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Printemps 2013 D o s si e r spé c i a l Rya n a i r - L a fa c e c a c h é e

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Printemps 2013

Dossier spécial

Ryanair - La face cachée

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CRPN : La réforme de 2012 et les projections

Toutes les caisses de retraite complémentaire prennent des mesures drastiques d’économie :qu’a apporté à notre régime la dernière réforme de la CRPN ? L’actualité montre la volonté du gouvernement de modifier le régime général des retraitesen imposant des carrières plus longues : le décalage de l’âge d’obtention d’une pension àtaux plein amènera-t-il les navigants à prolonger leur carrière ? Une profonde restructuration du Groupe Air France est en cours alors que les trois quartsdes cotisations de la CRPN proviennent de ses navigants : quel risque cela représente-t-ilpour les ressources de notre régime ? Les compagnies low cost captent la plus grosse part de la croissance du transport aérienfrançais à destination de l’Europe. Beaucoup d’entre elles refusent de payer les chargessociales françaises de leurs navigants, notamment les cotisations dues à la CRPN : quelsrisques font-elles peser sur les équilibres de notre régime ?

Des Administrateurs PN de la CRPN répondront à vos questions :

● Jean-Michel Moutet, Administrateur de la CRPN pendant dix ans et actuel candidat del’APNA aux prochaines élections dans la section « retraités » ;● Jacques Hoyer, Administrateur et ex-Vice-président de la CRPN ;● Michel Janot, Administrateur de la CRPN et d’Air France ;a● Philippe Vivier, jeune retraité et actuel Administrateur représentant des actifs ;● Yves Ygouf, actuel Administrateur représentant l’APNA.

L’APNA organise un débat sur l’avenir de notre caisse de retraite,le 17 mai à 15h00, lors de son Assemblée Générale à l’Aéroclub de France

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A la une

Aptitude médicale : l’Europe impose le changement

Les personnels navigants professionnels détenant une licence française serontsoumis à la réglementation européenne à partir du 8 avril 2013 pour les pilotes etdu mois d’avril 2014 pour les PNC. La principale nouveauté tient à la possibilitéqui sera offerte à tous les navigants professionnels de renouveler leur aptitudenon seulement dans un des CEMA (Roissy, Percy, Toulon, Toulouse et Bordeaux)comme aujourd’hui, mais aussi auprès d’un médecin agréé classe 1. Il est à noter que ce médecin agréé pourra ne pas posséder tous les outils de mesures ausein de son cabinet médical ; le pilote devra alors faire le tour des spécialistes afin deconstituer son dossier. Dans le cas où le pilote ne répondrait pas aux normes, c’est un pôlemédical composé de médecins évaluateurs, salariés de la DGAC, qui étudiera le dossierafin, non plus de délivrer une dérogation, mais d’étudier la compatibilité de la pathologieavec la nouvelle réglementation. La décision de ces médecins évaluateurs pourra faire l’objet d’un appel auprèsdu nouveau CMAC (Conseil Médical de l’Aviation Civile). Les spécificités sociales françaises, à savoir les demandes d’inaptitude définitive et l’impu-tabilité au service aérien, continueront d’être traitées par ce Conseil Médical. Par ailleurs, le terme « apte par dérogation » n’existera plus sur votre certificat médical.Les décisions antérieures du CMAC seront évidemment maintenues mais le terme « déroga-tion » disparaîtra. En revanche, les restrictions telles que l’aptitude limitée à la présence d’un second pilotequalifié, au port d’un casque audio, au port de lunettes etc. continueront de s’imposer maiselles seront transcrites en trigrammes (par exemple deuxième pilote qualifié = OML) sur lescertificats médicaux qui vous seront délivrés à partir du 8 avril. Si vous êtes actuellement sous dérogation du CMAC avec demande de représen-tation de votre dossier dans six mois, voire un an, votre dossier sera représentéau délai indiqué au Pôle Médical et seulement dans un second temps au ConseilMédical sur votre demande si la décision ne vous satisfait pas. En dehors du port obligatoire de verres correcteurs, la plupart des restrictions resterontdu ressort des médecins évaluateurs du Pôle Médical ou des médecins du Conseil Médical.

Des pilotes français en Chine

En raison d’un sureffectif pilotes, identifié au sein du Groupe Air France dans le cadre duplan Transform 2015, l’APNA était partie à la recherche d’emplois dans le monde. L’objectifétait de permettre aux pilotes volontaires d’obtenir une promotion professionnelle dans lecadre d’une expérience dans une compagnie étrangère. Grâce aux partenariats qu’a noués l’APNA, les OPL possédant une expérience de600 hdv en tant que CDB sur réacteur de plus de 50 places peuvent devenir CDBA320. De même, les CDB possédant une expérience de 1 000 hdv sur A320 peuventdevenir CDB A330, les CDB B737 pouvant aussi passer sur B777. Les deux destinations possibles, à ce stade, sont Shanghai pour l’A320 ou Canton pourl’A330 et le B777. D’autres perspectives se dessineront peut-être à court terme au Japon ;perspectives qui auront l’avantage de concerner également les OPL sans expérience CDBpour voler sur A330, voire A380. La mise en place des PDV (Plan de Départ Volontaire) dans les différentes compagnies dugroupe Air France ayant duré plusieurs mois, ce n’est que maintenant que le projet trouveson aboutissement avec le départ des premiers pilotes en mai prochain. Ils seront nos am-bassadeurs et ils pourront nous faire part de leur retour d’expérience. L’offre reste ouvertedurant l’année 2013.

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Actualité

Revue de presse

Technologie et industrie

L’iPad dans les cockpits

Après DHL et Air Canada, les équipagesd’A340, A310 et C135 FR de l’Armée de l’Airutilisent les fonctionnalités de l’iPad dansles cockpits. Celui-ci, fixé latéralement, per-met d’éliminer 60 kilos de documentation pa-pier et est rechargeable en 115 volts à bord.

Livraison du centième A380

Au mois de mars, le centième A380 sortides chaînes sera livré à la compagnie Ma-laysia Airlines ; l’occasion d’une fête qui seraorganisée sur le site de Toulouse.

Prochain lancement du Boeing 777 X

L’avion sera lancé dans six mois déclareTim Clark, président d’Emirates. En effet, lacompagnie se dit prête à acquérir centBoeing 777 X si le constructeur confirme lelancement de cet appareil ! Doté d’une nou-velle voilure en carbone, il se déclinerait endeux versions 777-8X de 350 passagers et777-9X de 407 passagers avec une distancefranchissable de 14 800 km.

Emirates qui a commandé 108 B777-300ER souhaite moderniser sa flotte pour main-tenir un âge moyen de six ans maximum.

Le patron de Finmeccanica arrêté

Les affaires judiciaires sont récurrenteschez Finmeccanica. Un an après la mise enexamen de son ancien patron soupçonné decorruption, c’est au tour de l’actuel PDG,Giuseppe Orsi, d’être accusé du versementde pots de vin lors d’un contrat portant sur12 hélicoptères AW-101-VIP destinés à l’Inde.

L’Etat italien est par ailleurs actionnaire à30 % du groupe de défense.

Les Rafale mènent leur plus long raid

Le raid mené le 13 janvier depuis la basede Saint-Dizier par quatre Rafale sur le Malirestera dans les annales comme l’un desplus longs réalisés par l’Armée de l’Air : 9h35de vol, cinq ravitaillements en vol et six payssurvolés avec ordre de ne pas passer au-dessus du territoire algérien.

21 bombes GBU-12 et AASM larguées surdes cibles près de Gao et Taoussa avant dese poser sur la base de N’Djamena au Tchad.Une performance de bon augure alors quel’Inde pourrait signer cette année le contratdu siècle avec Dassault Aviation pour 126Rafale et 63 options.

Des records pour les aéroports français

Paradoxalement, alors que le transport aé-rien français traverse une longue périodemorose, les aéroports réalisent le meilleurbilan annuel de leur histoire avec 168 millionsde passagers accueillis et des croissances de

Par Laurent Pimienta

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profits : - 83 % en 2012, du jamais vu ! Cettesituation est due à la concurrence d'Emi-rates et de Qatar Airways qui détournent letrafic en transit en Asie vers leurs hubs.

Incendie des batteries du Boeing 787 :un gros préjudice pour Boeing

La flotte entière des 50 Boeing 787 Dream-liner livrée est toujours clouée au sol par laFederal Aviation Administration, après l’in-cendie de l’une des batteries Lithium-Ion sur-venu à Boston le 7 janvier 2013, puis sur uneautre batterie pendant un vol au-dessus duJapon. Une solution technique intérimaireconsistant à modifier les éléments périphé-riques à la batterie peut seule permettre laremise en service du 787, Boeing n’envisa-geant pas de renoncer à cette nouvelle tech-nologie pour ses appareils. Il n’y a d’ailleurspas d’équivalent existant. les batteries Lithium-Ion, d’un voltage de 32 volts, sont 30 % moinslourdes et ne demandent aucune maintenance,ce qui a motivé leur choix.

Mais selon le Secrétaire d’Etat américainaux transports, Ray Lahood, l’avion ne sera au-torisé à voler que si on est sûr à « 1 000 % »qu’il est fiable. Cependant, toutes les ana-lyses réalisées n’ont pas pu déterminer lacause exacte de l’incendie. Les clients deBoeing doivent faire face à un surcoût consi-dérable, lié au préjudice.

Par ailleurs, le Pentagone, qui a reçu sespremiers chasseurs F35 équipés égalementde batteries L-Ion, annonce que ses appa-reils n’ont pas rencontré de problème nota-ble hormis quelques démarrages difficilespar basse température.

Airbus renonceaux batteries Lithium-Ion

Face à une situation délicate consécutiveà l’incendie des batteries du B787 Dreamli-ner, Airbus renonce à équiper son A350 deces mêmes batteries et prévoit l’utilisationde technologies éprouvées de type Nickel-Cadmium, de bonnes vieilles batteries pourrespecter le calendrier et la fiabilité de l’avion.Cependant, des Lithium-Ion seront conser-vées durant les essais en vol.

12,7 % pour Marseille, 11,9 % pour Nanteset 8,9 % pour Bordeaux.

L’hélicoptère EC 175 certifié cet été

Trois ans après le premier vol du proto-type, l’Eurocopter EC 175 vise une certifica-tion l’été prochain. Avec sa masse maxi audécollage de 7,5 tonnes, il cible le secteurpétrolier dont les acteurs ont été impliquésdès la conception. Fruit d’une coopérationfranco-chinoise, il entame une tournée dedémonstration aux USA.

Aviation commerciale

Singapore licencie des pilotes,Cathay en chute libre

Singapore, fleuron du transport asiatique,annonce le licenciement de 76 pilotes ; ils'agirait prioritairement de pilotes étrangers.La compagnie est en forte surcapacité : sesbénéfices plongent de 69 %. A proximité,Cathay Pacific subit l'effondrement de ses

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Les pilotes d’A400-Men formation chez Airbus

La formation initiale de huit pilotes d’A400-Ma débuté sur les sites d’Airbus Training Center.Les phases de simulateur se dérouleront àToulouse et seront suivies d’essais en vol àSéville. Alors que le Transall souffle ses 50bougies, l’arrivée des trois premiers A400-Msur la base d’Orléans-Bricy est prévue cetteannée au mois de juin. Selon Airbus Military,l’A400-M tiendra dès lors ses spécificationsen termes de charge utile maximale, soit32 tonnes d’emport.

FOCUS HOP! C’est parti !

136 destinations, 530 vols quotidiens, des tarifs à partir de 55 euros l’aller simple, Brit Air,Régional et Airlinair se regroupent sous la bannière HOP!

Malgré les disparités entre les compagnies, ce regroupement doit générer une synergieattendue depuis longtemps ; un challenge pour Lionel Guérin, le président, et ses salariésqui se questionnent sur l’avenir de leurs emplois.

HOP! doit permettre au pavillon français de reprendre l’offensive sur le marché régional.Bon vent à nos collègues de HOP!

Méga fusionentre American Airlines et US Airways

Le transport aérien américain est entrédans sa phase définitive de consolidationavec cette fusion qui dépasse de 38,7 mil-liards de dollars, en chiffre d’affaires cumulé,les deux autres grands ensembles United-Continental et Delta-Northwest qui ont eux-mêmes grossi les années précédentes.

La dernière étape pourrait concerner lesegment du bas coût avec des rapproche-ments en vue, car l’heure n’est plus à l’ex-pansion. Ce serait à terme le cas chezSouthwest Airlines ou Jet Blue : question desurvie. Grâce au Chapitre 11 de la loi amé-ricaine sur les faillites et les fusions, lescompagnies US traditionnelles ont drasti-quement réduit leurs coûts sur le réseaudomestique pour les ramener au niveau destransporteurs low cost ; une tendance de fondqui pourrait concerner prochainement les trans-porteurs européens.

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Dossier spécial

sûr le recours à des filialesou à des compagnies tiercespour recruter, former et gérerle personnel navigant. Cesintermédiaires permettent àRyanair de baisser significa-tivement le coût de la maind’œuvre car ces entreprisesintermédiaires (Workforce,Crewlink, Brookfield Avia-tion…) qui ne sont que desfaux-nez de Ryanair, gèrentdes centaines de contratsprécaires avec toutes formesde contrats « exotiques ».

Selon le syndicat irlandaisdes pilotes de ligne et le RPG(Ryanair Pilot Group), c’estainsi que près des deux tiersdes pilotes auraient recours

Ryanair : un modèle très,très… très particulier

Le modèle de Ryanair esttrès particulier. Pour tout dire,il est même unique car c’estun joyau d’ingénierie finan-cière où il apparaît que lafonction de transporteur aé-rien est terriblement secon-daire, comme une sorte deprétexte ou de couverture,car l’essentiel des recettes neproviendra jamais directe-ment, dans ce modèle, dupassager.

Plusieurs constats simplespermettent de décortiquer lemontage complexe de cetteingénierie financière :

Premier transporteur en nombre de passagers sur l’intra-européen avec 65millions de réservations en 2011, Ryanair n’en finit pas de grossir en laissantsur place la plupart des low cost. Seule la compagnie easyJet fait bonne fi-gure avec 54,4 millions de passagers en 2011 sur un secteur où les faillitesse succèdent.

Mais quels sont les secrets de ce succès insolent ? Qui se cache réellementderrière les actionnaires de cette entreprise ? Comment les financiers deRyanair ont-ils réussi à gonfler autant la valorisation boursière de cette en-treprise ? Quels sont les leviers obscurs qui permettent à Ryanair de conti-nuer sa croissance à deux chiffres alors que tant de compagnies souffrentou disparaissent ? Quel est le prix « social » supporté par les salariés decette entreprise et quelle est la réalité du service accepté par les passagers ?Que devient l’argent public versé sous forme de subventions via des inter-médiaires artificiellement basés offshore une fois qu’il a transité via plu-sieurs paradis fiscaux ? Pourquoi l’Europe qui édicte des règles ou recom-mandations ne fait rien pour les faire appliquer lorsque c’est Ryanair quiles enfreint ?

• Premier constat : lescoûts de Ryanair sont bas,mais pour 60 % d’entre eux,ils sont strictement compa-rables à ceux de n’importequelle low cost (fuel, assu-rances, ATC, etc.).

• Deuxième constat : pourles 40 % de coûts pour les-quels il y a des différencesnotables entre Ryanair et lesautres low cost, l’écart est liéau contournement des règleseuropéennes et des lois so-ciales ou fiscales des Etatsconstituant cette Europe malfinie.

Parmi les détournements lesplus flagrants, on citera bien

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culaire « Bolkenstein » parl’Europe entérine l’obligationde se conformer à la législa-tion du pays dès lors qu’on youvre une base (voir le dé-cret de 2006 en France et lesdeux décrets européens quiont suivi).

La notion de « floating base »consiste à rémunérer des pi-lotes via Brookfield Aviationpar exemple (l’employeur vi-sible n’est donc pas Ryanair)pour une activité de merce-naire sans base fixe. Le piloteainsi recruté travaillera 11mois sur 12 avec un contratoffshore plutôt bien payé :15 000 euros pour un com-mandant de bord en échangede 100 heures de vol par mois,à charge pour lui de cotiser pour1/3 de son salaire à un régi-me de retraite et à minimumde couverture maladie.

15 000 euros nets car nonfiscalisés. Le pilote sera « floa-ting » car son planning alter-nant repos et travail (6 joursde travail, 5 jours de repos,etc.) se déroulera là où Rya-nair lui demandera d’aller(par exemple 6 jours à Hann,5 jours off, 6 jours à Milan, 5jours off, 6 jours à Dublin, 5jours off, etc.). A charge pourle pilote de se rendre sur lesdifférentes plates-formes, depayer ses hébergements, sesrepas, ses taxis, bref tous sesfrais de déplacement pour re-venir chaque matin par sespropres moyens à son avionlorsqu’il travaille.

En fin de compte, il restepour le pilote au moins 10 000euros nets d’impôts, puisquenon déclarés : tout bénéficepour un pilote retraité de l’Ar-mée de l’Air belge, française,

hollandaise ou autre qui,avec 1 500 euros de retraitede l’armée, ne paye pas d’im-pôts et jouit d’une couverturesociale associée à sa retraite.

Seul problème : c’est illégalet le pilote n’est protégé parrien et donc accepte tout, ycompris de dépasser la butéeréglementaire de 900 heuresde vol par an…

Pour le PNC, la mécaniqueest plus simple. Il y a des« Dublin Contract », ceuxfournis par Ryanair pour les« Number One », c’est-à-direles titulaires qui, après envi-ron trois ans de CDD chezWorkforce ou Crewlink, ontobtenu un CDI comme res-ponsable de cabine.

Pour ceux qui atteignent cegraal du « Number One » (unPNC sur quatre), la situationest bonne avec 2 000 eurosde fixe par mois plus 16,50euros par heure de vol.

Pour les autres en CDD, iln’y a pas de fixe mais un sa-laire de 16,50 euros de l’heu-re de vol. Soit 700 à 800 eu-ros par mois en hiver et 1 600euros en été. Avec, bien sûr,la promesse de quelques eu-ros supplémentaires si lesventes à bord ont été bonnes(intéressement aux ventescalculé selon des règles in-connues du PNC et se situantles bons mois aux alentoursde 250 euros).

Cette précarité du CDDn’effraie pas les candidats

à un statut d’entrepreneurindividuel afin de se soustrai-re aux taxes sociales habi-tuelles en échange d’un trèsfaible prélèvement libératoireet de l’absence des garanties(sécurité sociale, retraites)auxquelles ont droit les sala-riés classiques ; l’avantagepour Ryanair étant bien sûrde ne pas cotiser non plus.Fictivement basés dans desparadis fiscaux avec des comp-tes bancaires aux Iles Caïman,ces pilotes sont néanmoinsdans le collimateur des servicesfiscaux irlandais qui ont déci-dé, en janvier dernier, de met-tre un peu d’ordre... A suivre.

Ce statut d’entrepreneur in-dividuel n’est cependant pasle plus étonnant des artificesen matière sociale, le plus« borderline » étant proba-blement d’avoir créé la no-tion de « floating base » parrapport au « fix base ». Rya-nair exploite en effet un ré-seau multi-bases avec desavions et des pilotes baséssur différentes plates-formeseuropéennes.

Or, faisant fi des règles eu-ropéennes, Ryanair considèreque le « Dublin Contract »(contrat de droit irlandais)est le seul qui s’impose pourles pilotes basés en « fix base »et ce quel que soit l’aéroportoù le pilote est basé en Eu-rope (c’est l’origine du con-tentieux à Marseille). Ryanairs’arc-boute sur ce « DublinContract » car le faible poidsdes charges sociales en Ir-lande donne à Ryanair unavantage de 20 % par rap-port à la plupart des pays eu-ropéens, dont la France.

Pourtant, le refus de la cir-

Ce n’est pas la DGAC desparadis fiscaux qui irachercher des poux dans latête des pilotes de Rynair...

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Avec 800 millions d’eu-ros de subventions pour3,2 milliards de chiffred’affaires (résultats 2009),Ryanair est la compagnieprivée la plus subvention-née au monde.

Il est à noter que cet étatde fait, qui écorne passable-ment l’image de pourfendeurdes monopoles que MichaelO’Leary s’est arrogée, est malassumé par ce dernier quiprétend que Ryanair ne tou-che aucune subvention, enprétextant que ces subven-tions sont des « aides mar-keting » en échange desquel-les Ryanair fournit un servicesubstantiel en créant un lienInternet entre la région qui apayé la subvention et le sitede Ryanair.

L’argument n’a pas con-vaincu la Cour des Comptesqui, dans son rapport de2008, estime que débourserun million d’euros par anpour un simple lien Inter-net entre un office de tou-risme et un site, fut-ilaussi renommé que celuide Ryanair, cela est trèscher payé !

Mais Ryanair tient bon etn’hésite jamais à contre-at-taquer en accusant les opé-rateurs classiques de faire lamême chose avec les OSP(Obligations de Service Pu-blic), en oubliant de préciserque ces OSP font l’objet d’ap-pels d’offres européens aux-quels Ryanair évite soigneu-sement de postuler tant lescontraintes du cahier descharges sont dissuasives. Lacontre-attaque permet àRyanair d’éluder tous les pro-blèmes soulevés par les

PNC qui affluent en massedepuis les républiques del’Est qui ont rejoint l’Europeces dernières années.

De toute façon, les navi-gants n’ont rien à atten-dre des syndicats : il n’yen a pas. Ils sont toutsimplement interdits chezRyanair !

Pour autant, les pilotes, quirestent en général plus long-temps que le personnel decabine dans l’entreprise, sesont organisés via le RPG citéplus haut et le REPA (RyanairEuropean Pilote Association).Ce dernier est une sorte deforum où les pilotes peuvents’exprimer de façon anony-me. Mais gare à celui quise fera prendre ! Le RPG etle REPA arrivent donc à fairepasser quelques idées ou àcommuniquer quelques do-cuments (comme par exem-ple un mémo interne expli-quant pourquoi il est normalde toujours partir avec le car-burant minimum réglemen-taire, quitte à dégager ou àenvoyer un mayday en low-fuel en cas d’orage ou d’af-fluence…). On connaît la sui-te lorsque l’été dernier, enEspagne, trois avions de Rya-nair ont envoyé chacun leurmayday. On citera égalementcomme site web plutôt bienrenseigné : www.pprune.org.

Mais toutes les déviancesne sont pas toujours postéessur les blogs et quelquefois,il faut plusieurs mois, voireplusieurs années, avant qu’uneadministration ne découvreune fraude constante commeen Italie où la « Guardia di Fi-nanzia » s’est rendue comp-te que Ryanair « oubliait »

de déclarer et donc de payercertaines taxes et ce de façonsystématique.

Idem pour le « détaragedes avions » où Ryanair ex-ploite des Boeing 737-800 àune masse maximale décla-rée inférieure à la celle im-posée par le constructeur.C’est son droit, mais à la seu-le condition de respecter en-suite la limitation déclarée.Seulement, Ryanair paye pourla masse maximale déclarée etvole ensuite à la masse maxi-male fixée par le constructeur.Cette duperie ne plaît pasbeaucoup aux autorités alle-mandes qui examinent de-puis quelques mois l’étenduede cette fraude et le moyende la redresser.

• Troisième constat : lesaides d’Etat... Le plus grossecret de Ryanair, en dehorsde l’utilisation systématiquedes paradis fiscaux, relève dela mystification, car tout lemonde attribue à Ryanair desvertus exceptionnelles enmatière de maîtrise descoûts, alors que le modèlen’est véritablement exception-nel qu’en matière de recettes !

Ce qui fait la différence en-tre Ryanair et les autres lowcost ce ne sont pas les coûts(à l’exception des « optimi-sations » permanentes entermes de charges socialesfaçon plombier polonais, cequi est la règle chez Ryanair),mais ce sont les recettes.Ryanair dispose en effet derecettes supplémentaires énor-mes via les subventions ac-cordées par les collectivitésterritoriales, locales, et dont lesmontants cumulés représen-tent 25 % du chiffre d’affaires.

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Chambres Régionales desComptes sur la non-confor-mité de ces subventions parrapport aux règlements eu-ropéens. Or, ces règlementsou cadrages européens exis-tent. Ainsi, selon l’arrêté dit« de Charleroi », les aides aulancement ou « aides marke-ting » sont possibles sous ré-serve de respecter un certainnombre de règles strictes.Ces règles sont précises, sim-ples et connues de tous. Rya-nair n’en respecte aucune !

En effet, toute compagniepeut prétendre à ce genred’aides avec la bénédictionde Bruxelles à condition :

1/ Que l’aéroport soit de pe-tite taille, soit moins de unmillion de passagers par anpour la catégorie D et moinsde cinq millions pour la caté-gorie C. Les aéroports deplus de cinq millions de pas-sagers ne sont éligibles qu’àtitre exceptionnel.

2/ Que les subventions soientlimitées à trois ans en géné-ral (cinq ans de façon déroga-toire) et soient dégressivesd’une année sur l’autre.

3/ Que la ligne subvention-née ne soit pas déjà opéréepar un concurrent et que lerail grande vitesse n’y soitpas présent non plus.

4/ Que le montant des sub-ventions ne représente qu’uncoup de pouce pour le lance-ment mais en aucun cas uneaide structurellement indispen-sable à la pérennité de la ligne.

5/ Que ces aides soient inté-gralement déclarées auprèsde Bruxelles.

Les Chambres Régionalesde la Cour des Comptes ontpassé au crible les 22 aéro-ports français exploités parRyanair en 2008 et ont con-clu qu’à l’exception de la pre-mière règle qui est quelque-fois respectée par Ryanair (etpour cause, lorsque l’aéroportfait moins de cinq millions depassagers par an), les autresrègles sont systématique-ment bafouées.

A Carcassonne, certaineslignes sont subventionnéesdepuis plus de dix ans, et surtoutes les plates-formes lessubventions ont augmentéannée après année au lieu dedécroître. Et gare aux collec-tivités qui n’accepteraientpas ces augmentations : àchaque fois, comme à An-goulême ou à Pau, aprèsavoir hurlé que sa présenceentraînait des retombéeséconomiques sans com-mune mesure avec les ai-des consenties, Ryanair estpartie sans respecter lescontrats signés !

Le meilleur exemple dunon-respect de la condition3/ a probablement été Stras-bourg : sur la ligne Stras-bourg-Londres, on a ainsi vudébarquer Ryanair avec 25euros de subventions parpassager et peu ou pas detaxes et redevances à payertandis que la compagnie opé-rant déjà la ligne - en l’oc-currence Brit Air - ne touchaitaucune subvention et devaitdébourser plus de 27 eurosde taxes par passager pourl’opérer.

Le point 4/ est probable-ment le plus caricatural caraucune ligne opérée par Rya-

nair n’est viable sans subven-tions. Les subventions sontau cœur du business model

de Ryanair et constituent ledouble de la marge de cettecompagnie...

Sans subventions, Rya-nair afficherait chaqueannée des pertes d’envi-ron 500 millions d’euros ;ce qui, rapporté au chiffred’affaires de 3,2 milliardsd’euros dans l’exemple de2008-2009, aurait fait deRyanair la compagnie laplus mal gérée du secteur.

Les relais d’opinion ont sou-vent comparé Michael O’Learyà Robin des Bois. L’impé-tueux patron de Ryanair faittout pour cultiver cette ima-ge. Pourtant, il n’est de pireduperie car Robin des Boisprenait l’argent aux richespour le distribuer aux pau-vres, alors que MichaelO’Leary le prend aux con-tribuables pour le mettre...dans ses poches.

• Quatrième constat : lesristournes... L’arithmétiquen’est pas la même chez Rya-nair que chez les autres opé-rateurs aériens : chez Rya-nair, 60 % + 40 % ne fontpas 100 %. Car Ryanair réus-sit à transformer en recettesune partie de ce qui, cheztous les autres acteurs, cons-titue des coûts.

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ou de prestations non factu-rées par les services aéro-portuaires.

L’aéroport de Beauvais af-fiche une croissance recordgrâce à la trentaine de lignesopérées par Ryanair. Sur lesite web de l’aéroport, onpeut y lire que 1 000 person-nes y travaillent. Ce qui estsûr c’est que Ryanair n’yemploie aucun salarié.Alors qui paye et avecquel argent ?

• Cinquième constat : nom-bre d’éléments du service detransport aérien qui font par-tie intégrante du prix du billetchez la plupart des concur-rents se trouvent chez Rya-nair comptés à part avecl’appellation « Ancilliary re-venue », alors qu’ils repré-sentent, pour 90 % des pas-sagers, un supplément obli-gatoire lorsqu’il s’agit parexemple du bagage, de la ré-servation, du paiement parcarte de crédit, etc.

Ces revenus annexes quipeuvent, dans certains cas,doubler ou quadrupler leprix d’un billet (voire lemultiplier par 10 ou 20lorsque le billet est venduavec un tarif d’appel ridi-cule) représentent 25 %du chiffre d’affaires deRyanair.

Si Ryanair vendait des voi-tures, les quatre roues du vé-hicule seraient-elles com-prises dans le prix de base

La grande force de Ryanairest d’avoir obtenu des collec-tivités locales qu’en plus desaides abusivement intitulées« aides marketing » et dontle montant dépasse 800 mil-lions d’euros en 2012 surl’ensemble du territoire eu-ropéen, elle puisse obtenirdes ristournes de 30 à 100 %sur des taxes, redevances ouservices fournis par ces col-lectivités ou par les gestion-naires des aéroports dépen-dant de ces collectivités ; cesristournes venant s’ajouterde façon discrète aux sub-ventions.

Ces ristournes cachées créentun biais de concurrence quin’est pas du goût de Bruxel-les, mais la lenteur des insti-tutions est telle que Ryanairdispose toujours de quelquesannées fastes avant de chan-ger de plate-forme.

Chaque nouvelle ligneoù Ryanair se lance estaccompagnée d’un dia-gramme de risques où leséventuels recours juridi-ques face aux tromperiesprogrammées sont analy-sés (Qui ? Quoi ? Quand ?Comment ?) avec cynismeet assortis d’un calendrierpour déguerpir à tempsau cas où la menace durecours devait se préciser.

Les réactions potentiellesde Bruxelles font partie deces risques. Ainsi les comptesde six aéroports français sonten ce moment passés à laloupe par les autorités deBruxelles. Le motif : une for-te suspicion, comme à Beau-vais, de subventions massi-vement déguisées et pro-venant de ristournes indues

La lenteur des institutionsest telle que Ryanair disposetoujours de quelques annéesfastes avant de devoirchanger de plate-forme

ou faudrait-il les payer ensupplément ?

On notera que ces frais dé-guisés ne sont pas la seuletromperie. Ryanair s’y en-tend pour tromper le clientsur les prix comme on vientde le voir, mais aussi sur lamarchandise en confondant,sur ses affiches et sur sonsite web, Beauvais et Paris,Carcassonne et Toulouse,Francfort et Hann, Gérone etBarcelone, etc.

Ryanair avait même assi-milé Saint-Etienne à Lyon, cequi avait valu à une passa-gère britannique peu aviséeen géographie française depayer un taxi plusieurs cen-taines d’euros une fois arri-vée à son adresse de rendez-vous à Lyon après avoir dé-barqué à « Lyon - Saint-Etien-ne ». Cette passagère n’a pasdigéré sa mésaventure ni leprix du taxi et a gagné sonprocès contre Ryanair pourtromperie manifeste.

• Sixième constat : 25 %du chiffre d’affaires de Rya-nair est constitué par de l’ar-gent public et un autre quartprovient des « revenus an-nexes », mais de quoi sontconstitués les 50 % restants ?

C’est là que les choses secompliquent, car même avecles documents indépendantsles plus détaillés (voir parexemple le rapport publié pardes journalistes anglo-saxonsen téléchargeant la versiondisponible depuis peu enfrançais « Le modèle écono-mique de Ryanair 2011 » surwww.air-scoop.com), on pé-nètre avec difficulté dans desmontages compliqués faisant

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constitué par tout ce qu’onne sait pas mettre ailleurs ;le chiffre d’affaires au trans-port correspond à ce quepaye chaque passager enmoyenne pour être trans-porté (environ 10 % du chif-fre d’affaires total) et le res-te, dénommé « retail » con-siste en le commerce d’avions :acheter des avions si possibleen gros et les revendre audétail.

Il peut être utile de rappelerque Michael O’Leary et TonyRyan se sont connus il y abien longtemps, alors queTony Ryan avait quitté sonentreprise d’origine, Aer Lin-gus, où il s’occupait de l’achatet de la vente des avions entant que « leasing manager »,pour cofonder en 1975 lacompagnie de leasing GPA« Guinness Peat Aviation »qui devint la plus grande so-ciété de leasing au monde enmoins de dix ans. C’est danscette activité de broker queTony Ryan et le jeune MichaelO’Leary se sont rencontrés etont appris à travailler ensem-ble pour acheter, louer etvendre des avions.

Fort de ses 10 % de parts,Tony Ryan a pu investir unmillion de livres irlandaisesdans le lancement (en 1985),par ses deux fils Cathal etDeclan, d’une compagnie aé-rienne exploitant, avec un

avion de 14 sièges, la ligneWaterford-Gatwick.

A partir de 1986, le déve-loppement avec des avionsplus gros a commencé surdes routes emblématiquescomme Dublin-Londres ; puissur près de 30 routes, maisen alignant des pertes annéeaprès année (avec un totalcumulé de plus de 20 millionsde livres irlandaises épongépar Tony Ryan) pour arriveren 1991 à une situation dedépôt de bilan tandis que Mi-chael O’Leary en était déjàdevenu le « Finance Director ».

Finalement, Ryanair a éch-appé au dépôt de bilan in ex-

tremis grâce à une ultime in-jection de cash de la familleRyan, et Michael O’Leary, àl’âge de 29 ans, a été nommé« Deputy Chief Executive »avec pour mission de transfor-mer Ryanair en une « South-west européenne ».

Après un « cost cutting »drastique et un recentragesur un produit minimal ensuivant pas à pas le modèlede la low cost américaineagrémenté de quelques mon-tages experts, tant pour lecommerce des avions quepour la chasse aux subven-tions, Ryanair est revenu àl’équilibre dès 1992.

Ce petit rappel sur l’originede la rencontre entre lesdeux brokers Tony Ryan etMichael O’Leary donne quel-ques éclairages aussi biensur l’acharnement dont faitpreuve Ryanair à vouloirprendre le contrôle d’Aer Lin-gus, que sur la complexitédes montages d’achats-ventes

Une candidate au métier d’hôtesse devra débourser 2 500 euros au minimumpour accéder à un éventuel CDD, tandis qu’un pilote devra débourser de9 000 à 13 000 euros pour son adaptation à la compagnie Ryanair

apparaître des intermédiairesquelquefois assez volatils.

Evacuons tout de suite unposte qui représente cheztous les concurrents de Rya-nair une dépense alors que,dans cette compagnie, il con-siste en des recettes (repré-sentant de 1 à 3 % du chiffred’affaires) : celui de la forma-tion. Car chez Ryanair, iln’y a pas que l’uniforme quiest payé par les navigants,il y a aussi la formation.C’est ainsi qu’une candidateau métier d’hôtesse devradébourser 2 500 euros auminimum pour accéder à unéventuel CDD, tandis qu’unpilote devra débourser de9 000 à 13 000 euros pourson adaptation à la compa-gnie Ryanair (et ce sous ré-serve qu’il ait déjà la qualifi-cation de type 737).

Là encore, on observe uneméthode simple pour trans-former un coût pour les au-tres compagnies en recettepour Ryanair. Ce montant de1 à 3 % est presque négli-geable dans le chiffre d’af-faires de Ryanair, mais il estdu bon côté !

Les 47 à 49 % restants seséparent en trois partiesprincipales : « le retail », le« chiffre d’affaires au trans-port » et le « divers ». Le« divers » (environ 6 %) est

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si familiers aux brokers etdont les détails suivent.

En fait, seules la déclinaisonet la forme sont compliquées,car pour des raisons évi-dentes « d’optimisation fis-cale », l’utilisation massived’écrans et de filiales trèsnombreuses (n’ayant en com-mun que la domiciliationdans des paradis fiscaux, etla présence systématiquecomme Président ou commeAdministrateur de chacunede ces filiales de l’actuel Di-recteur financier de RyanairMichael Cawley) rend la lec-ture presque impossible.

Pourtant, le principe estsimple, il est pratiqué par denombreuses compagnies : ils’agit de « sales and leaseback ». Mais Ryanair l’a amé-lioré avec beaucoup « d’in-telligence financière » carc’est ici qu’est la valeur ajou-tée de Michael Cawley, véri-table orfèvre de l’ingénieriefinancière.

--- Acte I --- J’achète des avions engrand nombre, si possible- comme fin 2001 - lorsquedébute une crise qui pousseles autres compagnies à an-nuler des commandes afin deles payer à -40 % du prix ca-talogue.

--- Acte II --- J’échelonne les livraisonsde ces avions sur de trèsnombreuses années (exem-ple : quatre livraisons parmois pour une commande de200 avions).

--- Acte III --- Chaque avion est revenduà l’unité au prix du marché

Il n’existe aucune obligationde consolidation des comptesdans les paradis fiscaux, cequi empêche le travail desjournalistes

de détail alors qu’il a étéacheté au prix de gros (i.e. :avec un bénéfice de 10 à 15millions d’euros minimum). Ilest revendu souvent dès salivraison à une filiale baséedans un paradis fiscal, la-quelle filiale relouera l’avionau prix du marché à Ryanair(c’est-à-dire sur la base duprix d’achat par la filiale et nondu prix d’achat par Ryanair).

Inutile de dire que commeil n’existe aucune obligationde consolidation des comptesdans ces paradis fiscaux, l’in-vestigation des journalistess’arrête souvent là.

Pourtant, les questionsse posent : pourquoi Rya-nair utilise-t-elle autantde filiales ? Où sont affec-tés ses bénéfices énormesuniquement liés à cetteactivité de broker ? Car onest loin de retrouver dansles comptes consolidés lessommes correspondant auxentrées-sorties mensuellesde quatre nouveaux avionsdans la flotte.

Pourquoi le recours à dessociétés écrans et à des ban-ques situées dans des îlesoffshore anglaises, à Chypre,à Gibraltar, dans l’Etat du De-laware et surtout en Russie,est-t-il omniprésent dans lesmontages financiers mis enplace par Ryanair ? Pourquoiy-a-t-il autant de faux-nez ?Certains analystes ont tou-jours la même réaction face

à des montages aussi com-plexes, celle de la prudence.En première intention, cesmontages sont destinés àfaire, comme il a été ditplus haut, de « l’optimisa-tion fiscale », c’est-à-dire,pour être trivial, à permettrede contourner telle ou tellerègle fiscale dans tel ou telpays. Mais en deuxième in-tention, ces dispositifs peu-vent aussi permettre, auchoix, soit de blanchir del’argent soit de distribuerdes rétro-commissions.

On sait comment cela fonc-tionne, ou plus exactementon connaît les dispositifs àmettre en place pour rendreles rétro-commissions possi-bles ; en revanche les pas-sages successifs de frontièrespour les jeux d’écritures ban-caires d’un paradis fiscal à unautre via des chambres decompensation comme Clear-stream sont quasiment im-possibles à tracer. D’une partcar il n’y a pas de volonté po-litique des Etats pour purgerces dispositifs qui sont large-ment utilisés par des multi-nationales diverses ou par lesgrands groupes de l’arme-ment par exemple, donc avecla bénédiction des Etats eux-mêmes et ce quelle que soitleur couleur politique. D’au-tre part parce qu’aucune pré-rogative ne permet à un juged’instruction, quel qu’il soit,d’enquêter en profondeur au-delà de son territoire natio-nal.

En clair, tout le mondesait qu’un certain nombred’entreprises truandent etalimentent des circuitsdouteux et quelquefoismafieux.

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excelle dans l’art de profi-ter des lacunes de l’Europe.

Tout le monde sait quel’Europe n’est pas ache-vée. Les gens et les capi-taux peuvent certes sedéplacer librement, maisles taxes, impôts et autresfiscalités diffèrent tropd’un Etat à l’autre.

C’est ainsi que l’Europes’est inquiétée du problèmedes « plombiers polonais »et a refusé la circulaire Bol-kenstein. Certains Etats ontmême légiféré à leurs ni-veaux nationaux pour confir-mer leur refus. Ce fut notam-ment le cas de la France avecle Décret de 2006 encore ap-pelé « Décret des bases ».Selon ce décret, qui a été de-puis repris et confirmé parl’Europe, le contrat d’unsalarié (navigant ou sol)doit être en conformitéavec les lois du pays où lesalarié est basé. Mais sa-chant que l’Europe ne dis-pose d’aucun « gendarme »,Ryanair a toujours refuséd’appliquer cette règle.L’exemple le plus flagrant estcelui de Marseille. L’affaireest aujourd’hui devant le tri-bunal d’Aix-en-Provence avecun engagement fort du Mairede Marseille qui soutient Rya-nair après avoir déclaré surles ondes de France Interqu’il n’avait rien à faire duCode du Travail…

En troisième lieu, et ceci estun élément particulièrementimportant en France, Ryanairprofite du trop grand nombred’aéroports de deuxième outroisième catégorie et exerceun chantage permanent audépart en menaçant d’aller

Certains spécialistes sesont même risqués à évaluerle montant faramineux de cetargent issu de la fraude ettransitant par les paradis fis-caux que les Etats ont, entoute hypocrisie, mollementblacklistés (mais bien sûrsans aucune sanction). Unmontant qui s’élèverait à plu-sieurs centaines de millionsde milliards d’euros et cou-vrirait 10 000 fois le prix dela crise-faillite mondiale ac-tuelle.

Comment un systèmeaussi choquant, décaléet caricatural a-t-il puse mettre en place ?

Le dénominateur communà tous les arguments qui sui-vent est probablement lemythe du low cost perçucomme une solution à la cri-se alors qu’il la suscite autantqu’il l’entretient.

Premier ingrédient indis-pensable au développementdu phénomène low cost :« l’acte unique européen » etla naissance d’un marchésans barrières, dont la pro-motion a été faite par des eu-rocrates ultralibéraux quin’ont pas jugé utile de doterl’Europe de structures decontrôle ou de régulation. Enclair, des dogmatiques faisantpreuve d’angélisme en ima-ginant que la « main invisible »de l’économie serait suffi-sante pour réguler. Face àdes entreprises « border line »dans leur comportement maiss’affichant comme ultralibé-rales, ces eurocrates hésitentaujourd’hui à renier leur cre-

do de base.

En deuxième lieu, Ryanair

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voir l’aéroport voisin si lessubventions accordées nesont pas suffisantes (exem-ples de Pau, Tarbes, Biarritzmis en compétition de façonsanglante, ou bien d’Angou-lême versus Poitiers, etc.).Bien souvent ces petits aé-roports végètent faute deflux de trafic suffisants et ilsreprésentent un rêve, ou unedanseuse, pour les élus lo-caux.

Difficile, dans ce con-texte, de ne pas céder auxpropositions alléchantesde Ryanair qui proposedes dizaines de milliers depassagers en échange dequelques millions d’eurosà prélever sur les impôtslocaux.

Le quatrième levier pourRyanair consiste à profiterdes autres « faiblesses » po-tentielles de certains élus etde la compromission géné-rale des Etats bienveillantsvis-à-vis des paradis fiscaux.Rien n’est jamais sûr dans unparadis fiscal, mais tout y estpossible dès lors qu’une en-treprise y établit son siège etinstaure un système de cas-cades de paradis en paradis.Ces mécanismes sont idéauxpour toutes les formes deblanchiment d’argent et enparticulier pour les rétro-commissions. Ceci est possi-ble - mais toujours difficile à

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Pourtant, ce n’était pas lapremière fois que Ryanair,ayant toujours à cœur demieux comprendre l’Europe,débauchait un Commissaireeuropéen.

Le dernier levier est celuides médias qui savent que lespitreries de Michael O’Learysont vendeuses. Tous les jour-nalistes savent que chaqueconférence de presse du pa-tron de Ryanair regorgera determes grivois et croustil-lants, même si, sur le fond,ces journalistes savent aussiqu’il n’y aura pas de scoop.Mais par cette communica-tion « trash » qui oblige àfaire parler d’elle (comme lecalendrier des hôtesses dé-nudées, très sexiste mais ja-mais interdit) la compagnieRyanair crée l’événement.

A l’aide de faux scoops ta-pageurs mais bidons (fairepayer les toilettes, fairevoyager les passagers de-bout, remplacer le copilotepar une hôtesse de l’air, ouenvoyer les copilotes aider auservice passagers en croi-sière, etc.), le clown O’Learysait pouvoir compter surles relais médiatiques ens’offrant ainsi une com-munication gratuite, ouplus exactement financéeavec complaisance par lesmédias eux-mêmes.

Peu de médias à ce jourfont autre chose que de lacommunication « institution-nelle » pour le compte deRyanair.

On citera cependant quel-ques exemples de journa-lisme d’investigation sur Rya-nair comme le film d’Enrico

Porsia, pionnier du genre, vi-sible sur le net : www.verite-lowcost.com ; ou celui réalisépar la télévision néerlandaisevisible sur reporter.kro.nl/sei-zoenen/2012/afleveringen/28-12-2012/extras/may-day_mayday_-_internatio-nal_version ; ou enfin l’émis-sion plus récente d’Infra-rouge sur France 2 « nos viesdiscount » diffusée en février2013.

Et, sur la même chaîne,prochainement, un épisode del’émission « Envoyé spécial ».

Enfin, Ryanair profite desingérables contradictions desécologistes qui comprennentbien que le transport futiletant vanté par les low costn’est pas écologique, maisqui n’arrivent pas à le dénon-cer parce que justement, ilest low cost.

Idem pour les associationsde consommateurs qui onttrop milité contre les entre-prises classiques de transportaérien et trop applaudi lemodèle low cost lorsqu’ilémergeait pour le montrer dudoigt quand il s’avère deveniraussi « border line » que ce-lui de Ryanair.

prouver - pour toutes les en-treprises dont les flux finan-ciers passent par une succes-sion de territoires offshore.

Le mot corruption est ungros mot en Europe, com-me s’il ne pouvait dési-gner que ce qui se passeailleurs… Dommage queles fameux comptes deClearstream n’aient jamaisété véritablement piratés.

La CGT avait demandé en2011 une enquête parlemen-taire sur les circuits suivis parl’argent public qui est versépar les collectivités localesfrançaises qui subvention-nent Ryanair via la SociétéAMS (Airport Marketing Ser-vice) basée offshore : pasd’enquête évidemment. De-puis, la majorité a changé,ne serait-il pas envisageablede poser à nouveau la ques-tion ?

Le cinquième levier est ce-lui du lobbying. Autant Rya-nair sait se montrer éco-nome et très efficace dansla gestion de ses coûts,autant il est un domaineoù Ryanair sait qu’il fautinvestir et payer le justeprix, c’est celui du lob-bying. Le choix des meilleurscabinets de lobbying et desmeilleurs cabinets d’avocatsà Bruxelles est là pour en at-tester, tout comme le rachatde l’étonnant Commissaireeuropéen, Charles Mac Grea-vy, qui s’est retrouvé au Con-seil d’Administration de Rya-nair dans les jours qui ontsuivi son départ de Bru-xelles…. Se seraient-ils parléavant ? Même la presse ir-landaise s’est émue de l’as-pect peu éthique de la chose.

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compter, au fil des ans, parmiles personnes les plus richesd’Irlande.

Le cycle est d’autant plusefficace que chacun deséléments contributifs per-mettra de faire apparaîtrel’entreprise comme unchampion dans la luttecontre les coûts et ce quelsque soient les moyens em-ployés, y compris la cassesociale, car pour citer Mi-chael O’Leary « la fin jus-tifie les moyens ».

La « low-costisation » en-gendre une économie de sur-vie où la recherche systéma-tique du prix le plus bas parnécessité ne peut conduire,lorsque l’économie mondialeest en crise, qu’à un appau-vrissement plus grand du faitde la destruction d’emploisgénérée chez les non low cost.C’est aussi un mécanisme quimet hors-jeu les pays dontles coûts sociaux sont lesplus élevés.

Ainsi, la « low-costisation »comme solution pour aug-menter le pouvoir d’achatn’est qu’un leurre.

Celui qui achète une Skodaou une Dacia imagine certai-nement réaliser une bonneaffaire même si le prix à larevente sera à l’image de sonachat ; mais si tout le mon-de n’achetait plus que desvoitures en provenancedes anciennes républiquesde l’Est, là où le SMIC dé-passe rarement 300 eu-ros, qui achèterait les voi-tures Made in France ? Etqui ensuite se plaindraitde l’absence de travail enFrance ?

Si la recherche du lowcost par nécessité nouspousse à n’acheter que cequi est fabriqué moinscher, nous ne pourronsacheter que ce qui estproduit là où les coûts so-ciaux sont les plus bas,c’est-à-dire en détruisantencore plus d’emplois enFrance.

Et l’aérien est aux pre-mières loges car la produc-tion est par définition « délo-calisable » même si les mar-chés ne le sont pas : aujour-d’hui, en effet, n’importequelle compagnie europé-enne peut opérer n’importequelle ligne au sein de l’Eu-rope. Dans un secteur de« commodité » (commodity)c’est le moins cher qui gagnetoujours. Ainsi, le moins-di-sant social aura forcément unavantage concurrentiel énor-me dans un secteur où lesmarges sont proches de zéro.

Avec 20 % d’écart sur lescharges sociales entre laFrance et l’Irlande (ou mêmela Hollande), il ne faut paschercher pourquoi il n’y a pasd’avenir à long terme pourdu low cost Made in France :les charges sociales pèsent30 % des coûts d’une entre-prise de transport aérien, unsurcoût de 20 % impliquedonc un écart de coût finalde 6 % ce qui met définitive-ment le compétiteur françaishors-jeu. Après le textile,la sidérurgie, le transportaérien, l’automobile… Aqui le tour ? Même les mé-tiers de services sont dé-sormais délocalisables :nous restera-t-il autre chosedans le Made in France

que la gériatrie ?

Le cycle infernal« low-costisation »,

spéculation, paupérisation

La « low-costisation » faittrès bon ménage avec la spé-culation. C’est un outil deplus à la disposition des voy-ous de l’ingénierie financière.

Pour Ryanair, l’essentiel estde toujours alimenter unecroissance à deux chiffres quiseule peut alimenter la con-fiance des marchés, donc lavalorisation boursière, doncla capacité à mobiliser descapitaux, donc la possibilitéde financer les avions quipermettront de réaliser la né-cessaire croissance à deuxchiffres indispensable pourentretenir le cercle vertueux.

Peu importe que les passa-gers de Ryanair payent 1 ou30 euros, l’essentiel est qu’ilssoient dans les avions pourd’une part apporter, dans lesrégions, les passagers pourlesquels les collectivités lo-cales payeront ce que lespassagers n’ont pas payé (de20 à 35 euros de subventionpar passager), et d’autre partpour démontrer aux analys-tes financiers que la crois-sance est bien réelle et justi-fie la survalorisation boursière.

Cette dernière permet à Mi-chael O’Leary, à Michael Caw-ley et à d’autres actionnairesd’encaisser personnellementplusieurs millions d’euros àchaque publication de résul-tats ce qui leur a permis de

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Que les passagers payent1 ou 30 euros importe peupuisque les collectivitéslocales payeront ce queles passagers n’ont pas payé

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rées de rattrapage peu-vent atteindre 40 voire 70ans. De quoi avoir, pourcertaines entreprises letemps de mourir 20 fois.

Concernant les modèles éco-nomiques émergents, commecelui du low cost, ils répondentà des mécanismes quasi im-muables avec leurs phasesde montée en puissance, dematurité voire de déclin lors-qu’ils sont chassés par unmodèle nouveau mettant enœuvre de nouveaux processou des ruptures technolo-giques. Les télécoms (exem-ple des mobiles versus lesfixes), les télévisions (exem-ple des écrans plats versus

les écrans à tube cathodi-que), les transports (exemplede la voiture versus le che-val). On pourrait dire quec’est l’évolution normale dela vie. C’est pour cela qu’il

convient de bien séparer lecas de Ryanair de celui desautres low cost. Ryanair n’estpas une compagnie aériennemais une entreprise d’ingé-nierie financière et son cas,ainsi que son avenir, doiventêtre traités à part.

Les exemples cités plus hautmontrent que malgré lelaxisme d’une Europe non fi-nie, il existe de temps entemps des sursauts pour fai-re respecter certaines valeurs.Ainsi, le dépôt de plainte parAir France à Bruxelles datantdu 27 novembre 2009 et trai-tant des subventions illicitesaccordées par 22 aéroportsfrançais commence-t-il à êtreexaminé en 2013 !

Il faut toujours se souvenirqu’être « border line » con-duit à devenir hors la loi.Quelles que soient la corrup-tion des Etats et la confusiondes politiques, les superche-ries commises au détrimentde l’Europe sociale, telles quepratiquées par Ryanair, nepeuvent perdurer. En outre,fonder son business model

sur de l’argent public présen-te un risque quand les col-lectivités sont à sec. Or, c’estde plus en plus le cas. Et cerisque devient d’autantplus grand si les élus sontquestionnés par les con-tribuables sur l’étrangeparcours via les paradisfiscaux de cet argent pu-blic. Même si, à l’exceptionde « Mediapart » ou du « Ca-nard enchaîné », peu de jour-

La « low-costisation »est-elle

un phénomène pérenne ?Quid de Ryanair ?

Sur le plan général, les mé-canismes de rattrapage sontconnus. Ils profitent aux paysémergents dans un premiertemps et, dans un deuxièmetemps, à tous puisque l’éco-nomie est globale. C’est dumoins la théorie des écono-mistes qui expliquent la no-tion de « rattrapage ». Ainsi,les pays pauvres de l’Est quirejoignent l’Europe, en profi-tant de l’écart de richesse,peuvent se développer da-vantage, créer plus de ri-chesse par leurs prix bas puislentement augmenter leur ni-veau de vie pour rejoindre unjour celui de l’ancienne Eu-rope.

Seulement voilà, les du-

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Ryanair n’est pas unecompagnie aérienne maisune entreprise d’ingénieriefinancière

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à rêver d’une forme de sur-saut de conscience où lesconsommateurs que noussommes réaliseraient la cas-se sociale que représentechaque achat low cost quelque soit le domaine.

Conclusion

Ryanair a introduit dans latête du passager un référen-tiel de prix totalement fauxqu’aucune compagnie ne peutpratiquer à la loyale.

Ce référentiel est perni-cieux car il est fondé surune duperie à la fois in-tellectuelle, sociale et fi-nancière. Cependant, il estdevenu la norme et obligeune industrie entière àpratiquer des tarifs quin’ont aucun rapport avecla réalité économique.

Il y a peu de chance qu’unretour à plus de moralité etd’honnêteté soit le fait desseuls politiques ou financiers.Nous sommes entourés deparadis fiscaux et nous leresterons car nos hommespolitiques n’ont ni les moyens,ni surtout l’envie de voir leurrôle affaibli.

Quant à Bruxelles, il y apeu d’espoir de voir les dog-matiques du libéralisme prô-ner un quelconque retour àune forme même légère derégulation. Seule l’économiedevrait triompher lorsque lesrégions sans le sou arrête-ront d’envoyer l’argent ducontribuable dans des para-dis fiscaux pour engraisserdes entreprises étrangères.

Ce jour-là arrivera. Les ta-rifs de Ryanair se rapproche-

ront alors de ceux d’easyJetet le référentiel de prix despassagers européens se rap-prochera de la réalité écono-mique du low cost.

Malheureusement, d’icilà, bien des acteurs lowcost ou traditionnels au-ront mordu la poussièreen détruisant 50 à 100fois plus d’emplois queRyanair n’en aura jamaiscréé.

Une étude récente démon-tre qu’une compagnie de lataille d’Air France qui payeses salariés en France, quiachète l’essentiel de sesbiens et services en Franceet qui paye ses taxes et re-devances en France, injectedans l’économie française (sil’on fait la somme des injec-tions directes, indirectes, etinduites) l’équivalent de 26milliards d’euros par an. Soit,selon les standards de l’In-see, l’équivalent de 356 000emplois. Selon cette étude,Air France pèserait ainsi plusde 1,4 % du PIB français.

Avec les mêmes modalitésde calcul, Ryanair apporteraiten première approximation50 à 100 fois moins à l’éco-nomie française, sans comp-ter les emplois détruits. Etdevinez à qui vont les sub-ventions ?

nalistes osent fouiller là oùçà sent mauvais, la vérité fi-nit toujours par sortir ne se-rait-ce qu’à cause de la criseactuelle.

Cette crise qui frappe au-tant - si ce n’est plus - l’Ir-lande que les autres pays eu-ropéens oblige, par exemple,les autorités irlandaises à seposer un certain nombre dequestions sur les tromperiesfiscales et sociales de Rya-nair. La décision récente des’attaquer au système desentrepreneurs individuels bi-dons en est la preuve (sys-tème aussi contesté et refuséen Finlande).

Dans le reste de l’Europe, larévolte gronde aussi : en Alle-magne pour le non-respectdes règles liées au détaragedes avions ; en Espagne avecl’enquête sur la politique d’em-port carburant suite à l’ava-lanche de « mayday » ; en Ita-lie avec la poursuite de Ryanairpar la Guardia di Finanzia pourles taxes « oubliées ».

Enfin, même si la crédulitéest probablement la chose lamieux partagée au monde,on peut imaginer qu’à forcede se faire plumer par lesfrais annexes, les con-sommateurs deviendrontde plus en plus avertisface aux tarifs d’appel bi-dons de Ryanair, et pense-ront à additionner l’ensembledes frais annexes réclamés(billet, réservation, bagage desoute, frais de dossier, carted’embarquement, carte de cré-dit, supplément poids, etc.)pour évaluer le prix réel dé-boursé pour voyager.

On peut même se prendre

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L’impact économique d’Air France sur le territoire métropolitain

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matique de la compagnie esten effet large et complexe.

Ainsi, outre les gains qu’elleréalise grâce à l’achemine-ment des passagers, Air Fran-ce, par son activité, induitdes retombées évidentes dansl’économie française ; ne se-rait-ce que du fait que lesclients qu’elle transporte, unefois arrivés à destination,réalisent des dépenses quibénéficient à l’économie locale.

Par ailleurs, toute compa-gnie aérienne emploie dessalariés qui réalisent des dé-penses dans toutes les ré-gions de France. Il a doncégalement fallu, en plus desdépenses effectuées par lespassagers, quantifier l’impactéconomique induit par la con-sommation du personnel d’AirFrance.

De surcroît, la compagniepaye des fournisseurs, dansun grand ensemble de do-maines ; fournisseurs qui,eux-mêmes, font appel àd’autres sociétés sous-trai-tantes... L’étude a, là aussi,dû identifier et répartir, àl’échelle du territoire métro-politain, l’ensemble des four-nisseurs d’Air France en ter-mes de chiffres d’affaires...

En substance, trois grandstypes d’impacts ont été prisen compte pour ce calcul :

● L’impact direct représen-tant les dépenses effectuéesen termes de frais de per-sonnel, de consommation enbiens et services, d’investis-sements et de fiscalité ;

● L’impact indirect correspon-dant aux dépenses effectuéespar les passagers transportés ;

● L’impact induit relatif auxdépenses effectuées par lesbénéficiaires des impacts di-rects et indirects.

Enfin, il a été nécessaire detenir compte des flux sor-tants, c’est à dire de la mas-se économique quittant lepays du fait des importationsréalisées par Air France etdes achats effectués, à l’exté-rieur du territoire, par les pas-sagers originaires de France.

Sur quelles sources vousêtes-vous appuyé pour ré-aliser ce travail ?

Il a fallu collecter des don-nées auprès de sources mul-tiples, parmi lesquelles AirFrance, l’Insee, les ComitésRégionaux du Tourisme, la

En juin 2012, vous avez pu-blié une étude quantifiantl’impact économique de vo-tre école, l’EM Strasbourg,sur son territoire. Qu’est-ilressorti de ce travail ?

Il est apparu que pour cha-que euro investi dans le fonc-tionnement de l’école, la ré-gion Alsace bénéficie de 5,73euros de retombées écono-miques.

Autrement dit, sur la based’un budget annuel d’environ16 millions d’euros, on peutestimer que l’école a généré92 millions d’euros de retom-bées économiques en 2011.

Ce même type d’étude aété mené pour analyserl’impact économique de lacompagnie Air France. Pource faire, quelle méthodo-logie a été mise en œuvre ?

L’étude qui a été menée,entre juillet et septembre2012, sur le territoire métro-politain - Corse incluse - estpartie du principe que lacontribution économique d’unesociété comme Air France nese limite pas au seul achatde billets d’avion par sesclients, autrement dit à sonchiffre d’affaires. La problé-

Interview d’Herbert Castéran, enseignant-chercheur spécialisé en marketing

au sein du laboratoire Humanis de l’Ecole de Management de Strasbourg

Interview réaliséepar Pascal Dosset

Economie

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SNCF, les Voies Navigablesde France, le ministère del’Ecologie, de l’Energie, duDéveloppement durable et del’Aménagement du territoire,le Service Economique Sta-tistique et Prospective du mi-nistère de l’Equipement desTransports du Tourisme et dela Mer et les Chambres deCommerce et d’Industrie.

Quels sont les résultats decette étude ?

A eux seuls, les salaires, ausein de la compagnie, repré-sentent 4,9 milliards d’euros.Air France effectue égale-ment pour 3,4 milliards d’eu-ros d’achats divers et verse1,55 milliard en taxes et enredevances aéroportuaires.

Une fois les importations etles exportations interrégio-nales reconstituées, il appa-raît que les retombées éco-nomiques globales se mon-tent à plus de 26 milliardsd’euros sur l’ensemble duterritoire français.

Ainsi, si l’on considère queplus de 15 millions de séjoursassociés à un vol Air Franceont été effectués en 2011,les retombées économiquessont de 1 717 euros environpar passager transporté. L’étuderévèle ainsi que 1,4 % envi-ron du PIB, en France métro-politaine, est lié à la compa-gnie aérienne.

Cet impact est évidemmentvariable selon les régionsmais il ne se limite pas àcelles desservies par AirFrance puisque le personnelde la compagnie, comme sesfournisseurs, est réparti surl’ensemble du territoire.

Au final, il est possible dedémontrer l’existence d’uncoefficient multiplicateur :chaque euro entrant dans lescaisses de la compagnie AirFrance induit 2,6 euros de re-tombées dans l’économie.

Quels sont les résultats enmatière d’emploi ?

En termes d’emploi, l’étuderecense un total de 356 226employés dépendant de l’ac-tivité d’Air France. 61 685 sontsalariés du groupe et 294 541bénéficient d’un emploi induitpar l’activité de la compagnie.

Il est à noter que, si l’onconsidère une région isolé-ment, les emplois généréspar Air France ne sont pasproportionnels au nombre depassagers à destination de larégion considérée. Ainsi, 17régions regroupent 16 % dutrafic mais 26 % des emploisinduits.

De même, dans les sept ré-gions qui ne sont pas direc-tement desservies par AirFrance, l’impact économiquede l’activité de la compagniereprésente deux milliards d’eu-ros et 32 609 emplois.

Comparativement à celuiinduit par Air France, quelest l’impact économiqued’une compagnie low costcomme Ryanair ?

Ryanair réalise ses achatsà l’étranger et paye des sa-lariés basés en dehors duterritoire français. Aussi, lesrépercussions indirectes etinduites, si elles existent,sont marginales. En compa-raison, les retombées écono-miques, à l’échelle du terri-

toire, sont donc faibles quandon les compare à celles d’AirFrance.

De plus, les passagers deslow cost dépensent moins, surplace, que ceux des compa-gnies traditionnelles.

A tous les niveaux, l’activitédes low cost induit donc moinsde retombées économiquesque celle de compagnies aé-riennes classiques.

Par ailleurs, si l’activitéd’une société comme Ryanairpeut participer à augmenterles retombées directes d’unerégion, le flux de passagersqu’elle capte, et qui se dé-tournent d’Air France, induitune perte globale pour l’éco-nomie française.

En effet, la compagnie na-tionale transportant consécu-tivement moins de passagers- du fait de la concurrencequ’exerce sur elle Ryanairnotamment - celle-ci a ten-dance à limiter ses investis-sements. Les fournisseurs sontdonc impactés, de même quel’emploi.

Selon les quelques étudesréalisées, à la demande desChambres de Commerce etd’Industrie, pour justifier leversement de subventions,les retombées économiquesdes compagnies low cost,dans les régions françaises,se chiffrent seulement à 300euros environ par passager.

La question que l’on peutse poser est donc de savoirsi l’activité des low cost induitune réelle valeur ajoutée. Ilserait pertinent de se poserla question.

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Pêle-mêle

BIA 2013

Air France dans tous les cielsDepuis sa création en 1933, Air France est une des compagnies lesplus emblématiques du transport aérien : soucieuse d’une imaged’élégance et de savoir-vivre français, la compagnie a toujours été àla pointe des innovations et de la modernité, participant à la créationdes grandes lignes aériennes et à l’invention des vols de tourisme.L’histoire d’Air France se confond de fait avec celle du transport aé-rien français, des modes et des modèles de son époque.Grâce à ce « livre-objet » vous plongerez dans l’histoire de lacompagnie, des précurseurs de l’Aéropostale à l’Airbus A320. Vousdécouvrirez tous les secrets de la flotte et ses avions mythiques : la Ca-ravelle, le Dewoitine D338, les Bloch, le Douglas DC3 et l’incontournable LockheedConstellation.

Surtout, vous pourrez découvrir en fac-similés les documents de l’âge d’or des affi-chistes et des dessinateurs de publicité et vous pourrez épingler sur votre fauteuil lecarton donné à bord du Lockheed Constellation indiquant qu’il vous est réservé…

Air France dans tous les cielsDenis Parenteau - Editions Ouest France Format 27 cm x 29 cm - 120 pages - 32 euros

Le Brevet d’Initiation Aéronautique (BIA) est un diplôme français qui sanctionne une

culture générale dans le domaine aéronautique. Il est délivré conjointement par le ministère

de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, chargé des Transports,

et par celui de l’Education Nationale.

L’épreuve totale dure 2h30 et comporte vingt questions à choix multiples relatives à diffé-

rentes matières : aérodynamique et mécanique du vol, connaissance des aéronefs, météo-

rologie, réglementation, navigation et sécurité des vols, histoire de l’aéronautique et de

l’espace. Pour obtenir le BIA, le candidat doit obtenir un total de 50 % de bonnes réponses

à cet examen.

Cette année, la date du passage du BIA a été fixée au mercredi 22 mai, à 14h30.

Le Brevet d’Initiation Aéronautique : une idée du Front Populaire

L’ancêtre du BIA, le Brevet Elémentaire des Sports Aériens (BESA) est né en 1945, suite à

une proposition faite, en 1937, par Jean Zay, alors ministre de l’Education Nationale.

En 1968, le BESA a été remplacé par l’actuel BIA. Depuis la convention du 5 mars 1986,

le BIA est ouvert aux élèves âgés de 13 ans au moins à la date de l’examen, et est organisé

par les CIRAS (Comités d’Initiation et de Recherche Aéronautique et Spatiale). La formation

comprend une partie théorique et une partie pratique (vols d’initiation et/ou découverte des

aéronefs). Elle est dispensée via les établissements scolaires par un agréé CAEA (Certificat

d’Aptitude à l’Enseignement Aéronautique) et au sein des aéroclubs.

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APNA mag’ est édité par l’APNA

Directeur de la publicationGeoffroy Bouvet06.07.01.39.87 - [email protected]

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APNAAssociation des Professionnels Navigants de l’Aviation

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(Roissypôle - Le Dôme ; 5, rue de La Haye ; CP 10986 ; 95733 Roissy CDG Cedex)

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au service des futurs pilotes.

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Fait à : .......................................... Le : ................................................

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Aspirants, cadets, adhérents au chômage : 20,00 € (6,80 €*)*Après déduction de l’impôt sur le revenu

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Vol de parrainage à destination de Pointe-à-Pitredu 21 au 23 décembre 2012

Rendez-vous est donné avec mon parrain, Laurent Becquet, CDB 777, quatre heures avantle décollage afin de me permettre de visiter les locaux d’Air France à Orly. Place ensuite à l’embarquement et à la découverte du « bureau » d’un pilote de ligne 777 :quel bureau ! Ce n’est pas mon premier vol en poste, mais celui-ci est particulièrementriche en explications grâce à un équipage formidable qui passe en revue chaque système,la navigation, les cartes, le CPDLC, l’ETOPS, l’environnement océanique… Cerise sur legâteau, après un vol calme au-dessus des nuages, l’arrivée à Pointe-à-Pitre se fait par beautemps avec, en toile de fond, un magnifique coucher de soleil. Au retour, j’ai le plaisir de participer à ma première PPV, puis au tour de l’avion avec expli-cations détaillées de la visite prévol ! Volant d’habitude sur de petits bimoteurs, je me sensbien petite face à ce B777-300 ; mais quel bonheur de découvrir comment les choses sepassent sur ce bel oiseau de 340 tonnes qui, en 8 heures, nous ramène à Paris avec uneconsommation moyenne de 8 tonnes par heure. Finalement, entre les petits et les gros bimoteurs,les bases sont communes, mais les lieux et les quantités ne sont pas à la même échelle ! Merci à mon parrain, à l’équipage et bien évidemment à l’APNA sans qui ce vol n’aurait pu êtrepossible. Merci à tous et en espérant vous croiser à nouveau un jour dans le cadre de mon travail…

Sophie Denis

L’APNA a signé un accord avec Air France qui permet à ses adhérents, parrains etfilleuls, d’obtenir un billet aller-retour gratuit sur les lignes Air France afin devoyager au poste de pilotage et de découvrir la réalité de notre profession.

Renseignements auprès de notre secrétariat :01.49.89.24.01 ou [email protected]

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