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LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE DES FINANCES PUBLIQUES DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
Document de travail 2014/01
Luc GODBOUT
Suzie ST-CERNY Matthieu ARSENEAU
Ngoc Ha DAO et
Pierre FORTIN
22 janvier 2014
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
REMERCIEMENTS
La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke tient
à remercier de son appui renouvelé le ministère des Finances du Québec et désire lui exprimer sa
reconnaissance pour le financement dont elle bénéficie afin de poursuivre ses activités de
recherche.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© i
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
LA MISSION DE LA CHAIRE DE RECHERCHE EN FISCALITÉ ET EN FINANCES PUBLIQUES
La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) a été mise sur pied le 15 avril 2003. Au Québec, les lieux communs et officiels où praticiens, cadres de l’État et chercheurs peuvent échanger sur les nouveaux défis touchant la fiscalité et les finances publiques sont rares. De plus, la recherche dans ces domaines est généralement de nature unidisciplinaire et néglige parfois l’aspect multidisciplinaire des relations entre l’État et ses contribuables. La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques tire sa raison d’être de ces deux réalités. La mission principale de la Chaire est de stimuler la recherche et la formation interdisciplinaires par le regroupement de professeurs et de chercheurs intéressés par la politique économique de la fiscalité. Pour plus de détails sur la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, vous pouvez consulter son site officiel à l’adresse suivante : http://www.usherbrooke.ca/adm/recherche/chairefiscalite/.
Luc Godbout est professeur titulaire à l’Université de Sherbrooke et chercheur principal en finances publiques à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques. Il est également chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement. Suzie St-Cerny et Ngoc Ha Dao sont professionnels de recherche à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Matthieu Arseneau est économiste principal à la Financière Banque Nationale. Pierre Fortin est professeur émérite à l’UQAM. Tous collaborent aux travaux de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, qu’ils remercient pour l’appui financier qui a rendu possible la réalisation de cette étude. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques Faculté d’administration, Université de Sherbrooke 2500, boul. de l’Université Sherbrooke (Québec) J1K 2R1 Téléphone : (819) 821-8000, poste 61353 Télécopieur : (819) 821-7396 Courriel : cffp.adm@usherbrooke.ca
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© ii
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
TABLE DES MATIÈRES
1. Mise en contexte ..................................................................................................................... 1
2. La transition démographique au Québec ................................................................................ 3
3. Les défis de la soutenabilité budgétaire et de l’équité intergénérationnelle ........................... 7
3.1. La notion de soutenabilité budgétaire .............................................................................. 7
3.2. La notion d’équité intergénérationnelle ......................................................................... 10
3.3. L’approche retenue ......................................................................................................... 13
4. L’approche méthodologique ................................................................................................. 15
4.1. Hypothèses démographiques .......................................................................................... 15
4.2. Hypothèses économiques ............................................................................................... 16
4.3. Hypothèses budgétaires .................................................................................................. 23
4.4. Synthèse du scénario de base ......................................................................................... 40
5. Les projections de la soutenabilité budgétaire ...................................................................... 41
5.1. La croissance économique ............................................................................................. 41
5.2. Solde budgétaire ............................................................................................................. 43
5.2.1. Solde budgétaire à moyen terme ............................................................................. 43
5.2.2. Solde budgétaire à long terme................................................................................. 44
6. Analyse de sensibilité et scénarios alternatifs ....................................................................... 47
6.1. Analyse de sensibilité ..................................................................................................... 47
6.1.1. Variables démographiques ...................................................................................... 47
6.1.2. Variables économiques ........................................................................................... 50
6.1.3. Variables budgétaires .............................................................................................. 51
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© iii
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
6.2. Scénarios alternatifs ....................................................................................................... 53
6.2.1. Scénario pessimiste ................................................................................................. 54
6.2.2. Scénario optimiste ................................................................................................... 56
7. Conclusion ............................................................................................................................ 59
Bibliographie................................................................................................................................. 62
Annexe 1 : Sources et méthodologie pour les chiffres présentés pour 2015 ................................ 65
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© iv
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
1. Mise en contexte
Le vieillissement de la population représente un défi de taille pour l’ensemble des pays
développés. Globalement, les pays de l’OCDE vont connaître des changements démographiques
majeurs au cours des prochaines années. Les effets conjugués de la baisse de la natalité et de
l’allongement de l’espérance de vie provoquent déjà un renversement de la pyramide des âges,
une situation qui se traduira à terme par des conséquences importantes sur le marché du travail,
sur la croissance économique et sur l’appariement des revenus et des dépenses des
gouvernements.
Il reste encore beaucoup à faire pour bien comprendre les conséquences de la transition
démographique sur les finances publiques. Au printemps 2007, nous produisions une première
projection de l’évolution des finances publiques québécoises dans un contexte de vieillissement
démographique1. Les résultats de cette projection de long terme étaient assez clairs : si les
paramètres de dépenses et de taxation se maintenaient, à compter du milieu de la présente
décennie le budget du Québec deviendrait chroniquement déficitaire pour les prochaines
décennies. L’impasse budgétaire appréhendée prendrait progressivement de l’ampleur pour
atteindre 2,7 % du PIB en 2031 et 4,5 % du PIB en 2051.
Quelques années plus tard, alors que la « Grande Récession » a été traversée et que le
gouvernement du Québec vise le retour à l’équilibre budgétaire, la pertinence de refaire un tel
exercice est toujours là. Il s’agit d’un exercice essentiel. D’ailleurs, les meilleures pratiques de
l’OCDE en matière de transparence budgétaire recommandent de procéder régulièrement à une
1 Luc Godbout, Pierre Fortin, Matthieu Arseneau et Suzie St-Cerny (2007) Oser choisir maintenant : Des pistes de solution pour protéger les services publics et assurer l'équité entre les générations, PUL. Certaines mises à jour de cette analyse ont été produites par la suite, dans : Luc Godbout, Pierre Fortin, Matthieu Arseneau et Suzie St-Cerny (2008) « Choc démographique et finances publiques : comment relever le défi de l’équité intergénérationnelle » dans Cahier québécois de la démographie, vol. 37, no 2; Luc Godbout et al., (2010) « Nouvelles perspectives démographiques, mêmes défis budgétaires » dans Cahier québécois de la démographie, vol. 38, no 1 ; Luc Godbout et al., (2012) « Quebec’s Public Finances Between Demographic Changes and Fiscal Sustainability », G. De Santis (dir.), The Family, The Market or the State? International Studies in Population, Springer Science, New York.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 1
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
évaluation des perspectives budgétaires à long terme (sur un horizon de 10 à 40 ans) et de la
rendre publique. Pour en justifier la pertinence, l’OCDE évoquait que « la composante
démographique des dépenses futures au titre de la santé et des soins aux personnes âgées
dépendantes aura un impact considérable sur la situation budgétaire globale dans le long
terme2 ». Le gouvernement fédéral fait un tel exercice par l’intermédiaire du Bureau du directeur
parlementaire du budget, mais ce mécanisme n’a toujours pas été mis en place au Québec.
Dans la présente analyse, chacune des hypothèses utilisées en 2007 a été revue pour tenir compte
des plus récents travaux de recherche et des plus récentes statistiques. À la lumière des nouvelles
projections, il sera possible de déterminer si les finances publiques du Québec sont mieux
préparées pour traverser les prochaines décennies.
2 OCDE (2006), Étude économique du Canada, 2006, Résumé, p. 8.
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La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
2. La transition démographique au Québec
Dit simplement, le vieillissement démographique désigne l'augmentation de la proportion de
personnes âgées dans une population. Ce phénomène ressort clairement à l’analyse des données
de la population par groupe d’âge au Québec. Alors que la population âgée de 65 ans et plus
représentait 7 % de la population québécoise en 1971, elle atteignait 17 % en 2013 et devrait
représenter 28 % de la population en 2050. À l’inverse, la proportion du groupe des personnes
âgées de 15 à 64 ans, qui était de 64 % en 1971, a augmenté à 68 % en 2013, mais baissera à
58 % en 2050.
Il s’avère que la population des 65 ans et plus de 1971 à 2013 s’accroissait de 937 000, celle des
15 à 64 ans augmentait parallèlement de près de 1,6 million de personnes. Contrairement à la
période précédente, de 2013 à 2050, la population des 65 ans et plus augmentera de près de
1,2 million de personnes pendant que la cohorte des 15 à 64 ans ne connaitra aucune croissance
et diminuera même de 239 000 personnes selon le scénario de référence de l’Institut de la
statistique du Québec (ISQ)3.
L’évolution passée et appréhendée de la population selon ces groupes d’âge fait en sorte que le
ratio du nombre de personnes en âge de travailler (15 à 64 ans) sur le nombre de retraités (65 ans
et plus) est passé de 9,4 en 1971 à 4,1 en 2013 et il continuera à diminuer jusqu’à 2,1 en 2050.
Conséquemment, l’âge médian, qui représente le point où exactement la moitié de la population
est plus vieille et l'autre moitié est plus jeune, est en hausse. Il était de 25,6 ans en 1971, a atteint
41,6 ans en 2013 et passerait à 46,3 ans en 2050.
3 ISQ (2009), Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 3
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Tableau 1: Répartition par âge et évolution de la population au Québec (milliers de personnes)
1971 2013 2050 Variation 1971-2013 Variation 2013-2050
nb % nb %
Total 6 137 8 155 9 161 2 018 33 % 1 006 12 % 0 à 14 ans 1 800 1 254 1 324 (546) -30 % 70 6 % 15 à 64 ans 3 919 5 546 5 307 1 627 42 % (239) -4 % 65 ans et plus 418 1 355 2 530 937 224 % 1 175 87 % Ratio 15 à 64 ans- 65 ans et plus
9,4 4,1 2,1
Proportion des 65 ans et plus 7 % 17 % 28 % Sources : Statistique Canada Tableau CANSIM 051-0001 et ISQ (2009).
Une autre façon simple d’illustrer le vieillissement de la population est d’observer la
transformation de la pyramide des âges, qui est une représentation de la structure selon l'âge et le
sexe d'une population. La figure 1, montrant celles de 1971, 2013, 2030 et 2050, illustre bien
l’évolution projetée du vieillissement de la population par l’apparition d’une certaine inversion
de la pyramide, dont la base devient, en 2050, presque plus étroite que le sommet.
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La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 1 : Pyramide des âges du Québec
Sources : Statistique Canada Tableau CANSIM 051-0001 et ISQ (2009).
L’accroissement naturel (naissances moins décès) a très longtemps été la principale source de
croissance de la population québécoise. Toutefois, dans l’avenir, il est plutôt prévu qu’il y aura
une « décroissance » naturelle. Le nombre de décès dépassera le nombre de naissances à partir de
2029. Un allongement de l’espérance de vie et une fécondité plus faible expliquent cet état de
choses. Dans un tel contexte, la croissance de la population ne sera alors possible que grâce à un
solde migratoire positif et supérieur au solde négatif des naissances moins les décès.
-400 -200 0 200 400
0-45-9
10-1415-1920-2425-2930-3435-3940-4445-4950-5455-5960-6465-6970-7475-7980-8485-89
90+
Milliers
1971 Hommes Femmes
-400 -200 0 200 400
0-45-9
10-1415-1920-2425-2930-3435-3940-4445-4950-5455-5960-6465-6970-7475-7980-8485-89
90+
Milliers
2013 Hommes Femmes
-400 -200 0 200 400
0-45-9
10-1415-1920-2425-2930-3435-3940-4445-4950-5455-5960-6465-6970-7475-7980-8485-89
90+
Milliers
2030 Hommes Femmes
400 200 0 200 400
0-45-9
10-1415-1920-2425-2930-3435-3940-4445-4950-5455-5960-6465-6970-7475-7980-8485-89
90+
Milliers
2050 Hommes Femmes
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 5
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 2: Source de croissance de la population québécoise
Sources : Statistique Canada Tableau CANSIM 051-0004 et ISQ (2009).
-60 000
-40 000
-20 000
0
20 000
40 000
60 000
80 000
1971
1975
1979
1983
1987
1991
1995
1999
2003
2007
2011
2015
2019
2023
2027
2031
2035
2039
2043
2047
2051
2055
Naissance moins décès Solde migratoire
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 6
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
3. Les défis de la soutenabilité budgétaire et de l’équité intergénérationnelle
Le vieillissement de la population dans les pays développés est un scénario connu depuis
longtemps. Comme le rappelait Jean Boivin, l’ONU a publié dès 1956 la première d’une série
d’études sur le sujet4.
Plusieurs chercheurs ont étudié la question du changement démographique et des conséquences
du renversement de la pyramide des âges qui est en train de se produire dans les pays
industrialisés, et leur incidence sur les finances publiques. La présente section vise à souligner
quelques contributions notables qui ont servi de base à notre réflexion. Elle met l’accent sur les
outils de mesure et d’analyse employés par les divers auteurs, notamment à l’égard de la
soutenabilité budgétaire et de l’équité entre les générations. Ces deux notions sont évidemment
intimement liées et elles s’entrecroisent.
3.1. La notion de soutenabilité budgétaire
Blanchard et coll.5 ont proposé une définition contemporaine de la soutenabilité budgétaire.
Essentiellement, ils ont défini le concept comme étant de savoir si, en poursuivant la politique
budgétaire actuelle à long terme, un gouvernement se dirige vers un endettement excessif. Ils ont
démontré que, dans des conditions générales, une condition nécessaire pour la soutenabilité à
long terme est que la valeur actualisée des excédents budgétaires primaires annuels (soldes de
fonctionnement) soit suffisante pour rembourser l'encours actuel de la dette publique. Ils ont
défini un « taux d'imposition durable », mesuré comme étant le poids des recettes fiscales en
proportion du PIB qui, s'il est constant, permettrait d'atteindre un ratio dette-PIB inchangé sur
l'horizon de long terme, compte tenu de la structure fiscale, des tendances démographiques et
4 Jean Boivin (2012) Vieillir en beauté : l’inévitable évolution démographique du Canada, Discours prononcé devant l’Economic Club of Canada, Toronto.
5 O. Blanchard, J.C.Chouraqui, R.P. Hagemann, et N Sartor (1990) « La soutenabilité de la politique budgétaire : nouvelles réponse à une question ancienne. » Revue économique de l’OCDE, 15, automne.
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La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
économiques projetées et des tendances des engagements de dépenses de programmes. Leur
approche a été très influente.
De son côté, l’OCDE indique que :
La viabilité budgétaire est un concept pluridimensionnel qui intègre la solvabilité, la stabilité de la croissance économique, la stabilité de la fiscalité, et l’équité intergénérationnelle. Elle a des implications non seulement financières mais aussi sociales et politiques, qui sont liées à la fois aux générations présentes et futures6.
Dans le même esprit, le vérificateur général du Canada offre une définition semblable en
indiquant que la soutenabilité des finances publiques s’articule autour
de la capacité à financer les charges actuelles et les charges futures probables; de la capacité à assurer une croissance économique sur une période prolongée; de la capacité à financer les engagements futurs sans alourdir le fardeau fiscal; de la capacité à offrir aux générations futures des avantages qui ne soient pas moindres que ceux offerts aux générations actuelles7.
Cette approche servant à la projection de la soutenabilité budgétaire est mise en pratique aux
États-Unis par le Congressional Budget Office, au Royaume-Uni par l'Office for Budget
Responsibility et au Canada par le Bureau du directeur parlementaire du budget.
Au Canada, King et Jackson et Jackson et Matier8 ont été les premiers à se prêter à l’exercice des
projections des équilibres financiers des différents ordres de gouvernement. Ils arrivaient à la
conclusion que la situation budgétaire du gouvernement fédéral et de la plupart des
gouvernements provinciaux et territoriaux serait soutenable à long terme. En effet, ils
n’anticipaient pas, à la fin de la période de projection, un ratio d’endettement supérieur à ce qui
prévalait initialement, et ce, pour la plupart des gouvernements concernés.
6 OCDE (2009) « Les avantages des prévisions budgétaires à long terme », L’Observateur de l’OCDE, novembre. 7 Bureau du vérificateur général (2012) « La viabilité à long terme des finances publiques – Finances Canada »,
chapitre 7 du Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes. 8 P. King et H. Jackson (2000) Public, Finance Implications of Population Ageing, Document de travail du
ministère des Finances 2000-08; H. Jackson et C. Matier (2003) Public Finance Implication of Population Ageing: An Update, Document de travail du ministère des Finances 2003-03.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 8
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Robson9 a concentré son attention sur quatre types de dépenses gouvernementales étroitement
liées à la démographie : les dépenses de santé, les dépenses d’éducation, les prestations aux aînés
et les prestations pour enfants. Pour chaque programme, chaque administration publique
(fédérale et provinciale) et chaque année de l’horizon, il compare ce que coûterait le programme
s’il absorbait la même part du PIB qu’en 2009 et ce qu’il en coûterait en fait s’il respectait le
niveau de services implicitement ou explicitement promis par l’administration en 2009, mais en
se conformant à l’évolution démographique prévue. Enfin, en actualisant la somme de ces
différences annuelles de coûts de 2009 à 2059, il détermine si les changements démographiques
vont rendre les programmes plus (ou moins) onéreux, constituant donc un passif (ou actif)
implicite engendré par l’évolution démographique. Une valeur actualisée négative, comme dans
le cas des dépenses provinciales de santé, signifie que les changements démographiques vont
rendre le programme plus onéreux; une valeur actualisée positive, comme dans le cas des
dépenses provinciales d’éducation, veut dire au contraire que le programme va coûter moins cher
par suite des changements démographiques. Actualisé sur 50 ans, le passif implicite découlant
des changements démographiques équivaudrait à 224 % du PIB pour le Québec,
comparativement à 181 % du PIB pour l’ensemble des provinces et territoires, alors que le
gouvernement fédéral serait en bien meilleure posture, ayant, de son côté, un actif implicite
estimé à 9 % du PIB.
De son côté, Lefebvre du Conference Board du Canada a rendu publique une étude des effets du
vieillissement de la population sur les finances publiques du Québec en présentant des prévisions
relatives aux équilibres financiers du Québec sur l’horizon 2010-203110. Les dépenses sont
projetées à partir d’un modèle dont le point de départ est la tendance des coûts réels par
personne. Ensuite, l’inflation, la croissance démographique et le changement dans la structure
des âges sont intégrés. Leurs résultats montrent que si les taux de taxation et les tendances
historiques des dépenses réelles de programme par habitant restent les mêmes, le gouvernement
enregistrerait un déficit représentant 7,6 % du PIB à la fin de 2030-2031. Dans leur modèle, les
9 W.B.P. Robson (2010) « The glacier grinds closer: how demographics will change Canada’s fiscal landscape », E-brief no 106. Toronto, C.D. Howe Institute.
10 Mario Lefebvre (2010) Les finances publiques du Québec : l’heure des choix a sonné, Conference Board du Canada, novembre.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 9
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
dépenses croissent plus rapidement que les revenus (5,1 % versus 4,0 %), surtout à cause des
dépenses de santé qui ont un rythme de croissance annuel moyen de 5,9 %.
Pour le Québec, l’ouvrage Oser choisir maintenant que nous avons publié en 2007 appréhendait
une impasse budgétaire annuelle augmentant progressivement pour atteindre 2,7 % du PIB en
2031 et 4,5 % du PIB en 2051. Les travaux de Robson (2010) et du Conference Board (2010) ont
également traité de la soutenabilité budgétaire au Québec.
3.2. La notion d’équité intergénérationnelle
Un déficit budgétaire représente une addition à la dette publique sur laquelle il faut payer des
intérêts chaque année à l’avenir. C’est pourquoi la dette soulève immédiatement la question de
l’équité entre les générations. Sommes-nous en train de faire des déficits sur le dos des
générations futures? Les déficits servent-ils à financer des dépenses courantes dont nous sommes
les seuls bénéficiaires, mais dont le coût sera assumé par les générations futures? Naturellement,
l’attention se porte ici entièrement sur l’information qui est transmise chaque année dans les
documents budgétaires.
C’est Kotlikoff11 et Auerbach, Kotlikoff et Leibfritz12 qui ont contribué le plus à promouvoir
l’idée que l’information budgétaire courante est partielle et que de nouveaux outils sont
nécessaires pour traiter de la question de l’équité entre générations. Ils soutiennent que la
question qu’on doit se poser en tant que société est : « Est-ce que notre façon de faire actuelle va
entraîner une hausse démesurée du fardeau fiscal des générations futures? » Ils considèrent que
la façon de faire d’un gouvernement à un moment donné constitue un engagement implicite de sa
part à continuer à offrir les services publics dans les années à venir et qu’il doit s’assurer que les
générations futures aient les moyens de ces ambitions, quels que soient les changements
démographiques pouvant survenir dans l’intervalle.
11 Laurence J. Kotlikoff (1993) « Generational Accounting: Knowing Who Pays, and When, for What We Spend » Journal of Economic Literature, vol. 31, no 1, mars, p. 257-259.
12 Alan J. Auerbach, Laurence J. Kotlikoff et Willi Leibfritz (1999) Generational Accounting around the World, NBER, University of Chicago Press.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 10
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
L’outil développé par Auerbach, Kotlikoff et leurs collègues s’appelle la comptabilité
intergénérationnelle. Cette technique permet une analyse budgétaire de long terme en comparant
le fardeau fiscal des générations passées, présentes et futures afin de déterminer si la façon de
faire actuelle du gouvernement est budgétairement soutenable. Plus précisément, on calcule la
valeur présente des impôts qu’un contribuable moyen de chacune des générations devra
débourser, de laquelle on déduit les transferts auxquels il aura droit, afin de déterminer son
fardeau fiscal net. Si un tel outil permet de donner un portrait de la situation à un moment précis,
il s’avère aussi une façon d’évaluer les répercussions d’un changement de politique sur l’équité
entre les générations. Cette vision des choses est dans la droite ligne du concept de
développement durable, puisque l’objectif poursuivi est d’assurer le bien-être des générations
d’aujourd’hui sans compromettre celui des générations de demain.
Au Canada, Oreopoulos et Vaillancourt13 ont eu recours à cette technique d’analyse pour
examiner les conséquences à long terme de diverses politiques financières du secteur public.
Leurs travaux ont porté sur l’ensemble des administrations publiques du pays. Plus précisément,
ils ont voulu voir comment différents scénarios financiers influaient sur le fardeau fiscal des
générations. À l’époque, tout juste après l’apparition d’excédents budgétaires à Ottawa, la façon
d’utiliser les surplus constituait un sujet de discussion très répandu. Les auteurs ont ainsi évalué
trois types de scénarios : l’accroissement des dépenses, la réduction des impôts et le
remboursement de la dette publique. Étudiant la période 1995-2050, Oreopoulos et Vaillancourt
ont conclu que, dans un scénario d’affectation des excédents au remboursement de la dette, la
politique budgétaire canadienne était soutenable. Le fardeau fiscal net (impôts moins avantages
reçus en pourcentage du revenu) des enfants nés en 1995 serait de 38 %, alors que la génération
née en 1940 (âgée de 55 ans en 1995) aurait versé 32 % de ses revenus en impôts nets. Les
scénarios axés sur l’augmentation des dépenses ou sur la réduction des impôts constituent, à
l’inverse, des voies qui ne respectent pas l’équité intergénérationnelle. Dans ces deux cas, le
fardeau fiscal net des enfants à naître atteindrait 55 %. Le constat de ces auteurs était frappant. Il
démontrait que le vieillissement démographique à venir représentait un défi de taille pour le
Canada et exigeait qu’on fasse une priorité du remboursement de la dette.
13 Philip Oreopoulos et François Vaillancourt (1998) « Taxes, Transfers, and Generations in Canada: Who gains and Who Loses from the Demographic Transition », Commentaire 107, Institut C.D. Howe, 24 p.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 11
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Joanis et Montmarquette14 ont abondé dans le même sens dans une étude portant sur la dette
publique du Québec. Selon ces auteurs, le gouvernement du Québec devrait se doter d’une
politique explicite sur la dette publique. Ils ont exprimé l’avis, que la croissance économique ne
suffira pas, à elle seule, à restaurer l’équité entre les générations et à permettre de faire face aux
pressions associées aux changements démographiques. Ils ont recommandé que le gouvernement
du Québec réalise un surplus budgétaire annuel de 1 milliard de dollars, par l’entremise d’une
réserve pour éventualité, et mette en place un fonds de stabilisation.
Mérette15 a, quant à lui, présenté une critique des thèses, qu’il juge « apocalyptiques », sur les
conséquences néfastes du vieillissement démographique. Il exprime l’avis que divers
mécanismes économiques et institutionnels vont grandement atténuer l’effet de ce choc sur
l’économie et les finances publiques. Selon lui, le facteur qui sera déterminant pour notre
capacité de nous adapter au vieillissement est le capital humain. En raréfiant le travail
relativement aux équipements de production, le vieillissement aura pour effet d’augmenter les
salaires (le prix du travail) relativement au coût de ces équipements. Les gens auront alors intérêt
à investir davantage dans le capital humain (éducation et formation), ce qui aura un effet
bénéfique sur la productivité des travailleurs. De plus, selon Mérette, la pénurie relative de
travailleurs fera augmenter le taux d’activité et atténuera ainsi les dégâts causés par la sortie
massive des baby-boomers. Enfin, l’auteur considère comme probables que la pénurie de main-
d’œuvre déclenche aussi un accroissement de l’immigration et que de grands changements
technologiques amélioreront encore la productivité. Pour lui, la baisse de la population en âge de
travailler sera accompagnée d’une augmentation concomitante et plus ou moins automatique de
l’immigration (ce qui réduira la baisse de la population en âge de travailler), de la productivité et
du taux d’emploi, de sorte que l’effet négatif sur le PIB réel en sera grandement atténué16. Enfin,
Mérette ajoute un élément : l’évolution des programmes d’impôts reportés attachés aux REER et
aux RPA. Jusqu’ici, les versements à ces régimes ont dépassé les retraits, occasionnant une
14 Marcelin Joanis et Claude Montmarquette (2004) « La dette publique : un défi prioritaire pour le Québec », IRPP, Choix, vol. 10, no 9, octobre.
15 Marcel Mérette (2002) « The Bright Side: A Positive View on the Economics of Aging », IRPP, Choix, vol. 8, no 1, mars.
16 L’optimisme de Mérette n’est pas partagé par Van Audenrode, dont le discours présidentiel à la Société canadienne de science économique (2002) contient une analyse du marché du travail québécois qui le porte à conclure que le PIB québécois va ralentir de façon marquée malgré ces facteurs compensatoires.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 12
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
dépense fiscale aux gouvernements. Mérette suppose qu’avec le vieillissement les retraits de ces
régimes finiront par dépasser les cotisations et deviendront une source de revenus nets pour les
gouvernements. Cette inversion aurait un effet positif sur les finances publiques et atténuerait
l’effet négatif de la baisse de l’activité économique sur les recettes fiscales. Toutefois, une telle
hypothèse est mise en question par des données récentes rapportées par Girard17. Ces données
laissent entrevoir que les versements des nouvelles générations tendent à s’accroître et que les
dépenses fiscales nettes du gouvernement du Québec ne diminueront que faiblement et
demeureront un coût net pour le gouvernement. Notre approche de l’estimation de cette dépense
fiscale va reposer sur les comportements par groupe d’âge en matière d’entrées et de sorties de
fonds pour estimer leur évolution future.
3.3. L’approche retenue
Il apparaît assez clairement que la transition démographique constitue un réel défi pour la
soutenabilité budgétaire. Dans un tel contexte, un exercice de projection budgétaire comme celui
que nous envisageons ne peut que contribuer aux réflexions nécessaires à la bonne santé des
finances publiques. D’autant que pour l’OCDE :
Les projections budgétaires permettent d'estimer les conséquences probables du maintien des dépenses actuelles en prenant en compte l'impact de l'évolution démographique et d'autres facteurs. Selon les Meilleures pratiques de l'OCDE en termes de transparence budgétaire, ces projections devraient porter sur 10 à 40 ans, et être réactualisées tous les 5 ans, ou lorsque des changements majeurs dans les politiques concernant les revenus ou les dépenses interviennent. De plus, toutes les hypothèses sous-jacentes aux projections devraient être explicitées, ainsi que l'éventail des différents scénarios plausibles18.
Notre définition de la soutenabilité budgétaire de long terme des finances publiques prend sa
source dans les travaux de Blanchard et coll. (1990). Il y a absence de soutenabilité budgétaire
lorsque la dette publique en proportion du PIB tend à augmenter dans le temps, pouvant mener
ultimement à des problèmes de financement sur les marchés. En vue de garantir la soutenabilité
budgétaire, la valeur actualisée des surplus budgétaires primaires doit être assez élevée pour
17 Stéphane Girard (2004) Impact du vieillissement démographique sur l’impôt prélevé sur les retraits des régimes privés de retraite, Document de travail présenté lors du 44e congrès annuel de la Société canadienne de science économique en mai.
18 OCDE (2010) Panorama des administrations publiques 2009, p. 92.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 13
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
empêcher une augmentation du niveau d’endettement. Autrement dit, les gouvernements
devraient s’assurer que le fardeau fiscal demeure constant dans le temps, c’est-à-dire qu’il ne soit
pas affecté par la structure fiscale, le changement démographique et la tendance économique au
cours de l’horizon analysé. Notre projection budgétaire respecte cette approche en fixant dans le
temps le poids des revenus fiscaux et de la dette en proportion du PIB.
La prochaine section présente en détail les hypothèses utilisées pour construire une projection
quantitative des variables économiques et budgétaires à long terme. L’année de départ de notre
projection est 2015, soit l’année prévue d’atteinte de l’équilibre budgétaire.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 14
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
4. L’approche méthodologique
Plusieurs hypothèses tant démographiques, économiques que budgétaires doivent être posées
pour projeter l’évolution des revenus et des dépenses du gouvernement du Québec.
4.1. Hypothèses démographiques
La projection de la population utilisée est celle publiée par l’Institut de la statistique du Québec
(ISQ)19. Les hypothèses à la base du scénario de référence de l’ISQ sont :
• un indice synthétique de fécondité (ISF) de 1,65 enfant en raison de la hausse soutenue de
la fécondité observée depuis 2006. L’ISF a atteint 1,74 en 2008 et 2009, mais l’ISQ juge
qu’à l’examen de la tendance moyenne des 30 dernières années, ce sont des résultats
d’exception;
• L’espérance de vie atteindrait 85,5 ans pour les hommes et 89,0 ans pour les femmes en
2051;
• Le solde migratoire net serait de 30 000 personnes à compter de 2015. Selon l’ISQ, cette
hypothèse est en lien avec le seuil minimal établi dans les objectifs du ministère de
l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC).
Le résultat de cette projection est le passage d’une population totale de 7,6 millions en 2006 à
9,2 millions en 2056.
Dans le scénario de référence de l’ISQ, le principal bassin des travailleurs potentiels, défini
comme la population des 15 à 64 ans, atteint un sommet en 2013.
19 ISQ (2009), Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056. L’ISQ devrait publier de nouvelles perspectives démographiques vers la fin de 2014. Selon l’évolution récente des variables clés affectant les projections de population, il est possible que le prochain scénario de base projette une population plus grande.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 15
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Un effet principal du vieillissement de la population provient de cette diminution du bassin des
travailleurs potentiels. Même si le vieillissement de la population se produit partout en Amérique
du Nord, le Québec subira une contraction de son bassin de travailleurs potentiels, mesuré par la
population âgée de 15 à 64 ans, ce qui ne sera pas le cas du reste du Canada ni des États-Unis
dans la période 2012-203020.
4.2. Hypothèses économiques
Les hypothèses économiques qui doivent être posées concernent la productivité, l’emploi et le
marché du travail.
La productivité
La productivité est le rapport entre la production et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir.
Il s’agira ici de la productivité du travail, donc de la production par heure travaillée.
De 1981 à 2012, la hausse de la productivité a contribué en moyenne pour la moitié de la
croissance économique.
Figure 3 : Croissance de la productivité du travail de 1981 à 2012
Source : Statistiques Canada, Tableaux CANSIM 384-0038 et 282-0028. Note : PIB (dollars enchaînés 2007) réel par heure travaillée.
20 Sources : ISQ (2009), Statistique Canada tableau CANSIM 52-0005 et U.S. Census Bureau.
-2 %
-1 %
0 %
1 %
2 %
3 %
4 %
5 %
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 16
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Une certaine accélération de la productivité est attendue dans les prochaines années. Celle-ci est
causée notamment par :
• Une atténuation ou la fin de la tendance à la baisse des heures travaillées moyennes, dans
un contexte de resserrement du marché du travail.
• Une meilleure utilisation des technologies.
• Un progrès rapide des technologies et de l’organisation du travail.
Alors que la figure 3 indique une croissance annuelle moyenne de la productivité de 1 %, notre
hypothèse est une croissance passant progressivement de 1 % à 1,25 % par an de 2015 à 2025 et
se stabilisant à ce rythme par la suite.
Le marché du travail
L’état du marché du travail est mesuré ici par les taux d’emploi des hommes et des femmes selon
le groupe d’âge. Le taux d’emploi de la population est généralement défini par le rapport entre
l’emploi de la population âgée de 15 ans et plus et le nombre de personnes âgées de 15 ans et
plus. La figure 4 illustre l’évolution de ce rapport pour les hommes, les femmes et l’ensemble de
la population. On y constate une tendance à la hausse du taux d’emploi des 15 ans et plus de
l’ensemble de la population depuis 1976 et une diminution de l’écart entre les taux des hommes
et des femmes (de 33 points de pourcentage en 1976 à un peu moins de 7 points en 2013). Cette
diminution de l’écart entre les deux sexes provient d’une hausse continue du taux d’emploi des
femmes et d’une tendance à la baisse de celui des hommes, baisse qui semble toutefois se
stabiliser.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 17
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 4 : Taux d’emploi de la population âgée de 15 ans et plus, 1976 à 2013, Québec (en pourcentage)
Source : Statistique Canada, Tableau 282-0002.
La figure 5 trace l’évolution des taux d’emploi de 1976 à 2013 pour cinq groupes d’âge : les
« étudiants » (15-24 ans), les « grands actifs » (25-54 ans), les « préretraités » (55-64 ans), les
« jeunes retraités » (65-69 ans), et les « retraités » (70 ans et plus) au cours de la même période.
Le taux d’emploi de la population âgée de 15 à 24 ans affiche une légère tendance à la hausse.
De plus, l’écart de taux entre les hommes et les femmes de ce groupe d’âge est faible et s’est
inversé en 2003, le taux d’emploi des femmes dépassant maintenant celui des hommes.
Les taux d’emploi de la population âgée de 25 à 54 ans sont les plus élevés. Les hommes de ce
groupe d’âge ont vu leur taux d’emploi suivre une légère tendance à la baisse jusqu’en 1993. Les
taux des femmes, eux, ont continuellement augmenté. Il s’ensuit que l’écart entre le taux des
hommes et celui des femmes a diminué de façon significative. Globalement, le taux d’emploi de
ce groupe d’âge connaît une hausse depuis 1976.
La population âgée de 55 à 64 ans a connu une baisse de son taux d’emploi jusqu’au début des
années 1990. Le taux des hommes a diminué tandis que celui des femmes a augmenté. L’écart
entre les deux s’est réduit.
Finalement, les taux d’emploi des 65-69 ans et des 70 ans et plus ont diminué de 1976 jusqu’au
milieu ou à la fin des années 1990. Les taux ont ensuite recommencé à croître pour dépasser, en
30354045505560657075
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
HommesTousFemmes
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 18
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
2013, les taux de 1976. L’écart de taux entre les hommes et les femmes a diminué pour le groupe
des 65-69 ans, mais de manière moins marquée que pour d’autres groupes d’âge. Pour le groupe
des 70 ans et plus, l’écart hommes-femmes a diminué jusqu’en 1990 pour augmenter ensuite.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 19
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 5 : Taux d’emploi, 1976 à 2013, Québec (en pourcentage)
Source : Statistique Canada, Tableau 282-0002.
010203040506070
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
15 à 24 ans
Hommes
Tous
Femmes
0
20
40
60
80
100
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
25 à 54 ans
HommesTousFemmes
01020304050607080
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
55 à 64 ans
HommesTousFemmes
0
5
10
15
20
2519
7619
7919
8219
8519
8819
9119
9419
9720
0020
0320
0620
0920
12
65 à 69 ans HommesTousFemmes
0
2
4
6
8
10
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
70 ans et plus
HommesTousFemmes
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 20
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
La hausse de la scolarisation et l’entrée des femmes sur le marché du travail ont haussé la
participation au marché du travail, comme le confirme l’analyse de l’évolution des taux d’emploi
par groupe d’âge et par sexe.
La hausse de scolarisation qu’a connue le Québec au cours des dernières décennies favorise
l’entrée et le maintien sur le marché du travail21. Aussi, la hausse de la participation des femmes
a réduit sensiblement les écarts de taux d’emploi entre les hommes et les femmes pour plusieurs
groupes d’âge. Finalement, une hausse de l’activité des travailleurs âgés de 55 à 64 ans s’est
produite, résultat d’une rareté de la main-d'œuvre appréhendée, d’une scolarisation accrue et
d’une espérance de vie plus grande. On s’attend à ce qu’elle se poursuive dans l’avenir.
Tous ces facteurs laissent présager une hausse des taux d’emploi spécifiques aux divers groupes,
qui permettrait d’atténuer l’effet à la baisse découlant du vieillissement, lequel produit un
déplacement de la population vers les groupes d’âge à taux d’emploi plus faible.
L’hypothèse retenue dans notre projection des taux d’emploi s’appuie en majeure partie sur
l’hypothèse du ministère des Finances du Québec. Ce dernier prévoit que, de 2008 à 2025, les
taux d’emploi par groupe d’âge vont croître de la façon suivante22 :
• de 76,5 % à 80,0 % pour les 15 à 54 ans;
• de 50,2 % à 61,6 % pour les 55 à 64 ans;
• de 6,8 % à 12,5 % pour les 65 ans et plus.
Notre hypothèse est la suivante :
• Le taux d’emploi des 70-74 ans étant égal au taux d’emploi de 70 ans et plus;
• Le taux d’emploi des 15 à 54 ans augmentera à 80,0 % en 2025 et restera stable ensuite;
• Le taux d’emploi des 55 à 64 ans augmentera à 61,6 % en 2025 et restera stable ensuite;
• Le taux d’emploi des 65 à 69 ans augmentera à 19,8 % en 2025 et restera stable ensuite;
• Le taux d’emploi des 70 à 74 ans augmentera à 8,1 % en 2025 et restera stable ensuite;
21 Québec, ministère des Finances (2010), « Les projections économiques du Québec 2010-2025 » dans Le Québec économique 2010, p. 17-41.
22 Idem, p. 33.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 21
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
• Le taux d’emploi des 75 ans et plus est égal à zéro.
La différence principale entre notre hypothèse et celle du ministère des Finances concerne les
taux d’emploi des groupes de 65 ans et plus. L’emploi dans cette population concerne surtout les
gens âgés de moins de 75 ans. La population des 75 ans et plus, elle, augmentera de façon
significative dans les décennies à venir. Elle représente 43 % de l’ensemble des ainés en 2013 et
atteindra 60 % en 2040. Compte tenu de l’importance grandissante des personnes de 75 ans et
plus, nous jugeons préférable de cibler une hypothèse de la hausse des taux d’emploi pour les
groupes de 65 à 74 ans et d’imposer un taux nul pour les 75 ans et plus. Cela permettra d’éviter
une surestimation du nombre d’emplois.
Notre hypothèse spécifique de hausse des taux d’emploi pour la population âgée de 65 à 74 ans
converge vers les taux d’emploi moyens de ces groupes d’âge atteints en 200723 dans les cinq
pays de l’OCDE qui ont les taux d’emploi des 15-64 ans les plus élevés.
L’inflation
En 1991, la Banque du Canada et le gouvernement du Canada ont adopté une cible officielle
pour le taux d’inflation. Depuis, la cible de maîtrise de l’inflation a été reconduite cinq fois, la
dernière en novembre 2011 pour une période de cinq ans se terminant à la fin de 2016.
Ce régime de ciblage de l’inflation a pour objectif de maintenir à moyen terme le taux
d’accroissement de l’IPC global à 2 %, soit au point médian d’une fourchette de court terme
allant de 1 à 3 %24. La cible de 2 % a été observée sans difficulté de 1995 à 2013, alors que le
taux d’inflation moyen de l’IPC a été de 1,9 % au Québec de 1995 à 2012.
Étant donné que rien ne permet d’anticiper des modifications à la politique de la Banque du
Canada, nous utilisons un taux d’inflation de 2 % pour toute la période. Dans notre projection,
23 2007 étant l’année avant la récession. 24 Banque du Canada, http://www.banqueducanada.ca/taux/indicateurs/sommaire-des-variables-cles-relatives-a-la-
politique-monetaire/sommaire-des-variables-cles-relatives-a-la-politique-monetaire-cible-de-maitrise-de-linflation/ .
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 22
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
nous faisons l’hypothèse que le taux d’inflation sera maintenu à 2 % pour l’ensemble de notre
période de projection.
4.3. Hypothèses budgétaires
Des hypothèses doivent être posées quant à l’évolution des revenus et des dépenses du
gouvernement du Québec.
Les revenus budgétaires
Les revenus projetés du gouvernement sont séparés en trois catégories : les revenus autonomes
hors régimes de retraite, les revenus des régimes de retraite et les transferts fédéraux.
Les revenus autonomes
Puisque le présent exercice consiste à évaluer la soutenabilité budgétaire de la façon de faire
actuelle du gouvernement du Québec, nous maintenons le fardeau fiscal provincial global
inchangé jusqu’en 2050.
Conséquemment, nous avons retenu l’hypothèse que les revenus autonomes resteront stables en
pourcentage du PIB sur l’horizon étudié, sans égard aux modes de taxation (sans doute
changeants) que choisira le gouvernement à l’intérieur de ce cadre global d’imposition. Cette
façon de faire est cohérente avec la soutenabilité budgétaire25. Elle signifie que le fardeau fiscal
provincial global de 2013 restera inchangé jusqu’en 2050.
Les régimes de retraite
Nous admettons une exception à cette règle de stabilité fiscale relativement au PIB dans nos
projections. Cette exception concerne les dispositions fiscales applicables aux régimes
enregistrés d’épargne-retraite (REER) et aux régimes de pension agréés (RPA), qui permettent
aux contribuables de reporter l’imposition des montants épargnés jusqu’au moment de leur
retrait.
25 Voir notamment Blanchard et coll. (1990).
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 23
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Deux éléments sont visés par ces dispositions : 1) les déductions fiscales qui sont offertes au
moment des cotisations et 2) les impôts qui sont prélevés lorsque les montants investis sont
retirés. Nous accordons un traitement séparé à la fiscalité de ces régimes de retraite.
La question des régimes de retraite est fréquemment soulevée dans les discussions portant sur le
vieillissement démographique. On entend souvent dire que le solde net des dispositions fiscales
applicables aux REER et aux RPA, qui est présentement négatif parce que les impôts économisés
sur les cotisations excèdent les impôts versés sur les retraits, sera beaucoup moins négatif ou se
transformera en solde positif dans quelques années lorsque les retraités domineront la scène
démographique. Certains vont jusqu’à affirmer que l’évolution de ce solde, que nous appellerons
l’imposition nette des régimes de retraite, améliorera le solde budgétaire global du gouvernement
au point de compenser pleinement la détérioration de sa situation financière engendrée par le
vieillissement.
C’est pour élucider cette question que nous lui accordons un traitement séparé. Pour estimer
l’évolution de l’imposition nette des régimes de retraite, nous commençons par calculer, à partir
des statistiques fiscales de l’année 2010, la proportion des cotisations totales aux REER et aux
RPA, de même que la proportion des retraits totaux de ces régimes, qui sont attribuables à
chaque groupe d’âge de la population26. Nous supposons que les cotisations et les retraits
effectués aux REER et aux RPA en 2010 sont représentatifs de leur interaction à long terme avec
la démographie.
Nous majorons ces données par groupe d’âge de 2010 d’un taux uniforme qui permet de rendre
la somme des cotisations et la somme des retraits égales, respectivement, aux cotisations totales
et aux retraits totaux de l’année 2012. À partir de cette année de base, nous faisons évoluer les
cotisations et les retraits par groupe d’âge en suivant la projection de la population de l’ISQ et en
appliquant de manière uniforme à chaque groupe d’âge le facteur d’augmentation annuel prévu
pour la productivité, majoré ensuite du facteur d’inflation constant de 2 %. En calculant la
somme annuelle des cotisations et des retraits de tous les groupes d’âge, on obtient alors une
26 Ministère des Finances et de l'Économie et Revenu Québec (2013), Statistiques fiscales des particuliers, année d’imposition 2010.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 24
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
projection pour les cotisations annuelles totales aux régimes de retraite et une autre pour les
retraits annuels totaux de ces régimes.
Nous tirons enfin des statistiques fiscales le taux d’imposition moyen applicable aux cotisations
et aux retraits. Il en résulte une estimation de l’imposition nette des régimes de retraite pour
chaque année de la projection. La figure 6 trace l’évolution prévue de ces variables. On observe
qu’en 2015 l’imposition nette est bien négative : les revenus fiscaux dont s’est privé le
gouvernement en raison des cotisations aux régimes de retraite – en d’autres mots, sa dépense
fiscale – excèdent de 422 millions de dollars les revenus fiscaux qu’il a tirés de l’imposition des
retraits de ces régimes. En 2050, au contraire, on voit que l’imposition nette prévue est positive
et atteint 3,6 milliards de dollars. Cette projection de l’imposition nette des régimes de retraite
est ajoutée à la projection des autres recettes fiscales pour obtenir la projection des recettes
fiscales totales sur la période 2015-2050.
Figure 6 : Dépense fiscale et revenus fiscaux dus aux REER et aux RPA, 2015-2050 (en milliards de dollars)
Note : Ne sont considérées ici que les entrées et les sorties de fonds à l’intérieur des REER et des RPA. Les
rendements générés à l’intérieur de ces régimes ne sont pas pris en compte.
Les transferts fédéraux
Les transferts fédéraux au Québec regroupent principalement les paiements de péréquation et les
transferts au titre de la santé et des programmes sociaux. Ils ont fait l’objet de nombreuses
modifications ces dernières années faisant ainsi fortement fluctuer leur importance financière.
02468
10121416
2015
2017
2019
2021
2023
2025
2027
2029
2031
2033
2035
2037
2039
2041
2043
2045
2047
2049
Revenus fiscaux
Dépenses fiscales
2015 : -0,4 G$
2050 : -+3,6 G$
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 25
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Il est donc difficile de savoir comment les transferts fédéraux vont évoluer à long terme. Dans les
dix dernières années, leur poids dans le PIB a oscillé entre 3,5 % et 5 %. Dans ce contexte
incertain, il nous a semblé que l’hypothèse la plus réservée consistait à supposer que les
transferts fédéraux resteront stables en pourcentage du PIB sur l’horizon étudié.
Figure 7 : Transferts fédéraux en pourcentage du PIB, Québec
Source : Ministère des Finances et de l’Économie du Québec (2012), Budget 2012-2013, Données historiques et
Budget 2013-2014, Plan budgétaire.
Pour 2015-2016, il est prévu que les transferts fédéraux totaliseront 16,3 milliards de dollars soit
l’équivalent de 4,28 % du PIB27. Notre projection maintient ce taux constant jusqu’en 2050.
Les dépenses gouvernementales
Les principales catégories de dépenses gouvernementales projetées sont celles qui sont les plus
sensibles au changement de la structure démographique. Des hypothèses sont donc posées quant
à l’évolution des catégories de dépenses suivantes :
• Santé,
• Éducation,
• Service de garde,
• Soutien aux enfants.
Finalement, des hypothèses doivent aussi être posées pour les deux catégories suivantes :
• Les autres dépenses,
• Le service de la dette.
27 Ministère des Finances et de l’Économie (2013), Le point sur la situation économique et financière du Québec, p. A62 et B25.
0%
2%
4%
6%
8%
10%19
8119
8319
8519
8719
8919
9119
9319
9519
9719
9920
0120
0320
0520
0720
0920
1120
13
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 26
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Les dépenses de santé
Avant même que le vieillissement de la population ne vienne ajouter à la demande de soins de
santé et de services sociaux, le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux constitue
déjà le principal poste budgétaire du gouvernement du Québec, comme c’est le cas pour toutes
les autres provinces. Dans le budget 2013-2014, les dépenses projetées de ce secteur atteignent
32,7 milliards de dollars28 (ou 9,1 % du PIB). Les hypothèses sur l’évolution des dépenses de
santé sont donc cruciales pour apprécier la tendance future des finances publiques du Québec. Il
est vrai que ce poste de dépenses n’inclut pas que les dépenses de santé proprement dites, mais
aussi celles pour les services sociaux. Par contre, c’est le montant global des dépenses de santé et
de services sociaux qui a crû à un rythme annuel moyen de 5,7 % de 1999 à 2012.
Figure 8 : Dépenses de santé en pourcentage du PIB, Québec
Source : Ministère des Finances et de l’Économie du Québec (2012), Budget 2013-2014, Plan budgétaire et
Comptes publics.
Les études ci-dessous traçant la projection des dépenses de santé ont toutes, tour à tour, indiqué
une augmentation de l’importance des dépenses de santé dans l’économie :
- Conférence Board du Canada (2002),
- Mario Albert (2006),
- Luc Godbout (2006),
- Godbout, Fortin, Arseneau et St-Cerny (2007),
- Groupe de travail sur le financement de la santé (2008),
- Mario Lefebvre (2010),
28 Idem, p. A50.
0%1%2%3%4%5%6%7%8%9%
10%
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 27
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
- Godbout, Fortin, Bouchard-St-Amant et St-Cerny (2009),
- Godbout, Fortin, Bouchard-St-Amant et St-Cerny (2012),
- Dao, Godbout et Fortin (2012),
- Clavet, Duclos, Fortin, Marchand et Michaud (2013),
- Robson (notamment 2010),
- Dungan et Murphy (notamment 2013).
À l’international, le constat est le même. Le FMI (2013) souligne que de 2013 à 2030, la
projection de l’augmentation des dépenses publiques de santé en proportion du PIB
augmenterait, selon la moyenne pondérée, de 2,8 points de pourcentage.
Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour projeter les dépenses de santé dans un contexte
de vieillissement de la population :
• Les dépenses de santé selon l’âge,
• Les dépenses associées à la dernière année de vie,
• Les changements dans la pratique médicale.
Le doublement du poids démographique de la population de 65 ans et plus dans les années à
venir va exercer une pression considérable sur les dépenses de santé du Québec.
Les dépenses publiques de santé par habitant que publie annuellement l’Institut canadien
d’information sur la santé (ICIS) pour 20 catégories d’âge (figure 9) révèlent d’abord une
dépense importante pour les bébés de moins d’un an, suivie d’une baisse pour les 1 à 4 ans. La
dépense se maintient par la suite entre 1 000 $ et 1 500 $ jusqu’à 39 ans. Puis elle augmente
progressivement avec l’âge, et très rapidement à partir de 65 ans. Elle atteint 5 175 $ chez les 65-
69 ans, 8 485 $ chez les 70-74 ans, 12 598 $ chez les 75-79 ans et 24 000 $ chez les 85 ans et
plus. En moyenne, les dépenses de santé s’élèvent autour de 1 900 $ pour les moins de 65 ans et
à 11 100 $ – soit presque six fois plus – pour les 65 ans et plus. On comprend immédiatement
que l’interaction entre une dépense de santé qui affiche une forte croissance selon l’âge et une
projection démographique qui envisage une forte augmentation du poids démographique des
personnes âgées soulève la question de la viabilité future du financement des dépenses de santé.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 28
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 9 : Dépenses de santé par habitant du gouvernement du Québec selon le groupe d’âge, 2010 (en dollars)
Source : ICIS (2012).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la hausse des coûts de la santé liée au vieillissement de la
population.
• L’augmentation de la demande de services à domicile et de soins de longue durée
associés à la perte d’autonomie découlant de :
o La hausse du nombre de personnes de 65 ans et plus,
o La hausse de la proportion de ce groupe d’âge qui devra avoir recours au soutien
public. Le nombre d’aidants naturels va en effet diminuer, puisque
les nouvelles générations d’aînés ont beaucoup moins d’enfants que les
anciennes générations, et
la proportion des 65 ans et plus qui sera âgée de plus de 85 ans va
fortement augmenter (elle passerait de 12,8 % en 2012 à 13,9 % en 2030
puis à 25,4 % en 2050).
• La demande de services médicaux et hospitaliers liée au vieillissement de la population
va augmenter considérablement. Jacques Piché, du ministère de la Santé et des Services
sociaux, a présenté un tableau montrant l’évolution de la demande projetée de services
médicaux en 2012 et 2020 par rapport à 200929. Alors que pour l’ensemble des
29 Jacques Piché, ministère de la Santé et des Services sociaux, L’impact des changements démographiques sur la demande des services médicaux de 2009 à 2020 au Québec.
6 17
2 1
169
1 13
1 96
7 1
151
1 44
0 1
569
1 42
8 1
692
1 85
5 1
960
2 42
3 3
057
3 52
1 5
175 8 48
5 12 5
98
14 9
19
25 0
37
23 2
66
<1 1-4
5-9
10-1
415
-19
20-2
425
-29
30-3
435
-39
40-4
445
-49
50-5
455
-59
60-6
465
-69
70-7
475
-79
80-8
485
-89
90+
Total : 3 323
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 29
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
spécialités la demande va croître en moyenne de 8,1 % entre 2015 et 2020, ce sont les
demandes en gériatrie (+20,3 %) et en ophtalmologie (14,8 %) qui vont croître le plus
tandis que ce sont les demandes en pédiatrie (+1,3 %), en génétique médicale (-0,2 %) et
en obstétrique-gynécologie (-0,5 %) qui vont exercer le moins de pression sur la
croissance des coûts.
• Le vieillissement de la population va entraîner une accélération de la consommation de
médicaments, étant donné que cette consommation croît avec l’âge. Cette accélération se
traduira par une hausse importante des coûts du régime public d’assurance médicaments,
laquelle se superposera à la forte augmentation de cette catégorie de dépenses de santé
observée au cours des 25 dernières années. Le tableau 2 montre en effet que les dépenses
publiques en médicaments ont augmenté plus rapidement que la majorité des autres
dépenses de santé de 1980 à 2010. Le taux de croissance annuel moyen a été de 10,8 %
pour les dépenses en médicaments, comparativement à 6,2 % pour l’ensemble des
dépenses : le lancement du régime public en 1996 ayant fait une grande différence.
Tableau 2 : Dépenses de santé par affectation de fonds entre 1980 et 2010, Québec (taux annuel moyen de croissance)
Affectation Taux de croissance annuel moyen Immobilisations 13,9 Médicaments 10,8 Autres dépenses de santé 10,5 Autres établissements 9,3 Santé publique 7,3 Médecins 6,3 Administration 5,3 Hôpitaux 5,2 Autres professionnels 2,6 Total 6,2
Source : ICIS (2012).
Certains avancent qu’il n’y aura pas de forte hausse des coûts de la santé liée au vieillissement de
la population puisque les aînés seront en meilleure santé. Mais qu’ils soient en meilleure ou en
moins bonne santé, les aînés vont coûter plus cher, principalement parce qu’ils seront beaucoup
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 30
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
plus nombreux et plus vieux (le poids des 85 ans et plus dans le total des 65 ans et plus
augmente).
Au-delà de l’effet propre du vieillissement, les analystes prévoient que d’autres facteurs sont
susceptibles d’entraîner une accélération des dépenses de santé pour tous les groupes d’âge dans
les années à venir : les progrès technologiques dans le domaine médical, les coûts des produits
pharmaceutiques, la rémunération du personnel de la santé et les attentes du public.
Le tableau 3 montre l’évolution du taux de croissance annuel moyen des dépenses de santé en
dollars constants par périodes de cinq ans de 1975 à 2010. Ce taux de croissance a beaucoup
fluctué de cinq ans en cinq ans. En d’autres mots, avant même que le vieillissement de la
population frappe le secteur de la santé, il s’est avéré très difficile pour le gouvernement du
Québec de contenir de façon durable l’élan des dépenses de ce secteur. Cela signifie qu’il y a
danger que l’impasse budgétaire du gouvernement du Québec soit d’ampleur croissante avec le
temps et que la capacité d’intervention de l’État dans les autres secteurs soit de plus en plus
limitée.
Tableau 3 : Taux de croissance annuel moyen des dépenses de santé du Québec en dollars constants, 1975-2010 (en pourcentage)
Périodes Taux de croissance annuel moyen De 1975 à 1980 1,1 De 1980 à 1985 3,4 De 1985 à 1990 1,8 De 1990 à 1995 1,0 De 1995 à 2000 2,4 De 2000 à 2005 3,6 De 2005 à 2010 3,3
Source : ICIS (2012).
Toutes ces considérations montrent l’importance d’une projection réaliste des dépenses de santé
sur un horizon de long terme. Pour ce faire, deux approches principales peuvent être utilisées :
• La méthode « traditionnelle », basée sur la croissance proportionnelle uniforme des
dépenses de santé par âge et sexe;
• Une méthode « améliorée », basée sur la prise en compte des dépenses de fin de vie.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 31
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
La méthode traditionnelle consiste à supposer que, pour les vingt catégories d’âge et les deux
sexes, les montants de dépenses publiques en santé par habitant sont maintenus inchangés à leur
niveau de début de période de projection. L’évolution de la dépense totale provient alors des
changements démographiques. À cela est greffé un facteur de croissance proportionnelle
uniforme qui reflète l’inflation et la croissance de certaines dépenses réelles de santé
(introduction de nouvelles technologies et de nouveaux médicaments, utilisation croissante des
services, amélioration des conditions de travail du personnel médical et hospitalier).
La méthode améliorée modifie la méthode traditionnelle en tenant compte de l’interaction entre
les dépenses de fin de vie et la baisse du taux de mortalité. La baisse du taux de mortalité –
l’amélioration de l’espérance de vie – dans une cohorte d’âges aura nécessairement comme
conséquence de faire diminuer la dépense de santé par habitant de la cohorte. Ce lien est en
partie expliqué par l’importance des dépenses de santé de fin de vie, puisque la probabilité d’être
dans sa dernière année de vie augmente à mesure que l’âge avance. Dans un contexte où le taux
de mortalité va continuer à diminuer et à affecter tout particulièrement les âges plus avancés, il
faut s’attendre à ce qu’une projection qui fait l’hypothèse que la structure par âge et par sexe des
dépenses par habitant ne diminue pas dans le temps surestime les dépenses futures de santé.
Dao, Godbout et Fortin (2012) ont développé un modèle théorique permettant de décomposer les
dépenses de santé pour tenir compte des dépenses de la dernière année de vie et, suivant ce
modèle, ont estimé statistiquement la projection des dépenses de santé. Leur constat est que les
dépenses de santé de fin de vie doivent être prises en compte dans une projection des dépenses
de santé parce qu’elle atténue l’impact du vieillissement de la population sur la projection des
dépenses de santé d’une façon, qui sans être majeure, est néanmoins significative. Dans leur
étude, l’écart des dépenses de santé entre les deux méthodes est de 7 % en 2036 et de 10 % en
205630.
La projection des dépenses de santé effectuée dans la présente étude utilise la méthode améliorée
développée par Dao, Godbout et Fortin (2012). Cette méthode distingue le coût par habitant pour
la dernière année de vie et le coût par habitant pour les autres années. Nous fixons également le
30 Dao, Godbout, Fortin (2012), p. 190.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 32
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
facteur de croissance des coûts hors inflation (technologiques et autres) à 1,7 %. Il s’agit d’une
estimation « raisonnable » tenant en compte qu’entre 2002 et 2009 les dépenses réelles de santé à
démographie constante ont connu une croissance annuelle moyenne de 1,9 %. Cette période a été
marquée par une évolution particulièrement rapide des services de santé au Québec.
Les dépenses en éducation
Selon le scénario de référence de l’ISQ, le vieillissement de la population va s’accompagner
d’une baisse du poids des enfants et des jeunes adultes dans la population totale du Québec.
Cette évolution prévue permettra des économies budgétaires dans les domaines de l’éducation et
des services de garde. Pour commencer avec l’éducation, il faut d’abord noter que les dépenses
du gouvernement dans ce secteur sont importantes. Dans le budget de 2013-2014, elles se sont
chiffrées à 16,5 milliards de dollars, soit 24,5 % des dépenses de programme31.
Il faut distinguer ici les dépenses pour l’éducation primaire et secondaire et les dépenses pour
l’éducation postsecondaire. Grosso modo, ces deux ensembles visent respectivement le groupe
des 5 à 16 ans et le groupe des 17 à 24 ans. Pour chacun des deux groupes, nous postulons une
croissance des dépenses par élève hors inflation égale à la croissance de la productivité. Nous
appliquons ensuite cumulativement l’évolution démographique prévue et le facteur général
d’inflation de 2 % à cette dépense par enfant de 5 à 16 ans et par personne de 17 à 24 ans afin
d’engendrer notre projection jusqu’en 2056.
31 Ministère des Finances et de l’Économie du Québec (2012), Budget 2013-2014, Plan budgétaire, p. A23.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 33
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 10 : Dépenses en éducation en pourcentage du PIB, Québec
Sources : Ministère des Finances et de l’Économie du Québec (2012), Budget 2013-2014, Plan budgétaire et
Comptes publics.
Les services de garde
Les dépenses en service de garde varient en fonction de la population âgée de 0 à 4 ans. Dans ce
cas, il est prévu que la population âgée de 0 à 4 ans va décroître légèrement jusqu’en 2034 pour
recommencer à croître ensuite. Les services de garde à contribution réduite sont apparus en 1997
et ont connu une croissance importante dans les années qui ont suivi. Les dépenses pour ce
secteur atteignent maintenant autour de 0,7 % du PIB.
Figure 11 : Dépenses pour service de garde en pourcentage du PIB, Québec
Source : Conseil du Trésor du Québec, Budget des dépenses, diverses années.
Selon le budget des dépenses du Québec, les crédits alloués aux services de garde atteindraient
2,3 milliards de dollars en 2013-2014. Après avoir divisé ces crédits gouvernementaux32 par la
population de 0 à 4 ans pour obtenir la dépense en services de garde par enfant d’âge préscolaire,
nous faisons croître le résultat au même taux que la productivité. Nous appliquons ensuite
32 Québec, Conseil du Trésor (2012) Budget des dépenses 2013-2014, Crédits des ministères et organismes, p. 117.
0%1%2%3%4%5%6%7%8%
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
0,0 %
0,2 %
0,4 %
0,6 %
0,8 %
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 34
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
cumulativement l’évolution démographique prévue et le facteur général d’inflation de 2 % à
cette dépense par enfant afin d’engendrer notre projection jusqu’en 205033.
Le soutien aux enfants
Avec l’équivalent d’une dépense de 2,1 milliards de dollars en 201334, le soutien aux enfants est
une autre dépense qui est sensible à la démographie, dans ce cas à la population de 0 à 17 ans.
Chaque année, les montants de soutien aux enfants sont ajustés selon un taux d’indexation prévu
au régime d’imposition35. Ainsi, la dépense pour le soutien aux enfants est projetée en appliquant
à la dépense par enfant âgé de 0 à 17 ans de 2013 l’évolution démographique prévue et le facteur
d’inflation de 2 %.
Les autres dépenses
En sus des dépenses pour la santé, l’éducation, les services de garde et le soutien aux enfants, le
gouvernement du Québec effectue d’autres dépenses de programme, au titre des affaires
municipales, de l’agriculture, de l’assistance-emploi, de la culture, du développement
économique, de l’environnement, de l’immigration, de la justice, des relations internationales,
des ressources naturelles, de la sécurité publique, du tourisme, des transports et du travail. Même
si une fraction beaucoup plus faible de ces dépenses va subir l’influence du vieillissement
démographique, elles fluctueront néanmoins dans le temps.
Une publication du Fonds monétaire international (FMI) préparée par D. Hauner (2005) porte sur
cet aspect particulier de la méthodologie des auteurs qui ont abordé la question du choc
démographique et des finances publiques dans les pays de l’OCDE. Hauner36 conteste
l’hypothèse, utilisée par la plupart des projections, voulant que les dépenses publiques non
reliées à l’âge croissent au même rythme que le PIB. Il rapporte qu’au cours de la période 1990-
2003, pour plus de la moitié des pays observés, les dépenses non reliées à l’âge ont en fait
33 Notre analyse ne tient compte que de la subvention pour les services de garde à contribution réduite. Elle n’inclut pas la tarification payée par les usagers.
34 Québec, ministère des Finances (2013) Dépenses fiscales Édition 2012, p. A.43. 35 Ministère des Finances et de l’Économie du Québec (2012) Paramètres du régime d’imposition des particuliers
pour l’année d’imposition 2013, p. 7. 36 David Huner (2005) Aging: Some Pleasant Fiscal Arithmetic, IMF Working paper, WP/05/71, avril.
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 35
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
augmenté moins vite que le PIB. Il importe de retenir cette critique. Elle ne veut pas dire que
l’hypothèse d’un rapport stable entre les dépenses non reliées à l’âge et le PIB ne convient pas,
mais qu’il est toujours important de la justifier dans chaque cas d’espèce. Hauner lui-même
convient que maintenir ces dépenses constantes en termes réels par habitant – plutôt qu’en
pourcentage du PIB – peut être faisable à court terme, mais que ça peut s’avérer politiquement
impossible à long terme.
Au Québec, depuis le retour à l’équilibre budgétaire en 1999-2000, les « autres dépenses » ont la
plupart du temps cru moins vite que le PIB (figure 12). Mesurées par habitant en valeur réelle
(figure 13), elles n’ont guère augmenté en tendance, mais ont affiché une certaine variabilité
annuelle.
Figure 12 : Autres dépenses en pourcen-tage du PIB, Québec
Figure 13 : Autres dépenses par habitant hors inflation, Québec
Source : Québec, comptes publics. Source : Québec, comptes publics.
Notre projection maintiendra la dépense réelle par habitant stable à son niveau prévu de 2015.
Le service de la dette
Le service de la dette devrait atteindre 8,8 milliards de dollars en 2015-2016, soit 2,2 % du PIB.
La figure 14 montre que ce ratio a crû du début des années 1980 jusque vers 1997 puis a
commencé à décroître jusqu’à atteindre 2 % du PIB.
0 %1 %2 %3 %4 %5 %6 %7 %8 %9 %
10 %
1981
-82
1983
-84
1985
-86
1987
-88
1989
-90
1991
-92
199
3-94
199
5-96
199
7-98
1999
-00
2001
-02
2003
-04
2005
-06
2007
-08
2009
-10
2011
-12
0
500
1 000
1 500
2 000
2 50019
81-8
219
83-8
419
85-8
619
87-8
819
89-9
019
91-9
2 1
993-
94 1
995-
96 1
997-
9819
99-0
020
01-0
220
03-0
420
05-0
620
07-0
820
09-1
020
11-1
2
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 36
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Figure 14 : Service de la dette en pourcentage du PIB, Québec
Source : Ministère des Finances du Québec, Budget 2012-2013, Données historiques.
Bien sûr, le service de la dette dépend de la dette. Or, à la fin de l’exercice 2015-2016, la dette du
gouvernement du Québec s’élèverait à 209,8 milliards de dollars ou 53,4 % du PIB37. Même si la
Loi sur l’équilibre budgétaire en vigueur depuis 1996 interdit au gouvernement d’encourir des
déficits budgétaires qui ajouteraient à la dette, la dette totale du gouvernement a néanmoins
augmenté depuis le retour de l’équilibre budgétaire en 1998. Les règles comptables du
gouvernement en vigueur depuis 1997-1998 lui permettent en effet de s’endetter pour acquérir
des éléments d’actif. En particulier, les dépenses d’immobilisation sont financées par emprunt.
Elles font donc augmenter la dette, même s’il s’agit d’opérations « extrabudgétaires ». Seuls
l’amortissement et les charges d’intérêt sur l’emprunt sont comptabilisés annuellement dans le
budget lui-même. En outre, le gouvernement du Québec contracte une dette annuelle parce qu’il
comptabilise dans ses revenus budgétaires la totalité des bénéfices réalisés par les sociétés d’État
(comme Hydro-Québec, Loto-Québec, etc.) et qu’il inscrit comme emprunt la portion de ces
bénéfices qu’il ne reçoit pas comme dividendes, mais choisit plutôt de laisser à la trésorerie de
ces entreprises. Ces deux éléments sont des facteurs qui expliquent que la dette brute augmente
même quand il y a équilibre budgétaire.
En 2009, le Québec connaissait sa première récession depuis la mise en œuvre de la Loi sur
l’équilibre budgétaire. Devant les déficits attendus, le gouvernement a suspendu temporairement
37 Ministère des Finances et de l’Économie du Québec (2013) Le point sur la situation économique et financière du Québec, p. D.3.
0,0%0,5%1,0%1,5%2,0%2,5%3,0%3,5%4,0%
1981
-82
1983
-84
1985
-86
1987
-88
1989
-90
1991
-92
1993
-94
1995
-96
1997
-98
1999
-00
2001
-02
2003
-04
2005
-06
2007
-08
2009
-10
2011
-12
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 37
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
la Loi et prévu un retour de son application de façon progressive jusqu’en 2013-14. Ainsi, les
déficits réalisés de 2009 à 2013 ont aussi fait croître la dette québécoise.
Le poids de la dette au Québec a diminué jusqu’à la récession de 2008-2009, alors qu’il
atteignait 50,1 % du PIB. Le ratio a crû ensuite jusqu’en 2012-2013 et il est prévu qu’il
recommencera à diminuer par la suite.
Figure 15 : Dette en pourcentage du PIB
Source : Ministère des Finances et de l’Économie du Québec, Plan budgétaire, Budget 2013-2014 p. I25 et D.4.
Adoptée en 2006, la Loi sur la réduction de la dette et instituant le fonds des générations a pour
but ultime de réduire la dette relativement au PIB afin de diminuer le transfert intergénérationnel
du fardeau de la dette. Le budget 2013-2014 confirme le maintien des objectifs de réduction de la
dette qui ont été inscrits dans la Loi pour l’année financière 2025-2026, lesquels stipulent que la
dette brute ne pourra excéder 45 % du PIB et que la dette représentant les déficits cumulés ne
pourra excéder 17 %.
Notre projection de l’évolution future découle de cette Loi. À partir d’un poids prévu de 53,4 %
du PIB en 201538, nous faisons progresser la dette pour que son ratio au PIB atteigne 45 % en
2025. Nous laissons ensuite ce ratio stable.
38 Ministère des Finances et de l’Économie (2013) Le point sur la situation économique et financière du Québec, p. B25 et D3.
25%30%35%40%45%50%55%60%65%
1997
-199
8
1998
-199
9
1999
-200
0
2000
-200
1
2001
-200
2
2002
-200
3
2003
-200
4
2004
-200
5
2005
-200
6
2006
-200
7
2007
-200
8
2008
-200
9
2009
-201
0
2010
-201
1
2011
-201
2
2012
-201
3
2013
-201
4
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 38
La soutenabilité budgétaire des finances publiques du gouvernement du Québec
Nous obtenons ensuite une projection du service de la dette jusqu’en 2050 en multipliant la dette
de chaque année par le taux d’intérêt applicable. Le taux d’intérêt utilisé évolue du taux moyen
prévu de 4,20 % en 201539 jusqu’à atteindre en 2025 le taux d’intérêt sur les obligations dix ans
du gouvernement fédéral, que les prévisionnistes de l’Université de Toronto40 ont établi à 5,1 %
sur le long terme et auquel il faut ajouter la prime habituelle de 0,5 % sur les obligations du
Québec. Nous maintenons ensuite ce taux stable jusqu’à la fin de la période de projection.
39 Service de la dette de 2015 divisé par la dette de 2015. 40 Peter Dungan et Steve Murphy (2013) Long Term Outlook for the Canadian Economy: National Projection
Through 2040, University of Toronto, PEAP Policy Study 2013-4, tableau 1b.
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4.4. Synthèse du scénario de base
Tableau 4 : Hypothèses du scénario de base
Données Hypothèses Population Scénario de référence l’ISQ Taux d’emploi et nombre de travailleurs
Atteindre en 2025 les taux d’emploi cible du MFEQ pour les 15-54 ans et les 55-64 ans Pour 65-69 et 70-74, taux d’emploi moyens de ces groupes d’âge atteints en 2007 dans les cinq pays de l’OCDE qui ont les taux d’emploi des 15-64 ans les plus élevés.
Productivité Croissance accélère de 1 % à 1,25 % par an entre 2015 et 2025 et reste fixée à 1,25 % par la suite
Inflation La cible de 2 % de la Banque du Canada Dépenses de santé et de services sociaux
Méthode améliorée de la dernière année de vie et croissance réelle par habitant hors inflation de 1,70 %
Éducation Croissance réelle par habitant pour 5-16 ans et 17-24 ans : au même taux que la productivité
Services de garde Croissance réelle par habitant du coût par enfant de 0-4 ans : au même taux que la productivité
Soutien aux enfants Montant moyen par enfant de 2013 croît au taux d’inflation Dette Dette de 55 % du PIB en 2013 baisse à 45 % en 2025. Fixée ensuite
à 45 %. Service de la dette 4,20 % en 2015 (service de la dette de 2015/dette de 2015) et atteint
taux 5,1 % + 0,5 % d’ici 2025, puis stable ensuite Autres dépenses Dépenses réelles par habitant stables à partir de 2015 Revenus autonomes hors régime de retraite
Stables en proportion du PIB à partir de 2015
Régimes de retraite Évolution des cotisations et des retraits par groupe d’âge en suivant la projection de la population de l’ISQ et en appliquant de manière uniforme à chaque groupe d’âge le facteur d’augmentation annuel prévu pour la productivité, majoré ensuite du facteur d’inflation constant de 2 %
Transferts fédéraux Stables en proportion du PIB à partir de 2015
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5. Les projections de la soutenabilité budgétaire
5.1. La croissance économique
La croissance économique peut être décomposée en quatre facteurs, tels qu’illustrés ci-après.
𝑃𝐼𝐵 𝑟é𝑒𝑙 =𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛
â𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒𝑟 × 𝑇𝑎𝑢𝑥 𝑑′𝑒𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖 × 𝐼𝑛𝑡𝑒𝑛𝑠𝑖𝑡é 𝑑𝑢 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙 × 𝑃𝑟𝑜𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑣𝑖𝑡é
soit
𝑃𝐼𝐵 𝑟é𝑒𝑙 =𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 15 à 74 𝑎𝑛𝑠
×𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖
𝑃𝑜𝑝. 𝑑𝑒 15 à 74 𝑎𝑛𝑠×𝐻𝑒𝑢𝑟𝑒𝑠 𝑡𝑟𝑎𝑣.𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖
×𝑃𝐼𝐵 𝑟é𝑒𝑙
𝐻𝑒𝑢𝑟𝑒𝑠 𝑡𝑟𝑎𝑣.
Ainsi, la croissance économique dépend de :
a. La croissance de la population : plus précisément, il s’agit de l’évolution du bassin
des travailleurs potentiels, défini ici comme étant la population des 15 à 74 ans;
b. L’emploi : le taux d’emploi total, défini ici comme l’emploi total en proportion de la
population des 15 à 74 ans;
c. L’intensité du travail : le nombre d’heures travaillées par personne employée;
d. La productivité : soit le PIB réel par heure travaillée.
De 1981 à 2012, le PIB réel au Québec a crû en moyenne de 2 % par année. Le tableau 5
décompose cette croissance selon les quatre facteurs présentés. Ainsi, de 1981 à 2012, la moitié
de la croissance économique a été possible grâce à la croissance de la productivité. L’autre
élément ayant contribué le plus (près du tiers) est la croissance de la population.
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Tableau 5 : Facteurs de croissance économique ou décomposition du PIB réel, 1981-2012, Québec
Selon les 15 à 74 ans Contribution en % Population 0,75 % 37 % Taux emploi 0,43 %
0,28 % 22% Durée du travail -0,16 % -8 % Productivité 0,98 % 49 % PIB réel 2,0 % 100 %
Sources : Statistique Canada, tableaux CANSIM 384-0037, 384-0036, 394-0002, 051-0001, 282-0002 et 282-0018.
Sur la base de la projection démographique de référence de l’ISQ et des hypothèses posées sur
l’emploi et la productivité, le tableau 6 compare la croissance économique moyenne projetée
pour deux périodes, 2015-2030 et 2030-2050, ainsi que la contribution de chacun des facteurs de
croissance économique à l’évolution observée pour la période 1981-2012.
Les résultats montrent une croissance anticipée moindre, surtout causé par la transition
démographique. La croissance économique provient alors essentiellement de la croissance de la
productivité.
Tableau 6 : Facteurs de croissance économique, selon les 15 à 74 ans
1981-2012 2015-2030 2030-2050 Population 0,8 0,1 -0,0 Taux emploi 0,4 0,1 0,1 Durée du travail -0,2 0,0 0,0 Productivité 1,0 1,2 1,2 PIB réel 2,0 1,4 1,3
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5.2. Solde budgétaire
5.2.1. Solde budgétaire à moyen terme
Le tableau 7 présente les résultats de l’ensemble des hypothèses du scénario de base pour le
budget du gouvernement du Québec sur l’horizon de moyen terme 2015-2030.
Un déficit apparaît et prend progressivement de l’ampleur pour atteindre 0,8 % du PIB en 2020,
1,5 % du PIB en 2025 et 2,7 % du PIB en 2030.
Tableau 7 : Projection des équilibres financiers du Québec, Scénario de base, 2015-2030 (millions de dollars)
2015 2020 2025 2030 Croissance
annuelle moyenne (%) 2015-2030
Recettes Revenus autonomes hors régimes de retraite 62 571 73 653 87 920 102 810 3,4 %
Impôts des régimes de retraite (422) 54 566 1 014 - Transferts fédéraux 16 816 19 794 23 629 27 631 3,4 %
Total des recettes 78 965 93 501 112 115 131 454 3,5 %
Dépenses
Santé 34 983 45 507 59 087 77 034 5,4 %
Éducation 17 490 20 326 24 425 29 443 3,5 %
Services de garde 2 474 2 911 3 403 3 845 3,0 %
Soutien aux enfants 2 205 2 533 2 872 3 119 2,3 %
Service de la dette 8 810 11 154 13 926 16 285 4,2 %
Autres dépenses 13 003 14 794 16 753 18 859 2,5 %
Total des dépenses 78 965 97 224 120 466 148 585 4,3 %
Solde budgétaire 0 (3 723) (8 351) (17 131)
Produit intérieur brut 393 290 462 950 552 630 646 220 3,4 %
Ratio solde/PIB 0,0 % -0,8 % -1,5 % -2,7 %
Note : L’annexe 1 décrit les sources de données et les calculs effectués pour les chiffres présentés pour l’année 2015.
Les postes de dépenses pour lesquelles une croissance supérieure à la croissance du PIB est
prévue sont les dépenses de santé, éducation et le service de la dette.
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Malgré une croissance du service de la dette supérieure aux PIB, le poids de ce dernier dans
l’ensemble des dépenses reste relativement stable en proportion de l’ensemble des dépenses
(11,2 % en 2015 versus 11,0 % en 2030). Il faut toutefois comprendre que le service de la dette
rapporté ici est le service de la dette primaire. Il est égal aux charges d’intérêts sur la dette
contractée pour acquérir des éléments d’actif (immobilisations, placements dans les sociétés
d’État, etc.) seulement. Cela exclut les intérêts à verser sur la dette qui s’accumulerait en raison
des déficits chroniques prévus si le scénario de base se matérialisait.
Le tableau confirme l’importance grandissante des dépenses de santé dans l’ensemble des
dépenses de programme, de 49,9 % en 2015 à 58,2 % en 2030. Leur croissance annuelle
moyenne durant cette période serait de 5,4 %. Toutefois, ce taux reste inférieur à la croissance
moyenne de 2000 à 2013 qui a été de 5,9 %.
5.2.2. Solde budgétaire à long terme
Le tableau 8 présente quant à lui les résultats de l’ensemble des hypothèses du scénario de base
pour le budget du gouvernement du Québec sur l’horizon de long terme 2015-2050. À la lumière
de ces résultats, nous constatons que le déficit continue de se creuser après 2030 pour atteindre
5,1 % du PIB en 2050.
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Tableau 8 : Projection des équilibres financiers du Québec, Scénario de base, 2013-2050 (millions de dollars)
2015 2050 Croissance
annuelle moyenne (%)
2015-2050
Recettes Revenus autonomes hors régimes de retraite 62 571 196 190 3,3%
Impôts des régimes de retraite (422) 3 608 - Transferts fédéraux 16 816 52 727 3,3% Total des recettes 78 965 252 526 3,4%
Dépenses Santé 34 983 188 520 4,9% Éducation 17 490 54 273 3,3% Services de garde 2 474 7 661 3,3% Soutien aux enfants 2 205 4 586 2,1% Service de la dette 8 810 31 076 3,7% Autres dépenses 3 003 29 141 2,3% Total des dépenses 78 965 315 257 4,0%
Solde budgétaire 0 (62 732) Produit intérieur brut 393 290 1 233 200 3,3% Ratio solde/PIB 0,0% -5,1%
La dette
Les résultats révèlent une série de déficits budgétaires croissants jusqu’à la fin de la période de
projection, atteignant 2,7 % du PIB en 2030 et 5,1 % du PIB en 2050. Rappelons que dans
l’analyse présentée jusqu’ici, ces déficits n’affectent pas le service de la dette. C’est comme si,
chaque année, le déficit disparaissait miraculeusement au lieu d’aller augmenter le poids de la
dette.
Quel serait l’effet sur la dette si le scénario de base se réalisait tel quel, sans alourdissement du
fardeau fiscal ni réduction dans les dépenses de programmes, comme si l’argent qui manquait
chaque année était emprunté et allait augmenter la dette totale du gouvernement?
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Soulignons que cette hypothèse ne peut être sérieusement envisagée. Elle conduirait le
gouvernement du Québec tout droit à la faillite, car les investisseurs exigeraient rapidement un
taux d’intérêt insoutenable. Au départ, les déficits budgétaires encourus le forceraient à abolir sa
Loi sur l’équilibre budgétaire. Pire encore, le ratio dette/PIB tendrait à s’accroître sans limites.
Le processus d’accumulation de la dette serait explosif et insoutenable. La dette totale que le
gouvernement accumulerait n’inclurait pas seulement la dette primaire contractée pour acquérir
des éléments d’actif dont le poids, comme nous avons vu, diminue doucement en pourcentage du
PIB. Elle comprendrait également tous les déficits annuels, ainsi que les intérêts à verser sur cet
endettement supplémentaire.
Dans ce contexte, la dette totale qui est prévu être de 209,8 milliards de dollars au départ en
2015, exploserait à 429 milliards de dollars en 2030 et à 2 198 milliards de dollars en 2050. Dans
cette situation, le poids de la dette triplerait : il passerait de 53,4 % du PIB en 2015 à 178,3 % du
PIB en 2050.
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6. Analyse de sensibilité et scénarios alternatifs
6.1. Analyse de sensibilité
L’analyse de sensibilité mesure l’influence de diverses modifications des hypothèses
démographiques, économiques et budgétaires sur le ratio du solde budgétaire au PIB à moyen
terme (2030) et à plus long terme (2050).
6.1.1. Variables démographiques
Deux variables démographiques sont modifiées tour à tour pour mesurer leur effet sur le solde
budgétaire. Les résultats sont présentés au tableau 9.
La fécondité
Dans notre scénario de base, nous avons retenu l’indice synthétique de fécondité du scénario
démographique de référence de l’ISQ (scénario A), qui est de 1,65. L’effet à mesurer ici est celui
d’une fécondité plus importante à 1,85 (soit le scénario A’ de l’ISQ) et d’une fécondité plus
faible à 1,45 (scénario A – écart du scénario A’ et A).
Une fécondité plus élevée aurait un effet sur la population totale. L’utilisation d’un indice
synthétique de fécondité (ISF) de 1,85 enfant par femme, plutôt que 1,65, ferait passer la
population de 9,2 millions à 9,6 millions de personnes en 2050. D’ici 2030, cette fécondité
accrue augmenterait d’environ 10 000 par année le nombre de naissances, ce qui équivaudrait à
une hausse de 12 % par rapport au scénario avec un ISF de 1,65.
Éventuellement, l’effet se fera sentir par l’augmentation du bassin des travailleurs potentiels. La
figure 16 montre que l’utilisation d’un ISF de 1,85 enfant plutôt que de 1,65 enfant ferait
augmenter progressivement la population âgée de 15 à 64 ans à partir du milieu des années 2020.
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Ceci renverserait la baisse de ce groupe de la population projetée par le scénario de base pour la
fin de la période de projection.
Figure 16 : Effet d’une fécondité plus élevée et plus faible sur le bassin des travailleurs (milliers de personnes)
Source : ISQ (2009), calcul des auteurs.
Une fécondité plus grande n’a pas un effet positif immédiat sur les recettes gouvernementales.
Au contraire, initialement elle crée plutôt des pressions à la hausse sur les dépenses, aux postes
des services de garde d’enfants, du soutien aux enfants puis d’éducation. L’effet prend plus de
temps à se manifester du côté des revenus. Ainsi, la natalité plus élevée augmentera le déficit
budgétaire en proportion du PIB en 2030 (tableau 9). Inversement, une natalité moins importante
aurait comme effet de diminuer le déficit budgétaire en proportion du PIB en 2030. Dans les
deux cas, l’effet ne fait pas varier significativement le ratio en 2050.
Le solde migratoire
Dans notre scénario de base, le solde migratoire, issu du scénario démographique de référence de
l’ISQ, est fixé à un niveau de 30 000 personnes, atteint en 2015. Pour les hypothèses alternatives
testées ici, nous considérons deux possibilités : un solde migratoire plus élevé à 45 000
personnes, et un solde migratoire plus faible à 15 000 personnes41. La figure 17 présente l’effet
sur le bassin des travailleurs potentiels d’un solde migratoire de 45 000 ou de 15 000 personnes,
plutôt que de 30 000. L’effet du solde migratoire plus faible sur l’évolution du bassin des
travailleurs potentiels est important. Si le solde migratoire était 15 000 plutôt que de 30 000
41 Ces scénarios alternatifs sont bâtis à l’aide du scénario démographique F de l’ISQ (migration zéro).
4 0004 2004 4004 6004 8005 0005 2005 4005 6005 800
2012
2014
2016
2018
2020
2022
2024
2026
2028
2030
2032
2034
2036
2038
2040
2042
2044
2046
2048
2050
Scénario ISF 1,85Scénario de baseScénario ISF 1,45
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques© 48
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personnes par année, le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans baisserait à 4,9 millions en
2050 plutôt qu’atteindre 5,25 millions.
Figure 17 : Effet de la migration sur le bassin des travailleurs potentiels
Source : ISQ (2009).
La variation du solde migratoire ferait, tout comme une variation de l’ISF, varier la population
en âge de travailler. Le rôle de la migration est potentiellement significatif sur la soutenabilité
budgétaire, surtout en ce qui concerne l’activité économique et les revenus du gouvernement. Un
solde migratoire plus élevé que 30 000 par année fait diminuer le solde budgétaire projeté en
proportion du PIB (-2,3 % au lieu de -2,7 % en 2030 et -4,3 % au lieu de -5,1 % en 2050).
L’effet est inversé si le solde migratoire annuel est plus faible que 30 000 (tableau 9).
3 000
3 500
4 000
4 500
5 000
5 500
6 000
6 500
2012
2014
2016
2018
2020
2022
2024
2026
2028
2030
2032
2034
2036
2038
2040
2042
2044
2046
2048
2050
Solde migratoire 45 000
Scénario de base
Solde migratoire 15 000
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Tableau 9 : Hypothèses alternatives sur les variables démographiques
Variables Hypothèses Solde budgétaire sur PIB
(%) 2030 2050
Fécondité ISF = 1,65 (Scénario de base) ISF = 1,85 ISF = 1,45
-2,7 -3,0 -2,3
-5,1 -5,1 -5,1
Solde migratoire
30 000 (Scénario de base) 45 000 15 000
-2,7 -2,3 -3,0
-5,1 -4,3 -6,1
6.1.2. Variables économiques
Les hypothèses sur trois variables économiques sont maintenant modifiées pour estimer la
sensibilité du solde budgétaire en proportion du PIB.
Taux d’emploi
L’hypothèse alternative testée ici est celle où les taux d’emploi demeureraient inchangés à partir
de 2015. Sans croissance des taux d’emploi, le changement de la structure de la population ferait
en sorte que le nombre d’emplois diminuerait. Le tableau 10 indique que l’effet d’une
amélioration des taux d’emploi est important sur le plan de la soutenabilité budgétaire. Le déficit
en proportion du PIB, de 2,7 %, lorsque projeté par le scénario de base en 2030, augmenterait à
3,6 % s’il n’y avait aucune augmentation des taux d’emploi. L’effet en 2050 est aussi significatif.
Le ratio passerait de 5,1 % à 6,2 %.
Productivité
Le deuxième changement d’hypothèse économique envisagé concerne le taux de croissance de la
productivité.
Si la productivité continue à augmenter de 1 % par année plutôt que d’accélérer à 1,25 % d’ici
2025, le déficit passe de 2,7 % à 3,0 % du PIB en 2030. À l’inverse, si la productivité s’accélère
à 1,5 % par année en 2025, alors le déficit diminue à 2,3 % du PIB.
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Dette
Le troisième changement d’hypothèse concerne l’évolution de la dette. Alors que le scénario de
base fait diminuer la dette de 53,4 % du PIB en 2015 à 45 % en 2025 et la maintient à ce niveau
par la suite, le scénario alternatif envisagé ici continue à réduire le poids de la dette à 25 % du
PIB en 2050. Pour la soutenabilité, l’effet de ce changement agit via son impact sur le service de
la dette. Le scénario alternatif a évidemment peu d’effet sur le déficit en 2030, car l’hypothèse
sur le ratio dette-PIB reste la même jusqu’en 2025. Par contre, l’effet sur le déficit est significatif
à long terme, le ratio déficit-PIB diminuant à 4,2 % en 2050.
Tableau 10 : Hypothèses alternatives de variables économiques
Variables Hypothèses Solde budgétaire sur
PIB 2030 2050
Taux d’emploi
Amélioration (Scénario de base) Taux d’emploi inchangé
-2,7 -3,6
-5,1 -6,2
Productivité De 1 % à 1,25 % d’ici 2025, puis stable jusqu’en 2050 (Scénario de base) Stable à 1 % jusqu’en 2050 (moyenne historique) De 1 % à 1,50 % en 2025, puis stable jusqu’en 2050
-2,7
-3,0 -2,3
-5,1
-6,5 -3,8
Dette De 55 % du PIB à 45 % du PIB en 2025 et y reste ensuite (Scénario de base) La réduction du poids de la dette se poursuit jusqu’à 25 % en 2050
-2,7
-2,5
-5,1
-4,2
6.1.3. Variables budgétaires
Enfin, quatre tests de sensibilité sont effectués en faisant varier des hypothèses budgétaires.
Dépenses de santé
a) Non-prise en compte de la dernière année de vie
Dans le budget de l’État, les dépenses de santé représenteraient en 2015 49,9 % des dépenses de
programme. Or, selon notre scénario de base, cette proportion passera à près de 58,2 % en 2030
et à 66,3 % en 2050. Les hypothèses posées pour projeter leur évolution sont donc cruciales.
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Le choix effectué dans le scénario de base a consisté à décomposer les dépenses de santé en
dépenses « ordinaires » et en dépenses rattachées à la fin de la vie. L’hypothèse alternative ici est
de ne pas faire cette décomposition, mais de procéder selon une projection proportionnelle des
dépenses de santé basée sur les données par âge et par sexe les plus récentes.
Le résultat est une augmentation du déficit budgétaire en proportion du PIB. Ce dernier passe de
2,7 % à 3,2 % en 2030 et de 5,1 % à 6,4 % en 2050.
b) Croissance de la dépense réelle de santé par habitant abaissée à 1,5 % ou haussée à
1,9 %
Une autre hypothèse qui affecte l’évolution des dépenses de santé est la croissance des dépenses
de santé réelles par habitant, c’est-à-dire des coûts par habitant hors inflation et hors
vieillissement, qui dépendent des facteurs technologiques, des préférences, etc. Dans le scénario
de base, ce taux de croissance a été fixé à 1,7 %.
Nous calculons l’effet de deux hypothèses alternatives, soit une croissance inférieure, à 1,5 %, et
supérieure, à 1,9 %. Sans surprise, les effets sont significatifs. Ils amenuisent le déficit dans le
premier cas, et l’aggravent dans le second.
Autres dépenses
Comme expliquées plus haut, les deux hypothèses les plus courantes concernant la projection des
autres dépenses sont de laisser la dépense réelle par habitant stable dans le temps (notre choix
dans le scénario de base), ou encore de laisser le rapport au PIB stable dans le temps. Cette
dernière option est l’hypothèse alternative que nous évaluons.
Laisser les autres dépenses en proportion du PIB stables dans le temps fait croître les autres
dépenses au même rythme que le PIB, alors que notre scénario de base les fait croître à un taux
plus bas que le PIB. L’hypothèse alternative cause une augmentation du déficit en proportion du
PIB, qui passe de 2,7 % à 3,0 % en 2030 et de 5,1 % à 6,0 % en 2050.
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Optimisation des dépenses de programmes
Ce dernier scénario suppose qu’une optimisation des dépenses de programmes permettrait
d’offrir les mêmes biens et services publics avec moins de dépenses. Dans ce cas, nous illustrons
l’effet d’une croissance annuelle qui est 0,5 point de pourcentage moins élevé que ce que nous
projetons chaque année. L’effet est très significatif, faisant passer le déficit en proportion du PIB
de 2,7 % à 1,2 % en 2030 et de 5,1 % à 1,5 % en 2050.
Tableau 11 : Hypothèses alternatives de variables budgétaires
Variables Hypothèses Solde budgétaire sur
PIB 2030 2050
Santé 1 Prise en compte de la dernière année de vie (Scénario de base) Non-prise en compte de la dernière année de vie
-2,7
-3,2
-5,1
-6,4
Santé 2 Taux de croissance des dépenses réelles par habitant : 1,7 % (Scénario de base) 1,5 % 1,9 %
-2,7 -2,3 -3,0
-5,1 -4,1 -6,2
Autres dépenses
Autres dépenses réelles par habitant stables (Scénario de base) Autres dépenses stables en % du PIB
-2,7
-3,0
-5,1
-6,0 Optimisation des dépenses de programmes
Croissance annuelle moyenne projetée Croissance annuelle diminuée de 0,5 point de pourcentage
-2,7
-1,2
-5,1
-1,5
6.2. Scénarios alternatifs
Après la présentation des analyses particulières de sensibilité, l’objectif de la présente sous-
section est d’analyser deux scénarios alternatifs de nature plus générale :
• un scénario pessimiste qui est, pour certaines hypothèses, le statu quo, et pour d’autres,
une augmentation supérieure des coûts; et
• un scénario optimiste où les améliorations du scénario de base sont plus grandes et où les
coûts croissent moins rapidement.
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6.2.1. Scénario pessimiste
Le tableau 12 résume en parallèle les hypothèses du scénario de base et celles du scénario
pessimiste.
Les changements d’hypothèses nous ramènent dans certains cas au statu quo, et dans d’autres cas
à des taux d’augmentation des coûts plus importants.
• Statu quo : taux d’emploi par âge, croissance de la productivité, ratio dette-PIB;
• Taux d’augmentation de coûts plus élevé : hausse réelle par habitant des dépenses de
santé, services de garde, taux d’intérêt (service de la dette),
• Autre changements ayant pour effet d’augmenter le déficit : « autres dépenses » croissant
au même rythme que le PIB.
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Tableau 12 : Hypothèses du scénario de base et du scénario pessimiste
Données Hypothèse Scénario de BASE Scénario pessimiste Population Scénario de référence l’ISQ Même scénario de l’ISQ Taux d’emploi et nombre de travailleurs
Atteindre en 2025 les taux d’emploi cible du MFEQ pour les 15-54 ans et les 55-64 ans. Pour 65-69 et 70-74, taux d’emploi moyens de ces groupes d’âge atteints en 2007 dans les cinq pays de l’OCDE qui ont les taux d’emploi des 15-64 ans les plus élevés.
Aucune amélioration des taux d’emploi
Productivité Croissance progressive de 1 % à 1,25 % par an de 2013 à 2025 et stable à 1,25 % par la suite
Croissance de la productivité demeure à 1 %
Inflation La cible de 2 % de la Banque du Canada
Même hypothèse
Santé et de services sociaux
Méthode : dernière année de vie Croissance réelle par habitant : 1,70 %
Méthode : dernière année de vie Croissance réelle par habitant : 1,90 %
Éducation Croissance réelle par élève pour 5-16 ans et 17-24 ans : au même taux que la productivité
Croissance réelle par élève de 1,0 % pour 5-16 ans et de 2,2 % pour 17-24 ans (moyenne 1990-2009)
Services de garde Croissance réelle du coût par enfant de 0-4 ans : au même taux que la productivité
Croissance réelle par enfant : 1,8 % (moyenne 2004-2012)
Soutien aux enfants Montant par enfant de 2013 croît au taux d’inflation
Même hypothèse
Dette Dette de 55 % du PIB en 2013 à 45 % en 2025. Stable ensuite
Pas de diminution du ratio dette/PIB. Stable en proportion du PIB
Service de la dette Taux d’intérêt moyen sur la dette de 4,47 % en 2013 et atteint taux 5,1 % + 0,5 % d’ici 2025, puis stable ensuite
Taux d’intérêt moyen sur la dette de 4,47 % en 2013 et atteint taux 5,1 % + 1 % d’ici 2025, puis stable ensuite
Autres dépenses Dépenses réelles par habitant stables Dépenses stables en proportion du PIB Revenus autonomes hors régime de retraite
Stables en proportion du PIB Même hypothèse
Régimes de retraite Évolution des cotisations et des retraits par groupe d’âge en suivant la projection de la population de l’ISQ et en appliquant de manière uniforme à chaque groupe d’âge le facteur d’augmentation annuel prévu pour la productivité, majoré ensuite du facteur d’inflation constant de 2 %
Même hypothèse
Transferts fédéraux Stables en proportion du PIB Même hypothèse
Le tableau 13 présente la projection du budget du gouvernement du Québec à partir des
hypothèses du scénario pessimiste. L’effet est très important sur le déficit budgétaire en
proportion du PIB. Ce dernier se situerait alors à 5,7 % en 2030 au lieu de 2,7 % dans le scénario
de base, et à 11,3 % en 2050 au lieu de 5,1 %.
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Considérant la sensibilité observée à la sous-section précédente, ces résultats sont cohérents avec
les changements aux hypothèses qui causent une hausse généralisée de l’ensemble des dépenses
et une baisse des recettes à cause d’une croissance moindre du PIB due à des taux d’emploi qui
ne s’améliorent pas et à une croissance de la productivité moindre sur l’ensemble de la période.
Tableau 13 : Résultats de la projection du scénario pessimiste
6.2.2. Scénario optimiste
Dans le scénario optimiste, les améliorations du scénario de base sont plus grandes et les taux
d’augmentation de coûts non liés au vieillissement croissent moins rapidement. L’exemple
présenté peut servir à illustrer les améliorations requises en vue d’obtenir un équilibre budgétaire
en 205042.
• Améliorations plus importantes : population, taux d’emploi, productivité, ratio dette-PIB.
42 Rappelons encore une fois, lorsqu’il y a des déficits, ceux-ci ne viennent pas gonfler la dette primaire et donc augmenter le service de la dette.
2015 2020 2025 2030
Croissance annuelle
moyenne (%) 2015-2030
2050
Croissance annuelle
moyenne (%) 2015-2050
Recettes Revenus autonomes hors régimes de retraite
62 571 71 658 82 732 95 552 2,9% 173 530 3,0%
Impôts des régimes de retraite (422) 53 558 988 - 3 346 - Transferts fédéraux 16 816 19 258 22 234 25 680 2,9% 46 637 3,0% Total des recettes 78 965 90 969 105 525 122 220 3,0% 223 513 3,0%
Dépenses Santé 34 983 45 956 60 259 79 338 5,6% 201 940 5,1% Éducation 17 490 20 671 25 107 30 681 3,8% 59 480 3,6% Services de garde 2 474 2 980 3 544 4 114 3,4% 9 136 3,8% Soutien aux enfants 2 205 2 533 2 872 3 119 2,3% 4 586 2,1% Service de la dette 8 810 12 374 16 924 19 546 5,5% 35 498 4,1% Autres dépenses 13 003 14 891 17 193 19 857 2,9% 36 063 3,0%Total des dépenses 78 965 99 405 125 899 156 656 4,7% 346 703 4,3%
Solde budgétaire 0 (8 436) (20 375) (34 436) (123 189) Produit intérieur brut 393 290 450 410 520 020 600 600 2,9% 1 090 800 3,0%
Ratio solde/PIB 0,0% -1,9% -3,9% -5,7% -11,3%
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• Taux d’augmentation moindre des coûts non liés au vieillissement ou à l’inflation : santé,
éducation, services de garde, service de la dette.
Tableau 14 : Hypothèses du scénario de base et du scénario optimiste
Données Hypothèse Scénario de BASE Scénario optimiste Population Scénario de référence l’ISQ Scénario avec immigration nette de
45 000 personnes Taux d’emploi et nombre de travailleurs
Atteindre en 2025 les taux d’emploi cible du MFEQ pour les 15-54 ans et les 55-64 ans. Pour 65-69 et 70-74, taux d’emploi moyens de ces groupes d’âge atteints en 2007 dans les cinq pays de l’OCDE qui ont les taux d’emploi des 15-64 ans les plus élevés.
Convergence OCDE d’ici 2025, sur la base des meilleurs 5 pays pour le taux 15-64 ans (hommes et femmes ensemble). Viser le taux moyen des 5 pays par âge, plus hausse des taux d’emploi de 0,1 % par année pour tous les groupes d’âge SAUF 15-19 ans et 20-24 ans qui restent stables
Productivité Croissance progressive de 1 % à 1,25 % par an de 2013 à 2025 et stable à 1,25 % par la suite
Croissance progressive de 1 % à 1,5 % par an de 2013 à 2025 et fixe à 1,5 % par la suite
Inflation La cible de 2 % de la Banque du Canada
Même hypothèse
Dépenses de Santé et de services sociaux
Méthode : dernière année de vie Croissance réelle par habitant : 1,70 %
Même méthode. Croissance réelle par habitant : 1,50 %
Éducation Croissance réelle par élève pour 5-16 ans et 17-24 ans : au même taux que la productivité
Croissance réelle par élève de 1,0 % pour 5-16 ans et de 1,5 % pour 17-24 ans (productivité)
Services de garde Croissance réelle du coût par enfant de 0-4 ans : au même taux que la productivité
Croissance réelle par enfant : 0,8 % (moyenne 2001-2012)
Soutien aux enfants
Montant par enfant de 2013 croît au taux d’inflation
Même hypothèse
Dette Dette de 55 % du PIB en 2013 à 45 % en 2025. Stable ensuite
Dette de 55 % du PIB en 2013 à 45 % en 2025, puis réduction à 25 % d’ici 2050.
Service de la dette Taux d’intérêt moyen sur la dette de 4,47 % en 2013 et atteint 5,1 % + 0,5 % d’ici 2025, puis stable ensuite
Taux d’intérêt moyen sur la dette de 4,47 % en 2013 et atteint 5,1 % d’ici 2025 puis stable ensuite
Autres dépenses Dépenses réelles par habitant stables Même hypothèse Revenus autonomes hors régime de retraite
Stables en proportion du PIB Même hypothèse
Régimes de retraite
Évolution des cotisations et des retraits par groupe d’âge en suivant la projection de la population de l’ISQ et en appliquant de manière uniforme à chaque groupe d’âge le facteur d’augmentation annuel prévu pour la productivité, majoré ensuite du facteur d’inflation constant de 2 %
Même hypothèse
Transferts fédéraux
Stables en proportion du PIB Même hypothèse
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Les résultats des changements d’hypothèses font en sorte que les déficits budgétaires en
proportion du PIB sont pratiquement inexistants à moyen terme en 2030 alors qu’à long terme,
en 2050, l’équilibre budgétaire est atteint.
Tableau 15 : Résultats de la projection du scénario optimiste
2015 2020 2025 2030
Croissance annuelle
moyenne (%) 2015-2030
2050
Croissance annuelle
moyenne (%) 2015-2050
Recettes Revenus autonomes hors régimes de retraite
62 571 75 363 91 826 110 870 3,9% 241 390 3,9%
Impôts des régimes de retraite (422) 2 445 812 - 3 446 - Transferts fédéraux 16 816 20 254 24 678 29 797 3,9% 64 875 3,9% Total des recettes 78 965 95 619 116 949 141 478 4,0% 309 711 4,0%
Dépenses Santé 34 983 45 243 58 396 75 670 5,3% 182 680 4,8% Éducation 17 490 20 720 25 241 30 798 3,8% 59 025 3,5% Services de garde 2 474 2 892 3 320 3 720 2,8% 7 092 3,1% Soutien aux enfants 2 205 2 574 2 964 3 271 2,7% 5 040 2,4% Service de la dette 8 810 10 830 13 246 14 847 3,5% 22 341 2,7% Autres dépenses 13 003 14 945 17 101 19 454 2,7% 31 439 2,6%Total des dépenses 78 965 97 206 120 268 147 760 4,3% 307 617 4,0%
Solde budgétaire 0 (1 587) (3 319) (6 281) 2 094 Produit intérieur brut 393 290 473 700 577 200 696 910 3,9% 1 517 400 3,9%
Ratio solde/PIB 0,0% -0,3% -0,6% -0,9% 0,1%
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7. Conclusion
Le présent cahier de recherche ne doit pas être interprété comme une fatalité voulant que
l'apocalypse attende les finances publiques du Québec dans les prochaines décennies. Dans
20 ans, il y a fort à parier que notre projection principale ne se sera pas matérialisée. La raison
est simple, les décideurs politiques auront au fil des années pris des décisions, souvent difficiles,
afin d’équilibrer le budget de l’État québécois. Pourquoi faire un tel exercice alors? Pareille
analyse reste tout à fait pertinente pour illustrer les tendances lourdes de l’évolution des revenus
et des dépenses du Québec dans un contexte où la transition démographique créera des pressions
sur le financement des services publics alors qu’elle atténuera parallèlement la croissance
économique et les revenus de l’État.
En fait, l’objectif principal de notre analyse consiste à répondre à l’invitation pressante de
l’OCDE à procéder à une évaluation des perspectives budgétaires à long terme des
gouvernements afin de promouvoir la transparence budgétaire. Comme l’indique l’OCDE, la
soutenabilité budgétaire est un concept « qui intègre la solvabilité, la stabilité de la croissance
économique, la stabilité de la fiscalité et l’équité intergénérationnelle ». Dans cet esprit, la
projection développée permet de juger de la soutenabilité budgétaire des finances du
gouvernement du Québec aux horizons 2030 et 2050.
Pour ce faire, notre scénario de base porte une attention particulière aux changements qui vont
marquer la transition démographique du Québec, et qui sont conjugués avec des hypothèses
apparaissant les plus probables sur l’évolution de la productivité, de l’emploi, ainsi que des
revenus et des dépenses du gouvernement. Ce triple jeu d’hypothèses démographiques,
économiques et budgétaires conduit à une projection de la croissance économique et du solde
budgétaire gouvernemental pour la période allant de 2015 à 2050.
• Au plan démographique, notre scénario de base se conforme à la croissance de la
population projetée par l’ISQ selon les hypothèses suivantes : 1,65 enfant par femme,
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allongement de l’espérance de vie des hommes (85,5 ans en 2051) et des femmes (89 ans
en 2051) et immigration nette de 30 000 personnes par année.
• Au plan économique, il suppose une accélération soutenue de la productivité horaire du
travail (de 1 % par année en moyenne de 1981 à 2012 à 1,25 % d’ici à 2025) jumelée à
une hausse des taux d’emploi, notamment pour les groupes âgés de 55 ans à 69 ans.
• Au plan budgétaire, le fardeau fiscal est maintenu à son niveau actuel en accordant une
attention particulière aux tendances récemment observées dans les dépenses de
programme, en tenant compte de l’objectif de réduction de la dette fixé pour 2025-2026.
La croissance du PIB réel qui résulte de notre scénario de base est de 1,4 % par année de 2015 à
2030 et de 1,3 % de 2030 à 2050. Il s’agit d’une décélération marquée par rapport à la tendance
de 2 % observée de 1981 à 2012. L’équilibre budgétaire du gouvernement, qui est atteint au
départ de la projection en 2015, devient rapidement négatif. Il affiche un déficit annuel de 2,7 %
du PIB en 2030. Ainsi, notre analyse des changements démographiques et de leurs conséquences
pour l’économie et les finances publiques traduit une préoccupation fondamentale d’équité
intergénérationnelle. Sur la base de la soutenabilité budgétaire, il apparait injuste que les
changements démographiques qui surviendront dans les années à venir empêchent le
gouvernement du Québec d’offrir à coûts relativement comparables aux générations futures les
services publics dont bénéficient présentement les générations actuelles.
Dans l’état actuel des choses, la projection révèle que le gouvernement du Québec n’est pas en
mesure de garantir l’application de ce principe d’équité entre les générations. En ce sens, des
choix doivent être faits pour remédier à la situation et le plus tôt possible sera le mieux. En
l’absence de tels choix, le Québec connaitra un ralentissement économique prolongé et des
difficultés budgétaires persistantes.
L’analyse présente également un scénario empreint d’optimisme. Cependant, pour qu’il se
concrétise, le Québec devra réussir l’exploit colossal de conjuguer un ensemble d’hypothèses
optimistes pour que l’économie parvienne à maintenir sa croissance réelle au même rythme que
celui observé de 1981 à 2012; et au gouvernement, d’équilibrer ses comptes d’une année à
l’autre. Pour parvenir à la réalisation de ces hypothèses, il faudra que nos politiques publiques
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favorisent l’éducation, l’innovation des entreprises et offrent des infrastructures publiques en bon
état, et ce, pour permettre une accélération marquée de la productivité. Qui plus est, le nombre de
travailleurs devra être maximisé par une participation accrue au marché du travail des
immigrants en nombre suffisant et bien intégrés.
Il demeure assez improbable que le gouvernement parvienne à annuler complètement l’effet
financier de la transition démographique attendue. Dans l’éventualité où l’ensemble des
hypothèses optimistes ne se concrétiserait pas, le gouvernement se retrouverait devant des choix
tous plus difficiles les uns que les autres : soit de sabrer les budgets de certains ministères pour se
concentrer sur ses missions essentielles jusqu’à augmenter de manière démesurée le fardeau
fiscal des générations futures simplement pour maintenir les services publics actuellement
offerts.
Devant une telle situation, l’analyse de sensibilité apporte un éclairage sur les effets respectifs
d’une variation de l’une ou l’autre des hypothèses. Il ressort qu’enclencher un processus
d’optimisation des dépenses de programme permettant de continuer d’adapter l’offre à la
demande croissante associée à la transition démographique tout en réduisant d’un demi-point de
pourcentage la croissance annuelle aurait un impact important sur la soutenabilité budgétaire du
Québec.
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Bibliographie
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Annexe 1 : Sources et méthodologie pour les chiffres présentés pour 2015
Recettes 2015 Revenus autonomes hors régimes de retraite note 1 62 571 Régimes de retraite note 2 -422 Transferts fédéraux note 3 16 816 Total des recettes 78 965
Dépenses Santé note 4 34 983
Éducation note 5 17 490 Services de garde note 6 2 474
Soutien aux enfants note 7 2 205 Autres dépenses note 8 13 003 Total dépenses de programme note 9 70 155 Service de la dette note 10 8 810 Total des dépenses 78 965
Solde budgétaire 0
Produit intérieur brut note 11 393 290 Dette note 12 209 827 En % du PIB 53,4 %
Note 1 : Le montant de revenus autonomes hors régimes de retraite est la somme des éléments suivants : les
revenus autonomes tel que présentés à la page A.62 de Le point sur la situation économique et budgétaire du Québec (ci-après « Le point ») déposé par le ministère des Finances et de l’Économie + le montant du FINESS (Le point p. C.26), car nous le considérons dans les dépenses de santé + le soutien aux enfants car nous le considérons comme un poste de dépense + le montant consolidés des organismes autres que budgétaire (Le point p. A.62) + le montant de provision et l’écart à résorber (Le point p. A.62) et le montant calculé pour les Régimes de retraites car nous le considérons à part dans les recettes.
Note 2 : Notre calcul expliqué dans le document. Note 3 : Le point p. A.62. Note 4 : Le point ne distingue pas les différents postes de dépenses de programmes. Nous avons effectué
notre projection à partir de 2013. Le chiffre en 2015 est le résultat de cette projection en 2015 + le FINESS (Le point p. C.26).
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Note 5 : Le point ne distingue pas les différents postes de dépenses de programmes. Nous avons effectué notre projection à partir de 2013. Le chiffre en 2015 est le résultat de cette projection.
Note 6 : Projection à partir de 2013. Note 7 : Projection à partir de 2013. Note 8 : Les autres dépenses sont le résultat du total des dépenses de programmes dans Le point p. A.62 +
le soutien aux enfants + le FINESS MOINS les postes de dépenses considérés ici (santé, éducation, service de garde, soutien aux enfants).
Note 9 : Ce chiffre représente le total des dépenses de programmes dans Le point p. A.62 + le soutien aux enfants + le FINESS.
Note 10 : Le point p. A.62. Note 11 : Calculé à partir du PIB de 2012 avec la croissance projetée dans Le point p. B.25. Note 12 : Le point p. D.3.
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