kamal agoujgal - dracaena-draco.com
Post on 19-Jun-2022
13 Views
Preview:
TRANSCRIPT
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Enseignement de la traduction aux lycées marocains : véritable solution ou simple
mesure palliative?
TEACHING TRANSLATION IN MOROCCAN HIGH SCHOOLS : EFFECTIVE SOLUTION OR MERE
PALLIATIVE?
AGOUJGAL Kamal
Université Mohamed V – Souissi
Résumé :
La traduction fut introduite au cycle secondaire qualifiant lors du processus
d’arabisation des sections scientifiques, lancé en 1978, en vue de réduire les déficiences
linguistiques des bacheliers, notamment en langue française. Cependant, telle qu’elle est
enseignée, elle participe, croyons-nous, non pas à doter les élèves des moyens nécessaires à la
réussite de leur apprentissage futur (à l’université), compte tenu du changement de la langue
d’enseignement des sciences (de l’arabe au français), mais plutôt à consacrer des stratégies
d’apprentissage qui conduisent au redoublement et, par conséquent, au décrochage
universitaire, dévoilant par la même occasion l’une des contradictions les plus criantes du
système éducatif marocain.
En effet, au lieu d’être un moyen de perfectionnement linguistique en français, la séance de
traduction devient une simple occasion d’apprentissage de la terminologie scientifique et de la
recherche des termes équivalents dans la langue arabe aux mots de la langue étrangère et vice-
versa. Ce sont les mêmes réflexes utilisés par les étudiants afin de comprendre le discours
scientifique en langue française dans le contexte universitaire. Les étudiants se retrouvent
alors face à un sérieux problème. Car, pour comprendre le contenu du discours scientifique en
langue française, ils doivent recourir à un processus cognitif impliquant une autre langue, à
savoir l’arabe. Les difficultés sont telles que des centaines d’étudiants marocains abandonnent
leurs études de manière définitive ou changent d’orientation vers les filières où la langue
d’enseignement est l’arabe.
Mots clés : Arabisation ; traduction pédagogique ; langues d’enseignement ;
décrochage universitaire…
Abstract:
Translation was introduced as a subject of study in high schools during the process of
“Arabization” of applied sciences curricula launched in 1978 to reduce linguistic deficiencies
of High School Diploma holders, particularly in the French language. However, instead of
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
providing students with the necessary tools to succeed in universities, we believe that the
methodology in which it is being taught -- taking into account the change in the language of
instruction of scientific studies from Arabic to French -- has resulted in stalling the learning
experience at the university level and the failure of a significant number of students, revealing
at the same time one of the most glaring contradictions in the Moroccan educational system.
Indeed, instead of being a means of strengthening the French language proficiency, the
translation class has become a mere opportunity to learn scientific terminology and to search
for the equivalents Arabic terms in the foreign language and vice versa. These are the same
methods used by students to understand the scientific discourse in the university context.
Students are then faced with a serious problem: to grasp the content of the scientific
discourse, they are obliged to use a cognitive process involving another language, namely
Arabic. The difficulties are such that certain Moroccan students drop out of university
permanently or switch their field of study to one where the language of instruction is Arabic.
Keywords: Arabization; pedagogical translation; language of instruction; university
failure...
Introduction
Aujourd’hui, plus que jamais, la question de l’éducation dans notre pays est remise en
cause. En témoignent les réformes de grande envergure qui furent menées depuis
l’indépendance dont la dernière en date est « le Plan d’Urgence » (2009-2012). Déjà le mot
urgence atteste de la nécessité d’une intervention diligente et de l’ampleur des problèmes que
connaît le secteur à plus d’une échelle. Mais il n’est pas un secret que ces réformes
successives n’aboutissaient qu’en théorie : leur impact sur le terrain fût souvent limité.
Les enjeux économiques et sociaux s’imposent avec acuité dans la mise en œuvre de
telles réformes d’autant plus qu’elles étaient sous-tendus par d’autres enjeux politiques,
culturels et linguistiques. Le développement étant tributaire de la qualité de l’enseignement,
son adéquation à des exigences évolutives et surtout son homogénéité. Or, il est bien navrant
de constater que certaines réformes donnent lieu à bon nombre de contradictions dans le
système éducatif marocain, avec à leur tête la langue d’enseignement des sciences qui diffère
entre le lycée et l’université, créant un problème très sérieux pour les étudiants, et ce en raison
d’un processus d’arabisation incomplet.
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Certes, l’arabisation était considérée comme une option, voire une priorité politique,
mais sa mise œuvre, en tant que réforme d’envergure, a posé un certain nombre de problèmes
objectifs et demeure un projet inachevé puisqu’on lui a mis un terme au baccalauréat. En
effet, l’arabisation n’a pas touché l’enseignement supérieur, comme c’est le cas, par exemple,
en Algérie ou en Egypte où l’enseignement de toutes les disciplines, à l’exception des
langues, est dispensé en arabe. Pour pallier cette discordance de langue d’enseignement entre
les études secondaires et universitaires, on a opté pour l’enseignement de la traduction
scientifique au niveau du secondaire qualifiant.
L’enseignement de la traduction scientifique
L’enseignement de la « terminologie scientifique » (1992-2003) et de la « traduction »
(2004-2014) au lycée, destiné aux sections scientifiques, est l’un des résultats de l’arabisation
du système éducatif marocain lancé depuis 19781.
Par l’introduction de la terminologie scientifique - et plus tard de la traduction - dans
les programmes scolaires des sections scientifiques dans l’enseignement secondaire, on a
cherché à réduire l’écart que peut ressentir un étudiant entre son niveau réel et celui qu’on
exige de lui une fois inscrit dans une filière scientifique où toutes les matières sont dispensées
en français. En effet, les étudiants, notamment ceux inscrits aux établissements universitaires
à accès ouvert, trouvent des difficultés énormes à poursuivre leurs études dans les filières
scientifiques à cause de la langue d’enseignement, à savoir la langue française2.
C’est l’une des raisons qui poussent bon nombre de bacheliers issus des sections
scientifiques à changer d’orientation, s’inscrivant massivement dans des filières de lettres ou,
plus particulièrement, dans les filières de droit et d’économie, plutôt que d’opter pour les
sciences. Ce constat signifie que, même si une matière de « traduction » portant sur la
combinaison linguistique arabe-français est intégrée au programme du cycle secondaire
qualifiant pour mieux préparer les étudiants à l’université et rendre plus fluide le passage
d’une langue d’enseignement des sciences à une autre, le résultat atteste que le problème est
bien loin d’être résolu.
1 Le processus d’arabisation fut entamé dès 1965 en parallèle avec la marocanisation des cadres exerçant dans le
domaine éducatif. Mais, c’est à partir de 1978 que l’arabisation de toutes les matières scientifiques du primaire
au baccalauréat fut initiée. 2 Cf. résultats de l’enquête infra.
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Les motifs que nous croyons être à la base de cette problématique sont simples et
clairs. Les cours de traductions, qui deviennent de plus en plus courants dans tout système
d’enseignement des langues étrangères et même de la langue maternelle, devraient permettre
à l’élève, puis à l’étudiant d’être adapté à cette réalité du changement de la langue
d’enseignement. Or, la manière par laquelle la matière est enseignée, le corps enseignant
chargé de son enseignement et les approches pédagogiques et didactiques choisies, entre
autres raisons, sont à l’origine d’une incompréhension de son rôle, de son utilité et de sa
raison d’être.
D’autre part, les objectifs de son enseignement, tels qu’ils sont tracés dans les manuels
préparés à cet effet, à partir de 2004 – date tellement tardive – sont plutôt loin d’être réalisés,
et sont mêmes irréalisables eu égard aux conditions d’enseignement de cette discipline et des
préjugés quant à ses missions.
Quel est donc l’intérêt de l’enseignement de la traduction au lycée et quelles sont ses
limites ? Les méthodes et les outils didactiques utilisés dans l’enseignement de la traduction
réduisent-elles réellement les difficultés en langue française chez les élèves des sections
scientifiques ou plutôt s’érige-t-elle comme obstacle de taille devant leur réussite à
l’université?
Fondements théoriques de l’enseignement de la traduction
On lit dans les orientations pédagogiques pour l’enseignement de la traduction (2006)
que celle-ci, étant une pratique culturelle, communicative et linguistique, elle est considérée
comme outil et catalyseur des transferts des connaissances et des conquêtes scientifiques,
technologiques et culturelles à travers le monde. Elle peut servir de lien incontournable entre
deux réalités divergentes, très éloignées l’une de l’autre ou coexistant dans un même pays
comme le Maroc, caractérisé par une réalité sociolinguistique plurielle.
Dans cette perspective, le curriculum et les orientations pédagogiques relatifs à la
traduction, rendus publics en 2006 par le ministère de tutelle, tracent les objectifs de la
traduction de la manière suivante :
« Le cours de traduction dans le secondaire qualifiant se doit de contribuer, dans un
premier temps, à la formation langagière bilingue de l’élève. Le but étant de faire
de l’élève un bilingue relativement équilibré. C’est là une première caractéristique
du cours de traduction qui contribue à son statut institutionnel. Il est vrai que les
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
élèves reçoivent séparément des cours d’arabe et de français, mais le cours de
traduction constitue pour eux l’occasion privilégiée de mettre en application, dans
une optique bilingue et comparative, leurs acquis dans les deux langues. »
Bien plus, le cours de traduction devrait développer chez l’élève un biculturalisme
scientifique. D’autant plus que cette discipline marie le perfectionnement linguistique à
l’apprentissage du savoir-traduire. Autrement dit, la traduction pourrait être à la fois un
moyen permettant à l’élève de développer son niveau en langues française et arabe, et un outil
visant la maîtrise du discours scientifique français.
En effet, l’analyse cognitive du processus de traduction montre que les deux activités
fondamentales, à savoir la compréhension et la réexpression, sont sous-tendues par des
schèmes mentaux. Les deux schèmes qui régissent la compréhension et la réexpression sont
l’assimilation et l’accommodation. Cela revoie à ce que Piaget appelle les concepts actions.
De plus, la traduction est une action d’interprétation. La compréhension peut alors être
perçue comme étant une gestion de l’incertitude par élimination d’hypothèses de sens. Elle est
également concevable comme une sorte de prise de décision interprétative (Jean Delisle,
1980). En effet, le sujet traduisant est constamment appelé à faire preuve d’une aptitude à
sélectionner les significations contextuelles pertinentes à la lumière des données textuelles et
extratextuelles.
De ce qui précède, il ressort que l’acte traductionnel relève d’une compétence
intellectuelle reposant sur une bonne connaissance des deux langues de travail de l’élève. On
lit, par exemple, dans les orientations pédagogiques de la traduction en première année du
cycle du baccalauréat :
« Etant donné que les élèves scientifiques du secondaire qualifiant
ne maîtrisent guère leurs langues de travail, il incombe au cours de
traduction de les préparer à s’approprier les connaissances linguistiques
qui leur permettent de percer le mystère des textes aussi bien en
compréhension qu’en réexpression. Autrement dit, ce cours de traduction
est appelé à contribuer au développement de la compétence linguistique
bilingue de l’élève. »
On attend donc ainsi du cours de traduction qu’il assoie des compétences telles que :
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
1. la compétence linguistique bilingue (expressive orale et écrite) ;
2. la compétence de compréhension du discours scientifique ;
3. la compétence de rédaction du discours scientifique ;
4. la compétence communicative ;
5. la compétence d’auto-apprentissage ;
6. la compétence évaluative ;
7. la compétence de transfert interlinguistique.
Si la Charte nationale de l’éducation et de la formation (1999) postule que le système
éducatif marocain vise la formation d’un individu bilingue, dont la langue maternelle est
l’arabe et la première langue étrangère est le français, les difficultés en français constatées
chez les élèves et plus tard chez les étudiants font croire qu’il s’agit d’un objectif loin d’être
accessible. Selon les enseignants même, ces difficultés s’aggravent d’année en année.
Il est à noter à cet égard que la langue arabe n’est pas la langue maternelle. Ce qui
pose des problèmes d’ordre culturel et linguistique qui méritent d’être soulevés. D’abord,
si le pluralisme qui marque la situation linguistique dans notre pays est une réalité, le
« bilinguisme sauvage » entre le français et l’arabe, selon A. Moatassime (1992), constitue
l’un des sérieux impacts d’un aménagement linguistique dicté, non pas par des priorités
socioculturelles, mais plutôt des contraintes purement politiques.
Dans le contexte marocain, les problèmes liés à l’enseignement-apprentissage de la
traduction arabe-français et français-arabe rejoignent, de toute évidence, les difficultés
relatives à la didactique du français langue étrangère (FLE). Certes la traduction comme
matière sert de lien entre l’arabe et le français dans les filières scientifiques, mais les
moyens de réussir cet apprentissage restent tributaires du degré de maîtrise de l’outil qu’est
le langage utilisé dans l’enseignement dispensé.
Si les programmes et les difficultés méthodologiques et didactiques du FLE sont plus ou
moins bien définis, ceux de la traduction scientifique ne sont encore guère entamés. Cette
discipline, dont l’introduction au lycée est le fruit de l’arabisation de l’enseignement primaire
et secondaire, pourrait jouer un rôle important dans la transmission de savoirs et de savoir-
faire propres à la discipline scientifique concernée, comme elle pourrait aussi être d’un grand
intérêt dans la pratique de la langue française, qui demeure la difficulté majeure de bon
nombre de bacheliers. En effet, comme le souligne à cet égard E. Lavault (1985), « on
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
apprend, en traduisant, des éléments nouveaux sur le fonctionnement de la langue étrangère,
et on découvre des sens nouveaux aux mots et aux expressions ».
Utilité de l’enseignement de la traduction : Etat des lieux
Il n’est pas un secret que la majorité des étudiants, qui arrivent à l’université et qui
s’inscrivent dans les filières scientifiques, se heurtent à l’obstacle de la langue d’enseignement
et semblent manquer, au moins, des deux premières compétences visées par l’enseignement
de la traduction. Il a été remarqué aussi qu’environ la moitié de bacheliers scientifiques optent
pour des filières non scientifiques (Droit, études arabes, géographie…)3 convaincus, semble-t-
il, de l’impossibilité de s’adapter dans les filières où toutes les matières sont dispensées en
français ! Hypothèse confirmée d’après les résultats de l’enquête susmentionnée.
Si la traduction a pour finalité de préparer les futurs bacheliers des sections scientifiques
aux études supérieures, en jouant un rôle de transition entre une langue d’enseignement et une
autre, contribue-t-elle réellement, telle qu’elle est enseignée au lycée, à résorber les problèmes
liés à l’usage du français comme langue d’enseignement dans le contexte universitaire ?
Prépare-t-elle des étudiants plus ou moins bilingues, ou au contraire pérennise-t-elle, par des
méthodes didactiques inappropriées, les mêmes difficultés ?
En vue de répondre à ces questions j’ai mené une enquête s’étalant sur la période
allant de 2010 à 2012. J’ai choisi comme terrain d’étude l’établissement même où je travaille
depuis 11 ans comme professeur de langue et communication françaises, à savoir la faculté
polydsciplinaire de Safi (150 km à l’ouest de Marrakech). D’ailleurs, cette institution
universitaire se prête tellement bien à ce genre d’enquête au regard de son caractère
multidisciplinaire. D’autre part, son administration, notamment le décanat n’a épargné aucun
effort pour me fournir toutes les données statistiques afférentes à l’objet de cette étude.
Terrain de l’étude
La Faculté Poly-disciplinaire de Safi est un établissement affilié à l’Université Cadi
Ayyad. Elle a pour vocation de former des bacheliers en filières d’études fondamentales
(DEUG, Licence) ou professionnelles (DEUP, Licences professionnelles), dans les trois
champs disciplinaires, à savoir :
1- Sciences et Techniques.
3 Voir Tableau N°3 infra.
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
2- Sciences juridiques, économiques et sociales
3- Sciences humaines, littérature et arts
Ces trois champs constituent en même temps les intitulés des trois Départements de
l’établissement. A ces départements sont affiliées respectivement des filières, réparties par
champ comme suit :
Champ I :
- Mathématiques et Informatiques(SMI)
- Mathématiques et Applications (SMA)
- Sciences de la matière / Physique (SMP)
- Sciences de la matière / Chimie (SMC)
- Sciences de la vie (SVI)
Champ II :
- Études juridiques et politiques en arabe (EJPA ou Dr)
- Économie et gestion (E&G)
Champ III :
- Géographie (GEO)
- Études françaises (LLCF/ EF)
- Études arabes (LLCA/ EA)
Ayant ouvert ses portes en 2003 avec l’avènement de la réforme de l’enseignement
supérieur (Système LMD), cette faculté est un établissement à accès ouvert. Cependant,
l’inscription aux licences professionnelles est soumise à conditions. De même, l’accès aux
filières SMI et SMA est régulé, et ce pour les étudiants non titulaires d’un baccalauréat en
Sciences mathématiques.
Résultats de l’enquête
Tableau 1 : Nombre d’inscription par filière à la FPS au cours de la période 2005-2009
Année d’inscription
Filière 2005 2006 2007 2008 2009 Total
DR (Droit) 50 70 136 115 248 619
E&G (Economie) 20 58 135 134 266 613
Géo (Géographie 12 61 109 137 175 494
LLCA (Litt. arabe) 16 80 130 124 120 470
LLCF (Litt. française) 25 18 73 40 77 233
SMC (Chimie) 6 26 15 25 23 95
SMIA (Maths) 4 11 25 67 115 222
SMP (Physique) 12 16 28 68 165 289
SVI (Sci. de la vie) 6 6 26 63 76 177
Total 151 346 677 773 1265 3212
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Ces données statistiques, fournies par le service des affaires estudiantines de la faculté
polydisciplinaire de Safi (FPS), attestent d’abord d’une progression du nombre d’inscrits dans
toutes les filières sans exception. Cela n’a rien d’anormal au regard au nombre des nouveaux
bacheliers qui a connu également une envolée durant la même période. Cette tendance à la
hausse s’est d’ailleurs maintenue durant les années suivantes jusqu’en 2011. En atteste le
tableau et la figure suivants :
Tableau 2 : Nombre d’inscription par type de filière au cours de la période 2005-2011
Type filière Total
Non scientifique 3529
Scientifique 1803
Total général 5332
On constate également qu’il y a une préférence des filières du champ II. Les taux
d’inscriptions les plus élevés ont été enregistrés dans les filières de Droit (Dr) et d’économie
(E&G). Ainsi, le nombre d’étudiants inscrits en économie a grimpé de 20 nouveaux bacheliers
0
100
200
300
DR E&G GEO LLCA LLCF SMC SMIA SMP SVI
Inscription par filière 2005-2009
2005 2006 2007 2008 2009
66%
34%non_scientifique
scientifique
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
en 2005 à 266 en 2009. Les filières d’Economie et de Droit sont de loin les plus demandées
avec, respectivement, 613 et 618 nouveaux inscrits lors de la période allant de 2005 à 2009.
Le champ III, composé des filières d’études françaises, d’études arabes et de
géographie, totalise 1197 inscrits durant cette période, légèrement derrière le champ II qui a
enregistré 1232 inscriptions. D’autre part, le champ I, celui des sciences pures (biologie,
physique, chimie, mathématiques et applications ainsi que les mathématiques et informatique)
s’est à peine établi à 783 inscriptions.
Il est à noter que les étudiants inscrits dans le champ III ne sont pas tous titulaires d’un
baccalauréat lettres ou sciences humaines. En effet, nous avons constaté que presque la moitié
des étudiants inscrits avaient un baccalauréat scientifique. Ils avaient opté pour des filières
non scientifiques (Voir tableau et figure ci-après).
Tableau 3 : Inscription des bacheliers scientifiques par type de filière (2005-2009)
Type de filière
non scientifique scientifique Total général
Anné d’inscription 2005 15 11 26
2006 7 10 17
2007 50 38 88
2008 79 116 195
2009 160 187 347
Total général 328 367 695
Il est à signaler également que le champ II connaît une inscription massive des
bacheliers scientifiques. Si la filière des sciences économiques et gestion n’est ouverte qu’aux
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
étudiants titulaires d’un baccalauréat scientifique, la filière de droit ne devraient pas en
principe être un choix préférable pour les bacheliers scientifiques. Or, force est de constater
que la majorité des inscrits en économie sont titulaires d’un baccalauréat scientifique option
Sciences de la Vie et de la Terre ou Sciences physique. Les bacheliers en sciences
économiques, en gestion ou en comptabilité, ne constituent qu’une minorité dans la filière
d’économie.
Par conséquent, nous allons aborder ce constat en distinguant les filières scientifiques
des filières non scientifiques. Par souci de clarté et de concision, nous utiliserons les termes
« filières scientifiques » pour désigner les filières ouvertes à la faculté de Safi, à savoir :
Sciences de la matière physique (SMP) ; Sciences de la matière chimie (SMC); Sciences de la
vie (SVI) ; Mathématiques et applications et mathématiques et informatique (SMI et SMA/
SMIA). Nous désignerons toutes les autres filières, celles relevant du champ II et III, y
compris la filière des Sciences économiques et de gestion, par le terme « filières non
scientifiques ».
Voici quelques questions qu’il nous a paru légitime de poser : Pourquoi ont-ils refusé
de s’inscrire dans le champ I ? N’auraient-ils pas eu plus de chances de réussite dans les
filières scientifiques ? Etaient-ils capables de s’adapter dans les filières non scientifiques ?
Pour répondre à ces questions, nous avons procédé d’abord par des entretiens, puis par
enquête. Un échantillon de composé de 147 étudiants, titulaires d’un baccalauréat à caractère
scientifique ou technique inscrits dans les filières non scientifiques, a été choisi de façon
aléatoire. Menée au mois de novembre 2011, suite à des entretiens conduits depuis avril 2010,
l’enquête par questionnaire a donné des résultats confirmant notre hypothèse de départ, selon
laquelle le choix des bacheliers scientifiques de s’inscrire dans filières non scientifiques a
comme raison principale le faible niveau en langue française. Mais, la première information
bien plus étonnante et non moins significative s’avère que bon nombre des enquêtés avaient
déjà opté pour une filière scientifique. C’est-à-dire qu’ils étaient inscrits dans une filière
scientifique et avaient opéré le tranfert vers une filière non scientifique. Autrement dit, il y a
eu un changement de filière. Pour certains ce changement eût lieu la même année
d’inscription4, pour d’autres après une année d’étude dans la filière de départ.
4 La Commission pédagogique de la FPS fixe chaque année les délais de changement de filière. Généralement, il
s’agit d’une période de deux à trois semaines après le début des cours. A noter que vu les problèmes qui
accompagnent cette opération, la Commission a jugé opportun lors d’une réunion en septembre 2012 d’en fixer
de nouvelles conditions. Ainsi, il a été décidé que l’aval du Coordonnateur de la filière demandée est nécessaire
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Figure1 : Bacheliers scientifiques inscrits dans les filières non scientifiques selon
la spécialité du baccalauréat
Figure 2 : Changement de filière après une année d’études opéré par les étudiants
enquêtés
pour l’acceptation de la demande. En refusant toutes demandes de changement adressés, la filière de géographie
a créé l’événement lors de la rentrée 2011-2012, et ce en raison d’une forte demande sur cette filière par les
étudiants concernés. Le coordonnateur a cédé enfin devant la grande pression des étudiants. Une forte demande
qui s’explique par le fait qu’elle est la seule filière à caractère plutôt scientifique et dont l’enseignement est
dispensé en arabe.
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Nous avons jugé utile de renouveler l’enquête lors de la rentrée 2012 afin d’intégrer ce
variable eu égard à sa forte valeur significative. La seconde enquête porte sur un échantillon
de 200 étudiants. Le dépouillement des questionnaires n’était, à notre avis, suffisant à lui seul
à confirmer l’hypothèse précitée. Fouinant dans les demandes de changements de filière,
formulées par les étudiants, nous avons constaté que la majorité des demandes émanent
d’étudiants scientifiques voulant changer de filière et même de champ disciplinaire (de la
filière de Physique à la filière de Droit, par exemple).
Le tableau ci-après montre que cette migration des bacheliers scientifiques vers les
filières non scientifiques a connu une augmentation à un rythme tellement élevé.
Tableau 4 : Nombre de changement de filière opérés par les étudiants
inscrits au préalable dans les filières scientifiques au cours de la période 2003-
2011
Année d’inscription Nombre de changement de
filières scientifiques 2003 3 2004 2 2005 11 2006 10 2007 38 2008 116 2009 187 2010 380 2011 944
Total général 1691
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Evolution changement de filière des bacheliers scientifiques (2003-2011)
scientifique
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
La pré-enquête (2011) et l’enquête de 2012 nous ont permis d’une part de connaître les
raisons qui motivent les choix d’une filière pour les bacheliers scientifiques qui viennent de
s’inscrire à la FPS. D’autre part, elles ont servi à confirmer, comme susmentionné,
l’hypothèse selon laquelle les bacheliers s’inscrivent massivement dans les filières non
scientifiques en raison de leur faible niveau en français. En effet, il ressort des questionnaires
que la raison principale de cette ruée vers les filières non scientifiques est la langue
d’enseignement des sciences. Nonobstant, pour les étudiants d’économie, leur choix est dicté
par la nature prometteuse de la filière, notamment en termes de débouchés.
Figure 3 : Raison du choix d’inscription des bacheliers scientifiques dans une
filière scientifique (taux de réussite ; difficultés des études dans les filières scientifiques ;
employabilité ; difficultés en français)
Si l’on comprend parfaitement bien que l’enjeu de l’employabilité est tellement
important pour les étudiants en économie, l’on aura des difficultés à comprendre pourquoi un
bachelier scientifique abandonne son parcours normal, en optant dès l’inscription à la faculté
ou plus tard (après une année), pour une filière non scientifique. D’autant plus que ces
étudiants avaient été préparés au changement de la langue d’enseignement à travers les cours
de traduction dispensées dans l’enseignement secondaire pour palier justement cette difficulté
éventuelle. La traduction fût intégrée dans les sections scientifiques au lycée dès 1992 afin de
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
limiter les dégâts ressentis suite à l’accomplissement du processus d’arabisation. En effet, le
premier baccalauréat scientifique entièrement arabisé a été délivré en 1989. Les enquêtés
déclarent que ce sont les difficultés en français et les difficultés des études dans les filières
scientifiques comme spécifié dans la figure 3. Le taux de réussite dans les filières d’arrivée est
à exclure même si certains enseignants des sciences estiment que c’est l’une des raisons qui
expliquent cette ruée des étudiants scientifiques vers les filières littéraires.
Afin de mieux expliciter ce point et mettre en exergue le fait que le changement de la
langue d’enseignement s’érige comme handicap devant les étudiants titulaires d’un
baccalauréat scientifique quel que soit sa spécialité, il a été utile de leur poser la
question : « Auriez-vous choisi une filière scientifique si l’enseignement y était dispensé en
arabe ? ». Les résultats confirmaient l’hypothèse des difficultés en français pour tous les
enquêtés à l’exception de ceux inscrits en économie, et ce pour deux raisons. D’abord, toutes
les matières en économie sont enseignées en français, ce qui explique qu’ils estiment avoir un
niveau en français assez intéressant leur permettant de s’adapter par rapport à la spécialité
choisie. D’autre part, ce qui motive leur choix c’est surtout l’employabilité (figure 3 supra).
Figure 4 : Quelle décision aurait été prise par les enquêtés si l’enseignement des
sciences était en arabe ?
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
D’autre part, d’après les enseignants des filières scientifiques, la raison principale de la
migration de leurs étudiants vers d’autres filières était la langue. Ils estiment aussi que bien
des bacheliers scientifiques se réorientent à d’autres filières non seulement en raison de la
langue d’enseignement, en l’occurrence le français, mais c’est surtout car il existe des filières
qui ont plus au moins un caractère scientifique et dont l’enseignement est dispensé en arabe.
C’est le cas de la filière de géographie par exemple dont le nombre d’inscrits, lors de la
rentrée 2010-2011, a dépassé 600 étudiants dont 267 bacheliers scientifiques. Bien plus, les
étudiants ayant changé de filières arrivent à obtenir de bonnes notes dans la majorité des
matières dans leur nouvelle filière, à l’exception des matières de langues (module Langue et
Communication (en français) ou matière exigeant la rédaction en français telle que « le
management » dans la filière d’économie ou « l’histoire » dans la filière de Géographie. En
témoigne la figure ci-après.
Figure 5 : Difficultés dans la filière de réorientation dues à l’aspect littéraire de
celle-ci
Il va sans dire que ces étudiants étaient livrés à eux-mêmes. Si ceux qui avaient changé
de filière, la même année ou un an plus tard, auraient réussi, dans la majorité des cas, dans des
filières où la place du français n’est pas prépondérante, d’autres seraient condamnés à l’échec
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
en raison du même problème. La traduction censée servir de ponts entre les deux langues
d’enseignement n’avait donc pas joué son rôle et n’avait alors pas empêché qu’un étudiant
perde une année, voire toute chance de poursuivre ses études universitaires.
D’autant qu’une bonne part de bacheliers issus des sections scientifiques déclarent
n’avoir jamais étudié la traduction (Voir figure 5 infra). C’est là un autre problème. Car en
raison de la carence des enseignants de la traduction et des matières scientifiques - ceux-ci
peuvent compléter leur masse horaire hebdomadaire par l’enseignement de la traduction
(pratique très courante)-, cette matière n’est pas enseignée même si elle fait partie du cursus
de l’enseignement secondaire qualifiant. Dans le cas de la province de Safi, seuls les lycées
situés dans le périmètre urbain jouissent du privilège de l’enseignement de la traduction. Dans
les 3 établissements secondaires des communes rurales Ayyeer et Hrara, de même que dans
les 2 lycées des communes urbaines de Sebt Gzoula (Lycée My Smail) et de Jamat Shaim
(Lycée Ibn Sina), l’enseignement de la traduction est « un luxe qu’ils ne peuvent se
permettre », ironisait un responsable à la Délégation provinciale du ministère de l’éducation
nationale de Safi.
Figure 5 : Pourcentage des étudiants ayant bénéficié des cours de traduction
Les élèves n’ayant pas bénéficié des cours de traduction se voient attribuer la note
20/20. Les directeurs de lycées expliquent que « ce n’était pas de leur faute (les élèves) que la
matière de traduction n’est pas enseignée et que cette note revient de plein de droit aux élèves
concernés ». Dans un autre établissement (lycée My Smail), ce sont les professeurs des
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
matières scientifiques qui, lors des délibérations semestrielles, se conviennent à attribuer telle
ou telle note de la matière traduction pour leurs élèves. Cette anarchie et cette improvisation
montre bien à quel point la traduction comme matière est marginalisée. Perçue comme un
fardeau supplémentaire pour certains enseignants des sciences, une matière inutile et ingrate
pour d’autres et une discipline facultative qu’il est possible d’éliminer pour les responsables
au niveau des délégations provinciales de l’éducation nationale.
Or, selon les résultats de l’enquête, la majorité des étudiants interviewés témoignent qu’ils
avaient étudié cette matière et estiment qu’elle leur était «tellement utile » (voir figure 6 ci-
après). Où se manifeste son utilité ? Comment a-t-elle été utile ? Pourquoi la perçoit-on
tellement utile alors même qu’elle n’avait pas remplie sa fonction principale, n’a pas servi sa
raison ?
Figure 6 : Pourcentage des enquêtés ayant trouvé le module de traduction utile
C’est une situation assez paradoxale. Les étudiants enquêtés étaient tous titulaires d’un
baccalauréat scientifique et poursuivaient leurs études dans des filières non scientifiques
(premier choix lors de l’inscription ou après changement de filière comme précisé plus haut),
mais déclarent tout de même que les cours de traduction étaient utiles !
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Afin d’approfondir notre analyse de cette donne et collecter des informations plus
fiables et plus exhaustives de manière à permettre d’éclairer ce point, nous avons procédé
d’abord par des entretiens de groupe, puis par des entretiens individuels. La majorité des
étudiants déclarent que les termes scientifiques en langue française deviennent plus
accessibles et plus faciles à saisir quand leurs équivalents en arabes sont fournis. D’autre part,
certains ajoutent que la séance de traduction était beaucoup plus une occasion pour se
détendre et se déstresser par rapport aux autres matières où les enjeux sont plus importants
(coefficient très faible de la traduction par rapport aux autres matières).
Les entretiens ont ainsi révélé que les élèves « traduisaient » dans le cours de
traduction. « Traduire » signifie, pour ces élèves, chercher des équivalents aux termes utilisés.
Même lorsqu’il s’agit de textes proposés pour la traduction, en thème et en version, les
activités les plus exigées des apprenants est de trouver ou de mémoriser des équivalents dans
les deux langues. D’autre part, outre cette conception erronée de la traduction, remarquée
d’ailleurs chez la majorité des enseignants de cette discipline, les élèves « traduisaient » pour
comprendre au lieu de comprendre pour traduire. Cela s’explique-t-il peut être par le fait que
la matière était dénommée « Terminologie scientifique » (1992-2003). De même, les
enseignants de la traduction était formés à la base pour enseigner la terminologie et non la
traduction. A noter que la formation des formateurs en terminologie scientifique a démarré en
1989, mais s’est arrêté en 1999.
Or, c’est à partir des années 2000 que la traduction est revenue en force dans les classes
de langue, avec comme soubassement méthodologique, la traduction pédagogique. Autrement
dit, l’enseignement de la traduction comme moyen d’apprentissage des langues étrangères
(Delisle et Hannelore 1998) n’a acquis ses lettres de noblesse qu’à partir du début du XXIème
siècle. Le ministère de tutelle, ayant pris connaissance de cette évolution, a remplacé la
terminologie par la traduction et a conçu des manuels à cet effet. Bien que ces derniers
continuent de présenter les traces de la terminologie (glossaires, lexiques bilingues…).
Nonobstant, les enseignants sont les mêmes. Leurs représentations des cours de
traductions ne reflètent nullement la visée de la traduction pédagogique et rappellent plutôt la
terminologie. D’autre part, les méthodes didactiques qu’ils adoptent sont loin de réaliser
l’objectif recherché. Même le contenu de leurs cours n’est pas unifié. Cela n’a rien d’anormal
quand on sait que ceux qui enseignent la traduction actuellement n’ont jamais été formés en
traduction. Ceux qui ont reçu une formation préalable, avaient été initiés plutôt à la
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
terminologie tandis que le reste, qui constitue cependant la majorité, sont à la base des
enseignants des matières scientifiques qui étaient obligés par l’administration à enseigner une
matière qui n’est pas de leur spécialité ou qu’ils avaient eux-mêmes choisi d’enseigner afin de
réduire leur charge horaire hebdomadaire.
D’autre part, les enseignants de la traduction déclarent n’avoir jamais bénéficié d’une
formation continue, à l’exception de celle relative à la pédagogie d’intégration, à laquelle
quelques uns ont pris part. D’autre part, certains enseignants sont vraiment angoissés suite à
une rumeur bien établie qui concerne une prochaine élimination de la matière de traduction du
cycle d’enseignement secondaire qualifiant.
Bien qu’il paraisse évident que le ministère de tutelle a fourni des efforts visant le
raffermissement des liens et des passerelles entre l’enseignement secondaire et les études
universitaires, dont principalement l’intégration de la traduction dans les sections
scientifiques, les résultats sont deçà des aspirations puisque les bacheliers n’en finissent pas
de trouver des difficultés énormes à poursuivre leur parcours normal dans les filières
scientifiques en raison notamment de la langue d’enseignement.
Pour sa part, l’enseignement supérieur n’a cessé de multiplier les efforts visant à
remédier aux problèmes linguistiques des étudiants. Avec l’avènement de la réforme de
l’enseignement supérieur, le module langue et communication a été généralisé à toutes les
filières ouvertes à l’université. Ce module existait auparavant, mais uniquement dans les
établissements à accès ouvert. Ainsi on a consacré 25% du volume horaire des quatre
premiers semestres des filières scientifiques (un peu moins pour les autres filières) à
l’enseignement de la langue et la communication françaises.
Par ailleurs, à partir de 2009, date du lancement du Plan d’Urgence et face au « déphasage
particulièrement préjudiciable entre le secondaire et le supérieur »5 au niveau des langues
d’enseignement, le ministère de tutelle a dédié un projet, parmi les 23 projets du Plan
d’urgence. En effet, le Projet N°20 « Maîtrise des langues » fût consacré, comme l’indique
son intitulé à la réduction des déficiences linguistiques des étudiants, notamment en langue
française. Le projet 20 se décline en trois thèmes comme suit :
Thème 1 : Mettre l’étudiant au centre de la formation
Mesure 1 : Dotation des Universités des moyens nécessaires à l’analyse des besoins
5 Parmi les constats principaux justifiant la mise en place du Projet 20 du Plan d’Urgence est la question de la
différence des langues d’enseignement entre le lycée et l’université. Source : Présentation du programme
NAJAH 2009-2012, Ministère de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche
scientifique, Juin 2008.
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Mesure 2 : Mise en place du dispositif intégré de formation et de suivi individualisé
Thème 2 : Formation des formateurs
Mesure 1 : Formation continue des enseignants
Mesure 2 : Formation initiale de futurs enseignants et promotion de la recherche en
didactique du français
Thème 3 : Coordination avec le scolaire (Ministère de l’éducation nationale)
Mesure 1 : Optimisation de la coordination supérieur/scolaire
Mesure 2 : Définition d’un socle commun des bacheliers marocains6
Les mesures 1 et 2 du premier thème ont été concrétisées respectivement par le test de
positionnement en français (après l’adoption du Cadre Européen Commun de Référence pour
les Langues) et le tutorat. Mais ces mesures bien que l’on se pose encore la question de leur
utilité chez une bonne partie des enseignants toutes filières confondues, n’était pas
généralisées à toutes les universités marocaines. Néanmoins, les résultats du test de
positionnement mettent au grand jour les déficiences linguistiques en français dont souffre la
majorité les nouveaux inscrits à l’université marocaine, notamment dans les établissements à
accès ouverts7.
Face à ce constat, certains appellent à suivre le modèle de certains pays qui ont opéré le
choix d’arabiser aussi les sciences à l’université. Cette aspiration, non moins politique,
nécessite une refonte totale du système éducatif et un changement radical qui risque saper les
bases mêmes de la réforme. La mise en œuvre d’une telle initiative serait une autre
contradiction par rapport aux orientations de la politique générale du pays et de celle tracée
pour le système éducatif en particulier. Car au moment même où l’on cherche à se doter des
moyens d’ouverture sur les autres cultures afin de suivre le rythme de l’évolution
économique, culturelle, et surtout scientifique et technologique, adopter une telle position
équivaudrait à anéantir toute chance pour le Maroc de s’intégrer dans la société de
l’information et du savoir.
6 Cf. 17 Contrats pour le développement de l’Université marocaine, Programme d’Urgence 2009-2012, Ministère
de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique, Octobre2009.
7 A l’échelle nationale, le pourcentage des étudiants de niveau intermédiaire n’est que de 35%. L e pourcentage
des étudiants de niveaux élémentaires A1 est de 42% et 26% pour A2. Source : Rapport annuel (2010), de la
mise en œuvre du Programme d’Urgence, Ministère de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et
de la recherche scientifique, Juin 2011.
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
Conclusion
Les solutions qui peuvent être apportées pour remédier à de telles défaillances et réduire
le fossé linguistique entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur résident
dans les visions réalistes et pratiques, en l’occurrence l’amélioration de l’existant et la
consolidation des acquis. La traduction en tant que matière pourrait servir selon nous ce noble
objectif qui consiste à permettre un souple passage d’une langue d’enseignement à une autre,
mais a besoin de plus d’intérêt, d’un volume horaire plus important et des méthodes
didactiques plus appropriées.
La traduction ne doit pas être perçue non plus comme étant un simple palliatif à cette
contradiction criante du système éducatif. C’est l’une des solutions qui aurait pu donner des
résultats intéressant n’eût été la marginalisation de son rôle, la minimisation de son coefficient
et de la masse horaire limitée qui lui est consacrée, voire son éradication des programmes
d’enseignement dans bon nombre de lycées à travers le pays. Partant, la rentabilité de cette
matière est tributaire de la volonté des autorités publiques d’en faire réellement un outil
efficace et une solution ingénieuse à cette problématique qui nécessite une intervention
diligente et non de simples mesures palliatives, destinées à remplir la liste du cursus scolaire
sans avoir une fonction déterminante.
Bibliographie
DELISLE, Jean et HANNELORE, Lee-Jahnke (sous la direction de). 1998. Enseignement de la
traduction et traduction dans l'enseignement, Ottawa, PUO.
DELISLE, Jean.1980. L’analyse du discours comme méthode de traduction, Ottawa, PUO.
DURIEUX, Christine.1988. Fondement didactique de la traduction technique , Coll.
« Traductologie », Paris, Didier.
FITOURI, Chadly,.1983. Biculturalisme, bilinguisme et éducation, Paris, Delachaux et Niestlé.
LADMIRAL, Jean René, et LIPANSKI.1989. E, D, La communication interculturelle, Armand
Colin, Paris.
LAVAULT, Elisabeth.1985. Fonctions de la traduction en didactique des langues, Paris, Didier
Erudition.
LEDERER, Marianne.1994. La traduction aujourd’hui. Le modèle interprétatif, Hacehtte, Paris.
MOATASSIME , Ahmed, .1992.Arabisation et langue française au Maghreb, Paris,PUF.
VINAY, Jean-Paul et DARBELNET, Jean.1960. La stylistique comparée du français et de
l’anglais : méthode de traduction, Harrap,
Kamal AGOUJGAL
Sciencelib Editions Mersenne : Volume 6, N° 140711 ISSN 2111-4706
PAUL, Jean Jaques (sous la direction de).1999. Administrer, gérer, évaluer les systèmes
éducatifs, Paris, ESF.
HOUSSAYE, Jean.1993. La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, Paris, ESF.
top related