brock, les origines de quelques termes utilisés dans les Épiclèses eucharistiques syriaques

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  • 8/11/2019 Brock, Les Origines de Quelques Termes Utiliss Dans Les piclses Eucharistiques Syriaques

    1/6

    2.

    La

    phra se peut tre pri se de deux mani re s :

    1)

    maran atha, notre Seigneur est

    v en u , o u 2)

    marana tha,

    notre Seigneur, viens . L aramen palestinien du premier

    sicle A D. sembl ai t a voir e u un premie r suffi xe pluri el e n -na , plutt que -an, c el a signi

    fie que la seconde interprtation est

    la

    plus vraisemblable.

    shra,

    rsider

    Le verbe shra, au sens de rsider temporairement, est dj utilis dans

    les targums juifs dans un contexte rituel. Dans ces traductions juives en

    aramen

    de

    la

    Bible hbraque, les actions de Dieu sont souvent para

    phrases de faon pr s er ve r u n sens de la transcendance divine. par

    exemple, en Ex 25 ,8, o le texte hbreu dit: Fais-moi un sanctuaire et

    moi Dieu) j habiterai parmi eux, le targum Onkelos traduit: Je ferai

    que ma Shekinah rside ashre shekkinti parmi eux, utilisant la forme

    causative ou i

    el,

    du verbe

    shra.

    Il e st trs possi ble que

    le s

    premiers

    chrtiens d expression aramenne aient adopt ce verbe pour dcrire le

    125

    /L LE JIc J SYRIAQUES

    3ttJ.onter l a phr ase marana tha, notre Seigneur, viens, du Nouveau

    estclment

    2.

    Envoyer est le verbe que l on trouve dans l anaphore de saint

    I lqutlS

    et il caractrise la majorit des anaphores syriennes occidentales,

    mme que les anaphores grecques de saint Jean Chrysostome, de saint

    de saint Jacques et de saint Marc et les diverses anaphores coptes

    thiopiennes.

    Je n ai cependant pas l intention de m attarder ces deux premiers

    ; en revanche, je voudrais me concentrer sur quatre verbe spci

    avec lesquels se poursuit la formulation d un grand nombre d pi

    savoir shra, rsider; ettnih, reposer; rahhep, planer et aggen,

    dre:ssflr

    sa tente, couvrir de son ombre, les deux derniers ayant les sub

    stantl1ts

    correspondants

    ruhhapa,

    action

    de

    planer, et

    maggnanuta,

    action

    prendre sous son ombre. Ces verbes se prsentent gnralement en

    combinaison l un avec l autre et avec d autres verbes tels que

    qaddesh,

    sanctifier, barrek, bnir et sont alors suivis par bad, faire, faire en sorte,

    ou

    hwa,

    devenir voir Appendice 2). Ainsi, pour

    ne

    donner que ces deux

    exemples, tirs des anaphores les plus communment utilises : a) ana

    phore des Aptres Addai et Mari: Seigneur, que ton Saint-Esprit vienne

    et repose

    w - nettnih

    sur cette offrande ... et la bnisse et la sanctifie de

    sorte qu elle deveinne pour nous ... etc ; b) anaphore de saint Jacques :

    Envoie sur nous et sur ces offrandes ton Saint-Esprit,

    de

    sorte que, dres

    sant sa tente, kad-maggen , il puisse faire que le pain ... etc.

    Expos prononc

    la

    Confrence syriaque mondiale qui

    s est

    tenue l Institut de

    recherche cumnique St Ephrem SEERI) Kottayam en 1998.

    Le

    Dr Sebastian BROCK

    e st professe ur Oxford. Expos publ i dans The Harp XIII 2000), pp. 1-12. Tra duit de

    l anglais par M. Delmotte.

    1.

    Pourune tude importante parue rcemment, voir G.

    WINKLER,

    Nochmals zu den

    A nf an ge n d er E pi kl es e u nd d er S an ct us im

    Eucharistischen

    H oc hg eb et d an s

    Theologische Quartalschrift 1 74 1 99 4) , pp . 2 14 -2 31 , e t s on a rt ic le Z ur E rf or sc hu ng

    orientalische Anaphoren

    dans Orientalia Christiana Periodica 63 1 99 7), pp. 3 63

    420. On peut t rouve r une tude dt ai ll e des pi cl ses syria ques dans l es a na phore s c ou

    rantes dans

    ma

    contribution Towards a Typology of t he E pi cl es es i n t he W es t S yr ia n

    Anaphoras dans

    TAFF et

    alii

    d.), Festschriftfor Gabriele Winkler, Rome, paratre.

    Les verbes tudis ici caractrisent aussi les invocations l Espri t dans l es divers offic es

    baptismaux

    syriaques;

    voir c e suje t mon tude The Epic le se s

    in

    the Antiochene bap

    tismalordines,

    (1)

    Symposium Syriacum Orielltalia Christiana Analecta 197, 1974), pp.

    183-218.

    le s origines de quelques termes utiliss

    dans les piclses eucharistiques syriaques

    par Sebastian

    BROCK

    Dans les diverses anaphores en usage dans les diffrentes glises

    tradition liturgique syriaque,

    la

    formulation de l piclse ou invocation

    Saint-Esprit, revt diffrentes formes 1. Je me propose dans cet

    d explorer quelque peu les origines de quatre des principaux verbes

    ss.

    Dans leur majorit, les piclses sont adresses au Pre, qui il

    demand soit d envoyer le Saint-Esprit, soit que son Saint-Esprit

    se venir. Cette dernire expression que votre Esprit puisse venir est

    forme familire issue de l anaphore des aptres Addai et Mari, et deux

    autres anaphores syriaques orientales. Elle se retrouve dans un nombre

    considrable d anaphores syriennes occidentales soit seule, soit en com

    binaison avec envoyez ; en grec, elle caractrise l anaphore de saint

    Basile et quelques anaphores coptes et thiopiennes. Ses origines peuvent

    Istina XLVIII 20003 , pp. 124-/35

  • 8/11/2019 Brock, Les Origines de Quelques Termes Utiliss Dans Les piclses Eucharistiques Syriaques

    2/6

    mystre de l Incarnation

    3 :

    ceci est insinu par le fait que dans l ancie

    ne posie syriaque (et sans doute dans la posie liturgique syriaque en

    gnral), c est le verbe rgulirement utilis quand les auteurs

    p r p h r ~

    sant les deux versets-clefs des vangiles qui

    se

    rapportent l Incarnation,

    savoir le rcit de l Annonciation en Luc 1,35 : Le Saint-Esprit viendra

    et la Puissance du Trs-Haut te courvrira de son ombre, et Jean, 14 Le

    Verbe s est fait chair et a plant sa tente parmi nous. L usage constant du

    verbe shra dans ces deux contextes est d autant plus frappant que toutes

    les versions syriaques des vangiles utilisent un verbe tout diffrent des

    deux passages, savoir aggen, planter sa tente, un des verbes auxquels

    nous reviendrons ci-dessous. Deux exemples devraient suffire illustrer

    cet usage de

    shra

    au lieu de

    aggen

    dans ces deux passages fondamentaux

    de l vangile. Refltant l usage du terme Puissance (le Trs-Haut) de

    Luc 1,35, Ephrem

    crit:

    Quand la Puissance rside shra dans le sein, cette mme Puissance

    formait des enfants dans le sein Madrashe sur la Nativit, 4, 174).

    L usage du verbe

    shra

    pour dcrire l Incarnation du Verbe divin dans

    le sein de Marie se trouve en beaucoup d autres passages du Madrashe

    d Ephrem sur la Nativit et ailleurs 4.

    On

    peut aussi trouver le mme

    verbe, quoique moins frquemment, dans de claires allusions Jean

    1, 14.

    Ainsi, encore chez Ephrem, on trouve le passage suivant:

    Bni soit Celui qui a abaiss sa grandeur et a rsid wa-shra en

    nous Madrashe sur l glise, 15,2; sur la Rsurrection 1, 7).

    Du point de vue plus spcifique de l usage de shra dans les piclses

    eucharistiques pour indiquer l activit de l Esprit, il est curieux de consta

    ter qu il y a d troits parallles phrasologiques dj dans les targums.

    Dans le Targum officiel (Onkelos) de Gn 45, 27, on lit que l Esprit

    de

    Saintet rsidait shrat sur Jacob et de mme dans le targum palestinien

    Neofiti de Nb 11, 25, l Esprit de Saintet est dcrit comme ayant rsid

    shrat

    sur les soixante-dix anciens

    5

    L usage du verbe shra dans un contexte eucharistique se trouve dj

    en syriaque dans les Actes de Thomas. Dans un passage dcrivant

    le

    bap-

    3. A ce sujet, voir mon article The Lost OId Syriac at Luke 1, 35 and the earliest

    Syriac Terms for the Incarnation dans

    W

    L. P T RS N (d.); Gospel Traditions in the

    Second Century

    (Notre Dame, 1989), pp. 117-131.

    4. E. g. Hom. de Nativitate 3, 20 ; 16,2; 21, 6; Hom. de Virginitate 25,8; Carmina

    Nisibena

    46)

    1.

    Dans de nombreux passages du Fengitho et de l Hudra,

    aggen

    et

    shra

    sont

    tous deux utiliss ensemble dans les paraphrases de Luc 1,35.

    5. Ephrem utilise shra avec le SaintEsprit comme sujet dans Hom. de Nativitate 5,

    10et 6, 13.

    127

    r l l L J J SYRIAQUES

    du gnral Sipur, de sa femme et de sa fille, la Qurbana qui suit,

    Jude Thomas prie en ces termes: Nous rappelons le nom de

    sur vous e x a l t ~

    c ~ c h

    tous; en votre nom, Jsus, que

    puissanc;e benedIctwn et d actwn de grce vienne et rside nesh

    sur ce pam.,, (133).

    de

    mme chez Ephrem, dans un passage

    o

    il

    s adresse

    au Christ:

    Dans ton pain se cache l Esprit .

    dans ton vin rside sharya le feu . Madrashe sur la foi, 10, 8).

    Il est significatif qu aucun verbe correspondant shra ne se trouve

    nulle part dans

    a u c ~ n e

    anaphore. g r ~ c q ~ e ; l absence de ce verbe en grec

    comme t ~ r ~ e techmque est une mdIcatwn supplmentaire que nous nous

    t r o ~ v ~ n s . I c i devant un terme spcialis qui remonte aux racines mmes du

    chnstIamsme de langue aramenne et syriaque.

    ettnih

    :

    se reposer, trouver le repos

    Les origines bibliques de l usage de ce verbe en connexion avec

    l Esprit sont dans la traduction d Isae 1, 2 dans la Peshitta

    6. Au mot traduit ici par doux

    praus en grec) correspond dans les vangiles syriaques le mot niha qui

    est de la m ~ e racine que nyaha, repos, et l on est tent de souponner

    que le memeJeu

    ?e m o ~ s

    .tait

    a u ~ s i

    prsent derrire le Matthieu grec dansla sentence arameenne

    JUIve

    de Jesus. Que tel soitou non le cas ilestvi

    dent, partir d une varit de sources diffrentes avec le v e r b ~ ettnih, se

    reposer, ,trouver le repos, a t adopt en syriaque une date recule

    comme 1un des termes.spcialiss pour signifier l activit de l Esprit.

    C e t ~ usage t ~ n z h ~ a n s le contexte des invocations

    de

    l Esprit

    semble etre un trait dIstmctIf de la tradition liturgique syriaque car aucun

    ce sujet, .voir G. WINKL R Ein bedeutsamer Zusammenhang zwischen

    Erkenntms und R u h ~ m Mt 1, 27 29 und dem Ruhen des Geistes aufJesus am Jordan.

    EmeAnalyse zur Gelst - Chnstologie in syrischen und armenischenQuellell Le Muson

    9 6 1 9 8 3 , p ~ 267-326.

    S.

    BROCK

    26

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    3/6

    7. P our plus amples dt ai ls; voi r m on tude

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    4/6

    4. aggen, dresser sa tente 9

    , 9uatrime terme aggen, dresser sa tente, a ses racines en ara

    meen

    JUIf

    comme c tait

    le

    cas pour

    shra.

    Dans certaines couches de la

    tradition p ~ l ~ s t i n i e n n e du Targum,

    aggen

    tait le verbe utilis pour tradui

    re

    le

    m y s t e n e u ~

    verbe hbreu

    pasah

    dans

    le

    rcit

    de

    l Exode (Ex 12). Ce

    verbe \do?t n ~ e Pesah, c est--dire Pascha, Passover, Pque), est d un

    sens tres mcertam, et les chercheurs, tant dans l antiquit que dans les

    temps modernes, ont prsent un grand nombre de propositions. Les tra-

    . 8. . v ~ i r L.

    v a ~ R ~ M P A Y .

    L informateur syrien de Basile de Csare, dans Orienta

    lza Chnstlana PerlOdlca 58 (1992), pp. 245-251.

    9. Pour plus .amples dtails, voir mon tude From Annunciation to Pentcost : the

    Travels

    of

    a te.chrucal. term dans E. CARR et ali i (d.), Eulogema : Studies

    in

    honor

    o

    RobertTaft s .1 (,Studla Anselmialla 110, 1993), pp. 71-91. Il est difficile de trouver une

    t r a d u c t l O ~

    s t l s ~ l s n t e

    de aggen (d autant plus qu il traduit deux verbes diffrents en Luc

    et J.ean ; Je cholSls planter sa tente (plus proche de Jean) en raison

    du

    substantif tymo

    logiquement correspondant gnona, baldaquin nuptial, chambre nuptiale.

    131

    < t 1 GL J L J

    SYRIAQUES

    prtendue autorit d Ephrem, combine avec celle de saint Basile

    bien accueillie par beaucoup. Il se fait que la vritable identit de

    ~ ~ r

    ....

    rrl syrien

    n a

    t mise en lumire que rcemment

    8 :

    il est connu

    pour avoir t un contemporain plus g

    de

    saint Ephrem,

    Eustle d Emse qui en ralit tait originaire d desse.

    Pour eh revenir aux diverses anaphores syriaques, on trouve la fois

    rn

    h n et

    ruhhapa

    dans nombre d pic1ses orthodoxes syriennes. Ainsi

    l anaphore syriaque de saintJean Chrysostome (qui est tout fait dif

    trenlte de

    l , a ~ ~ p h , o r e

    grecque attribue ce saint), on lit dans la partie

    concernant 1eplclese : ... que votre Esprit et votre Puissance sanctifian-

    te habitent (dressent leur tente) ce saint autel et sanctifient ses offrandes

    et qu il plane nrahhep et rside w-neshre sur

    ce

    pain... et, comme

    exemple de l usage de

    ruhhapa,on

    peut prendre l anaphore de Grgoire

    Iuhannon : que votre Esprit vienne et rside w-neshre et habite

    ~ l a n t e sa ~ e n t e ) sur ces saints Mystres et les sanctifie de la saintet qui

    ~ l e n t

    de

    lUI

    de

    s o ~ t e

    que grce cette action (de planer) cache et myst

    neuse ruhhapa Il fasse de ce pain ....

    , pour les deux verbes

    shra

    et

    ettnih,

    selon nos constatations

    ~ n ~ e r ~ e u r e s , rahhep

    n a pas de contrepartie qui lui corresponde dans les

    eplcleses g r e ~ q ~ e s (et,certes, le verbe utilis dans la Septante en Gn

    l

    2

    epephereto,

    etait porte, n est gure appropri pour tre utilis dans les

    invocations l Esprit).

    justifie l absence de rahhep dans les pic1ses des trois

    syriennes orientales. Bien que ce ne soit l qu une possibilit, il faut ra

    peler que le substantif ruhhapa tait utilis prcisment dans ce context

    dans le fameux commentaire sur la liturgie, savoir l Homlie

    17 a t t r i ~

    bue Narsai (il y a de bonnes raisons de douter de cette attribution et d

    la dater au contraire du VIe sic1e ; on trouve ici la dclaration explicite,

    mise sur les lvres mmes du

    Christ:

    Je ferai du pain et du vin mori

    Corps et mon Sang grce l a ction planante

    ruhhapa

    du Saint

    Esprit.

    En fait, i l y a toute une srie de cas o

    rahhep

    et

    ruhhapa se

    p r s e h ~

    tent dans la posie liturgique syrienne orientale pour dcrire l activit d

    Saint-Esprit dans une varit de contextes diffrents. Ainsi par exemple

    un passage de l Hudra pour la Pentecte dcrit la puissance de l Esprit

    comme planant au-dessus des aptres (le texte biblique dans les Actes

    a se posa,

    iteb .

    Qu en est-il de la tradition syrienne occidentale? Bien que

    le

    nom de

    Thodore y ft anathme, nanmoins son exgse biblique, telle qu elle.

    tait enseigne l cole perse d Edesse, exerait de fait une influence

    considrable sur les auteurs orthodoxes syriens qui taient forms cette

    cole. Parmi eux se trouvait le fameuxpote Jacques de Saroug dont les

    homlies sur les six jours de la cration puisent abondammentt dans les

    traditions exgtiques de Thodore de mme que d Ephrem. Mais, enco

    re une fois, en dpit de son identification de la

    ruha de

    Gn l ,2 avec le

    souffle, Jacques est parfaitement satisfait d employer rahhep et ruhha-,

    p dans d autres contextes, y compris les contextes eucharistiques.

    Cependant, la plupart des auteurs orthodoxes syriens plus tardifs voient

    Gn 1 2 en rfrence au Saint-Esprit; ils pouvaient invoquer l appui de

    cette position l autorit de saint Basile dans son COl1ll]1entaire

    sur le

    Hexaemeron

    ou les six jours de la cration. Basile lui-mme cite comme

    source de son interprtation un anonyme syrien. On est toujours pouss

    identifier les anonymes, et cet anonyme syrien, en particulier, tait dj

    au

    dbut du VI

    sic1e identifi Ephrem : on trouve cette identification

    la fois chez Svre d Antioche et dans la

    Vie

    du VI sicle d Ephrem

    (dont l auteur utilise cette identification comme pierre de fondation pour

    son histoire apocryphe de la visite d Ephrem saint Basile). Bien que

    quelques critiques perspicaces comme Moshe bar Kepha aient observ

    que cet te ident if ica tion ne cadrai t par avec les vues personnel les

    d Ephrem, telles qu on les connat dans son

    Commentaire de la Gense,

    130

  • 8/11/2019 Brock, Les Origines de Quelques Termes Utiliss Dans Les piclses Eucharistiques Syriaques

    5/6

    D IA- L_

    SYRIAQUES

    133

    A partir du

    Ve

    sicle,

    l usage

    de

    aggen

    s ' tendit du contexte de

    AnmClUclatlon

    celui d 'autres tapes importantes de l 'histoire du salut

    n a T - m ~ S S l l S t o ~ t .

    l'Eucharistie. Ici,

    l usage

    commun du verbe

    aggen

    dans le

    r ~ c I t

    de l'Annonciation et en rfrence l action conscratoi

    :e

    l Espnt

    dans

    l E ~ c h a r i s t i e

    aidait

    mettre

    en

    vidence les liens

    ~ t r o l t s

    o ~ m les

    v O Y ~ l e n t

    es auteurs. s ~ r i a q u e s partir

    d Ephrem,

    entre

    1 IncarnatIOn et

    la

    consecratIOn euchanstIque du pain et du vin.

    D,ans les anaphores syriennes orientales,

    aggen

    ne se prsente

    qu e

    dans 1anaphore sous le

    nom

    de Thodore. I l a t suggr que

    l usage

    de

    agg.en

    dans cette anaphore tait d l ' influence de l'anaphore syrienne

    o ~ c l d e n t a l ~

    ?e .Jacques, o

    k maggen,

    tandis

    qu il

    plante

    sa

    tente, est

    tres

    c ~ r a c t e n s ~ l q ~ e

    ,correspondant au participe grec

    epiphoitsan.

    La for

    mulatIOn de 1 eplclese dans

    l anaphore

    de saint Jacques a certainement

    e x ~ r c

    une ~ r ~ d e influence sur de nombreuses anaphores orthodoxes

    s y n e ~ n e s

    u l t e r ~ e u r e s

    o est conserve la phrase

    kad maggen.

    Cependant,

    en

    r a I s . o ~

    de 1 u s a ~ e rpandu de aggen dans le contexte de l piclse

    e ~ c h a n s t I 9 u e

    parr;u les

    a u t e ~ ~ s

    s y r i a ~ u e s

    des

    Vme

    et

    V l

    me

    sicles, il

    peut

    bIen se faIre

    que

    l.usa,ge de

    1 1 n : p . a r f ~ I t

    de

    aggen, par

    opposition la phra

    se k

    maggen,

    SOIt ne tout a fait mdependamment de l'influence de l ana-

    phore de saint Jacques.

    . Le substantif driv maggnanuta est attest pour la premire fois la

    fm

    Vme

    sicle, normalement dans le contexte de l 'Incarnation.

    Lu i

    aUSSI

    a cependant t tendu rapidement d'autres contextes et surtout

    l E ~ c h a r i s t i e . o il c ar ac t ri se u n n omb re considrable d piclses

    synennes OCCIdentales.

    . B ie n q ue la phrase

    kad maggen

    dans l 'anaphore de Jacques soit cer

    tameme?t une traduction du participe grec

    epiphoitsan,

    n est pas du

    t?ut

    v r a I s e ~ ? l a b l e que

    l usage

    de

    aggen

    dans les invocations syriaques

    ~ I r e son ongme .de ce verbe grec, vu que aggen est un terme bib lique

    Important en synaque, alors que

    epiphoita

    (et de mme le substantif

    epi-

    phoitsis

    ne l est pas

    en

    grec.

    Ces quatre verbes utiliss dans les piclses eucharistiques syriaques

    son t tous des carac t ri st iques dis tinc tives de la t radi tion l iturgique

    s y n a ~ ~ e et c h a ~ ~ n

    d

    e n ~ r e eu x

    a sa rsonance propre e t ses propres

    et

    mysteneuses

    ongmes

    qUI

    nous font

    mme

    parfois remonter (comme dans

    cas ?e

    shra

    de

    aggen

    dans

    la

    prhistoire du christianisme syriaque

    J ~ s q u ~

    ses racmes en aramen juif.

    Un

    autre verbe,

    rahhep,

    t ire son ori

    gme d un passage de

    la

    PeShitta de

    l Ancien

    Testament, qui

    pa r

    la suite est

    132

    10. Le 10 Nisan (avril) estrgulirement considrcomme la date de l'Annonciation

    dans la littrature syriaque ancienne. Le 25 mars, familier aujourd'hui, est d'introduction

    beaucoup plus tardive.

    ducteurs du Targum palestinien ont choisi

    aggen

    l vidence parce qu

    c tait un verbe qui avait des connotations de protection divine (la racin

    s en trouve aussi dans

    l hebreu magen,

    bouclier).

    Bien

    que la Peshitta a '

    choisi pour

    l Exode

    une traduction toute diffrente

    pour pasah,

    le p lu

    ancien christianisme d'expression syriaque doit avoir repris

    de l arame

    juifl usagespcifique du verbe

    aggen

    pour indiquer l'activit divine dans

    l'humanit et c es t l a raison pour laquelle ce f ut le t erme choi si pour

    rendre les deux diffrents verbes grecs utiliss dans les versets-clefs meh

    tionns ci-dessus, Luc

    1

    35 (o le grec a

    epekiasen,

    a couvert de

    sOll

    ombre)

    et

    Jean 1 14 (o il a

    esknosen,

    a plant sa ten te) . Le choix

    originel de aggen semble remonter au Diatessaron syriaque, et latraduc-

    tion a tconserve dans toutes les versions syriaques utrieures des van

    giles. Maintenant, dans aucun des deux passages des vangiles,

    aggen

    n est

    un e

    t raduct ion vidente du grec, e t des t raduct ions plus proches

    auraient pu aisment tre trouves; cela s igni fie que celui qui a chois i

    d'utiliser

    aggen l a

    fait

    pour

    une raison prcise.

    On

    peut ici tenter de sug

    grer qu'il

    l

    a fait parce

    qu il

    vait connaissance de

    l usage d e c e

    verbe par

    le Targum palestinien dans le rcit de

    la

    Pgue et,

    en

    consquence, dsi

    rai t introduire dans ces deux passages de l 'Evangile un e rsonance typo

    logique entre

    l Agneau

    de

    Dieu

    incarn et

    l agneau

    pascal. cela peut au

    premier abord paratre plutt forc (tir par les cheveux), mais i l faut se

    souvenir que

    ce

    l ien typologique entre

    l agneau

    pascal

    et

    le Christ,

    1'agneau vritable, tait trs fort dans l ancien christianisme syriaque,

    et

    les parallles entre les deux ont t labors

    en

    dtail

    parEphrem et par

    d'autres,

    comme

    le montre le passage suivant

    d Ephrem

    dans son

    Commentaire de [ Exode:

    L agneau

    (pascal) est un symbole de no tre Seigneu r qui a t

    conu le l

    me

    jour

    de Nisan. Car, du dixime jour du septime mois

    o Zacharie fut avert i de la naissance de Jean (Luc

    1 Il ,

    pris comme

    le Jour de l 'e xp ia ti on ), jusqu au 1 du premier mois

    Nisan),

    lorsque

    l annonce

    fut faite

    Marie par

    l Ange,

    on compte six mois.

    c est pourquoi

    l Ange

    lui dit :

    C est

    le si xi me moi s pou r celle

    qu on appelait strile (Luc 1,36 . Par consquent, le 1

    me

    jour (de

    Nisan), lorsque

    l agneau

    pascal fut rserv (Ex

    12,3 ,

    notre Seigneur

    fut conu 1 ; quand il fut immol, lui , que symbolisait l 'agneau, fut

    crucifi.

  • 8/11/2019 Brock, Les Origines de Quelques Termes Utiliss Dans Les piclses Eucharistiques Syriaques

    6/6

    - JULIUS:

    wa- nrahhep... wa

    -

    ndayyarban wa

    -

    nqaddesh lebbawa-

    tan) ...d

    -

    kad maggen

    ... ne bed

    ,

    - DIONYSIUS BAR SALIBI pemire anaphore

    de

    : .. .negmor ...nshah

    lep

    qu il

    accomplisse

    .. .

    et change

    ...

    135

    - r l ~ L L L SYRIAQUES

    b) Syriennes occidentales:

    -JACQUES: kad maggen

    ne bed .. . que l Esprit) .. . e n p la nt ant s a

    fasse .. .

    - JEAN de H arran o u Jean CHRYSOSTOME) : w - naggen w -neshre...

    wa -nqaddesh

    ne

    bed

    nhawwe

    nshamle .. . et

    qu il

    plante sa tente

    ...

    et

    rside ...

    et

    sanctifie... dsigne.. . accomplisse .. .

    - X II

    ApTREs

    seconde anaphore des) :

    wa-nrahhep... w - ne bdiw

    ... w - lan nhasse wa - nqaddesh) ... dab -maggnanuteh ne bed ... ... d _

    nehwe. .. et p lane e t f as se e t nous p ar do nn e e t n ou s s an ct if ie ). .. d e

    sorte q ue g rce au fait

    qu il

    p lante sa ten te, il fasse en sorte

    qu il

    devien

    ne .. .

    - JEAN

    l vangliste:

    naggen ... wa -nqaddesh ... d - kad maggen ne

    - b ed ...

    qu il

    plante sa tente .. .

    et

    sanctifie .. . d e s or te que, p la nt an t s a

    tente il puisse faire

    -THODORE: w

    -teshre

    w

    -aggen ... wa -tbarrak - wa - tqaddesh - wa

    thattem

    ... w -

    nehwe...

    qu e l a g r ce de l E sp ri t) e t r s id e e t p la nt e s a

    ..

    et

    bnisse et sanctifie

    et

    scelle

    .. .

    de sorte

    qu il

    puisse devenir

    .. .

    - MATTHIEU le BERGER:

    w -

    naggen

    w -

    neshre wa - nqaddshiw hy)

    d - kad sha et ... wa - mrahhep nshamle...negmor qu il

    plante sa tente

    et rside

    .. .

    et le san ctifie ... d e s or te q ue e n br l an t

    .. .

    e t e n pla na nt il

    achve et accomplisse ...

    -

    XYSTUS

    : w -

    qaddesh ... b - maggnanuteh7 negmor... nshamle

    .. .

    et sanctifie en plantant sa tente,

    qu il

    accomplisse et achve.

    134

    Appendice

    Attestation des quatres verbes shra, ettnih, rahhep et aggen dans

    piclses syriaques orientales

    et occidentales

    l

    shra : Nestorius,

    Thodore:

    11 anaphores syriennes occidentales l

    ettnih : Addai et Mari, Nestorius: 6 anaphores syriennes occidentales.

    rahhep : 14 anaphores syriennes occidentales.

    ruhhapa :

    9 anaphores syriennes occidentales.

    aggen :

    Thodore: 18 anaphores syriennes occidentales.

    kad maggen :

    Jacques et

    17

    anaphores syriennes occidentales.

    maggnanuta :

    8 anaphores

    syriennes occidentales.

    Appendice

    2

    Verbes ut il is s d ans le s pi cl se s

    d une

    slection

    syriaqu es p ou r les anaph ores syrienn es o ccid en tales, la

    base sur les recueils d anaphores publis

    Pampakuda).

    a) Syriennes orientales:

    - ADDAI ET MARI: wnettnih...wa - nbarr kiw hy) wa - nqadd - shiw

    hy) d - nehwe

    que l Esprit) trouve son repos

    .. .

    e t l e b n is se e t l e s an c

    tifie de sorte qu il puisse devenir ...

    11. Pour l identit des anaphores syriennes occidentales, voir mon tude Towards a

    Typology... note

    1).

    -

    NESTORIUS:

    w teshre w tettnih wa - tbarr kiw hy) wa - tqadd-

    shiw hy)

    w

    t e - bdiw hy) k ad mshahlep... wa - mqaddesh d - nehwe

    . .. q ue

    la

    grce de l Esprit)

    et

    rside

    et

    trouve son repos .. .

    et

    le bnisse

    et

    le san ctifie et fasse .. . en le chang eant .. . et en le sanctifiant.. .

    qu il

    d ev en u le s uj et

    d une

    v iv e con trov erse exgtiqu e - san s

    jamais interfr sur l usage de

    rahhep

    d an s le con texte d e

    L e d ernier v erbe, ettnih, tire de mme son origine de l a Peshitta

    l Ancien Testament mais semble avoir pris des connotations

    S U I ) p l l ~ m e n

    taires

    d un

    passage dans les vangiles syriaques.

    U ne pr is e d e c on sc ie nc e d e t out es les d iv er se s a ss oc ia ti on s

    jacentes

    l usage de ces quatres termes dans les piclses eu ;haristiql1es

    syriaques peut tre

    d un

    g rand p ro fit p ou r aid er enrichir notre

    g en ce d e la m ysttrieuse actio n d u S aint-E sp rit au cou rs d e chaqu e

    b ration d e la Qurbana.