conference proceedings - unige

152
Conference Proceedings Reference La réforme des droits réels immobiliers : les modifications du Code civil entrées en vigueur le 1er janvier 2012 FOヒX, Bénédict FOヒX, Bénédict. La réforme des droits réels immobiliers : les modifications du Code civil entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Genève : Schulthess, 2012, 139 p. Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42096 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1 / 1

Upload: others

Post on 18-Mar-2022

12 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Conference Proceedings - UNIGE

Conference Proceedings

Reference

La réforme des droits réels immobiliers : les modifications du Code

civil entrées en vigueur le 1er janvier 2012

FOËX, Bénédict

FOËX, Bénédict. La réforme des droits réels immobiliers : les modifications du Code

civil entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Genève : Schulthess, 2012, 139 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42096

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

Page 2: Conference Proceedings - UNIGE

La

réfo

rme

desd

roits

réel

sim

mob

ilier

s

LaréformedesdroitsréelsimmobiliersLesmodificationsduCodecivilentréesenvigueurle1erjanvier2012

GrégoryBoveyAntoineEigenmannBénédictFoëxEtienneJeandinDenisPiotetAmédéoWermelinger

EditéparBénédictFoëx

Droitdelapropriété

Cet ouvrage présente les Actes de la dixième Journée dudroitde lapropriété,quis’esttenueàGenèveaumoisdemai2011etquiaétéconsacréeauxmodificationsduCodecivilrelativesauxdroitsréelsimmobiliersadoptéesendé-cembre2009etentréesenvigueurle1erjanvier2012.

Lessixprincipauxchapitresdecetteréformesontprésen-téspardesspécialistesdelamatière,àsavoir :

– Lapropriétéfoncière,M.GrégoryBovey,Jugeà laCourdejusticedeGenève ;

– La propriété par étages, M. AmédéoWermelinger, pro-fesseuràl’UniversitédeFribourg ;

– Les servitudes et le droit de superficie, M. EtienneJeandin,notaireàGenève ;

– Les dispositions générales sur les gages immobiliers,M. AntoineEigenmann,avocat,chargédecoursàl’Uni-versitédeFribourg ;

– La cédule hypothécaire de registre, M. Bénédict Foëx,professeuràl’UniversitédeGenève ;

– Leregistrefoncier,M.DenisPiotet,professeuràl’Univer-sitédeLausanne.

LesJournéesdudroitdelapropriétésontorganiséesparlaChambre genevoise immobilière, la Faculté de droit del’UniversitédeGenèveetl’Institutd’étudesimmobilières.

GCCollectionGenevoise

GCCollectionGenevoise

59489_UG_CG_Foex.indd 1 02.08.12 13:26

Page 3: Conference Proceedings - UNIGE

Bénédict Foëx (éd.)

La réforme des droits réels immobiliers

Page 4: Conference Proceedings - UNIGE

GCCollectionGenevoise

Droit de la propriété

Page 5: Conference Proceedings - UNIGE

La réforme des droits réels immobiliersLes modifications du Code civil entrées en vigueur le 1er janvier 2012

Grégory BoveyAntoine EigenmannBénédict FoëxEtienne JeandinDenis PiotetAmédéo Wermelinger

Edité parBénédict Foëx

Chambre genevoise immobilière

Page 6: Conference Proceedings - UNIGE

Information bibliographique: ‹Die Deutsche Bibliothek›.Die Deutsche Bibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse ‹http://dnb.ddb.de›.

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou méca­nique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2012 ISBN 978­3­7255­6583­2 ISSN Collection genevoise: 1661­8963

www.schulthess.com

Page 7: Conference Proceedings - UNIGE

5

Préface

La Journée du droit de la propriété 2011 célèbre le dixième anniversaire de cette très belle manifestation. Ce colloque scientifique concrétise un partenariat flo-rissant entre la Chambre genevoise immobilière, l’Institut d’études immobi-lières et, naturellement, la Faculté de droit. Chaque année, cet événement ─ car il s’agit véritablement d’un événement ─ réunit les meilleurs spécialistes et praticiens de droit immobilier, au sens le plus large et le plus noble du terme. On sent à chaque fois un réel plaisir des participants à se retrouver et à dé-battre de manière conviviale de thèmes d’actualité comme de sujets plus axés sur la durée. Cette joie de se retrouver contredit heureusement l’affirmation de Jules RENARD, dans son Journal 1893-1898, où il écrivait :

« Les autres développent en nous surtout le mauvais instinct de la pro-priété ; il suffit d’être un instant chez eux pour vouloir aussitôt être chez soi ».

Je suis persuadé que durant ces Journées, le sentiment de chacun est exac-tement le contraire : d’abord parce que l’auditoire Reverdin, qui accueille année après année ces conférences, n’a jamais donné aux conférenciers ou au public l’impression d’être chez les autres, mais bien chez eux ; avec le temps, tous ont su s’approprier cette salle, qui est devenue, véritablement, un lieu de rendez-vous pour ceux qui traitent quotidiennement de droit immobilier. On souli-gnera ensuite la diversité des thèmes abordés ─ marquée notamment par l’alternance entre actualité et réflexion fondamentale ─ qui a su faire de cet événement un passage obligé dans la formation en droit de la propriété. Suivre à l’Université la formation offerte dans ce domaine relève du meilleur instinct !

Les exposés de cette année en sont, une fois de plus, la meilleure preuve, puisque les sujets les plus passionnants des droits réels immobiliers sont réu-nis pour ce dixième anniversaire. Je tiens donc à remercier ici chaleureusement chacun des orateurs et auteurs, qui ont su mettre en lumière la modification du Code civil du 11 décembre 2009 : venant d’horizons professionnels variés, ils sont eux-mêmes l’expression de la richesse de ces Journées du droit de la pro-priété. Qu’ils soient magistrat, notaire ou enseignants à Lausanne, Fribourg ou Genève, ils sont le témoignage vivant de la coopération entre le monde aca-démique et la pratique. Celle-là doit beaucoup aux organisateurs infatigables de ces séminaires, que ce soit l’équipe de CGI Conseils, sous la direction de M. Christophe AUMEUNIER, ou le Professeur Bénédict FOËX et ses collaborateurs.

Page 8: Conference Proceedings - UNIGE

Préface

6

C’est l’ensemble de ces éléments qui fait de cette Journée un excellent col-loque, vraiment digne d’un dixième anniversaire, et j’espère de tout cœur, pour paraphraser Jules RENARD que : il suffit d’être un instant chez nous, à l’Université, pour se sentir aussitôt chez soi. Je souhaite à cette manifestation en-core de nombreux autres anniversaires et exprime la vive reconnaissance de la Faculté de droit à tous ses acteurs.

CHRISTIAN BOVET

Doyen de la Faculté de droit

de l’Université de Genève

Page 9: Conference Proceedings - UNIGE

7

Sommaire

Préface ........................................................................................................................... 5

Sommaire ...................................................................................................................... 7

Table des abréviations ................................................................................................. 9

Table des matières ..................................................................................................... 15

GRÉGORY BOVEY, Docteur en droit, LL.M., Juge à la Cour de justice de Genève

La propriété foncière ................................................................................................ 23

AMÉDÉO WERMELINGER, Professeur titulaire à l’Université de Fribourg

Les modifications dans la propriété par étages .................................................. 43

ETIENNE JEANDIN, Notaire à Genève Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie ................ 53

ANTOINE EIGENMANN, Avocat, chargé de cours à l’Université de Fribourg

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers ..... 81

BÉNÉDICT FOËX, Professeur à l'Université de Genève

La cédule décédulisée ............................................................................................ 101

DENIS PIOTET, Professeur à la Faculté de droit et des sciences criminelles de l’Université de Lausanne

De la tenue traditionnelle du registre foncier et de ses plus récents aménagements à l’acte authentique électronique et à l’appel de données en ligne : sécurité, transparence et protection des données ........... 117

Page 10: Conference Proceedings - UNIGE
Page 11: Conference Proceedings - UNIGE

9

Table des abréviations*

aCC anciennes dispositions du Code civil suisse, du 10 décembre

1907 (RS 210)

al. alinéa

aOJF ancienne loi d’organisation judiciaire fédérale

aORF (ancienne) Ordonnance du Conseil fédéral sur le registre

foncier, du 22 février 1910 (RS 211.432.1)

art. article

ATF Arrêt du Tribunal fédéral

BN Bernische Notar

BO Bulletin officiel

BOCE Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil des Etats

BOCN Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil national

BR Baurecht

c. considérant

CC Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (RS 210)

CE Conseil des Etats

cf. confer

ch. chiffre

CHF francs suisses

CN Conseil national

* Liste établie par M. Alexandre Alvarez, assistant à la Faculté de droit de l’Université de Genève.

Page 12: Conference Proceedings - UNIGE

Table des abréviations

10

CO Code des obligations (Loi fédérale complétant le Code civil

suisse [Livre cinquième : Droit des obligations]), du 30 mars

1911 (RS 220)

consid. considérant

CPC Code de procédure civile suisse, du 19 décembre 2008

(RS 272)

DC Droit de la construction

éd. édition, éditeurs

ég. également

ex. exemple

E-ZGB Entwurf zum Zivilgesetzbuch

FF Feuille fédérale

Fr. francs suisses

Frs francs suisses

GVP ZG Gerichts- und Verwaltungspraxis des Kantons Zug

i.f. in fine

ibid. ibidem

JDC Journées suisses du droit de la construction

JdT Journal des Tribunaux

JT Journal des Tribunaux

LaCC Loi genevoise d'application du code civil suisse et autres

lois fédérales en matière civile, du 28 novembre 2010 (RS GE

E 1 05)

LBFA Loi fédérale sur le bail à ferme agricole, du 4 octobre 1985

(RS 221.213.2)

LDFR Loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991

(RS 211.412.11)

Page 13: Conference Proceedings - UNIGE

Table des abréviations

11

LDIP Loi fédérale sur le droit international privé, du 18 décembre

1987 (RS 291)

LGVE Luzerner Gerichts- und Verwaltungsentscheide

lit. ou litt. littera

LLCA Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, du 23 juin

2000 (RS 935.61)

LP Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, du

11 avril 1989 (RS 281.1)

LPP Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse,

survivants et invalidité, du 25 juin 1982 (RS 831.40)

loc. cit. loco citato

LTF Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005

(RS 173.110)

N note, numéro

n. numéro, note

NB Notaire bernois

n.b.p. note de bas de page

nCC Code civil suisse modifié au 11 décembre 2009 (FF 2009

7943 ss) avec entrée en vigueur au 1er janvier 2012

no numéro

nORF nouvelle Ordonnance sur le registre foncier, du 23 sep-

tembre 2011 (RS 211.432.1), entrée en vigueur le 1er janvier

2012

nos numéros

not. notamment

nv CC nouveau Code civil suisse modifié au 11 décembre 2009 (FF

2009 7943 ss) avec entrée en vigueur au 1er janvier 2012

Page 14: Conference Proceedings - UNIGE

Table des abréviations

12

OAAE Ordonnance du Conseil fédéral sur l’acte authentique élec-

tronique, du 23 septembre 2011 (RS 943.033)

op. cit. opere citato

ORF Ordonnance sur le registre foncier, du 23 septembre 2011

(RS 211.432.1)

ORFI Ordonnance du Tribunal fédéral sur la réalisation forcée des

immeubles, du 23 avril 1920 (RS 281.42)

p. page

P-CC Projet de modification du Code civil

PJA Pratique juridique actuelle

pp. pages

PPE propriété par étages

PVG Praxis des Verwaltungsgerichts des Kantons Graubünden

réf. référence(s)

réf. cit. référence(s) citée(s)

Rep. Giur. Repertorio di giurisprudenza Patria

rés. résumé

RJJ Revue jurassienne de jurisprudence

RNRF Revue suisse du Notariat et du Registre foncier

RRF Règlement genevois sur le registre foncier, du 7 septembre

1988 (RS GE E 1 50.04)

RS Recueil systématique du droit fédéral

RS GE Recueil systématique du droit genevois

RSJ Revue suisse de jurisprudence

RVJ Revue valaisanne de jurisprudence

s. et suivant(e)

Page 15: Conference Proceedings - UNIGE

Table des abréviations

13

SJ Semaine judiciaire

ss ou sv. et suivant(e)s

Syst. T. Systematischer Teil

TA GR Tribunal administratif des Grisons

Tf CC Titre final du Code civil

Tit. fin. Titre final

vol. volume

ZGB Zivilgesetzbuch

ZR Blätter für zürcherische Rechtsprechung

ZZZ Schweizerische Zeitschrift für Zivilprozess- und Zwangsvoll-

streckungsrecht

Page 16: Conference Proceedings - UNIGE
Page 17: Conference Proceedings - UNIGE

15

Table des matières

Préface ...................................................................................................................... 5

Sommaire ................................................................................................................. 7

Table des abréviations ............................................................................................ 9

Table des matières ................................................................................................ 15

GRÉGORY BOVEY

La propriété foncière ........................................................................................... 23

I. Introduction ...................................................................................................... 23

II. Les immissions licites ...................................................................................... 24

A. Rappel des principes ................................................................................. 24

B. Le nouvel article 679a CC ........................................................................ 25

III. Les immissions négatives ................................................................................ 27

A. Rappel des principes ................................................................................. 27

B. Nouveautés introduites par la révision ................................................. 28

IV. Le propriétaire introuvable ............................................................................. 29

V. Les autres nouveautés ..................................................................................... 31

A. Immatriculation des droits distincts et permanents (art. 655 al. 3 nCC) .................................................................................................... 31

B. Immeubles dépendants ............................................................................ 33

C. Les conduites sur fonds d’autrui ............................................................ 35

D. Droit d’établir des conduites sur le fonds voisin (conduites nécessaires) ................................................................................................. 37

VI. Conclusion ......................................................................................................... 39

Bibliographie .............................................................................................................. 40

Page 18: Conference Proceedings - UNIGE

Table des matières

16

AMÉDÉO WERMELINGER

Les modifications dans la propriété par étages ............................................. 43

A. Introduction ...................................................................................................... 43

B. La mention de l'ordre communautaire (art. 649a al. 2 CC) ........................ 44

1. La nouveauté ............................................................................................. 44

2. Portée de la novelle ................................................................................... 44

3. Appréciation critique ................................................................................ 45

C. La quote-part (art. 712e al. 1 CC) ................................................................... 45

1. La nouveauté ............................................................................................. 45

2. Portée de la novelle ................................................................................... 46

3. Appréciation critique ................................................................................ 46

D. La dissolution de la propriété par étages (art. 712f al. 3 et 4 CC) ....... 47

1. La nouveauté ............................................................................................. 47

2. Portée de la novelle ................................................................................... 47

3. Appréciation critique ................................................................................ 48

E. Le droit d'usage particulier (art. 712g al. 4 CC) ........................................... 48

1. La nouveauté ............................................................................................. 48

2. Portée de la novelle ................................................................................... 49

3. Appréciation critique ................................................................................ 49

F. La mention de l'administrateur (art. 962a ch. 5 CC) ................................... 49

1. La nouveauté ............................................................................................. 49

2. Portée de la novelle ................................................................................... 50

3. Appréciation critique ................................................................................ 50

G. Appréciation globale ........................................................................................ 50

ETIENNE JEANDIN

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie ........... 53

I. Introduction ...................................................................................................... 53

II. Constitution des servitudes ............................................................................ 54

A. Contrat constitutif ..................................................................................... 54

Page 19: Conference Proceedings - UNIGE

Table des matières

17

1. Droit actuel ....................................................................................................... 54

2. Nouveau droit ................................................................................................. 55

3. Champ d’application de la forme authentique ........................................... 56

a) Selon la classification des servitudes ............................................................ 56

b) Selon le titre d’acquisition ............................................................................... 57

B. Plan .............................................................................................................. 57

1. Droit actuel ....................................................................................................... 57

2. Nouveau droit ................................................................................................. 58

C. Droit transitoire ......................................................................................... 59

III. Pluralité d’ayants droit .................................................................................... 60

A. Droit actuel ................................................................................................. 60

B. Nouveau droit ........................................................................................... 62

1. Le nouveau texte légal .................................................................................... 62

2. L’exigence d’un même rang ........................................................................... 62

3. L’exclusion du droit de quitter la communauté ......................................... 63

C. Droit transitoire ......................................................................................... 63

IV. Charge d’entretien et obligation accessoire ................................................. 64

A. Droit actuel ................................................................................................. 64

1. Les dispositions légales .................................................................................. 64

2. La jurisprudence .............................................................................................. 65

3. Qualification des différentes obligations accessoires ................................. 65

B. Nouveau droit ........................................................................................... 66

C. Droit transitoire ......................................................................................... 68

V. Le droit de superficie ....................................................................................... 68

A. Constitution du droit de superficie ........................................................ 68

1. Droit actuel ....................................................................................................... 68

2. Nouveau droit ................................................................................................. 68

3. Droit transitoire ............................................................................................... 69

B. L’effet réel de dispositions contractuelles du contrat de superficie ............................................................................................... 69

1. La rente de superficie ..................................................................................... 69

a) Droit actuel ....................................................................................................... 69

Page 20: Conference Proceedings - UNIGE

Table des matières

18

b) Nouveau droit .................................................................................................. 70

2. Les autres dispositions contractuelles .......................................................... 71

a) Droit actuel ....................................................................................................... 71

b) Nouvelle loi ...................................................................................................... 72

3. Droit transitoire ............................................................................................... 73

C. La restriction à la cessibilité du droit de superficie .............................. 74

VI. Epuration des servitudes ................................................................................ 75

A. Procédure imposée en matière de division ou de réunion de parcelles ................................................................................................. 76

1. Division parcellaire ......................................................................................... 76

a) Droit actuel ....................................................................................................... 76

b) Nouveau droit .................................................................................................. 76

2. Réunion parcellaire ......................................................................................... 77

a) Droit actuel ....................................................................................................... 77

b) Nouveau droit .................................................................................................. 77

B. Procédure d’épuration publique pour des périmètres déterminés .................................................................................................. 78

Bibliographie .............................................................................................................. 79

ANTOINE EIGENMANN

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers ........................................................................................................... 81

Bibliographie .............................................................................................................. 81

I. Introduction ...................................................................................................... 81

II. Les modifications des dispositions générales relatives au droit de gage immobilier .......................................................................................... 82

A. L’article 793 CC : conditions ; formes du gage immobilier ................. 82

B. L’article 799 CC : constitution ; inscription ; extinction ....................... 83

C. L’article 808 CC : sûretés ; dépréciation de l’immeuble ; mesures conservatoires ............................................................................ 83

1. L’alinéa 3 .......................................................................................................... 83

2. L’alinéa 4 (nouvellement introduit) .............................................................. 84

D. L’art. 810 CC : dépréciation sans la faute du propriétaire .................. 84

Page 21: Conference Proceedings - UNIGE

Table des matières

19

1. L’alinéa 2 .......................................................................................................... 84

2. L’alinéa 3 (nouvellement introduit) .............................................................. 85

E. L’article 819 CC : garanties pour impenses nécessaires ...................... 85

1. L’alinéa 1 .......................................................................................................... 85

2. L’alinéa 2 (nouvellement introduit) .............................................................. 85

F. L’article 823 CC : créancier introuvable ................................................. 86

G. L’article 818 alinéa 1, chiffre 3 CC : étendue de la garantie ................ 86

III. Les modifications relatives à l’hypothèque .................................................. 88

A. L’article 836 CC : hypothèques légales de droit cantonal ................... 88

1. L’alinéa 1 .......................................................................................................... 88

2. L’alinéa 2 .......................................................................................................... 89

3. L’alinéa 3 .......................................................................................................... 90

B. L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs .............................. 90

1. Le cercle des bénéficiaires .............................................................................. 90

2. L’accord du propriétaire ................................................................................ 92

3. Le délai .............................................................................................................. 93

4. L’objet de l’inscription .................................................................................... 94

5. Le patrimoine administratif ........................................................................... 94

a) Les nouveaux alinéas 4, 5 et 6 ........................................................................ 94

b) Base commune aux trois alinéas .................................................................... 94

c) L’appartenance au patrimoine administratif ............................................... 96

d) L’alinéa 4 ........................................................................................................... 96

e) Les alinéas 5 et 6 .............................................................................................. 97

IV. Conclusion ......................................................................................................... 99

BÉNÉDICT FOËX

La cédule décédulisée ....................................................................................... 101

Introduction .............................................................................................................. 101

I. Notion de cédule hypothécaire de registre ................................................ 101

A. Une cédule hypothécaire ........................................................................ 101

B. Une cédule rajeunie ................................................................................ 102

Page 22: Conference Proceedings - UNIGE

Table des matières

20

C. Une cédule dématérialisée ..................................................................... 103

D. Une cédule immobilisée ......................................................................... 104

II. Droit applicable .............................................................................................. 104

III. Constitution de la cédule de registre ........................................................... 104

A. Constitution par contrat ......................................................................... 104

B. Constitution par acte juridique unilatéral ........................................... 106

C. Constitution par transformation ........................................................... 106

IV. Effets de la cédule de registre ....................................................................... 107

A. Généralités ................................................................................................ 107

B. Transfert ................................................................................................... 108

C. Grèvement ................................................................................................ 110

V. Remboursement et remploi .......................................................................... 111

A. Remboursement de la créance cédulaire ............................................. 111

B. Remploi de la cédule de registre ........................................................... 113

VI. Droit transitoire .............................................................................................. 113

Conclusion ................................................................................................................ 114

Bibliographie ............................................................................................................ 115

DENIS PIOTET

De la tenue traditionnelle du registre foncier et de ses plus récents aménagements à l’acte authentique électronique et à l’appel de données en ligne : sécurité, transparence et protection des données ...... 117

I. A Tenue et surveillance du registre foncier .................................................... 117

I. B Division et réunion d’immeubles ................................................................ 120

I. C La radiation facilitée ...................................................................................... 126

II. Informatisation des réquisitions et des pièces justificatives .................... 128

A. Les principes anciens et nouveaux ....................................................... 128

B. Deux questions juridiques liées à la réquisition électronique .......... 130

III. L’acte authentique et la légalisation électroniques .................................... 132

A. Expédition et légalisation électroniques .............................................. 132

B. L’évolution vers le « cyber-notaire » ? ................................................. 134

Page 23: Conference Proceedings - UNIGE

Table des matières

21

IV. Publicité du registre foncier, géoinformation et protection des données ............................................................................................................ 135

A. Publicité illimitée, accès étendu et protection des données .............. 135

B. Les restrictions de droit public à la propriété mentionnées au registre foncier .................................................................................... 137

Page 24: Conference Proceedings - UNIGE
Page 25: Conference Proceedings - UNIGE

23

La propriété foncière

GRÉGORY BOVEY1

Juge à la Cour de justice de Genève

I. Introduction

Dans la foulée des modifications substantielles apportées par la révision du Code civil2, le Conseil fédéral a profité de toiletter un certain nombre de dispo-sitions relatives à la propriété foncière afin notamment d’y intégrer la juris-prudence du Tribunal fédéral, voire, dans certains cas, les avis exprimés par la doctrine. Ce toilettage a également été l’occasion de donner une base légale à certaines dispositions réglementaires qui en étaient dépourvues. Un effort d’actualisation et de simplification rédactionnelles a enfin été fourni.

Les trois nouveautés les plus importantes ont trait aux immissions licites (art. 679a nCC), aux immissions négatives (art. 679 al. 2 et 684 al. 2 nCC) et au propriétaire introuvable (art. 666a et 666b nCC).

D’autres nouveautés retiennent également l’attention, à savoir les ar-ticles 655 al. 3 nCC relatif à l’immatriculation des droits distincts et perma-nents, 655a nCC traitant des immeubles dépendants, 676 al. 1 et 3 nCC visant les conduites sur le fonds d’autrui, et, enfin, 691 al. 1 et 3 nCC concernant les conduites nécessaires.

1 Les opinions ici exprimées n’engagent que leur auteur. Nos plus vifs remerciements s’adressent à

Monsieur le Professeur Denis PIOTET, qui a eu la grande amabilité de nous donner accès aux travaux préparatoires et de nous faire part de ses précieux commentaires à la lecture du présent texte.

2 Modification du 11 décembre 2009 entrée en vigueur le 1er janvier 2012, FF 2009 7943 ss, RO 2011 4637 ss ; Message du Conseil fédéral du 27 juin 2007, FF 2007 5015 ss.

Page 26: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

24

II. Les immissions licites

A. Rappel des principes

La première concrétisation légale de la jurisprudence du Tribunal fédéral con-cerne l’hypothèse bien connue où un propriétaire provoque temporairement, notamment par des travaux de construction, des nuisances (poussière, bruit et trépidations), qui causent un dommage à ses voisins3.

De telles immissions, en elles-mêmes excessives au sens de l’article 684 CC, peuvent apparaître inévitables, en ce sens qu’elles ne peuvent être réduites ni par le mode de construction ni par son exécution4, ou que « [leur] interdiction serait hors de proportion avec l’intérêt qu’en retirerait le voisin »5.

Dans ces hypothèses, le Tribunal fédéral a jugé que les immissions étaient licites6 et que le voisin n’était pas admis à s’opposer aux travaux. Le proprié-taire à l’origine des nuisances inévitables doit toutefois, à certaines conditions, équitablement indemniser son voisin pour le dommage causé7.

Cette jurisprudence dite des « travaux nécessaires »8, très éloignée du texte légal9, résulte d’un comblement d’une lacune de l’article 679 CC10.

Le Tribunal fédéral a en effet considéré que cette disposition ne couvrait pas l’hypothèse dans laquelle un propriétaire est contraint « d’“abuser” tem-porairement de son droit de propriété pour pouvoir en faire usage »11. Il a ainsi comblé cette lacune (art. 1 al. 2 CC), en posant la règle selon laquelle le voisin lésé ne peut agir en cessation de trouble, mais doit se contenter d’une indemni-té12.

3 HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10 ; STEINAUER, II, n. 1818, 1922b et 1931 s. Il suffit que les nuisances

portent atteinte au voisin ; point n’est besoin qu’elles créent un dommage au sens technique du terme (diminution involontaire du patrimoine) : cf. FOËX, p. 491 et les références citées.

4 ECKENSTEIN, pp. 43 ss, 47 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 10 ad art. 679a CC ; WERRO/ZUFFEREY, p. 72 s.

5 STEINAUER, II, n. 1818 et 1931. Cf. ég. ECKENSTEIN, p. 46. 6 ECKENSTEIN, p. 46. En réalité, le Tribunal fédéral n’a pas créé un cas supplémentaire de responsabili-

té pour fait licite, mais a procédé à une réduction téléologique de l’art. 679 CC en en restreignant sa portée lorsque l’immission excessive est inévitable : cf. FOËX, p. 489 ; ECKENSTEIN, p. 85 ss.

7 PIOTET, p. 109 et les arrêts cités ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 961 ; STEINAUER, II, n. 1818 et les ar-rêts cités ; WERRO/ZUFFEREY, p. 69.

8 ATF 83 II 375, JT 1958 I 348 (rés.) ; ATF 91 II 100, JT 1965 I 590 ; SJ 1987, p. 145 ss ; ATF 114 II 230, JT 1989 I 144 ; ATF 5C.117/2005, publié in RNRF 2007, p. 203 ss et in SJ 2006 I 237.

9 PIOTET, RNRF 2006, p. 18. ; PIOTET, p. 109. 10 ECKENSTEIN, p. 53 s. ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 679a CC ; WERRO/ZUFFEREY,

p. 76. 11 WERRO/ZUFFEREY, p. 69. 12 WERRO/ZUFFEREY, p. 69 s.

Page 27: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

25

Le Tribunal fédéral a toutefois ajouté qu’une telle indemnité n’était due que si le voisin a été touché de manière notable ou appréciable13, en ce sens qu’il doit avoir subi un dommage important (« eine beträchtliche Schädigung »)14.

Savoir si le dommage est important se juge à l’aune de la gravité des im-missions subies15. Selon la jurisprudence, les nuisances liées habituellement aux travaux de construction ne peuvent donner lieu à indemnisation. C’est ainsi que « les inconvénients passagers “liés à la simple édification ou réfection d’un bâtiment” ne donnent pas droit à indemnité »16. En d’autres termes, ce n’est que si les travaux, de par la durée et l’intensité des immissions qu’ils provoquent, touchent les voisins de manière grave et sensible qu’il se justifie de les indemniser17. Si ce seuil est atteint, le voisin a droit à une indemnité équitable que le juge fixera selon son pouvoir d’appréciation (art. 52 al. 2 CO)18.

Il résulte de la jurisprudence du Tribunal fédéral que le voisin lésé par des immissions excessives inévitables n’est restreint à une indemnité équitable qu’en cas de pertes strictement économiques19. En revanche, conformément à l’avis de la doctrine majoritaire, si l’immission excessive menace l’intégrité corporelle du voisin, ce dernier dispose des mêmes moyens de droit qu’en pré-sence d’immissions excessives évitables : il peut agir non seulement en dom-mages-intérêts, mais aussi en cessation ou en prévention du trouble20.

B. Le nouvel article 679a CC

Cette jurisprudence des « travaux nécessaires », sans être reprise telle quelle, trouve désormais une assise dans la loi à l’article 679a nCC21.

Sa codification, souhaitée depuis longtemps par la doctrine, était nécessaire et répond légitimement à un « souci de lisibilité du système légal »22. Le cons-tructeur est désormais garanti, de par la loi, qu’il ne s’exposera en principe pas aux actions défensives du voisin en cas d’immissions excessives inévitables

13 FOËX, p. 489. 14 ECKENSTEIN, p. 49 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 13 ad art. 679 CC et n. 2 ad art. 679a CC ;

WERRO/ZUFFEREY, pp. 70 et 76. 15 ECKENSTEIN, p. 49 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76. 16 WERRO/ZUFFEREY, p. 76. 17 ECKENSTEIN, p. 49 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76. 18 ECKENSTEIN, p. 50 ss ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76. 19 ECKENSTEIN, P. 51 S. ; WERRO/ZUFFEREY, P. 80. 20 ECKENSTEIN, p. 51 ; STEINAUER, II, n. 1818 ; WERRO/ZUFFEREY, pp. 74 et 80. 21 Cf. ECKENSTEIN, p. 91 ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10 ; STEINAUER, II, n. 1818 et 1931 s. 22 PIOTET, RNRF 2006, p. 18. Cf. ég. FOËX, p. 497 ss ; PIOTET, p. 109.

Page 28: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

26

résultant de travaux de construction, seule l’action en réparation du dommage étant dans ce cas envisageable23.

A la lecture du texte de ce nouvel article 679a CC, on constate que le légis-lateur n’a pas renoncé à la double exigence d’une immission excessive (tempo-raire et inévitable) et d’un dommage en résultant24. En revanche, la condition jurisprudentielle d’un dommage important ou notable n’a pas été reprise dans le nouveau texte25. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le Message du Conseil fédéral26, il s’ensuit que le dommage doit dorénavant n’être appré-cié qu’à l’aune de l’article 684 CC27, conformément aux vœux exprimés par la doctrine28. En d’autres termes, il suffit que l’immission inévitable touche le voisin de manière excessive pour que le propriétaire soit tenu à réparation29.

De même, il résulte du texte clair de l’article 679a nCC30 et des travaux préparatoires31 que l’indemnisation n’est plus réduite à une indemnité équi-table, mais couvre la perte entière subie par le voisin32. Elle doit donc être fixée conformément aux règles ordinaires applicables en matière de responsabilité civile33, étant pour le surplus rappelé que l’article 679 CC fonde une responsa-bilité objective34.

23 ECKENSTEIN, p. 91 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 et 3 s. ad art. 679a CC ; STEINAUER, II,

n. 1931. 24 Cf. ECKENSTEIN, p. 99. Sur les conditions (cumulatives) d’application de l’art. 679a CC, cf.

REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 5 ss ad art. 679a CC ; STEINAUER, II, n. 1931a. 25 Elle était en effet clairement contraire au système : cf. PIOTET, p. 110. 26 Affirmer simplement que l’art. 679a CC « reprend la jurisprudence du Tribunal fédéral » (Message,

p. 5039) apparaît trop catégorique, dès lors que le législateur a manifestement voulu corriger cer-tains aspects contestables de cette jurisprudence (condition du dommage important et indemnité seulement équitable).

27 ECKENSTEIN, p. 100. 28 Cf., par ex., FOËX, p. 489 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 78. 29 ECKENSTEIN, p. 100. La distinction entre dommages purement économiques et atteintes aux droits de

la personnalité demeure : l’art. 679a nCC ne s’applique qu’en cas de dommages purement écono-miques ; en cas d’atteintes à la personnalité, le voisin dispose de tous les moyens de droit prévus à l’art. 679 CC (cf. ECKENSTEIN, p. 99).

30 L’art. 679a nCC parle de « dommages-intérêts ». 31 Cf. Rapport explicatif relatif à l’avant-projet, p. 22 s. 32 PIOTET, RNRF 2006, p. 19 ; PIOTET, p. 110. 33 ECKENSTEIN, p. 91. Elle couvrira dès lors, ainsi que la doctrine le souhaitait, « la perte entière et être

déterminée selon les règles ordinaires de la fixation de l’indemnité en fonction du dommage subi » (WERRO/ZUFFEREY, pp. 71 et 78).

34 STEINAUER, II, n. 1929.

Page 29: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

27

III. Les immissions négatives

A. Rappel des principes

La deuxième nouveauté importante de la révision concerne la protection contre les immissions négatives (privation d’air, de soleil, de lumière ou de vue)35.

Depuis un arrêt de principe rendu le 18 mai 200036, les articles 679 et 684 CC protègent, en tant que règles minimales, le propriétaire voisin à l’encontre tant des immissions positives que des immissions négatives37. La privation d’air, de soleil, de lumière ou de vue causée par la présence d’une construction ou de plantations sur un fonds voisin peut ainsi être constitutive d’un excès du droit de propriété au sens de l’article 684 CC et légitimer le propriétaire lésé à agir en cessation ou en prévention du trouble ainsi qu’en réparation du dom-mage (art. 679 CC)38. La jurisprudence n’admet toutefois l’excès que de ma-nière restrictive39.

Les articles 679 et 684 CC ne sont, en effet, que d’application subsidiaire. Ils ne garantissent, pour l’ensemble de la Suisse, qu’une protection minimale, la-quelle est circonscrite par le droit civil cantonal édicté notamment sur la base des articles 686 et 688 CC40. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel qu’il est envi-sageable d’agir selon l’article 679 CC, soit « lorsque le droit [civil] cantonal ne peut trouver application, malgré l’inobservation des distances prescrites »41, voire, dans certaines circonstances très particulières, même lorsque lesdites distances ont été respectées42.

35 Sur la notion d’immissions négatives, cf. PIOTET, p. 106. 36 ATF 126 III 452, JT 2001 I 542. Cf. ég. ATF 5A_415/2008, consid. 3.1 publié in RNRF 2010, p. 156. 37 ATF 5P.225/2006, consid. 2.2 ; ECKENSTEIN, pp. 107 et 113 ; STEINAUER, II, n. 1809a. Avant cet arrêt

de principe, « la jurisprudence du Tribunal fédéral n’appliquait l’art. 684 CC qu’aux immissions néga-tives consécutives à des travaux de construction empêchant l’accès à un fonds » (STEINAUER, II, loc. cit. et la jurisprudence citée). Les autres cas d’immissions négatives étaient « régis exclusivement par les règles (de droit cantonal) sur les distances à respecter pour construire ou pour planter (art. 686 et 688) » (STEINAUER, II, loc. cit.).

38 STEINAUER, II, n. 1809a. 39 Cf. les exemples mentionnés à l’ATF 5A_464/2010, consid. 4.2 : arbres d’une hauteur d’environ

vingt-cinq mètres projetant une ombre importante en début d’après-midi, pendant les périodes de printemps et d’automne ; vue particulièrement belle fortement entravée ou essentielle à l’exploitation du fonds (ATF 5A_415/2008 publié in RNRF 2010, p. 156). Cf. ég. PFÄFFLI/BYLAND, RSJ 2011, p. 227.

40 ATF 5A_464/2010, consid. 4.1 et la jurisprudence citée ; ECKENSTEIN, p. 113 ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 949b ; STEINAUER, II, n. 1811 et les références citées. La jurisprudence fédérale ne vise ex-pressément que le cas des plantations (art. 688 CC). Elle doit toutefois également valoir pour les constructions (art. 686 CC) : cf. ECKENSTEIN, p. 116 ; STEINAUER, II, n. 1811a.

41 ATF 5A_464/2010, consid. 4.1. Cf. ég. ECKENSTEIN, p. 114. 42 ATF 5A_415/2008 publié in RNRF 2010, p. 156, critiqué par PIOTET, in JT 2011 II 153 ; ECKENSTEIN,

p. 114 s. ; PIOTET, RNRF 2006, p. 17.

Page 30: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

28

Qu’en est-il toutefois lorsque le droit fédéral entre en collision avec les normes de droit public cantonal, qui s’appliquent actuellement presque exclu-sivement en matière de constructions43 ?

Dans le souci d’harmoniser les deux ordres juridiques, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un projet de construction respecte les normes de droit public cantonal sur les distances entre les constructions, il n’y avait en principe pas d’immissions excessives au sens de l’article 684 CC44. A l’inverse, si le droit public cantonal des constructions ne contient aucune disposition idoine, garan-tissant notamment un ensoleillement et une lumière minimales, il est possible de faire valoir devant le juge civil les droits découlant des articles 679 et 684 CC45.

On le voit, en fonction du droit cantonal concerné, privé ou public, la même protection reçoit un traitement différent. La jurisprudence a ainsi créé une insécurité juridique, qui justifiait une intervention du législateur dans ce domaine « abandonné aux aléas de la casuistique jurisprudentielle et aux con-troverses de la doctrine »46.

B. Nouveautés introduites par la révision

La nouvelle mouture de l’article 684 al. 2 CC mentionne désormais expressé-ment les immissions négatives dans le catalogue des atteintes interdites47. La protection jurisprudentielle de principe contre les immissions négatives exces-sives est donc légalement consacrée48.

Cette intégration des immissions négatives dans le catalogue des atteintes visées par l’article 684 CC a pour effet que le voisin touché par de telles immis-sions dispose en principe de tous les moyens de droit prévus à l’article 679 CC, soit notamment des actions en cessation du trouble et en réparation du dom-mage. Le nouvel article 679 al. 2 CC exclut toutefois la possibilité d’intenter de telles actions en raison d’immissions négatives excessives causées par la pré-

43 ATF 5A_791/2008, consid. 3.3, publié in SJ 2010 I 61 ; ATF 129 III 161 consid. 2.6, JT 2003 I 226 ;

132 III 49 consid. 2.2, JT 2006 I 99. La portée expansive du droit public cantonal est aussi bien ré-elle en matière de plantations, cf. ECKENSTEIN, p. 116 et l’arrêt cité.

44 ATF 5A_791/2008, consid. 3.3 et les arrêts cités, not. ATF 129 III 161 consid. 2.6, JT 2003 I 226 ; 132 III 49 consid. 2.2, JT 2006 I 99. Cf. ég. ATF 5P.225/2006 ; 5A_648/2010, consid. 4 ; 5A_349/2011, consid. 4.4.2 (destiné à la publication) ; ECKENSTEIN, p. 117 s. ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 949b.

45 TA GR, 5.5.2009 = PVG 2009, p. 166 = DC 2011, p. 30 n. 79 (confirmé in ATF 1C_364/2009). Cf. ég. ECKENSTEIN, p. 118 s.

46 PIOTET, RNRF 2006, p. 17 ; PIOTET, p. 107. 47 Message, p. 5040 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 32 ad art. 684 CC ; STEINAUER, II, n. 1809a. 48 Cf. ATF 5A_464/2010, consid. 4 ; 5A_415/2008, consid. 3.1, publié in RNRF 2010, p. 156 ss, 158 s.

et commenté par SCHMID, in DC 2009, p. 158.

Page 31: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

29

sence49 d’une construction ou d’une installation voisine50 si, au moment où celle-ci a été érigée, toutes les dispositions régissant la construction ont été res-pectées51.

Le nouveau texte ne fait aucune distinction s’agissant des normes à respec-ter52. Toute action civile est donc, selon nous, exclue lorsque l’exploitation du fonds voisin est conforme aux dispositions spécifiques d’aménagement tant de droit public que de droit privé53. L’insécurité juridique créée par la jurispru-dence est ainsi levée54.

IV. Le propriétaire introuvable

La troisième nouveauté importante a trait au cas où la « personne inscrite au registre foncier en qualité de propriétaire doit agir personnellement ou, au moins, désigner un représentant, mais qu’elle ne [peut pas] être atteinte »55 : soit qu’il ne soit pas possible de formellement l’identifier56, soit que, nonobs-tant une telle identification, elle ne puisse être retrouvée57, soit encore,

49 ECKENSTEIN, p. 131, qui relève à juste titre que l’art. 679 al. 2 nCC ne s’applique qu’aux immissions

négatives provenant de la seule existence de la construction voisine et non de son utilisation. 50 Sur la notion de construction et d’installation, cf. ECKENSTEIN, p. 129 ss ; REY/STREBEL, Commentaire

bâlois, n. 37 ad art. 679 CC. 51 Cf. REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 34 ss ad art. 679 CC. L’opinion d’ECKENSTEIN (p. 126), suivie

par STEINAUER (II, n. 1917) et REY/STREBEL (n. 35 ad art. 679 CC), selon laquelle une action en pré-vention du trouble n’est pas exclue, dès lors notamment que la disposition ne vise que les construc-tions déjà érigées, apparaît contraire à la volonté du législateur. Ce dernier a en effet clairement opéré une pesée des intérêts entre la protection contre les immissions négatives et la conformité du projet aux règles de droit privé et public applicables. Partant, si l’installation est licite, elle doit pou-voir être construite. Cf. à cet égard, PIOTET, p. 108.

52 Cf. Message, p. 5039 : les termes « en particulier celles de droit public » utilisés par le Conseil fédé-ral montrent à notre sens clairement que les règles de droit civil cantonal sont aussi visées par l’art. 679 al. 2 nCC. Contra : ECKENSTEIN, pp. 127-128, qui considère que l’art. 679 al. 2 nCC ne vise que les règles de droit public. Dans le même sens apparemment : REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 39 ad art. 679 CC.

53 Cf. PIOTET, RNRF 2006, pp. 17-18 ; PIOTET, p. 108. Cf. ég. STEINAUER, II, n. 1917. 54 Dès lors, contrairement à ce que pourrait laisser croire un récent arrêt du Tribunal fédéral (ATF

5A_415/2008, consid. 3.1 i.f., publié in RNRF 2010, p. 159), le législateur n’a pas simplement repris la jurisprudence fédérale. Il en a, bien plutôt, corrigé les incohérences en traitant de manière uni-forme la protection contre les immissions négatives. Cf. ég. la critique de cet arrêt par PIOTET, in JT 2011 II 153.

55 Message, p. 5036. 56 « Par ex. parce que l’inscription au registre foncier est incomplète » (HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p.

10). Cf. ég. Message, p. 5037 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 666a CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595c.

57 « Elle a émigré et on a perdu sa trace, ou elle est décédée et ses héritiers ne se sont jamais annon-cés au registre foncier » (HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10). Cf. ég. Message, p. 5037 ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595c.

Page 32: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

30

s’agissant des personnes morales, qu’elle ne dispose plus des organes prescrits par la loi58.

De telles hypothèses sont désormais expressément visées par les nouveaux articles 666a et 666b CC59, qui donnent au juge du lieu de situation de l’immeuble60 la compétence d’ordonner directement les mesures nécessaires, notamment conservatoires61, ou de nommer un représentant du propriétaire introuvable et lui déléguer l’exécution des mesures considérées62. Selon le Message du Conseil fédéral, il peut s’agir notamment « d’introduire une pro-cédure de déclaration d’absence, de demander le consentement à la radiation d’une servitude ou encore de négocier la vente de l’immeuble et de déposer le produit réalisé sur un compte bloqué »63. Ces décisions relèvent de la juridic-tion gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire ; le juge établit les faits d’office64.

Comme le souligne le Professeur Steinauer, cette nouvelle règle est une « contribution à l’un des objectifs principaux de la révision : faire du registre foncier un système d’informations moderne et fiable »65.

Dans ce souci de clarté, le nouvel article 666a al. 4 CC précise en outre que les mesures ordonnées par le juge (y compris la nomination d’un représentant) n’interrompent pas la durée de la possession paisible et ininterrompue de trente ans permettant une prescription acquisitive extraordinaire au sens de l’article 662 CC66. Cette règle s’applique aussi aux mesures ordonnées selon l’article 666b CC67.

58 Cela concerne en particulier les entités radiées du registre du commerce. Ces dernières doivent être

réinscrites pour acquérir la personnalité juridique. Cf. Message, p. 5038 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ss ad art. 666b CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595g.

59 Ces dispositions sont le pendant de l’art. 823 CC, qui prévoit déjà la possibilité de nommer un repré-sentant (curateur) au créancier-gagiste introuvable. L’art. 823 CC a également été remanié dans le cadre de la révision pour donner au juge la possibilité d’ordonner lui-même les mesures nécessaires (cf. Message, p. 5050 ; STEINAUER, II, n. 1595a).

60 Art. 29 al. 4 CPC ; STEINAUER, II, n. 1595a. 61 Message, p. 5037 ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11 ; STEINAUER, II, n. 1595e. 62 Message, p. 5037 ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 5 ad

art. 666a CC et n. 15 ad art. 666b CC ; STEINAUER, II, n. 1595e 63 Message, p. 5037. Cf. ég. HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois,

n. 6 ss ad art. 666a CC et n. 16 ad art. 666b CC ; STEINAUER, II, n. 1595e. « S’il n’est pas expressé-ment habilité à disposer de l’immeuble, le représentant n’a que le pouvoir de prendre des mesures conservatoires, c’est-à-dire de procéder à des actes usuels d’administration » (Message, p. 5037).

64 Art. 248 let. e et 255 let. b CPC ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 666a CC et n. 5 s. ad art. 666b CC ; STEINAUER, II, n. 1595a.

65 HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11. 66 Message, p. 5038 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 10 ss ad art. 666a CC ; STEINAUER, II,

n. 1595f. 67 REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 18 ad art. 666b CC.

Page 33: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

31

Selon les articles 666a al. 3 ch. 1 et 666b nCC, un intérêt digne de protection suffit pour pouvoir requérir du juge les mesures idoines et notamment la no-mination d’un représentant du propriétaire introuvable. Disposent en tous les cas d’un tel intérêt : les titulaires de droits réels sur l’immeuble, les voisins, les acheteurs potentiels, ainsi que la collectivité publique68. La loi confère en outre expressément à l’office du registre foncier du lieu de situation de l’immeuble la qualité pour agir69.

S’il sollicite qu’un représentant soit nommé, le requérant doit indiquer les pouvoirs que le juge est invité à accorder. Ce dernier n’est toutefois pas lié par les conclusions du requérant et peut conférer d’autres pouvoirs au représen-tant en fonction du but de la représentation70. Le dépôt de la requête n’est en revanche pas conditionné par l’urgence de la situation, contrairement à ce qui prévaut à l’article 823 CC relatif au créancier-gagiste introuvable71.

Conformément à l’article 781a nCC, la nouvelle réglementation est appli-cable, par renvoi, aux servitudes personnelles (cessibles) pour le cas où l’ayant droit ne peut être retrouvé ou, s’agissant d’une personne morale, lorsque cette dernière ne dispose plus des organes prescrits72.

V. Les autres nouveautés

A. Immatriculation des droits distincts et permanents (art. 655 al. 3 nCC)

Le nouvel article 655 al. 3 CC fait passer dans la loi la réglementation qui était prévue à l’article 7 al. 2 de l’ordonnance sur le registre foncier du 22 février 191073, lequel définissait le caractère distinct et permanent d’un droit74. L’immatriculation des droits distincts et permanents est désormais réglemen-tée à l’article 22 nORF.

68 Message, p. 5037 s. ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 9 ad art. 666a CC et n. 7 s. ad art. 666b

CC ; STEINAUER, II, n. 1595d. 69 Message, p. 5038 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 9 ad art. 666a CC et n. 7 ad art. 666b CC ;

STEINAUER, II, n. 1595d. 70 Cf. Message, p. 5037 ; STEINAUER, II, n. 1595e ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 12 ad art. 666b

CC. 71 Message, p. 5037 ; STEINAUER, II, n. 1595d. 72 Message, p. 5046 ; PETITPIERRE, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 781a CC. 73 Ci-après : « aORF ». L’aORF a été entièrement refondue. La nouvelle ORF du 23 septembre 2011

(« nORF », RS 211.432.1) est entrée en vigueur le 1er janvier 2012 en même temps que la révision du CC du 11 décembre 2009.

74 SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 809a et 1329 ; STEINAUER, II, n. 1509a.

Page 34: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

32

En passant dans la loi, la rédaction de l’article 7 al. 2 aORF a été quelque peu simplifiée. Son contenu matériel a toutefois été repris sans changement75.

C’est ainsi que la nouvelle disposition prévoit qu’« une servitude sur un immeuble peut être immatriculée comme droit distinct et permanent aux con-ditions suivantes : (1) elle n’est établie ni en faveur d’un fonds dominant ni exclusivement en faveur d’une personne déterminée ; (2) elle est établie pour 30 ans au moins ou pour une durée indéterminée ».

Les servitudes concernées sont principalement celles visées par l’article 655 al. 2 ch. 2 CC, soit les servitudes personnelles improprement dites (droit de superficie (art. 675 et 779 ss CC), droit de source (art. 704 et 780 CC) et « autres servitudes » (art. 781 CC))76.

La condition posée par l’article 655 al. 3 ch. 1 nCC implique notamment que la servitude soit « cessible et transmissible, par l’effet de la loi ou d’une convention »77.

S’agissant de la durée admissible d’un droit distinct et permanent, le Code ne prévoyait que la durée maximale du droit de superficie (art. 779l CC) ; il est apparu légitime qu’il prévoie également une durée minimale applicable à tous les droits tels que définis ci-dessus78.

Il ne suffit pas que les deux conditions, désormais prévues à l’article 655 al. 3 nCC, soient remplies pour que le droit distinct et permanent considéré soit assimilé à un immeuble. Il faut encore que les formes prévues pour son immatriculation au registre foncier soient respectées79, le titulaire du droit de-vant formellement requérir cette immatriculation par écrit80.

Une fois immatriculé au registre foncier, le droit distinct et permanent sui-vra pleinement le régime applicable aux immeubles, notamment pour ce qui est de son transfert ou de la constitution de droits réels limités. A cet égard, il pourra notamment être grevé de gages ou de servitudes, voire faire l’objet

75 Cf. Message, p. 5036 ; LAIM, Commentaire bâlois, n. 15a ad art. 655 CC. 76 STEINAUER, II, n. 1510. Cf. ég. SCHMID, Commentaire bâlois, n. 6 ss ad art. 943 CC ;

SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 1327. 77 STEINAUER, II, n. 1511. Ce qui exclut les servitudes foncières et les servitudes personnelles propre-

ment dites de son champ d’application (ibid.). Cf. ég. LAIM, Commentaire bâlois, n. 13 ad art. 655 CC ; SCHMID, Commentaire bâlois, n. 15 ad art. 943 CC.

78 Cf. Message, p. 5036 ; LAIM, Commentaire bâlois, n. 16a ad art. 655 CC. « Un droit n’est donc pas "permanent" s’il n’est constitué qu’à titre précaire ou s’il est soumis à une condition résolutoire » (STEINAUER, II, n. 1512b).

79 Art. 943 al. 1 ch. 2 CC ; STEINAUER, II, n. 1513. 80 Art. 22 al. 1 nORF (correspondant à l’art. 7 al. 1 aORF) ; SCHMID, Commentaire bâlois, n. 19 ad

art. 943 CC ; STEINAUER, II, n. 1513a.

Page 35: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

33

d’un droit d’emption, de préemption ou de reméré81. Cette assimilation aura aussi pour effet que les règles prévues en matière de réalisation forcée des immeubles par l’ordonnance sur la réalisation forcée des immeubles82 s’y ap-pliqueront83.

B. Immeubles dépendants

Le nouvel article 655a al. 1 CC prévoit ce qui suit :

« Un immeuble peut être rattaché à un autre immeuble de telle manière que le propriétaire de l’immeuble principal soit également propriétaire de l’immeuble qui lui est lié. L’immeuble dépendant partage le sort de l’immeuble principal et ne peut être ni aliéné, ni mis en gage, ni grevé d’un autre droit réel séparément. »

Cette nouveauté, que le Conseil fédéral n’avait pas prévue dans son projet, a été introduite par le Conseil des Etats le 4 juin 2008, puis a été adoptée par le Conseil national le 27 avril 200984.

L’article 655a nCC est le pendant légal de l’article 32 aORF85. Le but de la disposition est de rattacher la propriété d’un immeuble accessoire à celle d’un immeuble principal duquel il dépend86. Par ce rattachement, le propriétaire de l’immeuble principal est également propriétaire de l’immeuble accessoire, ap-pelé immeuble « dépendant »87. L’hypothèse principalement visée est celle où des copropriétaires conviennent de lier durablement leurs parts à la propriété, ou à la copropriété, d’un autre immeuble (principal)88. A titre d’exemples, on peut notamment citer le rattachement de places de parc à des unités d’étages auxquelles elles sont indissolublement liées89. On peut également penser à un chemin de desserte ou encore à une surface de jeux90.

81 LAIM, Commentaire bâlois, n. 11 ad art. 655 CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 1333 ; STEINAUER, II,

n. 1515. 82 ORFI, RS 281.42. 83 STEINAUER, II, n. 1515. 84 BOCE 2008 E 407 ; BOCN 2009 N 614 ; LAIM, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 655a CC ; STEINAUER,

II, n. 1520 note 30. 85 LAIM, Commentaire bâlois, n. 2 et 3 ad art. 655a CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 725. Les im-

meubles dépendants sont désormais visés par l’art. 95 nORF : cf. STEINAUER, II, n. 1520 note 30. 86 BOCN 2009 N 614 ; LAIM, Commentaire bâlois, n. 3 ss ad art. 655a CC ; STEINAUER, II, n. 1520 s. 87 LAIM, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 655a CC ; STEINAUER, II, n. 1520. 88 Cf. ATF 130 III 13 consid. 5.2.1 ; STEINAUER, II, n. 1521 et 1521i ss ; STEINAUER, RNRF 1998,

p. 228 s. ; CONVERS, ch. 3.2.2.6. 89 ATF 130 III 306, JT 2004 I 185. Cf. ég. ATF 5A_44/2011, consid. 4.2.1 et les réf. citées ; STEINAUER,

RVJ 1991, p. 293 s. ; LAIM, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 655a CC. 90 BOCN 2009 N 614 ; ATF 130 III 13 consid. 5.2.2 ; 5A_866/2008 consid. 4.1 et l’arrêt cité (chemin

vicinal). Pour d’autres exemples, cf. PIOTET, PJA 2004, p. 1425 ; STEINAUER, II, n. 1521 et n. 1521j ; STEINAUER, RNRF 1998, p. 229.

Page 36: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

34

Une telle copropriété dépendante, à caractère réel et subjectif, découle de l’accord de tous les copropriétaires concernés91. A cet égard, l’art. 95 al. 2 nORF prévoit expressément que les copropriétaires doivent passer une convention en la forme authentique92. Moyennant l’accord de chacun d’eux, les coproprié-taires peuvent dissoudre en tout temps le lien qui existe entre l’immeuble principal et l’immeuble dépendant ; par une déclaration commune, la part de copropriété dépendante peut ainsi être aliénée ou grevée d’un droit réel93. L’accord de tous les copriétaires est également nécessaire en cas de division de l’immeuble principal dont dépend une part de copropriété, le propriétaire en cause ne pouvant unilatéralement la rattacher à un seul des immeubles issus de la division94.

Dans l’hypothèse où une seule personne est propriétaire de l’immeuble principal et de l’immeuble dépendant, une réquisition écrite suffit pour créer le lien de dépendance95. De même, le lien de dépendance s’éteindra par la seule réquisition de la personne concernée d’être inscrite nommément en qua-lité de propriétaire de l’immeuble dépendant96.

Le lien de dépendance entre l’immeuble principal et l’immeuble dépen-dant est mentionné au registre foncier sur le feuillet de l’immeuble principal, le nom du propriétaire étant remplacé par la désignation de l’immeuble principal sur le feuillet de l’immeuble dépendant97.

Le lien de dépendance ainsi créé a pour effet d’étendre à l’immeuble dé-pendant les effets des actes de disposition affectant l’immeuble principal98. En d’autres termes, l’immeuble dépendant partage et suit nécessairement le sort

91 ATF 130 III 306 consid. 3.3.3, JT 2004 I 185 ; 112 III 102 consid. 1, JT 1989 II 50 ; 100 II 310

consid. 3a, JT 1976 I 240 ; STEINAUER, II, n. 1521c ; LAIM, Commentaire bâlois, n. 5 et 7 ad art. 655a CC. Partant, elle suppose une déclaration de volonté, soit un acte juridique ; cf. WERMELINGER, n. 24 ad art. 712b CC, qui relève qu’en allemand, on parle de « Widmung ».

92 STEINAUER, II, n. 1521c. 93 ATF 130 III 13 consid. 5.2.3, JT 2003 I 652 ; ATF 130 III 306, JT 2004 I 185 ; RNRF 2001, p. 25 ;

STEINAUER, II, n. 1521n. Le Tribunal fédéral a toutefois jugé qu’une servitude foncière qui grève une part de copropriété par étages en faveur d’une autre part est susceptible d’être inscrite au registre foncier, même si la part de copropriété par étages grevée est constituée en copropriété dépendante (ATF 130 III 306, JT 2004 I 185 consid. 3.2 et 3.3, résumé et commenté par PIOTET, in PJA 2004, p. 1423 ss ; cf. ég. STEINAUER, II, n. 1521e et 1521h).

94 ATF 130 III 13, JT 2003 I 652, commenté par STEINAUER, in DC 2004, p. 84 ; STEINAUER, II, n. 1521n. 95 LAIM, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 655a CC ; STEINAUER, II, n. 1521b. 96 STEINAUER, II, n. 1521m. 97 Art. 95 al. 1 et 5 nORF ; STEINAUER, II, n. 1521f ; STEINAUER, RNRF 1998, p. 229 ; STEINAUER, RVJ

1991, p. 294. Cf. ég. PERLOTTO, ch. 2.2 ; Paul PIOTET, p. 611 ; WERMELINGER, n. 24 ad art. 712b CC. 98 STEINAUER, II, n. 1521g ss . La mention de la propriété dépendante au registre foncier n’a aucun

effet de droit matériel, ne jouit pas de la foi publique attachée au registre foncier et ne fonde pas non plus un rapport de rang envers d’autres droits réels qui seraient inscrits plus tard (ATF 130 III 306, JT 2004 I 185). Cf. ég. CONVERS, ch. 3.2.2.6 ; WERMELINGER, n. 24 ad art. 712b CC.

Page 37: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

35

de l’immeuble principal99. Son propriétaire ne peut séparément ni l’aliéner, ni le mettre en gage, ni le grever d’un autre droit réel100.

L’article 655a al. 2 nCC prévoit, quant à lui, que « le droit de préemption légal des copropriétaires et le droit d’exiger le partage ne peuvent être invo-qués lorsque la chose a été affectée à un but durable »101. Contrairement au cas visé à l’article 650 al. 1 i.f. CC102, l’affectation à un but durable visée par cette nouvelle disposition doit résulter d’un acte juridique et non d’un aménage-ment matériel. C’est la raison pour laquelle l’article 95 al. 2 nORF prévoit que la convention par laquelle les copropriétaires déclarent approuver le lien de dépendance stipule en même temps qu’ils renoncent à leur droit de préemp-tion légal ainsi qu’à leur droit au partage103.

C. Les conduites sur fonds d’autrui

L’article 676 al. 1 CC, qui vise les conduites objets d’une servitude personnelle au bénéfice de l’entreprise dont elles proviennent104, a subi quelques change-ments purement rédactionnels105. Il s’est notamment avéré nécessaire d’en supprimer le terme « accessoires », dès lors qu’il « devait recevoir un autre sens que celui des articles 644 ss CC »106.

Cela étant, l’article 676 al. 1 nCC continue de poser la présomption selon laquelle les conduites se trouvant sur le fonds d’autrui demeurent la propriété de l’entreprise107 dont elles assurent la desserte ou l’évacuation et que toutes les aliénations relatives à cette dernière comprennent également celles de ses

99 STEINAUER, I, n. 1203 et II, n. 1520 et 1521g s. Cf. ég. Paul PIOTET, p. 611 ; STEINAUER, RNRF 1998,

p. 229 ; WERMELINGER, n. 111 ad art. 712c CC. 100 Cf. LAIM, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 655a CC ; STEINAUER, II, n. 1521h. 101 Cf. STEINAUER, II, n. 1521j ss. 102 Cf. à ce sujet STEINAUER, I, n. 1183 s. ; STEINAUER, RNRF 1998, p. 229. 103 Sur cette impossibilité de faire valoir le droit de préemption légal, cf. LAIM, Commentaire bâlois, n. 6

ad art. 655a CC ; STEINAUER, I, n. 1210c et II, n. 1521j ; STEINAUER, RNRF 1998, p. 229 ; WERMELINGER, n. 26 ad art. 712b CC ; RNRF 1993, p. 350.

104 SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 902 ; STEINAUER, II, n. 1669. 105 HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 18 ad art. 676 CC ;

STEINAUER, II, n. 1660a. 106 PIOTET, RNRF 2010, p. 346. Les conduites ne sont en effet pas des choses mobilières au sens des

art. 644 al. 2 et 645 CC (cf. à cet égard REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 676 CC). En revanche, les Chambres fédérales n’ont pas voulu supprimer le rattachement de la propriété des conduites à celle de l’« entreprise » sise sur le fonds dominant, contrairement à l’avis d’une partie de la doctrine selon laquelle ce rattachement est « inutile, la propriété de la conduite d’une servi-tude rattachée à un fonds dominant étant déjà dépendante de la propriété de ce fonds » (PIOTET, RNRF 2010, loc. cit.).

107 Entreprise de production et/ou de distribution d’électricité, de gaz, d’eau, d’huiles (STEINAUER, II, n. 1668).

Page 38: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

36

conduites108. Cette présomption s’applique à toutes les installations « aptes à transporter des matières liquides (eau, lait, huile) ou gazeuses ou de l’énergie (électricité) », voire, selon la jurisprudence, « aux canaux et aux téléphériques ainsi qu’aux installations de transport, d’évacuation et de stockage, pour au-tant que la fonction de transport et d’acheminement l’emporte sur celle de stockage »109. Il faut, pour le surplus, que l’entreprise considérée soit proprié-taire desdites installations, soit par l’effet d’une servitude de conduite, soit en vertu d’une concession, soit encore directement de par la loi110.

Il va de soi que la présomption de l’article 676 al. 1 nCC n’a de sens que dans l’hypothèse où la servitude de conduite est établie au profit de l’entreprise elle-même et non d’un fonds (dominant) lui appartenant. En effet, dans un tel cas, « le sort de la servitude est nécessairement lié à celui du fonds dominant, dont elle est en quelque sorte partie intégrante »111.

L’article 676 al. 3 CC n’a, lui aussi, fait l’objet que d’une retouche formelle. La servitude de conduite apparente pourra donc toujours être constituée sans écriture au registre foncier, soit « par la seule construction de l’ouvrage appa-rent »112. Cette publicité, qualifiée par la doctrine de « naturelle », a les mêmes effets de foi publique que l’inscription au registre foncier113. Nonobstant cette publicité naturelle, la conduite apparente n’existe en tant que droit réel que si elle résulte d’un titre valable, soit en principe d’un contrat constitutif, qui, à compter de 2012, doit revêtir la forme authentique114.

La modification substantielle voulue par le Conseil fédéral de conférer la foi publique aux cadastres cantonaux des conduites115 a en revanche été refu-sée par les Chambres fédérales. On peut le regretter. Il aurait en effet été utile de pouvoir se fier à l’exactitude de ces cadastres cantonaux, notamment « quant à l’existence et à la titularité des servitudes de conduite »116. L’enregistrement de la conduite dans ces cadastres aurait en outre créé la pré-

108 STEINAUER, II, n. 1669 ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 902. En d’autres termes, « les actes de disposi-

tion relatifs à l’entreprise engloberont aussi les conduites si le contraire n’est pas prévu » (STEINAUER, II, n. 1669).

109 STEINAUER, II, n. 1661 et 1661a. Cf. ég. PIOTET, RNRF 2010, p. 346 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 13 ad art. 676 CC.

110 STEINAUER, II, n. 1670 et n. 1663 ss. 111 STEINAUER, II, n. 1668a. Cf. ég. PIOTET, RNRF 2010, p. 346 s. 112 PIOTET, RNRF 2010, p. 347. Cf. ég. STEINAUER, II, n. 1667. 113 PIOTET, RNRF 2010, p. 347 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 15 ad art. 676 CC. 114 Art. 732 nCC ; PIOTET, RNRF 2010, p. 347 s. ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 15 ad art. 676

CC. 115 Art. 676 al. 4 CC du projet. Genève : cadastre technique du sous-sol. Cf. SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP,

n. 904a. 116 PIOTET, RNRF 2010, p. 347.

Page 39: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

37

somption que sa localisation et son parcours sont exacts, protégeant ainsi le tiers de bonne foi qui s’y serait fié117.

D. Droit d’établir des conduites sur le fonds voisin (conduites nécessaires)

La dernière nouveauté apportée par la révision dans le domaine de la proprié-té foncière concerne les conduites nécessaires visées par l’article 691 CC.

Le libellé de l’alinéa 1 de cette disposition a été modernisé, sans toutefois que sa portée matérielle en soit affectée118. Il impose ainsi toujours au proprié-taire foncier de tolérer, à certaines conditions, que son immeuble soit traversé par des conduites permettant d’alimenter ou d’évacuer le fonds de son voi-sin119. En pratique, cette restriction légale à la propriété se rapporte surtout « au raccordement des canalisations aux réseaux de distribution d’eau, de gaz, des eaux claires et usées »120.

Les conditions du droit à la conduite n’ont pas été modifiées par la révi-sion. C’est ainsi que l’on doit premièrement être en présence d’une installation qui a pour fonction de transporter de l’énergie ou des matériaux. Deuxième-ment, il doit être impossible ou extrêmement coûteux d’équiper le fonds do-minant sans passer par le fonds servant. Enfin, le propriétaire du fonds servant doit être intégralement indemnisé avant l’exécution des travaux121.

Pour autant que ces conditions cumulatives soient réunies, le propriétaire désireux d’établir une conduite dispose d’une créance propter rem à l’encontre du propriétaire actuel du fonds voisin : il peut exiger de celui-ci la constitution d’une servitude de conduite122.

En cas d’accord portant à la fois sur les modalités de la servitude et sur le montant de l’indemnité, les propriétaires voisins concluront un contrat consti-tutif de la servitude en la forme écrite123. Dès lors que la loi est la cause de la

117 Message, p. 5039. 118 STEINAUER, II, n. 1848. 119 Message, p. 5040 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 691 CC ; STEINAUER, II, n. 1847.

Cf. ég. ATF 5D_10/2011, consid. 3.3.1. 120 PIOTET, RNRF 2006, p. 20 s. 121 REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 4 ss ad art. 691 CC ; STEINAUER, II, n. 1848a, n. 1849 et

n. 1851. Cf. ég. ATF 5D_10/2011, consid. 3.3.2. ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11. 122 REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 691 CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 1221 ss ;

STEINAUER, II, n. 1847 et n. 1853 s. Cf. ég. ATF 5D_10/2011, consid. 3.3.1. 123 REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 18 ad art. 691 CC ; STEINAUER, II, n. 1854. En réalité, un contrat

de servitude est inutile, puisque la loi est déjà la cause de la servitude.

Page 40: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

38

servitude, il n’est en revanche pas nécessaire que l’accord des parties revête la forme authentique au sens de l’article 732 nCC124.

Le recours au juge125 sera toutefois nécessaire si aucun accord n’est trouvé. Le jugement, formateur, remplacera alors le contrat constitutif de la servi-tude126.

La servitude de conduite nécessaire, valablement constituée selon les mo-dalités susdécrites, existe sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire au registre fon-cier127. Contrairement au régime prévu par l’article 676 CC, cela vaut égale-ment dans l’hypothèse où la conduite n’est pas apparente128.

Le nouvel article 691 al. 3 CC permet désormais non seulement à l’ayant droit129 mais aussi au propriétaire grevé de requérir, respectivement d’exiger, l’inscription de la servitude au registre foncier130. Dans tous les cas, l’inscription se fera aux frais de l’ayant droit131.

La doctrine était divisée sur la question de l’opposabilité à l’acquéreur de bonne foi d’une servitude de conduite non apparente et non inscrite au registre foncier. Selon l’opinion dominante, une telle servitude était inopposable au tiers acquéreur de bonne foi du fonds grevé en raison du principe de la foi pu-blique du registre foncier132. Cette inopposabilité obligeait donc l’ayant droit de faire valoir une nouvelle fois l’article 691 CC contre l’acquéreur et donc éventuellement payer deux fois l’indemnité133.

Pour des raisons pratiques134, le législateur a toutefois décidé de favoriser l’ayant droit au détriment de l’acquéreur de bonne foi. C’est ainsi qu’une

124 Art. 70 al. 2 nORF. 125 Le juge, qui dispose d’une certaine marge d’appréciation (art. 4 CC), « doit par conséquent procé-

der à une pesée des intérêts des parties en présence pour décider si le propriétaire doit tolérer le passage des conduites sur son fonds ou s’il paraît plus équitable d’imposer une autre solution au propriétaire qui requiert l’établissement de la conduite » (ATF 5D_10/2011, consid. 3.2.2 et l’arrêt cité).

126 REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 19 s. ad art. 691 CC ; STEINAUER, II, n. 1855. 127 Message, p. 5040 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 21 ad art. 691 CC ; STEINAUER, II, n. 1854.

Cf. ég. ATF 5D_10/2011, consid. 3.3.1. 128 STEINAUER, II, n. 1854. 129 Seule hypothèse visée par l’ancien droit : cf. not. REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 23 s. ad

art. 691 CC ; ATF 5D_10/2011, consid. 3.3.1. 130 HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11 ; Steinauer, II, n. 1854. 131 Message, p. 5040 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 23 s. ad art. 691 CC ; STEINAUER, II,

n. 1854. 132 Message, p. 5040 ; PIOTET, RNRF 2006, p. 20 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 24 ad art. 691

CC ; STEINAUER, II, n. 1854a et les auteurs cités. 133 PIOTET, RNRF 2006, p. 20. 134 Le législateur a voulu éviter à l’ayant droit le formalisme et la lourdeur d’une écriture au registre

foncier : cf. PIOTET, RNRF 2006, p. 20.

Page 41: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

39

deuxième phrase complète l’article 691 al. 3 CC en prévoyant que la « servi-tude de conduite peut également être opposée à l’acquéreur de bonne foi de l’immeuble voisin, même en l’absence d’inscription au registre foncier »135.

S’agissant enfin du coût du déplacement des conduites, celui-ci est, à compter de 2012, entièrement soumis à la règle posée par l’article 742 al. 1 CC, en raison de l’abrogation de l’article 742 al. 3 CC, qui prévoyait en cette ma-tière un renvoi à la règle spéciale de l’article 693 al. 2 et 3 CC136. Selon la nou-velle réglementation, les frais de déplacement d’une conduite incomberont dès lors toujours au propriétaire du fonds servant137.

VI. Conclusion

Ce bref survol des dispositions sur la propriété foncière touchées par la révi-sion montre que le législateur a su tenir compte de manière éclairée de la ju-risprudence du Tribunal fédéral et des avis exprimés par la doctrine.

Le pas le plus significatif dans le sens d’un système légal plus lisible et sûr a été franchi dans le domaine du droit de voisinage. Même si la formulation du nouvel article 679a CC a déjà suscité des critiques138, elle élimine enfin cer-taines incohérences créées par la jurisprudence : l’indemnisation n’est plus conditionnée par l’existence d’un dommage important et n’est plus seulement équitable. De même, l’insécurité juridique créée par un traitement jurispruden-tiel différencié de la protection contre les immissions négatives selon le droit cantonal applicable apparaît enfin levée.

La révision aura aussi permis de combler un vide juridique dont les inci-dences pouvaient s’avérer problématiques : à l’instar de ce qui existait déjà en matière de gage immobilier, il est désormais possible de prendre les mesures idoines et nécessaires en lien avec un immeuble dont le propriétaire est in-trouvable.

Pour le reste, il y a lieu de saluer la création de bases légales à des disposi-tions réglementaires connues et d’une grande importance pratique, comme celles relatives aux immeubles dépendants.

135 Message, p. 5040 ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 11 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 24a ad

art. 691 CC ; STEINAUER, II, n. 1854a 136 Cf. PETITPIERRE, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 742 CC ; STEINAUER, II, n. 2310. 137 Cf. Message, p. 5044 ; PETITPIERRE, Commentaire bâlois, n. 11 ad art. 742 CC. 138 ECKENSTEIN, p. 92 ss.

Page 42: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

40

Enfin, quand bien même le langage parfois suranné du Code restera dans l’esprit de nombreux nostalgiques, l’effort de modernisation du libellé de cer-taines dispositions favorisera certainement une juste application de celles-ci.

Bibliographie

CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant la révision du Code civil suisse (cédule hypothécaire de registre et autres modifications des droits réels), du 27 juin 2007, FF 2007 5015 ss (cité : Message, p. …)

CONVERS Claude, Registre foncier, Chapitre II : La propriété, disponible sur le site Internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/fr/themes/territoire/registre-foncier/principe-du-registre-foncier/ (cité : CONVERS, ch. …)

ECKENSTEIN Pascal, Spannungsfelder bei nachbarrechtlichen Klagen nach Art. 679 ZGB : unter besonderer Berücksichtigung von Art. 679 Abs. 2 und Art. 679a E-ZGB, thèse, Zurich, 2010 (cité : ECKENSTEIN, p. …)

FOËX Bénédict, A propos de l’action en responsabilité du propriétaire (art. 679 CC), in JT 1999 I, p. 474 ss (cité : FOËX, p. …)

HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/GEISER Thomas (éd.), Zivilgesetzbuch II, Art. 457-977 ZGB, Commentaire bâlois, 4ème éd., Bâle 2011 (cité : AUTEUR, Commentaire bâlois, n. … ad art. …)

HÜRLIMANN-KAUP Bettina/STEINAUER Paul-Henri, Les nouveaux droits réels immobiliers – un aperçu, in DC 2010, p. 10 ss (cité : HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. …)

PERLOTTO Alain, Registre foncier, Chapitre VI : Les mentions, disponible sur le site Internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/fr/themes/territoire/registre-foncier/principe-du-registre-foncier/ (cité : PERLOTTO, ch. …)

PFÄFFLI Roland/BYLAND Daniela, Zur Revision des Immobiliarsachenrechts, in RSJ 2011, p. 225 ss (cité : PFÄFFLI/BYLAND, RSJ 2011, p. …)

PFÄFFLI Roland/BYLAND Daniela, Neues Immobiliarsachenrecht vom Parla-ment beschlossen, in : Jusletter du 14 décembre 2009

PIOTET Denis, Droit des successions et droits réels (chroniques de jurispru-dence), in JT 2011 II, p. 147 ss (cité : PIOTET, JT 2011 II …)

PIOTET Denis, A qui appartiennent les conduites sur le fonds d’autrui ?, in RNRF 2010, p. 341 ss (cité : PIOTET, RNRF 2010, p. …)

PIOTET Denis, Les principales difficultés d’application de l’article 679 du Code civil, in FOËX Bénédict/HOTTELIER Michel (éd.), Servitudes, droit de voisi-

Page 43: Conference Proceedings - UNIGE

La propriété foncière

41

nage, responsabilités du propriétaire immobilier, Journée du droit de la propriété 2006, Genève/Zurich/Bâle 2007, p. 87 ss (cité : PIOTET, p. …)

PIOTET Denis, Propriété collective, servitudes, droit de voisinage et restrictions de droit public : tour d’horizon du chapelet de perles entourant la révision du droit des gages immobiliers et de la tenue du registre foncier après 2005, in RNRF 2006, p. 12 ss (cité : PIOTET, RNRF 2006, p. …)

PIOTET Denis, Part de copropriété dépendante d’un lot d’étages, admissibilité d’une servitude annihilant économiquement ce lien de dépendance, Commentaire de l’arrêt 5C.232/2003 du Tribunal fédéral, in PJA 2004, p. 1423 ss (cité : PIOTET, PJA 2004, p. …)

PIOTET Denis, Le droit au soleil doit-il obscurcir la systématique de la loi ?, in JT 2001 I, p. 552 ss

PIOTET Paul, Copropriétés et sous-communautés, in Contributions choisies : recueil offert par la Faculté de droit de l’Université de Lausanne à l’occasion de son 80ème anniversaire, Genève, 2004, p. 601 ss (cité : Paul PIOTET, p. …).

SCHMID Jörg/HÜRLIMANN-KAUP Bettina, Sachenrecht, 3ème éd., Zurich 2009 (cité : SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. …)

SCHMID-TSCHIRREN Christina, Die Botschaft zur Teilrevision des Schweizeri-schen Zivilgesetzbuches im Bereich des Immobiliarsachen- und Grund-buchrechts, in RNRF 2007, p. 389 ss

SCHMID-TSCHIRREN Christina, Überblick über den Stand der Gesetzesrevision des Immobiliarsachen- und Grundbuchrechts, in RNRF 2006, p. 1 ss

SCHMID-TSCHIRREN Christina, Die negativen Immissionen im schweizerischen Privatrecht, thèse, Berne 1997

STEINAUER, Paul-Henri, Les droits réels, Tome I, 4ème éd., Berne 2007 (cité : STEINAUER, I, n. …)

STEINAUER Paul-Henri, Les droits réels, Tome II, 4ème éd., Berne 2012 (cité : STEINAUER, II, n. …)

STEINAUER Paul-Henri, Les pluralités de copropriétés sur un même immeuble, in RNRF 1998, p. 217 ss (cité : STEINAUER, RNRF 1998, p. …)

STEINAUER Paul-Henri, Questions choisies en rapport avec la propriété par étages, in RVJ 1991, p. 285 ss (cité : STEINAUER, RVJ 1991, p. …)

WERMELINGER Amédéo, La propriété par étages, Commentaire des articles 712a à 712t du Code civil suisse, 2ème éd., Rothenburg 2008 (cité : WERMELINGER, n. … ad art. …)

Page 44: Conference Proceedings - UNIGE

GRÉGORY BOVEY

42

WERRO Franz/ZUFFEREY Jean-Baptiste, Les immissions de la construction, in Journées suisses du droit de la construction (JDC) 1997/I, p. 58 ss (cité : WERRO/ZUFFEREY, p. …)

Page 45: Conference Proceedings - UNIGE

43

Les modifications dans la propriété par étages∗

AMÉDÉO WERMELINGER

Professeur titulaire à l’Université de Fribourg

A. Introduction

Le 11 décembre 2009 le Parlement fédéral a adopté une révision partielle du Code civil (droits réels)1. La partie la plus importante de la révision est consa-crée à la cédule hypothécaire de registre. En outre, le législateur en a profité pour apporter "un coup de pinceau" à d'autres domaines de la loi. Ainsi, la propriété par étages n'a pas été épargnée par quelques modifications, à vrai dire homéopa-thiques. Néanmoins, il paraît intéressant de connaître ces modifications qui vont entrer en vigueur le 1er janvier 20122. Ci-après, il conviendra de donner un bref aperçu des dispositions légales modifiées concernant la mention de l'ordre communautaire (art. 649a al. 2 CC), la quote-part (art. 712e al. 1 CC), la dissolution de la propriété par étages (art. 712f al. 3 et 4 CC), le droit d'usage particulier (art. 712g al. 4 CC) et la mention de l'administrateur de la propriété par étages (art. 962a ch. 5 CC).

Il est en outre utile de préciser que l'art. 712c al. 3 CC a subi une modifica-tion formelle dans le cadre de l'introduction du Code de procédure civile suisse. En effet, au vu de l'art. 249 litt. d ch. 3 CPC, l'action tendant à l'annula-tion de l'opposition des copropriétaires à un acte de disposition concernant une part d'étage est explicitement soumise à la procédure sommaire. Ainsi, le libellé de l'art. 712c al. 3 CC a pu être débarrassé de toute référence à la procé-dure.

Enfin, la formulation de l'art. 712k CC est actuellement discutée. Dans le cadre de la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites, la ∗ Le présent texte est un extrait du texte suivant, publié en 2011 : Amédéo Wermelinger, Questions

actuelles sur la propriété par étages, Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuris-ti, Lugano 2011 (ISBN 978-88-8153-094-6). Nous remercions Monsieur Giorgio A. Bernasconi, Prési-dent de la Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuristi, qui a bien voulu en auto-riser la reprise, dans le présent ouvrage.

1 Voir FF 2009 7943. 2 Pour le Message du Conseil fédéral, voir FF 2007 5015. Pour les débats parlementaires, voir no-

tamment BO 2008 CE 405 ss ; BO 2009 CN 609 ss ; BO 2009 CE 932 ss.

Page 46: Conference Proceedings - UNIGE

AMÉDÉO WERMELINGER

44

procédure d'assainissement a fait l'objet d'une consultation3. Dans le Message du Conseil fédéral4, on prévoit même la suppression pure et simple de l'art. 712k CC5. L'abrogation du droit de rétention est, selon le Conseil fédéral, justifiée par le fait que ce droit de gage rend plus difficile l'assainissement, en privilégiant certains créanciers (bailleur, communauté des propriétaires d'étages etc.). Cette suppression de droits de rétention a été très controversée dans la procédure de consultation, raison pour laquelle elle ne doit pas encore être tenue pour acquise6.

B. La mention de l'ordre communautaire (art. 649a al. 2 CC)

1. La nouveauté

Selon l'art. 649a CC actuel, "Le règlement d’utilisation et d’administration con-venu par les copropriétaires, les mesures administratives prises par eux, de même que les décisions et ordonnances judiciaires, sont aussi opposables à l’ayant cause d’un copropriétaire et à l’acquéreur d’un droit réel sur une part de copropriété". Cette opposabilité vaut aussi pour la propriété par étages et existe de plein droit, sans que la communauté ne soit obligée d'entreprendre quelque acte juridique à ce propos7. L'art. 712g al. 3 CC permet, déjà à ce jour, la mention du règlement au Registre foncier. Le nouvel art. 649a al. 2 CC est libellé comme suit: "Ils peuvent être mentionnés au registre foncier en cas de copropriété d’un immeuble". Ainsi, le législateur élargit la possibilité de men-tionner des éléments de l'ordre communautaire au Registre foncier8.

2. Portée de la novelle

La mention ne produit aucun effet juridique. Elle n'a pour but que d'informer le public, notamment l'acquéreur potentiel. On parle d'effet déclaratif de la mention9. L'objectif du législateur réside dans l'amélioration de la transparence. Selon le Conseil fédéral, il existe un besoin, dans la pratique, de mentionner les

3 Voir FF 2009 523. 4 Publié pour l'instant sous forme de projet sur le site de l'office fédéral de la justice

(www.bj.admin.ch ; consulté le 16 novembre 2010). 5 Voir chiffre 2.1.3 du Message (note 2). 6 Pour plus de détails, voir chiffre 2.1.4 du Message (note 2). 7 Pour plus de détails, voir Amédéo WERMELINGER, La propriété par étages, 2e éd., Rothenburg 2008,

nos 197 ss ad art. 712g. 8 Seront concernées par une possible mention: les mesures administratives de la communauté des

propriétaires d'étages ainsi que les décisions et ordonnances judiciaires. 9 FF 2007 5035.

Page 47: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications dans la propriété par étages

45

décisions de la communauté des propriétaires d'étages ou les jugements ou ordonnances de l'autorité10.

3. Appréciation critique

A première vue, le législateur essaie d'améliorer la situation des propriétaires d'étages, notamment des acquéreurs potentiels d'une part d'étage. Mais, à y regarder de plus près, la modification prévue par le législateur nous paraît inutile et dangereuse11. Ne produisant aucun effet juridique, la mention n'em-porte pas de sécurité supplémentaire pour le public. D'une part, il est possible que des décisions prises ne soient pas mentionnées. Or, cela ne restreint pas leur validité juridique. D'autre part, il est possible que des décisions mention-nées aient été modifiées ultérieurement, sans que la mention n'ait été actuali-sée. Or, dans ce cas, c'est la dernière décision valablement prise qui fait foi et non pas la décision mentionnée au Registre foncier. En outre, le fait de vouloir mentionner toute décision porterait atteinte à la lisibilité du Registre foncier12. Le fait de sélectionner les décisions à mentionner rendrait, au contraire, l'information incomplète et aléatoire. De ce fait, il convient d'encourager les administrateurs à ne faire qu'un usage très parcimonieux de cette nouvelle possi-bilité offerte par la loi, étant entendu que l'effet de la mention est, pour le moins, discutable. En revanche, il est important de sensibiliser les propriétaires d'étages à leur obligation d'informer en cas de vente d'une part d'étage. En effet, pour les deux parties à un transfert immobilier ainsi que pour le notaire qui instrumente l'acte notarié, il est important de disposer de toutes les informa-tions qui peuvent influer sur la qualité de l'objet de la vente13.

C. La quote-part (art. 712e al. 1 CC)

1. La nouveauté

Actuellement, la quote-part d'une part d'étage doit être exprimée en pour-mille ou en pour-cent. Or, là aussi le Conseil fédéral avance des besoins de la pratique pour assouplir le système actuellement en vigueur14. Voici la nouvelle teneur de l'art. 712e al. 1 CC: "L’acte constitutif doit indiquer la délimitation des étages ou parties d’étage et, en quote-part ayant un dénominateur commun, la part de

10 FF 2007 5035 sv. 11 Voir déjà à ce propos WERMELINGER (note 7), nos 7 ss ad annexe I. 12 Après des décennies d'existences, on doit craindre des centaines de mentions. 13 Voir à ce propos Amédéo WERMELINGER, La vente d'une part-terrain – état des lieux, in Not@lex

2010, p. 39 ss, nos 29 ss, en particulier no 34. 14 FF 2007 5041.

Page 48: Conference Proceedings - UNIGE

AMÉDÉO WERMELINGER

46

la valeur du bien-fonds ou du droit de superficie que représente chaque étage ou partie d’étage".

2. Portée de la novelle

Pour apprécier la portée de la modification adoptée, il suffit de lire le Message du Conseil fédéral15: "Une subdivision en particulier en 1/3 correspond éga-lement à un besoin de la pratique. C’est pourquoi une subdivision en une frac-tion de tout type doit être possible, par exemple en 1/3, 1/5, 1/13, 1/10 000, 1/250 000, ou 1/1 000 000. Les numérateurs comme les dénominateurs doivent être indiqués en chiffres entiers. Des fractions décimales comme 0,125, 0,25 ou 0,4 ne sont plus admissibles. En outre, pour des raisons de lisibilité, toutes les unités d’étages d’une communauté de copropriétaires d’étages doivent être indiquées avec le même dénominateur (p. ex. 1/8, 1/8, 2/8, et 4/8, et non 1/8, 1/8, 1/4 et 1/2)".

3. Appréciation critique

La pratique semble donc l'instigatrice de cette modification de la loi. Or, force est de constater que, parfois, elle ne maîtrise déjà pas la complexité qui est ac-tuellement liée à la prise de décisions, avec des quotes-parts exprimées en pour-mille ou en pour-cent16. De ce point de vue, la novelle peut donner lieu à des situations encore plus problématiques, raison pour laquelle elle n'a pas été accueillie avec un grand enthousiasme par la doctrine17. Deux remarques peu-vent être apportées à l'encontre de cette flexibilisation: D'une part, un lot doit être doté d'une certaine indépendance économique18. Néanmoins, les investis-seurs essaient de plus en plus de constituer des parts d'étages de tout local possible et imaginable19. Là aussi, la flexibilisation est avancée comme motif principal pour cette évolution. Cela n'est pas seulement contraire aux exi-gences légales, mais emporte une "atomisation" extrême des parts d'étages. Une telle augmentation de lots produit souvent des effets pervers et non souhaités sur les prises de décision. L'augmentation de nombre de parts, grâce à la flexi-bilisation des quotes-parts, conduit à une augmentation de l'exigence de quorum (art. 712p CC) et à une situation où l'obtention d'une décision unanime devient quasiment mission impossible. D'autre part, le fait de pouvoir librement choi-

15 FF 2007 5041. 16 Une partie importante des avis de droit requis dans le domaine de la propriété par étages concerne

des questions de prises de décisions et de calcul des majorités. 17 Denis PIOTET, Propriété collective, servitudes, droit de voisinage et restrictions de droit public: tour

d'horizon du chapelet de perles entourant la révision du droit des gages immobiliers et de la tenue du registre foncier après 2005, in RNRF 2006 p. 12 ss, p. 15 ; WERMELINGER (note 7), nos 11 ss ad annexe I.

18 Voir à ce propos, WERMELINGER (note 7), nos 39 ss ad art. 712b. 19 Par exemple des simples garages individuels, des caves, des galetas, des locaux techniques etc.

Page 49: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications dans la propriété par étages

47

sir les dénominateurs pour les quotes-parts peut conduire à des résultats comme des 387èmes ou des 12'769èmes. Cela confère à l'acquéreur une illusion de précision totalement infondée. Car la détermination d'une quote-part comporte toujours une partie d'appréciation personnelle ou d'arbitraire, qu'il n'est pas possible d'expliquer exclusivement de façon mathématique. Ainsi, le législa-teur prête inutilement son concours à des jeux "pseudo-scientifiques".

D. La dissolution de la propriété par étages (art. 712f al. 3 et 4 CC)

1. La nouveauté

La PPE est une institution durable, raison pour laquelle le législateur a res-treint la possibilité d'y mettre fin20. Le nouvel art. 712f al. 3 ch. 2 CC introduit un nouveau cas d'action en dissolution. Chaque propriétaire d'étages peut exi-ger la dissolution de la propriété par étages si "le bâtiment est une propriété par étages depuis plus de 50 ans et ne peut plus être utilisé selon sa destination en raison de sa dégradation".

2. Portée de la novelle

Le nouveau cas de dissolution suppose que la propriété par étages soit consti-tuée depuis 50 ans, que le bâtiment ne puisse plus être utilisé selon sa destina-tion pour des raisons liées à son état. Ces conditions d'application de la nou-velle disposition appellent plusieurs réflexions. Premièrement, les conditions de l'art. 712f al. 3 ch. 2 CC doivent être remplies de manière cumulative. Ensuite, seul un mauvais état sur le plan de la construction justifie l'action en dissolu-tion. L'amélioration de cet état de construction doit être onéreuse et difficile à réaliser21, sans quoi la dissolution forcée ne se justifie pas. Dans le cas où la remise en état du bâtiment est possible sans trop de frais, il faudra adopter les travaux de construction nécessaires (art. 647c CC) et, en cas de refus de l'assemblée des propriétaires d'étages, s'adresser au juge, afin qu'il ordonne les mesures nécessaires (art. 647 al. 2 ch. 1 CC). En quelque sorte, seul un état de délabrement général justifie la dissolution de la propriété par étages. Le mauvais état doit produire un effet sur l'utilisation du bâtiment. Celle-ci ne doit plus cor-respondre à la destination de la propriété par étages. Donc, l'application de la norme suppose qu'il y ait une destination connue de la propriété par étages. C'est au demandeur de prouver cette destination. Pour que la condition légale soit réa-lisée, l'utilisation conforme à la destination doit être devenue impossible22. En- 20 Voir WERMELINGER (note 7), nos 1 ss ad art. 712f. 21 Dans ce sens PIOTET (note 17), p. 16. 22 PIOTET (note 17), p. 16 ; voir aussi Bernhard TRAUFFER, Aufhebung des Stockwerkeigentums, in Fest-

schrift 100 Jahre Verband bernischer Notare, Langenthal 2003, p. 461 ss, p. 486.

Page 50: Conference Proceedings - UNIGE

AMÉDÉO WERMELINGER

48

fin, depuis le moment de la constitution de la propriété par étages23, 50 ans doivent s'être écoulés. L'inscription de la propriété par étages au Registre foncier fixe le moment déterminant pour le calcul de cette durée. Bien entendu, conformé-ment à l'art. 712f al. 4 CC, les propriétaires d'étages voulant maintenir la com-munauté peuvent le faire en indemnisant ceux qui veulent y mettre fin24.

3. Appréciation critique

A vrai dire, on peine à comprendre en quoi l'art. 712f al. 3 ch. 2 CC peut repré-senter une solution pour les membres de la communauté des propriétaires d'étages. L'art. 647 al. 2 ch. 1 permettant à chaque propriétaire d'étages d'exiger du juge qu'il ordonne les mesures nécessaires au maintien de la valeur du bâ-timent nous paraît, dans ce contexte, une solution bien plus opportune qu'une dissolution de la propriété par étages qui n'apporte, a priori, rien à personne.

E. Le droit d'usage particulier (art. 712g al. 4 CC)

1. La nouveauté

Le droit d'usage particulier est une création de la pratique. Il a pour objectif de permettre à un propriétaire d'étages d'utiliser exclusivement une partie com-mune qui serait normalement soumise à l'usage commun. Ainsi, on rend moins rigide les catégories impératives prévue par l'art. 712b CC dans la dis-tinction des parties exclusives et communes de la propriété par étages25. Les cas les plus fréquents sont les droits d'usage particulier portant sur une surface de jardin, une place de parc ou sur une terrasse située sur le toit du bâtiment. Le droit d'usage particulier est accordé par le biais d'une servitude, d'une dis-position réglementaire ou par un contrat de bail26. Le Tribunal fédéral a admis la constitution d'un tel droit sur une partie commune27. Or, lorsque le droit d'usage particulier est accordé par le règlement, une modification réglemen-taire peut aujourd'hui, sauf disposition contraire, être imposée au bénéficiaire du droit d'usage particulier, même contre son gré28. Actuellement, le droit d'usage particulier réglementaire ne constitue donc très souvent pas un droit

23 Non pas depuis la construction du bâtiment. 24 Ce principe existe déjà actuellement, mais il est intégré dans l'art. 712f al. 3 CC ; voir WERMELINGER

(note 7), nos 90 ss ad art. 712f. 25 Pour plus de détails sur cette distinction, voir WERMELINGER (note 7), nos 31 ss ad art. 712b. 26 Voir WERMELINGER (note 7), nos 151 ss ad art. 712a. 27 Voir notamment arrêt du Tribunal fédéral 5C.264/2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.39/2006 ;

arrêt du Tribunal fédéral 5C.110/2001. 28 Arthur MEIER-HAYOZ / Heinz REY, Das Stockwerkeigentum, Berner Kommentar, Berne 1988, no 48 ad

art. 712g ; Rolf H. WEBER, Die Stockwerkeigentümergemeinschaft, thèse Zurich 1979, p. 170 ; WERMELINGER (note 7), no 177 ad art. 712a.

Page 51: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications dans la propriété par étages

49

acquis. Le législateur a voulu changer cette situation, en prévoyant que: "Toute modification de l’attribution réglementaire des droits d’usage particulier doit en outre être approuvée par les propriétaires d’étages directement concernés" (art. 712g al. 4 CC).

2. Portée de la novelle

Avec cette nouvelle disposition, le législateur érige le droit d'usage particulier réglementaire en véritable droit acquis. Toute modification et donc a fortiori aus-si la suppression du droit d'usage particulier supposent l'approbation du béné-ficiaire. Par modification, il faut aussi entendre une nouvelle répartition dans les frais à supporter, une modification de la durée ou de l'assiette du droit etc. L'approbation du propriétaire d'étages concerné doit figurer au procès-verbal de l'assemblée qui adopte la modification du droit. Sur le plan du droit transi-toire, il convient d'appliquer l'art. 3 Tit. fin. CC en relation avec l'art. 17 al. 2 Tit. fin. CC. Cela signifie que, dès le 1er janvier 2012, l'art. 712g al. 4 CC s'ap-plique à tout droit d'usage particulier déjà existant ou créé ultérieurement29, indépendamment de l'existence ou non de ce "droit de veto" dans le règlement.

3. Appréciation critique

Cette nouveauté du législateur paraît utile, car le fait de disposer d'un droit d'usage particulier réglementaire peut influer sur la décision d'acheter une part d'étage. La précarité d'un tel droit convient mal à cette situation. En outre, dans le calcul des quotes-parts, le caractère de droit acquis du droit d'usage particulier pourrait, à l'avenir, avoir une certaine importance30.

F. La mention de l'administrateur (art. 962a ch. 5 CC)

1. La nouveauté

L'administrateur est le personnage central de la gestion d'une propriété par étages. Sauf dispositions contractuelles ou réglementaires contraires, il est l'or-gane exécutif (art. 712s CC), il convoque et dirige l'assemblée des propriétaires d'étages (art. 712n al. 1 CC), il veille à la rédaction et à la conservation du pro-cès-verbal de l'assemblée (art. 712n al. 2 CC), il représente la communauté vis-à-vis des tiers (art. 712t al. 1 et 2 CC) et son domicile peut être déterminant pour les envois adressés à la communauté (art. 712t al. 3 CC). Donc, en dehors des contacts internes que peut avoir l'administrateur, c'est lui qui apparaît

29 Denis PIOTET, Le droit transitoire de la révision du Code civil du 11 décembre 2009 et la pratique

notariale, in Le notaire Bernois 2010, p. 225 sv. ; WERMELINGER (note 7), no 29 ad Annexe I. 30 Voir à ce propos WERMELINGER (note 7), no 49 sv. ad art. 712e.

Page 52: Conference Proceedings - UNIGE

AMÉDÉO WERMELINGER

50

dans les relations avec les tiers et les autorités. Si aucun administrateur n'a été nommé par la communauté, les tiers qui disposent d'un intérêt légitime peu-vent demander au juge d'en nommer un (art. 712q al. 2 CC). Pour les tiers, il est donc important de connaître les coordonnées de l'administrateur. Afin de faci-liter les liens avec ces tiers, le législateur permet de mentionner l'identité: "de l’administrateur de la communauté des propriétaires d’étages, à sa requête, à celle de l’assemblée des propriétaires d’étages ou à celle du juge".

2. Portée de la novelle

L'art. 962a ch. 5 CC donne une possibilité et n'impose pas une obligation à la communauté. La mention de l'administrateur n'est donc pas obligatoire. Si une telle mention est introduite au Registre foncier, elle n'a pas de portée juridique propre. En principe, elle ne fait qu'informer le public. Si la communauté oublie de faire radier la mention après la fin des relations contractuelles avec l'admi-nistrateur, celui-ci ne peut plus valablement représenter la communauté. Tou-tefois, le fait de ne pas actualiser la mention pourrait néanmoins produire un effet négatif pour la communauté. En effet, par la mention, elle laisse subsister l'information faite au public et elle peut être liée par un acte de représentation de l'administrateur en vertu de l'art. 34 al. 3 CO. Il est donc très important d'ac-tualiser cette mention en cas de modification dans les rapports contractuels.

3. Appréciation critique

L'art. 962a ch. 5 CC apporte une nouveauté utile pour le public. Pour la com-munauté, il convient toutefois de gérer la question avec une grande attention, faute de quoi les conséquences peuvent être inattendues et désagréables. Il convient encore de préciser que dans certains cantons, notamment le canton de Vaud, la mention de l'administrateur est déjà pratiquée. Se fondant sur l'ab-sence de numerus clausus des mentions, les Vaudois n'ont pas attendu le légi-slateur fédéral pour informer le public.

G. Appréciation globale

En 2007 déjà, le soussigné a publié une contribution critique, sur le projet de révision partielle du Code civil, pour ce qui est des modifications relatives à la copropriété et à la propriété par étages31. Il n'a pas été seul à trouver certaines propositions peu abouties32. Force est de constater que les voix doctrinales n'ont pas été entendues dans la procédure de révision. Globalement, on peut avoir

31 Amédéo WERMELINGER, Vorgeschlagene Änderungen des Mit- und Stockwerkeigentums, in RNRF

2007, p. 321 ss. 32 Voir notamment PIOTET (note 17), p. 12 ss.

Page 53: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications dans la propriété par étages

51

l'impression que le législateur s'est occupé de certains sujets qui ne posaient pas de véritables problèmes, qu'il a trouvé certaines solutions dont on ne voit pas vraiment l'utilité, mais qu'il a négligé de se préoccuper d'autres thèmes qui, dans la pratique, posent des questions très difficiles à résoudre. Ainsi, toute la question de la constitution d'une propriété par étages avant la cons-truction du bâtiment n'est régie que par l'Ordonnance sur le registre foncier (art. 33c ORF). Or, la réglementation légale en la matière est aussi succincte qu'insatisfaisante33.

33 Voir WERMELINGER (note 13), nos 5 ss.

Page 54: Conference Proceedings - UNIGE
Page 55: Conference Proceedings - UNIGE

53

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

ETIENNE JEANDIN

Notaire à Genève

I. Introduction

La révision des dispositions sur les servitudes s’inscrit dans le contexte général de la révision des règles du Code civil sur les droits réels immobiliers.

L’ensemble des modifications du Code civil est le fruit de cinq interven-tions parlementaires. En tant qu’elle concerne les servitudes, la modification a été initiée par le conseiller aux Etats Hans Lauri aux termes d’une motion solli-citant le Conseil fédéral de soumettre au Parlement un projet de révision du Code civil portant sur la constitution, le contenu et l’extinction des servitudes, et en demandant que les cantons disposent désormais d’instruments juri-diques leur permettant d’épurer les servitudes1.

Les principaux objectifs évoqués lors des travaux préparatoires sont les suivants :

1) améliorer les conditions-cadre juridiques et économiques dans le do-maine des droits réels immobiliers,

2) faire du registre foncier un instrument d’informations relatives au sol plus moderne en insistant particulièrement sur la fiabilité et la mise à jour des données sur les immeubles.

Ces modifications font également écho aux préoccupations exprimées par les professionnels du registre foncier2.

1 Message du Conseil fédéral du 27 juin 2007, FF 2007, p. 5021. 2 Communiqué de presse du Parlement du 14 mai 2008.

Page 56: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

54

Mis à part le choix de la forme authentique pour la constitution des servi-tudes et un projet de cadastre des canalisations finalement abandonné, les dis-positions qui nous intéressent n’ont pas fait l’objet de débats particuliers au Parlement.

La nouvelle ordonnance sur le registre foncier citée dans cet exposé est celle du 23 septembre 2011, adoptée notamment pour la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions.

II. Constitution des servitudes

A. Contrat constitutif

1. Droit actuel

L’article 732 prescrit la forme écrite. Néanmoins les servitudes qui dérogent aux restrictions légales de la propriété doivent être établies en la forme authen-tique, à teneur de l’article 680 al. 2 CC.

Mentionnons également dans ce contexte l’article 243 al. 2 CO aux termes duquel :

« La promesse de donner un immeuble ou un droit réel immobilier n’est valable que si elle est faite par acte authentique.»

Cette disposition semble prescrire donc la forme authentique pour toute constitution de servitude faite à titre gratuit. L’analyse du critère de gratuité étant bien délicate, la portée de cette disposition est restée incertaine3.

Dans un arrêt récent4 le Tribunal fédéral a rappelé l’exigence de forme par-ticulière issue de la gratuité d’une servitude mais en se dispensant néanmoins de trancher selon ce critère : en effet la servitude contestée souffrait d’un autre défaut, à savoir que son assiette n’était pas déterminable.

Il n’en demeure pas moins qu’une servitude accordée (manifestement) à titre gratuit requiert actuellement la forme authentique5.

S’agissant des modalités de la forme écrite, un arrêt du Tribunal adminis-tratif bernois a jugé que le conservateur du Registre foncier est autorisé à exi-

3 STEINAUER, Développements récents, p. 3. 4 Arrêt du Tribunal fédéral du 8 janvier 2009 (5A _641/2008). 5 ATF 117 II p. 26 / JdT 1992 I p. 351, et ATF 5A_171/2008 du 13 mai 2008, cité dans la RNRF 2009

p.16.

Page 57: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

55

ger une légalisation des signatures, même en présence d’une clause contrac-tuelle le déliant de toute responsabilité à ce sujet6.

2. Nouveau droit

L’un des objectifs de la nouvelle loi est de permettre au Registre foncier de disposer d’informations claires et fiables. Le choix de la forme authentique a été adopté dans cette optique.

L’article 732 al. 1er nv CC stipule désormais que « l’acte constitutif de servi-tude n’est valable que s’il a été passé en la forme authentique ». L’acte authen-tique est imposé quel que soit le contenu de la servitude. Le Parlement n’a donc pas repris l’idée de l’avant-projet de mars 2004 visant à se contenter de la forme écrite pour les servitudes de canalisation.

La désignation marginale « 2. Acte constitutif » implique que la constitu-tion par l’acte unilatéral d’un propriétaire est également soumise à la forme authentique, et non pas seulement les contrats à proprement parler7.

La constitution d’une servitude par testament olographe demeure pos-sible8.

Le projet de loi annexé au message du Conseil fédéral ne prévoyait pas l’exigence de forme authentique, hormis le cas particulier des servitudes déro-geant aux dispositions légales de droit public (art. 680 CC)9, alors que l’avant-projet l’imposait en faisant référence au nombre croissant de conflits liés à l’interprétation des contrats de servitude, applicables dans la durée10. La dis-tinction faite en droit actuel selon qu’il s’agit ou non de déroger aux disposi-tions de droit public a été contestée lors des débats11. Les servitudes foncières peuvent en effet parfois être bien plus dommageables qu’il n’y paraît au pre-mier abord12.

C’est la commission des affaires juridiques du Conseil national qui a pro-posé à nouveau de rendre la forme authentique obligatoire pour la constitu-

6 Arrêt du Tribunal administratif bernois du 6 novembre 2006, cité dans la RNRF 2008 p. 269. 7 STEINAUER, Développements récents, p. 4. 8 PIOTET, Propriété collective, RNRF 2006, p. 23. 9 FF 2007 – 5082. 10 Rapport explicatif à l’avant-projet de mars 2004, p. 26. 11 Relevons les arguments pertinents exposés par Monsieur Bruno FRICK, Conseiller aux Etats sur la

distinction artificielle qui existe actuellement entre la forme écrite pour la constitution de servitude et la forme authentique exigée pour les modifications de restriction de droit public (art. 680 CC), Session d’été du Conseil des Etats, 4 juin 2008, Bulletin officiel 2008, p. 411.

12 STEINAUER, Les droits réels, tome II, p. 367 no 2229.

Page 58: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

56

tion des servitudes13. S’en sont suivis de longs débats au Conseil des Etats sur la nécessité de la forme authentique avant de se rallier à la détermination du Conseil national.

Les opposants ont notamment mis en avant l’idée que la production d’un plan permettrait à elle seule d’apporter toutes les précisions voulues. C’est probablement vrai pour l’aspect matériel de la servitude. En revanche les ques-tions liées à la sécurité du droit et à l’information donnée aux parties quant aux effets juridiques du contrat resteraient sans réponse (pensons notamment au problème du rang de la servitude par rapport aux autres inscriptions figu-rant au registre foncier). D’autres arguments ont été évoqués, ayant trait à l’opportunité et au coût de l’intervention du notaire14. Dans tous les cas nous verrons dans la suite de cet exposé que certaines questions méritent un exa-men attentif lors de l’inscription d’une servitude, s’agissant des prestations accessoires et de la pluralité d’ayants droit.

Il faut relever ici qu’à Genève un émolument fixe et modéré est prévu pour la constitution des servitudes : Fr. 500.-- pour un acte de servitude, majoré de Fr. 100.-- pour chaque servitude supplémentaire15. Rappelons ici que l’émolument porte sur

« l’étude, la préparation, l’instrumentation de l’acte »16.

3. Champ d’application de la forme authentique

a) Selon la classification des servitudes

L’article 732 nv CC se trouve au début du chapitre consacré aux servitudes foncières ; néanmoins c’est désormais à toutes les catégories de servitude (y compris les servitudes personnelles) que se rapporte l’exigence de la forme authentique.

Ainsi :

- s’agissant de l’usufruit, l’article 746 al 2 CC requiert pour le contrat constitutif la forme authentique (par un renvoi à l’article 657 CC),

- le droit d’habitation suit les règles applicables aux usufruits (art. 776 al. 3 CC),

13 Communiqué de presse du Parlement du 12 septembre 2008. 14 Session d’automne du Conseil des Etats, 22 septembre 2009, Bulletin officiel, p. 935 et suivantes. 15 Article 17 du règlement sur les émoluments des notaires. 16 Article 2 alinéa 1er du règlement sur les émoluments des notaires.

Page 59: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

57

- la nouvelle loi a expressément préconisé la forme authentique pour toute constitution de droit de superficie (art. 779a al. 1er nv CC),

- la doctrine applique au droit de source les règles applicables aux servi-tudes foncières,17

- les servitudes personnelles irrégulières sont soumises aux mêmes exi-gences de forme que les servitudes foncières, ainsi que le prévoit déjà l’art. 781 al. 3 CC.

b) Selon le titre d’acquisition

La nouvelle ordonnance sur le registre foncier apporte une restriction inatten-due quant à l’exigence de la forme authentique (art. 70 al. 2) : dans la mesure où le titre d’acquisition est la loi (servitude légale) la forme écrite est suffisante. Cette référence au caractère légal doit ressortir de la pièce justificative (juge-ment ou contrat conclu en application de la loi, par exemple dans le cadre d’un accord transactionnel). Ainsi le contrat constitutif d’une servitude de passage nécessaire de l’article 694 al 1er CC pourrait être établi en la forme écrite.

Cette disposition de l’ordonnance apportera sans doute une certaine con-fusion, notamment pour l’office du registre foncier qui devra être en mesure de vérifier dans les faits si le caractère légal de la servitude invoqué dans le contrat constitutif est bien-fondé ou non (dans le cadre de l’examen de la forme du contrat, cf. art. 83 al. 2 lettre g ORF).

B. Plan

1. Droit actuel

Rien n’est indiqué dans le Code civil. Il est admis en doctrine qu’en l’état du droit on ne peut imposer la production d’un plan18.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 8 janvier 2009 (5A_641/2008) évoqué en lien avec l’application de l’article 243 al. 2 CO (cf. note no 4) a rappelé que dans tous les cas (forme écrite ou forme authentique) l’assiette de la servitude doit être déterminable pour les tiers et figure parmi les éléments essentiels du con-trat de servitude. En l’occurrence l’assiette n’étant pas déterminable, l’un des éléments essentiels du contrat fait défaut, et par conséquent le contrat est nul.

En revanche le règlement genevois sur le registre foncier prescrit à son ar-ticle 15 la production d’un « plan à l’échelle cadastrale indiquant l’assiette du 17 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 115 no 2570. 18 MOOSER, La description de l’assiette d’une servitude, p. 259.

Page 60: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

58

droit », et ce dans l’hypothèse où la servitude ne s’exerce que sur une partie du fonds grevé19.

Une jurisprudence du Tribunal cantonal vaudois a rappelé que le droit fé-déral était seul compétent en cette matière ; ainsi la loi vaudoise sur le registre foncier, posant des exigences identiques à celles du règlement genevois, a été jugée contraire au droit fédéral20.

Concrètement la référence à un plan de servitude présente de nombreux avantages, s’agissant de la précision des droits et obligations des parties au contrat et du traitement de la servitude en cas de division parcellaire. Elle permet également au fonds grevé de faire valoir un déplacement de l’assiette (art. 742 CC)21.

En réalité, l’exigence d’un plan s’est déjà imposée dans la pratique, et avec l’appui de la doctrine22.

2. Nouveau droit

L’article 732 al. 2 nv CC prévoit la production d’un plan à deux conditions :

- l'exercice de la servitude est limité à une partie de l’immeuble,

- le lieu où elle s’exerce n’est pas décrit avec suffisamment de précision dans le contrat.

L’exigence du plan est en harmonie avec les objectifs de la révision en tant qu’ils servent à améliorer la précision des informations du Registre foncier ; en particulier ils facilitent les procédures d’épuration des inscriptions (chapitre VI ci-après).

Un plan de géomètre n’est pas exigé ; un plan élaboré par les parties avec suffisamment de clarté est suffisant23. La nouvelle ordonnance sur le Registre foncier contient néanmoins une exigence de précision, à son article 70 al 3 ré-digé ainsi : « la localisation de la servitude ou de la charge foncière doit être effectuée par les parties sur cet extrait de telle manière qu’elle ne donne lieu à aucune ambigüité du point de vue géométrique ».

19 Règlement sur le registre foncier (RRF) . 20 Tribunal cantonal vaudois, arrêt du 30 novembre 2005, cité dans la RNRF 2009, p. 19 (22). 21 MOOSER, La description de l’assiette d’une servitude, p. 258. 22 PFÄFFLI, Dienstbarkeiten, Neuerungen, RNRF 2010, p. 357. 23 Message du Conseil fédéral, FF 2007 - 5042 .

Page 61: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

59

Il faut relever que les plans des géomètres constituent la base de l’immatriculation des immeubles (art. 950 CC). A ce titre l’ingénieur-géomètre paraît tout désigné pour collaborer avec le notaire et ses clients24.

Le plan est intégré à l’acte notarié25 ; il fait donc partie des documents adoptés et signés lors de l’instrumentation de l’acte26. Récemment le Tribunal fédéral s’est prononcé sur le cas d’un plan de servitude non signé par les par-ties et ne reflétant pas leur volonté (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_846/2009 du 12 mars 2010, cité dans la RNRF 2011, p. 112ss). En pareil cas la servitude n’est pas valablement inscrite et la partie lésée doit agir en rectification du registre foncier (art. 975 CC), mais sous réserve d’acquisition par un tiers de bonne foi ; le cas échéant le tribunal homologue comme pièce justificative le plan considé-ré comme voulu par les parties.

Les cantons demeurent libres de compléter et préciser ces exigences s’ils le souhaitent.

Précisons pour conclure sur ce point que l'inscription au Registre foncier reste l’élément constitutif de la servitude (art. 971 et 738 CC) ; un défaut de plan ne met pas en cause la validité de son inscription.

C. Droit transitoire

Les contrats de servitude conclus avant l’entrée en vigueur de la loi et inscrits au Registre Foncier après cette même date sont soumis aux règles de forme actuelles.

C’est le principe général de l’article 1er alinéa 1er du Titre final. Mention-nons aussi l’article 18 alinéa 1er du Titre final :

« Lorsqu’une obligation tendant à la constitution d’un droit réel est née avant l’entrée en vigueur du code civil, elle est valable si elle répond aux formes de la loi ancienne ou de la loi nouvelle. »

24 MISEREZ, Les servitudes foncières, p. 5 . 25 Message du Conseil fédéral, FF 2002 – 5042 et art. 70 al 3 projet d’ordonnance sur le Registre fon-

cier. 26 MOOSER, La description de l’assiette d’une servitude, p. 259 et MARCHAND, La procédure

d’instrumentation, p. 157.

Page 62: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

60

III. Pluralité d’ayants droit

A. Droit actuel

L’article 741 al. 1er CC prescrit que le bénéficiaire d’une servitude est respon-sable de l’entretien nécessaire à son exercice. Il ne donne aucune indication pour les cas où plusieurs personnes bénéficient de la même servitude : com-ment répartir entre-elles les droits et devoirs y relatifs, et en particulier les charges d’entretien?

Et pourtant il arrive fréquemment qu’un même terrain ou qu’une même installation soit l’objet d’une servitude inscrite au profit de plusieurs ayants droit. Il peut s’agir d’un chemin d’accès, de canalisations, d’installations de chauffage, etc... Des litiges peuvent survenir quant au partage de l’utilisation de l’objet, quant aux prises de décisions concernant les travaux et aussi quant à la répartition entre les bénéficiaires des frais d’entretien ou de réparation27.

La doctrine et la jurisprudence ont répondu à la question en assimilant l’ensemble des bénéficiaires à une communauté de copropriétaires et en leur appliquant ainsi les règles de la copropriété28.

Mentionnons les trois arrêts suivants :

1) arrêt du Tribunal fédéral du 31 janvier 1985 (ATF 111 II p. 26 ss / JDT 1986 I p. 111 ss).

Cet arrêt énonce deux principes :

- la répartition des charges entre les copropriétaires (respectivement titu-laires de servitude) correspond à leur part de copropriété (art. 649 al. 1er CC),

- à défaut de précision dans le contrat, la présomption d’égalité des parts prévue à l’article 646 al. 2 CC concerne aussi la copropriété des servi-tudes, même si l’intérêt à l’utilisation est inégal entre les bénéficiaires ; les articles 698 et 741 al. 2 CC qui prennent comme référence l’intérêt ef-

27 La co-titularité d’une servitude a également été évoquée en cas de division du fonds dominant. En

effet la servitude est reportée sur les différentes parcelles issues de la division et la question se pose de savoir comment envisager la situation engendrée par l’inscription de la servitude d’origine au profit des nouvelles parcelles : s’agit-il toujours d’une servitude unique profitant désormais à plu-sieurs propriétaires de parcelles ou s’agit-il d’une multiplication de la même servitude, sans co-titularité ? En droit suisse c’est le principe de la multiplication du droit qui semble l’emporter. Voir à ce sujet PIOTET, comment organiser, p. 91.

28 PIOTET, Comment organiser p. 101, et STEINAUER, Développements récents, p. 3, en particulier les références citées en note no 8.

Page 63: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

61

fectif de chacun des bénéficiaires ne s’appliquent pas entre les bénéfi-ciaires d’une même servitude.

Il est aussi rappelé dans cet arrêt que la convention prévoyant une modifi-cation des parts de copropriété est soumise à la forme authentique (considé-rant 5).

2) arrêt du 19 novembre 2003 de la 1ère Cour d’appel du Tribunal cantonal de Fribourg, du 19 novembre 2003 (RNRF 2005, p. 229 ss).

Les principes suivants ont été mis en avant par cet arrêt :

- les règles de la société simple (art. 530 ss CO) ne sont pas applicables aux co-titulaires de servitudes ; ce sont les règles sur la copropriété qui sont déterminantes (art. 646 à 654a CC),

- en particulier, les titulaires de la servitude forment donc une commu-nauté légale soumise aux dispositions des articles 647 à 649c CC,

- contrairement à ce qui prévaut pour les copropriétaires d’étages (art. 712 m ss CC), la loi ne dit pas comment s’organise l’assemblée des co-propriétaires (prise de décision, répartition des droits et charges). Ils peuvent convenir d’adopter à cet effet un règlement,29

- à défaut de convention et de règlement, la doctrine préconise l’application par analogie des règles de l’association30.

3) arrêt du Tribunal fédéral ATF 133 III p. 311

S’agissant des servitudes personnelles avec plusieurs ayants droit, le Tri-bunal fédéral a eu récemment l’occasion de rappeler qu’en présence de plu-sieurs ayants droit, ce sont les règles de la copropriété qui s’appliquent, à moins que les titulaires ne soient liés par d’autres rapports préexistants qui entraineraient alors l’application des règles sur la propriété commune (hoirie, société simple).

En conséquence le décès de l’un des titulaires profite aux autres bénéfi-ciaires de la servitude (par l’accroissement de leur part), et non pas au proprié-taire de l’immeuble grevé (cf. arrêt susmentionné p. 322).

L’arrêt concernait un droit de superficie, mais les mêmes règles de la co-propriété s’appliquent en cas de « co-usufruit » (ou « d’usufruit commun » en cas de propriété commune).

29 STEINAUER, Les droits réels, tome I, p. 451, no 1290. 30 STEINAUER, Les droits réels, tome I, p. 452, no 1292.

Page 64: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

62

B. Nouveau droit

1. Le nouveau texte légal

L’article 740a nv CC prévoit l’application analogique des règles de la copro-priété aux ayants droit qui participent à une installation commune par une servitude de même rang et de même contenu.

Le message du Conseil fédéral du 27 juin 200731 précise qu’il s’agit en par-ticulier :

- des actes d’administration (art. 647 a et 647 b CC),

- des travaux de construction (art. 647 c, 647 d et 647 e CC),

- des actes de disposition (art 648 CC),

- de la contribution aux frais et charges communs (art. 649 ss CC),

- de la subrogation de l’acquéreur d’une part de copropriété (art. 649 a CC),

- de l’adoption d’un règlement d’utilisation et d’administration (art. 647 CC),

- de l’exclusion de la communauté (art. 649 b CC).

2. L’exigence d’un même rang

Cette disposition s’applique aux servitudes de même rang. En revanche en cas de rang différent c’est le principe de la priorité dans le temps qui s’applique ; on aurait pu imaginer une construction plus nuancée, par l’octroi d’un droit de veto limité en faveur de l’inscription primée par une plus ancienne32.

A noter que l’exigence d’un rang identique peut être respectée a posteriori ensuite d’une cession de rang consentie par les titulaires d’autres inscriptions.

31 Message du Conseil fédéral, FF 2007-5043. 32 PIOTET, Les nouvelles dispositions relatives aux servitudes, p. 67.

Page 65: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

63

3. L’exclusion du droit de quitter la communauté

En vertu des règles ordinaires, chaque titulaire de servitude peut renoncer à son droit, notamment pour échapper au paiement des frais d’entretien ; une réquisition de renonciation adressée au Registre foncier suffit (art. 964 CC).

L’alinéa 2 du nouvel article 740a nv prévoit la possibilité d’exclure le droit de quitter la communauté pour une durée de 30 ans au plus, et ce par l’adoption d’une convention adoptée en la forme authentique.

Cette disposition est le pendant de l’article 650 al. 2 nv CC applicable à la copropriété (lequel porte sur une durée de 50 ans). Elle a pour but de garantir l’amortissement des installations nouvellement construites, sur une durée que la loi fixe à un maximum de 30 ans. La disposition vise à protéger les titulaires d’une situation précaire engendrée par le départ de plusieurs copropriétaires, ceux qui restent se trouvant seuls pour assumer la totalité des frais. Il est bien entendu possible de prévoir une durée plus brève, en fonction de la durée de vie de chaque installation33.

Pour que la convention de renonciation déploie un effet réel, elle doit être annotée au Registre foncier. A défaut elle ne liera donc pas le (nouveau) pro-priétaire qui par hypothèse ne sera pas partie à l’acte constitutif de la servi-tude.

C. Droit transitoire

L’article 3 du Titre final CC prescrit ce qui suit :

« Les cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des parties sont soumis à la loi nouvelle, après l’entrée en vigueur du code civil, même s’ils remontent à une époque antérieure. »

Rappelons en effet que le nouvel article 740a nv CC ne n’applique qu’en l’absence de dispositions contractuelles adoptées par les parties au contrat de servitude.

33 Ainsi l’exemple d’une installation de chauffage sur une durée de 15 ans, Message du Conseil fédéral,

FF 2007 - 5043.

Page 66: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

64

IV. Charge d’entretien et obligation accessoire

A. Droit actuel

1. Les dispositions légales

La loi définit à l’article 730 CC une servitude comme étant « une charge impo-sée sur un immeuble en faveur d’un autre immeuble et qui oblige le proprié-taire du fonds servant à souffrir, de la part du propriétaire de fonds dominant, certains actes d’usage, ou à s’abstenir lui-même d’exercer certains droits inhé-rents à la propriété ».

S’abstenir d’exercer ses droits ou tolérer certains actes d’usage constitue une attitude fondamentalement passive, qui distingue la servitude de la charge foncière34. Néanmoins une obligation de faire peut être rattachée à une servitude, mais alors uniquement à titre accessoire (selon l’article 730 al. 2 CC).

Il faut relever dans ce contexte l’article 741 al. 1er CC qui prévoit « Le pro-priétaire du fonds dominant entretient les ouvrages nécessaires à l’exercice de la servitude. » Ce devoir d’assumer l’entretien et les frais y afférents a donc le caractère de charge accessoire, et elle constitue une obligation dite propter rem, à charge de chaque bénéficiaire successif ; elle est constitutive d’une obligation légale puisqu’elle résulte de la loi. En revanche les frais d’entretien cumulés (ceux qu’un bénéficiaire doit racheter pour la période précédant sa décision d’exercer de son droit) ne font pas partie des obligations propter rem au sens de cette disposition35.

En pratique il est parfois malaisé de cerner la limite de ce qui est admis-sible à titre de charge accessoire. Le temps aidant, l’entretien n’a parfois plus de sens et le maintien d’une servitude passe par la reconstruction de certains installations vétustes (refaire un chemin, reconstruire un mur de séparation, replanter une haie, etc. …). En pareil cas il semble inadéquat de dénier à l’obligation de reconstruire le caractère de charge accessoire, au seul motif qu’elle ne constitue pas à proprement parler une prestation d’entretien cou-rant. Cela revient à limiter la durée de nombreuses servitudes de voisinage, alors que la loi admet l’existence de servitudes à durée indéterminée. Il s’agit donc d’admettre en pareil cas que des travaux de reconstruction peuvent être admis comme charge accessoire, à titre de modalité d’entretien à long terme.

Sont également des prestations accessoires admises par la loi les presta-tions d’entretien assumées par le propriétaire du fonds servant (soit en déroga-

34 STEINAUER, Les droits réels, tome II, p. 357, no 2205 et ss. 35 ATF 124 III p 289 / JT 1999 I p. 171 (p. 172 in fine).

Page 67: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

65

tion avec la règle de l’article 741 al 1er CC qui met cette obligation à charge du bénéficiaire) ; il peut s’agir par exemple de l’entretien d’un chemin ou de cana-lisations par le propriétaire du fonds servant36.

2. La jurisprudence

Les tribunaux ont déjà eu l’occasion de préciser ce qui était admissible ou non en matière d’obligation accessoire. Citons quatre arrêts :

a) un arrêt du Tribunal fédéral du 1er avril 1982 (ATF 108 II p. 39 / JdT 1985 I p. 190) relatif à l’obligation par le propriétaire d’une source cap-tée de fournir de l’eau en un point déterminé. Une distinction est faite entre le devoir de tolérer les canalisations d’un tiers (admis par le tribu-nal) et l’obligation de fournir de l’eau pas le biais de ces canalisations (pas admis au titre d’une servitude).

b) un arrêt de la Cour civile du 4 septembre 1997 du Tribunal cantonal ju-rassien (RJJ 1997 p. 59 et ss), au sujet d’une redevance annuelle de Fr. 1’800.-- liée à un droit de passage. S’agissant d’une obligation per-sonnelle, elle ne lie pas le nouveau propriétaire. Seule une charge fon-cière permet de rattacher une obligation de payer à la propriété d’un immeuble.

c) un arrêt du Tribunal fédéral du 12 juin 1980 (ATF 106 II p. 315 / JdT 1981 I p. 306) portant sur une obligation de poser une moquette à des fins d’insonorisation. Le caractère accessoire de cette obligation a été admis au regard de l’importance de l’ensemble conséquent des charges prévues dans le contrat de servitude,

d) un arrêt du Tribunal fédéral du 7 juillet 2010 (5A_229/2010) rappelle que l’obligation de faire doit être en rapport directe avec la servitude, dont elle doit faciliter l’exercice ; ainsi la construction d’une dalle d’une certaine qualité par le fonds dominant n’est pas en lien avec l’exercice d’une simple servitude d’empiètement.

3. Qualification des différentes obligations accessoires

On peut en définitive distinguer trois types de conventions susceptibles de déployer des effets propter rem :

36 STEINAUER, Les droits réels, tome II, p. 363, no 2219 et ss.

Page 68: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

66

a) l’obligation de faire du bénéficiaire de la servitude, soit son obligation légale d’entretien selon les articles 741 al. 1er et 2 CC37, cette disposition déployant sans autre des effets réels,

b) les conventions qui dérogent à l’article 741 al. 1er CC en tant qu’elles mettent les frais d’entretien de cette installation à la charge du proprié-taire du fonds servant38, ou en tant qu’elles mettent à la charge du béné-ficiaire des obligations supplémentaires à celles prévues par la loi39, comme par exemple des frais d’entretiens cumulés40,

c) d’autres obligations de faire rattachées à titre accessoire à la servitude et imposées au propriétaire du fonds servants (art. 730 al. 2 CC), dont par exemple la prise en charge des frais de construction de l’installation ob-jet de la servitude.

Il ressort de la jurisprudence du tribunal fédéral que la teneur de l’inscription au registre foncier est déterminante pour savoir si l’obligation ac-cessoire est opposable au nouveau propriétaire (à moins qu’il ne s’agisse d’une obligation légale, soit non sujette à inscription). Ainsi dans l’arrêt ATF 124 III p. 289 / JdT 1999 I p. 171 il s’agissait d’un litige relatif au paiement des frais de construction d’une route par le bénéficiaire d’une servitude, tel que stipulé par les parties à la servitude lors de sa constitution, une quinzaine d’année aupa-ravant (les propriétaires des parcelles ayant changé depuis). A défaut d’inscription particulière au registre foncier, il a été jugé que les clauses ins-crites dans le contrat d’origine de la servitude étaient de nature purement con-tractuelle et ne déployaient pas d’effet réel. Ainsi la simple mention de l’obligation dans l’acte constitutif de suffit pas, elle doit figurer sur l’inscription du registre foncier pour être opposable au nouveau bénéficiaire. Une fois inscrite, cette obligation déploie donc des effets dits propter rem, sans qu’il y ait lieu d’inscrire pour autant une charge foncière supplémentaire41.

B. Nouveau droit

La loi ne modifie pas les critères d’admissibilité des obligations accessoires et la règle des frais d’entretien ; les limites légales et jurisprudentielles restent inchangées.

Cependant le législateur précise désormais à quelles conditions ces con-ventions sont opposables aux propriétaires successifs d’une même parcelle. 37 STEINAUER, Les droits réels, tome II, p. 363, no 2219 et p. 391, no 2283 a. 38 STEINAUER, Développements récents, p. 2. 39 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_229/2010 du 7 juillet 2010, considérant 4.1.2. 40 ATF 124 III p. 289 / JT 1999 I p. 171 (p. 172 in fine). 41 STEINAUER, Les droits réels, tome II, p. 391, no 2285 a.

Page 69: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

67

La nouveauté consiste à l’ajout d’une précision à la fin de l’article 730 al. 2 nv CC, rédigée comme suit :

« Cette obligation (accessoire de faire) ne lie l’acquéreur du fonds dominant ou du fonds servant que si elle résulte d’une inscription au registre foncier ».

L’article 741 nv alinéa 2 CC in fine est complété comme suit :

« .... Une convention dérogeant à ce principe n’oblige l’acquéreur du fonds dominant ou du fonds servant que si elle résulte des pièces justificatives du registre foncier. »

En reprenant les trois catégories d’obligations mentionnées, on peut dé-crire ainsi la nouvelle législation applicable :

a) l’obligation d’entretien du bénéficiaire de la servitude (art. 741 al 1er CC) reste une obligation propter rem, sans nécessiter d’indication particulière au registre foncier,

b) les conventions dérogeant au principe de la prise en charge des frais d’entretien par le bénéficiaire de la servitude obligent tout bénéficiaire dès lors qu’elles résultent des pièces justificatives (art 741 al 2 nv CC deuxième phrase), et ce même sans inscription au feuillet,

c) d’autres obligations de faire ne lient l'acquéreur que si elles résultent d’une inscription prise au registre foncier (art 730 al. 2 nv CC deuxième phrase).

Les conventions de dérogation au système légal de l’article 741 al. 2 sont donc dorénavant dispensées d’inscription ; le but est d’éviter une surcharge des inscriptions prises au registre foncier42.

Quant aux autres charges accessoires, le message du Conseil fédéral met en garde les praticiens quant aux conséquences de l’article 11 de l’ordonnance du Registre foncier (repris à l’article 46 al. 1er de la nouvelle ordonnance) ; le con-servateur ne procède aux inscriptions que sur réquisition et non pas d’office43. En cas d’oubli lors de l’établissement de la réquisition d’inscription, ces obliga-tions ne déploieront aucun effet externe.

42 PIOTET, Propriété collective, p. 21. 43 Message du Conseil fédéral, FF 2007 - 5042.

Page 70: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

68

C. Droit transitoire

La nouvelle loi prévoit une disposition transitoire (art. 21 al. 2 nv Tit. fin. CC), libellée comme suit :

« Les obligations liées accessoirement à des servitudes qui ont été créées avant l’entrée en vigueur de la modification du 11 décembre 2009 et qui n’apparaissent que dans les pièces justificatives au registre foncier restent op-posables aux tiers de bonne foi. »

Ces servitudes auront le privilège de déployer un effet réel sans inscription de cette obligation44.

Ce privilège concerne uniquement les autres obligations de faire que nous avons mentionnées sous lettre c) ci-dessus (soit issues de l’article 730 al. 2 nv CC), les autres obligations étant de toute façon dispensées d’inscription par la nouvelle loi.

V. Le droit de superficie

A. Constitution du droit de superficie

1. Droit actuel

Actuellement la loi soumet à la forme authentique uniquement le contrat cons-titutif de superficie, en tant qu’il est distinct et permanent (art. 779a CC).

La définition des droits distincts et permanents se trouve dans l’actuelle ordonnance du registre foncier (art. 7 al. 2 ORF). Cette définition figurera dé-sormais à l’article 655 al. 3 nv CC. Son déplacement de l’ordonnance vers la loi paraît effectivement plus adéquat45.

Dans tous les cas la durée minimale du droit de superficie distinct et per-manent reste inchangée (30 ans), de même que sa durée maximale de 100 ans (art. 779l al. 1er CC).

2. Nouveau droit

C’est désormais toute constitution de droit de superficie (par contrat ou par décision du propriétaire) qui est soumise à la forme authentique, et ce même s’il ne s’agit pas d’un droit distinct et permanent. L’idée du législateur est que

44 Message du Conseil fédéral, FF 2007 - 5072. 45 Message du Conseil fédéral, FF 2007 - 5036.

Page 71: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

69

le droit de superficie comporte des clauses complexes qui doivent être soi-gneusement aménagées : contenu et étendue du droit, rente, droit de retour, etc. ...46. Cette disposition a été adoptée dans le même esprit que celle pré-voyant l’obligation de recourir à la forme authentique pour les constitutions unilatérales de cédules hypothécaires (art. 799 al. 2 nv CC). L’avant-projet de 2004 prévoyait la forme authentique uniquement pour les droits de superficie ayant le caractère d’un droit distinct et permanent, contrairement au projet du Conseil fédéral de 2007, adopté en l’état par le Parlement.

3. Droit transitoire

S’agissant d’un droit de superficie conclu avant l’entrée en vigueur de la nou-velle loi et non-encore inscrit lors de son entrée en vigueur, c’est toujours le principe de non rétroactivité qui intervient (articles 1er al.1er et 18 al. 1er du Titre final CC).

B. L’effet réel de dispositions contractuelles du contrat de superficie

1. La rente de superficie

a) Droit actuel

En droit actuel il est admis que la rente de superficie constitue une dette per-sonnelle du superficiaire ; sa constitution ou sa modification ultérieure re-quiert seulement la forme écrite47. La rente de superficie n’étant pas un élé-ment constitutif du droit, elle n’est donc pas soumise à l’exigence de la forme authentique (art. 11 CO et 779a CO). C’est ce que vient de rappeler le Tribunal fédéral dans un arrêt récent du 19 novembre 2010 (5A_251/2010), en accord avec la doctrine majoritaire48. Signalons ici une jurisprudence contraire du tri-bunal de commerce de Zurich qui, pour une autre affaire, prescrivait la forme authentique pour la constitution et la modification de la rente de superficie49.

Il faut relativiser néanmoins la portée de l’arrêt du Tribunal fédéral qui tient lui-même à rappeler que les clauses dites subjectivement essentielles res-tent, en tant que telles, soumises à la forme authentique. Dans cette affaire le caractère subjectivement essentiel n’a pas été démontré, ce que semble même regretter notre Haute Cour (considérant 6.3 in fine).

46 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5045. 47 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 107, no 2546. 48 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 107, no 2546. 49 Arrêt du Tribunal de commerce de Zurich du 25 octobre 2002, RNRF 2005 p. 291 (p. 293).

Page 72: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

70

En dehors de ces questions de forme, il est établi qu’en droit actuel la rente de superficie n’est pas une obligation « propter rem »50. Certes l’hypothèque prévue en garantie de son paiement donne des garanties réelles au propriétaire du fonds servant, mais elle ne fait pas du cessionnaire le nouveau débiteur de la rente, à moins qu’une reprise de dette n’ait été stipulée lors du transfert (art. 175 et 176 CO)51.

Cette situation ne manque pas de créer des difficultés, notamment en cas de réalisation forcée du droit de superficie, l’adjudicataire n’étant dès lors pas débiteur de la rente. Un rattachement propter rem à titre conventionnel n’est en l’état du droit pas envisageable, eu égard au principe des numerus clausus des droits réels52.

b) Nouveau droit

L’article 779a al. 2 nv est rédigé ainsi :

« La rente du droit de superficie et les éventuelles autres dispositions con-tractuelles doivent être passées en la forme authentique lorsqu’il est prévu de les annoter au Registre foncier. »53

Ainsi la nouvelle loi permet dorénavant d’annoter au Registre foncier l’obligation de payer la rente de superficie, à condition cependant que la rente (et ses modifications) soient stipulées en la forme authentique.

Relevons qu’à la lettre la loi n’impose pas la forme authentique pour toute constitution ou modification de rente (ce que le texte allemand de la nouvelle disposition fait ressortir plus clairement54), mais seulement aux rentes dont l’annotation est prévue par les parties. C’est ce que n’a pas manqué de relever le Tribunal fédéral en commentant cette disposition avant même son entrée en vigueur55. Il faut néanmoins respecter la forme authentique dans tous les cas où la rente constitue une clause subjectivement essentielle, ce qui semble bien être toujours le cas. En pratique la forme authentique s’imposera donc systé-matiquement56 .

50 FOËX, Une faille dans la protection du grevé p. 109. 51 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 107, no 2546. 52 FOËX, Une faille dans la protection du grevé, p. 116 ; l’auteur défend l’idée d’une charge foncière

pour pallier à l’absence de protection du propriétaire du fonds servant. 53 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5045. 54 « Art. 779 a Abs. 2 : Sollen der Baurechtszins und allfällige weitere vertragliche Bestimmungen im

Grundbuch vorgemerkt werden, so bedürfen sie zu ihrer Gültigkeit ebenfalls der öffentlichen Beur-kundung.».

55 ATF 5A_251/2010 du 19 novembre 2010, considérant 6.3. 56 MOOSER, Introduction au droit de superficie, p. 16.

Page 73: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

71

L’article 779i prévoyant l’inscription d’une hypothèque légale au profit du superficiant est bien entendu maintenu dans la nouvelle loi.

2. Les autres dispositions contractuelles

a) Droit actuel

On trouve dans les contrats de superficie trois catégories de dispositions con-tractuelles57 :

i) celles qui se rapportent au droit réel lui-même : définition de l’immeuble, désignation de son bénéficiaire et durée du droit (art. 779a et 779b CC).

ii) les dispositions qui sont susceptibles de déployer des effets réels : il peut s’agir des clauses relatives à l’indemnité lors du retour des constructions et au rétablissement de l’état des lieux (art. 779e CC), ou encore de clauses confir-mant ou modifiant le droit de préemption légal (art. 682 al. 2 et 681b al. 1er CC).

Rappelons que l’hypothèque légale prévue pour garantir le paiement de la rente de superficie (art. 779i CC) n’est qu’un moyen indirect permettant au propriétaire d’exiger de tout titulaire du droit de superficie le paiement de la rente, elle n’en fait pas une clause déployant des effets réels.

iii) d’autres engagements de nature personnelle, dont on peut citer quelques exemples en particulier s’agissant d’obligations du superficiaire :

- le délai pour construire le bâtiment,

- l’affectation du bâtiment,

- l’entretien du bâtiment,

- le paiement de la rente de superficie,

- le paiement de taxes d’aménagement et d’exploitation,

- l’amortissement des constructions,

- les restrictions à la cessibilité du droit,

- l’interdiction faite au superficiaire de faire concurrence.

57 MOOSER, Introduction au droit de superficie, p. 8 ss et FOËX, Cession du droit de superficie, p. 54 ss.

Page 74: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

72

Une première lecture de l’actuel article 779b CC donne à penser que les dispositions contractuelles du droit de superficie déploient un effet réel. En réalité l’effet réel concerne uniquement « la situation, le volume et la destina-tion des constructions » et par ailleurs « l’utilisation des surfaces non bâties mises à contribution par l’exercice du droit »58. Cette disposition ne fait que rappeler le caractère réel du droit de superficie quant à l’objet du droit59.

b) Nouvelle loi

La nouvelle loi élargit considérablement la possibilité de donner un effet réel aux dispositions de nature contractuelles. Elle précise en effet à l’article 779b al. 2 nv CC que :

« Si les parties en conviennent, d’autres dispositions contractuelles peuvent être annotées au Registre foncier. »

Cette disposition répond au besoin du propriétaire du fonds qui souhaite le maintien des clauses du contrat à l’encontre de tout titulaire du droit de su-perficie ; elle permet également au superficiaire qui cède son droit de se libérer des obligations stipulées dans le contrat initial (et dûment annotées), celles-ci étant reprises par le nouveau propriétaire60.

Le texte de la nouvelle disposition indique clairement que l’annotation prévue ne peut se borner à annoncer de façon générale que le contrat dans son intégralité (y compris ses modifications ultérieures) est opposable aux tiers61. L’inscription doit permettre de définir – certes largement - quels sont les types de clauses que les parties ont ainsi désignées, à l’instar de l’actuelle annotation prévue à l’article 779e CC applicable au retour des constructions. Pour per-mettre de faire le lien entre l’inscription et les clauses concernées, il paraît adé-quat de faire correspondre le texte de l’annotation avec tout ou partie des dif-férents chapitres du contrat (par exemple « construction, affectation et entre-tien du bâtiment »).

Une autre question est celle de savoir si c’est bien l’intégralité des clauses du contrat qui est susceptible de bénéficier de l’effet de l’annotation. Il s’agit selon le Message du Conseil fédéral de l’ensemble des obligations « que le su-perficiaire doit assumer pour exercer son droit »62 . Les clauses du contrat con-

58 STEINAUER, Développements récents, p. 16. 59 STEINAUER, Développements récents, p. 17. 60 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5046. 61 Précisons qu’une annotation globale ne donnerait aucune information utile aux tiers consultant le

registre foncier, n’ayant en principe pas accès aux pièces justificatives (nouvelle ordonnance sur le registre foncier, art. 28 ORF).

62 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5045.

Page 75: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

73

cernant l’extinction du droit et le rétablissement de l’état primitif sont aussi visées par l’art. 779b al. 2 nv CC63.

Dans la mesure où l’annotation se rattache au principe de l’annotation tel que défini limitativement à l’article 959 al. 1er CC, seules les clauses liées direc-tement au droit de superficie sont de prime abord concernées64. Relevons néanmoins à cet égard que le législateur a souhaité faciliter la reprise des obli-gations en étendant le cercle des clauses susceptibles de bénéficier d’un effet propter rem65, en se gardant d’en dire plus dans le texte légal. Le Tribunal fédé-ral a d’ores et déjà inclus dans les clauses susceptibles d’annotation selon le nouveau droit celles touchant les restrictions à la cessibilité du droit de super-ficie (ATF 135 III p. 103 / JdT 2009 I p. 201). Par ailleurs la distinction entre les différentes obligations des parties au contrat peut sembler artificielle, sachant que leur sort est souvent mêlé. Ainsi la rente de superficie augmente souvent selon l’avancement des travaux de construction, eux-mêmes étant en lien avec l’obligation de construire souscrite par le superficiaire ; la rente peut aussi va-rier selon que le superficiaire occupe lui-même les locaux ou les remet en loca-tion.

3. Droit transitoire

Les contrats actuels de droit de superficie déploieront les mêmes effets qu’à ce jour ; en l’absence d’annotation, ni la rente ni les autres obligations qu’ils con-tiennent ne bénéficieront d’effets réels (hormis bien entendu les clauses anno-tées selon l’actuel art. 779e CC).

On peut relever dans ce contexte que rien ne justifierait d’appliquer par analogie l’article 21 al. 2 du Titre final CC (opposabilité des clauses liées acces-soirement à des servitudes et qui apparaissent dans les pièces justificatives) aux contrats de superficie conclus avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, même si ces clauses figurent dans un contrat passé en la forme authentique (en référence avec le nouvel article 779a al. 2 CC). En effet cette disposition du droit transitoire désigne limitativement les « obligations liées accessoirement à des servitudes », auxquelles on ne peut assimiler les différentes clauses d’un contrat de superficie. De plus, à défaut de volonté clairement exprimée, l’opposabilité porterait ainsi d’office sur l’intégralité du contrat de superficie, alors que le législateur a prévu une annotation spécifique pour certaines dis-positions contractuelles, selon le choix exprès et préalable des parties.

63 L’actuel article 779 e CC n’a donc plus de portée propre, il est supprimé par la nouvelle loi. 64 MOOSER, Introduction au droit de superficie, p. 9, qui exclut en particulier de l’annotation les clauses

qui ne concernent que la liberté économique des parties. 65 FOËX, Cession du droit de superficie, p. 57.

Page 76: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

74

En revanche rien n’interdit aux parties à un contrat conclu avant le 1er jan-vier 2012 de bénéficier des nouvelles possibilités d’annotation, en concluant à cet effet un avenant établi en la forme authentique.

C. La restriction à la cessibilité du droit de superficie

Rappelons que les droits de superficie concernent très régulièrement des col-lectivités de droit public qui les utilisent comme moyen de mise en œuvre de tâches publiques66.

Ainsi l’une des clauses fréquemment rencontrée dans la pratique subor-donne la cession du droit de superficie au consentement d’une collectivité pu-blique en sa qualité de propriétaire du fonds servant (étant précisé qu’elle se réserve de refuser cette cession si les obligations du superficiaire ne sont pas reprises par l’acquéreur).

Les restrictions à la cessibilité sont susceptibles d’entraîner l’impossibilité d’immatriculer le droit de superficie comme droit distinct et permanent, en particulier si elles sont rédigées en des termes trop larges, permettant une dé-cision arbitraire du propriétaire67. La nouvelle loi n’apporte pas de précisions sur ce point, pas plus que la nouvelle ordonnance sur le registre foncier (art. 22, al. 1er, lettre a ch. 1 ORF).

S’agissant de l’application de ces clauses, le Tribunal fédéral a eu récem-ment l’occasion de se pencher sur le rôle du conservateur du registre foncier (ATF 135 III p. 103 / JdT 2009 I p. 201). En droit actuel il a relevé qu’aucune disposition ne permet au conservateur de subordonner l’inscription de la ces-sion du droit de superficie au consentement préalable du propriétaire de fonds grevé.

En revanche notre juridiction suprême indique qu’après l’entrée en vi-gueur du nouveau droit, une telle clause, dûment annotée, devra vraisembla-blement être prise en compte d’office par ce même conservateur (considérant 4.4)68 ; le titulaire du droit de superficie s’est obligé à ne pas disposer de son droit sans joindre à la réquisition d’inscription l’accord du propriétaire du fonds, et la violation de cet engagement est sanctionnée par un rejet de la ré-quisition, dans le cadre de l’examen du droit de disposition du requérant (art. 963 al. 1er CC)69. La nouvelle ordonnance sur le registre foncier prévoit il est vrai à son article 83 al. 2 lettre i ORF que « … l’office du registre foncier con-

66 BELLANGER, Le droit de superficie en droit public, p. 95 ss. 67 Foëx, Cession du droit de superficie, p. 51. 68 Avec une interprétation très extensive du message du Conseil fédéral, FF 2007 - 5045. 69 STEINAUER, Les droits réels, tome I, p. 258, no 717.

Page 77: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

75

trôle ... les autorisations ainsi que les consentements nécessaires, pour s’assurer qu’ils ont été produits »70.

Néanmoins si cette jurisprudence devait être confirmée après l’entrée en vigueur de la loi, nous verrions alors une annotation d’un nouveau genre dont l’effet serait d’entraîner une sorte de blocage du feuillet, et ce malgré le texte clair de la loi : l’annotation donne à la clause annotée une priorité sur d’autres inscriptions postérieures, dont elle n’empêche pas l’inscription (art. 961 a CC)71. La nouvelle ordonnance sur le registre foncier reprend expressément cette distinction (cf art. 56 lettre b ORF in fine).

Ainsi le transfert non autorisé doit être inscrit mais le nouveau propriétaire du droit de superficie s’expose alors au risque d’une action en rectification en-treprise par le propriétaire du fonds selon l’article 975 CC.

Dans tous les cas l’annotation produira bien entendu l’effet de rattache-ment en ce sens que le superficiaire nouvellement inscrit devra reprendre le rapport contractuel qui a fait l’objet de l’annotation, soit l’obligation de requé-rir l’accord du fonds servant avant toute cession72.

VI. Epuration des servitudes

L’objectif consistant à moderniser le Registre foncier et à en faire un instru-ment fiable suppose une procédure d’épuration efficace. Il s’agit en particulier de pouvoir supprimer du Registre foncier toutes les inscriptions obsolètes.

Deux catégories de mesures sont prévues à cet effet :

- une procédure imposée en matière de division ou réunion de parcelles,

- une procédure d’épuration publique pour des périmètres déterminés.

70 Correspond à l’article 24 al. 1 bis lettre a de l’actuelle ORF. 71 Sur les effets des annotations en général, STEINAUER, Les droits réels, tome I, p. 280 ss, en particu-

lier p. 282. 72 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5046. Pour l’actuel article 779 e CC, voir STEINAUER, Les droits

réels, tome III, p. 113, no 2563.

Page 78: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

76

A. Procédure imposée en matière de division ou de réunion de parcelles

1. Division parcellaire

a) Droit actuel

Le Code civil contient deux dispositions : les articles 743 et 744 CC, applicables respectivement aux divisions du fonds dominant et du fonds servant (en lien avec l’article 86 ORF).

Plus précisément l’article 743 CC vise le cas de la division d’un fonds do-minant : si l’une des nouvelles parcelles ne profite pas de la servitude (par exemple dans le cas d’une servitude de distance et vue droite), alors le proprié-taire du fonds grevé peut demander sa radiation ; sa demande est transmise par le conservateur du registre foncier à l’ayant droit qui dispose d’un mois pour s’opposer.

Quant à l’article 744 CC, il vise la division du fonds servant : dans ce cas la servitude est reportée en charge sur les nouvelles parcelles, sous réserve d’une demande du propriétaire arguant du fait que l’une des nouvelles parcelles n’est pas concernée par l’exercice d’une servitude (par exemple une servitude de passage).

Ces dispositions sont jugées peu efficaces puisqu’elles reposent sur l’initiative du propriétaire et non pas du registre foncier. Il faut relever néan-moins que certains registres fonciers imposent le traitement des servitudes, lors de chaque division73. C’est notamment le cas à Genève.

b) Nouveau droit

En premier lieu, mentionnons que selon le nouveau droit l’épuration des servi-tudes est désormais une obligation, à défaut de quoi la réquisition sera rejetée (art. 974 a al. 2 nv CC in fine).

La loi reprend par ailleurs le principe du report de toutes les inscriptions sur les nouvelles parcelles, mais en ajoutant désormais l’obligation de radier la servitude sur les nouvelles parcelles non concernées. Il s’agit donc d’éviter que le registre foncier soit encombré d’inscriptions inutiles.

De plus c’est désormais une seule disposition qui contient les règles appli-cables pour la division du fonds servant et la division du fonds dominant et l’article 744 est donc supprimé.

73 PFÄFFLI, Zur Revision des Dienstbarkeitsrechts, p. 34 note 21.

Page 79: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

77

L’alinéa 3 de l’article 743 nv CC précise que « la procédure d’épuration obéit aux dispositions sur la radiation et la modification des inscriptions au registre foncier. ». C’est un renvoi à l’article 974 a nv CC qui prévoit une pro-cédure à deux vitesses selon l’assiette de la servitude :

i) la servitude ne peut concerner l’une des nouvelles parcelles, compte tenu de sa localisation, et dans ce cas le registre foncier est autorisé à la radier d’office (art. 976 ch.3 nv CC),

ii) la servitude est « très vraisemblablement dépourvue de valeur juri-dique », auquel cas c’est le principe actuel de la demande du propriétaire qui prévaut. En revanche ce qui change c’est que le registre foncier examine la re-quête et, en cas d’accord, la transmet à l’ayant droit (art. 976 a nv CC). Faute d’opposition dans les trente jours la servitude sera radiée.

La loi prévoit des dispositions applicables en cas d’opposition : le registre foncier réexamine la demande de radiation, et s’il la trouve toujours bien fon-dée, il s’adresse alors au propriétaire du fonds dominant en l’informant qu’à défaut pour lui d’entreprendre une action en justice en vue de faire constater la valeur juridique de l’inscription, alors il procèdera à sa radiation (art. 976 b CC).

C’est donc un renversement des rôles, à la défaveur de celui qui est inscrit comme bénéficiaire d’une servitude ; à défaut d’agir dans les trois mois, son inscription sera radiée.

2. Réunion parcellaire

a) Droit actuel

Le Code civil ne contient actuellement aucune disposition applicable aux réu-nions parcellaires. C’est l’article 91 de l’actuelle ordonnance qui s’applique74. En particulier l’alinéa 3 de cette disposition prévoit l’accord du fonds servant en cas d’aggravation de la charge ensuite de la réunion (à moins que la réu-nion de parcelle ne constitue pas pour lui une aggravation de charge).

b) Nouveau droit

Le principe de protection du fonds servant figure désormais en bonne place dans le Code civil, à l’article 974 b nv CC. Le message du Conseil fédéral pré-cise que certaines servitudes n’entraînent en principe pas d’aggravation de charge, notamment les servitudes d’empiètement, contrairement aux servi-

74 STEINAUER, A propos des réunions de biens-fonds, p. 275 ss.

Page 80: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

78

tudes de passage ; par ailleurs seule une aggravation considérable est perti-nente75.

S’agissant des servitudes en charge, le message du Conseil fédéral rappelle que tant que l’exercice de la servitude est limité localement, la réunion de deux fonds dominants reste sans conséquence ; demeurent réservées les précisions nécessaires en cas d’extension de l’assiette de la servitude à l’entier de la par-celle et la question de la priorité du rang entre les différentes inscriptions.

L’obligation d’épurer concerne également les réunions de parcelles. Ainsi l’alinéa 4 de l’article 974b nv CC renvoie aux articles 976 ch. 3 et 974a nv CC.

B. Procédure d’épuration publique pour des périmètres déterminés

L’article 976c nv CC ouvre désormais la possibilité pour le registre foncier d’entreprendre une procédure d’épuration publique pour un périmètre donné.

Il s’agit d’endroits dont l’affectation a changé, notamment ensuite de modi-fications dans l’aménagement du territoire76. La loi ne prévoyant une procé-dure d’épuration qu’en cas de division ou de réunion parcellaire, il a paru donc adéquat de permettre au registre foncier d’initier une procédure indé-pendante d’une division particulière, portant sur un périmètre donné ; une telle procédure s’envisage lorsqu’un grand nombre d'inscriptions sont deve-nues caduques (servitudes, annotations ou mentions).

L’ouverture d’une telle procédure fait l’objet d’une mention (art. 976c al. 2 nv CC). Elle vise à informer l’acquéreur de bonne foi ; elle s’apparente à la mention prévue en cas de remaniement parcellaire (art. 703 al. 1er CC in fine)77.

Les cantons sont chargés d’établir les règles de la procédure (art. 976c al. 3 nv CC) ; il est même précisé, s’agissant spécifiquement des servitudes, qu’ils sont habilités à alléger les règles de procédure pour en faciliter l’épuration.

Il faut bien entendu distinguer cette nouvelle procédure de celle qui est prévue en droit genevois pour l’introduction du feuillet fédéral (art. 43 Tit. fin. et art. 173 ss de la loi genevoise d’application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile, LaCC). Relevons que cette même loi genevoise d’application prévoit déjà la possibilité d’épurer les droits réels inscrits au feuillet fédéral (art. 184 LaCC). Il peut s’agir d’une procédure consécutive à

75 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5067. 76 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5071. 77 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5071.

Page 81: Conference Proceedings - UNIGE

Les dispositions relatives aux servitudes et au droit de superficie

79

une nouvelle mensuration ou en cas de surcharge de droits impossibles à exer-cer ou ayant perdu tout intérêt (art. 184 al. 2 LaCC).

Bibliographie

Message du Conseil fédéral du 27 juin 2007, FF 2007, p. 5021

Communiqué de presse du Parlement du 14 mai 2008

François BELLANGER, Le droit de superficie en droit public, in Droit de superfi-cie et leasing immobilier, Genève – Zurich – Bâle 2011, p 95 ss

Bénédict FOËX, Cession du droit de superficie et droits de préemption légaux de l’article 682 al 2 CC, in Droit de superficie et leasing immobilier, Genève – Zurich – Bâle 2011, p. 49 ss

Bénédict FOËX, Une faille dans la protection du grevé en cas de réalisation for-cée du droit de superficie : la charge foncière comme solution ?, in Insol-vence, désendettement et redressement, Genève 2000, p. 107 ss

Sylvain MARCHAND, La procédure d’instrumentation : droits réels, in la procé-dure d’instrumentation des actes authentiques, Zurich, Bâle, Genève 2007, p. 147 ss

Jean-Paul MISEREZ, Les servitudes foncières dans la mensuration officielle, in Cadastre, Décembre 2010, p 4 ss

Michel MOOSER, Introduction au droit de superficie – la constitution du droit, in Droit de superficie et leasing immobilier, Genève – Zurich - Bâle 2011, p. 1 ss

Michel MOOSER, La description de l’assiette d’une servitude, in RNRF 1991, p. 257 ss

Roland PFÄFFLI, Dienstbarkeiten, Neuerungen mit besonderer Berücksichti-gung des Bereinigungsverfahrens, in RNRF 2010, p. 357 ss

Roland PFÄFFLI, Zur Revision des Dienstbarkeitsrechts, in RNRF 2006, p. 31 ss

Denis PIOTET, Comment organiser les rapports d’usage entre les bénéficiaires de servitudes de même rang ? in Mélanges Paul Piotet, Berne 1990, p 89 ss

Denis PIOTET, Les nouvelles dispositions relatives aux servitudes, in Les servi-tudes et les cédules hypothécaires, Zurich, Bâle, Genève 2012, p. 59 ss

Denis PIOTET, Propriété collective, servitudes, droit de voisinage et restrictions de droit public : tour d’horizon du chapelet de perles entourant la révision du droit des gages immobiliers et de la tenue du registre foncier après 2005, in RNRF 2006, p. 12 ss

Page 82: Conference Proceedings - UNIGE

ETIENNE JEANDIN

80

Paul-Henri STEINAUER, A propos des réunions de biens-fonds, in Mélanges Grossen, Bâle / Francfort sur le Main, 1992, p. 275 ss

Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, Tome I, 4ème éd., Berne 2007

Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, Tome II, 3ème éd., Berne 2002

Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, Tome III, 3ème éd., Berne 2003

Paul-Henri STEINAUER, Servitudes foncières et droit de superficie : développe-ments récents, in Servitudes, droit de voisinage, responsabilités du pro-priétaire immobilier, Genève 2007, p. 1 ss.

Page 83: Conference Proceedings - UNIGE

81

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

ANTOINE EIGENMANN

Avocat, chargé de cours à l’Université de Fribourg

Bibliographie

Echanges parlementaires (Bulletin officiel du Conseil des Etats et du Conseil national : BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610) ; Message du Conseil fédéral concer-nant la révision du code civil suisse (Cédule hypothécaire de registre et autres modifications des droits réels) (FF 2007 5015 ; FF 2009 7943) ; CARRON

Blaise/FELLEY Maud, L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, ce qui change et ce qui reste, in Bohnet (éd.), Le nouveau droit de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, Bâle 2011, p. 1 ss ; PFÄFFLI Roland /BYLAND Da-niela, Zur Revision des Immobiliarsachenrechts, in Revue suisse de jurispru-dence 107/2011 ; HÜRTIMANN-KAUP Bettina/STEINAUER Paul-Henri, La révision des droits réels immobiliers, in BR/DC 1/2010, pp. 10 ss ; REETZ Peter, Bau-handwerkerpfandrecht, Verwaltungsvermögen und das neue Recht, in BR 2010, pp. 120 ss ; SCHUMACHER Rainer, Zur Revision des Bauhandwerkerpfan-drechts: Intertemporales Recht, in BN 2011, pp. 1 ss ; STEINAUER Paul-Henri, Les droits réels, Tome III, 3ème édition, Stämpfli Editions SA, Berne 2003 .

I. Introduction

La modification des dispositions du Code civil suisse (ci-après : « CC ») rela-tives aux droits réels immobiliers et au registre foncier répond à plusieurs in-terventions parlementaires à propos de la cédule hypothécaire et de l’hypothèque des artisans et entrepreneurs, ainsi qu’à des souhaits exprimés par des professionnels du registre foncier.

L’amélioration durable des conditions-cadres juridiques et économiques dans le domaine des droits réels immobiliers est l’un des objectifs les plus im-portants que vise cette révision.

Page 84: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

82

Parmi les modifications importantes prévues dans le projet du Conseil fé-déral figurent en premier lieu la suppression de la lettre de rente (art. 793 CC), et l’exigence de la forme authentique pour tous les actes constitutifs de gages immobiliers (art. 799 al. 2 CC).

De plus, les dispositions relatives aux hypothèques légales ont été modi-fiées de façon à améliorer l’effet de publicité du registre foncier, avec notam-ment comme but de protéger les acquéreurs de bonne foi.

Enfin et peut-être surtout, les modifications relatives à l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs font également partie des points essentiels de cette révision. L’obligation de requérir l’accord du propriétaire foncier pour faire exécuter, sur son immeuble, des travaux par un artisan ou un entrepre-neur lorsque ceux-ci sont commandés par un tiers sera introduite, ce qui per-mettra d’élargir le cercle des maîtres de l’ouvrage potentiels. Outre les loca-taires et les fermiers, les titulaires d’un droit d’habitation, les usufruitiers ou encore les futurs acquéreurs d’un immeuble pourront donc également com-mander des travaux pour lesquels les artisans et entrepreneurs auront la pos-sibilité de requérir, en cas de défaut de paiement, l’inscription d’une hypo-thèque légale.

La présente révision permet en outre de remédier à une lacune de la légi-slation actuelle, en ce sens qu’elle réglemente le problème lié à l’ouvrage fait sur un bien-fonds du patrimoine administratif d’une collectivité1.

II. Les modifications des dispositions générales relatives au droit de gage immobilier

A. L’article 793 CC : conditions ; formes du gage immobilier

Art. 793 al. 1 CC : « le gage immobilier peut être constitué sous la forme d’une hypothèque ou d’une cédule hypothécaire2 ».

La modification de cette disposition réside dans l’abrogation de la lettre de rente3.

En ce qui concerne le droit transitoire, l’article 33a du Titre final CC prévoit que « les cédules hypothécaires émises en série et les lettres de rente restent inscrites au registre foncier » (al. 1) et qu’elles restent régies par l’ancien droit (al. 2). L’alinéa 3 donne quant à lui la possibilité aux cantons de convertir les

1 FF 2007, P. 5016. 2 FF 2009, p. 7948. 3 FF 2007 p. 5047 ; BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610 ; FF 2009, p. 7948.

Page 85: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

83

lettres de rente créées sous l’empire du droit fédéral ou du droit antérieur en types de gage connus du droit en vigueur, conversion qui, lorsqu’il s’agit de montants de peu d’importance, peut justifier l’établissement d’une dette per-sonnelle du propriétaire de l’immeuble engagé4.

B. L’article 799 CC : constitution ; inscription ; extinction

Art. 799 al. 2 CC : « l’acte constitutif du gage immobilier n’est valable que s’il est passé en la forme authentique5 ».

La nouvelle disposition ne contient plus la notion de « contrat », à laquelle s’est substituée celle « d’acte constitutif ».

La conséquence en est que l’exigence de la forme authentique s’appliquera désormais à tous les actes constitutifs de gages immobiliers, savoir aussi bien à la déclaration unilatérale de constituer un droit de gage qu’au contrat constitu-tif de gage immobilier. L’avantage de prévoir une forme unique est que la sé-curité du droit s’en trouve renforcée et empêche que la loi ne soit contournée6.

C. L’article 808 CC : sûretés ; dépréciation de l’immeuble ; me-sures conservatoires

1. L’alinéa 3

« Les frais lui sont dus par le propriétaire et le remboursement lui est garanti par un droit de gage sur l’immeuble. Ce droit de gage naît sans inscription au registre foncier et prime toute charge inscrite sur l’immeuble7 ».

Le nouvel alinéa 3 a le même contenu que l’ancien. Cette disposition donne au créancier hypothécaire la possibilité de prendre différentes mesures de sû-reté pour le cas où l’immeuble mis en gage subirait une dépréciation (le créan-cier peut demander au juge d’intimer le propriétaire de cesser tous actes dommageables (al. 1), et, en cas d’urgence, il peut prendre lui-même les me-sures nécessaires, par exemple la réparation d’un toit qui s’est écroulé)8. Les frais ainsi engagés sont garantis par un droit de gage légal direct, donc sans inscription au registre foncier, qui prime toutes les charges inscrites sur

4 FF 2009, p. 7960. 5 FF 2009, p. 7949. 6 FF 2007, pp. 5047 s. 7 FF 2009, p. 7949. 8 STEINAUER, pp. 202 s.

Page 86: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

84

l’immeuble. Il s’agit là d’une exception à l’effet de publicité du registre fon-cier9.

2. L’alinéa 4 (nouvellement introduit)

« S’il dépasse 1'000 francs et s’il n’a pas été inscrit dans les quatre mois à comp-ter de la fin des mesures, le droit de gage ne peut être opposé aux tiers qui se sont fondés de bonne foi sur le registre foncier10 ».

L’alinéa 4 apporte la précision suivante au principe énoncé à l’alinéa 3: lorsqu’un droit de gage aura pour objet de garantir le remboursement des frais engagés par le créancier et que le montant de ces frais est supérieur à 1'000 francs, ce droit de gage ne sera opposable aux tiers de bonne foi que s’il a été inscrit dans les quatre mois à compter de la fin des mesures. Initialement fixé à six mois par le Conseil fédéral, ce délai a été raccourci à quatre mois par les Chambres fédérales11.

Il s’agit ici de souligner que le droit de gage subsiste même sans y être ins-crit envers le propriétaire foncier contre lequel la procédure est dirigée, de même qu’envers tout tiers qui ne serait pas de bonne foi12. L’absence d’inscription a pour effet l’inopposabilité du gage et non son inexistence.

D. L’art. 810 CC : dépréciation sans la faute du propriétaire

1. L’alinéa 2

« Toutefois, le créancier est autorisé à prendre des mesures pour parer aux dé-préciations ou pour les empêcher. Les frais lui sont garantis par un droit de gage sur l’immeuble même, mais sans que le propriétaire en soit personnelle-ment tenu. Ce droit de gage naît sans inscription au registre foncier et prime toute charge inscrite sur l’immeuble13 ».

Le contenu de l’alinéa 2 est inchangé. Pour les frais qu’ont engendrés les mesures prises pour parer aux dépréciations ou les empêcher, un droit de gage légal est mis à la disposition du créancier, et ce même si la dépréciation n’est due à aucune faute du propriétaire (toutefois, le propriétaire du gage n’est pas personnellement tenu de la créance garantie)14.

9 FF 2007, p. 5048 ; FF 2009, p. 7949. 10 FF 2009, p. 7949. 11 FF 2007, p. 5049 ; BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610. 12 FF 2007, p. 5048. 13 FF 2009, p. 7949. 14 FF 2007, p. 5048.

Page 87: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

85

2. L’alinéa 3 (nouvellement introduit)

« S’il dépasse 1'000 francs et qu’il n’a pas été inscrit au registre foncier dans les quatre mois à compter de la fin des mesures, le droit de gage ne peut être op-posé aux tiers qui se sont fondés de bonne foi sur le registre foncier15 ».

Cet alinéa nouvellement introduit prévoit, de façon identique à ce qui est prévu par l’art. 808 al. 4 CC, qu’il ne sera possible de faire valoir le droit de gage à l’égard d’un tiers de bonne foi qu’à la condition que ce droit ait fait l’objet d’une inscription au registre foncier dans les quatre mois dès la fin des mesures. Initialement fixé à six mois par le Conseil fédéral, ce délai a été rac-courci à quatre mois par les Chambres fédérales16.

De la même manière que ce qui a été dit au sujet de l’art. 808 al. 4 CC, le gage non inscrit subsiste à l’égard du propriétaire et du tiers de mauvaise foi.

E. L’article 819 CC : garanties pour impenses nécessaires

1. L’alinéa 1

« Les impenses nécessaires que le créancier fait pour la conservation de l’immeuble, notamment en acquittant les primes d’assurance dues par le pro-priétaire, sont garanties par un droit de gage sur l’immeuble. Ce droit de gage naît sans inscription au registre foncier et prime toute autre charge inscrite sur l’immeuble17 ».

Le contenu de l’alinéa 1 ne diffère pas de celui de l’ancien. Par cette dispo-sition, la garantie par gage est étendue, à certaines conditions, aux impenses nécessaires que le créancier gagiste a consenties pour la conservation de l’immeuble mis en gage. Les Chambres ont adopté la proposition du Conseil fédéral sans la modifier18.

2. L’alinéa 2 (nouvellement introduit)

« S’il dépasse 1'000 francs et qu’il n’a pas été inscrit au registre foncier dans les quatre mois à compter de l’accomplissement de l’acte en question, le droit de gage ne peut être opposé aux tiers qui se sont fondés de bonne foi sur le re-gistre foncier19 ».

15 FF 2009, p. 7949. 16 FF 2007, p. 5049 ; BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610. 17 FF 2009, p. 7949. 18 FF 2007, p. 5050 ; BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610. 19 FF 2009, p. 7949.

Page 88: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

86

C’est un délai de quatre mois qui a été retenu par les Chambres fédérales, au détriment du projet du Conseil fédéral, qui prévoyait un délai de six mois20.

De la même manière que ce qui a été dit au sujet des 808 al. 4 et 810 al. 3 CC, nous pouvons dire que le gage non inscrit subsiste à l’égard du proprié-taire et du tiers de mauvaise foi.

F. L’article 823 CC : créancier introuvable

« Lorsque le créancier gagiste ne peut être identifié ou que son domicile est inconnu, le juge peut, sur requête du débiteur ou d’autres intéressés, ordonner les mesures nécessaires dans les cas où l’intervention personnelle du créancier est prévue par la loi et où il y a lieu de prendre d’urgence une décision21 ».

Le droit actuel permet déjà à l’autorité tutélaire de nommer un curateur au créancier dont on ignore le nom ou le domicile. Dorénavant, le juge aura, en sus de la possibilité de désigner un représentant, celle d’ordonner d’autres me-sures appropriées, telles que par exemple celle de délivrer les consentements lorsqu’ils sont nécessaires (dans les cas d’une modification de rang ou d’un dégrèvement). L’actuel alinéa 2 est abrogé, car c’est désormais le nouveau Code de procédure civile suisse qui règle la compétence à raison du lieu22.

Les deux Chambres ont adopté cette disposition dans la teneur proposée par le Conseil fédéral23.

G. L’article 818 alinéa 1, chiffre 3 CC : étendue de la garantie

« Le gage immobilier garantit au créancier :

3. les intérêts de trois années échus au moment de l’ouverture de la faillite ou de la réquisition de vente et ceux qui ont couru depuis la dernière échéance ; la cédule hypothécaire ne garantit au créancier que les intérêts effec-tivement dus24 ».

C’est l’étendue de la garantie qui est visée ici, savoir « le montant à hauteur duquel le gage peut garantir la créance si la réalisation aboutit à un résultat suffisant ». À la différence de l’hypothèque que l’on appelle maximale (prévue

20 BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610. 21 FF 2009, p. 7950. 22 FF 2007, p. 5050. 23 BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610. 24 FF 2009, p. 7949.

Page 89: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

87

à l’art. 794 al. 2 CC), où la somme inscrite correspond au montant maximal à hauteur duquel toutes les prétentions du créancier sont garanties par le gage immobilier, l’hypothèque dite en capital garantit au créancier non seulement le montant du capital inscrit, mais aussi la garantie de certaines créances acces-soires, telles que notamment les intérêts de trois années échus au moment de l’ouverture de la faillite ou de la réquisition de vente ainsi que ceux qui ont couru depuis la dernière échéance (droit de gage sur les intérêts).

La modification de cette disposition réside dans l’ajout de la phrase con-cernant la cédule hypothécaire : « la cédule hypothécaire garantit au créancier uniquement les intérêts effectivement dus ».

Le droit de gage sur les intérêts dans le cas d’une cédule hypothécaire a en effet soulevé quelques problèmes pratiques, en ce sens que le concept de base du législateur se trouve dépassé par la pratique actuelle. Le Conseil fédéral a par conséquent trouvé nécessaire d’effectuer une adaptation.

En droit actuel, en cas de novation, et lorsqu’il n’y a aucune autre créance que celle garantie par la cédule hypothécaire, la situation juridique ne pose pas de problème particulier. Dans cette hypothèse, l’intérêt court dès la constitu-tion ou l’émission de la cédule hypothécaire et le droit de gage se limite à cou-vrir les intérêts de la créance de la cédule hypothécaire. La situation juridique est tout autre, à teneur de la jurisprudence de notre Haute Cour, lorsque la propriété des cédules hypothécaires est transférée à titre de garantie ou de nantissement25. Ce que garantit la cédule hypothécaire dans ces situations, ce sont les intérêts abstraits dus ainsi que les créances de tout genre qui découlent du rapport de base. Les intérêts de la cédule hypothécaire ne peuvent pas seu-lement être exigés pour couvrir les intérêts réellement échus mais aussi pour couvrir la dette en capital, et cela même si la dette d’intérêts proprement dits découlant du rapport de base a déjà été remboursée. De cette façon, des inté-rêts non pas réels, mais purement abstraits ou « comptables », sont admis par le Tribunal fédéral, qui reconnaît que cette manière de calculer les intérêts est équivalente à une augmentation du capital garanti par le gage26.

Notre Haute Cour nomme cela « hypothèque maximale déguisée en hypo-thèque en capital »27. La justification de ce résultat par le Tribunal fédéral ré-side dans le fait que les créanciers gagistes ne subissent aucun désavantage, car ils doivent de toute façon partir du principe que l’art. 818 al. 1 CC s’applique dans ces situations.

25 ATF 115 II 349 ss ; ATF 44 II 252 ss ; ATF 105 III 35 s. 26 ATF cités en n.b.p. 27. 27 ATF 115 II 359.

Page 90: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

88

La présente révision partielle du Code civil ne suit pas cette vision du Tri-bunal fédéral : les créanciers gagistes de rang postérieur doivent pouvoir compter sur le fait que les intérêts ne commencent à courir qu’au moment où la créance de la cédule hypothécaire prend naissance et non pas, fictivement, déjà avant que la cédule hypothécaire ne soit constituée. En outre, ils doivent aussi pouvoir se fier au fait qu’il ne peut être fait usage du droit de gage que pour les intérêts qui ont effectivement pris naissance. C’est la raison de l’ajout de la deuxième partie de phrase à l’al. 1, ch. 328.

III. Les modifications relatives à l’hypothèque

A. L’article 836 CC : hypothèques légales de droit cantonal

Dans le système juridique en vigueur actuellement, les hypothèques légales qui ont pour but de garantir des créances du droit cantonal privé ou public peuvent naître sans devoir faire l’objet d’une inscription au registre foncier, savoir directement de la loi cantonale les instituant. Cette façon de faire a été amplement utilisée par les cantons pour garantir leurs créances, et cela plus particulièrement dans le domaine fiscal.

Cela pose un problème au regard du principe de la publicité du registre foncier, car lorsqu’aucune inscription dans ce dernier n’est prévue par le droit cantonal, il n’y a pas de protection de la bonne foi des tiers. En effet, lorsque des tiers font l’acquisition de droits sur l’immeuble, il est dans leur intérêt d’avoir un moyen d’obtenir des renseignements sur l’existence d’éventuels droits de gage. La nouvelle réglementation permet d’améliorer l’effet de publi-cité du registre foncier, en ayant notamment pour but de protéger les acqué-reurs de bonne foi, et permet ainsi de résoudre le problème des hypothèques légales qui, aujourd’hui, n’apparaissent pas dans le registre foncier29.

1. L’alinéa 1

« Lorsque le droit cantonal accorde au créancier une prétention à l’établissement d’un droit de gage immobilier pour des créances en rapport direct avec l’immeuble grevé, ce droit est constitué par son inscription au re-gistre foncier30 ».

Ainsi, le nouvel alinéa 1 de l’art. 836 CC pose le principe suivant : dans les cas où la loi n’accorde au créancier qu’une prétention à l’établissement d’un

28 FF 2007, pp. 5049 s.; cf. arrêt de la Cour de cassation de Zurich ZR 2009 61 du 16 juillet 2008. 29 FF 2007, pp. 5050 s. 30 FF 2009, p. 7950.

Page 91: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

89

gage immobilier, les hypothèques légales de droit cantonal naissent par l’inscription au registre foncier. Le besoin de publicité des tiers s’en trouve ain-si résolu, car l’inscription a un effet constitutif. La loi prévoit en outre explici-tement qu’il doit exister un rapport direct entre l’immeuble grevé et la créance à garantir ; parmi ces créances, on trouve, entre autres, l’impôt foncier, l’impôt sur les gains immobiliers, les frais de mutation ou les taxes de raccordement. Ce n’est toutefois pas le cas pour l’impôt sur le revenu31.

2. L’alinéa 2

« Si des hypothèques légales dépassant 1'000 francs naissent sans inscription au registre foncier en vertu du droit cantonal et qu’elles ne sont pas inscrites au registre foncier dans les quatre mois à compter de l’exigibilité de la créance sur laquelle elles se fondent ou au plus tard dans les deux ans à compter de la naissance de la créance, elles ne peuvent être opposées, après le délai d’inscription, aux tiers qui se sont fondés de bonne foi sur le registre cier32 ».

Pour les hypothèques légales directes, soit celles qui naissent hors du re-gistre foncier, si elles ne sont pas inscrites dans le délai fixé, elles ne peuvent plus être opposées à un tiers de bonne foi. Seules les hypothèques légales d’un montant supérieur à 1'000 francs par droit de gage sont visées par cette règle ; celles dont le montant ne dépasse pas 1'000 francs en sont exemptées. Le délai de deux ans, même s’il est plus court, permet une publicité du registre foncier ainsi qu’une sécurité du droit accrue33.

Il s’agit ici de souligner que le droit de gage subsiste même sans y être ins-crit envers le propriétaire foncier contre lequel la procédure est dirigée, de même qu’envers tout tiers qui ne serait pas de bonne foi. L’absence d’inscription a pour effet l’inopposabilité du gage et non son inexistence.

Le délai de six mois que le Conseil fédéral prévoyait dans son projet a été ramené à quatre mois par les Chambres fédérales34.

31 FF 2007, p. 5051. 32 FF 2009, p. 7950. 33 FF 2007, p. 5051. 34 BO 2008 E 406 ; BO 2009 N 610.

Page 92: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

90

3. L’alinéa 3

« Les réglementations cantonales plus restrictives sont réservées35 ».

Avec cette disposition, les cantons ont la possibilité d’édicter des règles plus restrictives, en prévoyant par exemple un délai d’inscription plus court ou un plafond moins élevé. Les cantons restent compétents pour ce qui est de la réglementation du rang. Ils peuvent également prévoir la perception d’un émolument pour l’inscription de ces droits de gage.

En ce qui concerne le droit transitoire, c’est l’article 49 al. 2 du Titre final P-CC qui s’applique, aux termes duquel les droits de gage existants qui requiè-rent une inscription au registre foncier devraient faire l’objet d’une telle ins-cription dans le délai prescrit dès que la présente révision sera entrée en force. Ce délai est toutefois prolongé à dix ans en vertu du nouvel art. 44 al. 3 du Titre final P-CC, ce qui permettra d’éviter une surcharge administrative des cantons36.

B. L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Il sied de souligner tout d’abord que, indépendamment du fond, la systéma-tique de la nouvelle réglementation n’est pas heureuse. En effet, il eut été sou-haitable de regrouper les dispositions spécifiques sur l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à l’art. 839 CC.

Quant au fond, il faut dresser le constat suivant : avec la nouvelle régle-mentation, le risque de double paiement se trouve accru, car le cercle des béné-ficiaires éventuels et le délai d’inscription sont étendus37.

1. Le cercle des bénéficiaires

Le nouvel article 837 al. 1 ch. 3 CC a pour texte :

« Peuvent requérir l’inscription d’une hypothèque légale :

3. les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruc-tion de bâtiments ou d’autres ouvrages, au montage d’échafaudages, à la sécu-risation d’une excavation ou à d’autres travaux semblables, sur l’immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l’immeuble ». 35 FF 2009, p. 7950. 36 FF 2007, p. 5051. 37 Hürtimann-Kaup/Steinauer, p. 10.

Page 93: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

91

A teneur de l’article 837 al. 1 ch. 3 CC, cette disposition contient deux mo-difications :

La première concerne la nature de l’activité permettant de requérir une hypothèque légale : la fourniture de matériel et de travail ou de travail sur un immeuble permet de requérir l’inscription d’une hypothèque légale des arti-sans et entrepreneurs non seulement lorsqu’il s’agit de la construction de bâ-timents ou autres ouvrages, mais également quand il s’agit de travaux de dé-molition, de montage d’échafaudages, de sécurisation d’une excavation ou d’autres travaux semblables. Ainsi, un monteur d’échafaudages pourra aussi requérir l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, de même qu’un entrepreneur qui a œuvré à la sécurisation du chantier. Il est important de noter ici que l’expression « ou d’autres travaux semblables » est à comprendre comme se référant aux travaux de démolition, de montage d’échafaudages et de sécurisation d’une excavation, ce qui signifie que d’autres travaux, similaires à ceux-ci, mais pas identiques (par exemple la fouille d’une excavation), peuvent eux aussi faire l’objet d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. A contrario, lorsque la prestation en ques-tion ne tombe pas sous l’un de ces concepts, il n’existe pas de prétention à l’inscription d’une hypothèque légale. Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la signification des termes « ou d’autres travaux semblables » et en a conclu que la formulation en tant que telle était explicite, en ce sens qu’il suffit que le tra-vail sur un immeuble soit en relation avec un projet de construction, un lien physique du travail avec l’immeuble n’étant dès à présent plus exigé38. L’ajout « ou d’autres travaux semblables » devrait ainsi signifier que chaque fourni-ture de matériel et de travail ou de travail seulement sur un immeuble bénéfi-ciera du droit d’inscription à l’hypothèque, si et pour autant qu’il existe un rapport entre cette fourniture et un projet de construction concret. Ce qui pré-cède doit être compris de la manière suivante : d’une part, celui qui fournit du travail sur un immeuble pour un projet de construction jouit du droit à l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, et cela même s’il n’existe pas de lien physique du travail avec l’immeuble. D’autre part, la fourniture de matériel et de travail procure un droit à l’inscription d’une hypothèque dès qu’elle est en rapport avec un projet de construction concret (mais il n’est plus requis que les matériaux travaillés soient spéciale-ment préfabriqués pour une construction)39.

La seconde modification a pour conséquence qu’il est clairement prévu que le droit à l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs n’existe pas seulement lorsque le débiteur est le propriétaire foncier, un artisan

38 Arrêt non publié du Tribunal fédéral 5A_333/2009 du 14 décembre 2009, consid. 6. 39 REETZ, pp. 120-122; CARRON/FELLAY, pp. 13 ss; HÜRLIMANN-KAUP/SCHMID/SCHUMACHER/STEINAUER, Com-

mentaire de l’ATF 136 III 6 in DC 2010, p. 80.

Page 94: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

92

ou un entrepreneur, mais aussi lorsque le débiteur est un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l’immeuble. Ainsi, les entrepreneurs peuvent requérir l’inscription de cette hypothèque aussi dans le cas où ils ont fourni des prestations pour la construction commandée par un locataire ou d’un fermier. Cette protection existe également lorsque les travaux ont été commandés par un usufruitier ou par une personne bénéficiant d’un droit d’habitation sur un immeuble. Cela vise aussi les travaux commandés par un sous-locataire, un sous-sous-locataire, un sous-fermier, un sous-sous-fermier, etc., une personne qui s’est vue céder le droit d’usage de la chose louée ou af-fermée, conformément à l’art. 164 CO, un membre de la famille ou un parte-naire enregistré du locataire ou du fermier, etc., un emprunteur ou une per-sonne autrement liée de manière juridiquement pertinente au propriétaire fon-cier et qui a de la sorte un « droit » sur l’immeuble40.

2. L’accord du propriétaire

Le nouvel article 837 al. 2 CC a pour texte : « Si le débiteur de la créance est un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l’immeuble, les artisans et entrepreneurs n’ont le droit de requérir l’inscription d’une hypo-thèque légale que si le propriétaire foncier a donné son accord à l’exécution des travaux41 ».

Ce nouvel alinéa prévoit que des tiers (par exemple des locataires, des fer-miers, des titulaires de droit d’habitation ou d’usufruit, ou encore les futurs acquéreurs de l’immeuble) peuvent commander des travaux à un artisan ou à un entrepreneur42.

Lorsque les travaux ont été commandés par un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l’immeuble, le droit à l’inscription d’une hypothèque légale est soumis à la condition que le propriétaire foncier ait donné son accord pour l’exécution de tels travaux.

L’exigence d’un accord donné par le propriétaire foncier à l’exécution des travaux correspond à la jurisprudence rendue jusqu’à présent par notre Haute Cour43. Il n’est pas impératif que cet accord soit donné par écrit. Si le proprié-taire foncier a donné son accord, il n’est pas important, pour ce qui est de la légitimité du droit à l’inscription de l’hypothèque légale, que le locataire, le fermier ou l’autre personne ayant un droit sur l’immeuble soit lui-même ou elle-même débiteur, respectivement débitrice, des créances de l’entrepreneur.

40 REETZ, p. 123. 41 FF 2009, p. 7950. 42 FF 2007, p. 5052. 43 ATF 126 III 505 et réf. cit.

Page 95: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

93

En d’autres termes, il existe un droit à l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour des constructions demandées par des loca-taires, des fermiers ou autres, aussi en faveur d’un sous-traitant, et cela malgré le fait que le libellé du nouvel alinéa 2 de l’art. 837 CC paraisse poser comme condition que ce soit le locataire, le fermier ou une autre personne ayant un droit sur l’immeuble qui soit le débiteur44. Le législateur a ici manqué de clar-té, mais c’est de cette manière qu’il convient de comprendre le sens de cette disposition ; cela ressort du rapport systématique entre l’art. 837 al. 2 et l’art. 837 al. 1 ch. 3 CC45.

3. Le délai

Le nouvel article 839 al. 2 CC a pour texte : « L’inscription doit être obtenue au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux46 ».

Le Conseil des Etats a proposé une modification du délai pour procéder à l’inscription prévue à l’alinéa 2, savoir un délai de quatre mois au lieu des trois prévus par la loi47. Lorsque le Conseil national a dû se prononcer sur cette dis-position, il a adopté l’alinéa 2 conformément à la proposition du Conseil des Etats (délai de quatre mois)48.

L’alinéa 2 prévoit ainsi une prolongation du délai pour l’obtention de l’inscription de l’hypothèque. Le texte est aussi plus clair dans la mesure où il est clairement spécifié que l’inscription doit être obtenue et non simplement requise49.

En ce qui concerne le droit transitoire, la solution se trouve dans les règles générales posées par l’art. 1 al. 1 et l’art. 2 du Titre final CC : le fait décisif est l’achèvement des travaux. Par conséquent, si les travaux sont achevés avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, c’est le délai de trois mois (en vertu du droit actuel) qui s’applique. Le délai de quatre mois s’appliquera aux travaux achevés après l’entrée en vigueur du nouveau droit50.

44 CARRON/FELLEY, pp. 9 ss. 45 REETZ, pp. 123 s. 46 FF 2009, p. 7951. 47 BO 2008 E 406. 48 BO 2009 N 610. 49 PFÄFFLI/BYLAND, Zur Revision des Immobiliarsachenrechts, RSJ 107/2011, p. 232. 50 REETZ, pp. 124 s. ; voir de manière exhaustive, SCHUMACHER, pp. 26-29.

Page 96: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

94

4. L’objet de l’inscription

Le nouvel article 839 al. 3 CC a pour texte : « Elle n’a lieu que si le montant du gage est établi par la reconnaissance du propriétaire ou par le juge ; elle ne peut être requise si le propriétaire fournit des sûretés suffisantes au cier51 ».

La modification de l’alinéa 3 réside dans la substitution du terme de « montant du gage » à celui de « créance ». Cela est logique, compte tenu de la nature du procédé de l’inscription : il s’agit en effet ici toujours de l’inscription d’un droit réel, et non de l’attribution d’une créance52.

5. Le patrimoine administratif

a) Les nouveaux alinéas 4, 5 et 6

Les nouveaux alinéas 4, 5 et 6 de l’art. 839 CC prévoient une responsabilité de la communauté (Etat, cantons, communes, établissements publics, etc., ci-après l’Etat) selon les dispositions sur le cautionnement simple (art. 492 ss CO), lors-que des travaux sont effectuées sur un immeuble faisant partie du patrimoine administratif de l’Etat et où des créances restent impayées.

Le législateur distingue deux cas : celui, prévu par l’alinéa 4, de l’immeuble qui fait incontestablement partie du patrimoine administratif, de celui, prévu aux alinéas 5 et 6, dans lequelle l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif est contestée. Les conséquences juridiques ne sont évidemment pas les mêmes selon que l’on se trouve dans la première ou dans la deuxième hypothèse. Il existe toutefois une base commune aux deux53.

b) Base commune aux trois alinéas

En premier lieu, l’immeuble en question doit faire partie du patrimoine admi-nistratif, soit que ce point est incontesté depuis le début (al. 4), soit que cela soit confirmé par la suite (al. 5 et 6)54.

Ensuite, il faut que la dette du propriétaire (étatique) de l’immeuble ne ré-sulte pas de ses obligations contractuelles (nouveaux alinéas 4 et 6). Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que les entrepreneurs qui sont en relation con-tractuelle avec l’Etat n’ont aucune prétention contre lui découlant du caution-nement simple. En effet, une telle responsabilité étatique n’est pas nécessaire

51 FF 2009, p. 7951. 52 FF 2009, p. 7951 ; REETZ, p. 125. 53 REETZ, p. 125 s. 54 REETZ, p. 126.

Page 97: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

95

du fait de l’existence de relations contractuelles entre l’entrepreneur et l’Etat, puisque dans ce cas l’entrepreneur peut faire valoir ses prétentions contrac-tuelles directement contre l’Etat et qu’une insolvabilité de ce dernier n’est pas à craindre55.

Cela signifie en revanche que lorsque l’entrepreneur n’est pas en relation contractuelle avec l’Etat, ce dernier répondra toujours envers lui en vertu des dispositions du cautionnement simple. Il sied toutefois de préciser que les sous-traitants ne sont pas les seuls à pouvoir faire valoir les prétentions décou-lant du cautionnement simple contre l’Etat, mais que les entrepreneurs géné-raux mandatés directement par un locataire ou un fermier d’un patrimoine administratif ont aussi cette possibilité. De tels entrepreneurs uniques, manda-tés par des locataires ou fermiers de patrimoine administratif disposent donc, dans des conditions données, de droits découlant du cautionnement simple contre l’Etat aussi lorsque le partenaire contractuel n’est pas l’Etat mais un tiers (locataire ou fermier de patrimoine administratif)56. Ainsi, la chaîne des possibles et potentiels entrepreneurs qui pourraient bénéficier de prétentions à l’égard de l’Etat est infinie et presque imprévisible pour l’Etat57.

En dernier lieu, l’Etat ne répond en vertu des règles sur le cautionnement simple (art. 492 ss CO) que pour des créances qui ont été reconnues ou consta-tées par jugement (alinéas 4 et 6).

La responsabilité de l’Etat en vertu des dispositions sur le cautionnement simple suppose que l’Etat ait reconnu lui-même la créance de rémunération de l’ouvrage ; au contraire, la seule reconnaissance par le débiteur lui-même ne peut pas créer la responsabilité légale de l’Etat. Avec une telle reconnaissance, l’Etat ne se rend cependant pas lui-même débiteur de la créance du sous-traitant, mais ne fait que reconnaître que cette créance – qui existe contre le débiteur tiers – existe aussi d’un point de vue étatique. C’est seulement une fois que l’Etat fait une telle « déclaration de reconnaissance » qu’il répond en-vers le sous-traitant en vertu des règles sur le cautionnement simple pour la créance en paiement qui existe contre le tiers débiteur. En l’absence de cette reconnaissance, le sous-traitant prétendument ayant droit devra entamer un procès contre l’Etat, lors duquel il devra demander la constatation de l’existence de sa créance en paiement contre le tiers débiteur de cette créance, ainsi que de son montant. Lors de ce procès, l’Etat pourra aussi élever des ex-ceptions ou objections contre le sous-traitant, qui n’auraient pas été soulevées par le débiteur effectif ou qu’il n’aurait pas fait valoir, et l’Etat n’est pas lié par des promesses ou garanties que le débiteur effectif aurait faites au sous- 55 CARRON/FELLEY, pp. 27 ss. 56 Pour la suite de cet article, nous nous référons uniquement au sous-traitant de façon à en alléger la

lecture, mais ce qui y est dit est valable également pour les autres ayants droit. 57 REETZ, p. 126.

Page 98: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

96

traitant. À défaut d’une base juridique, l’Etat n’a pas à se laisser imputer ou opposer un comportement du débiteur58.

c) L’appartenance au patrimoine administratif

Le fait de savoir si un immeuble fait « incontestablement partie du patrimoine administratif » ou non doit faire l’objet d’une analyse qui se base sur les cir-constances concrètes du cas d’espèce. Conformément aux règles générales, aussi longtemps que ni l’Etat, ni le sous-entrepreneur, ne fait de déclaration contraire ou correspondante, il faut partir du principe que l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif est contestée au sens de l’art. 839 al. 5 CC. Pour que l’art. 839 al. 4 CC s’applique, l’Etat doit expliquer au sous-traitant que l’immeuble fait partie de son patrimoine administratif, et cela avant une éventuelle inscription d’une hypothèque légale des artisans et en-trepreneurs. Ensuite, pour que l’immeuble puisse être qualifié de manière adéquate comme faisant partie du patrimoine administratif, il est nécessaire que l’entrepreneur, de son côté, accepte une « déclaration d’appartenance » de la part de l’Etat. Cette acceptation du sous-traitant, qui entraîne pour lui la perte de son droit à l’inscription d’une hypothèque légale, ne peut avoir lieu tacitement. Si l’entrepreneur n’accepte pas ou ne conteste pas de manière ex-plicite cette « déclaration d’appartenance » de la part de l’Etat, il sera considéré que l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif est contestée. Dès lors, l’art. 839 al. 4 CC ne s’appliquera pas. Le sous-entrepreneur est donc libre, cas échéant, de requérir une inscription provisoire d’hypothèque légale au registre foncier dans le délai de quatre mois, conformément à l’alinéa 5. En effet, dans le cas où il n’y a ni « déclaration d’appartenance » de la part de l’Etat, ni acceptation de celle-ci de la part du sous-traitant (voire les deux), les alinéas 5 et 6 sont applicables et le délai ne peut être sauvegardé que par une inscription provisoire59.

d) L’alinéa 4

« Si l’immeuble fait incontestablement partie du patrimoine administratif et que la dette ne résulte pas de ses obligations contractuelles, le propriétaire ré-pond envers les artisans et les entrepreneurs des créances reconnues ou cons-tatées par jugement, conformément aux règles sur le cautionnement simple, pour autant que les créanciers aient fait valoir leur créance par écrit au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux en se prévalant du cautionnement légal60 ».

58 REETZ, pp. 126 s. 59 REETZ, p. 129. 60 FF 2009, p. 7951.

Page 99: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

97

Cet alinéa vise l’hypothèse dans laquelle l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif n’est pas contestée. Deux conditions s’ajoutent aux trois éléments analysés ci-dessus.

En premier lieu, le sous-traitant doit faire valoir la créance contre l’Etat, même si cela ne ressort pas expressément du texte légal, en indiquant la hau-teur de la créance, y inclus un éventuel intérêt courant. Il résulte de cela qu’une augmentation ultérieure du montant de la créance est exclue. En d’autres termes, ce qui n’est pas invoqué dans le délai de quatre mois ne peut plus l’être ensuite61.

Enfin, la déclaration doit revêtir la forme écrite qualifiée, savoir selon la loi « par écrit en se prévalant du cautionnement légal ». Le sous-traitant doit res-pecter la forme écrite conformément aux art. 12 ss CO. En ce qui concerne le cautionnement légal, il suffit – mais c’est indispensable – que le sous-entrepreneur fasse usage du terme « cautionnement » dans sa déclaration62.

e) Les alinéas 5 et 6

L’hypothèse visée ici est celle dans laquelle l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif est contestée.

i. L’alinéa 5

« Si l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif est contestée, l’artisan ou l’entrepreneur peut requérir une inscription provisoire de son droit de gage au registre foncier au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux63 ».

Dans un tel cas, le sous-entrepreneur a la possibilité de demander, dans un délai de quatre mois dès l’achèvement des travaux, l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Il s’agit là d’une codifi-cation de la pratique des tribunaux64, selon laquelle, en cas de doute, les hypo-thèques d’artisans ou d’entrepreneurs sont inscrites provisoirement. Ainsi, lorsqu’existe un litige entre les parties quant au fait de savoir si l’immeuble dont il est question fait partie du patrimoine administratif, le tribunal ne doit pas refuser l’inscription provisoire au motif qu’il est possible que l’immeuble concerné fasse partie du patrimoine administratif. Au contraire, au stade de la procédure d’inscription provisoire, une hypothèque légale doit toujours être

61 REETZ, p. 128. 62 REETZ, pp. 128 s. 63 FF 2009, p. 7951. 64 ATF 5P.291/2002.

Page 100: Conference Proceedings - UNIGE

ANTOINE EIGENMANN

98

inscrite si seul l’Etat revendique l’appartenance au patrimoine administratif ou l’objecte.

Ainsi, lorsque ni l’Etat, ni le sous-entrepreneur, n’a fait de déclaration con-cernant l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif, celle-ci doit toujours être considérée comme litigieuse. Dans le doute, le sous-entrepreneur doit sauvegarder le délai de quatre mois en procédant à une inscription provi-soire. Il est exclu d’augmenter par la suite la somme constatée par l’inscription provisoire, et ce qui n’a pas été inscrit dans le délai de quatre mois est « per-du » et ne peut plus être demandé par le sous-entrepreneur plus tard. L’Etat ne répond pas de ce qui n’a pas fait l’objet d’une inscription provisoire. Si, après l’inscription, l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif de-vient incontestée, le délai de quatre mois est dans tous les cas sauvegardé par l’inscription provisoire. Il n’est pas indispensable que le sous-traitant, dans le cadre de l’inscription provisoire du gage envers l’Etat, ait revendiqué en plus la créance contre le tiers débiteur par écrit et avec l’indication du cautionne-ment légal, car selon le concept du législateur, quand il y a contestation sur l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif, l’inscription provi-soire remplace la revendication écrite de la créance avec indication du cau-tionnement légal65.

ii. L’alinéa 6

« S’il est constaté sur la base d’un jugement que l’immeuble fait partie du pa-trimoine administratif, l’inscription provisoire du gage est radiée. Pour autant que les conditions prévues à l’al. 4 soient remplies, le cautionnement légal la remplace. Le délai est réputé sauvegardé par l’inscription provisoire du droit de gage66 ».

Cette disposition prévoit que l’inscription doit être radiée si l’appartenance de l’immeuble au patrimoine administratif est constatée par jugement. Dans ce cas, la demande d’inscription définitive doit être rejetée aux frais du sous-entrepreneur, car le droit à une inscription définitive sera jugé inexistant. Con-trairement au droit en vigueur jusqu’à présent, le sous-entrepreneur n’est donc pas a priori « perdu », car à la place de son inscription provisoire radiée et pour autant bien sûr que les deux conditions de l’alinéa 4 soient remplies (pas d’obligation résultant des obligations contractuelles et reconnaissance ou cons-tatation des créances par jugement), il bénéficiera de la responsabilité de l’Etat découlant du cautionnement légal. Le délai de quatre mois est ici aussi sauve-gardé67.

65 REETZ, pp. 130 s. 66 FF 2009, p. 7951. 67 REETZ, pp. 130 s.

Page 101: Conference Proceedings - UNIGE

Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers

99

IV. Conclusion

La révision dans le domaine des droits de gage immobilier pour les sujets trai-tés ci-dessus était très largement souhaitable et clarifie les droits et obligations de chacun. De plus, la sécurité du droit est renforcée compte tenu de la publici-té accrue.

Il restera à examiner comment la pratique va se développer, notamment en ce qui concerne les hypothèques légales indirectes que le créancier gagiste peut faire valoir lorsqu’il entreprend des démarches pour assurer la valeur de son gage. En effet, il faut souhaiter que les tribunaux ne soient pas plus chargés qu’actuellement parce que le propriétaire du gage contesterait l’inscription.

Page 102: Conference Proceedings - UNIGE
Page 103: Conference Proceedings - UNIGE

101

La cédule décédulisée

BÉNÉDICT FOËX

Professeur à l’Université de Genève

Introduction

Fort attendue, la cédule hypothécaire de registre est l’une des grandes nou-veautés de la réforme des droits réels immobiliers votée par les Chambres fé-dérales le 11 décembre 2009 et entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

Le présent article commence par quelques remarques sur la notion de cé-dule hypothécaire de registre (I) et sur le droit qui est applicable à celle-ci (II). Il s’intéresse ensuite à la constitution (III) et aux effets (IV) de cette nouvelle forme de gage mobilier. Il aborde ensuite le remboursement de la créance cé-dulaire et le remploi de la cédule de registre (V) avant de s’achever par une brève remarque de droit transitoire (VI).

I. Notion de cédule hypothécaire de registre

A. Une cédule hypothécaire

La nouvelle version de l’art. 793 al. 1 CC prévoit que « le gage immobilier peut être constitué sous la forme d’une hypothèque ou d’une cédule hypothécaire ». Quant au nouvel art. 843 CC, il précise que « la cédule hypothécaire prend la forme d’une cédule hypothécaire de registre ou d’une cédule hypothécaire sur papier ». En d’autres termes, la cédule de registre est une sous-forme de cédule hypothécaire. C’est une cédule hypothécaire qui présente certaines particulari-tés.

Comme toute cédule hypothécaire, la cédule de registre est une « créance personnelle garantie par un gage immobilier » (art. 842 al. 1 CC). Il s’agit donc d’une créance personnelle : le débiteur en répond (subsidiairement) sur tous

Page 104: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

102

ses biens1. Il s’agit en outre d’une créance nouvelle2, qui vient s’ajouter à la créance (dite « de base » ou « causale »3) qui existait le cas échéant déjà entre les parties. Cette créance personnelle nouvelle - on l’appelle créance « cédu-laire » (ou « abstraite »)4 - est garantie par gage immobilier : le créancier ga-giste peut faire réaliser l’immeuble grevé et se payer par préférence sur le pro-duit de la réalisation (art. 816 al. 1 et 817 CC) si la créance cédulaire ne lui est pas payée lorsqu’elle devient exigible. La cédule hypothécaire (de registre) est donc constituée d’un droit personnel tendant au paiement d’une somme d’argent (en monnaie suisse ; cf. art. 794 al.1 CC), garanti par un droit réel de réalisation ; ces deux droits sont indissolublement liés : l’un ne peut exister sans l’autre et ils partagent une « communauté de destin » juridique5.

B. Une cédule rajeunie

Le nouveau droit a emporté des modifications qui s’appliquent aux deux formes de cédules hypothécaires. De ce point de vue, la cédule de registre, comme la cédule sur papier du nouveau droit, est une cédule rajeunie ou mo-difiée, par rapport aux cédules hypothécaires de l’ancien droit.

Ainsi, on peut signaler en premier lieu que le nouvel art. 842 al. 2 CC pré-voit que « sauf convention contraire la créance résultant de la cédule hypothé-caire coexiste, le cas échéant, avec la créance à garantir issue du rapport de base entre le créancier et le débiteur ». Cette disposition remplace l’ancien art. 855 al. 1, qui prévoyait au contraire que la constitution d’une cédule hypothé-caire éteint sauf convention contraire la créance de base. En d’autres termes, à la présomption de novation de l’ancien droit succède la présomption de la coexistence des créances cédulaire et de base6 : la loi présume en d’autres termes que les cédules hypothécaires font l’objet d’une utilisation à titre fidu-ciaire7.

Une autre modification importante résulte d’une adjonction à l’art. 818 al. 1 ch. 3 CC. Cette disposition prévoit, comme par le passé, que le gage immobi-lier garantit au créancier « les intérêts de trois années échus au moment de l’ouverture de la faillite ou de la réquisition de vente et ceux qui ont couru de-puis la dernière échéance ». Mais le législateur a ajouté une précision, qui ré-duit la portée de cette règle, s’agissant des cédules hypothécaires : « la cédule 1 STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 271 ; STAEHELIN, n. 3 ad art. 842. 2 STAEHELIN, n. 1 ad art. 842. 3 ATF 136 III 288/291. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, pp. 270 et 273. 4 ATF 136 III 288/291. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 270. 5 STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 272 s. ; STAEHELIN, n. 10 ad art. 842. 6 STAEHELIN, n. 43 ad art. 842. 7 Cf. notamment : STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 283 ; STEINAUER, Les nouvelles règles, p.

357 ; STAEHELIN, Register-Schuldbrief, p. 210.

Page 105: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

103

hypothécaire ne garantit au créancier que les intérêts effectivement dus ». En d’autres termes, dans la réalisation, la cédule hypothécaire ne garantit désor-mais plus au créancier que les intérêts pratiqués par les parties, facturés par le créancier au débiteur (dans la limite du taux d’intérêts inscrit au registre fon-cier)8.

Enfin, on peut rappeler que le nouveau droit a supprimé les compétences cantonales en matière de cédules hypothécaires9. Les cantons ne peuvent donc plus prescrire l’estimation des immeubles devant être grevés par une cédule hypothécaire (art. 843 al. 1 aCC). Par ailleurs, ils n’ont plus la faculté d’édicter des dispositions relatives à la dénonciation au remboursement de la créance cédulaire (art. 844 al. 2 aCC) : le délai de dénonciation est désormais le même pour toute la Suisse, à savoir six mois pour la fin d’un mois (art. 847 al. 1 CC) ; les parties ont toutefois la faculté de convenir d’une autre solution, dans les limites prévues à l’art. 847 al. 2 CC.

C. Une cédule dématérialisée

La cédule de registre est une cédule sans titre. Le nouvel art. 860 CC prévoit qu’« un titre est délivré pour toute cédule hypothécaire sur papier inscrite au registre foncier »10. On peut en tirer a contrario qu’un titre n’est pas émis lors de la constitution d’une cédule hypothécaire de registre. La cédule de registre n’est donc ni constatée par un titre, ni incorporée dans un papier-valeur11.

On a reproché aux cédules hypothécaires d’être incorporées dans un pa-pier-valeur : elles font l’objet de toutes sortes de manipulations (envois entre les parties, les notaires et les bureaux du registre foncier), elles se perdent, leur conservation est coûteuse, etc.12 On réclamait donc l’introduction d’un gage immobilier dématérialisé. Et au lieu de moderniser l’hypothèque, le législateur a créé de toutes pièces un nouveau gage sans titre, en défroquant la cédule hy-pothécaire. Mais ce faisant, il n’a même pas pris la peine de rebaptiser ce gage, dont le nom fait précisément référence à un titre, dans les trois langues (cédule hypothécaire, Schuldbrief, cartella ipotecaria)13. La cédule de registre est une cédule sans cédule, une cédule décédulisée.

8 Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 67 (note 51) ; FOËX, Le nouveau droit, p. 8. Sur les

difficultés d’interprétation de cette règle, voir notamment : STAEHELIN, n. 16 ss ad art. 846. 9 Cf. par exemple : STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 65 s. 10 Voir aussi l’art. 144 ORF. 11 L’inscription d’une cédule de registre au registre foncier peut naturellement être attestée par la

délivrance d’un extrait du registre foncier ; cf. art. 149 ORF. 12 Cf. à cet égard Message, p. 5020 (qui se réfère à la motion du Conseiller national F. Schiesser ten-

dant à l’introduction d’une cédule hypothécaire dématérialisée). 13 Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 69 ; STAEHELIN, n. 2 ad art. 843.

Page 106: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

104

D. Une cédule immobilisée

La cédule de registre étant dématérialisée, elle est aussi - par voie de consé-quence, en quelque sorte - un gage dont l’existence est étroitement liée au re-gistre foncier : puisqu’il n’y pas de titre, la cédule de registre se matérialise par le registre foncier. Sa constitution nécessite l’inscription au registre foncier, naturellement (art. 857 al. 1 CC), mais il en va de même de son transfert (art. 858 al. 1 CC) et de son grèvement par gage ou usufruit (art. 859 al. 1 et 3 CC) : contrairement à sa sœur aînée (la cédule sur papier), la cédule de registre ne peut pas changer de mains comme une chose mobilière : c’est une cédule immobilisée.

II. Droit applicable

Le nouveau droit ne consacre que trois dispositions à la cédule de registre : il s’agit des art. 857 à 859 CC. Mais cette réglementation est complétée par les art. 842 à 856 CC, qui s’appliquent aux deux formes de cédules hypothécaires. En outre, comme sous l’ancien droit14, le Code civil déclare applicables aux cédules hypothécaires certaines dispositions relatives à l’hypothèque (cf. art. 844 al. 1 et 845 CC). Par ailleurs, les dispositions générales du droit de gage immobilier (art. 793 à 823 CC) s’appliquent aux cédules de registre comme aux autres formes de gage immobilier. Enfin, il ne faut pas oublier que la nouvelle Ordonnance sur le registre foncier, également entrée en vigueur le 1er janvier 2012, renferme un certain nombre de dispositions applicables en la matière15.

III. Constitution de la cédule de registre

La loi mentionne trois manières de constituer une cédule hypothécaire de re-gistre : par contrat, par acte juridique unilatéral et par transformation.

A. Constitution par contrat

Le contrat constitutif de cédule de registre doit être revêtu de la forme authen-tique (art. 799 al. 2 CC). Ce contrat doit renfermer au titre d’éléments objecti-vement essentiels l’indication des parties (à savoir, le constituant et le créan-cier), l’obligation de constituer le gage, la désignation de l’immeuble grevé et la détermination de la créance cédulaire16. La question de savoir si l’indication du type de cédule hypothécaire (de registre ou sur papier) constitue également

14 Cf. les art. 845 al. 2 et 846 aCC. 15 Voir notamment les art. 72 à 74, 101 à 108 et 149 ORF. 16 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 363. Voir aussi : SCHMID, Notarielle Aspekte, p. 365.

Page 107: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

105

un élément objectivement essentiel est controversée17 ; si, en bonne théorie, on peut concevoir que le contrat soit valable sans cette précision (les parties se contentant de convenir de la constitution d’une cédule hypothécaire, voire uniquement d’un gage immobilier)18, il paraît néanmoins vivement conseillé d’indiquer expressément dans le contrat la forme que doit revêtir le gage à constituer. Le créancier prudent veillera en outre à exiger que la convention renferme une reconnaissance de la dette cédulaire valant titre de mainlevée au sens de l’art. 82 LP19.

Le contrat conclu, il incombe au constituant de requérir l’inscription au re-gistre foncier (art. 963 al. 1 CC). La cédule de registre naît ensuite par l’inscription au registre foncier (art. 857 al. 1 et art. 799 al. 1 CC), qui produit donc un effet constitutif ainsi que l’effet rétroactif prévu à l’art. 872 al. 2 CC20. Si les parties sont convenues de conventions accessoires au sens de l’art. 846 al. 2 CC, elles doivent ressortir de l’inscription (par le biais d’une observation ; art. 106 al. 1 ORF) pour être opposables aux tiers de bonne foi (art. 849 al. 2 CC)21 ; alternativement, les parties à l’acte constitutif peuvent se contenter de renvoyer à une convention séparée (art. 846 al. 2 CC), auquel cas il suffit que l’observation signale l’existence de la convention séparée pour que les clauses qu’elle renferme soient opposables aux tiers de bonne foi22.

L’inscription doit préciser qu’il s’agit d’une cédule de registre et non d’une cédule sur papier (art. 101 al. 2 lit. c ORF) et doit indiquer le nom du créancier (art. 857 al. 2 CC) : il n’est pas possible de créer une cédule de registre au por-teur. Naturellement, l’inscription doit également préciser le montant de la créance cédulaire (art. 101 al. 2 lit. e ORF). De façon fort regrettable, ni le Code civil ni l’ORF n’exigent que l’inscription révèle le nom du débiteur23 ; dans ces conditions, l’extrait du registre foncier relatif à une cédule de registre (art. 149 ORF) ne vaut donc pas titre de mainlevée en ce qui concerne la créance cédu-laire24.

17 Pour l’affirmative: HAAS, p. 307 ; SCHMID, Notarielle Aspekte, p. 365. Contra: WEISS, p. 112. 18 Voir par exemple: KAMERZIN, p. 282. 19 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 362 ; STEINAUER, Le débiteur, p. 228 s. ; FOËX, Le nouveau droit,

p. 18 s. Voir aussi : STAEHELIN, n. 5 ad art. 857. 20 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 359 ; STAEHELIN, n. 1 ad art. 857. 21 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 364. 22 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 364. 23 STAEHELIN, n. 5 ad art. 857 (qui précise que le droit fédéral n’interdit en revanche pas aux cantons

de prévoir que l’inscription fournira cette indication) ; STEINAUER, Le débiteur, p. 226. 24 STAEHELIN, n. 5 ad art. 857 ; FOËX, Le nouveau droit, p. 19.

Page 108: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

106

B. Constitution par acte juridique unilatéral

La cédule hypothécaire de registre peut également être constituée par acte ju-ridique unilatéral : le constituant créée la cédule en sa propre faveur et non pas en faveur d’un tiers créancier. Cet acte juridique unilatéral doit être revêtu de la forme authentique (art. 799 al. 2 CC). Cet acte doit au minimum contenir les indications suivantes : identification du constituant, immeuble à grever, mon-tant de la créance cédulaire, type de cédule hypothécaire à créer. Il est souhai-table qu’il renferme également une reconnaissance de la dette cédulaire éma-nant du débiteur de celle-ci25. L’acte unilatéral peut également contenir des conventions accessoires au sens de l’art. 846 al. 2 CC ou renvoyer à une con-vention accessoire.

La cédule de registre est inscrite au registre foncier, au nom du proprié-taire même (art. 857 al. 2 CC) et sur réquisition émanant de celui-ci. L’inscription produit ici aussi un effet constitutif (art. 857 al. 1 CC) et rétroagit au moment où la réquisition a été portée au journal du registre foncier (art. 972 al. 2 CC)26.

C. Constitution par transformation

La cédule de registre peut être constituée par transformation d’un gage immo-bilier existant. Un acte authentique est alors nécessaire, même si le titulaire du gage en cause est le propriétaire de l’immeuble grevé (art. 73 ORF). Le consen-tement écrit des tiers intéressés (débiteur, titulaires de droits réels limités gre-vant le gage immobilier) est nécessaire (art. 964 CC)27 ; seule la déclaration du propriétaire de l’immeuble grevé doit être revêtue de la forme authentique28. La transformation nécessite une modification de l’inscription au registre fon-cier, avec indication du fait que le gage est désormais une cédule de registre et indication du nom du créancier (art. 107 ORF).

Cela étant, l’art. 33b Tit. fin. CC prévoit une procédure de transformation dite « simplifiée » (cf. art. 74 ORF) permettant de convertir les cédules hypo-thécaires de l’ancien droit en cédules hypothécaires de registre : une simple réquisition écrite est alors suffisante, pourvu qu’elle émane de l’ensemble des ayants droits (propriétaire de l’immeuble grevé, créancier, titulaires de droits réels limités grevant la cédule, mais non le débiteur29).

25 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 362. 26 STAEHELIN, n. 1 ad art. 857. 27 FOËX, La cédule, p. 349. 28 STAEHELIN, n. 5 ad art. 844. 29 Cf. à cet égard les critiques justifiées de D. Piotet, La nouvelle cédule, p. 11 s.

Page 109: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

107

On notera enfin que, selon le Message du Conseil fédéral, la cédule hypo-thécaire émanant d’une transformation simplifiée conserve le rang de la cédule hypothécaire de l’ancien droit qu’elle remplace30 ; il ne s’agirait donc pas de la constitution d’un nouveau droit de gage31, mais de la modification d’un gage existant. On peut se demander si la cédule de registre issue d’une transforma-tion ordinaire (par acte authentique) conserve également le rang du gage qu’elle remplace ; la doctrine répond par l’affirmative32.

IV. Effets de la cédule de registre

A. Généralités

Un fois constituée, la cédule hypothécaire produit les effets de tout gage im-mobilier (cf. notamment les art. 805, 807, 818 et 816 CC). Dûment inscrite, la cédule hypothécaire bénéficie en outre de la foi publique du registre foncier : l’inscription fait foi de l’existence du gage (art. 848 CC), de l’existence de la créance cédulaire (art. 848 CC), du montant de la créance cédulaire (art. 852 al. 3 CC) et de la personne du créancier33.

En revanche, nous l’avons vu, la constitution d’une cédule hypothécaire (de registre) ne produit sauf convention contraire pas d’effet novatoire de la créance de base34 qui existe le cas échéant entre les parties. Les deux créances, créance de base et créance cédulaire coexistent (art. 842 al. 2 CC). Le législateur est parti du principe que les cédules hypothécaires du nouveau droit feraient l’objet d’une utilisation à titre fiduciaire ; le créancier gagiste est pleinement titulaire de la cédule, mais il doit faire de celle-ci un usage limité, conforme au but poursuivi par l’opération : garantir la créance de base, qui subsiste et qui fait référence en quelque sorte entre les parties35.

Mais si le législateur a voulu consacrer ainsi la fiducie, il n’a fait son travail qu’à moitié : il a affirmé qu’il y avait coexistence des créances, mais il n’a presque rien dit du régime juridique de la fiducie qu’il introduisait ainsi. Par exemple, le titulaire d’une cédule de registre reçue à titre de garantie assume-t-il l’obligation de retransférer la cédule au fiduciant si la créance de base lui est remboursée ? La loi ne le prévoit pas ; mais cette obligation découle du carac-

30 Message, p. 5072. 31 Message, p. 5072. 32 STAEHELIN, n. 5 ad art. 844, n. 6 ad art. 843 et n. 31 ad art. 842 ; PFÄFFLI / BYLAND, p. 91. 33 Cf. STAEHELIN, n. 6 s. ad art. 848; WEISS, p. 144; FOËX, Le nouveau droit, p. 11. 34 Cf. supra, I.B. 35 Cf. notamment : STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 283 ; STEINAUER, Les nouvelles règles,

p. 357 ; STAEHELIN, n. 46 ad art. 842 ; STAEHELIN, Register-Schuldbrief, p. 210 s.

Page 110: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

108

tère fiduciaire de l’opération36. De même, le titulaire de la cédule peut-il dé-noncer la cédule hypothécaire au remboursement, alors même que le débiteur exécute régulièrement ses obligations résultant de la créance de base ? La ré-ponse est négative37 (sauf convention contraire), mais la loi ne le dit pas.

Il importe donc que les parties veillent à régler, par une convention de fi-ducie, leurs droits et obligations réciproques ; à tout le moins devraient-elles convenir que le créancier s’engage à ne pas faire de la cédule un usage qui aille au-delà de ce que requiert la garantie de la créance de base. A défaut, il restera au débiteur à tenter de démontrer que ces limitations des droits du créancier résultent implicitement de l’art. 842 al. 2 et 3 CC ; il faudra donc en quelque sorte déduire de la coexistence des deux créances, une limitation des facultés du créancier38.

B. Transfert

Le transfert de la cédule hypothécaire de registre suppose la réunion de trois conditions. En premier lieu, les parties doivent passer un contrat, générateur de l’obligation de transférer la cédule. La loi ne soumet pas ce contrat au res-pect d’une forme particulière ; c’est donc le principe de la liberté de la forme qui s’applique (art. 11 al. 1 CO)39. Ce contrat de transfert doit être valable, le principe de causalité s’appliquant au transfert des cédules de registre40.

Le titulaire de la cédule doit ensuite requérir l’inscription du transfert au registre foncier (art. 104 al. 1 ORF) ; cette « déclaration écrite » (art. 858 al. 1 CC) est suivie de l’inscription du cessionnaire comme nouveau créancier. Cette inscription opère le transfert de la cédule de registre (art. 858 al. 1 CC), avec l’effet rétroactif de l’art. 972 al. 2 CC41.

Naturellement, il peut également arriver qu’une cédule de registre change de titulaire extra tabulas, par exemple par l’effet d’un jugement ou par succes-sion universelle42. C’est alors l’acquéreur qui requiert lui-même sa propre ins-cription au registre foncier comme nouveau créancier et l’inscription est décla-rative.

36 Cf. par exemple: STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 285. 37 STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 285 s. 38 Cf. à cet égard P.-H. Steinauer, Les nouvelles dispositions, p. 285, qui indique que le régime de

l’utilisation à titre fiduciaire des cédules hypothécaires « peut se déduire de la notion même de ga-rantie fiduciaire et devra, au besoin, être défini par les tribunaux ».

39 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 367 ; STAEHELIN, n. 9 ad art. 858 ; etc. Voir cependant PIOTET, La nouvelle cédule, p. 15.

40 Cf. notamment : STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 367 ; STAEHELIN, n. 15 ad art. 858. 41 WOLF / KERNEN, p. 372. 42 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 365, note 37 ; STAEHELIN, n. 30 ad art. 858.

Page 111: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

109

Cela étant, le nouveau droit contient une règle qui devrait amener le ces-sionnaire à être particulièrement prudent en cas de transfert de cédule hypo-thécaire ; c’est l’art. 842 al. 3 CC, qui prévoit que « le débiteur reste libre, s’agissant de la créance qui résulte de la cédule, de faire valoir les exceptions personnelles issues du rapport de base à l’égard du créancier et de ses succes-seurs, s’ils ne sont pas de bonne foi ». En d’autres termes, le débiteur de la créance cédulaire peut faire valoir les exceptions découlant de ses relations avec le créancier gagiste (à savoir non seulement le contrat de prêt, par exemple, mais aussi la convention de fiducie43) tant envers ce créancier et ses éventuels successeurs universels44, qu’à l’égard des successeurs à titre particu-lier du créancier gagiste, s’ils sont de mauvaise foi45.

Ainsi, on peut se demander si le débiteur peut par exemple opposer au cessionnaire de la cédule l’exception tirée du fait que le montant de la créance de base (ex. : prêt de Frs 100'000) est inférieur au montant de la créance cédu-laire (Frs 150'000)46. A première vue, la réponse est négative : la créance de base est issue d’un contrat auquel il n’est pas partie et qui ne lui est pas oppo-sable en tant que tel. Il y a toutefois lieu de tenir compte du fait que l’art. 842 al. 2 CC prévoit désormais la coexistence des créances de base et cédulaire et que les cédules font en principe l’objet d’une utilisation à titre fiduciaire47. Cela devrait amener le cessionnaire à se renseigner sur l’étendue de l’engagement réel du débiteur et sur les conventions passées entre le débiteur et le titulaire qui lui cède sa cédule. A défaut, il pourrait encourir le reproche de ne pas avoir prêté l’attention commandée par les circonstances et, partant, de ne pas être bonne foi 48 ; l’exception tirée du montant de la créance de base – de même, par exemple, que celle tirée du fait que le cédant, en sa qualité de fiduciaire, est contractuellement obligé de ne pas aliéner la cédule aussi longtemps que le débiteur de la créance de base s’exécute régulièrement49 – pourrait alors lui être opposée50.

On rappellera enfin que le débiteur de la créance cédulaire peut en sus op-poser au titulaire de la cédule les exceptions qu’il a personnellement contre ce

43 Message, p. 5053 ; STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 287 ; STAEHELIN, n. 65 ad art. 842. 44 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 286. 45 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 286. 46 STAEHELIN, n. 66 ad art. 842. 47 Cf. supra, I.B. 48 Cf. STAEHELIN, n. 67 ad art. 842; PIOTET, La nouvelle cédule, p. 4. Pour P.-H. Steinauer, Les nouvelles

règles, p. 286, « l’étendue du devoir d’attention requis devra encore être précisé par la jurispru-dence ».

49 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 285. Pour certains auteurs, le fiduciaire a l’obligation de ne pas aliéner la cédule sans céder simultanément la créance de base (cf. par exemple : STAEHELIN, n. 25 ad art. 858).

50 Cf. STAEHELIN, n. 25 ad art. 858 et n. 66 ad art. 842..

Page 112: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

110

créancier gagiste, ainsi que celles dérivant de l’inscription de la cédule au re-gistre foncier (art. 848 et 849 al. 1 CC)51.

C. Grèvement

Il est possible de grever la cédule de registre d’un droit de gage mobilier ou d’un usufruit. Il y faut une inscription constitutive52 au registre foncier (art. 859 al. 1 et 3 CC), sur réquisition écrite de la personne inscrite au registre foncier comme titulaire de la cédule53. Cette inscription doit naturellement re-poser sur une cause valable54. Le nouveau droit ne prévoit pas de forme parti-culière à cet effet. Toutefois, il ne faut pas oublier que l’art. 900 al. 3 CC soumet la mise en gage des droits qui ne sont pas incorporés dans un papier-valeur à l’observation de la forme écrite ; le contrat d’engagement d’une cédule de re-gistre doit donc être revêtu de la forme écrite55. En revanche, en l’absence de base légale spécifique, le contrat constitutif d’usufruit grevant une cédule de registre n’est pas soumis au respect d’une forme particulière (art. 11 al. 1 CO)56.

Cela étant, la constitution de tels droits réels mobiliers par inscription au registre foncier est une nouveauté assez révolutionnaire, qui soulève de nom-breuses questions57. Ainsi, et pour ne prendre qu’un exemple, on peut se de-mander ce qu’il advient en cas de cession de la créance garantie par le gage grevant la cédule : le gage mobilier étant un droit accessoire de la créance garantie58, la cession de la créance garantie par ce gage mobilier qu’est le gage grevant une cédule de registre (art. 859 al. 1 CC) devrait en bonne logique em-porter transfert du gage (art. 170 al. 1 CO). Mais ce gage peut-il réellement changer de titulaire sans modification de l’inscription au registre foncier59 ? La réponse est vraisemblablement positive60 : l’art. 859 al. 1 CC n’exige (dans les trois langues) l’inscription au registre foncier que pour la constitution du

51 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 288. 52 FOËX, Le nouveau droit, p. 13 ; STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 365 (pour le gage) ; STAEHELIN,

n. 17 ad art. 859 (pour l’usufruit). 53 Art. 104 al. 3 et 4 ORF. 54 FOËX, Le nouveau droit, p. 13 ; STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 367 (pour le gage) ; STAEHELIN,

n. 5 ad art. 859 (pour le gage). 55 FOËX, La cédule, p. 359 ; voir aussi : WEISS, p. 207 s. Contra : STEINAUER, Les nouvelles règles,

p. 367 ; PIOTET, p. 7 ; STAEHELIN, n. 5 ad art. 859. 56 STAEHELIN, n. 17 ad art. 859 57 Voir par exemple H. Kuhn, pour qui le gage grevant une cédule de registre est « ein eigenständiges

immobiliarsicherungsrechtliches Rechtsinstitut » ; FOËX, La cédule, p. 360 s. 58 Cf. par exemple : ZOBL / THURNHERR, Syst. T., n. 246. 59 Cf. à cet égard P.-H. Steinauer (Les nouvelles règles, p. 354), pour qui les art. 858 al. 1 et 859 al. 1

CC ont pour effet que le registre foncier est devenu « également un instrument de publicité "mobi-lière" ».

60 De cet avis également: STAEHELIN, n. 8 ad art. 859.

Page 113: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

111

gage61 ; à cela s’ajoute que l’on ne voit pas bien comment le gage grevant une cédule hypothécaire pourrait changer de nature (accessoire ou non accessoire) selon qu’il grève une cédule sur papier ou une cédule de registre. Il n’en de-meure pas moins que la construction juridique du gage grevant une cédule de registre est tout à fait particulière : voilà un gage mobilier qui naît moyennant une inscription au registre foncier ; mais à y regarder de plus près, on constate que la loi exige l’inscription non pas du gage, mais du titulaire de ce gage mo-bilier62 et que cette inscription s’opère de surcroît dans la rubrique « gages immobiliers » du feuillet de l’immeuble grevé par la cédule63 ; et ce gage mobi-lier naissant moyennant l’inscription de ce titulaire se transfère et change donc de titulaire sans modification de cette inscription…

A titre de comparaison – et pour augmenter encore la perplexité du lec-teur –, l’on relèvera que l’usufruit (grevant une cédule de registre), qui n’est pas un droit accessoire et qui ne peut changer de titulaire (art. 758 CC), se constitue par inscription du droit lui-même (art. 859 al. 3 CC)64 et non du titu-laire au registre foncier.

V. Remboursement et remploi

A. Remboursement de la créance cédulaire

En principe, le débiteur rembourse la créance de base, celle issue par exemple du contrat de prêt et qui a subsisté nonobstant la création de la cédule (art. 842 al. 2 CC)65. Ce paiement n’est pas régi par les dispositions du Code civil rela-tives aux cédules hypothécaires.

Mais il peut arriver également que le débiteur rembourse la créance cédu-laire, par exemple parce que les parties – par une convention contraire réservée à l’art. 842 al. 2 CC – sont convenues d’éteindre par novation la créance de base, avec comme conséquence que seule la créance cédulaire subsiste66 ; ou encore se peut-il que le créancier ait dénoncé au remboursement la créance cédulaire (art. 847 CC).

Lorsqu’il rembourse la créance cédulaire, le débiteur peut faire valoir les exceptions dérivant du registre foncier et celles qu’il a personnellement contre

61 « Die Verpfändung des Register-Schuldbriefs », « la cartella ipotecaria è costituita in pegno ». 62 Cf. art. 859 al. 1 CC. 63 Art. 104 al. 3 ORF. Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 367. 64 Art. 104 al. 4 ORF. FOËX, Le nouveau droit, p. 13. Voir cependant D. Staehelin (n. 17 ad art. 859),

pour qui c’est l’usufruitier qui est inscrit. 65 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 357. 66 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 276.

Page 114: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

112

le créancier (art. 848 et 849 al. 1 CC) ; il peut en outre faire valoir les exceptions découlant du rapport de base, dans les limites prévues à l’art. 842 al. 3 CC67. La loi précise par ailleurs que « le débiteur ne peut exécuter sa prestation avec effet libératoire qu’entre les mains de celui qui, lors du paiement, est inscrit au registre foncier en tant que créancier » (art. 858 al. 2 CC). C’est logique : le titu-laire de la cédule de registre est (en principe)68 la personne inscrite en tant que créancier au registre foncier ; c’est donc en les mains de cette personne que le débiteur doit effectuer ses prestations relatives à la créance cédulaire.

Il incombe donc au débiteur cédulaire de consulter le registre foncier avant chaque paiement au titre de la créance cédulaire, pour s’assurer que celui qu’il croit être son créancier est encore inscrit comme tel. Il est vrai que le débiteur sera en principe avisé par le conservateur du registre foncier en cas de trans-fert de la cédule (art. 969 al. 1 CC). Mais le débiteur sera bien inspiré de ne pas s’en remettre uniquement à cette notification officielle. D’une part, il se peut que cette communication ne lui soit pas encore parvenue, alors même que le cessionnaire de la cédule est déjà inscrit au registre foncier comme nouveau titulaire de celle-ci ; or, le critère déterminant pour le paiement avec effet libé-ratoire n’est pas la réception de l’avis officiel, mais bien l’inscription du ces-sionnaire au registre foncier69. Mais surtout, il ne faut pas oublier que le débi-teur de la cédule n’est pas inscrit au registre foncier70 et que l’avis officiel ne lui sera donc pas adressé s’il n’est pas simultanément propriétaire de l’immeuble grevé.

On le voit, le débiteur prudent n’effectuera pas de paiement relatif à la créance cédulaire sans avoir au préalable consulté le registre foncier (voire même le journal du registre foncier pour s’assurer qu’aucune réquisition ten-dant au transfert de la cédule n’est pendante71). A défaut, il s’expose à payer entre les mains d’une personne qui n’est plus créancière, ayant cédé la cédule. Ce paiement n’aura alors pas d’effet libératoire et le débiteur devra s’exécuter une seconde fois, en les mains du créancier inscrit.

Quid si la personne inscrite n’est plus titulaire de la cédule, celle-ci ayant été acquise en-dehors du registre foncier par un tiers (jugement, succession universelle, etc.)72? Il faut admettre que le paiement effectué en les mains du créancier encore inscrit au registre comme titulaire de la cédule produit un

67 Sur les exceptions que peut faire valoir le débiteur en cas de novation, voir notamment STEINAUER,

Les nouvelles dispositions, p. 277. 68 Cf. supra, appel de note 42. 69 Cf. FOËX, La cédule, p. 351 ; voir aussi : STAEHELIN, n. 35 ad art. 858. Contra : PIOTET, La nouvelle

cédule, p. 8. 70 Supra, III.A. 71 Cf. art. 972 al. 2 CC. FOËX, La cédule, p. 351. 72 Cf. supra, note 42.

Page 115: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

113

effet libératoire, la loi posant comme critère l’inscription au registre foncier et non l’acquisition de la cédule.

B. Remploi de la cédule de registre

Si le créancier a été intégralement remboursé, le débiteur73 peut exiger le re-transfert de la cédule à son nom (art. 853 ch. 1 CC) : il incombe donc au créan-cier de requérir l’inscription du débiteur cédulaire comme nouveau créancier au registre foncier74. Le débiteur devient ainsi titulaire de la cédule. Il peut alors en requérir la radiation ou laisser subsister l’inscription (art. 854 al. 1 CC). S’il opte pour cette seconde solution, il peut procéder au remploi de la cédule de registre (art. 854 al. 2 CC) : le moment venu, il transférera la cédule à un tiers, en requérant son inscription au registre foncier (art. 858 al. 1 CC).

En d’autres termes, le remploi de la cédule de registre après désintéresse-ment du créancier nécessite en principe deux inscriptions : l’inscription du dé-biteur à la requête du créancier désintéressé, puis l’inscription du nouveau créancier sur réquisition du débiteur auquel la cédule de registre a été rétrocé-dée.

VI. Droit transitoire

Le nouveau droit contient une seule règle de droit transitoire concernant les cédules hypothécaires de registre. Il s’agit de l’art. 33b Tit. fin. CC, qui prévoit la transformation simplifiée des cédules de l’ancien droit en cédules de re-gistre75.

Il est unanimement admis que le législateur a ainsi entendu favoriser la conversion des cédules hypothécaires de l’ancien droit en cédules hypothé-caires de registre76. Fort curieusement, la doctrine indique cependant que les cédules ainsi converties77 restent soumises à l’ancien droit. On peine toutefois quelque peu à comprendre en quoi l’on favorise la transformation, si la cédule ainsi convertie se voit en définitive appliquer les règles de son ancienne forme. Et surtout, on ne voit pas bien comment concilier cette nouvelle forme ainsi acquise avec le droit antérieur au 1er janvier 2012. Ainsi et par exemple, com-ment transfère-t-on une cédule de registre issue d’une transformation fondée

73 Sur la situation lorsque le débiteur n’est pas simultanément propriétaire de l’immeuble grevé, cf.

STAEHELIN, n. 10 s. ad art. 853 et n. 4 ad art. 854. 74 STAEHELIN, n. 5 ad art. 853. 75 Cf. supra, III.C. 76 Message, p. 5072 ; STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 64 ; HAAS, p. 322 ; SCHMID-TSCHIRREN,

p. 10 ; FOËX, p. 347. 77 PIOTET, Le droit transitoire, p. 233 ; STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 356.

Page 116: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

114

sur l’art. 33b Tit. fin. CC, à laquelle l’ancien droit serait applicable ? Comment la grève-t-on de gage ? Qui inscrit-on comme titulaire au registre foncier, si elle était libellée au porteur sous l’ancien droit ?

En définitive, il ne paraît guère praticable d’appliquer à la cédule hypothé-caire de registre des règles conçues pour des cédules hypothécaires sur papier, à une époque où il n’était pas possible de constituer des cédules de registre et qui ont précisément été abrogées par l’introduction de cette nouvelle forme de gage immobilier. Il paraît dès lors nettement préférable d’appliquer dans toute la mesure du possible78 le nouveau droit aux cédules hypothécaires de registre issues d’une transformation simplifiée au sens de l’art. 33b Tit. fin. CC79. Les parties qui optent pour la transformation ne choisissent pas simplement une dénomination, une étiquette leur permettant de procéder à un ravalement de façade : elles portent leur dévolu sur une nouvelle forme de gage immobilier, avec ses particularités et son régime juridique ; en demandant par écrit que leur cédule « soit transformée en une cédule hypothécaire de registre » (art. 33b Tit. fin. CC), elles manifestent (à tout le moins tacitement) leur volonté d’adhérer à ce régime juridique, elles acceptent que leur gage soit transformé, soit façonné en vertu de ces règles nouvelles et devienne l’« institution juri-dique moderne et attrayante » dont les mérites sont vantés par le Message du Conseil fédéral80.

Les autres questions de droit transitoire posées par l’introduction des cé-dules hypothécaires de registre ne font pas l’objet de règles spécifiques. On peut donc appliquer les règles ordinaires du Titre final du Code civil ; le lec-teur est invité à se référer à cet égard aux développements détaillés et particu-lièrement que le prof. Denis Piotet a consacré à ces questions81.

Conclusion

L’introduction de la cédule hypothécaire de registre est attendue depuis long-temps. Il s’agit là, selon le Message du Conseil fédéral, de la « pièce maîtresse » du nouveau droit82. Il reste à voir si, au-delà de la mode de la dématérialisa-tion des papiers-valeurs, cette forme de gage immobilier rencontrera l’engouement qu’on lui promet. La cédule de registre implique une multiplica-

78 Ainsi, une novation de la créance de base acquise sous l’ancien droit par l’effet de l’art. 855 al.1 aCC

ne paraît-elle pas pouvoir être remise en cause par l’effet de l’art. 842 al. 2 CC (cf. PIOTET, La nou-velle cédule, p. 11 ss ; STAEHELIN, n. 75 ad art. 842).

79 FOËX, Le nouveau droit, p. 14. 80 Message, p. 5027. 81 PIOTET, Le droit transitoire, p. 225 ss ; PIOTET, La nouvelle cédule, p. 11 ss. 82 Message, p. 5027.

Page 117: Conference Proceedings - UNIGE

La cédule décédulisée

115

tion des inscriptions au registre foncier (transfert83, grèvement par des droits réels limités84, remploi85). Or, l’inscription est une opération somme toute plus lourde et plus coûteuse qu’une simple remise du titre, n’offrant par ailleurs pas la discrétion86 parfois recherchée par les parties87 ; ces inconvénients pour-raient en particulier compliquer la titrisation des cédules hypothécaires88.

Cela étant, l’on ne dispose évidemment pas aujourd’hui du recul néces-saire pour déterminer si l’introduction de la cédule de registre constitue un succès. On peut en l’état noter que cette nouvelle forme de gage immobilier ne prendra son plein envol (et sa pleine justification) qu’avec l’informatisation complète du registre foncier. L’on peut par ailleurs affirmer que les règles in-troduites par le nouveau droit ne résolvent pas tous les problèmes et qu’elles promettent donc aux juristes encore de belles sources de réflexion !

Bibliographie

B. FOËX, « La cédule hypothécaire de registre », in Les servitudes et les cédules hypothécaires à la lumière des nouvelles dispositions du Code civil (J. SCHMID, éd.), Zurich 2012, p. 343 ss (cité : La cédule)

B. FOËX, « Le nouveau droit des cédules hypothécaires », in JdT 2012 II 3 ss (ci-té : Le nouveau droit)

R. HAAS, « Errichtung und Ausgestaltung des Register-Schuldbriefs », in Les servitudes et les cédules hypothécaires à la lumière des nouvelles disposi-tions du Code civil (J. SCHMID, éd.), Zurich 2012, p. 293 ss

S. KAMERZIN, Le contrat constitutif de cédule hypothécaire, thèse, Fribourg 2003

H. KUHN, Schweizerisches Kreditsicherungsrecht, Berne 2011

Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Cédule hypothécaire de registre et autres modifications des droits réels), du 27 juin 2007, in FF 2007 p. 5015 ss (cité : Message)

R. PFÄFFLI / D. BYLAND, Sachenrecht und Notar : Neuerungen, in Le notaire bernois 2011 p. 73 ss

83 Art. 858 al. 1 CC. 84 Art. 859 al. 1 et 3 CC. 85 Art. 853 ch. 1, 854 al. 2 et 858 al. 1 CC. 86 Cf. notamment l’art. 857 al. 2 CC. 87 Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 64. 88 Cf. STAEHELIN, n. 43 ad art. 858.

Page 118: Conference Proceedings - UNIGE

BÉNÉDICT FOËX

116

D. PIOTET, « La nouvelle cédule de registre », in Not@lex 2010 p. 1 ss (cité : La nouvelle cédule)

D. PIOTET, « Le droit transitoire de la révision du Code civil du 11 décembre 2009 et la pratique notariale », in NB 2010 p. 225 ss (cité : Le droit transi-toire)

J. SCHMID, « Notarielle Aspekte zum neuen Register-Schuldbrief », in recht 2010 p. 162 ss (cité: Notarielle Aspekte)

C. SCHMID-TSCHIRREN, « Elektronische öffentliche Beurkundung und Grund-pfandrechte : Neuerungen, insbesondere der Register-Schuldbrief », in RNRF 2011 p. 1 ss

D. STAEHELIN, « Der sicherungseingetragene vinkulierte zinstragende Register-Schuldbrief mit separaten Nebenvereinbarungen », in Innovatives Recht. Festschrift für Ivo Schwander (F. LORANDI et D. STAEHELIN, éd.), Zurich 2011, p. 209 ss (cité: Register-Schuldbrief)

D. STAEHELIN, in Zivilgesetzbuch II, Basler Kommentar (H. HONSELL, N. P. VOGT et T. GEISER, éd.), 4e éd., Bâle 2011

P.-H. STEINAUER, « La nouvelle réglementation de la cédule hypothécaire », in Aktuelle Themen zur Notariatspraxis, Muri 2010, p. 57 ss (cité : La nou-velle réglementation)

P.-H. STEINAUER, « Le débiteur cédulaire », in Innovatives Recht. Festschrift für Ivo Schwander (F. LORANDI et D. STAEHELIN, éd.), Zurich 2011, p. 225 ss (cité: Le débiteur)

P.-H. STEINAUER, « Les nouvelles dispositions générales sur les cédules hypo-thécaires. Questions choisies », in Les servitudes et les cédules hypothé-caires à la lumière des nouvelles dispositions du Code civil (J. SCHMID, éd.), Zurich 2012, p. 267 ss (cité : Les nouvelles dispositions)

P.-H. STEINAUER, « Les nouvelles règles sur les cédules hypothécaires : quoi de neuf pour les offices du registre foncier ? », in RNRF 2011 p. 353 ss (cité : Les nouvelles règles)

S. WEISS, Der Register-Schuldbrief, thèse Lucerne, Zurich 2009

S. WOLF / A. KERNEN, « Übertragung, Verpfändung und weitere praktische Verwendungsmöglichkeiten des Register-Schuldbriefs », in Les servitudes et les cédules hypothécaires à la lumière des nouvelles dispositions du Code civil (J. SCHMID, éd.), Zurich 2012, p. 363 ss

D. ZOBL / C. THURNHERR, Das Fahrnispfand, Berner Kommentar, vol. IV.2.5.1, 3e éd., Berne 2010

Page 119: Conference Proceedings - UNIGE

117

De la tenue traditionnelle du registre foncier et de ses plus récents aménagements à l’acte authentique électronique et à l’appel de données en ligne :

sécurité, transparence et protection des données

DENIS PIOTET

Professeur à la Faculté de droit et des sciences criminelles de l’Université de Lausanne

I. A Tenue et surveillance du registre foncier

Le premier point objet de la révision du 11 décembre 2009 touche à la surveil-lance et au recours en matière de registre foncier.

L’art. 956 CC, dans sa teneur de 1907, réglait à la fois la surveillance (al. 1) et le recours en matière de registre foncier (al. 2 et 3). Les deux objets sont dé-sormais séparés dans la révision de 2009.

En matière de surveillance, le nouvel art. 956 al. 1 CC reprend le système de l’art. 956 al. 1 dans sa version de 1907, avec une formulation plus générale. Les cantons sont expressément obligés à assurer la surveillance générale du registre foncier, ce que le texte de 1907 ne réglait que par l’expression « surveil-lance régulière ».

L’alinéa 2 assure la « haute surveillance de la Confédération » en matière de registre foncier, telle qu’elle est pratiquée par l’Office fédéral de la justice, alors même qu’elle n’est pas expressément mentionnée dans le texte de 1907 de la loi, ainsi que dans l’Ordonnance fédérale de 1910, cette dernière jusqu’à sa révision de 2005 (art. 104a de l’ORF de 1910) ; l’art. 6 de l’ordonnance fédé-rale sur le registre foncier du 23 septembre 2011 (ci-après ORF 2011) reprend le contenu de cette dernière disposition.

Comme dans d’autres domaines dont l’application est confiée aux cantons, la notion de « haute surveillance » implique principalement un pouvoir d’édicter des prescriptions à caractère général et un pouvoir de directives, spé-

Page 120: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

118

cialement exécuté à ce jour en matière de données électroniques. Les inspec-tions fédérales dans les cantons, bien que prévues par l’ancienne ordonnance déjà (art. 104a al. 2 lit. e ORF de 1910), sont un cas de figure véritablement ex-ceptionnel. On peut admettre que l’art. 956 al. 2 nouveau CC a pour but la con-sécration de l’art. 104a ORF de 19101, dont le contenu est repris dans la nou-velle ordonnance sur le registre foncier, car la haute surveillance sur les autori-tés cantonales doit normalement être prévue par une loi formelle si elle im-plique un pouvoir contraignant pour les cantons.

A l’opposé, pour le recours, l’art. 956a CC doit clarifier un texte devenu trop elliptique et trop concis.

L’objet du recours tout d’abord est étendu au refus de statuer et au retard injustifié (art. 956a al. 1 CC), ce qui n’était prévu que par l’ordonnance jusqu’ici (art. 104 al. 2 de l’ORF de 1910). Cette solution est de toute manière imposée par l’art. 94 LTF.

La qualité pour recourir est par ailleurs définie par le code civil lui-même. Elle a, à vrai dire, varié substantiellement, et il faut espérer que cette disposi-tion sera durablement ancrée dans le système légal de façon à stabiliser cette difficulté juridique.

Sous l’empire de l’OJF, l’art. 103 lit. a aOJF étendait la qualité pour recourir à toute personne ayant un intérêt digne de protection à la modification de la décision attaquée. Le Tribunal fédéral a été jusqu’à admettre le recours d’un notaire en son propre nom, tant pour le rejet d’un acte qu’il avait instrumenté à raison d’un vice touchant prétendument au fond que prétendument à la forme2. L’entrée en vigueur de l’art. 76 LTF, dans sa teneur d’origine, restrei-gnait la qualité pour recourir au cas d’atteinte à un intérêt juridique, et non nécessairement simplement factuel : l’on devait ainsi admettre que la jurispru-dence fédérale touchant à l’ancien recours de droit administratif était condam-née, du moins sur le plan de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral, les cantons pouvant la conserver plus largement à l’échelon cantonal3. La règle a depuis lors été à nouveau modifiée, pour la nouvelle teneur de l’art. 76 LTF en vigueur le 1er janvier 2011. L’on en revient au système plus large de l’intérêt digne de protection, le cas échéant purement factuel, de sorte que la jurispru-dence rendue sous l’empire de l’ancienne OJF en matière de recours de registre foncier paraît à nouveau d’actualité pour l’avenir.

1 Ainsi FF 2007, p. 5062 ; art. 6 ORF 2011. 2 ATF 105 II 43, JdT 1980 I 199 ; ATF 112 II 430 ; ATF 116 II 136, JdT 1991 I 553. 3 Cf., sur les conséquences de la règle en matière gracieuse, Denis PIOTET, L’influence de la qualité

pour recourir au Tribunal fédéral en matière civile selon l’art. 76 al. 1 LTF sur la qualité de partie dans la procédure cantonale, ZZZ 2005, p. 507 ss.

Page 121: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

119

Le chiffre 2 nouveau permet à l’autorité cantonale de surveillance de re-courir devant le Tribunal fédéral en matière de registre foncier, ce qui consti-tuait une lacune dans le système de la LTF4. Cette solution légitime l’autorité cantonale de surveillance à recourir contre la décision de dernière instance de la juridiction administrative cantonale, possibilité qui peut s’avérer utile dans tous les cantons, mais également, lorsqu’il y a plusieurs échelons de juridiction dans le canton, lui confère une légitimation à recourir contre la décision prise en première instance par le conservateur du registre foncier. Pour être efficace, y compris devant le Tribunal fédéral, il est nécessaire que la loi cantonale uti-lise expressément la faculté offerte désormais par le chiffre 2 de l’art. 956a CC.

Enfin, l’art. 956a al. 2 ch. 3 CC reprend l’art. 76 al. 2 LTF, combiné à l’art. 111 al. 2 LTF, en vigueur depuis 2007, et qui repose sur l’ancien art. 103 lit. b OJF. Comme celle des tiers intéressés, la légitimation des autorités au re-cours n’impose pas de notification systématique à la personne légitimée5.

Le dernier alinéa de l’art. 956a CC, reprend l’absence de recours en matière de registre foncier contre la décision de procéder à l’écriture qui jouit de la foi publique, principe exprimé par la loi jusqu’ici par la réserve de dispositions spéciales, soit les art. 975 ss CC, prescrivant la voie judiciaire en lieu et place de la voie de la juridiction administrative (art. 956 al. 2 CC 1907). La liste exhaus-tive de l’al. 3 du nouvel art. 956a CC indique ainsi désormais clairement que la voie de la juridiction administrative est ouverte contre l’admission d’une men-tion au registre foncier6.

Si la qualité pour recourir, comme l’objet de la voie de droit, sont nécessai-rement imposés par le droit fédéral à la juridiction administrative cantonale, il n’en va pas de même des délais de recours. Jusqu’ici, le délai de trente jours n’était prévu que par l’ordonnance fédérale (art. 103 al. 1 et 104 al. 1 ORF 1910), et cette restriction à l’organisation cantonale de la juridiction administra-tive devait en réalité reposer sur une loi formelle : la procédure devant la juri-diction administrative cantonale reste, au-delà des exigences de la LTF, pour le surplus régie par le droit cantonal.

4 Cf. D. PIOTET, (note 3), p. 510. 5 FF 2007, p. 5063. 6 FF 2007, p. 5063 ; on peut rétorquer toutefois que les mentions atypiques, où l’écriture a un effet

formateur (par exemple, art. 5 al. 2 LBFA ; art. 149d al. 2 LDIP ; art. 841 al. 3 CC) peuvent faire ex-ception. Nous aurions tendance à admettre la rectification judiciaire du registre foncier en cas d’admission d’une telle mention (sur cette difficulté, les avis sont partagés, cf. Henri DESCHENAUX, Le registre foncier, Traité de droit privé suisse, Fribourg 1983, V/II, 2, exclut par principe la voie judi-ciaire (p. 660) mais reconnaît ensuite une situation exceptionnelle, si le droit est affecté, où l’art. 977 al. 3 CC peut s’appliquer (ibidem, p. 723) (Schweizerisches Privatrecht, Bâle 1989, V/3 II, p. 816 et p. 895). Dans notre sens, Jean-Christophe DELAFONTAINE, Les mentions au registre foncier : étude de droit privé fédéral et vaudois, Thèse Lausanne 1999, p. 33-34.

Page 122: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

120

I. B Division et réunion d’immeubles

1. Le code civil de 1907 traitait de la division du fonds dominant ou du fonds servant de la servitude (art. 743 et 744 aCC), de la division du fonds grevé d’une charge foncière (art. 792 al. 2 aCC) et enfin du parcellement de l’immeuble grevé de gage, art. 811, 833, et 852 aCC). Il ne contenait aucune règle sur la réunion de bien-fonds et sur les effets de celle-ci face aux autres droits réels limités pouvant grever une ou plusieurs parties réunies, pas plus qu’il ne contenait de règles en cas de division ou de réunion s’agissant d’annotations de droits personnels au registre foncier. Cette lacune législative était en partie compensée par les art. 85 à 97 de l’ORF de 1910, fondés sur la délégation de l’art. 945 al. 2 CC. Cette délégation ne peut toutefois que toucher à la procédure, et non aux principes de droit matériel qui peuvent être modi-fiés ou mis en cause par lesdites opérations de réunion de division.

La réforme du 11 décembre 2009 a notamment pour objectif de favoriser l’épuration d’écritures inutiles au registre foncier7. Elle oblige ainsi le proprié-taire qui requiert la division ou la réunion à formuler une réquisition d’épuration des droits réels limités qui peuvent être en cause (art. 974a al. 2, 974b al. 4 CC), et cela sous peine d’irrecevabilité de la requête. La réquisition de radiation suit les règles des art. 976 et 976a ou 976b CC, selon le renvoi de l’art. 974a al. 3 CC (974b al.4 CC), ce qui laisse une marge d’appréciation im-portante au conservateur du registre foncier.

La difficulté est que l’on a voulu émettre une règle matérielle générale, va-lant tant à l’égard des servitudes, des annotations que des mentions, le régime des gages et des charges foncières étant quant à lui réglé spécialement par des règles ad hoc8. Cette règle générale est exprimée par l’idée « qu’il ressort des pièces ou des circonstances qu’une inscription ne concerne pas certaines par-celles » (art. 974a al. 3 CC).

2. Une règle spéciale a été maintenue pour les servitudes, en cas de divi-sion du fonds servant ou dominant, excluant le report de la servitude sur toutes les fractions issues de la division si « l’exercice de la servitude se limite à certaines parcelles » (art. 743 al. 2 CC).

Or, la servitude grève toute la parcelle, même si son assiette est limitée à une portion localisée de celle-ci9 : c’est le principe de l’indivisibilité. Si un droit de passage doit s’exercer sur une assiette en limite du fonds grevé, il se peut

7 FF 2007, p. 5066. 8 Art. 811, 833, applicables par renvoi de l’art. 792 al. 2 nouveau CC, cf. FF 2007, p. 5066 ; voir les

art. 155 et 156 ORF 2011. 9 Cf. notamment ATF 88 II 331, JdT 1963 I 277.

Page 123: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

121

que la construction d’un tel passage autorisé par la servitude soit ensuite in-terdite par une réglementation de droit public : l’assiette doit alors être repor-tée sur une autre fraction du fonds grevé, où le chemin peut être établi. Si la division du fonds grevé ne s’attache qu’à l’assiette telle que figurant actuelle-ment au plan du registre foncier (art. 732 al. 2 CC), elle risque dans un tel cas de figure de rendre impossible l’exercice de la servitude si la partie du fonds où elle a été seule maintenue est désormais frappée d’une restriction de droit public : un report sur une autre parcelle ne pourra être imposé sans l’accord du propriétaire de celle-ci. Or l’idée est précisément qu’il n’est pas question, par les opérations de division ou de réunion, de porter atteinte aux droits réels limités.

On peut même prendre un exemple extrême : un droit de superficie sur un garage est créé à titre perpétuel et rattaché à un fonds dominant : le fonds gre-vé est divisé, et l’une des parcelles née de la division n’est plus constituée que par le sol supportant le garage, de sorte que le droit de superficie épuise toutes les facultés de la propriété grevée, alors que tel n’était pas le cas face à la « grande » parcelle d’origine. Le droit de superficie est-il alors devenu illicite, parce qu’épuisant toutes les facultés de la propriété grevée ?10.

Si l’on ne tenait pas compte des divisions postérieures du fonds grevé dans de tels cas de figure, la libération de la servitude serait sans conséquence : si l’on peut admettre, certes, que l’épuisement des facultés liées à la propriété grevée doit s’apprécier à l’origine de la servitude, et que les opérations aux-quelles procède unilatéralement par la suite le propriétaire du fonds grevé, ne peuvent justifier de l’application de l’art. 736 al. 2 CC11, il faut en revanche relever que le déplacement de l’assiette sur le fonds d’un tiers n’est pas admis-sible sans l’accord de ce dernier12, et l’on ne réserve pas d’exception quand ce fonds de tiers était historiquement une partie du fonds encore grevé par le droit réel limité. La subsistance du droit réel limité inclut son avenir prévisible, et la division du fonds grevé nous paraît ne pas pouvoir y porter atteinte13.

Ce sont ces difficultés qui ont poussé les autorités de registre foncier à adopter une pratique restrictive sous l’empire de l’ancien art. 744 al. 2 CC,

10 Cf., sur cette question de principe, notamment ATF 123 III 337, JdT 1999 I 180 ; sur le droit de

superficie en particulier, cf. Benno HENGGELER, Die Beendigung der Baurechtsdienstbarkeit infolge Zeitablaufs und der vorzeitige Heimfall, Thèse Fribourg 2005, p. 52 ss ; Peter ISLER, Commentaire bâlois, ZGB II 2007, n. 4 ad 779l CC, Felix ZURBRIGGEN, Die irregulären Personaldienstbarkeiten (art. 781 ZGB), Thèse Fribourg, Berne 1981, p. 154.

11 Cf. notamment ATF 107 II 331, JdT 1982 I 118. 12 Peter LIVER, Commentaire zurichois, 1980, n. 44-45 ad 742 CC ; Hans LEEMANN, Commentaire ber-

nois, 1925, n. 12 ad 742 CC ; Carl WIELAND, Les droits réels dans le code civil suisse, Paris 1913, I, n. 4 ad 742 CC ; Paul PIOTET, Les droits réels limités en général, les servitudes et les charges fon-cières, Traité de droit privé suisse, V/3, Fribourg 1978, p. 70.

13 Malgré Josette MOULLET AUBERSON, La division de bien-fonds, Thèse Fribourg 1993, p. 174.

Page 124: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

122

dont le texte correspond substantiellement à l’art. 743 al. 2 nouveau CC. La règle matérielle n’ayant pas changé, les nouvelles règles de procédure des art. 976 ss CC, auxquelles renvoient les art. 974a et 974b CC, ne doivent pas modifier la pratique : le souci d’éviter la surcharge du registre par des écritures inutiles ne doit pas amener à porter atteinte à des droits réels limités existants : même si la loi ne le dit pas — et ne l’a jamais dit — le principe romaniste de l’indivisibilité de la servitude reste la règle dont le conservateur ne peut s’éloigner que s’il a la preuve (art. 976 CC) ou la forte vraisemblance de cette preuve (art. 976a et 976b CC) qu’il faut s’en écarter, et cela en tenant compte d’un futur encore prévisible.

3. La règle valant pour les servitudes n’est pas nécessairement décisive pour les annotations. C’est ici la liberté des conventions qui doit déterminer l’emprise du droit réel accessoire né de l’annotation14, qui fixe la nécessité d’un report en cas de division : il est difficile d’admettre ici la présence d’un principe général15. A défaut d’une convention ou d’une prescription légale particulière, l’annotation doit en principe être reportée systématiquement sur toutes les parcelles nées de la division16 ; seules les annotations se rapportant à la localisation d’un bail (art. 261b, 290 CO) ou d’un droit de superficie17 peu-vent se rapporter à la localisation spécifique de l’exercice d’un droit dans une assiette prédéfinie. On peut encore raisonner de la même manière pour la ser-vitude en cas de droit réel limité de servitude, allégué (art. 961 al. 1 ch. 1 CC) ou à constituer (art. 960 al. 1 ch. 1 CC). Le report est par ailleurs la règle en cas de division d’un droit réel limité auquel est rattachée une annotation de droit personnel (par exemple 814 al. 3 ou 740a CC).

4. Quant aux mentions, l’analogie est encore plus problématique, ce qu’atténue heureusement fortement leur caractère purement informatif. En droit privé, leur report dépend par exemple de l’affectation à l’une des parties de l’immeuble divisé pour le cas des accessoires (art. 946 al. 2 CC), ce que le conservateur du registre foncier peut difficilement apprécier seul (mais les propositions du propriétaire devraient être ratifiées par le créancier gagiste dans ce cas de figure) ; s’agissant des mentions de droits de l’ancien droit can-tonal (pour l’hypothèse de l’art. 45 Tit. fin., soit celle de l’art. 17 al. 3 Tit. fin. CC), le report de la mention dépend d’une règle de l’ancien droit cantonal ; en matière de passages purement légaux, le report dépend de la localisation de l’exercice (art. 696 CC), et enfin, en matière de droit de préaffermage, du lieu d’exercice futur de l’affermage envisagé par le propriétaire (art. 5 al. 2 LBFA) ;

14 Cf. ATF 104 II 170, JdT 1979 I 68 ; ATF 114 III 18, JdT 1990 II 60 ; ATF 120 I a 240. 15 Malgré J. MOULLET AUBERSON, (note 13), p. 285. 16 Ainsi pour les art. 960 al. 1 ch. 2 CC, 216 ss CO, 712c CC, 247 CO, 850 al. 3 CO, 650 al. 2 et 681b

CC pour la division d’une part de copropriété, 37 LDFR. 17 Art. 779 b al. 2 et 681b CC en relation avec l’art. 682 CC.

Page 125: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

123

dans les autres cas, les mentions devraient être systématiquement reportées sur toutes les parcelles nées de la division18. Ici, le texte légal doit être transpo-sé : comme déjà relevé, la radiation d’une mention purement informative n’appartient pas au juge, malgré le renvoi de l’art. 974a al. 3 CC (et de l’art. 157 al. 2 ORF 2011) à l’art. 976b al. 2 CC : la voie de la juridiction administrative est ouverte19, la décision de report ou de non report pouvant être attaquée par la voie du recours.

5. La réunion des immeubles ne pose pas les mêmes difficultés que la divi-sion : l’art. 974b CC reprend le contenu des art. 91 à 93 ORF 1910, de sorte que le principe d’extension des gages immobiliers et charges foncières ne subit pas de modification avec la loi nouvelle, l’art. 91 al. 1 ORF de 1910 correspondant à l’art. 974a al. 1 CC.

Mais la difficulté, dès 2012, provient du fait que les règles, propres jusque-là aux servitudes (art. 91 al. 2 et 3, 92 al. 2 ORF de 1910) sont rendues appli-cables aux annotations et aux mentions.

Comme on le sait, l’annotation du droit personnel constitue un rattache-ment propter rem de la qualité de débiteur au fonds grevé, de sorte que tout acquéreur de ce fonds est obligé par la convention annotée, y compris pour d’éventuelles contre-prestations20. Ce cas de figure n’a naturellement rien de commun avec l’annotation d’un droit absolu préexistant, qu’il s’agisse d’un droit réel allégué (art. 961 al. 1 ch. 1 CC) ou d’un droit d’exécution forcée (art. 960 al. 1 ch. 2 CC), soit avec les annotations déclaratives au registre fon-cier. Or, le consentement à être grevé par une extension de la servitude sur la portion de terrain adjacente équivaut à la réquisition d’inscrire le droit réel au sens de l’art. 963 CC. Ce raisonnement convient ainsi pour les conventions d’extension des servitudes, sous réserve d’éléments objectivement essentiels (art. 732 al. 1 CC).

A l’opposé, consentir à ce que la partie adjointe à l’ancienne fraction de l’immeuble grevé puisse se voir également attacher la qualité de débiteur à la convention annotée, revient à modifier cette convention, dont l’écriture n’est que l’accessoire (contrairement au droit de servitude dans le cas précédent). Le « consentement » écrit sur le modèle de l’art. 963 al. 1 CC ne doit-il pas être remplacé par la forme de la convention, soit le plus souvent la forme authen-tique21 ? Bien que la doctrine n’ait jusqu’ici pas discuté de cette difficulté22,

18 Art. 178 al. 3, 841 al. 3 CC ; 176 al. 2, 296 et 345 al. 2 LP ; 30d LPP et 331e al. 8 CO ; 149d LDIP. 19 Cf. supra I, avec les exceptions citées note 6. 20 Sur ce principe, ATF 90 II 393, JdT 1965 I 597 ; ATF 92 II 147, JdT 1967 I 174. 21 Ainsi, pour les art. 216, 247 CO ; 681b, 779b al. 2 CC. 22 Hans WALTISBERG, Die Vereinigung von Liegenschaften im Privatrecht, Thèse Fribourg 1996,

p. 224 s.

Page 126: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

124

nous sommes d’avis que l’extension en vue à l’art. 974b al. 2 CC ne l’est vala-blement que si le titre la prévoit, soit est modifié en conséquence dans la forme exigée par la loi. Cette extension peut s’avérer impossible, par exemple dans le cas d’une substitution fidéicommissaire après le décès du disposant, la qualité de grevé ne pouvant être étendue à des tiers pour des objets non déterminés au titre de la substitution par la volonté du disposant lui-même, le tiers aurait-il même volontairement adhéré à cette qualité. C’est alors la réunion même qui est entravée.

Pour se convaincre de la variété de la complexité des cas, l’on peut évoquer encore l’annotation de la qualité de coopérateur de l’art. 850 al. 3 CO, qui ne peut s’étendre à un terrain non visé à ce titre par les statuts de la société : il faut indéniablement une modification acceptée par la société, et non la simple adhésion du propriétaire acquéreur de la portion grevée de l’annotation, ad-jointe à son propre immeuble, et cédée par un membre de la société coopéra-tive.

Comme on le voit, l’extension de l’annotation permise apparemment par le seul consentement du propriétaire de l’immeuble où le terrain grevé est réuni est en soi une modalité nécessaire, mais non encore suffisante au report de l’annotation, lequel dépend encore d’autres conditions substantielles liées au type d’annotation.

Ce qui est vrai pour les annotations est notamment également vrai pour les mentions, même dans le cadre limité des mentions de droit privé. D’ailleurs, l’adhésion d’un propriétaire à une restriction de droit public mentionnée au registre foncier ne coïncide pas nécessairement avec la base légale de celle-ci, ni avec l’intérêt public qui la soutient : c’est là une question réglée par le droit public, et non pas par l’art. 974b CC, au même titre que c’est le droit adminis-tratif, et non l’art. 974a CC qui règle le report de la mention de droit public en cas de division de l’immeuble.

L’extension de la mention d’accessoires, même avec l’adhésion du proprié-taire, n’a pas de sens faute d’affectation matérielle concomitante23 et, cas échéant, règlement de l’extension des droits de gage sur ceux-ci (cf. art. 946 al. 2 CC). D’autre part, l’interdiction de disposer signifiée à un propriétaire en sa qualité de conjoint (art. 178 al. 3 CC) ou en sa qualité de personne sous cura-telle (art. 395 al. 4 CC, en vigueur en 2013) ne peut naturellement être reprise par un tiers, fût-ce volontairement : il en va naturellement de même de l’obligation de remboursement restreignant le droit de disposer de l’assuré face à l’institution de prévoyance (art. 30e LPP, 331e al. 8 CO), et à plus forte

23 Cf. aussi Fabienne HOHL, Les accessoires et les droits de gages immobiliers, Thèse Fribourg 1984,

p. 213 ss.

Page 127: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

125

raison encore d’un séquestre pénal de l’immeuble mentionné à ce titre. Si, dans tous ces cas, la seule réunion sur la tête de la personne propriétaire de tous les immeubles est possible, il est en revanche exclu qu’un transfert subséquent intervienne pour une partie à réunir sur la tête d’un tiers.

Il faut donc, comme pour les annotations, distinguer de cas en cas pour fixer concrètement les différentes restrictions imposées à l’extension, voire en-core le lien avec une aliénation partielle prohibée.

6. Toutes ces difficultés sont nouvelles pour les registres fonciers, dans la mesure où les officiers publics, pour les propriétaires, auront désormais l’obligation, sous peine d’irrecevabilité, de formuler des propositions d’épuration à ce sujet : avec leur obligation de statuer, les conservateurs du registre foncier devront être particulièrement vigilants face aux réquisitions présentées par les propriétaires grevés divisant leurs parcelles, qui auront na-turellement tendance à proposer de fortes épurations pour des nouvelles par-celles nées de la division proposée : un tel risque ne se présente normalement pas pour le propriétaire du fonds dominant d’une servitude qui divise son immeuble.

Pour le surplus, l’on peut déduire de la reprise de la réglementation de l’ordonnance ancienne (art. 91 al. 3 ORF de 1910) que les pratiques en matière de réunion de bien-fonds assujettis pour partie à des servitudes ne sera pas modifiée24.

7. Cette représentation, nécessairement incomplète, doit toutefois encore ne pas passer sous silence le problème de la modification nécessaire du contenu de certains droits réels ou d’annotation en cas de division ou de réunion d’immeubles.

Ainsi, la seule opération de division peut entraîner en effet la nécessité de modifier le contenu d’actes juridiques fondant des droits réels limités mainte-nus25. Par exemple, pour l’obligation d’entretien d’une installation d’exercice d’une servitude, lorsque l’installation n’est plus utile qu’à un fonds dominant après la division, alors que la servitude elle-même doit être reportée sur tous les fonds dominants parce qu’elle leur est encore utile à tous : il n’y a dans cet exemple, non pas allègement ou suppression d’une clause contractuelle de la servitude, exemptée de la forme solennelle (art. 115 CO appliqué par analogie), mais bien simplement nouvelle définition de la qualité de débiteur de l’obligation accessoire, plus restreinte qu’auparavant (et donc plus lourde pour le débiteur qui subsiste). Cette modification devrait être théoriquement sou-

24 Cf. ATF 114 II 426, JdT 1989 I 640 ; Paul-Henri STEINAUER, A propos des réunions de bien-fonds,

Mélanges Jacques-Michel Grossen, Bâle 1992, p. 281 ss. 25 Exemple chez J. MOULLET AUBERSON, (note 13), p. 134 ss.

Page 128: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

126

mise à la forme de la servitude, soit la forme authentique si l’obligation acces-soire est un élément objectivement essentiel, ou encore subjectivement essen-tiel, puisque l’obligation accessoire entre dans une clause typique du contrat de servitude (art. 732 al. 1 CC).

Cette solution nous paraît excessive. Appliquer à la lettre un système légal qui n’a pas en vue cette difficulté en 2009 nous paraît aboutir à une paralysie que le législateur n’a pas souhaitée à l’art. 974a CC. Il faut en effet raisonner en tenant compte du caractère accessoire de l’obligation de l’art. 730 al. 2 CC, qui doit nécessairement s’adapter à la modification du droit de servitude qu’implique la réquisition présentée selon l’art. 974a CC en la simple forme écrite. Cette dernière nous paraît par conséquent emporter une modification nécessaire de l’obligation accessoire dans un tel cas de figure, fût-elle un point essentiel de la servitude, en la simple forme écrite. En revanche, une modifica-tion, même utile, mais non impliquée par l’opération de division, nous paraît devoir suivre la forme ordinairement exigée.

I. C La radiation facilitée

Révisé en 1991 pour favoriser l’épuration d’écritures devenues inutiles au re-gistre foncier, l’art. 976 CC avait déjà été élargi par rapport à sa teneur de 1907, révision qui avait donné lieu à controverse sur les voies de droit ouvertes contre une décision aboutissant, par son application, à une radiation26, tran-chée en faveur de l’opinion majoritaire par le Tribunal fédéral27 ; mais les di-rectives de l’Office fédéral, contradictoires avec la jurisprudence fédérale, ont contribué à rendre insuffisante l’application de l’art. 976 révisé28.

Le nouveau texte doit faire apparaître plus nettement les voies de droit ou-vertes. Il part de deux situations extrêmes, soit le principe de la réquisition de radiation (art. 964 CC) et celui de la disparition évidente ou manifeste du droit réel (art. 976 nouveau).

Le principe de l’art. 964 CC selon lequel le consentement écrit de tous les ayants droit est nécessaire pour radier le droit réel du registre foncier n’est pas touché formellement : il subit toutefois des restrictions nouvelles (art. 976a et 976b CC).

26 Cf. THOMAS CUENI / URS FASEL, Befreiung des Grundbuchs von überflüssigen Dienstbarkeiten, RNRF

1999, p. 349 ss ; Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, I, 992a, p. 343 ; Jürg SCHMID, Commentaire bâlois, ZGB II 2007, n. 18 ad 976 CC ; CHARLES BESSON, La révision de l’art. 976 CC, RNRF 1990, p. 264 ; Mattia TONELLA, Die Löschung einer bedeutungslos gewordenen Dienstbarkeit, RNRF 2003, p. 221 ss ; contra Les directives de l’Office fédéral de la justice du 22 mai 2001 et Christina SCHMID-TSCHIRREN, Aktuelle Tendenzen im Grunddienstbarkeitsrecht, NB 1999, p. 21 ss.

27 ATF 127 III 195, JdT 2002 I 546. 28 Même constat. TONELLA, (note 26), p. 222 s.

Page 129: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

127

Le principe selon lequel le conservateur du registre foncier radie d’office les droits réels devenus manifestement sans objet ou qui se sont manifestement éteints est désormais explicitement limité à une liste exhaustive de quatre cas29.

La discussion peut naturellement aussitôt s’engager sur des analogies éventuelles avec des situations proches de l’un des quatre cas énumérés, mais non expressément visés. A notre avis, la condition résolutoire d’un droit réel, aisément vérifiable par le conservateur30, contrairement à la condition pure-ment obligatoire, doit justifier d’une radiation d’office intervenant au même titre que pour le terme certain (ch. 1) ou incertain (ch. 2) qui modalise le conte-nu du droit réel.

La question de la radiation d’une servitude après la déréliction du fonds dominant, à supposer que ce fonds ne soit pas grevé d’autres droits s’étendant à cette servitude, est un cas topique d’application de l’art. 976 CC dans sa te-neur ancienne31 qui ne nous paraît pas en revanche pouvoir être assimilé à la disparition du fonds visé au chiffre 4, manifestement limité au cas de l’art. 666 CC32 : les art. 976a et b CC sont ainsi applicables.

La division d’immeubles entraîne une procédure d’épuration sur requête (art. 974a al. 2 CC, supra I/2). L’art. 976 ch. 3 CC n’a donc qu’un champ d’application exceptionnel, lorsqu’il est absolument évident que la réquisition d’épuration est incomplète, et qu’une servitude ne peut se reporter sur l’ensemble des parcelles issues de la division. L’avis aux intéressés s’impose alors dans ce cas de figure selon l’art. 969 CC, même si l’art. 976 nouveau CC ne le prévoit pas expressément33.

En dehors des cas exhaustivement énumérés, et notamment pour l’application aux servitudes de l’art. 736 al. 1 CC, l’opération s’opère sur re-quête34, selon une procédure en deux temps, permettant à l’intéressé de faire valoir des moyens d’opposition à la radiation avant qu’une décision définitive dans ce sens ne soit prise. Si le droit est radié malgré l’opposition, la voie judi-ciaire est alors seule ouverte (art. 976b al. 2 in fine CC), et si l’opposition est

29 FF 2007, p. 5068. 30 Cf. notamment ATF 106 II 329, ainsi que par exemple Heinz REY, Commentaire bernois, 1981,

n. 147 ad 730 CC ; p. LIVER, (note 12), n. 72 ad 730 CC. 31 M. TONELLA, (note 26), p. 228. 32 FF 2007, p. 5068. 33 FF 2007, p. 5069. 34 Eventuellement partielle, cf. Roland PFÄFFLI, Dienstbarkeiten : Neuerungen mit besonderer Berück-

sichtigung des Bereinigungsverfahrens, RNRF 2010, p. 370.

Page 130: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

128

admise, le refus de radiation peut être attaqué par la voie de la juridiction ad-ministrative, selon les principes généraux35.

Il faut enfin rappeler que deux procédures spéciales changent le régime général des art. 976 ss CC. Tout d’abord, la procédure d’introduction du re-gistre foncier fédéral, où il appartient au droit cantonal de fixer les conditions administratives ou judiciaires du report des charges réelles et leur épuration à partir des anciennes écritures36. L’autre exception, relevant de l’art. 6 CC jusqu’en 2011, est désormais expressément prévue par l’art. 976c CC, et vise une épuration d’intérêt public. La règle fédérale ici n’a qu’une portée complè-tement subsidiaire, matériellement et formellement, le domaine relevant du droit administratif cantonal.

II. Informatisation des réquisitions et des pièces justifica-tives

A. Les principes anciens et nouveaux

Après l’informatisation du registre public, généralisée pour toute la Suisse s’agissant de l’état civil en 2005, vient le temps de la communication électro-nique avec les usagers, et particulièrement le temps de la réquisition électro-nique. Au 1er janvier 2013, toute la Suisse sera ainsi prête à la réquisition élec-tronique et au dépôt de pièces justificatives sous forme électronique au registre du commerce (art. 175 de l’Ordonnance fédéral sur le registre du commerce du 17 octobre 2007).

Le registre foncier ne pouvait rester matériellement épargné par la réforme de l’ « e-administration ». Sur ce point, la réforme du 11 décembre 2009 n’a pas modifié le système mis en place en 1991 à l’art. 949a CC. La communication sous forme électronique avec le registre foncier est ainsi introduite par les can-tons, sans obligation d’aboutir à un terme uniforme pour l’ensemble du terri-toire à un passage complet à l’électronique : la Confédération fixe en revanche les conditions de cette introduction de la communication et des justificatifs électroniques (art. 949a al. 2 ch. 3 CC).

Dans l’Ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier, la communi-cation électronique ne valait pas la réquisition écrite conventionnelle (art. 13 al. 3 ORF 1910), et elle n’etait admise qu’en cas d’urgence, pour une autorité ou

35 FF 2007, p. 5070. 36 Cf. DENIS PIOTET, Droit cantonal complémentaire, Traité de droit privé suisse, I/2, Fribourg 1998,

n. 752, p. 249 (Schweizerisches Privatrecht, Bâle 2001, p. 216) et les références ; Rep. Giur. 1926, p. 301 ; GVP ZG, 2008, p. 200 ; LGVE 1993 I n. 11, p. 22 ; seul s’impose en vertu du droit fédéral l’art. 975 CC, cf. ATF 95 II 605, JdT 1970 I 593, mais non les art. 976 ss CC.

Page 131: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

129

un tribunal, dans le cas de l’art. 13 al. 4 ORF de 1910. La tenue informatique du registre foncier lui-même ne modifiait pas cette règle de principe (art. 111f al. 1 ORF de 1910).

C’est ce système qui est être fondamentalement bouleversé par la nouvelle ordonnance sur le registre foncier du 23 septembre 2011. Il s’agit de passer à la réquisition électronique comme règle de principe, le régime de la réquisition conventionnelle sur papier étant appelé à terme à disparaître. En respectant cependant le système fédéraliste de l’art. 949a al. 1 CC, il appartient aux can-tons de déterminer le point de « basculement » vers l’électronique (art. 39 ORF 2011).

Le système de la nouvelle ordonnance est celui de la réquisition adressée par plate-forme de messagerie sécurisée et reconnue (art. 40 ORF 2011). Le modèle adopté est donc celui imposé pour les communications électroniques avec les tribunaux civils et pénaux, ainsi qu’avec les offices de poursuites et de faillites, soit celui de l’art. 2 et de l’art. 3 de l’Ordonnance du 18 juin 2010 sur la communication électronique dans le cadre de procédures civiles et pénales et de procédure en matière de poursuite pour dettes et faillite (RS 272.1). Ce mo-dèle peut être celui de l’administration cantonale ou fédérale auquel un requé-rant officiel appartient, moyennant certaines conditions de sécurisation de la requête (art. 40 al.1 ORF 2011).

Les prescriptions techniques, soit le format des données, sont également définies par la Confédération, qui propose des modèles de réquisition (art. 41 al. 1 ORF 2011).

La reconnaissance de la plate-forme a aussi pour conséquence que la noti-fication au registre foncier doit pouvoir s’opérer par voie électronique dans la boîte postale électronique de la plate-forme reconnue. Toute réquisition élec-tronique implique ainsi une adresse de notification valable pour l’office du registre foncier (art. 44, 45 ORF 2011).

Comme le principe de la réquisition écrite subsiste parallèlement, sauf le même cas d’urgence déjà prévu par le droit actuel, la forme écrite est nécessai-rement celle de la loi du 13 décembre 2003 sur la signature électronique37. Le conservateur du registre foncier procède également à des notifications par l’emploi de sa signature électronique qualifiée (art. 44 al.1 ORF 2011). Même face à une plate-forme électronique reconnue, l’office du registre foncier peut toujours, comme en droit actuel, exiger une légalisation de la signature. Celle-

37 Art. 2 lit. a de l’Ordonnance de 2010, à laquelle renvoie la future ordonnance sur le registre foncier.

Page 132: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

130

ci peut intervenir en ligne, selon des modalités que nous décrirons encore plus loin38.

L’intérêt de la réquisition en ligne est naturellement de pouvoir déposer des pièces justificatives sous forme électronique, possibilité ouverte dès 2012, là aussi, dans la mesure décidée par le canton, selon des modalités que nous reprendrons plus bas (III).

B. Deux questions juridiques liées à la réquisition électronique

1. Les cantons ne sont pas astreints à introduire simultanément l’acte authen-tique électronique et la réquisition en ligne. La mise sur pied des pièces justifi-catives électroniques authentiques nécessite des mesures techniquement plus conséquentes que la simple reconnaissance de plates-formes électroniques, selon les nouvelles dispositions.

Il est ainsi concevable, voire très probable, que des registres admettront des réquisitions en ligne, alors que les pièces justificatives devront toujours, dans un premier temps, être déposées sous forme conventionnelle papier. La tentation sera alors grande de conserver le rang d’une écriture par une réquisi-tion électronique immédiate, en envoyant le dépôt ultérieur des justificatifs sous forme papier. On sait que la doctrine est divisée sur l’ouverture d’une procédure en complément de légitimation (art. 966 al. 2 CC) lorsque le titre de la réquisition fait encore entièrement défaut39. Quoi qu’il en soit, il y a des risques d’utilisation abusive de la réquisition électronique, libérée de l’exigence de l’envoi simultané de pièces justificatives, toujours remises par courrier conventionnel sur papier. Il nous semble en tout cas certain que, si le titre qui doit être joint à la réquisition n’est pas encore instrumenté au jour de l’envoi de la réquisition électronique, celle-ci doit être rejetée : le titre doit en effet, selon le texte clair de la loi (art. 966 al. 2 in initio CC) exister, soit être ins-trumenté s’il s’agit d’un acte authentique, au moment du dépôt de la réquisi-tion pour éviter le rejet par une simple procédure de complément de légitima-tion. Il appartiendra au registre foncier d’être vigilant et de refuser à l’inscription la réquisition portée au journal avant que l’acte la justifiant ne soit encore instrumenté.

Pour éviter ce genre d’inconvénient, l’ordonnance (art. 42 ORF 2011) laisse les cantons libres de ne prescrire le basculement à l’informatique qu’au mo-

38 Art. 86 ORF 2011 et infra, III/1. 39 La majorité y reste opposée, cf. Bettina DEILLON-SCHEGG, Grundbuchanmeldung und Prüfungspflicht

des Grundbuchverwalters im Eintragungsverfahren, Zurich 1997, p. 257-258 ; Henri DESCHENAUX, Le registre foncier, Fribourg 1983, V, II/2, p. 439 (Schweizerisches Privatrecht, V, 3, 1, Bâle 1988, p. 532) ; Arthur HOMBERGER, Commentaire zurichois, 1938, n. 8 ad 966 CC ; autre avis, J. SCHMID, (note 26), n. 12 ad 966 CC, Fritz OSTERTAG, Commentaire bernois, 1917, n. 5 ad 966 CC.

Page 133: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

131

ment où le système des actes authentiques électroniques est mis à disposition des usagers, de sorte qu’il sera possible de s’épargner la figure juridique des modalités mixtes, apparemment justifiées par le report de l’acte authentique électronique, mais qui risque d’être problématique dans sa gestion pratique. Le report paraît à vrai dire d’autant plus souhaitable, pour éviter le régime des modalités mixtes, que la qualification comme requête complémentaire (à une date différente) de la réquisition écrite sur papier accompagnant les pièces, ne correspondra pas nécessairement à la réquisition électronique qui l’a précédée.

2. L’autre question de droit touchant à la réquisition électronique est celle de la tenue du journal, lui aussi déjà informatisé, soit de la date déterminante pour le rang des droits réels.

L’immédiateté de l’informatique assure une transmission plus rapide que l’envoi par voie conventionnelle : en soi, cela garantit un meilleur rang, le cas échéant, à la réquisition électronique plutôt qu’à celle adressée encore par la poste par exemple. La question s’est posée, lors de la conception de la future ordonnance, de savoir si ce désavantage de la voie conventionnelle, ou encore du dépôt au guichet, devait être compensé par le futur texte. Une solution au-rait été de reporter la date de réception de l’envoi électronique au moment de l’ouverture effective par l’office du courrier électronique, ou encore à la date d’ouverture du bureau. Cette solution, qui aurait abouti à des résultats disso-ciés entre cantons ou entre arrondissements, n’a pas été choisie.

La date de réception de la réquisition électronique est ainsi assurée selon l’art. 43 ORF 2011 au moment où la quittance de réception est notifiée automa-tiquement par la plate-forme électronique de l’office. Si cette quittance n’est cependant qu’une preuve de réception, il n’en demeure pas moins que le mo-ment précis où elle doit être portée au journal ne saurait être ultérieur.

Ce système favorise ainsi l’immédiateté de la signature électronique, et par là sa généralisation rapide partout où elle sera possible. La question qui se po-sera sera certainement de savoir si, en utilisant encore une réquisition conven-tionnelle plutôt qu’électronique, l’officier public qui aura ainsi fait perdre un rang au droit qu’il devait annoncer n’est pas civilement responsable de cette perte. Le devoir général de diligence des notaires et officiers publics emporte en effet celui de requérir l’écriture au plus vite des droits instrumentés dans l’intérêt des parties à l’acte40. Le simple fait que la question puisse encore se poser est à notre sens un facteur objectif significatif qui va concourir à la géné-ralisation de la voie électronique.

40 Christian BRÜCKNER, Schweizerisches Beurkundungsrecht, Zurich 1993, n. 2592, p. 741 ; Michel

MOOSER, Le droit notarial suisse, Berne 2005, n. 259, p. 118 ; Aron PFAMMATTER, In Kommentar zum Notariatsrecht des Kantons Bern, éd. Stephan WOLF, Berne 2009, n. 20 s ad 37 NG.

Page 134: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

132

III. L’acte authentique et la légalisation électroniques

A. Expédition et légalisation électroniques

Avec l’entrée en vigueur de la loi fédérale du 11 décembre 2009 au 1er janvier 2012 s’ouvre la possibilité, pour les cantons, de permettre l’instrumentation des légalisations sous forme électronique et d’admettre la circulation d’expéditions électroniques (art. 55a Tit. fin. CC). L’ordonnance sur l’acte au-thentique électronique du 23 septembre 2011 (OAAE) qui fixe les règles fédé-rales y relatives est entré en vigueur à la même date.

L’ordonnance fédérale sur l’acte authentique électronique a en réalité un titre trompeur. L’acte authentique n’a, en l’état, cette qualité que sous sa forme papier traditionnelle, telle que définie par le droit cantonal41. La Confédération n’est compétente que pour fixer les règles techniques d’interopérabilité, d’intégrité et de sécurité des données des authentifications des originaux pu-blics (al. 4 de l’art. 55a Tit. fin. CC). Les formalités de l’instrumentation, au-delà des définitions minimales implicites du droit fédéral, restent fixées par le droit cantonal de l’acte authentique et de la légalisation.

En d’autres termes, les règles sur le contenu de l’authentification et de l’expédition, de la signature ou du constat, ne sont fixées par le droit fédéral que dans le cadre de l’art. 55a al. 4 Tit. fin. CC, les cantons fixant par contre les règles de forme extérieures et les formalités d’instrumentation. Même si le droit fédéral nouveau ne dit rien par exemple, la règle cantonale qui exige que l’officier public indique sur l’acte de légalisation le procédé d’authentification qu’il a utilisé reste, le cas échéant, une règle de validité cantonale de la légali-sation, même si elle intervient en ligne42.

Mais quel système est mis sur pied par la future ordonnance ? Le système prévu doit beaucoup aux investigations et aux recherches préparatoires qu’a permises la Fondation notariat suisse, et qui a pu être mis à l’essai dans le can-ton de Vaud où, avant toute réglementation fédérale, la légalisation électro-nique a été prévue par la loi cantonale sur le notariat43.

La difficulté la plus conséquente est certainement l’authentification du constat ou de la légalisation de l’officier public ou notaire, savoir la preuve électronique de sa qualité à dresser un constat authentique ou une légalisation.

41 Art. 55 Tit. fin. CC ; cf. FF 2007, p. 5073. 42 Ainsi, VD, loi sur le notariat du 29 juin 2004, art. 64 al. 4 et 69 al. 1 ; VS, loi d’application du code

civil, 24.3.1998, art. 195 al. 4 ; BE, Notariatsverordnung, du 26.4.2006, art. 52 ; FR, loi sur le nota-riat du 20.9.1967, art. 63 ; JU, décret concernant l’exécution de la loi sur le notariat, 6.11.1978, art. 26 ; TI, legge di applicazione e di complemento del codice civile zvizzero, del 18.4.1911, art. 24.

43 Art. 26 al. 3 et 82 de la loi vaudoise sur le notariat du 29 juin 2004.

Page 135: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

133

La Fondation notariat suisse ou une société à laquelle elle participe devrait se voir confier par la Confédération la charge de recueillir, dans tous les cantons, la liste des officiers publics compétents, et de la tenir à jour (art. 7 de l’OAAE). A cet effet, les cantons auront l’obligation réglementaire de communiquer im-médiatement tout changement dans les personnes habilitées à légaliser sur leur territoire, ou encore à dresser des expéditions (art. 8 OAAE).

La banque de données ainsi constituée et tenue à jour jouit de la présomp-tion d’exactitude connue à l’art. 9 CC. Un extrait de cette liste, au demeurant publique et ouverte à chacun, est constitué par le certificat électronique dont dispose chaque officier public porté sur la liste, à son propre nom, et en réfé-rence avec les indications permettant d’identifier sa fonction et son canton. C’est ce certificat qualifié, au sens de la loi fédérale de 2003, qui devra être uti-lisé pour les formulaires d’expédition et de légalisation en ligne.

L’ordonnance prévoit l’utilisation de ce certificat qualifié pour, en l’état, quatre opérations : la première, et celle appelée à être la plus fréquente, est l’expédition électronique (art. 10 OAAE), c’est-à-dire l’attestation authentique que le texte lié à l’authentification correspond exactement à un original (la mi-nute) sur support papier. L’ordonnance permet au surplus aussi le vidimus de la copie électronique d’un document sur papier, quel qu’il soit (art. 11 OAAE), ou encore le vidimus sur papier d’un document électronique, quel qu’il soit (art. 12 OAAE), comme enfin la légalisation électronique d’une signature sur papier ou d’une signature électronique (art. 13, 14 OAAE).

Comme le rappelle l’art. 55a Tit. fin. CC, cette méthode contraignante pour les cantons s’agissant de la tenue et de la mise à jour de la liste des officiers publics dès le 1er janvier 2012, n’est que mise à disposition des mêmes cantons, qui peuvent déterminer quand ils entendent ouvrir à leurs officiers publics la possibilité des légalisations et des signatures électroniques en ligne. Il est fort probable que l’investissement demandé aux cantons pour la mise sur pied et la mise à jour de la liste incitera la plupart d’entre eux à permettre l’utilisation de ce moyen à plus ou moins bref délai.

La contrepartie de ces avantages est sans doute le risque de voir l’attention se reporter sur les formats et prescriptions informatiques techniques du droit fédéral plutôt que sur les méthodes d’authentification et les principes de base, toujours décisifs, du droit cantonal. C’est aux officiers publics qu’il appartien-dra d’assurer avec vigilance cette tâche pour les documents en ligne, au même titre qu’ils doivent l’assurer pour des documents sous forme conventionnelle.

Page 136: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

134

B. L’évolution vers le « cyber-notaire » ?

La légalisation en ligne devrait être promise à un développement plus rapide pour le registre du commerce, où elle est légalement prescrite de façon indis-tincte, que dans celui du registre foncier, où elle peut être exigée de cas en cas, selon le degré d’exactitude attendu de l’office du registre. L’entrée en vigueur de l’ordonnance sur l’acte authentique électronique doit cependant amener à la révision de plusieurs dispositions de l’ordonnance fédérale sur le registre du commerce de 2007, laquelle persiste en l’état, et à tort à nos yeux, à dispenser de légalisation (art. 18 al. 4 de l’ordonnance fédérale) les réquisitions électro-niques contrairement aux réquisitions papier, l’emploi de la signature électro-nique qualifiée ne garantissant pas la qualité de la personne qui a utilisé la clé objet du certificat. La loi formelle exigeant une légalisation, soit le constat d’un officier public44, l’ordonnance actuelle, comme son texte antérieur à 2012, nous paraît toujours contraire à la loi.

De même, pour le registre foncier, mais pour d’autres raisons, la légalisa-tion électronique restera sans doute l’exception. C’est l’expédition électronique qui semble promise, pour le registre foncier, à un fort développement dans les années à venir. Elle permettra à bref délai le passage, selon les cantons, à un système entièrement informatisé des communications avec le registre foncier.

Les avantages considérables de ce système paraissent apparemment ame-ner les autorités fédérales à envisager l’introduction de la « minute », soit d’un original, sous forme électronique, solution que le Conseil fédéral repoussait encore en 200745. Cette thématique nouvelle est liée, selon l’office fédéral, à l’uniformisation des règles de la forme authentique, du moins sous l’angle des principes46 : à vrai dire, la nécessité de ce lien nous échappe. De même que la procédure de légalisation relève des cantons alors que les règles de sécurité et d’interopérabilité relèvent de la Confédération (art. 55a al. 4 Tit. fin. CC), on ne voit pas pourquoi il en irait différemment de l’acte authentique lui-même.

Matériellement, on peut douter fortement de l’utilité, pour le notaire ou l’officier public, ou encore pour les autorités, d’un acte original sous forme électronique : la question est ici celle de la conservation de cet acte, question qui en réalité ne relève pas de l’application uniforme du droit matériel, et donc échappe à la compétence législative de la Confédération. Si, comme telle, la minute électronique n’a pas d’avantage manifeste comme en ont les expédi-tions électroniques, il se peut qu’on entende aussi encourager par là une ins-trumentation à distance, soit un bouleversement des procédures 44 Art. 931a al. 2, 556 al. 2, 597 al. 2, 720, 814 al. 6 et 901 CO. 45 FF 2007, p. 5073. 46 Christina SCHMID-TSCHIRREN, Elektronische öffentliche Beurkundung und Grundpfandrechte : Neue-

rungen, insbesondere der Register-Schuldbrief, RNRF 2011, p. 5-6.

Page 137: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

135

d’instrumentation actuelles, qui n’est jusqu’ici reçue que dans quelques can-tons pour les procès-verbaux d’assemblées générales ou de conseil d’administration en droit des sociétés, cantons auxquels le canton de Genève va incessamment se joindre47. Il y a encore là une vaste discussion sur le rôle essentiel de l’officier public dans la procédure d’instrumentation de l’acte au-thentique qu’il conviendrait d’engager avant que de lier minute électronique et unification des principes de procédure. L’on relèvera que ces innovations ont été toutes repoussées par une forte majorité des associations cantonales de no-taires suisses, à l’occasion d’un sondage engagé entre 2010 et 2011. Il serait sage dans ce domaine de laisser les cantons faire leurs expériences, et de laisser les notaires et officiers publics suisses ingérer déjà les nouveautés, infiniment plus pratiques, que leur offrent l’art. 55a Tit. fin. CC et son ordonnance dès 2012.

IV. Publicité du registre foncier, géoinformation et protec-tion des données

A. Publicité illimitée, accès étendu et protection des données

La révision du 11 décembre 2009 ne modifie pas le principe de la publicité du registre foncier et de l’accès aux données qui y sont traitées, fixé en 1991 par l’art. 949a CC pour toutes les informations du registre, et, pour la dernière fois, en 2003, pour la publicité générale des registres (art. 970, 970a CC).

Comme l’a bien rappelé le Tribunal fédéral s’agissant d’extraits du registre foncier, il faut ici distinguer les données accessibles au public de la fourniture d’un ou de plusieurs renseignements à la demande d’un particulier, la publici-té de l’art. 970 al. 2 et 3 CC ne s’étendant pas à cette fourniture spécifique par l’office48.

Pour ce qui a trait à la publicité des écritures, l’on peut penser que le cur-seur est à son extension maximale, la propriété, y compris les plans, étant en-tièrement publics, et la réglementation actuelle rendant entièrement publiques les servitudes et les charges foncières. Comme l’art. 970 al. 3 CC oblige à tenir compte de la protection des données, l’ordonnance fédérale de 2011 reprend les quelques cas d’exceptions où des mentions ne sont pas entièrement pu-bliques (art. 26 ORF 2011, soit 106 lit. e ORF 1910), car aller plus loin revien-drait à refuser la pondération des intérêts divergents que le Parlement a pres-crite au Conseil fédéral entre la publicité complète et la protection des données

47 VD, loi sur le notariat, du 29 juin 2004, art. 62 ; BS, Notariatsgesetz, 28.10.2004, art. 38 al.2, VS,

loi sur le notariat du 19.12.2004, art. 98 ; encore récalcitrant, le Conseil fédéral entendait repousser cette solution en droit fédéral en 2008, FF 2008, p. 1500.

48 ATF 126 III 512, JdT 2001 I 228.

Page 138: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

136

(art. 970 al. 3 CC). Seuls échappent à la faculté de consultation illimitée, soit à une consultation abstraite de la preuve d’un intérêt digne de protection, outre ces quelques cas de mentions, les annotations et les gages immobiliers, où la règle de l’intérêt digne de protection reste ainsi exigée (art. 970 al. 1 CC).

Mais c’est là la solution traditionnelle qui est aujourd’hui en perte d’importance face au bouleversement qu’entraîne la mise sur l’internet des données du registre foncier. En 2011 encore, selon le texte révisé en 2008, ce sont toujours les cantons qui fixent les publications en ligne de données pu-bliques du registre foncier (art. 970a CC, 111k ORF de 1910), mais la Confédé-ration met sur pied l’index immobilier national E-GRIX permettant l’accessibilité en ligne de toutes les données publiques du registre foncier (art. 111l al. 4 ORF de 1910) ; la consultation reste ainsi cantonale, et, dans la règle, est encore payante si nécessaire (art. 111l al. 7 ORF de 1910).

Ce régime est fondamentalement revu dans la future ordonnance, même si les bases légales restent inchangées. La raison d’être de ce bouleversement est l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la géoinformation du 5 octobre 2007, le 1er juillet 2008 (RS 510.62). Cette loi prescrit, avec son ordonnance (art. 34 de l’ordonnance sur la géoinformation, du 21 mai 2008, RS 510.620), un service de consultation en ligne pour les géodonnées de toute la Suisse. Maîtres jusque-là du basculement sur la consultation en ligne, les cantons se voient ainsi obligés d’alimenter l’index national qui, toujours sur la base du système E-GRIX, pourra être délégué à un « organisme responsable externe à l’administration fédérale » (art. 27 al.3 ORF 2011): l’imprécision de ce régime qui sera selon toute vraisemblance rapidement fonctionnel laisse ouvertes des questions sur la surveillance de l’administration fédérale sur l’organisme décentralisé, vrai-semblablement soustrait à toute prérogative précise des autorités, et où les cantons seront contraints de porter leurs données via l’interface unique de la Confédération. L’on observe ainsi un remplacement de la maîtrise des données du registre foncier, passant des cantons à la Confédération, pour être ensuite déléguée à un organisme privé semi-public selon toute vraisemblance.

Les cantons restent cependant maîtres de l’accès sur appel en ligne étendu, soit également en ce qui concerne les données touchant aux gages immobiliers, aux annotations et aux mentions non publiques. Comme dans le droit anté-rieur (art. 111n ORF 1910), les cantons peuvent octroyer un accès sur appel par voie contractuelle, avec un certain nombre de garantie de non-réemploi et de sécurité des données (art. 28 ORF 2011). Ce mécanisme a déjà, et continuera sans doute, à poser des problèmes de justification des différences de traitement engendrées par l’ordonnance fédérale. Ainsi, le service « Postfinance » n’était pas dans l’ancienne ordonnance et ne constituait pas juridiquement une banque, donc ne pouvait bénéficier en principe de l’accès sur appel octroyé aux banques ; avec la mention de la Poste, l’art. 28 lit. b ORF inclut désormais

Page 139: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

137

clairement ce cas. Plus délicat, l’avocat-notaire a qualité pour cet accès contrac-tuel en tant qu’officier public, mais non en tant qu’avocat. Il est vrai qu’ici, le secret professionnel de l’art. 13 LLCA devrait maintenir la donnée non pu-blique, y compris à l’égard du client même de l’avocat. Mais cette distinction juridique est, on s’en doute, fortement sujette à caution dans la réalité du ter-rain. Les sociétés immobilières ou de courtage peuvent être également autori-sées contractuellement à l’accès étendu, mais cette justification reste plus aléa-toire, en l’absence de tout secret liant de tels professionnels, et il n’est pas abso-lument indifférent à tout citoyen qu’une société de courtage puisse accéder à l’engagement hypothécaire de l’immeuble, sans permission du propriétaire, même si elle ne peut, en vertu du contrat passé avec les autorités de registres fonciers, accéder normalement directement à de telles données.

C’est dans ce domaine que les prérogatives concédées peuvent apparaître le plus problématique en matière de protection des données. La procédure de consultation a en effet mis en évidence une opposition au basculement sur in-ternet de toutes les données du registre foncier émanant des milieux représen-tatifs des propriétaires fonciers. Un retour en arrière paraît peu probable, mais un développement plus avancé encore de l’accessibilité pour les données non publiques n’en devient que plus problématique.

B. Les restrictions de droit public à la propriété mentionnées au registre foncier

La nouvelle loi fédérale sur la géoinformation du 5 octobre 2007 a prévu la mise sur pied d’un cadastre des restrictions de droit public, fédéral et cantonal, portées à la propriété foncière privée (art. 16). Ce cadastre est accessible à tous, comme le registre foncier en principe (art. 17 de la loi sur la géoinformation, cf. art. 970 al. 4 CC), mais il n’a naturellement pas de foi publique, c’est-à-dire que nul ne peut s’appuyer sur ces indications pour en déduire des effets de droit, fût-il de bonne foi. Ce cadastre doit donner une « photographie juridique » de la parcelle sur la base du droit administratif de la propriété foncière. Or, les restrictions de droit public objet d’une mention au registre foncier ne font pas l’objet d’une indication au cadastre (art. 16 al. 1 de la loi sur la géoinforma-tion) : le cadastre des restrictions à la propriété privée doit se tenir en lien avec le registre foncier49 ; et la loi du 11 décembre 2009 bouleverse le régime des mentions de droit public tel que prévu antérieurement par l’art. 962 CC dans sa version de 1907. Selon ce texte ancien, la mention est une écriture ouverte au droit public des cantons, moyennant respect des principes généraux du droit administratif, notamment celui de la base légale, qui doit être, à cette fin, ap-prouvée par le Conseil fédéral pour permettre l’indication au registre foncier du rapport de droit administratif en cause (art. 962 al. 2 CC 1907). Les cantons 49 Cf. déjà l’art. 111l al. 3 et 5 ORF 1910, révisé en 2008.

Page 140: Conference Proceedings - UNIGE

DENIS PIOTET

138

peuvent, dans ce système, librement recourir à cette indication, généralement instituée dans un but purement informatif, mais à laquelle ils doivent être libres d’attacher des conséquences de droit, le rapport de droit administratif ainsi modifié ne relevant pas du droit privé fédéral50.

Cette liberté de recourir à la mention a pris fin en 2012. D’abord, les hypo-thèques légales et charges foncières occultes, encore parfois mentionnées selon les lois cantonales, ne pourront plus être admises dès 2012, mais devront être inscrites dès que le capital de CHF 1'000.- est atteint ou dépassé (art. 836 nou-veau CC, auquel renvoie également l’art. 784 nouveau CC), les cantons devant mettre à jour les indications existantes dans les dix ans, soit jusqu’en 2022 (art. 44 al. 3 Tit. fin. CC nouveau). Toutes les autres mentions de droit public seront dès 2012 obligatoires, en vertu du nouvel alinéa 1 de l’art. 962 CC, dès qu’elles portent sur une restriction « d’une propriété immobilière déterminée qui a pour effet d’en restreindre durablement l’utilisation, de restreindre dura-blement le pouvoir du propriétaire d’en disposer ou de créer une obligation déterminée durable à sa charge en relation avec l’immeuble ».

L’on voit que les termes « durable » et « durablement » ou encore « im-meuble déterminé » sont des notions juridiques indéterminées laissant un pouvoir d’appréciation dans un domaine qui devrait être de droit strict. Pour tenter d’éclairer les cas visés, les cantons doivent adresser au Conseil fédéral une liste des restrictions devant entrer dans le cadre défini par le code civil selon leur propre législation (al. 3). L’ordonnance en fait une liste très ouverte qui concerne tous les domaines du droit administratif liés au sol, allant de la protection de la nature et de l’environnement, à l’utilisation des cours d’eau et à la police des routes, aux logements subventionnés par les collectivités pu-bliques, à l’aide à l’agriculture, à la mensuration du sol, à la police des cons-tructions et au droit de l’expropriation (art. 129 al.1 ORF 2011). Dans tous ces domaines, l’art. 962 CC est la base légale de la mention : il n’est donc plus né-cessaire de prévoir cette écriture expressément dans la loi cantonale. Les can-tons peuvent en revanche élargir les cas de mention de droit public au-delà des exigences prévues par l’art. 962 nouveau CC (al. 3 ; cf. aussi l’art. 129 al. 3 ORF 2011), ce qui les obligera alors à instituer une base légale de cette écriture dans leur propre législation, désormais dispensée d’approbation fédérale.

Malgré l’effort qui s’attache à détailler la nouvelle obligation à charge des cantons, de graves difficultés pratiques peuvent déjà se profiler comme étant probables. Le message du Conseil fédéral parle de décisions qui reposent sur une décision administrative, et non de celles qui résultent directement de la

50 ATF 89 II 203, JdT 1964 I 162 ; A. HOMBERGER (note 38), n. 6 ad 962 CC ; contra J. SCHMID

(note 26), n. 4 ad 962 CC et TF in RNRF 2011 n.13 p.117, qui procèdent à une interprétation anti-constitutionnelle du droit privé fédéral.

Page 141: Conference Proceedings - UNIGE

Registre foncier, électronique et protection des données

139

réglementation, censée connue des tiers51 ; le même texte se réfère à une res-triction touchant à un ou des immeubles déterminés. Or les plans d’affectation sont des figures juridiques intermédiaires entre les décisions contraignant à des restrictions définies, et des réglementations générales et abstraites : ils peuvent très bien ne toucher, par quartier, que trois, deux, voire une seule par-celle de terrain52. Le flottement est ici complet et on voit mal comment une responsabilité pour l’établissement et la mise à jour de telles mentions pourrait être mise à la charge de la collectivité publique chargée de cette opération à l’égard du registre foncier.

Cette responsabilité pour la mise à jour d’ailleurs, selon l’art. 962 nouveau CC, incombe à la collectivité publique chargée de l’application des restrictions de droit public, laquelle doit aussi veiller aux radiations des mentions ayant perdu tout intérêt (art. 962 al. 2 CC). Cette responsabilité n’entre ainsi pas dans le cadre de la tenue du registre foncier, et ne relève ainsi pas du mécanisme de l’art. 955 CC53. Un cas de responsabilité au demeurant se concevrait plutôt théoriquement que pratiquement. La mention, si le droit cantonal n’y attache - comme c’est la règle - aucune conséquence juridique spécifique, n’est qu’informative : elle ne profite pas de la foi publique du droit privé fédéral, de sorte que nul ne peut s’appuyer de bonne foi sur sa présence ou son absence sur le feuillet. Son seul effet juridique étant une présomption d’exactitude, l’art. 9 CC est ainsi étendu dans la relation de droit administratif cantonal en cause. Il faudrait cependant que le dommage soit spécialement lié à cette pré-somption d’inexactitude, par hypothèse injustifiée, pour qu’un véritable si-nistre puisse se concrétiser. Ce cas de figure, s’il n’est pas d’emblée exclu, pa-raît être plutôt exceptionnel.

Evoluant dans le flou vers une exhaustivité de la photographie juridique de tout le territoire national, il se peut que la mise en place de ces nouvelles mesures ne soit pas préjudiciable aux autorités et aux justiciables. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a là un travail de maintenance relativement conséquent, dont l’utilité reste en l’état délicate à évaluer de façon prospective pour ses seules conséquences juridiques.

51 FF 2007, p. 5064-5065. 52 Cf. notamment Pierre MOOR, Droit administratif, II, Berne 2002, p. 437 s ; cf. par exemple ATF 119 I

a 144, c. 5 bb, JdT 1995 I 415 ; ATF 116 I a 207, JdT 1992 I 438. 53 Il n’y a pas de disposition analogue à l’art. 18 de la loi sur la géoinformation pour les collectivités

publiques en cause. En réalité, l’office du registre foncier ne radie que les mentions qui lui parais-sent clairement obsolètes qu’en l’absence de réaction de l’autorité compétente à son interpellation, art. 138 al.4 ORF 2011.

Page 142: Conference Proceedings - UNIGE
Page 143: Conference Proceedings - UNIGE

Alberini, Adrien 2010Le transfert de technologie en droit com-munautaire de la concurrenceMise en perspective avec les règles applicables aux accords de recherche et développement, de production et de distribution

Baddeley, Margareta 1994L’association sportive face au droit Les limites de son autonomie

Baddeley, Margareta (éd.) 1999La forme sociale de l’organisation sportive Questions de responsabilité Actes de la Journée de Droit du sport de la Faculté de droit de l’Université de Genève 25 mars 1999

Bellanger, François (éd.) 2000L’Etat face aux dérives sectairesActes du colloque du 25 novembre 1999

Bernard, Frédéric 2010 L’Etat de droit face au terrorisme

Bino, Maria-Antonella 2006Hospitalisation forcée et droits du malade mentalEtude de droit international et de droit comparé

Botoy Ituku, Elangi 2007Propriété intellectuelle et droits de l’homme L’impact des brevets pharmaceutiques sur le droit à la santé dans le contexte du VIH / SIDA en Afrique

Cattaneo, Daniele 1992Les mesures préventives et de réadaptation de l’assurance-chômage Prévention du chômage et aide à la formation en droit suisse, droit international et droit européen

Chaix, François 1995Le contrat de sous-traitance en droit suisse Limites du principe de la relativité des conventions

Chappuis, Christine 1991La restitution des profits illégitimes Le rôle privilégié de la gestion d’affaires sans mandat en droit privé suisse

Chatton, Gregor T. 2005Die Verknüpfung von Handel und Arbeitsmenschenrechten innerhalb der WTOPolitisches Scheitern und rechtliche Perspektiven

Chavanne, Sylvie 1993Le retard dans l’exécution des travaux de construction Selon le Code des obligations et la norme SIA 118

Liste des ouvragesGC

CollectionGenevoise

Page 144: Conference Proceedings - UNIGE

Converset, Stéphanie 2009Aide aux victimes d’infractions et réparation du dommageDe l’action civile jointe à l’indemnisation par l’Etat sous l’angle du nouveau droit

Currat, Philippe 2006Les crimes contre l’humanité dans le Sta-tut de la Cour pénale internationale

Défago Gaudin, Valérie 2006L’immeuble dans la LP : indisponibilité et gérance légale

Donatiello, Giuseppe 2010Responsabilité du débiteur : de la délégation à l’organisation de l’exécution des obligationsCodifications supranationales récentes (CVIM, Principes d’UNIDROIT, Principes européens) et Code des obligations suisse

Droz, Johan 2008La substitution dans le contrat de mandat

Ducrot, Michel 2005La procédure d’expulsion du locataire ou du fermier non agricole : quelques législations cantonales au regard du droit fédéral

Dunand, Jean-Philippe 2000Le transfert fiduciaire : « Donner pour reprendre » Mancipio dare ut remancipetur Analyse historique et comparatiste de la fiducie-gestion

Dupont, Anne-Sylvie 2005Le dommage écologiqueLe rôle de la responsabilité civile en cas d’atteinte au milieu naturel

Favre-Bulle, Xavier 1998Les paiements transfrontières dans un espace financier européen

Fehlbaum, Pascal 2007Les créations du domaine de la parfumerie : quelle protection?

Foëx, Bénédict 1997Le contrat de gage mobilier

Gafner d’Aumeries, Sonja 1992Le principe de la double incriminationEn particulier dans les rapports d’entraide judiciaire internationale en matière pénale entre la Suisse et les Etats-Unis

Garibian, Sévane 2009Le crime contre l’humanité au regard des principes fondateurs de l’Etat moderneNaissance et consécration d’un concept

Garrone, Pierre 1991L’élection populaire en SuisseEtude des systèmes électoraux et de leur mise en œuvre sur le plan fédéral et dans les cantons

Gerber, Philippe 1997La nature cassatoire du recours de droit public Mythe et réalité

Gonin, Luc 2011L’obsolescence de l’Etat moderne Analyse diachronique et contextuelle à l’exemple de l’Etat français

de Gottrau, Nicolas 1999Le crédit documentaire et la fraudeLa fraude du bénéficiaire, ses conséquences et les moyens de protection du donneur d’ordre

Grant, Philip 2000La protection de la vie familiale et de la vie privée en droit des étrangers

Page 145: Conference Proceedings - UNIGE

Grodecki, Stéphane 2008L’initiative populaire cantonale et municipale à Genève

Guibentif, Pierre 1997La pratique du droit international et com-munautaire de la sécurité sociale Etude de sociologie du droit de la coordination, à l’exemple du Portugal

Gutzwiller, Céline 2008Droit de la nationalité et fédéralisme en Suisse

Hack, Pierre 2003La philosophie de KelsenEpistémologie de la Théorie pure du droit

Henzelin, Marc 2000Le principe de l’universalité en droit pénal international Droit et obligation pour les Etats de poursuivre et juger selon le principe de l’universalité

Hottelier, Michel 1990L’article 26 CEDH et l’épuisement des voies de recours en droit fédéral suisse

Hottelier, Michel 1995Le Bill of Rights et son application aux Etats américains Etude de droit constitutionnel des Etats-Unis avec des éléments comparatifs de droit suisse

Issenhuth-Scharly, Ghislaine 2009Autonomie individuelle et biobanquesEtude de droit comparé (droit européen, droit français, droit suisse)

Jeanneret, Yvan 2002La violation des devoirs en cas d’accident Analyse critique de l’article 92 LCR

Jeandin, Nicolas 1994Le chèque de voyage

Jung, Anne 2008Jeremy Bentham et les mesures de sûreté en droit actuel : Suisse et Belgique

Junod Moser, Dominique 2001Les conditions générales à la croisée du droit de la concurrence et du droit de la consommation Etude de droit suisse et de droit européen

Junod, Valérie 2005Clinical drug trialsStudying the safety and efficacy of new pharmaceuticals

Kastanas, Elias 1993Les origines et le fondement du contrôle de la constitutionnalité des lois en Suisse et en Grèce

Lampert, Frank 2000Die Verlustverrechnung von juristischen Personen im Schweizer Steu-errecht unter besonderer Berücksichtigung des DBG und StHG

Languin, Noëlle/Liniger, Miranda/ 1994Monti, Brigitte/Roth, Robert/Sardi, Massimo/Strasser, François RogerLa libération conditionnelle : risque ou chance?La pratique en 1990 dans les cantons romands

Languin, Noëlle/Kellerhals, Jean/ 2006Robert, Christian-NilsL’art de punirLes représentations sociales d’une « juste » peine

Page 146: Conference Proceedings - UNIGE

Lempen, Karine 2006Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la responsabilité civile de l’employeurLe droit suisse à la lumière de la critique juridique féministe et de l’expérience états-unienne

Manaï, Dominique 1999Les droits du patientface à la médecine contemporaine

Mandofia Berney, Marina 1993Vérités de la filiation et procréation assistéeEtude des droits suisse et français

Marchand, Sylvain 1994Les limites de l’uniformisation matérielle du droit de la vente internationale Mise en œuvre de la Convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises dans le contexte juridique suisse

Martenet, Vincent 1999L’autonomie constitutionnelle des cantons

Marti, Ursula 2011Das Vorsorgeprinzip im UmweltrechtAm Beispiel der internationalen, europäischen und schweizerischen Rechtsordnung

Morand, Charles-Albert (éd.) 1991Les instruments d’action de l’Etat

Morand, Charles-Albert (éd.) 1992Droit de l’environnement : mise en œuvre et coordination

Morand, Charles-Albert (éd.) 1992La légalité : un principe à géométrie variable

Morand, Charles-Albert (éd.) 1995Aménagement du territoire et protection de l’environnement : la simplification des procédures

Morand, Charles-Albert (éd.) 1996La pesée globale des intérêts Droit de l’environnement et de l’aménagement du territoire

Moreno, Carlos 2002Legal Nature and Functions of the Multimodal Transport Document

Morin, Ariane 2002La responsabilité fondée sur la confianceEtude critique des fondements d’une innovation controversée

Oberson, Xavier 1991Les taxes d’orientationNature juridique et constitutionnalité

Ordolli, Stiliano 2008Histoire constitutionnelle de l’Albanie des origines à nos jours

Papaux van Delden, Marie-Laure 2002L’influence des droits de l’homme sur l’osmose des modèles familiaux

Pavlidis, Georgios 2012Confiscation internationale: instruments internationaux, droit de l’Union européenne, droit suisse

Peter, Henry 1990L’action révocatoire dans les groupes de sociétés

Pont Veuthey, Marie-Claire 1992Le pouvoir législatif dans le canton du Valais

Page 147: Conference Proceedings - UNIGE

Rohmer, Sandrine 2006Spécificité des données génétiques et protection de la sphère privée Les exemples des profils d’ADN dans la procédure pénale et du diagnostic génétique

Rubido, José-Miguel 2012L’exercice du droit de préemption immobilier au regard du droit privé

Sambuc Bloise, Joëlle 2007La situation juridique des Tziganes en SuisseAnalyse du droit suisse au regard du droit international des minorités et des droits de l’homme

Scartazzini, Gustavo 1991Les rapports de causalité dans le droit suisse de la sécurité sociale Avec un aperçu des différentes théories de la causalité

Schneider, Jacques-André 1994Les régimes complémentaires de retraite en Europe : Libre circulation et participation Etude de droit suisse et comparé

Schröter, François 2007Les frontières de la Suisse : questions choisies

Soma, Abdoulaye 2009Droit de l’homme à l’alimentation et sécurité alimentaire en Afrique

Stieger-Chopard, Arlette 1997L’exclusion du droit préférentiel de souscription dans le cadre du capital au-torisé de la société anonyme Etude de droit allemand et de droit suisse

Tanquerel, Thierry 1996Les voies de droit des organisations éco-logistes en Suisse et aux Etats-Unis

Tevini Du Pasquier, Silvia 1990Le crédit documentaire en droit suisse Droits et obligations de la banque mandataire et assignée

Tornay, Bénédicte 2008La démocratie directe saisie par le juge L’empreinte de la jurisprudence sur les droits populaires en Suisse

Trigo Trindade, Rita 1996Le conseil d’administration de la société anonyme Composition, organisation et responsabilité en cas de pluralité d’administrateurs

Voïnov Kohler, Juliette 2006Le mécanisme de contrôle du respect du Protocole de Kyoto sur les changements climatiques : entre diplomatie et droit

Vulliéty, Jean-Paul 1998Le transfert des risques dans la vente in-ternationale Comparaison entre le Code suisse des Obligations et la Convention de Vienne des Nations Unies du 11 avril 1980

Werly, Stéphane 2005La protection du secret rédactionnel

Wisard, Nicolas 1997Les renvois et leur exécution en droit des étrangers et en droit d’asile

Zellweger, Tobias 2008Les transports collectifs de personnes dans l’agglomération francogenevoise : Etude de droit transfrontalier

Page 148: Conference Proceedings - UNIGE

Recueils de textes(anciennement « Série rouge »)

Auer, Andreas/Flückiger, Alexandre/ 2007Hottelier, Michel (éd.)Les droits de l’homme et la constitution. Etudes en l’ honneur du Professeur Gior-gio Malinverni

Auer, Andreas/Delley, Jean-Daniel/ 2001Hottelier, Michel/Malinverni, Giorgio (éd.)Aux confins du droitEssais en l’honneur du Professeur Charles-Albert Morand

François Bellanger/ Jacques de Werra (éds) 2012Genève au confluent du droit interne et du droit internationalMélanges offerts par la Faculté de droit de l’Université de Genève à la Société Suisse des Juristes à l’occasion du Congrès 2012

Cassani, Ursula/Roth, Robert/ Sträuli, Bernhard (éd.) 2009Montrer la justice, penser le droit pénal Colloque en l’honneur du Professeur Christian-Nils Robert

Chappuis, Christine/ 2006Foëx, Bénédict/Thévenoz, Luc (éd.)Le législateur et le droit privéColloque en l’honneur du professeur Gilles Petitpierre

Dufour, Alfred/Rens, Ivo/ 1998Meyer-Pritzl, Rudolf/Winiger, Bénédict (éd.)Pacte, convention, contratMélanges en l’honneur du Professeur Bruno Schmidlin

Flückiger, Alexandre (éd.) 2010 Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes ? L’efficacité entre éthique et droit

Foëx, Bénédict/Jeandin, Nicolas (éd.) 2011 Le Code de procédure civile Aspects choisis

Foëx, Bénédict/Hottelier, Michel/ 2007 Jeandin, Nicolas (éd.)Les recours au Tribunal fédéral

Foëx, Bénédict/Thévenoz, Luc (éd.) 2000Insolvence, désendettement et redressement Etudes réunies en l’honneur de Louis Dallèves, Professeur à l’Université de Genève

Hottelier, Michel (éd.) 2011 Albert Cohen L’écrivain au service de l’Etat de droit Actes du colloque organisé le 18 février 2011 par la Faculté de droit et la Fonda-tion Mémoire Albert Cohen

Kellerhals, Jean/Manaï, Dominique/ 2002Roth, Robert (éd.)Pour un droit plurielEtudes offertes au Professeur Jean-François Perrin

Knapp, Blaise/Oberson, Xavier (éd.) 1997Problèmes actuels de droit économiqueMélanges en l’honneur du Professeur Charles-André Junod

Reymond, Jacques-André 1998De l’autre côté du miroirEtudes récentes

Schönle, Herbert 1995Droit des obligations et droit bancaireEtudes

Page 149: Conference Proceedings - UNIGE

Thévenoz, Luc/Reich, Norbert (éd.) 2006Droit de la consommation/ Konsumentenrecht/Consumer LawLiber amicorum Bernd Stauder

Ouvrages collectifs Présence et actualité de la constitution dans l’ordre juridique Mélanges offerts à la Société suisse des juristes pour son congrès 1991 à Genève. 1991

Problèmes actuels de droit fiscal Mélanges en l’honneur du Professeur Raoul Oberson 1995

Trigo Trindade, Rita/Peter, Henry/ Bovet, Christian (éd.) 2009Economie Environnement Ethique De la responsabilité sociale et sociétaleLiber Amicorum Anne Petitpierre-Sauvain

Droit civil

Baddeley, Margareta (éd.) 2007La protection de la personne par le droitJournée de droit civil 2006 en l’honneur du Professeur Martin Stettler

Baddeley, Margareta/ 2009Foëx, Bénédict (éd.) La planification du patrimoineJournée de droit civil 2008 en l’honneur du Professeur Andreas Bucher

Perrin, Jean-François/ 2008 Chappuis, ChristineDroit de l’association 3e édition

Démocratie directe

Arx, Nicolas von 2002Ähnlich, aber andersDie Volksinitiative in Kalifornien und in der Schweiz

Auer, Andreas (éd.) 1996Les origines de la démocratie directe en Suisse / Die Ursprünge der schweizerischen direkten Demokratie

Auer, Andreas (éd.) 2001Sans délais et sans limites? L’initiative populaire à la croisée des cheminsOhne Fristen und Grenzen? Die Volksinitiative am Scheideweg

Auer, Andreas/ 2001Trechsel, Alexander H.Voter par Internet?Le projet e-voting dans le canton de Genève dans une perspective socio-politique et juridique

Delley, Jean-Daniel (éd.) 1999Démocratie directe et politique étrangère en Suisse/ Direkte Demokratie und schweizerische Aussenpolitik

Schuler, Frank 2001Das Referendum in GraubündenEntwicklung, Ausgestaltung, Perspektiven

Trechsel, Alexander/Serdült, Uwe 1999Kaleidoskop VolksrechteDie Institutionen der direkten Demokratie in den schweizerischen Kantonen 1970–1996

Page 150: Conference Proceedings - UNIGE

Manaï, Dominique 1990Eugen HuberJurisconsulte charismatique

Monnier, Victor (éd.) 2002Bonaparte et la Suisse Travaux préparatoires de l’Acte de Médiation (1803)(Préfacé par Alfred Kölz)

Monnier, Victor 2003Bonaparte, la Suisse et l’EuropeColloque européen d’histoire constitutionnelle pour le bicentenaire de l’Acte de médiation (1803–2003)

Dufour, Alfred/Monnier, Victor (Ed.) 2011La Savoie, ses relations avec Genève et la Suisse Actes des journées d’étude à l’occasion du 150e anniversaire de l’Annexion de la Savoie à la France organisées à Genève, les 4 et 5 novembre 2010

Quastana, François/ 2008Monnier, Victor (Ed.)Paoli, la Révolution Corse et les LumièresActes du colloque international organisé à Genève, le 7 décembre 2007

Reiser, Christian M. 1998Autonomie et démocratie dans les communes genevoises

Schmidlin, Bruno/ 1991Dufour, Alfred (éd.)Jacques Godefroy (1587–1652) et l’Humanisme juridique à Genève Actes du colloque Jacques Godefroy

Winiger, Bénédict 1997La responsabilité aquilienne romaineDamnum Iniuria Datum

Trechsel, Alexander 2000Feuerwerk VolksrechteDie Volksabstimmungen in den schweizerischen Kantonen 1970–1996

Droit et Histoire(anciennement « Droit et Histoire », « Les grands jurisconsultes » et « Grands textes »)

Dufour, Alfred/Roth, Robert/ 1994Walter, François (éd.) Le libéralisme genevois, du Code civil aux constitutions (1804–1842)

Dufour, Alfred (éd.) 1998Hommage à Pellegrino Rossi (1787–1848)Genevois et Suisse à vocation européenne

Dufour, Alfred (éd.) 2001Rossi, PellegrinoCours d’histoire suisse

Dufour, Alfred 2003L’histoire du droit entre philosophie et histoire des idées

Dunand, Jean-Philippe 2004Keller, Alexis (éd.)Stein, PeterLe droit romain et l’EuropeEssai d’interprétation historique, 2ème édition

Hottelier, Michel (éd.) 2010Fazy, JamesDe l’intelligence collective des sociétésCours de législation constitutionnelle

Page 151: Conference Proceedings - UNIGE

Hottelier, Michel/ 2003Foëx, Bénédict (éd.)La propriété par étagesFondements théoriques et questions pratiques

Hottelier, Michel/ 2001Foëx, Bénédict (éd.)L’aménagement du territoirePlanification et enjeux

Hottelier, Michel/ 1999Foëx, Bénédict (éd.)Les gages immobiliersConstitution volontaire et réalisation forcée

Droit administratif

Bellanger, François/ 2002Tanquerel, Thierry (éd.)Les contrats de prestations

Tanquerel, Thierry/Bellanger, François (éd.) 2002L’administration transparente

Droit de la responsabilité

Chappuis, Christine/ 2005Winiger, Bénédict (éd.)Le préjudiceUne notion en devenir (Journée de la responsabilité civile 2004)

Winiger, Bénédict 2002La responsabilité aquilienne en droit communDamnum Culpa Datum

Droit de la propriété

Foëx, Bénédict (éd.) 2012La réforme des droits réels immobiliersLes modifications du Code civil entrées en vigueur le 1er janvier 2012

Foëx, Bénédict (éd.) 2011Droit de superficie et leasing immobilierDeux alternatives au transfert de propriété

Foëx, Bénédict / 2009Hottelier, Michel (éd.)La garantie de la propriété à l’aube du XXIe siècleExpropriation, responsabilité de l’Etat, gestion des grands projets et protection du patrimoine

Foëx, Bénédict / 2007Hottelier, Michel (éd.)Servitudes, droit de voisinage, responsabilités du propriétaire immobilier

Hottelier, Michel/ 2005Foëx, Bénédict (éd.)Protection de l’environnementet immobilierPrincipes normatifs et pratique jurisprudentielle

Page 152: Conference Proceedings - UNIGE

Winiger, Bénédict 2009La responsabilité aquilienne au 19ème siècleDamnum iniuria et culpa datum

Droit international

Daboné, Zakaria 2012Le droit international public relatif aux groupes armés non étatiques

Noël Zoure, Théophane 2012Le commerce des produits agricoles dans le droit de l’OMC

Chappuis, Christine/ 2007Winiger, Bénédict (éd.)Les causes du dommage(Journée de la responsabilité civile 2006)

Chappuis, Christine/ 2009Winiger, Bénédict (éd.)La responsabilité pour l’information fournie à titre professionnel(Journée de la responsabilité civile 2008)

Chappuis, Christine/ 2011Winiger, Bénédict (éd.)La preuve en droit de la responsabilité civile(Journée de la responsabilité civile 2010)

Etier, Guillaume 2006Du risque à la fauteEvolution de la responsabilité civile pour le risque du droit romain au droit commun

Winiger, Bénédict (éd.) 2008La responsabilité civile européenne de demainProjets de révision nationaux et principes européens

Europäisches Haftungsrecht morgenNationale Revisions entwürfe und europäische Haftungsprinzipien (Colloque international à l’Université de Genève)