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Lille 2, Université du droit et de la santé
Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques et de gestion n° 74
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
La déclaration judiciaire d’abandon
Mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention d u Master Droit
« Recherche », spécialité « droit des personnes et de la famille »
Droit privé
par Amélie NIEMIEC
Sous la direction de Madame Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ
Année universitaire 2005-2006
Ce mémoire a été publié le 28 novembre 2006 avec l’autorisation de l’auteur et l’approbationdu jury de soutenance sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr
SOMMAIRE
Introduction.........................................................................................................7
Première Partie – La mise en œuvre équilibrée de la déclaration judiciaire
d’abandon .........................................................................................................26
Titre I – Une mesure conditionnée........................................................................................26Chapitre 1 : Les conditions relatives à l’enfant.................................................................27Chapitre 2 : Les conditions relatives aux parents..............................................................33
Titre II : Une mesure favorisée..............................................................................................44Chapitre 1 : L’incitation à la déclaration d’abandon au niveau procédural......................45Chapitre 2 : L’incidence minimale de la situation familiale.............................................56
Deuxième Partie – Les effets progressifs de la déclaration judiciaire
d’abandon..........................................................................................................64
Titre I : Une perspective d’avenir pour l’enfant....................................................................64Chapitre 1 : La délégation de l’autorité parentale.............................................................65Chapitre 2 : L’enfant pupille de l’Etat..............................................................................72
Titre II : Une consolidation de l’avenir de l’enfant...............................................................79Chapitre 1 : L’enfant restitué à ses parents biologiques....................................................80Chapitre 2 : L’enfant confié à ses parents adoptifs...........................................................85
Conclusion..........................................................................................................94
Bibliographie......................................................................................................96
Annexes............................................................................................................107
2
REMERCIEMENTS
Je remercie tout particulièrement ma directrice de mémoire, Madame le Professeur Françoise
DEKEUWER-DEFOSSEZ, pour son soutien et ses précieux conseils ainsi que Madame
Raphaëlle CAVALIER, Responsable de l’Unité Adoption et Droits de l’Enfant au sein du
Conseil Général du Nord, qui m’a permis d’avoir une vision concrète du sujet.
3
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AJ fam. : Actualité juridique famille
al. : Alinéa
art. : Article
avr. : Avril (mois)
Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles)
CASF : Code de l’action sociale et des familles
Cass. ass. plén. : Cour de cassation, assemblée plénière
Cass. 1ère civ. : Cour de cassation, première chambre civile
C. civ. : Code civil
cf. : Confer
chron. : Chronique
comm. : Commentaires
D. : Recueil Dalloz-Sirey
DEAJ : Direction des Etudes et des Affaires Juridiques
déc. : Décembre (mois)
Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois
doctr. : Doctrine
Doc. fr. : Documentation française
Dr. et patrimoine : Droit et patrimoine
Dr. fam. : Droit de la famille
DTPAS : Direction Territoriale de Prévention de l’Action Sociale
éd. : Edition
fasc. : Fascicule
fév. : Fév. (mois)
4
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
ibid. : Ibidem
id. : Idem
inf. rap. : Informations rapides
janv. : Janvier (mois)
J.-Cl. : Juris-classeur
JCP éd. G : Juris-classeur périodique édition générale (Semaine juridique)
JCP éd. N : Juris-classeur périodique édition notariale et immobilière (Semaine juridique)
JO : Journal officiel
juill. : Juillet (mois)
jurispr. : Jurisprudence
loc. cit. : Loco citato
n° : Numéro
NCPC : Nouveau Code de procédure civile
nov. : Novembre (mois)
obs. : Observations
oct. : Octobre (mois)
op. cit. : Opere citato
ord. : Ordonnance
p. : Page
Petites Affiches : Les petites affiches
préc. : Précité :
RAJS : Revue de l’action juridique et sociale
RD sanit. et soc. : Revue de droit sanitaire et social
RJPF : Revue juridique Personnes et Famille
RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil
sept. : Septembre (mois)
somm. : Sommaire
t. : Tome
5
TGI : Tribunal de grande instance
UADE : Unité Adoption et Droits de l’Enfant
V° : Verbo
vol. : Volume
6
Introduction
Avoir un enfant est un désir « de toutes les époques »1.
Or, pour certaines personnes, ce désir ne peut se concrétiser que par la voie de l’adoption, ce
qui explique l’ancienneté de ce mode de filiation.
En effet, ses origines remontent à l’Empire romain où l’adoption est alors largement usitée.
Elle permet au pater familias d’assurer la survivance du culte domestique en se procurant, à
défaut d’enfants légitimes, des descendants qui porteront son nom2.
Cette filiation, qui ne repose pas sur un lien de sang mais sur un acte juridique, s’est ensuite
développée au cours des siècles3 prenant même la forme d’un contrat soumis à des conditions
rigoureuses à l’époque révolutionnaire et sous l’empire du Code Napoléon.
L’adoption, véritable institution4, est alors destinée à conférer des héritiers à ceux qui ne
peuvent en avoir et non à permettre à l’enfant d’avoir une véritable famille5.
1 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), Droit Civil : Les personnes, La famille, Les incapacités, Précis, 7ème
éd., Paris : Dalloz , 2005, n° 873, p. 818.2 MALAURIE (P.) et FULCHIRON (H.), La famille, Paris : Defrénois, 2004, p. 444, n° 1071.3 RENAUT (M.-H.), Histoire du droit de la famille, Mise au point, Paris : Ellipses, 2003, p. 55.
Toutefois, sous l’Ancienne France, l’adoption subit un net recul puisque elle n’est autorisée que par lettres
royaux ou pour les orphelins recueillis par des établissements charitables.4 CORNU (G.), Droit civil : La famille, Domat droit privé, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2003, p.
431, n° 274.5 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, p. 815, n° 873.
7
Par ailleurs, le Code napoléonien interdit l’adoption des mineurs6. La catégorie des enfants
adoptables est donc uniquement composée de majeurs, ce qui explique que l’adoption est
rarement utilisée au XIXème siècle.
Au cours du XXème siècle, l’adoption fait l’objet de nombreux remaniements législatifs afin
d’assouplir ses conditions. En effet, après la première guerre mondiale, la cohorte d’enfants
adoptables va avoir pour effet de transformer radicalement l’institution7.
De remède à l’absence d’héritiers, l’adoption devient un moyen de venir en aide aux enfants
abandonnés et aux orphelins de guerre. Il s’agit d’une opération de « charité sociale »8. C’est
l’intérêt de l’enfant qui est mis au centre du dispositif ; il doit primer sur toute autre
considération.
Dans cet esprit, l’adoption est ouverte aux mineurs et encouragée par des dispositions qui
assouplissent ses conditions et renforcent ses effets9 ce qui eut pour conséquence de multiplier
le nombre d’adoptions. On assiste même à une certaine « pénurie » d’enfants adoptables et des
litiges viennent à opposer les familles par le sang aux familles adoptives.
De nouvelles réformes se succédèrent par la suite10, ce qui atteste du caractère délicat de ce
mode de filiation. A chaque réforme, le législateur va devoir prendre en compte les intérêts de
chacun et tenter de les concilier.
La question des enfants qui peuvent faire l’objet d’une adoption est notamment au centre des
débats.
En effet, il convient de souligner que l’institution n’est ouverte qu’au profit d’enfants
abandonnés. Or, cette notion d’abandon est souvent au cœur des conflits, les parents par le
6 BÉNABENT (A.), Droit civil : La famille, Manuel, 11ème éd., Paris : Litec, 2003, p. 479, n° 765.7 Décret-loi du 29 juill. 1939 relatif à la famille et à la nationalité française, JO 30 juill. 1939, p.
9607.8 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, p. 815, n° 873.9 Cf. ord. n° 58-1306 du 23 déc. 1958 portant modification du régime de l’adoption et de la
légitimation adoptive, JO 25 déc. 1958, p. 11806_loi n° 60-1370 du 21 déc. 1960 modifiant et complétant
l’article 344 du Code civil relatif à l’adoption, JO 22 déc. 1960, p. 11561.10 Cf. loi n° 66-500 du 11 juill. 1966 portant réforme de l’adoption, JO 12 juill. 1966, p. 5956_loi n°
76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption (simplification), JO 23 déc.
1976, p. 7364_loi n° 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux
droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, JO 9 janv. 1993, p. 495_loi n° 94-629 du 25
juill. 1994 relative à la famille, JO 26 juill. 1994, p. 10739_loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à
l’adoption, JO 6 juill. 1996, p. 10208.8
sang, affirmant que leur enfant n’était pas l’objet d’un abandon, souhaitaient le reprendre à la
famille adoptive.
Afin de résoudre ces problèmes, la loi subordonne aujourd’hui l’adoption à un abandon
volontaire des parents11. Cet abandon peut découler de trois situations énoncées à l’article 347
du Code civil.
La première catégorie d’enfants adoptables prévue par la loi est composée des mineurs dont
les représentants, parents ou conseil de famille, ont consenti à l’adoption12.
L’abandon procède d’une volonté parentale puisque ce sont les parents qui décident de
l’adoption ; il concerne principalement les adoptions intra-familiales13. Toutefois, le juge peut
prononcer l’adoption malgré le refus de consentement des parents s’il estime que ce refus est
abusif14.
Concernant les deux autres situations envisagées par l’article 347 du Code civil, le
consentement des parents n’est pas requis.
Il s’agit alors de faire constater l’abandon, soit par un acte administratif, c’est l’hypothèse des
pupilles de l’Etat, soit par un acte judiciaire, c’est le cas des enfants déclarés judiciairement
abandonnés15.
Les pupilles de l’Etat sont des enfants qui ne relèvent plus, en fait ou droit, de l’autorité
parentale. Admis par arrêté du Président du Conseil Général, les pupilles sont composés
d’enfants relevant de différentes situations16 dont le point commun est d’avoir été confiés au
service de l’aide sociale à l’enfance17.
Ainsi, selon l’article L. 224-4 du Code de l’action sociale et des familles, les pupilles de l’Etat
regroupent : les enfants sans filiation établie et connue recueillis depuis deux mois par l’Aide
sociale à l’enfance ; les enfants dont la filiation est établie et connue mais qui ont été
expressément remis au service de l’aide sociale à l’enfance pour être admis comme pupille de
l’Etat, soit par les personnes qui ont qualité pour consentir à l’adoption (un délai de recueil de
11 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, p. 828, n° 884.12 LAGEISTE (E.), Le consentement à l'adoption, mémoire de DEA Droit Privé, 1993, Université de
Lille 2, sous la direction de Madame DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.), p. 13.13 Id., p. 7.14 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, 2005, p. 831, n° 887.15 MALAURIE (P.) et FULCHIRON (H.), op. cit. note 2, p. 455, n° 1085.16 COURBE (P.), Droit de la famille, Armand Colin, 4ème éd., Paris : Dalloz, 2005, p. 409, n° 967.17 RENAULT-BRAHINSKY (C.), Droit de la famille, Fac universités. Manuel, Paris : Gualino, 2005, p.
425, n° 909.9
deux mois doit alors s’écouler), soit par un de leur parent, l’autre parent n’ayant pas fait
connaître sa volonté d’assumer leur charge (le délai de recueil est de six mois) ; les enfants
dont les parents ont fait l’objet d’un retrait d’autorité parentale et qui ont été recueillis par le
service de l’aide sociale à l’enfance18 ; les orphelins dépourvus de moyens d’existence et
recueillis par l’Aide sociale à l’enfance depuis deux mois et enfin des enfants déclarés
judiciairement abandonnés et confiés au service de l’aide sociale à l’enfance.
Malgré leur insertion à l’article L. 224-4 du Code de l’action sociale et des familles, les
enfants déclarés judiciairement abandonnés constituent une catégorie autonome d’enfants
adoptables. En effet, l’article 347 du Code civil distingue la possibilité d’adopter les enfants
pupilles de l’Etat et les enfants déclarés judiciairement abandonnés.
Cela se justifie par le fait que, pour les enfants déclarés abandonnés par décision de justice,
l’admission en tant que pupille de l’Etat sera subordonnée à l’obtention d’une décision du
juge. La décision judiciaire constitue donc un préalable obligatoire à l’admission de ces
enfants comme pupille. La déclaration judiciaire d’abandon est régie par l’article 350 du Code
civil.
Cette dernière catégorie d’enfants adoptables, est la plus récente et a fait l’objet de
changements rédactionnels récents par le biais de la réforme de l’adoption en date du 4 juillet
200519.
Instaurée par la loi du 11 juillet 196620 et assouplie par celle du 22 décembre 197621, elle avait
pour objectif de mettre fin aux incertitudes liées à la notion d’abandon de l’enfant qui
entraînaient des conflits entre les parents par le sang et les parents adoptifs.
En effet, la loi du 5 août 1916, complétant celle du 24 juillet 188922 relative aux enfants
moralement abandonnés23, permettait à celui qui avait recueilli l’enfant d’en obtenir la garde si
les parents de ce dernier s’en étaient désintéressés depuis longtemps et complètement24 mais
ne définissait pas l’abandon ce qui posait problème.
18 Art. 378 et 378-1 C. civ.19 Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, JO 5 juill. 2005, p. 11072.20 Loi n° 66-500 du 11 juill. 1966 portant réforme de l’adoption, préc. note 10.21 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 22 Loi du 24 juill. 1889 relative aux enfants maltraités ou moralement abandonnés, au placement des
mineurs et à l’action éducative en milieu ouvert, JO 25 juill. 1889, p. 3653.23 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », JCP éd. G
1974. I. 2640, n° 1.10
L’illustration la plus retentissante de ces difficultés s’est produite avec la célèbre affaire
Novack dans les années 60 dont il convient de rappeler brièvement les faits.
En l’espèce, les parents biologiques d’un enfant revendiquent leur droit à le récupérer au
moment du jugement de légitimation adoptive en formant une tierce opposition.
Or, l’article 368 du Code civil dans sa rédaction de la loi du 8 août 194125 précise que, pour
être adopté, l’enfant doit être soit de parents inconnus, soit abandonné.
Par une décision du 6 juillet 196026, la Cour de cassation considère que puisque le père
biologique de l’enfant avait effectué des recherches afin de le retrouver et avait procédé à une
reconnaissance prénatale, il n’avait pas l’intention de l’abandonner. La remise de l’enfant à
son père biologique est donc ordonnée.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. En effet, un nouveau pourvoi est formé par l’adoptante pour
vice de forme. La première chambre civile de la Cour régulatrice, demeurée compétente,
prononce alors la cassation le 20 juin 196327. Par le biais de cette cause purement formaliste
sur laquelle s’appuie la Cour de cassation, il y a une sorte d’incitation à reprendre le fond de
l’histoire ce que fit la cour de renvoi en déclarant l’enfant abandonné.
L’affaire se termine devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation qui, le 10 juin
196628, met un point final à ce battage médiatique en confirmant l’arrêt d’appel. Après douze
années d’incertitude, l’enfant est rendu à l’adoptante.
C’est pour éviter ce genre d’incidents que le législateur devait définir clairement la notion
d’abandon.
En 1963, une première loi29 précisa que les enfants abandonnés ne peuvent faire l’objet d’une
légitimation adoptive que lorsque leurs parents se sont désintéressés d’eux pendant au moins
un an. Mais il subsistait toujours un risque puisque les parents pouvaient demander la
24 BOULANGER (F.), Enjeux et défis de l’adoption : étude comparative et internationale, Paris :
Economica, 2001, p. 81, n° 63.25 Loi du 8 août 1941 relative à l’adoption et à la légitimation adoptive, JO 3 oct. 1941, p. 4259.26 Cass. 1ère civ., 6 juill. 1960, D. 1960, jurispr., p. 510, note HOLLEAUX (G.) ; JCP éd. G 1960. II.
11815, obs. ROUAST (A.) ; RTD civ. 1962, p. 490, obs. DESBOIS (H.).27 Cass. 1ère civ., 20 juin 1963, D. 1964, jurispr., p. 1, note HEBRAUD (P.) ; Gaz. Pal. 1963, 2, jurispr.,
p. 19.28 Cass. ass. plén., 10 juin 1966, D. 1966, jurispr., p. 604 ; JCP éd. G 1966. II. 14778 ; RTD civ.
1966, p. 782, obs. NERSON (R.).29 Loi n° 63-215 du 1er mars 1963 relative aux enfants maltraités ou moralement abandonnés, au
placement des mineurs et à l’action éducative en milieu ouvert, JO 2 mars 1963, p. 2091.11
restitution de leurs droits délégués jusqu’au jour du jugement de légitimation adoptive30.
Ainsi, c’est lors de la réforme sur l’adoption de 1966, qualifiée par certains de réformette de
détail31, que le législateur va réellement agir en créant la déclaration judiciaire d’abandon.
Avec cette innovation, la loi de 1966 instaure donc une troisième catégorie d’enfants
adoptables, à côté des enfants dont les parents ont consenti à l’adoption et des pupilles de
l’Etat.
En effet, l’abandon de fait de parents qui se soucient peu de leur progéniture mais qui ne se
sentent pas prêts à franchir le cap du consentement à l’adoption ne devait pas rester sans
conséquence. Toutefois, il ne fallait pas tomber dans l’effet inverse et permettre l’adoption
d’enfants dont les parents n’y ont pas consenti de façon excessive. Cette mesure est donc
destinée à faire prononcer par le Tribunal de grande instance un jugement déclarant l’enfant
abandonné32.
Cette nouvelle procédure, applicable aux situations créées antérieurement à la promulgation
de la loi de 196633, repose sur l’idée que des parents qui se désintéressent manifestement de
leur enfant consentent implicitement à son adoption mais qu’il faut, pour garantir leurs droits,
que la réalité de ce désintérêt soit constatée par décision judiciaire34. Cela permet de substituer
à l’absence de consentement à l’adoption une décision judiciaire.
Ce système se distingue donc des deux premières catégories d’enfants adoptables.
De plus, contrairement à d’autres mesures de protection de l’enfance telles que l’assistance
éducative ou le retrait de l’autorité parentale, le juge va pouvoir prononcer cette mesure sans
avoir à caractériser une autre défaillance ou faute parentale (mise en danger, mauvais
traitements, défaut de soins, …)35.
Cette mesure était également destinée à réduire quelque peu la « pénurie » d’enfants
adoptables qui se faisait déjà sentir à l’époque. Or, de nos jours, malgré le développement de
la fécondation in vitro, le nombre de familles désirant adopter est toujours plus élevé que le
30 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », loc. cit. note
23.31 BÉNABENT (A.), op. cit. note 6, n° 765, p. 480.32 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, p. 831, n° 887.33 PATUREAU (Y.), « Le désintérêt de l’enfant déclaré judiciairement abandonné », D. 1978, chron., p.
171.34 HAUSER (J.) et HUET-WEILLER (D.), Traité de droit civil : La famille, Fondation et vie de la famille,
2ème éd., Paris : LGDJ, 1993, p. 683, n° 939.35 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », RJPF 2005, 10/11, p. 9.
12
nombre d’enfants pouvant être adoptés. Ainsi, en 1992, pour 13 428 familles dotées d’un
agrément en France, il n’existait que 4100 pupilles de l’Etat dont 1355 faisaient l’objet d’un
placement en vue de leur adoption36.
Toutefois, l’adoption étant destinée à donner une famille à un enfant qui n’en a pas et non
l’inverse, la pression consécutive au nombre d’adoptants en demande d’enfants ne devait pas
avoir pour conséquence de « produire » des enfants adoptables37. La loi de 1966 devait donc
instaurer un juste équilibre.
Pourtant, ce processus n’a pas répondu à toutes les attentes.
Les nombreux remaniements législatifs38 dont il a fait l’objet attestent de la particulière
difficulté à mettre en place ce type de mesure. Cependant, au lieu d’améliorer ce système, le
nombre des réformes ne fait que mettre en exergue les lacunes des différentes modifications.
Le problème est que les juges sont plus que réticents à couper les liens unissant l’enfant à sa
famille d’origine. Cette conséquence semble bien lourde et il est donc utile de prendre en
considération l’intérêt de tous les acteurs de la mesure, enfant, famille biologique, famille
adoptive. Le juge va se trouver en face d’intérêts contradictoires : il convient de respecter le
plus possible la famille d’origine de l’enfant tout en rendant l’enfant adoptable le plus
rapidement possible. Cette particularité rend le système de la déclaration judiciaire d’abandon
beaucoup plus complexe.
De même, il est difficile de savoir dans de nombreuses situations quand les parents se
désintéressent de leur enfant39. Or, en 1966, le législateur ne donne pas encore de véritable
définition de l’abandon en considérant que de toute façon celle-ci serait incomplète40.
C’est pourquoi, en 1966, lorsque l’article 350 du Code civil permet au juge de rendre
adoptables des enfants dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant un an et
qui, par conséquent, ont été recueillis soit directement par un particulier, soit par l’Aide
sociale à l’enfance ou par une œuvre privée, qui en assurent eux-mêmes l’éducation ou qui les
36 CORNU (G.), loc. cit. note 4.37 DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, Que sais-je ?, 6ème éd., Paris : PUF, 2004, p. 52.38 Cf. loi n° 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux
droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, préc. note 10_loi n° 94-629 du 25 juill. 1994
relative à la famille, préc. note 10_loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.39 MALAURIE (P.) et FULCHIRON (H.), op. cit. note 2, n° 1085, p. 456.40 NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.), « La déclaration judiciaire d’abandon de l’article 350 du
Code civil », RTD civ. 1980, p. 102.13
confient à leur tour à un particulier41, il n’eut pas l’effet escompté. Les magistrats, plus
sensibles aux intérêts des parents par le sang, ne prononçaient la déclaration judiciaire
d’abandon que de façon exceptionnelle même si les conditions de recueil, de désintérêt et de
durée étaient réunies. Ils avaient tendance à considérer que les parents ne peuvent être privés
de leurs droits que si une faute leur est imputable42. L’abandon est assimilé à un geste
coupable alors que celui-ci peut permettre à l’enfant de bénéficier d’une situation stable43.
En effet, de nombreux enfants, confiés à l’Aide sociale à l’enfance en raison de la défaillance
de leurs parents biologiques, étaient contraints de passer de famille d’accueil en famille
d’accueil ou vivaient de placements successifs en foyers de l’enfance sans pouvoir bénéficier
d’une adoption44. L’enfant dont les parents se désintéressaient subissait un abandon différé45
générateur de terribles souffrances46.
De plus, un abandon prononcé rapidement permettra à l’enfant d’avoir plus de chances d’être
adopté de par son jeune âge. Cela évite également que l’enfant ne garde trop de souvenirs de
ses parents biologiques47.
Il existait donc un contraste entre le très faible nombre d’enfants déclarés judiciairement
abandonnés et l’importance de la population d’enfants faisant l’objet de mesures d’assistance
ou recueillis temporaires48.
Afin de briser cette jurisprudence, la loi de 197649 va insérer un alinéa 2 à l’article 350 du
Code civil pour préciser en quoi consiste le désintérêt manifeste et rendre la tâche plus aisée
aux magistrats.
41 BÉNABENT (A.), op. cit. note 6, p. 490, n° 774.42 ALLAER (C.), « L’enfant oublié », JCP éd. G 1975. I. 2735, n° 9.43 PATUREAU (Y.), op. cit. note 33, p. 167.
44 TABAROT (M.), Rapport d’information déposé par la commission des affaires culturelles, familiales etsociales sur la mise en application de la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption,28 mars 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i2982.asp, p. 10.45 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, éd. 2001/2002, Dalloz action, Paris : Dalloz, 2001, p.
607, n° 1641.46 LAROCHE-GISSEROT (F.), Les droits de l’enfant, Connaissance du droit, 2ème éd., Paris : Dalloz, 2003,
p. 25.47 GARÉ (T.), Droit des personnes et de la famille, Focus droit, 3ème éd., Paris : Montchrestien, 2004,
p. 11.48 BOULANGER (F.), Enjeux et défis de l’adoption : étude comparative et internationale, op. cit. note
24, p. 80, n° 61.49 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 14
Ainsi, l’alinéa 2 de l’article 350 dudit Code précise : « Sont considérés comme s’étant
manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les
relations nécessaires au maintien de liens affectifs ».
Toutefois, l’expression de « maintien de liens affectifs » utilisée par le législateur paraît
également difficile à cerner. Cette expression ne peut en effet se manifester que par des signes
extérieurs50.
Or, en 1966, le législateur avait déjà précisé que « ni la simple rétractation du consentement à
l’adoption, ni la demande de nouvelles » ne constituaient des marques d’intérêt suffisantes
pour motiver de plein-droit le rejet d’une demande en déclaration d’abandon51.
La liste établie s’enrichit en 1976 de « l’intention exprimée mais non suivie d’effet de
reprendre l’enfant »52. L’article 350, alinéa 3 du Code civil établit donc une liste d’exemples
qui ne devraient pas empêcher le prononcé de l’abandon53.
Depuis la loi du 8 janvier 199354, il est même précisé que ces démarches sont impuissantes à
interrompre le délai d’un an à l’expiration duquel la déclaration d’abandon peut être
prononcée55. Cette loi remplace également le mot « gardien » par l’expression « celui qui a
recueilli l’enfant »56.
La nouvelle rédaction de l’article 350 paraît donc plus sévère envers les parents d’origine de
l’enfant57.
En effet, elle permet au juge de rejeter la requête en déclaration d’abandon dès qu’il apparaît
que la relation entre l’enfant et ses parents est superficielle ou trop espacée dans le temps.
Cette rigueur, jugée excessive par une partie de la doctrine est néanmoins tempérée par la
Cour de cassation puisqu’elle a repris une solution utilisée avant 197658 et qui consiste à
50 MALAURIE (P.) et FULCHIRON (H.), op. cit. note 2, n° 1085, p. 456.51 MAZEAUD (H.) et LEVENEUR (L.), Leçons de droit civil : La famille, t. 1, 3ème vol., 7ème éd.,
Paris : Montchrestien, 1995, n° 1035, p. 456. 52 Ibid. 53 CARBONNIER (J.), Droit civil : La famille, l’enfant, le couple, t. 2, Thémis. Droit privé, 21ème éd.,
Paris : PUF, 2002, p. 365.54 Loi n° 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits
de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, préc. note 10.55 MAZEAUD (H.) et LEVENEUR (L.), loc. cit. note 51.56 VERDIER (P.), « Pour une véritable réforme de l’adoption », RAJS mars 2006, n° 253, p. 35.57 HAUSER (J.) et HUET-WEILLER (D.), op. cit. note 34, n° 940, p. 685.58 Id., n° 940, p. 686.
15
affirmer que l’abandon ne peut être déclaré que si « il est volontaire » ou encore pour
reprendre la formulation utilisée dans certains arrêts, il ne faut pas que « le manque d’intérêt
des parents présente un caractère involontaire ».
Par ailleurs, la loi de 1976 précise que l’année à prendre en considération est celle qui précède
l’introduction de la demande en déclaration d’abandon59 et remplace le terme « les enfants »
par « l’enfant » au singulier, ce qui est plus cohérent avec l’ensemble du Code civil60.
La loi de 1976 supprime également l’alinéa 3 de l’article 350 tel que rédigé en 1966 qui
prévoyait que « l’enfant légitime pour lequel le secret de la naissance a été demandé lorsque sa
mère a consenti à l’adoption et qui n’a pas été réclamé par son père dans le délai d’un an à
compter de ce consentement peut être déclaré abandonné par le tribunal ». Il s’agissait du cas
de l’enfant adultérin a matre61. Cette formulation posait problème puisque il était impossible
d’utiliser le consentement à l’adoption sans transgresser le secret de la naissance62.
Parallèlement, la loi de 197663 a ajouté un bémol au prononcé de la déclaration judiciaire
d’abandon puisqu’il n’y a pas désintérêt si d’autres membres de la famille ont demandé à
« assumer la charge de l’enfant »64. Il existe dans cet ajout une volonté réaffirmée de ne pas
couper les liens qui unissent la famille biologique de l’enfant et ce dernier. Le comportement
des différents membres de la famille va conditionner le prononcé de la déclaration judiciaire
d’abandon. Toutefois, dans cette hypothèse, la demande devra être jugée conforme à l’intérêt
de l’enfant. Là encore, les différents intérêts en présence sont étudiés afin de les concilier.
La loi du 25 juillet 199465 va une nouvelle fois remanier le texte de l’article 350 du Code civil
et va faire peser une véritable obligation sur la personne, physique ou morale, qui avait
recueilli l’enfant en lui imposant l’obligation de transmettre une demande en déclaration
d’abandon à l’expiration du délai d’un an pendant lequel les parents se sont manifestement
désintéressés de l’enfant66.
59 MAZEAUD (H.) et LEVENEUR (L.), loc. cit. note 51.60 VERDIER (P.), « Pour une véritable réforme de l’adoption », op. cit. note 56, p. 34.61 HUET-WEILLER (D.), « La déclaration d’abandon de l’article 350 alinéa 3 du Code civil », JCP éd.
G 1969. I. 2259, n° 3.62 VERDIER (P.), « Pour une véritable réforme de l’adoption », op. cit. note 56, p. 34.63 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10.64 Art. 350, al. 4 C. civ.65 Loi n° 94-629 du 25 juill. 1994 relative à la famille, préc. note 10.66 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, n° 888, p. 833.
16
Auparavant, il ne s’agissait que d’une faculté, le dépôt est maintenant obligatoire.
Il y a une incitation à mettre en œuvre la procédure en vue de permettre l’adoption d’enfants
jeunes puisque les demandes des adoptants sont tournées vers les enfants en bas âge. De plus,
il s’agit d’une volonté de ne pas laisser le mineur dans l’incertitude. L’intérêt à l’adoption est
mis en avant. Toutefois, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de cette règle.
Par ailleurs, le texte de 1976 précisait que le tribunal pouvait déclarer l’enfant abandonné, il
s’agissait d’une faculté. Or, depuis la loi du 5 juillet 199667, dite loi MATTÉI68, le texte prévoit
que l’enfant est déclaré abandonné, il s’agit d’un impératif donc d’une obligation.
Précédemment, le texte permettait au juge de rejeter la requête aux fins de déclaration
d’abandon alors même que les conditions d’application du texte étaient réunies, si cette
déclaration ne répondait pas à l’intérêt de l’enfant.
Les magistrats ne déclaraient donc pas assez facilement l’enfant abandonné ce qui n’était pas
du goût du législateur69. Le rôle du juge est réduit afin de permettre une augmentation du
nombre de déclaration judiciaire d’abandon. Cette mesure a été vivement appréciée par les
adoptants potentiels et les œuvres d’adoption qui estimaient que le juge se montrait trop
exigeant pour déclarer l’enfant abandonné70.
Les lois de 1994 et 1996 rendent donc inéluctables tant la transmission du dossier au juge que
le prononcé de la déclaration d’abandon afin d’éviter que certains dossiers ne soient oubliés et
que les juges ne privilégient à tout prix les liens du sang71. La loi de 1996 aurait pu tout de
même être plus poussée et assortir l’exigence du dépôt de la requête d’une sanction72.
Le législateur a donc supprimé aux magistrats tout pouvoir d’appréciation concernant
l’opportunité de la déclaration d’abandon. Cette suppression du pouvoir discrétionnaire des
magistrats a beaucoup ému les professionnels de l’enfance73. Le caractère obligatoire du
67 Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.68 MALLET (E.), « Le nouveau droit de l’adoption issu de la loi du 5 juillet 1996 », JCP éd. N 1997. I,
p. 608.69 CORNU (G.), op. cit. note 4, p. 444, n° 283. 70 MASSIP (J.), « Les nouvelles règles de l’adoption (loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à
l’adoption) », Petites affiches 14 mars 1997, n° 32, p. 6.71 PHILIPPE (C.), « Les nouvelles règles de l’adoption », Dr. et Patrimoine nov. 1996, n° 43, p. 49.72 BOULANGER (F.), « Le bilan mitigé d’une réforme : la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 modificatrice
du droit de l’adoption », D. 1996, chron., p. 307.73 RUBELLIN-DEVICHI (J.), « Permanence et modernité de l’adoption après la loi du 5 juillet 1996 »,
JCP éd. G 1996. I. 3979, p. 456.17
prononcé de la mesure est tempéré par le fait qu’il existe des voies de recours ouvertes aux
personnes intéressées.
De plus, l’incitation à prononcer la déclaration judiciaire d’abandon sera contrebalancée par
l’instauration d’une nouvelle situation rendant impossible le prononcé de l’abandon.
En effet, la loi de 1996 prévoit que l’abandon doit être déclaré « sauf la grande détresse des
parents », cette détresse recoupant un grand nombre de situations74.
La formule de grande détresse est empruntée à l’interruption volontaire de grossesse75 et évite
à des parents de se sentir coupables lorsqu’ils se trouvent en situation difficile76.
Le rôle du juge consiste donc à faire un constat de la situation de l’enfant mais aussi à travers
cette nouvelle notion à évaluer le degré de responsabilité des parents77. La mesure est en
faveur des parents puisque, grâce à cette notion, les magistrats retrouvent en définitive une
large marge d’appréciation.
Ainsi, si les juges estimaient les parents en situation de grande détresse, ils ne devaient pas
prononcer la déclaration d’abandon. Or, les différentes situations qui conduisent à se
désintéresser d’un enfant pendant au moins un an relèvent la plupart du temps de la grande
détresse, notion éminemment subjective. Par ailleurs, le vocable utilisé conduit à se placer du
côté des parents de l’enfant alors qu’il s’agit d’une mesure destinée en priorité à protéger
l’enfant. Le juge retrouve dès lors une large liberté de manœuvre78.
Fortement contestée en doctrine, cette expression a donc été abrogée par la loi du 4 juillet
200579. En effet, cette réforme avait pour objectif d’harmoniser les pratiques relatives à
l’agrément administratif et de créer une Agence française de l’adoption afin de servir
d’intermédiaire à l’adoption des enfants étrangers et pour informer et conseiller les familles
mais aussi de faciliter la déclaration judiciaire d’abandon. Elle supprime donc cette notion
pour rendre la tâche des magistrats plus simple.
74 CARBONNIER (J.), loc. cit. note 53.75 BOULANGER (F.), « Le bilan mitigé d’une réforme : la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 modificatrice
du droit de l’adoption », loc. cit. note 72.76 RUBELLIN-DEVICHI (J.), « Permanence et modernité de l’adoption après la loi du 5 juillet 1996 »,
loc. cit. note 73.77 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.78 DION-LOYE (S.), « Premières observations sur le nouveau droit de l’adoption (loi n° 96-604 du 5
juillet 1996 relative à l’adoption) », Petites affiches 12 août 1996, n° 97, p. 11.79 Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, préc. note 19.
18
Subissant les différentes retouches opérées par le législateur, l’article 350 du Code civil est
donc aujourd’hui rédigé comme suit :
« L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à
l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède
l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal
de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa.
La demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier,
l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant à l'expiration
du délai d'un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant.
Sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont
pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs.
La simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention
exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant n'est pas une marque d'intérêt suffisante
pour motiver de plein droit le rejet d'une demande en déclaration d'abandon. Ces
démarches n'interrompent pas le délai figurant au premier alinéa.
L'abandon n'est pas déclaré si, au cours du délai prévu au premier alinéa du présent article, un
membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est
jugée conforme à l'intérêt de ce dernier.
Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits
d'autorité parentale sur l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfance, à l'établissement ou au
particulier qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié.
La tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de
l'enfant ».
Postérieurement à la loi de 1966, d’autres pays ont adopté une mesure comparable à la
déclaration judiciaire d’abandon.
Ainsi, le droit italien a créé une catégorie autonome d’enfants adoptables concernant les
enfants en abandon. Toutefois, comme pour l’exigence du caractère volontaire du désintérêt
en France, la loi italienne de 1983 évoque la privation d’assistance qui ne soit pas due à une
cause de force majeure ou de caractère transitoire80.
80 BOULANGER (F.), Enjeux et défis de l’adoption : étude comparative et internationale, op. cit. note
24, n° 60, p. 79.19
En Belgique, la loi du 20 mai 1987 a créé la déclaration d’abandon en prenant appui sur les
modèles français et italien. Celle-ci suppose un désintéressement pour le mineur recueilli par
un tiers ou une institution d’hébergement dans l’année qui précède l’introduction de la
demande. Le délai est toutefois raccourci à six mois si le mineur a été placé dès sa naissance81.
Au Chili, c’est une loi de 1988 qui a introduit la mesure pour un enfant n’ayant reçu aucune
aide matérielle ou affective depuis un an abaissé à six mois pour les enfants de moins de deux
ans82.
Une procédure apparue en 1984 appelée freeing order permet également au juge britannique
de prononcer l’adoption de l’enfant avec ou sans le consentement des parents83.
Toutefois, l’enfant ne sera coupé de ses parents que s’il y a un projet d’adoption84 alors qu’en
France, le prononcé de l’abandon n’est pas lié à l’existence d’un tel projet.
De nombreux pays se sont donc inspirés de la procédure française malgré les difficultés
rencontrées. On ne peut que constater que les intérêts de chacun autour de cette mesure sont
difficilement conciliables. Cela a donc pour conséquence de susciter des discussions
houleuses entre les défenseurs des liens biologiques et les personnes pour qui prime
l’adoption de l’enfant.
Le juge a une tâche bien difficile puisque même si les conditions de la déclaration sont
remplies, il doit garder en mémoire qu’il s’agit d’une mesure aux effets « énergiques »85.
En effet, il ne faut pas oublier que prononcer le jugement déclaratif d’abandon entraîne de
lourdes conséquences86.
Ce jugement opère délégation des droits d’autorité parentale sur l’enfant au service de l’aide
sociale à l’enfance, à l’établissement ou au particulier « qui a recueilli l’enfant ou à qui ce
dernier a été confié ».
81 Id., p. 78, n° 60.82 Ibid.83 VOISIN (V.), L’adoption en droit français et anglais comparés, Aix-en-Provence : Presses
universitaires d'Aix-Marseille, 2004, p. 113, n° 188.84 Id., n° 221, p. 129.85 NEIRINCK (C.), La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, Bibliothèque de droit
privé, t. 182, Paris : LGDJ, 1984, p. 405, n° 505.86 TERRÉ (F.) et FENOUILLET (D.), op. cit. note 1, 2005, p. 834, n° 889.
20
Si la délégation est opérée au profit du service de l’aide sociale à l’enfance, dont la
compétence relève des départements87 et qui constitue le cas le plus fréquent, l’enfant sera
automatiquement admis comme pupille de l’Etat88 (avant la loi du 6 juin 198489, on utilisait le
terme d’immatriculation et non d’admission).
Le jugement prive les parents de leur autorité, or le législateur a tendance à considérer qu’en
principe, l’intérêt de l’enfant est de demeurer auprès de ses parents. C’est le milieu familial
qui paraît le plus propice à son épanouissement90 ; les père et mère étant considérés comme les
protecteurs naturels de l’enfant91. C’est pourquoi nul sinon le juge ne peut remettre en cause le
caractère intangible des liens unissant l’enfant à ses parents92. Il s’agit d’assurer la conciliation
de l’intérêt de l’enfant et des droits sacrés à la famille93.
En outre, le jugement va également avoir pour effet indirect de permettre l’adoption simple ou
plénière de l’enfant. L’admission de l’enfant en tant que pupille de l’Etat entraîne
l’élaboration d’un projet d’adoption par l’autorité administrative. Le recueillant, personne
physique, ou des personnes agréées peuvent également déposer une requête en adoption de
l’enfant lorsque celui-ci n’est pas un pupille de l’Etat. Il est d’ailleurs à noter que cette mesure
est placée dans le chapitre relatif à l’adoption du Code civil.
Or, même si l’adoption simple ne fait que juxtaposer au lien de sang un lien juridique,
l’adoption plénière, va avoir pour effet de couper définitivement les liens de l’enfant avec sa
famille d’origine. La place de l’enfant dans sa famille d’origine est pourtant souvent cruciale
87 LAPEYRE (E.), « Des parents par le sang aux parents adoptifs : le rôle des services sociaux », in FINE
(A.) et NEIRINCK (C.), Parents de sang, parents adoptifs : approches juridiques et anthropologiques de
l’adoption, Droit et société. Série anthropologique ; 29, Paris : LGDJ, 2000, p. 121.88 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, 2002,
fasc. 20, p. 21, n° 80.89 Loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services
chargés de la protection de la famille et de l’enfance et au statut des pupilles de l’Etat, JO 7 juin 1984, p.
1762.90 DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, op. cit. note 37, p. 4.91 EUDIER (F.), Droit de la famille, Compact Droit, 2ème éd., Paris : Armand Colin, 2003, p. 341. 92 DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.), Rénover le droit de la famille : propositions pour un droit adapté aux
réalités et aux aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, Collection des rapports officiels,
Paris : Doc. fr., 1999, p. 75.93 STOUFFLET, « L’abandon d’enfant », RTD civ. 1959, p. 630.
21
psychologiquement pour ses parents biologiques et leur permet de sortir de leur stratégie
d’échec94.
La prise en compte de l’intérêt des familles adoptives et de celui de l’enfant à être adopté
primera sur le lien biologique. Toutefois, le mineur devra remplir d’autres conditions liées à
l’âge pour pouvoir faire l’objet d’une adoption plénière.
La restitution de l’enfant déclaré judiciairement abandonné à ses parents par le sang est tout
de même envisageable depuis un décret de 198195 mais uniquement si ce dernier n’a pas fait
l’objet d’un placement en vue de son adoption. Par ailleurs, la restitution de l’enfant devra
être jugée conforme à son intérêt96.
Le prononcé du jugement déclaratif d’abandon n’est donc pas un acte anodin, il est
compréhensible que les avis soient partagés.
La discussion autour de l’article 350 du Code civil est d’autant plus vive que le nombre
d’enfants déclarés judiciairement abandonnés va décroissant97.
Le problème est que ces dernières années, les statistiques provenant du Ministère en charge de
la Famille et de l’Enfance ont mis en avant une importante diminution du nombre d’enfants
admis en qualité de pupilles de l’Etat au titre de l’article L. 224-4, 6° du Code de l’action
sociale et des familles98.
Il est déjà à noter que le nombre de pupilles de l’Etat a diminué au cours des années puisqu’il
est passé de 4298 en 1993 à 3600 en 1997, puis à 3223 en 200199.
Toutefois, même si l’on constate une légère réduction, c’est la proportion de mineurs admis
sur déclaration judiciaire d’abandon qui inquiéta le plus le législateur puisque de 20 % au
début des années 90, elle se réduisit à 12 % en 2003100.
En effet, lors de l’instauration de la mesure, le nombre de mineurs devenus pupilles de l’Etat
sur déclaration judiciaire d’abandon dépassait le millier. Ainsi, en 1974, on en comptait 1076.
94 DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, loc. cit. note 37.95 Décret n° 81-500 du 12 mai 1981 instituant les dispositions des livres III et IV du nouveau Code
de procédure civile et modifiant certaines dispositions de ce code, JO 14 mai 1981, p. 1380.96 COURBE (P.), op. cit. note 16, n° 968, p. 411.97 HAUSER (J.) et HUET-WEILLER (D.), op. cit. note 34, p. 684, n° 940.98 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.99 ROSENCZVEIG (J.-P.), Le dispositif français de protection de l’enfance, Nouvelle édition, Paris : Ed.
Jeunesse et droit, 2005, n° 3036, p. 660. Cf. annexe 1.100 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.
22
La mesure eut du succès puisqu’elle concernait 1827 mineurs en 1977, ce qui suit la réforme
opérée par la loi de 1976101 visant à l’incitation du prononcé de la mesure.
Se réduisant à 301 enfants en 1979, le nombre de mineurs devenus pupilles en vertu de
l’article L. 224-4, 6° du Code de l’action sociale et des familles, n’atteint plus que 292 enfants
en 1995102.
En outre, le nombre de dépôt de requêtes n’a fait que baisser ces dernières années. En effet, le
nombre moyen des requêtes en déclaration d’abandon était de 375 par an de 1990 à 1997 alors
que ce nombre n’est plus que de 233 de 1998 à 2003103.
Enfin, si l’on comptabilise le nombre de prononcés de déclaration judiciaire d’abandon, il
était de 566 par an en 1970. Cela augmente, suite également à la réforme de 1976, pour
atteindre 1580 en 1977. Puis, il y a une baisse ramenant ce nombre à 1110 par an pour 1979.
Enfin, en 1981, on ne dénombre plus que 365 prononcés de déclaration judiciaire
d’abandon104.
La France est aujourd’hui le pays où il y a le moins d’enfants déclarés abandonnés puisqu’en
moyenne, cette procédure concerne quarante enfants par an contre 3500 au Royaume-Uni et
1600 en Italie105.
La réforme de l’adoption, opérée par le biais de la loi du 4 juillet 2005, avait pour objectif, en
facilitant la déclaration judiciaire d’abandon par la suppression de la notion de grande
détresse, une augmentation du nombre de déclaration judiciaire d’abandon. Mais, il s’agissait
plus d’une réforme technique qui ne toucha pas aux règles de fond de l’institution106
contrairement à l’ordonnance portant réforme de la filiation datée du même jour107.
101 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10.102 ROSENCZVEIG (J.-P.), op. cit. note 99, 2005, n° 3040, p. 666. Cf. annexe 2.103 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.104 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, Nouvelle édition, Paris : Bayard, 1999, p. 201. Cf. annexe 3.105 POISSON-DROCOURT (E.), « Une loi nouvelle sur l’adoption », D. 2005, chron., p. 2030.106 SALVAGE-GEREST (P.), « Les modifications apportées au Code de l’action sociale et des familles par
la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption », Dr. famille 2005, études 22, p. 7.107 Ord. n° 2005-759 du 4 juill. 2005 portant réforme de la filiation, JO 6 juill. 2005, p. 11159.
23
Dans cette nouvelle loi, on peine d’ailleurs à trouver une quelconque référence à l’intérêt de
l’enfant, pourtant considéré comme une finalité supérieure de l’institution108. Il semble
pourtant fondamental d’affirmer aujourd’hui l’enfant comme un sujet de protection109.
Il est d’ailleurs dommageable que la réforme improvisée de l’article 350 du Code civil ait été
intégrée dans une réforme relative à l’adoption et non dans une réforme de la protection de
l’enfance110. Le législateur a marqué sa préférence pour les candidats potentiels à l’adoption.
Il paraît donc bien difficile pour le juge de concilier les intérêts de chacun des protagonistes
lors d’une mesure de déclaration judiciaire d’abandon. Les nombreuses réformes relatives à
cette mesure sont les conséquences des politiques législatives. Or, envisager la mesure sous
l’angle d’une seule des parties serait réducteur. En effet, il faut permettre à l’enfant d’être
dans une situation stable (intérêt de l’enfant) en permettant son adoption le plus vite possible
(intérêt des familles en attente d’un enfant à adopter) tout en respectant les droits de sa famille
biologique (intérêt des parents par le sang).
Il convient donc de se demander comment concilier les intérêts de chacun tout au long du
déroulement de la déclaration judiciaire d’abandon ?
Cette prise en compte est garantie lors de la mise en place de la déclaration judiciaire
d’abandon tant par les conditions que par le prononcé de la mesure. En effet, les conditions
exigées visent à éviter d’« arracher » l’enfant à sa famille biologique si celle-ci est capable de
s’occuper correctement de lui. Néanmoins, une fois les conditions réunies, la mesure sera
favorisée de par l’obligation du dépôt de la requête et du prononcé par le juge sauf
intervention de la famille biologique afin de garantir à l’enfant une stabilité, notamment par le
biais d’une adoption.
La mise en oeuvre de la déclaration judiciaire d’abandon est donc fondée sur l’équilibre en
tenant compte de l’intérêt des différents acteurs de la mesure (Première Partie).
Une fois prononcée, la mesure entraînera des conséquences très fortes envers les parents par le
sang de l’enfant. Il y a toutefois une progression puisque le jugement produira dans un
premier temps, de façon automatique, une délégation de l’autorité parentale conduisant parfois
108 HILT (P.), « Présentation de la réforme de l’adoption », AJ famille oct. 2005, p. 341.
109 THERY (I.), Couple, filiation et parenté aujourd'hui : le droit face aux mutations de la famille et de lavie privée, Rapport à la Ministre de l'emploi et de la solidarité et au Garde des Sceaux, Paris : Doc. fr., 1998, p.162.110 SALVAGE-GEREST (P.), « Genèse d’une quatrième réforme, ou l’introuvable article 350, alinéa 1 du
Code civil », AJ famille oct. 2005, p. 350.24
à l’admission de l’enfant en tant que pupille de l’Etat et, dans un second temps, de façon
indirecte, le jugement pourra permettre l’adoption de l’enfant.
L’intérêt de l’enfant est donc assuré par un éloignement vis-à-vis de sa famille d’origine et
d’un rapprochement potentiel avec une famille adoptive. Toutefois, il peut rester aux parents
par le sang une chance de récupérer leur progéniture.
Par conséquent, les effets de la déclaration judiciaire d’abandon prennent également en
considération les intérêts de tous les protagonistes en étant progressifs (Deuxième Partie).
25
PREMIÈRE PARTIE – LA MISE EN ŒUVRE
ÉQUILIBRÉE DE LA DÉCLARATION
JUDICIAIRE D’ABANDON
Afin d’assurer un équilibre dans la mise en œuvre de la déclaration judiciaire d’abandon,
celle-ci doit répondre à un certain nombre d’exigences. Il ne s’agit pas de prononcer un tel
dispositif de façon arbitraire et de couper les liens entre l’enfant et sa famille sans raison.
C’est pourquoi, le législateur a instauré une liste de conditions déterminant le prononcé de la
mesure (Titre I).
Néanmoins, une fois les conditions remplies, il fallait permettre une réalisation efficace de
l’article 350 du Code civil. Ainsi, la prise en considération du comportement de la famille
biologique sera restreinte alors que la procédure en déclaration d’abandon sera encouragée.
Par conséquent, il semble que la déclaration judiciaire soit une mesure favorisée afin de
permettre à l’enfant de retrouver une stabilité (Titre II).
Titre I – Une mesure conditionnée
Pour être prononcée, la déclaration judiciaire d’abandon est soumise au respect de certaines
conditions. En effet, même si le législateur souhaite relancer cette mesure, il ne fallait pas
permettre non plus une mise en place excessive de ce système. Ce dispositif est avant tout en
faveur de l’enfant et il paraît délicat de couper les liens unissant un mineur à sa famille
biologique.
La déclaration judiciaire d’abandon doit donc répondre à des conditions qui concernent tant
l’enfant (Chapitre 1) que ses parents (Chapitre 2).
26
Chapitre 1 : Les conditions relatives à l’enfant
Tout enfant peut bénéficier de la déclaration d’abandon quel que soit son âge dès lors qu’il a
un ou deux parents111. La mesure a toujours pu être mise en œuvre pour un adolescent de plus
de seize ans112. L’article 350 du Code civil exige seulement que l’enfant ait fait l’objet d’un
recueil préalable (Section I). La nationalité de l’enfant n’aura pas d’incidence sur le prononcé
de la mesure (Section II).
Section I : Le recueil de l’enfantL’article 350, alinéa 1 du Code civil précise qu’il s’agit de l’enfant « recueilli par un
particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance ». Le recueillant peut
donc être soit une personne physique, soit une personne morale (§1). Par ailleurs, la remise de
l’enfant peut résulter d’un choix effectué par ses parents ou avoir été imposée par une décision
de justice antérieure (§2).
§1. Un recueillant personne physique ou morale
Le recueil de l’enfant peut être effectué par une personne physique : le particulier.
Le « particulier » est un terme suffisamment large pour comprendre toutes les personnes
physiques possibles y compris les membres de la famille de l’enfant113. Cela peut pourtant
poser problème lors du dépôt de la requête en déclaration judiciaire d’abandon.
L’enfant peut également être recueilli par une personne morale : un établissement ou le
service de l’aide sociale à l’enfance.
Auparavant, c’est le terme d’œuvre privée qui était employé et non celui d’établissement.
C’est la loi du 5 juillet 1996114 qui a opéré la substitution.
Lorsque le recueillant est un établissement, aucun agrément ou habilitation n’est exigé.
Pourtant, en raison de la possible adoption dont peut bénéficier l’enfant déclaré judiciairement
abandonné, il faut admettre qu’un établissement qui n’aurait pas la qualité d’organisme
111 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 37.112 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 371 à 387, V° autorité parentale, la délégation, 2004, fasc. 30, p.
11, n° 45.113 MAZEAUD (H.) et LEVENEUR (L.), op. cit. note 51, n° 1183, p. 588.114 Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.
27
autorisé pour l’adoption serait sans qualité pour agir115. L’établissement dont il est fait
référence à l’article 350 du Code civil doit donc être un organisme autorisé pour l’adoption.
Il peut également s’agir d’un service de l’aide sociale à l’enfance.
Ce service relève de la compétence des départements, chargés de l’action sociale en faveur de
l’enfance. Cela leur permet de bénéficier d’un large degré d’autonomie116.
Le service de l’aide sociale à l’enfance a la possibilité de confier les enfants à de nombreux
établissements spécialisés en fonction des besoins du mineur : maisons d’enfants à caractère
social, foyers de l’enfance, villages d’enfants, …117.
L’établissement comme le service de l’aide sociale à l’enfance peuvent décider d’assurer eux-
mêmes l’éducation de l’enfant ou de le confier à leur tour à un particulier, notamment à une
assistante maternelle118.
Par ailleurs, les informations délivrées aux parents de naissance de l’enfant lors de la remise
de celui-ci au recueillant ne seront pas les mêmes selon que le recueillant est un service de
l’aide sociale à l’enfance ou un organisme autorisé pour l’adoption ce qui peut parfois s’avérer
regrettable119. L’insuffisance des informations ne permet pas toujours aux parents de réaliser
toutes les conséquences de leur geste.
Le recueil suppose une prise en charge de l’enfant par la personne physique ou morale.
Cette dernière peut ensuite demander au juge une délégation forcée de l’autorité parentale120.
En effet, la liste des personnes ayant recueilli l’enfant est la même que dans la mesure de
délégation imposée. La situation de l’enfant est alors provisoire.
En revanche, lorsque l’abandon aura duré un an, le recueillant devra déposer une requête en
déclaration d’abandon. Il est inutile pour que la requête soit recevable que le recueil par cette
personne ait duré un an.
115 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 371 à 387, V° autorité parentale, la délégation, op. cit. note 112, p.
12, n° 47.116 LAPEYRE (E.), loc. cit. note 87.117 LHUILLIER (J.-M.), Aide sociale à l’enfance : guide pratique, Les Indispensables, 7ème éd., Paris :
Berger-Levrault, 2004, n° 195, p. 164.118 BÉNABENT (A.), op. cit. note 6, p. 490, n° 774.119 TON NU LAN (A.), « L’insuffisance de l’information délivrée aux parents de naissance avant le
placement de l’enfant en vue de l’adoption », Dr. famille 2005, études 11, n° 1.120 Art. 377 C. civ.
28
Le prononcé de la déclaration d’abandon permettra lui aussi une délégation de l’autorité
parentale au bénéfice du recueillant. Mais dans cette hypothèse, il y aura une véritable coupure
avec la famille d’origine de l’enfant.
Lorsque le mineur est confié à un service de l’aide sociale à l’enfance, le prononcé de la
mesure judiciaire d’abandon aura des effets spécifiques liés à la qualité de ce recueillant.
En effet, la prise en charge par un tel service permet à l’enfant d’être admis en tant que pupille
de l’Etat en vertu de l’article L. 224-4, 6° du Code de l’action sociale et des familles.
En outre, le recueil peut être fondé sur un acte volontaire ou forcé des parents.
§2. Un recueil volontaire ou forcé
Le terme « recueilli » a soulevé des difficultés d’interprétation.
En effet, l’enfant peut être confié à un tiers par ses parents de façon volontaire sans que ces
derniers ne désirent l’abandonner121. Toutefois, l’abandon pouvant revêtir un caractère
progressif, c’est la situation de fait de l’enfant qui motivera la décision du juge dès lors que
les conditions liées au désintérêt des parents seront remplies122.
Par ailleurs, la question du caractère forcé du recueil a également posé problème.
En effet, un enfant peut être recueilli par un particulier, un établissement ou un service de
l’aide sociale à l’enfance à la suite d’une décision judiciaire antérieure.
L’enfant peut avoir été retiré de son milieu familial à la suite notamment d’une mesure
d’assistance éducative123. Cette mesure présente un caractère provisoire.
Ainsi, selon l’article 378-1, alinéa 2 du Code civil : « Peuvent pareillement se voir retirer
totalement l’autorité parentale quand une mesure d’assistance éducative avait été prise à
l’égard de leur enfant, les père et mère, qui, pendant plus de deux ans, se sont volontairement
abstenus d’exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l’article 375-7 ».
Admettre qu’un enfant placé au titre d’une mesure d’assistance éducative puisse bénéficier de
l’article 350 du Code civil conduisait à ce que l’assistance éducative puisse s’ouvrir sur une
double voie : le retrait de l’autorité parentale au bout de deux ans de désintérêt ou la
déclaration judiciaire d’abandon au bout d’un an de désintérêt124.
121 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, n° 1642, p. 608.122 Ibid.123 Art. 375-3 C. civ.
29
Le problème est que les conditions de réversibilité des deux mesures sont différentes. La
restitution de l’autorité parentale consécutive à un retrait suppose en effet que les parents
justifient de circonstances nouvelles et ne peut être formée qu’un an au plus tôt après le
prononcé de la mesure. De plus, le retrait est intimement lié à l’idée d’une faute des parents125.
Pourtant, la Cour de cassation a considéré qu’il ne fallait pas distinguer selon les modalités de
recueil de l’enfant126. Ainsi, un enfant retiré de son milieu familial à la suite d’une mesure
d’assistance éducative peut faire l’objet d’une déclaration d’abandon127.
Le terme recueil comprend donc tout enfant qui ne vit pas au foyer familial128. Cette
interprétation est favorable à l’application de l’article 350 du Code civil.
D’autres problèmes peuvent également être dus à l’origine étrangère de l’enfant.
Section II : La nationalité de l’enfantL’enfant concerné par la mesure de déclaration judiciaire d’abandon peut être de nationalité
française. Dans cette hypothèse, il n’y aura aucun problème. Mais il peut s’agir d’un enfant
venu d’un pays étranger. La mesure s’appliquera également au mineur de nationalité
étrangère (§1). Toutefois, cette application est parfois difficilement conciliable avec la
nationalité d’origine de l’enfant (§2).
§1. Une extension au profit des mineurs étrangers
La mesure de déclaration judiciaire d’abandon s’applique bien évidemment à tous les enfants
français pour lesquels les conditions de la déclaration judiciaire d’abandon sont réunies. Il
peut arriver que la mesure trouve également à s’appliquer à un enfant de nationalité étrangère.
En effet, l’enfant d’origine étrangère peut également être confronté à l’abandon de ses parents
et souffrir de cette situation. Il convient donc de lui proposer une solution afin de sortir de
l’instabilité résultant du désintérêt.
124 NEIRINCK (C.), La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, op. cit. note 85, p. 406,
n° 507.125 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 26, n° 101.126 Cass. 1ère civ., 4 janv. 1978, Bull. civ. I, n° 1_Rennes, 7 juill., 24 nov. et 15 déc. 1978, JCP éd. G
1980. II. 19385, obs. GEFFROY (C.) ; JCP éd. N 1982. II, p. 19, obs. GEFFROY (C.).127 Cass. 1ère civ., 18 déc. 1978, Bull. civ. I, n° 392.128 NEIRINCK (C.), La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, op. cit. note 85, p. 406,
n° 506.30
Or, l’article 350 du Code civil est considéré comme une loi de police ce qui implique qu’il
soit soumis au principe de territorialité. Cette disposition s’applique donc à tout enfant
recueilli sur le territoire français, quelle que soit sa nationalité, qu’il soit ou non adoptable129.
Par ailleurs, l’adoption d’un enfant étranger étant possible dès lors que sa loi personnelle
l’autorise ou que ce dernier est né et réside habituellement en France en vertu de l’article 370-
3 du Code civil, la déclaration judiciaire d’abandon pourra lui offrir une nouvelle vie comme
aux enfants d’origine française.
Toutefois, l’application de cette mesure à certains mineurs issus de pays prohibant l’adoption
peut parfois être difficilement compréhensible.
§2. Une extension parfois contestable
Certains pays de droit coranique prohibent l’adoption et n’autorisent que la kafala, consistant
en une délégation bénévole de l’autorité parentale.
Or, même si le recours à l’article 350 du Code civil n’est pas subordonné à un projet
d’adoption, cet article est tout de même placé dans le chapitre relatif à l’adoption du Code
civil ce qui atteste de la finalité de cette mesure. L’appliquer à un enfant dont la loi
personnelle prohibe l’adoption pourrait donc revenir à violer l’esprit de l’article 370-3 du
Code civil, à moins que le mineur ne soit né et réside habituellement en France.
Dans un arrêt daté de 1996, la cour d’appel de Pau130 a pourtant choisi de se ranger du côté
d’une application extensive de l’article 350 du Code civil en décidant que le mineur d’origine
marocaine amené en France par son oncle pouvait être déclaré abandonné bien que sa loi
nationale prohibe l’adoption.
Selon la Cour d’appel, puisque la mesure ne conduit pas nécessairement à l’adoption, il n’y a
donc pas de contradiction avec le droit coranique.
En effet, le prononcé de la déclaration judiciaire d’abandon n’a pas pour effet de faire
disparaître le lien de filiation. De plus, l’adoption n’est jamais systématique et constitue une
procédure autonome par rapport à la déclaration judiciaire d’abandon. Les règles de conflits
129 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 26, n° 102.130 Pau, 13 mai 1996, Dr. famille 1997, comm. 155, p. 11, note MURAT (P.).
31
de lois posées par la Cour de cassation ne donnent pas non plus à la prohibition de l’adoption
issue du droit coranique une portée absolue131.
Par ailleurs, il semble essentiel de permettre au recueillant de disposer des prérogatives
découlant de la délégation de l’autorité parentale afin de s’occuper au mieux de l’enfant.
Cette mesure permettra également à l’enfant de se sentir intégré dans une nouvelle famille132.
Toutefois, une délégation forcée de l’autorité parentale aurait pu sembler plus judicieuse car
elle permet de respecter totalement la loi personnelle du mineur.
En effet, la délégation de l’autorité parentale qui accompagne la déclaration d’abandon
justifiait auparavant l’application de l’article 350 du Code civil.
Mais, depuis la loi du 4 mars 2002133, l’article 377, alinéa 2 du Code civil prévoit que :
« En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou
partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de
l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant peut également saisir le juge aux fins de se
faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale ». Cette mesure
permettra donc au recueillant de bénéficier d’une délégation sans passer par l’article 350 du
Code civil134.
En outre, la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 prévoit que dans le choix
de la procédure de remplacement, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine
continuité dans l’éducation de l’enfant ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle
et linguistique.
L’origine de l’enfant doit donc être prise en considération lorsque celui-ci n’est pas sous
l’autorité de ses parents. Une délégation fondée sur l’article 377 du Code civil aurait été plus
proche du système de kafala des pays de droit coranique.
Enfin, il faut souligner que lors du prononcé d’une mesure de déclaration judiciaire d’abandon
au profit d’un mineur étranger, les juges devront faire preuve de beaucoup de prudence
puisque les parents résidant à l’étranger peuvent se manifester ultérieurement135.
A côté des conditions relatives à l’enfant, il existe des conditions relatives à ses parents.
131 MURAT (P.), note sous Pau, 13 mai 1996, Dr. famille 1997, comm. 155, p. 12.132 Ibid.133 Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, JO 5 mars 2002, p. 4159.134 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 26, n° 102.135 MURAT (P.), note sous Pau, 13 mai 1996, loc. cit. note 131.
32
Chapitre 2 : Les conditions relatives aux parents
Ce sont les conditions concernant les parents qui ont suscité le plus de débats. Le législateur
exige que les parents fassent preuve d’un désintérêt envers leur progéniture (Section I).
De plus, ce désintérêt doit répondre à une condition temporelle posée à l’article 350 du Code
civil (Section II).
Section I : L’exigence d’un désintérêtLe législateur a spécifié que le désintérêt dont font preuve les parents doit être manifeste ; il
s’agit d’une condition légale (§1). En outre, les magistrats ont ajouté une condition
jurisprudentielle puisque le désintérêt ne doit pas présenter un caractère volontaire (§2).
§1. Un désintérêt manifeste
L’article 350 du Code civil fait référence à la notion de désintérêt manifeste à trois reprises. Il
s’agit donc d’une notion centrale de la mesure. Cependant, cette notion est difficile à définir
ce qui explique les hésitations dont peuvent faire preuve les juges pour prononcer l’abandon.
Le désintérêt résulte d’un comportement négatif ; il s’agit d’une attitude d’abstention136. Par
ailleurs, l’adjectif manifeste signifie que ce désintérêt doit présenter en plus un caractère
apparent137. Les parents n’ont plus porté intérêt à leur enfant de manière évidente. De plus, le
désintérêt manifeste doit être le fait des deux parents et non d’un seul si l’enfant en a deux.
Cette exigence d’un désintérêt manifeste est la même que lors d’une mesure en délégation
forcée de l’article 377, alinéa 2 du Code civil138.
Il paraît toutefois délicat d’utiliser une notion aussi approximative que celle de désintérêt
manifeste dans des conflits opposant famille biologique et famille adoptive et où l’enfant est
au cœur du débat139.
136 ALLAER (C.), op. cit. note 42, n° 8.137 Ibid.138 ENSMIHEN (E.), La délégation d’autorité parentale aujourd’hui, mémoire de DEA Droit Privé,
2004, Université de Strasbourg , sous la direction de Madame CRAMPROUX-DUFFRENE,
http://www-cdpf.u-strasbg.fr/MemEB.doc, p. 20.139 BATTEUR (A.), Droit des personnes et de la famille, Manuel, 2ème éd., Paris : LGDJ, 2003, n° 814, p.
420.33
La loi de 1976 140 a donc ajouté l’alinéa 2 de l’article 350 du Code civil afin de préciser cette
notion. Ainsi, le désintérêt manifeste correspondrait au comportement des parents qui n’ont
pas entretenu avec leur enfant les relations nécessaires au maintien de liens affectifs.
Cette définition n’a pas ôté toute la part de subjectivité du juge dans l’appréciation du
désintérêt manifeste puisqu’elle renvoie également à des termes imprécis.
Ainsi, certains magistrats favorables à l’adoption rapide de l’enfant pourraient prononcer la
mesure en considérant que le désintérêt manifeste est avéré alors que d’autres, soucieux de ne
pas rompre les liens biologiques, hésiteraient à qualifier le comportement des parents comme
présentant un désintérêt manifeste. Néanmoins, l’attitude des juges est généralement
cohérente et mesurée141.
Afin d’aiguiller le juge dans le prononcé de la mesure, l’article 350, alinéa 3 du Code civil
ajoute une liste d’exemples non exhaustifs qui ne sont pas considérés comme des marques
suffisantes d’intérêt de nature à empêcher le prononcé de la mesure142. Ainsi, la simple
rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée
mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne permettent pas de rejeter de plein-droit la
requête en déclaration d’abandon.
Il n’est donc pas envisageable que des affirmations purement platoniques sans conséquences
réelles puissent empêcher une telle mesure sans pour autant que les parents envisagent
d’assumer l’enfant au moins partiellement143.
Ainsi, le juge va prendre en compte le rythme des visites des parents à leur enfant144, les
correspondances épisodiques que les parents entretiennent avec le recueillant ou l’enfant ou
encore l’absence de participation financière à l’entretien de l’enfant ou la négligence envers ce
dernier145.
140 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 141 VASSAUX (J.) : Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° Les conditions de fond de
l’adoption, Paris : Lamy, 2002, étude 426-81.142 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 26, n° 103.143 HAUSER (J.), La filiation, Connaissance du droit, Paris : Dalloz, 1996, p. 77.
144 Cass. 1ère civ., 8 déc. 1998, Bull. civ. I, n° 347 ; Dr. famille 1999, comm. 14, p. 14, note MURAT (P.) ;Petites affiches 14 juin 1999, n° 117, p. 22, note MASSIP (J.) ; RJPF 1999, 2/37, p. 21, note VASSAUX (J.). En l’espèce, il a été jugé que les visites d’un père à sa fille au rythme d’une par année n’étaient pas de nature àentretenir et maintenir des liens affectifs au sens de l’article 350 du Code civil.
34
Même des interventions juridiques importantes comme une déclaration juridique de
reconnaissance seront insuffisantes à motiver de plein-droit le rejet de la déclaration
d’abandon lorsqu’il n’y a aucune traduction affective vis-à-vis de l’enfant146.
Le désintérêt manifeste sera également caractérisé lorsque les parents ne peuvent justifier de
leur comportement que pendant une période ne couvrant pas toute la durée du désintérêt147.
A l’inverse, la requête sera rejetée lorsqu’un parent aura porté une attention particulière à son
enfant placé148.
Il en est de même lorsque les parents sont animés du souci de voir leur enfant mais n’ont pas
été informés de l’adresse de la famille d’accueil de leur enfant ou lorsque les services sociaux
se sont montrés peu pressés d’organiser des contacts entre l’enfant et ses parents149.
Il n’y a pas non plus de désintérêt manifeste lorsque le parent d’un enfant a engagé toute une
série d’actions en justice pour le récupérer150.
Par ailleurs, le désintérêt manifeste ne doit pas être assimilé à l’absence d’opposition du
parent de l’enfant à son adoption par sa famille d’accueil151. Le consentement à l’adoption
n’est pas un abandon152. Il est inutile de recourir à l’article 350 du Code civil pour contourner
le refus de consentir à l’adoption puisque le juge peut utiliser l’article 348-6 du Code civil
relatif au refus abusif.
145 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, n° 103, p. 27.146 Cass. 1ère civ., 3 oct. 1978, Bull. civ. I, n° 287 ; D. 1979, inf. rap. 47 ; RTD civ. 1980, p. 106, obs.
NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).147 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 27, n° 104.148 Cass. 1ère civ., 12 fév. 1985, Bull. civ. I, n° 56 ; D. 1985, inf. rap. 296 ; RTD civ. 1986, p. 730,
obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).149 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 27, n° 105.150 Cass. 1ère civ., 17 déc. 1996, Defrénois 1997, art. 36591, p. 727, n° 69, obs. MASSIP (J.) ; Dr.
famille 1997, comm. 156, p. 13, note MURAT (P.) ; Petites affiches 18 juin 1997, n° 73, p. 33, note MASSIP
(J.) ; RD sanit. soc. 1997, p. 894, note MONÉGER (F.).151 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 27, n° 104.152 Cass. 1ère civ., 6 mai 2003, Defrénois 2003. art. 37840, jurisp. p. 1493, obs. MASSIP (J.) ; JCP éd. G
2004. I. 109, n° 3, obs. FAVIER (Y.) ; Petites affiches 10 fév. 2004, n° 29, p. 12, note MASSIP (J.).35
Un intérêt porté à l’enfant à un moment donné ne doit pas non plus empêcher la réalisation de
la mesure dans toutes les hypothèses puisque le désintérêt peut être progressif puis avéré153 :
raréfaction des visites, espacement des demandes de nouvelles, …
Dans tous les cas, il appartient au requérant d’apporter la preuve du désintérêt des parents
envers leur enfant et ce par tous moyens. Toutefois, l’appréciation du désintérêt relève du
pouvoir souverain des juges du fond154.
Lorsque des doutes subsistent sur la réalité du désintérêt, les juges ont la possibilité de rejeter
la requête ou de surseoir à statuer. Dans cette hypothèse, les juges peuvent ordonner des
mesures d’investigation afin de s’assurer de la réalité de la situation155.
Par ailleurs, le dossier d’assistance éducative de l’enfant détenu par le juge des enfants pourra
également être consulté par les juges afin de prendre une décision156.
Enfin, il est à noter que pour favoriser la mesure et permettre l’adoption d’enfants plus jeunes,
la proposition de loi du 19 novembre 1981 envisageait d’ajouter que les relations nécessaires
au maintien de liens affectifs soient suivies157.
A la condition légale s’ajoute une condition d’origine prétorienne.
§2. Un désintérêt volontaire
Il s’agit d’une condition jurisprudentielle. L’élément intentionnel du désintérêt est pris en
compte par les magistrats même après la loi de 1976 qui a défini le désintérêt manifeste158.
Le législateur n’a pas cherché à combattre cette attitude de la part des juges159. En effet,
l’instauration de la déclaration judiciaire d’abandon conduit à prendre en compte le droit des
parents par le sang, il ne s’agissait donc pas de leur enlever un enfant dont ils n’ont pas pu
s’occuper de manière involontaire160.
153 Cass. 1ère civ., 23 oct. 1973, Bull. civ. I, n° 276 ; D. 1974, jurispr., p. 616, note RAYNAUD (P.) ; JCP
éd. G 1974. II. 17689 obs. DE LA MARNIÈRRE (E.-S.).154 EUDIER (F.), Droit de la famille, op. cit. note 91, p. 319, n° 576.155 MECARY (C.), L’adoption, Que sais-je?, Paris : PUF, 2006, p. 50.156 ROSENCZVEIG (J.-P.), op. cit. note 99, n° 1341, p. 397.157 NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.), « La déclaration d’abandon de l’article 350 du Code civil »,
RTD civ. 1984, p. 301.158 Cass. 1ère civ., 28 mai 1980, Bull. civ. I, n° 158.159 MAZEAUD (H.) et LEVENEUR (L.), op. cit. note 51, n° 1035, p. 457.
36
Le juge exige que les parents aient effectué un choix : ils pouvaient s’occuper de leur enfant
mais ont refusé de le faire161. Le juge ne se contente pas de prendre en compte la situation
d’abandon de l’enfant mais exige que la situation résulte d’un abandon délibéré des parents162.
La notion de désintérêt ne doit pas être liée à une faute des parents mais avoir pour origine un
comportement conscient. Le juge recherchera si l’abandon est explicable ou non, compte-tenu
des circonstances163.
Cette notion de désintérêt volontaire se retrouve également dans l’hypothèse où le juge peut
prononcer l’adoption s’il estime abusif le refus de consentement opposé par les parents quand
ils se sont désintéressés de leur enfant au risque de compromettre sa santé ou sa moralité
puisque ce désintérêt doit également être volontaire164.
L’exigence d’un tel caractère permet de prendre en considération toutes les difficultés que les
parents peuvent rencontrer au cours de leur existence.
Ces difficultés peuvent être personnelles et résulter de l’état de santé d’un des parents165, de
l’insuffisance de leurs ressources, de leur limitation intellectuelle, de l’alcoolisme ou de la
violence de l’un des parents ou encore de la dimension internationale de l’adoption qui
complique les démarches pour récupérer l’enfant166.
Les difficultés qui rendent involontaire le désintérêt peuvent également provenir de l’attitude
des tiers. Ainsi, le désintérêt ne présente pas un caractère volontaire lorsque l’exercice du
droit de visite des parents de l’enfant a été entravé par la famille d’accueil de l’enfant167 ou par
le service auquel l’enfant a été confié168.
160 NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.), « La déclaration d’abandon de l’article 350 du Code civil »,
op. cit. note 157, p. 299.161 LAROCHE-GISSEROT (F.), op. cit. note 46, p. 24.162 Reims, 28 fév. 1977, JCP éd. N 1980. II, p. 16. 163 PATUREAU (Y.), op. cit. note 33, p. 172.164 Cass. 1ère civ., 19 juill. 1989, Defrénois 1989, art. 34625, p. 1344, n° 112, obs. MASSIP (J.).165 Paris, 6 janv. 1977, JCP éd. G 1977. II. 18762, obs. FOURNIÉ (A.-M.).166 Cass. 1ère civ., 17 déc. 1996, préc. note 150.167 Cass. 1ère civ., 3 oct. 1978, Bull. civ. I, nos 285 et 286 ; Defrénois 1979, art. 32023, p. 868, n° 25,
obs. SOULEAU (H.) ; RD sanit. soc. 1979, p. 279, n° 4, note RAYNAUD (P.); RTD civ. 1980, p. 104, obs. NERSON
(R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).168 Cass. 1ère civ., 23 oct. 1973, Bull. civ. I, n° 277 ; D. 1974, jurispr., p. 135, note GAURY (C.) ; JCP
éd. G 1974. II. 17689 obs. DE LA MARNIÈRRE (E.-S.).37
Dans certaines hypothèses, les parents ne sont pas informés du lieu de placement de l’enfant et
ce dernier n’est pas informé de l’existence de ses parents biologiques169. On peut également
soulever l’éloignement géographique ou encore le fait que l’assistante maternelle se fasse
appeler maman170.
Or, une telle attitude de l’administration, service public, est intolérable. D’ailleurs, la loi du 29
juillet 1998171, relative à la lutte contre les exclusions, a ajouté, à l’article 375-7 du Code civil
concernant les droits des parents lors d’une mesure d’assistance éducative, que le juge peut
indiquer que le lieu de placement de l’enfant peut être recherché afin de faciliter autant que
possible l’exercice du droit de visite par le ou les parents.
Si la proximité géographique n’était pas prise en compte, il y aurait une atteinte au respect
fondamental dû à la vie familiale, respect qui existe même pour les familles en difficultés. Par
conséquent, déclarer un enfant abandonné lorsque le désintérêt est involontaire constituerait
une atteinte au droit au respect de la vie familiale reconnu par l’article 8 de la Cour
européenne des Droits de l’homme et du citoyen172.
Il est à ce titre dommageable que les modalités de l’exercice du droit de visite et
d’hébergement soient décidées par les services de l’aide sociale à l’enfance et non par le juge
des enfants alors qu’il s’agit d’un droit dont le principe est reconnu aux parents173. Le projet
de réforme de la protection de l’enfance compte résoudre ce problème en introduisant, en ce
qui concerne l’assistance éducative, à l’article 375-7 du Code civil, un nouvel alinéa,
réservant au juge la seule compétence pour fixer les modalités de placement de l’enfant et du
droit de visite des parents174.
Par ailleurs, la loi du 5 juillet 1996175, en introduisant la notion de grande détresse (notion
aujourd’hui disparue) qui dispensait le juge de prononcer l’abandon, n’a pas eu d’incidence
sur la jurisprudence antérieure mais a eu pour effet de lui donner un fondement légal. Lorsque
169 Paris, 8 nov. 1996, Dr. famille 1997, comm. 157, p. 14, note MURAT (P.).
170 Cass. 1ère civ., 12 oct. 1999, Defrénois 2000, art. 37179, p. 662, n° 32, obs. MASSIP (J.) ; Dr.
famille 2000, comm. 3, p. 17, note MURAT (P.).171 Loi n° 98-657 du 29 juill. 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, JO 31 juill.
1998, p. 11679.172 EUDIER (F.), op. cit. note 91, p. 319, n° 576.173 MASSIP (J.), obs. sous Cass. 1ère civ., 12 oct. 1999, Defrénois 2000, art. 37179, p. 662, n° 32.174 GOUTTENOIRE (A.), « Les dispositions du projet de réforme de la protection de l’enfance relatives à
l’assistance éducative et au droit de l’enfant d’être entendu », Dr. famille 2006, focus 34, p. 2.175 Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.
38
le juge considère que le désintérêt des parents est involontaire, il peut conclure que ces
derniers se trouvent en situation de grande détresse176. Néanmoins, ces deux notions,
pratiquement identiques, débouchaient sur la même exigence de preuve.
En effet, il appartient à celui qui invoque le caractère involontaire du désintérêt de le prouver.
La charge de la preuve incombe donc aux parents177 et peut être établie par tous moyens. Les
magistrats ne se contentent pas de simples affirmations178.
Toutefois, les décisions prononçant la déclaration d’abandon doivent être motivées tant en ce
qui concerne l’existence du désintérêt que sur ses caractères manifeste et volontaire au risque
de violer l’article 455 du nouveau Code de procédure civile. La motivation doit rendre compte
de faits précis faute de quoi la décision judiciaire encourt la cassation pour défaut de base
légale179.
Cette condition jurisprudentielle peut être contestée puisque cela retarde l’adoptabilité de
l’enfant et diminue donc ses chances d’être adopté180. De plus, la terminologie employée tend
à considérer que lorsque l’abandon est prononcé c’est que l’attitude des parents est fautive.
Il aurait été préférable de traiter de l’abandon inexcusable, c’est-à-dire d’une faute d’omission
de la part des parents qui ne peuvent arguer d’aucun fait justificatif181.
Le désintérêt des parents envers leur enfant doit donc présenter certains caractères. Il doit
également être d’une certaine durée.
Section II : L’exigence d’une durée Le législateur exige que le désintérêt ait duré un an. L’article 350 du Code civil indique le
point de départ de ce délai (§1). Par ailleurs, il doit s’agir d’un délai actuel et
ininterrompu (§2).
176 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 28, n° 107.177 Cass. 1ère civ., 15 nov. 1991, JCP éd. G 1995. I. 3855, n° 8, obs. FAVIER (Y.).178 Cass. 1ère civ., 6 mars 1985, Bull. civ. I, n° 88 ; D. 1986, jurispr., p. 193, note MASSIP (J.) ;
Defrénois 1986, art. 33690, p. 328, n° 6, obs. MASSIP (J.) ; RTD civ. 1986, p. 730, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).179 Cass. 1ère civ., 8 déc. 1998, préc. note 144.180 GARÉ (T.), loc. cit. note 47.181 DE LA MARNIÈRRE (E.-S.), obs. sous Cass. 1ère civ. 23 oct. 1973, JCP éd. G 1974. II. 17689, n° 8.
39
§1. Un point de départ légal
La mesure de l’article 350 du Code civil précisait dans sa rédaction initiale que les parents
devaient s’être manifestement désintéressés de leur enfant depuis un an pour que l’abandon
soit prononcé. Le problème était que le texte ne précisait pas à partir de quel moment il
convenait de calculer le délai.
Pour le calculer, certains tribunaux avaient donc choisi de se placer au jour où ils rendaient
leur décision182. Il s’agissait d’un délai fluctuant selon le moment du prononcé du jugement.
Afin de mettre fin à ces incertitudes, la loi de 1976183 a ajouté que les parents doivent s’être
manifestement désintéressés de leur enfant « pendant l’année qui précède l’introduction de la
demande en déclaration d’abandon ».
Il faut donc se placer au jour de la présentation de la requête et remonter un an auparavant
pour apprécier la durée du désintérêt184.
Si la saisine du tribunal est effectuée par le requérant, cette condition de délai ne posera aucun
problème puisque c’est à la date de présentation de la requête que se situe la saisine du
tribunal. Toutefois, cette hypothèse s’avère rare en pratique.
En effet, le plus souvent, le recueillant va adresser sa requête au Procureur de la République
qui lui-même saisira le tribunal. L’hésitation était permise entre la prise en considération de la
date de la présentation de la requête au Ministère public ou la date où celui-ci saisissait le
tribunal. Or, l’intervalle entre ces deux dates pouvait être assez long puisque ce délai
permettait au Parquet de faire procéder à une enquête.
La Cour de cassation s’est prononcée en faveur de la date de la présentation de la requête185.
Elle a considéré que puisque la demande en déclaration d’abandon est introduite par une
requête dont le tribunal est saisi soit directement, soit par l’intermédiaire du Parquet, le
Procureur de la République n’étant pas partie requérante, c’est à la date de présentation de la
requête qu’il convenait de se placer pour apprécier le désintérêt manifeste des parents.
182 NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.), « La déclaration judiciaire d’abandon de l’article 350 du
Code civil », op. cit. note 40, p. 103.183 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 184 Cass. 1ère civ., 1er mars 1977, JCP éd. G 1977. II. 18763, obs. FOURNIÉ (A.-M.) ; RTD civ. 1977, p.
321, obs. RAYNAUD (P.).185 Cass. 1ère civ., 29 oct. 1979, Bull. civ. I, n° 265 ; JCP éd. G 1980. II. 19366.
40
Ce point de départ doit s’entendre comme précédant immédiatement le dépôt de la requête.
Toutefois, il existe des exceptions déplaçant le point de départ du délai dans la jurisprudence
mais il s’agit de cas isolés186.
Ce délai d’un an ne concerne pas le recueil par la personne physique ou morale187. Il
n’implique pas que le recueil par le requérant lui-même ait duré un an.
La Cour de cassation a précisé qu’« admettre la solution contraire aboutirait à faire dépendre
le sort de l’enfant abandonné du fait qu’il a été recueilli par une ou plusieurs personnes
successivement pendant la durée de l’abandon »188.
Il aurait pu sembler logique de calculer le temps de l’abandon à partir de la dernière marque
d’intérêt des parents. Ainsi, lorsqu’une année s’est écoulée entre deux manifestations
d’intérêt, l’article 350 du Code civil serait applicable189.
De plus, le point de départ du délai manque de précision en cas de manifestations épisodiques
des parents190.
Les avis sont également partagés quant à sa durée.
En effet, le délai ne doit pas être trop court afin de prendre en compte des difficultés
passagères. Sa réduction pourrait empêcher de développer une action sociale qui permettrait
aux enfants de retrouver leur place auprès de leurs parents191. Le problème est que lors du
dépôt de la requête en déclaration d’abandon, les parents n’en sont pas avertis ce qui peut
ralentir leur action192.
186 Paris, 8 juin 1973, JCP éd. G 1974. II. 17660, obs. BETANT-ROBET (S.).
En l’espèce, la mère d’un enfant, internée en hôpital psychiatrique, s’était manifestement désintéressée de son
enfant pendant un an avant son hospitalisation mais avait désiré reprendre son enfant une fois sortie. Le juge
a pris en compte la situation antérieure à l’hospitalisation afin de prononcer la déclaration d’abandon.187 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 28, n° 109.188 Cass. 1ère civ., 16 nov. 1976, Bull. civ. I, n° 346 ; D. 1977, inf. rap. 72 ; JCP éd. G 1978. II. 18906,
obs. FURKEL (F.) ; RD sanit. soc. 1977, p. 291, note RAYNAUD (P.) ; RTD civ. 1977, p. 321, n° 5,
obs. RAYNAUD (P.) ; RTD civ. 1980, p. 109, obs. NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).189 ALLAER (C.), op. cit. note 42, n° 7.190 SALVAGE-GEREST (P.), « Genèse d’une quatrième réforme, ou l’introuvable article 350, alinéa 1 du
Code civil », op. cit. note 110, p. 352.191 ROSENCZVEIG (J.-P.), op. cit. note 99, n° 1341, p. 397.192 NEIRINCK (C.), La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, op. cit. note 85, p. 411,
n° 515.41
Mais le délai ne doit pas non plus être trop long afin d’assurer une certaine stabilité à
l’enfant193. Ainsi, dans la proposition de loi du 19 novembre 1981, il était réduit à six mois
afin de déclarer l’enfant adoptable plus rapidement194. A l’étranger, le délai de six mois a déjà
été retenu195.
En réalité, ce délai d’un an se rapproche de l’ancien texte sur la délégation forcée pour
laquelle il fallait un an avant de pouvoir procéder à la demande en délégation devant le juge196.
Afin de ne pas dépasser ce délai, diverses dispositions ont été adoptées. Ainsi, toute mesure
prise par l’Aide sociale à l’enfance ne peut excéder un an pour permettre un examen de la
situation de l’enfant lors du renouvellement et éventuellement un recours à l’article 350 du
Code civil si le désintérêt des parents se pérennise197.
De la même manière, la mesure d’assistance éducative ne peut pas être d’une durée supérieure
à deux ans198 depuis une loi de 1986199 ce qui permet à l’occasion du renouvellement de cette
mesure de faire le point sur la situation familiale. Enfin, le Conseil supérieur à l’adoption a
incité les services de l’aide sociale à l’enfance à établir un fichier des enfants à leur charge et à
organiser un échéancier afin de réévaluer périodiquement leur situation dans le but de recourir
à l’article 350 du Code civil200.
Des tempéraments sont apportés en faveur des parents par le sang puisque le délai doit
également être actuel et non interrompu.
193 Ibid.194 NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.), « La déclaration d’abandon de l’article 350 du Code civil »,
loc. cit. note 157.195 BOULANGER (F.), Enjeux et défis de l’adoption : étude comparative et internationale, op. cit. note
24, p. 78, n° 60.196 ENSMIHEN (E.), op. cit. note 138, p. 21.197 Art. L. 223-5 CASF.198 Art. 375, al. 2 C. civ.199 Loi n° 86-17 du 6 janv. 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de
compétences en matière d’aide sociale et de la santé, JO 8 janv. 1986, p. 372.200 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 29, n° 110.42
§2. Un délai actuel continu
Le délai d’un an doit s’entendre comme un délai ininterrompu par l’action des parents. Si les
parents se sont manifestés pendant le délai d’un an, la déclaration judiciaire d’abandon ne
pourra pas être prononcée.
Toutefois, certaines démarches effectuées par les parents n’auront pas pour conséquence
d’interrompre le délai exigé.
Ainsi, la loi du 8 janvier 1993201 a ajouté à l’alinéa 3 de l’article 350 du Code civil que les
démarches qui ne sont pas des marques d’intérêt suffisantes pour motiver de plein-droit le
rejet de la demande en déclaration d’abandon n’interrompent pas le délai d’un an. Cette
rédaction est plus sévère pour les parents biologiques de l’enfant puisque le juge ne doit pas,
pour rejeter la requête, se contenter de relations quelconques ou épisodiques tel que l’envoi
d’un cadeau ou d’une carte postale202. En réalité, la précision du législateur n’a fait que
confirmer les solutions jurisprudentielles antérieures203.
Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé que les signes d’intérêt provenant des parents par le
sang postérieurs au dépôt de la requête ne doivent pas être pris en considération204.
Ainsi, les marques d’intérêt qui se situent lors de l’enquête de police après la présentation de
la requête mais antérieurement à la transmission de ladite requête au tribunal n’interrompent
pas le délai d’un an205.
En effet, les parents informés du possible jugement en déclaration d’abandon pouvaient être
tentés de se manifester afin d’éviter cette mesure. Dans certaines situations particulières, le
comportement tardif des parents pourrait tout de même s’avérer conforme à l’intérêt de
201 Loi n° 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits
de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, préc. note 10. 202 http://www.dorigineinconnue.org/affiche.php?noenr=77.203 Versailles, 13 oct. 1994, RTD civ. 1995, p. 343, n° 31, obs. HAUSER (J.).204 Cass. 1ère civ., 15 déc. 1981, Bull. civ. I, n° 379 ; Defrénois 1982. art. 32967, p. 1562, n° 85, obs.
MASSIP (J.) ; Gaz. Pal. 1982, 2, jurispr., p. 598, note MASSIP (J.) ; RD sanit. soc. 1983, p. 161, note RAYNAUD
(P.) ; RTD civ. 1984, p. 298, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.)_Cass. 1ère civ., 20 nov. 1985, Bull. civ. I, n° 316 ;
Gaz. Pal. 1986, 2, jurispr., p. 609, note MASSIP (J.) ; RTD civ. 1986, p. 731, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.)_Cass.
1ère civ., 15 nov. 1994, Bull. civ. I, n° 329 ; Defrénois 1995, art. 36100, p. 728, n° 55, obs. MASSIP (J.) ; JCP
éd. G 1995. IV. 111.205 VOISIN (V.), op. cit. note 83, n° 203, p. 122.
43
l’enfant206. Mais, depuis la loi de 1996207, dès lors que les conditions sont réunies, le juge a
l’obligation de prononcer l’abandon. Néanmoins, l’appréciation de l’interruption ou non du
délai relève du pouvoir souverain des juges du fond208.
Le juge est également venu au secours des parents biologiques de l’enfant en précisant que le
désintérêt même s’il avait duré plus d’un an avant la requête devait être existant au moment de
celle-ci209. Il doit donc s’agir d’un abandon persistant ce qui permet de reculer les limites du
repentir actif210. C’est au jour de la présentation de la requête qu’il convient d’apprécier si le
délai est actuel211.
Ainsi un abandon passé même de très longue durée ne peut être pris en considération s’il a
cessé au jour de la demande en déclaration d’abandon. Toutefois, il est arrivé que les
magistrats prononcent une décision contraire212.
La déclaration judiciaire d’abandon est donc soumise à des conditions afin de respecter autant
que possible les droits des parents mais aussi l’intérêt de l’enfant. Une fois les conditions
réunies, la mesure sera favorisée dans sa mise en œuvre.
Titre II : Une mesure favorisée
Le législateur a tenté, une fois les conditions de la déclaration judiciaire d’abandon réunies, de
favoriser la mise en œuvre de cette mesure. En effet, l’enfant étant dans une situation
d’abandon, il convient de réagir et transformer cet abandon de fait en abandon de droit.
C’est pourquoi la procédure en déclaration judiciaire d’abandon est incitative (Chapitre 1).
Seuls certains éléments de la situation familiale pris en compte de manière restrictive pourront
empêcher la réalisation du dispositif (Chapitre 2).
206 RAYNAUD (P.), note sous Cass. 1ère civ., 15 déc. 1981, RD sanit. soc. 1983, p. 162.207 Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.208 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 48.209 Cass. 1ère civ., 3 fév. 1971, D. 1971, jurispr., p. 627 ; JCP éd. G 1971. II. 16893, obs. Raynaud
(P.).210 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 609, n° 1644.211 Cass. 1ère civ., 8 mai 1979, Bull. civ. I, n° 133 ; JCP éd. N 1981. II, p. 208 ; RTD civ. 1980, p. 104,
obs. NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).212 Paris, 8 juin 1973, préc. note 186.
44
Chapitre 1 : L’incitation à la déclaration d’abando n
au niveau procédural
Afin de sauvegarder l’intérêt de l’enfant, la déclaration judiciaire d’abandon bénéficie d’une
procédure sévère qui tend à sa mise en place (Section I). Toutefois, il existe des voies de
recours afin de permettre à la famille biologique de l’enfant de réagir (Section II).
Section I : La fermeté de la procédureLa mise en œuvre de la mesure prévue à l’article 350 du Code civil est favorisée par un dépôt
de requête obligatoire (§1) mais aussi par l’obligation de prononcer le jugement (§2).
§1. Un dépôt de requête obligatoire
La loi de 1994213 a ajouté à l’article 350, alinéa 1 du Code civil que « la demande en
déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le
service de l’aide sociale à l’enfance ». La loi de 1996214 a précisé qu’il s’agissait de la
personne physique ou morale qui a recueilli l’enfant. Le problème est que si l’enfant est déjà
recueilli par un membre de sa famille, le dépôt de la requête n’aboutira pas au prononcé de
l’abandon215.
Il s’agit donc d’une obligation pour le recueillant de l’enfant, c’est-à-dire celui qui en la
charge, même si le recueil n’a pas duré un an.
Le caractère obligatoire du dépôt a été diversement apprécié.
En effet, il était reproché au service de l’aide sociale à l’enfance « d’oublier » des enfants et de
les laisser en situation d’abandon. Or, l’obligation de déposer une telle requête va contraindre
ce service à procéder chaque année à un examen du dossier de l’enfant216.
213 Loi n° 94-629 du 25 juill. 1994 relative à la famille, préc. note 10.214 Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.215 Paris, 8 juin 1979, JCP éd. G 1980. II. 19297, obs. FOURNIÉ (A.-M.) ; RTD civ. 1980, p. 110, obs.
RUBELLIN-DEVICHI (J.).216 MASSIP (J.), « Les nouvelles règles de l’adoption (loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à
l’adoption) », op. cit. note 70, p. 7.45
Pourtant, la durée des mesures de placement provisoire ainsi que des décisions judiciaires
permettait un examen régulier de la situation de l’enfant217. En revanche, l’insuffisance de la
coordination des acteurs du dispositif de protection de l’enfance et la mauvaise circulation de
l’information peuvent expliquer que le dépôt de la requête soit retardé218. L’impossibilité
d’effectuer le recoupement des informations relatives à la situation préoccupante d’un enfant
nuit à l’efficacité de l’intervention départementale219.
Toutefois, cette volonté de regrouper les informations s’est traduite dans certains
départements, notamment dans le département du Nord où la procédure est centralisée au sein
d’un seul service afin de permettre une meilleure coordination et une accélération de la
procédure220.
Dès lors que l’enfant est victime d’un désintérêt parental durant un an, les personnes visées
par l’article 350 du Code civil doivent donc impérativement déposer une requête.
Le problème est que le dépôt de la requête n’est pas assorti d’une condition de délai. Un
intervalle est donc possible entre le moment où le service de l’aide sociale à l’enfance constate
le désintérêt parental persistant et le moment du dépôt de la requête.
Il est envisageable que les services de l’aide sociale à l’enfance jugent eux-mêmes de
l’opportunité de la saisine du tribunal et tentent plutôt de renouer les liens familiaux221.
Ainsi, malgré la situation d’enfants n’ayant plus aucun contact avec leurs parents, la requête
pourra intervenir tardivement222. Or, la situation affective de l’enfant va empirer et plus
l’enfant sera âgé, plus son adoption sera difficile. De plus, une fois la requête déposée, le
jugement n’intervient pas tout de suite223.
217 LHERBIER (B.), La protection de l’enfant maltraité : protéger, aider, punir et collaborer, Logiques
juridiques, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 267.218 TRÉMINTIN (J.), « Où en est la réforme de la protection de l’enfance ? », RAJS avr. 2006, n° 254, p.
27.219 PECRESSE (V.), Rapport au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur
le projet de loi (n° 3184) réformant la protection de l’enfance, 5 juill. 2006,
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r3256.asp, p. 20.220 Cf. annexe 4.221 SALVAGE-GEREST (P.), « Genèse d’une quatrième réforme, ou l’introuvable article 350, alinéa 1 du
Code civil », op. cit. note 110, p. 352.222 Cf. annexe 5.223 Cf. annexes 5 et 6.
46
Il n’est pas non plus inévitable que les travailleurs sociaux en référent d’abord au juge des
enfants lorsqu’il a lui-même ordonné une mesure d’assistance éducative antérieurement ce qui
retardera également la mesure de l’article 350 du Code civil224.
En effet, l’obligation de déposer la requête n’est assortie d’aucune sanction, il s’agit donc plus
d’une incitation à la vigilance que d’une réelle obligation à déclencher la procédure225.
Toutefois, il n’est pas exact d’affirmer que la loi de 1994 a opéré un transfert de
compétences pour décider si l’enfant doit ou non être déclaré abandonné du juge au
service de l’aide sociale à l’enfance puisque lors du jugement, le magistrat conserve son
pouvoir d’appréciation226.
Cette obligation de dépôt favorise également la déclaration judiciaire d’abandon par rapport à
la délégation forcée227 puisque dans les deux mesures, il est fait référence au désintérêt
manifeste. Or, si le dépôt de la requête n’était pas obligatoire concernant l’article 350 du Code
civil, le choix entre les deux mesures serait possible228.
Par ailleurs, la demande doit être portée devant le Tribunal de grande instance du lieu où
demeure l’enfant comme pour tous les jugements en matière d’état des personnes ou si la
demande émane du service de l’aide sociale à l’enfance, du chef-lieu du département dans
lequel l’enfant a été recueilli229.
La compétence du Tribunal de grande instance est originale puisque le jugement aura pour
effet de déléguer l’autorité parentale. Or, en matière de délégation, c’est le juge aux affaires
familiales qui est, en principe, compétent230.
La demande en déclaration d’abandon doit être formée par requête et être remise au greffe du
tribunal. Elle peut également être formée par simple requête du demandeur lui-même et être
remise au Procureur de la République qui la transmettra au tribunal231.
224 SALVAGE-GEREST (P.), « Genèse d’une quatrième réforme, ou l’introuvable article 350, alinéa 1 du
Code civil », op. cit. note 110, p. 352.225 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 29, n° 110.226 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 609, n° 1644.227 Art. 377, al. 2 C. civ.228 ENSMIHEN (E.), op. cit. note 138, p. 21.229 Art. 1158 NCPC.230 Art. 1202 NCPC.231 Art. 1160 NCPC.
47
Le Ministère public n’est pas juge de la recevabilité ou de l’opportunité de la requête, il doit la
transmettre au tribunal dès lors que le requérant en fait la demande et même s’il estime devoir
assortir cette requête de conclusions défavorables232.
La transmission de la requête par le Parquet n’a pas pour effet de lui conférer la qualité de
partie requérante à l’instance. Dès lors, le dépôt d’une telle requête par le Procureur de la
République, en qualité de partie principale, aura pour effet de permettre au tribunal de
soulever d’office son irrecevabilité et d’ordonner la réouverture des débats sur cette question
de droit233.
Comme le dépôt de la requête, le prononcé de la mesure est obligatoire.
§2. Un prononcé de la mesure obligatoire
Le juge, saisi d’une requête en déclaration d’abandon, doit rechercher si les conditions de
l’article 350 du Code civil sont réunies. Avant la loi de 1996, la législation prévoyait que dans
ce cas, l’enfant pouvait être abandonné. Il s’agissait d’une faculté, le Tribunal de grande
instance n’était pas tenu de prononcer l’abandon.
Par conséquent, les magistrats procédaient à un contrôle de légalité mais également à un
contrôle d’opportunité et cherchaient où se situait l’intérêt de l’enfant234, principe général du
droit235.
Ainsi, même si le désintérêt était manifeste et avait duré un an avant le dépôt de la requête, les
juges pouvaient refuser de prononcer la mesure au nom de l’intérêt de l’enfant236.
Pour apprécier cet intérêt, il faut se placer non seulement à l’époque où la décision de
première instance a été rendue mais également au jour de l’arrêt d’appel237.
232 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 30, n° 117.233 Ibid.234 Cass. 1ère civ., 6 janv. 1981, Bull. civ. I, n° 5 ; D. 1981, jurispr., p. 495, note RAYNAUD (P.) ; Gaz.
Pal. 1981, 2, jurispr., p. 757, note MASSIP (J.).235 RUBELLIN-DEVICHI (J.), « Le principe de l’intérêt de l’enfant dans la loi et la jurisprudence », JCP
éd. G 1994. I. 3739. p. 87.236 Cass. 1ère civ., 6 mars 1985, préc. note 118. 237 Lyon, 27 fév. 1985, D. 1987, jurispr., p. 349, note MAYMON-GOUTALOY (M.) ; RTD civ. 1986, p.
733, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).48
Certaines Cours d’appel prenaient ainsi le soin de caractériser en quoi la mesure prévue à
l’article 350 du Code civil correspondait ou non à l’intérêt de l’enfant238.
Néanmoins, même si l’abandon paraît conforme à l’intérêt de l’enfant, les autres conditions
prévues à l’article 350 du Code civil doivent être réunies au risque d’encourir la censure de la
Cour de cassation239 ; l’intérêt de l’enfant ne constitue pas une condition suffisante au
prononcé de la déclaration d’abandon.
L’intérêt de l’enfant est apprécié par rapport à la stabilité dont le mineur peut bénéficier dans
sa famille d’accueil, notamment lorsqu’elle envisage de l’adopter. Son intérêt individuel va
primer sur le respect de la fratrie ou des liens familiaux240.
De même, le rejet de la requête en déclaration d’abandon peut être motivé par l’impossibilité
pour l’enfant d’être adopté, notamment du fait de son âge, ou par l’évolution positive de sa
situation familiale241.
Toutefois, dès lors que les conditions sont réunies, il est souvent opportun pour l’enfant de
prononcer l’abandon.
Cette référence jurisprudentielle ne peut être qu’appréciée puisque cette notion est également
utilisée dans d’autres mesures de protection de l’enfance qui sanctionnent un comportement
parental blâmable ou insuffisant242 comme le retrait243 ou la délégation244 de l’autorité
parentale.
Cependant dans l’intérêt de l’enfant, il peut être opportun de ne pas recourir à la déclaration
d’abandon lorsque les parents sont disposés à consentir à l’adoption245. En effet, un
consentement à l’adoption qui repose sur la volonté parentale est une démarche plus
valorisante lors d’une procédure qui transfère un lien de filiation que la déclaration judiciaire
d’abandon dont les termes renvoient à l’idée de défaillance parentale246.
238 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 610, n° 1646.239 Cass. 1ère civ., 16 juill. 1992, Bull. civ. I, n° 230 ; D. 1992, inf. rap. 235 ; Defrénois 1993, art.
35484, p. 297, n° 5, obs. MASSIP (J.) ; JCP éd. G 1992. IV. 2674.240 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 29, n° 112.241 Ibid.242 Id., p. 29, n° 111.243 Art. 378-1 C. civ.244 Art. 377, al. 2 C. civ.245 EUDIER (F.), op. cit. note 91, p. 319, n° 577.246 MURAT (P.), note sous Cass. 1ère civ., 28 nov. 2000, Dr. famille 2001, comm. 56, p. 17.
49
Ce large pouvoir d’appréciation a été supprimé lors de la réforme de l’adoption en 1996247. La
loi a transformé la faculté du juge à prononcer l’abandon en une obligation puisque le verbe
pouvoir a été remplacé par le verbe devoir. Le juge est désormais lié par le texte de l’article
350 du Code civil.
Pourtant, la Convention internationale sur les droits de l’enfant affirme à l’article 3-1 que :
« dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions
publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des
organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Il y
a donc un net recul de la place de l’intérêt de l’enfant afin de briser la résistance des juges à
couper les liens du sang248.
Ainsi, dans leurs décisions, les juges vont devoir prononcer la déclaration d’abandon alors que
les parents ne sont pas opposés à un projet d’adoption de l’enfant249. Le consentement à
l’adoption du mineur semble pourtant moins traumatisant pour lui250.
Le prononcé du jugement est donc obligatoire. En revanche, lors du prononcé, l’adoption de
l’enfant, qui est un acte futur, n’a pas à être obligatoirement envisagée251. En effet, au même
titre que le consentement des parents à l’adoption ou la qualité de pupille de l’Etat, la
déclaration judiciaire d’abandon permet l’adoption mais il ne faut pas en conclure, par
réciprocité, qu’un projet d’adoption est nécessaire pour permettre l’obtention d’une telle
mesure252. Par ailleurs, lors du prononcé de la déclaration d’abandon, le juge ne peut pas
prononcer en même temps l’adoption de l’enfant253.
Malgré l’obligation de prononcer la déclaration d’abandon, les juges disposaient encore d’une
marge de manœuvre puisque la loi de 1996 avait ajouté que ce prononcé est obligatoire « sauf
le cas de grande détresse des parents ». Grâce à cette formule, les juges retrouvaient leur
pouvoir souverain d’appréciation254. Mais, la réforme intervenue en 2005255 en supprimant
247 Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, préc. note 10.248 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 610, n° 1646.
249 Cass. 1ère civ., 28 nov. 2000, Dr. famille 2001, comm. 56, p. 17, note MURAT (P.).250 BATTEUR (A.), op. cit. note 139, p. 420, n° 815.251 COLOMBET (C.), La famille, Droit fondamental. Droit civil, 6ème éd., Paris : PUF, 1999, p. 228.252 Paris, 21 mars 1968, JCP éd. G 1968. II. 15549, obs. R. B_Cass. 1ère civ., 8 mai 1979, préc. note
211.253 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1649.254 Id., p. 610, n° 1646.255 Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, préc. note 19.
50
L’affaire est instruite et débattue en chambre du conseil en présence du requérant, après avis
du Ministère public qui est partie jointe256. Le jugement est prononcé en audience publique257.
Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.
Les parents de l’enfant ou son tuteur sont entendus ou appelés lors de la procédure afin qu’ils
puissent fournir des explications sur leur comportement258. Lorsque ceux-ci ont disparu, le
tribunal peut surseoir à statuer et faire procéder à une recherche dans l’intérêt des familles.
Le délai du sursis à statuer ne peut excéder six mois. Il est toutefois critiqué car il s’ajoute au
délai d’un an et allonge la période pendant laquelle le placement de l’enfant en vue de son
adoption ne peut être envisagé259. L’intérêt de l’enfant commande qu’il soit mis fin le plus tôt
possible à la période d’incertitude.
Le rôle du Parquet est important car c’est lui qui fait procéder aux enquêtes nécessaires et qui
fait rechercher les parents quand leur domicile est inconnu260.
Lorsque les recherches n’ont pas donné de résultats, les parents seront cités à parquet, le
jugement sera alors réputé contradictoire. Cette mesure se justifie puisque l’on peut se
montrer strict face à des parents qui sont restés un long moment sans s’occuper de leur enfant
et qui n’ont même pas avisés le recueillant d’un endroit où les joindre261.
Une fois le jugement prononcé, il est possible d’user de voies de recours.
Section II : L’ouverture aux voies de recoursLes voies de recours ouvertes aux parties sont l’appel et la cassation (§1) mais également la
tierce opposition (§2).
256 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 31, n° 118.257 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1648.258 Art. 1161 NCPC.259 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1648.260 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 52.261 Id., n° 54.
51
§1. Une reproduction du droit commun
Les voies de recours que sont l’appel et la cassation sont ouvertes aux personnes à qui le
jugement en déclaration d’abandon a été notifié ainsi qu’au Ministère public262.
Or, le jugement est adressé au demandeur, aux parents, et au tuteur, le cas échéant, qui
peuvent faire appel dans le délai d’un mois à compter de la signification263. Lorsque l’un des
parents de l’enfant est sous le régime de la curatelle, toute signification faite à celui-ci doit
être fait à son curateur à peine de nullité264.
Si les parties ont été vainement recherchées ou si elles ont été régulièrement citées mais n’ont
pas comparu, le jugement est signifié au Parquet.
Toutefois, si les parents n’ont pas eu connaissance du jugement mais qu’aucune faute ne peut
leur être reprochée, ces derniers peuvent demander à être relevés de la forclusion résultant de
l’expiration des délais265.
Cette faculté ne leur est accordée que dans un temps limité à un an maximum à compter de la
notification et ne peut être assimilée à un délai d’appel supplémentaire qui aurait pour
conséquence de retarder encore le placement de l’enfant. Les défendeurs ne pourront en user
qu’à condition que l’enfant ne soit pas placé en vue de son adoption266.
Du fait de cette possibilité, certains Parquets en avaient conclu qu’il était préférable d’attendre
que le délai d’un an soit écoulé avant d’exécuter le jugement de déclaration judiciaire
d’abandon. Une circulaire de 1974 émanant du Garde des Sceaux a éclairci les choses en
condamnant cette attitude et en rappelant que le délai de relevé de forclusion n’est pas
suspensif d’exécution267.
En raison du caractère contentieux de la procédure, la décision est susceptible d’appel, voie
ordinaire de recours, dans le mois qui suit la notification268.
262 Art. 1163 NCPC.263 RENAULT-BRAHINSKY (C.), op. cit. note17, n° 909, p. 426.264 Montpellier, 30 juill. 2003, Dr. famille 2004, comm. 131, p. 33, note FOSSIER (T.).265 Art. 540 NCPC.266 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 55.267 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 31, n° 119.268 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1648.
52
En l’absence d’appel interjeté par ses parents dans ce délai, l’enfant peut immédiatement être
placé en vue de son adoption. Cela est très important pour l’enfant puisqu’il va pouvoir
bénéficier éventuellement d’une situation de stabilité269.
Lorsque l’une des parties décide de contester le jugement, il est à noter que l’appel sera formé
selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire270. Par conséquent, le ministère
d’avoué n’est pas nécessaire.
Toutefois, lors de l’abrogation des articles du décret du 12 mai 1981271 relatifs à la procédure
de déclaration d’abandon et de leur remplacement par les articles 1158 à 1164 du nouveau
Code de procédure civile, pour certains, il résultait des nouvelles dispositions que la
procédure ne pouvait plus être considérée comme une procédure sans représentation
obligatoire en première instance comme en appel272. Or, il résulte clairement de la nouvelle273
comme de l’ancienne274 rédaction que l’intervention d’un avocat n’est seulement qu’une
possibilité275.
Cette disposition est la même que pour les procédures de délégation et de retrait de l’autorité
parentale276. Il s’agit d’une procédure plus humaine qui met les parties directement en rapport
entre elles. De plus, la dispense d’un avocat la rend moins onéreuse et plus rapide.
En application de l’article 932 du nouveau Code de procédure civile, l’appel est alors formé
par la déclaration que la partie ou son mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au
secrétariat de la juridiction qui a rendu le jugement277. L’appel est formé par voie de requête278.
L’appel est ensuite instruit et jugé selon les règles applicables en première instance279.
269 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, , op. cit. note
88, p. 31, n° 119.270 Art. 1163 NCPC.271 Décret n° 81-500 du 12 mai 1981 instituant les dispositions des livres III et IV du nouveau Code
de procédure civile et modifiant certaines dispositions de ce code, préc. note 95.272 FOURNIÉ (A.-M.), « La procédure de déclaration d’abandon exige-t-elle l’intervention de l’avocat en
première instance et de l’avoué en appel ?… », JCP éd. G 1982. I. 3063, p. 3063.273 Cass. 1ère civ., 7 juill. 1987, D. 1987, inf. rap. 183.274 Paris, 5 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981, 2, jurispr., p. 473.275 FOURNIÉ (A.-M.), « La procédure de déclaration d’abandon exige-t-elle l’intervention de l’avocat en
première instance et de l’avoué en appel ?… », loc. cit. note 272.276 Art. 1203 NCPC.277 Cass. 1ère civ., 12 fév. 1985, préc. note 148.278 Nancy, 26 oct. 1976, JCP éd. G 1978. IV. 67. 279 Art. 1163 NCPC.
53
Les mêmes parties peuvent, le cas échéant, former un pourvoi en cassation. Le délai est de
deux mois280.
Contrairement à l’appel, le ministère d’avocat est obligatoire. Le pourvoi est irrégulier et donc
irrecevable s’il n’est pas formé par un avocat à la Cour de cassation281.
A côté de la voie de recours extraordinaire que constitue le pourvoi en cassation, il existe un
autre recours extraordinaire : la tierce opposition.
§2. Un recours spécifique
Voie de recours extraordinaire ouverte aux personnes qui n’ont ni été parties, ni représentées à
une instance282 mais qui sont intéressées par le jugement, la tierce opposition est prévue
expressément depuis la loi de 1976283 à l’article 350, alinéa 6 du Code civil.
Il en résulte que ce recours est limité quant aux personnes qui peuvent s’en prévaloir. En effet,
la tierce opposition ne sera pas ouverte aux parents par le sang de l’enfant, à moins que la
filiation à l’égard de l’enfant n’ait pas été établie puisque cela exclut leur intervention lors du
jugement284.
Dans le silence de la loi, il faut admettre que le délai de droit d’exercice de la tierce
opposition est le délai de droit commun, soit trente ans. Il s’agit donc d’un délai extrêmement
long qui peut avoir de lourdes conséquences.
C’est pourquoi la tierce opposition n’est possible que dans des cas précis285. En effet, le texte
dispose que ce recours « n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité
de l’enfant ». Il faudra apporter la preuve de ce dol, de cette fraude ou de cette erreur sur
l’identité de l’enfant. Or, le dol ou la fraude ne sont admissibles qu’en présence d’une
omission ou d’une abstention délibérée et déterminante sur la décision d’abandon286. L’erreur
280 Art. 612 NCPC.281 Cass. 1ère civ., 12 juill. 1994, Bull. civ. I, n° 245.282 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1648.283 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 284 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 31, n° 120.285 VOIRIN (P.) et GOUBEAUX (G.), Droit civil : Personnes, famille, incapacités, biens, obligations,
sûretés, t. 1, Manuel, 30ème éd., Paris : LGDJ, 2005, p. 182, n° 390.286 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 31, n° 120.54
sur l’identité de l’enfant paraît difficilement concevable. Les juges du fond seront censurés
s’ils n’ont pas recherchés si l’une de ces conditions était remplie287.
Par ailleurs, cette voie de recours perd toute efficacité à partir du moment où un jugement
prononce l’adoption de l’enfant, sauf cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants288. Le
dol ou la fraude sont alors des armes possibles contre le détournement d’adoption289.
Ces conditions restrictives empêchent que l’adoption ultérieurement réalisée ne soit remise en
cause trop souvent290.
Néanmoins, même si cette voie de recours est rarement utilisée en pratique et réservée à des
situations tout à fait exceptionnelles291, il faut être très prudent. L’enfant, au centre de la
mesure et tiraillé entre sa famille biologique et sa famille d’accueil, peut souffrir de cette
situation.
Ainsi, cela serait moins traumatisant pour l’enfant si le délai de recours était réduit et que la
tierce opposition n’était possible seulement lorsque l’enfant n’a pas été placé en vue de son
adoption. La question de ses effets serait par conséquent résolue. Elle serait donc recevable à
un moment où la rétractation de la déclaration d’abandon n’est pas trop gênante.
Toutefois, il n’est pas impensable que des membres de la famille biologique de l’enfant
portent un réel intérêt envers lui. Or, les fondements de l’action sont réduits à des cas
exceptionnels (dol, fraude, …). De plus, le jugement n’est pas notifié aux membres de la
famille de l’enfant donc il leur est pratiquement impossible d’user de ce recours lorsqu’ils
n’ont pas connaissance de la situation de l’enfant292.
Un meilleur équilibre procédural serait donc atteint si la possibilité de notification aux
membres de la famille était étudiée et que les restrictions à la recevabilité de la tierce
opposition ne soient plus fondées sur la preuve de situations rarement rencontrées. En
contrepartie, la recevabilité de ce recours devrait être fondée sur le moment où la tierce
opposition est engagée par rapport au déroulement de la procédure d’adoption293.
287 Cass. 1ère civ., 2 déc. 1997, Dr. famille 1998, comm. 21, p. 12, note MURAT (P.).288 Art. 353-2 C. civ.289 BOULANGER (F.), Enjeux et défis de l’adoption : étude comparative et internationale, op. cit. note
24, p. 84, n° 65.290 COLOMBET (C.), loc. cit. note 251.291 Bordeaux, 16 juin 1955, JCP éd. G 1955. II. 8778, obs. SOUDÉ (J.).292 MURAT (P.), note sous Cass. 1ère civ., 2 déc. 1997, Dr. famille 1998, comm. 21, p. 13.293 Ibid.
55
La procédure relative à la déclaration judiciaire d’abandon est donc une procédure ferme où le
requérant comme le juge est lié par les textes et dont les voies de recours sont organisées de
manière restrictive. Cependant, des éléments provenant de la famille biologique de l’enfant
pourront empêcher le prononcé du jugement mais ces éléments seront pris en compte de façon
restreinte.
Chapitre 2 : L’incidence minimale de la situation
familiale
Le juge pourra, même si les conditions de la déclaration d’abandon sont respectées, être
amené à refuser de prononcer cette mesure. En effet, le comportement des parents pouvait
éviter la déclaration judiciaire d’abandon (Section I). En outre, la famille biologique de
l’enfant peut également être amenée à intervenir (Section II).
Section I : La détresse parentaleL’article 350 du Code civil prévoyait que la mesure devait être prononcée « sauf cas de grande
détresse des parents », ce qui renvoie à une notion subjective (§1). Cette notion a été
récemment supprimée ce qui limite le pouvoir des juges (§2).
§1. Une notion floue
Lors de la réforme de l’adoption de 1996 qui a rendu obligatoire le prononcé du jugement par
le juge, l’introduction de la notion de grande détresse lui a permis de retrouver son pouvoir
d’appréciation.
Le juge retrouvait sa marge de manœuvre par rapport à la situation des parents d’origine de
l’enfant et non par rapport à l’intérêt de l’enfant. Cette notion permettait au juge de ne pas
prononcer la déclaration d’abandon s’il estimait que le lien de filiation entre l’enfant et ses
parents devait être maintenu ; il affirmait alors que les parents étaient en situation de grande
détresse294.
Grâce à cette notion subjective, empruntée à l’interruption volontaire de grossesse, le
législateur consacrait le critère jurisprudentiel de désintérêt volontaire. La déclaration
294 CRÔNE (R.), REVILLARD (M.) et GELOT (B.), L’adoption : aspects internes et internationaux,
Paris : Defrénois, 2006, n° 65, p. 49.56
judiciaire d’abandon était assortie d’une nouvelle condition puisque les magistrats devaient
prendre acte de la situation de grande détresse des parents et surseoir à la demande en
déclaration d’abandon295.
Cette notion avait pourtant déjà montré ses faiblesses en matière d’interruption volontaire de
grossesse. En effet, lorsque des parents ne portent plus d’intérêt à leur enfant pendant au
moins un an, il est difficile de nier qu’ils sont en situation de grande détresse296.
Cette notion peut renvoyer à une détresse psychologique, pécuniaire, morale, …297.
En outre, le moment d’appréciation de cette notion n’était pas indiqué. On pouvait considérer
que le désintérêt manifeste des parents devait être dû à leur situation de grande détresse ou
que cette notion intervenait au moment du jugement, le tribunal s’abstenant de déclarer
l’abandon si la décision paraissait trop dure en raison de la grande détresse des parents. Ces
deux interprétations ne sont d’ailleurs pas incompatibles298.
Toutefois, cette notion apparue comme favorable aux parents par le sang, était utilisée de
façon stricte par les juges. Ainsi, à propos d’une mère justifiant l’absence de visites à son
enfant par le fait d’être sans domicile fixe, la Cour de cassation affirme : « que la mère ne
saurait arguer la grande détresse alors que son mode de vie résulte d’un choix, aucune
circonstance particulière n’étant mise en avant par l’appelante pour justifier l’obligation d’une
telle existence et surtout d’un tel éloignement de l’enfant »299.
Les discussions autour de cette notion n’ont plus lieu d’être puisque cette exception au
prononcé de la déclaration judiciaire d’abandon a été supprimée.
§2. Une notion supprimée
La réforme de l’adoption, opérée par le biais de la loi du 4 juillet 2005300, avait pour objectif
de faciliter la déclaration judiciaire d’abandon. A cette fin, elle a supprimé la notion de grande
détresse des parents et a rétabli le droit antérieur.
295 CORPART (I.), « La réforme du 5 juillet 1996 relative à l’adoption : refonte d’ensemble ou
retouche ? », Petites affiches 25 nov. 1996, n° 142, p. 9. 296 PHILIPPE (C.), op. cit. note 71, n° 43, p. 50.297 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, op. cit. note 104, p. 192.298 MASSIP (J.), « Les nouvelles règles de l’adoption (loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à
l’adoption) », op. cit. note 70, n° 32, p. 7.299 Agen, 13 oct. 2004, Dr. famille fév. 2005, comm. 29, p. 21, note MURAT (P.).300 Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, préc. note 19.
57
En réalité, le but était de favoriser le prononcé des déclarations judiciaires d’abandon afin
d’augmenter le nombre des enfants adoptables301.
En effet, avec l’exception de grande détresse parentale, la loi de 1996 avait conduit à une
diminution considérable du nombre de demandes en déclaration d’abandon302.
C’est ainsi qu’après ce constat, le Conseil supérieur de l’adoption créa un groupe de travail
pour remédier au problème. A l’issue d’une année de réflexion, un rapport fut établi et mit en
exergue la nécessité de ne plus centrer la mesure sur la détresse des parents mais à placer
l’intérêt de l’enfant au premier rang303. L’intérêt des parents par le sang ne doit pas être oublié
mais doit être apprécié en amont lors des tentatives antérieures de rapprochement et de
rétablissement des liens familiaux304. En effet, le seul critère de la grande détresse ne devait
pas écarter la possibilité de déclarer l’abandon dès lors que les conditions de l’article 350 du
Code civil étaient réunies305.
Ainsi, Monsieur Philippe BAS, Ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux
personnes handicapées et à la famille proclame : « Mais nous devons aussi penser aux enfants
en situation de grande détresse ! Si on empêche un enfant délaissé ou maltraité d’être accueilli
par une famille aimante, on l’aura sacrifié à ses parents »306.
Il convenait donc de supprimer cette notion ce que fit la loi de 2005.
Cependant, si la notion de grande détresse des parents semblait étrangère à l’esprit de l’article
350 du Code civil, elle ne constituait pas réellement un frein pour les magistrats au prononcé
de la mesure307. En effet, une fois le dossier déposé, la déclaration est prononcée dans 90 %
des cas.
En revanche, la notion de grande détresse des parents pouvait constituer un obstacle au dépôt
de la requête par les services de l’aide sociale à l’enfance, ressentant cette démarche comme
un échec dans leur mission d’accompagnement des familles308.
301 STASI (L.), Droit civil : Personnes, Incapacité, Famille, Manuel, 11ème éd., Orléans : Paradigme
publications universitaires, 2005, p. 244.
302 TABAROT (M.), op. cit. note 44, p. 11.303 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.304 Ibid.305 PECRESSE (V.), Rapport au nom de la mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant,
t. 1, 25 janv. 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i2832.asp, p. 347.
306 TABAROT (M.), op. cit. note 44, p. 12.307 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.308 Ibid.
58
La situation des enfants placés ne pourra donc changer que par une évolution des pratiques
des services sociaux qui ont tendance à vouloir préserver les liens du sang alors même que les
parents biologiques de l’enfant sont défaillants. Cette modification rappelle combien il est
malaisé même au regard de l’intérêt de l’enfant de rompre le lien juridique sans le
consentement des parents309. Ainsi, une large diffusion des explications est préconisée mais
également une réflexion sur le devenir des enfants placés à l’Aide sociale à l’enfance310.
Par ailleurs, il faudra également favoriser la proportion des pupilles de l’Etat pouvant être
adoptés et tout particulièrement les enfants dits à particularité, difficilement adoptables du fait
de leur handicap ou de leur âge, sachant que le dispositif de l’article 350 du Code civil prend
souvent deux ans311.
La suppression de cette notion a donc pour effet de rendre à l’article 350 du Code civil sa
vocation première, c’est-à-dire être une mesure de protection du mineur délaissé, et non de
multiplier le nombre d’enfants adoptables en France312. Par ailleurs, toute marge de manœuvre
du juge étant supprimée, il conviendra donc de suivre la jurisprudence à venir pour savoir si la
condition d’un désintérêt volontaire sera maintenue313.
Toutefois, le juge a encore la possibilité de ne pas prononcer la déclaration d’abandon lorsque
la famille biologique de l’enfant se manifeste.
Section II : Le rôle de la famille biologiqueL’article 350, alinéa 4 du Code civil prévoit une intervention possible de la famille biologique
de l’enfant qui empêchera le prononcé de la mesure. Cependant, son rôle est réduit (§1) et
soumis à condition (§2).
§1. Une intervention réduite
La loi de 1976314 a pris en considération le reste de la famille biologique de l’enfant puisque
l’article 350, alinéa 4 du Code civil prévoit : « L'abandon n'est pas déclaré si, au cours du délai
309 CORPART (I.), « Un nouveau cadrage de l’adoption. Loi du 4 juillet 2005 portant réforme de
l’adoption », JCP éd. G 2005. I. 1381, p. 1381.
310 TABAROT (M.), op. cit. note 44, p. 12.311 Id., p. 13.312 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.313 CRÔNE (R.), REVILLARD (M.) et GELOT (B.), op. cit. note 294, p. 51, n° 67.314 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 59
prévu au premier alinéa du présent article, un membre de la famille a demandé à assumer la
charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier ».
Par conséquent, l’abandon de l’enfant ne pourra pas être prononcé si sa famille biologique
demande à s’occuper de lui ou si celle-ci en assume déjà la charge315. Cette possibilité tend à
faire revenir dans son milieu d’origine un enfant qui n’y est pas élevé ce qui est discutable316.
Dans cette hypothèse, on considère que l’enfant est abandonné par ses parents mais pas par sa
famille biologique, il n’y a donc pas lieu de prononcer la mesure de l’article 350 du Code
civil 317.
D’ailleurs, il faut préciser que le membre de la famille auquel il est fait référence ne comprend
pas les père et mère de l’enfant318. Lorsque la demande est faite par l’un des parents d’assumer
la charge de l’enfant, l’exception au prononcé de la mesure ne peut s’appliquer319.
De plus, cette intervention est permise mais n’est pas spécialement recherchée320. Il peut
exister un problème d’information préalable de la famille biologique de l’enfant qui ignore la
situation de délaissement de ce dernier. La notification restreinte du jugement ne favorise pas
l’intervention familiale321. Or, l’enfant élevé par ses grands-parents peut être une solution
aussi épanouissante pour lui que l’adoption qui occulte son passé.
En outre, le membre de la famille qui a déjà en charge l’enfant n’est pas autorisé à déposer
une requête en déclaration d’abandon, puisque sinon l’abandon ne sera pas déclaré322.
Pourtant, il est plus probable que l’enfant soit recueilli par un membre de la famille que par un
particulier sans lien avec lui323. Cela a pour effet de fermer la voie de l’adoption au membre de
la famille qui a recueilli l’enfant. Il semble que cette position jurisprudentielle ne concerne
que la proche famille324.
315 Cass. 1ère civ., 24 mars 1987, Bull. civ. I, n° 107 ; JCP éd. G 1988. II. 21076, obs. SALVAGE-
GEREST (P.) ; RTD civ. 1988, p. 708, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).316 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 610, n° 1646.317 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 30, n° 113.318 Cass. 1ère civ., 3 oct. 1978, préc. note 146.319 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 610, n° 1646.320 NEIRINCK (C.), La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, op. cit. note 85, p. 413,
n° 518.321 Art. 1161 NCPC.322 Paris, 8 juin 1979, préc. note 215.323 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 610, n° 1646.324 Cass. 1ère civ., 24 mars 1987, préc. note 315.
60
L’existence d’un lien de parenté entre adoptant et adopté n’est cependant pas interdite325.
Mais les juges sont très méfiants à l’égard de l’adoption intra-familiale326, ils voient dans cette
situation le risque de certaines fraudes, voire d’un détournement de l’institution327.
Déclarer l’enfant abandonné et déléguer les droits de l’autorité parentale à un membre de la
famille reviendraient selon les juges à s’éloigner de l’esprit du texte de l’article 350 du Code
civil qui a pour finalité de rompre les liens biologiques de l’enfant avec sa famille par le
sang328.
Pourtant, l’objectif principal de la mesure est de rendre l’enfant adoptable en se passant du
consentement de ses parents329.
Néanmoins, on peut considérer que l’enfant délaissé par ses parents mais pris en charge par sa
famille biologique n’est pas réellement en situation d’abandon, le recours à l’article 350 du
Code civil paraîtrait alors abusif. Une délégation forcée330 demandée par le membre de la
famille qui a recueilli l’enfant serait donc préférable. De plus, la mesure obéit à des critères
moins rigoureux ; le problème est que dans ce cas le dépôt de la requête n’est pas obligatoire,
la personne dotée d’un lien de parenté avec l’enfant doit en faire la demande331.
Par ailleurs, l’adoption plénière de l’enfant aurait des conséquences troublantes pour l’enfant.
Elle aurait pour effet de rompre les liens qui l’unissent à ses parents et de les transférer au
membre de la famille qui l’a recueilli. Or, du fait d’une adoption dans la famille, l’un des
parents d’origine de l’enfant au moins serait de nouveau lié à l’enfant et pourrait devenir son
oncle, sa tante, son frère, …
En outre, des conditions sont nécessaires pour que le membre de la famille puisse empêcher le
prononcé de l’abandon.
325 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 30, n° 114.326 Bordeaux, 21 janv. 1988, D. 1988, jurispr., p. 453, note HAUSER (J.) ; RTD civ. 1988, p. 713, obs.
RUBELLIN-DEVICHI (J.).327 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 30, n° 114.328 Ibid.329 Ibid.330 Art. 377, al. 2 C. civ.331 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 30, n° 116.61
§2. Une intervention soumise à conditions
Le législateur a voulu permettre qu’un membre de la famille puisse faire obstacle à une
demande en déclaration d’abandon dès lors qu’il assume la charge de l’enfant ou s’engage à le
faire332. Il a envisagé l’hypothèse où c’est un tiers qui a déposé la requête en déclaration
d’abandon. Le conflit doit donc opposer le tiers recueillant, futur adoptant potentiel, et les
parents de l’enfant.
Toutefois, il ne suffit pas qu’un membre de la famille se manifeste pour faire échec à la
déclaration judiciaire d’abandon.
Il faut éviter les manifestations tardives, c’est pourquoi l’article 350, alinéa 4 du Code civil
renvoie à une condition temporelle. Le membre de la famille biologique de l’enfant doit s’être
manifesté dans l’année qui précède la requête, à défaut, l’abandon sera déclaré.
La demande émanant du membre de la famille doit également correspondre à l’intérêt de
l’enfant.
Cet intérêt sera apprécié en fonction de son avenir prévisible. Ainsi, lorsque l’enfant se trouve
dans une situation stable auprès d’une famille d’accueil qui désire l’adopter, il ne paraît pas
opportun de le confier à une parenté plus ou moins inconnue. Le besoin de stabilité de l’enfant
est souvent évoqué pour prononcer la déclaration judiciaire d’abandon333.
En revanche, lorsqu’il n’y a aucune perspective d’adoption, la demande émanant de la famille
par le sang est généralement bien accueillie par les tribunaux334.
L’intérêt de l’enfant est donc primordial. Pourtant, le fait de refuser de prononcer l’abandon
lorsque le requérant est un membre de la famille et qu’il assume déjà la charge de l’enfant
peut paraître contestable335. Il peut en effet être de son intérêt d’être adopté par une personne
ayant un tel lien avec lui336.
La mise en place de la déclaration judiciaire d’abandon est donc fondée sur un équilibre entre
les différents acteurs de la mesure. En effet, les conditions permettant d’entreprendre une
rupture du lien de filiation doivent être étudiées avec soin. Néanmoins, une fois ces conditions
332 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1647.333 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 30, n° 113.334 Ibid.335 Cass. 1ère civ., 24 mars 1987, préc. note 315.336 Ibid.
62
remplies, la mesure est souvent prononcée pour ne pas retarder encore plus la possibilité
d’offrir une nouvelle famille à l’enfant et de le sortir de la situation d’abandon dans laquelle il
se trouve. La déclaration d’abandon pourra alors produire ses conséquences. Afin de respecter
là encore les intérêts de chacun, ses effets seront progressifs.
63
DEUXIÈME PARTIE – LES EFFETS
PROGRESSIFS DE LA DÉCLARATION
JUDICIAIRE D’ABANDON
Une fois la déclaration judiciaire d’abandon prononcée, celle-ci va produire différents effets
suivant plusieurs étapes.
Au moment même du jugement, la mesure prévue à l’article 350 du Code civil va entraîner
une délégation de l’autorité parentale. Lorsque la délégation est opérée au profit de l’Aide
sociale à l’enfance, l’enfant sera admis comme pupille de l’Etat. Il s’agit d’une situation, en
principe, provisoire qui offre à l’enfant une perspective d’avenir (Titre I).
En réalité, l’enfant a besoin d’une situation définitive afin d’acquérir une stabilité. Pourtant,
couper les liens entre l’enfant et ses parents est délicat ce qui peut amener à réfléchir à une
restitution de l’enfant à ses parents biologiques. Cependant, la mesure reste centrée sur
l’enfant ce qui peut justifier de lui offrir une nouvelle famille par la voie de l’adoption. Ces
deux hypothèses doivent s’inscrire dans la durée afin de consacrer l’avenir de
l’enfant (Titre II).
Titre I : Une perspective d’avenir pour l’enfant
Lors du jugement en déclaration judiciaire d’abandon, le magistrat va également déléguer
« les droits d’autorité parentale sur l’enfant à la personne, physique ou morale, qui a recueilli
l’enfant ». Cette délégation au bénéfice du tiers recueillant lui permettra de s’occuper au
mieux de l’enfant dans l’intérêt de celui-ci (Chapitre 1).
Lorsque c’est le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant, cela va avoir pour
effet d’attribuer un nouveau statut juridique à l’enfant qui deviendra pupille de l’Etat au titre
64
de l’article L. 224-4, 6° du Code de l’action sociale et des familles. Le statut juridique de
pupille de l’Etat conférera à l’enfant un certain nombre d’avantages (Chapitre 2).
Chapitre 1 : La délégation de l’autorité parentale
Selon l’article 350, alinéa 5 du Code civil, lorsque le juge prononce l’abandon de l’enfant, il
délègue, par la même décision, les droits d’autorité parentale sur l’enfant à celui qui l’a
recueilli. L’article 1162 du nouveau Code de procédure civile ajoute que : « s’il y a lieu, le
tribunal statue, en la même forme et par le même jugement sur la délégation de l’autorité
parentale ». Cette insistance se justifie par le fait que celui qui a pris en charge l’enfant doit
pouvoir s’en occuper au mieux de son intérêt. Un certain nombre de droits (Section I) mais
aussi de devoirs vont donc peser sur le délégataire (Section II).
Section I : Les droits du délégataireLa loi attribue par le biais de la délégation un certain nombre de droits au délégataire. Des
prérogatives lui sont conférées comme lors de n’importe quelle délégation (§1). Il faut y
ajouter une prérogative exceptionnelle qui y est le droit de consentir à l’adoption de
l’enfant (§2).
§1. Une délégation de prérogatives
Le jugement prononçant la déclaration judiciaire d’abandon délègue l’autorité parentale au
délégataire. Cette mesure est prévue depuis la réforme de l’article 350 du Code civil de
1976337. Elle est postérieure au texte338 qui organise les délégations volontaire et forcée mais
n’a pas été touchée par la réforme de ces cas de délégations de droit commun intervenue en
2002339.
(simplification), préc. note 10. 338 Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, JO 5 juin 1970, p. 5227.339 Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, préc. note 133.
65
En outre, le délégataire est obligatoirement, depuis la loi de 1993340, la personne, physique ou
morale, qui a recueilli l’enfant. Cela permet une certaine continuité et évite à l’enfant un
nouveau trouble dû à la séparation.
Dans certaines situations, le recueillant peut déjà détenir l’exercice de l’autorité parentale par
l’effet d’un jugement antérieur en vertu de l’article 377 ou 377-1 du Code civil.
Dans le cas contraire, la délégation de l’autorité parentale peut être l’objectif de celui qui
dépose une requête en déclaration d’abandon341. Cela lui permettra d’assurer au mieux la
protection de l’enfant342 puisque les prérogatives de l’autorité parentale sont nécessaires pour
assurer correctement l’épanouissement de l’enfant recueilli343. Il s’agit de lui conférer les
droits qui permettent d’élever au mieux l’enfant dans l’attente de son adoption344.
De plus, lors d’une telle délégation, il y aura un transfert total des prérogatives parentales345.
En effet, il ne serait pas logique d’admettre une délégation partielle comme ce peut être la
solution lors d’une délégation de droit commun. Cela marque un net recul de la place des
parents. Toutefois, cela se justifie puisqu’il ne serait pas opportun de laisser aux parents
l’exercice de certaines prérogatives alors que les magistrats viennent de déclarer qu’ils
s’étaient désintéressés manifestement de leur enfant de façon volontaire et durable346.
Ainsi le délégataire disposera, selon l’article 371-1 du Code civil, d’un ensemble de droits et
de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa
moralité et pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa
personne.
Le délégataire disposera de prérogatives courantes telles que le droit de garde, le droit de
surveillance et d’éducation. Ces attributs comprennent également des prérogatives
340 Loi n° 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits
de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, préc. note 10. 341 LHERBIER (B.), op. cit. note 217, p. 268.342 AUTEM (D.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° la délégation de l’autorité parentale,
Paris : Lamy, 2002, étude 456-33.343 LHERBIER (B.), op. cit. note 217, p. 268.344 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 371 à 387, V° autorité parentale, la délégation, op. cit. note 112, p.
11, n° 43.345 LHERBIER (B.), op. cit. note 217, p. 268.346 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 371 à 387, V° autorité parentale, la délégation, op. cit. note 112, p.
24, n° 128.66
exceptionnelles comme le droit de consentir au mariage du mineur ou de demander son
émancipation347.
Le délégataire va également décider seul des soins à donner à l’enfant348. Ainsi, il pourra
donner son consentement à une intervention chirurgicale ou à une interruption volontaire de
grossesse349. Toutefois, depuis la loi du 4 juillet 2001350, en cas de refus des parents ou si la
mineure souhaite garder le secret, l’intervention volontaire de grossesse peut être pratiquée
dès lors que la mineure est accompagnée d’une personne majeure de son choix.
La délégation emporte également le bénéfice de l’administration légale351.
Cependant, lors d’une délégation de l’autorité parentale, les liens qui unissent l’enfant à ses
parents n’ont pas encore totalement disparu, notamment du fait d’une possible restitution de
l’enfant à ses parents par le sang. Or, le législateur favorise le maintien des relations
familiales. On pourrait donc admettre que les parents biologiques de l’enfant conservent un
droit de surveillance mais également un droit de visite et d’hébergement352. Depuis la loi du
30 décembre 1996353, le juge peut également organiser un droit de visite en faveur des frères et
sœurs de l’enfant354. En vertu de l’article 371-4 du Code civil, l’enfant a également le droit
d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents, sauf motifs graves.
C’est le délégataire qui va fixer les modalités du droit de visite, à défaut la fixation de ce droit
prendra une nature contentieuse.
En revanche, les autres membres de la famille ne disposent pas d’un tel droit, le choix est
laissé à la discrétion du délégataire.
Lors d’une délégation de l’article 350 du Code civil, la place des parents est donc réduite mais
existante. Toutefois, contrairement à la délégation de droit commun, il faut admettre que le
droit de consentir à l’adoption de l’enfant sera également délégué.
347 AUTEM (D.), op. cit. note 342, étude 456-63.348 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 371 à 387, V° autorité parentale, la délégation, op. cit. note 112, p.
20, n° 104.349 AUTEM (D.), op. cit. note 342, étude 456-63.350 Loi n° 2001-588 du 4 juill. 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la
contraception, JO 7 juill. 2001, p. 10823.351 AUTEM (D.), op. cit. note 342, étude 456-71.352 Id., étude 456-65.353 Loi n° 96-1238 du 30 déc. 1996 relative au maintien des liens entre frères et sœurs, JO 1er janv.
1997, p. 21.354 Art. 371-5 C. civ.
67
§2. Une délégation du consentement à l’adoption
Selon l’article 377-3 du Code civil : « Le droit de consentir à l’adoption du mineur n’est
jamais délégué ». Toutefois, cet article est placé dans la section du Code civil relative à la
délégation de droit commun, c’est-à-dire les cas de délégation volontaire ou forcée, dans le
chapitre du Code civil sur l’autorité parentale.
Or, concernant l’article 350, alinéa 5 du Code civil, il s’agit d’une délégation indirecte placée
dans le chapitre relatif à l’adoption.
Une controverse s’est donc élevée en doctrine pour savoir s’il fallait requérir le consentement
des parents à l’adoption de l’enfant déclaré judiciairement abandonné.
Une première tendance a été d’estimer que l’on ne pouvait pas se passer du consentement
parental à l’adoption. Pourtant, si l’enfant a été déclaré abandonné c’est dans le but de passer
outre le consentement des parents à l’adoption. Ses parents sont incapables d’y consentir355.
Le recours à l’article 348-2 du Code civil aurait alors pu être une solution. Selon ce texte,
lorsque les parents sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté ou s’ils ont perdu leurs
droits d’autorité parentale, c’est le conseil de famille de droit commun356 qui donne son
consentement à l’adoption de l’enfant.
En réalité, le problème n’est posé que pour les enfants confiés à un particulier ou à un
établissement puisque les enfants pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance
bénéficient d’un statut particulier ; le consentement à l’adoption est alors donné par le conseil
de famille des pupilles de l’Etat357.
Ainsi, dans un jugement du Tribunal de grande instance de Lille de 1976358, il a été décidé
« qu’une décision en déclaration d’abandon ne peut être considérée comme équivalent à un
consentement à l’adoption puisque, lorsqu’elle est rendue, le juge ignore en principe si
l’enfant sera adopté ; il est donc nécessaire de recueillir le consentement du conseil de famille
à l’adoption de l’enfant déclaré abandonné, étant observé que le droit de consentir à l’adoption
n’est jamais délégué » 359.
355 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, n° 1649, p. 612.356 Art. 407 C. civ.357 Art. 349 C. civ.358 TGI Lille, 26 nov. 1976, D. 1978, jurispr., p. 499, note PATUREAU (Y.) ; RD sanit. soc. 1978, p.
560, n° 3, note RAYNAUD (P.).359 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, éd. 2001/2002, op. cit. note 45, n° 1649, p.612.
68
La doctrine a contesté cette solution. En effet, l’enfant est adoptable dès que le jugement en
déclaration judiciaire d’abandon a acquis force de chose jugée ce qui correspond au moment
du placement de l’enfant. Par conséquent, aucun consentement ne sera alors requis, ni celui
des parents, ni celui du conseil de famille (hormis le cas des pupilles de l’Etat).
Le fait que l’article 377-3 du Code civil ne permette pas la délégation du droit de consentir à
l’adoption ne s’applique qu’aux situations prévues à cette section. Il ne concerne pas non plus
le retrait d’autorité parentale prévu à la section suivante et s’applique encore moins à la
déclaration judiciaire d’abandon360. La loi a voulu subordonner l’adoption soit au
consentement des parents ou du conseil de famille, soit à la constatation judiciaire de
l’abandon. Cette solution est plus conforme à l’esprit de l’article 350 du Code civil et
correspond à l’idée que les enfants déclarés judiciairement abandonnés constituent, au titre de
l’article 347, 3° du Code civil une catégorie autonome d’enfants adoptables361.
Les parents biologiques de l’enfant perdent donc tous leurs droits sur celui-ci362.
Outre un certain nombre de prérogatives, il existe également des devoirs qui vont peser sur le
délégataire.
Section II : Les devoirs du délégataireLe délégataire est tenu d’un certain nombre d’obligations envers l’enfant afin d’assurer son
épanouissement (§1). Par ailleurs, sa responsabilité pourra être engagée (§2).
§1. Une délégation d’obligations
Le délégataire est tenu des mêmes devoirs que les parents ce qui inclut par exemple le devoir
de lui donner une éducation par le biais de la scolarisation.
Toutefois, la délégation de l’autorité parentale n’a aucun effet en elle-même sur le lien de
filiation, les parents sont donc tenus de l’obligation d’entretien envers leur enfant pendant la
période où le délégataire en a la charge. Ainsi, le délégataire n’est pas tenu des frais
d’entretien de l’enfant363.
Cependant, l’article 377-2, alinéa 2 du Code civil fait référence au « remboursement » des
parents s’ils ne sont pas indigents et prête donc à croire que, pendant la durée de la délégation,
360 CRÔNE (R.), REVILLARD (M.) et GELOT (B.), op. cit. note 294, n° 69, p. 54.361 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, n° 1649, p. 612.362 MECARY (C.), op. cit. note 155, p. 52.363 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, op. cit. note 104, p. 72.
69
c’est le délégataire qui a la charge des frais d’entretien de l’enfant, le remboursement ayant
lieu ultérieurement, lors de la restitution de l’enfant à ses parents d’origine le cas échéant.
Par principe, les parents restent tenus des frais et non le délégataire. Mais celui-ci doit faire
face aux besoins matériels de l’enfant sans attendre que ses parents aient rempli leurs
obligations pécuniaires, il apparaît donc comme le débiteur subsidiaire de l’enfant.
L’obligation d’entretien prend la forme d’une pension alimentaire versée à la personne à
laquelle l’enfant est confié. Néanmoins, le service de l’aide sociale à l’enfance peut
éventuellement prendre en charge les frais d’entretien et d’éducation de l’enfant même lorsque
l’autorité parentale a été déléguée à un particulier ou à un établissement364.
Lorsque les parents contribuent même de façon symbolique à l’entretien de leur enfant, les
prestations seront versées sous déduction de leur participation365.
Par ailleurs, le délégataire qui prend en charge de façon effective et permanente l’enfant peut
percevoir le versement des allocations familiales366.
Le délégataire a également un devoir moral concernant la situation d’origine de l’enfant. Il
devra l’informer de son ancienne situation en évitant de blâmer ses parents par le sang et de
les faire apparaître comme de mauvais parents, notamment puisqu’une restitution de l’enfant à
ses parents biologiques est envisageable367.
Lorsque le délégataire ne remplit pas correctement ses fonctions ou ne souhaite plus assumer
la charge de l’enfant, il est possible de transférer la délégation de l’autorité parentale à un
nouveau délégataire368.
Les devoirs qui pèsent sur le délégataire contiennent également la responsabilité de l’enfant.
§2. Une délégation de responsabilités
La personne, physique ou morale, qui a pris en charge l’enfant sera responsable de celui-ci.
364 AUTEM (D.), op. cit. note 342, étude 456-77.365 Ibid.366 Ibid.367 ALLAER (C.), op. cit. note 42, n° 18.368 BOULANGER (F.), Enjeux et défis de l’adoption : étude comparative et internationale, op. cit. note
24, n° 63, p. 82.70
Sa responsabilité pourra être engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil qui
dispose : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par
la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il s’agit d’une responsabilité pour faute dont la victime doit apporter la preuve.
En revanche, la responsabilité du délégataire ne peut être retenue en vertu de l’article 1384,
alinéa 4 du Code civil relatif à la responsabilité des parents envers leur enfant.
La Cour de cassation a toujours considéré ce texte comme d’interprétation stricte369.
Une autre solution est concevable : celle d’appliquer l’article 1384, alinéa 1 du Code civil.
Selon ce texte : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son
propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre,
ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Cette responsabilité du fait d’autrui est fondée sur la garde, c’est-à-dire la charge d’organiser
et de contrôler le mode de vie de l’auteur des faits dommageables370. Toutefois, cette dernière
solution est incertaine car, contrairement à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui
l’a admis, la deuxième chambre civile semble plus réticente à admettre la responsabilité des
particuliers sur ce fondement371.
Parallèlement à la responsabilité civile, il existe une responsabilité administrative du
délégataire lorsque l’autorité parentale est déléguée au service de l’aide sociale à l’enfance. La
victime du dommage devra demander réparation devant les juridictions administratives.
Il s’agit en principe d’une responsabilité pour faute présumée372.
Toutefois, le Conseil d’Etat dans un arrêt de 2005 a admis la responsabilité sans faute de
l’Etat pour les dommages causés à des tiers dans une affaire où le mineur était confié à l’Aide
sociale à l’enfance au titre d’une mesure d’assistance éducative. Cette solution pourrait être
retenue lorsque le mineur est confié à l’Aide sociale à l’enfance par délégation de l’autorité
parentale373.
La délégation cessera au moment du prononcé de l’adoption ou de la restitution de l’enfant à
ses parents. Si le délégataire était une personne physique et qu’elle décide d’adopter l’enfant,
369 AUTEM (D.), op. cit. note 342, étude 456-75.370 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 371 à 387, V° autorité parentale, la délégation, op. cit. note 112, p.
20, n° 107.371 AUTEM (D.), op. cit. note 342, étude 456-75.372 Ibid.373 Ibid.
71
il n’y aura pas de transfert de délégation mais les liens entre l’enfant et le délégataire seront
transformés. Lorsque l’adoption n’est pas réalisée à la majorité de l’enfant, la délégation
prendra fin automatiquement374.
L’enfant, au centre de la mesure de déclaration judiciaire d’abandon, peut faire l’objet d’une
étape supplémentaire. En effet, si la délégation est opérée au profit du service de l’aide sociale
à l’enfance, son statut juridique sera transformé.
Chapitre 2 : L’enfant pupille de l’Etat
La déclaration judiciaire d’abandon va avoir pour conséquence de modifier le statut juridique
de l’enfant puisqu’il deviendra un pupille de l’Etat en vertu de l’article L. 224-4, 6° du Code
de l’action sociale et des familles dès lors que son délégataire est le service de l’aide sociale à
l’enfance. L’enfant bénéficiera d’un nouveau statut juridique (Section I) ce qui permettra de
constituer un projet d’adoption (Section II).
Section I : Le nouveau statut juridique de l’enfantLorsque le mineur est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, il sera admis
automatiquement comme pupille de l’Etat (§1). Ce statut lui permettra de bénéficier d’une
tutelle administrative (§2).
§1. Une admission automatique
La plupart des enfants déclarés judiciairement abandonnés sont confiés au service de l’aide
sociale à l’enfance et admis en qualité de pupille de l’Etat. Environ 70 % des enfants déclarés
judiciairement abandonnés deviennent des pupilles de l’Etat375.
Dès lors que l’autorité parentale est déléguée au service de l’aide sociale à l’enfance, l’enfant
sera admis comme pupille de l’Etat à titre provisoire.
C’est au vu du certificat de non-appel des parents ou du certificat de non-pourvoi en cassation
le cas échéant376, que l’enfant pourra devenir pupille de l’Etat à titre définitif et pourra être
placé en vue de son adoption377.374 VOISIN (V.), op. cit. note 83, p. 134, n° 228.375 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, p. 611, n° 1649.376 Cf. annexe 4.377 GARÉ (T.), op. cit. note 47, p. 10.
72
Son admission est constatée par un arrêté du Président du Conseil Général.
Deux recours sont concevables contre cet arrêté définitif d’admission.
Le premier est un recours pour excès de pouvoir formé devant les juridictions administratives
par toutes les personnes qui y ont intérêt. Ce recours concerne la légalité de l’acte et est
soumis à un délai de deux mois à compter de l’arrêté du Président du Conseil Général.
Le second recours concerne la légalité de l’acte administratif mais aussi l’opportunité d’une
décision rendant l’enfant adoptable. Il s’agit d’un recours porté devant le Tribunal de grande
instance et qui doit être formé dans les trente jours suivant l’arrêté d’admission de l’enfant en
qualité de pupille de l’Etat378.
Toutefois, les personnes qui peuvent former un tel recours sont limitées puisque selon l’article
L. 224-8 du Code de l’action sociale et des familles, les parents de l’enfant déclaré
judiciairement abandonné ne sont pas admis à former un tel recours.
Seuls les alliés de l’enfant ou encore toute personne justifiant d’un lien avec l’enfant,
notamment pour avoir assuré sa garde, de fait ou de droit, et qui demandent en assumer la
charge sont autorisés à contester l’arrêté d’admission devant le Tribunal de grande instance379.
Le juge peut alors confier la garde de l’enfant au demandeur si cela correspond à l’intérêt du
mineur. Le demandeur bénéficiera alors d’une délégation de l’autorité parentale.
Dans l’hypothèse où le juge rejette la demande, un droit de visite dans des conditions
déterminées peut être autorisé par le juge en faveur du demandeur si, là encore, cette mesure
répond à l’intérêt de l’enfant380. Ce droit de visite pourra par exemple être autorisé au profit
des grands-parents de l’enfant.
Cette possibilité de recours contre l’arrêté d’admission du mineur en tant que pupille de l’Etat
est originale car il s’agit d’un acte administratif qui est porté devant une juridiction civile381.
Cependant, lorsqu’il s’agit de contester une décision refusant d’octroyer à l’enfant le bénéfice
de la qualité de pupille de l’Etat, le recours relève des juridictions administratives382.
Une fois que l’enfant est devenu un pupille de l’Etat, une forme particulière de tutelle sera
organisée.
378 TON NU LAN (A.), « Le délai de recours contre l’arrêté d’admission d’un enfant en qualité de
pupille de l’Etat », RJPF 2004, 2/10, p. 6.379 GARÉ (T.), op. cit. note 47, p. 10.380 Ibid.381 ENSMIHEN (E.), op. cit. note 138, p. 23.382 Bordeaux, 17 nov. 1997, Dr. famille 1998, comm. 84, p. 15, note MURAT (P.).
73
§2. Une tutelle administrative
Le statut de pupille de l’Etat implique une tutelle particulière qui est administrative et
simplifiée. Elle ne comporte ni juge des tutelles, ni subrogé-tuteur. Cette tutelle n’est pas
intégrée dans le Code civil et trouve son origine dans la loi sur les enfants assistés de 1904383.
Cette tutelle est mise en place dès l’admission du pupille, même provisoire.
Le préfet est désigné en tant que tuteur du pupille, le Président du Conseil Général en est le
gardien384. Le préfet délègue sa fonction au Directeur départemental de l’action sanitaire et
sociale385. Il assure la représentation de l’enfant et défend ses intérêts386. Il fixera les
conditions d’éducation de chaque mineur, déterminera les relations familiales, donnera son
accord sur les lieux et modes de placement de l’enfant, définira un projet d’adoption,
nommera un conseil de famille et y participera387.
En effet, le préfet est assisté du conseil de famille des pupilles de l’Etat.
Il peut y avoir plusieurs conseils de famille par département puisque chaque conseil de famille
ne peut avoir en charge que cinquante pupilles. Ce conseil de famille comprend des
représentants du Conseil Général, des membres d’association à caractère familial,
d’association d’assistantes maternelles, d’association d’entraide de pupilles ou d’anciens
pupilles de l’Etat et des personnes qualifiées en raison de l’intérêt qu’elles portent à la
protection de l’enfance et de la famille388.
La durée de leur mandat est de six ans, renouvelable une fois. Le conseil de famille désignera
son président389.
Le problème est que les membres du conseil de famille sont soit désignés par le préfet, soit
par le Conseil Général sur proposition de son Président, lui-même responsable de l’Aide
sociale à l’enfance. La prépondérance de ces deux protecteurs de l’enfant éclipse totalement
383 GEFFROY (C.), « La tutelle des pupilles de l’Etat. Propos critiques et propositions pour l’avenir »,
JCP éd. G 1999. I. 142, n° 1.384 Art. L. 224-1 CASF.385 LAPEYRE (E.), op. cit. note 87, p. 122.386 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 23, n° 90.387 ROSENCZVEIG (J.-P.), loc. cit. note 99.388 Art. L. 224-2 CASF.389 RAYMOND (G.), Droits de l’enfance et de l’adolescence, Pratique Professionnelle, 4ème éd., Paris :
Litec, 2003, p. 259, n° 527.74
celle du juge ce qui peut s’avérer regrettable390. En effet, les dossiers des pupilles sont en
général d’une grande complexité, il n’est donc pas judicieux d’exclure totalement les
magistrats du conseil de famille. On pourrait donc imaginer que le juge des tutelles devienne
un membre de droit de ce conseil391.
Le conseil de famille est chargé d’examiner la situation du pupille de l’Etat dans les deux
mois de son admission définitive même si l’arrêté du Président du Conseil Général fait l’objet
d’un recours. A l’issue du recours, le conseil de famille devra procéder à un nouvel examen
du dossier de l’enfant dans les deux mois suivant la décision définitive392.
Puis, la situation de chaque pupille de l’Etat sera étudiée tous les ans. Par ailleurs, l’assistante
maternelle ou la personne à qui l’enfant est confié ou celle chez qui l’enfant est placé en vue
de son adoption sera entendue au moins une fois par an par les membres du conseil de famille
ainsi qu’à chaque fois qu’une nouvelle décision doit être prise par rapport à l’enfant393.
Dans le département du Nord, les pupilles de l’Etat sont majoritairement représentés par les
enfants déclarés judiciairement abandonnés. Au 31 décembre 2005, sur les 180 pupilles de
l’Etat, 62 étaient des pupilles de l’Etat admis en vertu de l’article L. 224-4, 6° du Code de
l’action sociale et des familles394. La mesure de l’article 350 du Code civil étant une procédure
longue, les enfants sont souvent plus âgés que d’autres pupilles de l’Etat et donc moins
facilement adoptables.
Le conseil de famille sera compétent pour consentir au mariage du pupille, demander son
émancipation ou encore consentir à son adoption. Lorsque le conseil de famille refuse de
consentir à l’adoption d’un pupille, ce refus peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal
de grande instance395. Si le tribunal estime que ce refus était abusif, il peut prononcer
l’adoption de l’enfant396.
390 GEFFROY (C.), op. cit. note 383, n° 9.391 Id., n° 29.392 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 24, n° 95.393 RAYMOND (G.), op. cit. note 389, p. 259, n° 528.394 Cf. annexe 7.395 Cass. 1ère civ., 8 nov. 2005, RJPF 2006, 2/45, p. 26, note GARÉ (T.) ; RTD civ. 2006, chron. 4, p.
88, obs. HAUSER (J.).396 Rennes, 16 mars 1993, D. 1995, jurispr., p. 113, note GEFFROY (C.).
75
Par ailleurs, l’article L. 224-9 du Code de l’action sociale et des familles prévoit la gestion
des biens du mineur397. Ainsi, l’argent qui appartient au pupille est confié au trésorier-payeur
général. Les revenus des biens et capitaux du pupille sont perçus au profit du Département
jusqu’à sa majorité, à titre d’indemnité d’entretien et dans la limite des prestations qui lui sont
allouées. Au moment de la reddition des comptes, le tuteur, de sa propre initiative ou à la
demande du conseil de famille, peut proposer avec l’accord du conseil, au Président du
Conseil Général, toute remise jugée équitable à cet égard398.
Les pupilles de l’Etat ne sont pas redevables de l’obligation alimentaire à l’égard de leurs
ascendants399.
Si le pupille décède, il est organisé une récupération des biens du pupille dans la limite de
l’actif net de la succession au profit du Département. Ses héritiers, autres que les frères et
sœurs élevés par le service de l’aide sociale à l’enfance, et les parents pour lesquels il existe
un régime spécifique400 devront rembourser au Département les sommes exposées pour
l’entretien du pupille401.
Lorsque la succession est vacante, les biens du pupille seront recueillis par le Département
afin d’octroyer des dons ou des prêts aux anciens pupilles402.
La tutelle du mineur déclaré abandonné est donc exercée par le préfet et le conseil de famille
des pupilles de l’Etat. Le service de l’aide sociale à l’enfance ne joue aucun rôle direct dans le
processus d’adoption de l’enfant et se voit uniquement confier la garde de l’enfant, garde qui
peut elle-même être confiée à un tiers403.
Pourtant, en pratique, l’Aide sociale à l’enfance se comporte comme le feraient de vrais
parents. Ainsi, ce service va prendre des photos de l’enfant, notera dans un album ses goûts,
les traitements médicaux suivis, la relation entretenue avec son référent, les traces de ses
origines afin d’offrir un véritable passé à l’enfant avant son adoption404.
La tutelle du mineur déclaré abandonné prendra fin, à défaut d’adoption, à sa majorité.
397 LHERBIER (B.), op. cit. note 217, p. 268.398 RAYMOND (G.), op. cit. note 389, p. 259, n° 529.399 GOUTTENOIRE (A.), « La loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance ou la
"politique des petits pas"», Dr. famille 2004, chron. 7, p. 9.400 Art. L. 224-10 CASF.401 RAYMOND (G.), op. cit. note 389, n° 529, p. 260.402 CRÔNE (R.), REVILLARD (M.) et GELOT (B.), op. cit. note 294, p. 46, n° 61.403 LAPEYRE (E.), op. cit. note 87, p. 122.404 Id., p. 128.
76
Afin d’éviter que l’enfant ne vive sans parents suite à son abandon, tout est mis en œuvre pour
permettre son adoption.
Section II : Le projet d’adoption de l’enfantL’enfant déclaré abandonné et devenu pupille de l’Etat va faire l’objet d’un projet d’adoption
afin de favoriser son devenir. Ce projet sera soumis à des délais (§1) mais établi en fonction
des besoins du mineur (§2).
§1. Un projet soumis à délai
La situation de l’enfant abandonné a pu durer un long moment. En effet, les différentes étapes
telles que la constatation du désintérêt, le dépôt de la requête, le prononcé du jugement et
éventuellement les voies de recours, puis l’admission du pupille avec là encore un possible
recours ont pour conséquence que l’enfant proposé à l’adoption sera souvent âgé ce qui ne
facilite pas les possibilités d’adoption.
C’est pourquoi le projet d’adoption doit être envisagé rapidement. A cette fin, l’article L. 225-
1 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que : « les enfants pupilles de l’Etat
doivent faire l’objet d’un projet d’adoption dans les meilleurs délais ».
Ainsi à la fin de l’année 2003, sur les 2282 pupilles de l’Etat, seuls 1009 étaient placés en vue
de leur adoption. Or, s’ils n’ont pas été placés dans les premiers mois suivant l’acquisition du
statut de pupille, les enfants ont peu de chances de l’être par la suite : 78 % des placements
ont lieu dans les six premiers mois et 95 % dans les deux ans.
De plus, les enfants placés dans une famille d’accueil en vue de leur adoption sont très
jeunes : 2 ans et 10 mois en moyenne405.
Les dossiers pour lesquels aucun projet d’adoption n’est formé plus de six mois après leur
admission sont communiqués au Ministre chargé de la famille406.
A défaut de projet d’adoption, le tuteur est tenu d’expliquer son choix. Celui-ci pourra être
confirmé ou remis en cause par le conseil de famille lors de l’examen annuel de la situation de
405 HALIFAX (J.) et VILLENEUVE-GOKALP (C.), « L’adoption en France : qui sont les adoptés, qui sont les
adoptants ? », Population et sociétés n° 417, nov. 2005, Bulletin mensuel d’information de l’institut national
d’études démographiques (INED).406 LAPEYRE (E.), op. cit. note 87, p. 128.
77
l’enfant. En l’absence de projet d’adoption, l’abandon ne sera pas annulé contrairement au
droit anglais407.
Les motifs principaux de l’absence de projet d’adoption sont dans l’ordre d’importance : l’état
de santé ou le handicap, la bonne insertion dans la famille d’accueil, l’existence d’une fratrie,
l’âge, le maintien des liens avec la famille par le sang408.
Par ailleurs, afin d’aider l’enfant déclaré abandonné admis comme pupille de l’Etat à
bénéficier d’un projet d’adoption, l’Etat est intervenu.
Ainsi, un arrêté en date du 22 juin 2003409 a créé un traitement automatisé d’informations
indirectement nominatives, le système d’information pour les pupilles de l’Etat afin d’aider à
la recherche d’adoptants pour des pupilles pour lesquels aucun projet d’adoption n’est formé
ou susceptible de l’être plus de six mois après leur admission410.
Il est donc nécessaire de réaliser un projet d’adoption aussi vite que possible mais celui-ci
devra également correspondre à la personnalité du mineur et répondre à ses besoins.
§2. Un projet personnalisé
L’objectif de la déclaration judiciaire d’abandon est de stabiliser la situation de l’enfant
abandonné. Toutefois, il ne s’agit pas d’offrir à l’enfant n’importe quelle famille adoptive
pour atteindre absolument l’objectif poursuivi. C’est pourquoi le projet d’adoption doit être
parfaitement en adéquation avec la personnalité du mineur.
Chaque pupille de l’Etat fait donc l’objet d’un rapport de suivi. Le conseil de famille
détermine chaque année un projet d’adoption pour l’année en fonction de ce rapport et afin de
tenir compte des évolutions du mineur411.
Par ailleurs, c’est au tuteur, en accord avec le conseil de famille, que revient le choix de la
forme de l’adoption, simple ou plénière, ainsi que le choix des adoptants. C’est le conseil de
407 VOISIN (V.), op. cit. note 83, p. 135, n° 231.
408 POUSSON-PETIT (J.), « Les ambitions de la loi du 5 juillet 1996 : l’adoption facilitée », in DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.), Les filiations par greffe : adoption et procréation médicalement assistée, actes des journéesd’études des 5 et 6 décembre 1996 organisées par le Laboratoire d’études et de recherches appliquées au droitprivé de l’Université de Lille 2, Paris : LGDJ, 1997, p. 129.409 Arrêté du 22 juin 2003 relatif au système d’information pour l’aide à l’adoption de pupilles de
l’Etat, JO 18 juill. 2003, p. 12163.410 ROSENCZVEIG (J.-P.), loc. cit. note 99.411 LAPEYRE (E.), op. cit. note 87, p. 128.
78
famille qui donne son consentement à l’adoption du pupille412. Toutefois, la loi permet au
mineur doué de discernement d’être entendu par le tuteur et le conseil de famille
préalablement au choix des adoptants, notamment lorsque c’est la personne qui a déjà en
charge le mineur qui désire l’adopter413.
Lorsque la situation personnelle d’un pupille le justifie, le tuteur, autorisé par le conseil de
famille peut définir des conditions particulières selon lesquelles le pupille sera confié aux
futurs adoptants. Ces derniers seront avisés de celles-ci et devront les accepter414.
En outre, le tuteur fixe toujours avec l’accord du conseil de famille, les informations relatives
à la situation du pupille de l’Etat qui seront communiquées aux futurs adoptants : état de
santé, fratrie, circonstances de l’abandon, …415.
La délégation de l’autorité parentale, qu’elle soit ou non accompagnée de l’admission de
l’enfant en tant que pupille de l’Etat, est en principe provisoire. Il s’agit d’un préalable
nécessaire avant d’offrir à l’enfant un nouvel avenir.
Titre II : Une consolidation de l’avenir de
l’enfant
La déclaration judiciaire d’abandon a pour objectif de permettre à l’enfant de sortir de son
instabilité. Elle doit donc lui assurer un avenir définitif.
Toutefois, la rupture du lien de filiation n’est pas un acte anodin et il est parfois souhaitable de
restituer l’enfant à sa famille biologique. L’enfant est alors rendu à ses parents par le
sang (Chapitre 1).
Dans d’autres situations, la déclaration judiciaire d’adoption permettra d’offrir à l’enfant une
nouvelle vie, son avenir sera consolidé par une adoption (Chapitre 2).
412 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 25, n° 97.413 Art. L. 225-1 CASF.414 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 26, n° 99.415 Ibid.
79
Chapitre 1 : L’enfant restitué à ses parents
biologiques
Malgré l’abandon de fait de l’enfant dont les parents ont pu faire preuve, il convient de leur
laisser dans certains cas une nouvelle chance. Cependant, la restitution de l’enfant à ses
parents par le sang ne doit pas pouvoir intervenir à tout moment et doit respecter la future
famille adoptive de l’enfant. Il s’agit de trouver un équilibre entre les droits de la famille par
le sang et ceux de la famille adoptive (Section I). Par ailleurs, cette restitution doit également
prendre en compte l’équilibre de l’enfant ; il s’agit d’une restitution réfléchie (Section II).
Section I : Le respect d’un équilibre entre les
famillesLa restitution de l’enfant à ses parents est désormais envisageable (§1). Toutefois, elle doit
être limitée dans le temps afin de ne pas léser la future famille adoptive qui offre une situation
stable à l’enfant (§2).
§1. Une restitution autorisée
Lors de l’introduction de la déclaration judiciaire d’abandon par la loi de 1966416, la restitution
de l’enfant à ses parents biologiques, une fois la mesure prononcée, n’était pas envisagée.
Une fois que l’abandon était déclaré, la mesure devenait irrévocable. L’enfant grandissait
alors soit dans un service de l’aide sociale à l’enfance, soit s’il avait de la chance, bénéficiait
d’une adoption. Il n’était pas prévu que ses parents biologiques, repentis et conscients de leurs
erreurs, puissent le reprendre.
La réforme de 1976417 qui a retouché l’article 350 du Code civil ne permettait pas non plus
une restitution. La mesure est prévue comme une sanction pour les parents qui se sont
désintéressés de leur enfant trop longtemps.
La délégation de l’autorité parentale ne pouvait donc prendre fin que par le biais d’un
jugement d’adoption ou à la majorité de l’enfant.
416 Loi n° 66-500 du 11 juill. 1966 portant réforme de l’adoption, préc. note 10.417 Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption
(simplification), préc. note 10. 80
Pourtant, la délégation de droit commun418, volontaire ou forcée, est, quant à elle, prévue pour
être provisoire et permet la restitution de l’enfant à ses parents. Ainsi, selon l’article 377-2 du
Code civil, cette mesure pourra prendre fin dès lors que les parents justifient de circonstances
nouvelles.
Il en est de même pour le retrait de l’autorité parentale qui prévoit également la restitution de
l’enfant à ses parents biologiques si ceux-ci justifient de circonstances nouvelles et que la
demande est formée plus d’un an après que le jugement ait acquis l’autorité de la chose
jugée419.
Ces deux mesures de protection de l’enfance offrent donc aux parents une nouvelle chance de
s’occuper de leur enfant.
La mesure de l’article 350 du Code civil est située, quant à elle, dans le chapitre relatif à
l’adoption du Code civil, il s’agit de définir une catégorie d’enfants adoptables. Cependant, il
s’agit également d’une mesure de protection de l’enfance qui prend en considération le fait
que les parents biologiques sont censés être les mieux placés pour s’occuper de leur enfant.
C’est pourquoi la possibilité d’une restitution a été introduite par le décret du 12 mai 1981420.
En effet, l’article 1164 du nouveau Code de procédure civile prévoit que : « Les demandes en
restitution de l’enfant sont soumises aux dispositions du présent chapitre ».
Ainsi, la procédure de restitution est alignée sur la procédure de la déclaration judiciaire
d’abandon.
La requête en restitution de l’enfant est adressée au secrétariat-greffe du Tribunal de grande
instance ou au Procureur de la République, sans avoir besoin de recourir à un avocat.
Cette procédure, admise par les juges421, est originale car elle permet de revenir sur une chose
déjà jugée422. Néanmoins, elle permet d’envisager toutes les hypothèses, notamment celle de la
réapparition tardive de parents vainement recherchés423.
418 Art. 377 C. civ.419 Art. 381 C. civ.420 Décret n° 81-500 du 12 mai 1981 instituant les dispositions des livres III et IV du nouveau Code
de procédure civile et modifiant certaines dispositions de ce code, préc. note 95.421 Cass. 1ère civ., 2 juin 1987, Bull. civ. I, n° 176.
422 Congrès des notaires de France (91ème), Le droit et l’enfant, Tours, 21/24 mai 1995, Paris : Créditfoncier de France, 1995, p. 53 ; n° 53.423 FOURNIÉ (A.-M.), « La procédure de déclaration d’abandon exige-t-elle l’intervention de l’avocat en
première instance et de l’avoué en appel ?… », loc. cit. note 272.81
Toutefois, au même titre que la restitution de l’autorité parentale lors d’une mesure de retrait,
la restitution n’est permise que si l’enfant n’a pas été placé en vue d’une adoption.
§2. Une restitution limitée
La restitution de l’enfant à ses parents par le sang n’est permise que si l’enfant ne fait pas
l’objet d’un placement en vue de son adoption.
Cette limite permet de respecter les droits de la future famille adoptive de l’enfant mais
également d’éviter un nouveau trouble pour l’enfant.
Ce n’est pas l’article 350 du Code civil, ni l’article 1164 du nouveau Code de procédure civile
qui limite la restitution mais la combinaison des articles 351 et 352 du Code civil.
Ainsi, selon ces articles, le placement fait obstacle à toute restitution de l’enfant à ses parents
biologiques424.
L’article 351 du Code civil définit le placement comme : « la remise effective de l’enfant aux
futurs adoptants (…) d’un enfant déclaré abandonné par décision judiciaire ».
Il s’agit d’enfants ayant intégré une famille titulaire d’un agrément pour l’adoption ou dont la
famille d’accueil a déposé une requête en adoption425. En effet, avant que le jugement
d’adoption plénière soit prononcé, le mineur doit avoir partagé le foyer de ses futurs parents
adoptifs pendant au moins six mois426.
Le placement ne doit pas être confondu avec la remise directe de l’enfant par les parents au
service de l’aide sociale à l’enfance ou au particulier avant le prononcé de la déclaration
judiciaire d’abandon427. Le placement ne découle pas d’une volonté expresse des parents mais
du statut de l’enfant428.
Par ailleurs, lors d’une mesure de déclaration judiciaire d’abandon, il est possible que le juge
prononce l’abandon vis-à-vis d’un seul des parents lorsque l’enfant n’a été reconnu que par ce
dernier.
424 Riom, 16 oct. 2001, Dr. famille 2002, comm. 99, p. 24, note MURAT (P.).425 HALIFAX (J.) et VILLENEUVE-GOKALP (C.), loc. cit. note 405.426 Ibid.427 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 58.
428 Rennes, 2 sept. 1996, Dr. famille 1997, comm. 174, p. 12, note MURAT (P.).
82
L’autre parent a toujours la possibilité de reconnaître son enfant dès lors qu’il n’a pas été
placé.
Le placement de l’enfant fait donc échec à toute restitution de l’enfant ainsi qu’à toute
déclaration de filiation ou reconnaissance429.
Il s’agit de la même situation que lorsque la demande de restitution de l’enfant est formée par
les parents biologiques d’un enfant ayant laissé le délai de deux mois de rétractation s’écouler
après avoir consenti à l’adoption de leur enfant430.
En revanche, le placement de l’enfant ne peut pas être un moyen pour le service de l’aide
sociale à l’enfance d’empêcher la restitution de l’enfant à ses parents biologiques puisque
lorsqu’une requête en restitution est déposée, le placement de l’enfant ne peut avoir lieu avant
que le Tribunal de grande instance statue sur cette demande431.
La restitution de l’enfant doit également respecter son équilibre.
Section II : Le respect de l’équilibre de l’enfantMême si l’enfant n’est pas placé en vue de son adoption, la restitution peut ne pas être
souhaitée. En effet, celle-ci doit également correspondre à l’intérêt de l’enfant (§1).
Par ailleurs, lorsque la restitution est ordonnée, elle ne doit pas intervenir de façon brutale, il
est donc envisageable qu’elle s’accompagne d’autres mesures (§2).
§1. Une restitution dans l’ intérêt de l’enfant
Il serait déplacé de penser que, dès lors que l’enfant n’a pas été placé en vue de son adoption,
il est dans son intérêt de le remettre à ses parents biologiques lorsqu’ils en font la demande. Il
ne faut pas oublier que l’enfant a été au moins pendant un an abandonné par ses parents.
L’enfant ne peut donc être restitué à ses parents ou à un membre de sa famille que s’il y va de
son intérêt432. Ce critère est toujours mis en avant par les juges433. Il prévaut sur l’intérêt de ses
parents biologiques. Ainsi, lorsque l’enfant est dans une famille d’accueil de manière stable et
429 Cass. 1ère civ., 2 juin 1987, préc. note 421.430 Art. 348-3, al. 3 C. civ.431 Art. 351, al. 3 C. civ.432 http://www.rosenczveig.com/technique/abandonne7.htm433 Cass. 1ère civ. 22 juill. 1986, Bull. civ. I, n° 218 ; Gaz. Pal. 1988, 1, jurispr., p. 5, note Massip (J.) ;
RTD civ. 1986, p. 730, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).83
même s’il n’y a aucun projet d’adoption, son intérêt peut être de rester dans cette famille afin
d’éviter un nouveau trouble affectif.
Cependant, l’objectif de la procédure d’adoption reste aussi l’intérêt de l’enfant. Or, si sa
famille d’origine se manifeste, il peut être fondamental pour lui de la retrouver. C’est
pourquoi l’intérêt de l’enfant doit également ne pas être confondu avec celui de la future
famille adoptive ou de la famille d’accueil.
Pour certains professionnels de l’enfance, un placement trop rapide mais contesté par
l’entourage serait de nature à perturber l’équilibre psychologique de l’enfant et son intégration
sociale.
Ils mettent en avant qu’il peut être plus judicieux de séparer l’enfant de sa famille d’accueil
que de lui apprendre plus tard que ses parents biologiques souhaitaient ardemment le
retrouver434. L’adoption ne doit donc pas non plus se faire dans la précipitation.
L’intérêt de l’enfant est donc difficile à cerner lors d’une demande en restitution par ses
parents d’origine. Il convient lors d’une telle demande de bien réfléchir. Par ailleurs, il est
souhaitable que la restitution soit accompagnée.
§2. Une restitution accompagnée
La restitution de l’enfant à sa famille biologique ne doit pas se faire dans la hâte.
Il s’agit d’une mesure qui doit être réfléchie et accompagnée.
La protection de l’enfance est centrée sur l’intervention en amont des difficultés afin d’aider
les familles en difficultés et d’éviter des mesures aussi radicales que celle de la déclaration
judiciaire d’abandon.
Toutefois, cette protection doit également intervenir après de telles mesures afin
d’accompagner les parents.
Or, un certain nombre de dispositifs originaux ont été créés ces dernières années à l’initiative
des départements comme l’accueil à la journée, l’accueil séquentiel de nuits ou de week-ends
qui permettent un retour progressif de l’enfant dans sa famille d’origine435. Par ailleurs, la
434 TON NU LAN (A.), « Le délai de recours contre l’arrêté d’admission d’un enfant en qualité de
pupille de l’Etat », op. cit. note 378, p. 10.435 TRÉMINTIN (J.), op. cit. note 218, p. 31.
84
famille d’origine de l’enfant peut bénéficier d’un accompagnement éducatif pour les débuts
d’accueil difficiles436.
Il serait donc souhaitable que ces mesures puissent être ordonnées par le juge lors du prononcé
de la restitution de l’enfant à ses parents.
Le problème est que ces pratiques innovantes, qui répondent avec souplesse à la complexité
des situations et qui ont fait preuve de leur performance, n’ont aucune valeur juridique437.
Il faut espérer que la révision du dispositif de protection de l’enfance sera l’occasion de
pérenniser de telles pratiques438.
La restitution mettra donc fin à la délégation de l’autorité parentale, les parents retrouveront
tous leurs droits sur l’enfant. Or, pendant la durée de la délégation, des liens étroits ont pu être
tissés entre le délégataire et l’enfant. Un droit de visite pourrait alors être envisagé au profit du
délégataire en cas de restitution de l’enfant à ses parents en vertu de l’article 371-4, alinéa 2
du Code civil. Mais le délégataire n’a pas une vocation naturelle à se voir accorder ce droit, sa
demande doit donc répondre à l’intérêt de l’enfant.
Lorsque cette demande de restitution de l’enfant, qui respecte tous les protagonistes de la
mesure de déclaration judiciaire d’abandon, intervient trop tard ou n’est pas souhaitée, il reste
à l’enfant la possibilité d’être adopté.
Chapitre 2 : L’enfant confié à ses parents adoptifs
Si l’enfant ne peut être restitué à sa famille biologique, il est de son intérêt d’être confié à une
nouvelle famille. Toutefois, le mode d’adoption (Section I) ainsi que l’adoptant possible
(Section II) diffèrent en fonction de l’enfant.
Section I : Le choix du mode d’adoptionDeux types d’adoption sont envisageables pour le mineur déclaré judiciairement abandonné.
L’adoption simple aura pour effet de juxtaposer un lien juridique au lien biologique (§1)
tandis que l’adoption plénière coupera définitivement les liens unissant l’enfant à ses parents
par le sang (§2).
436 Ibid.437 Ibid.438 PECRESSE (V.), Rapport au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur
le projet de loi (n° 3184) réformant la protection de l’enfance, loc. cit. note 219. 85
§1. Une continuation des liens biologiques
Lorsque le mineur bénéficie du statut juridique de pupille de l’Etat, le consentement à son
adoption est donné par le conseil de famille des pupilles de l’Etat439. Les organes de la tutelle
administrative préconisent le mode d’adoption souhaité pour le mineur440. Lorsque l’enfant
n’a pas la qualité de pupille de l’Etat, le consentement de ses parents à l’adoption n’est pas
requis441.
Toutefois, c’est le juge qui prononce l’adoption et qui indique dans les deux cas le mode
d’adoption choisi, c’est-à-dire l’adoption simple ou plénière442.
Le juge compétent pour prononcer l’adoption est le Tribunal de grande instance du lieu où
demeure le demandeur dès lors qu’il réside en France443.
Ainsi, l’adoption n’est possible qu’une fois la déclaration judiciaire d’abandon prononcée.
L’enfant déclaré abandonné au titre de l’article 350 du Code civil est simplement rendu
adoptable. L’adoption de cet enfant est une procédure autonome. Il se peut d’ailleurs que
l’enfant ne fasse jamais l’objet d’une adoption.
Le problème est que les juges ne souhaitent pas toujours couper les liens du sang entre
l’enfant et sa famille biologique et se montrent d’une grande prudence dans le maniement de
l’article 350 du Code civil. Or, plus le prononcé d’une telle mesure est retardé, plus les
chances pour l’enfant d’être adopté s’amenuisent.
C’est pourquoi si le juge qui prononce la déclaration d’abandon avait la possibilité de limiter
les effets de cette mesure à une adoption simple, il pourrait y avoir moins d’hésitations de la
part des magistrats444.
En effet, l’adoption simple n’a pas pour conséquence de faire disparaître les liens de filiation
préexistants mais de produire un cumul de filiations.
439 Art. 349 C. civ.440 Art. L. 225-1 CASF.441 BATTEUR (A.), op. cit. note 139, n° 816, p. 421.442 LE BOURSICOT (M.-C.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° La procédure de l’adoption,
Paris : Lamy, 2002, étude 430-60.443 Art. 1166 NCPC.444 MURAT (P.), note sous Cass. 1ère civ., 8 déc. 1998, Dr. famille 1999, comm. 14, p. 14.
86
Cette juxtaposition entraîne la méfiance des familles adoptives à l’égard de l’adoption simple.
L’adopté reste dans sa famille d’origine. Il bénéficie donc d’un double patronyme puisqu’il
conserve son nom d’origine et y ajoute celui de l’adoptant445.
L’adopté simple conserve tous ses droits dans sa famille d’origine446. Il a donc deux vocations
successorales447 et bénéficie d’une obligation d’entretien principale auprès de l’adoptant et
d’une obligation alimentaire subsidiaire auprès de sa famille d’origine448.
L’adoption simple est permise quel que soit l’âge du mineur déclaré judiciairement
abandonné. Celle-ci peut également intervenir à sa majorité449. En revanche, dès lors que
l’enfant a plus de treize ans, il doit consentir personnellement à son adoption450.
Le lien entre l’enfant et ses parents biologiques ne sera donc pas rompu. Toutefois, lorsqu’un
projet d’adoption simple est envisagé antérieurement à la déclaration judiciaire d’abandon,
celui-ci ne dispense pas du recours à l’article 350 du Code civil451. En effet, certains voient
dans ce mode d’adoption une alternative à la déclaration judiciaire d’abandon au même titre
que le parrainage de l’enfant452.
Par ailleurs, la révocation de l’adoption simple est prévue soit à l’initiative de l’adoptant si
l’enfant adopté a plus de quinze ans, soit par l’adopté lui-même à la demande de ses père et
mère biologiques ou du Ministère public453. Cependant, il faut pouvoir justifier de motifs
graves, lesquels sont appréciés strictement par les juridictions454.
L’adopté simple bénéficie de deux familles ce qui peut être moins traumatisant pour lui. Il
peut aussi être plus judicieux de couper totalement les liens avec sa famille d’origine.
445 VASSAUX (J.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° Les effets de l’adoption, Paris :
Lamy, 2002, étude 434-55.446 Art. 363 C. civ.447 VASSAUX (J.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° Les effets de l’adoption, op. cit. note
445, étude 434-60.448 NEIRINCK (C.), « Les filiations électives à l’épreuve du droit », JCP éd. G 1997. I. 4067, n° 20, p.
506.449 CARBONNIER (J.), op. cit. note 53, p. 375.450 Id., p. 365.451 Art. 361 C. civ.452 SALVAGE-GEREST (P.), « Genèse d’une quatrième réforme, ou l’introuvable article 350, alinéa 1 du
Code civil », op. cit. note 110, p. 351.453 Art. 370 C. civ.454 LE BOURSICOT (M.-C.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° La procédure de l’adoption,
op. cit. note 442, étude 430-75.87
§2. Une rupture des liens du sang
Contrairement à l’adoption simple, l’adoption plénière a pour effet de rompre totalement et
définitivement les liens du sang entre l’enfant et ses parents. Il y a une substitution de la
filiation de l’enfant, seule demeure la parenté élective455.
Préalablement à ce type d’adoption, comme tous les autres enfants adoptables, le mineur
déclaré judiciairement abandonné devra être placé pendant six mois dans sa future famille
adoptive. C’est au terme de cette période que la procédure d’adoption peut être engagée456. Ce
placement fait l’objet d’un suivi par les services de l’aide sociale à l’enfance, lorsque l’enfant
a la qualité de pupille de l’Etat, au titre de sa mission générale de surveillance des enfants qui
lui sont confiés457. Des enquêtes sont notamment effectuées jusqu’au moment du prononcé de
l’adoption afin que cette mesure réponde au mieux à l’intérêt de l’enfant. Si l’enfant a plus de
treize ans, il doit également, comme lors d’une adoption simple, consentir de façon
personnelle à son adoption.
Une fois le jugement d’adoption prononcé, l’enfant bénéficiera des mêmes droits et sera
redevable des mêmes obligations qu’un enfant biologique au sein de sa nouvelle famille458.
L’adopté ne portera que le patronyme de sa famille adoptive et les droits et obligations
réciproques avec sa famille d’origine disparaîtront459. L’adoption produira ses effets à compter
du jour du dépôt de la requête460.
Contrairement aux autres pupilles de l’Etat de l’article L. 224-4 du Code de l’action sociale et
des familles, notamment ceux dont la mère a accouché sous X ou ceux qui ont été remis à
l’Aide sociale à l’enfance par leurs parents sous réserve du secret de certaines informations461,
la question de l’accès aux origines personnelles de l’enfant ne va pas se poser462.
455 NEIRINCK (C.), « Les filiations électives à l’épreuve du droit », op. cit. note 448, p. 504, n° 15.456 Art. 353 C. civ.457 LAPEYRE (E.), op. cit. note 87, p. 129.458 Art. 358 C. civ.459 VASSAUX (J.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° Les effets de l’adoption, op. cit. note
445, étude 434-15.460 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 64.461 RUBELLIN-DEVICHI (J.), « Droits de la mère et droits de l’enfant : Réflexions sur les formes de
l’abandon », RTD civ. 1991, p. 695.462 NEIRINCK (C.),« La loi relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat :
la découverte de la face cachée de la lune ? », RD sanit. soc. 2002, p. 189_ROUL (A.-F.), « Secret des88
En principe, la révocation de l’adoption plénière n’est pas permise463. Toutefois, s’il est
justifié de motifs graves, appréciés souverainement par les juges464, l’adoption simple d’un
enfant ayant bénéficié d’une adoption plénière est autorisée par l’article 360, alinéa 2 du Code
civil.
Ces motifs graves correspondent à des manquements des adoptants à leur mission par
transposition de l’abandon de l’article 350 du Code civil465.
Par ailleurs, dans certaines hypothèses, l’adoption plénière de l’enfant déclaré judiciairement
abandonné ne sera pas permise puisque la loi fixe une condition d’âge concernant l’enfant466.
En principe, l’enfant doit avoir moins de quinze ans. Par exception, il peut être adopté
pendant toute sa minorité et les deux années qui suivent lorsque, avant d’avoir atteint ses
quinze ans, il avait été accueilli par les futurs adoptants ou lorsqu’il avait dès quinze ans fait
l’objet d’une adoption simple. Le délai souvent jugé trop long de la mesure de l’article 350 du
Code civil peut donc empêcher l’adoption plénière de l’enfant.
Outre le choix de la forme de l’adoption peut se poser la question du choix de l’adoptant.
Section II : Le choix des adoptantsLes adoptants possibles sont de deux ordres : soit il s’agit de la famille nourrice de l’enfant si
celle-ci remplit les conditions nécessaires et qu’elle désire adopter l’enfant (§1), soit il s’agit
d’une famille étrangère à l’enfant mais qui remplit les conditions souhaitées (§2).
§1. Un adoptant familier
L’enfant déclaré judiciairement abandonné pourra être adopté par sa famille d’accueil.
Selon l’article L. 225-2 du Code de l’action sociale et des familles, « les pupilles de l’Etat
peuvent être adoptés par les personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance les a
confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre eux
justifient cette mesure ». Au 1er janvier 1996, sur les 106 000 enfants à la charge de l’Aide
origines et accès aux archives », RD sanit. soc. 1996, p. 631_VERDIER (P.), « Après quels délais les dossiers
de pupilles de l’Etat peuvent-ils être librement consultés ? », RD sanit. soc. 1993, p. 346.463 Art. 359 C. civ.464 LE BIHAN-GUÉNOLÉ (M.), « La révocation de l’adoption », JCP éd. G 1991. I. 3539.465 VASSAUX (J.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° Les effets de l’adoption, op. cit. note
445, étude 434-45.466 Art. 345, al. 1 C. civ.
89
sociale à l’enfance, 54 000 étaient placés en famille d’accueil, les autres étant dans un des
établissements de l’Aide sociale à l’enfance467.
Ainsi la famille d’accueil de l’enfant ou l’assistante maternelle pourra demander à adopter
l’enfant. L’assistante maternelle est employée par le Département pour assurer à titre
permanent l’accueil et l’hébergement des enfants qui relèvent du service de l’aide sociale à
l’enfance468.
Dans cette hypothèse, l’agrément n’est pas exigé. Il ne s’agit pas d’un droit d’office à adopter
au profit de la famille d’accueil ou des assistantes maternelles, simplement elles sont déjà
agréées par ce service, après investigations, pour l’accueil d’enfants et n’ont donc pas à être
soumises à une nouvelle enquête afin d’apprécier leurs capacités éducatives469. Il faudra
simplement prouver que les liens affectifs qui se sont établis entre eux le justifient470.
Dans ce cas, si la personne ayant en charge l’enfant souhaite l’adopter, le conseil de famille
des pupilles de l’Etat ne peut examiner un autre projet d’adoption qu’après avoir statué sur
cette demande471. Cet examen prioritaire assure la stabilité dans la vie quotidienne de l’enfant
ainsi qu’une continuité. L’ancien article 63 du Code de l’action sociale et des familles
prévoyait un véritable droit de préemption au profit des familles d’accueil et des assistantes
maternelles, ce droit a été supprimé472.
Le conseil de famille des pupilles de l’Etat peut rejeter la demande formée par la famille
d’accueil de l’enfant. Il est alors possible à celle-ci d’exercer un recours devant les juridictions
civiles473. Le rejet par le conseil de famille de la demande est rare et la demande d’adoption
émanant de la famille d’accueil de l’enfant connaît souvent une heureuse évolution. Toutefois,
il ne faut pas oublier que c’est le juge qui décidera ou non de prononcer l’adoption.
467 VERDIER (P.), L’enfant en miettes : l’aide sociale à l’enfance, bilan et perspectives, 4ème éd.,
Montrouge : Dunod, 1997, p. 109.468 LHUILLIER (J.-M.), op. cit. note 117, p. 153, n° 176.469 LE BOURSICOT (M.-C.), Lamy : Droit des personnes et de la famille, V° La procédure de l’adoption,
op. cit. note 442, étude 430-5.470 RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, op. cit. note 45, n° 1649, p. 612.471 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 25, n° 98.
472 POUSSON-PETIT (J.), op. cit. note 408, p. 132.473 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 25, n° 98.90
Les enfants déclarés judiciairement abandonnés ne sont pas toujours confiés à l’Aide sociale à
l’enfance. Il peut donc s’agir d’une famille d’accueil n’ayant aucun lien avec ce service. Dans
ce cas, le prononcé de l’abandon permettra à cette famille de déposer une requête en adoption
sans que l’enfant soit pupille de l’Etat et sans avoir besoin ni du consentement du conseil de
famille des pupilles de l’Etat, ni du consentement des parents biologiques de l’enfant. C’est le
juge qui vérifiera si cette demande est dans l’intérêt de l’enfant474.
L’adoption par la famille d’accueil satisfait au besoin de stabilité de l’enfant et évite une
nouvelle rupture. De plus, les familles d’accueil acceptent en général que l’enfant soit plus
âgé475. Cette adoption devrait donc être prioritaire.
Cependant, aucune disposition légale n’oblige le recueillant qui a obtenu un jugement
déclarant l’enfant abandonné et lui déléguant l’autorité parentale à adopter cet enfant.
Des raisons financières, l’opposition des enfants légitimes ou encore l’attente d’un
changement de comportement de l’enfant peuvent expliquer ce choix de ne pas adopter
l’enfant confié476. Des aides pécuniaires, notamment sous la forme d’allocations mensuelles,
pourraient favoriser l’adoption de l’enfant déclaré judiciairement abandonné par sa famille
d’accueil477.
Malgré l’absence de désir à adopter, certaines familles d’accueil ou assistantes maternelles,
exercent une sorte de chantage affectif vis-à-vis de l’enfant et l’empêchent de retrouver une
nouvelle famille. L’enfant subit de nouveaux troubles affectifs ce qui est regrettable.
Toutefois, dans certaines hypothèses, même en l’absence de tout projet d’adoption provenant
de sa famille d’accueil, lorsque le placement nourricier est solide, il peut être bénéfique à
l’enfant de le laisser au sein de cette famille478.
Lorsque l’adoption de l’enfant déclaré judiciairement abandonné par sa famille d’accueil n’est
pas souhaitée ou réalisable, l’enfant peut bénéficier d’une adoption par des personnes qui lui
sont étrangères.
474 Art. 353 C. civ.475 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, op. cit. note 104, p. 104.476 Id., p. 172.477 VERDIER (P.), L’enfant en miettes : l’aide sociale à l’enfance, bilan et perspectives, op. cit. note
467, p. 107.478 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, op. cit. note 104, p. 172.
91
§2. Un adoptant à découvrir
L’adoption de l’enfant déclaré judiciairement abandonné peut également être envisagée par
des personnes qui n’ont aucun lien antérieur avec l’enfant.
Toutefois, ces personnes désireuses d’adopter doivent répondre à certaines conditions liées à
l’âge, à leur statut familial, …479.
Elles doivent surtout être titulaires d’un agrément sollicité auprès du Président du Conseil
Général de leur département de résidence480.
La procédure en vue de l’obtention d’un agrément permet de vérifier avant de s’engager dans
le processus adoptif que le candidat offre de bonnes garanties d’accueil pour l’enfant tant au
plan familial, éducatif, psychologique que matériel481. La loi de 2005482 a uniformisé la
procédure d’agrément puisque auparavant cette procédure variait d’un département à l’autre
ce qui avait pour conséquence un traitement inégal des candidats à l’adoption. L’agrément est
délivré pour cinq ans mais devient caduc dès l’arrivée de l’enfant au foyer des adoptants483.
Lorsque l’enfant déclaré judiciairement abandonné a été admis en tant que pupille de l’Etat, le
responsable de l’aide sociale à l’enfance présente aux organes de la tutelle une liste de
personnes agréées et expose la situation de celles d’entre elles qu’il estime susceptibles
d’offrir les conditions d’accueil les plus favorables au pupille. Le tuteur et le conseil de
famille ne sont pas tenus par cette liste et peuvent demander la communication de tout autre
dossier484. L’enfant comme l’adoptant a une histoire et il faut trouver des personnalités en
harmonie485.
Le conseil de famille décidera des informations relatives à l’enfant qui seront communiquées
à la famille adoptive486.
La mise en relation entre la famille adoptive et l’enfant se fait de façon progressive, il ne faut
pas troubler l’enfant, surtout lorsque celui-ci est placé dans une famille d’accueil.
479 Art. 343, 343-1, 343-2 et 344 C. civ480 Art. L. 225-2 CASF.481 MONTOUX (D.), « L’adoption facilitée par la loi du 4 juillet 2005 », JCP éd. N 2005. I, p. 1309.482 Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, préc. note 19.483 MONTOUX (D.), loc. cit. note 481.484 NEIRINCK (C.), J.-Cl. Civil, art. 343 à 370-2, V° filiation adoptive, adoption plénière, op. cit. note
88, p. 25, n° 98.485 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, op. cit. note 104, p. 104.486 Id., p. 89.
92
Aussi, afin que l’enfant retrouve pour quelques heures son passé, le juge pourrait aménager
des retours au sein de la famille d’accueil après l’adoption487. Cela éviterait à l’enfant de se
sentir une nouvelle fois abandonné. Cependant, il y a souvent une volonté d’effacer le passé
de l’enfant, notamment pour éviter tout risque de contact, lors d’une adoption plénière, avec la
famille d’origine de l’enfant488.
L’adoption permet alors d’arriver au bout du processus de la déclaration judiciaire d’abandon
en offrant une nouvelle famille à l’enfant abandonné.
487 Id., p. 107.488 VERDIER (P.), L’enfant en miettes : l’aide sociale à l’enfance, bilan et perspectives, op. cit. note
467, p. 108.93
CONCLUSION
En définitive, la déclaration judiciaire d’abandon s’avère une mesure délicate qui doit prendre
en compte les intérêts de tous. Il s’agit de trouver un équilibre entre les droits de l’enfant, les
droits de la famille biologique et ceux de la potentielle famille adoptive tout au long de
l’application de la mesure, en partant des conditions de la mesure pour arriver à l’adoption de
l’enfant.
Cependant, quels que soient les aménagements et les simplifications apportés par le
législateur, quelle que soit l’attitude des juges et des services sociaux, il existera toujours des
situations où la mesure sera inadaptée à l’égard d’un enfant tiraillé entre ses parents
biologiques et ses parents adoptifs489.
Du fait de sa place dans le chapitre relatif à l’adoption du Code civil, la mesure est censée
ouvrir à l’enfant la perspective d’une nouvelle famille en le rendant adoptable. Ainsi,
« l’enfant qui bénéficie d’une adoption heureuse n’est plus un enfant abandonné »490.
Pourtant, il s’agit également d’une mesure qui doit protéger l’enfant. En effet, « on ne peut
tuer juridiquement des parents que s’ils sont morts affectivement pour l’enfant »491.
L’adoption ne doit donc pas être la solution à toutes les situations d’abandon.
Or, la déclaration judiciaire d’abandon ne bénéficie que d’une place réduite au sein du
dispositif de protection de l’enfance. Lors de l’application du texte de l’article 350 du Code
civil, l’enfant pourra subir un traumatisme lié à la déclaration judiciaire de son propre
abandon alors que ses parents seront rongés par la culpabilité. Avant d’être une mesure de
dépréciation des parents, la déclaration judiciaire d’abandon devrait donc être conçue comme
favorable à l’enfant492.
489 RUBELLIN-DEVICHI (J.), « La déclaration d’abandon de l’article 350 du Code civil », RTD civ. 1986,
p. 732.490 FOURNIÉ (A.-M.), « De l’abandon à l’adoption plénière : le contentieux de l’abandon », op. cit. note
23, n° 65.491 VERDIER (P.), L’enfant en miettes : l’aide sociale à l’enfance, bilan et perspectives, op. cit. note
467, p. 105.492 LHERBIER (B.), op. cit. note 217, p. 269.
94
Lors de la réforme de l’adoption en 2005493, le rapport établi par le groupe de travail
préconisait de permettre l’aménagement de passerelles entre les mesures ayant pour objet de
protéger l’enfant et de poursuivre la réflexion sur les critères d’évaluation de la mesure de
placement hors de la famille494. Pourtant, la révision du dispositif de protection de l’enfance
en discussion à l’Assemblée nationale ne fait pas de place à la déclaration judiciaire
d’abandon495.
Cela aurait pu être l’occasion de retoucher l’esprit du texte de l’article 350 du Code civil en se
référant simplement à un fait et non à des termes à connotation péjorative. Ainsi, il serait
bénéfique de réécrire l’article 350, alinéa 1 du Code civil en indiquant que « lorsque les
parents n’ont pas entretenu pendant un an avec leur enfant les relations nécessaires au
maintien des liens affectifs, le tribunal peut déléguer les droits d’autorité parentale » 496.
La déclaration judiciaire d’abandon pourrait ainsi retrouver sa place parmi les différentes
mesures de protection de l’enfance tout en restant une mesure permettant à l’enfant d’être
adopté.
493 Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, préc. note 19.494 LE BOURSICOT (M.-C.), « Une nouvelle loi pour réformer l’adoption », loc. cit. note 35.495 PECRESSE (V.), Rapport au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur
le projet de loi (n° 3184) réformant la protection de l’enfance, loc. cit. note 219. 496 VERDIER (P.), L’enfant en miettes : l’aide sociale à l’enfance, bilan et perspectives, op. cit. note
467, p. 104.95
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3. Cour de cassation
Cass. 1 ère civ., 6 juill. 1960 , D. 1960, jurispr., p. 510, note HOLLEAUX (G.) ; JCP éd. G 1960. II. 11815,
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Cass. ass. plén., 10 juin 1966 , D. 1966, jurispr., p. 604 ; JCP éd. G 1966. II. 14778 ; RTD civ. 1966,
p. 782, obs. NERSON (R.).
Cass. 1 ère civ., 3 fév. 1971 , D. 1971, jurispr., p. 627 ; JCP éd. G 1971. II. 16893, obs. RAYNAUD (P.).
Cass. 1 ère civ., 23 oct. 1973 , Bull. civ. I, n° 276 ; D. 1974, jurispr., p. 616, note RAYNAUD (P.) ; JCP éd.
G 1974. II. 17689 obs. DE LA MARNIÈRRE (E.-S.).
Cass. 1 ère civ., 23 oct. 1973 , Bull. civ. I, n° 277 ; D. 1974, jurispr., p. 135, note GAURY (C.) ; JCP éd. G
1974. II. 17689 obs. DE LA MARNIÈRRE (E.-S.).
Cass. 1 ère civ., 16 nov. 1976 , Bull. civ. I, n° 346 ; D. 1977, inf. rap. 72 ; JCP éd. G 1978. II. 18906, obs.
FURKEL (F.) ; RD sanit. soc. 1977, p. 291, note RAYNAUD (P.) ; RTD civ. 1977, p. 321, n° 5, obs.
RAYNAUD (P.) ; RTD civ. 1980, p. 109, obs. NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 1 er mars 1977 , JCP éd. G 1977. II. 18763, obs. FOURNIÉ (A.-M.) ; RTD civ. 1977, p. 321,
obs. RAYNAUD (P.).
Cass. 1 ère civ., 4 janv. 1978 , Bull. civ. I, n° 1.
Cass. 1 ère civ., 3 oct. 1978 , Bull. civ. I, nos 285 et 286 ; Defrénois 1979, art. 32023, p. 868, n° 25, obs.
SOULEAU (H.) ; RD sanit. soc. 1979, p. 279, n° 4, note R AYNAUD (P.) ; RTD civ. 1980, p. 104, obs. NERSON
(R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 3 oct. 1978 , Bull. civ. I, n° 287 ; D. 1979, inf. rap. 47 ; RTD civ. 1980, p. 106, obs.
NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).
10
Cass. 1 ère civ., 18 déc. 1978 , Bull. civ. I, n° 392.
Cass. 1 ère civ., 8 mai 1979 , Bull. civ. I, n° 133 ; JCP éd. N 1981. II, p. 208 ; RTD civ. 1980, p. 104, obs.
NERSON (R.) et RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 29 oct. 1979 , Bull. civ. I, n° 265 ; JCP éd. G 1980. II. 19366.
Cass. 1 ère civ., 28 mai 1980 , Bull. civ. I, n° 158.
Cass. 1 ère civ., 6 janv. 1981 , Bull. civ. I, n° 5 ; D. 1981, jurispr., p. 495, note RAYNAUD (P.) ; Gaz. Pal.
1981, 2, jurispr., p. 757, note MASSIP (J.).
Cass. 1 ère civ., 15 déc. 1981 , Bull. civ. I, n° 379 ; Defrénois 1982. art. 32967, p. 1562, n° 85, obs.
MASSIP (J.) ; Gaz. Pal. 1982, 2, jurispr., p. 598, note MASSIP (J.) ; RD sanit. soc. 1983, p. 161, note
RAYNAUD (P.) ; RTD civ. 1984, p. 298, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 12 fév. 1985 , Bull. civ. I, n° 56 ; D. 1985, inf. rap. 296 ; RTD civ. 1986, p. 730, obs.
RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 6 mars 1985 , Bull. civ. I, n° 88 ; D. 1986, jurispr., p. 193, note MASSIP (J.) ; Defrénois
1986, art. 33690, p. 328, n° 6, obs. M ASSIP (J.) ; RTD civ. 1986, p. 730, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 20 nov. 1985 , Bull. civ. I, n° 316 ; Gaz. Pal. 1986, 2, jurispr., p. 609, note MASSIP (J.) ;
RTD civ. 1986, p. 731, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 22 juill. 1986 , Bull. civ. I, n° 218 ; Gaz. Pal. 1988, 1, jurispr., p. 5, note MASSIP (J.) ;
RTD civ. 1986, p. 732, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 24 mars 1987 , Bull. civ. I, n° 107 ; JCP éd. G 1988. II. 21076, obs. SALVAGE-GEREST (P.)
; RTD civ. 1988, p. 708, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.).
Cass. 1 ère civ., 2 juin 1987 , Bull. civ. I, n° 176.
Cass. 1 ère civ., 7 juill. 1987 , D. 1987, inf. rap. 183.
Cass. 1 ère civ., 19 juill. 1989 , Defrénois 1989, art. 34625, p. 1344, n° 112, obs. M ASSIP (J.).
Cass. 1 ère civ., 15 nov. 1991 , JCP éd. G 1995. I. 3855, n° 8, obs. F AVIER (Y.).
Cass. 1 ère civ., 16 juill. 1992 , Bull. civ. I, n° 230 ; D. 1992, inf. rap. 235 ; Defrénois 1993, art. 35484, p.
297, n° 5, obs. M ASSIP (J.) ; JCP éd. G 1992. IV. 2674.
Cass. 1 ère civ., 12 juill. 1994 , Bull. civ. I, n° 245.
Cass. 1 ère civ., 15 nov. 1994 , Bull. civ. I, n° 329 ; Defrénois 1995, art. 36100, p. 728, n° 55, obs. M ASSIP
(J.) ; JCP éd. G 1995. IV. 111.
Cass. 1 ère civ., 17 déc. 1996 , Defrénois 1997, art. 36591, p. 727, n° 69, obs. M ASSIP (J.) ; Dr. famille
1997, comm. 156, p. 13, note MURAT (P.) ; Petites affiches 18 juin 1997, n° 73, p. 33, note M ASSIP (J.) ;
RD sanit. soc. 1997, p. 894, note MONÉGER (F.).
Cass. 1 ère civ., 2 déc. 1997 , Dr. famille 1998, comm. 21, p. 12, note MURAT (P.).
10
Cass. 1ère civ., 8 déc. 1998, Bull. civ. I, n° 347 ; Dr. famille 1999, comm. 14, p. 14, note MURAT (P.) ;
Petites affiches 14 juin 1999, n° 117, p. 22, note M ASSIP (J.) ; RJPF 1999, 2/37, p. 21, note VASSAUX (J.).
Cass. 1 ère civ., 12 oct. 1999 , Defrénois 2000, art. 37179, p. 662, n° 32, obs. M ASSIP (J.) ; Dr. famille
2000, comm. 3, p. 17, note MURAT (P.).
Cass. 1 ère civ., 28 nov. 2000 , Dr. famille 2001, comm. 56, p. 17, note MURAT (P.).
Cass. 1 ère civ., 6 mai 2003 , Defrénois 2003. art. 37840, jurisp. p. 1493, obs. MASSIP (J.) ; JCP éd. G
2004. I. 109, n° 3, obs. F AVIER (Y.) ; Petites affiches 10 fév. 2004, n° 29, p. 12, note M ASSIP (J.).
Cass. 1 ère civ., 8 nov. 2005 , RJPF 2006, 2/45, p. 26, note GARÉ (T.) ; RTD civ. 2006, chron. 4, p. 88,
obs. HAUSER (J.).
IX. Textes officiels
Loi du 24 juill. 1889 relative aux enfants maltraités ou moralement abandonnés, au placement des
mineurs et à l’action éducative en milieu ouvert, JO 25 juill. 1889, p. 3653.
Décret-loi du 29 juill. 1939 relatif à la famille et à la nationalité française, JO 30 juill. 1939, p. 9607.
Loi du 8 août 1941 relative à l’adoption et à la légitimation adoptive, JO 3 oct. 1941, p. 4259.
Ordonnance n° 58-1306 du 23 déc. 1958 portant modification du régime de l’adoption et de la
légitimation adoptive, JO 25 déc. 1958, p. 11806.
Loi n° 60-1370 du 21 déc. 1960 modifiant et complétant l’article 344 du Code civil relatif à l’adoption,
JO 22 déc. 1960, p. 11561.
Loi n° 63-215 du 1 er mars 1963 relative aux enfants maltraités ou moralement abandonnés, au
placement des mineurs, à l’action éducative en milieu ouvert, JO 2 mars 1963, p. 2091.
Loi n° 66-500 du 11 juill. 1966 portant réforme de l’adoption, JO 12 juill. 1966, p. 5956.
Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, JO 5 juin 1970, p. 5227.
Loi n° 76-1179 du 22 déc. 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption (simplification),
JO 23 déc. 1976, p. 7364.
Décret n° 81-500 du 12 mai 1981 instituant les dispositions des livres III et IV du nouveau Code de
procédure civile et modifiant certaines dispositions de ce code, JO 14 mai 1981, p. 1380.
Loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services
chargés de la protection de la famille et de l’enfance et au statut des pupilles de l’Etat, JO 7 juin 1984,
p. 1762.
Loi n° 86-17 du 6 janv. 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences
en matière d’aide sociale et de la santé, JO 8 janv. 1986, p. 372.
10
Loi n° 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de
l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, JO 9 janv. 1993, p. 495.
Loi n° 94-629 du 25 juill. 1994 relative à la famille, JO 26 juill. 1994, p. 10739.
Loi n° 96-604 du 5 juill. 1996 relative à l’adoption, JO 6 juill. 1996, p. 10208.
Loi n° 96-1238 du 30 déc. 1996 relative au maintien des liens entre frères et sœurs, JO
1er janv. 1997, p. 21.
Loi n° 98-657 du 29 juill. 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, JO 31 juill. 1998,
p. 11679.
Loi n° 2001-588 du 4 juill. 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception,
JO 7 juill. 2001, p. 10823.
Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, JO 5 mars 2002, p. 4159.
Arrêté du 22 juin 2003 relatif au système d’information pour l’aide à l’adoption de pupilles de l’Etat,
JO 18 juill. 2003, p. 12163.
Loi n° 2005-744 du 4 juill. 2005 portant réforme de l’adoption, JO 5 juill. 2005, p. 11072.
Ordonnance n° 2005-759 du 4 juill. 2005 portant réforme de la filiation, JO 6 juill. 2005, p. 11159.
X. Sites internet
http://www.dorigineinconnue.org/affiche.php?noenr=77
http://www.rosenczveig.com/technique/abandonne7.htm
10
Annexe 1
Evolution du nombre d’enfants admis comme pupille de l’Etat de 1993 à 2001497
497 ROSENCZVEIG (J.-P.), loc. cit. note 99.10
Annexe 2:
Evolution du nombre de mineurs devenus pupilles de l’Etat sur déclaration judiciaire d’abandon de 1973 à
1995498
498 ROSENCZVEIG (J.-P.), op. cit. note 99, n° 3040, p. 666.10
Annexe 3
Evolution du nombre de prononcés de déclarations judiciaires d’abandon de 1970 à 1981499
499 VERDIER (P.), L’adoption aujourd’hui, loc. cit. note 104.11
Annexe 4:
Schéma procédural de dépôt d’une déclaration judiciaire d’abandon par les services départementaux du
Nord500
500 Source : Direction des Etudes et des Affaires Juridiques du Conseil Général du Nord.11
Annexe 7
Tableau de la répartition des pupilles de l’Etat selon les conseils de famille et selon leur statut juridique au 31
décembre 2005501
501 Source : Unité Adoption et Droits de l’Enfant du Conseil Général du Nord.12
Table des matières
Sommaire.............................................................................................................2
Remerciements.....................................................................................................312
Liste des abréviations .........................................................................................4
Introduction.........................................................................................................7
Première Partie – La mise en œuvre équilibrée de la déclaration judiciaire
d’abandon .........................................................................................................26
Titre I – Une mesure conditionnée........................................................................................26Chapitre 1 : Les conditions relatives à l’enfant.................................................................27
Section I : Le recueil de l’enfant...................................................................................27§1. Un recueillant personne physique ou morale......................................................27§2. Un recueil volontaire ou forcé.............................................................................29
Section II : La nationalité de l’enfant............................................................................30§1. Une extension au profit des mineurs étrangers...................................................30§2. Une extension parfois contestable.......................................................................31
Chapitre 2 : Les conditions relatives aux parents..............................................................33Section I : L’exigence d’un désintérêt...........................................................................33
§1. Un désintérêt manifeste.......................................................................................33§2. Un désintérêt volontaire......................................................................................36
Section II : L’exigence d’une durée .............................................................................39§1. Un point de départ légal......................................................................................40§2. Un délai actuel continu.......................................................................................43
Titre II : Une mesure favorisée..............................................................................................44Chapitre 1 : L’incitation à la déclaration d’abandon au niveau procédural......................45
Section I : La fermeté de la procédure..........................................................................45§1. Un dépôt de requête obligatoire..........................................................................45§2. Un prononcé de la mesure obligatoire................................................................48
Section II : L’ouverture aux voies de recours...............................................................51§1. Une reproduction du droit commun....................................................................52§2. Un recours spécifique..........................................................................................54
Chapitre 2 : L’incidence minimale de la situation familiale.............................................56Section I : La détresse parentale....................................................................................56
§1. Une notion floue..................................................................................................56§2. Une notion supprimée.........................................................................................57
Section II : Le rôle de la famille biologique..................................................................59§1. Une intervention réduite......................................................................................59§2. Une intervention soumise à conditions...............................................................62
Deuxième Partie – Les effets progressifs de la déclaration judiciaire
d’abandon..........................................................................................................64
Titre I : Une perspective d’avenir pour l’enfant....................................................................64Chapitre 1 : La délégation de l’autorité parentale.............................................................65
Section I : Les droits du délégataire..............................................................................65§1. Une délégation de prérogatives...........................................................................65§2. Une délégation du consentement à l’adoption....................................................68
Section II : Les devoirs du délégataire..........................................................................69§1. Une délégation d’obligations..............................................................................69§2. Une délégation de responsabilités.......................................................................70
12
Chapitre 2 : L’enfant pupille de l’Etat..............................................................................72Section I : Le nouveau statut juridique de l’enfant.......................................................72
§1. Une admission automatique................................................................................72§2. Une tutelle administrative...................................................................................74
Section II : Le projet d’adoption de l’enfant.................................................................77§1. Un projet soumis à délai......................................................................................77§2. Un projet personnalisé........................................................................................78
Titre II : Une consolidation de l’avenir de l’enfant...............................................................79Chapitre 1 : L’enfant restitué à ses parents biologiques....................................................80
Section I : Le respect d’un équilibre entre les familles.................................................80§1. Une restitution autorisée.....................................................................................80§2. Une restitution limitée.........................................................................................82
Section II : Le respect de l’équilibre de l’enfant...........................................................83§1. Une restitution dans l’intérêt de l’enfant.............................................................83§2. Une restitution accompagnée..............................................................................84
Chapitre 2 : L’enfant confié à ses parents adoptifs...........................................................85Section I : Le choix du mode d’adoption......................................................................85
§1. Une continuation des liens biologiques..............................................................86§2. Une rupture des liens du sang.............................................................................88
Section II : Le choix des adoptants...............................................................................89§1. Un adoptant familier...........................................................................................89§2. Un adoptant à découvrir......................................................................................92
Conclusion..........................................................................................................94
Bibliographie......................................................................................................96
I. Ouvrages généraux.............................................................................................................96II. Ouvrages spéciaux............................................................................................................97III. Thèse et mémoires...........................................................................................................98IV. Rapports..........................................................................................................................98V. Colloque et congrès..........................................................................................................98VI. Articles ...........................................................................................................................99VII. Notes de jurisprudence................................................................................................101VIII. Jurisprudence..............................................................................................................102
1. Tribunal de première instance.....................................................................................1022. Cour administrative d’appel........................................................................................1023. Cour de cassation........................................................................................................103
IX. Textes officiels..............................................................................................................105X. Sites internet...................................................................................................................106
Annexes............................................................................................................107
Annexe 1.............................................................................................................................108Annexe 2:............................................................................................................................109Annexe 3.............................................................................................................................110Annexe 4:............................................................................................................................111Annexe 5 :...........................................................................................................................113Annexe 6.............................................................................................................................120Annexe 7.............................................................................................................................124
12
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