courtier d'assurances maritimes

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134 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 LE COURTIER D'ASSURANCES MARITIMES Notre revue a décidé de consacrer, périodiquement, un numéro spécial à une profession du secteur des transports. C'est le cas aujourd'hui du courtier d'assurances maritimes. Un prochain numéro sera consacré à la profession de transitaire. Nos lecteurs trouveront dans ce numéro, un rappel de ce qu'a été le courtier juré d'assurances maritimes, et une étude sur le courtier d'assurances maritimes d'aujourd'hui. Une importante jurisprudence, inédite pour sa plus grande part, illustre cette étude. Alors que nous accueillons Gérald Duron parmi les principaux collaborateurs de cette revue, il a bien voulu rédiger cette remarquable étude consacrée au rôle et à la responsabilité du courtier d'assurances maritimes. Après avoir rappelé l'origine du courtage, notamment à Marseille, et en avoir retracé l'historique, l'auteur expose le rôle du courtier et nous donne la vision d'un professionnel. Le courtier est un juriste, nous dit l'auteur, il nous le prouve dans la deuxième partie de son étude consacrée à la responsabilité du courtier. De très nombreux cas de jurisprudence y sont étudiés. Une troisième partie est consacrée à l'étude des courtiers en Amérique du Nord et dans l'Union Européenne. Professionnel, juriste, Gérald Duron est aussi maritimiste ainsi que doit l'être avant tout, le courtier d'assurances maritimes. Même à Marseille, on ne pouvait bâtir ce numéro sans rendre hommage aux anciens courtiers jurés : "Une survivance de l'ancien régime abolie en l'année 1978". Tous nos remerciements à cet "ancien courtier juré" qui a su si bien les faire revivre ... et qui par excès de modestie a préféré rester anonyme. Le monde de l'assurance maritime pourra rester fondé sur la bonne foi si demain comme aujourd'hui et hier, les courtiers qui en sont la clef de voûte demeurent "des gens de bien" ...

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134 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

LE COURTIER D'ASSURANCES MARITIMES

Notre revue a décidé de consacrer, périodiquement, un numéro spécial à une profession du secteur des transports. C'est le cas aujourd'hui du courtier d'assurances maritimes. Un prochain numéro sera consacré à la profession de transitaire. Nos lecteurs trouveront dans ce numéro, un rappel de ce qu'a été le courtier juré d'assurances maritimes, et une étude sur le courtier d'assurances maritimes d'aujourd'hui. Une importante jurisprudence, inédite pour sa plus grande part, illustre cette étude. Alors que nous accueillons Gérald Duron parmi les principaux collaborateurs de cette revue, il a bien voulu rédiger cette remarquable étude consacrée au rôle et à la responsabilité du courtier d'assurances maritimes. Après avoir rappelé l'origine du courtage, notamment à Marseille, et en avoir retracé l'historique, l'auteur expose le rôle du courtier et nous donne la vision d'un professionnel. Le courtier est un juriste, nous dit l'auteur, il nous le prouve dans la deuxième partie de son étude consacrée à la responsabilité du courtier. De très nombreux cas de jurisprudence y sont étudiés. Une troisième partie est consacrée à l'étude des courtiers en Amérique du Nord et dans l'Union Européenne. Professionnel, juriste, Gérald Duron est aussi maritimiste ainsi que doit l'être avant tout, le courtier d'assurances maritimes. Même à Marseille, on ne pouvait bâtir ce numéro sans rendre hommage aux anciens courtiers jurés : "Une survivance de l'ancien régime abolie en l'année 1978". Tous nos remerciements à cet "ancien courtier juré" qui a su si bien les faire revivre ... et qui par excès de modestie a préféré rester anonyme. Le monde de l'assurance maritime pourra rester fondé sur la bonne foi si demain comme aujourd'hui et hier, les courtiers qui en sont la clef de voûte demeurent "des gens de bien" ...

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Christian SCAPEL Jacques BONNAUD

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DOCTRINE

LE COURTIER JURE : UNE SURVIVANCE DE L'ANCIEN REGIME ABOLIE EN L'ANNEE 1978

"Sur l'ordonnance verbale de Monsieur le Président, la main droite levée à Dieu, il a prêté le serment suivant : Je jure de remplir avec honneur et probité les devoirs de ma profession de courtier juré d'assurances maritimes".

Ces termes héraldiques ne relatent pas l'adoubement d'un chevalier. Ils sont extraits du registre des actes de prestations de serment des officiers ministériels, tenu au greffe du Tribunal de commerce, lequel précise que la cérémonie a lieu conformément à l'arrêté du 29 Germinal an IX. Et ceci se passait il y a 25 années. Tous les privilèges n'ont pas été abolis dans la fameuse nuit du 4 août 1789. Il n'y a guère, le privilège du courtier juré d'assurances subsistait encore, non sans avoir subi de nombreuses vicissitudes. Il consistait dans un monopole conféré à ce professionnel par le Code de Commerce pour la rédaction des polices d'assurances maritimes, monopole partagé théoriquement avec les notaires. Mais ces derniers - hors le cas très particulier de la place de Marseille - ne sont jamais intervenus, car ils étaient extérieurs au cercle assez fermé du monde maritime et n'avaient pas la formation spécifique nécessaire . Les charges de courtiers jurés étaient, pour chaque place concernée, en nombre limité, le numerus clausus étant fixé par le Ministère des Transports. Elles bénéficiaient donc d'une certaine protection contre une concurrence anarchique. Le courtier juré, officier ministériel, ressentait confusément une certaine fierté de ses origines historiques aux références prestigieuses : l'ordonnance de la Marine, oeuvre de Colbert en 1681, et la loi du 28 Ventose an IX. La magie des mots évoque le charme désuet des vieilles gravures, car le monde maritime a longtemps vécu dans l'exaltation d'un passé légendaire qui ne s'efface pas totalement, et la nostalgie de la "marine en bois" subsiste dans l'imaginaire. Même après la deuxième guerre mondiale, au cours de réunions corporatives, de brillants conférenciers (à cheveux blancs, il est vrai) ont souvent évoqué le souvenir des forêts de mats dans les ports aux parfums de vanille, et les voiles qui claquaient au vent. Ce climat sentimental subconscient, parfois exprimé dans la décoration des locaux professionnels, n'entraîne aucun archaïsme dans l'exercice des professions relevant de l'Assurance Maritime. Mais il contribue à créer une sorte de lien et génère une communauté de pensée dans le Monde de la Mer. Le courtier juré était très pénétré de sa spécialisation maritime et se considérait comme incorporé dans une sorte de club international prestigieux dont les réseaux enserraient tout le globe par l'intermédiaire de divers corps administratifs : experts, commissaires d'avaries, P and I clubs, etc... Son cachet professionnel était celui de tous les officiers ministériels auxiliaires de Justice et conférait à ses écrits le caractère d'actes authentiques ayant date certaine. On a pu dire qu'il était "le notaire de l'assurance maritime". Effectivement, il rédigeait lui-même les contrats d'assurances, où apparaissaient parfois, parsemées, quelques clauses d'un style traditionnel dont le pittoresque désuet évoquait le tabellion. Mais son vocabulaire, souvent coloré d'anglicismes, était bien celui d'un technicien contemporain de l'exploitation maritime moderne. Et chaque paragraphe, chaque terme de ses rédactions étaient minutieusement pesés, de telle sorte qu'aucune interprétation ne puisse être équivoque ou laissée au hasard. Cette méticulosité, qui vient d'être soulignée, était inhérente à la particularité de son statut juridique. Car le courtier juré était le mandataire légal de l'assuré, qualité qui résultait d'une jurisprudence ancienne et constante, plutôt que de la loi. En conséquence, non

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seulement il représentait son client pour défendre ses intérêts, mais il se substituait à lui pour toutes les formalités et la gestion du contrat aux lieu et place de ce client et ceci, de plein droit sans aucun mandat formel. Sa responsabilité était donc très lourde, sa vigilance devait être constante et sa conscience professionnelle méritait le slogan : "Rigueur et qualité du service". Ce statut juridique apportait dans la pratique un avantage considérable pour la rapidité des transactions. Le donneur d'ordres d'assurances était souvent très éloigné géographiquement. Ses instructions parvenaient par courrier, téléphone ou fax. Le courtier juré établissait aussitôt la police ou les avenants, présentait les documents à la signature des assureurs, et les signait lui-même, à la place de l'assuré, en vertu de son mandat légal. Il faut noter que l'importateur/exportateur titulaire d'une police d'abonnement fait couvrir des expéditions presque quotidiennement. Point n'est besoin d'insister sur la simplification pratique résultant du système. Après la modification du statut du courtier, il fallut trouver une solution dont nous parlerons ultérieurement. En vertu de la qualité d'officier ministériel du courtier juré, la police ou ses avenants, actes authentiques étaient établis en un seul exemplaire original signé conservé dans la charge. Il était délivré des copies, certifiées conformes si nécessaire, éventuellement aussi des avenants documentaires destinés aux banques. Quand on pense à la facilité, à la rapidité avec laquelle le fameux "privilège" a été aboli en décembre 1978, on ne peut évoquer sans ironie les complications (voire les tribulations) à affronter pour en arriver à la nomination de courtier juré. Il faut d'abord rappeler que le libre établissement était interdit, le numerus clausus fixe par le Ministère des Transports prohibait toute création de charge. Il était donc nécessaire de racheter une charge existante, devenue vacante par démission, retraite ou décès du titulaire. L'impétrant devait ensuite présenter une demande de nomination au secrétariat général de la Marine Marchande auprès du Ministère des Transports. La nomenclature des documents à fournir comprenait 16 postes, parmi ceux-ci des titres de compétence, et "un certificat d'aptitude délivré par 4 notables commerçants"! L'épais dossier devait être déposé à la Préfecture qui transmettait au Ministère. Le déroulement des formalités durait environ 3 mois, avant qu'un arrêté du Ministre (publié au J.O.) annonce la nomination, d'ailleurs subordonnée à la cérémonie de prestation de serment devant le Tribunal de Commerce, la main droite levée à Dieu. Mais tout n'était pas terminé! Pour être accepté comme membre de la Chambre Syndicale, le nouveau venu devait, au cours d'une Assemblée Générale, subir un examen de compétence devant ses confrères, questionné par eux. Quoique le candidat ait eu largement le temps, pendant le purgatoire des démarches, de réviser ses manuels de droit maritime et les commentaires sur les lois les plus récentes, il savait n'être pas à l'abri d'une question insidieuse mettant à mal son amour-propre. Mais la légère inquiétude de la veillée d'armes était compensée, en fin de séance, par la convivialité d'un champagne. Tout ce formalisme compliqué fut donc supprimé par la loi n° 1170 du 16 décembre 1978 qui modifiait le statut juridique des courtiers jurés d'assurances maritimes, et par voie de conséquence mettait fin à leur monopole privilégié. La rumeur prétend que, lors du vote, l'Assemblée Nationale était constituée par douze députés, la question ne passionnait guère l'opinion publique. Le privilège des courtiers jurés avait vécu, ceux-ci devenaient des courtiers ordinaires régis par le droit commun. Il est vrai que la France devait se mettre en harmonie avec les autres pays de la CEE où le courtage était libre. Il est vrai aussi que les courtiers jurés se trouvaient quelque peu prisonniers de leur statut d'officiers ministériels qui leur interdisait de se constituer en société, d'étendre leur activité à d'autres secteurs et les obligeait à rester en nom propre. Ils ont donc eux-mêmes, par l'intermédiaire de leur Chambre Syndicale Nationale, réclamé la modification de leur statut. D'autre part, l'exemple des courtiers marseillais restait en filigrane dans les pensées. Ceux-ci, vers la fin du siècle dernier avaient renoncé à leur privilège et reçu de l'État, en contrepartie, une indemnité substantielle. Or, grâce à leur compétence spécifique, ils avaient cependant réussi à conserver un monopole de fait, et à rester dans la légalité en prenant des accords avec les notaires qui contresignaient les polices. Ces courtiers marseillais étaient d'ailleurs rattachés à la Chambre Syndicale des courtiers jurés. En considération de ce précèdent, lorsqu'il fut question de la modification du statut des courtiers jurés, des négociations furent entreprises auprès du Ministère des finances, afin d'obtenir une indemnisation pour la suppression du privilège, car les aléas découlant de la perte

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du monopole étaient réels, même si l'on espérait en atténuer les effets. Hélas, ces négociations n'ont pas abouti et le seul avantage obtenu fut l'exemption des droits fiscaux en cas de transformation, dans un certain délai, de l'ex-charge en société. Tous les courtiers ayant désormais accès à l'assurance maritime, on pouvait craindre un éparpillement des affaires entraînant une perte pour les anciennes charges. Or, dans l'ensemble, la chute de clientèle fut minime. Grâce à leur spécialisation, leur introduction dans l'organisation du monde de l'assurance maritime (comités d'assureurs, réseaux d'experts, commissaires d'avaries) les ex-courtiers jurés ont sensiblement maintenu leurs affaires, compte tenu de la conjoncture économique difficile, de l'apparition de nouveaux intermédiaires et de l'âpreté de la concurrence. On constate plutôt une réorganisation de la profession, une tendance dans le sens de regroupements, de constitution de sociétés de courtages toutes branches, avec un département maritime spécialisé. L'ensemble des courtiers a adhéré au "Syndicat National des Courtiers d'Assurance et de Réassurance" (SNCAR), mais les spécialistes de la branche maritime et transports ont constitué dans le sein de ce syndicat une cellule de techniciens dénommée "Groupement Professionnel et Technique du Courtage d'Assurance Maritime et Transport en France" (1 Ainsi le "Club" maritimiste s'est reconstitué et son étendard peut fièrement flotter au vent.

).

Il restait à résoudre le problème pratique de la rapidité des transactions, ci-dessus évoqué. Certes, le courtier est le mandataire de son client dont il a reçu l'ordre d'assurance. Il a le devoir de conseil, et de négocier au mieux des intérêts de ce client, mais il n'a pas le pouvoir de se substituer à lui pour la signature des documents. Le courtier (ex-juré) a pallié la difficulté en obtenant de ce client un mandat exprès, écrit, lui permettant non seulement de signer la police en ses lieu et place, mais de gérer toutes les situations découlant du contrat d'assurance... "et plus généralement faire le nécessaire". L'acte authentique n'existe plus. La police d'assurance est devenue désormais un contrat synallagmatique ordinaire, établi en deux exemplaires originaux. Dans ce rapide exposé sur l'évolution du statut juridique du courtier juré, les rapports commerciaux avec les assureurs n'ont pas été évoqués. C'est un domaine, en effet, où la qualité d'officier ministériel n'intervient en aucune façon. Les assureurs, représentant les intérêts des compagnies, ont toujours été des adver-saires difficiles pour le courtier, juré ou non, soucieux de soutenir les intérêts de ses clients. Selon une vieille tradition de la branche maritime, l'heure de la Bourse réunissait, et rassemble encore en un même lieu les courtiers, et les assureurs qui viennent signer les documents établis. On discute aussi, maintenant comme autrefois, les taux et conditions des garanties proposées. On examine l'état des dossiers de sinistres en cours. Placé entre les positions opposées de l'assureur et de l'assure, le courtier, qu'il soit ou non jure, a toujours eu bien du souci pour défendre objectivement les intérêts de son client, ce qui ne peut aboutir qu'en conciliant les parties (si faire se peut!). L'assureur exprime son mécontentement lorsque le montant des sinistres excède celui des primes (ce n'est pas tellement rare!) et le client proteste toujours contre toute revalorisation éventuelle. Or, personne n'est jamais d'accord sur la statistique, sujet de contestations sans fin. Surgissent parfois aussi des litiges lors de la liquidation des sinistres : montant du quantum, garanties non prévues par la police ou exclues par elle, désaccord sur les conclusions de l'expertise, sur l'assiette de la franchise ... etc... Il faut alors un long combat pour faire admettre aux deux parties une "transaction à titre commercial et sans créer de précèdent..." Ces remarques évoquent seulement quelques problèmes de base, parmi tant d'autres qui exigent de nombreux va-et-vient entre les deux parties, et des entrevues parfois orageuses. Au cours de ces relations technico-commerciales, la vie professionnelle du courtier ressemble davantage à un torrent tumultueux qu'à un long fleuve tranquille, mais son statut juridique n'intervient pas, n'a aucune incidence. Dans l'intérêt même de son client, le courtier, aujourd'hui comme autrefois, doit démontrer, à l'une comme à l'autre des parties, où se situe l'équité. Il doit savoir faire preuve d'objectivité, et se conduire selon le précepte du Vieux Droit Romain si souvent méconnu :

"UT INTER BONOS OPPORTET AGERE" (Comme il convient d'agir entre gens de bien)

(1) Souvent cité sous le sigle abrégé et phonétiquement malencontreux de GPT.

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UN ANCIEN COURTIER JURE

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LE COURTIER D’ASSURANCES MARITIMES ET SES RESPONSABILITES

par

Gérald DURON

Quand un client utilise un courtier pour effectuer une assurance pour son compte, il est fondé à compter sur l’exercice d’un soin et d’une compétence raisonnables, de la part du courtier qui exécute ses instructions, et si ces instructions ne sont pas convenablement appliquées, et qu’une perte survient qui, de ce fait, n’est pas recouvrable sous la police d’assurances, alors, le courtier est responsable pour “breach of contract”. On va même jusqu’à considérer qu’il n’y a pas d’obligation absolue du client, qui utilise un courtier, d’examiner la police d’assurances quand il la reçoit, pour vérifier si ses instructions ont été ou non suivies. Ces principes rendent à coup sûr délicat l’exercice de la profession de courtier d’assurances, mais justifient pleinement que sa fonction se perpétue, car il joue un rôle économique évident. Il propose de la sécurité, apporte ses conseils, aide à la gestion, participant ainsi, avec les autres vecteurs du commerce, au bon fonctionnement des échanges internationaux. Cela ressort de l’histoire des siècles passés qui fait apparaître le rôle du courtier, souligne ses devoirs envers ses clients et les responsabilités qu’il encourt. On ne peut réfléchir à cette activité essentielle dans le négoce sans l’insérer dans un contexte international.

UN PEU D'HISTOIRE : Nous ne restons pas indifférents quand Cicéron vante le gouvernement de Marseille, écrivant alors : "neminem illi civitati inimicum esse arbitror qui amicus sit huic civitati". (Selon lui, il n'était pas possible qu'on puisse aimer Rome et être en même temps l'ennemi de Marseille). Avant lui, Démosthène fit l'éloge des Lois Nautiques de Marseille (1). Tenant compte de l'importance de ce port, de son ancienneté, de ses traditions, il est intéressant de noter l'évolution du corratier sorti au fil des siècles de sa chrysalide, pour devenir un moderne courtier. Rappelons que l’une des formes les plus anciennes du courtage s'est exercée en matière matrimoniale. A Rome, les entremetteurs de mariage très nombreux étaient protégés par le législateur qui voyait là un moyen d'accroitre le nombre de mariages (2). Ils bénéficiaient même d'une action en paiement de leur salaire ("Proxenetica licito jure petuntur", dit Ulpien, dans le Digeste!). A) Origine du courtage et des courtiers à travers Marseille et son environnement économico-politique : On assigne généralement la date de 1257, au travail de compilation approuvé par le Comte de Provence, qui constitue un véritable statut municipal de Marseille. La règle XL du Titre premier est justement intitulée "de Corraterijs". En l'année 1455, le grand Sénéchal de Provence, à l'effet d'empêcher que le choix des corratiers (courtiers) ne soit livré à la cupidité des Viguiers, mande à ceux-ci (1) : "...nul, si ce n'est un citoyen de Marseille, ne pourra être courtier, ni ne pourra s'immiscer dans l'exercice du courtage, et le seul citoyen de Marseille le pourra, quand il aura prêté son serment.. ." "Et si un courtier agissait différemment, il serait puni par le recteur et, de plus, dépouillé de sa charge, ce qu'on ferait connaitre à son de trompe dans la ville. Ils jureront de se comporter, dans leur office, avec bonne foi, à l'égard de tous ceux qui se serviront de leur ministère, et de ne pas recevoir au-delà de ce que veut la coutume..." "Et si quelqu'un agissait contre les règles susdites, il serait contraint de rendre ce qu'il aurait reçu et n'en serait pas moins puni par le recteur, d'une amende de xxv livres royales

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couronnées, pour chaque manquement ; s'il ne pouvait acquitter cette amende, il serait fustigé par toute la ville". Antérieurement, nous trouvons une sentence rendue par le Viguier de Marseille le 16 Février 1350, à la requête des syndics, sur le point de savoir entre les mains de qui les corratiers devaient prêter le serment annuel et fournir la caution d'usage (3). En 1601, un règlement fixe à 36 les corratiers jurés de la ville de Marseille, dont 30 pour les marchandises en général, le change et les assurances... Suivant l'ouvrage de Valin édité en 1766, consacré au " Nouveau Commentaire sur l'Ordonnance de la Marine de 1681" (4), furent créés en décembre 1657 deux offices de notaires-greffiers en chacun des sièges de l'Amirauté du Royaume. Les notaires partageaient alors avec les courtiers le privilège de recevoir et passer tous contrats maritimes et polices d'assurances. Valin écrit à l'art. 2 du Titre VI de son ouvrage, le commentaire suivant : "Beaucoup d'assurances se faisaient sans écrit et pour cette raison on les appelait assurances "en confiance". Cette forme d'assurance donnait lieu à de tels abus qu'on l'a supprimée, et l'on exigea que les assurances soient faites par écrit et par devant notaire ou par le ministère d'un greffier des polices d'assurance". On peut y voir l'ébauche des courtiers jurés récemment disparus! Les Echevins de Marseille qui avaient remplacé les Consuls, secondés par la Chambre de Commerce, d'institution toute récente, promulguèrent en 1670 un règlement spécial pour les courtiers d'assurances. Voici ce qu'écrit F.Timon-David (3) : "cette catégorie d'agents n'était pas absolument irréprochable, à en croire les plaintes nombreuses du commerce consignées dans une requête à la Chambre. L'habitude de faire signer des polices en blanc avait notamment donné lieu à des abus regrettables". "Pour être admis dans le corps, il fallait avoir l'âge compétent, vingt-cinq ans, justifier de sa qualité de citadin ou, ce qui revenait au même, qu'on avait épousé une femme de la ville, enfin être bien famé et morigéné, ce qui s'établissait à l'aide d'un certificat de BONNES MOEURS et DEPORTEMENTS. Il fallait ensuite prêter serment entre les mains du Viguier, et jurer, la main sur l'Evangile : "de bien et deubement exercer sa charge sans aulcung dol, fraude et malversation, estre et demeurer toujours obéissant, fidèle, bien affectionné à sa Majesté et aux dicts sieurs Eschevins, ne fere ny permettre estre faict ains (mais) empescher tous monopoles et abus en leurs dictes charges et fere tout ce que le debvoir d'icelles les oblige". Notons qu'un tiers avait alors le droit de s'opposer au serment d'un censal, en fournissant justification et raison, et le candidat devait se défendre. Dans un procés-verbal de 1641 (3), on lit ainsi : "au contraire, s'est présenté Urbain Bonifay, du dit Marseille, lequel, comme intéressé dans le bien public, a dit qu'il est opposant à la prestation de serment du dit Asquier, ne pouvant exercer la dite charge, pour ne savoir ni lire ni écrire...Sur quoi le dit Asquier a dit que le dit Bonifay s'oppose par animosité..." On remarquera que le courtier ne nie pas ne savoir ni lire ni écrire! On peut imaginer qu'à l'époque considérée, le volume des affaires était différent, les connaissances livresques moins étendues, l'activité plus intuitive. B) Création des courtiers royaux : Au mois de Mai 1692, parut un Edit royal abolissant l'ancien régime des Censaux Jurés, conservant toutefois dans leurs fonctions tous ceux qui en faisaient partie, moyennant l'acquit d'une certaine taxe (fixée à 3.50O Livres par office), et les établissant en titre d'offices héréditaires "aux mêmes droits et émoluments qu'ils avaient coutume de recevoir". Dans cette évolution, la nécessité d'organiser la profession se fit sentir, aboutissant, par exemple, le 13 juillet 1748, à ce que le premier Président et Intendant de Justice, homologue une Délibération portant défense expresse de faire remise des courtages. En voici quelques considérants : "...cette faculté arbitraire, ainsi introduite, permettrait à chaque membre de faire la remise de ses droits plus ou moins grande, selon son avidité ou ses vues malentendues, de sorte que les affaires qui se traitent par le ministère des courtiers, seraient désormais au rabais et passeraient par les mains de ceux qui feraient la remise de leurs droits la plus considérable, ce qui serait un vrai brigandage...". Selon l'analyse faite par F. Timon-David (3) : "malgré bien des déceptions, la carrière du courtage tentait encore beaucoup d'ambitieux... Mais en réalité les heureux n'étaient que l'exception". L'Intendant de Provence écrivait alors en termes un peu crus :

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"la fortune éclatante de quelques-uns de ces industrieux fait casser la tête à tous les autres. J'en ai vu beaucoup réussir parce qu'ils ne craignaient pas le Diable". Il citait alors cette Sentence de Juvénal : "probitas laudatur et alget" (on loue la probité et on la laisse se morfondre). Au cours de la période 1760-1770, éclata l'affaire dite des courtiers royaux de Marseille. Les abus s'étant multipliés, de nombreuses faillites se succédèrent qui firent scandale, conduisant le Roi, sous la pression de la Chambre de Commerce, à rendre l'Edit de Versailles de Janvier 1777 : les Offices sont supprimés, leurs titulaires indemnisés, tandis que de nouveaux courtiers seront élus pour 5 ans et prêteront serment devant les Officiers de l'Amirauté de Marseille. Le jurisconsulte italien Casaregis écrivait au XVIII° siècle que de son temps et dans son pays, les fraudes étaient si fréquentes que les assureurs étaient plus dignes de pitié que les assurés : "digni plus miseratione censeri debent assecuratores quam assecurati!" Georges Sicard (4), fait mention de trois documents qui montrent la sollicitude du pouvoir central à l'égard des Courtiers de Marseille. Il s'agit : - d'un Règlement en forme de Lettres patentes sur la politique qui sera observée par les nouveaux courtiers de Marseille dans l'exercice de leurs fonctions (Marly le 29 Mai I778). - de Lettres patentes portant sur les salaires et émoluments des courtiers de Marseille. (Versailles le 7 Novembre 1778). - de Lettres patentes du Roi (Versailles le 6 Février 1779). Ces textes contiennent des prescriptions diverses concernant les Assurances : - il ne doit y avoir aucun blanc dans les polices, - le courtier ne doit prendre aucun intérêt personnel dans le contrat, et ne se mêler en rien de son exécution, - tout courtier qui aurait contrevenu à ces règles ou prêté son nom pour ce faire, serait déchu de tous droits résultant de la Police, et serait condamné à une amende, sans préjudice de sa destitution, - notons également cette prescription curieuse selon laquelle les courtiers ne doivent en aucun cas "courir ni entreprendre les uns sur les autres". Cette philosophie contraire à toute idée de concurrence, n'est guère favorable à l'intérêt du consommateur, et serait de nos jours prohibée, notamment par les textes communautaires européens (entente illicite!), - les "salaires" des courtiers sont fixes : ils ne peuvent recevoir davantage, sous peine de concussion. Les courtages perçus sur les montants assurés, sont fixés comme suit : - demi pour mille lorsque la prime n'excèdera pas 3 pct, - un pour mille pour une prime comprise entre 3 et 10 pct, - deux pour mille pour une prime supèrieure à 10 pct. On peut s'étonner des taux de prime envisagés : 3 à 10 pct., voire davantage, alors qu'à l'époque considérée seuls les risques majeurs sont garantis. Il faut y voir le fruit des incertitudes de la navigation! Il est difficile d' imaginer de nos jours des taux de primes identiques, même pour les marchandises les plus fragiles : les professionnels de l'assurance auraient le souci de combiner prime et franchise pour éviter une tarification trop importante. C) Le courtage à travers la Révolution, l'Empire et la Restauration : Par décrets des 21 avril et 8 mai 1791, l'Assemblée constituante supprime tous les Offices de courtiers. Les fonctions exercées deviennent pratiquement libres : il suffit de prendre patente et de se faire inscrire au Tribunal de Commerce. Dès le 28 ventose an IX, soit le 19 mars 1801, les courtiers retrouvent leurs prérogatives. Une série d'Arrêtés est prise instituant 59 Bourses de Commerce, et précisant le nombre de courtiers comme les fonctions qu'ils peuvent exercer : 228 titulaires dans 9 villes pouvaient pratiquer le courtage d'assurances. L'art. 4 de l'Arrêté du 27 prairial an X interdit, alors, "l'exercice du courtage à tous ceux qui ne sont pas pourvus du titre de Courtier Royal". En 1807, le Code de Commerce dans ses articles 71 à 90, s'est efforcé de règlementer la profession - définissant ainsi : - art. 79 : "les courtiers d'assurances rédigent les contrats ou polices d'assurances, concurremment avec les notaires ; ils en attestent la vérité par leur signature, certifient le taux des primes pour tous les voyages de mer ou de rivière", - art. 81 : "le même individu peut...cumuler les fonctions d'agent de change, de courtier de marchandises ou d'assurances, de courtier interprête et conducteur de navires".

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Les règles fondamentales de l'exercice de la profession de courtier d'assurances sont par ailleurs rappelées : - ils ne doivent pas avoir été en faillite, - ils doivent tenir leurs livres sous certaines formes, - ils ne peuvent faire aucune affaire pour leur propre compte. A notre connaissance, la Compagnie des courtiers de commerce et des courtiers d'assurances près la Bourse de Paris, a été la première à rédiger un Règlement de police intèrieure et de discipline, fait et arrêté en assemblée générale le 23 Février 1844, et approuvé par Ordonnance du Roi Louis-Philippe le 23 Décembre 1844. Par ce Règlement, les courtiers se placent sous l'autorité disciplinaire d'une chambre syndicale (art. 1), qui aura notamment à connaitre du "cours légal" des primes d'assurances (art 40)! Cela parait étrange, et pourtant en France, pendant de nombreuses années après la dernière guerre mondiale, un Comité de tarification intervenait pour fixer les taux de primes, tant pour les marchandises que pour les navires! Il y a peu d'années encore, une organisation professionnelle réunissant les représentants des principales Compagnies d'Assurances : l'A.F.A.T (Association Française de l'Assurance Transport), délibérait avant le renouvellement des flottes de navires assurées sur le marché français, édictait les règles de renouvellement, et jouait un rôle incitatif quant à la tarification applicable : la concurrence était largement bloquée! Seuls, quelques courtiers habiles, aidés par des assureurs "franc-tireurs", échappaient au système, à leur plus grand profit. Le courtage d'assurances a été organisé, à Marseille, par plusieurs lois que nous allons examiner briévement (6). On se souviendra que l'arrêté du 13 messidor an IX établissait une Bourse de commerce et fixait à 50 le nombre des courtiers de commerce, assurances...Le décret du 22 janvier 1813 modifia cet arrêté dans les termes suivants (art 8) : "à l'avenir, les courtiers de commerce qui seront nommés et qui voudront exercer les fonctions de courtiers d'assurances, subiront un examen devant un jury composé du Président du Tribunal de Commerce, du Président de la Chambre de Commerce, de deux négociants armateurs et de deux négociants assureurs". Nous n'avons pas connaissance d'une obligation similaire sur les autres Places. Une ordonnance du 26 août 1839 porta à 140 le nombre de courtiers près la Bourse de Marseille. Parmi eux, 19 exerçaient l'activité de courtiers d'assurances lorsque la loi du 18 juillet 1866 abrogea le caractère privilégié des courtiers en marchandises. Etant donné qu'à Marseille, les courtiers d'assurances maritimes se trouvaient en même temps courtiers en marchandises, ce fut l'occasion pour les intéressés de renoncer simultanément à leur privilège en matière d'assurance. Les courtiers reçurent alors de l'état une indemnité de 100.000- francs. Ils conservaient leur titre, mais perdaient leur privilège - la profession étant depuis lors réputée, à Marseille, de libre établissement. Bien sûr, un nouveau formalisme s'imposa, puisque les courtiers prirent soin de faire contresigner les polices par un Officier ministériel. A Paris, notamment, les professionnels demeuraient des courtiers jurés, titulaires d'une charge, tout au moins pour ce qui a trait à l'assurance maritime et fluviale qui constituait, à l'époque considérée, l'essentiel sinon la globalité de cette activité. Au fil des décennies, en fait jusqu'en 1978, ce particularisme de Marseille par rapport à Paris et aux autres places, allait se perpétuer. Le monopole des courtiers jurés n'était pas absolu, car les notaires avaient théoriquement les mêmes pouvoirs. Seulement, ils avaient depuis longtemps renoncé à s'occuper d'assurances maritimes, et se bornaient, là où le courtage était libre (à Marseille), à signer et authentifier les polices que les courtiers leur apportaient. D) Liberté du courtage : Ainsi que le rappelle le Doyen Rodière (7) : "la directive du Conseil des Communautés, destinée à faciliter l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la liberté de prestation des services pour les activités de courtier d'assurances, est entrée en vigueur le 30 juin 1978. Elle condamnait les courtiers jurés d'assurances maritimes français et conduisait la France à s'aligner sur les autres pays de la Communauté Economique Européenne qui ne connaissaient que le courtage libre". "Aussi, à la demande même des courtiers d'assurances maritimes, et quoiqu'ils ne fussent pas (directement) visés par la directive précitée puisqu'elle ne s'applique pas en principe aux activités participant de l'autorité publique, le gouvernement a déposé un projet de loi qui devait

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devenir la loi n° 78/1170 du 16 décembre 1978, portant modification du statut des courtiers d'assurances maritimes". Cette réforme, en harmonie avec les directives communautaires, répondait, au surplus, à l'internationalisation de plus en plus prononcée d'une profession naturellement tournée vers les grands espaces, et soumise de ce fait à une concurrence sans cesse accrue. Désormais, les courtiers jurés de Paris, de Bordeaux, du Havre, de Rouen, de Bayonne, de Nantes, de Dunkerque, de Caen, de Grandville et de Sète (ils étaient 25 au total, lors de l'adoption de la loi de 1978), ne sont plus des officiers ministériels, titre flatteur mais encombrant : ils deviennent des commerçants, tout comme leurs collègues du grand port phocéen. En 1867, alors que la nouvelle loi était entrée en vigueur, il y avait toujours, à Marseille, 19 courtiers d'assurances : 11 exerçant uniquement cette profession tandis que 8 autres étaient également pourvus du titre de courtiers conducteurs de navires. Notons qu'au même moment, il y avait 8 courtiers d'assurances à Paris, 7 à Bordeaux, 4 au Havre et 2 à Rouen. L'importance économique de Marseille sur le plan de l'activité portuaire était alors essentielle. En 1995, le nombre des courtiers s'est amenuisé. Comme dans la plupart des activités, il y a eu des concentrations. La disparition du privilège a favorisé, chez les courtiers terrestres les plus importants, l'émergence de cellules qui se sont à leur tour spécialisées dans l'assurance "transports" devenant souvent, du fait de leur poids économique, des concurrents sérieux pour les firmes traditionnelles existantes. Des courtiers étrangers, essentiellement britanniques mais aussi américains, ont passé des accords avec des sociétés françaises, ou les ont rachetées. Ce monde évolue, mais à travers des structures diverses, au-delà de l'écume des mouvements de surface, ce métier conserve des caractéristiques communes qui plongent leurs racines dans un passé que l'on retrouve à travers la lecture du Guidon de la mer, au XVI° s., de l'Ordonnance de la Marine, en 1681, et en visitant symboliquement la taverne d'un certain Edward Lloyd, à la fin du XVII° s., à Londres.

PREMIERE PARTIE : LE ROLE DU COURTIER Il doit conseiller le négociant comme l'industriel, les rendre attentifs aux risques encourus, leur proposer les garanties nécessaires, les aider dans la gestion de leurs problèmes d'assurances. Il joue également un rôle économique participant à une activité dont les principes étaient déjà énoncés dans l'ordonnance de 1681 (8) : "permettons à tous nos Sujets d'assurer et de faire assurer dans l'étendue de notre Royaume". A) Le courtier est le mandataire de son client : Le courtier, ce personnage hybride, a plusieurs caractéristiques : mandataire de son client, il est à la fois commerçant, technicien et juriste. Par un jugement du 2.12.1874 (8), le tribunal de Marseille a considéré que le courtier étant le mandataire de l'assuré, il était inutile que la signature de l'assuré fût apposée au bas de la police : "quand le mandataire a parlé, le mandant ne peut plus se dédire". M° G. Denis Weil (8) écrit encore : "En Angleterre, le courtier a un rôle encore plus prépondérant. Celui qui veut se faire assurer remet un slip ou memorandum au courtier qui le soumet à la signature de l'assureur. La remise au courtier et la signature créent un lien juridique entre les parties. L'assuré devient débiteur de la prime envers le courtier qui l'en débite et en crédite l'assureur. D'un autre côté, l'assureur devient en cas de sinistre débiteur envers lui de l'indemnité dont le courtier crédite le compte de l'assuré". Le doyen Georges Ripert insiste également sur ce rôle du courtier mandataire de l'assuré citant dans ce sens l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 6 février 1865 (9). Plus récemment, la Cour Suprême (Cass. civ. 15 mai 1990 - Semaine juridique 25.7.90), a jugé que "le courtier...agit comme mandataire de l'assuré, dont il se borne à reproduire les déclarations". Mandataire de ses clients, le courtier est soumis à la concurrence qui l'oblige sans cesse à se remettre en cause, en tentant d'améliorer ses prestations. Le courtier indépendant a pour seul rôle de défendre les intérêts de ses clients, qui peuvent s'en séparer "ad nutum". Il a l'expérience fondée sur la diversité de son portefeuille, et de ce fait, un poids commercial non négligeable auprès des compagnies d'assurances. Dans un environnement où les agressions sont fréquentes, le courtier apporte à l'assureur et au client ce supplément d'imagination qui permet d'anticiper sur les besoins, de les

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analyser, d'offrir tous les choix. L'assurance transports est un métier technique, et le courtier doit être imaginatif mais sérieux, efficace car compétent. Il a bien une triple fonction : - un rôle commercial (détection des affaires), - un rôle technique (études et placements auprès des compagnies), - un rôle de gestionnaire du risque, de support pour le client, d'intermédiaire suffisamment indépendant pour savoir, dans la démarche auprès des compagnies distinguer, si nécessaire, ce qui est dû par l'assureur du règlement sollicité à titre commercial. Sa philosophie pourrait être : payer ce qui est dû, en respectant la lettre et l'esprit du contrat! Au-delà, chaque fois que cela est possible, solliciter et faire le maximum pour obtenir des assureurs le paiement des pertes et dommages en litige - sans omettre de souligner alors, auprès du client concerné, le côté commercial d'une telle transaction. Un courtier a certainement ce devoir permanent de responsabiliser sa clientèle, disons-le de l'éduquer. C'est d'ailleurs son intérêt objectif, puisqu'il ne peut que tirer un crédit moral de la liquidation favorable pour son client d'une dossier irrégulier. Faut-il encore que le client soit avisé de la position exacte de son dossier, et du fait qu'un paiement intervient le cas échéant "ex-gratia"! Tout est assurable - ou presque - sauf, bien sûr, la faute intentionnelle ou lourde et la fraude de l'assuré, qui sont exclues par les art. L. 172-6 et L. 172.13 du Code des assurances, auxquels il n'est pas possible de déroger. Tout est question de capacité financière des Compagnies d'assurances, de conditions et de taux. Si nécessaire, le courtier français consultera un autre marché (anglais, américain, scandinave, allemand ou japonais), pour arbitrer les taux et conditions fixés par les compagnies françaises sur tel ou tel risque, et faire tout simplement jouer la concurrence. Cela est possible depuis que le développement de la construction européenne a contraint le législateur français à autoriser cet élargissement. Auparavant, un client français devait être assuré sur le marché français, sauf dérogation. En décembre I987, à Bruxelles, la décision de mettre en place la liberté de prestations des services dans l'assurance a été décidée. Il s'agit là d'une décision politique et économique de portée importante. B) Fonction commerciale du courtier : Dans l'assurance transports, le courtier pratique la protection rapprochée de son client, lui apportant avis et conseils. La vie des affaires, leur développement, les obstacles rencontrés, les solutions construites ensemble, sont le meilleur et le seul ferment qui génère la pérennité des relations et l'apparition d'un nouveau substrat. On pourrait dire : hors de cette vision, point de salut! Des tentatives ont été faites, des expériences conduites par tel ou tel cabinet important en vue de générer des affaires nouvelles par une sollicitation systématique de clients potentiels : envoi de lettres sur des sociétés préalablement ciblées, publicité dans des revues spécialisées, brochures luxueuses distribuées. Il s'avère que le résultat de telles initiatives a toujours été très décevant. En fait, un nouveau client se conquiert sur le terrain : un sinistre délicat, important, géré avec sérieux et habileté, constitue un argument de poids, spécialement à l'égard d'un porteur de documents ayant en mains un certificat d'assurances émis pour compte de son vendeur Coût Assurance et Fret (CIF). Cet acheteur utilisera peut-être un jour les services de ce courtier que les circonstances ont mis sur son chemin : l'avenir se construit au présent. C) Fonction économique du courtier : Par son chiffre d'affaires, le courtage français est le troisième au classement mondial, après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. D'après Bruno Clappier, Président du Groupement Professionnel du Courtage d'Assurances Maritimes et Transports, les primes réalisées dans cette branche (incluant les marchandises transportées, les navires ainsi que les responsabilités y afférentes, l'aviation et le spatial), totalisent en 1993 : 12,54 milliards de francs (soit 2,32 pour cent des primes souscrites par l'ensemble du marché de l'assurance, en France!). Des conditions économiques défavorables participent actuellement à l'évolution de la profession de courtier d'assurances transports. Un rythme de croissance réduit, non seulement en France mais dans le monde entier, tend à diminuer la matière assurable elle-même : - régression de la flotte mondiale, - baisse du cours des matières premières, - contraction des échanges économiques, fruit de la récession...

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Les indicateurs sont progressivement en train de s'inverser : les navires, trop souvent mal entretenus, devront être remplacés ; quelques mauvaises récoltes s'ajoutant à une reprise modeste mais incontestable, poussent à la hausse bien des produits. Enfin, les résultats techniques désastreux des marchés spécialisés de l'assurance, entrainent une augmentation des taux de primes qu'une concurrence sauvage avait, d'année en année, abaissé à des niveaux peu raisonnables! Cela est vrai pour l’assurance des navires tandis que la concurrence acharnée des Compagnies sur le marché international empêche une remise en ordre sérieuse des taux pratiqués pour l’assurance des marchandises.

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D) Le Courtier est un technicien de l’assurance et un juriste : L'Entreprise moderne doit avoir une politique d'assurance. En bénéficiant des conseils de son courtier, elle aura le soin de gérer, mais aussi de prévoir, d'organiser, de chiffrer les coûts, d'innover. L'assurance est le ciment indispensable qui garantit la solidité de l'édifice commercial. Le courtier doit conduire sans relâche, avec son mandant, une réflexion à 2 niveaux : - quand assurer ? - comment assurer ? c'est-à-dire à quelles conditions ? A) Quand l'assurance doit-elle être soignée ? On ne peut imaginer une politique commerciale sans une réflexion poussée sur la responsabilité du vendeur (ou de l'acheteur). Voici trois principes intangibles : 1) L'assuré doit disposer d'une police flottante : Elle lui permettra de bénéficier de la clause dite de "fidélité". En contrepartie de son engagement, pendant la durée de la police flottante, de n'utiliser que le contrat ouvert à son nom - cette société sera automatiquement garantie, alors même qu'elle aurait omis de déclarer une expédition à ses assureurs, même si ce retard ou cette omission apparaissait après sinistre. Le fonctionnement du contrat est extrêmement simple : conditions et taux de primes sont librement débattus entre les parties ; un certificat d'assurance est émis pour chaque expédition, dans les termes prévus par le contrat commercial, en tenant compte, s'il y a lieu, des obligations pouvant résulter de l'accréditif bancaire. 2) L'assuré doit connaitre ses risques : Afin d'éviter les difficultés tenant à l'interprétation par les parties des contrats signés par elles, la Chambre de Commerce Internationale (C.C.I.) a, dans les INCOTERMS, codifié, contrat par contrat, les obligations réciproques de l'acheteur et du vendeur. Comme l'écrit Laurent Amice (10) : "Les Incoterms contribuent à rendre l'environnement des transactions commerciales internationales moins incertain... parce que (ils) se présentent comme un langage commun au service des opérateurs du commerce international". Ayons toutefois la sagesse de considérer que l'internationalisation du langage maritime des affaires n'est pas achevée, si l'on tient compte notamment du particularisme des Etats-Unis d'Amérique, sans compter que les nouvelles techniques de transport (conteneurs, RO-RO...), bousculent les habitudes, et ne répondent pas toujours aux anciennes définitions. C'est ce qu'illustre Laurent Amice (10) lorsqu'il écrit : "cette difficulté a été mise en évidence avec justesse par un jugement d'un tribunal anglais qui avait conclu dans le règlement d'un litige :...seul l'avocat le plus zélé pourrait regarder avec satisfaction le spectacle des responsabilités se déplaçant maladroitement, pendant que la cargaison oscille au bout d'un mât de charge à travers une perpendiculaire imaginaire, élevée depuis le bastingage du navire". 3) L'assuré doit maitriser sa politique d'achat et de vente : Il est souhaitable que les dirigeants d'entreprise choisissent de pousser aussi loin que possible les ventes, et d'aller chercher aussi loin que possible les achats. Le vendeur peut maitriser fret et assurance, et l'acheteur aussi. C'est un outil important dans leur politique commerciale. Il s'agit au surplus d'une attitude éclairée qui leur permettra d'échapper à pas mal de déboires. En effet, l'utilisation volontariste d'un contrat d'assurance permet d'obtenir taux et conditions améliorés et d'échapper aux hiatus inévitables dans la chaine des propriétés successives. Par ailleurs, tout le monde comprendra qu'il est en principe plus facile d'obtenir le remboursement d'un préjudice de ses propres assureurs, à travers son courtier, plutôt que de solliciter les assureurs de son vendeur. Que dire enfin de la situation de l'expéditeur, vendeur ex usine (EXW), Franco-Bord (FOB), ou Coût et Fret (CFR), qui n'a pas encaissé la totalité de sa facture (soit que le contrat ait prévu, ce qui est assez fréquent : un "performance-bond" finalisé après bonne et loyale

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exécution- soit, tout simplement, que l'acheteur ait, de facon autoritaire, déduit de la facture impayée le montant total du sinistre qu'il a supporté).

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B) Comment assurer ? c'est-à-dire à quelles conditions ? Il faut tout d'abord se conformer aux obligations du contrat mais, dans le même temps, réfléchir aux risques réels de l'entreprise. 1) L'exportateur : Quatre cas de figure peuvent être considérés : a) Obligations contractuelles du vendeur CIF : Il devra s'y conformer en assurant par conséquent les risques définis dans le contrat de vente, pendant la période prévue à cet effet : - soit aux conditions restrictives : FAP sauf (*) - soit à des conditions plus étendues : Tous Risques (**) - soit encore selon des modalités spéciales souhaitées par le vendeur, mises au point par le courtier avec les assureurs, et tenant compte de la spécificité d'un trafic déterminé. (*) : FAP sauf signifie que seuls sont couverts les pertes et dommages résultant d'un évènement majeur (incendie, abordage, échouement, perte totale, avaries communes....). Les avaries particulières ne sont pas garanties, sauf si elles résultent de l'un des évènements limitativement énumérés dans la police d'assurances. L'assuré doit prouver qu'il y a un lien de causalité entre le dommage et l'évènement survenu. (**) : Tous Risques : la marchandise est assurée contre tous les risques de transport. Alors, il appartient le cas échéant à l'assureur de démontrer que les pertes et avaries sont la conséquence d'un évènement exclu de sa garantie : vice propre de la chose, fraude, faute lourde ou intentionnelle de l'assuré. On peut dire que la plupart des contrats commerciaux prévoient, au surplus, la couverture des risques de guerre, grèves et mouvements populaires aux conditions "waterborne" (c'est-à-dire depuis que la marchandise quitte la terre au port d'embarquement, jusqu'au moment où elle touche la terre à destination). Notons que le marché français est le seul à offrir une assurance contre les risques exceptionnels (guerre...etc.), suivant la formule dite "de bout en bout", incluant, pendant une période déterminée, le séjour à terre au départ ainsi qu'à destination, et la mise en magasins. Cette garantie réservée aux entreprises françaises, mais étendue par dérogation à quelques sociétés étrangères clientes des assureurs français, est souscrite auprès de la Caisse Centrale de Réassurance (C.C.R) - soit en direct, soit à travers les compagnies du marché, qui se réassurent auprès de la C.C.R., avec des pourcentages de conservation plus ou moins importants. Il s'agit là d'un produit à promouvoir auprès des entreprises françaises, spécialement dans la période troublée que nous connaissons. Le respect strict des clauses d'assurance édictées par les contrats de vente est suffisant sur le plan documentaire, mais ne couvre pas forcément la totalité des périls encourus par le vendeur. C'est ainsi que certains contrats utilisés pour le négoce international des huiles, graines oléagineuses et produits dérivés (tels les contrats F.O.S.F.A : Federation of Oils, Seeds and Fats Associations, ou G.A.F.T.A : the Grain And Feed Trade Association) - stipulent que le vendeur CIF a la seule obligation d'assurer la marchandise à des conditions restrictives. C'est le cas du contrat GAFTA 100 (Edit. 1990), utilisé pour la vente des tourteaux (sous-produits des graines oléagineuses, après extraction de l'huile) - dont la clause "Insurance" est ainsi rédigée : "Sellers shall provide insurance on terms not less favourable than those set out hereunder... Risks covered : Cargo Clauses (W.A.), with average payable, with 3 pct franchise or better terms". Le vendeur peut se contenter d'assurer sa marchandise aux strictes conditions anglaises "W.A." (avec avarie et une franchise de 3 pour cent). Cette garantie correspond, en fait, à celle des évènements majeurs : abordage, échouement, incendie, perte totale... auxquels on peut ajouter les pertes ou dommages causés par "entry of sea, lake or river water into vessel..." (entrée d'eau de mer, de lac ou de rivière dans le navire). On s'aperçoit ainsi que le vendeur en poids et qualité délivrés, en cas de manquants ou de contamination ne résultant pas de l'un des évènements limitativement énumérés dans la couverture d'assurance, supportera alors des risques de transport non assurés. Un tel vendeur serait bien inspiré d'assurer ses exportations en "Tous Risques", en gardant à son profit la

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différence de conditions. Il est aisé de constater que le courtier de cette firme a un rôle de conseil à jouer. b) Situation particulière du vendeur à la commission : Il s'agit de celui qui expédie à destination d'un port déterminé des marchandises qui seront confiées à un commissionnaire. Ce dernier, en fonction des ventes réalisées pour compte de son mandant, le créditera du produit net obtenu. Aucune obligation ne pèse sur ce vendeur puisque la marchandise qui lui appartient voyage à ses risques et périls. Il a néanmoins le plus grand intérêt à couvrir sa cargaison aux conditions les plus étendues. C'est une situation que l'on rencontre notamment dans le commerce des fruits et légumes (par exemple les bananes du Caméroun et de Côte d'Ivoire). Au fil des années, des sinistres considérables ont ainsi été réglés par les Assureurs (mauvais fonctionnement des installations du froid dans les cales du navire, avaries de machines en cours de voyage prolongeant sa durée, incendie, perte totale...). c) Situation des bateaux dits "flottants" : Les bateaux "flottants" sont l'une des caractéristiques du négoce du riz. Plusieurs millions de tonnes de riz en vrac et en sacs, sont vendus chaque année par les Etats-Unis d'Amérique, ainsi que par les pays asiatiques (tels la Chine, la Thailande, le Vietnam, le Pakistan...), principalement aux pays africains, et sud-américains qui sont des consommateurs importants. Au départ, il y a souvent une opération de "barter" (troc) qui permet au producteur de riz, pauvre en devises (par exemple le Vietnam), d'acheter de la farine, du sucre ou des biens industriels, et de payer au moyen de livraisons de riz. La firme de négoce international va affréter un bateau pour transporter les 12.000 ou 15.000 T. de riz qui auront ainsi été mises à sa disposition. Elle ne trouvera que rarement un acheteur immédiat. Le plus souvent, le navire flottera pendant plusieurs semaines, se dirigeant, par exemple, vers l'Afrique de l'Ouest. L'affréteur sera attentif à l'évolution du marché du riz, utilisant toutes ses relations pour finaliser son contrat de vente. Pendant cette période, il est l'unique propriétaire de cette cargaison qu'il a le devoir d'assurer, dans son propre intérêt et celui de la banque qui finance éventuellement l'opération. A cet égard, on s'aperçoit avec étonnement que les établissements financiers sont généralement peu attentifs aux problèmes d'assurance, alors qu'il en va, en définitive, de la sécurité finale de l'opération commerciale, et par conséquent de leur créance. d) Ventes Franco Bord ou Coût et Fret : Que peut et que doit faire le vendeur ? La vente CFR est une vente au départ (Cass. com., 5 octobre 1982, n° 79.11.108, DMF 1983, p. 345) dans le cadre de laquelle le vendeur s'oblige à livrer la marchandise à bord du navire au port d'embarquement. L'acheteur supporte tous les risques et frais que peut courir la marchandise à partir du moment où elle a été chargée dans le navire au port d'embarquement, le transfert de propriété s'opérant à ce stade (CA Bordeaux, 2° ch., 20 octobre 1982 ; CA Versailles, 21 décembre 1983, DMF 1984 p. 544) - et, à partir de ce même moment c'est à lui de prendre toutes initiatives utiles en vue de la défense de ses intérêts (Cass. com., 7 juillet 1992, n° 90-19.522 (11). De même, sous l'empire des Incoterms FOB le transfert des risques intervient dès le franchissement du bastingage du navire. Bien sûr, le vendeur doit impérativement assurer sa marchandise jusqu'au transfert de propriété. Est-ce suffisant ? Il n'est pas inutile d'insister à nouveau sur l'intérêt que présente une lecture attentive du contrat de vente, voire des contrats d'achat et de vente, dans une filière commerciale. Il faut se méfier du faux "back to back", donnant la périlleuse illusion d'un transfert pur et simple des droits acquis en amont, en obligations supportées par aval. A cet égard, voici deux situations vécues qui incitent à la prudence : d1) Une erreur d'analyse qui coûte cher : L'exemple cité par René Périllier (12) : est singulier : "le Français X... vend FOB Anvers à un acheteur vénézuélien, pour un prix de dix millions de francs, un ensemble mécanique composé de plusieurs machine-outils fabriquées par lui (valeur

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huit millions de francs), et d'un générateur d'énergie (valeur deux millions de francs) composant un seul colis acheté préalablement en Autriche, aux conditions "FOB Anvers". "Les risques de transport depuis Autriche jusqu'à FOB Anvers étant apparemment à la charge du vendeur autrichien, le Français X... considère qu'il est protégé dès l'instant qu'il assure le seul matériel fabriqué par lui jusqu'à FOB Anvers." "Lors de la mise à bord du navire à Anvers du générateur d'énergie, l'élingue casse et le générateur fait sur le quai une chute de plusieurs mètres, qui le met totalement hors d'usage." "Or, à ce moment-là, il apparait que : - le générateur n'est pas la propriété de l'acheteur vénézuélien, le contrat d'achat ayant été stipulé "FOB Anvers Incoterms", c'est-à-dire avec transfert de propriété au moment seulement où la marchandise passe le bastingage du navire, - ce générateur n'est plus la propriété du vendeur autrichien, son contrat de vente ayant été stipulé "FOB Anvers usage du port"- c'est-à-dire avec transfert de propriété lorsque la marchandise est livrée sur le quai, contre le bord du navire transporteur." "Monsieur X... doit, par conséquent, le prix à son vendeur autrichien (la vente a été accomplie, la livraison a été faite). Il ne peut le récupérer sur son acheteur vénézuélien (la vente n'ayant pas été réalisée). Il perd par conséquent deux millions de francs pour n'avoir pas prêté attention à une différence jugée sans importance entre les clauses "FOB", et n'avoir pas assuré l'opération de mise à bord du générateur". On peut ajouter qu'une telle garantie lui aurait été facilement accordée moyennant une prime comprise entre 0,025 et 0,05 pour cent! De telles situations sont fréquentes, car rares sont les entreprises industrielles comme les sociétés de négoce qui pratiquent de manière permanente le nécessaire dialogue avec leur représentant auprès des assureurs : le courtier. Toute une gamme de produits est ainsi offerte à l'exportateur comme à l'importateur désireux d'appliquer une politique de sécurité pour leur entreprise, tant l'assurance est oeuvre d'imagination et de prudence. Le vendeur (FOB ou CFR) qui ne maitrise pas l'assurance peut ainsi couvrir ses intérêts de vendeur (contingency risks). Cette garantie, confidentielle à l'égard de l'acheteur et des tiers, sortira à effet lorsque le vendeur n'étant pas payé, se produit un évènement couvert par la police d'assurance, et qu'il y a carence vérifiée de l'acheteur et des assureurs de l'acheteur. Après le délai contractuel, les assureurs du vendeur l'indemniseront, se réservant le droit d'agir contre l'acheteur et l'assureur défaillants. d2) Le vendeur FOB doit être attentif au contenu de l'ouverture de crédit effectuée par son acheteur : On peut à cet égard citer un cas exemplaire : le groupe I... vend FOB arrimé Anvers, à l'organisme albanais AGROEKSPORT, 3900 T. de sucre en sacs, d'une valeur de 983.100- $. Une lettre de crédit documentaire est ouverte par la State Bank of Albania et confirmée par la société Générale à Paris. Le chargement s'achève le 8 Février 1988 sur le navire DELFINOR, et la totalité de la documentation est présentée à la société Générale, mais l'acquéreur refuse le paiement (au motif que la lettre de crédit ne prévoyait pas la présentation de connaissements se référant à une charte-partie, ce qui était le cas en l'espèce). Les banques se dérobent. On aperçoit ici toute la malice des acheteurs FOB, à qui on pourrait appliquer l'adage "nemo auditur propriam turpitudinem allegans!" En effet, il leur appartenait de désigner le bateau, et par conséquent de choisir un navire de ligne régulière battant ou non pavillon albanais. Pour des raisons d'économie, sans doute, ils affrètent un bateau quelconque (on en verra les conséquences plus tard...), et remettent les connaissements à leur vendeur ou à leur banque. Ensuite, ils tirent argument du fait que le titre de transport fait référence à l'existence d'un contrat d'affrètement pour ne pas payer! Le bateau flotte, le litige s'enlise. C'est alors que le courtier du vendeur, qui avait conseillé à son client, avant l'embarquement, de souscrire une police "intérêts du vendeur", apprend que le navire aurait coulé au large des côtes italiennes. Après enquête, cette information est infirmée puisqu'il apparait qu'en fait le DELFINOR a été détourné par son équipage, et que sa cargaison est vendue au Sud Liban - alors, en pleine insurrection. AGROEKSPORT maintient sa position, et les banquiers s'abstiennent de payer le vendeur, malgré les mises en demeure opérées. I... se retourne contre ses propres assureurs qui, dans les deux mois du sinistre, consentent à dédommager leur client, puis engagent avec lui une action commune contre AGROEKSPORT. Cette firme est condamnée (T.C. Paris, 24 juin 1988) au paiement de l'entière valeur de la marchandise- la livraison de celle-ci étant

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intervenue, et le transfert de propriété opéré selon les règles d'usance et en plein respect des conditions du contrat FOB. A ce stade, trois réflexions peuvent intervenir : - il est prudent, en raison du désordre actuel des marchés, et de l'évolution des mentalités, qu'un vendeur FOB ou CFR, assure ses intérêts de vendeur, - la garantie étant souscrite, faut-il encore que le client aidé de son courtier soit efficace et convaincant lorsqu'il est confronté à des cas ressemblant à la présente espèce. Comme le disait un commentateur malicieux des conditions des polices d'assurances : "ce qui est important, c'est la rédaction du contrat! ce qui est essentiel, c'est la statistique du contrat! mais ce qui est fondamental, c'est le talent additionné du client et de son courtier à convaincre les assureurs!", - il ne suffit pas de bien assurer et de bien gérer- même si ces deux critères sont les plus importants : il faut encore prévoir la durée, organiser la pérennité de la police d'assurance. Nous avons vu que le référé organisé devant le Tribunal de commerce de Paris avait permis d'obtenir la condamnation de l'importateur albanais défaillant. Mais cette société étatique n'a tenu aucun compte de cette contrainte. Alors, invoquant la théorie de l'émanation, I... et ses Assureurs ont présenté requête au Président du Tribunal de commerce de Sète le 2 septembre 1988 aux fins d'obtenir l'autorisation de saisir un navire albanais se trouvant dans ce port. Ils ont obtenu satisfaction par ordonnance du même jour. Le litige s'est alors rapidement solutionné puisque, aussitôt que le navire TEUTA a été bloqué, les documents litigieux ont été payés par les banquiers, et les assureurs ont récupéré la totalité de leurs débours, soit, avec les frais et les intérêts, plus d'un million de $. En résumé, cette aventure démontre quel rôle peut et doit jouer le courtier auprès de son client : CONSEILLER, GESTIONNAIRE, et DEFENSEUR de ses droits tant à l'égard des assureurs que des tiers. Etant donné que des pays de plus en plus nombreux édictent des textes obligeant leurs importateurs à s'assurer localement avec contrôle douanier - (66 pays sont actuellement recensés, bénéficiant d'une législation protectrice) - l'assurance des intérêts du vendeur offre aux exportateurs la nécessaire alternative. 2) L'importateur : Frileux, ou contraint par les traditions du négoce, il sera acheteur CIF - (laissant le soin à son vendeur de traiter l'assurance et le transport). Désireux de participer à la transformation du contrat, de gérer les services complémentaires, d'avoir un poids économique plus grand, de maitriser les fonctions essentielles que sont le choix d'un navire et d'un contrat d'assurance- il se positionnera comme acheteur FOB ou CFR. Etudions les deux situations, les périls encourus, les solutions proposées, dans la définition desquelles le courtier d'assurances, une nouvelle fois, a un rôle essentiel à jouer. a) L'Acheteur Coût Assurance et Fret : Il peut rencontrer des difficultés avec l'assureur de son vendeur. Des solutions sont mises à sa disposition pour les résoudre : a1) Difficultés : L'acheteur CIF aura en mains un certificat d'assurance pouvant émaner d'une compagnie qu'il ne connait pas, et sur laquelle il n'aura en toute hypothèse aucun moyen économique de pression (puisqu'il ne travaille pas avec elle de façon régulière). Cet élément est primordial, tant l'interprétation des clauses d'un contrat d'assurance est chose bien souvent délicate, et que l'état d'esprit des parties peut influer, dans un sens ou dans l'autre, sur la décision qui sera prise à l'occasion de tel ou tel règlement. Il faut ajouter à ces considérations l'incertitude économique qui est telle que, certains marchés de l'assurance parmi les plus réputés, ont des problèmes financiers graves. Au cours des années 1992 et 1993, par exemple, les compagnies : - Scan Re Insurance Company Limited, - English and American, - Andrew Weir Insurance Company Limited,

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qui jouissaient d'une excellente réputation sur le marché anglais, ont brutalement arrêté leur activité et cessé d'effectuer tous paiements. Un problème identique s'est présenté en France, il y a quelques années, avec la compagnie "Union Nationale" qui a éprouvé de graves difficultés financières. Toutefois, à notre connaissance, il n'en est résulté aucune conséquence dommageable pour l'assuré français- lequel, avec retard parfois, a été indemnisé. Cette situation privilégiée est, il faut le dire, le fruit du contrôle étroit qu'assure l'administration, et notamment le Ministère des Finances, sur le fonctionnement des compagnies d'assurances souscrivant sur le marché français (obligation de réserves, supervision des résultats...). L’intégration européenne, si l’on n’y veille, risque malheureusement de provoquer en France un “effritement” de cette sécurité, du fait de la contagion avec la pratique plus laxiste de certains de ses partenaires. Etant donné qu'il n'existe aucune solidarité entre les compagnies d'assurances sur un contrat déterminé, il est donc également important d'être parfaitement renseigné sur la capacité de telle ou telle compagnie impliquée dans un risque, de supporter les aléas d'un sinistre. Cela entre encore dans la mission du courtier. a2) Solutions : Il existe des garanties originales mais utiles : consolidation et substitution : L'acheteur Coût, Assurance et Fret peut obtenir, sur sa propre police flottante, une garantie dite de "consolidation" qui, en cas de carence vérifiée de l'assureur d'origine, lui permettra néanmoins d'être dédommagé (les assureurs "consolidation" se réservant la possibilité, s'ils l'estiment possible et souhaitable, de poursuivre ensuite à leurs frais et risques le recouvrement des dommages dont ils ont fait l'avance, auprès du premier groupe d'assureurs). Il existe un contrat encore plus "performant", puisque l'acheteur CIF peut se garantir en optant pour une assurance de substitution. Alors, disparait le délai de carence (en général de six mois) au-delà duquel l'assureur "consolidation" intervient. Le bénéficiaire de l'assurance "substitution" est immédiatement indemnisé sur présentation d'un dossier complet et régulier. b) L'acheteur FOB ou CFR : Titulaire d'une police flottante, il sera donc assuré automatiquement à compter du transfert de propriété qui s'opère au chargement, sur le navire de mer, suivant les INCOTERMS. En appliquant le principe selon lequel "le bénéfice de l'assurance suit la filière mais ne la remonte pas" - l'acheteur FRANCO BORD ou COÛT et FRET, ne serait pas garanti contre les dommages au cours du transport préliminaire, le stockage au port d'embarquement, le chargement... alors même qu'il aurait été amené à payer l'intégralité de la valeur de la marchandise (ce qui pourrait notamment se produire si le transporteur omettait de prendre des réserves sur le connaissement). Il sera donc prudent d'inclure dans la police ouverte une disposition selon laquelle l'assuré sera garanti, nonobstant les dispositions de son contrat d'achat, pour les dommages antèrieurs au transfert de propriété qu'il aurait à supporter. Bien sûr, les assureurs de l'acheteur conservent la possibilité théorique d'exercer un recours contre le vendeur, son assureur, ou autre tiers responsable. 3) L'affréteur : L'affrètement maritime peut se définir comme le contrat par lequel "le fréteur s'engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur" (L. n° 66-420, 18 juin I966, art. 1). Le contrat établi s'appelle une charte-partie. Il existe divers types d'affrètements : au voyage, à temps, coque-nu - et les contrats s'adaptent à cette diversité, en tenant compte, au surplus, de la nature des produits transportés (produits pétroliers, céréales, huile en vrac, marchandises diverses). Selon les chartes, les responsabilités entre armateurs et affréteurs sont distribuées différemment. Bien souvent, l'affréteur sera aussi le vendeur ou l'acheteur de la cargaison transportée. L'expérience démontre que le négociant qui affrète un bateau, occasionnellement ou non, sera rarement attentif à couvrir les responsabilités qu'il encourt tant à l'égard des armateurs que vis-à-vis des tiers. La fourniture de soutes de mauvaise qualité, par exemple, peut entrainer de graves désordres dans la gestion nautique du navire : elle concerne l'affréteur à temps. La désignation d'un port "unsafe" (non-sûr), pourrait, le cas échéant, mettre en cause également la

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responsabilité de l'affréteur au voyage (mais dans des circonstances exceptionnelles que nous examinerons plus loin). Dans un ouvrage consacré par M. le Clere à l'affrètement (13), il est écrit : "notre opinion est donc qu'il est normal que, dans les chartes à temps, l'affréteur prenne les risques d'avaries au navire soit dans le choix du port (entrée et sortie dans un safe port au point de vue nautique et politique), soit à l'intèrieur du port (safe berth), parce que c'est lui qui est maitre des choix. Au contraire, dans les chartes au voyage, l'armateur s'est chargé d'organiser le transport : il n'ignore pas dans quel port on lui propose d'envoyer le navire ; il lui appartient d'étudier les conditions d'accés et de séjour dans ce port, puis de choisir : ou prendre les risques ou refuser la charte". Le point de vue de René Périllier (12) n'est guère différent. D'après lui : "dans un affrètement par charte-partie du type Gencon, par exemple, (charte au voyage), l'affréteur n'aura ni la gestion nautique ni la gestion commerciale du navire. Dans ce document, en effet, il est convenu que le navire affrété se rendra à...ou aussi près de là, qu'il pourra parvenir en sécurité et demeurer toujours à flot, et là chargera une pleine et entière cargaison de...que les affréteurs s'engagent à embarquer, et étant ainsi chargé se rendra à...et là y débarquera la cargaison contre paiement du fret sur la quantité délivrée/embarquée...". N'ayons pas peur de considérer que, selon la formule célèbre du Juge Donaldson : "les clauses des charte-parties sont des animaux étranges". Examinons successivement : - la notion de port sûr, - les garanties dont dispose l'affréteur auprès des assureurs, - la responsabilité de l'affréteur à l'égard de la marchandise, - la situation de l'affréteur victime d'un conflit auquel il est étranger, - le rôle du courtier conseil et gestionnaire. a) La notion de port sûr : La responsabilité de l'affréteur pourra être recherchée en raison du choix d'un port non sûr, sous réserve qu'il n'ait pas été connu du fréteur avant le départ du navire. Tel est souvent le cas des cargaisons de riz vendues pendant que le navire est flottant ; alors, la charte-partie indique simplement comme destination : 1, 2, ou 3 ports (par exemple de la Côte Ouest de l'Afrique, avec ou sans exclusion). L'aléa de la désignation d'un port "unsafe" pèse alors incontestablement sur l'affréteur. Tout ce qui touche au contentieux des charte-parties, est délicat et subtil! Ainsi, ces contrats contiennent-ils en général une disposition définissant la zone géographique à l'intèrieur de laquelle l'affréteur peut utiliser le navire. Si celui-ci sort de cette zone (que les assureurs anglais appellent : I.W.L.- ou Institute Warranty Limits) - l'affréteur a l'obligation préalable d'obtenir l'accord de l'armateur, qui lui demandera le remboursement de la prime additionnelle dûe aux assureurs du navire : soit pour les risques ordinaires de navigation, soit pour la situation de guerre civile ou autre. On pourrait imaginer qu'à partir du moment où l'armateur accepte cette situation, ainsi que ses assureurs, et qu'une surprime est payée à ces derniers pour risques aggravés, l'affréteur n'a plus de soucis à se faire. Il n'en est rien! En effet, il appartient également à l'affréteur de demander et d'obtenir des assureurs du navire leur agrément pour être considéré comme "co-assuré"- à défaut de quoi, en dépit du paiement de la surprime, l'affréteur peut être recherché pour dommages au bateau résultant d'un port non-sûr (Beyrouth, pendant la période de guerre..., la zone des Grands Lacs, en certaine période de l'année...). C'est dans ce sens qu'a jugé la Chambre Commerciale de la "Queen's bench division", le 8 octobre 1979 (lloyd's law reports (1980) vol. 2, p. 95), dans l'affaire "Helen Miller" : "The New York Produce form charter for the "Helen Miller" contained an additional clause defining the trading limits as being "between safe ports within I.W.L. including St. Lawrence up to and including Montreal, but excluding Cuba...Guinea, and all unsafe ports, but Charterers have the liberty of breaking limits, they paying extra insurance, if any...".The charterers ordered the ship to ports outside the I.W.L. and she suffered ice damage on voyages to these ports, which were found to have been unsafe at the relevant time. Mustill J., held that the charterers were liable for this damage. The owners had given general consent to trading outside the Limits but this did not detract from the charterer's duty to select ports which were safe, and this was not affected by the charterer's payment of extra insurance premium : "by paying the premium the charterer does obtain a benefit- the benefit of being able to send the ship on a voyage which the owner would not otherwise allow her to perform. But this is not at all the same as saying that the charterer thereby obtains the right to send her on such a voyage risk-free".

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L'exemple est édifiant, mais nous avons trouvé des décisions similaires à l'occasion de litiges opposant, par exemple, un affréteur qui avait pourtant payé la surprime sollicitée par les assureurs du navire pour maintenir leur couverture pour un voyage à destination de Beyrouth, pendant la période de guerre civile. L'affréteur n'étant pas déclaré "co-assuré" dans la police, s'est vu réclamer, avec succés, le remboursement de la valeur totale du bateau coulé à la suite d'un attentat, et ce pour avoir choisi un port "unsafe"! La responsabilité de l'affréteur pourra encore être recherchée au titre des dommages causés au navire ou à des tiers (matériels et corporels) lors des opérations de chargement et/ou arrimage et/ou déchargement, si celles-ci lui incombent aux termes de la charte (fret traité FIOS - "free in and out and stowed"). Il existe heureusement pour l'affréteur des assurances qui le mettront à l'abri de déboires certains. b) Garanties dont dispose l'affréteur auprès des assureurs : Il est possible de couvrir les responsabilités de l'affréteur à l'égard des armateurs et à l'égard des tiers, tant sur le plan matériel que sur le plan corporel. Sont généralement exclues les responsabilités de l'affréteur à l'égard de la marchandise, sauf garantie particulière. On peut souligner que les primes requises sont très raisonnables. Pour citer un exemple, on pourrait envisager de couvrir par navire et par voyage un capital de deux millions de $., moyennant une prime de 0,45 $. par GT (tonneau de jauge brute), avec un minimum de 1.50O GT, et par année de navigation (prorata temporis- minimum 3 mois). Cela signifie que, sous réserve d'approuver les termes de la charte-partie, et le navire, les assureurs couvriront dans la limite des capitaux indiqués ci-dessus, la responsabilité de l'affréteur du navire "X" dont le GT ressort à 1.50O, pour une prime de : 675 $/an soit 168.75 $ pour trois mois. Nous sommes dans le cadre d'un navire construit depuis moins de 20 ans. Cette prime correspond à 12 mois de couverture. Elle sera ramenée à 169 $. pour une période n'excédant pas trois mois de risques (un voyage). Naturellement, il s'agit d'un contrat pour un client spécifique mais cela donne une idée de la tarification appliquée, qui est modeste compte-tenu du caractère des risques garantis. Ajoutons que les pénalités financières (surestaries, frais de détention du navire...), que supporte l'affréteur, n'entrent pas dans l'assurance type que nous venons de décrire. c) Responsabilité de l'affréteur à l'égard de la marchandise : Demeure en suspens la question de la responsabilité de l'affréteur à l'égard des marchandises transportées, qui lui appartiennent généralement, mais sont aussi destinées, la plupart du temps, à être revendues. Si l'affréteur est vendeur CIF, il peut "maitriser" les réactions de ses assureurs, et obtenir d'eux de renoncer à tous recours mettant justement en cause sa responsabilité. Il n'en est pas de même du vendeur Coût et Fret, puisque les marchandises seront alors couvertes par son acheteur, et que les assureurs de ce dernier poursuivront le recours en toute circonstance. En effet, l'affréteur aura négocié le connaissement sous l'empire duquel l'armateur se verra réclamer des dommages dont il entendait éventuellement être exonéré suivant la charte-partie signée. L'affréteur se verrait alors demander réparation par l'armateur, par voie d'arbitrage, conformément à la clause compromissoire de la charte. Les "Protecting and Indemnity Clubs", qui sont des mutuelles essentiellement britanniques et scandinaves, couvrent les armateurs contre les recours de tiers, les problèmes de pollution, de gestion (amendes en douane, clandestins voyageant à bord des navires...), et, bien sûr, les réclamations pour dommages aux marchandises transportées. Certains de ces Clubs acceptent de fournir une couverture appropriée aux affréteurs, même si cela n'entre pas encore tout à fait dans leur culture! d) Situation de l'affréteur victime d'un conflit auquel il est étranger : Nous nous plaçons dans l'hypothèse où la marchandise qui lui appartient se trouve embarquée sur un bateau qui est saisi en cours de voyage par suite d'un conflit entre l'armateur et une autre partie (conflit auquel l'affréteur doit être étranger). Il est possible, dans une telle hypothèse, de garantir les frais de déchargement, transit, rechargement et nouveau fret pour acheminer la cargaison à destination finale. Cette garantie est par exemple sortie à effet dans l'espèce suivante : une cargaison de riz a été chargée au Vietnam suivant charte-partie de février I993, pour compte de la société

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française X., qui avait affrété le navire R. (pavillon : Malte, registre : Lloyd's Register). Le navire toucha son premier port : Pointe Noire en juillet I993, pour y débarquer partie de son chargement. Avant la fin de cette opération, le R. est saisi par les autorités congolaises, en application de la résolution 820 des Nations-Unies, visant les biens appartenant à des intérêts yougoslaves. Il semble en effet que ce bateau, sous couvert d'un pavillon neutre qui lui servait de "paravent", avait conservé des liens financiers avec son armateur antèrieur (la société Prekooveanska Plovidba, de Bar, Yougoslavie). Après de délicates et longues discussions, les autorités autorisent enfin le déchargement du riz destiné à Pointe-Noire, puis le transfert des 6.000 T. destinées à deux autres ports africains. Mais il est nécessaire d'organiser le transbordement, puis l'affrètement d'un nouveau bateau - soit une dépense de plusieurs centaines de milliers de dollars. L'assurance des frais spéciaux heureusement souscrite par l'affréteur - propriétaire de la marchandise - sur la vive insistance de son courtier, permit à ce client d'être totalement indemnisé. Néanmoins, il est bien préférable, plutôt que de souscrire de telles garanties d'ailleurs difficiles à placer sur un marché spécial saturé, d'inviter l'affréteur à se montrer particulièrement vigilant en ce qui concerne la qualité du navire qu'il affrète, de son armateur, et de son opérateur. De plus en plus, les assureurs sont attentifs à obtenir la certitude que tel navire qui est affrété par l'un de leurs clients, bénéficie bien d'une couverture "club" en cours de validité. En effet, en cas de litige, sauf à obtenir dès la fin du voyage une caution bancaire ou une garantie du club - ce qui n'est pas toujours possible - les assureurs, qui doivent désormais renoncer à l'idée d'engager une action directe contre le club (jurisprudence défavorable de la Chambre des Lords dans les affaires FANTI et PADRE ISLAND), appréhendent de se trouver dans la situation suivante : - un armateur impécunieux, - un club qui a retiré sa couverture pour non paiement des primes... Mais il faut admettre qu'il est extrèmement difficile d'obtenir à cet égard une preuve incontestable - étant entendu que des mentions du style : "...le navire "X" est inscrit au pandi club "Y", et cette couverture sera maintenue pendant toute la durée de l'affrètement", figurant dans la charte-partie, n'a strictement aucune valeur vis-à-vis du club visé, et peut être insérée de manière tout à fait fantaisiste. e) Rôle du courtier - conseil et gestionnaire : Le risque de perte totale comme le danger d'avaries communes (suite à un incendie nécessitant des mesures de sauvegarde dans l'intérêt général, ou à une avarie de machines entrainant une assistance), augmentent évidemment avec la vétusté du bateau. L'entretien du navire, et la qualité de sa gestion, sont également des éléments déterminants du risque. Il existe des éléments aggravants complémentaires tels : - le défaut de cote par un registre de classification reconnu, - le fait de battre pavillon de complaisance (ce qui correspond, bien souvent, pour le personnel navigant considéré, à une absence de couverture sociale, ainsi qu'à une moindre exigence en matière de diplômes, par conséquent de compétence). Voici une illustration de notre propos : le navire KORTANK battant pavillon grec, chargé d'une cargaison de pétrole à destination de DAKAR (Sénégal), s'est échoué à la sortie du port de Salonique, le 27 février 1989. Il a dû être assisté, sur la base d'un contrat "no cure no pay". Ses armateurs l'ont déclaré en avaries communes. Les assureurs de la marchandise, assistés de leur courtier, ont procédé à une enquête. Il est alors apparu que le capitaine, en fin de carrière, avait une vue déficiente qui l'obligeait à porter des verres grossissants. Au surplus, ce navire KORTANK avait un équipage d'une belle diversité : 5 langues y étaient en usage! Ainsi, la conviction des experts fut-elle que le capitaine n'avait eu qu'une vision imparfaite de la position du bateau, comme des mesures à prendre. Au surplus, ses ordres dans cette tour de Babel arrivaient tardivement et déformés. A vrai dire, le KORTANK était "unseaworthy"- c'est-à-dire : innavigable. Voici d'ailleurs quelques éléments de l'enquête à laquelle il fut procédé : "...the master was seriously short-sighted. He thought that the vessel's course was 200° when it was in fact 230°...He was unable to command and/or navigate the vessel safely, properly or correctly... ...the vessel's master, officers and/or crew were made up of individuals from several different countries whose command of the english language was imperfect and/or inadequate...(they) were unable adequately or at all to work together and/or communicate with each other for the purposes of the safe navigation of the vessel...".

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Une action volontariste menée par le courtier-gestionnaire, pour compte commun de la cargaison et de ses assureurs, a permis d'obtenir l'abandon de la procédure d'avaries communes, et le remboursement de l'essentiel des dépenses exposées (soit un gain pour les Assureurs d'environ 500.000- $.). Nous sommes loin du courtier traditionnel, qu'il soit courtier juré ou de libre établissement. Cette situation nouvelle s'est forgée au fil des épreuves : tant dans la conception que dans l'exécution des affaires. Ce mandataire ne peut vraiment pas se contenter d'être un intermédiaire passif entre clients et assureurs, un apporteur d'affaires dont il ne s'occuperait qu'une fois par an, au moment du renouvellement des contrats. Il doit s'impliquer, se remettre en cause, si nécessaire, avec les risques techniques que cela comporte. Il est vrai que certains courtiers spécialisés dans l'assurance maritime avaient déjà acquis cette philosophie, et l'appliquaient naturellement dans leur activité. Tous devront suivre pour tenir compte des mutations intervenues, et pour rester l'interface incontournable de ce personnage nouveau apparue dans les entreprises modernes : le RISK-MANAGER. Nous verrons dans la deuxième partie, l'attitude de la jurisprudence à l'égard de ce professionnel que nous découvrons ensemble : le COURTIER.

DEUXIEME PARTIE : LA RESPONSABILITE DU COURTIER Nous le savons, le courtier d'assurances maritimes est le mandataire de ses clients : les assurés. Ainsi que l'écrit le doyen Rodière (7) : "cette qualification tient à son rôle et commande à sa responsabilité. Pour l'assuré, il est l'homme de confiance qui s'occupe de tout ce qui se rattache de près ou de loin à la police ; c'est lui qui choisit, sauf exception, la ou les compagnies d'assurance qui vont couvrir, dans les conditions que le courtier débattra pour lui, les risques prévus par la police à souscrire. Son rôle est si important que, dans la pratique, les assurés tiennent volontiers le courtier pour leur assureur, ce qu'il n'est pas". "Sa responsabilité sera celle d'un mandataire, selon le droit commun de l'article 1992 du Code civil". Rappelons le contenu de cet article : "le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion...". Bien sûr, la situation décrite ci-dessus tend à évoluer : les groupes industriels, les compagnies de navigation, les firmes de négoce les plus importantes, ont des services chargés des problèmes d'assurance, qui s'en acquittent souvent avec compétence. Certains lient même leur sort à des compagnies d'assurance "captives", qui, par le jeu des réassurances, leur permettent de récupérer une partie de leurs primes. D'autres préférent gérer leur portefeuille dans le cadre d'un bureau de courtage "captif", avec la double volonté d'économiser une partie de la commission de l'intermédiaire, et de tenter d'apporter un soin supplémentaire à leurs propres affaires. Il s'agit là, il faut le dire, de comportements marginaux, qui laissent un large domaine d'intervention au courtier multi-cellulaire. Celui-ci est néanmoins soumis à des sollicitations continuelles résultant au surplus : - de la concurrence du courtage international - ce qui est légitime, - de la pression aggravée de clients désireux d'obtenir, sans cesse, des taux plus bas, des conditions plus étendues, et des prestations plus larges. Dans le même temps, les résultats techniques des compagnies d'assurances, spécialement dans la branche transports, sont hésitants, leurs plus-values boursières se sont amenuisées, et la valeur des immeubles qui constituent une partie de leurs réserves a décru! Dans cet environnement particulier, attachons nous, à travers la jurisprudence, à passer en revue : A) les attributions du courtier, mandataire de l'assuré, B) son obligation de conseil, C) les sanctions attachées à ses fautes de gestion, D) la situation pouvant résulter pour le courtier d'une trop grande ambiguïté sur sa véritable qualité. A) Le courtier est le mandataire de l’assuré : Nous avons retenu six procédures qui, dans leur diversité, constituent un échantillon représentatif des conflits dans lesquels peut être impliqué le courtier :

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1) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 29 juin I982 (17) - s/ appel d'un jugement du TC Paris du 15.12.1980 : Suite à des avaries en cours de transport, la compagnie Assurantie Maatschappij NIEUW ROTTERDAM, après paiement des dommages, assigne le transporteur le 10 janvier 1978. Le Tribunal de commerce de Paris a déclaré cette demande irrecevable pour défaut de qualité (absence de quittance subrogative au profit de la compagnie, et paiement effectué par le courtier). Même si, sur le fond de l'affaire, les assureurs ont perdu le procés - mais tel n'est pas notre propos - leur demande a été reçue en cause d'appel avec la motivation suivante : "...il y a lieu de relever que le courtier, en effectuant le paiement au réceptionnaire de la marchandise, ne peut qu'avoir agi en exécution du contrat d'assurance et pour le compte et sur instruction de l'assureur, c'est-à-dire la société N.R. ; qu'ainsi que le fait observer pertinemment cette société, cette manière de procéder est conforme à l'usage suivi en matière d'assurance". "Que, dans ce cas, c'est l'assureur qui supporte en définitive le paiement de l'indemnité, qui est subrogé dans les droits de l'assuré, et non le courtier, celui-ci étant remboursé par l'assureur avec lequel il est en relation suivie au moyen d'un compte courant....". 2) Jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 2 décembre 1986 (revue Scapel 1987, p. 6) : Suite à des avaries reconnues aux Etats-Unis sur 220 rouleaux de tôle laminée à froid, en provenance de Yougoslavie, les vendeurs FOB SPLIT, bénéficiaires d'une cession de droits de leurs acheteurs, ont assigné en paiement d'une somme de 596.681- $. : 14 compagnies d'assurance ainsi que le “X”, par l'intermédiaire de qui le risque avait été souscrit. La mise en cause du courtier- dans la mesure où aucune faute ne peut être retenue à son encontre - est abusive. Ainsi, le Tribunal de commerce de Marseille a jugé : "...il n'est pas contestable que la société “X” n'a jamais eu la qualité d'assureur, puisqu'elle est intervenue uniquement en qualité de courtier, que dès l'instant où aucune faute n'est articulée et encore moins prouvée à l'encontre du courtier... il y a lieu de le mettre hors de cause et de condamner la société F. à payer à “X” la somme de 10.000 F. à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 F. à titre d'indemnité en vertu de l'article 700 du N.C.P.C....". 3) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 21 octobre 1987 (17) . Arrêt de la Cour de Cassation du 28 juin I989 (pourvoi rejeté) : Le 19 mars 1986, le courtier “Y”, a été prié de faire assurer le mobilier du Sieur R., de Montauban-de-Bretagne à Paris, le transport par camion devant s'effectuer le 21 ou le 22 mars. Un acompte de prime de 5.000 F. fut payé. Le vendredi 21 mars, en fin d'après-midi, R. confirme que le transport a lieu le lendemain. Le samedi 22, le mobilier brûle en cours de transport, mais le courtier n'a transmis la proposition d'assurance que le lundi 24 à l'assureur qui refuse "de prendre en charge un sinistre qu'il ne s'était pas engagé à garantir". R. demande au Tribunal de condamner le courtier et l'assureur à lui payer in solidum 2.750.000 F. Il est débouté par jugement du TGI. de Paris du 29 avril 1987, ainsi que par la Cour d'appel. Quant à la Cour de cassation, elle rejette le pourvoi comme suit : "Attendu qu'il résulte des énonciations souveraines des juges du fond que R. a été informé par “Y”, courtier d'assurances, que la proposition d'assurance qu'il avait souscrite auprès de celle-ci ne pourrait être transmise à l'assureur qu'après fixation de la date du transport de la marchandise assurée ; que, cette date ayant été fixée au samedi 22 mars 1986, R. l'a communiquée au courtier par telex daté du vendredi 21 mars, 17 h 40, soit dans des conditions de temps qui n'ont pas permis la transmission de la proposition ; qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut donc être accueilli...". Les Tribunaux se sont donc refusés à reconnaitre une faute personnelle du courtier dans la gestion de cette affaire. 4) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 19 septembre 1984 : (17) La société R. donne en location à la société T.C., un véhicule semi-remorque qui n'a pu être restitué, et demande à ce titre F. 29.920 ainsi que divers frais qui n'entrent pas dans le cadre de notre réflexion. Le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 16 avril 1982 :

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1) condamné TC, 2) mis hors de cause ses assureurs, fondés à se prévaloir de la prescription biennale, 3) condamné le courtier J.P.L., à Paris, à garantir son client des condamnations prononcées. Sur appel du courtier et de son client, la Cour de Paris a considéré : "...force est de constater qu'aucune faute déterminée et précise n'est alléguée contre le cabinet “Z” accusé en termes vagues d'avoir laissé son client "dans l'ignorance des décisions à prendre" ; que si le cabinet “Z” peut estimer qu'il lui serait ainsi reproché de n'avoir pas interrompu la prescription encourue, il est fondé à soutenir qu'il n'avait pas lui-même, dans le cadre de son mandat alors qu'il n'a jamais été prétendu qu'il avait reçu celui d'ester en justice, à prendre une telle initiative ; que d'autre part, sur le manquement à l'obligation de conseil auquel il est fait allusion par la société TC à propos des "décisions à prendre"..., la preuve ne serait pas rapportée de toute façon, d'une relation de causalité certaine et directe entre le préjudice subi par la société T.C. et le manquement allégué aussi vaguement, alors que la société TC, professionnel du transport et propriétaire et locataire d'un parc automobile important ...ne peut établir que ce serait l'absence de conseil de son courtier qui l'aurait empêchée, étant donné son expérience, d'interrompre la prescription dérivant du contrat d'assurance...". La Cour a mis hors de cause le courtier. Il semble se dégager de cette décision une idée générale selon laquelle ce courtier aurait une responsabilité à "géométrie variable", tenant compte de la qualité et des connaissances supposées de ses clients. L'idée est généreuse sur le plan moral, peut-être discutable sur un terrain juridique! 5) Arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier du 12 janvier I984 (BT. 1985, p. 11) : La société F. transporte le 19 mars 1979 des conserves de Castelnaudary à Talence et Mérignac. A la suite d'un incendie, la marchandise est détruite en cours de transport. Le Tribunal de commerce de Castelnaudary condamna F. par jugement du 10 mars 1981 à supporter l'entier préjudice, et le débouta de ses appels en garantie contre ses assureurs et son courtier, au motif que le contrat d'assurance "responsabilité contractuelle du voiturier" souscrit par F., excluait justement le transport des denrées alimentaires, et qu'il ne pouvait de ce fait sortir à effet. F. reprocha alors à son courtier, devant la Cour d'appel, d'avoir failli à son devoir de conseil de deux façons : - en n'indiquant pas à son client, en temps utile, qu'il n'était pas couvert pour tous les transports qu'il effectuait (alors que dans sa police précédente, il n'y avait aucune limite de garantie quant à la nature des marchandises), - en lui laissant croire, après le sinistre, qu'il était bien assuré. La Cour rappelle : "...que le Tribunal ...a jugé qu'en présence d'une clause aussi claire que celle figurant sur la police, la société F. ne pouvait avoir été induite en erreur sur la garantie offerte, ce qui impliquait nécessairement que tout commentaire du mandataire était donc superflu", et ajoute : "Attendu qu'en l'absence de toute précision sur l'étendue du mandat du courtier, la Cour ne peut qu'adopter cette argumentation, car il n'est nullement démontré, en l'espèce, d'une part, que le courtier ait eu pour mandat de rechercher une couverture identique et, d'autre part, que la police proposée ait été ambiguë, et ait nécessité des explications de la part d'un spécialiste". Concernant l'autre grief formé par F. contre son courtier, la Cour est de l'opinion que : "...les affirmations erronées du courtier sur la couverture du sinistre, postèrieurement à sa survenance, ont été sans incidence sur celle-ci, et ne sauraient lui être reprochées dans la mesure où elles n'ont pas privé la société d'exercer son recours contre l'assureur". Les magistrats ont jugé en toute sérénité. Nous nous posons toutefois la question de savoir si la police avait bien été contresignée par F.. Dans le cas contraire, en l'absence probable de tout écrit de la part du courtier rendant compte de ses efforts infructueux pour obtenir une assurance sans restriction, en prenant en considération au surplus le fait que la prime était perçue sur la totalité du fret, nous serions amené à penser que l'obligation de conseil a été quelque peu malmenée! 6) Arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux rendu en I994 (17) suite à un Jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 27 avril 1990 : En 1983, l'organisme soviétique importateur de céréales : EXPORTKHLEB, change ses contrats d'achat en imposant à ses vendeurs de finaliser en "FOB poids délivré". Les

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exportateurs qui n'ont ni la maitrise du fret, ni celle de l'assurance, se voient néanmoins opposer les pertes de poids unilatéralement fixées à l'arrivée. Les céréaliers internationaux s'adressent alors à des sociétés de surveillance en mesure d'offrir dans le cadre de garanties "fog" (full outturn guarantee), la surveillance au chargement, et la garantie de poids. Dans l'espèce ici en cause, l'un de ces surveillants : la société TH., s'est adressée à un courtier de Bordeaux, en le mandatant aux fins d'assurer cette garantie de poids. Le courtier confirma par telex des 15 décembre 1983 et 20 janvier I984, l'accord des assureurs pour une garantie de campagne portant sur 300.000 tonnes de céréales, moyennant une tarification donnée. Un mois plus tard (telex du 12 février 1984), le courtier informait son client que les assureurs rompaient unilatéralement leur engagement tarifaire- du fait des mauvais résultats escomptés- et modifiaient leurs conditions en augmentant les taux et franchises. Il en est résulté un surcoût apprécié par la société TH., elle-même engagée à l'égard des exportateurs, à 147.891- $., dont elle a demandé réparation à son courtier. Le demandeur a été débouté en première instance, puis en appel, les juges considérant que : "le courtier est un tiers au contrat liant l'assureur et l'assuré, et ne saurait dès lors répondre que des fautes éventuellement commises dans l'exercice de son mandat...". Cette décision est logique, si l'on reste attaché au principe du courtier mandataire de son client, n'ayant qu'une obligation de moyen. On peut ajouter qu'il est étonnant que l'assuré n'ait pas pris l'initiative d'assigner également les compagnies d'assurance, et que le courtier ne les ait pas appelées en garantie : la portée de l'action eût été différente et les chances de succés autrement convaincantes. B) Le courtier a une obligation de conseil : Nous avons vu, à travers les décisions qui précèdent, que les Tribunaux examinaient sans sévérité excessive pour les courtiers, la notion du mandat attaché à leur fonction. Voici cinq autres arrêts, dont deux décisions de "transition", qui montrent des cas d'espèce différents, et une attitude plus grave de la part des magistrats. 1) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 27 septembre 1984 : “X” est courtier juré à Rouen quand il établit le 21 février 1977 une police flottante aux noms de la S. et ses filiales... agissant tant pour leur compte que pour le compte de qui il appartient. La S. a par la suite donné mandat au courtier de signer en son nom tous avenants à la police. Le 6 février 1979, le courtier émet un certificat d'assurance "au porteur", relatif à des marchandises à destination de Jeddah (Arabie Saoudite). Ce certificat est établi sur imprimé à en-tête de “X - courtier juré d'assurances”, qui le signe. En dépit des dommages reconnus à destination, la réclamation n'est pas payée par les assureurs, et le demandeur assigne le courtier en invoquant deux moyens : a) l'établissement d'un certificat d'assurance non signé par les compagnies, mais signé par “X”, conférant à celui-ci l'apparence d'être le véritable assureur. A cet argument, la Cour répond : "... il appartenait à la société M.P. (le porteur), si elle l'estimait utile, de mettre en demeure “X”. de lui révéler les noms des assureurs - que, par suite, l'action de la société M.P. contre “X” en qualité d'assureur de la marchandise n'est pas recevable". b) dans le certificat d'assurance du 6 février 1979, “X” a indiqué comme commissaire d'avaries à destination : M. Haddad dont l'agrément a été retiré le 15 février 1979 par les assureurs. Cela a contraint le destinataire, sans instruction du courtier, à faire appel à un autre expert dont la qualité a été contestée par les assureurs- ce fait étant à l'origine du présent litige. La Cour, sur ce moyen également, a mis hors de cause le courtier “X” :"il n'est pas établi que “X” avait été informé avant cette date du retrait de l'agrément de ce dernier (M. Haddad) ; après l'établissement du certificat, il en ignorait le porteur et ne pouvait l'aviser de cette modification...", "la société M.P. n'apporte pas la preuve que, sur sa demande, elle ait reçu de “X”, dont le nom et l'adresse figuraient sur le certificat d'assurance, un renseignement inexact sur l'identité du nouveau commissaire d'avaries agréé...". Il faut toutefois noter que la Cour considérant qu'il avait fallu attendre l'arrêt du 30 juin 1983 par lequel elle avait, avant dire droit, sur l'action exercée contre le courtier, ordonné à celui-ci de faire connaitre à la société M.P. le nom des compagnies d'assurances - a estimé que

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le courtier devrait supporter les dépens de première instance et d'appel rendus nécessaires par sa seule négligence. 2) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 30 janvier 1985 : (17) La sarl "la M." assure le 18 août 1978, "tous risques incluant le vol", des marchandises transportées par camion, auprès de la compagnie Le Monde, à travers le courtier “L”. Celui-ci était titulaire depuis le 5 août 1977 auprès de cette compagnie d'un contrat "tiers-chargeur", sous forme d'une police à alimenter pour le compte de qui il appartient. Le 1er janvier 1978, une clause dite "clause syndicale : vol de marchandises" avait été insérée dans cette police, prévoyant que lorsqu'un vol est commis dans un véhicule routier en stationnement, la garantie des assureurs n'est acquise qu'à la double condition : - que ce véhicule ait été équipé d'un dispositif antivol agréé par l'assureur, - que ce dispositif ait été mis en oeuvre pendant l'absence momentanée du chauffeur. Il ressort du dossier que le camion et ses marchandises (assurées 750.000- francs) ont été dérobés alors que le chauffeur l'avait laissé en stationnement sur la voie publique, la clé de contact sur le tableau de bord. Ce véhicule, qui devait être retrouvé vide sept jours plus tard, ne comportait aucun système antivol. Les assureurs ont refusé de couvrir le sinistre, et la sarl "la M." les a assignés, ainsi que le courtier “L”., devant le TGI de Paris, à l'effet d'obtenir leur condamnation conjointe et solidaire. Par jugement rendu le 26 avril 1982, le Tribunal a condamné la compagnie le Monde à verser à son assuré la somme de 409.686- francs augmentée des intérêts - avec exécution provisoire. Le courtier a été mis hors de cause. Les premiers juges ont considéré que la clause syndicale "vol de marchandises" n'étant pas insérée dans la note de couverture qui avait été délivrée à la sarl "la M.", ne lui était pas opposable. Les assureurs ont interjeté appel, et l'assuré a fait appel incident, ne mettant toutefois en cause que la compagnie Le Monde. Les juges du 2ème degré ont considéré que la procédure pénale (!) avait fait apparaitre que la sarl "la M." était parfaitement au courant des exigences de la clause syndicale, et qu'à partir du moment où elle n'avait pas pris les précautions contre le vol exigées par la police d'assurance, elle ne saurait prétendre à être indemnisée. La Cour ajoute : "...si le cabinet “L”. a omis de faire mention de la "clause syndicale" dans la note de couverture qu'il a remise à la société "la M.", celle-ci ne peut en faire grief qu'au courtier et non se prévaloir de cette omission à l'encontre de l'assureur". Faut-il penser que si, en cause d'appel, l'assuré avait également formé appel incident contre le courtier (étrangement omis alors qu'il était assigné en première. instance) - celui-ci eût été condamné ? On peut raisonnablement le penser. 3) Arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux du 17 novembre 1986 : (17) Un commissionnaire de transports (SDB) assuré par La Préservatrice-Foncière, confie au Sieur B. un transport de marchandises à destination de l'Italie. Un vol intervient en Italie, sur le camion de B. Le commissionnaire et ses assureurs en partie subrogés assignent le Sieur B, qui appelle en garantie ses assureurs ainsi que le courtier. Par jugement du 17 mai 1984, le Tribunal de commerce de Bordeaux déboute le transporteur de son action contre ses assureurs, mais condamne le courtier à relever son client à concurrence de 50 pct du montant de la condamnation. Le 17 novembre I986, la Cour d'appel de Bordeaux confirme ce jugement, et retient donc pour moitié du préjudice la responsabilité du courtier. En effet celui-ci parait avoir eu à placer à la fois l'assurance des véhicules appartenant à B., et celle des marchandises transportées. Dès réception d'une lettre datée du 6 octobre 1981, émanant du courtier, qui était sans doute une proposition motivée et chiffrée, mais que le transporteur B. a considéré comme une note de couverture, B. : - a résilié les polices dont il était titulaire jusque là, - a reçu les cartes vertes des véhicules, - a payé une somme de 10.000 F. représentant l'acompte réclamé par le courtier. Certes, les juges ont-ils retenu l'argument des assureurs selon lequel la lettre des courtiers en date du 6 octobre 1981 ne les engageait pas, puisque la mention "note de couverture" n'y figurait pas, ni la date de prise de risques, sans compter que le courtier était en

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l'espèce le mandataire de son client et non le représentant des assureurs. Quant aux cartes vertes, elles concernaient l'assurance des véhicules, et non celle des marchandises transportées. Il en était de même pour l'acompte de prime versé entre les mains du courtier. Néanmoins, le Tribunal, puis la Cour d'Appel de Bordeaux, ont tenu à sanctionner le courtier étant donné : "qu'il est reproché explicitement à .... d'avoir failli par sa désinvolture à ses obligations de conseil, du fait notamment de la rédaction ambigüe de la lettre du 6 octobre 1981...". Ainsi le transporteur et son courtier ont-ils supporté par moitié le montant de la condamnation. 4) Arrêt du 19 octobre 1990 de la Cour d'Appel de Paris (BT 1991, p. 116) : La société M.B.A. demande en décembre 1989 à son courtier “D” de faire assurer un transport de matériel médical d'une valeur de 2.200.000- francs., de Paris à Bordeaux. Le matériel est volé dans la nuit du 21 au 22 décembre 1989. Les assureurs refusent de payer car la police souscrite limitait la garantie en matière de vols à ceux consécutifs à des accidents de la circulation, et à ceux commis lors d'agressions à main armée ou avec violence. Il convient de noter que la société M.B.A. n'avait pas été avisée par son courtier de cette restriction dans la couverture donnée. M.B.A. assigne son courtier : - par ordonnance de référé du 22 mars 1990, celui-ci est condamné à payer 1.500.000- francs à son client, à titre de provision, - le Tribunal de commerce de Paris, le 7 juillet 1990, infirme cette décision, et condamne M.B.A. à rembourser le courtier, - la Cour d'appel est d'un avis différent puisque par son arrêt du 19 octobre 1990, après avoir constaté : “D” avait donc le devoir de souscrire une police d'assurance donnant à sa cliente les garanties que celle-ci lui demandait et il est à tout le moins mal venu d'émettre, a posteriori, des critiques, au demeurant dépourvues de fondement et de justifications, sur l'organisation du voyage, sur la réalité du vol et sur la sincérité des déclarations reçues par la police". Elle ajoute : "En réalité, en n'ayant pas exécuté ses obligations, ainsi qu'il le reconnait dans le dernier paragraphe de sa lettre du 4 janvier 1989, D. (le courtier) a manqué aux obligations nées de son mandat comme au devoir de conseil qui était le sien...", et condamne le courtier à payer à son client une somme de 2.200.000- francs. Nous retiendrons de cet arrêt que dans le cadre de son mandat, le courtier a le devoir d'exécuter les instructions de son client : s'il ne peut souscrire la garantie demandée, il doit l'en aviser avant le début des risques. 5) Arrêt de la Cour de Cassation du 5 février 1991 (rejet du pourvoi formé c/ l'Arrêt de la Cour d'Appel de Versailles du 19 mai 1988. BT. 1991, p. 327) et (17) : Un groupement d'entreprises : EUROTRAG, ayant été chargé de la construction du chemin de fer transgabonais, a confié le placement et la gestion des assurances du transport maritime des fournitures de construction, à deux courtiers : “A”, de Paris et “B”., de Gênes (le premier dirigeant l'opération, et le second s'occupant des sinistres). Des dommages s'étant produits, les assureurs opposent la prescription biennale à EUROTRAG qui demande réparation. La Cour d'appel de Versailles, en son Arrêt du 19 mai 1988 : - accueille "l'exception de prescription biennale (invoquée par les assureurs), en application de la loi française régissant la police d'assurance...", - et rejette par conséquent l'argument selon lequel puisque : "la police d'abonnement, rédigée en français et signée à Gênes...stipulait que l'assurance des facultés s'entend aux conditions de sept clauses rédigées en anglais" - cela impliquait que les parties avaient accepté implicitement de soumettre le contrat d'assurance aux dispositions de la loi anglaise qui prévoit, nous le savons, une prescription de six ans. La Cour d'appel, puis la Cour de cassation, vont sanctionner les deux courtiers, ainsi que l'assureur couvrant la responsabilité du courtier français. Les motivations sont particulièrement nettes :

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- "attendu... que ce groupement (Eurotrag) était en droit d'attendre de “A” d'être "un guide sûr et un conseiller expérimenté" quant aux mesures propres à interrompre les prescriptions et à préserver les recours contre les transporteurs ; que la Cour d'appel, devant laquelle “A” s'est défendue d'être "le conseiller juridique" d'Eurotrag sur ces deux points, était donc bien saisie de l'existence, au profit d'Eurotrag, qui n'était pas professionnel des assurances maritimes, d'une obligation de conseil...", - "...attendu que la Cour d'appel a retenu à la charge des deux courtiers un manque de vigilance, notamment quant aux procédés dont l'assuré disposait pour interrompre la prescription..." En fait, les juges ont condamné à la fois le défaut de conseil et l'erreur de gestion : la frontière entre les deux est perméable. C) Le courtier doit assumer la responsabilité de sa gestion : Nous avons retenu trois affaires à l'occasion desquelles nos juridictions se sont penchées sur des litiges opposant, une nouvelle fois, des assurés à leur courtier : 1) Arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 11 octobre 1984 : (17) Un litige opposait les Transports M., à la société C., concernant des dommages survenus au matériel de C. transporté par M.. Le courtier “L” a écrit à son client M., le 24 janvier 1973, mais a également contacté directement la "victime C.", en donnant sur l'étendue de la garantie accordée par son entremise des précisions qui se sont avérées inexactes. Il en est résulté pour M. un découvert, non supporté par ses assureurs : Seine et Rhône, dont il a demandé réparation à son courtier. Le Tribunal de commerce de Lyon par jugement du 6 juin I983, puis la Cour d'appel de Lyon, le 11 octobre 1984, ont considéré que le courtier “L” avait engagé sa responsabilité professionnelle, et l'ont condamné à payer à son client 180.000- francs, plus accessoires. 2) Arrêt de la Cour de Cassation du 24 mars 1992 : (17) Les époux B. assurent leur voilier auprès de la compagnie Rhône-Méditerranée, par l'entremise d'un courtier : “M”. Ils décident de résilier leur contrat, en avisent leur courtier qui, suivant les dispositifs de l'arrêt, met plus d'un mois après réception de cet avis pour en informer les assureurs. L'avenant de la compagnie, entérinant cette situation le 7 juillet 1983, qu'il aurait reçu le 11, n'est transmis par ses soins que le 18 juillet. Ainsi la compagnie d'assurances fut-elle conduite, du fait de ces retards cumulés, à régler aux époux B., au titre de dommages subis par leur voilier le 17 juillet 1983, une somme de 329.036 - francs. Les assureurs demandèrent réparation, au courtier, du préjudice ainsi subi, considérant qu'ils étaient victimes de sa mauvaise gestion. La Cour d'appel de Bordeaux, le 23 mai 1990, puis la Cour de cassation par son arrêt n° 419 D., du 24 mars 1992, ont retenu l'entière responsabilité du courtier “M” selon la motivation ci-après de la Cour suprême : "attendu que pour retenir l'entière responsabilité de “M” dans la réalisation du dommage subi par la compagnie Rhône-Méditerranée, la Cour d'appel, après avoir caractérisé la faute commise par ce courtier, "professionnel de l'assurance", laquelle a consisté dans la transmission tardive aux assurés, les époux B., de l'avenant de résiliation contractuelle de garantie que l'assureur lui avait adressé à cette fin, a, souverainement retenu que, si “M” avait fait diligence, l'accord sur la résiliation de la police aurait été obtenu avant la survenance du sinistre ; qu'elle a pu déduire de ces énonciations et constatations l'existence d'un lien de causalité certain entre la négligence de “M” et la couverture du risque par la compagnie R.M. et la responsabilité exclusive de ce courtier ... par ces motifs : rejette le pourvoi". 3) Arrêt du 9 Mai 1994 de la Cour de Cassation (cité par Lamy Transport juin I994, p. 4.) : Dans une espèce opposant Lindon à Via assurances et P., la Cour a jugé : "commet une imprudence le courtier qui transmet à son client, par lettre simple, un chêque d'indemnité d'un montant élevé, le risque de vol d'un chêque adressé en courrier ordinaire étant notoire et la Poste offrant à ses usagers le moyen de s'en préserver ".

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D) AMBIGUITE SUR LA VERITABLE QUALITE DE COURTIER : Il est de l'intérêt des courtiers de ne pas entretenir une trop grande ambiguïté sur leur véritable qualité, car ils courent alors le risque d'être pris comme assureurs et personnellement condamnés au paiement de l'indemnité. La plupart des courtiers prennent la précaution de faire signer par l'assureur les certificats qu'ils émettent. C'est d'ailleurs une exigence habituelle des banques qui, en règle générale, refusent de négocier un certificat ne comportant pas la signature de la compagnie d'assurances ou de son représentant légal. Cette situation, se rencontre le plus souvent, mais pas exclusivement, dans les bureaux qui assument une double fonction d'agent et de courtier : à la fois mandataire des compagnies d'assurances dont ils tiennent des délégations, et mandataire du client qu'ils représentent. Voici, à cet égard, trois affaires soumises aux tribunaux :

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1) Jugement du Tribunal de commerce de Paris du 30 avril 1980. DMF. 1981, p. 112) : Suite à un transport de morue séchée de Bordeaux à Libreville, des dommages importants sont reconnus, dont le destinataire demande réparation à son fournisseur, aux transitaires, au transporteur maritime, et au courtier “S” qui a émis et signé le certificat d'assurance. Le préjudice résultant d'un vice propre de la marchandise, le litige s'est en définitive solutionné entre vendeur et acheteur. Néanmoins, il est intéressant de lire les attendus des juges parisiens quant à la responsabilité du courtier qui a signé le certificat d'assurance : "attendu que “S” demande sa mise hors de cause au motif qu'elle n'aurait agi qu'en qualité de courtier..." "mais attendu que l'attestation d'assurance délivrée le 21 février 1977 est établie sur un papier à en-tête "S", qu'elle ne précise pas que cette société agirait seulement en qualité de courtier, que cette attestation comporte en guise de signature une griffe illisible précédée de la mention "Indépendance et co-assureurs", sans aucune indication d'adresse ; qu'au surplus, les conditions générales de la police présentées au magistrat rapporteur comportent comme seule indication de compagnie le cachet de "S" ; qu'il échet dès lors de dire que "S" est bien l'assureur de la cargaison....". On aura compris que "S" est justement un courtier-agent... 2) Arrêt du 13 novembre 1985 de la Cour d'Appel de Versailles. (BT. 1986, p. 42) : Le transport d'une grue automotrice entre Iskanderun et Bagdad, a été confié par le commissionnaire de transports : S., à la société A.K., dont la responsabilité était assurée par un courtier britannique : H.R.G.M. Des dommages étant survenus, qui ont été pris en charge par l'assureur de l'expéditeur, une action a été entreprise contre le commissionnaire S.- Par le jeu des appels en garantie, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné le 11 mai 1984 : la société A.K., et son courtier, au paiement conjoint et solidaire de la totalité du préjudice, soit : 320.719,24- francs. Sur la qualité du courtier, voici ce que dit la Cour : "considérant que, devant la Cour, la société H.R.G.M. produit la police d'assurance...document rédigé en langue anglaise et un affidavit de septembre 1985 dont la traduction versée aux débats n'est pas discutée ; qu'il ressort de ces documents que l'assureur...est Parcels and General Insurance Ltd., et que H.R.G.M. est une société de courtage", "considérant cependant que H.R.G.M. a pris, vis-à-vis de la société demanderesse, pendant tout le cours de la procédure et notamment dans des conclusions déposées au tribunal de commerce, la qualité d'assureur..., qu'il ne peut s'agir d'une simple erreur de rédaction, cette erreur s'étant prolongée alors qu'elle était facilement réparable ; que la société S. a donc pu légitimement croire en sa qualité d'assureur et que sa demande est donc recevable à l'encontre de H.R.G.M. dont la demande de mise hors de cause doit être rejetée...". Ainsi en va-t-il d'un courtier loyal, efficace, mais imprudent, qui n'a su, en temps voulu, tout en restant le conseiller de son client, se retirer de l'apparence de la gestion! 3) Cour de Cassation- (ch. civile)- 21 Mai 1990 (semaine juridique, Ed. G. n° 31-32) : La Cour d'Appel de Paris, en son arrêt du 29 octobre 1987, ayant relevé qu'une société qui a délivré à l'assuré une note de couverture "tous risques bijouterie" sous son propre nom, et en présentant l'assureur comme son mandant, en a déduit que cette société était apparue à l'assuré comme le mandataire de l'assureur, de sorte que la proposition de modifications formulée par lettre adressée à cette société, devait être considérée comme ayant été adressée à l'assureur lui-même, et comme ayant été acceptée dès lors qu'elle n'avait pas été refusée dans le délai de dix jours prévu à l'article L. 112-2, 2° alinéa, du Code des assurances. Pour la Cour de cassation, par ce motif, fondé sur le mandat apparent, la Cour d'appel de Paris a légalement justifié sa décision en décidant que l'assureur devait sa garantie. On peut objectivement supposer que l'assureur et le courtier, après que cette décision ait été rendue, auront réglé leur différend!

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TROISIEME PARTIE : LE COURTIER EN AMERIQUE DU NORD ET DANS LA C.E.E.

Nous avons adopté le parti-pris consistant à examiner quel est le rôle, la fonction et les responsabilités du courtier d'assurances dans un certain nombre de pays étrangers, à travers les auteurs et la jurisprudence quand nous avons pu obtenir des éléments probants. Notre itinéraire nous conduira successivement aux U.S.A., puis dans les pays de la Communauté Economique Européenne. Ainsi, pourrons-nous déterminer l'originalité du courtage français, si elle existe, et tenter de percevoir l'évolution de cette profession. A) Le courtier nord-américain : William D. Winter écrit dans "Marine Insurance : its Principles and Practice"(I952) : "While the broker was late in establishing himself in the United States...", puis ajoute :... "dès le XV° siècle, on constate la présence, à la fois en Angleterre et sur le Continent, de courtiers d'assurances". Hugh A. Mullins, dans "Marine Insurance Digest"(1959), rappelle que le courtier a le devoir de révéler à l'assureur tous les faits dont il a connaissance, en relation avec le risque. S'il omet de le faire, il est coupable de réticence, et l'assureur peut soutenir que le contrat est nul alors même que le fait caché était inconnu de l'assuré. On peut dire que la réticence serait pareillement sanctionnée dans les autres pays occidentaux, en France notamment. Le courtier agit pour le compte de l'assuré, et l'engage par ses fautes et erreurs éventuelles - ce qu'exprime David L. Bickelhaupt dans son ouvrage "General Insurance"(1983) : "...the insured is bound by the acts of the broker with respect to all the negotiations between insurer and insured. Any misrepresentation, mistake, breach of warranty, or fraud perpetrated by the broker on the insured's behalf makes the insured responsible as if the insured had committed the acts". Rappelons qu'en droit français, la situation est identique. Ainsi, le Code des Assurances prévoit en son article L 172-2 :" toute omission ou toute déclaration inexacte de l'assuré de nature à diminuer sensiblement l'opinion de l'assureur sur le risque, qu'elle ait ou non influé sur le dommage...annule l'assurance à la demande de l'assureur". Voici quelques décisions des tribunaux américains illustrant notre propos : 1) District Court of Massachusetts - 27 juillet 1971 : Un armateur assure son navire, ainsi que les responsabilités découlant de sa gestion, à travers le courtier (T), pour la période du 29 septembre 1965 au 29 septembre 1966. L'incident donnant lieu à la procédure en cause survient le 21 octobre 1966, alors que la police "responsabilité" n'a pas été dénoncée. L'assuré, qui a cédé ses droits à un tiers, atteste qu'au moment du renouvellement de la police il était en Europe, mais qu'il avait obtenu de son courtier la garantie (certainement verbale) que la prime correspondante pourrait être payée ultèrieurement. Un sinistre survient, que les assureurs refusent de régler en invoquant, sans doute, le non-paiement de la prime. Alors, l'assuré se retourne contre son courtier. Et le Tribunal juge que puisque le courtier d'assurances maritimes agit seulement comme représentant de l'assuré, et pas des assureurs, il n'est pas responsable à l'égard des tiers pour avoir prétendument, et de façon erronée, soutenu vis-à-vis de son client que la police ne serait pas annulée pour non-paiement de prime. 2) Court of Appeals (Fifth Circuit) - 25 Janvier 1982 : Réformant le jugement rendu par le Tribunal de district de la Louisiane, la Cour rappelle que "...le devoir d'un courtier est d'obtenir, et pas seulement de demander, la couverture requise par l'assuré, et si cela n'est pas possible, de le notifier au client". 3) District Court of New-York - 15 Juin I984 : Sauf circonstances exceptionnelles qui ne se sont pas présentées, juge le Tribunal, et sous l'empire de la loi de l'état de N.Y., une déclaration de sinistre faite à un courtier, n'équivaut pas à la déclaration à l'assureur.

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L'affaire est compliquée puiqu'elle oppose un assuré américain : Howard Fuel, dont les affaires ont été placées par son courtier auprès des Lloyd's, à travers deux courtiers britanniques. Suite à un évènement majeur survenu au navire transporteur le 30 octobre 1973, (avarie de machines, remorquage, avaries communes, transbordement de la cargaison sur allèges puis livraison finale le 5 mars 1974), des dommages sont constatés et des frais exposés dont Howard Fuel demande le remboursement. Le client déclare la perte en septembre 1974 à son courtier américain, qui transmet cet avis au premier courtier anglais. Les Lloyd's n'en ont connaissance que le 12 janvier 1976! Les assureurs ont plaidé que Howard Fuel ne pouvait être indemnisé pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il n'avait pas respecté l'obligation absolue de "immediate notice of the loss". Le Tribunal leur a donné raison. Retenons que pour les Lloyd's le même argument eût été soutenu si la déclaration leur fût parvenue en septembre 1974 (l'évènement initial étant survenu, rappelons-le, le 30 octobre 1973). On peut penser que les choses se fussent passées différemment en France (tout au moins si l'on veut bien considérer que les assureurs ont eu connaissance de la procédure d'avaries communes, et en admettant que les mêmes assureurs acceptent le principe de la déclaration de sinistre en septembre 1974, faite aux courtiers. En effet, la loi française de 1967 (art. 35), et le Code des assurances (art. L 172-31, qui est d'ordre public), stipulent que "les actions nées du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans". Dans un cas similaire, les assureurs français n'auraient pu décliner leur responsabilité qu'en invoquant, le cas échéant, la perte du recours contre le transporteur maritime, également évoquée par les assureurs anglais, mais non retenue par les juges américains. Il s'agissait d'une irrégularité certaine - qui toutefois mettait en cause le deuxième courtier britannique qui avait gardé dans son dossier pendant 16 mois la déclaration de sinistre. Alors, la responsabilité se serait déplacée, et Howard Fuel aurait dû assigner ses propres mandataires ! 4) Court of Appeals (Ninth Circuit) - 23 février 1988 : Dans l'espèce visée, les juges ont considéré que le courtier d'assurances n'était pas l'agent des assureurs parce qu'il n'avait pas l'autorité réelle ou apparente d'agir pour leur compte : l'avis donné par l'armateur à son courtier, selon lequel le navire opèrera en dehors des limites de navigation prévues par la police, n'est pas suffisant si le courtier omet d'en faire déclaration aux assureurs. En conséquence, le Tribunal puis la Cour ont repoussé la réclamation formulée par la banque bénéficiaire d'une hypothèque sur le navire de pêche "Artic Mist", qui revendiquait le paiement de la valeur du bateau qui avait coulé en Mai 1985. On peut penser que la banque a, par la suite, entrepris une action contre le courtier dont la faute de gestion était la cause directe du non paiement par les assureurs. 5) District Court of New-York - 18 février 1992 : Mc Allister qui est gérant d'une flotte de remorqueurs, assigne la compagnie Ocean Marine Indemnity, co-assureur sur sa police, qui refuse de régler le prorata lui incombant sur divers sinistres relatifs à la police corps et machines souscrite pour la période de mars 1986 à mars 1987. L'assureur appelle en garantie le courtier (S). Le 22 octobre 1986, Ocean Marine a résilié la police pour non paiement du troisième terme des primes d'assurances, en adressant chez le courtier une lettre au nom du courtier. En France où le courtier est justement considéré comme le mandataire de son client, une telle résiliation eût été validée. Les American Institute Hull Clauses contiennent la disposition ci-après : "in event of non-payment of premium...this policy may be cancelled by the underwriters...notice sent to the assured at his last known address or in care of the broker...". Mc Allister prétend n'avoir eu connaissance de la décision des assureurs que le 19 janvier 1987. Au demeurant, les juges ont retenu que la résiliation devait impérativement être notifiée à l'assuré, soit à son domicile, soit chez le courtier- mais non adressée au seul courtier, pourtant mandataire du client. Néanmoins, ce dernier a obtenu la condamnation de la compagnie à lui verser les sommes dues, après compensation avec les primes impayées. Toutefois, l'appel en garantie formé par Ocean Marine contre le courtier a été retenu, et (S) a dû (sauf procédure ultèrieure dont nous n'aurions pas connaissance), indemniser les assureurs pour n'avoir pas avisé son client de la résiliation du contrat!

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B) Le courtage dans les pays de la Communauté Européenne : Les choses sont-elles très différentes entre les pays de droit écrit (telle la France), et les pays de common law (telle l'Angleterre) ? Y a-t-il, par ailleurs, entre la Communauté Européenne et les Etats-Unis des différences existentielles ? Nous examinerons dans cette deuxième partie de nos conclusions, la diversité des législations, ainsi que les préconisations de la Commission des Communautés, puis nous étudierons quelques cas de jurisprudence traités en Grande-Bretagne. 1) Diversité des législations à l’intérieur de la Communauté Economique Européenne : En vérité, il nous parait utile de nous replacer dans le cadre de la recommandation du 18 décembre 1991 n° 92/48/EEC. Sous la signature de Lord Brittan, la Commission des Communautés Européennes a défini comment s'exercerait l'activité des courtiers d'assurances, en insistant sur : - leur indépendance (art. 3), - leur capacité professionnelle (art. 4/1 et 4/2), - leur bonne réputation à la fois financière et morale (art. 4/4), - la nécessaire garantie dont ils devraient disposer pour couvrir leur responsabilité professionnelle (art. 4/3). Concernant ce dernier point, l'unité ne règne pas encore entre les 12 pays de la Communauté Economique Européenne. En fait, quatre situations cohabitent : a) la Grêce et le Luxembourg n'imposent aucune obligation aux courtiers pour ce qui a trait à l'assurance de leur responsabilité professionnelle, b) six autres pays : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Irlande et Pays-Bas incitent, sans contrainte, les intermédiaires à souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle. c) la loi portugaise édicte qu'une telle assurance sera soignée mais sans en indiquer le montant. d) enfin, trois pays ont adopté les schémas suivants : - en Italie, l'art. 4(g) de la loi 792/84 exige comme condition de l'enregistrement d'un courtier, qu'il assure sa responsabilité professionnelle. Le montant de la couverture minima est fixée par le Ministère de l'industrie en tenant compte du chiffre d'affaires. - la section 12 de "the Insurance Brokers (registration/Act 1977) prévoit, en Grande-Bretagne, une assurance professionnelle qui ne peut être infèrieure à 250.000 £. par sinistre et 500.000Ê£. par an. - en France, enfin, un courtier doit avoir une garantie qui ne soit pas infèrieure à dix millions de francs par sinistre et par an. Il peut, bien sûr, opter pour des couvertures plus étendues. En fait, plusieurs compagnies du marché (notamment, les Assurances Générales de France, l'Union des Assurances de Paris, La Préservatrice-Foncière...), proposent des contrats avec des garanties qui, additionnées, peuvent totaliser cinquante millions de francs, ou davantage. 2) Quel est l’objet d’une telle garantie ? Cette assurance garantit le courtier des conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle qu'il peut encourir du fait des dommages causés à sa clientèle ou à tout autre personne, par suite : a) d'erreur de fait ou de droit, d'omission, de négligence ou d'inexactitude commises par lui-même, ses collaborateurs ou ses préposés dans le cadre de son activité professionnelle, b) de la perte, de la destruction ou de la détérioration, notamment par le vol ou l'incendie, de documents à lui confiés en raison de ses fonctions. Bien sûr, il n'y a pas d'assurance pour les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré lui-même. 3) Position des tribunaux britanniques : Le sens aigu qu'ont les Britanniques de leur identité et de leur particularisme, qui les rend attachants, mais quelquefois nous irrite, a provoqué des difficultés dans le cadre de l'application du droit communautaire, et de sa prééminence par rapport au droit national.

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Selon la common law, aucune mesure provisoire ne peut être ordonnée contre la Couronne, une juridiction anglaise n'ayant pas le pouvoir de suspendre provisoirement l'application des lois. La House of Lords s'est posée la question de savoir si, nonobstant la dite règle, les juridictions britanniques avaient le pouvoir d'ordonner des mesures provisoires contre la Couronne en se fondant sur le droit communautaire. Elle a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés Européennes se soit prononcée. La Cour a tranché (C.J.C.E., Cour plénière, 19 juin 1990, Aff. C-213/89- B.S.I. n° 16/90) : "Le droit communautaire doit être interprété en ce sens que la juridiction nationale qui, saisie d'un litige concernant le droit communautaire, estime que le seul obstacle qui s'oppose à ce qu'elle ordonne des mesures provisoires est une règle de droit national, doit écarter l'application de cette règle". Examinons maintenant quelques décisions des juridictions d'outre-Manche, afin de vérifier, lorsqu'un litige met en cause la responsabilité d'un courtier, si les règles de droit sont les mêmes qu'en France et qu'en Amérique du Nord. Ne nous étonnons pas si la jurisprudence évoquée couvre une période de deux siècles : l'assurance maritime est une vieille dame, et mieux vaut l'examiner avec tous ses atours. a) Le courtier a, dans tous les cas, le devoir d'obéir aux instructions de son client, de bonne foi, avec sérieux, (bona fide) : Une des affaires les plus anciennes (1776) (Moore v. Mourgue- 2 Cowp 479, citée dans "Marine Insurance", par F.R. Hardy Ivamy) (15), concerne un courtier dont la responsabilité est mise en cause par son client, qui lui avait demandé de couvrir une expédition de fruits, sans indiquer comment et auprès de qui ils devaient être garantis. Le courtier place le risque auprès de London Assurance Office qui ne garantissait les fruits que "F.P.A." (assurance contre les évènements majeurs seulement). Des avaries particulières étant survenues, elles n'ont pas été remboursées par les assureurs, et le courtier a été impliqué. Lord Marsfield a jugé qu'en raison de l'imprécision des instructions du client, le courtier avait agi "bona fide", au mieux de son jugement. Les juges d'appel ont confirmé cette thèse. On peut douter qu'une telle jurisprudence ne soit suivie de nos jours. Le courtier n'avait-il pas le devoir de se préoccuper d'obtenir pour son client une couverture plus étendue, et dans tous les cas de l'aviser du résultat de ses démarches ? b) Le courtier a le devoir d'agir avec compétence et soin : Les tribunaux britanniques considèrent que c'est le devoir de l'intermédiaire d'insérer toutes les clauses usuelles dans la police, pour un type de voyage considéré. L'affaire également citée par Ivamy (15), se situe en 1815 : c'est le cas "Mallough v. Barber" (4 Camp 150). Le courtier assure une marchandise sur le navire "Expedition", de Tenerife à Londres. En fait, le bateau prend quelques marchandises à Tenerife puis se rend à Lanzarote, une autre ile de l'archipel des Canaries, mais non sur la route directe pour Londres. Le navire est alors capturé et les Assureurs refusent de payer en invoquant la "deviation". L'assuré assigne son courtier. Lord Ellenborough donne raison au client car il apparait que les navires chargeaient rarement la totalité de leur cargaison à Tenerife, et que la pratique usuelle, même en l'absence d'instructions expresses du client, était d'insérer une clause dans la police d'assurance donnant "liberty to touch and stay at all or any of the Canary islands". c) Effets de l'illégalité d'une police : Par contre, un courtier mis en cause pour ne pas avoir soigné une police, peut plaider l'illégalité du contrat. Tel fut le cas en 1797 (7 Term Rep 157), (15), dans l'affaire Webster v. de Tastet. Alors, le plaignant était officier sur un navire pour un voyage de Côte d'afrique à Cuba, et avait reçu comme salaire trois esclaves lui appartenant au port de destination. Le plaignant demanda à son courtier de les assurer, mais il négligea de le faire, et le navire ayant disparu, le demandeur perdit son "patrimoine"! Le courtier plaida que l'objet de l'assurance aurait, en toute hypothèse, rendu celle-ci nulle. L'officier rétorqua qu'il était d'usage, à Liverpool, de soigner de telles polices qui étaient, le cas échéant, "honorées" par les assureurs, mais la Court of King's Bench le débouta.

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d) Dans l'affaire Dickson & Co. and others v. Devitt (K.B. 315), citée par Ray W. Hodgin (16), l'erreur de gestion du courtier est sanctionnée : Le 3 novembre 1917, le plaignant demande à son courtier d'assurer du matériel, de Londres à Port Dickson, sur navire Suwa Maru ou autres, contre les risques maritimes et les risques de guerre. Par suite d'une erreur administrative du courtier, l'assurance est seulement effectuée sur "Suwa Maru". Une note de débit puis la police sont envoyées par le courtier au client, qui ne décèle pas l'anomalie. La marchandise est chargée sur un autre bateau qui est torpillé en Méditerranée : les assureurs refusent de payer car le "Suwa Maru" est bien arrivé à destination. Le client assigne son courtier qui est condamné à l'indemniser. Toutes ces décisions sont conformes à la section 13 "of the Supply of Goods and Services Act 1982", qui stipule : "In a contract for the supply of a service where the supplier is acting in the course of a business, there is an implied term that the supplier will carry out the service with reasonable care and skill".

*-*-*-*-* En définitive, nous avons le sentiment que les Courtiers, qu'ils exercent leur profession en Europe ou aux Etats-Unis, se ressemblent. Selon les pays, selon les époques, ils sont officiers ministériels ou intermédiaires libres ; leur rémunération varie selon les marchés. Ils demeurent des témoins attentifs de chaque période, assurant le courtage matrimonial sous l'empire romain, ou le trafic d'esclaves au XVIII° siècle - affreuse grimace d'un autre monde. Ils sont toujours présents pour apporter avis et conseils, gérer, et fournir à tout moment la sécurité si nécessaire à l'aventure maritime. La liberté des mers s'est accrue, mais des difficultés nouvelles sont nées, telle la pollution. Des risques étaient oubliés : la piraterie - puis des dangers similaires sont apparus à l'occasion de conflits idéologiques : le monde est toujours le monde! Regardons jugements et arrêts : ils sanctionnent la plupart du temps l'erreur grave de gestion, le défaut de conseil déterminant. Certaines décisions peuvent nous surprendre, car des éléments font toujours défaut pour en apprécier la teneur, lorsqu'on se trouve en dehors du prétoire, et loin du dossier. Dans un monde difficile où les relations personnelles tendent à s'effacer derrière la performance économique, les assurés seront, n'en doutons pas, de plus en plus exigeants à l'égard de leur courtier. La jurisprudence que nous avons réunie tend à démontrer que pour les tribunaux, le courtier d'assurances a normalement une obligation de moyen. Mais l'évolution est trop linéaire, dans tous les domaines de la responsabilité, et pas seulement dans le monde nord-américain - que les pays européens suivent souvent, fut-ce avec un certain décalage - pour que les années à venir ne voient pas des tendances nouvelles s'affirmer. Alors, n'en doutons pas, des prestations de plus en plus complètes seront demandées au courtier. Le résultat de son action sera scruté avec détermination et une exigence grandissante, à la fois par le client et par les compagnies d'assurances. Il nous semble que va naitre, alors, un professionnel nouveau, mandataire de son client, mais, au surplus, délégataire, de la part des compagnies, d'un certain nombre de missions, de pouvoirs, qui étaient jusque là, l'apanage de l'agent représentant les dites compagnies. Les difficultés et la complexité des affaires pourraient imposer cette simplification dans la distribution et la gestion de l'assurance transports : le courtier devenant un nouveau "janus", professionnel à deux têtes, fixant le client et regardant l'assureur, accomplissant sa tache. Il appartiendra aux tribunaux, si cela correspond aux besoins de notre époque, d'inventer une nouvelle image composite de ce professionnel, dont les responsabilités iront en s'élargissant, mais dont le rôle sera toujours déterminant. Emerigon faisant allusion aux assureurs, écrivait : "on les a comparés aux femmes qui concoivent avec plaisir et enfantent avec douleur". Dans l'aventure économique qui se développe, le courtier peut jouer pleinement son rôle, et demeurer le gardien attentif et le témoin vigilant des droits et devoirs de ses clients comme des compagnies d'assurances. Sa situation n'est pas aisée ; elle va indiscutablement se compliquer, encore. Ne doutons pas que les années qui viennent alimenteront la réflexion que nous avons seulement ébauchée.

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BIBIOGRAPHIE

1 : "Histoire de la Commune de Marseille", de Louis MERY et F. GUINDON (1841). Tomes 2

et 3. 2 : "Le courtage matrimonial", de G. ROBERT-CHARREREAU - Thèse Lyon (1934). 3 : "Les anciens Courtiers de Marseille", de F. TIMON-DAVID (1868). 4 : "des Courtiers Royaux aux Courtiers assermentés" de Georges SICARD. 5 : "Manuel des Courtiers de Commerce", de M° A. DURAND SAINT-AMAND. Librairie du

Commerce (1845). 6 : "Observations présentées à M. le Préfet des Bouches - du - Rhône par les Courtiers

d'assurances près la Bourse de Marseille" (1867). 7 : "Droit Maritime", par le Professeur René RODIERE (Ed. Dalloz). 8 : "Des Assurances Maritimes et des Avaries", par M° G. Denis WEIL. Paris (1879). 9 : "Traité de Droit Maritime" (Ed. 1930), par le doyen Georges RIPERT. 10 : "les INCOTERMS 1990" - Annales de l' I.M.T.M. 1994, par Laurent AMICE. 11 : "Lamy Transport" : Ed. 1994. 12 : "Manuel de l'assureur maritime et transports", par René PERILLIER. Collection "l'Argus"-

1978. 13 : "les Charte-parties et l'affrètement maritime", par Julien LE CLERE. Librairie de la Cour

de Cassation 1962. 14 : "Insurance intermediaries in the EEC", par Patrick DEVINE. Lloyd's of London Press Ltd.-

1992. 15 : "Marine Insurance", par E.R. HARDY IVAMY. Butterworths insurance Library- 4th

Edition. 16 : "Insurance intermediaries : law and regulation", par R.W. HODGIN. Lloyd's of London

Press - 25 juin 1993. 17 : Voir cette revue, ce numéro.

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JURISPRUDENCE

TRANSPORT MARITIME RÈGLEMENT DU SINISTRE PAR LE

COURTIER D'ASSURANCE ACTION DE L'ASSUREUR RECEVABLE (OUI)

RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR (NON)

Le courtier qui règle au destinataire l'indemnité d'assurance correspondant aux avaries causées aux marchandises agit en exécution du contrat d'assurance et pour le compte et sur des instructions de l'assureur. L'assureur qui a supporté en définitive la charge financière et non le courtier qui avait été remboursé conformément aux conditions du contrat souscrit, est subrogé dans les droits du destinataire et peut agir contre le transporteur maritime. L'assureur doit prouver que le transporteur avait accepté de différer la livraison jusqu'à la remise effective au destinataire et ce contrairement à la clause du connaissement qui prévoyait une livraison sous palan et que les réserves prises ultérieurement l'ont été par le consignataire du navire. A défaut de rapporter une telle preuve, les juges ont décidé que les réserves avaient été prises après les opérations de déchargement par le consignataire de la marchandise et donc au nom du réceptionnaire, et qu'elles ne permettaient pas de prouver la réalisation des dommages lorsque le transporteur assumait la responsabilité de la cargaison.

COUR D'APPEL DE PARIS Cinquième Chambre - Section A

Arrêt du 29 juin 1982

NIEW ROTTERDAM c./

GIE SVEDEL Sur les faits et la procédure : Considérant que les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi : Le G.I.E. Svedel, transporteur maritime, a assuré le transport de denrées alimentaires du port de Rotterdam à celui de Hodeidah (Républi-que arabe du Yemen) ; les marchandises ont été assurées auprès de la société N.R. par l'intermédiaire des courtiers Catz et Lips. Le navire est arrivé à destination le 18 juillet 1976 ; son déchargement a été achevé le lendemain ; le 29 juillet un commissaire d'ava-ries a été mandé pour constater les dommages subis par une partie de la marchandises ; son rapport, dressé le jour même, conclut à une perte en poids de 30.645 livres et indique que les dommages étaient "probablement dus aux manutentions en cours de transit et/ou de déchargement". La société N.R. a fait assigner le 10 janvier 1978 le G.I.E. Svedel en paiement de la somme de 13.473 dollars 50 (dollars américains) ou leur contrevaleur en francs

français, avec les intérêts au taux légal, représentant le montant de l'indemnité d'avaries qu'elle a indiqué avoir versée au destinataire de la marchandise ; le défendeur a conclu à l'irrecevabilité de la demande en l'absence de quittance subrogative et subsidiairement au débouté de la demanderesse. Les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité ainsi soulevée en estimant que si la loi hollandaise, applicable au contrat, prévoyait la subrogation légale de l'assureur pour lequel la production d'une quittance subrogative n'est pas néces-saire, ce n'était pas la société N.R. qui avait payé en l'espèce, mais l'agent ; que la subro-gation légale n'aurait pu jouer que si l'assureur avait payé directement et que, faute de prouver qu'elle était valablement "subrogée aux droits de celui qui (avait) payé", la société N.R. était irrecevable à agir. Sur les prétentions des parties : Considérant que les prétentions des parties devant la Cour sont les suivantes : La société N.R. demande que le juge-ment soit infirmé, qu'elle soit déclarée subrogée dans les droits de son assuré et recevable et bien fondée dans son action à l'encontre du transporteur ; que le G.I.E. Svedel soit con-damné à lui payer la somme de 23.473,50 dollars des U.S. ou sa contrevaleur en francs français au jour du paiement avec les intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 1978, ainsi que celles de 4.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 2.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le G.I.E. Svedel conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré l'action de la société N.R. irrecevable pour défaut de qualité et, subsidiairement, au débouté de cette société. Discussion : Sur la fin de non-recevoir : Considérant qu'à l'appui de son appel la société N.R., après avoir rappelé que les premiers juges avaient admis la subrogation légale de l'assureur en vertu de la loi néerlan-daise, fait valoir que la preuve du paiement fait à l'assuré résultait d'un virement effectué le 5 juillet 1977 par Hudig Lengeveldt, courtier, qui, selon l'usage, avait indemnisé l'assuré, mais que celui-ci, n'agissant que par ordre et pour compte de la compagnie d'assurance, elle est seule subrogée dans les droits de son assuré puisqu'elle a supporté finalement le paiement de l'indemnité d'assurance. Que le G.I.E. Svedel réplique qu'il résulte des documents produits par l'appelante que le courtier Hudig Lengeveldt, dont le nom ne figure pas sur le certificat d'assurance, a réglé le 5 juillet 1977 la somme de 13.338, 76 dollars des États-Unis au réceptionnaire de la marchandise mais que la société N.R. ne justifie d'aucun règlement par elle-même, le document qu'elle a rédigé le 9 décembre 1980, indiquant qu'elle aurait payé le courtier déjà nommé, ne saurait constituer une preuve de règlement ; que l'intimé en conclut que seul le courtier Hudig

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Lengeveldt, qui a payé l'indemnité, est titulaire d'une action contre lui. Considérant, au vu de ces deux thèses, qu'il y a d'abord lieu de relever que la loi néerlandaise, qui est la loi du contrat d'assurance, conclu au Pays-Bas, est effecti-vement applicable au litige et qu'il résulte du certificat produit par l'appelante que cette loi, au demeurant comme la loi française, subroge l'assureur dans les droits de l'assuré qu'il a indemnisé. Considérant qu'il n'est pas contestable, au vu du document visé par l'intimé lui-même, c'est-à-dire le bordereau du banquier chargé de l'opération, que le paiement effectué par le cour-tier Hudig Lengeveldt au réceptionnaire de la marchandise est effectivement celui de l'indem-nité correspondant aux avaries constatées ; que, si le nom de ce courtier ne figure pas sur le contrat d'assurance, l'intitulé du bordereau mentionné précédemment confirme l'indication donnée par la société N.R. et selon laquelle ce courtier vient aux droits des courtiers Catz et Lips qui ont délivré le certificat d'assurance ; que, si le document daté du 9 décembre 1980 et signé par la société N.R. n'est pas probant puisqu'émanant de la partie qui s'en prévaut, il y a lieu de relever que le courtier, en effectuant le paiement au réceptionnaire de la marchandise ne peut avoir agi en exécution du contrat d'assurance et pour le compte et sur instruction de l'assureur, c'est-à-dire la société N.R. ; qu'ainsi que le fait observer pertinemment cette société cette manière de procéder est conforme à l'usage suivi en matière d'assurance. Que, dans ce cas, c'est l'assureur qui supporte en définitive le paiement de l'indem-nité, qui est subrogé dans les droits de l'assuré, et non le courtier, celui-ci étant remboursé par l'assureur, avec lequel il est en relations suivies au moyen d'une inscription en compte courant ; que cette pratique est d'ailleurs visée, comme l'indique à bon droit l'appelante, dans la clause du contrat d'assurance intitulée "règlement avec les courtiers" : que de l'ensemble des circons-tances de la cause, éclairées par ces usages, résultant des présomptions graves, précises et concordantes selon lesquelles la société N.R. a effectivement supporté la charge de l'indemnité et se trouve en conséquence valablement subrogée dans les droits du réceptionnaire. Que sa demande est donc recevable. Sur le bien-fondé de la demande : Considérant qu'à l'appui de sa demande la société N.R. se prévaut d'abord, des réserves prises le 25 juillet 1976 par la société Hodeidah Shipping and Transport, dite ci-après Hodeidah, au verso de l'ordre de livraison délivré le jour même ; qu'elle énonce que la société Hodeidah, signataire de cet ordre, agissait en tant qu'agent du transporteur et que les réserves constituent ainsi une reconnaissance formelle au nom de celui-ci des pertes et dommages avant même la réception. Que le G.I.E. Svedel soutient au contrai-re que, selon le rapport du commissaire d'ava-ries, ce n'est que le 29 juillet 1976 que des réserves ont été prises par le destinataire entre

les mains des agents du navire alors que les opérations, de déchargement étaient terminées depuis dix jours ; qu'elle invoque le bénéfice, d'une part de la présomption de déchargement conforme édictée à l'article 3-6 de la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924 amendée, et d'autre part, de la clause 4 du connaissement qui exonère le transporteur des dommages aux marchandises survenus après le déchargement du navire et stipule que le déchargement est considéré comme achevé lorsque les marchandises ont quitté les palans. Considérant que la société Svedel est fondée à se prévaloir de ces dispositions géné-rales et contractuelles ; que la question qui se pose est de savoir si la société N.R. apporte, en l'espèce, la preuve que la livraison a eu lieu ultérieurement. Considérant que l'"ordre de livraison" délivré par la société Hodeidah le 25 juillet 1976 n'apporte pas cette preuve ; que les circonstances dans lesquelles a été établi cet ordre et son destinataire ne sont pas clairement déterminées par les éléments de la cause ; que la société Svedel estime pour sa part qu'à la date du 25 juillet, ce n'est pas la "livraison" de la marchandise par le capitaine du navire qui a eu lieu, mais seulement son enlèvement après qu'elle ait séjourné pendant six jours à quai. Que l'"ordre de livraison", qui ne porte aucune mention de destinataire, ne permet pas à la société N.R. de combattre cette opinion puisqu'il ne peut être déterminé si ce document constitue vraiment un "delivery order" adressé au capitaine du navire et au vu duquel celui-ci aurait établi que celle-ci n'avait pas eu lieu auparavant contrairement à la présomption édictée contractuellement, ou seulement une instruction donnée par le consignataire de la cargaison pour l'acheminement de la marchan-dise jusqu'aux entrepôts du réceptionnaire, après que lui-même les ait déjà gardée, pour le compte de celui-ci, soit à quai, soit en magasin. Que l'appelante n'apporte donc pas la preuve que, jusqu'au 25 juillet 1976, le transporteur avait accepté de différer la livraison, contraire-ment aux prévisions du connaissement ; qu'ainsi il n'est pas établi que les réserves émises au verso de ce document aient été formulées lorsqu'elles auraient dû l'être, c'est-à-dire au moment même de la livraison, puisqu'il s'agissait de dommages apparents ; qu'au contraire, dans la lettre du 29 juillet 1976 par laquelle le réceptionnaire, faisant état des avaries, indiquait que la société Alghalebi était appelée à examiner les marchandises en qualité de commissaire d'avaries, il est fait référence au 18 juillet 1976 comme date de livraison. Considérant que la société N.R. ne peut non plus se prévaloir de ce que la société Hodeidah aurait signé l'"ordre de livraison" en qualité d'agent du navire ; qu'en effet il résulte des différents documents versés aux débats que cette société a joué à la fois, comme il se produit fréquemment dans la pratique, le rôle de consignataire du navire et celui de consignataire de la cargaison ; que c'est en cette dernière qualité qu'elle était visée dans le contrat d'assu-

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rance et que la société N.R. ne peut prétendre qu'en prenant des réserves le 25 juillet, la société Hodeidah agissait comme consignataire du navire de sorte que le transporteur, par la voie de son mandataire, aurait formellement reconnu les dommages ; qu'en prenant ces réserves la société Hodeidah, bien qu'elle ait conservé à ce moment et ultérieurement son autre qualité de mandataire du transporteur, agissait comme consignataire de la cargaison et donc au nom du réceptionnaire ; que d'ailleurs, dans l'"ordre de livraison", la société Hodeidah fait état de frais divers, notamment de maga-sinage et de douane, dont la prise en compte relève bien d'un tel rôle et non de celui de consignataire du navire. Considérant que, faute pour la société N.R. d'avoir pu établir que la livraison avait été effectuée en réalité après le déchargement du navire, le rapport du commissaire d'avaries n'apporte pas d'élément prouvant que les dommages constatés ont eu lieu pendant le transport maritime ou le déchargement ; qu'en effet le commissaire d'avarie ne fait état que d'une simple possibilité quant au moment où lesdits dommages se sont produits. Considérant qu'en l'absence de preuve contraire, il y a lieu de tenir pour acquis que la société Hodeidah, comme le fait valoir justement la société N.R., a soigné à quai la marchandise depuis le déchargement en qualité de consigna-taire de la cargaison et que les constatations faites plusieurs jours après, si elles prouvent les avaries, ne prouvent pas pour autant que celles-ci sont survenues alors que le transporteur assumait la responsabilité de la cargaison. Qu'en conséquence la société N.R. doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme correspondant à l'indemnité versée au réceptionnaire ; qu'il s'en suit que sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée et qu'elle ne peut prétendre à ce qu'une somme lui soit allouée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile puisqu'elle doit supporter les dépens de l'instance. Par ces motifs : Donne acte à la société civile profession-nelle Garnier-Duboscq de sa constitution aux lieu et place du Maître Garnier, avoué, précédemment constitué. Infirme le jugement attaqué et statuant à nouveau : Déclare la société Assurantie Maatschappij Nieuw Rotterdam recevable en ses demandes, mais l'y déclare mal fondée et l'en déboute. La condamne aux dépens de première instance et d'appel ; dit que la société civile professionnelle Garnier et Duboscq, avoués, pourra recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Président : M. NICOT Conseillers : MM. MASSE - ROUCHAYROLE Avocats : Me LASSEZ (Nieuw Rotterdam) Me GRELLET (G.I.E. Svedel)

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COURTIER D'ASSURANCE

PROPOSITION D'ASSURANCE TRANSMISSION TARDIVE A L'ASSUREUR

(NON) RESPONSABILITE (NON)

Le courtier qui transmet à l'assureur une proposition d'assurance le lundi alors que son client avait confirmé la date du transport le vendredi en fin d'après-midi n'est pas responsable du refus de l'assureur de garantir le sinistre survenu pendant le transport effectué le samedi dans la mesure où la proposition d'assurance reçue après ledit sinistre ne pouvait être transmise qu'après la fixation de la date définitive du transport.

COUR D'APPEL DE PARIS Septième Chambre - Section A

Arrêt du 21 octobre 1987

Mr G. REBILLON c./

SOCIETE JACQUES PAGES LA PRESERVATRICE FONCIERE

UAP Georges Rebillon, dont le mobilier pré-cieux qu'il faisait transporter le 22 mars 1989 de Montauban de Bretagne à Paris a été détruit par le feu, a relevé appel du jugement du 29 avril 1987 en ce que le Tribunal de Grande Instance de Paris l'a débouté de la demande d'indemni-sation qu'il a formée tant contre la société Jacques Pages et Cie, son courtier d'assurance, que contre la compagnie Préservatrice Foncière Assurances. Rebillon expose que le 19 mars 1986 la société Jacques Pages s'est engagée à faire garantir le mobilier par le Groupe Chegaray, agent de La Préservatrice, contre les risques du transport qui devait avoir lieu le vendredi 21 ou le samedi 22 mars, et qu'elle a perçu un acompte de 5.000 F ; que le vendredi 21 mars en fin d'après-midi il confirma par télex que le transport aurait lieu le lendemain samedi 22, puis que, le mobilier ayant brûlé au cours du transport, la société Jacques Pages lui fit connaître que la proposition d'assurance du 19 mars avait été transmise le lundi 24 mars seulement à l'assureur qui refusait de prendre en charge un sinistre qu'il ne s'était pas engagé à garantir ; en conséquence il soutient que la société Jacques Pages, qui a tardé à transmettre à l'assureur la proposition du 19 mars, a engagé sa responsabilité, et il demande que la Cour, infirmant le jugement, condamne la société Jacques Pages et la compagnie Préservatrice à lui payer in solidum la somme de 2.750.000 F, soit le prix auquel le mobilier transporté à Paris devait être vendu, outre la somme de 250.000 F à titre de dommages-intérêts, et celle de 25.000 F par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société Jacques Pages et la compa-gnie Préservatrice reprennent l'argumentation qu'elle ont soutenue en première instance selon laquelle c'est Rebillon, en confirmant tardive-

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 175

ment la date du transport, qui n'a pas mis son courtier en mesure de faire garantir le mobilier ; elles émettent également la prétention de relever appel provoqué en déclaration d'arrêt commun en ce que le Tribunal a sursis à statuer sur la demande de Rebillon contre la société Defrance Rennes Ouest, transporteur, jusqu'à l'achèvement des opérations des experts Bech et Leve commis aux fins de détermination tant des causes de l'incendie que de la valeur du mobilier, la société Defrance ayant par ailleurs appelé en garantie la société Mattei Auto-mobiles, propriétaire de la camionnette de marque Renault qui a pris feu, ainsi que la Régie Nationale des Usines Renault, constructeur de la camionnette, et les compagnies Union des Assurances de Paris et La Providence. La compagnie Union des Assurances de Paris a soulevé l'irrecevabilité de l'appel provoqué. L'appel provoqué n'a pas été régularisé dans les délais à l'égard des autres intimés. Il est référé pour le surplus de l'exposé des faits aux motifs du jugement déféré, et pour plus ample développement des prétentions et moyens des parties aux écritures d'appel, ainsi qu'aux pièces régulièrement versées aux débats. Cela expose : Que la mention du 22 mars 1986 ait été portée par le courtier le 19 mars sur la proposi-tion d'assurance quand celle-ci a été établie, ou le 24 mars quand elle a été transmise à l'assureur, Rebillon ne conteste pas qu'il y avait une incertitude entre le 21 et le 22 mars sur la date du transport du mobilier. Or l'article 8 de la police, qui avait été remise à Rebillon, prévoit que la garantie prend effet au point extrême de départ stipulé aux conditions particulières. En conséquence la proposition d'assu-rance ne devait pas être transmise à l'assureur avant la fixation de la date du transport, et, Rebillon, ayant expédié son télex le vendredi en fin d'après-midi, le courtier n'a commis aucune faute en la transmettant le lundi matin. D'autre part la compagnie d'assurance n'avait précédemment délivré aucune note de couverture, et, la proposition d'assurance ayant été reçue après le sinistre, elle n'est pas tenue à garantie. Sur l'appel principal le jugement doit donc être confirmé par adoption de motifs. Quant à l'appel provoqué, il est sans objet. Par ces motifs : Joint les procédures n° 87/13562 et 87/15270 ; Confirme le jugement entrepris ; Condamne Georges Rebillon aux dépens de l'appel principal ; Condamne la société Jacques Pages et Cie et La Préservatrice Foncière Assurances aux dépens de l'appel provoqué ;

Et admet les avoués de la cause au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Président : M. RIBETTES Conseillers : MM TAILHAN - CANIVET Avocats : Me MORIN (Mr Rebillon) Me de MONTJOYE (société Jacques Pages et La Préservatrice Foncière)

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CONTRAT D'ASSURANCE SOUSCRIT PAR UN COURTIER

RECOURS CONTRE L'ASSUREUR PRESCRIT MANQUEMENT A L'OBLIGATION DE

CONSEIL (NON) Le principe, selon lequel le délai de la prescription biennale applicable à l'action de l'assuré contre son assureur ne commence à courir qu'à compter du jour où le tiers a exercé un recours contre l'assuré, et qui joue en matière d'assurance de responsabilité, est écarté en matière d'assurance de chose. Il appartenait à l'assuré d'agir dans le délai de deux ans à partir de la réalisation du sinistre. La responsabilité du courtier pour violation de son obligation de conseil ne peut être recherchée dans la mesure où n'ayant pas reçu mandat d'ester en justice, il n'avait pas à prendre l'initiative d'interrompre la prescription, en ce en l'absence de preuve d'une faute déterminée et précise en relation de causalité certaine et directe avec la perte du recours.

COUR D'APPEL DE PARIS Septième Chambre - Section B

Arrêt du 19 septembre 1984

SOCIETE J.P. LABALETTE c./

TRANSPORTS CHAPUIS RENTCO FRANCE

COMPAGNIE LE MONDE Statuant sur la demande de la société Rentco France locatrice de véhicules de trans-ports contre la société des Transports Chapuis en paiement de diverses sommes représentant des loyers restant dus et des factures de réparation ainsi que le remboursement d'un véhicule loué et non restitué, ensemble sur les demandes en paiement de dommages-intérêts pour résistance injustifiée et en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile de la société Rentco France contre la société des Transports Chapuis, ensemble sur l'appel en garantie de la société des Transports Chapuis contre la compagnie d'assurance Le Monde et vingt-cinq co-assureurs, ensemble sur l'exception de prescription opposée par la compagnie Le Monde, ensemble sur l'appel en garantie de la société Transports Chapuis contre la société de courtage d'assurances J.P. Labalette ; Le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement de sa 8ème Chambre rendu le 16 avril 1982, - mis hors de cause Le Monde et les co-assureurs,

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176 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

- condamné la société des Transports Chapuis à payer à la société Rentco France les sommes de 32.003, 48 et de 50 283, 62 F avec intérêts conventionnels de 1 % à compter du 27 août 1980, ainsi que la somme de 5.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en la déboutant de sa demande en dommages-intérêts ; - condamné la société J.P. Labalette à garantir la société Transports Chapuis des condam-nations ci-dessus prononcées. La société J.P. Labalette a relevé appel de ce jugement sous le numéro J 10666 contre la société Transports Chapuis et la compagnie d'assurances Le Monde ; elle demande à la Cour de constater que la société Chapuis ne saurait devoir à la société Rentco France plus de 61.923, 48 F, que la compagnie Le Monde et autres doivent leur garantie à la société Transports Chapuis au titre de la semi-remorque perdue pour une somme de 29.920 F, et que, en ce qui concerne les autres risques, la société Chapuis n'étant pas assurée par son intermédiaire, qu'elle n'a commis aucune faute dans le cadre de son mandat de courtier n'ayant pas notamment à engager une action pour interrompre la prescription ; en conséquence, elle demande à être mise hors de cause; La société de Transports Chapuis formant appel provoqué sous le numéro J 15029 contre la société Rentco France demande que la réclamation de ladite société Rentco France soit réduite de 32.003,48 F à 19.968,48 F somme correspondant aux seuls loyers arriérés de la remorque perdue et celle concernant le remboursement de ce véhicule de 50.283,62 F à 29 920 F, soit en tout 49.088,48 F ; elle veut faire juger que sur la somme de 19.968,48 F, seule celle de 9 666, 83 F peut être mise à sa charge directe ; subsidiairement, elle estime que sous cette réserve, la créance de la société Rentco France ne saurait excéder 61.293,48 F ; elle poursuit la garantie de la compagnie Le Monde et du courtier Labalette pour la totalité de cette somme ou de toutes autres qui pourraient être mises à sa charge. La société Rentco France entend faire déclarer nul l'appel provoqué par la société Transports Chapuis à son encontre, alors que celle-ci a omis de lui dénoncer l'acte d'appel principal et les autres actes de procédure échangés antérieurement ; elle sollicite par ailleurs la confirmation pure et simple du jugement entrepris ; ultérieurement, elle s'est déclarée d'accord avec la société Transports Chapuis pour fixer à la somme de 29.920 F le remboursement de la semi-remorque perdue ; en conséquence elle demande la condamnation de la société Transports Chapuis à lui payer la somme de 61 923,48 F avec intérêts de 1 % par mois à compter du 27 août 1980. La compagnie Le Monde conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Transports Chapuis à lui payer la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Sur ce,

La Cour, qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de procédure et des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions d'appel, Sur la demande de la société Rentco France contre la société Transports Chapuis : - Sur la nullité de l'appel provoqué Considérant qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prescrit à peine de nullité la dénonciation par l'auteur incident ou provoqué de l'acte d'appel principal ou des autres actes de procédure ; - Au fond : Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Rentco France a donné en location à la société Transports Chapuis un véhicule semi-remorque qui a été perdu au cours d'un transport et n'a pu être restitué ; Considérant que les parties sont d'accord pour fixer à 29.920 F le montant du remboursement de la valeur de ce véhicule ; Considérant que la société Rentco France demande par ailleurs paiement de la somme de 32.003,48 F en règlement de factures de location et de réparation concernant tant le même véhicule que d'autres véhicules semi-remorque donnés aussi en location ; Considérant que la société Transports Chapuis conteste devoir les factures d'un montant de 2.989,39 F et de 1.523,80 F qui s'appliqueraient à d'autres remorques que le véhicule perdu et non restitué, de 5.062,37 F et de 4 604, 46 F relatives à des litiges devant être pris en charge non par Le Monde mais par un autre assureur, l'U.A.P., et enfin de 395,14 F concernant une autre société, ce qui ramènerait, selon elle, la réclamation de la société Rentco France à la seule somme justifiée de 19.968,48 F ; Mais considérant que la société Rentco France a suffisamment justifié de ses préten-tions pour le montant demandé de 32.003, 48 F ; que la société Transports Chapuis n'apporte aucun élément de discussion sérieux à l'appui de sa contestation ; que, d'une part, les factures contestées concernent bien des véhicules loués par cette société à la société Transports Chapuis ; que d'autre part il importe peu à l'égard de la société créancière que certaines factures doivent ou non être prises en charge par tel ou tel assureur de la société débitrice ; Considérant qu'il est donc dû à la société Rentco France par la société Transports Chapuis pour les causes susvisées, les sommes de 29 920 F et de 32.003,48 F, soit en tout 61.923,48 F, plus les intérêts qui ne sont pas contestés ; - Sur la garantie de la compagnie Le Monde Considérant que la société des Trans-ports Chapuis en a souscrit auprès de la compagnie Le Monde co-apéritrice d'un groupe de compagnies, tant pour son compte que pour celui de qui il appartiendra une police d'assu-

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 177

rance maritime sur facultés d'un maximum de 20.000 F par véhicule et de 5.000.000 F par événement pour garantir les matériels roulants non automoteurs loués par elle ou lui apparte-nant, en vue d'effectuer tous transports de marchandises ou de matériels ; qu'étaient ainsi garantis tous dommages matériels subis par le véhicule assuré ainsi que le risque de vol ; qu'en cas d'événement garanti, l'assuré devait dans les 8 jours de sa connaissance, sous peine de déchéance, avertir le cabinet Guian devenu le cabinet Labalette, par l'intermédiaire de qui le contrat avait été conclu ; Considérant que cette police ne garantit donc pas les frais de location du matériel ni à plus forte raison les frais de réparation des véhicules assurés auprès d'autres compagnies ; que pour le risque assuré, la compagnie Le Monde sans se prévaloir de ce que l'assuré n'aurait pas fait dans les 8 jours la déclaration prévue à la police, a opposé à la demande de la société Transports Chapuis la prescription biennale prévue par l'article L. 114.1 du Code des assurances ; qu'en effet, le véhicule litigieux ayant été perdu en septembre 1977, la société Transports Chapuis aurait eu connaissance de cette perte au moins le 6 janvier 1978 ainsi qu'il ressort d'une lettre adressée par elle à son correspondant à Damas et en tout cas le 24 octobre 1978 d'après les lettres qu'elle a adressées au cabinet Labalette et à la société Rentco France ; que cependant elle a assigné l'assureur en paiement seulement le 12 novembre 1980 ; Considérant que la société Transports Chapuis fait valoir qu'elle a engagé le recours en garantie sur l'action qui lui a été intentée par la société Rentco France le 27 août 1980 ; que, ainsi qu'il est prévu à l'article L. 114.1 in fine du Code des assurances, lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court qu'à compter du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ; qu'elle a donc bien formé son action contre la compagnie Le Monde en temps voulu ; Mais considérant que s'agissant en l'espèce d'une assurance de chose, le recours de la société Rentco France en paiement de la chose perdue lui appartenant, à l'encontre de la société locataire de son matériel n'a pu être la cause de l'action de cette dernière contre son assureur, alors que le sinistre n'a pas été constitué par la réclamation de la société Rentco France à l'encontre de la société Transports Chapuis mais par la survenance de l'événement de nature à entraîner la garantie de l'assureur ; qu'il est reconnu par la société Transports Chapuis qu'elle a eu connaissance de la perte du véhicule assuré à Lattaquie (Syrie) dès septembre 1977, alors qu'elle déclare avoir informé par télex du 13 septembre de cette année à la société Rentco France et du cabinet Guian ; que sachant dès lors que cette perte entraînant la garantie de la compagnie Le Monde, indépendamment de tout recours de la société propriétaire du matériel, elle devait dans le délai de deux ans à partir de septembre 1977 engager une action en justice pour interrompre

la prescription de l'action dérivant du contrat d'assurances, ce qu'elle n'a pas fait ; Considérant ainsi que c'est à juste titre que le Tribunal a déclaré irrecevable l'action en garantie de la société Transports Chapuis contre l'assureur Le Monde ; Considérant que les circonstances de la cause font qu'il apparaît inéquitable que la compagnie Le Monde conserve la charge de ses frais irrépétibles ; que ces frais fixés à 3.000 F seront supportés par la société Transports Chapuis ; - Sur la garantie de la société de courtage d'assurances - Considérant qu'il n'est pas contesté que le cabinet Guian devenu cabinet Labalette a agi dans sa fonction de courtage auprès de la compagnie Le Monde comme mandataire de la société Chapuis ; Considérant que celle-ci recherche sa responsabilité en tant que tel ; qu'elle lui repro-che essentiellement en cause d'appel d'avoir failli à son obligation de conseil "la laissant dans l'ignorance des décisions à prendre" ; qu'en outre elle sollicite la confirmation de la décision des premiers juges condamnant le cabinet Labalette à garantir son client "compte tenu de sa responsabilité de courtier assermenté devant lui-même se couvrir en temps utile auprès de ses compagnies en déclarant les dommages de son client, rôle essentiel de sa profession, ce qu'il n'a pas fait" ; Mais considérant que la responsabilité du cabinet de courtage ne saurait être recherchée qu'à l'occasion de la non garantie par Le Monde du risque assuré par cette compagnie, c'est-à-dire le seul dommage matériel résultant de la perte du véhicule semi-remorque à Lattaquie ; Considérant qu'il n'a pas été allégué et qu'il n'est pas en tout cas établi que le cabinet Labalette n'ait pas fait à cet égard en temps voulu les déclarations qui s'imposaient ; Considérant par ailleurs que force est de constater qu'aucune faute déterminée et précise n'est alléguée contre le cabinet Labalette accusé en termes vagues d'avoir laissé son client "dans l'ignorance des décisions à pren-dre" ; que si le cabinet Labalette peut estimer qu'il lui serait ainsi reproché de n'avoir pas interrompu la prescription encourue, il est fondé à soutenir qu'il n'avait pas lui-même, dans le cadre de son mandat alors qu'il n'a jamais été prétendu qu'il avait reçu celui d'ester en justice, à prendre une telle initiative ; que d'autre part, sur le manquement à l'obligation de conseil auquel il est fait allusion par la société Transport Chapuis à propos des "décisions à prendre", sans qu'il soit autrement précisé de quelles décisions il pouvait s'agir, la preuve ne serait pas rapportée de toute façons, d'une relation de causalité certaine et directe entre le préjudice subi par la société Transports Chapuis et le manquement allégué aussi vaguement, alors que la société Transports Chapuis, profession-nel du transport et propriétaire et locataire d'un parc automobile important pour lequel elle est assurée auprès de diverse compagnies, ne peut

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178 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

établir que ce serait l'absence de conseil de son courtier qui l'aurait empêchée étant donné son expérience, d'interrompre la prescription de l'action dérivant du contrat d'assurances ; Considérant dès lors que le recours en garantie contre le courtier d'assurances ne saurait prospérer ; Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoire-ment par un seul arrêt sur les procédures d'appel inscrites au rôle général sous les numéros J 10666 et J 15029, Sur la demande de la société Rentco France contre la société Transports Chapuis, Reçoit la société Rentco France dans son appel provoqué contre la société Transports Chapuis, Confirme le jugement entrepris sauf du chef de la somme de 50 283, 62 F, Amendant sur ce point : Dit que la société Transports Chapuis payera à la société Rentco France la somme de 29 920 F, plus intérêts conventionnels à compter de la date indiquée ; Sur le recours en garantie contre la compagnie Le Monde : Confirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel, Ajoutant : Condamne la société Transports Chapuis à payer à la compagnie Le Monde la somme de 3.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Sur le recours en garantie contre le Cabinet Labalette, Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau : Dit la société Transports Chapuis non fondée dans ce recours ; l'en déboute ; Met hors de cause le Cabinet Labalette ; Rejette comme non fondées toutes autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne la société des Transports Chapuis aux dépens d'appel qui seront recou-vrés directement par les avoués concernés dans les termes de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Président : M. POULON Conseillers : MM. DELMAS - DORLY Avocats : Me J.P. FABRE (société J.P Labalette) Me BROSSE (Transports Chapuis) Me S. MORANDI (Rentco France) Me BOULOY (compagnie Le Monde)

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COURTIER D'ASSURANCE MODIFICATION DES GARANTIES PAR

L'ASSUREUR FAUTE DANS L'EXECUTION DU MANDAT

(NON) L'assuré ne peut pas tenir son courtier pour responsable de la violation des engagements par l'assureur qui avait décidé de réduire les garanties initialement consenties, s'agissant d'un tiers au contrat d'assurance souscrit et en l'absence de preuve d'une faute dans l'exécution

de son mandat en relation avec la couverture du risque à des conditions moins avantageuses.

COUR D'APPEL DE BORDEAUX Première Chambre - Section B

Arrêt du ...1994

société TH... c./

SOCIETE F..... Suivant jugement prononcé le 27 avril 1990 par le Tribunal de commerce de Bordeaux, la société TH.... LABORATOIRES INC. à laquelle la société TRA... avait confié le contrôle à leur embarquement et à destination, de deux expéditions de blé des U.S.A. vers l'U.R.S.S., l'une de 10.000 tonnes en mars 1984 et l'autre de 200.000 tonnes au mois de mai de la même année, a été déboutée de sa demande introduite à l'encontre de la société F... aujourd'hui aux droits du cabinet F..., société de courtage d'assurance maritime et transport ..., afin d'avoir paiement d'une somme de 147.891 dollars US ou sa contre valeur en francs français au jour du paiement, à titre d'indemnisation du préjudice que lui ont occasionné les limitations apportées à la couverture du risque assuré par l'intermédiaire du courtier, une somme de 10.000 Frs étant en outre allouée à celui-ci par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société TH... a régulièrement interjeté appel de ce jugement et persiste à faire grief à la société F... des limitations apportées aux garanties qui lui étaient jusqu'alors accordées pour des transports similaires et lui permettaient de prendre elle-même en charge les pertes de marchandises survenues à l'occasion de leur expédition ; l'appelante conclut en conséquence au paiement de la somme de U.S. dollars 147.891,08 ou de sa contre-valeur en francs français au jour du paiement avec intérêts de droit à compter du 9 octobre 1984 ainsi qu'à l'octroi d'une somme de 20.000 Frs à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 10.000 Frs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société F... conclut à la confirmation de la décision entreprise et à l'octroi d'une indemnité de 50.000 Frs pour ses frais non répétibles exposés en cause d'appel. Attendu que par télex des 15 décembre 1983 et 20 janvier 1984, le cabinet F.... a effectivement fait connaître à la société TH... que les assureurs acceptaient de garantir le poids des céréales transportées à destination de l'U.R.S.S. pour le compte de TRA... moyennant une prime s'élevant à 0,725 % de la valeur totale des 300.000 tonnes de blé ; qu'au vu de cet accord, la société TH... s'engageait à son tour envers son client à garantir les manquants qui seraient éventuellement constatés au débarquement de la marchandise ; Attendu cependant que par nouveau télex du 13 février 1984, le cabinet F... informait l'appelante qu'en raison des mauvais résultats enregistrés sur les transports de grains en U.R.S.S., les assureurs avaient décidé de réduire les garanties, qui étaient offertes jusqu'alors à la société TH... et outre déduction

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 179

d'une franchise de 0,50 %, la couverture des pertes ne serait désormais plus assurée qu'à concurrence de 1, 20 % du tonnage de chaque lot, moyennant une prime de 0,375 %. Attendu que lors même que les condi-tions nouvelles auxquelles les assureurs ont entendu couvrir le risque qui leur était proposé, ont pu constituer une violation des engagements contractés auprès de l'assuré ainsi fondé à obtenir réparation de l'inexécution d'une convention ayant force obligatoire entre les parties, il demeure que le courtier par l'entremise duquel la société TH... a souscrit les polices F.O.G., est un tiers au contrat liant l'assureur et ne saurait dès lors répondre que des fautes éventuellement commises dans l'exercice de son mandat ; qu'à cet égard, il n'est ni établi, ni même allégué que par manque de diligences du courtier, la couverture du risque a été accordée à des conditions moins avantageuses que celles initialement consenties ; Attendu en conséquence que la confir-mation du jugement déféré s'impose et qu'il convient de condamner la société TH... à payer à la société F... une somme de 10.000 Frs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Par ces motifs : La cour, reçoit l'appel, Au fond, Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le ..... 1990 par le Tribunal de commerce de Bordeaux, Condamne la société TH.... à payer à la société F.... une somme de 10.000 Frs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société TH... aux dépens, dont distraction au profit de Me Fournier , avoué, sur ses affirmations de droit. Président : M. GRELLIER Conseillers : MME ELLIES - THOUMIEUX - M. CRABOL Avocats : Me RENAUD (société TH...) Me GODIN (société F...)

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COURTIER D'ASSURANCE REDACTION DU CERTIFICAT D'ASSURANCE

AU PORTEUR QUALITE D'ASSUREUR (NON)

RETRAIT DE L'AGREMENT DE L'EXPERT DEFAUT D'INFORMATION (NON)

Le courtier qui souscrit un contrat d'assurance avec une compagnie au nom de son client et qui remet des certificats d'assurance qu'il rédige sur son papier à en-tête, agit en qualité de mandataire et non d'assureur et ne prend aucun engagement personnel. Le fait pour l'assureur de retirer l'agrément au commissaire d'avarie mentionné sur un certificat d'assurance n'engage pas la responsabilité du courtier lorsqu'il est établi que celui-ci n'était pas informé de ce retrait avant la remise dudit certificat et qu'il ne pouvait pas en aviser ultérieurement le porteur dont il ignorait le nom.

COUR D'APPEL DE PARIS Cinquième Chambre - Section B

Arrêt du 27 septembre 1994

Me MIZON, Syndic à la liquidation des biens de la

société MARSAT PERGAY c./

Mr BIDAULT J.P. La Cour statue en suite de son arrêt du 30 juin 1983 par lequel elle avait, avant dire droit sur l'action exercée contre Jean-Pierre Bidault, ordonné la production par celui ci de divers documents et disjoint cette action des autres actions exercées dans le cadre de la procédure. Elle se réfère à cet arrêt pour l'exposé des faits et des prétentions antérieures des parties. Après que Jean-Pierre Bidault eût produit les pièces réclamées par la Cour, lui même et la société Marsat Pergay représentée par le syndic à sa liquidation des biens, Maître Mizon, ont à nouveau conclu. Maître Mizon fait valoir que les certificats d'assurance, avenants de régularisation et ave-nants d'application sont rédigés sur son papier en-tête, que la police d'assurance produite ne fait pas mention dans la première page du nom de l'assureur et que ces documents ne sont pas signés par les compagnies d'assurance et qu'en tout état de cause elle n'a eu à connaître que Jean-Pierre Bidault. Il ajoute que c'est ce dernier qui lui a communiqué le nom du commissaire aux avaries compétent pour faire un rapport sur le sinistre et qu'il s'est révélé qu'en réalité celui ci n'était pas agréé. Il soutient que c'est en raison de cette erreur que la société Marsat Pergay s'est trou-vée contrainte d'avoir recours à un autre commissaire aux avaries dont le rapport a été déclaré inopposable aux sociétés SCAC et Lemif et qu'elle a subi les effets de la pres-cription de son action contre la société SCAC. Il reprend les demandes qu'il avait formu-lées antérieurement à l'arrêt du 30 juin 1983. Jean-Pierre Bidault allègue que, courtier d'assurances, il était habilité à signer les polices d'assurances et avenants pour le compte de l'assuré et pour authentifier ces pièces et que, n'ayant agi qu'en vertu du mandat de la société SCAC du 23 janvier 1979, il n'est que le manda-taire de celle ci et les demandes de la société Marsat Pergay formées contre lui en qualité d'assureur sont irrecevables; Il conteste avoir commis une faute en indiquant le 6 février 1979 que le commissaire aux avaries agréé était le nommé Haddad, l'agrément de celui ci n'ayant été retiré que le 15 février 1979 par le Comité Central des Assureurs Maritimes de France qui n'a notifié sa décision que le 23 avril 1979. Il sollicite la condamnation de la société Marsat Pergay à 3.000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive et à 2.500 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Cela étant exposé, La Cour, Considérant que Jean-Pierre Bidault produit la police d'assurance maritime sur facultés du 21 février 1977 numéro 51069 qui mentionne "par l'entremise de Jean-Pierre Bidault, courtier juré d'assurances prés la

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180 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

Bourse de Rouen... les soussignés assurent à : la société SCAC et/ou ses différentes agences ou filiales... agissant tant pour leur compte que pour le compte de qui il appartiendra ... par 19 compagnies d'assurances, en tête desquelles, le Monde" ; Qu'il communique également des ave-nants d'aliments sur lesquels figurent les noms de la société SCAC et des assureurs ainsi que des avenants de substitution d'assureurs ; Qu'est annexé aux avenants un document daté du 23 février 1979 par lequel la société SCAC donne mandat à Jean-Pierre Bidault pour signer au nom de ladite société tous avenants à la police d'assurance transport numéro 51.069 du 21 février 1977 pour toute la durée de ladite police ; Qu'il fournit également une attestation de la compagnie Le Monde apéritrice de la police confirmant que l'assurance a été souscrite par son intermédiaire ; Que les certificats d'assurance au porteur établis sur papier à en-tête de Jean-Pierre Bidault "courtier juré d'assurances" indiquent "références : courtier" ; Qu'ils ne comportent aucun engagement personnel de ce dernier mais constituent seulement une attestation délivrée par celui-ci en cette qualité de courtier ; Qu'il est ainsi établi que Jean-Pierre Bidault a agi à ce titre comme mandataire de la société SCAC et a souscrit au nom de celle-ci avec les compagnies d'assurances désignées au contrat une police et ses avenants ; Qu'il appartenait à la société Marsat Pergay, si elle l'estimait utile, de mettre en demeure Jean-Pierre Bidault de lui révéler les noms des assureurs ; Que, par suite, l'action de la société Marsat Pergay contre Jean-Pierre Bidault en qualité d'assureur de la marchandise n'est pas recevable ; Considérant que, sur le certificat d'assu-rance au porteur délivré par lui le 6 février 1979, Jean-Pierre Bidault a indiqué comme commis-saire d'avaries, Paul Haddad à Jeddah Saudi Arabia ; Qu'il n'est pas établi que Jean-Pierre Bidault avait été informé avant cette date du retrait de l'agrément de ce dernier ; Qu'après l'établissement du certificat il en ignorait le porteur et ne pouvait l'aviser de cette modification ; Que la société Marsat Pergay n'apporte pas la preuve que, sur sa demande, elle ait reçu de Jean-Pierre Bidault, dont le nom et l'adresse figuraient sur le certificat d'assurance, un renseignement inexact sur l'identité du nouveau commissaire d'avarie agréé ; Que le précédent arrêt de cette Cour n'a, au surplus, nullement relevé que la prescription de l'action de la société Marsat Pergay était la conséquence du retrait par les assureurs de l'agrément de Haddad en qualité de commissaire aux avaries mais seulement que cette société a eu recours à un prétendu expert qui n'avait été désigné contradictoirement ni avec la société SCAC ni avec la société Lemif et

que le rapport dressé par celui ci n'était pas opposable à ces entreprises ; Qu'ainsi Maître Mizon, es qualités, n'apporte pas, à la charge de Jean-Pierre Bidault, la preuve d'une faute qui soit la cause des préjudices qu'il invoque ; Qu'il doit être débouté de ses demandes contre Jean-Pierre Bidault en paiement d'indem-nisation à la suite du sinistre, des intérêts de retard versés par la société Marsat Pergay à la société Lemif ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts et de remboursement des frais de procédure afférents à l'instance introduite contre la société Marsat Pergay par la société Lemif ; Considérant que, n'ayant pas avant l'arrêt du 30 juin 1983 fait connaître à la société Marsat Pergay les noms des compagnies d'assurances avec lesquelles il avait traité pour le compte de la société SCAC, et n'ayant communiqué les documents signés par les assureurs qu'après les dernières conclusions, Jean-Pierre Bidault n'est pas fondé à demander au syndic de la société Marsat Pergay des dommages-intérêts pour procédure abusive et devra supporter les frais de première instance et d'appel rendus nécessaires par sa seule négligence ; Qu'il convient également de le débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Par ces motifs : Reçoit l'appel, déclare Maître Mizon, es qualités de syndic à la liquidation des biens de la société anonyme Marsat Pergay, irrecevable en son action contre Jean-Pierre Bidault en indemnisation du sinistre, Le déboute de ses demandes en paiement de ses intérêts de retard versés à la société Lemif, de dommages-intérêts et en remboursement des frais de procédure afférents à l'instance introduite par la société Lemif contre la société Marsat Pergay, Déboute Jean-Pierre Bidault de sa demande de dommages-intérêts et de celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Le condamne aux dépens de première instance et d'appel relatifs à l'action introduite contre lui par la société Marsat Pergay, Admet Maître Parmentier, avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Président : M. SABLAYROLLES Conseillers : MM. SCHOUX - SERRE Avocats : Me FROUIN (Me Mizon) Me BRAJEUX (Mr Bidault)

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CONTRAT D'ASSURANCE MARITIME LOI APPLICABLE

COURTIER D'ASSURANCE OBLIGATION DE CONSEIL : VIOLATION (OUI)

L'insertion de plusieurs clauses rédigées en anglais dans un contrat d'assurance n'entraîne pas l'application du droit anglais dans la mesure

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 181

où elles ne s'y référaient pas. Une Cour d'appel a pu à bon droit soumettre ce contrat à la loi française. Le courtier, chargé de la gestion des sinistres, qui n'attire pas l'attention de son client, non professionnel des assurances maritimes, sur les mesures propres à interrompre les prescriptions et à préserver les recours contre les transporteurs, commet une faute dans l'exécution de son mandat fondée sur la violation de son obligation de conseil.

COUR DE CASSATION Première Chambre civile

Arrêt de rejet du 5 février 1991

ZURICH FRANCE SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LES ASSURANCES

INDUSTRIELLES - SFAI - c./

SOCIÉTÉ LEVANTE SOCIÉTÉ COMAR

RHÔNE MÉDITERRANÉE COMPAGNIE DE CONSTRUCTIONS

INTERNATIONALES - CCI - SOCIÉTÉ INTERBROKER

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le groupement d'entreprises Eurotrag, dont le gérant est la compagnie de Constructions Internationales (CCI) ayant son siège en France, s'est vu confier la construction du chemin de fer transgabonnais ; que le place-ment et la gestion des assurances du transport maritime des fournitures de construction ont été confiés par celle-ci à deux courtiers, la société Française pour les Assurances Industrielles (SFAI) et la société italienne Interbroker, la première dirigeant l'opération et la seconde s'occupant des sinistres ; que la société italienne Levante a été choisie comme apériteur et a réparti les risques entre elle et les assureurs italiens Comar et Rhône-Méditerranée ; que la "police d'abonnement", rédigée en français et signée à Gènes, le 10 juin 1975, au nom de CCI-Eurotrag, stipulait que l'assurance des facultés s'entend aux conditions de sept clauses rédigées en anglais ; que pour se faire indemniser de sinistres pour lesquels les trois assureurs opposaient la prescription, Eurotrag a assigné ces derniers ainsi que la SFAI, laquelle a appelé en garantie le Groupe Zurich France, son assureur de responsabilité, et la société Interbroker ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal du Groupe Zurich France et sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Interbroker et du pourvoi incident de SFAI réunis : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 1988) d'avoir accueilli l'exception de prescription biennale en application de la loi française régissant la police d'assurance alors, selon les moyens, que la Cour d'appel, d'une part, a violé les articles 3 et 1134 du Code civil en énonçant que la référence à des clauses types élaborées dans un contexte anglo-saxon n'implique pas la soumission du contrat au droit anglais ; alors, d'autre part, qu'elle a laissé sans réponse les conclusions du

Groupe Zurich France faisant valoir qu'Eurotrag avait refusé une première proposition comportant référence aux clauses et conditions de la police française d'assurance maritime ; Mais attendu que l'arrêt constate qu'aucune des clauses types ne renvoyait au droit anglais et qu'il énonce justement qu'elles constituaient un corps d'usage "non véritable-ment anglais" auquel les professionnels des transports maritimes se réfèrent) habituelle-ment ; que dès lors, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a encore énoncé avec raison que ces clauses n'impliquaient pas la soumission de l'ensemble du contrat au droit anglais ; qu'ainsi, les griefs ne sont pas fondés ; Sur le second moyen, pris en ses cinq branches, du pourvoi principal du Groupe Zurich France, le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Interbroker et le second moyen du pourvoi incident : Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir déclaré les sociétés SFAI et Interbroker responsables du préjudice résultant pour Eurotrag de la prescription de ses réclamations, alors, selon les moyens, d'une part, qu'Eurotrag ayant seulement reproché à la SFAI de n'avoir pas interrompu la prescription, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en retenant la violation d'une obligation de conseil non invo-quée ; alors, de deuxième part, que la volonté de l'assuré imposée à l'assureur de soumettre la police à la loi française comportant une pres-cription de courte durée était exclusive pour les courtiers de l'obligation de conseil et de la faute que la Cour d'appel a retenues en violation de l'article 1147 du Code civil ; alors, de troisième part, que la Cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer à la fois que l'applicabilité du droit français constituait une éventualité et que cette même applicabilité correspondait au voeu de l'assuré imposé à l'assureur ; alors, de quatrième part, qu'en l'état de la qualité de professionnel d'Eurotrag, la Cour d'appel ne pouvait retenir, à la charge des courtiers une obligation de conseil sans violer encore l'article 1147 précité ; et alors, enfin, que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même article en ne s'interrogeant pas sur le rôle causal à l'égard du préjudice subi par Eurotrag des fautes invoquées à l'encontre de celui-ci ; Mais attendu qu'il résulte de la décision des premiers juges, dont Eurotrag s'appropriait les motifs conformément à l'article 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, que ce groupement était en droit d'attendre de la SFAI d'être "un guide sûr et un conseiller expéri-menté" quant aux mesures propres à interrom-pre les prescriptions et à préserver les recours contre les transporteurs ; que la Cour d'appel, devant laquelle la SFAI s'est défendue d'être le "conseiller juridique" d'Eurotrag sur ces deux points, était donc bien saisie de l'existence, au profit d'Eurotrag, qui n'était pas professionnel des assurances maritimes, d'une obligation de conseil dont les courtiers spécialisés n'étaient pas dispensés du seul fait que l'assuré avait entendu soumettre le contrat à la loi française

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182 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

selon une motivation de l'arrêt exempte de contradiction ; qu'enfin, la Cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche dont l'omission lui est vainement reprochée, en l'état de conclu-sions alléguant de manière générale et vague des fautes et négligences graves de la part d'Eurotrag ; D'où il suit que les griefs ne peuvent être accueillis ; Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Interbroker : Attendu que la société Interbroker reproche aussi à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à garantir la SFAI, alors, selon le moyen, que la faute mise à la charge des courtiers consistait dans le fait de n'avoir pas informé Eurotrag des dangers d'une prescription de courte durée ; que la Cour d'appel, en décidant que les deux courtiers étaient tenus d'une manière indivisible de cette obligation pesant sur chacun d'eux, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles la SFAI était seule chargée des relations avec Eurotrag en sa qualité de "leader de l'opération" et a, ainsi, violé l'article 1147 du Code civil" ; Mais attendu que la Cour d'appel a retenu à la charge des deux courtiers un manque de vigilance, notamment quant aux procédés dont l'assuré disposait pour interrompre la prescription ; qu'elle a constaté que la société Interbroker était chargée de la gestion des sinistres et des relations avec les assureurs ; qu'elle a pu, ainsi, estimer que ce courtier avait commis une faute dans l'exécution de son mandat et qu'en l'absence du protocole prévu pour définir, entre les deux courtiers, les modalités de la gestion des assurances, ceux-ci étaient tenus d'une manière indivisible de l'obligation de conseil telle que retenue et qui pesait sur chacun d'eux ; que, dès lors, le moyen ne peut davantage être accueilli ; Par ces motifs : Rejette les pourvois ; Condamne la société Groupe Zurich France et la société Interbroker, demanderesses au pourvoi principal et la Société Française pour les Assurances Industrielles, demanderesse au pourvoi incident, chacune envers le Trésor public à une amende civile de dix mille francs ; Condamne la société Groupe Zurich France, la société Interbroker et la Société Française pour les assurances industrielles aux dépens des pourvois et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : M. MASSIP Conseiller rapporteur : M. LEMONTEY Conseillers : MM. GRÉGOIRE - ZENNARO - BERNARD DE SAINT AFFRIQUE - THIERRY - AVERSENG - GELINEAU-LARRIVET Conseiller référendaire : M. SAVATIER Avocat général : M. GAUNET Avocats : Me RICARD (société Interbroker) ; SCP J & D LE PRADO (Zurich France) ; Me HUBERT HENRY (sociétés Levante - Comar et Rhône Méditerranée) ; Me RYZIGER (CCI) ; SCP BORÉ ET XAVIER (SFAI).

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COURTIER D'ASSURANCE MANDAT D'ETABLIR LES NOTES

DE COUVERTURE OMISSION DE LA CLAUSE SYNDICALE - VOL EFFET SUR LE GARANTIE DE L'ASSUREUR

Le courtier qui reçoit de la compagnie d'assurance une procuration permanente de remplir et de signer les notes de couverture qu'il remet à ses clients, agit en qualité de mandataire de l'assureur et ne peut engager son mandant que dans la limite et les conditions du contrat souscrit. L'omission de la "clause syndicale - vol de marchandises" qui peut être reprochée au courtier, n'empêche pas l'assureur de l'opposer au client qui était de surcroît informé des exigences d'une telle clause et de refuser sa garantie lorsque les conditions n'étaient pas réunies.

COUR D'APPEL DE PARIS 7ème Chambre - Section B

Arrêt du 30 janvier 1985

LA COMPAGNIE LE MONDE c./

LA SARL LA MARMOTTE La société à responsabilité limitée La Marmotte, façonnier et grossiste en linge de maison, avait assuré "tous risques" et notam-ment le vol, un lot de marchandises, transpor-tées par camion, auprès de la compagnie d'assurances Le Monde, par l'intermédiaire d'un cabinet de courtage d'assurances, la société anonyme "J.P. Labalette, assureur-conseil". Les marchandises ayant été volées et la compagnie Le Monde ayant refusé de couvrir le sinistre, la société La Marmotte a assigné cette compagnie et le cabinet J.P. Labalette devant le Tribunal de Grande Instance de Paris à l'effet d'obtenir leur condamnation conjointe et solidaire à lui payer : 1. - La somme de 416.800,42 F en rembour-sement de ce qui lui avait été dérobé outre les intérêts de droits ; 2. - Celle de 100.000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ; 3. - Celle de 4.000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement rendu le 26 avril 1982, la 5ème chambre - 1ère section du Tribunal saisi a : - dit la compagnie Le Monde tenue à garantir la société La Marmotte des conséquences dommageables du vol ; - condamné cette compagnie à verser en conséquence la somme de 409.686,03 F avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 1978, celle de 75.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 4.000 F en remboursement de ses frais irrépétibles ; - débouté la société La Marmotte de ses demandes dirigées contre le cabinet J.P. Labalette ; - ordonné l'exécution provisoire ; - condamné la compagnie Le Monde aux dépens. La compagnie Le Monde a relevé appel de ce jugement à l'encontre de la société La

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 183

Marmotte et demande à la Cour, par voie d'infirmation, de débouter cette société de toutes ses demandes. La société La Marmotte a formé appel incident partiel et s'est portée demandeur additionnel à l'effet de faire condamner la compagnie Le Monde à lui verser : 1. - L'indemnité qu'elle avait initialement réclamée, c'est-à-dire 416.800,41 F avec les intérêts légaux à compter du 21 décembre 1978 ; 2. - Les dommages-intérêts pour un montant de 150.000 F ; 3. - La somme de 15.000 F "tant pour appel abusif qu'au titre de l'article 700". Sur ce, la Cour, qui se réfère expressément : 1. - Pour la relation des faits, au jugement attaqué et à ceux préparatoires de la même juridiction qui l'ont précédé le 22 octobre 1979, le 4 mars 1981 et le 17 juin 1981 ; 2. - Pour l'énoncé des moyens et prétentions des parties, aux écritures que celles-ci ont échangées en cause d'appel. Considérant qu'il résulte des documents de la cause et spécialement du rapport établi par Jacques Deschamps, expert commis par le jugement du 22 octobre 1979 précité, que la société La Marmotte s'est adressée au cabinet de courtage d'assurances Labalette le 18 août 1978 en vue de faire assurer un important lot de toiles imprimées qu'elle devait faire transporter à bord d'un camion loué ; Que, depuis le 5 août 1977, le cabinet Labalette était titulaire auprès de la compagnie Le Monde, apéritrice de quatorze co-assureurs, d'un contrat "tiers chargeur" assurant les marchandises faisant l'objet de transports maritimes, aériens ou terrestres, contrat qui se présentait sous le forme d'une police à alimenter pour le compte de qui il appartiendra ; Que, par avenant, il avait été inséré dans cette police, avec effet au 1er janvier 1978, une clause dite "clause syndicale-vol de marchandises" prévoyant que, lorsqu'un vol de marchandises est commis dans un véhicule routier en stationnement, la garantie n'est acquise qu'à la condition que ce véhicule ait été équipé d'un dispositif antivol agréé par l'assureur et que ce dispositif ait été mise en oeuvre pendant l'absence momentanée du chauffeur ; Que le cabinet Labalette, en vertu de ce contrat, avait la possibilité de faire bénéficier ses clients des garanties offertes par celui-ci pour des transports déterminés et avait reçu de la compagnie Le Monde une procuration permanente pour remplir et signer les notes de couverture correspondantes ; Que c'est ainsi qu'il avait établi et remis à la société La Marmotte le 18 août 1978 une note de couverture aux termes de laquelle les toiles transportées étaient garanties "tous risques-vol" pour une valeur de 750.000 F par la compagnie Le Monde ; Considérant, d'autre part, qu'il ressort du dossier pénal versé en copie aux débats que, quelques heures seulement après la délivrance

de ce document, le camion et ses marchandises étaient dérobés alors que le chauffeur, préposé de la société La Marmotte, l'avait laissé, la clé de contact sur le tableau de bord, en stationnement sur la voie publique tandis qu'il allait se restaurer ; Que ce véhicule, qui devait être retrouvé vide sept jours après, ne comportait aucun système antivol ; Considérant que les premiers juges ont estimé que la "clause syndicale" invoquée par la compagnie Le Monde ne pouvait être opposée à la société La Marmotte dès lors que la note de couverture qui lui a été délivrée ne fait pas référence à cette clause et qu'il n'est pas démontré que le cabinet Labalette ait attiré l'attention de cette société sur l'exclusion de garantie ; Que la société La Marmotte reprend cette argumentation devant la Cour ; Mais considérant que la procédure pénale fait apparaître, ainsi que le soutient la compagnie Le Monde, que la société La Marmotte était parfaitement au courant des exigences de la "clause syndicale" du moment qu'Alain Gad, qui dirigeait en fait cette société avec Alain Guillonnet, a reconnu, le 9 décembre 1981 devant le magistrat instructeur, qu'il savait que la "compagnie d'assurances exigeait un antivol" ; Qu'en effet, au moment du vol, si la quasi totalité des parts de la société La Marmotte était officiellement la propriété d'Albert Ifrah, gérant en titre, qui venait de les acquérir d'Alain Gad et d'Alain Guillonnet, ces derniers continuaient à exercer la gestion effective de la société, ayant décidé de rester quelques temps auprès du nouveau propriétaire "pour le conseiller et l'aider à démarrer" ; Que c'est Alain Gad qui s'était chargé de faire assurer la marchandise et s'était, à cet effet, mis en relation avec le cabinet Labalette ; Considérant, de toute façon, que ce courtier, qui agissait en qualité de mandataire de la compagnie Le Monde lorsqu'il établissait les notes de couverture, ne pouvait engager son mandant que dans la limite et les conditions du contrat qu'il avait souscrit et dont il faisait bénéficier ses clients ; Que, si le cabinet Labalette a omis de faire mention de la "clause syndicale" dans la note de couverture qu'il a remise à la société La Marmotte, celle-ci ne peut en faire grief qu'au courtier et non se prévaloir de cette omission à l'encontre de l'assureur ; Considérant que, dans ces conditions et étant acquis aux débats que l'assuré n'avait pas pris la précaution contre le vol exigée par la police pour qu'il y ait garantie, la société La Marmotte ne saurait prétendre à être indemnisée pour le vol qu'elle invoque ; Qu'il y a lieu, en conséquence et contrairement à ce qu'a décidé le Tribunal, de la débouter de la totalité de ses prétentions ; Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris en ses dispositions critiquées ; Statuant à nouveau,

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184 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

Déboute la société à responsabilité limitée La Marmotte de toutes ses demandes ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct au profit de l'avoué de la partie adverse dans les conditions prévues à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Président : M. POULON Conseillers : MM. DELMAS-DORLY Avocats : Me GRELLET (La compagnie Le Monde) Me CHALTIER (la SARL La Marmotte)

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COURTIER D'ASSURANCE NOTE DE COUVERTURE : CONDITION

MANQUEMENT A L'OBLIGATION DE CONSEIL (OUI)

RESPONSABILITE PARTIELLE La lettre adressée par le courtier à son client qui mentionne les clauses principales offertes est une proposition de contrat et non une note de couverture engageant l'assureur dans la mesure où la date d'effet de la garantie n'était pas précisée. Le courtier est responsable à 50 % du préjudice subi par son client résultant de ce défaut de garantie dans la mesure où il a failli à ses obligations de conseil, du fait notamment de la rédaction ambiguë de ladite lettre.

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Deuxième Chambre Arrêt du 17 novembre 1986

M. ROGER BETTOLI

c./ LA PRESERVATRICE FONCIERE SOCIETE SOULET DE BRUGIERE

ASTRAMAR LE GROUPE DROUOT

M. FABIANI Attendu que, par un acte du 21 juin 1984, Bettoli a relevé appel d'un jugement du 17 mai 1984, par lequel le Tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné une expertise à ses frais avancés, l'a condamné à payer une provision de 60.000 Frs à la société La Préservatrice et à la société Soulet de Brugière, l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société Astramar et du Groupe Drouot, enfin a condamné Fabiani à le relever indemne de 50 % des condamnations prononcées contre l'appelant. Que cet appel est régulier en la forme et recevable. Attendu que l'appelant a conclu le 19 mars 1985 à ce que la Cour infirme le jugement dont appel et : 1. - Sur l'action principale, formée contre lui par la Préservatrice et la société Soulet de Brugière, ordonne la production des pièces originales invoquées par ceux-ci, et surseoie à statuer conformément à l'article 378 du Code de Procédure Civile ; 2. - Sur les appels en garantie formés par lui, condamne Fabiani, la société Astramar et le Groupe Drouot à le relever indemne de toute condamnation, ou subsidiairement y condamne l'un ou l'autre de ceux-ci, en toute hypothèse les

condamne en outre à lui payer 10.000 Frs à titre de dommages-intérêts ainsi que 8.000 Frs par application de l'article 700. Attendu que la Préservatrice et la société Soulet de Brugière ont conclu le 15 septembre 1986 à ce que la Cour infirme le jugement dont appel en ce qui les concerne et condamne Bettoli à payer 42.218,72 Frs à la société Soulet de Brugière (avec intérêts de droit à compter de l'assignation), et à la Préservatrice 67.849,44 Frs en principal (avec intérêts de droit à compter de l'assignation), la somme de 30.000 Frs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 6.000 Frs par application de l'article 700. Attendu que Fabiani, la société Astramar et le Groupe Drouot ont conclu le 16 septembre 1986 à ce que la Cour, réformant le jugement dont appel, les mette tous trois hors de cause et condamne Bettoli à payer à Fabiani 5.000 Frs par application de l'article 700. I - Sur la demande de la Préservatrice et de la société Soulet de Brugière : Attendu qu'exposant l'objet de cette demande, les premiers juges ont indiqué : "Le 30 avril 1982, une partie des marchandises que la société Soulet de Brugière, commissionnaire de transports, avait confiées à Bettoli et qui étaient transportées dans un des ses camions, était volée en Italie. La société Préservatrice Foncière, assureur de la société Soulet de Brugière, réglait à cette dernière la somme de 67 849, 55 Frs, dont elle demande remboursement par subrogation dans les droits de son assuré. La société Soulet de Brugière réclame la différence entre la perte totale qu'elle a subie et le remboursement effectué par son assureur qu'elle chiffre à 42.218,72 Frs. Attendu qu'ils constataient aussi que cette demande était appuyée sur le rapport d'Auge, expert de la compagnie d'Assurances, et que Bettoli, qui ne contestait pas le principe de sa responsabilité, concluait cependant au sursis à statuer au motif que la photocopie du rapport qui avait été versée aux débats était illisible. Que les premiers juges ont adopté la solution qu'ils ont prise (organisation d'une expertise et paiement d'une provision) tant en s'appuyant sur le motif invoqué par Bettoli que sur le fait que le rapport Auge n'est pas opposable à celui-ci. Attendu que, comme il a été exposé plus haut, les parties ont repris en cause d'appel la même position que précédemment, Bettoli faisant remarquer qu'il ne peut utilement participer à une expertise sans connaître avec précision le contenu du rapport, et d'ailleurs des autres pièces produites par ses adversaires, lesquels réfutent cette objection en admettant que certaines des pièces communiquées sont peu lisibles, mais en soutenant que Bettoli connaît le contenu du rapport Auge et peut donc participer à une expertise et même conclure de plano sur le montant de cette dette. Attendu que force est de constater qu'en présence du refus des demandeurs de produire des pièces lisibles (ou, ce qui revient au même,

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 185

de l'impossibilité où ils se trouvent de le faire), et du fait que Bettoli rejette le rapport Auge, ou au moins refuse de le prendre en considération, la décision prise par les premiers juges est parfaitement adaptée et doit être confirmée. II - Sur les appels en garantie formés par Bettoli : Attendu que ces appels en garantie sont justifiés par la prétention d'avoir conclu auprès de la société Astramar et du Groupe Drouot, par l'intermédiaire du courtier Fabiani, représenté par son préposé Demytenaere, un contrat d'assurances garantissant les marchandises transportées. Attendu qu'il faut remarquer que, comme l'ont noté les premiers juges, la société Astramar doit de toutes façons être mise hors de cause, les faits exposés par Bettoli n'étant pas de nature à la créer débitrice soit contractuellement soit sur le plan délictuel ou quasi délictuel. Attendu que la condamnation solidaire de Fabiani et du Groupe Drouot n'est pas plus en accord avec ces faits. Que, si le Groupe Drouot est bien tenu à garantie envers l'appelant, on ne voit pas ce que celui-ci pourrait reprocher à Fabiani, et que ce n'est que dans le cas contraire qu'il serait fondé à tenter de faire réparer son préjudice par celui-ci Attendu que l'appelant veut voir une note de couverture engageant le Groupe Drouot dans une lettre que lui a adressée Demytenaere le 6 octobre 1981. Que les premiers juges ont estimé qu'il ne s'agissait pas d'une note de couverture, aux motifs que Demytenaere n'écrivait pas en qualité de mandataire de la compagnie et ne pouvait donc engager celle-ci, et que la date d'effet de la garantie n'était pas indiquée. Attendu que ces arguments sont pertinents et que la Cour n'écartera pas la solution adoptée sur ce point par les premiers juges. Que sans doute il existe un doute sur le premier argument, Demytenaere étant le préposé de Fabiani, qui était assureur conseil du Groupe Drouot, mais que le second était irréfutable. Qu'en effet c'est vainement que l'appelant fait remarquer que la garantie ne pouvait prendre effet que le 1er janvier 1982, date où il perdait la garantie des compagnies avec lesquelles il avait traité antérieurement, cette circonstance n'enlevant rien au fait que la lettre ne revêtait pas la forme d'une note de couverture faute de comprendre cette mention. Attendu qu'il reste que la lecture de la lettre démontre qu'à l'évidence il s'agissait, de façon non équivoque, d'une proposition de contrat comportant mention, de façon précise, des clauses principales offertes, et que l'appelant prétend qu'un accord est intervenu sur ces clauses et cette proposition, son refus de signer la police en avril 1982 s'expliquant par le fait que les clauses de celle-ci n'étaient pas conformes à ce qui lui avait été promis le 6 octobre 1981.

Attendu que la preuve de cet accord lui incombe, qu'il admet qu'il s'agit d'une accord verbal, pour lequel il ne peut produire aucun écrit, notamment d'acceptation de sa part, et qu'il tente de le prouver par présomption. Attendu qu'il invoque à ce sujet le fait qu'il a résilié en novembre 1981 les polices dont il était titulaire jusque là, le fait que les cartes vertes des véhicules lui ont été remises et un acompte de 10.000 Frs sur les primes réclamé et payé. Attendu que ces présomptions sont suffisantes, la première pouvant s'expliquer par une erreur de la part de Bettoli et les deux autres concernant l'assurance flotte que Bettoli a effectivement souscrite, et non pas l'assurance marchandises présentement litigieuse. Attendu que le Groupe Drouot n'est donc pas engagé et qu'il convient de rechercher si Fabiani doit indemniser Bettoli du préjudice résultant pour lui de ce défaut de garantie; Attendu que la solution adoptée à ce sujet par les premiers juges correspond à un partage de responsabilité. Qu'il est reproché explicitement à Fabiani d'avoir failli par sa désinvolture à ses obligations de conseil, du fait notamment de la rédaction ambiguë de la lettre du 6 octobre 1981 et de l'anticipation d'un refus de Bettoli, que celui-ci n'avait pas formulé de façon définitive et irrévocable. Qu'il est reproché à Bettoli une certaine légèreté pour n'avoir pas souscrit définitivement une assurance marchandises nouvelle avant la cessation d'effet de la police en cause et par ailleurs son affolement après le sinistre. Attendu que les deux intéressés tentent d'écarter ces griefs, mais qu'ils le font vainement. Que Fabiaini soutient que Bettoli était conscient du fait qu'il n'était plus assuré après le 31 décembre 1981 et qu'il lui appartenait d'y remédier, et que sa carence a été la seule cause directe de son préjudice, mais que la Cour doit constater que les documents produits démontrent la réalité des griefs faits par les premiers juges, et également le caractère fallacieux des promesses contenues dans la lettre du 6 octobre 1981, et que ces fautes ont conduit Bettoli dans la situation où il s'est trouvé et constituent donc une partie des causes du préjudice considéré. Que Bettoli peut soutenir à bon droit que son affolement après le sinistre n'a nullement causé le préjudice dont il se plaint, mais que par contre il n'est pas en mesure d'écarter les autres griefs qui lui sont faits. Attendu que dans ces conditions la Cour confirmera la décision dont appel. Attendu que la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 en cause d'appel. Qu'elle ne trouve nulle part la preuve du caractère abusif de l'appel, d'où il résulte que les intimés ne sont pas fondés à obtenir des dommages-intérêts supplémentaires de ce chef, ceux qui ont été accordés par les premiers juges étant par ailleurs suffisants.

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Par ces motifs : La Cour, déclare les parties en la cause recevables, mais mal fondées en leurs appels respectifs. Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions. Condamne Bettoli aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Rivel et de la SCP Boyreau, Avoués à la Cour, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dit que dans les dépens seront compris les droits de plaidoirie. Président : M. MARTIN Conseillers : MME BACHE - M. PRUILH Avocats : Me ROLLAND (Mr Bettoli) Me BOERNER (La Préservatrice Foncière et la société Soulet de Brugière) Me HARMAND (Astramar - Le Groupe Drouot et Mr Fabiani)

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COURTIER D'ASSURANCE ACCORD POUR LA REMISE EN ÉTAT D'UNE

MACHINE ENDOMMAGÉE RÉDACTION AMBIGUË

RESPONSABILITÉ ENVERS LE CLIENT (OUI) Le courtier qui donne directement au destinataire d'une machine endommagée son accord pour sa remise en état est lié par les termes ambigus qu'il a utilisés et qui permettaient de penser que la limite du coût des réparations était celle du coût de la machine neuve, et ce contrairement aux termes du contrat souscrit, et engage en conséquence sa responsabilité vis-à-vis de son client.

COUR D'APPEL DE LYON Première Chambre

Arrêt du 11 octobre 1984

CABINET D'ASSURANCES CHARLES PESENTI c./

TRANSPORTS MILLON Faits, procédure et prétentions des parties : Le cabinet d'assurances Charles Pesenti a régulièrement interjeté appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 6 juin 1983 qui, retenant sa responsabilité profession-nelle, l'a condamné à payer à la société des Transports Millon la somme de 180.000 F. Les faits sont exactement rapportés par les premiers juges. L'appelant prétend "qu'il n'a commis aucune faute vis-à-vis des Transports Millon, la lettre du 24 janvier 1973 ne pouvant en outre avoir commandé la décision de la Cour d'appel du 21 janvier 1977 qui aurait dû limiter comme le Tribunal de commerce l'avait fait aux seuls dommages matériels subis et fixés par Caterpillar dans un courrier du 12 janvier 1973". La société des Transports Millon conclut à la confirmation en ce qui concerne cette affaire Caterpillar ; formant appel incident, elle reprend sa demande de paiement d'une somme de 69.299,80 F, rejetée par le Tribunal ; elle soutient que les primes qu'elle a payées aux

AGF sont trop élevées du fait du cabinet Pesenti qui a majoré le montant des salaires servant à déterminer les primes. Motifs et décision : Sur le sinistre Caterpillar : Attendu que dans les circonstances précisées par les premiers juges le cabinet Pesenti a écrit à sa cliente, la société des Transports Millon, le 24 janvier 1973 : "Nous vous laissons le soin de répondre à cette société (Caterpillar) qu'il est impossible de donner une suite quelconque à toute réclamation autre que les frais de remise en état de la machine. De plus nous vous informons que nous nous sommes entretenus avec Monsieur Santana (Caterpillar) qui nous a demandé si les travaux de remise en état pouvaient commencer. Nous lui avons donné notre accord en lui précisant ... que du fait que le coût de la réparation ne dépassait pas le coût de la machine neuve, les réparations pouvaient être effectuées". Attendu, certes, que le cabinet Pesenti avait rappelé antérieurement que le contrat d'assurances ne couvrait que les marchandises confiées au transporteur, et qu'en transmettant copie de cette lettre à la société Caterpillar la société des Transports Millon indiquait "notre contrat d'assurances couvre uniquement les dommages occasionnés à la marchandise transportée" ; Mais attendu qu'en donnant directement son accord à la société Caterpillar pour la remise en état de la machine, le cabinet Pesenti, en contradiction avec les termes du contrat et avec ceux de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) a pris comme limite du coût des réparations celui de la machine neuve ; Attendu que la société Caterpillar a pu interpréter ainsi la correspondance de la société des Transports Millon, dans un sens défavorable à cette dernière ; Que c'est aussi l'interprétation qu'en a donné la Cour dans son arrêt, définitif, du 21 janvier 1977 condamnant la société des Transports Millon à payer à la société Caterpillar la contrevaleur en francs français de la somme de 5.835.330 F belges ; Attendu, alors, que le cabinet Pesenti soutient que toutes les voies de recours contre cet arrêt n'ont pas été utilisées, qu'elles auraient pu permettre un meilleur résultat pour la société des Transports Millon, que celle-ci a préféré transiger, en son absence, avec la société Caterpillar ; Mais attendu que les allégations du cabinet Pesenti sont démenties par l'assureur, la société Seine et Rhône, qui a mené les négociations ayant abouti à la transaction aux termes de laquelle la société des Transports Millon a payé 680.000 F à la société Caterpillar ; qu'il est établi que la décision de désistement du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt du 21 janvier 1977 et d'engager des pourparlers

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transactionnels a été prise en accord avec tous les intéressés, notamment le cabinet Pesenti ; Attendu, dès lors, que c'est à bon droit que, par des motifs qui méritent approbation, les premiers juges ont fait droit à ce chef de demande ; Sur les primes de la police AGF : Attendu que la Cour adopte les motifs par lesquels le Tribunal a rejeté le second chef de demande ; Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : Attendu qu'il est inéquitable que la société des Transports Millon conserve la charge des frais irrépétibles ; que le cabinet Pesenti lui paiera 4.000 F ; Par ces motifs : La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit, en la forme, les appels principal et incident ; Confirme le jugement déféré, y compris sur les dépens ; Condamne le cabinet Pesenti à payer 4.000 F à la société des Transports Millon en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Le condamne aux dépens d'appel ; Autorise Maître Aguiraud, Avoué, à recouvrer directement contre lui ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision. Président : M. AUBIN Conseillers : Mme MERMET - M. MAILHES Avocats : Me ARNO-JULLIEN (cabinet d'assurances Charles Pesenti) ; Me BROSSE (Transports Millon)

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COURTIER D'ASSURANCE TRANSMISSION TARDIVE D'UN AVENANT DE

RÉSILIATION NÉGLIGENCE (OUI)

Le courtier, professionnel de l'assurance, qui n'a pas fait diligence pour transmettre à l'assuré un avenant de résiliation contractuelle de garantie adressé par l'assureur, engage sa responsabilité envers ce dernier qui a été obligé de garantir un sinistre survenu avant la réception de l'accord de l'assuré et donc à un moment où le contrat n'était pas encore résilié.

COUR DE CASSATION Première Chambre civile

Arrêt de rejet du 24 mars 1992

M. GUY LEPELTIER c./

RHÔNE MÉDITERRANÉE Attendu que la compagnie Rhône Méditerranée, condamnée à indemniser les époux Barral des dommages subis par leur voilier le 17 juillet 1983, a demandé à être garantie de cette condamnation par M. Lepeltier, courtier d'assurances, lui reprochant d'être à l'origine de la couverture du risque pour avoir

tardivement transmis aux assurés, le 18 juillet 1983 l'avenant de résiliation de la police, qu'elle lui avait adressé, le 7 juillet précédent, pour être soumis à leur signature ; que la Cour d'appel a accueilli cette demande ; Sur le premier moyen : Attendu que M. Lepeltier fait grief à la Cour d'appel de n'avoir fait aucun exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; Mais attendu que pour exposer les prétentions des parties, les juges ne sont astreints à observer aucune règle de forme particulière, et qu'il a été satisfait, en l'espèce, aux exigences du texte invoqué, dès lors qu'ont été énoncées et discutées dans l'arrêt les circonstances de fait et les déductions de droit en découlant sur lesquelles se fonde sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut donc être accueilli ; Sur le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt : Attendu que pour retenir l'entière responsabilité de M. Lepeltier dans la réalisation du dommage subi par la compagnie Rhône Méditerranée, la Cour d'appel, après avoir caractérisé la faute commise par ce courtier, "professionnel de l'assurance", laquelle a consisté dans la transmission tardive aux assurés, les époux Barral, de l'avenant de résiliation contractuelle de garantie que l'assureur lui avait adressé à cette fin, a, souverainement retenu que, si M. Lepeltier avait fait diligence, l'accord sur la résiliation de la police aurait été obtenu avant la survenance du sinistre ; qu'elle a pu déduire de ces énon-ciations et constatations l'existence d'un lien de \causalité certain entre la négligence de M. Lepeltier et la couverture du risque par la compagnie Rhône Méditerranée et la respon-sabilité exclusive de ce courtier ; que, répondant ainsi aux conclusions invoquées en les écartant, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ; que celui-ci, qui n'est fondé en aucune de ses branches, doit être rejeté ;

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188 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne M. Lepeltier, envers la compagnie d'assurance Rhône Méditerranée, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : M. VIENNOIS Conseiller rapporteur : Mme LESCURE Conseiller : M. LESEC Avocat général : M. SADON Avocats : SCP PIWNICA - MOLINÉ (M. Lepeltier) ; Me PRADON (Rhône Méditerranée)

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1994 189

INFORMATIONS

COLLOQUES :

L'Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (IMTM) et

le Centre de Droit Maritime et des Transports de la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille

organisent le lundi 1er avril 1996,

à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille 3, avenue Robert Schuman 13628 Aix-en-Provence cedex 1

une rencontre internationale sur :

"L'ASSURANCE DE L'ARMATEUR"

Assurances corps et responsabilités de l'armateur au commerce Les intervenants traiteront notamment les thèmes suivants : - De l'assurance corps à la couverture de la responsabilité de l'armateur : assureurs et clubs ; - L'assurance du navire : modalités dans l'espace et dans le temps ; - La pollution : risques et responsabilités, couverture du risque par le marché français,

couverture du risque par les P and I Clubs ; - La couverture Responsabilité Civile de l'armateur-transporteur et de l'armateur :

organisateur de transport multimodal : risques et responsabilités, couverture du risque par le marché français, couverture du risque par les P and I Clubs ;

- Assureurs et tiers : l'action directe. Renseignements et inscriptions : IMTM / CMCI 2, rue Henri Barbusse, 13241 Marseille cedex 01 Tél. : 91.90.17.15 - Fax : 91.90.01.62

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190 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1994

RENCONTRE AIR - MER en hommage à Michel de Juglart

Paris - Mercredi 21 février 1996 Auditorium de la Fédération Française des Sociétés d'Assurances

26, Boulevard Haussmann - 75009 Paris

LES ACCIDENTS AERIENS ET MARITIMES - Thèmes d'actualité Présidence : M. J. Gangloff, Président de l'Association Française de l'Assurance Maritime,

Transport, Aviation et Spatiale Coordination : Me F. Garnault, Avocat à la Cour, Président de la Société Française de Droit Aérien et Spatial Synthèse : M. le Professeur P. Bonassies, Président de l'Association Française du Droit Maritime 8h30 : Accueil des participants 9h : Ouverture du Colloque - M. J. Gangloff 9h15 : Présentation du programme et des intervenants Mme F. Odier, Vice-Président de l'Association Française du Droit Maritime Me Rembauville-Nicolle, Avocat à la Cour, Trésorier de la Société Française de Droit

Aérien et Spatial 9h30 : Introduction et coordination - Me F. Garnault

I - La prévention des accidents (certification, classification, sécurité) 9h40 : La certification, instrument de la sécurité aérienne M. J.-N. Laval, Ingénieur chargé de certification, Direction Générale de l'Aviation Civile 10h : La classification et la certification des navires M. P. Boisson, Directeur de la Communication, Bureau Veritas Secrétaire Général de l'Association Française du Droit Maritime 10h30 : Discussion 10h50 : Pause

II - La gestion des accidents (enquêtes, expertises et rapports) 11h : Les objectifs et les procédures des enquêtes administratives M. Y Lemercier, Chef de la Divisions Enquêtes Bureau Enquêtes Accidents, Inspection Générale de l'Aviation Civile et de la

Météorologie M. G. Cadet, Ingénieur en chef de l'armement, Sous-directeur de la sécurité des navires 11h40 : L'objet et le déroulement des expertises judiciaires M. R. Auffray, Expert aéronautique M. P. Lefèbvre, Expert maritime 12h20 : Discussion 12h50 : Déjeuner sur place

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1994 191

III - Les conséquences judiciaires et pécuniaires des accidents (L'évolution des responsabilités et les régimes de réparation)

14h30 : Vers la fin de la limitation de responsabilité du transporteur aérien

de passagers ? Me. C. Scapel, Avocat à la Cour, Maître de Conférences à la Faculté de Droit et

de Science Politique d'Aix-Marseille

15h : La responsabilité résultant du vieillissement des navires Me P. Simon, Avocat à la Cour 15h30 : Discussion 16h : Pause

IV - Les perspectives d'avenir (les évolutions nécessaires) *

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192 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1994

Le Syndicat des Courtiers d'Assurances Maritimes et Transports de Marseille et

Le Syndicat des Assureurs Maritimes de Marseille

organisent avec la participation de l'Institut Méditerranéen de Transports Maritimes (IMTM)

le vendredi 19 janvier 1996 à 14 h 30

à l'Hôtel "Holiday Inn" - 103, av. du Prado - 13008 Marseille

un colloque sur le thème :

ASSURANCES MARITIMES ET TRANSPORTS Rôle et originalité de la Place de Marseille

à travers ses divers acteurs

Sous la présidence de Monsieur QUENTIN Secrétaire Général de la Mer

Les interventions prévues plus particulièrement axées sur l'assurance des marchandises transportées permettront d'entendre : - La présentation des différents acteurs : Courtiers (Gérard Duron), Agents (Gille Dory),

Partenaires Techniques (Pierre Albertini) ; - Le point de vue des chargeurs (Gérard de Laleu), des Armateurs (Hervé Stalla-Bourdillon),

des Défenseurs des Armateurs (Hervé Tassy) et du Port Autonome (Jean Schutz) ; - Le rôle de la place judiciaire de Marseille sur le plan de la compétence territoriale (Me

Christian Scapel) De la formation, de l'information et de l'innovation dans le pôle d'Aix-Marseille sur le plan du

droit maritime (Me Jacques Bonnaud) - Synthèse des travaux du colloque (Professeur Pierre Bonassies). Le colloque sera suivi d'un cocktail. Renseignements et inscriptions : IMTM Immeuble CMCI 2, rue Henri Barbusse 13241 Marseille cedex 01 Tél. : 91.90.17.15 - Fax : 91.90.01.62

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Colloque de l'Union des Avocats Européens (U.A.E.)

"DES RAPPORTS ACTUELS CHARGEUR, TRANSPORTEUR, RÉCEPTIONNAIRE DANS LE CONTRAT DE TRANSPORT

A l'initiative de la délégation PACA présidée par Maître Gérard ABITBOL, L'U.A.E. a tenu son premier colloque à Marseille le 17 novembre 1995 comme l'avait annoncé notre revue.

C'est Monsieur Gérard Abitbol, Avocat, qui a ouvert la séance par une allocution remarquée et empreinte de l'esprit d'ouverture sur l'Europe économique et juridique de demain, en insistant sur la place prépondérante que doit y tenir notre ville. Monsieur le bâtonnier Molco, représentant Monsieur le bâtonnier Allégrini, en exercice empêché, prononce ensuite un discours de bienvenue aux participants à ce colloque en remerciant tout particulièrement Monsieur le Professeur Bonassies -dont il rappelle avoir été l'un des étudiants- d'avoir bien voulu participer à ce colloque et d'en faire la synthèse des travaux. C'est Monsieur le Président Bontinck, du barreau de Bruxelles, Président de l'U.A.E., qui a ensuite pris la parole pour dire tout le plaisir d'être à Marseille et la satisfaction de constater le dynamisme des membres composant le bureau de l'U.A.E. de la Région PACA. Monsieur le bâtonnier Favreau, Président d'honneur de l'U.A.E. a bien voulu prendre la parole et a généreusement félicité l'équipe de l'U.A.E. PACA pour son initiative. Il a souligné qu'aujourd'hui, le droit communautaire constituait un pan entier de notre droit national. Monsieur Sidney Mimoun, Avocat au barreau de Marseille, Spécialiste en Droit des Transports et Vice-Président de la délégation de l'U.A.E., prenait ensuite la parole en tant que Président de séance pour présenter le sujet ainsi que les participants et préciser le déroulement du colloque. Monsieur le Professeur Pierre Bonassies a ouvert les travaux en rappelant les grandes mutations actuelles dans les transports qui entraînent des modifications considérables dans les rapports actuels chargeurs - transporteurs - réceptionnaires. Bernard (PDG du groupe 3H) a traité "De la raison d'être de l'intermédiaire" malgré l'envie de le supprimer suite au bouleversement apporté par le conteneurisation et la nécessité de réduire les coûts. Raymond Derouin (D.G. Delmas SA Marseille) donnant "le point de vue de l'armateur" a rappelé l'évolution des techniques actuelles du transport maritime, les différents marchés et leurs attentes et les différentes stratégies des armateurs. Hervé Balladur (Pdt du Syndicat des transitaires et commissionnaires des transports) a répondu en décrivant les "comportements et réponses du commissionnaire de transports à son client, face à la stratégie économique des armements". Jacques Bonnaud (Avocat au barreau de Marseille) a expliqué dans son exposé "Le contrat de transport ou les tribulations d'un couple à trois", comment dans un contrat avec deux contractants, il y avait trois acteurs et quels étaient leurs rôles respectifs avant, pendant et après le voyage. Maryse Follin (Avocate au barreau de Marseille) a fait part de ses "Réflexions sur l'inadéquation grandissante entre le fait et le droit" en étudiant le statut du dégroupeur, la position actuelle dominante du conteneur et la généralisation du support informatique.

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194 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1994

Hervé Tassy (Avocat au barreau de Marseille) a traité "De l'affrètement d'espaces", technique juridique très actuelle pour le déplacement des marchandises par mer, qui complique les relations entre les intervenants et diminue les garanties dont ils disposent. Marcel Alimi (Expert judiciaire et courtier assermenté) a parlé du "sort de la marchandise en cas de litige" vu par un expert et illustré par des cas pratiques. Alain Vidal-Naquet (Avocat au barreau de Marseille) a présenté un exposé intitulé "Transport et Arbitrage". Il a analysé les difficultés particulières lorsqu'un litige transport est soumis à l'arbitrage. Jean-Claude Tessor (Président de Chambre des Transports au Tribunal de commerce de Marseille) a souligné le rôle de la jurisprudence consulaire comme source du droit des transports à travers trois exemples : le droit d'agir, la livraison, les clauses de juridiction. Maître Sidney Mimoun, Président de séance, a développé les problèmes posés par le transport de substances dangereuses, en évoquant notamment les difficultés liées à la définition et à l'identification du risque, et aux conséquences qui en résultent tant du point de vue technique, juridique, que des moyens de prévention. Monsieur Jean-Claude Sari (Professeur à la Faculté de Pharmacie de Marseille) a traité de "L'accident-transport : conséquences sur l'homme et son environnement" (illustré par un film) à travers trois scénarios catastrophes : le BLEVE (Bolling Liquid Expansing Vapor Explosion), l'explosion d'un nuage de gaz et la dérive d'un nuage toxique. Pierre Bonassies a fait la synthèse des travaux en traitant la question sous-jacente à tous les exposés : l'évolution actuelle des transports nécessite-t-elle une nouvelle législation ? Maître Pierre-Alain Gourion, Secrétaire général national de l'U.A.E. a clos les débats en rappelant les diverses activités de l'association de l'Union des Avocats Européens. Étant donné le grand succès rencontré par ce colloque, près de 400 participants (avocats, enseignants, juristes, praticiens, étudiants ...), on ne peut que souhaiter que la dynamique délégation PACA de l'U.A.E. nous prépare un autre colloque.

Jacques BONNAUD

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BIBLIOGRAPHIE

LE DICTIONNAIRE PERMANENT DES ASSURANCES

Les Éditions Législative viennent d'ajouter à leur collection qui comporte une vingtaine d'ouvrages, dictionnaires permanents et codes permanents, le Dictionnaire permanent "Assurances". Cet ouvrage en deux volumes sur feuillets mobiles rassemble tout ce qu'il est indispensable de connaître sur l'assurance. Il comprend plus de soixante-dix études qui seront en permanence, réactualisées. Non seulement ces études font le point de la question "assurance" mais elles rappellent secteur par secteur, les règles de responsabilité applicables. Commentaires approfondis, jurisprudence et textes permettront au lecteur de disposer d'une information complète sur le monde sans cesse plus complexe des assurances. L'ensemble des études constitue un guide complet pour la gestion des risques et assurances des entreprises, de leurs conseils, des collectivités locales et des associations comme du particulier. Une table alphabétique générale permet de situer immédiatement la notion recherchée dans l'étude correspondante ; une table d'actualisation permet de trouver dans les bulletins périodiques, ce qui est nouveau sur un sujet donné. Parmi les nombreuses études qui couvrent tous les domaines, nous relevons pour nos lecteurs, celles qui concernent les transports : transport automobile, commissionnaire de transport, transport aérien, transport de fonds, transport ferroviaire, transport fluvial, transport maritime, transport multimodal et transport routier. Cet ouvrage est réalisé par des juristes pluridisciplinaires, professionnels de l'assurance, professeurs, avocats, juristes d'entreprises, experts, juges. La qualité de sa présentation -encore améliorée par rapport aux ouvrages précédents- comme celle de son contenu -clair, précis, pratique et quasi-exhaustif- assureront sans nul doute à ce nouveau dictionnaire permanent, un grand succès.

Jacques BONNAUD Dictionnaire Permanent Assurances Éditions Législatives 80, avenue de la Marne 92546 MONTROUGE cedex Tél. : 40.92.68.68

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