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AVRIL 2005 SUPPLÉMENT DNV N° 169 Musée des beaux-arts de Dijon Donnons un avenir à notre histoire Rénovation des tombeaux des ducs Entrée gratuite au musée des beaux-arts et dans tous les musées de la ville

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à notre histoireRénovation des tombeaux des ducs

Entrée gratuite au musée des beaux-arts et dans tous les musées de la ville

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PAGE 2 Les tombeaux des ducs après leur restauration supp l émen t DNV 169

1385 Philippe le Hardi, duc de Bourgogne depuis 1363, fonde lachartreuse de Champmol, aux portes de Dijon, pour y abriterson tombeau

1384-1410 Réalisation du tombeau de Philippe le Hardi parJean de Marville, puis Claus Sluter et enfin Claus de Werveet leurs ateliers

1404 Mort de Philippe le Hardi

1410 Installation du tombeau de Philippe le Hardi dans le chœur dela chartreuse de Champmol

1419 Mort de Jean sans peur

1443-1470 Réalisation du tombeau de Jean sans peur et Marguerite deBavière par Jean de La Huerta puis Antoine Le Moiturier etleurs ateliers

1470 Installation du tombeau dans le chœur de la chartreusede Champmol

1477 Mort de Charles le Téméraire et retour du duché deBourgogne au royaume de France

1790 Suppression de la chartreuse de Champmol et départ deschartreux

1791 Vente du domaine à Emmanuel Crétet

1792 Transfert des tombeaux à la cathédrale Saint-Bénigne

1793 Destruction des gisants. Les autres sculptures, les pleurantset les arcatures sont entreposés au palais abbatial de Saint-Bénigne.

1799 70 pleurants sont présentés au musée qui vient d'ouvrirau public

1819-1827 Restauration des tombeaux par l’architecte Claude Saint-Père,assisté du sculpteur ornemaniste Louis Marion et du statuaireJoseph Moreau. Les tombeaux sont remontés dans la salle desGardes du musée des beaux-arts

1862 Classement des deux tombeaux au titre des Monumentshistoriques

1945 Remise en place de trois pleurants déposés par le musée duLouvre, le musée de Cluny – Paris, actuel musée nationaldu Moyen Âge – et un donné par le collectionneurPercy Moore Turner

1958 Mise en place des moulages des quatre pleurants conservés aumusée de Cleveland

2003-2005 Restauration successive du tombeau de Philippe le Hardi et decelui de Jean sans peur

Repères chronologiques

Autour de la restaurationDijon propose de marquersymboliquement la restitutionau public de ces chefs-d’œuvre.

Le samedi 30 avrilAccès exceptionnel aux tombeaux parla cour d’honneur (salle des Armes)> 10 h – 12 h, un guide-conférencier setient à votre disposition salle destombeaux pour vous accompagner dansla visite.> 10 h – 19 h, accès exceptionnel à latribune de la salle des gardes pour unevue unique sur les tombeaux.> 14 h – 19 h, visites guidées gratuites,départ toutes les 30 minutes de la salledes armes.> 19 h, visite en musique avec des élèvesdu Cnr de Dijon> 15 h et 17 h, conférence publiquepar Françoise Baron, Sophie Jugie etBenoît Lafay aux Cuisines ducales> Fermeture exceptionnelle à 20 h.

Le mercredi 4 maiVisites en famille accessibles aux enfantsà 14 h, 15 h et 16 h

Le vendredi 6 maiAtelier promenade pour adultes etadolescents à 14 h 30

Le samedi 7 maiVisites adultes à 14 h et 16 h

Toutes ces manifestations sont gratuiteset ouvertes à tous.Réservation vivement conseillée au 03 80 74 52 09

Musée des beaux-artsPalais des États de Bourgognede 10 h à 17 h sauf le mardiTél. : 03 80 74 52 09 En couverture : photo Maud Grandjean - Dos de couverture : photo François Jay - © musée des beaux-arts de Dijon

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PAGE 3supp l émen t DNV 169 Les tombeaux des ducs après leur restauration

Dijon a entrepris de longue date la mise en valeur de son richepatrimoine, niché au cœur de l’Europe et porteur du témoignage

d’une histoire, à bien des égards, exceptionnelle. Le rayonnement culturel dela capitale des ducs autour de 1400 est au nombre de ces temps forts qui ontlaissé une empreinte durable sur la ville.

La restauration des Tombeaux de Philippe le Hardi et de Jean sans peur, aprèscelle du Puits de Moïse permet de mieux mesurer l’influence qu’ils y exercèrentnotamment dans le domaine des Arts et de la Culture, transformant leur ville,par-delà leur règne, en une capitale européenne avant l’heure.

Cette restauration qui fait la fierté des Dijonnais a étéconduite par la ville en collaboration étroite avec les servicesde l’État et le concours financier de la Fondation Getty queje tiens à remercier chaleureusement. Une restauration quis’imposait pour redonner leur apparat d’origine à cesœuvres magistrales.

Dijon, son musée des beaux-arts dont la complèterestauration a été engagée par la municipalité – leur sontredevables d’une part appréciable de leur renomméeinternationale. On vient du monde entier à Dijon pouradmirer ces monuments funéraires parmi les plusremarquables du Moyen Âge.

J’ai tenu, vous le savez, l’an passé, à restituer ce patrimoine à tous lesDijonnais en rendant l’accès gratuit aux collections permanentes de nos cinqmusées municipaux. Le patrimoine pour rester vivant doit en effet« parler » aux habitants de la ville qui l’abrite. C’est la condition de sonentretien sur la base d’une compréhension partagée de son intérêt.

Offrez-vous une visite à la salle des tombeaux et au musée, même si vous lesconnaissez, amenez-y vos enfants, vos amis, vos hôtes. Vous serez surpris,comme je l’ai été moi-même, par la qualité du travail de restauration effectuéet la vision nouvelle qu’elle autorise. Ce supplément de Dijon notre ville vousen donne un avant-goût.

François RebsamenMaire de DijonPrésident de la communauté d’agglomération

Donnons un avenirà notre histoire

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Le tombeau de Philippe le Hardicommandé dès 1381, réalisé sousles directions successives des

« imagiers » (sculpteurs) Jean deMarville, Claus Sluter et Clausde Werve, est mis en place à lachartreuse de Champmol en 1410 . Celui de Jean sans peur, qui avaitexprimé sa volonté de se faireconstruire un tombeau sur le modèle decelui de son père, est réalisé entre 1443et 1470 par Jean de La Huerta puisAntoine Le Moiturier (fig. 1).

Les tombeaux des ducs de Bourgogne, en particulier celuide Philippe le Hardi, comptent parmi les monumentsfunéraires les plus remarquables du Moyen Âge. Ilsrenouvellent la composition traditionnelle du tombeaudepuis le milieu du XIIIe siècle avec un gisant et un cortègede pleurants. Au soubassement, les pleurants ne sont plusisolés, en demi-relief, dans leur arcature, mais semblentglisser dans les galeries d'un cloître. Tous expriment leurdouleur par leur expression, un geste vers un voisin ou parl'éloquence de leurs drapés.

Les anges reçoivent une importance nouvelle, agenouilléssur la dalle, ils veillent au chevet du duc, à la fois affligéset sereins. Le gisant n'est plus une statue verticalecouchée, mais réellement un corps allongé, ce queconfirme le système des plis de son manteau, étalés autourde lui. Mais tout aussi hors du commun sont lamonumentalité du tombeau, qui place l'image du princepresque hors d'atteinte du regard et sa somptuosité :préciosité du marbre et de l’albâtre, raffinement de lapolychromie, vibration de l’or.

1. Gravure de Née d’après Lallemand, L’intérieur de l’église de Champmol, vers 1780. Dijon,

musée des beaux-arts.

2. Joannès LesageTombeau de Philippe le Hardi, face 2

Plume, lavis d'encre de Chine et gouache sur papier Dimensions : H. : 42,5 cm – L. : 58 cm

Photo : François Jay© musée des beaux-arts de Dijon

Les tombeaux des ducsde Bourgogne

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Création, destruction,première restauration (1381-1827)

1791-1799 :DestructionLes deux monuments restent dans lechœur de l'église de la chartreuse deChampmol jusqu'à la Révolution. Lors dela vente de la chartreuse comme biennational, les tombeaux sont très soigneu-sement remontés dans l’ancienne égliseabbatiale de Saint-Bénigne, devenuecathédrale. Mais dès l'année suivante, ondécide de détruire « les monuments desdespotes ». Les gisants des ducs et de laduchesse sont détruits, les autres partiessont démontées et entreposées dansl’ancien palais abbatial de Saint-Bénigne.Un certain nombre d'éléments disparais-sent alors, dont des fragments d'architec-ture et une dizaine de pleurants, que l'onretrouvera ensuite chez des collection-neurs.

1819-1827 :RestaurationEn 1819, l'architecte Claude Saint-Pèreprend l’initiative de restaurer lestombeaux. Avec l’aide de Févret de Saint-Mémin, conservateur du musée de Dijon,il regroupe les pièces conservées dans lesdépôts et recherche les fragments quiétaient passés en mains privées. Lesparties manquantes sont complétées parle sculpteur Joseph Moreau pour la

statuaire et par le sculpteur ornemanisteLouis Marion pour l'architecture. Lespremiers restaurateurs n'ont pas disposéde tous les documents figurés que l'on arepérés depuis (fig. 2 et 3), aussi lareconstitution des gisants n'est pas tout àfait exacte. En revanche, le travail sur lesarcatures – arcade décorative – est sisoigné qu’on ne distingue pas ladifférence à l’œil nu. Les rehautsmodernes de peinture et de dorure,parfois sur des traces anciennes, donnent

une image très suggestive de la poly-chromie d'origine.Les deux tombeaux sont remontés dans lasalle des Gardes du palais des ducs,rattachée depuis quelques années aumusée des beaux-arts. La nouvelle pré-sentation est inaugurée en 1827 (fig. 3).Elle marque immédiatement les esprits,à une époque où l'on commence à redé-couvrir le Moyen Âge.

3. En haut, Auguste MathieuLa Salle des Gardes au Musée de Dijon, en 1847Huile sur toileDimensions : H. : 96 cm - L. : 115 cmPhoto : François Jay© musée des beaux-arts de Dijon

4. Lesage muetTombeau de Jean sans Peur, face 2Plume, lavis d'encre de Chine et aquarelle sur papier Dimensions : H. : 42 cm – L. : 55 cmPhoto : François Jay© musée des beaux-arts de Dijon

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Aux sources du projetde restauration

L 'entreprise pouvait s'appuyer surune recherche menée parFrançoise Baron, conservatrice au

département des sculptures du musée duLouvre et Sophie Jugie, conservatrice aumusée des beaux-arts. À l'occasion del’apparition dans le commerce de l’artparisien d’un dais original du tombeau dePhilippe le Hardi, en 1990, acquis depuispar le musée, une recherche a été menéedans les sources historiques pour préciserl'histoire de la destruction des tombeaux àla Révolution et leur restauration au XIXe

siècle.Une étude préalable à la restauration destombeaux a été réalisée en 2001-2002 parle restaurateur Benoît Lafay. Elle a été suivieétape par étape par la conservation dumusée appuyée par un comité scientifique.Elle a permis de mener un examen trèsapprofondi des deux tombeaux, enconfrontant les observations aux informa-tions recueillies dans les sources histo-riques. Elle a permis de déterminer, àchaque fois que cela était possible, leséléments d’origine et ceux qui ont étérefaits. Tous les matériaux constituant les

tombeaux ont été identifiés, les repères detaille et de montage, ainsi que les tracesde scellement d'origine au plomb. La poly-chromie a fait l'objet d'analyses scienti-fiques, révélant parfois, sous les repeintsdu XIXe siècles, les couleurs d'origine.Cette nouvelle approche a permis de fairedeux découvertes, les arcatures dutombeau de Philippe le Hardi étaient enmarbre. Comme elles ont été restauréesen albâtre, il est possible d'établir la car-tographie précise des parties originales.

Ensuite, il est apparu que le gisant dePhilippe le Hardi restitué par les restaura-teurs du XIXe siècle était trop grand deprès de 40 cm. L'effet du gisant d'origineet de ses anges, disposant de plusd'espace sur leur dalle de marbre noir,devait donc être beaucoup plusharmonieux par rapport au soubassement.Un relevé précis de l'état de conservationdes différentes parties a enfin été mené.La restauration – nettoyage et petitesréparations – pouvait alors commencer.

Des interventions ponctuelles ont été menées sur letombeau de Jean sans peur par Benoît Coignarden 1996 puis sur celui de Philippe le Hardi parJean Délivré en 1999, pour reprendre la fixation despleurants et recoller des fragments détachés. Il estalors apparu que l'encrassement général des tombeaux,ainsi que certains défauts, en perturbaient la vision.

Jean de Marville, Claus Sluter et Claus de Werve Tombeau de Philippe le HardiAlbâtre doré et polychromé ; soubassement et dalle de marbre noir de DinantDimensions du tombeau : H. : 243 cm – L. : 360 – Pr. : 254Photo : François Jay © musée des beaux-arts de Dijon

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La restaurationLa restauration du XIXe siècle, désormaismieux connue, peut être maintenantpleinement appréciée. Elle constitue unerestitution d'une fidélité tout à fait remar-quable à l'aspect d'origine desmonuments. Il n'y avait donc pas lieu de« dérestaurer » les tombeaux.Pour autant, un bon nettoyage s'imposait.Les deux tombeaux se trouvaient dans unétat d'encrassement avancé. Ils étaientrecouverts d'un voile grisâtre, en particu-lier les sculptures des parties supérieures.Les valeurs de volumes et de couleursétaient altérées par cette saleté généra-lisée : le blanc du marbre et de l'albâtreétait devenu gris, les rehauts de couleurset de dorure avaient perdu leur éclat. Depetits amas de poussière se voyaient dansles dais et dans toutes les parties inacces-sibles au ménage habituel.Le nettoyage a été opéré avec lesprocédés appropriés, nettoyage à secavec des pinceaux brosses, pour unpremier dépoussiérage ; nettoyage avecune solution de savon légèrementbasique ; sur le marbre et l’albâtre,passage à la vapeur pour éliminer lesempoussièrements dans les zones peuaccessibles ; sur les parties polychromesenfin, complément de nettoyage avec dela terre de diatomée.

D'autre part, une vérification systématiqueet parfois une reprise des collages ou desrebouchages anciens a été menée, tant surles gisants et les pleurants que sur les ar-catures, afin de rendre les accidents moinsvisibles. Les pleurants, parfois mal restau-rés par le passé, ont particulièrement pro-fité de cette opération. Les petits fragments

d'architecture qui avaient pu se détacherau cours des années ont tous été remis enplace. Ce nettoyage mené avec des procé-dés simples, avec beaucoup de patience,donne un résultat spectaculaire. Il nouspermet de mieux percevoir la splendeur de

la création du XVe siècle que les restaura-teurs du XIXe siècle ont si bien comprise.

Les restaurateurs et le financementL'étude préalable a été menée par BenoîtLafay, assisté pour l'étude de polychromie

par Dominique Faunières. La restaurationa été menée par Benoît Lafay, assisté deIrènes Antoine, Isabel Bedos, NathalieBruhière, Isabelle Maquaire, AmélieMéthivier, Violaine Pillard et de StéphaneCrevat, Bruno Perdu et Jean-FrançoisSalles.Le budget total de l’opération est de237 236 € TTC dont 91 254 € pour larestauration du tombeau de Philippe leHardi et 124 742 € pour celui de Jeansans peur. La restauration des tombeaux aété soutenue par la Fondation Getty de LosAngeles à hauteur de 100 000 € et sub-ventionnée par la Direction régionale desaffaires culturelles de Bourgogne

1. Photo : Maud Grandjean

2. Tombeau de Philippe le Hardi,Dimensions des pleurants : H. : 39 à 41 cmPhoto : François Jay © musée des beaux-arts de Dijon

Histoire d’une rénovation (2002-2005)

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Dijon est réellement la capitale dePhilippe le Hardi (règne de 1364à 1404) et de ses successeurs,

Jean sans peur (1404-1419), Philippe leBon (1419-1467) et Charles le Téméraire(1467-1477), même si les ducs, menantune vie itinérante comme les princes deleur temps, parcourant leur duché, attiréspar Paris et de plus en plus par les richesvilles de leurs états des Pays-Bas, n'yrésident pas en permanence.C’est à Dijon que l’on devient duc deBourgogne. Lorsque Philippe le Hardireçoit le duché de Bourgogne, en 1364, ilprête serment à Saint-Bénigne. En 1397,il remet à l’abbé de Saint-Bénigne unanneau orné d’un rubis qui devait êtrepassé au doigt des futurs ducs en signed’alliance. C’est à Dijon, au palais, quenaissent ses trois successeurs.C'est à Dijon, à la chartreuse que Philippele Hardi a fondée en 1385 à Champmolpour y abriter son tombeau, qu’ilsdevront être enterrés.Toujours en place sur le site de lachartreuse, devenu centre hospitalierspécialisé, le Puits de Moïse, autrefoisau centre du cloître des chartreux, leportail de la chapelle, avec le duc etla duchesse présentés à la Viergepar leurs saints protecteurs, rappel-lent que Philippe le Hardi sut attirer àson service, parmi beaucoup d'artistestalentueux, un des sculpteurs les plustalentueux de la fin du Moyen Âge, ClausSluter et que sa ville fut l'un des plus

brillants foyers artistiques des années1400.Pour ses séjours à Dijon, Philippe le Hardia naturellement réutilisé l’hôtel des ducscapétiens. Le palais des ducs, qui abritemaintenant l'hôtel de ville et le musée desbeaux-arts, est toujours le coeur vivant ducentre-ville. Derrière ses façades clas-siques, le palais médiéval est toujours bienprésent. Il ne reste du palais de Philippe leHardi que la tour neuve, appelée depuistour de Bar. Philippe le Bon édifia lesCuisines ducales vers 1430 puis l'impo-sant Logis ducal vers 1450 avec sa tour.Philippe le Bon reprend aussi l'édificationde la chapelle du palais, la Sainte-Chapelle – fondée par le duc Hugues III en1172 et encore inachevée –, reçoit uneprécieuse relique, la Sainte-Hostie etdevient le siège de l'Ordre de la Toisond'Or qu'il fonde en 1430.

Dijon au temps des ducs

Dijon, capitale des ducs de Bourgogne... Le panneau se dresse fièrement à l'entrée de la ville !C'est au temps des ducs, les Capétiens (1016-1361),mais surtout les Valois (1364-1477) que Dijon a pris son essor.

1. Jules Hardouin MansartLa Sainte-Chapelle du palais des ducsde Bourgogne (détail d'une vue du palais en 1688)Paris,bibliothèque de la SorbonneCliché DR

2. Claus Sluter Buste du Christ provenant du Puits de Moïse. Dijon, Musée archéologique

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Dijon est la capitale administrative duduché. Le Trésor des chartes du duchéétait conservé à Dijon, la Chambre duconseil et la Chambre des comptes y ontleur siège. C’est à partir de ces institutionsque la ville prit sa physionomie de capitaleadministrative et judiciaire, qu'elle atoujours aujourd'hui. En faisant installer enhaut de la façade de l’église Notre-Damede Dijon le Jacquemart saisi à Courtraiaprès la bataille de Roosebeke en 1382,Philippe le Hardi manifestait sa confianceaux Dijonnais.La présence de la cour et des artistes auservice du duc joua un rôle dans sondéveloppement économique. En témoi-gnent encore, au cœur de la ville, nombrede maisons médiévales à pans de bois ouen pierre. L'église Saint-Jean, maintenantle théâtre Dijon-Bourgogne, fut édifiée à

partir de 1448 à l'initiative de riches bour-geois dijonnais, avec la participation finan-cière de Philippe le Bon.Dijon, capitale en fête des ducs deBourgogne !

Un rayonnement exceptionnel qui a profondément marqué la ville

Il faut flâner dans les rues de Dijon en pensant auxjoyeuses entrées des ducs ou à la réception que Philippe leHardi donna à son neveu Charles VI, en février 1390. Lespréparatifs commencèrent plus d’un mois à l’avance. Lesrues de Dijon furent nettoyées et décorées. Philippe et sonfils vinrent à la rencontre du roi à Tournus et les deux cours,unies en un seul cortège, firent leur entrée à Dijon ledimanche 13 février. Une grande tente avait été dresséedans le jardin à l’arrière du palais ducal. La municipalitéprésenta six boeufs et cent moutons, Philippe offrit des

objets précieux et des bijoux au roi, aux princes de sonentourage, aux nobles des cours de France et des deuxBourgogne. Un grand banquet se tint dans le palais ducalsomptueusement décoré. Pendant trois jours, des tournoiseurent lieu dans les jardins de l’abbaye Saint-Étienne, sansoublier des réjouissances pour la population de la ville.Philippe fit visiter au roi le chantier alors en cours de lachartreuse de Champmol, avant de l’escorter sur la routede Paris, du 17 au 20 février, jusqu’aux frontières de sonduché.

3. La tour de BarPhoto : Ludovic Charron

4. Jean de Marville et Claus SluterPortail de l'église de la chartreusede ChampmolDijon, Centre hospitalier© Inventaire général, A.D.A.G.P.

5. Les cuisines ducalesPhoto : Philippe Bornier

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Dans le cadre de la rénovation dumusée des beaux-arts, l'appel aumécénat par les entreprises et

les particuliers est indispensable.C'est ainsi qu'une étude préalable à larestauration des deux grands retables debois polychrome et doré qui proviennentde la chartreuse de Champmol vient d'êtremenée. Un soutien financier sera particu-lièrement bienvenu pour une opérationqui, comme celle des tombeaux, s’an-nonce longue, donc coûteuse, mais enmême temps prestigieuse car elleconcerne des œuvres parmi les pluscélèbres du musée.Mais bien d'autres chantiers sont à mener,particulièrement sur la collection médié-vale et Renaissance, qui doit faire l'objetde la première tranche de rénovation dumusée.Les dispositions de la loi du 1er août 2003,relatives au mécénat, aux associations etaux fondations, ouvrent désormais desdispositifs attractifs pour les donateurs.Une entreprise peut ainsi déduire 60 % du

don de l’impôt sur les sociétés, un parti-culier 60 % de son don de son impôt surle revenu.

Le mécénat au muséedes beaux-artsLe musée fait régulièrement appel aumécénat d'entreprise pour soutenir sesexpositions, ses acquisitions et ses res-taurations. Dans ce domaine, plus de100 000 € ont été recueillis auprès de laBNP Côte-d’Or, de la Caisse d'Épargne deBourgogne, de la Fondation Carnot, de laFondation BMW et de Nippon TelevisionNetwork Europe.

La Fondation Gettypour les tombeauxLa restauration des tombeaux des ducs deBourgogne a bénéficié du mécénat de laFondation Getty de Los Angeles, qui déve-loppe un programme de soutien à d'im-portants projets de restauration ou deconservation partout dans le monde.

La contrepartie de ce soutien financierimplique, outre la mention de la FondationGetty, la remise du compte-rendu de res-tauration pour la bibliothèque de l'Institutde conservation Getty.

Les renseignements peuvent êtreobtenus sur les sites Internetwww.culture.gouv.fret www.impots.gouv.fr ou auprès de la mission mécénatdu ministère de la Culture Fax . : 01 40 15 77 07 [email protected]

Jacques de BaerzeRetable de la Crucifixion, 1391 - 1399 Bois doré et polychromé Dimensions : H. : 167 cm - L. : 252 cmL. des volets : 125 cmPhoto : François Jay, lors de l’étude pourla restauration© Musée des Beaux-Arts de Dijon

Le mécénat gage de réussite

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Dijon notre ville – La restauration destombeaux est importante. Comments’inscrit-elle dans la politique de sau-vegarde du patrimoine ?Jean-Pierre Gillot – La restauration destombeaux de Philippe le Hardi et de Jeansans peur ajoute maintenant un éclat sup-plémentaire à cette merveilleuse salle desGardes qui sera ensuite entièrementrénovée. Ces tombeaux précieux etraffinés participent à une démarche patri-moniale au quotidien, à la mise au présentdu passé, question qui conditionne touteapproche du patrimoine et de la mémoire.L’ensemble du palais des ducs, devenuaprès 1477 palais des États, fait toujoursl’objet de soins attentifs : après les travauxspectaculaires sur le portique ouestdominant la place de la Libération, c’est leportique est qui sera dévoilé au mois dejuillet donnant ainsi le départ des transfor-mations du Mba installé dans le palais.L’ensemble de la façade sud, avec cettenouvelle patine retrouvée, met lemonument hors de l’oubli sans le fairetomber dans la sacralisation patrimoniale.

Dnv – Quelles seront les réalisationsprochaines de la ville en faveur de sonpatrimoine ?J.-P. G. – Dans le cadre de la conventionde patrimoine signée entre la ville, l’État etle département il s’agit bien sûr deconserver les traces du passé, de les valo-riser tout en gardant à l’esprit qu’il fautconstruire la ville contemporaine, la villed’aujourd’hui. L’ancienne église Ste-Anne,avec son tambour en pierre et son dômeen cuivre, vient d’être restauré avec leconcours d’entreprises spécialisées.

Actuellement, le cellier de Clairvaux subitun profond remaniement par le dégage-ment de ses fondations et la réouverturedes baies sur la ruelle du Suzon. Ce mou-vement cistercien va prendre une nouvelleallure. À la fin de l’année 2005 les façadesnord du palais des ducs seront nettoyéeset enduites pour assurer l’étanchéité de lachapelle des Élus qui sera entièrementrénovée. Ce regard sur les réalisations dupassé permet de les reconnaître commetraduction de leur histoire politique etsociale. L’extrême diversité du patrimoinelocal exprime le rapport étroit et solide dela société dijonnaise à son histoire et à samémoire.

Dnv – Et l’inscription au patrimoinemondial de l’Humanité dans cecadre…J.-P. G. – La démarche de l’inscription deDijon et du vignoble des côtes de Nuits etde Beaune sur la Liste du patrimoine mon-dial de l’Humanité sous le patronage del’Unesco, participe à l’histoire des usagesdu passé autour de la vigne et du vin. Lesite de la côte, avec ses monuments,existe dans le temps et dans l’espace ainsique dans un contexte culturel. Il a tissé desrelations étroites avec le sol qui le porte,avec les villes et les villages, avec les pay-sages humanisés et naturels dans lesquelsil se situe pour devenir porteur d’un intérêtculturel, spirituel, historique et esthétique.C’est la reconnaissance du regard del’Humanité vers un site d’une valeur ex-ceptionnelle qu’il s’agit maintenant de ga-gner avec l’adhésion la plus large possiblede tous les acteurs attachés à cette terrebourguignonne.

Jean-Pierre Gillotadjoint déléguéau patrimoine

Rénovations restaurations

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