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Concours du second degré Rapport de jury ________________________________________________________________________________ © www.education.gouv.fr Concours : AGRÉGATION EXTERNE Section : LETTRES CLASSIQUES Session 2015 Rapport de jury présenté par : Monsieur François ROUDAUT président du jury

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  • Concours du second degr Rapport de jury

    ________________________________________________________________________________ www.education.gouv.fr

    Concours : AGRGATION EXTERNE

    Section : LETTRES CLASSIQUES

    Session 2015

    Rapport de jury prsent par :

    Monsieur Franois ROUDAUT

    prsident du jury

  • SOMMAIRE Composition du jury p. 3 Droulement des preuves p. 4 Liste des ouvrages mis gnralement la disposition des candidats dans les salles de prparation p. 5 Programmes de la session 2015 p. 6 Rapport du Prsident p. 7 preuves crites dadmissibilit p. 8 Thme latin p. 9 Thme grec p. 16 Version latine p. 20 Version grecque p. 29 Dissertation franaise p. 37 preuves orales dadmission p. 47 Leon p. 48 Explication dun texte franais postrieur 1500 p. 51 preuve de grammaire p. 54 Explication dun texte antrieur 1500 p. 59 Explication dun texte latin p. 63 Explication dun texte grec p. 66 Programme de la session 2016 p. 68

  • COMPOSITION DU JURY

    Prsident : Franois Roudaut, Professeur des Universits (Montpellier) Vice-prsidente : Marie-Laure Lepetit, Inspecteur gnral de lducation nationale Secrtaire gnral : Michel Figuet, Inspecteur dAcadmie-Inspecteur pdagogique rgional

    (Acadmie de Lyon) Membres du jury : Arnaud Aizier, Inspecteur dAcadmie-Inspecteur pdagogique rgional (Acadmie de Versailles) lonore Andrieu, Matre de confrences (Universit de Bordeaux) Franck Baetens, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Lille) David Bauduin, Inspecteur dAcadmie-Inspecteur pdagogique rgional (Acadmie dOrlans-

    Tours) Sandrine Berthelot, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Versailles) Richard Faure, Matre de confrences (Universit de Nice) Muriel Fazeuille, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Toulouse) Guillaume Flamerie de Lachapelle, Matre de confrences (Universit de Bordeaux) Marie Fontana-Viala, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Paris) Michle Gally, Professeur des Universits (Universit dAix-Marseille) Isabelle Gassino, Matre de confrences (Universit de Rouen) Hubert Heckmann, Matre de confrences (Universit de Rouen) Dimitri Kasprzyk, Matre de confrences (Universit de Brest) Sabine Lardon, Professeur des Universits (Universit de Lyon III) Marie Ledentu, Professeur des Universits (Universit de Lyon III) Philippe Le Moigne, Matre de confrences (Universit de Montpellier) Florence Magnot, Matre de confrences (Universit de Montpellier) Myriam Marrache-Gouraud, Matre de confrences (Universit de Brest) Jean-Michel Mondoloni, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Corse) Ccile Narjoux, Matre de confrences (Universit de Paris-Sorbonne) Denis Pernot, Professeur des Universits (Universit de Paris XIII) Julien Piat, Matre de confrences (Universit de Grenoble) Thierry Revol, Professeur des Universits (Universit de Strasbourg)

  • DEROULEMENT DES EPREUVES

    preuves crites dadmissibilit : 1. Thme latin Dure : 4 heures ; coefficient 6. 2. Thme grec Dure : 4 heures ; coefficient 6. 3. Version latine Dure : 4 heures ; coefficient 6. 4. Version grecque Dure : 4 heures ; coefficient 6. 5. Dissertation franaise sur un sujet se rapportant un programme duvres Dure : 7 heures ; coefficient 16.

    preuves orales dadmission : 1. Leon portant sur les uvres inscrites au programme, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 6 heures Dure de lpreuve : 55 minutes (dont 40 mn, au maximum, pour lexercice, et 15 mn dentretien, au

    maximum). Coefficient : 11. 2. Explication dun texte de franais moderne tir des uvres au programme (textes postrieurs

    1500), suivie dun expos de grammaire portant sur le texte et dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures 30 Dure de lpreuve : 1 heure (dont 45 mn, au maximum, pour lexplication de texte et lexpos de

    grammaire, et 15 mn, au maximum, pour lentretien avec le jury). Coefficient : 9. 3. Explication dun texte dancien ou de moyen franais tir de luvre (ou des uvres) au

    programme (texte antrieur 1500), suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 mn dexplication, au maximum, et 15 mn dentretien, au

    maximum). Coefficient : 5. 4. Explication dun texte latin, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 mn dexplication, au maximum, et 15 mn dentretien, au

    maximum). Coefficient : 8. 5. Explication dun texte grec, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 mn dexplication, au maximum, et 15 mn dentretien, au

    maximum). Coefficient : 8. Les entretiens qui suivent chacune des preuves portent sur le contenu de la leon ou de

    lexplication prsente par le candidat. Sagissant des preuves orales de latin et de grec, le tirage au sort dtermine pour chaque candidat

    laquelle sera passe sur programme, laquelle sera passe hors programme.

  • LISTE DES OUVRAGES MIS GENERALEMENT A LA DISPOSITION DES CANDIDATS DANS LES SALLES DE PREPARATION

    Pour la leon et les explications, les ouvrages jugs indispensables par le jury sont mis la

    disposition des candidats ; la liste propose ci-aprs (la mention des diteurs a t omise) est indicative et prsente globalement, sans les distinguer, les ouvrages mis disposition dune part pour la prparation de lexplication de texte et dautre part pour celle de la leon.

    Atlas de la Rome antique. Atlas du monde grec. Bible de Jrusalem. Dictionnaire Grec-Franais dA. Bailly. Dictionnaire culturel de la Bible. Dictionnaire de la Bible. Dictionnaire de la langue franaise dE. Littr, 7 volumes. Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine. Dictionnaire de lancien franais. Dictionnaire de lAntiquit. Dictionnaire de potique et de rhtorique dH. Morier. Dictionnaire de rhtorique de G. Molini. Dictionnaire des lettres franaises, 5 volumes. Dictionnaire du franais classique. Dictionnaire du moyen franais. Dictionnaire tymologique de la langue franaise. Dictionnaire Latin-Franais de F. Gaffiot. Dictionnaire Grand Robert. Dictionnaire historique de la langue franaise, 2 volumes. Dictionnaire Petit Robert 1 (noms communs). Dictionnaire Petit Robert 2 (noms propres). lments de mtrique franaise de J. Mazaleyrat. Gradus. Les procds littraires. Grammaire grecque dE. Ragon et A. Dain. Grammaire homrique. Guide grec antique. Guide romain antique. Histoire de la littrature chrtienne ancienne grecque et latine, tome 1 : De Paul Constantin. Histoire de la littrature grecque de S. Sad et M. Trd. Histoire gnrale de lEmpire romain, 3 volumes. Histoire grecque de G. Glotz, 4 volumes. Histoire grecque de Cl. Orrieux et P. Schmitt. Histoire romaine de M. Le Glay, J.-L. Voisin et Y. Le Bohec. Institutions et citoyennet de la Rome rpublicaine. La civilisation de lOccident mdival. La civilisation grecque lpoque archaque et classique. La conqute romaine dA. Piganiol. La littrature latine de J.-P. Nraudau. La Rpublique romaine. La vie dans la Grce classique. La vie quotidienne Rome. La vie quotidienne en Grce au sicle de Pricls. Le mtier de citoyen sous la Rome rpublicaine. Le monde grec et lOrient, 2 tomes. Le sicle de Pricls. LEmpire romain / Le Haut Empire. LEmpire romain dE. Albertini.

  • Les grandes dates de lAntiquit de J. Delorme. Les institutions grecques lpoque classique de C. Moss. Littrature franaise, 9 volumes. Littrature latine de J.-Cl. Fredouille et H. Zehnacker. Naissance de la chrtient. Prcis de littrature grecque de J. de Romilly. Rome lapoge de lEmpire de J. Carcopino. Rome et la conqute du monde mditerranen, 2 volumes. Rome et lintgration de lEmpire /Les structures de lEmpire romain. Septuaginta, id est Vetus Testamentum graecum. Syntaxe latine dA. Ernout et A. Meillet. Trait de mtrique latine.

    PROGRAMME DE LA SESSION 2015

    Littrature franaise : - Le Roman dEneas, dition critique, traduction, prsentation et notes dAim Petit, Paris, Le Livre

    de Poche, collection Lettres gothiques , 1997, vers 1 5671 ( et frestel ), p. 52-362. - tienne de La Botie, De la servitude volontaire ou Contrun. dition et prsentation de Nadia

    Gontarbert, Paris, Gallimard, collection Tel , 1993, p. 78-127. - Corneille, Cinna. Prface, notes et commentaire de Christian Biet, Paris, Le Livre de Poche, 2003.

    Polyeucte. dition prsente, tablie et annote par Patrick Dandrey, Paris, Gallimard, coll. Folio Thtre , 1996.

    - Marivaux, La Vie de Marianne. dition prsente et annote par Jean-Marie Goulemot, Paris, Le Livre de Poche, 2007.

    - Baudelaire, Le Spleen de Paris (Petits pomes en prose). dition prsente, tablie et annote par Jean-Luc Steinmetz, Paris, Le Livre de Poche, 2003.

    - Marguerite Yourcenar, Mmoires dHadrien, Paris, Gallimard, collection Folio . Littratures grecque et latine : Auteurs grecs : - Homre, Iliade, chant XXIV, texte tabli et traduit par P. Mazon, avec la collaboration de P.

    Chantraine, P. Collart et R. Langumier, Paris, Les Belles Lettres, C.U.F. - Euripide, Alceste, texte tabli et traduit par L. Mridier, Paris, Les Belles Lettres, C.U.F. - Thucydide, La Guerre du Ploponnse, livre I, texte tabli et traduit par J. de Romilly, Paris, Les

    Belles Lettres, C.U.F. - Lucien, Opuscules 26-29, dans : uvres, tome 4, texte tabli et traduit par J. Bompaire, Paris, Les

    Belles Lettres, C.U.F. Auteurs latins : - Cicron, Correspondance, tome 2, texte tabli et traduit par L.-A. Constans, Paris, Les Belles

    Lettres, C.U.F. - Virgile, Les Gorgiques, livres III et IV, texte tabli et traduit par E. de Saint-Denis, Paris, Les

    Belles Lettres, C.U.F. - Tite-Live, Histoire romaine, livre XXI, texte tabli et traduit par P. Jal, Paris, Les Belles Lettres,

    C.U.F. - Dracontius, Pomes profanes VI-X. Fragments, dans : uvres, tome 4, texte tabli et traduit par E.

    Wolff, Paris, Les Belles Lettres, C.U.F.

  • RAPPORT DU PRESIDENT

    Cette anne, le nombre des postes tait de 85, soit dix de plus que pour les sessions 2013 et 2014.

    Il tait de 60 en 2012, de 50 en 2011, de 46 en 2010, de 40 en 2009, 2008, 2007 et 2006, de 60 en 2005, de 53 en 2004 et de 62 en 2003.

    Aprs une lgre diminution du nombre des inscrits (324 au lieu de 355 en 2013) en 2014, on note pour la session 2015 une lgre augmentation : 369, et par consquent aussi du nombre des prsents toutes les preuves : 240 (65% des inscrits).

    164 candidats ont t dclars admissibles. La moyenne des candidats admissibles est de 9, 86 / 20 (9, 81 en 2014), la barre dadmissibilit se trouvant cette anne 5, 85 / 20 (6, 5 en 2014, barre plus leve en raison dun nombre de postes moindre).

    La barre dadmission a t fixe 8, 34 / 20 ; elle se trouvait 8, 36 en 2014 et 8, 27 en 2013. Le niveau gnral se maintient, comme le prouve galement la moyenne des candidats admis : 10, 57 / 20 (en 2014 : 10, 51 / 20, et 10, 43 en 2013).

    Comme lors des trois dernires sessions, les candidats les plus nombreux sont les professeurs certifis : 66 admissibles, 59 prsents loral et 23 admis (55 tudiants hors ESPE admissibles et prsents, 33 admis ; 3 tudiants en ESPE admissibles et prsents, 1 admis). On pourrait se demander dans quelle mesure, cette anne encore, lagrgation interne nest pas plus slective que le concours externe.

    La profession tend se fminiser fortement : 121 femmes pour 43 hommes (en 2014 : 105 femmes admissibles pour 38 hommes), soit plus des deux tiers des admissibles. Cette proportion baisse trs lgrement lorsque lon considre les admis : 57 femmes et 28 hommes.

    Les notes stagent de 0, 5 20. Le jury na pas hsit attribuer parfois les notes de 19 et de 20, considrant que le niveau atteint par la copie ou par lexercice oral tait digne des plus grands loges. Loral est trs ouvert : comme les annes prcdentes, plusieurs candidats mal classs lissue de lcrit ont t reus dans un bon rang, et une note trs faible (2 / 20) en leon na pas empch une candidate dtre agrge.

    Les rapports qui sont prsents dans les pages suivantes doivent moins tre lus comme des corrigs dpreuves passes que comme des guides pour acqurir ou confirmer une mthode, au sens le plus gnral du terme. Car si le concours a pour fonction dvaluer des connaissances, il doit permettre galement de mesurer les capacits transmettre comptences et savoir : lagrgation est un concours de recrutement de futurs enseignants. Ce point ne doit pas tre oubli par les candidats qui doivent donc possder, outre des connaissances, clart dans la pense ainsi que nettet et correction dans lexpression. La pense ne sexprimera pas par phrases toutes faites, et lon nemploiera pas quelques mots tort et travers (cette anne, lthos tait trs tendance ). Bref, il faut une tenue, qui doit non seulement se manifester dans le domaine intellectuel, mais aussi, il est ncessaire de le souligner puisquil sagit dun recrutement de futurs fonctionnaires , dans celui du vtement et du comportement. On vitera de venir passer les preuves comme si lon allait la plage, demployer un langage relch ou familier, ou encore de boire la bouteille face au jury. La transmission du savoir passe par des attitudes et des gestes : Pascal la dit, jadis.

    Enfin, on rappellera, cette anne encore, que ce concours de la fonction publique est un concours national. Cela signifie que les convocations qui manent de lui priment sur toute autre convocation (si le candidat est un tudiant) ou sur toute autre obligation de service (sil sagit dun fonctionnaire). Trop dinstances de toutes natures agissent en donnant le sentiment quelles ont oubli cette rgle.

  • PREUVES CRITES DADMISSIBILIT

  • RAPPORT SUR LE THEME LATIN

    tabli par Arnaud Aizier avec la collaboration de Jean-Michel Mondoloni

    Texte de lpreuve

    Les livres instruisent moins que la consultation de soi*

    La grande erreur de ceux qui tudient est [] de se fier trop leurs livres, et de ne pas tirer assez de leur fonds ; sans songer que de tous les sophistes, notre propre raison est presque toujours celui qui nous abuse le moins. Sitt quon veut rentrer en soi-mme, chacun sent ce qui est bien, chacun discerne ce qui est beau ; nous navons pas besoin quon nous apprenne connatre ni lun ni lautre, et lon ne sen impose l-dessus quautant quon sen veut imposer. Mais les exemples du trs bon et du trs beau sont plus rares et moins connus ; il les faut aller chercher loin de nous. La vanit, mesurant les forces de la nature sur notre faiblesse, nous fait regarder comme chimriques les qualits que nous ne sentons pas en nous-mmes ; la paresse et le vice sappuient sur cette prtendue impossibilit ; et ce quon ne voit pas tous les jours, lhomme faible prtend quon ne le voit jamais. Cest cette erreur quil faut dtruire, ce sont ces grands objets quil faut saccoutumer sentir et voir, afin de ster tout prtexte de ne les pas imiter. Lme slve, le cur senflamme la contemplation de ces divins modles ; force de les considrer, on cherche leur devenir semblable, et lon ne souffre plus rien de mdiocre sans un dgot mortel.

    Nallons donc pas chercher dans les livres des principes et des rgles que nous trouvons plus srement au dedans de nous. Laissons l toutes ces vaines disputes des philosophes sur le bonheur et sur la vertu.

    Jean-Jacques ROUSSEAU, La Nouvelle Hlose.

    *Traduire le titre Remarques gnrales Le texte propos la session 2015 avait la particularit dtre extrait dun roman pistolaire et de

    nen porter cependant aucune marque, de sorte quil pouvait tre lu comme une rflexion de moraliste : la porte gnrale et psychologique du propos encourageait cette lecture, mais aussi sa dimension fortement argumentative. Il importait donc davoir bien peru celle-ci et le raisonnement dvelopp par lpistolier, Saint-Preux ici, avant daborder la traduction.

    Sur 245 copies corriges, une quinzaine ont obtenu une note suprieure ou gale 15 et, parmi elles, trois se sont vu attribuer la note de 19 et deux celle de 18, juste reconnaissance dune restitution prcise et lgante du texte de Rousseau. La moyenne de 7,8, en baisse par rapport celle de la session 2014, sexplique par le nombre lev de copies (environ 50) ayant obtenu une note infrieure ou gale 5. Ces copies rvlent la fois une faible exprience de lexercice, de grandes lacunes lexicales et grammaticales et une comprhension insuffisamment sre du texte franais. cela sajoute le fait que nombre de candidats, mme ceux qui manient convenablement le latin, ont pein saisir largumentation,

  • soit par manque de familiarit avec certains traits de la langue du XVIIIe sicle, soit en raison dune difficult

    percevoir et faire jouer ensemble des lments signifiants du texte pour en dgager la cohrence. Prsentation, morphologie et syntaxe Avant de dvelopper ce point important, nous souhaitons rappeler que les recommandations

    liminaires des rapports de 2012, 2013 et 2014 en ce qui concerne la prsentation et la lisibilit (ncessit dcrire une ligne sur deux, de laisser une marge suffisamment large gauche et droite, de soigner sa graphie en formant correctement les lettres critiques : forte/forti, faciet/faciat) ont toute leur raison dtre, cette anne encore. Rappelons quun thme latin ne saurait tre convenable ou simplement lisible sil ignore ces vidences. Il est donc essentiel que les candidats des prochaines sessions se reportent aux passages concerns (p. 15 et 16 des rapports 2012 et 2013, p. 10 du rapport 2014), le fait dy renvoyer tant dict par le seul souci dviter les redites.

    En matire de morphologie, on se bornera ici relever quelques erreurs et lacunes que lon souhaiterait ne plus voir lagrgation et qui ont t lourdement pnalises : quaesitum *irendum est pour quaesitum eundum est

    1, *nostri infirmitate pour infirmitate nostra, *praetera pour praeterea, *considerendo

    pour considerando, *feremus pour ferimus, *omnias disputationes pour omnes disputationes. Pour ce qui est de la syntaxe, nous nous contentons de signaler quelques points : - lemploi mal matris de lexpression de la possession : *eorum libris confidunt souvent rencontr

    la place de libris suis confidunt, alors mme que le possesseur est le sujet de la phrase ; - lutilisation de la ngation non au lieu de ne pour exprimer la dfense : *non quaeramus ; - lemploi de *et non au lieu de nec, notamment lorsque la ngation arrive bien aprs la

    conjonction, ou encore de *et nihil au lieu de nec quicquam ; - le recours *ut non, au lieu de ne, dans une finale ngative. Nous rappelons galement quaprs une proposition ngative, on ne peut coordonner par et, mais

    par sed. On crira donc, non pas Ne quaeramus [] *et dimittamus, mais Ne quaeramus [], sed dimittamus.

    Bien comprendre le texte de dpart Cest donc sur le travail mener dabord sur le texte franais que nous souhaitons nous attarder un

    moment : lexercice du thme latin reflte autant quil ncessite une parfaite comprhension de ce texte, de son esprit, de sa progression. Plusieurs lectures de bas en haut et de haut en bas sont par consquent un pralable indispensable. Dans le passage propos, elles devaient permettre de saisir le raisonnement, le cheminement argumentatif, en prenant appui sur les mots et expressions qui se font cho, bref de comprendre le mouvement gnral de la pense, quil peut au demeurant tre utile de noter avant de se lancer dans la traduction. Que dit ici en substance Rousseau par la voix de Saint-Preux ?

    - que et le paradoxe est nettement affirm lon sinstruit mieux en studiant soi-mme2 quen se

    fiant ses livres, pour peu que lon sache ne pas se mentir3 soi-mme ;

    - que les exemples du trs beau et du trs bon 4 sont suivre cette ide est implicite , mais

    que, parce quils sont rares et situs loin de nous, nous nous plaisons, par vanit et par paresse, les considrer comme chimriques

    5 ;

    - que nous devons par consquent nous dfaire de ce mensonge nous-mmes et apprendre contempler ces divins modles afin de tenter de les imiter.

    Pour conclure sa dmonstration, Saint-Preux reprend lide initiale en dcochant une flche contre les philosophes et leurs vaines disputes . On le voit, la cohrence du raisonnement est nette le syllogisme nest pas loin , soutenue quelle est par tout un jeu de reprises et dchos. Les percevoir aurait permis dviter plusieurs erreurs dinterprtation, dont voici les plus frquentes :

    1 Nous ne relevons ici que le barbarisme.

    2 Tirer assez de [son] fonds trouve un cho dans rentrer en soi-mme : le premier rsulte du second.

    3 Sen imposer signifie ici sillusionner , se mentir soi-mme .

    4 Le jeu de reprises est particulirement abondant et explicite ici : il est dabord question des exemples du trs beau et

    du trs bon , repris par les qualits que nous ne sentons pas en nous-mmes , puis par ce quon ne voit pas tous les jours , puis par ces grands objets , enfin, en point dorgue, par ces divins modles . 5 Cette prtendue impossibilit fait cho regarder comme chimriques .

  • - tirer assez de leur fonds : il nest pas question dargent ici ; cette catachrse dsigne les ressources intellectuelles et morales de chacun, qui sont comme un capital dans lequel il peut puiser .

    - ; sans songer que : la ponctuation ne devait pas gner : il est vrai quaujourdhui nous trouverions plutt une virgule la place du point-virgule. Ce groupe prpositionnel se rapporte ceux qui tudient , lesquels ne songent pas, quand ils devraient songer. Il convenait de mettre en lumire dans la traduction le lien explicatif : En effet, ils ne songent pas ou [], eux qui en effet ne songent pas .

    - les sophistes : on attendrait dun candidat lagrgation de lettres classiques quil ne traduise pas sophiste par philosophus ou par sapiens : dune certaine manire, il sagit du contraire et le contexte tait en outre clairant, qui donne un peu plus loin celui qui nous abuse le moins , laissant entendre que notre propre raison est un sophiste somme toute moins trompeur que les livres.

    - lon ne sen impose : au XVIIIe

    sicle comme au XVIIe, sen imposer signifie se laisser

    abuser , sen laisser accroire ; nulle notion de contrainte, ici, encore moins de tyrannie exerce sur soi ; il sagit, comme on la dit plus haut, de mensonge soi-mme.

    - mesurant les forces de la nature sur [cest--dire : daprs] notre faiblesse : l encore, une bonne lecture du contexte pouvait aider bien interprter cette expression ; lide est que, par vanit, nous avons tendance prendre notre faiblesse, les insuffisances de notre propre nature comme talon de ce dont la nature humaine est capable. En consquence, nous prtendons que nexistent pas les qualits que nous savons ne pas avoir. Ainsi, se prolonge lide du mensonge soi-mme.

    Les disputes ne sont pas des querelles ou des conflits, mais des dbats, des discussions philosophiques : disputatio dit trs bien la chose.

    Du bon usage du bon dictionnaire Plus quavec un dictionnaire franais-latin, un thme latin se fait avec laide du Gaffiot on

    recommandera ce propos ldition de 1967, plus riche en citations, donc en citations dauteurs classiques, que celle de 2000 et, bien sr, avec ses souvenirs de Csar et de Cicron. Il convient au minimum de vrifier dans le Gaffiot la pertinence, et quant au sens et quant lemploi, des traductions latines proposes par le dictionnaire franais-latin. Cette prcaution indispensable aurait vit de traduire sentir par odorari, mortel par humanus, [lme] slve par aedificatur, comme sil sagissait dun monument quon rige, [leur] fonds par moneta, le cur [senflamme] par cor, qui nest pas classique au sens de sige du sentiment , ou par cardia, qui dsigne en grec le cur , en particulier lorgane.

    Sonner latin Les bons, voire les excellents thmes se lisent facilement et du premier coup. Cette lisibilit tient au

    naturel et la simplicit des tournures utilises qui, par l mme, sonnent latin. Nous mettons donc en garde les candidats contre une fcheuse tendance recourir des tours rares, alambiqus et qui, inutilement compliqus, constituent en outre autant de risques de ne pas crire latin. Ainsi, *exempla ejus quod est pulcherrimum et ejus quod est honestissimum, on prfrera exempla pulcherrimi et honestissimi, et au tour exagrment dvelopp *ubi primum animum intendere in nihil nisi in se ipsum vult, on prfrera la concision de ubi primum in se introspicere constituit.

    Le souci du son latin doit de mme conduire viter une traduction mot mot et linaire, et trouver la fois des tours idiomatiques et un ordre des mots juste. Ainsi, pour rendre de tous les sophistes notre propre raison est celui qui nous abuse le moins , reprendre lidentique la tournure franaise et crire *ratio nostra est hic qui nos minime fallit, ce nest pas traduire, mais dcalquer, et il convenait au minimum de ne pas reproduire la tournure attributive. On attend galement dun candidat lagrgation quayant traduire afin de ster tout prtexte de ne les pas imiter , il pense sinspirer dun latinisme tel que causa est cur ou causa est quare, suivi du subjonctif et quil ne recoure pas, pour rendre regarder comme chimrique , intueri tamquam, mais au trs habituel habere ou ducere construit avec un attribut du complment dobjet direct ou avec pro suivi de lablatif. La familiarit avec le latin classique doit de mme permettre, l o le franais utilise une relative

    6 aprs des verbes de perception ( chacun sent ce qui est

    bon, chacun discerne ce qui est beau ), demployer linterrogative indirecte en latin : non, par consquent,

    6 La dnomination tant controverse, nous retenons ici, pour parler de relative, le critre formel ( ce qui , ce que ),

    alors mme que le sens est interrogatif : *quest-ce qui , *quest-ce que .

  • *sentit quod bonum est (relative), mais sentit quid bonum sit, linterrogative indirecte lindicatif *quid bonum est, que nous avons trouve, constituant, quant elle, un solcisme.

    Penser annoncer une relative dterminative par un is plac devant lantcdent ou intgrer une proposition infinitive ladite relative peut galement assurer une phrase latine son lgance et son naturel. Ainsi, pour la traduction de les qualits que nous ne sentons pas en nous-mmes , les copies ayant propos eas virtutes quas inesse nobis sentimus, en recourant la proposition infinitive et au verbe inesse, se sont nettement distingues de celles, trop nombreuses, qui proposaient le plat et laborieux dcalque du franais virtutes quas in nobis sentimus.

    La parataxe, trait dcriture rcurrent dans ce texte, passait difficilement telle quelle en latin classique et demandait tre rendue par la subordination, celle-ci prsentant lavantage de donner au texte latin une armature plus naturellement logique que la succession, souvent rencontre, de phrases courtes relies par des mots de liaison artificiels et peu pertinents. Ctait le cas en particulier de la phrase Mais les exemples du trs bon et du trs beau sont plus rares et moins connus ; il les faut aller chercher loin de nous. et de Lme slve, le cur senflamme la contemplation de ces divins modles ; force de les considrer, on cherche leur devenir semblable, et lon ne souffre plus rien de mdiocre sans un dgot mortel . Dans les deux cas, il y avait intrt rflchir aux liens possibles, voire ncessaires, de cause et de consquence introduire entre les propositions.

    La question des ngations En plusieurs endroits, il convenait dtre particulirement rigoureux dans le maniement des

    ngations, sous peine de dire le contraire de ce que disait le texte. La vigilance en la matire doit porter en particulier sur trois points :

    - savoir utiliser les pronoms et adjectifs indfinis aprs nec, neque ; - bien distinguer entre les ngations qui se dtruisent et celles qui se renforcent : la Syntaxe latine

    dErnout et Thomas dit bien les choses, mais aussi le Gaffiot et ses citations ; - ne pas redoubler par une ngation la valeur ngative dj contenue dans un verbe. On trouvera dans lanalyse de dtail qui suit des remarques et des conseils sur les diffrents cas qui

    se prsentaient dans notre texte. La question des pronoms Une difficult pineuse rsidait dans la varit des pronoms quemploie Saint-Preux pour dsigner la

    communaut des hommes dans laquelle il sinclut. Le texte tant particulirement mobile cet gard, cette varit reprise telle quelle en latin produisait un fcheux effet dparpillement. Il parat donc prfrable, dans des cas semblables, de viser une certaine stabilit pronominale, en procdant, quand elles sont possibles, des quivalences entre les pronoms. On gagne ainsi en clart, en latinit et en respect de lesprit du texte ce que lon perd peut-tre en exactitude littrale. Par exemple, le on de on veut rentrer en soi-mme pouvait sans dommage tre trait comme un il procdant du chacun qui suit. Ce on tait en outre trs proche du nous de la phrase prcdente ( notre propre raison est presque toujours celui qui nous abuse le moins ) et de celui de la phrase suivante ( nous navons pas besoin quon nous apprenne ), lui-mme repris, dans la mme phrase, par lon ne sen impose l-dessus quautant quon sen veut imposer . Il tait en revanche important de prserver la distinction entre le on de ce quon ne voit pas tous les jours , lequel pouvait tre rendu par une tournure au passif, et lhomme faible qui ne reprsente pas, comme on , lensemble des hommes.

    Analyse de dtail Titre : Les livres instruisent moins que la consultation de soi Pour traduire le titre ce que quelques rares thmes ont, cette anne encore, oubli de faire ,

    nombre de candidats ont opt avec raison pour une infinitive ou pour une interrogative indirecte introduite par cur ou quomodo. Il importait toutefois de ne pas choisir la conjonction num, puisque la question implicite qui est pose nest pas de savoir si les livres instruisent moins, mais en quel sens ils sont moins instructifs.

    On veillera ne pas construire absolument des verbes transitifs. Ce qui est vrai pour instruire (docere) le sera galement un peu plus bas pour promere et sumere. Ctait un bon choix que dintroduire un

  • nos ou un homines et de le placer en position de sujet dun verbe passif (doceri ou doceantur), plutt quen position de complment dobjet direct.

    Pour rendre la consultation de soi , on avait le choix entre consultatio sui et le tour constitu de consulere ou perspicere au grondif ou, mieux, de ladjectif verbal substitut du grondif (se perspiciendo). Le rflchi se ou nos se suffit lui-mme : nul besoin de lui ajouter un ipsum (*se ipsum adspicere) ou un ipsos.

    Phrase 1 : La grande erreur de ceux qui tudient est [] de se fier trop leurs livres, et de ne pas

    tirer assez de leur fonds ; sans songer que de tous les sophistes, notre propre raison est presque toujours celui qui nous abuse le moins.

    Pour La grande erreur [] de se fier , le meilleur parti tait de recourir au verbe errare, non peccare, en le faisant prcder dun pronom dmonstratif lablatif, dvelopp par une compltive introduite par quod (hoc errant quod : se trompent en ce que ). Pour traduire tudier , studere seul ne convient pas, qui signifie lpoque classique avoir du got pour . Studere litteris tait une bonne traduction ; discere a t admis.

    Pour tirer de leur fonds , la mtaphore ex fonte sua haurire, que nous avons trouve plusieurs fois, tait une adaptation intressante. Promere, sumere ex se sont galement possibles, condition de ntre pas construits absolument. Mais alors quel complment dobjet direct choisir ? Aliquid ex se promere est maladroit comme lest aussi satis rerum ex se promere. Nous avons choisi dans notre proposition de traduction (voir ci-dessous) de crer un complment signifiant science ou connaissance , et den faire le complment au gnitif de satis : satis scientiae ex se promere. Uti ingenio suo, qui efface lide de tirer de soi constituait un contournement de la difficult.

    Phrase 2 : Sitt quon veut rentrer en soi-mme, chacun sent ce qui est bien, chacun discerne ce

    qui est beau ; nous navons pas besoin quon nous apprenne connatre ni lun ni lautre, et lon ne sen impose l-dessus quautant quon sen veut imposer.

    Il tait judicieux de fondre les deux phrases spares par un point-virgule en une seule et de faire de la seconde une consquence du constat contenu dans la premire (voir plus haut Sonner latin, parataxe).

    Vouloir signifiait plutt ici former le projet de , se rsoudre . velle il convenait donc de prfrer constituere ou encore le tour mihi propositum est ou sibi proponere, tous deux construits avec linfinitif. Il y avait intrt lier on chacun , ce qui revenait traduire on comme un il annonant chacun . Ainsi, on vitait de trop varier les pronoms lintrieur dune mme phrase. Pour chacun , quisque ne semploie en langue classique quaprs se, un superlatif, un adjectif ordinal, un relatif, un interrogatif, et ut. Dans les autres cas, il convient demployer unusquisque.

    Colligere se, plusieurs fois trouv dans les copies, signifie plus se ressaisir , reprendre ses esprits , se rassembler que rentrer en soi-mme . Se consulere au sens de se consulter soi-mme est possible. In se introspicere rendait plus exactement lide de rentrer en soi-mme que se perspicere. Concernant la construction de sentire et de cernere, nous rptons (voir ci-dessus Sonner latin) que linterrogative indirecte est la construction attendue. Le beau dont il est question ici, associ bien de surcrot, ne peut tre rendu par formosus, quon rservera la beaut physique, mais par honestum ou pulchrum, indiffremment.

    Pour nous navons pas besoin , il tait possible de recourir non opus est suivi dune proposition infinitive. En revanche, le tour nobis opus est, construit avec linfinitif et maintes fois trouv, nest pas attest en langue classique. La succession de docere et de cognoscere pour rendre quon nous apprenne connatre tait un tour trs maladroit. Il suffisait ici demployer docere la voix passive et de le faire suivre dun complment dobjet direct.

    Labsence de matrise du jeu des ngations a eu de fcheuses consquences, puisquelle a conduit crire le contraire de que disait le texte. Si lon commenait par non opus est, employer neutrum pour traduire ni lun ni lautre revenait annuler la ngation. Cest donc utrumque ( lun et lautre ), renvoyant chacun des lments ce qui est beau et ce qui est bon , qui convenait. On pouvait bien sr crire galement nos neutrum doceri opus est. Ont t sanctionns comme faux-sens alteruter, qui signifie lun des deux , et utrum, lun ou lautre .

    Plusieurs candidats semblent ignorer quaprs une proposition ngative, la coordination par et nest pas possible : on doit recourir sed ou couper la phrase.

    Pour lon ne sen impose , nous renvoyons aux remarques gnrales et au sens de sen imposer . Pour ne quautant que , lexpression tantum quantum convenait bien elle seule, sans

  • ajout de solum, en raison de la valeur restrictive de tantum (cf. en grec) : seulement autant que .

    Phrase 3 : Mais les exemples du trs bon et du trs beau sont plus rares et moins connus ; il les faut

    aller chercher loin de nous. L encore, la parataxe ntait pas heureuse pour traduire les deux premires propositions : il y avait

    intrt faire de la premire lexplication de la seconde : Quae cum exempla [] rariora sint []. Le Gaffiot cite bien la forme rarior, mais, curieusement, sans lassocier Csar ou Cicron, ce qui pourrait faire penser que le comparatif nest pas classique. Cependant, les candidats familiers de la langue cicronienne pourront se souvenir, par exemple, de Haec igitur ipsa fortuna ceteros casus rariores habet (De Officiis, II, 19).

    Phrase 4 : La vanit, mesurant les forces de la nature sur notre faiblesse, nous fait regarder comme

    chimriques les qualits que nous ne sentons pas en nous-mmes ; la paresse et le vice sappuient sur cette prtendue impossibilit ; et ce quon ne voit pas tous les jours, lhomme faible prtend quon ne le voit jamais.

    Le maintien de la personnification de vanit , de paresse et de vice , tous termes placs en position de sujet, est rude. Il tait plus naturel, et latin, de faire de ces passions des complments dagent ou de cause : propter adrogantiam, par exemple, disait trs bien par vanit . Vanit ne signifiant pas ici futilit ou inanit , mais prsomption ou haute ide de soi-mme , spiritus ou adrogantia convenaient sensiblement mieux que vanitas. Cest justement le mot vanus qui a t choisi, souvent, pour traduire chimrique. Or, ladjectif avait moins ici le sens de sans fondement ou de vain , que rendrait bien vanus en effet, que celui de trop beau pour tre vrai , ce qui devait inviter choisir commenticius.

    Mesurant les forces de la nature sur notre faiblesse : ds lors que le sens de lexpression avait t bien saisi en franais (cf. Remarques gnrales), la traduction ne prsentait pas de difficult. Metiri, aestimare, pendere ou ponderare allaient bien, construits avec un ablatif, prcd ou non selon le verbe choisi , de ex pour indiquer sur quoi se fonde cette mesure ou cette estimation. Linterrogative indirecte quid ou quantum natura possit, possible aprs ponderare, rendait plus justement lide de ce que peut la nature que le littral et peu explicite *vires naturae, souvent trouv dans les copies. Concernant nous fait regarder nous-mmes , on se reportera au paragraphe Sonner latin des Remarques gnrales.

    Lordre des propositions, trs latin, dans et ce quon ne voit pas tous les jours, lhomme faible prtend quon ne le voit jamais , gagnait tre conserv. Il importait ici de ne pas se tromper dans lemploi des ngations sous peine de dire le contraire de ce que disait le texte : si, ce qui tait tout fait possible, on utilisait negare pour rendre prtend , il convenait alors de traduire jamais par umquam, non par numquam, et il ne fallait pas utiliser nec pour traduire le et sur lequel souvre la phrase. Inversement, si lon choisissait le verbe contendere pour traduire prtend , il fallait ne faire porter la ngation que sur la proposition infinitive.

    Phrase 5 : Cest cette erreur quil faut dtruire, ce sont ces grands objets quil faut saccoutumer

    sentir et voir, afin de ster tout prtexte de ne les pas imiter. Le choix du relatif de liaison pour traduire cette erreur avait pour inconvnient que, ne pouvant

    tre repris pour ces grands objets , il conduisait une dissymtrie (*qui error haec magna). Il tait donc de beaucoup prfrable de choisir le dmonstratif dans les deux cas, quitte en employer deux diffrents, hic pour le premier, lemphatique ille pour le second.

    quil faut saccoutumer ne pouvait tre rendu par solere (ce nest pas le sens), encore moins par *solendum est, que nous avons malheureusement trouv plusieurs fois : lemploi du passif impersonnel nest possible quavec les verbes transitifs ou intransitifs, ce qui en carte ipso facto les verbes impersonnels

    7.

    Consuescendum est, construit avec un infinitif, convenait, mais non *consuefaciendum est. Dans la finale, on pouvait crire, la premire personne du pluriel, ut nobis adimamus, mais non,

    dans une tournure au passif impersonnel, *ut sibi adimatur, o le rflchi ne renvoie rien : le rflchi doit renvoyer un sujet personnel.

    7 Hormis en de rares occurrences, comme dans le cas du tour paenitendum est/esse, attest dans la correspondance de

    Cicron.

  • Tout bien considr, il y avait intrt rutiliser le nous qui permettait de donner ladjectif verbal de la principale (nobis consuescendum est) comme au verbe de la finale (nobis adimamus ou nobis sit) le complment au datif dont ils avaient besoin : ne iam quid [ou : quidquam] causae nobis sit quin ea imitemur ou ut omnem causam nobis adimamus cur non ea imitemur.

    Phrase 6 : Lme slve, le cur senflamme la contemplation de ces divins modles ; force de

    les considrer, on cherche leur devenir semblable, et lon ne souffre plus rien de mdiocre sans un dgot mortel.

    Pour traduire lme , on devait prfrer animus anima, quon gardera pour le souffle vital . Le cur pouvait tre rendu par pectus, non par cor, non classique en ce sens.

    la contemplation de ces divins modles se prtait bien lemploi du grondif lablatif (contemplando) accompagn du complment dobjet direct (divina exempla) ou plutt celui, de meilleure tenue, de ladjectif verbal lablatif, substitut du grondif (divinis exemplis contemplandis).

    Pour force de les considrer , ctait une bonne solution que de recourir au tour ut suivi du superlatif, ita suivi du superlatif .

    Rien de mdiocre : si, aprs nihil, ladjectif choisi appartient la deuxime classe, il saccorde, au neutre, avec nihil : nihil mediocre ou vile. On gardera le gnitif pour les adjectifs de la premire classe : nihil novi.

    Sans un dgot mortel : sine mortali *taedio (ce dernier non classique) tait une traduction littrale qui faisait contresens puisque, aprs nec quicquam jam mediocre patimur, il ne pouvait signifier que lon ne souffre plus rien de mdiocre et ce, sans dgot mortel . Le mieux tait de recourir nisi cum [] fastidio, sans aller ncessairement jusquau tour, moins conomique, nec jam quicquam mediocre patimur nisi ejus rei nos maxime taedet, que nous avons admis et apprci.

    Phrase 7 : Nallons donc pas chercher dans les livres des principes et des rgles que nous trouvons

    plus srement au dedans de nous. Nous nous sommes tonns de trouver plusieurs fois non dans une phrase exprimant la dfense :

    lvidence, ne simpose. Quaerere se construit avec in, mais petere avec ab. Pour principes , dont le sens est ici prceptes , rgles de vie , principia ne convenait pas,

    qui signifie les premiers lments , les principes fondamentaux dun systme, dune science. Disciplina allait bien. Quant rgles , regula constituait un faux-sens, tandis que praecepta rendait bien le mot.

    Phrase 8 : Laissons l toutes ces vaines disputes des philosophes sur le bonheur et sur la vertu. Ibi pour traduire l fait partie de ces gallicismes que nous avons voqus dans les remarques

    gnrales (cf. Sonner latin ). Le mieux tait de ne pas le traduire. Ici vanus ou inanis convenait pour rendre lide de disputes oiseuses. Disputationes traduit bien disputes . En revanche, jurgium, certamen ou pugna, qui voquent la

    querelle ou le conflit, passaient ct de lide de dbat philosophique. Proposition de traduction Cur homines libris legendis minus doceantur quam consultatione sui. Qui litteris student hoc maxime errant quod libris suis nimis confidunt nec satis cognitionis ex se

    promunt. Non enim cogitant inter sophistas ferme rationem nostram nos minime fallere. Cum autem unusquisque nostrum, ubi primum in se introspicere ei propositum est, quid bonum sit sentiat cernatque quid pulchrum sit, tum non opus est aliquem nos utrumque horum docere, sed tantum de ea re fallimur quantum falli nobis placet. At optimarum et honestissimarum rerum exempla, quippe quae rariora et minus nota sint, procul a nobis quaerenda sunt. Accedit huc quod, propter adrogantiam nostram quantum natura possit ex imbecillitate nostra ponderantes, pro commenticiis eas virtutes habemus quas haud inesse in nobis ipsis sentimus. Praeterea dum propter pigritiam vitiumque nostrum hoc magno argumento nobis est ut illae virtutes constare non possint, quae non cottidie videntur, ea imbecilli homines negamus umquam videri posse. Hic igitur error delendus est, illa sentire intuerique nobis consuescendum est, ne iam ullam causam

  • habeamus cur non ea imitemur. Etenim illis divinis exemplis contemplandis animus se effert et pectus ardescit ; quae ut quisque diutissime considerat, ita maximam operam dat ut ea aequet nec quicquam jam mediocre patitur nisi cum gravissimo fastidio.

    Ne igitur in libris disciplinam praeceptaque quaeramus quae certius in animis nostris invenimus. Immo omnes istas disputationes dimittamus quas philosophi frustra habent de beata vita virtuteque.

  • RAPPORT SUR LE THEME GREC tabli par Dimitri Kasprzyk

    Lpreuve de thme grec a donn lieu des rsultats relativement satisfaisants. La moyenne de

    lpreuve est de 8, 5, contre 7, 8 lan pass. Quinze copies ont obtenu une note gale ou suprieure 16, la meilleure note tant 18 ; trente-deux copies, inversement, ont une note infrieure ou gale 3 : le thme grec est une preuve qui ne simprovise pas, qui demande une prparation rgulire et des rvisions systmatiques en morphologie et en syntaxe.

    Nous rappellerons (comme tous les ans) quune copie propre, are, lisible est toujours la bienvenue, la fois pour le confort de lecture des correcteurs, et parce que, en cas de doute sur lorthographe dun mot, le doute ne bnficie pas au candidat , pour reprendre une formule employe dans un prcdent rapport. Les esprits et les accents doivent donc tre correctement forms et placs au bon endroit (par exemple et non pas *), il faut clairement distinguer - et - et, malgr certaines ressemblances, les lettres franaises ne sauraient se substituer, du point de vue de la graphie, aux lettres grecques, (un -l nest pas un -).

    Le texte propos tait tir de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre. La langue tait classique et donc peu susceptible de drouter les candidats. Rappelons toutefois quavant de commencer la traduction du texte en grec, il convient de le lire dans son ensemble pour en comprendre le sens gnral et certains dtails : certaines expressions ont t mal comprises (par exemple ceux qui les ont ports), faute peut-tre davoir en tte le mouvement gnral au moment de traduire un passage particulier.

    Un certain nombre de copies, plus que les annes passes, ont eu tendance sous-traduire certains passages pour en esquiver la difficult. Ainsi le texte comportait plusieurs propositions relatives, pour lesquelles le grec dispose de deux ressources majeures : traduction par une relative, naturellement (introduite par diffrents pronoms relatifs), ou par un participe appos. Or des candidats ont systmatiquement vit cet cueil (minime) en transformant la relative en une indpendante coordonne par , ce qui ne rend pas compte du texte et te tout relief la phrase dorigine. Par exemple, la phrase Homre, qui l'a revtue de vers si beaux, demandait l'aumne pendant sa vie, est devenue Homre la revtue et demandait . Ce genre de stratgie dvitement a t sanctionn par le jury, tout comme lomission de petits mots tels que mme, bien, si. Texte :

    Il vaut mieux ne pas crire de livres. Sauf indication contraire, le titre doit tre traduit. Le titre tant ici form dune phrase, il convient en grec

    de lintgrer une compltive par ou , et en aucun cas une proposition infinitive. Il vaut mieux : il convient de ne pas utiliser sans distinction le comparatif et le superlatif. Cest le

    comparatif qui est ici requis, et il est au neutre dans une tournure impersonnelle. ne pas crire : aprs un verbe exprimant lobligation, la convenance, etc., la ngation est . On attend

    plutt linfinitif aoriste que linfinitif prsent, qui exprime une ide de dure ici absente. Le meilleur des livres, qui ne prche que lgalit, lamiti, lhumanit et la concorde, lvangile, a servi

    pendant des sicles de prtexte aux fureurs des Europens. Aprs cela, qui se flattera d'tre utile aux

  • hommes par un livre ? Rappelez-vous quel a t le sort de la plupart des philosophes qui leur ont prch la sagesse.

    , , , . ; .

    Le meilleur des livres : le gnitif partitif, ici complment du superlatif, ne senclave pas. Ladjectif au

    superlatif est naturellement au mme genre que le substantif qui le complte : il fallait donc tre attentif au genre du mot grec dsignant le livre et accorder en consquence les articles, adjectifs et pronoms relatifs qui sy rapportent : est au fminin, au neutre.

    qui ne prche que lgalit, lamiti, lhumanit et la concorde : le relatif est au mme genre que son antcdent. Les COD lgalit, lamiti, lhumanit doivent tre coordonns ; si lon utilise la coordination , la particule apparat seulement dans le premier groupe.

    a servi pendant des sicles : on fera attention la morphologie de , verbe au moyen que lon ne pouvait donc pas employer au passif pour traduire a t utilis . La traduction littrale de sicles par lhapax tait peu heureuse. Lexpression signifie simplement un temps trs long, et non plusieurs priodes de cent ans.

    qui se flattera : linterrogatif est accentu, contrairement au pronom-adjectif indfini utilis en fin de phrase ( ). Le verbe se flattera ne pouvait en aucun cas tre traduit par suivi du pronom rflchi, qui signifie littralement faire lloge de soi-mme . On rappellera que la phrase qui suit une interrogative directe nest pas obligatoirement introduite par une particule de liaison.

    Rappelez-vous : une traduction par une tournure vitant limpratif ( il faut se rappeler ) a t sanctionne. La phrase comporte une interrogative indirecte, que lon pouvait introduire par linterrogatif ou par le relatif employ comme interrogatif : dans ce second cas, le neutre doit tre distingu clairement de la conjonction .

    Homre, qui l'a revtue de vers si beaux, demandait l'aumne pendant sa vie. Socrate, qui en donna

    aux Athniens de si aimables leons par ses discours et par ses murs, fut empoisonn juridiquement par eux.

    , , . , , .

    introduit ici le dveloppement du thme nonc dans la phrase prcdente, concernant le sort des

    philosophes. Homre est mis sur le mme plan que les philosophes nomms dans les deux phrases qui suivent grce la parataxe Rappelons que lordre des particules est obligatoirement , et non * .

    de vers si beaux : la morphologie des substantifs neutres en - (, , parfois employ pour traduire ses murs) a t malmene, notamment au datif pluriel : il convient de bien la distinguer de la deuxime dclinaison.

    fut empoisonn juridiquement : la langue attique utilise le verbe pour traduire tre tu ; ladverbe juridiquement signifiait ici devant la justice (sens vieilli) ou conformment au droit ; diffrentes traductions faisant rfrence un procs, la loi, taient acceptes.

    Son sublime disciple Platon fut livr l'esclavage par l'ordre du prince mme qui le protgeait ; et avant

    eux, Pythagore, qui tendait l'humanit jusqu'aux animaux, fut brl vif par les Crotoniates.

    .

    Son disciple : le pronom personnel au gnitif utilis pour exprimer la possession non rflchie ne doit pas tre enclav ( ) ; de mme, avec une valeur dinsistance ( lui-mme ) ne doit pas tre enclav, sinon il prend le sens de le mme qui ne convenait pas dans la tournure l'ordre du prince mme.

  • qui le protgeait : (et non , non attique) ne convenait gure, signifiant plutt surveiller que veiller sur

    Lexpression qui tendait l'humanit jusqu'aux animaux a donn lieu des erreurs dinterprtation. Dune part, une traduction littrale, par exemple laide du verbe ( tendre au sens concret, pour un arc, entre autres) ne convenait pas ici. Dautre part, lhumanit tait ici prendre au sens de genre humain , et non de bont, gnrosit : Pythagore considre les animaux comme des tres vivants au mme titre que les hommes, et sabstient de leur chair ; il ne sagit pas ici de se montrer humain envers les animaux, ce que lexpression tendait l'humanit ne saurait rendre.

    Que dis-je ? La plupart mme de ces noms illustres sont venus nous dfigurs par quelques traits de

    satire qui les caractrisent, l'ingratitude humaine se plaisant les reconnatre l. ;

    , . La phrase tait assez difficile, ponctue de termes abstraits et dexpressions qui nont pas dquivalent

    direct en grec : ainsi, , pour rendre caractrisent, tait tentant, mais non classique. Les noms dsignent par synecdoque les personnages mentionns plus haut et il tait peut-tre prfrable de les remplacer par les hommes , puisque ce sont effectivement les individus en question, et non pas leur nom, qui sont objets de la satire.

    dfigurs par : si lon utilise le verbe au parfait, le complment du passif (quil soit anim ou inanim) est au datif seul.

    Concernant qui les caractrisent, le sens de cette expression nest pas forcment trs clair et nous avons accept deux types de traduction, lune signifiant des traits de satires qui leur sont propres (avec par exemple), lautre qui les dfinissent, montrent comme ils sont . Pour satire, renvoie au drame satyrique et ne convenait pas.

    l'ingratitude humaine se plaisant : la construction franaise invitait (sans obligation, bien entendu) employer un gnitif absolu, qui est naturellement au gnitif. Plutt que lingratitude , on attendait une traduction plus concrte, assez naturelle en grec : les hommes ingrats .

    l : ladverbe renvoie aux traits par lesquels on reconnat les noms illustres ; on ne pouvait utiliser pour le traduire.

    et si dans la foule la gloire de quelques-uns est venue nette et pure jusqu' nous, c'est que ceux qui les

    ont ports ont vcu loin de la socit de leurs contemporains : semblables ces statues qu'on tire entires des champs de la Grce et de l'Italie, et qui, pour avoir t ensevelies dans le sein de la terre, ont chapp la fureur des barbares.

    , .

    Ce passage tait compos en apparence de deux phrases spares par deux points ; mais ladjectif semblables, au dbut du second morceau, est une pithte dtache portant sur ceux qui les ont ports et nintroduit pas de nouvelle proposition : il ntait donc pas possible de ponctuer et de traduire de manire aussi littrale. Il tait possible de remplacer les deux points par une virgule, et de rattacher semblables la phrase en pithte dtache porte par le verbe tre au participe (ce qui a t choisi dans la traduction propose), ou bien de couper la phrase, ce qui ncessitait lajout dune particule de liaison et dun verbe conjugu.

    et si dans la foule cest que : la tournure explicative cest que indique que la proposition introduite par si na pas vritablement de valeur hypothtique. Il fallait donc privilgier entre les deux propositions un rapport dordre causal.

    nette et pure : les deux adjectifs sont redondants ; le premier ne pouvait signifier clair, vident, manifeste : une traduction par ou faisait donc faux-sens.

    ceux qui les ont ports : lexpression a parfois t comprise de manire curieuse et traduite littralement sans que lon sache bien quoi le pronom les renvoyait ; certains candidats lont mise en rapport avec la gloire de quelques-uns, et forc le sens en traduisant ports aux nues, lous , dont le sujet ceux qui ntait plus identifi aux quelques-uns du dbut de la phrase. Il fallait bien entendu comprendre ceux qui ont port les noms illustres voqus un peu plus haut.

  • ces statues qu'on tire entires [] et qui [] ont chapp : dans la langue attique, un pronom relatif nest pas rpt. Sil est au mme cas dans les deux relatives, il napparat quune seule fois ; sil est un autre cas dans la seconde relative, il est remplac par le pronom partir de laccusatif.

    Vous voyez donc que, pour acqurir la gloire orageuse des lettres, il faut bien de la vertu, et tre prt

    sacrifier sa propre vie. D'ailleurs, croyez-vous que cette gloire intresse en France les gens riches ? Ils se soucient bien des gens de lettres, auxquels la science ne rapporte ni dignit dans la patrie, ni gouvernement, ni entre la Cour.

    , . ; .

    pour acqurir : lexpression du but est varie en grec. suivi du subjonctif est possible, mais loptatif oblique est exclu dans une phrase o le verbe principal est au prsent de lindicatif.

    la gloire orageuse : lensemble du texte suggrait que la gloire des lettres, ou de la philosophie, est dangereuse ; ctait l en somme le sens de orageuse, quil tait difficile de traduire littralement. De mme, le verbe , qui signifie accomplir un sacrifice ne permettait pas de rendre le sens figur de sacrifier sa propre vie.

    croyez-vous que : les verbes de pense se construisent avec une proposition infinitive, et non avec une compltive par .

    Ils se soucient bien : le ton est celui de lantiphrase ; les candidats devaient donc montrer dune manire ou dune autre quils lavaient compris et viter une traduction littrale. Certains ont choisi dexpliciter le sens en crivant : ils ne se soucient nullement ; on pouvait galement se servir dune particule ou dun adverbe exprimant lironie (, , ).

    RAPPORT SUR LA VERSION LATINE

    tabli par Marie Fontana-Viala

  • Texte de lpreuve

    Pote et amoureux Au dbut de son deuxime livre dlgies, le narrateur faonn par Properce doit se rendre

    lvidence : il ne saurait chapper longtemps ni lamour, ni lcriture de posie lgre. Cest loccasion de chanter une nouvelle fois les qualits divines de Cynthie. Vix unum potes, infelix, requiescere mensem, et turpis de te iam liber alter erit. Quaerebam sicca si posset piscis harena nec solitus ponto vivere torvus aper, aut ego si possem studiis vigilare severis : differtur, numquam tollitur ullus amor. Nec me tam facies, quamvis sit candida, cepit (lilia non domina sint magis alba mea, ut Maeotica nix minio si certet Hibero, utque rosae puro lacte natant folia), nec de more comae per leuia colla fluentes, non oculi, geminae, sidera nostra, faces, nec si qua Arabio lucet bombyce puella (non sum de nihilo blandus amator ego), quantum quod posito formose saltat Iaccho, egit ut euhantis dux Ariadna choros, et quantum, Aeolio cum temptat carmina plectro, par Aganippeae ludere docta lyrae. [] Haec tibi contulerunt caelestia munera diui, haec tibi ne matrem forte dedisse putes. Non, non humani partus sunt talia dona : ista decem menses non peperere bona. Gloria Romanis una es tu nata puellis : Romana accumbes prima puella Ioui, nec semper nobiscum humana cubilia uises ; post Helenam haec terris forma secunda redit. Hac ego nunc mirer si flagret nostra iuventus ? Pulchrius hac fuerat, Troia, perire tibi ! Olim mirabar, quod tanti ad Pergama belli Europae atque Asiae causa puella fuit : nunc, Pari, tu sapiens et tu, Menelae, fuisti, tu quia poscebas, tu quia lentus eras. Digna quidem facies, pro qua uel obiret Achilles ; vel Priamo belli causa probanda fuit. Si quis vult fama tabulas anteire uetustas, hic dominam exemplo ponat in arte meam : siue illam Hesperiis, siue illam ostendet Eois, uret et Eoos, uret et Hesperios. His saltem ut tenear iam finibus! aut mihi, si quis,

  • acrius ut moriar, venerit alter amor ! Aprs les hexamtres dactyliques de la posie didactique de Lucrce lan dernier, ce sont des

    distiques lgiaques que les candidats de la session 2015 se sont vu proposer. Les lgies de Properce, avec les pomes de Tibulle et ceux dOvide, figurent parmi les modles du genre lgiaque latin, composs autour de Mcne lpoque augustenne. Cette troisime lgie du deuxime livre, publie sans doute vers 25 avant J.-C., est conforme aux traits classiques du genre tel quil a t codifi par les potes romains : la persona du pote sy exprime la premire personne et aborde deux thmes parmi les plus canoniques, savoir la beaut de la femme aime, Cynthie pour Properce, et les souffrances partiellement paradoxales que celle-ci fait natre chez le pote. Dans la forme ni dans le fond il ny avait donc lieu, ici, dtre surpris. Cela ne signifie pas pour autant que le texte ait t exempt de difficults, sur lesquelles nous reviendrons au cours de lanalyse ; pour relever les deux aspects peut-tre les plus susceptibles dopposer quelque rsistance nos candidats, on peut citer la vivacit de la rflexion du pote qui confre au propos une forme parfois elliptique, parfois apparemment dcousue, ainsi que la restitution en franais de ce texte de posie lgre, qui rclamait un certain effort dans lexpression, pour atteindre concomitamment justesse et lgance.

    Les candidats qui ont compos en 2015 taient plus nombreux que lanne prcdente : 242 copies au lieu de 200. La moyenne de lpreuve se situe pour cette session 8, 42, autrement dit un niveau trs proche de celui de lan dernier (8, 59). Un point positif mrite demble dtre not, qui faisait lobjet dune alerte dans notre rapport prcdent : le nombre de copies inacheves est en net repli (11 contre 21 lan dernier) ; les copies que lon peut dire catastrophiques, celles qui ont t notes 2 et en-dessous, sont ds lors moins nombreuses quen 2014 : 25, soit 10,3 % (contre 28 copies, reprsentant 14%). Les agrgatifs doivent donc continuer tre attentifs, tout au long de leur anne de prparation, la matrise de la dure de lpreuve ; en effet, les copies inacheves, des degrs divers certes, peuvent rarement prtendre une note dpassant 3 sur 20 puisque, rappelons-le, le barme appliqu dans ce cas, comme pour les omissions en cours de copies, est le nombre maximal de points-fautes attribu la section de texte concerne. Les correcteurs ont galement not une lgre diminution des incorrections dans lusage de la langue franaise. Rappelons que, si chaque incorrection se trouve sanctionne, le jury se plat en revanche valoriser des tournures particulirement bienvenues, lgantes et idiomatiques. Bien heureusement, les copies de la session 2015 comportaient pour certaines de vritables trouvailles de traduction. Parmi celles-ci, une copie a obtenu la note de 18/20, et deux celle de 17. Notons pour finir que 96 copies, soit 33 % du total ont obtenu 10 au-dessus.

    En premire(s) lecture(s) Comme lan dernier, nous commencerons par rappeler limportance de la premire ou des premires

    lecture(s) du texte, destine(s) offrir un cadre initial dinterprtation, ncessaire la traduction qui va suivre

    8. Ce qui pouvait frapper et, dans une certaine mesure, dsaronner les candidats dans ces vers de

    Properce, tait labondance des images, pouvant apparatre comme des digressions. Elles se trouvaient parfois accumules, et cela ncessitait dtre attentif tout la fois la structure des vers et la logique de la pense. Ces images appartenaient tantt au registre quotidien (piscis et aper aux vers 3 et 4), tantt au registre du divin (Iaccho, Ariadna, Iovi aux vers 15, 16 et 24), ou encore la geste troyenne, trs prsente dans notre extrait aux vers 26 et suivants. Le lecteur est assailli par cette accumulation bigarre de rfrences qui servent dcrire les qualits de Cynthie de manire tantt directe, tantt indirecte, sur le mode de lopposition ou du surenchrissement (nec... nec... nec... quantum quod aux vers 7 et suivants). Il est alors efficace, pour ne pas perdre le fil, de se rattacher la fois la dimension topique de ce procd et de ces images, et leur enjeu commun, que le paratexte du sujet rappelait : chanter une nouvelle fois les qualits de Cynthie , topos et variatio, donc ! Enfin, lon peut redire que, quand il sagit dimages, ce ne sont pas seulement des rfrences culturelles que manie le pote, mais aussi, souvent, une efficacit visuelle, la logique de laquelle on accdera dautant plus facilement que lon fera leffort de visualiser les objets

    8 Quil nous soit permis de renvoyer cet aspect dvelopp plus longuement dans le rapport sur la version latine pour la

    session 2014, pp. 23-24 : http://cache.media.education.gouv.fr/file/agreg_ext/21/6/lettresclassiques_353216.pdf

  • voqus. La posie lgiaque parle minemment aux sens, et le traducteur se fiera avec profit ses propres perceptions.

    Ainsi, ces lectures qui prparent le travail de traduction proprement dit doivent combiner deux approches complmentaires du texte : saisir, sur le plan smantique et sur le plan formel, ce qui fonde sa cohrence, mais aussi les variations qui en assurent la complexit et la progression. Sans cette premire tape, sans la conscience de ces fils composant le texte, le travail de traduction risque fort de se perdre en agrgats dpourvus de signification, a fortiori quand lextrait est constitu, comme ctait le cas ici, de vignettes successives qui font songer la veine alexandrine.

    lments danalyse et proposition de traduction Vix unum potes, infelix, requiescere mensem, et turpis de te iam liber alter erit. Quaerebam sicca si posset piscis harena nec solitus ponto vivere torvus aper, aut ego si possem studiis vigilare severis : differtur, numquam tollitur ullus amor.

    Nous sommes au tout dbut de llgie : seul le premier distique avait t cart, pour des raisons

    de longueur. Le pote, en un procd frquent dans le genre lgiaque, a fortiori en dbut de texte, sadresse lui-mme et voque lcriture. Ce thme tait suggr dans le paratexte du sujet, afin doffrir aux candidats une entre plus aise dans le pome : il ne saurait chapper longtemps ni lamour, ni lcriture de la posie lgre . Liber (v. 2) et amor (v. 6) sont ici prsents, et les premires images dveloppes visent montrer le caractre ncessaire, vital, mme, de ces deux occupations qui, par ailleurs sont montres comme intimement lies.

    Aprs un distique consacr ce que lon nommerait aujourdhui la pulsion dcriture du pote, qui se traduit par la prsence de ce second (alter) livre dlgies, le deuxime distique est consacr une double image, autour de deux animaux qui ne pourraient survivre dans des milieux diffrents de leur milieu naturel. Le troisime distique revient au je du pote en deux temps : lhexamtre introduit par aut opre le passage de lanalogie avec les animaux son cas propre, puis le pentamtre amne la conclusion, sous la forme dune asyndte adversative faisant apparatre lamour : celui-ci ne peut tre cart et, ds lors, le pote ne peut cesser dcrire sur lamour.

    On peroit la vivacit de la pense, qui passe du thme de lcriture celui de lamour, de lassertion limage, pour revenir lassertion. L rsidait, on la dit, une des difficults de ce texte. Mais on voit aussi combien le distique offre une structure laquelle se rattacher pour percevoir larticulation des ides les unes aux autres. * vix : le sens de difficilement ntait gure satisfaisant ; cest bien le sens quantitatif de peine qui convenait, en lien avec unum mensem dune part, avec et et iam dautre part. Le Gaffiot indiquait la corrlation vix...et dans un sens temporel, variante de vix... cum. * unum : ladjectif devait tre traduit, dans son sens fort, par un seul . * unum mensem tait un accusatif de dure ; le choix den faire le COD de requiescere ne tenait pas, puisque ce verbe est, sauf rare exception, intransitif. Les candidats doivent penser utiliser le Gaffiot aussi pour vrifier les constructions, et pas seulement pour les significations. * turpis de te : on gagnait ici se fier lordre des mots, et au sens bien connu du de + abl, au sujet de . Lide sous-jacente est celle de linfriorit de la posie lgre, ainsi peut-tre que le fait que le pote sy montre rarement son avantage, esclave quil est de ses sentiments pour Cynthie. Le registre de la captatio benevolentiae nest pas loin ce qui, en dbut de pome et en dbut de livre, ne surprend pas. * liber alter : le paratexte devait aider comprendre que cest bien du second livre des lgies quil sagit (cf. ci-dessus). Par ailleurs, la scansion interdisait la confusion avec ladjectif liber, a, um puisque, dans ce dernier le i est long, alors que nous avons ici le premier temps bref dun dactyle. Nous prfrons la traduction nouveau livre second livre par souci de cohrence avec alter amor qui apparat au vers 40. * si posset vivere : le verbe tait ici en facteur commun pour les deux sujets, le poisson et le sanglier, runis dans une mme image. Posset semble constituer un irrel du prsent, celui de lhypothse que se propose lui-mme le pote (quaerebam) ; la traduction par si le poisson pouvait , faisant alors de posset

  • un subjonctif dinterrogation indirecte, ainsi que si le poisson peut , faisant le choix dun prsent de vrit gnrale en franais ont t acceptes. * nec solitus : dans la mesure o posset vivere tait en facteur commun (cf ci-dessus), il convenait dextraire de nec la ngation (le reste, savoir que, coordonne les deux sujets) et de la faire porter uniquement sur le PPP solitus, rgime daper. Solitus tait en construction absolue, puisque vivere tait rgime de posset et ponto de vivere. * differtur/tollitur : amor tait en facteur commun de ces deux verbes ; en revanche, numquam et ullus ne concernaient que le second. Reprer lasyndte adversative pouvait aider percevoir cette opposition et, partant, la construction. Par ailleurs, la restitution en franais de ces deux verbes tait dlicate, qui devait tenter de maintenir le paralllisme par la syntaxe et/ou par lcho sonore. Le jury a valoris les solutions ingnieuses. Traduction :

    peine peux-tu, infortun, rester en paix un seul mois, que dj paratra un nouveau livre te couvrant de honte.

    Je me demandais si un poisson pourrait vivre sur le sable sec, et si le farouche sanglier, dont ce nest pas la nature, pourrait vivre en haute mer, autrement dit, si je pourrais, moi, consacrer mes nuits daustres tudes... Lamour peut tre un temps cart, mais aucun, jamais, ne peut tre effac. Nec me tam facies, quamvis sit candida, cepit (lilia non domina sint magis alba mea, ut Maeotica nix minio si certet Hibero, utque rosae puro lacte natant folia), nec de more comae per leuia colla fluentes, non oculi, geminae, sidera nostra, faces, nec si qua Arabio lucet bombyce puella (non sum de nihilo blandus amator ego), quantum quod posito formose saltat Iaccho, egit ut euhantis dux Ariadna choros, et quantum, Aeolio cum temptat carmina plectro, par Aganippeae ludere docta lyrae. Ces six distiques constituent une unit syntaxique et smantique que les candidats n ont pas toujours repre et qui, mme lorsquelle le fut, prsentait des difficults de traduction. La structure percevoir ici tait constitue de lenchanement nec... nec... nec... quantum quod... et quantum dj voqu plus haut. Une fois cette macro-structure assure, on pouvait plus sereinement naviguer parmi les autres subordonnes et parenthses prsentant toutefois, on peut le concder, une syntaxe parfois rude. * facies... candida : si plusieurs traductions taient possibles pour le nom facies, il fallait faire son choix en considrant plusieurs lments, dabord ses qualificatifs proches et tendus, ensuite la rcurrence du terme plus bas dans le texte, au vers 33. Il pouvait sagir de dsigner de manire gnrale la beaut de Cynthie, mais ladjectif candida renforc par les images offertes aux deux vers suivants, ainsi que la rfrence la chevelure et aux yeux immdiatement aprs la parenthse, rendaient plus pertinent le choix du visage ou du teint . Le pote dtaille, comme dans un blason, les composantes de la beaut. * cepit : le jury a valoris les traductions faisant entendre lide de violence, de capture qui sexerce ici contre lamoureux, selon le topos de la militia amoris : ma ravi , ma fait prisonnier par exemple. * lilia non sint : le subjonctif devait tre traduit ; la meilleure solution semble ici une affirmation attnue. * si certet : il faut nouveau veiller traduire le subjonctif ; on prfrera cette fois le potentiel qui exprime ici lhypothse visuelle laquelle se livre le pote. * folia : le sens global et la cohrence avec limage du vers prcdent, qui rapprochait la neige et le vermillon, invitait assurment prfrer le terme de ptales celui de feuilles . Rappelons lutilit et limportance de la dimension visuelle des images, qui doit guider la comprhension et la traduction ! * de more : deux interprtations semblaient possibles pour cette expression, que le jury a acceptes lune et lautre : la prposition de a bien la valeur de selon , mais mos peut ici renvoyer au naturel ou la mode. La proximit de fluentes nous a fait prfrer le premier dans la traduction propose.

  • * levia : voil un mot, comme liber ci-dessus, pour lequel la scansion, discriminante, devait permettre dviter le faux-sens. Le e est long (levia formant un dactyle), si bien quil ne peut sagir de ladjectif renvoyant lide de lgret, mais de ladjectif driv de laevis qui signifie lisse , blanc , tendre , dlicat , ce qui prsentait en outre lavantage de la cohrence smantique avec la facies candida du vers 7. * sidera nostra : il faut faire le choix, soit de conserver le pluriel, soit de transposer au singulier de la premire personne. Les deux sont envisageables ; en revanche, il faudra trancher de la mme manire au vers 25, dans la traduction de nobiscum. Le jury a sanctionn les incohrences de traduction. * nec si qua puella : la rupture de construction rendait la traduction malaise ; il fallait pourtant conserver la subordination conditionnelle et reprer la squence si qua mise pour si aliqua, comme il est extrmement frquent. Il y a changement de sujet : aprs les beauts qui sont propres Cynthie et permettent, comme par prtrition, den dresser le portrait, le pote voque les parures avantageuses qui, elles, peuvent concerner toutes les jeunes filles. * de nihilo blandus amator : la traduction de cette expression a donn lieu bien des erreurs, et des maladresses tout aussi nombreuses. On gagnait, comme toujours, sappuyer sur le contexte : le pote vient dnumrer certains charmes rels de Cynthie, mais qui sont surpasss par dautres, quil sapprte voquer. Cela devait mener vers le sens psychologique de blandus (qui flatte, qui complimente) et non vers son sens physique (qui caresse, qui cline). Quant de nihilo, en lien troit avec blandus, il voque linsuffisance ou labsence dobjets motivant le compliment. * posito Iaccho : le Gaffiot indiquait bien que Iacchus, variante de Bacchus, pouvait dsigner le vin. La comparaison avec Ariane menant les Bacchantes, au vers suivant, devait en outre guider le candidat vers lide dun banquet. Ds lors, plusieurs traductions taient acceptables, condition de respecter la syntaxe de lablatif absolu : une fois le vin servi , une fois les coupes poses / disposes par exemple. * egit : plusieurs candidats ont voulu construire egit ut avec le sens de viser ; mais, outre que cette construction laissait de ct le COD choros, ctait sous-estimer la souplesse du vers dans lordre des mots. La conjonction ici portait sur lensemble du vers pour larticuler au prcdent, introduisant une nouvelle image, celle dAriane, laquelle se trouve dsormais compare Cynthie. Linterprtation du parfait dans un sens gnomique semblait constituer le choix le plus satisfaisant. * par Aganippeae ludere docta lyrae : plusieurs constructions convenaient, morphologiquement, pour ce groupe de mots. Par exemple, le jury a accept les traductions faisant de docta un PPP, du moins sil tait construit comme appos au sujet dsignant Cynthie ( ayant t instruite jouer ) ; pour autant, linterprtation de docta comme adjectif qualificatif ( traduire alors par habile jouer, et non savante qui ne faisait pas grand sens) paraissait prfrable. Ladjectif par construit avec le datif (Aganippeae lyrae) est nettement recens par le Gaffiot et ne justifiait donc pas des complications aussi peu utiles que signifiantes visant lire par comme un nom. Le terme dAganippe pouvait tre conserv, condition den respecter lusage ( la lyre de lAganippe et non dAganippe ) ou explicit avec laide du Gaffiot, qui recensait le vers de notre extrait ( la lyre des Muses ). Traduction : Et ce nest pas tant son visage, si clatant soit-il, qui sest empar de moi (les lys ne sauraient tre plus blancs que ma matresse, comme la neige motique qui contrasterait avec le vermillon dHibrie, et comme des ptales de rose flottant sur un lait immacul), ce nest pas tant sa chevelure ondoyant avec naturel sur ses dlicates paules, ce ne sont pas tant ses yeux, flambeaux jumeaux, mes astres, ni une jeune fille si elle rayonne dans des soies dArabie je ne suis pas, moi, amant complimenter sans objet ! ; cest bien davantage le fait que, une fois le vin servi, elle danse avec grce comme Ariane, leur tte, mne ses choeurs de bacchantes, et que, lorsquelle entame des chants de son plectre olien, elle soit habile jouer, rivalisant avec la lyre des Muses.

    Haec tibi contulerunt caelestia munera diui, haec tibi ne matrem forte dedisse putes. Non, non humani partus sunt talia dona : ista decem menses non peperere bona. Gloria Romanis una es tu nata puellis : Romana accumbes prima puella Ioui,

  • nec semper nobiscum humana cubilia uises ; post Helenam haec terris forma secunda redit.

    Ces vers, comme lannonait le paratexte, insistent sur lorigine divine des qualits de Cynthie. La

    syntaxe de ce passage tait plus aise analyser que dans les vers prcdents et la structure des distiques offrait un appui pour la construction et la comprhension du texte. Ces vers prsentaient dautres enjeux de traduction : on pouvait essayer de restituer les effets dchos et de rptitions trs prsents ici. Profitons-en pour attirer lattention des candidats sur ce point : les textes ne sont pas homognes et nopposent pas toujours le mme degr ni le mme type de difficult la traduction. Il est sans doute utile den tre conscient et dadapter ses efforts, ses ressources chaque passage. * haec tibi / haec tibi : on pouvait essayer de restituer la rptition, mais pas au prix de lourdeurs excessives ! Lexercice de traduction suppose que lon mette sans cesse en balance les profits et les pertes amens par chaque choix. * contulerunt : on sait que la langue latine, bien plus que le franais, emplit de signification les prfixes et prverbes. Il est donc souhaitable, lorsque le sens apparat et que la formulation franaise nest pas trop lourde, de restituer cette signification. Ici, con- contient nettement lide dune mise en commun par les dieux. Les traductions rvlant ce type dattention fine au texte sont souvent valorises par les correcteurs. * divi : le sujet plac en position forte, en fin de vers, relve manifestement dune insistance, que lon pouvait restituer ( ce sont les dieux ). * ne forte putes : les candidats se sont souvent gars dans les sens possibles de ne+ subjonctif : il ne sagissait pas ici de la crainte, ni dun but ngatif, mais simplement dun injonctif. Quant ladverbe forte , il ne renvoyait pas tant lide de hasard qu une sorte de surenchrissement : daventure . Lexpression franaise ne va pas... pouvait restituer ces deux lments de signification. * humani partus : deux constructions taient possibles, que les correcteurs ont acceptes : le groupe pouvait, au nominatif pluriel, tre vu comme lattribut du sujet talia dona, mais aussi, au gnitif singulier, comme un complment marquant lorigine ( ces dons ne rsultent pas dun enfantement humain ). En revanche, il tait morphologiquement impossible de voir dans humani un nom au gnitif, CDN de partus. * ista bona : comme les prfixes voqus ci-dessus, les dmonstratifs peuvent et devraient faire lobjet dun effort accru de prcision dans la traduction. On se rappelle que iste, ista, istud a, parmi ses nuances, celle de renvoyer la 2

    e personne ; cette signification semble pleinement pertinente ici et peut tre restitue ( qui

    sont tiennes ) sans que la traduction sen trouve inconsidrment alourdie. Quant bona, la transposition mcanique en biens ne faisait absolument pas sens : il convenait de remonter le fil des termes proches dans les vers prcdents (munera, dona) pour saisir que ctait des qualits offertes Cynthie quil sagissait. * decem menses : ce groupe nominal a souvent t analys et traduit comme un complment circonstanciel de temps, sous forme dun accusatif de dure, ou, solution morphologiquement impossible, comme complment de moyen ( en dix mois ). Ctait ignorer la construction exclusivement transitive du verbe pario (peperere ici pour pepererunt) pourtant bien indique par le Gaffiot : la seule solution consistait donc faire de decem menses le sujet de peperere, qui avait ista bona pour COD. Le parfait pouvait tre traduit comme tel, ou par un prsent ( ne suffisent pas ) si on lui attribuait une valeur gnomique. * Romanis puellis / Romana puella : rptition nouveau, dont la traduction devait porter la marque. Traduction :

    Ces prsents clestes, ce sont les dieux qui les ont rassembls pour toi, ces prsents, ne va pas croire que cest ta mre qui te les a donns. Non, de tels dons ne sont pas crations humaines : ces qualits qui sont tiennes, dix mois ne suffisent pas les engendrer. Toi, tu es ne comme unique objet de gloire pour les jeunes filles romaines, tu seras la premire jeune fille romaine te coucher au ct de Jupiter, et tu ne frquenteras pas ternellement avec moi les lits des humains ; aprs Hlne, voil une seconde beaut qui descend sur terre.

    Hac ego nunc mirer si flagret nostra iuventus ?

    Pulchrius hac fuerat, Troia, perire tibi ! Olim mirabar, quod tanti ad Pergama belli Europae atque Asiae causa puella fuit :

  • nunc, Pari, tu sapiens et tu, Menelae, fuisti, tu quia poscebas, tu quia lentus eras. Digna quidem facies, pro qua uel obiret Achilles ; vel Priamo belli causa probanda fuit.

    Aprs les rfrences aux dieux, Properce plonge le lecteur dans un autre univers : ces quatre

    distiques font apparatre la guerre de Troie. Il sagit toujours de faire lloge de Cynthie et de ses qualits, sous la forme dun renchrissement : grce lexemple de sa bien-aime, le pote dit comprendre que le mythique conflit navait rien dexagr, bien plus, il affirme que Cynthie aurait t une cause de conflit plus leve encore quHlne. * mirer : le verbe navait pas le sens de regarder , mais bien celui de stonner , comme la proposition interrogative indirecte le montrait. Quant au subjonctif, il est ici dlibratif. Les traductions de type dois-je mtonner , puis-je mtonner convenaient. * nostra juventus : deux sens taient envisageables, tous deux accepts par les correcteurs. Il pouvait sagir du pote lui-mme (et, dans ce cas, on attendait une traduction de ladjectif possessif cohrente avec le choix fait aux vers 12 pour sidera nostra et 25 pour nobiscum), ou bien des jeunes gens contemporains du pote, paralllement aux puellae Romanae voques plus tt dans lextrait. En effet, juventus est bien recens avec les deux significations, celle de lge de la vie ou celle des jeunes gens de cette classe dge. * fuerat : la valeur modale devait tre perue et traduite. Le pote rcrit lhistoire : Cynthie, de fait, nest pas Hlne ! * perire : dans le cas dune ville et, plus prcisment de la ville de Troie, la traduction par tre dtruit , atteste par Gaffiot, semblait prfrable prir ; elle a t valorise dans les quelques copies o elle figurait. Pour autant, prir na pas t sanctionn dans la mesure o, par lapostrophe Troie, la ville tait en quelque sorte personnifie. * Europeae et Asiae : il ne pouvait ici sagir que du CDN de belli. La traduction par en Europe et en Asie tait morphologiquement impossible et ntait par ailleurs smantiquement pas compatible avec le contexte : cest bien de la guerre de Troie quil sagit (cf. ad Pergama). Par ailleurs, une fois la construction vue, on pouvait prfrer une traduction neutre ( la guerre de lEurope et de lAsie ) une traduction explicitant la ralit du combat : la guerre opposant lEurope lAsie . L encore, cet effort de justesse a t valoris. * puella : la position du sujet la fin de la longue proposition rpondait manifestement une volont de mise en valeur par un effet de chute que lon pouvait essayer de restituer dans la traduction. * Nunc, Pari, tu sapiens et tu, Menelae, fuisti : ce vers a donn lieu des constructions bien acrobatiques. Prenons point par point les lments qui, juste titre pour certains, de manire injustifie pour dautres, ont pos problme. - Pari, Menelae taient des vocatifs, et le Gaffiot permettait de les identifier. Certains ont cru bon de donner tort au dictionnaire en faisant de Menelae un gnitif, alors que le Gaffiot indique bien un gnitif rgulier de 2

    e

    dclinaison en -i. - fuisti : la 2

    e personne ici est cohrente avec la prsence des vocatifs : de mme quil sest adress Troie

    trois vers plus haut, le pote se tourne ici vers les hros. Le singulier du verbe ne devait pas dsaronner des prparationnaires qui connaissent le got de la langue latine pour laccord de proximit. Le singulier de ladjectif sapiens, attribut des sujets, se dduit du point prcdent.

    La vritable difficult de ce vers rsidait dans la concomitance de nunc et de fuisti, autrement dit dun marqueur de prsent et dun marqueur de pass. Les vers prcdents et le mouvement de la pense qui sy dessine devaient aider rsoudre ce noeud : ladverbe nunc (qui semble ici porteur dune nuance dopposition comme dans le grec ) renvoie olim mirabar (v.29) auquel il vient apporter une correction. On saisit ds lors quil fallait restituer un verbe non plus limparfait mais au prsent et qui exprime non plus ltonnement mais la comprhension : mais je comprends maintenant que toi tu as fait preuve de sagesse... . Le tour latin tait certes elliptique. Une autre manire de dnouer cette difficult tait de donner pleinement nunc le sens dopposition et de retour la ralit que possde en grec . On obtenait alors : Mais en ralit tu as fait preuve de sagesse... . Cette seconde solution prsentait cependant linconvnient de rompre lcho cr par les deux nunc aux vers 26 et 31. * lentus : la traduction par lent tait plus que maladroite ; il convenait, comme toujours, de se replacer dans le contexte des vnements voqus. Partant des termes insensible , flegmatique et tenace proposs par le Gaffiot, on pouvait, en les croisant avec la situation troyenne, aboutir lide de rsistance qui semble prvaloir ici. Cest le mouvement quoppose Mnlas celui que poscebas voque

  • concernant Pris. L encore, les candidats devaient sappuyer sur la structure du vers et se fier lopposition, rendue bien visible par le paralllisme, entre poscebas et lentus eras .

    Le distique occupant les vers 33 et 34 peut tre lu de deux faons : on peut estimer quil concerne Cynthie, selon la logique dj vue dans laquelle Properce rcrit lhistoire par un surenchrissement mettant en valeur sa matresse, ou bien quil sagit dun rappel concernant Hlne. Nous avons opt pour la premire solution dans la traduction propose, mais la seconde a t accepte. * digna quidem facies, pro qua : facies devait tre traduit par le mme mot quau vers 7. digna entranait la relative au subjonctif pro qua obiret et cela devait apparatre dans la traduction : digne quAchille mourt pour lui / mritait quAchille mourt pour lui . * vel apparaissait aux vers 33 et 34, si bien que de nombreux candidats ont voulu y voir la locution coordonnante. Plusieurs critres rendaient cette interprtation hasardeuse. Dabord, les deux vers concerns ne semblent pas coordonns : le point-virgule, les modes distincts sy opposent. Par ailleurs, la logique de renchrissement dj loeuvre dans notre extrait, et par lequel Properce rend Cynthie suprieure aux exemples divins et lgendaires, devait faire prfrer ce sens de vel : mme , il nest pas jusqu . * fuit : la valeur modale semble ici aussi simposer, comme pour fuerat au vers 28, si du moins on estime que ces vers concernent Cynthie, et non Hlne.

    Traduction :

    Et moi, maintenant, je mtonnerais que notre jeunesse senflamme pour cette femme ? Il et t plus beau encore pour toi, Troie, dtre dtruite cause delle ! Je mtonnais autrefois de ce quune si grande guerre opposant, sous les murs de Pergame, lEurope et lAsie, et pour cause une jeune fille ; mais je vois maintenant que tu as eu raison, Pris, et toi aussi, Mnlas, toi de la rclamer, toi de rechigner la rendre. Cest un visage qui et mrit assurment quAchille allt jusqu mourir pour lui ; il et t une cause de guerre que mme Priam et approuve.

    Si quis vult fama tabulas anteire uetustas, hic dominam exemplo ponat in arte meam : siue illam Hesperiis, siue illam ostendet Eois, uret et Eoos, uret et Hesperios. His saltem ut tenear iam finibus ! aut mihi, si quis, acrius ut moriar, venerit alter amor !

    En cette fin dlgie, le pote revient la question de lart. Certes, Cynthie le fait souffrir, certes, il ncrit que de la posie lgre ; pour autant, la beaut de Cynthie constitue un objet de reprsentation extrmement puissant, dont les peintres eux aussi pourraient se saisir : ut pictura poesis. A ce titre, le pote prfre continuer de souffrir pour cette divine matresse, plutt que den aimer une autre. * fama : comme le montre la scansion, ce nom est lablatif. Par ailleurs, il ne peut en aucun cas appartenir au groupe si quis, ce terme ne pouvant tre que du masculin. * exemplo : le sens de modle , qui figure dans le Gaffiot, est bien prfrable celui d exemple puisquil sagit ici de peinture (cf tabulas) ! * Hesperiis / Eois // Eoos / Hesperios : la rptition et le chiasme devaient tre restitus dans la traduction, autant que possible. * his finibus : la notion de bornes ou de frontires navait