cas clinique en endodontie
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Parution Lettre de la Stomatologie 60 - Novembre 2013TRANSCRIPT
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INTRODUCTIONL’apparition de la rotation continue avec les instruments en Nickel-Titane (NiTi) a été accusée à tort d’augmenter le risque de la frac-ture instrumentale. La fréquence des fractures d’instruments en NiTin’est cependant pas plus importante que celle des instruments enacier (Parashos & Messer, 2006). Il ne faut pas oublier qu’un instru-ment ne « casse » pas tout seul, mais c’est la mauvaise utilisationde l’opérateur qui entraine sa fracture.
Une deuxième idée reçue est que la fracture instrumentale est res-ponsable de l’échec endodontique. Dans une méta-analyse dePanitvisai et coll. (2010) il est démontré que le pronostic du traite-ment endodontique lors de la présence d’un instrument fracturén’est que très peu diminué. Le facteur qui influence le plus l’échecdu traitement endodontique est la présence d’une lésion apicale pré-opératoire. Un fragment instrumental en lui-même est rarement lacause directe du problème. Cependant, il complique l’accès à la par-tie apicale du canal, compromettant la désinfection et l’obturation.
CAS CLINIQUEMOTIF DE CONSULTATION
Mme D. est adressée au service d’endodontie de la Pitié-Salpétrière
par son praticien pour le retraitement endodontique de la dent 46.La patiente se plaint d’épisodes douloureux répétés secteur 4depuis la réalisation du traitement endodontique de cette dent, unan auparavant, par un autre praticien.
ANAMNÈSE
La patiente ne présente pas de problème de santé générale, ni d’al-lergie connue et n’a aucun traitement médicamenteux en cours.
EXAMEN CLINIQUE ET RADIOGRAPHIQUE
La dent est reconstituée par un composite et un ancrage de typescrew-post et présente une fracture coronaire du pan lingual. Elleest légèrement sensible aux tests de percussion et de palpation (Fig.1). Le sondage parodontal est normal. L’examen radiographique(Fig. 2) met en évidence un traitement inadéquat et la présenced’une lésion d’origine endodontique le long de la racine distaleet remontant vers la furcation. De plus, on note la présenced’un instrument fracturé au niveau du 1/3 moyen de la racinemésio-linguale.
(...)
Endodontie Cas clinique en endodontie
réalisé dans le cadre du Diplôme Universitaire Européen d’Endodontologie Clinique (DUEEC)*
par Julie RozéEtudiante en 3ème année au Diplôme Universitaire Européen d’Endodontologie Clinique (DUEEC), sous la direction du Dr Stéphane Simon (Université Paris Diderot-Paris 7)
Assistante Hospitalo-Universitaire (Université Paris Diderot-Paris 7)- Hôpital Pitié Salpêtrière
Master 2 Clinique Buccale Spécialisée (Université Paris Diderot-Paris 7)
Master 2 Recherche (Université Paris Diderot-Paris 7)
Docteur en chirurgie dentaire (Université de Nantes)
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DIAGNOSTIC
L’examen clinique et radiographique permet de poser le diagnosticde parodontite apicale chronique. Noter que la lésion apicaleconcerne la racine distale et non pas la racine mésiale dans laquellese trouve le fragment instrumental. Cette observation confirme le faitque la présence d’un fragment n’est pas directement responsable dela pathologie, mais que seule l’infection endodontique doit être incri-minée.
DÉMARCHE CLINIQUE
Dépose de la restauration corono-radiculaire
La 1ère étape du traitement consiste à déposer le composite et lescrew-post. Le composite est d’abord éliminé avec une fraise dia-mantée sous spray abondant. La tête du screw-post doit resterintacte. Cette partie émergente est vibrée à l’aide d’un insert ultra-sonore dédié au retrait des tenons (insert ETPR (Satelec-France) ouProUltra® (Dentsply Maillefer - France)). Il permet la destruction du
ciment de scellement. Il est ensuite actionné autour du tenon dans lesens anti-horaire (dévissage), jusqu’à l’élimination de ce dernier.
Reconstitution pré-endodontique
La reconstitution de la dent est un préalable indispensable auretraitement endodontique. Elle permet de mettre en place unchamp opératoire étanche et de travailler ainsi dans de bonnesconditions d’asepsie. La reconstitution pré-endodontique permet derétablir une morphologie occlusale et des repères anatomiques afinde faciliter la réalisation de la cavité d’accès. Elle recrée une cavitéà 4 parois, véritable réservoir pour les solutions d’irrigation. La res-tauration autorise la pose d’une restauration temporaire solide etétanche, limitant les risques de percolation bactérienne en inter-séance. Elle renforce les structures dentaires résiduelles et limite lesrisques de fracture coronaire.
Il existe plusieurs moyens de reconstituer les dents (matriçage,bague de cuivre, couronne préformée, bague orthodontique). Lechoix de la reconstitution pré-endodontique dépend du type dedent, du nombre, de la hauteur, de l’épaisseur des parois restanteset de la situation des limites cervicales. Dans notre cas, le choix seporte sur une couronne préformée (Fig. 3).
Pour cela, la dent reçoit une préparation périphérique sommaire :mise de dépouille et réduction occlusale. La couronne préformée estchoisie en fonction de l’espace mésio-distal compris entre les 2dents adjacentes. Elle est préparée par un ajustage proximal, cervi-cal et occlusal. Elle est ensuite scellée sur la préparation au cimentverre ionomère (Fuji IX (GC-Japon)) après avoir protégé les entréescanalaires avec une boulette de coton humide.
Améliorer l’accès coronaire et radiculaire
La cavité d’accès est alors réalisée, à travers la couronne préfor-mée. La plupart des fractures instrumentales sont dues à une mau-vaise cavité d’accès et une élimination insuffisante des contraintescoronaires. L’amélioration de l’accès coronaire est donc une étapeprimordiale.
Les entrées canalaires sont relocalisées et les courbures redressées
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Figure 1: Résultat des tests diagnostics réalisés lors de l’examen clinique(N/A = Non applicable)
Figure 3: Dépose de la restauration corono-radiculaire et reconstitutionpré-endodontique par couronne préformée
Figure 2:
Radiographie pré-
opératoire
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par l’utilisation de foret de Gates. L’instrument est utilisé en bros-sage vertical le long de la paroi de sécurité, de la partie coronairedu fragment vers l’entrée canalaire (travail en retrait). Le but estd’obtenir un accès rectiligne et direct au fragment instrumental(Fig 4).
Tenter le by-pass
Face à la présence d’un instrument fracturé, la technique du by-pass (Feldmann, 1974) (obtenir un passage à côté de l’instrument)est à privilégier. Cette technique est la plus économe en tissus den-taires et donc la moins mutilante. Comme vu précédemment, la pré-sence de l’instrument ne conditionne pas l’échec du traitement, maisle problème réside dans le fait que l’instrument bloque le passagepour l’instrumentation et la désinfection du canal. Si on arrive àpasser à côté de l’instrument et à mettre en forme, désinfecter etobturer le canal, les chances de succès sont bonnes.
Pour cela, on utilise uninstrument de petit dia-mètre (lime K10), et unchélatant en gel (typeGlyde® (DentsplyMa i l l e f e r - F rance ) )(Fig. 5). L’instrumentest inséré dans le canalet actionné avec unmouvement de _ detours en poussée puisretrait. Suite au by-pass de l’instrument,le canal est alors misen forme et irriguéabondamment. Lefragment instrumentalpeut alors être éliminélors de l’irrigation. Uneradiographie permet
d’objectiver le retraitde l’instrument (Fig. 6).Dans d’autres cas, lefragment instrumentalne sera pas éliminé. Ilsera alors inclus dansl’obturation, sans quecela ne réduise le pro-nostic.
Mise en forme, Désinfection, Obturation
Suite au retrait de l’instrument, la perméabilité canalaire est retrou-vée. Les 4 canaux sont négociés puis mis en forme, en respectantles objectifs décrits par Schilder (Schilder, 1974). Les instrumentsProTaper® Universal (Dentsply Maillefer) sont utilisés en séquencemixte : les Shapers S1 et S2 en rotation continue, et les Finishers(F1, F2 +/- F3) manuellement. Entre chaque passage d’instrument,l’hypochlorite de sodium (NaOCl) est renouvelé dans les canaux etla perméabilité est vérifiée. En fin de mise en forme, un rinçage estréalisé à l’hypochlorite de sodium. L’excédent est aspiré, puis lescanaux sont remplis d’une solution d’EDTA à 17%, activée sonique-ment (EndoActivator®, Dentsply Maillefer) pendant 1 minute. Unrinçage final par une solution de NaOCl est effectué, activée à sontour pendant 30 secondes. Enfin, les canaux sont séchés, puis obtu-rés par compactage vertical de gutta chaude (Schilder, 1967) (Fig.7).
La patiente est ensuite réadressée à son praticien pour la réalisationd’un inlay-core et d’une couronne provisoire afin de maintenirl’étanchéité coronaire (Ray & Trope, 1995). La patiente sera convo-quée dans 6 mois pour contrôler l’évolution de la lésion.
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Figure 4: Mise en évidence du fragment instrumental sous microscope
après amélioration de l’accès coronaire
FigureFigure 5: 5: Un Un passage passage à à côté côté de de l’instrument l’instrument est esttentétenté à à l’aide l’aide d’une d’une lime lime fine fine (K10) (K10) et et d’un d’un gel gelchélatantchélatant (Glyde®) (Glyde®) (Document (Document S. S. Simon, Simon, 2009) 2009)
Figure 6: Radiographie per-
opératoire objectivant le
retrait du fragment instru-
mental
Figure 7: Radiographies post-opératoires orthocentrée et défilée
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En cas d’échec du by-pass
La technique du by-pass a l’avantage d’être économe en tissu den-taire, et de ne pas nécessiter de matériel supplémentaire. Elle seraplus efficace si l’instrument fracturé est une lime manuelle de petitdiamètre et de faible conicité. Dans le cas d’un instrument rotatif demise en forme, le diamètre et la conicité de l’instrument sont telsqu’il remplit l’espace canalaire et le by-pass sera difficile à obtenir.Dans leur étude, Al Fouazan et coll. (2003) ont montré que seule-ment un 1/3 des instruments ProFile® fracturés dans le 1/3 moyenou 1/3 apical du canal avaient pu être by-passés. Il faudra alorsutiliser d’autres techniques qui consistent à éliminer l’instrumentfracturé pour libérer le passage et permettre ensuite la mise enforme, désinfection et obturation du canal traité.
Pour ces techniques complémentaires, l’utilisation d’un microscopeopératoire est indispensable, car le praticien doit visualiser parfai-tement son geste. La première étape consiste à réaliser une plate-forme circonférentielle (Fig. 8), afin de centrer l’instrument à élimi-ner. Pour cela, on utilise un foret de Gates dont le diamètre desection maximum est légèrement plus large que le fragment à élimi-ner. La pointe du foret est coupée perpendiculairement à son grandaxe, au niveau de son diamètre de section le plus large (Ruddle,2004). Le foret est inséré et dirigé apicalement jusqu’au contact dufragment instrumental. Cette plateforme circonférentielle va faciliterl’introduction et le travail des inserts ultra-sonores. Un premierinsert US est utilisé pour dégager circonférentiellement la partiecoronaire de l’obstruction sur environ 2 mm. Il faut éviter au maxi-mum de toucher le fragment instrumental qui pourrait se fracturer ànouveau. Ensuite, un insert US plus fin (type ProUltra® 7 ou 8(Dentsply-Maillefer)) est actionné dans le sens anti-horaire afin demobiliser le fragment et l’évacuer.
Attention : Dans le cas d’un instrument d’obturation (Lentulo outhermocompacteur) ou encore de certains instruments rotatifs utili-sés avec un mouvement de réciprocité (ex. WaveOne® ouReciproc®), il faudra utiliser un mouvement horaire pour dévisserces éléments car leur pas de vis est inversé.
Enfin, dans certains cas, les vibrations US ne seront pas suffisantespour permettre le retrait du fragment. Il existe sur le marché plu-sieurs systèmes de préhension conçus pour saisir le fragment instru-mental. Le but est de bloquer l’instrument à l’intérieur d’un micro-tube, soit à l’aide d’un pointeau (Micro Kit de Masseran®, MicroMega ; IRS®, Dentsply; Endorescue®, Komet), soit par une colle(Cancelier). Ce dernier système (tube + colle) a été utilisé dans lecas clinique n°3 du Dr Marjorie Zanini, également étudiante en3ème année au DUEEC (Fig. 9). Un instrument rotatif a été fracturésur pratiquement toute sa longueur dans une canine. Le tube est misen place autour de la partie coronaire du fragment, nettementvisible et accessible. Le composite auto-polymérisable est injecté.Après polymérisation du matériau, le tube est retiré et l’instrumentest évacué.
CONCLUSION
Il existe un large panel de méthodes pour le retrait des instruments
fracturés (Madarati et coll., 2013). Cependant, ces méthodes impo-
sent d’être réalisées sous contrôle visuel (microscope) et nécessitent
du matériel spécifique, du temps et de l’expérience afin d’être effi-
caces. C’est pourquoi la meilleure gestion des instruments fracturés
reste la prévention, en respectant rigoureusement les protocoles de
mise en forme canalaire (cavité d’accès, sécurisation de la trajec-
toire canalaire, etc.). D’autre part, pour des raisons d’asepsie, on
tend vers un usage unique des instruments, ce qui réduit également
le risque de fracture instrumentale par fatigue cyclique.
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(...)
Figure 8: Retrait d’un instrument rotatif aux Ultra-sons (Schémas C. Ruddle,
2004)
Figure 9: Retrait d’un instrument fracturé par la technique tube + colle
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Simon, S. & Machtou, P. (2009). Endodontie Volume 2 : Retraitement.
Editions CdP, Paris.
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Endodontie
* Le Diplôme Universitaire Européen d’Endodontologie Clinique
(DUEEC) fait suite à la validation d’une 1ère année de Diplôme
Universitaire Européen d’Endodontologie (DUEE), où l’étudiant
acquiert une formation poussée sur les bases fondamentales de
l’endodontie, en clinique, ainsi qu’en endodontie régénératrice.
L’enseignement du DUEE associe des séminaires préparés en
groupe de 4 étudiants avec présentations en anglais, des travaux
pratiques, et quelques cours magistraux effectués par des ensei-
gnants de plus de 15 universités françaises, européennes et améri-
caines. Pendant les 2 années suivantes (DUEEC), le programme
hebdomadaire comprend cinq vacations cliniques encadrées par
des seniors de la discipline, la conduite d’un projet de recherche
individuel, des cours magistraux, des revues de littératures et des
staffs cliniques. Le programme complet (DUEE + DUEEC) répond
aux critères d’accréditation de la Société Européenne
d’Endodontologie (agrément en cours).
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