière sortie d'eau. C'est le moment le plus risqué de la mission, et chacun s'applique à faire surface dans un mouvement quasi imper­ceptible et sans la moindre bulle qui pourrait trahir leur présence.

Malgré le trafic routier sur le pont, la pose de charge sur les haubans s'effectue rapi­dement. En regagnant une dernière fois les fonds vaseux pour Pexfiltration (relatée plus haut), les neuf stagiaires savent déjà qu'ils ont réussi leur mission... et leur stage. •

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Nous sommes en juillet, mais la nuit est glaciale et la Maine est recouverte d'une brume qui masque

quelque peu la progression des kayaks.

Page précédente, en bas à gauche. La fatigue, la nuit et le froid sont des paramètres

classiques des opérations commandos, mais ici s'ajoute la difficulté à évoluer dans un milieu

qui ne pardonne pas les erreurs et marque particulièrement les organismes.

Page précédente, en bas à droite. Sur le pont routier, la pose de la charge explosive

ne prendra que quelques minutes, entre deux passages de véhicules qui ne remarqueront pas

les silhouettes en Néoprène.

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