cantique des créatures francesco dassisi. loué sois-tu, seigneur, dans toutes tes créatures,...

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Cantique des Créatures Francesco d’Assisi

Loué sois-tu, Seigneur, dans toutes tes créatures,

spécialement messire frère Soleil,par qui tu nous donnes le jour, la lumière ;

il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,

et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les Étoiles :dans le ciel tu les as formées,claires, précieuses et belles.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent,

et pour l’air et pour les nuages,pour l’azur calme et tous les temps :

par eux tu donnes soutien à toute créature.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Eau,qui est très utile et très humble,

précieuse et chaste.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu,par qui tu éclaires la nuit :

il est beau et joyeux, indomptable et fort.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terrequi nous porte et nous nourrit,

qui produit la diversité des fruits,avec les fleurs diaprées et les herbes.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Morte corporelle

à qui nul homme vivant ne peut échapper.

Si j’étais le feu Cecco Angiolieri

Si j’étais le feu, je brûlerais le monde,Si j’étais le vent, je le bouleverserais de

tempêtes,Si j’étais l’eau, je l’inonderais,Si j’étais Dieu, je l’anéantirais.

Si j’étais le Pape, alors je serai joyeux,Car je tourmenterais tous les chrétiens.

Si j’étais empereur, sais-tu ce que je ferais ?A tout je couperais ras la tête.

Si j’étais la Mort, je m’en irais chez mon père,

Si j’étais la vie, je ne resterais pas avec lui,Et je ferais de même avec ma mère.

Si j’étais Cecco, comme je fus et je suis, je prendrais pour moi les filles jeunes et

jolies,et je laisserais aux autres les veilles et

laides.

Tanto gentile Dante Alighieri

Tant est chaste le porte et gracieuxLorsque ma Dame en passant vous salue,Qu’il fige d’un trembler la langue émueEt fait à toutes gens baisser les yeux.

Bénigne au long murmure élogieuxElle s’en va d’humilité vêtue

Comme une créature descenduePour miracle montrer, du haut des cieux.

Il vient d’elle tel charme à qui la mireQue des yeux jusqu’au cœur l’extase court :

Qui ne l’éprouve ne saurait qu’en dire.

Et de sa lèvre il semble qu’alentoursS’exhale un doux esprit chargé d’amour

Qui va disant à notre âme : Soupire.

Guido i’vorrei Dante Alighieri

Guido, je voudrais que toi, et Lapo, et moisoyons tenus dans un enchantement

et mis dans une barque, et qu’à tout ventelle aille sur la mer à votre gré, au mien,

et donc que la fortune ou méchante saisonà nous ne fasse aucune traverse,

-mais que, vivant toujours d’un seul penchant,

de nous tenir ensemble croisse l’envie;

et que dame Vanna, et dame Lagia, comme celle sise au nombre trente,

soient mises auprès de nous par le doux enchanteur ;

que là, sans fin, parlions d’amouret là, chacune soit contente,

comme je crois nous serions devenus.

Onde limpide, fraîche et douce Francesco Petrarca

Onde limpide, fraîche et douceen qui ses membres beaux

plongea la seule qui me parait dame,gentil rain, dont lui plut

(en soupirant je m’en souviens)à son beau flanc de faire une colonne,

herbe et fleurs que sa robegracieuse recouvrit,

et son sein angélique,air sacré et serein

où Amour, par ses yeux, le cœur m’ouvrit,donnez ensemble audience

à mes dolentes ultimes paroles.

Roland furieux Ludovico Ariosto

Je chante les dames, les chevaliers, les armes, les amours, les courtoisies, les audacieuses entreprises qui furent au temps où les Maures passèrent la mer d’Afrique et firent tant de ravages en

France, suivant la colère et les juvéniles fureurs d’Agramant leur roi, qui s’était

vanté de venger la mort de Trojan sur le roi Charles, empereur romain.

Je dirai de Roland, par la même occasion, de choses qui n’ont jamais été dites en prose ni en rime ; comment, par amour, il devint furieux et fou, d’homme qui auparavant avait été tenu pour si sage. Je le dirai, si, par celle qui en a fait quasi autant de moi

en m’enlevant par moments le peu d’esprit que j’ai, il m’en est pourtant assez laissé

pour qu’il me suffise à achever tout ce que j’ai promis.

Au soir Ugo Foscolo

Peut-être parce que de la fatale paixTu es l’image, à moi tu viens si cher

Ô soir ! Soit quand te font joyeux cortègeLes nuages d’été et les zéphyrs sereins,Soit quand dans l’air chargé de neige tu

amènesÀ l’univers d’inquiètes et longues ténèbres,

Chaque fois invoqué tu descends, et les secrètes

Voies de mon cœur suavement parcours.

En pensée tu me fais sur les traces errerQui vont à l’éternel néant ; et cependant

s’enfuitCe temps cruel, et avec lui l’essaim

Des tourments qui comme moi le rongent ;En tant que je regarde ta quiétude, dortL’esprit guerrier qui dedans moi rugit.

CHANT NOCTURNED'UN BERGER ERRANT DE

L'ASIEGiacomo Leopardi

Que fais-tu, Lune, au ciel ? dis-le-moi, que fais-tu,Lune emplie de silence * ?Tu te lèves le soir et vas

Contemplant les déserts,puis te perds* .N’es-tu pas lasse encore

De courir les chemins éternels ?N'es-tu pas assouvie, peux-tu rêver toujours

'De revoir ces vallées ?Elles ressemblent à ta vie,

Les années du berger.

Il se lève aux premières blancheurs,Pousse au loin le troupeau par les champs,

Et voit troupeaux, sources, prairies,Puis las il se repose vers le soir;Il.n'est rien qu'il espère jamais,

Dis-moi, Lune, à quoi sertAu berger sa propre vie ?

Et votre vie à vous ? Dis-moi : où tendentMon errance éphémère,Ton parcours immortel ?

Vieillard fragile et blanc,Vêtu à peine, les pieds nus,

Le dos chargé d’un lourd fardeau,Par les monts, les vallées,

Dans les rochers coupants, le sable, les boissons,Sous le vent, la tempête, lorsque s’enflamme

L’heure et puis qu’elle se glace,Il court, halète et court,Passe torrents, marrais,

Tombe, et se relève, et plus en plus se presse,

sans poser sans repos,Ensanglanté, eurtri, iusqu'à venir

Là où sa routeEt sa longue fatigue le menaient :

Abîme horrible, immense,Où, tombant, il perd mémoire du Tout.

Lune sans tache, telleEst la vie du mortel.

L’homme naît à grand-mal;Pour lui, naître, c'est risquer de mourir.

Ce qu'il éprouve d'abord,C'est la peine et le tourment ; et dès son

premier jour,Et sa mère et son père

Se prennent à le consoler de sa naissance.Et puis comme il grandit,

L'un et l'autre le soutiennent, et toujours,Par des gestes et des mots,

S'efforcent de lui donner du cœur, De le réconforter d'être homme.

Plus douce charge,Les parents n'en ont pas envers leurs fils.

Mais pourquoi donner au iour,Pourquoi tenir en vie

Celui qu'il faut consoler d'elle ?Si la vie est malheur,

Pourquoi en porter la douleur ?Intacte Lune, telle

Est la vie des mortels.Mais tu n'es pas mortelle,

Et sans doute mes mots ne t'importent.

Et toi, solette, éternelle passante,Si pensive, peut-être comprends-tu

Ce qu'est ce vivreTerrestre, notre passion, notre soupir, ce

qu'estNotre mourir, cette ultime

Pâleur de I'apparence,Et de périr à la terre et de quitter

Les familières, les aimantes présences.Toi, certes, tu entends

Le sens des choses et vois le fruitDe I'aurore, du soir,

De I'aller infini et silencieux du tempsToi, c'est sûr, tu sais à quel amour

Rit le printemps,A qui plaît la chaleur, ce que poursuit

L'hiver avec ses glaces.Tu connais mille choses, tu en vois mille

Qui sont cachées au modeste berger.Souvent, quand je te vois

Rester muette ainsi sur la plaine déserteQui dans son cours lointain touche au ciel,

Ou bien, avec mes bêtes,Me suivre voyageant pas à pas,

Et quand au ciel je vois que brûlent les étoiles,Je dis, pensant en moi :

Mais pourquoi tant de flammes ?

Que fait I'air infini, l’infiniCiel profond * ? que veut dire I'immense

Solitude? et moi, qui suis-je ?Ainsi je parle en moi - et de cette demeure*

Superbe et sans mesure,Et du peuple sans nombre *,

Et de tant de labeurs, de mouvementsDes choses célestes e t des choses terrestres,

Qui roulent sans reposPour retourner toujours d'où elles sont venues,

Aucun but, aucun fruitJe ne puis deviner ; mais toi, c'est sûr,

Jeune fille immortelle, tu connais le Tout.Moi, je connais et je sens

Que des cercles éternels* ,Que de mon être fragile,

D'autres, peut-être, recevront quelque bienOu plaisir. Pour moi la vie est mal.

O mon troupeau qui reposes, ô bienheureuxQui ne sais pas, je crois, ta misère,

Quelle envie je te porte !Non seulement d'aller

Presque libre de peine,Car privations,angoisses et maux,

Tu les oublies aussitôt,Mais surtout de n'éprouver jamais I'ennui.

Quand tu reposes à l’ombre, sur les herbes,Tu es paisible et content ;

Et tu consumes ainsi Sans dégoût de longs jours de I'année.

Mais moi, quand je m'étends à I'ombre, sur les herbes,Un ennui vient m'encombrer

L'esprit, comme une pointe me brûle,Si bien que, reposant, je ne puis davantage

Trouver demeure ou paix.Pourtant de rien je n'ai désir,

Ni jusqu'ici de raison de pleurer.

Ce que tu aimes, le peu dont tu jouis,Je ne le sais ; mais tu es bienheureux,

Moi, je ne jouis guère,O mon troupeau, mais ce n'est pas ma seule plainte.

Si tu savais parler, je te dirais ;Dis-moi pourquoi, gisant

Au repos, sans contraintes, Tout animal s'apaise,

Quand moi, si je m'étends au calme, I'ennui me prend ?

Si i'avais I'aile peut-être Pour voler au-dessus des nuages,Et compter une à une les étoiles,

Ou pour errer comme I'orage de cime en cime,Je serais plus heureux, mon doux troupeau,

Plus heureux, blanche Lune.Ou peut-être, en contemplant

Le sort des autres, se fourvoie-t-elle, ma pensée : Peut-être en toute forme, dans tout être,

Dans le terrier ou le berceau,Jour funèbre est pour qui naît le jour natal.

Funere mersit acerbo Giosuè Carducci

O toi qui dors là-bas auprès de ton père sur la colline toscane fleurie, n’as-tu pas

entendu à l’instant, parmi les herbes du sépulcre, une douce voix plaintive?

C’est mon petit enfant qui frappe à ta porte isolée. Lui, en lequel tu revivais par le

grand nom vénéré, lui aussi fuit la vie qui te fut si amère.

Hélas ! non. Il jouait sur les vertes pelouses, et tandis que tout lui souriait, l’ombre l’enveloppa et le poussa sur vos rives désertes et froides.Oh ! accueille-le là-bas dans les sombres lieux, car vers le doux soleil il retourne la tête et appelle sa mère.

LE SOIR DU POÈTE Giovanni Pascoli

La journée a été pleine d'éclairs,mais maintenant vont venir les étoiles,

les muettes étoiles. Par les champss'élève le bref cra cra des grenouilles.Au feuillage frémissant des peuplierscourt comme une allégresse légère.

Que d'éclairs, de tonnerre tout le jour !Mais le soir, quelle paix !

Les étoiles sont en train d'écloredans le ciel si tendre et si vif.

Là-bas, près des grenouilles réjouies,sanglote monotone un petit ruisseau.

Et de tout ce farouche vacarme,de toute cette tempête sans fin,

il ne reste qu'un doux sanglotdans le soir tout mouillé.

Elle s'est achevée, l 'interminabletempête, dans un ruisseau qui chante.

Des éclairs crépitants il ne resteque des cirrus de pourpre et d'or.

Repose, ô douleur harassée!Le plue noir des nuages de la journée

le voilà qui se fait le plus rosedans le soir expirant.

Oh ! Ces envolées d 'hirondelles alentour!Oh ! Ce délire de cris dans I'air rasséréné

D’avoir jeûné tout ce jour de misère.quelle rallonge au turbulant souper !Et leur part, déjà menue, les petits

ne I'ont par eue tout entière aujourd’hui !Et moi donc... Oh ces envolées, ces cris,

dans mon soir transparent !

Ding... Dong... Et « Dors ! » me disent, « dors ! »

me chantent, « dors ! » me sussurent, « dors ! » me chuchotent, là-bas,

« dors  » des voix des ténèbres bleues…Des chansons, on dirait, pour des berceaux,

qui me font redevenir ce que j’étais…quand j'entendais ma mère… et puis plus

rien…dans le soir qui tombait.

IN MEMORIAMGuiseppe Ungaretti

Avait nomMohammed Scheab

Descendaitdes émirs nomades

s'est suicidéparce qu'avaitplus de Patrie

Aimait la Francechangea de nom

II fut Marcelmais pas Français

ne savait plusvivre

sous Ia tente des siensoù I'on écoute la cantilène

du coranen buvant un café

Et il ne savait pasdélivrer

la chansonde son abandon

Je I'ai accompagnéavec la patronne de I'hôtel

où nous habitions

à Parisau numéro 5 de la Rue des Carmesune ruelle en pente les murs fanés

II reposedans le cimetière d'Ivryun faubourg qui paraît

éternellementêtre dans une journéeoù la foire déménage

ET peut-être suis-je seulA savoir encore

qu'il a vécu

Peut-être, un matin... Eugenio Montale

Peut-être, un matin, allant dans I'air aride,comme de verre, me retournant verrai-je s'accomplir

le miracle :Ie néant dans mos dos, derrière moile vide - avec la terreur de I'ivrogne.

Puis, comme sur l'écran, se çamperont d’un jetarbres, maisons, collines, pour I'habituel mirage.

Mais il sera trop tard, et je m'en irai coiParmi les hommes qui ne se retournent pas, seul

avec mon secret

AUX BRANCHES DES SAULES

Salvatore Quasimodo

Et comment pouvions-nous chanteravec le pied de l'étranger sur le coeur,

parmi les morts abandonnés sur les placeset sur I'herbe durcie par le gel,

aux plaintes d'agneau des enfants,

au noir hurlement de la mèrequi s'avançait vers son fils

crucifié sur le poteau télégraphe?Aux branches des saules, offrande votive,

nos lyres aussi étaient suspendueset oscillaient légères au triste vent.

La fenêtre Dino Campana

Les vapeurs du soir d’étéDu haut de la fenêtre versent des clartés dans

l’ombreEt scellent mon cœur d’une cire ardente.

Mais qui a (sur le quai sur le fleuve s’allume une lampe)

[qui a

Pour la Vierge du Pont qui est-ce qui a allumé la lampe ?

[ -il y aDans la chambre une odeur de pourriture : il y

aDans la chambre une rouge plaie languissante.Les étoiles sont des boutons de nacre et le soir

s’habille [ de

velours ;

Et tremble le soir follet : feu follet le soir tremble mais

[il y aDans le cœur du soir il y a

Toujours une rouge plaie languissante.

VERRÀ LA MORTE E AVRÀ I TUOI OCCHICesare PAVESE

La mort viendra et elle aura tes yeux – cette mort qui est notre compagne

du matin jusqu'au soir, sans sommeil,sourde, comme un vieux remords

ou un vice absurde. Tes yeuxseront une vaine parole,

un cri réprimé, un silence.

Ainsi les vois-tu le matin quand sur toi seule tu te penches

au miroir. O chère espérance,ce jour-là nous saurons nous aussi

que tu es la vie et que tu es le néant.

La mort a pour tous un regard.La mort viendra et elle aura tes yeux.

Ce sera comme cesser un vice,comme voir resurgir

au miroir un visage défunt,comme écouter des lèvres closes.

Nous descendrons dans le gouffre muets.

Appendice à la Religion : une lumière

Pier Paolo Pasolini

Bien que je me survive, en un long appendice

de passion inépuisée, inépuisable- qui plonge, semble-t-il, en un autre temps

ses racines -

je sais qu’en ce chaos une lueur de religion, une lueur de bien, rachète

l’excès d’amour de ma désespérance…

C’est une pauvre femme, douce, fine qui a tout juste le courage d’exister, et se tient dans l’ombre, comme une

gamine,

avec ses cheveux clairsemés, ses habits humbles

et presque pauvres, désormais, enserrant toujours de vivants

secrets, qui ont encore la senteur des violettes ;

avec sa force , dont elle use en ce mueteffort de ceux qui craignent d’être dépasséspar une tâche dont jamais, sans qu’ils s’en

plaignent,

ils n’ont rien retiré : une pauvre femme, qui n’a su qu’aimer,

d’un amour héroïque, et en étant mère,elle a reçu tout ce qu’elle pouvait

demander.

La maison tout entière est hantée de ses frêles

membres d’enfant, et de sa peine :la nuit même, alors que tout dort, d’amères

larmes

perlent partout : et une pitié si ancienne,si terrible, m’étreint le cœur,

quand je rentre, que c’en est à hurler, à me tuer.

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