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De l'arbre sec à l'arbre fleuri Extrait du Société des Missions Africaines de Strasbourg http://www.missionsafricaines.org/de-l-arbre-sec-a-l-arbre-fleuri,765.html De l'arbre sec à l'arbre fleuri - Parutions - Terre d'Afrique - 2013-1 Les clefs du savoir - Date de mise en ligne : jeudi 4 avril 2013 Société des Missions Africaines de Strasbourg Copyright © Société des Missions Africaines de Strasbourg Page 1/8

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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

Extrait du Société des Missions Africaines de Strasbourg

http://www.missionsafricaines.org/de-l-arbre-sec-a-l-arbre-fleuri,765.html

De l'arbre sec à l'arbre fleuri- Parutions - Terre d'Afrique - 2013-1 Les clefs du savoir -

Date de mise en ligne : jeudi 4 avril 2013

Société des Missions Africaines de Strasbourg

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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

La cathédrale Saint-Etienne de Metz est comme l'aboutissement de l'architecture gothique avant qu'elle ne s'égaredans le flamboyant. Tout ici magnifie l'élan vertical, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur [1].

Cathédrale St-Étienne de Metz. La croisée du transept et le choeur. Photo Marc Heilig

L'édifice ne garde que l'essentiel - supports, voûtes et contreforts [2] - et se libère autant que possible des murs auprofit de vastes verrières [3]. On a donc volontairement renoncé à la parure de sculptures dont s'ornent d'autrescathédrales pour privilégier la structure, la clarté et l'élévation [4]. Ce chef-d'oeuvre, savant point d'équilibre, est dû,entre autres, au maître bâtisseur Pierre Perrat (+1400).

Cathédrale St-Étienne de Metz. La grande verrière de la façade et la rosace. Photo Marc Heilig

Le Portail de la Vierge

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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

Cette sobriété dans l'ornement ne fait qu'une exception, le Portail de la Vierge, ancienne entrée de N.-D. La Ronde.Saint-Etienne est en effet la réunion de deux églises : la cathédrale elle-même, qui se déploie selon un axeest-ouest, et N.-D. La Ronde, qui lui est perpendiculaire [5]. En 1260, on décida de les associer en une seule églisede grande envergure. L'entrée méridionale de N.-D. la Ronde devint celle de la cathédrale, qui n'avait pas de porcheen façade, et fut pourvue d'un riche ensemble de sculptures dans la seconde moitié du XIIIe s [6].

Cathédrale St-Étienne de Metz. Le Portail de la Vierge. Photo Marc Heilig

Le programme sculpté est un condensé de l'enseignement du christianisme. De part et d'autre du portail, à mesureque l'on pénètre vers l'intérieur, on trouve les quatre évangélistes (Jean et Luc à droite, Mathieu et Marc à gauche),les figures de la Synagogue et de l'Eglise, et d'imposantes statues de saints et de saintes. La voûte est occupée d'uncôté par le jugement du Christ, la montée au Calvaire et la Crucifixion ; de l'autre par la Résurrection, l'Ascension etle Christ en majesté. Le portail lui-même est consacré à Marie : Vierge au Sourire avec l'Enfant Jésus sur letrumeau, Dormition et Couronnement sur le tympan [7].

Cathédrale St-Étienne de Metz. St Mathieu et St Marc. Photo Marc Heilig

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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

Les maîtres bâtisseurs

Mais nous voulons surtout nous attacher au registre inférieur. Sous l'égide de la foi chrétienne y est représenté unprogramme qui s'adresse à l'apprenti bâtisseur : dans des écoinçons, une suite de figures symbolise les étapes del'initiation qui doit lui ouvrir les portes de sa confrérie. Ces artisans se déplaçaient de ville en ville, selon les offresqu'on leur faisait : Pierre Perrat travailla ainsi à la cathédrale de Metz, mais aussi à celles de Toul et de Verdun. Ilsdisposaient sur chaque chantier de loge, où ils pouvaient préparer leur travail et se réunir. De sorte que tout confrèrenouvellement arrivé était assuré de trouver une communauté accueillante. Soudés par un idéal de solidarité, lesbâtisseurs préservaient les secrets de leur métier et respectaient un code moral et des exigences de qualité.

De tout temps, l'art de bâtir a fait figure d'oeuvre sacrée. Les bâtisseurs des cathédrales, reprenant cette conceptionà leur compte, avaient élaboré une synthèse des sagesses de l'Antiquité, complétant l'ésotérisme de l'hermétismepar la pensée évangélique et ses racines de l'Ancien Testament. Ils prenaient pour référence d'illustresprédécesseurs, notamment Hiram Abi, l'architecte du temple de Salomon dont parle la Bible [8].

Cathédrale St-Étienne de Metz. Les voûtes de la nef. Photo Marc Heilig

Durant son apprentissage auprès de différents maîtres Cet apprentissage formait des artisans très compétents. [9],le postulant suivait une initiation dont les phases nous sont présentées ici. Certaines de ces images sont connuespar ailleurs, mais la cathédrale Saint-Etienne est la seule où le cycle apparaisse au complet [10]. Sans doute est-ilrévélateur que ce soit sur un monument qui accorde tant d'importance à l'architecture.

Ce parcours spirituel, conçu par les maîtres bâtisseurs, constituait une condition incontournable pour entrer dans leurfraternité. On refusait vraisemblablement tout apprenti qui ne s'y conformait pas. Dans le contexte économique del'époque, cela devait avoir pour lui de fâcheuses conséquences : au Moyen Age, en effet, la religion régissait aussibien la vie privée que l'activité professionnelle.

Les trente-trois degrés de la Sagesse

Avant tout sont représentés les obstacles à la Sagesse. Sur la base même de sa statue, ils sont comme foulés auxpieds par la Vierge au Sourire : parjure, mauvaise volonté, avarice, idolâtrie, égoïsme, lâcheté et vanité.

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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

Cathédrale St-Étienne de Metz. L'Arbre sec. Photo Marc Heilig

Les degrés de la Sagesse se lisent ensuite de droite à gauche sur les parois du porche. Le cycle commence sous lesEvangélistes Jean et Luc, avec l'Arbre Sec qui marque la prise de conscience par l'apprenti de la voie qu'il a choisie.

A droite, les Petits Mystères concernent l'acquisition de vertus personnelles. Ainsi, l'étape du Dragon lui montre lesforces spirituelles qui lui seront nécessaires. Le Dauphin le pousse à l'espérance et l'assure que le salut est toujourspossible. De l'Eléphant et du Serpent, l'initié acquiert l'intelligence réceptive, grâce à laquelle il accueille avectolérance la pensée d'autrui, et l'intelligence active qui lui permet d'agir. A l'issue de cette première partie, ils'engageait par serment à rester fidèle à la communauté et à conserver les secrets qu'elle lui confiait. Il promettaitaussi de toujours approfondir son initiation.

Cathédrale St-Étienne de Metz. Le Dragon. Photo Marc Heilig

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Cathédrale St-Étienne de Metz. Le Dauphin. Photo Marc Heilig

Cathédrale St-Étienne de Metz. L'Éléphant. Photo Marc Heilig

Les Grands Mystères, à gauche, le considéraient dans ses rapports avec ses Frères. La figure symbolique de laTempérance, par exemple, l'incitait à refuser les apparences et accepter les deux pôles de sa personnalité ; lePhénix lui rappelait qu'il devait se libérer de toute souillure pour devenir membre ; l'Homme à l'amphore lui apprenaità transmettre ses connaissances de façon à être entendu par chacun. Par la phase de l'Ange, enfin, l'apprentirendait véritablement opérants les acquis de son initiation.

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Cathédrale St-Étienne de Metz. Le Phénix. Photo Marc Heilig

Cathédrale St-Étienne de Metz. L'Homme à l'amphore. Photo Marc Heilig

Cathédrale St-Étienne de Metz. L'Ange. Photo Marc Heilig

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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

Le cycle se terminait par l'Arbre Fleuri, sous Matthieu et Marc. Le nouveau maître bâtisseur offrait à sa communautél'être nouveau qu'il était devenu tout en restant lui-même. Car, comme le dit Christian Jacq [11] : Il n'y a pas d'uncôté l'arbre sec et de l'autre l'arbre fleuri. Il n'existe qu'un seul et même arbre. Entre les deux, c'est le regard de l'initiéqui change. Et seule la fraternité pouvait donner un sens à cette transmutation.

Cathédrale St-Étienne de Metz. L'Arbre fleuri. Photo Marc Heilig

[1] Après Amiens, les voûtes de Metz sont les plus hautes de France dans une cathédrale achevée.

[2] Ce sont en effet les principaux éléments de l'architecture gothique, qui se résume ainsi à un jeu subtil de poussées et de contre-poussées.

[3] Elles ont donné à la cathédrale son surnom de Lanterne de Dieu. Aucune construction gothique n'est plus ajourée que la cathédrale

Saint-Etienne : ses verrières sont les plus vastes d'Europe.

[4] Le principal reproche qu'on puisse faire à la restauration de Paul Tornow, à la fin du XIXe s., est précisément d'avoir ajouté des éléments

sculptés superflus.

[5] Chapelle personnelle de l'évêque, N.-D. La Ronde avait été rebâtie peu avant que l'on entreprenne d'édifier une nouvelle cathédrale, dont elle

empêchait l'extension à l'ouest.

[6] Au XVIIIe s., l'architecte François Blondel fut chargé d'aménager les abords de la cathédrale en place royale. En masquant le bas du

monument par des arcades de style classique, il condamna le Portail de la Vierge. On les démonta en 1868, ce qui permit de retrouver le portail,

que l'architecte allemand Paul Tornow reconstruisit entièrement à la fin du XIXe s.

[7] Les sculptures du Moyen Age, lorsqu'on les dégagea de leur gangue classique, apparurent fort abîmées. Elles furent restaurées avec le plus

grand soin par le sculpteur Auguste Dujardin, qui travailla avec Tornow. Bien que fortement décriée après le retour de la ville à la France, leur

intervention est aujourd'hui considérée avec plus d'objectivité. Ils s'inscrivaient d'ailleurs dans la ligne des bâtisseurs de cathédrales : aucune n'est

l'oeuvre d'un seul architecte ni ne fut construite d'une seule volée. Bien au contraire, on voit partout la main de plusieurs maîtres d'oeuvre et les

marques de différentes époques.

[8] Cf I Rois 7, 13 et II Chroniques, 2.

[9] On le retrouve de nos jours chez les Compagnons du Tour de France, à qui l'on fait appel pour restaurer les monuments prestigieux.

[10] Ce parcours initiatique a été décrit en détail par Christian Jacq, Le Voyage initiatique ou les trente-trois degrés de la sagesse, 1986. L'auteur y

suit, l'une après l'autre, chacune des figures du Portail de la Vierge.

[11] Ch. Jacq, op. cit., p. 181.

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