contribution à l'étude de l'immunité dans l'influenzn épidémique

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Actri Mcdica Scarrdinnvicr. Vol. LXYXVI, fmc. 1-11, 1931. HBpital des EpidEmies de Stockholm (M6decin chef: A. Lichtenstein) Contribution hJ l’Ctude de l’iiniiiiiiiit8 dnns l’influenzn Cpideniiquel Par A. LICHTENSTEIN La question de savoir si l’influenza kpidkmique, une fois subie conf2re ou non l’immunit6 et, en cas d’affirmative, quelle est la duke de cette immunitk, est une question toujoius ouverte et sur laquelle les opinions sont encore diviskes. De plusieurs c6tks on a voulu expliquer le fait que .la soi-disant ,maladie espagnole)) de 1918-1919 frappait de prbfbrence les sujets jeunes ou d’lge moyen, mais kpargnait les sujets plus lgks, en disant que ces der- niers avaient contract6 l’influenza au cours de la pandkmie de 1889-1891 et qu’ils ktaient ainsi demeurks en possession d’une immunith protectrice. Dans une discussion sur l’influenza ir la Socikth Mkdicale SuQdoise, en septembre 1918, Israel Holmgren a par exemple fait valoir la possibilitk de cette explication. Toute- fois, Holmgren faisait observer expresskment que la question n’btait pas rksolue et qu’ils conviendrait de l’ktudier rigoureuse- ment dans l’analyse statistique de l’kpidkmie. D’autre part, contre l’hypothbe d’une immunit& de longue duke semble plaider la constatation gknkralement faite qu’un individu peut Btre atteint plusieurs fois de l’knfluenzrv). Mais la solution de cette question importante, aussi bien en thkorie qu’en pratique, ne cesse pas de se heurter iL une grosse difficult&: nous ignorons quel est le virus de l’influenza. Par suite, B n’en paa douter, on range sous le diagnostic d’oinfluenzrv) des Btats patho- logiques d’ktiologie diffkrente. De plus, tonte tentative d’klucider la question de l’irrrmunit6 dans l’influenza est forcke de prksuppo- ser qu’au cours des diffkrentes kpidkmies du orhume russeo, de la _ _ ~ Ce travail fut adresse en langue suedoise a la rbdaction le 30 janvier 1931. 1-311640. Acto mcd. Scaicditaau. Vol. L.YXV-I.

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Page 1: Contribution à l'étude de l'immunité dans l'influenzn épidémique

Actri Mcdica Scarrdinnvicr. Vol. LXYXVI, fmc. 1-11, 1931.

HBpital des EpidEmies de Stockholm (M6decin chef: A. Lichtenstein)

Contribution hJ l’Ctude de l’iiniiiiiiiit8 dnns l’influenzn Cpideniiquel

Par

A. LICHTENSTEIN

La question de savoir si l’influenza kpidkmique, une fois subie conf2re ou non l’immunit6 et, en cas d’affirmative, quelle est la d u k e de cette immunitk, est une question toujoius ouverte e t sur laquelle les opinions sont encore diviskes. De plusieurs c6tks on a voulu expliquer le fait que .la soi-disant ,maladie espagnole)) de 1918-1919 frappait de prbfbrence les sujets jeunes ou d’lge moyen, mais kpargnait les sujets plus lgks, en disant que ces der- niers avaient contract6 l’influenza au cours de la pandkmie de 1889-1891 et qu’ils ktaient ainsi demeurks en possession d’une immunith protectrice. Dans une discussion sur l’influenza ir la Socikth Mkdicale SuQdoise, en septembre 1918, Israel Holmgren a par exemple fait valoir la possibilitk de cette explication. Toute- fois, Holmgren faisait observer expresskment que la question n’btait pas rksolue et qu’ils conviendrait de l’ktudier rigoureuse- ment dans l’analyse statistique de l’kpidkmie.

D’autre part, contre l’hypothbe d’une immunit& de longue d u k e semble plaider la constatation gknkralement faite qu’un individu peut Btre atteint plusieurs fois de l’knfluenzrv). Mais la solution de cette question importante, aussi bien en thkorie qu’en pratique, ne cesse pas de se heurter iL une grosse difficult&: nous ignorons quel est le virus de l’influenza. Par suite, B n’en paa douter, on range sous le diagnostic d’oinfluenzrv) des Btats patho- logiques d’ktiologie diffkrente. De plus, tonte tentative d’klucider la question de l’irrrmunit6 dans l’influenza est forcke de prksuppo- ser qu’au cours des diffkrentes kpidkmies du orhume russeo, de la _ _ ~

Ce travail fut adresse en langue suedoise a la rbdaction le 30 janvier 1931. 1-311640. Acto mcd. Scaicditaau. V o l . L.YXV-I.

Page 2: Contribution à l'étude de l'immunité dans l'influenzn épidémique

4 A. LICHTENSTEIN

nmaladie espagnole, etc. . . nous avions affaire 1 une seule et mbme maladie. En faveur de cette supposition on peut bien faire valoir, il est vrai, les similitudes du tableau pathologique offert par les diffkrentes kpidkmies. Cette remarque s’applique kgalement aux kpidkmies qui visitdrent ult4rieurement notre pays a p r b la grande kpidkmie de 1918-1919.

Autant que je sache, on n’a pas encore fait de recherches mk- thodiques, que dans des groupes de population peu considkrables sur l’immunitk qui ferait kventuellement suite 1 la nmaladie e- spagnolen. Mais les recherches portant sur les patients d’un h6- pita1 peuvent au moins projeter une certaine lumidre sur la ques- tion. Le but de ces quelques pages est donc d’apporter une mo- deste contribution au sujet.

Durant l’annke 1927, l’hfluenzm) prit 1 Stockholm une forme kpidkmique et, quand on ktudiait attentivement les divers patients au point de vue symptomatique, on constatait que leur affection ressemblait knormkment 1 la omaladie espagnoles observke huit ou neuf ans plus t6t. A Stockholm, en 1927, l’H6pital des Epi- dkmies admit 437 cas d’influenza. C’est dans les observations ainsi collighes que nous avons iecherchk si l’anamndse indiquait ou non une omaladie espagnoles contract4e durant la pkriode de 1918 1919. Afin d’kviter autant que possible des sources d’erreur, nous avons kliminh tous les patients qui prksentaient des affec- tions compliqukes de tuberculose, bronchite chronique, asthme, emphysdme, cardiopathie et autres maladies chroniques. Furent kgalement kliminks les enfants ggks de moins de dix ans (29cas) et 20 cas, dans lesquels on ne put obtenir de renseignements posi- tifs sur m e influenza anthrieure kventuelle. I1 restait ainsi 352 cas d’influenza kpidhmique; on les retrouve clans le tableau ci- dessous.

Dans ce tableau nous avons partagk tout d’abord notre &rie en deux groupes: I. Groupe sans complications; 11. Groupe avec complications. Dans chaque groupe sont indiquks les patients qui, en 1918-1919, furent, 1 leur connaissance, atteints par l’in- fluenza avec ou sans complications suivant les individus.

Les donnkes essentielles que nous fournit ce tableau sont les suivantes. Sur les 352 patients le composant 183 (52 yo) dkclarent n’avoir pas eu l’influenza pendant l’kpidkmie 1918-1919. Lea patients restants, au nombre de 169, affument l’avoir eue durant cette pkriode. Chez 15 d’entre ces derniers la nmaladie espagnoleu se compliqua d’inflammations pulmonaires.

Page 3: Contribution à l'étude de l'immunité dans l'influenzn épidémique

L’IMMUNIT~ DARS L’INFLUENZA ~ P I D ~ M I Q U E . 3 Tableau.

Total

Total de I k I I

Influenza de 1927

___ 105 I 7 1 74 1 186

185 I l b I 154 I 859

Sexe

fluenza en

Total

I. sans Complications

. . . . . . . 1 i;l : ; I % Fcmmes Hummcs. . . . . . . . i I

Total 8 I 80 I 166

U. Avec complications

Sur les 352 cas, 166 (47.2 %) BvoluBrent sans complications pulmonaires, 186 (52.8 %) avec des complications pulmonaires (bronchite, bronchopneumonie, empy Bme).

Dans le groupe A - ceux qui ont eu la nmaladie espagnolen en 1918-1919 - SIU 183 cas il se produisit 105 fois des complications pulmonaires (57.9 %). Si l’on fait abstraction des bronchites, il reste 83 cas de pneumonie ou d’empyBme (45.4 %).

Dans le groupe B - celui des patients qui contractBrent l’in- fluenza en 1918-1919 et qui comprend 169 cas - des complica- tions pulmonaires apparurent 81 fois (47.9 %), des bronchopneu- monies e t des empyBmes 60 fois (35.6 yo).

Les dkcBs se repartissent Bgalement: 15 (8.2 %) dans le groupe A, 15 (8.9 yo) dans le groupe B.

Voici, en quelques mots, ce qui me semble rksulter de ce5 chiffres. La moitik environ des patients qui, en 1927, entrhent B l’H8pital des Epidkmies de Stockholm pour influenza kpidkmique avaient certainement contract4 la umaladie espagnoleo huit ou neuf a m plus Mt et‘ m&me, dans plusieurs cas, avec des complications. I1 S’ensUit que 169 patients ne posddaient, huit ou neuf ans a p r b avoir contract6 une influenza kpidkmique, aucune immunit6 c0- pable de les prot4ger contre une nouvelle atteinte.

Page 4: Contribution à l'étude de l'immunité dans l'influenzn épidémique

4 A . LICHTENSTEIK.

Chez ces memes patients il n’y avait pas non plus d’immuniM kvidente it l’kgard des complications. I1 est vrai gue 1a.frCquence des complications parmi ceux qui avaient de j i subi l’influenza en 1918-1919 est un peu moindre que dans le groupe des patients qui, Q leur connaissance, n’avaient pas eu la ,maladie espagnole,; on trouve respectivement une proportion de 47.9 % et de 57.9 ”/o. Toutefois - vu surtout la modestie numhrique de ma d r i e - la difference ne semble pas tellement forte qu’on doive lui accor- der une importance bien considerable.

Quant Q la mortalit&, elle est la mdme dans Ies deux groupes. Par consbquent, nu sujet de l’hypoth8se meiitionnke au debut

du present travail, la conclusion B tirer de notre expose me parait dtre que, dans un grand nombre de cas au moins, on ne constate pas d’immunite apr8s une influenza subie huit ou neuf ans plus t B t .

R,&urnB.

Au cows d’une BpidBmie d’influenza kpidemique, en 1927, I’auteur du present travail a recherchk, dans une skrie de 352 cas d’influenza, si l’anamnGse faisait mention de la ))maladie espagnoleo en 1918--1919. Dans 50 yo des cas environ clle apprenait que le patient avait dBjB contract6 la ,maladie espagnole,, parfois avec des complications. La frequence des complications pulmonaires iut, mais d’une maniBre insignifiante, un peu moindre parmi ceux gui, .ant&rieurement, avaient dej Q contract6 line influenza bpi- demique que parmi ceux qui, h leur conniassancc, n’en avaIent pas kM atteints. La mortalit6 fu t Bgale dans les deux groupes.

Cette etude statistique n’est donc pas en faveur de l’opinion qu’unc immunit4 de longue duree fait suite B line atteinte d’in- fluenza QpidQmique.