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HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN A utour de la table de l’un ou d’un au- tre, il y avait donc entre autres Jacques Giraldeau, mais également Rock Demers, Guy Comeau et bien sûr le réalisateur Guy-L. Coté, le grand instigateur du projet. « Nous étions une dizaine , se souvient Jacques Giraldeau, ci- néastes, cinéphiles, appartenant à des ciné-clubs. Nous avions une ambition : nous occuper d’édu- cation cinématographique. Nous avions appelé notre groupe “ Connaissance du cinéma” et notre but était de rassembler des copies et de projeter à Montréal les 120 meilleurs films de l’histoire mondiale du cinéma… Rien que ça ! Nous dres- sions des listes, chacun donnait ses titres, nous avons consulté des cinémathèques partout dans le monde. Mais notre ambition était telle que ça ne s’est jamais fait ! » Angle Drummond et Dorchester Jamais fait sous cette forme, du moins. Le groupe se rend alors compte qu’il fait le tra- vail d’une cinémathèque et décide d’en fonder une. Et c’est comme cela qu’un soir de 1963, au deuxième étage d’une salle située à l’angle de la rue Drummond et du boulevard Dor- chester, l’ancien boulevard René-Lévesque, est née la Cinémathèque, qui s’est d’abord ap- pelée « canadienne », avant de devenir « qué- bécoise » en 1971. « À l’époque, nous étions des Canadiens français, note M. Giraldeau. Et puis, avec la Révolution tranquille, tout ça a évolué… Dans cette salle, nous avons rencontré beaucoup de cinéastes de la Nouvelle Vague française… J’ai même une photo avec Truf- faut ! Deux jeunes hommes, nous avions la tren- taine à ce moment-là ! » La trentaine et beaucoup d’ambitions pour le Québec en général et le cinéma québécois en particulier. Les années de gestation de la Ciné- mathèque correspondent aux dernières de la Grande Noirceur. Le groupe Connaissance du cinéma combat la censure avec virulence. «En même temps, pour nous, ces années n’ont pas été si noires que ça, estime aujourd’hui Jacques Gi- raldeau. Nous avions tellement de choses à faire, c’était une période emballante. On créait des choses qui n’existaient pas auparavant. » Durant les premières années, la Cinéma- thèque vivote. Elle n’a pas de bureau, ni de salle de projection en propre, mais elle com- mence à se constituer une collection avec le peu de moyens dont elle dispose. En 1966, elle devient membre de la Fédération internatio- nale des archives du film (FIAF), ce qui lui donne accès à une quantité inestimable de films et de documents. Sa mission éducative peut alors réellement démarrer avec la projec- tion, à Montréal, de films qui ne sont plus en circulation et qui ont marqué l’histoire du ci- néma. « Il faut se remettre dans le contexte, ex- plique Roger Daudelin, directeur de la Cinéma- thèque de 1971 à 2002. À l’époque, lorsqu’un film n’était plus en salle, il n’y avait plus aucun moyen de le voir… Nous étions loin de penser qu’un jour on pourrait revoir ces grands clas- siques sur DVD dans notre sous-sol ! » À la Bibliothèque nationale Dès les débuts, Roger Daudelin est associé à la Cinémathèque pour des projets ponctuels. Il participe notamment aux deux rétrospec- tives organisées par l’organisme à l’occasion de l’Exposition universelle de 1967, l’une sur le cinéma canadien, l’autre sur le cinéma d’ani- mation. « Lorsque je suis arrivé à sa tête, tout était en gestation, se souvient-il. Nous étions huit ou neuf personnes, les projections avaient lieu à la Bibliothèque nationale et les collec- tions étaient à l’ONF. J’étais très enthousiaste, je revenais d’un séjour à Paris où j’avais fré- quenté la Cinémathèque française. Le début des années 60 avait été déterminant pour le cinéma québécois. Jutra, Perrault, Brault réalisent là leurs premières œuvres. C’est la première géné- ration de cinéastes qui s’illustrent avec des longs métrages d’une facture très originale. Ils vont opérer une vraie coupure et assurer la fonda- tion même du cinéma québécois. La Cinéma- thèque n’est pas tombée du ciel. Si elle est créée en 1963, c’est parce qu’elle s’inscrit dans un courant qui est porteur d’initiatives de cette na- ture-là. J’ai donc débarqué avec l’enthousiasme des cinéphiles de cette époque. » Pendant les 30 ans que passe Roger Daudelin à sa tête, la Cinémathèque opère une mue extra- ordinaire, devient pérenne et se professionna- lise. En 1974, l’établissement se dote d’un centre de conservation spécialement aménagé à Bou- cherville pour entreposer et conserver de façon optimale ses collections, composées aujourd’hui de 40 000 films de toutes les époques, 30 000 émissions de télévision, 28 000 affiches, 600 000 photos, 2000 appareils anciens, 15 000 scénarios et documents de production. Boulevard de Maisonneuve En 1982, elle s’installe dans ses locaux actuels du boulevard de Maisonneuve et bénéficie de deux salles de projection. Elle a enfin pignon sur rue et peut donc devenir aussi un véritable lieu de rencontres entre cinéastes et cinéphiles. Ses locaux ont été réaménagés en 1997 et la Cinéma- thèque dispose maintenant de deux salles d’ex- position, qui viennent compléter le programme de projection et témoignent de la richesse de l’histoire du cinéma, de la télévision, de la vidéo et, plus récemment, des nouveaux médias. Lorsque Roger Daudelin quitte, l’établissement compte une quarantaine d’employés. Tout cela malgré le peu de moyens et sur un fond de discorde avec le gouvernement québé- cois, car celui-ci désirait, dans les années 70, en faire un office d’État. « Le milieu du cinéma a re- fusé, raconte Roger Daudelin. Le bras de fer a duré plusieurs années et, en 1978, nous avons si- gné un protocole en bonne et due forme, garantis- sant à la fois notre indépendance et un apport fi- nancier de la part du gouvernement. On peut pen- ser que cet apport n’est pas suffisant, mais, depuis ce temps-là, notre existence n’est plus remise en cause et notre réputation n’est plus à faire ici, mais également ailleurs dans le monde. » Collaboratrice Le Devoir Noces d’or pour l’établissement sis boulevard de Maisonneuve Page 2 CINEMA LA CINÉMATHÈQUE A 50 ANS «La Cinémathèque a fait tellement, et avec tellement peu» Page 3 Des films, certes, des salles, à coup sûr, mais aussi des livres Page 4 CAHIER ANNIVERSAIRE H › L E D E VO I R , L E S SA M E D I 1 3 E T D I M A N C H E 1 4 AV R I L 2 01 3 MARTINE DOYON PARTENARIAT DU QUARTIER DES SPECTACLES « Quand je repense à la genèse de la Cinémathèque, je ressens le froid de l’hiver 62 durant le- quel nous nous sommes réunis chez l’un, chez l’autre, à Saint-Laurent ou Cartierville, pour discuter autour d’une table de cuisine ou de salle à manger. » Un souvenir qui sort tout droit de la mémoire de Jacques Giraldeau, un cinéaste dont la réputation n’est plus à faire et l’un des membres fondateurs de cet établissement. GENÈSE ET DÉVELOPPEMENT « La Cinémathèque n’est pas tombée du ciel ! » La vitrine du cinéma québécois est esquissée au temps de la Révolution tranquille JACQUES GRENIER LE DEVOIR Jacques Giraldeau est l’un des membres fondateurs de la Cinémathèque québécoise. JEAN VALADE Roger Daudelin a été le directeur de la Cinémathèque de 1971 à 2002.

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Page 1: CINEMA - Le Devoir | Nouvelles, actualités, politique ...€¦ · émissions de télévision, 28000 affiches, 600000 photos, ... thèque québécoise: ses 50 ans d’existence le

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

A utour de la table de l’un ou d’un au-tre, il y avait donc entre autresJacques Giraldeau, mais égalementRock Demers, Guy Comeau et biensûr le réalisateur Guy-L. Coté, le

grand instigateur du projet. « Nous étions unedizaine, se souvient Jacques Giraldeau, ci-néastes, cinéphiles, appartenant à des ciné-clubs.Nous avions une ambition : nous occuper d’édu-cation cinématographique. Nous avions appelénotre groupe “Connaissance du cinéma” et notrebut était de rassembler des copies et de projeter àMontréal les 120 meilleurs films de l’histoiremondiale du cinéma… Rien que ça ! Nous dres-sions des listes, chacun donnait ses titres, nousavons consulté des cinémathèques partout dansle monde. Mais notre ambition était telle que çane s’est jamais fait ! »

Angle Drummond et DorchesterJamais fait sous cette forme, du moins. Le

groupe se rend alors compte qu’il fait le tra-vail d’une cinémathèque et décide d’en fonderune. Et c’est comme cela qu’un soir de 1963,au deuxième étage d’une salle située à l’anglede la rue Drummond et du boulevard Dor-chester, l’ancien boulevard René-Lévesque,est née la Cinémathèque, qui s’est d’abord ap-pelée « canadienne », avant de devenir « qué-bécoise » en 1971. « À l’époque, nous étions desCanadiens français, note M. Giraldeau. Etpuis, avec la Révolution tranquille, tout ça aévolué… Dans cette salle, nous avons rencontrébeaucoup de cinéastes de la Nouvelle Vaguefrançaise… J’ai même une photo avec Truf-faut ! Deux jeunes hommes, nous avions la tren-taine à ce moment-là ! »

La trentaine et beaucoup d’ambitions pour leQuébec en général et le cinéma québécois en

particulier. Les années de gestation de la Ciné-mathèque correspondent aux dernières de laGrande Noirceur. Le groupe Connaissance ducinéma combat la censure avec virulence. «Enmême temps, pour nous, ces années n’ont pas étési noires que ça, estime aujourd’hui Jacques Gi-raldeau. Nous avions tellement de choses à faire,c’était une période emballante. On créait deschoses qui n’existaient pas auparavant. »

Durant les premières années, la Cinéma-thèque vivote. Elle n’a pas de bureau, ni desalle de projection en propre, mais elle com-mence à se constituer une collection avec lepeu de moyens dont elle dispose. En 1966, elledevient membre de la Fédération internatio-nale des archives du film (FIAF), ce qui luidonne accès à une quantité inestimable defilms et de documents. Sa mission éducativepeut alors réellement démarrer avec la projec-tion, à Montréal, de films qui ne sont plus en

circulation et qui ont marqué l’histoire du ci-néma. « Il faut se remettre dans le contexte, ex-plique Roger Daudelin, directeur de la Cinéma-thèque de 1971 à 2002. À l’époque, lorsqu’unfilm n’était plus en salle, il n’y avait plus aucunmoyen de le voir… Nous étions loin de penserqu’un jour on pourrait revoir ces grands clas-siques sur DVD dans notre sous-sol ! »

À la Bibliothèque nationaleDès les débuts, Roger Daudelin est associé

à la Cinémathèque pour des projets ponctuels.Il par ticipe notamment aux deux rétrospec-tives organisées par l’organisme à l’occasionde l’Exposition universelle de 1967, l’une surle cinéma canadien, l’autre sur le cinéma d’ani-mation. « Lorsque je suis arrivé à sa tête, toutétait en gestation, se souvient-il. Nous étionshuit ou neuf personnes, les projections avaientlieu à la Bibliothèque nationale et les collec-tions étaient à l’ONF. J’étais très enthousiaste,je revenais d’un séjour à Paris où j’avais fré-quenté la Cinémathèque française. Le début desannées 60 avait été déterminant pour le cinémaquébécois. Jutra, Perrault, Brault réalisent làleurs premières œuvres. C’est la première géné-ration de cinéastes qui s’illustrent avec des longsmétrages d’une facture très originale. Ils vont

opérer une vraie coupure et assurer la fonda-tion même du cinéma québécois. La Cinéma-thèque n’est pas tombée du ciel. Si elle est crééeen 1963, c’est parce qu’elle s’inscrit dans uncourant qui est porteur d’initiatives de cette na-ture-là. J’ai donc débarqué avec l’enthousiasmedes cinéphiles de cette époque. »

Pendant les 30 ans que passe Roger Daudelinà sa tête, la Cinémathèque opère une mue extra-ordinaire, devient pérenne et se professionna-lise. En 1974, l’établissement se dote d’un centrede conservation spécialement aménagé à Bou-cherville pour entreposer et conserver de façonoptimale ses collections, composées aujourd’huide 40 000 films de toutes les époques, 30 000émissions de télévision, 28000 affiches, 600000photos, 2000 appareils anciens, 15000 scénarioset documents de production.

Boulevard de MaisonneuveEn 1982, elle s’installe dans ses locaux actuels

du boulevard de Maisonneuve et bénéficie dedeux salles de projection. Elle a enfin pignon surrue et peut donc devenir aussi un véritable lieude rencontres entre cinéastes et cinéphiles. Seslocaux ont été réaménagés en 1997 et la Cinéma-thèque dispose maintenant de deux salles d’ex-position, qui viennent compléter le programmede projection et témoignent de la richesse del’histoire du cinéma, de la télévision, de la vidéoet, plus récemment, des nouveaux médias.Lorsque Roger Daudelin quitte, l’établissementcompte une quarantaine d’employés.

Tout cela malgré le peu de moyens et sur unfond de discorde avec le gouvernement québé-cois, car celui-ci désirait, dans les années 70, enfaire un office d’État. «Le milieu du cinéma a re-fusé, raconte Roger Daudelin. Le bras de fer aduré plusieurs années et, en 1978, nous avons si-gné un protocole en bonne et due forme, garantis-sant à la fois notre indépendance et un apport fi-nancier de la part du gouvernement. On peut pen-ser que cet apport n’est pas suffisant, mais, depuisce temps-là, notre existence n’est plus remise encause et notre réputation n’est plus à faire ici,mais également ailleurs dans le monde.»

CollaboratriceLe Devoir

Noces d’or pourl’établissement sisboulevard deMaisonneuvePage 2

CINEMALA CINÉMATHÈQUE A 50 ANS

«LaCinémathèquea fait tellement, et avec tellementpeu» Page 3

Des films, certes,des salles, à coupsûr, mais aussides livres Page 4

C A H I E R A N N I V E R S A I R E H › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 3 E T D I M A N C H E 1 4 A V R I L 2 0 1 3

MARTINE DOYON PARTENARIAT DU QUARTIER DES SPECTACLES

«Quand je repense à la genèse de la Cinémathèque, je ressens le froid de l’hiver 62 durant le-quel nous nous sommes réunis chez l’un, chez l’autre, à Saint-Laurent ou Cartierville, pourdiscuter autour d’une table de cuisine ou de salle à manger. » Un souvenir qui sort tout droitde la mémoire de Jacques Giraldeau, un cinéaste dont la réputation n’est plus à faire et l’undes membres fondateurs de cet établissement.

GENÈSE ET DÉVELOPPEMENT

« La Cinémathèque n’est pas tombée du ciel ! »La vitrine du cinéma québécois est esquissée au temps de la Révolution tranquille

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Jacques Giraldeau est l’un des membresfondateurs de la Cinémathèque québécoise.

JEAN VALADE

Roger Daudelin a été le directeur de laCinémathèque de 1971 à 2002.

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L A C I N É M A T H È Q U E A 5 0 A N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 3 E T D I M A N C H E 1 4 A V R I L 2 0 1 3H 2

Les professeurs d’études cinématographiques de l’Université de Montréal etl’Observatoire du cinéma au Québecs’unissent pour souligner le

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50e anniversaire de la CINÉMATHÈQUE QUÉBÉCOISE

Véritable gardienne de la mémoire cinématographique du Qué-bec, la Cinémathèque protège ses collections patrimonialesdans des réserves inaccessibles au grand public. Petite incur-sion dans le monde de cette pellicule plus que centenaire.

COLLECTIONS

Dans le coffre aux trésorsdu cinéma québécois

DIRECTION GÉNÉRALE

Un rêve en mouvementAvec de maigres moyens, une tâche énorme à remplir

FRANÇOIS PESANT LE DEVOIR

La Cinémathèque québécoise célèbre cette année ses noces d’or.

A N D R É L A V O I E

C ette cinéaste et produc-trice connaît l’établisse-

ment comme le fond de sapoche. Active au sein duconseil d’administration dèsles années 1980 et présidenteune première fois de 1985à 1987, Iolande Cadrin-Rossi-gnol est revenue au conseildeux décennies plus tard pourretrouver une tout autre Ciné-mathèque, celle qu’elle avaiten partie imaginée à l’époque(soit en faire un véritable mu-sée du cinéma), celle aussi quin’avait nettement plus lesmoyens de ses ambitions etsurtout de ses responsabilités.

Son passage du poste deprésidente à celui de direc-trice générale en janvier 2012s’est déroulé dans un contextede crise financière et existen-tielle, alors qu’on prévoyaitpour l’année 2013 un déficit os-cillant entre 500 000 $ et700 000 $, sans compter queles dons privés ont fonducomme neige au soleil après ladébâcle économique amorcéeen 2008. De là à dire que le« rêve en mouvement » s’esttransformé en cauchemar, iln’y a qu’un pas, que IolandeCadrin-Rossignol n’est absolu-ment pas prête à franchir.

Son constat est aussi clairque nuancé : « Ça ne me sur-prend pas trop d’avoir des crises

périodiques, parce que noussommes en croissance de lamême manière que l’industrieest en croissance. Mais nosmoyens ne sont jamais indexés,tandis que la production aug-mente. » C’est ce phénomène,récurrent depuis l’instaurationdu dépôt légal des films québé-cois en 2006, malgré un maigresoutien gouvernemental annueld’environ 500 000 $, qui fragi-lise, en partie, l’établissement.

Rayonnementinternational

Pour Iolande Cadrin-Rossi-gnol, ce contexte difficile n’al-tère pas les nombreux acquiset le grand rayonnement in-ter national de la Cinéma-thèque québécoise : ses 50ans d’existence le prouventavec éloquence, même si celademeure un secret bien gardé.« Nous sommes reconnus par-tout au pays comme à l’étran-ger, mais les gens ne le saventpas. Lorsqu’il était directeur, etdonc à la tête d’un organismeà but non lucratif, Robert Dau-delin a été président de la Fé-dération internationale des ar-chives du film, formée de ciné-mathèques autrement plus etmieux financées que la nôtre. »

« Par les fêtes du 50e, onsent le besoin de changer laconversation à propos de laCinémathèque, souligne la di-rectrice. Nous faisons énor-

mément de choses… qu’on necélèbre jamais. Pour une fois,on va le dire ! »

Elle ne manquera pas nonplus de rappeler que sa dispari-tion, une menace plus d’unefois évoquée, serait un véritablescénario catastrophique. «At-tention à ce que vous allez per-dre si vous perdez la Cinéma-thèque. Les gens doivent le com-prendre. Ça pourrait signifier ledémantèlement de la collection[48 000 films et enre-gistrements magnéto-scopiques, 29 300 af-fiches, 600000 photos,14500 scénarios, etc.],sa répartition à gau-che et à droite. Noussommes prêts à fairedes ponts avec d’autresorganismes, comme laBibliothèque nationaledu Québec ou la Régiedu cinéma, mais ça nese fera pas demainmatin.»

Ce discours quelquepeu pessimiste trancheavec l’atmosphère fes-tive que la Cinémathèque veutinstaurer dès le 18 avril, et toutau long de l’année, celle de sesnoces d’or avec les cinéphilesdu monde entier. « Réfléchir ànotre avenir tout en organisantles fêtes du 50e, c’est jongler avecdeux réalités extrêmementcontradictoires», admet IolandeCadrin-Rossignol.

Demain déjàCela ne l’empêche pas de rê-

ver à voix haute d’une Ciné-mathèque 2.0, question derendre encore plus accessi-bles les collections riches, va-riées — et par fois même se-crètes ! — de l’établissement,composées à 75 % d’œuvres

québécoises et canadiennes,le reste comprenant de petitsbijoux du cinéma internatio-nal, dont plusieurs films d’ani-mation, un secteur importantet prestigieux de l’organisme.Cette vision 2.0 se bute toute-fois sur la réalité implacabledes coûts exorbitants liés auxdroits d’auteur ou encore àcelle du numérique, « qui nesimplifie pas du tout notretâche !, précise la directrice.

Mettre toutes nos col-lections sur DVD? Ilsont une durée de viede 20 ou 30 ans…»

Iolande Cadrin-Rossignol est encoreplus convaincue del’importance de la Ci-némathèque au mo-ment même où « lepassé revient » ! Lephénomène s’ob-serve partout. «Nousavons de plus en plusd’archives, des docu-ments absolument in-croyables et jamaisvus, surtout depuis la

chute du mur de Berlin.L’image va devenir le moteurdu retour sur le passé. Je nedoute pas que le livre va rester,mais les images vont nous sti-muler davantage et propulsernos recherches. Katalin Bogyay,la présidente de l’UNESCO, di-sait que “ le patrimoine audiovi-suel, c’est le contact le plus in-tuitif qu’on puisse avoir avecune autre culture et une autrecivilisation”.»

Pour maintenir ce contact etsurtout l’enrichir, la Cinéma-thèque québécoise répondprésent. Et ce, depuis 50 ans.

CollaborateurLe Devoir

Iolande Cadrin-Rossignol, directrice générale par intérim dela Cinémathèque québécoise depuis janvier 2012, aime bienune formule à la fois simple et éloquente pour décrire cephare du septième art : «Un rêve en mouvement ». Or est-cetoujours un rêve de tenir les rênes d’un établissement qui, il ya un an à peine, criait à l’aide dans les pages du Devoir et re-mettait ouvertement en question son avenir immédiat ?

«Le patrimoineaudiovisuel,c’est le contactle plus intuitifque l’on puisseavoir avec uneautre culture et une autrecivilisation»

S A R A H P O U L I N - C H A R T R A N D

O n connaît surtout de la Ci-némathèque québécoise sa

salle de cinéma située boulevardde Maisonneuve, à Montréal.Mais connaît-on les collectionsde la Cinémathèque? Elles sontentreposées dans des réserves,à Boucherville et Mirabel, etcomptent environ 50000 œuvreset plus de 15 000 heures debandes magnétoscopiques.

On y trouve, par exemple, descourts métrages datant de 1899et des films de famille amateursdatant des années 1920 et cou-vrant tout le siècle. «Nos collec-tions ont avant tout une valeurpatrimoniale et culturelle. Cesfilms sont de véritables témoins del’histoire québécoise», résumeJean Gagnon, directeur des col-lections à la Cinémathèque qué-bécoise et passionné d’histoireet de films d’art.

Mise aux normesConserver un film, comme un

livre ou un tableau ancien, estune science. Les employés de laCinémathèque ne lésinent passur les méthodes de conserva-tion. Les conditions de conserva-tion y sont inspirées des recom-mandations de l’Image Perma-nence Institute (IPI), un orga-nisme américain à but non lucra-tif créé en 1985 qui établit desnormes d’entreposage pour lesfilms et les photos.

Le Canada a aussi son Institutcanadien de conservation, quimet en place des normes d’en-treposage et d’entretien pour lesmusées. Et on ne rigole pas avecla conservation des objets patri-moniaux : l’institut a publié,parmi ses dizaines de guides in-formatifs, des conseils sur lessoins à donner aux «objets ornésde piquants de porc-épic» ou la«fabrication d’une caisse de car-ton ondulé triple cannelure »pour le transport.

À la Cinémathèque, les copiesde films en couleur (35mm et16 mm) et les négatifs sontconser vés dans une réser vemaintenue à une température de-5 degrés Celsius et à une humi-dité ambiante de 30%. Selon lescalculs de l’IPI, ces conditionsd’entreposage permettraient deconserver des films en bonnecondition pendant 2574 ans! Lesfilms en noir et blanc et les vi-déos sur bande magnétiquesont, quant à eux, entreposésdans une réserve maintenue à10 ou 11 degrés Celsius et à unehumidité de 40%.

ConservationOn ne visionne pas non plus

une pellicule datant de 1955comme on le ferait dans le casdu dernier blockbuster holly-woodien en salle. «Chaque foisqu’on projette une copie, onl’abîme, résume Jean Gagnon.Nous avons donc des normes de

manipulation et de projectiontrès strictes. »

Et on ne parle même pas desquelque 500 films plutôt «explo-sifs ». Jusque dans les années1950, les films étaient réaliséssur des pellicules à base de ni-trate, un produit extrêmementinflammable. La Cinémathèquea conservé des films sur ce typede pellicule, datant des an-nées 1910 et 1920, mais ils sontentreposés au Centre de préser-vation de pellicule de nitrate, af-filié à Bibliothèque et archivesCanada, à Ottawa, le seul en-droit au pays qui est autorisé àentreposer des films faits de cecomposé chimique.

Cinématographe LumièreDepuis 2006, la loi oblige les

producteurs de films québécoisà déposer une copie de leursœuvres auprès de Bibliothèqueet Archives nationales du Qué-bec. C’est ce qu’on nomme ledépôt légal. Et c’est la Cinéma-thèque qu’on a mandatée pourle catalogage et l’entreposage deces documents. Depuis sept ans,près de 2500 titres (soit environ13000 cassettes ou bobines) luiont été confiés.

À ce jour, environ 95 % desfilms réalisés depuis 1963 sontentreposés dans les réservesde la Cinémathèque.

La grande majorité des collec-tions, celles d’avant 2006, pro-viennent de dons ou de dépôtsvolontaires de la part de réalisa-teurs, de producteurs ou mêmede cinéastes du dimanche dansle cas des films de famille. Maisla Cinémathèque a décrété enjuin 2012 un moratoire d’unedurée minimale d’un an sur lesdons et les acquisitions, parmanque de ressources. Seule-ment deux techniciens sont em-ployés aux réser ves de Bou-cherville, alors que le catalo-gage et le traitement ont pris duretard. En tout, 15 employéssont af fectés aux collections,sur la soixantaine que compte laCinémathèque.

Les collections de la Cinéma-thèque contiennent beaucoupplus que des films et des vidéosd’archives. Une importante col-lection d’objets afférents au ci-néma et à la télévision s’ytrouve: affiches de cinéma, ap-pareils d’enregistrement ou deprojection, costumes, scéna-rios, etc. À l’occasion de son50e anniversaire, la Cinéma-thèque exhibera dès le 18 avrille cinématographe Lumière nu-méro 16, une invention desfrères Lumière datant de 1895qui servait de projecteur de ci-néma. «Ce genre d’objet est trèsrare, dit M. Gagnon. Pour les cé-lébrations du 50e, nous allons ex-poser différents trésors de ce type,comme des lettres olographes degrands personnages du cinéma.»

CollaboratriceLe Devoir

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L A C I N É M A T H È Q U E A 5 0 A N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 3 E T D I M A N C H E 1 4 A V R I L 2 0 1 3 H 3

CINQUANTE ANS PLUS TARD

«La Cinémathèque a fait tellement, et avec tellement peu»Et la présidence va à… Charles David, homme de chiffres et de cinéma

A N D R É L A V O I E

L a galère, Charles David laconnaît mieux que per-

sonne, puisqu’il fut le trésorierde la Cinémathèque pendant aumoins cinq ans avant d’accéderà la présidence. Par ailleurs, lemonde du cinéma lui est fami-lier depuis le début des années1980, puisque cet homme dechiffres est aussi un homme decinéma, plus près toutefois desétats financiers que des pla-teaux de tournage.

Comment définit-il son tra-vail au cabinet de comptablesagréés Darras David? « Quandla production d’un film vamal, ça prend un spécialiste enfinances pour voir comment onpeut sor tir du guêpier ! », ré-sume-t-il avec bonhomie etenthousiasme.

FerveurCe ton jovial, Charles Da-

vid le maintiendra tout aulong de notre entretien,d’abord pour décrire sa pas-sion pour son métier et sesbons coups dans une indus-trie qui ne vit pas seulementd’amour (du cinéma) et d’eaufraîche. Il af fiche la mêmefer veur pour la Cinéma-thèque québécoise, cet éta-

blissement parfois mal-aimé,à la mission trop souvent in-comprise. Pour le président,le mandat de la Cinéma-thèque est très clair et relèved’une nécessité incontesta-ble : « Le patrimoine audiovi-suel québécois représente unerichesse incommensurable et ilfaut préserver la preuve denotre grande créativité. Nepas voir son passé pour s’eninspirer, c’est un peu commearrêter de se regarder dans lemiroir. »

Cette noble tâche constitueun défi permanent pour un or-ganisme auquel on a confié en2006 le mandat de conserva-tion et de gestion du dépôt lé-gal des films québécois, sanscompter que tout ce cinémane se décline plus sur pelli-cule, mais sur divers formatsnumériques, ce qui repré-sente un grand défi de préser-vation et de dif fusion. Toutcela retombe sur les épaulesd’un organisme à but non lu-cratif dont le sous-finance-ment chronique est de noto-riété publique. « Depuis monarrivée au conseil d’adminis-tration, j ’ai lu des dizainesd’études qui ont été faites parmes prédécesseurs ou par desfirmes comptables, et elles sont

toutes arrivées à ce constat. Lesgens pensent encore que noussommes une société d’État ! »,s’insurge Charles David.

Nécessaire financementCe changement de statut ne

déplairait pas au président pourassurer l’avenir de la Cinéma-thèque, mais il admet que, ducôté des décideurs, «on ne veutpas aller dans cette direction-là,parce que ça leur coûterait tropcher». Ce qui ne veut pas direqu’ils sont totalement insensi-bles au sort de l’organisme. En

pleine tourmente durant l’hiver2012, Christine St-Pierre, alorsministre de la Culture dansl’ancien gouvernement libéral,a mis en place un comité de re-lance et de consolidation quivient tout juste de pondre unpremier rapport d’étape. C’estmaintenant au tour du nouveaugouvernement du Parti québé-cois, et du ministre MakaKotto, d’examiner de près le fu-tur de la Cinémathèque.

Pour Charles David, il n’y apas mille solutions pour assu-rer la pérennité d’un établisse-

ment qui a largement prouvésa pertinence. « Ça prend unnouveau cadre financier, dit-ilsans ambages. Le ministèrecommence à comprendre à quelpoint la tâche a augmenté, sur-tout quand on doit conserver400 nouvelles œuvres chaqueannée. Le cycle d’une productionaudiovisuelle va bien au-delà deson cycle d’exploitation. Il fautdonc prévoir de l’argent, parcequ’un film va forcément aboutirà la Cinémathèque pour saconservation. Qui doit payer ?C’est un grand débat. Mais c’est

exactement la même chose pourles infrastructures routières.Quand on fait un kilomètred’autoroute, il faut prévoirqu’on devra le réparer. Dans cecontexte, faut-il en ajouter unautre? La Cinémathèque est unpeu victime de notre incroyablecréativité, de notre désir d’avoirdes biens culturels.»

Lourde tâcheLa Cinémathèque a traversé

tant de tempêtes, crié si souventfamine, qu’on se demande cequi peut bien motiver CharlesDavid à vouloir guider ce navireà la coque fragilisée. Il entend lediscours de toutes les Cassan-dre, mais il refuse d’abdiquermalgré la lourdeur de la tâche,celle qui représente «plusieurscentaines d’heures de bénévolatpar année».

« Si j’étais pessimiste aupoint de ne pas y croire, je neserais pas là », tient-il à préci-ser. Pour lui, la Cinémathèquea un avenir radieux devantelle, mais cet avenir ne passepas par le seul enthousiasmede son président, de son per-sonnel ou de ses membres.« Le 50e anniversaire va nouspermettre de renouer avec toutenotre communauté, de nousrapprocher de toutes les ma-nières et de discuter du bien-fondé de notre mission. La Ci-némathèque a fait tellement, etavec tellement peu. »

Cette petite révolution est-elle pour demain? « Je ne m’at-tends pas à des changementstrès rapides. Mais, à six moisprès, ce ne sont pas de grandsdélais quand les enjeux sontaussi importants. »

CollaborateurLe Devoir

Un fiscaliste à la présidence du conseil d’administration de laCinémathèque québécoise ? Un siège autrefois réservé le plussouvent à un cinéaste ou à un producteur, la chose a pu sur-prendre lors de la nomination de Charles David à l’hiver2012. Son arrivée à ce poste, précipitée, s’inscrivait dans unclimat de crise provoqué par le départ de la directrice géné-rale, Yolande Racine, et son remplacement par la présidente,Iolande Cadrin-Rossignol. La crise était également financière,digne d’un film-catastrophe. Mais que diable allait-il fairedans cette galère ?

Le 18 avril prochain, la Cinémathèque québécoise aura 50 ans. Histoire de souligner cet anni-versaire marquant, plusieurs projections thématiques et rétrospectives seront au menu de laprogrammation jusqu’en avril 2014.

PROGRAMMATION

Une année tout en filmsCycles thématiques et rétrospectives sont au menu

É M I L I E C O R R I V E A U

«E n plus de la programmation régulière, ons’est mis en tête de programmer pour un an,

confie d’emblée M. Fabrice Montal, directeur dela programmation de la Cinémathèque québé-coise. Ça n’a pas été évident, parce que, normale-ment, nos cycles sont beaucoup plus courts ; ilss’échelonnent sur un horizon de six mois. KarineBoulanger signe la programmation internationale,Marco De Blois signe celle du cinéma d’animationet je signe celle du Canada et du Québec. »

Si la programmation anniversaire s’annonce di-versifiée, elle s’articulera principalement autourde la nouvelle exposition permanente de la Ciné-mathèque, Secrets et illusions, qui met en lumièrel’histoire des effets spéciaux dans le septième art.« Nous avions la volonté d’accompagner la nouvelleexposition permanente. Une grande partie de laprogrammation va donc apporter un complémentà celle-ci par des regards jetés sur des artistes trèsimportants », précise M. Montal.

Pal, Harryhausen, Welles et GrémillonParmi eux, c’est Ray Harryhausen, l’un des plus

grands créateurs d’effets spéciaux du XXe siècle,qui a été choisi pour ouvrir le bal. Du 19 avril au3 mai, la Cinémathèque présentera le récent docu-mentaire Ray Harryhausen : Special Effects Titan,ainsi qu’une sélection de films de genre dont il afait les effets spéciaux. Mysterious Island, Jasonand the Argonauts, One Million Years B.C., Clashof the Titans et Le septième voyage de Sinbad serontparmi les œuvres projetées.

« Pour cette rétrospective de ce précurseur desef fets spéciaux, qui a surtout travaillé dans lesannées 1950 et 1960, on a travaillé avec la Fon-dation Ray & Diana Harryhausen en Grande-Bretagne. On est très content de ce cycle-là »,commente M. Montal.

En mai, la Cinémathèque a prévu un cycleDo It Yourself, version québécoise. On en profi-tera pour montrer comment les cinéastes qué-bécois qui réalisent des courts métrages se dé-brouillent pour créer des effets spéciaux avecdes moyens de fortune. On démontrera à quelpoint ces cinéastes, grâce à leurs connais-sances techniques et à leur imagination, peu-vent être inventifs.

Dans le même esprit d’accompagnement del’exposition Secrets et illusion, la Cinémathèqueprésentera en novembre et décembre un cyclesur Georges Pal, un pilier de l’univers de l’ani-mation cinématographique. « Ça va débuter lorsdes douzièmes Sommets du cinéma d’animationde Montréal, précise le directeur de la program-mation. On aura un cycle consacré à GeorgesPal, qui est un cinéaste d’origine hongroise ayantémigré aux États-Unis. Il a commencé dans l’ani-mation et, par la suite, il est passé aux effets spé-ciaux. Dans le cadre des Sommets, on va présen-

ter ses films d’animation, puis, lorsqu’ils serontterminés, on va poursuivre au mois de décembreet montrer plusieurs des films auxquels il a colla-boré pour les effets spéciaux. »

Également en décembre, la Cinémathèque pré-sentera l’œuvre de Jean Grémillon, considéré parplusieurs spécialistes comme l’un des plus grandscinéastes français, à l’égal de Renoir ou Carné. Sesfilms marient histoires prenantes, acteurs connuset réflexions nuancées sur la nature humaine. Lu-mière d’été (1942) ayant récemment été restaurépar la Cinémathèque française, l’établissementmontréalais pourra faire découvrir cette œuvreparticulière aux cinéphiles.

La Cinémathèque entamera 2014 avec unegrande rétrospective sur Orson Welles. Vu lenombre imposant de documents que compte pré-senter l’établissement, la rétrospective compterasur la collaboration de très nombreuses cinéma-thèques pour le prêt de copies. « Pour nous, c’estle gros morceau de l’année en cinéma internatio-nal, signale M. Montal. Au-delà de 40 séancess’échelonneront de janvier à mars. Ce sera unméga-événement Orson Welles, avec tous ses films,qu’on va essayer d’aller chercher dans un formatoriginal sous-titré en français, mais aussi plusieursémissions de télévision, des documentaires sur lui etses émissions de radio qu’on va projeter dans lenoir. Ce sera vraiment une plongée dans l’universd’Orson Welles. »

Carte blanche aux employésFait intéressant, la Cinémathèque a donné la

possibilité à ses employés qui ne travaillent pas àla programmation de participer à la sélection desœuvres présentées dans le cadre du cinquan-tième anniversaire de l’établissement. « Ça nousa permis de constater que cer tains de nos col-lègues ont une très grande culture cinématogra-phique, affirme M. Montal. Ils sont vraiment pas-sionnés de cinéma et travaillent avec nous nonpas pour les hauts salaires — car ils ne le sont pas— mais pour le plaisir de la chose. »

Contraintes budgétaires obligent, la Cinéma-thèque présentera surtout des films issus de sacollection. « Les cycles importants vont coûtertrès cher. Pal, Harryhausen, Welles, Grémillon,tout cela, ça coûte ! On conserve très peu de filmsintacts de cette finesse-là, donc, pour les présen-ter, il faut avoir les moyens. On a choisi de cana-liser l’argent vers ces grands événements, mais,en contrepartie, pour tout le reste de la program-mation, on va travailler uniquement avec lesfilms de notre collection », explique M. Montal.

Contrairement à ce que cer tains peuventcroire, cette démarche ne permettra pas à la Ci-némathèque d’économiser sur les droits,puisqu’elle ne les possède pas sur les filmsqu’elle conserve.

CollaboratriceLe Devoir

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

La Cinémathèque québécoise a été fondée en 1963.

Page 4: CINEMA - Le Devoir | Nouvelles, actualités, politique ...€¦ · émissions de télévision, 28000 affiches, 600000 photos, ... thèque québécoise: ses 50 ans d’existence le

L A C I N É M A T H È Q U E A 5 0 A N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 3 E T D I M A N C H E 1 4 A V R I L 2 0 1 3H 4

Coup d’œil à 50 ansd’événements marquants2011 Refonte intégrale du site web parl’agence Kryzalid.2009 Mise en ligne du Répertoire audiovi-suel du Québec, créé par la Cinémathèqueen partenariat avec la SODEC, la Régie ducinéma et l’Institut de la statistique/Obser-vatoire de la culture et des communicationsdu Québec.2008 La Cinémathèque réussit à éponger ledéficit accumulé depuis plus de 10 ans.Création du Grand Prix Focus–Cinéma-thèque québécoise.Création du Prix de la Cinémathèque québé-coise pour la meilleure œuvre québécoiseou canadienne.Révision de la mission de la Cinémathèquepour inclure dorénavant toutes les déclinai-sons des images en mouvement, dont lesnouveaux médias.2007 Célébration des 70 ans de la Cinéma-thèque française avec une présentation de18 films récemment retrouvés, restaurés ouacquis par l’établissement français.2006 Fin du mandat de six ans du présidentKevin Tierney.Rétrospective intégrale de l’œuvre de Nor-man McLaren présentée en première mon-diale à la Cinémathèque.2005 Nomination de Yolande Racine en tantque directrice générale.Aménagement d’un entrepôt secondaire àMirabel.2004 La Cinémathèque se voit confier lemandat officiel de la conservation du dépôtlégal du film.Création de la Fondation de la Cinéma-thèque québécoise, ayant pour mission desoutenir financièrement les activités structu-rantes de la Cinémathèque.2002 Après 30 ans à la barre, Robert Daude-lin quitte la Cinémathèque et Robert Boivinlui succède à la direction générale.Création des Sommets du cinéma d’anima-tion de Montréal.2001 L’exposition virtuelle De Nanouk à l’Oumigmag, le cinéma documentaire au Canada (www.nanouk.ca) remporte le Grand Prix Boomerang 2001-Arts et culture.1999 Création du site web de la Cinéma-thèque québécoise.Rétrospective complète de l’œuvre de GillesCarle : 50 films et vidéos réalisés depuis1961.1997 Ouverture de la nouvelle Cinéma-thèque québécoise, rénovée et agrandie, au335, boulevard de Maisonneuve Est.1996 Acquisition du cinématographe Lu-mière no 16.1995 Les cinémathèques du monde célè-brent le centenaire du cinéma.1992 Inauguration officielle du Centre deconservation rénové, à Boucherville.1991 La projection-concert du film Metropolis, de Fritz Lang, fait salle comble à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place desarts.1989 Agrandissement des entrepôts deconservation à Boucherville.Robert Daudelin est élu président de laFIAF.1988 Première projection-concert avec IMusici de Montréal : La Nouvelle Babylone,de Leonid Trauberg et Grigori Kozintsev.1987 La salle de projection est nommée enmémoire de Claude Jutra.1982 Inauguration de la Maison du cinémaau 335, boulevard de Maisonneuve Est.1981 Intégration formelle du Centre de do-cumentation cinématographique aux fonc-tions de la Cinémathèque.1980 Rétrospective du cinéma québécois àla Cinémathèque française : 48 séances àChaillot et à Beaubourg.1979 Lancement du premier numéro de Co-pie Zéro.1978 Signature d’une entente-cadre avec legouvernement québécois, qui reconnaît lemandat de la Cinémathèque.Premiers numéros de la collection «Les dos-siers de la Cinémathèque».1974 Construction des premiers entrepôtsde conservation à Boucherville.1973 Projet expérimental d’une cinéma-thèque sur cassettes vidéo avec le Vidéo-graphe.1972 La Cinémathèque installe ses bureauxau 360, rue McGill.Nomination de Robert Daudelin en tant quedirecteur général et conservateur.Organisation de la Quinzaine du cinéma ca-nadien à Amsterdam.1971 La Cinémathèque canadienne devientla Cinémathèque québécoise.Projections hebdomadaires à Québec (La-val) et à Trois-Rivières (Ciné-Campus).1969 Les projections publiques s’installent àla Bibliothèque nationale, 1700, rue Saint-Denis.Acquisition de la collection de Guy L. Coté.1968 Publication du périodique bilingueNouveau cinéma canadien/New CanadianFilm.1967 Publication, en deux éditions françaiseet anglaise, de Comment faire ou ne pas faireun film canadien.Rétrospective mondiale du cinéma d’anima-tion présentée dans le cadre du Festival in-ternational du film de Montréal.1966 Première adresse au centre-ville :3685, rue Jeanne-Mance.1965 Première saison complète de 250séances de projections publiques à l’audito-rium du Bureau de censure, situé au 360,rue McGill.1964 Exposition sur Eric von Stroheim dansle cadre du Festival international du film deMontréal.1963 Semaine sur Jean Renoir au cinémaÉlysée, en présence d’Henri Langlois,conservateur de la Cinémathèque française.

On passe souvent devant, à pied, en vélo ouen auto, on la fréquente pour sa programma-tion originale ou dans le cadre de festivals oud’événements spéciaux, mais connaît-on vrai-ment la Cinémathèque québécoise, ses dif fé-rents espaces et ses secret ?

M A R T I N E L E T A R T E

L orsque le Festival du nouveau cinéma etFantasia ont voulu présenter l’an dernier

une rétrospective pour souligner le 100e anni-versaire de la société de production et de distri-bution japonaise Nikkatsu, la Cinémathèqueétait le seul endroit à Montréal à pouvoir proje-ter les œuvres rares et anciennes.

Le système de projection est l’un des trésorsqui se cachent derrière les murs de la Cinéma-thèque. « C’est très compliqué de faire jouer desfilms d’époque, puisque les bobines de 35 milli-mètres peuvent déchirer n’importe quand, ou onpeut créer des rayures dans l’image», affirme Io-lande Cadrin-Rossignol, directrice générale dela Cinémathèque.

Pour recevoir des films très anciens, un éta-blissement doit avoir accès à un système deprojection conforme aux normes de la Fédé-ration internationale des archives de films.« La Cinémathèque a longtemps été le seul éta-blissement au Canada à être équipé d’un telsystème, et maintenant nous sommes deux, avecle TIFF Bell Lightbox à Toronto » , préciseMme Cadrin-Rossignol.

De nouveaux fauteuils ont aussi été installésen janvier dans la salle Claude-Jutra, qui compte150 places. «Nous avions les mêmes depuis 30ans, qui avaient été restaurés, mais nous sommesheureux d’avoir de nouveaux fauteuils très confor-tables», affirme la directrice générale.

La salle Claude-Jutra est largement utiliséepar la Cinémathèque pour sa programmationrégulière et pour les projections organisées pardifférents festivals.

À l’étage, on retrouve la salle Fernand-Seguinavec ses 84 sièges. «Elle est davantage consacréeau numérique, précise Iolande Cadrin-Rossignol.On organise également dans cette salle plusieursclasses de maître et des colloques.»

La salle multifonctionnelle Norman-McLarenpeut, pour sa part, accueillir jusqu’à 450 per-sonnes. «On peut faire des projections sur les quatrefaces de la salle, indique la directrice générale. Elleprend différents visages selon les besoins: bar, sallede conférence, salle d’exposition, etc. Nous y ac-cueillons plusieurs œuvres de nouveaux médias.Même si nous travaillons énormément à conserverle patrimoine, nous nous intéressons aussi à ce quise fait actuellement.»

Souci architecturalAdjacent à la salle Claude-Jutra, on retrouve

le foyer Luce-Guilbeault, où peuvent se réunir150 personnes. Ce lieu accueille souvent desgens pour un cocktail ou un lancement. C’estaussi un lieu où la Cinémathèque expose desphotographies et des affiches. C’est à cet en-droit d’ailleurs qu’on pourra observer dès le18 avril un cinématographe confectionné par

les frères Lumière. « Cette pièce est un dond’un des plus grands bienfaiteurs du cinéma,René Malo [coproducteur du Déclin de l’em-pire américain]. »

Cet espace communique aussi directementavec le hall d’entrée. «Lorsqu’on entre à la Ciné-mathèque, la première impression en est uned’espace, décrit Iolande Cadrin-Rossignol. C’estla large fenestration qui donne cette impression.Le lieu est donc aussi intéressant pour des cock-tails et dif férents genres d’événement. On peut yaccueillir 150 personnes supplémentaires. »

On retrouve aussi à l’étage la salle de l’expo-sition permanente, où sera inaugurée prochai-nement une grande exposition sur les ef fetsspéciaux dans le cinéma, dont Montréal est uneplaque tournante.

Le café-bar de la Cinémathèque attire pour sapart de nombreux visiteurs et plusieurs travail-leurs du Quartier latin pour casser la croûte, boireun café ou un cocktail. Ce café-bar peut accueillir50 personnes et 70 de plus sur la terrasse en été.

On y dif fuse également des œuvres audiovi-suelles, multimédias et expérimentales.

On doit à la firme Saucier + Perrotte Archi-tectes la transformation de l’ancienne écoleJeanne-Mance en la Cinémathèque qu’on connaîtaujourd’hui. Les travaux ont été réalisés en 1997et l’édifice a remporté deux prix importants: celuide l’Ordre des architectes du Québec dans la ca-tégorie «architecture institutionnelle» et le prixdu Gouverneur général–Médailles du mérite.

Lorsqu’on analyse le lieu dans ses petits dé-tails, on remarque plusieurs clins d’œil au sep-tième art. « Il y a beaucoup de noir et de grisparce que les architectes se sont inspirés du ci-néma qui se passe dans le noir», indique IolandeCadrin-Rossignol.

Au-dessus de la rampe d’accès à la salle Claude-Jutra, il faut aussi porter attention à l’éclairage. «Ily a des rangées de lumières qui représentent la per-foration d’une pellicule! Ce sont des éléments, bien

sûr, que bien des gens ne remar-quent pas», raconte Mme Cadrin-Rossignol.

La Cinémathèque est aussipropriétaire de l’ancienne écoleSaint-Jacques, un lieu qu’elleloue à l’Institut national de

l’image et du son (INIS).

Une fréquentation variéeOn associe souvent la Cinémathèque à des

étudiants en cinéma. « Nous recevons ef fective-ment de nombreux étudiants, mais issus de diffé-rentes disciplines, affirme la directrice générale.Nous accueillons aussi des cégépiens, des élèvesdu secondaire et du primaire. Nous proposonsdes visites commentées. »

La Cinémathèque accueille un public à la re-cherche d’une programmation très pointue, maisaussi le grand public, grâce à des événements po-pulaires. Par exemple, cette année, lors de la Nuitblanche, la Cinémathèque a présenté trois filmsde spectacles rock, des Beatles, de Queen et desRolling Stones. «C’était plein à craquer», indiqueMme Cadrin-Rossignol.

Environ 100 000 personnes visitent la Ciné-mathèque chaque année.

CollaboratriceLe Devoir

AU 335, DE MAISONNEUVE EST

Entre les murs de l’établissement montréalais

Lorsqu’on analyse l’architecture et le décor intérieurde la Cinémathèque dans ses petits détails, on remarque plusieurs clins d’œil au septième art

C L A U D E L A F L E U R

«N ous avons énormément dematériel qui remonte

jusqu’aux années 1920, indiqueJean Gagnon, directeur des collec-tions à la Médiathèque Guy-L.-Coté. Nous avons une très trèsgrande collection de films sur DVD,dont beaucoup qu’on ne retrouvenulle part ailleurs. »

La Médiathèque recèle aussiquantité d’émissions de télévisionainsi qu’une importante collectionde téléviseurs. « Il faut savoir quela télévision existe depuis les années1920, rappelle M. Gagnon,puisqu’on faisait alors de l’expéri-mentation. Nous avons l’une desplus importantes collections de télé-viseurs en Amérique du Nord. »

La Cinémathèque possèdemême un véritable joyau du 7e art :un cinématographe Lumière, l’undes premiers projecteurs de film, àl’époque où le projectionniste de-vait faire défiler le film en tournantune manivelle ! « Nous avons leno 16, soit le 16e appareil fabriquépar les frères Lumière, indique JeanGagnon. C’est une pièce extrême-ment rare puisque, à ma connais-sance, il n’y en a aucun autre auCanada. » Ce bijou d’histoire estprésentement exposé dans le hallde la Cinémathèque.

L’apport de Guy L. CotéLa Cinémathèque a été fondée

en 1963 par Guy-L. Coté, cinéasteet cinéphile, qui était aussi ungrand amateur de livres. Tout aulong de sa vie, il a constitué unecollection qui forme à présent labase du fonds de documentationde la bibliothèque de la Cinéma-thèque. Par conséquent, celle-ci aété nommée en 1997 la Média-thèque Guy-L.-Coté.

Elle nous permet de consulterune vaste sélection d’ouvrages,toutes époques et provenancesconfondues, portant sur le cinéma,la télévision, la vidéo et les nou-veaux médias. La Médiathèquecompte, entre autres, près de45 000 ouvrages d’une grande di-versité : essais, biographies et ana-lyses de films, catalogues, pro-grammes, documentation promo-tionnelle et technique, études surles industries télévisuelle et ciné-

matographique, revues de presse,ouvrages de référence, etc.

«La Médiathèque, très simplement,c’est une bibliothèque “privée” maisouverte au public, relate Jean Ga-gnon, puisque quiconque peut y venirvisionner nos films et consulter nosdocuments. Toutefois, à la différenced’une bibliothèque publique, nous neprêtons pas nos livres, ils ne sont dis-ponibles que pour une consultationsur place. C’est en quelque sorte laporte d’entrée des collections de la Ci-némathèque.» Soulignons toutefoisqu’une interface en ligne, dans lesite web de la Cinémathèque, per-met d’ef fectuer des recherchesparmi les riches collections.

« Souvent, ce sont des étudiantsqui viennent nous visiter, rapportele directeur des collections, desétudiants en cinéma, en communi-cation ou en arts, de même que deschercheurs professionnels, dont desjournalistes, des historiens et descritiques. Par fois même, des per-sonnes viennent de l’étranger pourconsulter nos collections, puisque laMédiathèque est une ressource do-cumentaire importante du cinémaà l’échelle de la planète. »

Pour InternetJean Gagnon explique aussi que

les importantes collections de filmsdont dispose la Cinémathèque sontentreposées sur la rive sud deMontréal, à Boucherville, de sorteque, « très souvent, le matériel filmlui-même n’est pas accessible augrand public ». D’ailleurs, pour vi-sionner un film original, il faut en-tre autres acquitter les coûts affé-rents aux services d’un projection-niste, ce qui n’est pas à la portée detoutes les bourses. Cependant,poursuit-il, la Médiathèque pos-sède une vaste collection de filmssur DVD. «La majorité de nos filmssont québécois ou canadiens, dit-il,bien que nous ayons d’importantescollections internationales.»

La Médiathèque dispose égale-ment d’un certain nombre d’émis-sions de télé, mais relativement peuqui ont été produites par Radio-Ca-nada. «Si, par exemple, vous rêvez devoir les émissions jeunesse de la So-ciété Radio-Canada, il faut plutôts’adresser à celle-ci, indique M. Ga-gnon. Notre mandat est plutôt de col-lectionner les émissions de télévision

faites par le secteur privé. Nous avonsainsi des émissions de TVA, mais éga-lement de divers producteurs privés.»

Soulignons que les collections té-lévisuelles de la Médiathèque sesont prodigieusement enrichies de-puis 2006, soit depuis que les pro-ducteurs sont tenus par la loi de dé-poser une copie de toutes leurs pro-ductions vidéo. «Depuis février 2006,tout film, tout vidéo et toute émissionde télévision produits au Québec avecl’aide directe ou indirecte de l’Étatsont assujettis au dépôt légal, préciseJean Gagnon, peu importe le genre :documentaire, fiction, vidéo d’ar-tiste, etc.»

Par ailleurs, la Médiathèque pro-cède en ce moment à la refonte deson site web, afin de faciliter le re-pérage de ses formidables res-

sources. « Internet change beau-coup de choses, obser ve M. Ga-gnon. Ainsi, nous constatons que leshabitudes de recherche des étudiantsconsistent à utiliser Google et àconclure que ce qu’ils ne trouventpas là, eh bien ça n’existe pas ! Nousfaisons donc la refonte des collec-tions afin que Google puisse réperto-rier ce que nous avons. L’un de nosbuts, c’est d’être beaucoup plus repé-rable par les moteurs de recherche. »

M. Gagnon prévoit que le site webnouvelle version de la Cinémathèquedevrait être lancé en février 2014.«Voilà qui clôturera en quelque sortenos célébrations du 50e anniver-saire!», dit-il joyeusement.

CollaborateurLe Devoir

Peu d’entre nous savons que la Cinémathèque recèle quantité de pe-tits trésors. Non seulement possède-t-elle les archives personnelles deplusieurs de nos grands cinéastes, mais elle dispose également de laplus imposante collection de films québécois, de même que de richescollections de livres, d’af fiches, de photos et d’objets reliés au mondedu cinéma et de la télé.

MÉDIATHÈQUE GUY-L.-COTÉ

Une bibliothèque privée, mais ouverte au publicLa Médiathèque compte près de 45 000 ouvrages d’une grande diversité documentaire

SOURCE JOHN DAGGETT COLL. CINÉMATHÈQUE QUÉBÈCOISE FONDS LÉON H. BÉLANGER

Le fondateur du Ouimetoscope, Léo-Ernest Ouimet (à droite), discuteautour d’une caméra Pathé avec le producteur Michel Costom et Guy-L.Coté (au centre), fondateur de la Cinémathèque québécoise.

SERGE DESAULNIERS

L’entrepôt de conservation de Boucherville, tel que vu en 1988

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L A C I N É M A T H È Q U E A 5 0 A N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 3 E T D I M A N C H E 1 4 A V R I L 2 0 1 3 H 5

50 ans de promotionde notre patrimoineaudiovisuel, ça se fête.

Bravo Cinémathèque québécoise !

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Saviez-vous que la Cinémathèque québécoise sauvegarde l’une des trois plus importantes collections d’affiches au Québec ?

“Affiche-ionados” visitez l’exposition virtuelleLe cinéma québécois s’affichecinematheque.qc.ca/exposition/index.htm

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CINÉMA D’ANIMATION

Une collection unique au mondeLa Cinémathèque conserve près de 5000 chefs-d’œuvre

On qualifie souvent une cinémathèque de musée du cinéma, en référence à sa collection defilms. Mais on oublie, par contre, qu’une cinémathèque peut aussi être un lieu où on trouveune véritable pratique muséale. C’est le cas de la Cinémathèque québécoise.

EXPOSITIONS

Le cinéma a son musée !

P I E R R E V A L L É E

«N ous avons toujours eudes expositions, explique

Jean Gagnon, directeur des col-lections à la Cinémathèque qué-bécoise. D’ailleurs, la salleRaoul-Barré, située au deuxièmeétage, sert à loger notre exposi-tion permanente.»

Quant aux expositions tem-poraires, c’est la salle Norman-McLaren qui les accueille. Lefoyer Luce-Guilbeault ser t àprésenter de petites expositionsoù sont souvent mis à l’honneurquelques-uns des artéfacts dela Cinémathèque québécoise.«Nous nous servons même desespaces de circulation audeuxième étage pour exposer unepartie infime des téléviseurs dela collection Znaimer.»

Effets spéciauxLe cinquantenaire de la Ciné-

mathèque québécoise est doncle moment tout indiqué pour lacréation d’une toute nouvelle ex-position permanente, qui rem-place l’ancienne consacrée àl’animation. Intitulée Secrets et il-lusions, la magie des ef fets spé-ciaux, cette exposition perma-nente, sous la direction du com-missaire invité, Éric Falardeau,permettra aux visiteurs de péné-trer dans l’univers fascinant deseffets spéciaux. «On a choisi unedéfinition large des ef fets spé-ciaux, explique Éric Falardeau.Cela va du simple effet d’optique,comme un fondu enchaîné, de-venu avec le temps un simple élé-ment du langage cinématogra-phique, jusqu’aux effets spéciauxnumériques. Cela inclut aussi lemaquillage, l’usage de maquettes,l’animatronique, etc. Il ne fautpas oublier que la confection d’unef fet spécial exige souvent lacontribution de tous les servicesde la production d’un film.»

Et, par ef fets spéciaux, onn’entend pas uniquement lesef fets spéciaux clinquants.« Lorsqu’on parle d’ef fets spé-ciaux, on pense surtout aux ef-fets spectaculaires, comme uneexplosion ou une bataille devaisseaux spatiaux. Mais ces ef-fets ne sont valables que s’ilss’inscrivent dans la trame dra-

matique du film, sinon ce sontdes effets pour des effets. Il fautaussi accorder de l’importanceaux ef fets spéciaux dont le butest d’être imperceptibles. Mêmeles comédies romantiques ontdes effets spéciaux, par exemple,dès qu’on corrige numérique-ment un défaut de la peau ouqu’on ajoute ou enlève un élé-ment du décor. »

L’exposition est divisée entrois par ties. « La premièrepar tie est historique et ser t àprésenter de grands ar tisansqui ont marqué l’univers des ef-fets spéciaux. On pense à Mé-liès, mais aussi à DouglasTrumbull, qui a travaillé pour2001, l’odyssée de l’espace.Une biographie et des extraitsde leur travail permettront deles présenter. » La deuxièmepar tie por te sur les raisonspour lesquelles les cinéastesfont usage d’ef fets spéciaux.« Avec les ef fets spéciaux, oncherche souvent à créer ce quin’existe pas ou à donner à voirce à quoi on n’a pas accès. »

La troisième par tie por tesur les techniques des ef fetsspéciaux. « On s’intéresse iciautant aux ef fets spéciaux faitsde façon traditionnelle qu’àceux générés par ordinateur.D’ailleurs, plusieurs ef fets spé-ciaux sont produits par la com-binaison de plusieurs tech-niques. Par exemple, on peutfaire neiger directement sur unplateau pour ensuite rajouternumériquement de la neige enarrière-plan. Nous avons re-tenu neuf techniques qui serontillustrées par la présence d’unou deux artéfacts. Des extraitsde films ainsi que des entrevuesavec des créateurs d’ef fets spé-ciaux québécois permettrontaux visiteurs de mieux com-prendre de l’intérieur la créa-tion d’effets spéciaux. »

La télé à l’honneurDéjà présente dans le do-

maine de la télévision, notam-ment par le biais de la collectionde téléviseurs Znaimer, la Ciné-mathèque québécoise a choiside poursuivre dans cette voieavec la création d’une exposi-tion portant sur la télévision au

Canada de 1950 à 2000. «C’estune exposition temporaire que laCinémathèque québécoise crée etqui tiendra l’affiche tout l’été, ex-plique Jean Gagnon. Ensuite,nous espérons la faire tournerdans d’autres lieux d’expositionau Canada.»

Ici aussi, on a choisi de ratis-ser large, et cette expositioncomporte de nombreux volets.Un de ces volets portera surl’évolution des appareils et descaméras, un autre fera état desvedettes passées du petit écran.«Nous avons aussi de nombreuxextraits d’émissions de télévision,publique comme privée, qui don-neront un éventail de l’évolutionde la programmation ainsi quede l’esthétique et de la stylistiquede la télévision canadienne.»

On s’intéressera aussi au dé-cloisonnement de la télévision.« C’est la télévision qu’on nevoit pas habituellement dansnos postes et qui déborde dusens strict de la télévision. Jepense ici à la télévision commu-nautaire ou encore à la vidéo,que les groupes communau-taires et sociaux se sont appro-priée, grâce notamment à l’ap-parition du caméscope. »

Un autre volet portera sur lestentatives de distribuer dif fé-remment les émissions de télé-vision, ainsi que sur les effortsdéployés pour créer de la télévi-sion mobile. «On ne s’en sou-vient guère, mais les premièrestentatives de télévision à la carteremontent au début des années70. Nous avons aussi des appa-reils, conçus dans les années 80,qui cherchaient à rendre mobilela télévision et qui, à l’époque,étaient perçus comme l’avenir dela télévision. On pense ici auWatchman, le pendant télévisé duWalkman de Sony, ainsi qu’à laTVWatch, un petit écran qu’onportait au poignet, comme unemontre. Aujourd’hui, à uneépoque où on peut regarder uneémission de télévision sur une ta-blette numérique ou un téléphoneintelligent, il est intéressant derappeler que ce qu’on vit présente-ment a des racines.»

CollaborateurLe Devoir

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

D ès le début des années 70,une personne s’est consa-

crée exclusivement à laconservation et à la dif fusiondu cinéma d’animation à la Ci-némathèque. Un poste qui estoccupé aujourd’hui par Marcode Blois, mais qui fut habitépendant une trentaine d’an-nées par Louise Beaudet, véri-table passionaria du cinémad’animation, sans doute la plusgrande spécialiste du sujet auQuébec. La grande dame estdécédée depuis, mais son em-preinte reste indélébile.

Dans une entrevue accordéeau magazine Ciné-bulles à l’oc-casion des 25 ans de la Cinéma-thèque, elle expliquait les pré-mices de la constitution decette collection. C’était en 1967,alors que Guy-L. Coté souhai-tait organiser une rétrospectivemondiale du film d’animationdans le cadre de l’Expositionuniverselle. «Cela a été un coupde foudre! Je débarquais dans cemonde-là, je connaissais MickeyMouse, comme tout le monde…Pour l’événement, la Cinéma-thèque québécoise a constitué unfonds de 250 films d’animation,

des invités de marque sont ve-nus. J’ai connu Otto Messmer, lecréateur de Félix le chat, ChuckJones, Bob Clampett, Tex Avery,le créateur de Tweety Bird…Quand j’ai vu les dessins origi-naux, ceux de Blanche-Neige etles sept nains en marche, parexemple, qui bougeaient sur lepapier, j’ai été émerveillée […].On avait acheté beaucoup defilms de pionniers américainspour Expo 1967. On a même ré-

cupéré des copies sur nitrate,presque en décomposition, qu’ona sauvées de justesse en les trans-férant sur acétate.»

Une cinquantaine d’annéesplus tard, la collection se com-pose de 5000 chefs-d’œuvre,pour moitié des films canadiensou québécois, l’autre moitié ve-nant du monde entier. «En cequi concerne les ouvrages québé-cois, nous voulons être exhaustifset protéger l’ensemble du patri-moine, précise Marco de Blois.Pour la collection internationale,nous sommes très sélectifs. Nous

sommes devenus une référenceen la matière tout autour de laplanète, parce que nous avons detrès bonnes conditions de conser-vation et que, dans certains cas,nos copies sont de meilleure qua-lité que celles qui se trouventdans les pays d’origine.»

Œuvres uniquesUne collection tellement

unique que, le printemps der-nier, la Cinémathèque a pu orga-niser une rétrospective sur l’his-toire de l’animation soviétique,depuis les années 30 jusqu’auxannées 60, en ne piochant quedans ses propres archives. «Àl’époque, l’Union soviétique ai-mait beaucoup distribuer ses pro-ductions à travers le monde.Nous avons composé une rétros-pective en trois programmes decourts métrages, suivis avec at-tention par un public très inté-ressé. Mine de rien, ce n’estpas facile de mettre sur pied

une telle programma-tion, parce que les co-pies sont rares. Maisnous, nous les avonset nous avons les tech-niciens qualifiés pourprojeter ces films de

façon adéquate. »Une collection qui regorge de

trésors oubliés, comme cette co-pie de Gertie the Dinosaur, filmréalisé par Winsor McCay en1914 qui est exceptionnel, car ils’agit du premier film d’anima-tion mettant en scène un person-nage affichant une réelle psycho-logie. Jusque-là, l’animation secantonnait à des fantaisies débri-dées, surtout graphiques. La Ci-némathèque est à l’origine de saredécouverte dans les années 60.

Tout comme elle est égale-ment à l’origine, tout récem-

ment, de la redécouver ted’une autre pépite, un film abs-trait peint sur pellicule qui aété réalisé vers la fin des an-nées 1940 par Gordon Webber,professeur d’architecture àl’Université McGill. « Ç’a étéun moment exceptionnel dansma carrière de conservateur etd’historien de l’ar t, confieMarco de Blois. Cette décou-ver te signifie que, dès les an-nées 40, il y avait des gens àMontréal qui s’intéressaient aucinéma d’animation, à l’avant-garde et au cinéma expérimen-tal. Jusque-là, nous ne soupçon-nions pas qu’il y avait ici,avant l’arrivée de l’ONF, unepratique, même marginale, del’animation. Nous avons trouvécette copie dans une biblio-thèque à l’Université McGill.Elle était assez abîmée, usée,fragile et improjetable, car lais-sée à l’abandon pendant des an-nées. Nous l’avons restaurée,numérisée, nettoyée, de façon àpermettre sa diffusion. »

Toujours à l’avant-gardeAujourd’hui encore, Montréal

reste une place forte du cinémad’animation. Il est très courant,dans les festivals à l’étranger,qu’une bonne partie de la sélec-tion provienne des studios qué-bécois, et ce sera encore le casdans quelques semaines à An-necy, en France, site du plusgrand festival d’animation aumonde. «Depuis l’explosion destechnologies — numérique, nou-veaux médias, ef fets spéciaux,etc. — le Québec et le Canada res-tent à l’avant-garde, af firmeM. de Blois. Ce qui est intéres-sant, c’est que les techniques tradi-tionnelles et modernes cohabitenttrès bien. De par mon poste, mon

rôle est bien entendu de présenterdes films, leur histoire, de mettreen valeur des œuvres, mais ausside faire vivre toute une commu-nauté. J’ai le privilège d’avoir desliens avec plusieurs créateurs d’iciet je vois bien qu’il y a de l’engoue-ment et du talent à l’égard del’animation.»

Engouement de la part descréateurs, engouement égale-ment de la part du public, quirépond présent chaque jeudilors des projections à la Ciné-mathèque et chaque mois denovembre désormais, à l’occa-sion des Sommets du cinémad’animation de Montréal, orga-nisés eux aussi par la Cinéma-thèque. « Le cinéma d’anima-

tion se por te plutôt bien au-jourd’hui, estime Marco deBlois. Il est porté par les grossesproductions commerciales dutype Pixar ou Disney et par lesJaponais. Et il y a, à côté deceux-là, tout un marché alter-natif pour les créateurs indé-pendants. Ce n’est pas toujoursévident pour eux, parce qu’ils’agit principalement de courtsmétrages qui trouvent dif ficile-ment leur place dans les ciné-mas. Mais, via les festivals ouvia des organismes comme laCinémathèque, ces films ontl’occasion d’être vus. »

CollaboratriceLe Devoir

« Lorsque l’Of fice national du film a déménagé d’Ottawa àMontréal en 1956, les studios d’animation ont suivi, ce qui aengendré l’éclosion d’une communauté d’animateurs ici, ra-conte Marco de Blois, conservateur et programmateur à lasection de cinéma d’animation de la Cinémathèque. L’anima-tion est très rapidement devenue un domaine d’excellence auQuébec. Les fondateurs de la Cinémathèque ont eu le flair depenser qu’elle devait avoir sa place dans cet organisme, de fa-çon à mettre en évidence une des forces du cinéma québé-cois. » Petit rappel historique.

MARTINE DOYON PARTENARIAT DU QUARTIER DES SPECTACLES

La Cinémathèque conserve des milliers de films d’animation. « Depuis l’explosion des technologies, le Québec et le Canada restent à l’avant-garde

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