déterminants du salaire

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Monsieur Jean-Louis Lhritier

Les dterminants du salaireIn: Economie et statistique, N257, Septembre 1992. pp. 9-21.

Citer ce document / Cite this document : Lhritier Jean-Louis. Les dterminants du salaire. In: Economie et statistique, N257, Septembre 1992. pp. 9-21. doi : 10.3406/estat.1992.5677 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1992_num_257_1_5677

Abstract Factors for Determining Wages and Salaries The largest salary disparities were observed between qualifications in 1986. In industry, senior executives and senior engineers earned 3.5 times more than unskilled workers. Men's wages are still higher than women's wages, especially in the engineer and executive grades. Wages increase with age and seniority, which are guarantees of greater professional experience. This experience is better remunerated within companies than on the external market: the positive impact of age is reinforced by that of seniority. In France, executives from other countries earn higher salaries than the French, but other groups earn lower salaries. Age, sex and nationality are used by employers as the main "signs" of experience, availability and confidence. Wages are higher in large production units than in small and medium-sized production units, and higher in the Paris area than in the rest of France. However, individual factors have an important role to play in the formation of wages, especially for executives. Resumen Los dterminantes del salario En 1986, la disparidades de salario ms significativas se registrar! entre las distintas calificaciones : en la industria, un ejecutivo o un ingeniero de nivel superior ganan 3,5 veces ms que un pen. Los salarios de los hombres siguen siendo superiores a los de las mujeres, sobre todo para los ingnieras y ejecutivos. El salario aumenta con la edad y la antigedad, que son los garantes de una experiencia profesional acrecentada. Tal experiencia es mejor remunerada en el seno de una empresa que en el mercado externo ; es asi como un impacto positivo de la antigedad se anade al de la edad. Los extranjeros tienen un salario ms elevado que los franceses si son ejecutivos, ms bajo en las otras categoras. La edad, el sexo y la nacionalidad funcionan como "senales" para el empleadorquien las interprta en trminos de experiencia, de disponibilidad o de audacia. Los salarios son ms elevados en las grandes unidades de produccin que en las pequenas o medianas y en la region "Ilede-France" ms que en provincias. Sin embargo, el peso de factures individuates es importante en la atribucin de los salarios, en especial para los ejecutivos. Rsum Les dterminants du salaire En 1986, les carts de salaire les plus significatifs s'observent entre qualifications : dans l'industrie, un cadre ou ingnieur de niveau suprieur gagne 3,5 fois plus qu'un manoeuvre. Les salaires des hommes restent suprieurs ceux des femmes, surtout parmi les ingnieurs et les cadres. Le salaire s'lve avec l'ge et l'anciennet, garants d'une exprience professionnelle accrue ; cette exprience est mieux rmunre au sein de l'entreprise que sur le march externe : un impact positif de l'anciennet vient ainsi se rajouter celui de l'ge. Les trangers ont un salaire plus lev que les Franais s'ils sont cadres, plus faible dans les autres catgories. L'ge, le sexe et la nationalit fonctionnent notamment comme des "signaux" pour l'employeur qui les lit en termes d'exprience, de disponibilit ou d'audace. Les salaires sont plus levs dans les grandes units de production que dans les petites ou moyennes, en Ile-de France qu'en province. Mais le poids des facteurs individuels est important dans la formation des salaires, surtout parmi les cadres.

SALAIRES

Les dterminants du salaire

Jean-Louis Lhritier*

professionnelle hommesingnieur de de estl'anciennet, ainsisurtoutdeexpriencede l'ge. Les 1986, lesun cadreun impactexpriencel'anciennet vientgarants d'uneparmi 'un manoeuvre. Enles cadres.des accruesalaire les suprieurs mieuxdes femmes,aufois plusl'entreprise que sur le salaires Le salaire cette avec l'ge et ceuxs'observent entrerajouterqu celui : dans et march carts l'industrie,externe : deou;s'lvepositif niveau suprieur gagne 3,5sesein restent plus significatifs rmunre qualificationsingnieurs les

Les trangers ont un salaire plus lev que les Franais s'ils sont cadres, plus faible dans les autres catgories. L'ge, le sexe et la nationalit fonctionnent notamment comme des "signaux " pour l'employeur qui les lit en termes d'exprience, de disponibilit ou d'audace. Les salaires sont plus levs dans les grandes units de production que dans les petites ou moyennes, en Ile -de-France qu'en province. Mais le poids des facteurs individuels est important dans la formation des salaires, surtout parmi les cadres.

* Jean-Louis Lhritier En 1986, les salaris travaillant temps complet dans fait partie de la division les tablissements de plus de dix salaris du secteur pri Revenus de l'INSEE. v ont peru en moyenne un salaire brut de 118 910 francs (1). Ce chiffre global masque la diversit des s individuelles puisque 10 % des salaris ont ga Les nombres entre cro ituations chets renvoient la bibli gn moins de 66 100 francs sur l'anne alors qu' ographie enfin d'article. l'inverse 10 % ont gagn plus de 190 350 francs. l.Enl 991, le salaire brut Quels dterminants sont l'origine de cet ventail des moyen peut tre estim 137 100 francs, mais ceci salaires ? Quels rles jouent-ils ? L'ge, l'anciennet, la pour l'ensemble des ta qualification, le fait d'tre un homme ou bien une blis ements du secteur femme, la nationalit, etc., psent-ils d'un mme poids priv. dans la formation des salaires ? Telles sont prcisment les questions auxquelles nous allons tenter d'apporter quelques rponses.

Le modle noclassique : salaire et productivit

La thorie noclassique la plus orthodoxe n'a pas don nune place particulire au travail, dont le prix (le sa laire) et la quantit (l'emploi) sont fixs sur un march concurrentiel : le salaire pratiqu est tel qu'il assure l'quilibre instantan entre une offre de travail (du salari) et une demande de travail (de l'entreprise). Cette offre et cette demande drivent de comportements rationnels d'agents, mus par la seule recherche de leur intrt : d' un ct, un consommateur cherchant maximiser son bien-tre, fonction par exemple de sa consommation et de son temps de loisir, sous des contraintes de revenu et de temps ; de l'autre, un producteur qui souhaite maximiser son profit. Toute l'information transite par Les thories conomiques fondant la hirarchie des sa les prix : chacun des agents est donc parfaitement infor laires sont nombreuses. Nous ne chercherons pas ici m. considre en outre les prix comme une donne ex Il les opposer ni d'ailleurs en faire rellement la syn trieure lui-mme, sur laquelle il n'a pas prise (les thse. Souvent complmentaires, elles nous permett agents sont dits "price-taker"). Ces prix sont flexibles ront, dans un premier temps, de circonscrire la et le jeu du march (la "main invisible" walrasienne) recherche des dterminants. Nous pourrons alors pro ajuste offres et demandes. poser quelques modles de formation des salaires, que nous estimerons enfin sur un chantillon de trs grande Sous ces hypothses (et quelques autres), un quilibre taille (plus de 300 000 salaris), issu de la dernire en existe. Dans le modle le plus simple, il n'y a pas de chmage. En revanche, dans les autres modles, un qute sur la structure des salaires (encadr 1). Ralise auprs des entreprises, cette enqute fournit des stati chmage de nature volontaire peut apparatre, notam stiques de salaire et une description de la qualification mentsi le salari considre le temps consacr au loisir plus fiables que les enqutes auprs des mnages comme source de bien-tre et qu'il dispose ou pourrait (celles-ci tant certains gards plus riches : diplme, disposer d'autres revenus (revenu du conjoint, indemn itsde chmage, etc.) ou qu'il est soumis des exprience professionnelle, situation familiale, etc.).

CONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992

contraintes de temps : dans ce cas, le salari pourrait refuser tout emploi rmunr en-dessous d'un certain seuil (salaire de rserve). Dans tous les modles no clas iques, le salaire d'quilibre, exprim en termes rels (divis par le prix du bien de consommation), est gal la productivit marginale du travailleur. Ce modle, destin schmatiser les interactions l'oeuvre dans l'conomie (quilibre gnral de concur rencepure et parfaite), est vite apparu insatisfaisant pour dcrire le fonctionnement rel du march du tra vail dans les conomies dveloppes, notamment en raison du dsquilibre persistant (le chmage) qui y prvaut depuis plusieurs dcennies. Plusieurs modles d'quilibre partiel Plusieurs thories ont tent de donner une reprsenta tion plus raliste des phnomnes observs. Certaines d'entre elles ont remis en cause une ou plusieurs des hypothses prcdentes. D'autres ont introduit des at titudes plus complexes pour l'un des agents, souvent au prix d'une simplification des comportements pour l'au tre; les consquences de ces dveloppements ont alors t le plus souvent tudies dans le cadre d'un quilibre partiel alors qu'elles pourraient tre sensiblement dif frentes dans le cadre de l'quilibre gnral (effets in duits, interactions). Actuellement, il n'existe aucune synthse de ces modles d'quilibre partiel. La plupart de ces thories ne font plus explicitement r frence un march unique du travail, mais plutt une Encadr 1

srie de petits marchs, plus ou moins tanches les uns des autres, sur lesquels se confrontent une offre parti culire (une qualification donne des salaris) et une demande bien spcifie (un type de tches dans les en treprises). Le capital humain : gnral et spcifique La thorie du capital humain, s'inscrit dans les mod les noclassiques dvelopps par Mincer [15 ; 16], Becker [3 ; 4] et Lancaster [10]. Les agents ont alors la possibilit de dterminer le volume mais aussi la nature de leur offre de travail, et ce dans un perspective inte rtemporelle pouvant embrasser tout le cycle de vie. Cette offre relve de la dtention d'un stock particulier de ca pacits productives, appel "capital humain". Chaque salari dtermine rationnellement sa propre stratgie d'acquisition et de gestion de capital humain, sans anticiper de rationnement (l'hypothse de concur rence et parfaite est maintenue) : compte tenu de pure ses caractristiques personnelles (capacits intellec tuelles, financires, etc.), il choisit la squence optimale de ses investissements c'est--dire celle qui va lui assu rer meilleur rapport entre la valeur actualise de ses le revenus salariaux futurs et celle de ses cots de format ion. capacits productives sont accumules par les Les agents au cours de la scolarit ou lors de l'apprentis sage, aussi aprs, par le fait mme de travailler mais (formation "sur le tas") ou grce la formation conti nue. Deux types de capital humain peuvent tre distingus : d'une part, le capital humain gnral, transfrable d'une entreprise une autre ; d'autre part, le capital hu main spcifique, non transfrable car li des compt ences propres d'une entreprise. Le capital humain gnral est habituellement caractr is le diplme mais aussi par l'exprience profes par sionnelle sur le march du travail. Comme souvent, cette dernire sera approche ici par l'ge, qui pourtant, en tant que tel, est susceptible d'avoir une influence sur le salaire, notamment comme indicateur du vieilliss ement biologique. Aussi, dans nos modles, l'influence de l'ge sur le salaire ne relvera-t-elle pas strictement de l'exprience mais mlera plutt deux effets, pas tou jours de mme sens : l'effet positif de l'exprience ; l'effet de l'ge, ngatif tout du moins partir d'un cer tain seuil. Nous ne disposerons pas du diplme, variable centrale dans la thorie (Jarrousse-Mingat [9]) : nous recourrons pour notre analyse, la catgorie sociopro fessionnelle (CS) complte ventuellement par le ni veau de qualification dtaille. En tant que telle, cette approximation ne saurait remettre en cause les rsultats (2). Nanmoins, en raison de la nature des donnes (coupe instantane et non pas donnes longitudinales), elle est loin d'tre satisfaisante car, du fait des promo2. D'autres tudes (Glaude [6]) montrent que, parmi les dter minants des salaires, l'influence propre de la catgorie socioprofessionnelle prime sur celle du diplme. CONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992

L'ENQUTE SUR LA STRUCTURE DES SALAIRES C'est une enqute par sondage mene auprs des units de production de plus de 10 salaris (tabli ssements de l'industrie et entreprises du btiment et, depuis 1978, des services) dont les dernires di tions datent de 1972, 1978 et 1986 et dont la prochaine aura lieu en 1993. Elle comporte deux vo lets. Le premier est relatif l'unit de production : sont ainsi connus son activit conomique, sa taille, son lieu d'implantation, la dure hebdomadaire de travail affiche, l'existence du travail de nuit et d'une couverture conventionnelle ; le second concerne un chantillon de salaris pour lesquels sont connues les caractrisques personnelles (nationalit, sexe, ge, catgorie socioprofessionnelle, anciennet) et celles du contrat de travail (systme de rmunration et d'indemnisation, temps de travail, travail en quipes). En 1986, environ 16 200 units de product ion t interroges. Nous disposons ainsi des ont salaires et des caractristiques individuelles pour 680 000 de leurs salaris. Dans notre tude, par souci d'homognit, seuls les salaris de 18 59 ans, pays intgralement sur l'an ne, c'est--dire n'ayant pas subi de retenue de salaire (pour absence, pour maladie, etc.), ont t conservs. Parmi eux, les salaris dont les rmunr ationstaient infrieures au SMIC ou situes plus de six cart-types du salaire prdit par les modles d'analyse de variance, ont t limins.

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tions (technicien devenant cadre, ouvrier OP2 devenant OP3, par exemple), la catgorie socioprofessionnelle et le niveau de qualification ne sont pas des caractristi ques permanentes du salari. En outre, le choix combi nla CS et de la qualification, d'une part, et de l'ge, de d'autre part, n'est pas entirement cohrent. En effet, lors des promotions, il est fort probable que l'exp rience acquise dans la CS ou la qualification d'origine ne soit pas intgralement transfrable dans la nouvelle position : de ce fait, comme nous le verrons plus tard, l'estimation de l'impact, et de la CS et de l'ge, pourra en tre perturbe. Dans le cas o il n'y aurait aucune transfrabilit des comptences lors d'une promotion, une variable mieux adapte aurait t l'anciennet du salari sur le march du travail dans ses CS et qualifi cation. Le capital humain spcifique participe, lui, de la car rire du salari au sein de l'entreprise. Son accumulat ionsuivie ici par l'anciennet du salari dans son sera entreprise. De mme que pour l'ge, du fait des promot ions internes, l'impact rel de l'anciennet ne pourra pas tre mis en vidence.

tissement car moins susceptibles de quitter l'entreprise qui a investi pour complter leur formation. Le signal pour l'employeur est toutefois ambigu : un salari mar i, surtout s'il a des enfants, pourrait avoir moins le d sir ou plus de difficults qu'un clibataire s'investir dans son travail. La thorie du signal pourrait expliquer l'inscription de la relation d'emploi dans la dure et l'existence d'un profil de carrire croissant, notamment en dbut de car rire puisqu'en particulier, chacun des agents va pro gres ivement combler son manque d'information sur l'autre, grce l'change de nouveaux signaux. ... ou du ct de l'offre

L'information du salari sur les possibilits d'emploi qui lui sont offertes est galement imparfaite. Il n'a pas en ralit le choix entre plusieurs offres simultanes dont il connatrait toutes les caractristiques. Les offres se prsentent successivement au cours d'un processus de recherche coteux pour le salari. Pour juger d'une proposition, il ne peut se rfrer qu' une distribution En fait, la distinction entre capital gnral et capital sp subjective de propositions salariales. Il doit donc cha cifique peut tre prolonge jusqu' ne plus supposer que fois tablir un bilan cot-avantage entre poursuivre l'homognit de chacun des deux types de capital hu sa recherche et accepter le poste propos. Selon la tho main (Willis [25]). Divers groupes de capital, non tot rie la recherche d'emploi (job search, Lipman-Mac de alement substituables les uns aux autres, peuvent donc Call [13]), la stratgie optimale pour chaque individu exister : ils correspondent notamment des tches sp revient accepter le premier emploi assorti d'un salaire cialises (par exemple, un diplme d'anglais permet suprieur un certain niveau, dit galement salaire de d'enseigner cette langue ; en tant que tel, il ne permet rserve qui dpend, entre autres, de sa prfrence pour le prsent et de son aversion pour le risque. pas d'exercer des professions techniques, juridiques, mdicales, etc.). L'existence de micro-marchs (par type de diplme, par qualification, par secteur d'activi t) trouve par l-mme justifie. s'en Des asymtries d'information, du ct de la demande... Les thories rcentes inscrivent la relation d'emploi dans la dure

Jusqu' prsent, nous avons maintenu le prsuppos de La plupart des nouvelles thories mettent en avant la d parfaite information des diffrents acteurs. Dans la imension temporelle de la relation d'emploi : celle-ci est durable et ne rsulte donc pas d'une confrontation in thorie du signal (Spence [22]), dont les consquences ne sont pas toujours discernables empiriquement de stantane entre une offre et une demande. Trois cou celles du capital humain - cette dernire pouvant s'ana rants de pense se sont progressivement dgags selon lysercomme stratgie d'acquisition d'un signal -, cette qu'ils font jouer un rle central aux contrats implicites hypothse n'est plus retenue. En particulier, les em(Azariadis [2], Perrot [17]), aux incitations (salaire ployeurs ignorent les capacits relles des postulants d'efficience) ou la segmentation et au dualisme du l'embauche : ils seront alors attentifs aux "signaux" march du travail. mis par ceux-ci, par exemple leur niveau de formation. Ainsi, selon cette thorie, les diplmes n'accroissent pas tant la productivit des individus qu'ils n'en rvl Les contrats implicites ent, par un signal non manipulable, les potentialits in trinsques, inconnues de l'employeur. La relation de travail s'inscrit dans un environnement incertain. En particulier, la conjoncture future n'est pas D'autres signaux peuvent tre considrs comme per connue au moment de l'embauche : les salaris igno tinents par l'employeur. Citons entre autres le sexe du rentdonc la dure de leur emploi et l'volution de leur salari, sa nationalit, sa situation familiale et sa mobil rmunration. Pour se prmunir contre des variations it passe. Seuls les deux premiers pourront tre tu trop brutales de revenu, les salaris (ressentant de dis ici. l'aversion pour le risque) pourront s'engager avec leur employeur (si celui-ci est neutre vis--vis du risque) Par exemple, les salaris maris seront supposs a prior dans des relations durables de travail qui s'apparente i stables et donc plus rentables en termes plus ront contrats implicites : quelle que soit la des ECONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992 11

conjoncture, l'entreprise s'engagera verser un salaire donn. L'employeur y trouve avantage car, en moyenne, il paie moins les salaris qui s'acquittent en fait d'une prime de risque. En dfinitive, le march du travail sera soumis aune certaine rigidit (emploi et sa laire), souvent gnratrice de chmage. Les thories du salaire d'efficience Les entreprises peuvent ignorer le niveau d'effort de leurs salaris ou les capacits relles des candidats. Pour les augmenter, elles pourront avoir recours des mesures incitatives. En effet, selon les thories du salaire d'efficience, cer taines entreprises, dans l'incapacit d'assurer un contrle du travail vritablement efficace ou confront es cots prohibitifs qu'une telle procdure ncess aux iterait, peuvent avoir intrt pratiquer une politique salariale plus "gnreuse" que celle du march : comme il existe malgr tout un contrle minimal du travail, leurs salaris sont alors incits l'effort car sinon ils risquent de se faire licencier et de perdre leur avantage salarial (hypothse du risque moral ou du "tire-auflanc", Shapiro-Stiglitz [20]). En outre, toute augment ation salaire induira une croissance de l'effort. En du effet, la perte subie lors d'un licenciement est accrue : d'une part, parce que le surcrot de salaire par rapport aux conditions du march concurrentiel ou aux indemn its chmage a augment ; d'autre part, puisque le de chmage s'accrot et donc aussi la difficult de retrou ver facilement un emploi. Le salaire optimal est dit d'"efficience" : il est tel que son lasticit par rapport l'effort est unitaire c'est--dire que la productivit mar ginale du travail efficace (emploi multipli par la pro ductivit) est gale au salaire. De mme, l'embauche, les entreprises valuent sou vent mal les aptitudes relles des candidats : en l'ab sence de signaux clairs, celles qui ont un besoin crucial de personnel qualifi peuvent galement pratiquer un salaire d'efficience pour attirer les salaris ayant les plus hauts salaires de rserve et donc les plus compt ents ces deux aspects sont lis (slection adverse, si Weiss [24]). Cette ventuelle corrlation entre salaire de rserve et efficacit est toutefois fortement critiqua blede fortes rmunrations pourront galement in car citer les agents les moins enclins travailler - ceux qui ont une forte dsutilit du travail - se prsenter. D ' autres entreprises se doivent de fidliser leur person nel : elles minimisent ainsi les cots lis la ro qualifi tation des salaris (cots directs comme les indemnits de licenciement, les frais de recrutement et de format ion, cots indirects du fait des effets nfastes sur le mor al des salaris en place pouvant induire une baisse de leur productivit) et bnficient plein du capital sp cifique qu'ils ont accumul (turn-over, Stiglitz [23]). En contrepartie, les salaris en place acquirent un cer tain pouvoir de ngociation qui leur assure une "quasirente salariale" (insiders/outsiders, Iindbeck-Snower [12]). Selon la thorie des ngociations salariales, 12

cette quasi-rente peut galement apparatre ou se ren forcer en prsence d'un syndicat. Tout laisse penser que la relation d'efficience sera cru ciale dans les grandes units. En effet, le contrle du tra vail y cote plus cher, l'organisation des tches tant plus complexe : les grandes firmes auront souvent in trt pratiquer une politique salariale plus leve que le march. Ce devrait tre galement le cas des secteurs les plus capitalistiques puisque le cot de la dfection d'un salari y est plus lev. Al'inverse, les secteurs em ployant une main-d'oeuvre faiblement qualifie ont moins intrt que les autres fidliser leurs salaris et donc dvelopper des marchs internes (PlassardTahar [19]). Les salaires devraient tre galement plus faibles dans les secteurs o la productivit individuelle des salaris est facilement observable (rmunration la pice par exemple). Le dualisme du march du travail D' un point de vue descriptif, la nature segmente, struc ture du march du travail est souvent souligne. Les t enants de l'approche par la segmentation (Doeringer et Piore [5]) opposent, d'une part, un march primaire ou interne o les salaires sont levs, les conditions de travail meilleures et o les carrires se dveloppent grce aux avancements et promotions ; d'autre part, un march secondaire ou externe, de type concurrentiel o les salaires sont faibles et les emplois prcaires. La ligne de partage de ces deux marchs pourra se situer entre entreprises (par exemple, grandes units par opposition aux PME) ou en leur sein mme (par exemple, contrats dure dtermine et contrats dure indtermine). Du point de vue du fonctionnement dynamique du mar ch du travail, les analyses par la segmentation ont galement mis en vidence l'existence de marchs locaux du travail. Les thories du dualisme du march du travail, ten tent de fdrer les approches prcdentes afin de donner un soubassement thorique la naissance et la prenn it marchs primaire et secondaire (Zajdela [26], des Perrot [18]). Elles drivent du fait qu'en environnement incertain, les agents trouvent mutuellement intrt mettre en place des contrats implicites de long terme ga rantis ant une certaine scurit d'emploi : c'est le mar ch primaire ou interne {^'insiders"). En cas de conjoncture favorable, les entreprises pourront recruter des travailleurs supplmentaires, mais qui ne bnficie rontdes mmes garanties (si la conjoncture se re pas tourne, il seront licencis) : c'est le march secondaire (' 'outsiders"). Le march primaire est relativement pro tg des forces concurrentielles l 'oeuvre sur le march secondaire o les rapports salaris-entreprises sont d sincarns et ne portent que sur la force de travail : le sa laire y est plus lev, l'emploi garanti (et rationn). En effet, dans certaines entreprises, des politiques incita tivessont mises en place (salaire d'efficience, modle du "tire-au-flanc") ; dans d'autres, la prsence d'un syndicat ou l'existence de cots de rotation (salaire d'efficience, modle du turn-over) confre aux salaris en place un pouvoir de ngociation. CONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992

Les dterminants du salaire Les dterminants du salaire sont donc nombreux. Pour notre tude, nous retiendrons tout d'abord, d'aprs la thorie du capital humain, la catgorie socioprofessionn elle et l'exprience professionnelle du salari sur le march du travail (l'ge) ou dans l'entreprise (l'ancien net), dernire variable tant galement fonda cette mentale pour les tenants de la thorie du dualisme (fonctionnement du march interne) ; puis, notamment en tant que signaux pour l'employeur, son sexe et sa na tionalit ; ensuite, conformment aux thories du sa laire d'efficience, de la ngociation ou du dualisme, le systme de rmunration du salari (au temps, au ren dement, etc.), le secteur et la taille de l'tablissement ou de l'entreprise ainsi que d'autres caractristiques de l'employeur (existence d'une convention collective, d'un accord d'tablissement, du travail en quipe ou de nuit, part des ouvriers, des trangers, des femmes dans les effectifs) ; le nombre d'quipes (pour les ouvriers) ; enfin, pour tenir compte des aspects locaux du march du travail (segmentation), le dpartement d'implantat ion de l'tablissement (3). Nous supposerons que les effets de ces diffrents dterminants du salaire (sexe, ge, anciennet, qualification, secteur, etc.) se conju guent de faon multiplicative en sorte que le salaire d'un individu donn est, un terme rsiduel prs, le pro duit de l'influence de chacune de ses caractristiques socio-conomiques.

primaire : de ce fait, l'estimation de l'effet de l'exp rience professionnelle sera donc fausse et le sera d'au tantplus que de tels mouvements seront frquents. En l'absence d'informations pertinentes nous permett ant dfinir a priori la segmentation le plus appro de prie du march du travail, le nombre d'analyses conduire est relativement important (pour le moins sur tous les croisements CS x secteur x taille). Une voie m diane sera adopte ici. Les dterminants du salaire se ront tudis sur les sous-populations suivantes : les hommes, les femmes ; et parmi les hommes, les cadres suprieurs, les techniciens et agents de matrise, les em ploys, les ouvriers. Faute de disposer des mmes va riables pour les secteurs de l'industrie et des services, nous avons t amens les tudier sparment.

3. Des approches analo guesont t conduites sur des donnes d'enqute En% auprs des mnages, Glaude [6] et PlassardIndustrie Services Tahar [19]. Les spci 12,5 11,3 Toutes qualifications fications sont toutefois diffrentes : les rsultats Ouvriers (niveau) ne sont donc pas rigou non qualifis 1 9,8 // reusement comparables L'analyse de variance permet alors de mettre en vi non qualifis 2 12,4 II avec ceux prsents ici, dence l'influence spcifique - "toutes choses gales par 13,1 II mme si les diffrents ailleurs" - de chacune des caractristiques (voir an semi qualifis 3 effets jouent dans le mme semi qualifis 4 12,4 II nexe). qualifis 5 15,1 II qualifis 6 17,5 II En toute rigueur, cette dcomposition ne devrait pas trs qualifis 7 20,2 II tre mene sur la population dans son ensemble mais Employs plutt de faon indpendante sur un certain nombre de non qualifis 9,5 4,4 sous-marchs puisqu'il n'y a pas lieu de supposer a qualifis 8,0 7,0 priori que les dterminants du salaire y soient les trs qualifis 8,2 10,8 mmes ou qu'ils aient la mme influence. Ainsi, par exemple, dans l'hypothse o la taille de l'unit de pro Agents de matrise duction permettrait de distinguer les secteurs primaire 1 er niveau 12,8 11,3 et secondaire (thorie de la segmentation), deux mod 2me niveau 17,2 11,7 les spars devraient tre tests : l'un sur les grandes Techniciens entreprises (secteur primaire), l'autre sur les petites et ordinaires 7,3 9,5 moyennes (secteur secondaire). En effet, la thorie pr suprieurs 15,6 15,6 voit que les dterminants du salaire, et particulirement Ingnieurs et cadres l'exprience, joueront de faon diffrente sur chacun dbutants 15,4 14,5 des marchs. confirms 17,2 19,1 suprieurs 28,9 39,3 Mais, l encore, le fait de ne disposer que d'une photo //: non disponible. graphie des situations socio-conomiques des salaris un instant donn rend dlicate l'estimation des qua Lecture : en 1986, "toutes choses gales par ailleurs", c'est-tions de gain dans chacun des sous-marchs chaque fois dire ge, anciennet, catgorie socioprofessionnelle, quali fication dtaille, nationalit, secteur, taille, etc., identiques, que la dlimitation de ces marchs impose de recourir les hommes percevaient un salaire suprieur de 12,5 % celui des caractristiques non permanentes des salaris. des femmes dans l'industrie. Pour les cadres confirms de Dans notre exemple, certains salaris ont pu, au cours l'industrie, l'cart hommes/femmes tait de 17,2 %. de leur carrire, passer d'une petite entreprise une Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays int grande et donc changer de march du travail. Pour eux, sur l'anne. l'exprience acquise sur le march secondaire ne sera gralement Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986. vraisemblablement que de peu de valeur sur le march CONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992 13

Tableau 1 L'effet du sexe sur les salaires selon la qualification dtaille : carts entre les hommes et les femmes

4. Nous ne traiterons pas ici de l'autre aspect de la discrimination : les ven tuelles barrires sexistes l 'accs certains emplois.

5. Nous nous limiterons dornavant aux hommes. Dans le cas des femmes, les dterminants du salaire sont moins nets : en fait, leur mise en v idence ncessiterait de modliser les entres et Des ouvriers non qualifis les sorties du march du aux cadres suprieurs travail, ce qu 'il n 'est pas possible dfaire partir de donnes collectes D'une catgorie l'autre, parmi les hommes (5), les carts auprs des seuls em de salaire sont relativement forts : "toutes choses ployeurs. gales par ailleurs", un ingnieur ou cadre de niveau 14

Tableau 2 L'effet de la catgorie socioprofessionnelle et de la qualification dtaille sur les salaires des hommes En% Industrie Btiment Services Ouvriers (niveau) nonqualifies 1 (rf.) 0 0 0 non qualifis 2 3,2 0,3 2,8 Cet cart est particulirement lev au sein des ing semi qualifis 3 4,9 5,9 1,5 nieurs et cadres (pour l'industrie : de 15 % parmi les ca semi qualifis 4 10,5 5,7 10,0 dres dbutants prs de 29 % pour les cadres qualifis 5 16,5 8,5 13,2 confirms). Au sein de chacune des catgories socio qualifis 6 25,3 13,4 18,5 profes ionnel es, l'cart entre les hommes et les trs qualifis 7 33,7 22,8 25,6 femmes crot avec la qualification : pour les ouvriers, il Employs est de 10 % parmi les manoeuvres (niveau 1) et de 20 % non qualifis 10,0 18,1 3,0 parmi les ouvriers trs qualifis (niveau 7). Il est en r evanche plus faible au sein des employs, une catgorie qualifis 18,0 23,7 16,1 plus fminise que les prcdentes. trs qualifis 36,6 46,8 29,8 Agents de matrise Peut-on pour autant parler de discrimination salariale 1 er niveau 50,3 49,3 35,8 (4) rencontre des femmes ? Les donnes ne permett 2me niveau 70,9 68,9 54,3 ent de trancher car on ne peut assurer que l'on com Techniciens pas pare des hommes et des femmes ayant des situations ordinaires 43,7 51,8 48,2 socioprofessionnelles rellement identiques. En effet, suprieurs 65,7 77,9 62,6 la nature actuelle des donnes nous contraint de mesur Ingnieurs et cadres er l'exprience sur le march du travail par l'ge. On dbutants 119,8 129,4 108,1 ne tient donc pas compte des arrts d'activit des 174,2 femmes. Or, ge gal, l'exprience professionnelle confirms 156,0 148,6 d'un homme est en moyenne plus leve que celle d'une suprieurs 247,6 244,1 246,8 femme, les arrts de maternit faisant plus que compens rf. : niveau de rfrence. er le service national : il n'est donc pas tonnant qu' Lecture : en 1986, "toutes choses gales par ailleurs", c'est-ge identique, le salaire des hommes soit suprieur. dire ge, anciennet, catgorie socioprofessionnelle, qualification dtaille, nationalit, secteur, taille, etc., D'autre part, d'un sexe l'autre, l'accumulation de ca identiques, les ouvriers trs qualifis percevaient, dans 33,7 % celui des ouvriers pital humain pourrait tre diffrente, sans que cela soit l'industrie, un salaire suprieur decomme rfrence. Pour les non qualifis de niveau 1, pris toujours discernable par la seule connaissance de la ca techniciens suprieurs, l'cart tait de 65,7 %, toujours par tgorie socioprofessionnelle ou de l'exprience profes rapport aux ouvriers non qualifis de niveau 1. sionnelle. En particulier, les femmes pourraient suivre des enseignements de moindre rentabilit (tudes litt Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays int gralement sur l'anne. raires plutt que scientifiques) ou moins investir en mat Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986. ire de formation dans l'entreprise, notamment si elles prvoient d'avoir une activit professionnelle discon tinue,plus heurte ou plus courte que celle des hommes ou si elles considrent leur rmunration comme un se suprieur gagnait en 1986 environ 3,5 fois plus qu'un cond salaire ou mme un revenu d'appoint pour le m manoeuvre de niveau 1 dans l'industrie, 3,4 fois plus nage (Sofer [21]). Par ailleurs, les femmes maries qu'un employ non qualifi (tableau 2). pourraient avoir une moindre disponibilit profession nelle hommes maris puisque ce sont elles qui que les Au sein de chacune des catgories socioprofessionn elles, varient selon le niveau de qualificat les salaires assurent encore actuellement l'essentiel des "soins du Les mnage". Pour ces raisons, les employeurs pourraient ion. carts entre qualifications extrmes sont interprter le fait d'tre une femme comme le signal particulirement forts dans le cas des cadres (60 % entre d'une moindre performance ou d'une moindre rentabil les niveaux "dbutant" et "suprieur" de l'industrie). Ils it les investissements qu'ils entendent consacrer sont de 34 % au sein des ouvriers, de 24 % au sein des pour la main-d'oeuvre. employs. Les femmes touchent des salaires moins levs que leurs collgues masculins En 1986, dans l'industrie, les hommes touchaient, "toutes choses gales par ailleurs", c'est--dire cat gorie socioprofessionnelle, ge, anciennet, nationalit , d'activit, etc., identiques, un salaire brut secteur suprieur d'environ 12 % celui de leurs collgues f minins (tableau 1). Ces carts de salaire s'expliquent notamment par un degr plus ou moins fort d'accumulation de capital humain. Une partie importante des cadres suprieurs possdent un haut niveau de formation. Pour eux, le capital humain, de nature plutt gnrale, est lev. C'est le cas galement des cadres promus, souvent grce de forts investissements spcifiques. A l'inECONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992

verse, le niveau de formation des ouvriers et des emGraphique I L'effet de l'ge sur les salaires des hommes ploys est relativement plus faible. dans l'industrie Un impact positif de l'ge du salari... Conformment la thorie du capital humain, l'effet de l'ge sur le salaire est positif, tout du moins jusqu' 45 ou 50 ans (graphique I). L'effet de l'ge sur le salaire s'amortit lorsque l'ge augmente. En effet, en l' absence de contraintes particu lires (financires, familiales, etc.), l'acquisition de ca pital humain se fait principalement en dbut de carrire. Les investissements diminuent ensuite progressive ment part, au fur et mesure que le stock de ca : d'une pital humain crot, le rendement de l'investissement supplmentaire dcrot ; d'autre part, la priode de ren tabilisation diminue. Cet impact de l'ge est relativement faible pour les ca tgories les moins qualifies, ouvriers et, dans une moindre mesure, employs : "toutes choses gales par ailleurs", les ouvriers de 50 ans gagnaient 12 % de plus que ceux gs de 20 ans ; l'cart correspondant est de 21 % dans le cas des employs. Il est en revanche plus fort pour les techniciens et agents de matrise (39 %) et surtout pour les cadres (76 %). Les donnes, obtenues sur coupe transversale, sont tou tefois mal adaptes l'tude des effets de l'exprience. La dcroissance de l'impact de l'ge est artificiellement 6. Correctement estim amplifie (6) par les promotions (ouvrier nomm sur donnes longitudi contrematre, technicien devenant cadre) : pour les nales(Lollivier-Payen non-cadres, la stabilisation voire la baisse apparente du [14]), l'impact de l'ge salaire au-del d'un certain ge pourrait rsulter du fait est toujours positif, mme que ne subsistent alors au sein de chacune des catgor aprs 45 ans, saufdans le ies les salaris qui n'ont pas russi tre promus que cas des employs. dans la catgorie suprieure et qui, vraisemblablement, ont toujours dispos des rmunrations les plus basses ; de mme, il est probable que, parmi les cadres, ceux pro mus aient, ge gal, un salaire plus faible puisque, d'une part, l'exprience acquise dans leur catgorie so cioprofes ion el d'origine n'est pas transfrable en totalit dans leur nouvelle catgorie et que, d'autre part, ils doivent tre en moins bonne position pour ngocier leur nouveau salaire : leur promotion leur assurant dj une augmentation, il leur est difficile d'exiger un rattr apage intgral. ... mais aussi de son anciennet au sein de l'entreprise Conformment la thorie du dualisme du march du travail, du fait de la quasi-rente des salaris en place, la rentabilit de l'exprience est meilleure dans l'entre prise(march interne) que sur le march du travail (march externe). Ainsi, "toutes choses gales par ail leurs", l'effet de l'anciennet est positif : une anne sup plmentaire d'exprience dans l'entreprise apporte un gain de salaire qui vient s'ajouter au gain li l'ge (l'exprience professionnelle sur le march du travail s'est galement accrue d'un an). ECONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992 Effet sur le salaire (%) 60 50 40 30 20 10 /, Cadres y / Techniciens, matrise Employs ---. Ouvriers ~

20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 Classes d'ges Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays int gralement sur l 'anne. Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986. "Toutes choses gales par ailleurs", l'effet de l'ancien net particulirement fort pour les employs (dans est l'industrie, par rapport aux salaris rcemment embauc hs, de 10 ans d'anciennet gagnaient 9,1 % de ceux plus en 1986, ceux de 20 ans 15,5 %) et dans une moin dre mesure, pour les ouvriers (8,2 % et 12,9 %) et pour les techniciens et agents de matrise (5,6 % et 9,4 %). En revanche, il est plus limit pour les cadres suprieurs : dix ans d'anciennet leur procuraient un gain de seule ment 4,4 %, vingt ans 5,3 % (graphique II). Le fait que la prime d'anciennet (7) soit proportionnel lement plus faible pour les hauts salaires n'est sans doute pas tranger cette moindre rentabilit apparente de l'anciennet pour les cadres. Cependant, un autre phnomne doit galement jouer. Le march primaire des cadres est plutt un march "inter-entreprises" (mobilits), celui des ouvriers plutt "intra-entreprise" (avancements, promotions internes). En effet, le capital humain des cadres est surtout de na ture gnrale, donc plus facilement transfrable d'une entreprise l'autre : pour eux, la mobilit est ainsi g nralement volontaire (dmissions) et signe de dyna misme. En revanche, le capital humain des ouvriers et des employs est davantage de nature spcifique : leurs mobilits sont, de ce fait, plus souvent subies (licencie ments, de contrat dure dtermine) (Le Goff-Le fins Pluart [11]). Aussi, le rendement de l'exprience sur le march primaire devrait-il tre apprci plutt par 7. // 5 'agit ici de la prime verse la plupart des salaris du sec teur priv et dont le montant est calcul en fonction de l'ancien net l'entreprise. dans 15

l'exprience sur le march du travail (approche ici par l'ge) dans le cas des cadres, plutt par l'anciennet dans l'entreprise pour les autres. Comme dans le cas de l'ge, le profil du salaire selon l'anciennet est concave. Pourles employs, une anne d'anciennet supplmentaire rapportait en moyenne 1,0 % en dbut de carrire puis 0,8 % dix ans, 0,5 % vingt ans et 0,1 % trente ans. Graphique II L'effet de l'anciennet sur les salaires des hommes dans l'industrie 20 Effet sur le salaire (%) Employs 15 Ouvriers

Les trangers : les cadres et les autres catgories Parmi les hommes cadres travaillant dans l'industrie, les trangers percevaient, "toutes choses gales par ai l eurs", un salaire suprieur celui des Franais : + 12 % pour les Europens du Nord, + 7 % pour ceux du Sud, + 3 % pour les Asiatiques (tableau 3). En revanche, au sein des autres catgories socioprofes sionnelles,les trangers apparaissent dsavantags par rapport aux salaris franais. Parmi les ouvriers, l'cart tait de - 6 % pour les ressortissants des pays d'Afrique du Nord, de - 10 % pour ceux des autres pays d'Afrique et de - 9 % pour les Asiatiques. Parmi les techniciens et agents de matrise, les trangers non europens se dis tinguent nettement des autres par des salaires sensible ment faibles que ceux des Franais. plus Plusieurs facteurs permettent d'expliquer des salaires moins levs pour les salaris trangers peu qualifis. Pourdes raisons videntes (culturelles, sociales, cono miques), les salaris trangers sont moins bien insrs que les autres dans la socit franaise. Ils seront donc plus susceptibles d'tre cantonns au secteur secon dairedu march du travail, l o les salaires sont les plus faibles. Ceci jouera tout particulirement pour les tran gersfaiblement qualifis des pays non europens, sou vent contraints par ncessit s'expatrier. En revanche, pour les salaris originaire d'Europe occidentale et pour les cadres suprieurs de tout pays, l'expatriation se fera frquemment dans de tout autres conditions : dans le cadre d'entreprises transnationales, aprs une scolarit de haut niveau en France, etc. Dans bien des cas, la dcision de venir travailler en France sera condi tionne par la certitude de pouvoir accder aux seg ments les plus favorables du march du travail (march primaire). Le travailleur tranger pourrait avoir "un salaire de r serve" diffrent de celui de ses homologues franais : plus faible pour les ressortissants des pays moins dve lopps, plus lev sinon. En effet, dans ce dernier cas, pour quitter un pays dvelopp, il faut vraisemblable ment par un surcrot de salaire faisant plus que tre attir compenser les cots lis l'migration. Dans le premier cas, les incitations seront en revanche diffrentes. D ' une part, le salari pourrait apprcier la rmunration offerte par rapport la situation de son pays d'origine o le niveau des prix et des salaires est bas. D'autre part, son incitation tre employ pourrait tre plus forte (impossibilit de rentrer au pays sans avoir russi, plus grande difficult faire face aux dpenses entranes par une longue priode de recherche d'emploi, etc.). Enfin, moins bien insr dans la socit franaise, il pourrait avoir une moins bonne apprciation du niveau de salaire auquel il peut prtendre.

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0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 Annes d'anciennet Champ : salaris de 18 59 ans temps complet etpays int gralement sur l'anne. Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986. Tableau 3 L'effet de la nationalit dans l'industrie sur les salaires des hommes

En%

Nationalit Ouvriers Employs Techniciens, Cadres matrise Europe du Nord ns ns 4,5 12,1 Europe du Sud ns ns -5,0 6,6 Afrique du Nord -5,7 ns -13,2 ns Autres Afrique -9,9 ns -13,1 ns Asie -8,9 -17,4 -8,6 2,9 0 0 France (rf.) 0 0 ns : non significativement diffrent de zro. rf. : niveau de rfrence. Lecture : en 1986, "toutes choses gales par ailleurs", les ouvriers d'Afrique du Nord percevaient, dans l'industrie, un salaire infrieur de 5,7 % celui de leurs collgues franais. Cet cart tait de - 13,2 % au sein des techniciens et agents de matrise. La nationalit constitue galement un signal pour l'em Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays int ployeur. Mais le fait mme d'tre un tranger immigr gralement sur l 'anne. vhicule un message ambigu. La dcision de s'tre expatri peut rvler un dynamisme particulirement Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986. 16 CONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992

lev, voire une aversion faible pour le risque, auquel cas le prjug favorable pourra se doubler d'une crainte sur la fidlit future du salari : celui-ci peut donc repr senter un investissement risqu pour l'entreprise. Ce peut tre au contraire le signe qu'il est particulirement mauvais, chass de chez lui faute de pouvoir s'y int grer, ou qu'il est trs "myope", par exemple victime du mirage de "l'Eldorado" des pays dvelopps. Par ail leurs, pour les trangers, l'observabilit du capital hu main pourrait tre plus faible, notamment pour les ressortissants des pays non dvelopps (cultures diff rentes, absence de "rfrences" antrieures, non comparabilit des diplmes), tout du moins au dbut de carrire puisque par la suite les salaris trangers se rvleront par leur travail : ceci justifierait un salaire d'embauch plus faible. Des salaires plus levs dans les grandes units de production Dans l'industrie, le salaire est plus fort dans les grandes units de production que dans les petites. Globalement, pour un homme, le fait de travailler dans un tabliss ement plus de 5 000 salaris apporte, "toutes choses de gales par ailleurs", un surcrot de salaire de 10 % vis-vis des units de 10 19 salaris. Cet cart est de l'ordre de 9 % pour les ouvriers, les employs et les techniciens-agents de matrise ; il est de 16 % pour les cadres. Dans les activits tertiaires, l'impact de la taille d'entreprise est moins net (tableau 4).

et des PME sous-traitantes, une meilleure implantation syndicale. Les activits conomiques 'Toutes choses gales par ailleurs", au sein de l'indust rie, salaires taient plus levs dans les secteurs du les ptrole (+ 18,2 % par rapport au caoutchouc, pris conventionnellement comme rfrence), de l'imprimerie-presse-dition (+ 9,9 %), de la chimie de base (+ 6,3 %) et du papier-carton (+ 4,4 %). En revanche, les salaires taient plus faibles dans les industries lgres comme le cuir-chaussures (- 9,5 %), le bois-ameublement (- 5,9 %) et le textilehabillement (- 5,6 %), ainsi que dans la sidrurgie (- 5,4 %). Au sein des services, les organismes finan ciers se distinguaient des autres par des salaires nett ement plus forts (tableau 5). Ces rsultats ne confirment que partiellement les pr supposs thoriques. En 1986, les salaires taient plutt plus faibles dans les industries lgres mais, parmi les secteurs les plus capitalistiques ou parmi ceux o les syndicats sont fortement implants, seuls la chimie de base, la mtallurgie des non-ferreux et la construction aronautique et navale, d'une part, et Pimprimeriepresse, d'autre part, versaient des salaires relativement levs.

D' autres raisons peuvent expliquer des carts entre sec teurs. Dans certaines activits conomiques, notam Ce rsultat est conforme aux attendus des thories du ment les organismes financiers, les entreprises salaire d'efficience. Des arguments d'autre nature bnficient d'une situation de quasi-monopole ou pourraient galement plaider en faveur de plus hauts sa d'oligopole : elles captent une partie du surplus cono laires dans les grandes entreprises : des conomies mique et peuvent plus facilement en distribuer une part d'chelles, tout du moins jusqu' une certaine taille ie leurs salaris. A cet gard, le rle des syndicats d'entreprise, permettant une productivit plus leve et professionnels doit tre mentionn dans la mesure o ils donc une rmunration suprieure, une relation asymt favorisent l'change d'informations entre les entre rique entre des grandes entreprises donneuses d'ordres prises d'une mme branche et donc une certaine Tableau 4 Effets de la taille de l'tablissement et de la taille de l'entreprise sur les salaires des hommes L'effet de la taille de l'tablissement dans l'industrie Nombre de Ouvriers Employs Techniciens, Cadres salaris matrise 10 19 (rf.) 0,0 0,0 0,0 0,0 20 49 1,6 -0,5 0,3 4,8 50 99 0,9 3,0 0,9 5,3 100 199 2,8 3,1 2,7 6,4 200 499 5,4 3,9 3,5 9,3 500 999 8,7 5,2 11,4 7,0 1000 4 999 10,0 8,6 7,5 11,7 Plus de 5 000 9,0 9,3 7,8 15,5 rf. : niveau de rfrence. Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays intgralement sur l'anne. Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986.

En% L'effet de la taille de l'entreprise dans les services Ouvriers Employs Techniciens, Cadres matrise 0,0 0,0 0,0 0,0 -0,2 1,9 3,3 2,9 -0,1 3,6 7,9 4,7 0,8 0,8 2,9 2,3 2,3 -2,5 3,6 1,3 2,7 0,1 1,0 0,6 0,3 2,6 4,3 2,9 1,1 -8,9 -1,7 -6,0

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Tableau 5 L'effet du secteur d'activit sur les salaires des hommes Secteur d'activit conomique Hommes Ouvriers Employs Techniciens, matrise

En% Cadres

Industrie T02 Industries viande et lait -2,7 1,0 -5,3 -4,9 -4,9 T03 Autres industries agro-alimentaires 3,7 6,7 2,7 1,8 0,3 T04 Charbon -0,1 11,4 -7,3 -10,7 -11,8 T05 Ptrole, gaz naturel 18,2 18,4 18,1 18,9 12,2 T07 Minerais et mtaux ferreux -5,4 -5,2 -7,8 -8,5 3,4 T08 Minerais et mtaux non ferreux 4,6 4,2 9,6 3,1 9,4 T09 Matriaux de construction -2,7 -0,2 0,4 0,1 -1,2 T10 Verre 1,7 1,9 -2,9 -1,3 -3,2 T1 1 Chimie de base 6,3 3,4 2,6 5,9 13,0 T12 Parachimie, pharmacie -0,6 0,2 2,0 0,8 4,5 T1 3 Fonderie, travail des mtaux -0,1 4,2 -3,5 -1,1 -6,0 T14 Construction mcanique -2,5 2,3 -3,1 -4,0 -7,7 T15 Construction lectrique, lectronique -1,7 2,3 -1,1 -3,4 -3,3 T16 Automobiles, matriel ferroviaire -2,9 0,8 -1,0 -4,0 -4,2 T17 Construction aronautique, navale 4,2 -2,4 3,4 10,5 1,8 T1 8 Textile et habillement -5,6 -5,3 -4,2 -7,1 0,6 T1 9 Cuir et chaussures -9,5 -7,8 -2,4 -9,5 -5,6 T20 Bois et ameublement -5,9 -3,6 -3,3 -3,6 -1,8 T21 Papier-carton 4,4 3,0 6,3 7,4 9,5 T22 Imprimerie-presse-dition 9,9 1,5 9,6 16,8 -2,2 T23 Caoutchouc et plastiques (rf.) 0 0 0 0 0 Services T25 Commerce de gros alimentaire -14,6 -20,7 -12,0 -8,8 -11,2 T26 Commerce de gros non alimentaire -13,7 -13,2 -21,5 -6,8 -8,5 T27 Commerce de dtail alimentaire -17,8 -12,4 -22,3 -16,0 -19,0 T28 Commerce de dtail non alimentaire -11,7 -22,2 -13,9 -16,8 -14,8 T33 Services aux entreprises -17,4 -9,6 -6,9 -3,9 -3,8 T36 Assurances -15,1 -3,9 -15,3 -14,6 -14,4 T37 Organismes financiers (rf.) 0 0 0 0 0 rf. : niveau de rfrence. Lecture : le tableau comporte deux parties indpendantes. La premire donne l'estimation des carts de salaire entre secteurs indust riels, la rfrence tant l'industrie du caoutchouc et du plastique. La seconde est relative aux activits de services. Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays intgralement sur l'anne. Source : INSEE, enqute sur la structure des salaires en 1986. convergence de leurs pratiques, qui pourrait entraner certains comportements oligopolistiques. L'opposition Paris-Province "Toutes choses gales par ailleurs", dans l'industrie, l'Ile-de-France se distinguait nettement des autres rgions par des salaires sensiblement plus levs (+ 12,4 % par rapport la rgion Centre, prise comme rfrence). Parmi les rgions de province, les carts sont moins tranchs. Cependant, des rgions fortement urbanises comme l'Alsace (+ 5,1 %), ProvenceAlpes-Cte d'Azur (+ 4,6 %) et la Haute Normandie (+ 4,0 %) s'opposent des rgions plus rurales comme le Limousin, Midi-Pyrnes, Poitou-Charentes et la Bretagne (carte 1). 18 Diverses observations peuvent tre rapproches de cette opposition apparente entre rgions urbaines et rurales. Tout d'abord, dans le cas de l'Ile-de-France, et vraisem blablement de celui des rgions abritant de grandes mtropoles rgionales, comme Rhne-Alpes ou Pro vence-Alpes-Cte d'Azur, les caractristiques socioconomiques retenues dans nos modles pourraient ne pas retracer entirement le niveau de qualification ou de formation des salaris. Par exemple, les diplms des grandes coles d'ingnieurs et les fonctions de direc tionsont sur-reprsents Paris : comme il n'est pas tenu compte (ou de faon imparfaite) de ces particular its, normal que, pour les cadres, les salaires de il est l'Ile-de-France soient plus levs que la moyenne na tionale. CONOMIE ET STATISTIQUE N 257, SEPTEMBRE 1992

Cartel L'effet de la rgion sur les salaires des hommes dans l'industrie Ouvriers Cadres

] - 5,1 - 3,0 % -13,7 -1,0 % \ - 3,0 -1,0 % -1,0 1,0 % ET""! -1,0 2,0 % 1,0 4,0 % Hfl 2,0 5,1 % 4,0 6,3 % ^H 14,8 % 11,0 % Lecture : les carts sont calculs en prenant la rgion Centre pour rfrence. L'Ile-de-France se distingue par des valeurs extrmes : + 14,8 % pour les ouvriers, + 11% pour les cadres. Al'oppos (Corse excepte), les cadres travaillant en Limousin gagnent, "toutes choses gales par ailleurs", 3,7 % de moins que leurs homologues du Centre. Champ : salaris de 18 59 ans temps complet et pays intgralement sur l'anne. Source : INSEE, enqute sur la stucture des salaires en 1986. Dans les rgions les plus urbanises, le "salaire de rserve" des actifs pourrait tre plus lev qu'ailleurs. D'une part, plus concentrs et de plus grande taille, les marchs du travail y sont plus actifs : l'information y circule mieux, la confrontation des offres et des demandes d'emplois tant plus aise ; les opportunits d'emploi y sont plus nombreuses et surtout plus faciles saisir, n' entranant que rarement des cots importants, financiers (dmnagements, longs dplacements) ou non (sentiment de ne plus "vivre au pays"). D 'autre part, le cot de la vie (prix la consommation, logement) est plus lev en Ile-de-France, et, dans une moindre mes ure, dans les rgions fortement urbanises [8]. Les rmunrations devraient l'tre galement si les salaris dterminent leur offre de travail en raisonnant en pou voir d'achat. Un fort dsquilibre du march rgional du travail pourr ait terme peser sur les salaires. Ainsi, les rgions Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais (bien que fort ement urbanises), Pays de la Loire et Basse Normandie cumulaient-elles un niveau de chmage lev depuis le dbut des annes 1980 et des salaires lgrement plus faibles qu' l'chelon national. Enfin, la situation de l'Alsace doit tre replace dans le contexte rhnan : le recrutement de la main-d'oeuvre s'inscrit dans le cadre de la concurrence de l'Allemagne et de la Suisse, o les salaires sont plus levs [1]. Le poids des facteurs individuels Dans tous les cas analyss, malgr le nombre important de variables retenues, la part de la variance inexplique reste forte, souvent suprieure la moiti. Ceci est par ticulirement vrai dans le cas des cadres suprieurs et des techniciens et agents de matrise pour lesquels les modles expliquent moins de 40 % de la variabilit des salaires, et, dans une moindre mesure, pour les em ploys (45 %). En revanche, dans le cas des ouvriers, le mode de fixation des salaires semble plus codifi, lais sant une importance moindre aux facteurs individuels : 54 % de la variance est explique. C'est dire l'importance des variables omises (le d iplme notamment) et de facteurs purement individuels, comme l'histoire de la personne, ses russites ou checs passs, son aversion pour le risque (la fidlisation d'un salari ayant une faible aversion pour le risque ncessite de verser, capacits productives identiques, un salaire plus lev qu'aux autres), sa prfrence pour le prsent. Les tudes sur coupe transversale ne fournissent donc qu'un clairage partiel sur le domaine complexe des sa laires. Elles demandent tre compltes par des ap proches longitudinales, qui permettent d'inscrire la situation instantane d'un individu dans sa propre his toire (Guillotin [7], Lollivier-Payen [14]).

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ANNEXE

L'ANALYSE DE VARIANCE Le modle ses tre totalement retracs par les q. Les coeffi cients bi (ou Cj) ne peuvent tre dfinis qu' une On suppose que le salaire d'un individu donn peut se constante prs : l'un d'entre eux est alors mis zro (le dcomposer, un terme rsiduel prs, en le produit choix de cette situation de rfrence tant neutre). des effets propres chacune de ses caractristiques Uijn est un terme qui regroupe l'impact des caractrist socio-conomiques. iquesretenues dans le modle (par exemple ici le non Le choix d'une dcomposition multiplicative plutt diplme) et celui des erreurs (de collecte, d'chantillon qu'additive fait que l'on va s'intresser aux carts rela nage, etc.). tifs de salaire et non pas aux carts absolus. Ce choix Il ne s'agit que d'un effet rsiduel : en moyenne sur est prfrable pour deux raisons : d'une part, dans la tous les individus, ce terme est nul. plupart des conventions collectives, il est fait implicit ement rfrence aux carts relatifs puisque, dans une Le modle est estim par la mthode des moindres large mesure, les salaires sont dtermins par un nomb carrs ordinaires : les coefficients a, bi et q sont tels rede points (coefficient) dans une grille et la valeur qu'ils minimisent la valeur des rsidus (uyn) (en fait la courante de ce point ; d'autre part, la qualit des aju somme de leurs carrs), c'est--dire la variabilit des stements est meilleure avec une dcomposition salaires qu'on ne peut expliquer ni par l'ge, ni par l'a multiplicative. nciennet. Soit, en prenant le logarithme du salaire et dans le cas La qualit de l'ajustement peut tre juge par la part de de deux variables "explicatives", par exemple, l'ge et la variance des salaires explique par l'ge et l'ancien l'anciennet : net coefficient de dtermination R2). Mais aussi, (le comme les estimations sont faites avec une certaine Log Wijn = a + bi + Cj + Uijn (i de 1 l.jdel J, marge d'erreur, par le test (de Fisher) de l'galit de n de 1 Ni,) tous les coefficients bi...bi, ci...cj, c'est--dire le test de l'absence de tout caractre explicatif de l'ge et Wijn est le salaire de l'individu (n) d'ge i et d'ancien l'anciennet. net j. Le mme test de Fisher, pratiqu sparment sur l'ge bj s'interprte comme l'influence spcifique de l'ge i ou l'anciennet, permettra de dire si, en acceptant un sur le salaire, c'est--dire son influence lorsqu'on a certain risque d'erreur, chacune de ces variables a une tenu compte de l'anciennet dont les effets sont cen- influence significative sur les niveaux de salaire. Les principaux rsultats Ensemble Industrie Nombre d'observations Nombre de degrs de libert Coefficient de dtermination Test de Fisher : - statistique de Fischer - niveau du test Services Nombre d'observations Nombre de degrs de liberts Coefficient de dtermination Test de Fisher : - statistique de Fischer - niveau du test 317 474 222 0,80 5 605,8 0,0001 168 526 182 0,76 2 865,5 0,0001 Hommes 236669 221 0,78 3835,7 0,0001 100024 181 0,75 1 682,7 0,0001 Ouvriers 136812 209 0,57 860,8 0,0001 22120 168 0,40 88,9 0,0001 Dont Employs Techniciens, matrise 13 836 200 0,49 64,3 0,0001 25 866 161 0,52 174,2 0,0001 55 346 204 0,42 196,8 0,0001 27377 164 0,33 78,4 0,0001 Cadres 30 675 204 0,40 100,4 0,0001 24661 163 0,39 95,5 0,0001

Lecture : Le modle, appliqu l'ensemble des salaris de l'industrie, a t estim sur 317 474 observations. Le nombre total de modalits non contraintes des variables explicatives est gal 222. Le modle explique 80% de la variabilit des salaires. Le test de significativit du modle est probant, tout du moins en acceptant un risque d'erreur de 0,01%.

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