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CONCOURS EXTERNE DE CONTRÔLEUR DES FINANCES PUBLIQUES DE 2ÈME CLASSE AFFECTÉ AU TRAITEMENT DE L’INFORMATION EN QUALITÉ DE PROGRAMMEUR ANNÉE 2019 _____ ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ N° 1 Durée : 3 heures – Coefficient : 4 _____ Réponses à des questions et/ou cas pratique à partir d’un dossier composé de documents à caractère économique et financier _____ Toute note inférieure à 5/20 est éliminatoire. _____ Recommandations importantes Le candidat trouvera au verso la manière de servir la copie dédiée. Sous peine d’annulation de sa copie, le candidat ne doit porter aucun signe distinctif (nom, prénom, signature, numéro de candidature, etc.) en dehors du volet rabattable d’en-tête. Il devra obligatoirement se conformer aux directives données. Tournez la page S.V.P. J. 19 1089

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CONCOURS EXTERNEDE CONTRÔLEUR DES FINANCES PUBLIQUES DE 2ÈME CLASSEAFFECTÉ AU TRAITEMENT DE L’INFORMATION EN QUALITÉ DE

PROGRAMMEUR

ANNÉE 2019

_____

ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ N° 1

Durée : 3 heures – Coefficient : 4

_____

Réponses à des questions et/ou cas pratiqueà partir d’un dossier composé de documents à caractère économique et financier

_____

Toute note inférieure à 5/20 est éliminatoire.

_____

Recommandations importantes

Le candidat trouvera au verso la manière de servir la copie dédiée.

Sous peine d’annulation de sa copie, le candidat ne doit porter aucun signe distinctif (nom,

prénom, signature, numéro de candidature, etc.) en dehors du volet rabattable d’en-tête.

Il devra obligatoirement se conformer aux directives données.

Tournez la page S.V.P.Tournez la page S.V.P.

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Décimales

RéseRvé à L’ADMinistRAtion

à L’Attention Du cAnDiDAt

à L’Attention Du coRRecteuR

en dehors de la zone d’identification rabattable, les copies doivent êtretotalement anonymes et ne comporter aucun élément d’identification telque nom, prénom, signature, paraphe, localisation, initiale, numéro, ou touteautre indication même fictive étrangère au traitement du sujet.

il est demandé aux candidats d’écrire et de souligner si nécessaire austylo bille, plume ou feutre, de couleur noire ou bleue uniquement.une autre couleur pourrait être considérée comme un signe distinctif par lejury, auquel cas la note de zéro serait attribuée. De même, l’utilisationde crayon surligneur est interdite.

Les étiquettes d'identification codes à barres, destinées à permettre àl'administration d'identifier votre copie, ne doivent être détachées et colléesdans les deux cadres prévus à cet effet qu'en présence d'un membre de lacommission de surveillance.

Pour remplir ce document :utilisez un stylo ou une pointe feutre

de couleur noiRe ou BLeue.

eXeMPLe DeMARquAGe :

Pour porter votre note, cochezles gélules correspondantes.

Reportez la note dans les zones note / 20 et dansle cadre AEn cas d’erreur de codification dans le report desnotes cochez la case erreur et reportez la notedans le cadre B.

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Ne rabattre le cache qu'en présence d'un membre de la commission de surveillance

Concours externe - interne - professionnel - ou examen professionnel (1)

(1) Rayer les mentions inutiles

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Pour l’emploi de : ....................................................................

épreuve n° :

Matière : .................................................................................

Date :

Nombre d’intercalaires supplémentaires :

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101 – Analyse de dossier

Externe

Le candidat devra compléter l’intérieur du volet rabattable des informations demandéeset se conformer aux instructions données

EN AUCUN CAS, LE CANDIDAT NE FERMERA LE VOLET RABATTABLE AVANT D’Y AVOIR ÉTÉ AUTORISÉ PAR LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

– 2 –

Nom de naissance

Prénom usuel

Jour, mois etannée

Signature

obligatoireNuméro decandidature

Suivre les instructions donnéespour les étiquettes

d'identification

Préciser éventuellement le nombred'intercalaires supplémentaires

1

1 1 0 3 2 0 1 9

Contrôleur Programmeurdes Finances Publiques

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Le candidat devra compléter l’intérieur du volet rabattable des informations demandéeset se conformer aux instructions données

ANALYSE DE DOSSIER

Code matière : 101

L’usage de matériel ou de document n’est pas autorisé.

À partir des seuls documents joints, vous traiterez chacune des questions suivantes.

Question 1

Présentez la notion de crypto-monnaie (les grandes caractéristiques) et son fonctionnement.

Question 2

Présentez les principaux avantages et inconvénients des crypto-monnaies.

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Liste des documents

Document 1 Bitcoin attention danger, Alternatives économiques, janvier 2018 (4 pages)

Document 2 Bitcoin, mirage high-tech ou révolution ? (extraits), Challenges, février 2018 (4 pages)

Document 3 Les crypto-monnaies, introduction du rapport Landau au Ministre de l’Économie et des Finances, 4 juillet 2018 (1 page)

Document 4 Comptes rendus de la commission des finances du Sénat (extraits), 7 février 2018 (6 pages)

Document 5 Le bitcoin, un mystère monétaire planétaire, Libération, novembre 2017 (2 pages)

Le fonds documentaire comporte 17 pages.

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multiples : une partie des utilisateurs assurent la fiabilité du système par des technologies de cryptographie innovantes. Quand ces techniques sont utilisées pour produire de la monnaie, on parle de crypto-monnaie. Dans ce registre, on ne compte pas que le bitcoin : 1 370 monnaies de ce type avaient été identifiées au 19 décembre 2017. Le bitcoin n’est que la première d’entre elles en termes de valeur : sa capitalisation s’établissait à cette date à 300 milliards de dollars au taux de change en vigueur, devant l’ethereum (80 milliards), le ripple (31 milliards), le litecoin (19 milliards), etc.

La confiance dans cette monnaie est donnée par le fait qu’elle est produite par une technologie « politiquement neutre » (voir encadré) et donc garantie sans inflation. La quantité totale de bitcoins émis a en effet été fixée à l’avance à 21 millions, et pas un de plus. Avec la promesse que personne ne pourrait l’accroître pour servir ses intérêts. Des idéaux à la réalité, il y a cependant un fossé.

Une utilité limitée

Concrètement, pour se procurer des bitcoins, on peut choisir de devenir « mineur », c’est-à-dire participer au fonctionnement du réseau (voir encadré). Mais le moyen le plus simple reste de vendre des biens et des services libellés dans cette monnaie ou bien, comme n’importe quelle devise, d’en acquérir auprès de bureaux de change (électroniques ou physiques, contre paiement d’une commission) ou de distributeurs automatiques, plus ou moins présents selon les pays (la France en compte seulement quatre).

L’utilité réelle de la détention de bitcoins reste cependant limitée. L’utiliser comme moyen de paiement pour effectuer ses transactions quotidiennes revient à convertir ses euros pour acheter en bitcoins des produits que l’on aurait pu payer directement... en euros. Par ailleurs, aucune entreprise n’établit ses prix en bitcoins aujourd’hui : la crypto-monnaie ne représente donc pas non plus une mesure de la valeur des biens et des services.

Un marché spéculatif

Quant à placer son épargne en bitcoins, l’opération apparaît hautement risquée, tant la volatilité de leur taux de change est élevée. La faute en revient à l’opacité qui règne en maître sur le fonctionnement de ce marché. Fin 2017, on comptait 16,7 millions de bitcoins en circulation, soit 80 % des 21 millions qui devraient être créés : selon le Financial Times, 37 % ont changé de mains durant l’année et 22 % étaient détenus par des investisseurs. Quant aux 40 % restants..., on ne dispose d’aucune information. On sait seulement qu’une grande majorité des intervenants sont en Chine et passent par des plates-formes situées au Japon.De plus, le marché est fortement manipulé. Une recherche récente a montré que la bulle spéculative de 2013 a été le fruit de l’intervention de deux traders non autorisés. Pas rassurant pour une monnaie qui se veut irréprochable sur le plan de la sécurité. Surtout si l’on ajoute que les portefeuilles électroniques dans lesquels les bitcoins sont détenus sont la cible des hackers.

Motif d’inquiétude supplémentaire, les Bourses américaines ont commencé fin 2017 à développer des produits financiers complexes en bitcoins : il est donc possible de spéculer encore plus facilement - en particulier parier à la baisse - sur des produits toxiques en bitcoins.

Une machine à cash

Enfin, contrairement au message de ceux qui portent cette utopie mi-anarchiste, mi-libertaire, c’est une innovation où la hiérarchie est très présente. À plusieurs niveaux, analyse Nigel Dodd. Si le chef technique du protocole bitcoin a mis dans l’algorithme une création maximale de 21 millions (plafond qui devrait être atteint vers 2140), il peut en pratique annoncer à tout moment un doublement de ce plafond. Et la personne détentrice de ce pouvoir est un inconnu.

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Le réseau est également très inégalitaire dans la production des bitcoins, accaparée par ceux qui disposent des moyens informatiques les plus puissants. Cette inégalité, peut-on ajouter, se retrouve également dans le fait que les techno-utopies des ingénieurs apparaissent plus à même de se développer que les autres projets de monnaies alternatives, comme les monnaies locales.

Derrière ce réseau hiérarchisé se dissimulent des intérêts puissants. Et malins : plus la demande de bitcoins est forte, moins il y a d’offre, ce qui en fait immanquablement monter le prix. Un système juteux pour ceux qui les produisent et encore plus pour ceux qui en ont bénéficié à l’origine, lorsque la monnaie valait quelques centimes. Selon une étude citée par Odile Lakomski-Laguerre et Ludovic Desmedt, 97 % des comptes possèdent moins de 10 bitcoins, tandis que 80 comptes détiendraient plus de 10 000 bitcoins chacun. Celui du fondateur afficherait entre 800 000 et 900 000 unités selon les estimations.

Le bitcoin n’est en fait pas une monnaie : il ne sert pas à mesurer la valeur, c’est un moyen de paiement inutile et c’est une réserve de valeur très risquée. « Une marchandise utilisée comme actif

spéculatif », selon les termes de Vitor Constâncio, le vice-président de la Banque centrale européenne. Le tout dans l’opacité la plus totale sur qui prend des risques et à quelle hauteur. Le bitcoin a démarré comme un mouvement social ; il est devenu une nouvelle source d’enrichissement pour quelques-uns.

CRYPTAGE

La blockchain, une technologie innovante

La technologie de cryptage qui permet de faire fonctionner le réseau du bitcoin, dite « blockchain », est connue des scientifiques depuis longtemps. Mais elle a bénéficié d’une utilisation innovante au moment du lancement du bitcoin en 2009 sur le site P2P Foundation par Satoshi Nakamoto, le pseudonyme d’un ou plusieurs développeurs informatiques qui restent à ce jour inconnus.

Comment ça marche ? Une partie des utilisateurs qui font circuler la crypto-monnaie sont des noeuds de réseau : ils disposent sur leurs ordinateurs du « grand livre » sur lequel sont enregistrées toutes les transactions ainsi que leur historique. Dès que le solde d’un utilisateur change sur un ordinateur du réseau du fait d’une transaction, il est modifié sur tous les ordinateurs du réseau : pour tricher, il faudrait, a priori, être capable d’intervenir sur tous les ordinateurs des noeuds de réseau !

Le fonctionnement de la blockchain suit une routine bien précise. On attend d’avoir un nombre important de transactions (comme les passagers d’un wagon) pour les mettre dans une sorte de boîte électronique scellée (cryptée), un bloc. Les blocs sont envoyés à la chaîne, à tous les noeuds de réseau en peer-to-peer. Qui peut créer les blocs ? Le premier noeud de réseau capable de résoudre une énigme mathématique complexe. Dans le protocole informatique décidé par Nakamoto, il devient un « mineur » et met sa puissance informatique au service de l’algorithme du bitcoin qui sécurise les transactions. Il y gagne aujourd’hui 12,5 bitcoins pour chaque bloc créé (toutes les 10 minutes). Le monde de la finance observe de près cette technologie : elle est intéressante pour effectuer des transactions sécurisées - sans forcément créer de monnaie.

Devenir mineur n’est cependant pas à la portée du premier venu : il faut une énorme puissance informatique. Ce qui fait du bitcoin un gouffre énergétique : selon les estimations de Digiconomist, il serait responsable actuellement au niveau mondial de l’équivalent de la consommation d’électricité du Maroc. Quand la dépense d’énergie pour utiliser la carte Visa au niveau mondial représente l’équivalent de 50 000 foyers américains, celle du bitcoin est de l’ordre de 2,8 millions de foyers !

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Dernière caractéristique : les adresses des ordinateurs des personnes participant au réseau du bitcoin sont anonymes. On peut donc se procurer n’importe quelle monnaie en vendant ses bitcoins. Pas étonnant que les mafias s’y soient intéressées et, dans leur sillage, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ainsi que le Gafi, organisme international de lutte contre le blanchiment d’argent sale. En Chine, au Venezuela, à Chypre et en Grèce, le bitcoin a également été utilisé pour contourner les contrôles de capitaux.

Cette opacité est aujourd’hui remise en cause en Europe. Le Royaume-Uni a demandé début décembre 2017 à intégrer dans le travail actuel sur la quatrième directive antiblanchiment de l’Union l’obligation de connaître le nom des traders de bitcoins et de savoir à qui les bureaux de change en ligne vendent et achètent cette monnaie. Les résultats de cette démarche étaient attendus au plus tard début 2018.

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Document 2

Bitcoin, mirage high-tech ou révolution ? (extraits), Challenges, février 2018

Après un envol spectaculaire, la plus célèbre des cryptomonnaies vacille. Le signal de la fin ou crise

passagère... Enquête sur une ruée vers l’or numérique qui inquiète les autorités.

En dépit de la dégringolade du cours du bitcoin, les annonces racoleuses continuent sur la toile, frisant la publicité mensongère, « Vérifiez immédiatement votre éligibilité au bitcoin », « Bitcoin +

500 % d’intérêts en un an ». Les émissions de télévision et les couvertures de magazines consacrées aux cryptomonnaies se succèdent. Dans les facs, on ne parle que de ça : « Tu en as, toi ? » Le bitcoin a quitté le petit cénacle des geeks pour devenir un phénomène de société et un sujet politique.Inquiets de cette ruée vers l’or numérique, les pouvoirs publics ont commencé à se mobiliser. À l’image de l’Autrichien Ewald Nowotny, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, qui réclame une régulation contre cet « objet purement spéculatif qui se fait passer pour une monnaie ».

Le sujet est inscrit à l’ordre du jour du prochain G20 en avril. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a confié une mission à Jean-Pierre Landau, un ancien sous-gouverneur de la Banque de France.Mais le bitcoin n’est pas le seul minerai numérique possible : plus d’un millier de cryptomonnaies existent aujourd’hui, allant de l’ether au ripple, en passant par stellar, monero, litecoin ou NEM. Les raisons d’un tel engouement ? Ces placements sont certes risqués, mais ils peuvent rapporter 1 000 %, voire 53 000 % pour le NEO en 2017 alors que les taux d’intérêt sont au plus bas ! Les frères Winldevos, célèbres pour avoir accusé Mark Zuckerberg, patron de Facebook, de les avoir copiés, ont misé plus d’un million de dollars sur le bitcoin quand celui-ci ne valait pas grand-chose. Aujourd’hui, ils sont milliardaires.

Économie souterraine

Las, depuis le début de l’année, le bitcoin, comme la plupart des cryptomonnaies, est à la peine. Il a perdu 56 % depuis son plus haut historique du 17 décembre. Certains analystes parlent d’une correction normale attendue alors qu’il venait de franchir le seuil des 20 000 dollars. Mais d’autres éléments ont pesé. La crainte de nouvelles régulations, le piratage de la plateforme Coincheck au Japon avec le vol de 400 millions de dollars en NEM, comme l’enquête menée sur la plateforme Bitfinex par la justice américaine ont sérieusement entamé la confiance. Est-ce le signe de la fin ? Pas nécessairement car, selon le site financier Mataf, le bitcoin a déjà connu plusieurs bulles et s’en est relevé à chaque fois. En 2011, le cours était passé en quelques mois de 1 à 30 dollars avant de replonger sous les 2 dollars. Puis, peu à peu, il est reparti. En 2013, tous les records sont pulvérisés : 1 230 dollars ! Pour expliquer une telle hausse, Robert Graham, un économiste américain, affirme que le bitcoin est notamment alimenté par l’économie souterraine qui représente 2 000 milliards de dollars. Si 10 % de l’économie souterraine se négociait en bitcoins, calcule-t-il, le cours serait de 1 526 dollars pour 1 bitcoin. Néanmoins, celui-ci retombe sous les 300 dollars.Qu’importe, en 2017, il rebondit vers des sommets, preuve s’il en est que, bulle ou pas bulle, il réussit à convaincre. Thomas Philippon, professeur de finances à la Stern School of Business de New York, pense comme Robert Graham que le bitcoin est alimenté par une économie souterraine mais il en estime le montant à quelque 28 000 milliards de dollars. Du coup, sa « valeur » se situerait plutôt aux alentours de 70 000 dollars. « Anticipant ce phénomène, écrit-il, les investisseurs achètent massivement des bitcoins.

C’est ce qui explique, selon moi, une part importante de la flambée des cours. »

La montée en puissance du bitcoin s’est opérée en plusieurs étapes. La première s’est déroulée en Chine, qui a représenté jusqu’à 80 % des échanges mondiaux. Certains investisseurs chinois, anticipant des restrictions réglementaires, se sont rués sur le bitcoin pour expatrier leurs capitaux. Depuis, Pékin a durci sa législation, entraînant la fermeture de plusieurs plateformes. Le Japon et la Corée du Sud ont pris le relais, assurant tour à tour l’essentiel du volume des échanges. L’engouement des Japonais peut s’expliquer par la faiblesse des taux d’intérêt (parfois négatifs) pratiqués par les banques nippones. Au mois de septembre, la hausse est cette fois-ci alimentée par les fonds d’investissement. Près d’une

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centaine de fonds en cryptomonnaies se sont lancés en 2017 et la plupart ont investi dans des ICO (Initial Coin Offering), des levées de fonds plus ou moins semblables aux IPO (introductions en Bourse), à la différence qu’elles se font en cryptomonnaies et pas en monnaie classique. Les particuliers ont à leur tour commencé à investir : pendant le week-end de Thanksgiving aux États-Unis, Coinbase, une plateforme d’échange en ligne, a enregistré 300 000 nouveaux utilisateurs ! Enfin, le bitcoin a connu une dernière poussée de fièvre avec le lancement de nouveaux produits financiers comme des contrats à terme ou des ETF (fonds indiciels cotés). Les deux principaux marchés à terme américain, CME et CBOE, ont en effet autorisé les investisseurs à miser sur les futurs prix du bitcoin.

En dépit de cet engouement, le nombre d’utilisateurs de ces monnaies virtuelles reste relativement restreint. En 2016, Coindesk estimait à 14 millions le nombre de portefeuilles en bitcoins dans le monde. Toutefois, un même utilisateur peut avoir plusieurs adresses et donc plusieurs portefeuilles, ce qui semble être la norme dans l’univers des cryptomonnaies. « En réalité, il y a environ 4 millions de bitcoins qui ont été

volés ou perdus, calcule Pierre-Antoine Dusoulier, directeur général d’iBanFirst. Il en reste entre 12 et

13 millions en circulation. » Pour ses adversaires, le bitcoin n’est tout simplement pas une monnaie, « La technologie est là, explique Pierre-Antoine Dusoulier, c’est un peu comme la bulle Internet.

Difficile de savoir ce qui va en sortir. » D’autres sont plus catégoriques et pensent que la bulle va forcément éclater un jour et tant pis pour ceux qui auront misé dessus. « Il n’y a pas de

contrepartie, estime Pierre-Antoine Gailly, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). C’est une technologie, un software, ce n’est pas une monnaie. Un jour ou

l’autre, cela va exploser. »

2008, l’année-clé

Au contraire, pour Roger Ver, qui a fait fortune avec les cryptomonnaies, ce sont les monnaies officielles qui vont nécessairement s’effondrer un jour ou l’autre. Comment peut-on faire confiance à une monnaie soutenue par une banque centrale surendettée, incapable de faire face à ses créanciers ? De fait, la confiance dans la finance classique a été bien ébranlée par la crise de 2008. Si les monnaies traditionnelles ont repris des couleurs depuis, c’est parce qu’il n’y avait pas d’alternative. L’arrivée des cryptomonnaies pourrait changer la donne, les investisseurs ayant le choix entre une technologie réputée incassable et des banques centrales suspectes de fabriquer de la monnaie de singe.

La date de 2008, qui revient régulièrement dans les discours des défenseurs des cryptomonnaies, n’a rien d’un hasard. Elle correspond à la gestation du bitcoin. La banque Lehman Brothers vient de faire faillite, le système financier mondial est dans une situation chaotique, les États puisent dans les réserves financières pour voler au secours des banques. Une bande d’informaticiens, connue sous le nom de Satoshi Nakamoto, réagit à sa façon en inventant une monnaie virtuelle reposant exclusivement sur un algorithme mathématique incassable et sur la technologie de la chaîne de bloc, la fameuse « blockchain ». « Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système de paiement électronique basé sur des

preuves cryptographiques au lieu d’un modèle basé sur la confiance, qui permettrait à deux parties qui

le souhaitent de réaliser des transactions directement entre elles sans avoir recours à un tiers de

confiance », écrit Satoshi Nakamoto sur le site bitcoin. org. C’est ainsi que naît le bitcoin. Il ne vaut pas grand-chose à sa naissance, moins de 0,001 euro...

L’économiste Patrick Artus soutient que le bitcoin peut monter indéfiniment, car la demande augmente alors que l’offre est stable. De fait, le nombre de bitcoins est limité à 21 millions (il y en a 16 709 650 aujourd’hui) et il n’est pas possible théoriquement de modifier ce plafond. L’augmentation de la demande entraîne la hausse du prix, mais, selon Patrick Artus, il s’agit d’une bulle spéculative qui finira mal. Même son de cloche chez Jean Tirole, Prix Nobel d’économie : « C’est quelque chose qui n’a pas de

valeur intrinsèque et qui peut s’effondrer du jour au lendemain. »

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Les autorités vent debout

En France et ailleurs, les autorités financières sont vent debout et mettent en garde les investisseurs potentiels : « Le bitcoin est un achat risqué », affirme 1’AMF. La Banque de France refuse de considérer le bitcoin et autre ether comme une monnaie, elle parle de « cryptoactifs ». A l’opposé, Charles Hugh Smith, essayiste et chroniqueur économique, estime que les banques centrales se contentent de faire marcher la planche à billets plutôt que de forcer les États à payer leurs dettes. Un jour ou l’autre, prédit-il, le bitcoin, ou une autre cryptomonnaie, deviendra la monnaie de réserve de référence et ce sont les monnaies classiques actuelles qui reposeront sur les réserves des banques centrales en cryptomonnaies. Science-fiction ?

Paul Loublère

Parlez-vous bitcoins ?

Blockchain : Grand livre de comptes public et mis à jour en permanence, une blockchain ou « chaîne de blocs » désigne une base de données mondiale sur laquelle sont enregistrées des transactions cryptées et anonymisées. La première blockchain est liée au bitcoin. Au-delà des cryptomonnaies, la blockchain permet d’authentifier toutes sortes de données, des titres de propriété aux diplômes en passant par les contrats et les pièces d’identité.

Empreinte cryptographique : Chaque transaction sur la blockchain fait l’objet d’une empreinte cryptographique, équivalent d’un code barre. Cette confirmation lui donne un caractère immuable et inaltérable.

Fermes : équivalent des data center (centres de données), les fermes de minage regroupent des milliers d’ordinateurs tournant en permanence pour assurer le fonctionnement en continu de la blockchain. Très énergivores, les fermes de minage se situaient en grande majorité (à 80 %) en Chine. Sous la menace d’un durcissement réglementaire, leurs propriétaires en ont déplacé une partie dans des pays asiatiques voisins, notamment en Mongolie.

Initial Coin Offering : en référence à une IPO (introduction en Bourse), une ICO est une opération de financement liée à la blockchain. Une entreprise ayant besoin de financer un projet émet des jetons numériques (tokens), à l’instar d’actions, qu’elle vend au public contre des bitcoins ou des ether, une autre cryptomonnaie. En l’absence de toute régulation, le statut des jetons, différent selon chaque entreprise, ne s’apparente absolument pas à celui d’une action. Seul point commun avec un titre de Bourse : l’extrême volatilité des tokens.

Minage : les transactions réalisées en bitcoins sont toutes chiffrées, ce qui garantit leur authenticité et leur inviolabilité. Les opérateurs qui valident ces transactions sont appelés les « mineurs ». Ils sont récompensés en bitcoins tant que la limite d’émission (21 millions) n’a pas été atteinte. La récompense des mineurs décroît au fil du temps : de 50 bitcoins par bloc lors du lancement de la première cryptomonnaie en 2009, elle est passée à 25 bitcoins en 2012, puis à 12,5 bitcoins depuis 2016.

Wallet : pour ranger ses bitcoins, on peut les stocker dans une application sur son téléphone ou sur son ordinateur, dite wallet ou sur le wallet proposé par une plateforme. Le wallet existe aussi sous la forme de petit appareil physique (hardware wallet), réputé plus sûr face aux risques de piratage. Pour conserver ses bitcoins, on peut aussi les stocker sur un support déconnecté du réseau Internet (une clé USB, par exemple). Cela s’appelle déstockage à froid (cold storage).

(...)

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« J’ai gagné 150 000 euros »

Les confidences anonymes d’un jeune aimant la Bourse arrivé en pleine folie haussière sur le marché

des cryptomonnaies. Avec toutes ses économies.

Demander à ma banque de débloquer les virements SEPA pour l’international. M’inscrire sur Coinbase, Kraken, Binance, Bittrex, HitBTC. Activer l’authentification par clé cryptée qui change toutes les trente secondes sur mon téléphone portable... Je suis prêt. C’est parti.

Après plusieurs semaines de réflexions, j’ai décidé début décembre d’investir l’intégralité de mes économies dans les cryptomonnaies, 12 000 euros. Je suis joueur et je m’intéresse aux marchés boursiers depuis longtemps, alors forcément, le bitcoin m’intriguait. Et puis à 30 ans, je n’ai pas très envie de me contenter d’une rémunération de 2 % maximum sur un livret quelconque. J’ai donc cassé mon PEL, vidé mon assurance-vie et tout a « disparu ». Disparu d’où ? Du système, de la banque. En réalité, ces euros ou cette « monnaie-fiat », donc décrétée par l’État, sont arrivés en Estonie chez Coinbase, le géant américain de l’achat de bitcoins.

2017 était l’année de la consécration du bitcoin, de l’ether, du litecoin et d’autres. Je suis arrivé « en retard » pour celles-là. Je ne le regrette pas, inutile de répéter cette phrase que vous entendez régulièrement en soirée. « Et si j’avais mis 100 euros dans le bitcoin en 2010, 1 000 euros en 2013,

10 000 euros en 2015... ». Oui « si » vous aviez fait cela, vous seriez millionnaire aujourd’hui. Le répéter ne changera rien.

Et maintenant ? Je suis arrivé début décembre dans un marché totalement fou. Des milliers de monnaies différentes, des variations de cours journalières à trois chiffres, un univers qui ne dort jamais : les marchés sont ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Chaque crypto espère devenir une référence. Certaines y parviendront. D’autres disparaîtront. C’est le Far West. Il faut en être conscient. La conquête d’un monde inconnu, dangereux, attrayant aussi. Il faut lire, se renseigner, apprendre, parcourir la messagerie cryptée Telegram.

J’ai composé un portefeuille d’une vingtaine de monnaies différentes autant d’acronymes bizarres qui sont du chinois pour la plupart des gens : ETH/XLM/ADA/TRX/LEND/POE/SC/VEN, etc. Je suis arrivé dans un marché en pleine folie haussière. Du jamais vu, même dans l’univers des cryptomonnaies. J’ai gagné, beaucoup, trop vite, 150 000 euros en moins d’un mois. Logiquement, cela n’a pas duré. Comme le dit un ancien proverbe « Qui monte plus haut qu’il ne doit descend plus bas qu’il ne voudrait. » La correction générale est arrivée. Les États ont commencé à s’inquiéter de l’ampleur de ce marché parallèle. Le mot régulation est tombé et a fait paniquer les marchés. Mais entendons-nous bien. Ce n’est qu’une correction. Le bitcoin est revenu à son niveau de fin novembre. Fin novembre ! Certes, je n’ai pas multiplié mon investissement par quinze, mais j’ai tout de même triplé ma mise. Et certains parlent d’un krach ! Les cryptomonnaies en sont juste à leurs balbutiements. Et j’y crois car elles sont indissociables de la blockchain qui va révolutionner notre société, comme Internet il y a vingt ans.

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Document 3Les crypto-monnaies, introduction du rapport Landau au Ministre de l’Économie et des Finances, 4 juillet 2018

On dénombre aujourd’hui près de 1 600 « crypto-monnaies » ou présentées comme telles. Leur diffusion est très inégale. Trois d’entre elles, Bitcoin, Ether et Ripple dominent les transactions et les capitalisations (109 milliards d’euros pour Bitcoin, 50 milliards d’euros pour l’Ether et 22 milliards d’euros pour Ripple).

Un large et vibrionnant écosystème se développe autour des crypto-monnaies. Elles mobilisent une population importante et active de start-ups et d’investisseurs. Elles perturbent potentiellement les banques et intermédiaires financiers traditionnels, à la fois soucieux d’en tirer les bénéfices technologiques et ne pas déstabiliser leur modèle de fonctionnement.

Le dynamisme des crypto-monnaies et l’engouement dont elles bénéficient résultent d’une triple évolution : un progrès technologique réel, un profond mouvement de société et, plus conjoncturellement, des conditions financières très accommodantes.

Le progrès technologique est celui de la cryptographie qui détermine la capacité à sécuriser les transactions sur Internet. Il est désormais possible d’opérer — dans un système ouvert — un réseau totalement sécurisé et totalement décentralisé de transactions anonymes entre un très grand nombre de participants qui ne se connaissent pas et ne se font pas mutuellement confiance. Ces progrès ouvrent des perspectives nombreuses pour le stockage et la transmission confidentielle de données sur Internet. Il est assez naturel que des entrepreneurs innovants s’appuient sur ces technologies pour développer des expériences monétaires et financières.

D’autant plus que ces expériences semblent satisfaire une aspiration forte vers plus d’indépendance, et de décentralisation. On ne doit pas sous-estimer l’influence du courant libertarien dans le développement initial du Bitcoin et le rejet des systèmes centralisés et normalisés. On dénombre, rien qu’en France, plus de 45 « monnaies locales » au développement et à l’influence très restreinte, mais reconnues comme telles depuis la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS) du 1er août 2014. Internet et la blockchain permettent à ces aspirations de se développer à l’échelle planétaire.

La révolte « antisystème » s’exprime d’autant plus aisément dans le domaine monétaire que les banques et, dans une moindre mesure les banques centrales, ont vu leur image et leur réputation abîmées par la crise financière de 2008-2010 et par ses retombées économiques et sociales.

Deux populations en particulier se rencontrent dans leur attrait pour les crypto-monnaies : celles des jeunes passionnés par la technologie, pour lesquels les crypto-monnaies peuvent constituer un prolongement naturel des jeux vidéo (les premières monnaies purement virtuelles se sont d’ailleurs développées à l’intérieur de tels jeux) ; celle, ensuite, des jeunes entrepreneurs et investisseurs que le goût de l’entreprise et du risque rend naturellement aptes à chevaucher de tels mouvements. Il serait imprudent pour les pouvoirs publics, quand ils décideront de leur réponse réglementaire, de négliger ces aspirations et ces soutiens.

Ces enthousiastes ont été récemment rejoints par une catégorie plus traditionnelle d’investisseurs à haut appétit pour le risque. À partir de l’été 2017, un infléchissement s’est manifesté dans la dynamique des cours des crypto-monnaies avec une progression de plus en plus rapide, puis une chute : ces évolutions sont caractéristiques des périodes de bulles. L’hypothèse est d’autant plus crédible que les conditions monétaires et financières ont été exceptionnellement accommodantes : le faible niveau des taux d’intérêt et l’abondance de liquidités poussent naturellement à la prise de risque.

L’actualité immédiate et les vicissitudes rencontrées par les crypto-monnaies ne doivent pas pour autant éclipser leur ambition fondamentale qui, au-delà de la dimension monétaire, est également, et peut-être avant tout, technologique et économique. Un véritable système de production et d’accompagnement se développe autour de l’activité des crypta-monnaies, dans laquelle la France possède de nombreux atouts.

À l’heure où tous les pays s’interrogent aujourd’hui sur la meilleure manière de répondre aux défis posés par les crypto-monnaies, la France se doit de tracer une voie originale, préservant les bénéfices de l’innovation technologique et protégeant l’intégrité des marchés. Y parvenir suppose de répondre aux trois questions soulevées par les crypto-monnaies : que sont-elles ? Comment se développent-elles ? Quelles peuvent être l’attitude et l’action des pouvoirs publics ?

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Document 4

Comptes rendus de la commission des finances du Sénat (extraits), 7 février 2018

Les nouveaux usages et la régulation des chaînes de blocs (blockchain) – Audition

M. Vincent Éblé, président. - La commission des finances du Sénat s’efforce depuis plusieurs années d’approfondir sa compréhension des transformations liées au numérique dans la sphère économique et financière, à la recherche du juste équilibre entre régulation et innovation.Dans cette optique, les deux tables rondes organisées ce matin visent à appréhender les enjeux liés au développement des monnaies virtuelles et de leur technologie sous-jacente, la blockchain.

Si ces deux thématiques ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines, il ne s’agit pas pour autant de sujets nouveaux pour notre commission des finances, qui s’y était intéressée dès 2014.

Nous commencerons par débattre de l’essor de la technologie blockchain - une nouvelle manière d’échanger des actifs sans recourir à un tiers de confiance - dont le potentiel d’innovation apparaît considérable pour de nombreux secteurs économiques.

Pour traiter de ce premier sujet, nous avons le plaisir de recevoir M. Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l’économie de la direction générale du Trésor ; M. Alexis Collomb, titulaire de la chaire de finance de marché du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) ; M. Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ; et M. Gilles Fedak, cofondateur de l’entreprise iExec Blockchain Tech.

M. Alexis Collomb commencera par nous présenter le caractère novateur de cette technologie et la manière dont elle est susceptible de bouleverser le fonctionnement de notre économie, en particulier dans le secteur financier.

M. Alexis Collomb, titulaire de la chaire de finance de marché du Conservatoire national des arts et métiers. - Merci de m’accueillir ce matin. Quelques applications de cette technologie en pleine évolution, depuis l’apparition de la première blockchain, celle du bitcoin,

me semblent dignes d’intérêt.Vous l’avez dit, l’engouement suscité par la technologie s’explique par le caractère révolutionnaire de l’échange de titres sans recours à un tiers, avec des implications profondes pour le tissu économique ; mais d’un point de vue technique et organisationnel, cet intérêt s’explique surtout par les vertus des réseaux pair à pair. Le système blockchain peut se décrire, de manière très schématique, comme un réseau pair à pair sur lequel des fonctions crypto-graphiques ont été inscrites pour sécuriser et fiabiliser les échanges directs, sans passer par un tiers de confiance.

On passe ainsi d’architectures informatiques centralisées - l’architecture client-serveur avec un serveur détenteur de droits centralisés, contrôlant la base de données et distribuant les droits d’écriture et de lecture à ses clients - à une architecture pair à pair où chaque noeud du réseau a les mêmes droits et obligations. Les implications sur la fiabilité, la sécurité, la transparence du réseau sont importantes.

La blockchain offre ainsi un système électronique de registre partagé permettant de suivre l’ensemble des échanges de manière fiable, sécurisée, immuable, inviolable, transparente et confidentielle, sans censure possible par l’un des membres du réseau - et éventuellement de manière intelligente. Un « contrat intelligent » (smart contract) sur une couche haute du réseau permet l’exécution ordonnée de clauses contractuelles entre les membres de ce réseau, avec des bénéfices en matière d’automatisation et de gouvernance des processus. Ce monde connecté, automatisé et totalement traçable a ses vertus et ses inconvénients.

Cette technologie a revalorisé ce que l’on appelle en économie la « coopétition », c’est-à-dire la coopération entre compétiteurs à travers le partage d’une infrastructure commune. Elle trouve des applications dans un grand nombre de domaines. Le premier est bien sûr celui des

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paiements : la première blockchain, celle du bitcoin, s’est révélée résiliente et fonctionne toujours, indépendamment de la valeur de la monnaie. L’infrastructure des marchés financiers est elle aussi concernée, notamment le post-marché, qui a fait l’objet de textes récents. Mais la blockchain peut aussi simplifier les procédures du commerce international, où une transaction standard peut impliquer jusqu’à quarante échanges bilatéraux entre les différents acteurs - particuliers, assureurs, banques, douanes, opérateurs maritimes, etc. Sans envisager une infrastructure partagée, on peut concevoir des gains d’efficience. Citons également la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement, la certification horodatée ou le stockage de preuves par empreinte numérique - l’une des autres utilisations possibles du bitcoin ; la finance d’entreprise, à travers le contrôle de gestion, les fonctions de conformité, l’audit automatisé, la gestion des risques, etc. ; dans le domaine assuranciel, les constats électroniques ou la certification de photographies liées à un incident.

Enfin, les réseaux de pair à pair concernent tous les acteurs : les particuliers à travers les crypto-monnaies, les entreprises grâce aux infrastructures informationnelles partagées et à la « coopétition », mais aussi les États, ce qui peut sembler paradoxal au regard des intentions originelles des fondateurs du bitcoin. Ainsi la Climate change coalition a été mise en place lors du One Planet Summit de décembre 2017 pour gérer les registres carbone de manière transparente, après l’épisode des fraudes à la TVA qui a quelque peu dénaturé le marché. On peut imaginer une blockchain entre acteurs souverains avec divers niveaux d’interopérabilité, de l’international au local, pour contrôler les émissions.

Nous sommes à un moment charnière. Un grand nombre d’avancées ont été réalisées depuis deux ans, et je m’attends, dans les deux prochaines années, à un passage en « mode production ». Pour les marchés, la transformation est déjà en cours et j’espère que la France saura concrétiser son avance au niveau européen.

Cette transformation aura un impact sur certains métiers - un point auquel je suis particulièrement sensible en tant que professeur au CNAM - qu’il faudra anticiper. Je ne crois pas que la blockchain fera disparaître les notaires, comptables, avocats, huissiers ; mais, bien utilisée, elle nous affranchira des tâches les plus ingrates, c’est-à-dire du travail de clerc, de consolidation des informations, qui est coûteux et inefficient. C’est le sens de l’Histoire.

M. Vincent Éblé. - M. Corso Bavagnoli va nous faire part des enjeux réglementaires liés à l’utilisation de la blockchain pour échanger des titres financiers et des tentatives en cours pour construire un cadre législatif novateur en la matière.

M. Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l’économie de la direction générale du Trésor. - La question de la blockchain, que vous avez distinguée à juste titre des crypto-monnaies qui n’en sont qu’un usage possible, est transversale. Le Trésor a concentré son attention sur ses applications dans le secteur financier, à travers le double prisme des opportunités et des enjeux réglementaires.

Notre approche consiste, comme pour la Fintech, à permettre et encourager l’innovation dans un cadre assez robuste pour assurer la stabilité financière, la protection du consommateur et la lutte contre le blanchiment. On oppose souvent réglementation et innovation, mais les deux sont à mon sens complémentaires ; au demeurant, les acteurs du marché sont eux-mêmes demandeurs de clarté réglementaire.

Le Gouvernement souhaite rendre la norme évolutive et flexible pour assurer la neutralité technologique du droit. Cela consiste, lorsque de nouvelles applications se développent, à faire en sorte que rien ne bloque indûment ce développement, tout en garantissant un cadre réglementaire robuste. Cette approche nous semble préférable à celle dite du « bac à sable » qui a cours, notamment, au Royaume-Uni : c’est une sorte de franchise réglementaire accordée aux acteurs pour leur permettre de se développer - mais jusqu’où ? avant de mettre en place un cadre de droit commun. Le « bac à sable » crée, chez les acteurs, l’illusion qu’il n’y a pas de

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règle ; et surtout, l’expérience montre que l’on ne sait pas gérer la transition entre la période dérégulée et le retour à la réglementation de droit commun. Nous préférons ajuster le droit de manière dynamique.

La réglementation en matière de services financiers a connu deux évolutions récentes. D’abord, l’ordonnance de 2016 sur le financement participatif a créé une nouvelle catégorie de bons de caisse, les « minibons », destinés au financement des petites entreprises, qui peuvent être émis et échangés dans le cadre d’une blockchain. L’ordonnance du 8 décembre 2017, issue d’une initiative du Parlement, permet quant à elle le transfert de certains titres financiers comme les parts de fonds, les titres de créance négociables, les actions et obligations non cotées, au moyen d’une blockchain. Elle entrera en vigueur l’été prochain.

Cette ordonnance autorise ainsi les acteurs à se passer de tiers de confiance, dès lors que la transaction s’effectue dans un cadre conforme aux exigences du législateur. C’est une première en Europe ; elle permet d’expérimenter la blockchain sur des marchés représentant des volumes très importants, de l’ordre de 400 milliards d’euros. Nous souhaitons qu’elle soit reprise au niveau communautaire. En effet, nous avons réglementé là où le droit européen était muet, c’est-à-dire sur les produits non cotés ou les parts de fonds ; pour les autres produits, le droit communautaire impose un tiers de confiance.

Ces évolutions sont un vecteur d’innovation et de sécurisation - car les exigences en la matière sont substantielles - et un facteur de professionnalisation : pour ce type de titres, les échanges sont souvent manuels, sur titre papier ou sur feuille Excel.

Le Trésor travaille avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur les jetons ou tokens, pour lesquels les enjeux sont très importants. Nous tirerons avec l’AMF les conséquences de la consultation sur les Initial Coin Offerings (ICO) menée à l’automne. Sur les crypto-actifs en général, le ministre de l’économie et des finances a confié à Jean-Pierre Landau, ancien sous-gouverneur de la Banque de France, une mission pour dresser un état des lieux du phénomène. Enfin, les ministres français et allemand des finances et les gouverneurs des banques centrales de ces deux pays ont écrit au G20 pour porter le sujet sur la scène internationale.

M. Vincent Éblé , président. - Merci. Je cède maintenant la parole à M. Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, qui reviendra sur l’utilisation croissante de la technologie blockchain par les entreprises pour lever des fonds, ainsi que sur les pistes de régulation possibles afin d’assurer la protection des épargnants et des investisseurs souhaitant participer à ces opérations.

M. Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers. - Deux exemples de cette technologie blockchain, entre régulation et soutien à l’innovation : le projet de réorganisation complète des 12 000 fonds opérant en France dans le post-marché, porté par la société SETL associée à cinq sociétés françaises de gestion, et le projet Liquidshare qui vise à mettre en place un post-marché des PME plus économique et rapide. Il y a aussi des exemples plus négatifs, comme les plateformes de dérivés sur bitcoin qui escroquent le Français moyen en promettant des rendements surréalistes et se développent à une très grande vitesse. Les nouvelles technologies apportent le meilleur et le pire.

Nous avons vu, ces derniers mois, le développement d’Initial Coin Offering (ICO), un nouveau type de levée de fonds reposant sur des jetons (tokens) qui sont des codes informatiques créant des actifs numériques plus ou moins échangeables sur la blockchain. En moins d’un an, 21 porteurs de projets d’ICO ont sollicité l’AMF, dont quatre ont d’ores et déjà levé, grâce à cette technologie, 50 millions d’euros ; d’autres arrivent, qui représentent 350 millions d’euros en levées de fonds cumulées. Il convient, pour l’accompagnement de ces démarches, d’entamer une réflexion juridique. Nous avons lancé une grande consultation publique sur ce thème au mois d’octobre dernier, en rappelant les risques associés et en proposant des qualifications juridiques à droit constant et des pistes d’évolution réglementaire.

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En droit existant, assimiler les ICO à des titres financiers - de capital ou de créance - n’est pas l’approche qui fonctionne le mieux, car elle implique de leur imposer un prospectus qui n’est pas adapté à leur activité. Une deuxième piste, les règles de gestion collectives, manque elle aussi de pertinence pour ce cas. La troisième possibilité, plus intéressante, est la catégorie des biens divers, créée voici trente ans et complétée par la loi dite sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique « Sapin 2 », qui vise des projets ou actifs n’entrant pas dans les catégories traditionnelles. Il est possible d’y faire entrer les levées de fonds par ICO, mais cela induit des documents d’enregistrement à soumettre à l’AMF. De plus, il est très facile pour les porteurs de projet d’échapper à cette catégorie : un bien divers « étendu », tel que créé par la loi Sapin 2, se caractérise par la promesse d’un rendement financier direct ou indirect ou un effet économique similaire. Il suffit de ne pas le présenter ainsi pour échapper à la réglementation.

Les tokens à droit constant restent donc des objets juridiques non identifiés. Notre consultation publique a reçu un total sans précédent de 82 réponses, venues de tous horizons : porteurs de projets, avocats, banques, acteurs étrangers, etc. La France est en pointe dans la réflexion sur ce sujet. Nous avons formulé plusieurs propositions : rester au niveau non réglementaire d’un code de bonne conduite sponsorisé par l’AMF, mais cette solution a reçu un accueil mitigé des répondants ; ou réguler, soit par une loi s’appliquant à tous les porteurs d’ICO, soit par un cadre législatif optionnel. Cette dernière option ayant recueilli le plus de suffrages, le collège de l’AMF s’en inspirera probablement pour proposer une évolution législative au Gouvernement et au Parlement.

Qualifier juridiquement les takens n’est donc pas la bonne approche. En revanche, on peut demander au porteur de projet de présenter des white papers - les documents de présentation des ICO -, de se doter d’une personne morale identifiable, de décrire précisément les risques et droits conférés par le taken : soit un droit d’usage des projets développés, soit des perspectives de revente sur un marché secondaire, parfois associées à des droits financiers ou de gouvernante sur le projet. Il sera beaucoup plus difficile de définir ce marché secondaire proposé, et les garanties afférentes.Autre question complexe : quel type d’expertise informatique peut-on exiger dans ces projets ?Enfin, il faudra identifier les investisseurs dans un registre, pour les besoins de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et prévoir une sorte de séquestre, sous la forme d’un portefeuille électronique géré en ligne : il est important de fixer des règles du jeu claires pour savoir où vont aller les fonds levés.

Les résultats de la consultation sont en cours de dépouillement ; vous serez probablement sollicités à l’issue de ce processus, dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

M. Vincent Éblé, président. - Je cède enfin la parole à M. Gilles Fedak, co-fondateur d’une entreprise ayant récemment réalisé une levée de fonds importante en bitcoin, afin qu’il nous fasse part de son expérience en la matière.

M. Gilles Fedak, cofondateur de l’entreprise iExec Blockchain Tech. - Je présenterai le point de vue des entrepreneurs. iExec est une start-up fondée en octobre 2016 par moi-même, ancien chercheur à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), et mon associé Haiwu He, ancien professeur à l’Académie des sciences de Pékin. Nous exploitons des technologies mises au point durant nos années de recherche, notamment un logiciel conçu par Oleg Lodygensky, chercheur à l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules. (...)

Les risques et enjeux liés à l’essor des monnaies virtuelles - Audition

M. Vincent Éblé , président. - Dans un contexte marqué par la très forte hausse de la valeur du bitcoin au cours de l’année 2017 et au moment même où cette valeur chute fortement, la

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commission des finances souhaite revenir sur les enjeux liés au développement des monnaies virtuelles. En effet, si ce marché reste d’une taille tout à fait modeste à l’échelle de l’ensemble de la sphère financière, il suscite un intérêt croissant des épargnants ou d’une partie de ceux-ci, ce qui a conduit l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à publier en décembre dernier une mise en garde.

L’essor des monnaies virtuelles suscite de nombreuses craintes, en particulier en matière de protection des épargnants et de respect des règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Certains analysent le développement des monnaies virtuelles sous le seul prisme du risque. Plusieurs pays, tels que le Maroc, le Vietnam et la Bolivie, ont pris des décisions radicales allant jusqu’à l’interdiction des transactions en monnaie virtuelle.

La commission des finances avait appelé en 2014 à une approche pragmatique, compte tenu des opportunités dont les monnaies virtuelles peuvent être porteuses sur le plan de la réduction des coûts de transaction, de l’accès au financement et de la résilience des systèmes de paiement.

Afin faire le point sur ces enjeux, nous recevons ce matin Emmanuelle Assouan, directrice des systèmes de paiement et des infrastructures de marché à la Banque de France ; Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle Fintech innovation à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. (...)

Mme Emmanuelle Assouan, directrice des systèmes de paiement et des infrastructures de marché à la Banque de France. - Je parlerai de crypto-actifs et non de monnaie virtuelle car ces actifs, bitcoin ou ether, ne sont pas de la monnaie. Ils ne remplissent pas ses trois fonctions : unité de compte ; intermédiaire d’échanges ; réserve de valeur. Ce ne sont pas non plus des moyens de paiement. C’est pourquoi l’appellation de monnaie virtuelle, insidieuse, a vocation à être écartée au profit du terme de crypto-actifs.

Ceux-ci sont porteurs de nombreux risques pour leurs utilisateurs. Le premier est le risque spéculatif : ces investissements à haut risque peuvent engendrer très rapidement des pertes importantes. Les processus d’émissions favorisent la spéculation. La rareté crée une bulle en cas de forte demande. Il a fallu huit ans au bitcoin pour atteindre 1 000 dollars, deux mois pour passer de 6 000 dollars à 19 000 dollars et quelques jours pour chuter de 20 000 dollars à 6 000 dollars, le cours actuel. Cette volatilité excessive bat tous les records en étant de l’ordre de 90 % à trente jours, alors que celle du SNP 500 et de l’once d’or s’élèvent respectivement à 13 % et 15 % depuis 2010.

Les crypto-actifs, à cause de l’anonymat sur lesquels ils sont fondés, favorisent le financement d’activités criminelles telles que le blanchiment et le contournement des règles de lutte contre le financement du terrorisme.

Il existe également des cyber-risques. Les crypto-actifs n’offrent aucune sécurité en termes de détention. Très récemment, au Japon, plus de 500 millions de dollars d’actifs ont été détournés. Ce n’est pas la première fois. La sécurité physique de ces avoirs n’est pas totalement assurée.

Enfin, il existe un risque sociétal non négligeable, environnemental. La simple validation d’une transaction pour un crypto-actif tel que le bitcoin nécessite 215 kW/h, soit six mois de consommation d’un ordinateur fixe.

À ce stade, les conséquences matérielles en matière de risque systémique et de politique monétaire sont très négligeables, compte tenu de la volumétrie de la valorisation de l’ensemble des encours de ces 1 300 crypto-actifs. Leur valorisation est comprise entre 300 milliards de dollars et 400 milliards de dollars quand la masse monétaire de la zone euro est de 7 500 milliards d’euros et l’ensemble des masses monétaires de l’ensemble des pays du monde s’élève à 70 000 milliards de dollars.

La Banque de France et l’ACPR mènent des actions. Nous avons également une lettre de mission pour porter ce sujet au G20 et encourager une réflexion commune. Le ministre des Finances va

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saisir ses homologues du G20 avec le gouverneur de la Banque de France. Il faudra également se pencher sur l’impact potentiel des crypto-actifs sur la stabilité financière et sur la nécessité de construire un corpus commun pour protéger les investisseurs non professionnels et lutter contre le blanchiment.

Mme Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle Fintech innovation à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. - J’anime le pôle Fintech innovation de l’ACPR, créé en juin 2016 pour guider les acteurs innovants dans leur parcours réglementaire. Nous travaillons sur les freins réglementaires et animons un forum Fintech pour dialoguer avec les acteurs innovants. Depuis notre création, nous avons reçu plus de 200 d’entre eux, désireux de créer des activités financières, souvent d’intermédiation. En 2017-2018, un nombre croissant d’acteurs sont venus nous voir pour savoir comment exercer des activités relatives aux crypto-actifs et comprendre le cadre applicable à ces activités. Ils souhaitent, pour certains, clarifier, comprendre le statut dont ils dépendent.

Il existe différentes activités : le service d’échanges entre crypto-actifs et monnaie légale ; l’achat et la vente de crypto-actifs physiques, y compris via des distributeurs semblables à des distributeurs de billets, certains prestataires disposant d’un stock en propre ; le service d’échange entre acheteurs et vendeurs, en tant que pur intermédiaire ; la conservation pour le compte de tiers de clés crypto-graphiques privées pour la détention, le stockage ou le transfert de crypto-actifs.

La détention de crypto-actifs sous chaîne de blocs (blockchain) s’appuie sur deux clés crypto-graphiques, l’une publique et accessible à tous, qui permet d’identifier les différents portefeuilles mais pas leur propriétaire, et l’autre privée, qui permet au détenteur du portefeuille sur lequel sont inscrites les unités de crypto-actifs de les utiliser et de les transférer vers un autre portefeuille. Seule la connaissance conjointe de ces deux clés donne la possibilité d’effectuer des opérations sur les crypto-actifs.

Une autre activité est l’échange de crypto-actifs contre d’autres crypto-actifs. Il existe, en outre, des activités de levées de fonds en crypto-monnaie et des produits d’investissement ou des dérivés sur crypto-actifs.

Les risques sont le blanchiment, le financement du terrorisme et d’autres activités illégales, les clés de détention étant anonymes. C’est comme si aucun nom ne correspondait à un MAN mais que toutes les opérations réalisées avec cet IBAN étaient visibles de tous. Les consommateurs et investisseurs encourent des risques liés à l’achat d’un produit extrêmement volatil, puisqu’aucune régulation n’est applicable, y compris pour la protection des investisseurs.

Les cyber-risques liés à l’intégrité des plateformes sont très significatifs. Les serveurs où les clés privées sont stockées peuvent être piratés et les fonds transférés.

Les risques sur la stabilité financière ne sont pas avérés à ce stade, mais la volumétrie croissante des opérations et les connexions avec la sphère financière traditionnelle pourraient à terme entraîner la survenance de ces risques.

Le cadre réglementaire applicable, assez partiel aujourd’hui, est celui des services de paiement. En 2014, l’ACPR a estimé que, dans le cas d’une opération d’achat-vente de bitcoins contre une monnaie légale, l’activité d’intermédiation entrait dans le cadre de la fourniture de services de paiement et relevait donc de la première directive sur les services de paiement - ensuite complétée en 2015. Ces deux textes comprennent des règles de lutte anti-blanchiment. Toutefois, cette position française n’est pas partagée à l’échelle européenne. L’ACPR a formulé une nouvelle demande de clarification auprès de l’Autorité bancaire européenne.

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Document 5Le bitcoin, un mystère monétaire planétaire, Libération, novembre 2017

Créé en 2009 par un certain Satoshi Nakamoto, dont l’existence n’a toujours pas été prouvée, le bitcoin a révolutionné les paiements démonétisés en prouvant la fiabilité de la technologie « blockchain ».

Une monnaie expérimentale sans autorité centrale ni créateur clairement identifié. Un cours ultra volatil qui, jusqu’à son envol en 2013, s’est traîné sous la barre des 20 dollars (16,9 euros), avec, en moyenne, une explosion de bulle chaque année. Un mélange de symbolique archaïque de métal précieux à l’ère de la profusion numérique et de sophistication technologique. Le bitcoin, qui en huit ans d’existence s’est forgé un storytelling planétaire, ne cesse d’intriguer.

Décryptage de la pionnière et plus connue des 2 000 crypto-monnaies répertoriées selon les dernières estimations des spécialistes.

Comment est né le bitcoin ?

Agrégation des mots anglais bit (unité d’information binaire) et coin (« pièce de monnaie »), cette crypto-monnaie d’inspiration libertaire a vu le jour le 3 janvier 2009, au lendemain de la crise financière. Basé sur la technologie de la blockchain (« chaîne de blocs ») dont il est devenu le meilleur ambassadeur, le bitcoin permet de réaliser des paiements électroniques de pair à pair (directement d’une personne à une autre), via des transactions reposant sur la cryptographie. Échappant au contrôle de toute autorité gouvernementale ou monétaire, le bitcoin porte la signature d’un certain Satoshi Nakamoto, dont personne ne connaît l’identité et qui pourrait être en réalité un nom de code pris par un collectif de développeurs anonymes. Publié en open source, le bitcoin, dont la masse monétaire a été fixée dès sa création à 21 millions d’unités, a rapidement acquis une réputation internationale. Et donné naissance à un marché d’échanges mondial, avec la constitution d’un écosystème de dizaines de milliers de sites et applications qui lui sont consacrés. Alors que le dernier message signé Nakamoto sur le principal forum de la communauté du bitcoin remonte à la fin 2010, celui-ci serait à ce jour en possession de 800 000 bitcoins. Dans ce système, où l’intégralité des transactions ont été répertoriées et authentifiées depuis 2009, on sait au moins une chose : Nakamoto n’en a pas dépensé un seul.

Comment fonctionne-t-il ?

C’est ici que les choses se corsent et que certains renoncent à comprendre. Le bitcoin repose sur un registre informatique géant (180 Go) ou base de données publique totalement transparente appelée blockchain. À chaque fois qu’une transaction est effectuée entre ses utilisateurs - plus de 3 millions de personnes possèdent des comptes en crypto-monnaie, au premier rang desquels le bitcoin -, elle est ensuite « gravée » dans ce grand livre ouvert. La blockchain utilise des blocs de transaction cryptés qui s’ajoutent les uns aux autres, au nombre de 496 544 blocs à ce jour et à raison d’un nouveau bloc toutes les dix minutes. Ces transactions sont vérifiées par ceux que l’on nomme des « mineurs », principalement des sociétés (à l’origine, ce n’étaient que des particuliers). En faisant mouliner des machines ultra puissantes dites Asic (Application-Specific Integrated Circuit), ces « mineurs » résolvent une équation mathématique très complexe libérant le nouveau bloc enregistrant les dernières transactions en attente. Ce bloc est envoyé dans les 10 000 nœuds du réseau blockchain, chacun d’entre eux hébergeant l’intégralité des transactions depuis les débuts du bitcoin. Cette « preuve de travail » est ce qui rend la blockchain infalsifiable : il faudrait fournir plus de puissance de calcul que l’intégralité de celle des mineurs réunis pour invalider une seule transaction, soit 3 milliards de milliards d’opération par seconde ! Pour ce travail, les mineurs sont rétribués à raison de 12,5 bitcoins par bloc. Cette rémunération décroît au fur et à mesure du temps :

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elle était de 50 bitcoins toutes les dix minutes à sa création et est divisée par deux tous les quatre ans jusqu’à 2140, où la limite des 21 millions de bitcoins sera atteinte. « Ce calcul n’a en soi aucun

intérêt, explique Manuel Valente, directeur des opérations de la Maison du bitcoin, un broker

parisien ayant pignon sur rue et qui permet d’acquérir des bitcoins. Mais c’est ce qui garantit

l’indépendance et l’efficacité du système et son inviolabilité. » Au-delà des crypto-monnaies, qui ont permis d’asseoir sa réputation de fiabilité, la blockchain permet de certifier tous types de données, des diplômes aux contrats, des œuvres artistiques aux titres de propriété. Valente : « Cette

technologie peut potentiellement permettre la notarisation électronique de toutes les données à un

coût quasi nul. » D’où l’intérêt croissant des tiers de confiance intermédiaires que sont les banques, les assureurs ou les États.

Comment en acheter ?

Un grand nombre de plateformes de change présentes sur la Toile permettent de convertir les euros en bitcoins et réciproquement, avec des frais qui varient selon le service. Les sites de trading, comme Coinbase ou Kraken, permettent d’effectuer des achats au prix du marché avec des commissions modestes. Au-delà d’un certain montant, il est exigé une copie de la carte d’identité. L’alimentation du compte fonctionne par virement Sepa. Les bureaux de change physiques, comme la Maison du bitcoin, permettent d’acheter des bitcoins en carte de crédit et prélèvent une commission plus substantielle. Reste à les stocker. On peut soit laisser ses bitcoins sur la plateforme en ligne, soit utiliser une application sur ordinateur ou smartphone. Ou encore acquérir un portefeuille matériel de la taille d’une clé USB qui offre les meilleures garanties de sécurité. La différence entre une banque et un coffre-fort à domicile. Dans tous les cas, si on perd l’accès à son portefeuille, les bitcoins sont irrécupérables.

Est-il autorisé ?

À l’exception de quelques rares pays qui l’ont entièrement interdit, comme le Maroc cette semaine, oui. Le site du ministère de l’Économie, qui le présente comme « la première devise monétaire

électronique décentralisée », ajoute sur sa page d’information consacrée aux monnaies alternatives les recommandations de la Banque de France. Fin 2013, dans un rapport, cette dernière rappelait que « le bitcoin n’est pas une monnaie légale » et que l’émission de monnaie virtuelle ne peut « à

ce jour » faire l’objet d’un contrôle. Elle se contentait de suggérer des pistes pour un meilleur encadrement des plateformes : agrément pour les prestataires de services de paiement, collaboration avec les forces de l’ordre en cas d’activités illicites, etc. « A moins de recourir à une solution type

Corée du Nord en coupant Internet, je ne vois pas ce qui peut interdire aux gens d’acheter et de

vendre des bitcoins », conclut Manuel Valente.

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