SCANDALEUSE PASSION

CAITLIN CREWS

Scandaleuse passion

CAITLIN CREWS

Traduction française deHÉLÈNE ARNAUD

Titre original :UNDONE

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© 2018, Caitlin Crews.© 2019, HarperCollins France pour la traduction française.

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Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.

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Réalisation couverture : E. COURTECUISSE (HarperCollins France)

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HARPERCOLLINS FRANCE83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47www.harlequin.fr

ISBN 978-2-2804-1713-6

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Tout le monde avait voulu dissuader Maya Martin de partir en Italie.

On lui avait répété que c’était une mauvaise idée et qu’elle finirait par le regretter.

— Tu vas te retrouver toute seule là-bas, tu n’auras personne à qui parler ! lui avait dit Melinda, sa grande sœur.

Comme toujours, elle voulait la protéger. Elle était révoltée qu’on ait pu lui faire tant de mal.

Maya ne pouvait lui donner tort. Elle aussi était révoltée – ou furieuse, même si elle cachait peut-être une douleur plus profonde – depuis qu’Ethan était venu piétiner tous les projets qu’ils avaient faits ensemble.

— Tu ne peux tout de même pas partir en lune de miel toute seule ! Ça va te rendre folle !

— Plus que d’avoir été abandonnée devant l’autel ? avait répliqué Maya. Je ne vois pas ce qui pourrait être pire que le moment que je viens de vivre…

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Elle s’était campée devant sa sœur, avec son chignon de mariée et son maquillage de fête, prête pour la cérémonie que l’on venait d’annuler.

Melinda avait fait la grimace. L’argument n’avait pas eu l’air de la convaincre, et pourtant, les faits étaient là, irréfutables.

À quelques heures de leur mariage, Ethan était venu avouer à Maya qu’il n’était pas amoureux.

Pas d’elle, en tout cas…— Nous avons toujours été les meilleurs

amis du monde, non ? avait-il commencé avec enthousiasme, les yeux pétillants.

Mais sans aucune tristesse dans la voix, un détail dont Maya remarquerait l’importance plus tard.

Elle l’avait écouté, vêtue du beau déshabillé de soie acheté spécialement pour le matin du mariage. Sa coiffure était enfin achevée, tout comme son maquillage sophistiqué qui serait parfait pour les photos. Elle était sur le point d’enfiler sa splendide robe blanche quand Ethan avait fait irruption, après avoir réussi à forcer le barrage de Melinda et de sa mère. Parce que, c’est bien connu, le fiancé ne doit pas voir sa promise avant la cérémonie, ça porte malheur… Or les Martin ont toujours respecté les traditions.

Superstition ou pas, la suite leur avait donné raison : ça leur avait bel et bien porté malheur.

— Bien sûr, pourquoi me dis-tu ça ? avait répondu Maya en lui souriant avec tendresse.

Elle n’avait rien vu venir. Elle ne pensait qu’à

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cette amitié qui l’unissait à Ethan depuis toujours. Après leurs études, ils avaient été engagés dans le même cabinet d’avocats de Toronto, avaient travaillé sur des dossiers ensemble et étaient devenus de plus en plus proches. Combien de soirées, combien de week-ends studieux avaient-ils passés avant d’emménager ensemble dans un appartement du quartier chic de Yorkville, un an plus tard ? Et puis, Ethan lui avait demandé sa main, tout naturellement, et pour Maya, cela avait été la suite logique de leur histoire parfaite.

Depuis toujours, elle menait sa vie tambour battant. Elle appartenait à la famille Martin et savait qu’elle ne pouvait viser que l’excellence ; de son enfance dans le beau quartier de Lawrence Park, à Toronto, jusqu’à ses études de droit à McGill, à Montréal. Un petit mot glissé à un ami influent de son père, et elle était devenue associée dans l’un des plus grands cabinets d’avocats du pays.

Ethan avait eu sa place dans ce schéma. Il était brillant, beau et ambitieux et leur vie commune s’enrichissait d’intérêts communs : ils passaient tous deux du temps à la salle de gym, partaient à la campagne quand leurs emplois du temps le leur permettaient et avaient la même vision très précise de l’avenir qu’ils voulaient construire ensemble.

Maya et Ethan formaient un couple logique, c’était aussi simple que ça.

— Je sais que je peux tout te dire, même si je

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reconnais que le moment est mal choisi, avait poursuivi Ethan ce matin-là.

Il s’était assis à côté d’elle sur le canapé de la suite qu’elle avait louée au Four Seasons. Toronto s’étendait à leurs pieds. Il lui avait pris les mains et avait caressé du pouce le diamant de chez Birks qu’il lui avait passé au doigt le jour où il avait fait sa demande, dans l’un de leurs restaurants favoris.

— Je suis tombé amoureux, Maya.Même à cet instant, elle ne s’était doutée de

rien. Elle restait concentrée sur l’avenir qu’ils avaient peu à peu élaboré pendant leurs repas et leurs séances de jogging. D’abord, ils assureraient leurs revenus au sein du cabinet d’avocats. Puis, quand leur situation serait devenue vraiment confortable, ils s’installeraient dans un beau quartier comme Rosedale ou Lawrence Park pour commencer à fonder une famille et poursuivre la tradition d’excellence des Martin. Tous les Martin étaient soit avocats comme elle, soit médecins comme Melinda, ou encore professeurs comme leurs cousins ou chefs d’entreprise comme leur père. Tous travaillaient dur et avaient le don de réussir ce qu’ils entreprenaient, ce qui leur donnait droit à une existence dorée…

Silencieuse, Maya avait encore souri à l’homme qu’elle allait épouser, avec qui elle travaillerait et ferait des enfants. Celui qui partagerait son bonheur.

— Nous n’avions pas du tout prévu que ça

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se passe comme ça, avait poursuivi Ethan de cette voix engageante qui lui faisait remporter tant d’affaires. Lorraine et moi, cela nous rend malades de te faire du mal, mais nous n’y pouvons rien. Les gens tombent amoureux, parfois, au plus mauvais moment…

À la mention du nom de sa meilleure amie, Maya avait froncé les sourcils.

— Quoi ? Pourquoi me parles-tu de Lorraine ?Lorraine avait été sa colocataire à l’université

McGill. Par la suite, quand elle avait été chassée de son appartement, Maya lui avait proposé de s’installer chez elle. Elle lui avait prêté de l’argent chaque fois qu’elle en manquait et s’était souvent disputée avec Ethan, qui lui reprochait de ne pas se débarrasser de « ce boulet à son pied ». Pendant plusieurs années, Maya avait aidé son amie à traverser les multiples crises qui jalonnaient sa vie – des emplois qu’elle perdait aux relations amoureuses qu’elle sabotait sys-tématiquement. Elle avait même décidé de la choisir comme demoiselle d’honneur plutôt que sa sœur, craignant d’avoir à affronter le désespoir larmoyant de cette fille fragile et susceptible.

— Je ne veux pas qu’elle se sente rejetée, avait-elle expliqué à Melinda, qui avait quatre ans de plus qu’elle et avait assisté à un certain nombre de crises signées Lorraine. Tu sais comment elle est !

Le pire, c’est que Melinda avait compris…À présent, Maya était horrifiée par cette

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décision, comme par toutes celles qu’elle avait prises concernant Lorraine.

Jamais elle n’aurait pensé que son amie pour-rait aller aussi loin.

D’ailleurs, elle ne savait pas quelle partie de l’équation l’écœurait le plus  : Ethan, Lorraine ou son propre aveuglement. Impardonnable.

Ethan s’était redressé avec ce petit air confiant et un peu hautain qui avait tant joué dans l’atti-rance de Maya à son égard.

— En fait, nous avons beaucoup réfléchi et nous avons conclu qu’il ne fallait pas attendre. Nous sommes sûrs que tu comprendras que c’est la meilleure chose à faire.

Ce qui s’était passé ensuite se noyait dans un brouillard opaque.

Saisie de stupeur, elle avait regardé la robe blanche qui, étendue sur le lit, attendait d’être enfilée. Elle l’avait choisie avec sa mère et sa sœur : une robe de conte de fées, conforme à ce qui convenait à une fille Martin… Lors des essayages, sa mère avait paru fière, pour une fois, et Melinda l’avait contemplée en souriant, sans doute parce qu’elle se rappelait son propre mariage, quelques années plus tôt. Maya avait à cœur de poursuivre la tradition familiale : la robe était somptueuse et elle l’adorait. Pas uniquement parce qu’elle « donnait le ton », comme l’avait dit sa mère avec sa froideur coutumière. Non, elle l’adorait parce qu’elle s’imaginait dedans, en train de marcher vers l’autel ou de danser

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jusqu’au petit matin. Elle s’était vue enveloppée de tout ce blanc, tel un halo précieux.

Et maintenant, elle voulait la brûler !Encore incrédule, elle s’était tournée vers

Ethan, mais celui-ci paraissait des plus sérieux ; il ne changerait pas d’avis. Il était vraiment en train d’annuler son propre mariage à quelques heures de la cérémonie.

Alors tout était devenu flou dans l’esprit de Maya. La seule chose dont elle se souviendrait par la suite, c’était ce qu’il lui avait dit quand il avait cessé de faire mine de s’inquiéter pour elle. Il s’était mis à lui expliquer sans détour qu’en fait, il n’avait plus de sentiments pour elle depuis longtemps. Et qu’il se demandait même s’il l’avait jamais aimée.

— C’est peut-être une question de sexe, avait-il lâché avec un sourire mauvais qui l’avait transformé en parfait inconnu.

Le genre d’inconnu capable de coucher avec la meilleure amie de sa fiancée et d’annuler son propre mariage au dernier moment.

— De sexe… ?— Oui. Tu sais comme moi que tu aimes

plutôt le sexe vanille, pantouflard. C’est très bien, c’est ton droit… Mais moi, je ne veux pas m’enchaîner à une femme qui n’est pas capable de satisfaire mes besoins !

— Quoi ? s’était étranglée Maya, incrédule. Qu’est-ce que ça veut dire, Ethan ? Lorraine aime le sexe anal, c’est ça ? Elle te laisse t’adonner à

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un fétichisme du pied que tu m’aurais caché ? Non, laisse-moi deviner : elle s’habille en petite fille et t’appelle papa ? C’est ça que tu aimes ? Tu m’avais pourtant dit que tu préférais les femmes mûres, pas les grandes gamines qui passent leur temps à se gâcher la vie, quoi qu’elles fassent !

Ethan s’était contenté d’afficher un sourire très digne, comme s’il avait la morale pour lui.

— Je comprends ce besoin infantile de m’attaquer, avait-il répondu. J’imagine que je l’ai mérité… Mais je refuse de t’entendre parler de Lorraine de cette façon.

À ces mots, Maya avait retiré la bague de fiançailles qu’elle avait au doigt depuis le jour où il lui avait fait sa demande pour la lui jeter au visage.

— Va-t’en ! Va-t’en ! Va au diable ! Je ne veux plus jamais te voir…

Il s’était éclipsé sans demander son reste. Toujours affublée de sa coiffure de mariage sophistiquée que seule une tornade pouvait faire bouger, Maya avait enfilé un jean et un T-shirt.

Au même instant, sa sœur avait fait irruption dans la chambre.

— Que se passe-t-il, Maya  ? s’était-elle exclamée. Pourquoi ces cris ? Ethan est parti, je l’ai vu passer comme une tornade, mais il n’a rien voulu me dire…

Encore tremblante de rage et d’horreur, humiliée, furieuse, Maya avait fait appel à tout le sang-froid qui lui était si précieux dans son

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métier pour lui exposer la situation d’une voix calme et contrôlée. Il fallait renvoyer les invités, tous ces gens venus de si loin pour assister à un mariage qui n’aurait jamais lieu.

Son père qui s’en était occupé. Il avait fait l’annonce dans l’église déjà remplie par la famille, les amis et, plus gênant encore, les collègues de travail.

Sa mère avait accusé le coup quelques instants, puis retrouvé sa façade austère et froide, comme si rien d’exceptionnel n’était arrivé. Rien qu’elle ne pût tourner à son avantage, en tout cas.

— Il faut que tu reviennes vivre à la maison, lui avait-elle dit un peu plus tard. Ton père et moi, nous sommes tout à fait prêts à t’accueillir en attendant de trouver la meilleure solution possible à tout ça.

— Il n’en est pas question. Je resterai dans mon appartement.

Debout face aux fenêtres de sa suite d’hôtel – la suite nuptiale, se dit-elle avec écœurement, comme si elle éprouvait le besoin de retourner le couteau dans la plaie –, elle contemplait sans la voir la ville de Toronto qui s’étendait à ses pieds. Une ville qui avait l’air de se moquer d’elle.

Pourtant, étonnamment, Maya s’apercevait qu’elle n’avait pas le cœur brisé. Elle était vexée, en colère, mais pas « déchirée ». Elle en voulait à Ethan, mais n’avait aucune envie de le voir revenir soudain sur sa décision. Au contraire, elle se sentait comme soulagée d’un poids.

— Si Ethan veut me quitter pour Lorraine,

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c’est son droit, poursuivit-elle d’une voix ferme. Mais ça veut dire qu’il va aussi devoir quitter l’appartement. Et je préfère ne pas être là quand il remballera ses affaires…

Elle esquissa un sourire. Elle savait que devoir partir mettrait Ethan hors de lui.

— Et il n’est pas question non plus que je renonce à ce voyage en Italie sous prétexte que je ne me marie plus…

Elle s’amusa de voir ses parents et sa sœur demeurer bouche bée à cette annonce.

— Nous avons réservé un mois sur la côte d’Amalfi, enchaîna-t-elle en sentant que sa colère se muait peu à peu en une détermination inébranlable. Ce sera ma première vraie pause depuis la fac. Certes, c’était censé être une lune de miel, mais je ne vais pas y renoncer sous prétexte qu’Ethan s’est révélé être un enfoiré.

— T’enfuir quelque part toute seule est vraiment la pire décision que tu puisses prendre en ce moment, rétorqua sa mère.

Mais il était trop tard. Maya était résolue à partir et rien ne la ferait changer d’avis. En fait, elle se raccrochait à l’Italie comme à une bouée de sauvetage. Elle avait besoin de réfléchir, de reprendre ses esprits après ce coup dur et s’en aller à des milliers de kilomètres lui semblait la meilleure façon de prendre du recul.

Au travail, elle savait être convaincante. C’était son métier. Et pour cela, bien sûr, elle ne cédait jamais aux émotions. Ce fut cette femme-là, la

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fille que son père et sa mère avaient élevée à leur image, qui parvint à faire entendre sa voix devant la famille réunie, malgré le tremblement de terre qu’elle venait de subir.

— Très bien, si c’est vraiment ce que tu veux…, finit par soupirer sa mère.

Melinda s’obstina à combattre sa décision de toutes ses forces, enrôlant même son mari dans la lutte, mais sans succès. Ses parents avancèrent des arguments rationnels, là encore en pure perte. La jeune femme tint bon.

Elle avait besoin de partir. Elle avait besoin de mettre le plus de distance possible entre elle et cette débâcle, et de réfléchir à ce qui l’attendait ensuite. Il lui fallait du temps pour se tracer un nouveau chemin, un nouveau projet de vie, chose qu’elle ne pourrait faire si elle restait au milieu des ruines de son passé.

Lorsque Ethan revint frapper à la porte de la suite, elle refusa de lui ouvrir. Sans se montrer, elle envoya son père l’informer qu’elle se servirait des deux billets d’avion et de la chambre qu’ils avaient réservée dans un hôtel de charme de la chaîne St. George, et qu’il devrait profiter de son absence pour vider l’appartement de toute trace de son existence.

Le père revint bientôt en disant qu’Ethan n’avait pas bien pris la nouvelle. Maya s’en doutait. Il eut un petit sourire en rapportant l’incident à la famille, ce qui représentait le plus

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fort débordement d’émotion que cet homme austère et digne se soit offert depuis longtemps.

L’un des avantages de sa décision de quitter Toronto, songea-t-elle le lendemain en regardant le siège vide à côté d’elle, c’était qu’il n’y avait plus personne pour la dévisager et lui demander comment elle allait. Absolument personne. Ici, dans cet avion qui traversait l’Atlantique, elle n’était qu’une femme en voyage, semblable à n’importe quelle autre femme en voyage, et elle ne risquait pas de mourir de honte à chaque instant.

Elle atterrit à Francfort le lundi matin et prit un second avion pour Naples. Lorsque le taxi la déposa enfin dans le petit village à flanc de falaise de la côte d’Amalfi, face à la mer Tyrrhénienne, elle était rompue de fatigue.

Elle remarqua à peine le décor qui l’entourait. Son cerveau enregistra vaguement la présence de murs blancs éclatants et d’un coucher de soleil rose et bleu à travers les fenêtres du hall d’entrée. Elle rassembla le peu d’énergie qui lui restait pour répondre à l’élégante réceptionniste qui lui souriait.

— Vous avez réservé la suite nuptiale, Signora, lui disait la jeune femme dans un anglais chan-tant. Pourtant, je vois que vous êtes seule…

Maya la dévisagea. Elle venait de voyager vingt-quatre heures d’affilée. Elle avait affronté la pire humiliation de sa vie, même si elle n’en avait pas encore saisi toutes les implications. Elle

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avait perdu sa meilleure amie et son fiancé d’un seul coup, non parce qu’ils étaient morts dans un accident tragique (auquel cas elle aurait pu pleurer leur perte), mais parce qu’ils l’avaient trahie. Bien vivants, ils devaient désormais filer le parfait amour et pouvaient se reposer l’un sur l’autre.

Elle, en revanche, se retrouvait seule pour assumer les conséquences de leurs actes.

Les miroirs vénitiens installés derrière le comptoir lui renvoyèrent son image et elle s’aperçut avec surprise qu’elle avait toujours son élégant chignon de mariée, à peine défraîchi par le voyage.

Elle se détourna de ce monument capillaire à son humiliation – qu’elle s’empresserait de détruire dès qu’elle serait dans la chambre – et contempla son interlocutrice, qui attendait patiemment une réponse.

— En effet, je serai seule, répondit-elle.La femme demeura un instant interloquée,

puis elle acquiesça avec professionnalisme.— Parfait, Signora.Maya suivit un garçon d’étage dans un immense

escalier qui parut interminable à son pauvre corps épuisé, puis dans un long couloir à la décoration élégante. Le jeune homme s’arrêta à son extrémité et ouvrit une double porte qui donnait sur un appartement spacieux et élégant, dont le blanc éclatant était relevé de touches de bleu.

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Maya s’approcha de la baie vitrée. La mer s’étendait devant elle et, avec le ciel qui se parait des mille couleurs du couchant, le spectacle était splendide. Cependant, elle n’était pas en état d’en profiter. À peine la double porte refermée, elle se jeta tout habillée en travers du grand lit à baldaquin et s’endormit aussitôt.

Elle dormit comme une souche et ne se réveilla que le lendemain, pour constater qu’elle se trou-vait en Italie, le plus loin possible de Toronto.

Ça, c’était la bonne nouvelle.Mais il y en avait aussi une mauvaise. En

regardant sa main, elle vit qu’elle n’avait plus de bague à son annulaire, et que l’on distinguait même une marque claire là où, la veille encore, s’était trouvé l’anneau de fiançailles. Ce mariage tant attendu s’était transformé en désastre. Elle se traîna jusqu’à la salle de bains et, après s’être contemplée un long moment dans le miroir, prit une longue douche bienfaisante qui rendit à ses cheveux leur aspect naturel. Lorsque son visage fut de nouveau entouré de ce halo de volumi-neuses boucles noires qu’elle aimait tant, elle retourna dans le petit salon. Alors, enfin, elle sortit sur le balcon qui courait tout le long de la suite et s’extasia devant le golfe de Salerne. Illuminée par un frais soleil de novembre, la mer Tyrrhénienne étendait à perte de vue son bleu profond. Elle prit sa première vraie inspiration.

Puis une deuxième. Et encore une autre, jusqu’à ce qu’elle commence à se sentir, non pas

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elle-même, mais autre chose que la boule de colère et de honte qu’elle était depuis le samedi.

Avec Ethan, la première chose que l’on faisait lorsqu’on partait en vacances était de programmer chacune des sorties que l’on ferait. Ethan avait toujours été un obsédé des excursions. Donc, la première chose que fit Maya, après avoir bu un délicieux petit espresso (plutôt trois), fut de partir au hasard pour découvrir le vieux village qui s’accrochait à sa falaise escarpée, sans idée précise de l’ordre dans lequel elle allait l’explorer ni des lieux qu’elle devrait absolument visiter. Elle descendit les vieilles marches de pierre inégales taillées à même la montagne jusqu’à la plage rocheuse. Puis elle remonta et flâna de boutique en boutique dans les rues du village. On était hors saison et une partie des commerces étaient fermés, mais elle trouva néanmoins un endroit où s’asseoir pour boire un cappuccino, qu’elle accompagna d’une pâtisserie dont elle ignorait le nom mais qui avait un goût divin. Elle passa ainsi sa matinée à profiter du soleil italien, sans se soucier de la liste des dix-plus-beaux-sites-à-voir qu’Ethan lui aurait brandie sous le nez pour l’entraîner de l’un à l’autre en une marche forcée, toujours terrifié par l’idée de rater quelque chose.

Ce fut un peu plus tard, à l’occasion d’un paisible déjeuner pris sur une terrasse qui surplombait le village, qu’elle consacra du temps à contempler ce qui restait de sa vie.

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Son père avait donné une semaine à Ethan pour quitter l’appartement. À coup sûr, il en changerait les serrures, sachant que Maya avait manifesté son intention d’y vivre, une fois toute trace de son fiancé éliminée. Une personne bien chercherait sans doute à renouer tôt ou tard le dialogue avec lui, songea-t-elle en contemplant le bleu des vagues. Oui, une personne correcte tenterait d’invoquer un semblant d’empathie pour le couple qu’ils avaient formé.

Peut-être pas tout de suite, mais plus tard.Seulement, Maya n’était pas certaine de trouver

cette force. Elle n’avait même pas versé d’autres larmes que les quelques sanglots de colère émis pendant la dispute dans la suite nuptiale, quand elle s’imaginait encore pouvoir l’infléchir et le convaincre de l’épouser malgré tout.

Non, elle n’avait pas vraiment pleuré depuis. N’était-ce pas là une preuve suffisante qu’Ethan avait bien fait de la quitter ? Une personne normale n’aurait-elle pas pleuré dans une situation pareille, durant les vingt-quatre heures qu’avait duré le voyage jusqu’en Italie ? Et en cet instant, Maya n’aurait-elle pas dû être allongée dans le noir ou, au moins, rester cloîtrée dans sa douleur ?

N’était-ce pas sa faute à elle, au fond, si tout cela était arrivé ?

Elle se rendit compte qu’elle était incapable de répondre à toutes ces questions. Parce qu’une seule chose tournait en boucle dans son esprit, une petite chose qu’Ethan avait affirmée et qui

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l’avait blessée au plus profond d’elle-même : il s’ennuyait au lit avec elle. Au cours de la discussion, il l’avait accusée de préférer son vibromasseur à un homme en chair et en os. Cette remarque avait été suivie d’un nouveau commentaire sur sa prédilection pour le sexe vanille. Alors qu’à bien y réfléchir, toutes ces règles qu’ils suivaient lorsqu’ils étaient ensemble, c’était lui qui les avait instaurées, pas elle  : les douches qu’ils devaient prendre tous les deux avant de faire l’amour, la planification des rapports, les zones qu’elle avait le droit de toucher ou non… Oui, décidément, l’accusation ne tenait pas la route. Et elle était injuste, même si, c’était vrai, Maya trouvait plutôt satisfaisante sa vie sexuelle avec Ethan. Elle aimait bien faire l’amour, tout comme elle avait apprécié ses précédentes expériences amoureuses, mais en se demandant toujours pourquoi les films et les romans parlaient de cela comme d’une chose bouleversante, épous-touflante ou pleine de passion. Oui, les auteurs de fiction exagéraient toujours, évidemment, la vraie vie était plus terne que les histoires…

Maya avait toujours été une femme d’action, elle n’avait que faire des émotions. Ce qu’elle ressentait à présent était davantage de l’humi-liation que du chagrin. Elle savait qu’elle aurait du mal à l’effacer et il lui était pénible d’anticiper ce qui l’attendrait à son retour à Toronto, après le nouvel an. On ne pourrait pas réparer ce qu’Ethan et Lorraine avaient brisé, c’était sûr.

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Seulement, elle n’avait pas l’intention de se transformer en une nouvelle Miss Havisham, la mariée éconduite des Grandes Espérances, de Charles Dickens ! Cela aurait donné une victoire éclatante à Ethan, et il était hors de question qu’il gagne. Elle allait se prouver que, si l’un des deux pouvait être qualifié de pantouflard au lit, ce n’était certainement pas elle.

Ce fut donc en ce premier jour de vacances, sur cette terrasse ensoleillée, qu’elle prit la décision de sortir et de s’offrir toutes sortes d’aventures, des expériences sexuelles que l’austère Ethan aurait bien sûr trouvées révoltantes.

De toute manière, sa vie était déjà brisée. Elle n’avait plus rien à perdre et, sachant que per-sonne ne la connaissait ici, qui sait, elle finirait peut-être par apprendre que demander grâce en pleine extase était bien plus drôle qu’elle le pensait.

En tout cas, ce ne serait pas ennuyeux.Quand elle remonta la falaise en emprun-

tant les mille et une marches de l’interminable escalier médiéval, ce fut d’un pas un peu plus léger. Elle arriva au sommet essoufflée mais heureuse, et regagna l’hôtel. L’immense bâtisse de grès rose s’élevait, gracieuse et élégante, et Maya prit le temps d’admirer les jardins en terrasses remplis de bougainvillées et d’autres fleurs qu’elle n’aurait su identifier.

Son regard s’arrêta aussi sur l’homme qui était en train de réparer une barrière.

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Il ne correspondait absolument pas au genre d’hommes qu’elle fréquentait à Toronto, mais, se dit-elle, n’avait-elle pas passé sa vie à s’intéresser aux choses qu’elle estimait devoir apprécier, et non à celles qui l’attiraient vraiment, en fin de compte ? Le jardinier avait la même beauté rude que la côte rocheuse de la région : sauvage, et sans rien de raffiné. Il ne faisait pas très chaud et pourtant, il travaillait torse nu et exposait des muscles qui rappelèrent à Maya les statues antiques qu’elle aimait admirer dans les musées. Elle sentit sa gorge s’assécher en détaillant les tatouages qui partaient de l’un des biceps, se poursuivaient sur l’épaule et transformaient le large dos en œuvre d’art.

Le jean descendait bas sur les reins de l’homme et Maya passa un peu plus de temps que néces-saire à admirer la courbe ferme des fesses, les cuisses puissantes, et même les bottes usées qu’il portait.

Une onde de chaleur de chaleur la traversa alors. Pour la première fois, quelque chose venait percer le bouclier de glace et de colère dont elle s’était parée depuis l’instant où Ethan lui avait avoué sa relation avec Lorraine.

Elle s’accrocha désespérément à cette sensa-tion nouvelle.

L’homme transpirait et le soleil faisait briller ses cheveux courts et dorés. Il avait un début de barbe couleur fauve et ses gants de travail étaient usés. Il dut sentir sa présence dans son

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dos, car il se retourna soudain vers elle, et elle eut la chair de poule.

Ses yeux étaient aussi bleus que le ciel italien et que la mer au bas de la falaise…

Tous les hommes avec lesquels Maya était sortie depuis son adolescence semblaient avoir été créés sur le même moule. La jeune fille savait ce qu’attendait sa famille et elle s’était toujours efforcée de la contenter. Les Martin étaient la fleur de la société, ils attiraient le meilleur et ne cherchaient qu’à briller. Ethan entrait dans le cadre, il avait son rôle dans cette aspiration à l’excellence. Il était aussi travailleur que Maya et avait rencontré les mêmes succès. Il avait tout ce qu’elle recherchait chez un homme, de sa carrière florissante à son corps athlétique de coureur.

L’homme qu’elle contemplait en cet instant n’était certainement pas un coureur. À le voir, on pouvait se dire que l’expression brut de décoffrage avait été inventée pour lui.

— Pendant que tu y es, tu n’as qu’à prendre une photo, poupée  ! lança-t-il avec un accent du sud des États-Unis qui fit frissonner Maya.

Elle se sentit fondre. Comme du beurre chaud. Pourtant, personne ne l’avait jamais appelée poupée et elle avait cette expression en horreur – surtout venant d’un inconnu. Elle n’était pas un objet ! Or dans la bouche de cet homme-là et avec cet accent-là, le mot devenait délicieux.

N’écoute pas l’ancienne Maya, se rappela-t-elle.

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La femme abandonnée en public par son fiancé n’existait plus. Elle était morte à l’instant où elle avait dû annuler son propre mariage.

La nouvelle Maya n’avait pas besoin de se demander ce qui était bon pour elle ou non. Elle n’était pas obligée de se soucier de sa répu-tation ni de ce qu’allaient penser ses parents. Elle n’avait pas à craindre qu’on la juge, que l’on parle d’elle dans son dos, qu’on se serve de ses choix pour spéculer sur son compte. Elle n’était plus entourée par tous ces gens qui l’observaient en permanence, à la recherche de la moindre faille dans son armure, du moindre prétexte pour pouvoir entacher ses succès.

Ici, elle n’avait plus d’armure. Mieux encore, personne en Italie ne savait qui elle était ni ce qu’elle avait laissé derrière elle. On n’estimait pas qu’elle aurait dû être triste et brisée.

— D’accord, s’entendit-elle répondre.Elle plongea la main dans sa poche et en tira

son téléphone, qu’elle tint devant elle avec un grand sourire pour appuyer sur le bouton.

— Voilà : la photo est prise ! Et maintenant, que me proposez-vous ?

Jamais encore elle ne s’était permis de se comporter de la sorte. De flirter effrontément avec un inconnu.

Honteusement, renchérit, à l’intérieur d’elle-même, une voix qui aurait pu être celle d’Ethan ou celle de sa mère.

Draguer n’était pas son genre, elle ne l’avait

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jamais fait. Soudain, alors qu’elle plongeait le regard dans les yeux bleu ciel de cet homme qui ne savait certes rien d’elle, mais dont elle ne savait rien non plus, elle se prit à regretter sa pudeur passée.

Elle ravala aussitôt son hésitation. Ce n’était plus le moment de se montrer timorée.

— Ça dépend, répondit l’homme avec un sourire de bad boy. Qu’est-ce que tu veux ?

Il avait une voix troublante et traînait sur les mots d’un air amusé qui fit frissonner Maya.

Elle songea qu’elle n’avait jamais rien fait de spontané dans sa vie et se félicita d’avoir trouvé l’audace qui convenait à ses projets tout neufs. Oui, il était grand temps de s’y mettre. Ici et maintenant. Cette témérité qui l’aurait terrifiée quelques jours plus tôt montait désormais en elle.

Parce que l’homme tout en muscles qui la dévisageait de ses yeux bleus trop perçants n’était peut-être pas un avocat célèbre, mais son allure d’aventurier proche de la nature avait tout pour la séduire.

Et elle voulait y goûter.Sans attendre.

2019

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8C

AN

AD

A :

11,9

9 $

ROMAN INÉDIT - 6,90 €De octobre 2019 à avril 2020

Annuler son voyage de noces ? Hors de

question ! Abandonnée par son fiancé le jour de

son mariage, Maya refuse de se laisser abattre

et se jure aussitôt de prendre sa revanche sur

la vie. Alors, c’est décidé, elle partira en Italie

et y mènera une vie de plaisirs décomplexés.

Et qui de mieux que ce beau biker texan pour

l’accompagner dans son voyage à la découverte

de ses envies et de ses fantasmes ?

SÉRIE HOTEL TEMPTATION

SCANDALEUSE PASSIONCAITLIN CREWS

www.harlequin.fr