méthode d’identification des raisonnements des éleveurs
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Méthode d’identification des raisonnements des éleveurslaitiers: cas de la conversion à l’agriculture biologique en
moyenne montagne.Isabelle Boisdon, F. Cubizolles, Laurent Perochon, Christophe Poix
To cite this version:Isabelle Boisdon, F. Cubizolles, Laurent Perochon, Christophe Poix. Méthode d’identification desraisonnements des éleveurs laitiers: cas de la conversion à l’agriculture biologique en moyenne mon-tagne.. 2018. �hal-01882612v2�
Document de travail de l'UMR Territoires N°2
Méthode d’identification des raisonnements des éleveurs laitiers:
cas de la conversion à l’agriculture biologique en moyenne
montagne.
Boisdon Isabelle, Cubizolles Fanny, Perochon Laurent, Poix Christophe
25 Septembre 2018
Pour citer ce document :
Boisdon I, Cubizolles F, Perochon L, Poix C. (2018). Méthode d’identification des
raisonnements des éleveurs laitiers : cas de la conversion à l’agriculture biologique en
moyenne montagne. Document de travail de l’UMR Territoire N°2, Université Clermont
Auvergne, AgroParisTech, Inra, Irstea, VetAgro Sup, Clermont-Ferrand, France.
La série « Documents de travail» de l’UMR Territoires ne fait pas l’objet d’un processus éditorial de relecture en double aveugle. Les documents de travail correspondent à des travaux en cours. Le contenu et les opinions exprimés dans les documents de travail restent sous l’entière responsabilité des auteurs. Les commentaires et suggestions sont bienvenus et peuvent être adressés à l’auteur correspondant.
UMR Territoires Irstea, campus des Cézeaux - 9 avenue Blaise Pascal - CS 20085 63178 Aubière Cedex 2 contact.umrterritoires@irstea.fr Tél. 04 73 44 06 58 www.umr-territoires.fr
2
Résumé
Face aux crises agricoles actuelles, un nombre croissant d’éleveurs choisit de convertir son
exploitation à l’Agriculture Biologique. Ce mode de production reste cependant largement
minoritaire, même dans des territoires où le contexte environnemental comme économique
apparaît très favorable. Pourquoi ce mode de production n’est-il pas choisi par un plus grand
nombre d’éleveurs, même en conditions favorables ? C’est la question centrale de ce travail.
Pour y répondre, un modèle informatique à base d’agents sera développé afin de mieux
prendre en compte les interactions entre les différents acteurs du territoire. La première étape
consiste en la création d’un modèle conceptuel. Cet article propose une méthode pour réaliser
ce modèle à partir de l’analyse de documents hétérogènes. Elle met en évidence les thèmes
récurrents et les buts évoqués régulièrement par les éleveurs (formalisation en
finalités/objectifs/moyens). Les comportements des éleveurs et leurs causes sont synthétisés et
représentés graphiquement. Les diagrammes ainsi obtenus facilitent la compréhension des
décisions, ainsi que leur validation par les éleveurs et les experts. Enfin, certaines
représentations telles que les cartes de causalité pourront être utilisées comme outil de
médiation, ou constituer un préalable à la mise en œuvre du modèle de simulation
informatique.
Mots clés : Elevage biologique – Exploitation laitière – Modèles – Prise de décision
3
Introduction
Les crises économiques et sociales de ces dernières années ont mis en lumière la fragilité des
exploitations agricoles françaises (CER France, 2015; IDELE et CNE, 2017; Pluvinage,
2017). Elles doivent simultanément répondre aux attentes de la société en matière de
protection de l’environnement ou de bien-être animal et aux besoins des consommateurs pour
une alimentation saine et sûre, mais ne permettent pas aux agriculteurs de vivre dignement de
leur travail du fait de l’absence de répartition équitable de la valeur créée entre les différents
acteurs des filières. Cette réflexion sur les modèles agricoles et agro-alimentaires est
dynamisée aujourd’hui avec la tenue des Etats Généraux de l’Alimentation (Ministère de
l’Agriculture et de l’Alimentation, 2017), mais ce n’est pas une question récente. De
nombreux agriculteurs ont réfléchi depuis longtemps à conduire leur système de manière plus
écologique et à mettre en place des échanges équitables entre les différents intervenants des
filières (Alard et al., 2002; FNCIVAM, 2009). Ces évolutions peuvent entraîner de simples
changements de pratiques jusqu’à des transformations profondes des systèmes comme par
exemple la conversion à l’agriculture biologique (AB) (Sautereau et Petitgenet, 2014).
Les systèmes de production en AB ont en effet des caractéristiques techniques et portent des
valeurs qui permettent de répondre à ces enjeux (Bellon et Penvern, 2014; FNAB, 2016). La
dynamique des conversions que l’on peut observer actuellement traduit le fait que cette
solution est aujourd’hui envisagée par de nombreux agriculteurs. En 2016 l’AB a en effet
franchi la barre symbolique des 5% de la SAU nationale, avec une croissance des surfaces
engagées de 17% par rapport à l’année précédente (Agence Bio, 2016). Toutes les filières sont
concernées par cette hausse. En élevage bovin laitier la crise économique a accéléré le
processus et on observe une croissance de 29% des exploitations engagées entre 2015 et 2016,
les éleveurs étant attirés par une meilleure valorisation du lait et des prix plus stables grâce à
l’absence de surproduction et à un marché porteur (FranceAgriMer, 2016; Willer et Lernoud,
2017; FNPL, 2017). Les déterminants économiques sont donc souvent cités comme une forte
motivation pour les conversions (Geniaux et al., 2010; Sainte-Beuve, 2010; Latruffe et al.,
2013), mais ne suffisent pas à eux seuls à expliquer certaines non-conversions en situation
pourtant favorable (Viguier, 2012). Des travaux de (Dockès et al., 2013a) ont permis
d’identifier les freins et leviers de la conversion en élevage laitier dans les zones de montagne,
et de les classer en trois familles : techniques, économiques et socio-psychologiques. Sainte-
Beuve (2010) identifie les freins socio-psychologiques comme prépondérants, et recommande
4
de prendre en compte les interactions entre éleveurs ainsi qu’entre éleveurs et intervenants des
filières ou de l’appui technique et du conseil.
Une modélisation informatique, notamment une approche multi agents (Ferber, 1997; Treuil
et al., 2008) peut permettre d’étudier les comportements collectifs émergents à partir des
comportements individuels en interaction, afin de représenter et étudier les conséquences à
l’échelle d’un territoire des décisions individuelles des éleveurs. Le travail présenté ici est une
étape préalable à la création d’un simulateur centré sur l'éleveur, avec une tentative
d’identifier différentes stratégies, des objectifs et des modes de décision différents. Il se base
sur l’analyse d’un échantillon de documents. Afin de faciliter la communication et la
compréhension, d’abord au sein d’abord de notre petit groupe de travail interdisciplinaire
(agronomie, modélisation conceptuelle et développement informatique), puis ensuite avec les
éleveurs, diverses représentations graphiques ont été utilisées.
1. Matériel et méthode
La méthode proposée utilise des informations provenant de divers documents et données
hétérogènes. Elle vise à expliciter les buts des éleveurs, tant au niveau stratégique
qu’opérationnel.
1.1 Origine et nature des documents sélectionnés
Les documents utilisés sont issus de différents projets de recherche-développement.
Complétés par une recherche bibliographique, ils permettent d’avoir un panorama des
déterminants de la conversion en élevage laitier déjà identifiés dans différentes régions de
montagne lors de travaux antérieurs. Ce sont soit des publications (articles, posters, fiches
techniques, témoignages vidéo) soit des documents bruts tels que des entretiens avec des
éleveurs, sous la forme de fichiers audio ou de retranscriptions.
Dans le cadre du projet CASDAR Montagne Bio (2010-2013), 264 entretiens semi-directifs
avec des éleveurs et des conseillers dans plusieurs territoires de montagne et piémont
(Franche-Comté, Auvergne, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées) ont permis l’identification des
freins et des leviers de la conversion. Ces zones de montagne et piémont ont été choisies car
les questions qui émergeaient alors étaient spécifiques, et que la conversion à l’AB pouvait
représenter ici une réelle alternative pour les éleveurs laitiers face aux incertitudes (fin des
5
quotas, fluctuation du prix du lait…). Une typologie des trajectoires de conversion dans les
zones de montagne a été élaborée ainsi qu’un modèle de plan d’action pour favoriser les
conversions dans des petits territoires (Dockès et al., 2013a). Des vidéos ont été réalisées afin
d’apporter des témoignages d’éleveurs sur les différents points à prendre en compte pour un
candidat à la conversion (Dockès et al., 2013b). Des témoignages d’éleveurs de la région
Rhône-Alpes et publiés par l’IDELE ont également été mobilisés (Laurent et al., 2017). Une
recherche bibliographique a permis de compléter cette base documentaire avec différents
articles, rapports de stage et thèses de doctorat traitant de la conversion à l’agriculture
biologique (Gouttenoire, 2010; Sainte-Beuve, 2010; Chabrat, 2011; Viguier, 2012; Petit,
2013; Champailler, 2014).
Des entretiens semi-directifs ont été analysés. Ils abordent la question des objectifs et des
motivations de la conversion, ce qui a permis un recueil d’informations pertinentes pour le
projet. Une douzaine d’entretiens avec des éleveurs laitiers en AB ont été réalisés dans le
Massif Central dans le cadre du Casdar OptiAliBio (2015-2018), sur le thème de l’autonomie
des systèmes (Boisdon et al., 2016). Une vingtaine d’entretiens réalisés dans le cadre du projet
Associatione (2016-2019) auprès d’éleveurs laitiers en AB ou conventionnels du massif du
Pilat, ainsi qu’auprès de conseillers agricoles, ont également été traités.
1.2 Dépouillement
La première étape a consisté à déterminer les types d’information les plus fréquemment cités,
pour ainsi pouvoir définir les besoins en organisation de ces informations. Compte-tenu du
temps nécessaire à l’exploitation de l’ensemble des documents, nous avons décidé de
travailler d’abord sur un sous-échantillon, et recherché les informations sur les stratégies des
éleveurs de façon prioritaire à celles sur les pratiques mises en œuvre.
Le dépouillement plus approfondi de l’ensemble des documents a ensuite été effectué. Chaque
document a été analysé et synthétisé sous forme manuscrite, puis une synthèse globale a été
réalisée à l’aide des représentations graphiques choisies.
1.3 Choix des représentations graphiques
En s’appuyant sur des travaux antérieurs sur la représentation des systèmes d’élevage (Meda
et al., 2015), une sélection de modélisations graphiques a été établie. Celles qui disposent
d’outils logiciels (libres si possible) ont été privilégiées : UML (Unified Modeling Langage)
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(Rumbaugh, 2005), Mind Map, Carte Causale, Concept Map. Les besoins mis en évidence
lors du dépouillement ont ensuite été croisés avec le potentiel de ces représentations
graphiques, pour en choisir certaines ou en concevoir de plus empiriques. Les représentations
retenues font partie des outils conçus pour permettre davantage de synthèse et de lisibilité, par
rapport à des présentations textuelles uniquement.
2. Résultats
2.1 Types d’informations jugés pertinents et leurs représentations
Le traitement des documents a été effectué de manière à répondre aux trois questions
suivantes, définies en amont comme des consignes pour le dépouillement :
- Quels concepts cités sont associés à la conversion à l’AB ?
- Qu’est-ce qui oriente les choix des éleveurs ?
- Quels sont les mécanismes et les liens de causalité en jeu ?
La première question permet d’identifier les thèmes. Différents niveaux d’abstraction
coexistent dans cet inventaire ; certains thèmes sont plus généraux que d’autres. La deuxième
question permet de préciser ce qui structure le raisonnement des éleveurs, c’est à dire les
éléments (arguments, raisons, objectifs) qui peuvent expliquer leur attrait pour une conversion
à l’AB. L’information qui ressort de cette étape est un inventaire des buts des éleveurs. Le
terme but a été retenu, conformément au vocabulaire utilisé en planification, notamment dans
l’approche « Hierarchical Task Planning » (Erol et al., 1996) qui sera mobilisée pour la
modélisation multi-agents. Les buts cités ne se situent pas tous au même niveau hiérarchique ;
certains peuvent être considérés comme des finalités (haut niveau), alors que d’autres
semblent être des objectifs (niveau intermédiaire), et d’autres encore des moyens de parvenir
aux objectifs (niveau élémentaire). Les buts et leurs relations sont souvent exprimés dans les
documents. Toutefois, la personne qui réalise le dépouillement peut être amenée à interpréter
des formulations plus implicites pour produire les résultats de cette étape, qui se présentent
sous forme d’un inventaire des buts organisé hiérarchiquement. La dernière question permet
de mieux comprendre ce qui peut influencer le degré de réalisation des buts répertoriés. Elle
aboutit à une liste des relations de causalité entre finalités, objectifs et moyens.
Pour chaque type d’information ci-dessus, une représentation graphique a été choisie
(Encadré 1). Concernant les thèmes, l’utilisation des Mind Maps permet de visualiser de
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manière synthétique les différents niveaux d’abstractions liés à un thème central. Pour des
raisons de lisibilité, plusieurs Mind Maps ont été élaborées. Elles couvrent ainsi l’ensemble de
thèmes abordés. Pour la représentation hiérarchique des buts, un formalisme a été construit
pour mettre aussi en évidence les relations multiples entre buts et sous-buts. Enfin, le choix
des cartes causales s’est imposé pour la mise en évidence des relations de causalité directes
et indirectes. La figure 1 résume les différentes étapes de la démarche proposée.
2.2 Illustration de la méthode à l’aide d’un jeu de données
L’objectif de cet exemple est de montrer la pertinence des représentations graphiques
choisies, tant pour le domaine de l’AB que pour celui de la modélisation. Les informations
nécessaires sont tirées des documents dépouillés pour l’inventaire des thèmes et des buts des
éleveurs ainsi que la hiérarchisation de ces derniers. Une expertise de la part des membres du
groupe a ensuite été réalisée pour déterminer les liens de causalité entre les variables.
2.2.1 Mind Maps et inventaire des thèmes
Au total cinq Mind Maps ont été élaborées, chacune construite autour d’un thème central en
relation avec la conversion à l’AB : freins & motivations, changements lors de la conversion,
satisfaction des éleveurs, éléments sociaux, buts des éleveurs. L’exemple de la figure 2
présente la carte structurant les buts des éleveurs. C’est sur ce diagramme que s’appuie l’étape
suivante qui expose les buts selon les trois axes : Conditions de travail, Rentabilité, Respect
de l’Environnement.
2.2.2 Identification et hiérarchisation des buts
Sur la figure 3 sont présentés trois diagrammes de buts qui correspondent aux axes identifiés.
Les buts de haut niveau apparaissent en gras. Dans les cadres à coins arrondis, des buts de
niveau intermédiaire qui contribuent totalement ou partiellement à la réalisation des buts de
haut niveau. Enfin, dans les cadres à coins carrés, des buts considérés comme élémentaires
(leur réalisation ne sera pas détaillée). Les relations indiquent que le but visé par la flèche peut
contribuer à la réalisation du but au niveau supérieur, situé à l’origine de la flèche.
L’axe « travail » regroupe des buts concernant deux aspects complémentaires : le temps libre
et les conditions de travail. Les éleveurs expriment leur volonté d’être satisfaits de leurs
conditions de travail, d’avoir du temps libre ou d’augmenter ce temps libre. Pour avoir
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davantage de temps libre, les leviers d’actions se situent au niveau de la main d’œuvre, du
volume de travail et de l’efficacité. Pour atteindre ces sous-buts, par exemple baisser le
volume de travail, l’éleveur dispose de moyens comme l’intensification de la production ou
la diminution du troupeau. Pour parvenir à une activité rentable ou augmenter la rentabilité de
son exploitation, l’éleveur peut agir au niveau des charges, du volume de production et/ou de
la valorisation de cette production. Comme précédemment, différentes actions peuvent être
mises en œuvre en fonction du ou des moyens choisis par l’éleveur. Par exemple, diversifier
ou rechercher un label de qualité pour mieux valoriser sa production. Enfin le troisième axe
exprimé par les éleveurs est celui du respect de l’environnement. Les questions de pollution et
de biodiversité sont citées comme sous-buts. Les actions qui concernent l’usage des produits
phytosanitaires et des engrais minéraux de synthèse semblent occuper une place centrale pour
satisfaire cet objectif. L’agriculture de proximité et les cultures multi-espèces sont également
des moyens évoqués dans les documents.
2.2.3 Identification des variables et de leurs liens de causalité
L’analyse des diagrammes précédents a permis de mettre en évidence des variables
représentatives de l’état du système et des indicateurs du degré de satisfaction des buts cités.
Leur mise en relation par des liens de causalité aboutit à la construction de cartes causales. La
figure 4 montre un exemple d’élaboration d’une carte à partir de deux variables de l’axe
Environnement : Niveau d’utilisation des produits phyto & engrais chimiques et Distance
moyenne clients & fournisseurs. Ces variables et leurs relations ont d’abord été représentées
(en noir). Ensuite, les variables relevant d’autres axes, et impactées par celles déjà citées sont
dessinées (en bleu). Par la suite, cette ébauche de carte causale pourra être complétée avec
d’autres relations, créant ainsi des boucles de rétroactions.
Sur le diagramme, les signes + indiquent qu’une évolution de la variable de départ implique
une évolution « dans le même sens » de la variable d’arrivée. La figure 4 peut donc être lue de
la façon suivante : le niveau d’utilisation des produits phyto et le label AB sont deux variables
intimement liées. Ce mode de production a un effet sur la valorisation du lait, elle-même
impactant les produits de l’exploitation et donc sa rentabilité. L’usage des produits
phytosanitaires et des engrais minéraux impacte la productivité des surfaces et les produits
que l’on peut en tirer. Le label AB impacte donc le revenu de l’éleveur, de façon positive
grâce à la meilleure valorisation des produits et une diminution des charges liées aux achats
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d’intrants, et de façon négative en diminuant la quantité de lait ou de céréales produite. Dans
cet exemple, on observe également des liens de causalité qui montrent que le label AB
implique une quantité de travail moindre due à la suppression des épandages des produits
phyto, ce qui se traduit par une amélioration des conditions de travail.
Selon ce diagramme une conversion à l’AB a des conséquences sur de nombreuses variables
relevant des trois axes identifiés dans les documents analysés. Il constitue un point de départ
pour la construction d’un modèle de simulation informatique.
3. Discussion
Cet article présente une démarche permettant de produire des documents graphiques,
notamment des cartes causales. Le bénéfice que pourront en tirer les agronomes sera issu de
l’analyse de ces cartes causales, et en particulier des boucles de rétroaction qu’elles peuvent
mettre en évidence (Thomas et Thieffry, 1995). La figure 5 illustre des boucles de rétroaction.
On observe quatre boucles, trois étant de type négatif, et donc contrariant les fluctuations de la
variable à expliquer, et la dernière au contraire accentuant ses variations. Par exemple, si l’on
considère la Rentabilité comme variable à expliquer, toute variation de sa valeur va être
limitée par la boucle de gauche (en bleu) et amplifiée par la boucle centrale (en rose).
La qualité des résultats dépend bien entendu des documents disponibles au départ. La
méthode est conçue pour exploiter des documents hétérogènes, tant dans les formats que dans
les sujets abordés. Elle est transposable à d’autres sources. Les documents n’étant pas
forcément conçus pour l’usage qui en est fait ici, leur analyse nécessite une expertise
supplémentaire (filtre/reformulation) qui introduit une part de subjectivité. En contrepartie, ce
choix permet une économie dans la collecte des données et surtout la réutilisation et la
valorisation de travaux antérieurs.
Avec ce travail, l’hypothèse est faite que croiser le maximum de sources (raisonnements
d’éleveurs et d’experts, propre expertise des membres du groupe) permet de rendre compte au
mieux d’une certaine appréhension partagée de la réalité. Cela met aussi en évidence les
contradictions entre les différentes sources, ce qui est accepté par tous et ce qui fait débat. Ces
informations seront très utiles lors de la phase de modélisation.
Les facteurs économiques mis en évidence dans d’autres études (Latruffe et al., 2013)
n’apparaissent pas seuls dans les résultats présentés ici. Les documents analysés montrent
également la présence de motivations d’ordre environnemental dans le discours des éleveurs.
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Les différences observées entre la bibliographie et les documents analysés s’expliquent en
partie par l’échantillon de la population enquêtée. La date (année) de conversion ainsi que le
contexte de l’époque, qui pouvait varier d’un territoire à l’autre, déterminent les motivations
des éleveurs. En effet si on observe aujourd’hui une explosion de la demande en produits
biologiques qui dynamise toute la filière et rend l’AB plus attractive en période de crise
laitière (Agence Bio et CSA Research, 2017), cela n’a pas toujours été le cas et les pionniers
de l’AB avaient aussi des motivations environnementales pour adopter ce mode de
production.
4. Conclusion
L’objet central de cet article est de proposer des représentations graphiques et la méthode qui
permet de les obtenir, en s’appuyant sur un échantillon de documents. Les résultats
« agronomiques » doivent encore être affinés et validés par des éleveurs et/ou de techniciens,
car ils sont en partie issus de l’expertise du groupe. Ceux présentés ici sont donnés à titre
d’illustration mais ne constituent pas la finalité de ce travail. Un recensement de l’ensemble
des facteurs qui interviennent dans le processus de conversion à l’AB a été réalisé, sur la base
des informations contenues dans les documents. Les formalismes graphiques choisis,
combinés à une approche par les buts, aboutissent à des diagrammes pouvant être soumis à la
validation des éleveurs et des experts. Une base d’informations utiles pour la création d’un
modèle informatique a ainsi été constituée. Les données extraites ne se limitent pas à un
catalogue, mais sont synthétisées sous forme de modèles conceptuels directement exploitables
pour simuler informatiquement les processus décisionnels individuels. Le développement
d’un modèle multi-agents est l’étape suivante. L’application informatique produite permettra
d’étudier et de mieux comprendre les conditions et mécanismes de la conversion à l’AB.
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Encadré 1 : Définitions des représentations choisies
Text box 1 : Definitions of chosen diagrams
Mind Map : Selon Buzan et Buzan (2012) : « Une mind map est un outil mental holistique
visuel et graphique […]. C’est en quelque sorte le "couteau suisse du cerveau" […]. Au
centre, une image reflète le sujet abordé. […] Les ramifications sont tracées en partant de
l’image centrale. Directement reliées à celle-ci, les premières branches représentent les
différents thèmes qui se rapportent au sujet principal. A celles-ci sont rattachées les
ramifications de niveau inférieur qui correspondent aux thèmes secondaires. »
Diagramme hiérarchique des buts : une représentation conçue pour ce projet. Elle permet
de visualiser les relations hiérarchiques entre buts, c’est-à-dire de lier les buts aux sous-buts
qui peuvent participer à leur réalisation. Cette représentation s’inspire largement des
diagrammes de la démarche "approche globale de l’exploitation agricole" (Bonneviale et al.,
1989), et d’une version simplifiée des "goal trees" de TAEMS (Task Analysis Environment
Simulation) (Horling et al., 1999).
Carte causale : Les mécanismes expliquant la dynamique comportementale du système
modélisé sont représentés par un ensemble de relations de causes-effets. On parle aussi de
boucles de rétroaction dont on cherche à comprendre les conséquences. La carte causale est
adaptée à la communication d’un modèle à autrui (Albin et al., 2001). Ce type de
représentation aide à mieux comprendre les interactions directes et indirectes entre les
différentes variables.
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Titres des figures :
Figure 1 : Démarche mise en œuvre et représentations graphiques produites.
Figure 2 : Mind Map des buts des éleveurs
Figure 3 : Diagrammes des buts
Figure 4 : Carte causale « environnement »
Figure 5 : Exemple de boucles de rétroaction
Figure 1 : Implemented approach and generated diagrams
Figure 2 : Mind Map of farmer’s goals
Figure 3 : Diagrams of goals
Figure 4 : Causal Map “environment”
Figure 5 : Example of feedback loop
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Illustrations :
Figure 1 :
Figure 2 :
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Figure 3 :
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Figure 4 :
Figure 5 :
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