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Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La recherche dans tous ses états 13 octobre 2015

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Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie

La recherche dans tous ses états

13 octobre 2015

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Table des matières

Avant-propos 5

Où en est la recherche aujourd’hui en Picardie ? 6

L’état des lieux de la recherche et de ses acteurs : universités, Inventaire

général, sociétés savantes et centres de ressources

La recherche à l’université de Picardie Jules Verne 7

Philippe Nivet, professeur d’Histoire contemporaine, Université de Picardie Jules Verne

L’état des lieux de la recherche et de ses acteurs en Picardie : les sociétés savantes 10

Pascal Montaubin, président de la Société des Antiquaires de Picardie

La conservation des ressources et son rôle dans le processus de recherche 13

Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens Métropole

L’Inventaire général du patrimoine culturel en Picardie : service de recherche et centre de ressources 18

Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la Région Picardie

La recherche en cours… Archéologie et architecture antiques et médiévales 20

Le programme de recherches autour du château d’Eaucourt-sur-Somme 21

Sandrine Mouny, archéologue, Unité de recherche TRAME / Université de Picardie Jules Verne

Le service Archéologie d’Amiens Métropole : étudier une ville et ses périphéries 24

Yves Le Béchennec, archéologue, Service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole

La plateforme UnivArchéo – Université de Picardie Jules Verne : études, recherche et formation en

archéologie 27

Etienne Hamon, professeur d’Histoire de l’art médiéval, plateforme Univarchéo / Université de Picardie Jules Verne

Le patrimoine monumental à l’ère du numérique 30

El Mustapha Mouaddib, professeur, directeur de l’unité de recherche MIS / Université de Picardie Jules Verne

L’architecture de la ferme médiévale fortifiée dans le Soissonnais 31

Denis Rolland, Société historique de Soissons

Le Musée archéologique de l’Oise, acteur en devenir de la recherche en Picardie 32

Adrien Bossard, conservateur du patrimoine, Musée archéologique de l’Oise

La recherche en cours… Guerres mondiales et reconstruction 35

Qu’est-ce que le Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre ? 36

Caroline Fontaine, directrice, Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre

La reconstruction d’Amiens à partir de 1940 : questions de méthode 39

Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, CRAE / Université de Picardie Jules Verne

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3

Le Musée franco-américain du château de Blérancourt, un musée transatlantique 42

Mathilde Schneider, conservateur du patrimoine, Musée franco-américain de Blérancourt

Aborder autrement l’histoire culturelle de la Grande Guerre à l’Historial 45

Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice en chef du patrimoine, Historial de la Grande Guerre

Les reconstructions à Abbeville 47

Léo Noyer-Duplaix, chercheur, Service du patrimoine d’Abbeville

Le patrimoine industriel de la première Reconstruction en Picardie 49

Bertrand Fournier, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Picardie

La recherche en cours… Architectures et territoires 52

Le patrimoine lié à l’industrie du Vimeu industriel 53

Frédéric-Nicolas Kocourek, chercheur, Syndicat mixte Baie de Somme – 3 Vallées

Découvertes et inventaire du petit patrimoine de la Somme 55

André Guerville, association Richesses en Somme

Ville, villégiature et tourisme en Picardie, 1830-1930 58

Frédéric Fournis, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Picardie

Des ressources pour la recherche… Les archives 61

Exploiter un fonds d’écrivain : l’exemple du fonds « Roland Dorgelès » des Bibliothèques d’Amiens

Métropole 62

Alexandre Leducq, conservateur responsable du Service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens Métropole

Les fonds inexploités de la bibliothèque municipale de Compiègne 66

Sophie Davril, bibliothèque municipale de Compiègne

Anne Martin, bibliothèque municipale de Compiègne

Les fonds notariaux dans l’Aisne, apport historique et exploitation scientifique 69

Jean-Christophe Dumain, Archives départementales de l’Aisne

Les fonds de cartes, plans et arts graphiques de la Société des Antiquaires de Picardie 73

Aurélien André, secrétaire annuel, Société des Antiquaires de Picardie

Les archives hospitalières et les archives révolutionnaires d’Abbeville 78

Eric Berriahi, archiviste, Archives communales d’Abbeville

Les archives textiles du Vermandois : un patrimoine en désuétude ? 81

Eléonore Peretti, directrice, Maison familiale Henri Matisse

Des ressources pour la recherche… musées et collections 84

Les collections patrimoniales d’enseignement et de recherche en sciences de la vie et de la terre de LaSalle

Beauvais 85

Pascal Barrier, enseignant-chercheur en sédimentologie, responsable des collections, Institut LaSalle Beauvais

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Le Musée des papillons à la recherche de son histoire 87

Agnès Villain, directrice, Musée des papillons de Saint-Quentin

Intailles et camées de la collection Danicourt : Antiquité précieuse 88

David De Sousa, directeur, Musée Alfred-Danicourt de Péronne

L’histoire du goût pour la peinture italienne en Picardie 91

Servane Dargnies, Institut national d’Histoire de l’art

Christophe Drouard, Institut national d’Histoire de l’art

Le Musée Jeanne d’Aboville de la Fère : Échantillons choisis d’une grande collection XIXe non-dispersée 94

Mariel Hennequin, guide, musée Jeanne d’Aboville

Les collections géologiques de l’Institut Lasalle Beauvais : valorisation scientifique et pédagogique 97

Yannick Vautier, enseignant-chercheur, Institut LaSalle - Beauvais

Médiation et construction du savoir 100

La commission « Patrimoine et archéologie du Beauvaisis » et ses actions 101

Marie Ansar, animatrice de l’architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire de la Ville de Beauvais

Roselyne Le Bourgeois, secrétaire de la commission, vice-présidente de la Société académique de l’Oise et maître de

conférences honoraire en histoire, CAREF / UPJV

E-cathédr@le : le numérique au service de la connaissance et de la médiation 104

Céline Csore, chargée des actions éducatives, Amiens Métropole d’art et d’histoire

Patrimoine entre passion et érudition : la Picardie de 1945 à 2015 106

Tiphaine Barthélémy, professeur, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne

Manon Istasse, post-doctorante, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne

Les acteurs de la journée : noms et coordonnées 112

Les intervenants 112

Les structures présentes lors du Forum 114

Le comité de pilotage 115

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Avant-propos

Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont

été organisées par la Direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la Région Picardie et par

l’Université de Picardie Jules Verne, dans le cadre de l’animation du Réseau régional des acteurs du

patrimoine culturel de Picardie.

Cette journée avait pour but de valoriser la recherche en cours sur le patrimoine culturel de Picardie et

les chercheurs qui la réalisent. Elle a également permis à de nombreux centres de ressources (archives,

bibliothèques, musées, sociétés savantes) de présenter et valoriser auprès des chercheurs des fonds

spécifiques à fort potentiel.

Cette journée a alterné les temps de présentation, les temps de rencontres, les temps d’échanges au

cours desquels chercheurs, étudiants et acteurs de la conservation (musées, archives, bibliothèques,

etc.) ont pu :

Connaître les grands axes de la recherche sur le patrimoine en Picardie aujourd’hui et les

structures qui la portent, comprendre le rôle des structures de conservation des ressources ;

Assister à des cycles thématiques de présentations par les chercheurs de leur objet d’étude ;

Assister à des exposés présentant des ressources ;

Rencontrer dans l’espace forum des acteurs de la recherche (structures de recherche) et de la

conservation des ressources (archives, bibliothèques, musées, sociétés savantes, etc.) pour

échanger sur les opportunités actuelles de la recherche.

Ouverte à tous, cette journée fut réussie, tant par sa fréquentation (plus de 180 participants dont de

nombreux étudiants en master) que par la qualité et la richesse des échanges, sur le forum et au sein

des cycles thématiques.

Cette journée fut également dense par le nombre des interventions. La concomitance des cycles au sein

du Logis du Roy a entraîné une frustration bien légitime auprès de la plupart des participants à cette

journée, frustration de n’avoir pu assister à l’ensemble des débats, d’avoir dû choisir de façon corné-

lienne. D’autre part, il était important de garder une trace écrite de cette journée.

Ces présents actes permettront donc à tous, présents et absents, de prendre connaissance par le détail

de l’ensemble des interventions de ces rencontres. Ces actes sont complétés utilement par la liste et les

coordonnées de l’ensemble des intervenants, personnes et structures (dans les cycles d’exposés et pré-

sents sur le forum) en fin de volume.

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Où en est la recherche

aujourd’hui en Picardie ?

L’état des lieux de la recherche et

de ses acteurs : universités,

Inventaire général,

sociétés savantes

et centres de ressources

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La recherche à l’université de Picardie Jules Verne

Philippe Nivet, professeur d’Histoire contemporaine, Université de Picardie Jules Verne

L’intérêt de l’Université de Picardie Jules

Verne (UPJV) pour le patrimoine, et notam-

ment pour le patrimoine picard, est manifeste,

tant en recherche qu’en formation.

Plusieurs unités de recherche développent des

travaux autour de cette question.

L’unité TRAME (Textes, Représentations, Ar-

chéologie, Autorité et Mémoires de l'Antiquité

à la Renaissance), dirigée par Michel Paoli, a

pour vocation de réunir tous ceux qui, à

l’UPJV, travaillent dans le domaine des Hu-

manités ou des Sciences Humaines et Sociales

sur une période qui s’étend de l'Antiquité à la

Renaissance. Elle se situe dans un continuum

interdisciplinaire autour des idées de civilisa-

tion, de culture et de patrimoine. Son champ

disciplinaire s’étend des littératures (anciennes

et modernes, françaises et étrangères) à

l’histoire, l’histoire de l'art et l’archéologie.

Certaines recherches ont directement trait au

patrimoine picard. Ainsi, François Blary tra-

vaille sur Château-Thierry et a publié en 2013

un numéro spécial de la Revue archéologique

de Picardie Origines et développements d’une cité

médiévale. Château-Thierry. Pascal Montaubin a

contribué au livre sur la cathédrale d’Amiens,

paru en 2012 aux éditions La Nuée Bleue. Des

chercheurs de TRAME, Philippe Racinet, San-

drine Mouny, Marie-Laurence Haack, partici-

pent à des fouilles à Boves, Eaucourt et Ribe-

mont. Sandrine Mouny a publié plusieurs ar-

ticles concernant les céramiques médiévales et

modernes découvertes en Picardie. Dominique

Poulain travaille notamment sur l’abbaye de

Sélincourt. Des projets collectifs ont également

été développés concernant le patrimoine pi-

card. Un colloque sur la Picardie flamboyante,

arts et reconstruction entre 1450 et 1550, a été

organisé en 2012 et publié en 2015 aux Presses

universitaires de Rennes sous la direction

d’Etienne Hamon, Dominique Poulain et Julie

Aycard. En liaison avec le Centre d’histoire des

sociétés, des sciences et des conflits, TRAME a

également été à l’origine d’un guide des

sources et répertoire sur les hôpitaux de Picar-

die du Moyen-Age à la Révolution. Publié chez

Encrage en 2015, sous la direction de Pascal

Montaubin et de Marie-Claude Dinet-Lecomte,

ce livre rassemble des notices sur 180 hôpitaux

répartis dans 110 localités des départements de

l’Aisne, de l’Oise et de la Somme.

Le Centre d’histoire des sociétés, des sciences

et des conflits (CHSSC), dirigé par Philippe

Nivet, réunit des historiens spécialistes des

époques moderne et contemporaine, des philo-

sophes, des psychologues, des spécialistes

d’histoire des sciences… Il s’intéresse à la

question du patrimoine, notamment en pé-

riode de guerre, et singulièrement au cours de

la première guerre mondiale. Le colloque

Guerre et patrimoine artistique à l’époque contem-

poraine, organisé en 2011 et publié aux éditions

Encrage en 2013, s’est notamment intéressé

aux archives de la Somme pendant la première

guerre mondiale et à la protection des œuvres

d’art du musée de Picardie entre 1914 et 1918.

Le CHSSC est également partie prenante du

projet Interreg 1914-Faces-2014, à l’origine de

l’exposition organisée par le professeur Ber-

nard Devauchelle et actuellement présentée à

l’Historial de la Grande Guerre de Péronne sur

la question de la défiguration, qui met en va-

leur des objets conservés dans les collections

de l’Historial.

Des chercheurs du Centre de recherches en art

et en esthétique (CRAE), dirigé par Lorenzo

Vinciguerra, se sont également intéressés au

patrimoine picard. On peut signaler en parti-

culier les travaux de Simon Texier autour de

l’architecture des reconstructions, et en parti-

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culier de la reconstruction de l’après seconde

guerre mondiale, et ceux de Marie-Domitille

Porcheron sur Alfred Manessier, qui ont pris la

suite de ceux qu’elle avait menés sur Camille

Claudel en Picardie et ont donné lieu à un

colloque et à un catalogue d’exposition.

Le laboratoire MIS, dirigé par El Mustapha

Mouaddib, a entrepris la numérisation de mo-

numents picards, le projet phare étant le projet

E-cathedrale, programme ambitieux de re-

cherche et de développements sur la réalisa-

tion et l’exploitation d’une maquette numé-

rique (modèle 3 D) de la cathédrale d’Amiens.

Le modèle ainsi obtenu est destiné au grand

public, auquel il est présenté lors des Journées

du Patrimoine, aux jeunes public et aux spécia-

listes. Ce projet de longue durée bénéficie du

soutien d’Amiens Métropole, de la DRAC de

Picardie et de la Région Picardie. D’autres

numérisations de monuments historiques pi-

cards ont été réalisées (comme celle de l’église

de Saint-Martin-aux-Bois dans l’Oise) ou sont

projetées. Le MIS est le partenaire d’unités de

recherche en SHS dans plusieurs projets struc-

turants région autour du patrimoine.

A ces différentes unités de recherche, il con-

vient d’ajouter la plateforme d’archéologie

Univarchéo, dirigée par Etienne Hamon. Celle-

ci a mené plusieurs fouilles sur des sites pi-

cards, y compris en archéologie contempo-

raine, avec la fouille qui se termine d’une an-

cienne caserne à Soissons.

Le patrimoine est également présent dans plu-

sieurs formations dispensées à l’Université.

La licence professionnelle « Patrimoine, envi-

ronnement et tourisme » est intégrée à l’offre

de formation de l’UFR d’histoire et de géogra-

phie. Sa responsable est Olivia Carpi, maître

de conférences en histoire moderne. Elle ac-

cueille chaque année une promotion de 20 à 25

étudiants, sélectionnés sur dossier puis sur

entretien, de niveau bac + 2, ayant validé une

deuxième année de licence, un BTS ou un

DUT. Le premier semestre d’enseignement

intègre des cours et des travaux dirigés sur le

patrimoine et se fonde en particulier sur

l’exemple du patrimoine picard, avec de nom-

breuses visites sur site, par exemple à la mai-

son de Jules Verne, à l’Historial de la Grande

Guerre de Péronne, au parc du Marquen-

terre… Les étudiants doivent ensuite rédiger

un projet tutoré portant sur un élément du

« petit patrimoine ». De nombreux projets tu-

torés ont ainsi pu être rédigés sur des éléments

du patrimoine picard, y compris du patri-

moine immatériel. Ils vont être proposés aux

archives départementales des différents dépar-

tements concernés. Enfin, les étudiants effec-

tuent un stage, par exemple dans des monu-

ments historiques ouverts au public, dans des

musées, dans des offices de tourisme… Des

enseignements sur le patrimoine sont égale-

ment dispensés dans la spécialité de master

« Histoire et archéologie » (responsable : Ma-

rie-Laurence Haack, professeur d’histoire an-

cienne).

Le master « Culture et patrimoine », ouvert au

niveau du master 2, est dispensé au sein de

l’UFR de sciences humaines et sociales et phi-

losophie. Son responsable est Fabrice Raffin,

maître de conférences. L’objectif de ce M2 est

de former les cadres de l'action culturelle et

des métiers du patrimoine pour les collectivi-

tés territoriales, les organismes privés et pu-

blics. L’ensemble des enseignements est struc-

turé en onze modules (dont Politiques et insti-

tutions culturelles, patrimoine et changements

sociaux, valorisation du patrimoine matériel et

immatériel par l’image…) intégrant les dimen-

sions théoriques et professionnelles. Un stage

professionnel d'au moins 12 semaines donne

lieu à la rédaction et à la soutenance d'un mé-

moire.

Le patrimoine est également présent dans

l’offre de formation de l’UFR des arts : au ni-

veau licence, en particulier au sein du parcours

« Histoire des arts et archéologie » de la men-

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tion « Arts », avec des enseignements sur

l’histoire de l’art de l’Antiquité à nos jours,

mais aussi un module plus spécialement ciblé

sur « Collections et patrimoine en Picardie » ;

au niveau master, dans la spécialité recherche

« Histoire des arts » et dans la spécialité pro-

fessionnelle « Régie des œuvres et montage

d’expositions », ouverte au niveau M2. Coor-

donnée par Simon Texier, professeur d’histoire

de l’art contemporain, cette formation, inté-

grant un stage d’au moins trois mois, a pour

but de familiariser l’étudiant avec la gestion

matérielle des œuvres d’art, leur conservation,

leur exposition et, dans le cas de l’art actuel,

leur production. Les technologies, les procé-

dures administratives et juridiques et, plus

généralement, l’ensemble des moyens

d’analyse et de gestion matérielle liés aux

œuvres d’art y sont abordés, au sein des prin-

cipaux contextes institutionnels concernés :

institutions publiques nationales (musées et

monuments historiques de l’état), institutions

publiques locales (musées municipaux, dépar-

tementaux et régionaux), secteur privé (musées

associatifs, galeries).

Des professionnels interviennent dans ces dif-

férentes formations, en particulier des acteurs

de la conservation et de la mise en valeur du

patrimoine picard. Celles-ci sont ouvertes en

formation initiale comme en formation conti-

nue.

Je terminerai, en tant que vice-président de

l’Université, par affirmer la volonté de l’équipe

de direction de soutenir toutes ces actions en

faveur de la connaissance du patrimoine pi-

card et d’encourager les entreprises à destina-

tion du grand public, comme l’atteste par

exemple la participation de nombreux ensei-

gnants-chercheurs de l’UPJV à la fresque inte-

ractive de l’Institut national de l’audiovisuel

sur la Picardie, qui attribuait une place impor-

tante aux reportages sur le patrimoine.

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L’état des lieux de la recherche et de ses acteurs en Picardie : les sociétés

savantes

Pascal Montaubin, président de la Société des Antiquaires de Picardie

Avant les services spécialisés de l’Etat et des

collectivités territoriales pour les inventaires et

la conservation du patrimoine, avant la création

de l’Université de Picardie-Jules Verne et des

organismes de recherche historique et archéo-

logique, avant le développement d’internet,

etc., les sociétés savantes ont constitué les pre-

miers et les principaux acteurs de la décou-

verte, de la recherche et de la conservation du

patrimoine en Picardie.

Ces sociétés savantes forment un maillage den-

se, puisqu’on en compte actuellement 99 en

activité sur le territoire de l’actuelle région Pi-

cardie d’après la base de donnée en ligne élabo-

rée (mais encore inachevée) par le Comité des

travaux historiques et scientifiques : 16 dans

l’Aisne, 57 dans l’Oise, 26 dans la Somme. Sans

avoir de statistiques plus précises, on peut es-

timer qu’elles rassemblent à elles toutes plu-

sieurs milliers d’adhérents concernés par les

différentes facettes du patrimoine picard, tou-

jours curieux et bénévoles, souvent passionnés

et impliqués. Il s’agit donc là d’un milieu cultu-

rel majeur dans notre région.

Ces sociétés savantes ne forment pas un bloc

monolithique et préservent chacune la spécifici-

té de leur objet d’étude, dans un cadre chrono-

logique, géographique et thématique propre.

Elles se dédient à divers aspects du patrimoine :

l’histoire, l’archéologie, les beaux-arts, les belles

lettres, etc., mais elles perpétuent aussi parfois

la grande tradition humaniste du savoir ency-

clopédique en s’intéressant de même à la bota-

nique, l’agriculture, la géologie, les techniques,

etc.

Ce milieu associatif est, comme tout groupe

humain, mouvant, avec des créations et des

disparitions, telle la Société archéologique, his-

torique et géographique de Creil créée en 1952

et dissoute en 1994. Mais il compte nombre

d’institutions vénérables qui ont traversé nos

derniers siècles pourtant mouvementés, par

exemple l’Académie des sciences, lettres et arts

d’Amiens (1746), la Société d’émulation histo-

rique et littéraire d’Abbeville (1797), la Société

académique de Saint-Quentin (1825), la Société

des Antiquaires de Picardie (1836), la Société

académique d’archéologie, sciences et arts du

département de l’Oise (1847), etc. Dans l’Aisne,

certaines ont choisi d’unir leurs forces et de se

regrouper en 1952 dans la Fédération des socié-

tés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne (Châ-

teau-Thierry, Chauny, Haute-Picardie, Saint-

Quentin, Soissons, Thiérache, Villers-Cotterêts).

Ces sociétés savantes, à leur rythme, déploient

une activité culturelle débordante qui irrigue

tout le territoire picard et au-delà. Elles organi-

sent des cycles de conférences, des colloques

(avec des orateurs issus de leurs rangs ou invi-

tés) et des excursions sur le terrain, à la décou-

verte du patrimoine régional et d’ailleurs. Elles

publient chaque année en abondance des ar-

ticles et des monographies de fonds dans leurs

bulletins et/ou leurs mémoires, avec souvent les

procès-verbaux de leurs réunions et diverses

annonces. Certaines conservent de riches biblio-

thèques, consacrées au patrimoine régional,

mais aussi à d’autres régions de France et di-

vers pays étrangers, souvent grâce à des sys-

tèmes d’échanges avec d’autres sociétés sa-

vantes en France et à l’étranger depuis leurs

création (70 000 volumes à la Société des Anti-

quaires de Picardie). Elles peuvent aussi con-

server des archives, des papiers d’érudits (si

précieux dans notre région ravagée par les

guerres), des collections numismatiques, des

trouvailles archéologiques, des œuvres d’art,

etc. Quelques-unes sont même à l’origine de la

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fondation de musées : musée de Picardie à

Amiens par la Société des Antiquaires de Picar-

die sous le Second Empire, le musée de l’Oise

par la Société académique de l’Oise en 1912, etc.

Et plus généralement, animées par la générosité

désintéressée de leurs origines, un très grand

nombre d’entre elles ont fait don, comme insti-

tution ou par l’intermédiaire de leurs membres,

de livres, d’artefacts archéologiques et

d’œuvres d’art aux bibliothèques et aux musées

locaux, quand elles n’organisent pas elles-

mêmes des permanences pour accueillir le pu-

blic qui voudrait consulter les trésors de leurs

collections.

Ce milieu culturel repose sur des bases associa-

tives solides, généralement structurées par la loi

de 1901, mais certaines sociétés ont conservé

leurs statuts antérieurs. Plusieurs, généralement

les plus anciennes, sont même reconnues

d’utilité publique.

Toutefois, leur composition sociologique s’est

fortement modifiée au cours des XIXe et XXe

siècles. Bien que l’on ne dispose pas encore des

statistiques que fournira à terme le programme

du Cths, la France savante, sur les membres de

ces sociétés, on remarque en Picardie comme

ailleurs le recul des notables, grands aristo-

crates et grands bourgeois, depuis le XIXe siècle,

ainsi que la quasi disparition des ecclésiastiques

depuis le milieu du XXe siècle, sanctionnant

ainsi une sorte de révolution culturelle en Occi-

dent : la séparation entre les clercs et les intel-

lectuels. Désormais, les sociétés savantes atti-

rent principalement les classes moyennes ins-

truites : les enseignants (de la maternelle à

l’université), les professions libérales, etc. Mais

le recrutement a tendance à s’essouffler depuis

une vingtaine d’années dans beaucoup

d’associations et la moyenne d’âge s’avère sou-

vent élevée. Il s’agit d’un milieu encore majori-

tairement masculin, même si la part des

femmes augmente régulièrement depuis la

seconde guerre mondiale. Cette relative désaf-

fection s’explique par plusieurs facteurs que je

ne prétends pas épuiser ici :

o une mobilité plus grande des populations,

en particulier des cadres des secteurs pu-

blic et privé, qui distend les liens avec le

petit pays natal, l’attachement au territoire

où l’on vit et à son histoire ;

o une offre culturelle démultipliée par les

médias (télévision, internet, bibliothèques

publiques, etc.) qui ouvrent grandement le

citoyen sur le monde entier ;

o la concurrence d’organismes publics (à dif-

férents niveaux : Etat, région, département,

commune) qui ont progressivement pris le

relais des premières sociétés savantes dans

la conservation des monuments histo-

riques, l’inventaire du patrimoine, la con-

servation d’archives et de livres, la trans-

mission du savoir dans des cours et des

cycles de conférences, etc.

La baisse du nombre d’adhérents, l’érosion des

abonnements (liée à la crise du livre imprimé),

etc. conduisent certaines sociétés savantes dans

des situations financières délicates, alors que les

dons et le mécénat du public et des élites cultu-

relles se tournent désormais plus souvent vers

d’autres objets.

Ce monde des sociétés savantes en Picardie

demande donc à être consolidé et dynamisé.

D’une manière générale, par rapport aux stan-

La salle des séances de la Société des Antiquaires de Picardie,

Amiens © Société des Antiquaires de Picardie – cliché K. Lémé-

Hébuterne.

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dards de la production scientifique universi-

taire, la qualité moyenne des productions

écrites des sociétés savantes a eu tendance à

s’affaisser au cours des deux derniers siècles.

Elle continue à porter sur des centres d’intérêts

extrêmement variés et sur des périodes qui

vont de la préhistoire à nos jours. Toutefois, par

rapport à l’historiographie qu’elles dévelop-

paient au XIXe siècle, les sociétés savantes pi-

cardes, comme leurs homologues en France, ont

eu tendance à délaisser les époques les plus

anciennes (en raison de la technicité des fouilles

archéologiques, de la méconnaissance du latin

et de la paléographie). Il y a heureusement de

très belles exceptions, mais il conviendrait de se

montrer plus scientifique dans ses récits histo-

riques et d’éviter la compilation sans critique,

voire le plagiat, des érudits du XIXe siècle. En

revanche, les sociétés savantes privilégient dé-

sormais plus souvent la période contemporaine

(XIXe-XXIe siècle) en puisant dans des archives

plus abondantes et faciles d’accès (sinon

d’interprétation !), la presse, et surtout des

fonds iconographiques beaucoup plus riches.

Autre point à améliorer : il serait souhaitable de

dépasser l’esprit de clocher qui compartimente

la vie régionale en développant la synergie

entre les diverses sociétés. Certes, il existe des

échanges et des correspondances mutuels an-

ciens entre les sociétés picardes, en particulier

grâce à certains membres qui adhèrent et parti-

cipent à plusieurs en même temps. Mais il fau-

drait encourager les rencontres, les activités et

les publications communes. En cela, la politique

menée dans l’Aisne avec le regroupement en

fédération apporte une solution à l’isolement et

au déclin, tout en maintenant l’identité de

chaque composante. Par ailleurs, on ne saurait

trop soutenir au niveau national l’action du

Cths, dont les financements ont été malheureu-

sement malmenés ces dernières années.

Enfin, pour exister dans le XXIe siècle, les socié-

tés savantes picardes ont absolument besoin de

développer leur visibilité sur le réseau mondial

d’internet. La bibliothèque nationale de France

avec Gallica (qui met en ligne bulletins et mé-

moires numérisés), le Cths avec son annuaire,

etc. y contribuent grandement. Certaines asso-

ciations animent très activement leur site

propre, telles la Société archéologique et histo-

rique de Clermont, la Société historique de

Compiègne, d’autres ont encore beaucoup de

progrès à réaliser dans de domaine (par

exemple la SAP)…

Pour terminer, je voudrais insister sur

l’importance des sociétés savantes en Picardie,

souvent trop discrètes, qui irriguent un tissu

social et culturel indispensable à toute société

développée. Il sera vital de le structurer à

l’échelle de la nouvelle grande région qui réuni-

ra les principaux territoires de l’ancienne

langue picarde (car la Flandre ne constitue

qu’une petite partie du Nord-Pas-de-Calais !).

Et je me permets d’émettre le souhait que

d’avantage de professeurs de l’enseignement

primaire, secondaire et supérieur, ainsi que

plus d’étudiants (en particulier en histoire, his-

toire de l’art) s’investissent dans les sociétés

savantes de leur région, dans la continuité mo-

dernisée d’une riche tradition de philanthropie

culturelle.

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13

La conservation des ressources et son rôle dans le processus de recherche

Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques

d’Amiens Métropole

Le comité de pilotage des Rencontres du pa-

trimoine en Picardie m’a fait l’honneur de me

donner la parole au nom des institutions cultu-

relles pour le discours de présentation en

séance plénière. La particularité des biblio-

thèques d’Amiens Métropole qui, d’une part,

conservent un fonds patrimonial très riche et,

d’autre part, sont dépôt d’archives pour les

archives municipales antérieures à 1919, a

pour conséquence de me confronter dans mes

activités professionnelles quotidiennes aussi

bien aux problématiques d’ordre bibliothéco-

nomique que d’ordre archivistique. Bien que

pour le réaliser, j’aie consulté nombre de mes

collègues travaillant dans les musées, qui en

ont validé les conclusions (en particulier celles

de la dernière partie, cœur de notre propos,

traitant des rapports entre les institutions con-

servatrices de ressources et les chercheurs)

l’exposé qui suit est celui d’un professionnel

du patrimoine écrit et sera ainsi plus succinct

sur les questions muséales.

Une rapide typologie des institutions conser-

vatrices de ressources

Une typologie générale

Il existe essentiellement trois types

d’institutions culturelles publiques conservant

des ressources que les chercheurs sont amenés

à fréquenter :

Les musées ;

Les archives municipales et départemen-

tales ;

Les bibliothèques. Au sein de cette der-

nière catégorie, trois sous-ensembles peu-

vent être distingués1. Les bibliothèques

universitaires tout d’abord ; la conserva-

1 La Bibliothèque Nationale de France de par son rôle

particulier mise à part.

tion et la mise en valeur de fonds patri-

moniaux ne font pas partie de leurs mis-

sions prioritaires. Au gré des dons, la

plupart d’entre elles conservent cepen-

dant quelques collections patrimoniales

très intéressantes pour les chercheurs à

l’exemple de la collection Bax, collection

de livres de médecines de la Renaissance,

ou du fonds Paul Dubois, linguiste picard,

à la bibliothèque universitaire de

l’Université de Picardie Jules Verne. Les

bibliothèques de grands établissements en

second lieu, toutes parisiennes2. Enfin le

choix opéré à la Révolution française de

créer des bibliothèques en province à par-

tir des confiscations révolutionnaires plu-

tôt que de centraliser tous les documents à

Paris explique les très riches fonds patri-

moniaux conservés par les bibliothèques

municipales. Ceux des bibliothèques mu-

nicipales picardes sont particulièrement

importants aussi bien au point de vue

quantitatif que qualitatif comme le prou-

vent les trente manuscrits carolingiens

présents dans leurs collections (dix-huit à

Amiens, onze à Laon et un à Abbeville).

Les institutions conservant du patrimoine

écrit en Picardie

Nous nous appuyons ici sur les chiffres du

Centre Régional du Livre et de la Lecture

(CR2L) qui dénombre dix-sept bibliothèques et

fonds d’archives conservant des fonds patri-

moniaux en Picardie :

2 Pour en savoir plus sur les Bibliothèques des Grands

établissements on se rapportera avec profit à la fiche mis

en ligne par le centre de formation Mediadix :

http://mediadix.u-

paris10.fr/cours/admin/adminpdf/TCAdminF3-

8GrandsEtablissements.pdf [En ligne: Consulté le

15/12/2015]

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14

Huit dans l’Oise : les Archives départe-

mentales de l’Oise, la bibliothèque muni-

cipale de Beauvais, la bibliothèque du

château de Chantilly, la bibliothèque mu-

nicipale de Clermont de l’Oise, la biblio-

thèque municipale de Compiègne, la bi-

bliothèque municipale de Creil, la biblio-

thèque municipale de Noyon et la biblio-

thèque municipale de Senlis ;

Cinq dans l’Aisne : les Archives départe-

mentales de l’Aisne, la bibliothèque mu-

nicipale de Château-Thierry, la biblio-

thèque municipale de Laon, la biblio-

thèque municipale de Saint-Quentin et la

bibliothèque municipale de Soisson ;

Quatre dans la Somme : les Archives dé-

partementales de la Somme, la biblio-

thèque municipale d’Abbeville, les biblio-

thèques d’Amiens Métropole et la biblio-

thèque de Doullens.

Pour que cette typologie soit complète il faut

en outre ajouter les services d’archives muni-

cipaux des grandes villes comme les archives

municipales d’Abbeville, et les Maisons

d’écrivains, nombreuses en Picardie3, qui pour

la plupart conservent un fonds patrimonial

relatif à l’hôte illustre qu’elles ont abrité.

Le travail de rétroconversion4 des fonds patri-

moniaux des bibliothèques municipales pi-

cardes mené par le Centre Régional du Livre et

de la Lecture a permis de dénombrer le

nombre d’imprimés anciens conservés par ces

institutions. A partir de ces chiffres il est pos-

sible de proposer une typologie rapide des

fonds patrimoniaux des bibliothèques de Pi-

cardie :

Cinq fonds patrimoniaux « importants »

soit plus de 50 000 imprimés anciens5 :

3 Quatre dans l’Oise, quatre dans l’Aisne et trois dans la

Somme. 4 La rétroconversion est le fait d’informatiser la notice d’un

livre n’existant jusqu’alors que sous forme de fiche papier. 5 La rétroconversion du CR2L ne concernait que les biblio-

thèques municipales, si elles devaient intégrer cette typo-

logie les archives départementales de l’Oise, de l’Aisne et

de la Somme feraient partie des « fonds importants ».

bibliothèque municipale d’Abbeville,

bibliothèques d’Amiens Métropole, bi-

bliothèque du château de Chantilly, bi-

bliothèque de Compiègne et biblio-

thèque de Laon ;

Six fonds patrimoniaux de « taille

moyenne » soit entre 5000 et 50 000 im-

primés anciens : Bibliothèques munici-

pales de Beauvais, de Château-Thierry,

de Clermont de l’Oise, de Saint-Quentin,

de Senlis, de Soissons ;

Trois « petits » fonds patrimoniaux soit

moins de 5 000 imprimés anciens : Bi-

bliothèques de Creil, de Doullens et de

Noyon.

Les missions des établissements culturels

conservant des ressources

L’étude des textes établissant les missions assi-

gnées aux musées, aux bibliothèques et aux

services d’archives révèle que, si la nature des

documents conservés par ces trois types

d’institutions est différente, les missions pour-

suivies sont quant à elles fort proches.

La « Loi musée » du 4 janvier 2002

L’article 2 de la « loi musée » énumère les mis-

sions que doivent assurer les établissements

pour obtenir le label « musée de France »6.

Elles sont au nombre de cinq à savoir :

Conserver, restaurer, étudier et enrichir

leurs collections ;

Rendre leurs collections accessibles au

public le plus large ;

Concevoir et mettre en œuvre des ac-

tions d'éducation et de diffusion visant à

assurer l'égal accès de tous à la culture ;

Contribuer aux progrès de la connais-

sance et de la recherche ainsi qu'à leur

diffusion.

6 Texte de la loi disponible sur le site Légifrance :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JO

RFTEXT000000769536&categorieLien=id. [Consulté le

15/12/2015]

Page 15: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

15

Le principe des 4 C dans les services

d’archives7

Les missions des services d’archives peuvent

se résumer en quatre points principaux, les

quatre « C » soit :

Collecter : ou enrichir les fonds par la col-

lecte d’archives publiques ou privées ;

Conserver : offrir les conditions de con-

servation idoines aux documents ;

Classer : traiter les documents de sorte à

pouvoir les communiquer au public ;

Communiquer : rendre les documents ac-

cessibles aux usagers.

La charte de la conservation dans les biblio-

thèques8

Les services patrimoniaux des bibliothèques

sont dépourvus de textes législatifs définissant

précisément leurs missions. Néanmoins le

ministère de la Culture et de la Communica-

tion a rédigé en 2011 une « Charte de la con-

servation en Bibliothèque » qui est un en-

semble de recommandations de conservation

des collections de bibliothèque. Parmi les 150

articles qui composent cette charte on peut

relever :

L’article 35 : Le développement raisonné

des collections doit contribuer à la qualité

de leur conservation. Les accroissements

doivent être maîtrisés en fonction de leur

intérêt et des contraintes de leur conserva-

tion ;

L’article 7 : La conservation est l’activité

par laquelle le responsable d’un docu-

ment, d’un objet ou d’un fonds s’assure

qu’il le met à la disposition du public pré-

sent et à venir dans le meilleur état pos-

sible d’intégrité ;

7 Le site des archives départementales de la Seine-et-Marne

consacre une page très bien faite à ce principe des 4 C :

http://archives.seine-et-marne.fr/missions [Consulté le

15/12/2015] 8 Texte de la charte téléchargeable en format pdf sur le site

du ministère de la Culture et de la Communication :

http://www.patrimoineecrit.culture.gouv.fr/files/conservat

ion_restauration/Charte%20de%20la%20conservation.pdf

[Consulté le 15/12/2015]

L’article 130 : La conservation des fonds

patrimoniaux doit avoir pour but d’en as-

surer la communication au public présent

et à venir. Tout doit être mis en œuvre

pour que celle-ci soit facile et fructueuse.

La comparaison de ces différents textes révèle

comme nous l’avons déjà précisé une commu-

nauté de missions entre les musées, les ar-

chives et les bibliothèques. Ainsi à l’article

« conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs

collections » de la loi musée répondent les

« C » « collecter », « conserver » et « classer »

du principe des quatre « C » en services

d’archives et l’article 35 de la charte de la con-

servation dans les bibliothèques, tandis qu’à

l’article « Rendre leurs collections accessibles

au public le plus large. » font écho le « C »

« Communiquer » et l’article 130 de la charte

de la conservation en bibliothèque.

Les rapports des institutions de conservation

et des chercheurs : que pouvons-nous pour

vous ?9

Des besoins simples

Invité à assurer la conférence inaugurale des

« 7ème Journées du Patrimoine Ecrit » tenues à

La Rochelle en juin 2011 sur le thème « Patri-

moine écrit et recherche »10, Michel Pastoureau

réaffirmait les demandes simples des cher-

cheurs aux responsables d’institutions cultu-

relles conservant des documents patrimo-

niaux : « Souvent dans le milieu du patrimoine

et de la conservation, on a de la recherche des

9 Cette partie de l’intervention s’appuie sur les recherches

menées dans le cadre du mémoire d’Enssib soutenu en

janvier 2013 sous la direction de Raphaële Mouren intitulé

« Les enseignants-chercheurs et les fonds anciens, modifi-

cations des besoin, évolution des services ? Discours des

uns, pratiques des autres, que conseillez aux bibliothèques

françaises ? ». Dans l’attente de sa mise en ligne, l’auteur

peut en transmettre le pdf sur demande (a.leducq@amiens-

metropole.fr). 10 L’ensemble des interventions est disponible sur le site

du Patrimoine Ecrit soit sous la forme d’un enregistrement

au format mp3 soit sous le format pdf :

http://www.patrimoineecrit.culture.gouv.fr/jpe/jpe2011.ph

p. [Consulté le 15/12/2015]

Page 16: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

16

idées fausses et beaucoup trop futuristes, ça

relève un peu de la science-fiction, l’image que

le non-chercheur se fait du chercheur. Entre ce

que permettent sur le plan théorique les outils

et les techniques de pointe et la vie quoti-

dienne du jeune chercheur dans les sciences

humaines, l’écart est immense, il ne faut pas

être dupe. Cela conduit les conservateurs à

concevoir des outils pour la recherche qui ne

s’emboîtent pas vraiment avec la recherche en

train de se faire. »11

Les chercheurs à l’image de Michel Pastoureau

demandent essentiellement aux conservateurs

des institutions culturelles de « rendre [les

collections] accessibles au public le plus

large », d’en « assurer la communication au

public présent et à venir. [De tout mettre en

œuvre] pour que celle-ci soit facile et fruc-

tueuse. » En résumé d’appliquer l’article 2 de

la loi musée ou son équivalent l’article 130 de

la charte de la conservation en bibliothèque.

Les conservateurs signalent au mieux les do-

cuments dont ils ont la charge, manuscrits,

imprimés, estampes, tableaux, sculptures etc.

en prenant soin d’en faire la description la plus

précise possible.

Ils doivent également organiser des accueils

personnalisés des chercheurs, et en particulier

des « chercheurs débutants » en Master ou

première année de thèse, afin de faire profiter

ceux-ci de leur connaissance du fonds.

Deux évolutions concomitantes, le dévelop-

pement du numérique d’une part et

l’évolution des conditions de travail des cher-

cheurs d’autre part, ont conféré un nouveau

rôle aux conservateurs. Ceux-ci sont en effet de

plus en plus souvent sollicités pour faire des

vérifications sur les ouvrages conservés dans

les fonds dont ils ont la charge, pour des en-

seignants chercheurs qui, en raison du poids

11 La conférence intégrale de Michel Pastoureau est consul-

table sur le site du Patrimoine Ecrit en format mp3 :

http://www.patrimoineecrit.culture.gouv.fr/files/jpe/2011/

Pastoureau.mp3. [Consulté le 15/12/2015]

toujours croissant des tâches administratives

dans leur travail quotidien, n’ont plus le temps

de se déplacer aussi souvent qu’auparavant

dans les établissements patrimoniaux.

Les écueils

Le métier de conservateur responsable de res-

sources patrimoniales a connu une évolution

analogue à celui d’enseignant-chercheur : les

tâches administratives prennent une place

prépondérante dans l’activité quotidienne. Les

conservateurs doivent donc prendre garde à

dégager malgré tout du temps pour mener à

bien les missions scientifiques sur leurs fonds

(analyse, signalement et valorisation des

œuvres et documents).

Le deuxième écueil est la tentation pour le

conservateur, qui a également une formation

scientifique et qui poursuit souvent des re-

cherches, de se substituer au chercheur et de

mener lui-même les recherches sur le fonds, les

œuvres qu’il conserve.

Le troisième écueil peut être résumé sous la

formule du « problème de la dialectique entre

la conservation et la communication »12. En

effet, l’ensemble des textes officiels que nous

avons évoqués préconisent d’assurer à la fois

la meilleure conservation possible des docu-

ments et leur communication, or ces deux

termes, ces deux « C », sont en réalité antino-

miques car la communication des documents

constitue toujours un facteur de dégradation,

même si l’usager en prend le plus grand soin,

et compromet donc la mission de conservation.

Il s’agit pour les conservateurs en charge de

fonds patrimoniaux de trouver un juste équi-

libre entre ces deux missions. La tension qui

existe entre elles est souvent source

d’incompréhension entre conservateurs et

chercheurs, ces derniers reprochant aux res-

12 Expression employée par un enseignant-chercheur en

littérature dans le cadre du mémoire ENSSIB. « Les ensei-

gnants-chercheurs et les fonds anciens, modifications des

besoin, évolution des services ? Discours des uns, pra-

tiques des autres, que conseillez aux bibliothèques fran-

çaises ? ».

Page 17: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

17

ponsables de fonds patrimoniaux de donner la

primauté à la conservation au détriment de la

communication et de favoriser ainsi une « cul-

ture de la rétention »13. A ce sujet, lors de sa

conférence inaugurale des Septièmes journées

du patrimoine écrit, Michel Pastoureau in-

dique qu’il voulait intituler son intervention

« L’Ours et le rat », l’ours étant le conservateur

de bibliothèque qui garde pour lui seul les

trésors qu’il conserve et ne les communique

pas, et le rat le chercheur égoïste et dévoreur

de documents. C’est pourquoi, des journées

comme celle que nous avons tenue le 13 oc-

tobre sont importantes, afin de faire dialoguer

l’ensemble des acteurs et pour qu’ours et rats

puissent mieux se comprendre.

13 Voir note supra.

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L’Inventaire général du patrimoine culturel en Picardie : service de re-

cherche et centre de ressources

Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la

Région Picardie

Créé en 1964, l’Inventaire général a pour mis-

sion de « recenser, étudier et faire connaître »

le patrimoine culturel présentant un intérêt

archéologique, historique, urbanistique, archi-

tectural ou mobilier.

Sa spécificité est d’être un service public et

d’avoir une vocation double de service de re-

cherche sur le patrimoine régional et de centre

de ressources, lié à l’origine à l’obligation de

mettre les résultats des travaux à la disposition

du public (dossiers d’inventaire et publica-

tions). Les services en région travaillent depuis

de nombreuses années en partenariat avec les

collectivités ou l’université pour mener des

opérations d’inventaire.

En Picardie, connaissance et valorisation du

patrimoine sont mises au service du dévelop-

pement durable du territoire, ce qui se traduit

par :

Un centre de ressources ouvert au public /

une mise à disposition des ressources pour

des projets scientifiques, éducatifs, cultu-

rels, touristiques / des sites internet

(https://inventaire.picardie.fr et

http://memoirevivante.picardie.fr/);

L’accueil de stagiaires de l’université (mé-

diation et recherche) mais aussi d’élèves du

secondaire en stages d’observation ;

Des ateliers pédagogiques de découverte à

destination des élèves de la filière « taille de

pierre » ;

La création d’un réseau régional en 2014 et

une animation rythmée par des ateliers et

des rendez-vous, dans lesquels prend place

cette journée.

Ce sont aussi :

Des programmes de recherche conduits par

la Direction de l’Inventaire et du Patri-

moine Culturel (DIPC) à deux échelles :

o A l’échelle locale, en partenariat avec

des acteurs en région (cf. présentations

F.-N. Kocourek et L. Noyer-Duplaix

dans ces actes) ;

o A l’échelle régionale, en interne, avec

des contributions extérieures pour les

enquêtes et/ou les publications mais

aussi les présentations ou restitutions in-

termédiaires.

Des problématiques de recherche visant à

analyser et décrire comment les usages

construisent les espaces dans lesquels nous

vivons aujourd’hui, qu’il s’agisse du pay-

sage urbain ou rural ;

Des problématiques opérationnelles de

médiation, qui se traduisent par différentes

réalisations.

L’objectif pour la DIPC est de créer de la va-

leur ajoutée par rapport à ce qui est produit

par l’ensemble des acteurs.

Péronne, vue d'ensemble des Grands moulins. © Région Picardie

- Inventaire général, Cliché T. Lefébure.

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19

La Reconstruction après la première guerre

mondiale

Dans le contexte du centenaire, la DIPC de la

Région Picardie se propose de produire une

synthèse régionale et des contenus qui de-

vraient permettre de créer les conditions d’une

mise en relation des sites et d’une mise en va-

leur plus large des territoires transformés par la

guerre.

Ce programme comprend :

Un zoom sur Industrie et reconstruction (cf.

présentation B. Fournier dans ces actes) ;

La synthèse des résultats des études menées

depuis la création du service : la Reconstruc-

tion sur le Chemin des Dames et

l’architecture de la Reconstruction dans la

Haute-Somme, ainsi que des enquêtes topo-

graphiques menées dans l’Aisne (notam-

ment en Thiérache et dans le canton de

Braine) et dans l’Oise (canton de Noyon);

Des enquêtes complémentaires menées dans

la zone rouge avec un nouvel éclairage et de

nouvelles problématiques, en particulier

dans le Santerre Haute-Somme.

o La reconstruction des villes et des villages :

il s’agira notamment de vérifier

l’application des préconisations dans les

villages reconstruits et d'en mesurer l'im-

pact en matière de paysage bâti. On cher-

chera aussi à vérifier s'il est possible de

mesurer l'exode lié aux possibilités offertes

aux sinistrés, de reconstruire dans un

rayon de 50 km ;

o Les édifices et les équipements publics : il

s'agira notamment de construire un corpus

plus représentatif de la diversité de ces

équipements et d'en affiner la chronologie ;

o La modélisation des mobiles : Il s'agira de

construire un outil d'analyse et de restitu-

tion du "pourquoi et comment on recons-

truit".

Retrouver La Reconstruction après la première

guerre mondiale sur le site de l’Inventaire.

Villégiature et tourisme en Picardie

L’étude s’inscrit dans une réflexion sur le pé-

riurbain (dans la suite du colloque de 2010 à

Amiens) avec une approche qualifiante des

territoires (comme pour la Reconstruction).

Cette étude comprend :

Un zoom sur Villes, villégiature et tourisme

(cf. présentation F. Fournis dans ces actes) ;

Une synthèse régionale des études menées

depuis la création du service : la Côte pi-

carde et les enquêtes topographiques me-

nées dans l’Aisne et dans la Somme ;

Des enquêtes complémentaires menées sur

des sites ou pour compléter des corpus et

apporter un nouvel éclairage sur :

o L’incidence des pratiques de villégiature

et de tourisme dans l’aménagement de

l’espace ;

o Le modèle résidentiel des élites rurales,

industrielles ou agricoles, notamment

après la première guerre mondiale ;

o Les typologies des usages résidentiels

collectifs (hôtels, pensions de familles, co-

lonies de vacances, foyers) ;

o Le rôle des itinéraires dans la mise en

tourisme à partir des réseaux de chemins

de fer depuis le milieu du XIXe siècle ;

o Les mutations résultant de la villégiature

ou du tourisme et produites après désaf-

fectation.

Retrouver Villégiature et tourisme en Picardie

sur le site de l’Inventaire.

Sains-en-Amiénois, La Roseraie © Région Picardie - Inventaire

général, cliché M.-L. Monnehay-Vulliet.

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20

La recherche en cours…

Archéologie et architecture

antiques et médiévales

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21

Le château d'Eaucourt-sur-Somme, 2010 © Alain Bron.

Le programme de recherches autour du château d’Eaucourt-sur-Somme

Sandrine Mouny, archéologue, Unité de recherche TRAME / Université de Picardie Jules

Verne

Depuis une vingtaine d’année, une équipe

d’historiens et archéologues regroupée au sein

du laboratoire TrAme de l’Université de Picar-

die Jules Verne œuvre pour la connaissance et

la valorisation du patrimoine picard, en me-

nant régulièrement des programmes de re-

cherche autour des « centres de pouvoir fortifiés

de la Picardie ».

Ayant la volonté de créer un espace pédago-

gique de qualité et de cohérence scientifique

tout en préservant l’intérêt patrimonial de

l’édifice, l’Association de restauration du châ-

teau d’Eaucourt a sollicité nos compétences et

nos savoir-faire techniques pour entreprendre

une étude approfondie sur le château

d’Eaucourt.

L’émergence de ce nouveau projet a été encou-

ragée par l’action départementale du Conseil

départemental de la Somme avec l’intégration

du château d’Eaucourt dans le réseau des sites

exceptionnels du grand projet « vallée de la

Somme » ayant pour thématique : l’archéologie.

La dynamique de ce programme de recherche

a été impulsée avec l’autorisation préfectorale

donnant le droit d’effectuer des fouilles pro-

grammées sur les «Aires du château»

d’Eaucourt.

Présentation du site d’étude

Localisé à 7 km en amont d’Abbeville et à 32

km au nord-ouest d’Amiens, le château

d’Eaucourt est bâti en fond de vallée alluviale,

sur la rive droite de la rivière de la Somme,

dans une zone marécageuse.

Il s’agit d’un bel exemple d’une résidence forti-

fiée implanté dans le comté de Ponthieu et

construit sous le règne de Philippe Auguste

par les seigneurs de la Ferté. Cette place forte a

sans cesse changé de mains, initialement pro-

priété de familles régionales, avant d’être oc-

cupé par les Anglo-Bourguignons, puis reprise

de multiples fois par les seigneurs locaux pen-

dant la guerre de Cent Ans. Ce site fortifié sera

tenu jusqu’au XVIIIe siècle par des familles

nobles.

Ce château a été édifié comme un élément

défensif de la vallée. Son implantation est sur-

tout à mettre en relation avec l’importance de

Page 22: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

22

La fouille du sondage 1, 2015 © Sandrine Mouny.

la circulation fluviale qui était à la fois libre et

contrôlée.

Actuellement, le site se compose d’une plate-

forme de plan rectangulaire, sur laquelle de-

meure un châtelet d’entrée, composé de deux

tours circulaires, d’une tour de guet, pourvu

d’un escalier en vis et d’un vestibule de refuge,

carré, voûté d’une croisée d’ogive. La terrasse

est entourée d’une enceinte et défendue par

des fossés en eau alimenté par un canal relié à

la Somme. Ces vestiges architecturaux consti-

tuent de rares témoignages de l’évolution ra-

pide face aux progrès de l’armement et de

l’adaptation d’un site en plein conflit médié-

val.

Objet de la recherche

Enjeux scientifiques

L’intérêt principal est de pouvoir étudier une

petite seigneurie rurale abbevilloise, tenue par

une aristocratie chevaleresque. Ces recherches

vont permettre d’approfondir nos connais-

sances sur l’histoire de ce château. Les don-

nées recueillies vont apporter des éclaircisse-

ments sur son organisation spatiale, sur son

évolution architecturale (militaire et civile) et

sur le mode de vie de ses occupants. On

s’interrogera sur son rôle et ses fonctions, sur

sa représentation et sur ses interactions avec

son environnement.

Enjeux pédagogiques

Les interventions sur le terrain sont destinées à

compléter les apprentissages des étudiants en

leur apportant une expérience pratique. Ce

chantier école offre aux participants une for-

mation en leur permettant d’assimiler toutes

les étapes de la démarche archéologique (pro-

blématique, acquisition des données, interpré-

tation), toutes les techniques de terrain (fouille,

prélèvement, enregistrement) et toutes les mé-

thodes de relevé (dessin, plan, coupe) jusqu’au

travail de post-fouille (DAO, inventaire, trai-

tement du mobilier).

Ces opérations scientifiques viennent aussi

apporter une assistance technique, en fournis-

sant des informations nécessaires à la com-

mune et à l’association, qui cherchent à mieux

appréhender leur patrimoine pour le préser-

ver.

Enjeux culturels

La fouille apporte une animation scientifique

et contribue à valoriser le site en mettant au

jour de nouveaux vestiges. Ces derniers vont

être conservés et consolidés en suivant les re-

commandations des spécialistes des MH.

Aussi, les interventions renforcent l’attractivité

du site, en donnant aux touristes l’envie de

revenir les années suivantes pour constater

l’avancement du chantier. Ouvert au public, le

site devient un centre de sensibilisation et de

promotion du patrimoine. Pendant la durée de

la fouille, 3720 personnes ont été accueillies.

État d’avancement du programme

Plusieurs investigations ont déjà été menées.

Le relevé topo

Pendant 5 jours, une équipe de 5 personnes a

effectué à l’aide de tachéomètres laser, des

levés de niveau sur 5 hectares. La réalisation

d’un plan topographique du site et de ses

abords a nécessité la prise de 4099 points.

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23

La fouille du sondage 2, 2015 © Sandrine Mouny

Le sondage archéologique

L’objectif de la première opération archéolo-

gique est d’évaluer le potentiel du sous-sol

(l’état de conservation des vestiges enfouis).

Sous le patronage du service régional de

l’archéologie et avec le soutien de l’association

ARCHE, un sondage archéologique a été orga-

nisé cet été, pendant 4 semaines, mobilisant

une quinzaine de bénévoles, principalement

des étudiants en formation.

Cette intervention a permis de mettre au jour

une élégante tour de flanquement d’un bel

appareillage. La richesse esthétique de cet édi-

fice réside dans l’utilisation et l’association de

différents matériaux. Dans le second secteur,

un sol et deux pans de murs déterminent

l’emplacement du logis seigneurial du XVIe

siècle.

Perspectives

Une continuité des opérations de terrain

Le bon déroulement de la fouille ainsi que les

découvertes d’un grand intérêt encouragent de

prolonger cette recherche et cette aventure

humaine sur le long terme. Une demande

d’autorisation de fouille tri annuelle va être

faite auprès du ministère de la Culture.

Un renforcement de nos collaborations

Même si des liens étroits ont été établis avec

l’association ARCHE, ce programme de

grande envergure implique une participation

active de spécialistes et doit bénéficier de

nombreuses collaborations. Ce programme de

recherche pluridisciplinaire bénéficie déjà d’un

soutien de l’Etat au moyen de subventions

dans le cadre d’un contrat de projet Région.

Un investissement constant des actions de

valorisation

En collaboration avec les MH, des démarches

vont être entreprises pour la conservation des

structures construites qui vont être mises au

jour. Un effort toujours plus constant dans la

diffusion des résultats auprès du grand public

sera fondamental.

Page 24: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

24

Le service Archéologie d’Amiens Métropole : étudier une ville et ses péri-

phéries

Yves Le Béchennec, archéologue, Service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole

Depuis 2010, les élus de la communauté

d’agglomération d’Amiens Métropole, suite

aux demandes du service régional

d’archéologie de la DRAC Picardie, se sont

dotés d’un service d’archéologie préventive.

Cinq ans permettent aujourd’hui de proposer,

avec les premières 50 opérations, une petite

typologie d’interventions sur le territoire de la

métropole. L’archéologie aujourd’hui se fond

dans un moule, celui d’une archéologie pré-

ventive. Elle est, de fait, prisonnière des dy-

namiques de l’aménagement. Or, à Amiens,

cette dynamique nous fait intervenir sur les

marges, au détriment du centre ancien. Les 50

opérations ont donc été en majorité des inter-

ventions sur la grande périphérie de la ville

antique Samarobriva, capitale des Ambiens, en

Belgique seconde.

Au plus loin, et au plus ancien, un petit aperçu

sur le site de Thézy-Glimont. En vallée de

l’Avre, une opération de construction de 50

pavillons a été l’occasion en juillet 2012 d’un

diagnostic sur 5 ha et d’une fouille sur 2 ha.

L’opération met en évidence un « sanctuaire

picard », ce qui en Picardie est au final assez

attendu. Ces sanctuaires sont depuis 30 ans

l’objet d’étude. Toutefois, ces dernières années,

la découverte du même type d’enclos qua-

drangulaires autours d’Orléans, Pithiviers, en

Poitou, en Champagne et en Vendée avait fait

douter les collègues d’une spécificité « pi-

carde » pour ces grands enclos fossoyés livrant

des armes. Avec Thézy-Glimont, la question de

la typologie de ces sanctuaires est relancée par

l’exceptionnelle découverte de 17 fosses asso-

ciant des animaux d’élevages déposés en cor-

tège et - pour 8 d’entre elles - un homme. Que

nous dit ce site de la question spécifique de la

Ville en d’autre terme de Samarobriva ? Thézy

et la confluence Somme/Avre sont distants de

14 kilomètres. La fouille de Thézy et ses cor-

tèges d’animaux ramène l’intérêt sur une ques-

tion un peu délaissée, celle de la place spéci-

fique de l’élevage dans l’agriculture ancienne

de la vallée de la Somme, une place où

l’élevage maintient la tourbière, et où la tour-

bière est terroir commun, doté de droits spéci-

fiques. Thézy illustre avec éclat une période

complexe de l’histoire de notre territoire. Rap-

pelons le cadre du débat. Samarobriva, depuis

la publication fondatrice de Jean-Luc Massy et

Didier Bayard en 1983, est après la conquête,

un poste militaire établi pour contrôler la voie

vers la Bretagne (actuelle Angleterre). Ce poste

va se développer et fournir une première date,

32. Elle est obtenue sur des bois utilisés en

fondation donc conservés car plantés dans les

Détail d’une des fosses à offrandes du sanctuaire celtique de

Thézy-Glimont © Amiens Métropole, Service d’archéologie

préventive.

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sédiments du fond de vallée. Au moment où se

développe la future Samarobriva, périclite entre

autre le site de Thézy. La relation entre les

deux événements est sans doute indirecte,

mais elle signe probablement vers 0-30 une

réorganisation de l’occupation de toute la val-

lée.

De même, un diagnostic négatif selon la loi,

c’est-à-dire ne déclenchant pas d’opération de

fouille, réalisé à Saleux, en centre de village où

trois tranchées, de nouveau en fond de vallée,

livrent un four domestique de plan carré. Les

restes d’une amphore vinaire et une trentaine

de tessons céramique fournissent un repère

chronologique à la question de la caractérisa-

tion des productions céramiques de la fin de la

Tène. Ceci est un point d’alerte quant à

l’existence en vallée de la Selle d’un tissu

d’habitat groupé ouverts. Celui-ci préexiste au

poste de garde sur la voie.

À présent montons sur les plateaux. A nou-

veau, recourons à un diagnostic récent. Là, il

s’agit de l’un des futurs parkings du bus. Le

diagnostic met en évidence plusieurs réseaux

fossoyés. Les fossés dessinent le plan d’une

succession de deux ou trois fermes. Une fois

encore, la place de l’élevage dans ces vastes

enclos et surtout dans les espaces entre les

établissements doit être interrogée.

Toujours sur le plateau , mais en descendant

vers la ville, une longue dynamique

d’intervention menée entre autre par Domi-

nique Gemehl puis François Malrain de l’Inrap

et plus récemment par nous, sous la forme

d’un diagnostic, illustre une fois de plus la

continuité des occupations autours d’Amiens

avec la très grosse ferme de Poulainville. Une

fois de plus, la limite d’ère ne traduit pas une

différence dans la dynamique des sites. La

lente accumulation sur plus de 20 ans

d’opérations est nécessaire pour comprendre

l’occupation d’une petite valleuse parallèle au

cours de la Somme : « la vallée des moines ».

Là aussi, le développement exponentiel et sans

précédent dans nos régions d’une ville à partir

des années 50 de notre ère, se traduit d’une

manière originale par l’installation d’une très

grande étable ! Là encore, on note la place de

l’élevage. Rappelons-nous qu’une ville de plus

de 200 hectares et 20 000 habitants pose de

redoutables problèmes d’approvisionnement.

Les questions de la conservation de la viande

et de sa préparation sont complexes. Une solu-

tion, parmi les plus simples est celle de la

viande sur pied conservée vivante, le plus

longtemps possible. Cela implique de pouvoir

garder les bêtes et de pouvoir les re-engraisser

après leurs voyage jusqu’à la ville. Pour

l’instant nous ne savons pas placer dans

l’espace amiénois ces espaces ni pondérer le

rôle que jouent les établissements immédiate-

ment périphériques dans cette dynamique.

Plus proche encore de la ville, un diagnostic

réalisé cet été et dont sa fouille en cours révèle

Vue générale de la villa gallo-romaine du chemin des Foulons à

Dury © Amiens Métropole, Service d’archéologie préventive.

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une grande villa. Le diagnostic illustre une

mise en place à la fin de la Tène, un probable

premier état en bois, un développement au IIe

siècle de notre ère. Or, nous ne sommes qu’à 2

kilomètres du centre monumental ! Le service

est donc lancé dans une dynamique qui tend à

documenter la zone de contact entre la cam-

pagne et la ville. Évidemment, pour achever

l’observation de la zone de contact regardons

ce qui a véritablement généré la création du

service : la fouille de la citadelle d’Amiens, ses

15 mois de terrain et ses 7 opérations imbri-

quées dans la démolition des casernes du XVIIe

siècle pour la reconfiguration du lieu en uni-

versité. Les opérations confirment une nécro-

pole à inhumation des IIIe et IVe siècles mais

surtout un quartier périurbain dense dès le Ier

siècle. Dans une capitale de cité, la découverte

à répétitions de nécropoles communautaires,

périphériques et structurées en petits groupes

n’est pas, là encore, une surprise, comme le

montrent les fouilles du « chemin noir » et de

la caserne Dejean, opérations dont les études

sont en cours. Au sud, une répartition semble

se dessiner entre, en bas de pente, des tombes

relativement pauvres et récentes comme l’a

montré Eric Binet sur la fouille de l’îlot des

Boucheries et s’approchant de l’emplacement

du futur monastère de Saint-Acheul, des

tombes nettement plus aisées que montrent

bien la fouille de la Caserne. Au nord, la dy-

namique est la même, mais l’espace géogra-

phique où le fleuve entaille la falaise à une

expression plus ramassée. Ceci ramène notre

regard sur une réalité. Les périphéries de la

ville antique, si nécessaires à sa compréhension

sont aujourd’hui masquées sous les bâtiments

construits dans le vingtième siècle que ce soit

des amiénoises en brique ou des grands en-

sembles. Or ce siècle restera probablement

avant le sursaut de son dernier quart, comme

celui d’une destruction importante et rarement

contrôlées des archives du sol. Ceci va con-

traindre le service à s’investir sur des opéra-

tions de petite superficie. Pourtant, ces opéra-

tions - et particulièrement leur diagnostic -

sont dans la cadre législative actuel, déficitaire

et se heurtent à un sous-sol a priori très dé-

truit.

Voilà donc un rapide survol des enjeux auquel

renvoient pour Samarobriva les 5 première an-

nées de fonctionnement du service. Le travail

est en cours les études pour la plus part non

encore rendu font que cette présentation

manque probablement de recul. Toutefois, la

réalisation à l’invitation de Noël Mahéo, con-

servateur des collections archéologique au

Musée de Picardie, d’une exposition sur la

fouille de la citadelle et de son catalogue au

printemps prochain devrait permettre de pré-

ciser notre cadre de réflexion.

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La plateforme UnivArchéo – Université de Picardie Jules Verne : études, re-

cherche et formation en archéologie

Etienne Hamon, professeur d’Histoire de l’art médiéval, plateforme Univarchéo / Univer-

sité de Picardie Jules Verne

UnivArchéo est la plateforme de recherche en

histoire et archéologie de l’Université de Pi-

cardie Jules Verne (UPJV).

Créée en 2010, cette structure est issue d’une

réflexion menée par des historiens et des ar-

chéologues médiévistes de l’UPJV.

À ce jour, UnivArchéo est co-dirigée par

Etienne Hamon (professeur d’histoire de l’art

médiéval à l’Université de Picardie Jules

Verne) et François Blary (professeur

d’archéologie médiévale à l’Université Libre

de Bruxelles).

La plateforme se compose d’un conseil scienti-

fique, d’un conseil des utilisateurs et d’un per-

sonnel comptant deux responsables

d’opération (Pauline Augé et Guilhem de

Mauraige) ; une chargée d’étude et de mise en

valeur (Lucie Degroisilles) ; une gestionnaire

administrative (Marie Libbrecht). Les membres

d’UnivArchéo sont accueillis comme cher-

cheurs associés dans l’équipe de recherche

TRAME de l’UPJV.

Les missions d’univarchéo

Etudes et recherche

UnivArchéo rassemble les moyens scienti-

fiques, humains et matériels, pour réaliser

différentes prestations à la demande d’équipes

de recherche, d’entreprises, d’associations, de

services de l’État, de collectivités territoriales

ou de particuliers.

UnivArchéo peut apporter son expertise dans

le cadre de chantiers de fouilles archéologiques

programmées ou préventives, sur toutes les

périodes.

Indispensable avant toute campagne de res-

tauration ou de mise en valeur d’un bâtiment

ancien, l’étude du bâti accompagnée de relevés

permet d’en déterminer la chronologie, le pha-

sage, les techniques de construction et d’en

établir la critique d’authenticité. La plateforme

possède le matériel (tachéomètres ; GPS) et les

logiciels de dessins nécessaires à la réalisation

de ces relevés et de ces dessins.

Parmi les vestiges matériels mis au jour lors de

fouilles archéologiques, la céramique peut faire

l’objet d’expertises ponctuelles ou d’études

approfondies. La plateforme bénéficie dans ce

domaine d’une étroite collaboration avec San-

Fouille archéologique (Soissons, 2014) © Lucie Degroisilles

(UPJV-UnivArchéo).

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drine Mouny, ingénieur d’étude rattachée à

l’équipe TrAme.

UnivArchéo mène des études documentaires

dans le cadre d’opérations archéologiques,

architecturales ou de projets de mise en valeur

patrimoniale. Ces recherches en archives et en

bibliothèques permettent de dresser des inven-

taires de sources (manuscrites, iconogra-

phiques,...) indispensables pour retracer

l’histoire d’un site ou d’un monument

n du patrimoine

Afin de promouvoir auprès du public les res-

sources du patrimoine et la recherche qui s’y

rapporte, UnivArchéo effectue un travail de

médiation en prenant part à des cycles de con-

férences et en participant à des événements

nationaux et régionaux.

Ses compétences lui permettent de réaliser ou

d’aider à la mise en place, sous forme de pres-

tations, de restitutions numériques, de par-

cours touristiques, d’expositions et de supports

de communication (plaquettes, affiches…) et

de valorisation à destination de tous les pu-

blics.

Parallèlement à ses missions de prestataire de

service, UnivArchéo contribue à la recherche

en archéologie et en histoire en participant à

des projets scientifiques collectifs. Entre autres,

la plateforme prend part à des « Projets de

recherches thématiques et structurants » sou-

tenus par le Conseil régional de Picardie, avec

d’autres équipes de l’Université de Picardie

Jules Verne. Elle est ainsi intégrée en 2015-2018

aux Projets structurants ARCHEOMEDIPIC,

consacré à l’étude des sites castraux du Moyen

Âge en Picardie, et TRANSEPT, consacré à

l’étude du transept de la cathédrale d’Amiens

en relation avec le programme E-Cathédrale de

l’équipe MIS.

La formation

La plateforme prend part activement à la for-

mation professionnelle des acteurs de

l’archéologie régionale. En tant que structure

professionnelle bien implantée au sein de

l’Université, UnivArchéo assume des missions

pédagogiques à destination des étudiants,

principalement à partir du Master. Depuis sa

création, UnivArchéo accueille des stagiaires

conventionnés. En outre dans le cadre de pres-

tations, les membres d’UnivArchéo encadrent

sur le terrain des étudiants. La formation passe

par le perfectionnement des différentes tech-

niques, la maitrise du matériel ou encore

l’utilisation de logiciels spécifiques à

l’archéologie du sol ou du bâti.

Les réalisations d’univarchéo en Picardie

UnivArchéo intervient essentiellement dans le

nord de la France et tout particulièrement en

Picardie.

UnivArchéo a mené en Picardie deux fouilles

préventives très importantes au cœur de la

ville de Démuin (Somme) et sur le site le site

de l’ancienne caserne Gouraud à Soissons

(Aisne). La plateforme a également réalisé un

suivi de travaux au château de Compiègne et

sur l’église de Fleurines (Oise).

Formation des étudiants à l'utilisation du tachéomètre laser ©

Lucie Degroisilles (UPJV - UnivArchéo).

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-écoles

L’équipe a participé à plusieurs chantiers-

écoles de la région portant sur deux châteaux

médiévaux de la Somme : Boves et Lucheux.

Sous forme de prestation, UnivArchéo a assu-

ré l’étude du mobilier céramique médiéval issu

de deux fouilles archéologiques provenant

d’Ercheu (Somme) pour Oxford Archaeology

et de Laon (Aisne) pour le Conseil général.

Une recherche documentaire a été réalisée sur

un quartier de la ville de Senlis (Oise), dans le

cadre d’une fouille menée par la société Evéha.

Dans le cadre d’opérations préventives menées

par le service archéologique de Noyon (Oise),

UnivArchéo a réalisé des levés topographiques

et des plans archéologiques. Par ailleurs, le

château et l’église de Picquigny (Somme) ont

été entièrement relevés.

UnivArchéo a mené une étude de mise en va-

leur patrimoniale du site archéologique (châ-

teau, fossé, basse-cour) et de la ville de Tou-

tencourt (Somme).

Pour contacter la plateforme :

UnivArchéo

Université de Picardie Jules Verne

Campus – Chemin du Thil

80 025 Amiens

03 22 82 72 57

www.u-picardie.fr/plateformes/univarcheo/

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Le patrimoine monumental à l’ère du numérique

El Mustapha Mouaddib, professeur, directeur de l’unité de recherche MIS / Université de

Picardie Jules Verne

Le MIS (Modélisation, information et sys-

tèmes) est un laboratoire qui mène des travaux

de recherche sur les sciences du numérique. En

2010, il a lancé E-Cathédrale (https://mis.u-

picardie.fr/E-Cathedrale/ ), un programme de

recherches et développements autour d’une

maquette numérique de la cathédrale

d’Amiens. Depuis, il a coordonnée et participé

à plusieurs numérisations de plusieurs monu-

ments en Picardie (la cathédrale d’Amiens, la

cathédrale de Beauvais, l’abbatiale de Saint

Martin aux Bois et l’hôpital Saint Jean à

Amiens) et au Maroc (l’esplanade de la mos-

quée Hassan de Rabat). Pour chacun de ces

modèles, l’objectif est de construire une repré-

sentation fidèle, réaliste, précise et complète de

l’intérieur et de l’extérieur. Nous menons éga-

lement des travaux de recherche sur des vec-

teurs génériques pour la numérisation, des

outils d’amélioration des modèles et sur des

outils d’aide à la navigation et des travaux de

valorisation auprès du public.

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L’architecture de la ferme médiévale fortifiée dans le Soissonnais

Denis Rolland, Société historique de Soissons

L'architecture des exploitations agricoles mé-

diévales est méconnue. Plus que les guerres,

c'est la modernisation continuelle de l'agricul-

ture depuis 200 ans qui a effacé la majorité des

traces anciennes. Les textes mentionnent bien

les établissements, les cens, mais ne décrivent

jamais la composition de la ferme ou les bâti-

ments d'exploitation. Certaines de ces fermes

ont été fortifiées. Il en reste quelques traces

ténues qui permettent difficilement d'entrevoir

l'organisation de ce type d'exploitation. Il faut

attendre le début du XVIIe siècle pour trouver,

dans les minutes de notaires, des baux et des

marchés de travaux suffisamment détaillés

pour avoir un aperçu des fermes anciennes.

Cette recherche vise à retrouver l'architecture

de la ferme médiévale et notamment de la

ferme fortifiée. Le périmètre d'étude est le

Soissonnais et le Valois qui se caractérisent par

l'importance de ses exploitations agricoles

médiévales. En majorité elles appartenaient à

des communautés religieuses et atteignaient

plus de 200 ha.

Cette recherche se développe selon plusieurs

axes différents :

– Cartographie et cadastre ;

– Études et relevés sur le terrain ;

– Fonds d'archives visant à retrouver des baux,

marché de travaux, arpentages, descriptions

diverses ;

– Iconographie ancienne : dessins et photogra-

phies. Les fonds photographiques de la

Grande Guerre constituent une source impor-

tante.

Cette recherche s'inscrit dans une recherche

plus large concernant l'architecture rurale de

notre région.

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Le Musée archéologique de l’Oise, acteur en devenir de la recherche en Pi-

cardie

Adrien Bossard, conservateur du patrimoine, Musée archéologique de l’Oise

Historique du site et de son musée

Un site majeur de Picardie

Connu depuis la fin du XVIe siècle, le site ar-

chéologique de Vendeuil-Caply est surnommé

le « Pérou des antiquaires » au XVIIe siècle en

raison de sa richesse en vestiges. Dès lors, le

site ne cesse de susciter l’intérêt des historiens

et fait même l’objet de fouilles au XIXe siècle. Il

faut ensuite attendre 1955 et un cliché aérien

de l’I.G.N. révélant l’existence d’un théâtre

pour que la recherche reprenne sur le site. En

soixante ans, G. Dufour, D. Piton et V. Legros

se sont succédés à la tête des fouilles qui ont

révélé une vaste agglomération gallo-romaine.

Le nom de la ville étudiée à Vendeuil-Caply

nous échappe encore, faute de sources tex-

tuelles, mais la compréhension de sa chronolo-

gie et de son organisation générale s’affine

année après année. Le site connu s’étend sur

plus de cent hectares et voit dans un premier

temps l’installation d’un camp romain à la fin

de la Guerre des Gaules. Une agglomération

secondaire est ensuite créée à la fin du règne

d’Auguste. La superficie de l’agglomération,

densément occupée du Ier au IIe siècle, ainsi

que la monumentalité de certains édifices et la

diversité du mobilier archéologique témoi-

gnent de l’importance de la ville et de son rôle

économique et social pour le territoire. La cité

décline progressivement à partir de la fin du

IIe siècle pour être définitivement abandonnée

au début du Ve siècle. La nature reprend alors

possession du site.

Un nouveau musée à Vendeuil-Caply

Depuis sa création à Breteuil en 1961, le musée

a connu plusieurs statuts, bâtiments et dyna-

miques. La structure, appelée Musée archéolo-

gique de la région de Breteuil, est finalement

prise en charge en 1997 par la Communauté de

Communes des Vallées de la Brèche et de la

Noye (CCVBN) afin de développer une ambi-

tieuse politique culturelle, patrimoniale et

scientifique en milieu rural. Vingt ans de gesta-

tion aboutissent à la création en 2011 du Musée

archéologique de l’Oise installé à Vendeuil-

Caply, au plus près du site qui alimente ses

collections.

Le nouveau musée est installé dans un bâti-

ment original et moderne qui répond aux

normes Haute Qualité Environnementale, avec

son toit végétalisé et son chauffage géother-

mique, et constitue un véritable geste architec-

tural aux lignes épurées au milieu des champs.

La structure développe une programmation

annuelle d’expositions et une intense activité

pédagogique auprès des établissements sco-

laires du territoire. Son action scientifique

s’appuie sur ses collections propres mais éga-

lement sur celles du Centre de conservation et

d’étude (CCE) qu’elle accueille en collabora-

tion avec le Service régional de l’archéologie

(SRA).

Musée archéologique de l’Oise © Musée archéologique de l’Oise.

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33

Un potentiel scientifique à explorer

Les collections du musée

Les collections du musée se composent princi-

palement de mobilier gallo-romain provenant

du site archéologique de Vendeuil-Caply.

L’ensemble du spectre des matériaux que l’on

trouve dans une agglomération de cette pé-

riode est présent : céramique, lapidaire, verre-

rie, métaux et matériaux organiques. Le musée

conserve également des vestiges issus de deux

nécropoles médiévales fouillées au Clos-de-

Vendeuil et aux Marmousets. Enfin, des arte-

facts préhistoriques provenant principalement

de prospections dans la région complètent les

collections. Environ 6000 objets constituent la

collection Musée de France. Complémentaire

de ce corpus, le matériel d’étude a fait l’objet

d’un inventaire détaillé en 2014 : le contenu de

587 caisses a pu être identifié et peut désor-

mais être étudié de manière plus détaillée par

des chercheurs.

Un CCE à développer

Le CCE de Vendeuil-Caply a pour vocation de

réunir le mobilier archéologique découvert

dans le Nord du département de l’Oise, de le

conserver, d’en assurer l’accessibilité aux cher-

cheurs et de diffuser les résultats de son étude.

On trouve dans ses collections du mobilier issu

des fouilles menées lors de travaux

d’aménagement comme ceux de l’autoroute

A16 ou de la ZAC de la Belle Assise à Oursel-

Maison.

Le fonctionnement du CCE sera formalisé en

2016 avec l’établissement d’une convention

avec le SRA Picardie. Un inventaire complet et

un chantier des collections seront par la suite

menés par l’équipe du musée afin d’être en

mesure de répondre aux futures demandes des

chercheurs. Les réserves pourront à terme

recevoir des versements de mobilier pour

l’instant conservé par l’Institut national de

recherches archéologiques préventives.

Un lieu dédié à la recherche archéologique

Le musée archéologique de l’Oise a été conçu

pour être un lieu d’accueil destiné aux cher-

cheurs avec la mise à disposition de la docu-

mentation la plus complète possible. Les spé-

cialistes et les étudiants peuvent accéder sur

place au mobilier archéologique mais aussi à

de nombreux documents de référence.

Le musée est doté d’un centre de documenta-

tion et d’un laboratoire pour l’étude du mobi-

lier archéologique. Il conserve cinquante ans

d’archives de fouilles (carnets, plans, photo-

graphies…) dont l’étude peut être croisée avec

celle du mobilier.

Bilan scientifique en 2015

Le musée, un acteur

La longue gestation du musée archéologique

de l’Oise a mis en suspens son activité scienti-

fique pendant plus de vingt ans. Quatre ans

après son ouverture, l’institution est désormais

suffisamment ancrée dans le paysage patrimo-

nial et culturel de Picardie pour se lancer dans

un programme de recherche sur ses collec-

tions. Ce travail passe dans un premier temps

par une importante campagne d’inventaire en

cours de réalisation grâce au soutien de la Di-

rection Régionale des Affaires Culturelles. Une

fois terminé, l’inventaire des collections sera

un précieux instrument pour l’équipe du mu-

sée comme pour les chercheurs.

Le musée continue par ailleurs de soutenir la

recherche de terrain sur le site archéologique

de Vendeuil-Caply, chantier-école de

l’Université de Picardie – Jules Verne. Une

campagne d’un mois réunit, tous les ans de-

puis 2008, une trentaine d’archéologues, che-

vronnés ou étudiants, pour approfondir nos

connaissances sur l’agglomération secondaire

gallo-romaine.

Le musée devient acteur en aval des fouilles

lorsqu’il prend en charge l’étude et la mise en

valeur scientifique du mobilier archéologique.

L’équipe du musée travaille depuis 2014 sur

un corpus de figurines en terre cuite gallo-

Chantier de fouilles de Vendeuil-Caply, 2015 © Musée archéolo-

gique de l’Oise.

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romaines découvert en 2013 sur le site. Le ca-

ractère exceptionnel de cet ensemble tient à la

polychromie inédite conservée sur la surface

des objets. Leur étude est réalisée en collabora-

tion avec S. Talvas, docteur en archéologie

spécialiste du sujet, et une campagne de res-

tauration et d’analyses sur quatorze figurines a

pu être menée en collaboration avec le Centre

de Recherche et de Restauration des Musées de

France. Les conclusions de cette opération

permettront d’explorer le sujet encore inexploi-

té de la polychromie sur les « terres blanches ».

Plusieurs publications ont déjà présenté les

résultats intermédiaires des travaux en cours,

notamment dans Archéologia et dans la new-

sletter de The Association for Coroplastic Studies.

L’exposition 2015 du musée a permis de pré-

senter pour la première fois au public le corpus

et de le confronter à des œuvres prêtées par

onze musées, dont le Musée d’Archéologie

nationale.

Le musée, une ressource

Depuis 2015, le musée commence à jouer son

rôle de ressource pour la recherche avec no-

tamment l’accueil de F. Ferreira, doctorant de

l’université Paris-Sorbonne, pour l’étude du

lapidaire tiré des fouilles du grand théâtre de

Vendeuil-Caply, un matériel inexploité depuis

trente ans. Une collaboration a également été

mise en place avec le groupe de recherche sur

les meules. La structure s’ouvre par ailleurs

aux étudiants en mettant à leur disposition du

mobilier archéologique. Trois Masters 2 en

cours portent sur les collections de Vendeuil-

Caply.

Conclusion

La recherche est un des moteurs essentiels de

l’activité du musée archéologique de l’Oise et

nous avons pu faire avancer la compréhension

de ses collections au cours des dernières an-

nées. Fort de ces résultats, le musée va conti-

nuer de développer son activité scientifique

par la mise en place de partenariats. Des colla-

borations sont notamment lancées pour 2016

avec la Revue archéologique de Picardie, Das-

sault Systèmes et le musée Boucher-de-Perthes.

Tête de buste féminin en terre cuite polychrome, IIe siècle ap. J.-

C., Vendeuil-Caply ©F.-X. Bondois – Musée archéologique de

l’Oise.

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La recherche en cours…

Guerres mondiales et

reconstruction

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De D à G : Séverine Mordacq (Présidente de l’Historial), Sté-

phane Audoin-Rouzeau (Président du Centre de recherche, Jan-

Philipp Pomplun, Sarah Montin, Elodie Tamayo et Yasmina

Zian © Centre de recherche international de l’Historial.

Qu’est-ce que le Centre international de recherche de l’Historial de la

Grande Guerre ?

Caroline Fontaine, directrice, Centre international de recherche de l’Historial de la

Grande Guerre

Le Centre de recherche est une association (loi

1901) constituée en 1989 par les historiens con-

sultés dès 1988 par le Conseil général de la

Somme pour réfléchir à la façon d’expliquer et

de présenter la Grande Guerre dans le futur

Historial de la Grande Guerre. Ce groupe in-

ternational composé des meilleurs spécialistes

devait être le garant scientifique du musée, lui

conférer son rayonnement à travers le monde

et lui permettre une fois sa première réalisa-

tion achevée d’évoluer en fonction de la re-

cherche historique. Son comité directeur et son

conseil scientifique rassemblent aujourd’hui

plus de 80 historiens.

Cette association est une institution indépen-

dante, mais son action est étroitement coor-

donnée avec toutes les activités de l’Historial

dans lequel elle est installée.

Il a contribué à renouveler profondément

l’historiographie de la Grande Guerre.

Les actions habituelles du Centre sont :

de réunir des colloques internationaux, no-

tamment : Guerre et cultures 1914-1918

(1992), Mobilizing for Total War, Society and

State in Europe, 1914-1918, Trinity College

Dublin (Juin 1993), Les entrées en guerre de

1914 (juillet 1994), La Bataille de la Somme

(1996), Archéologie et Grande Guerre (1998),

11 novembre 1918 : Arrêter la guerre (no-

vembre 1998), La violence de guerre (avec

l’IHTP, Cachan mai 1999), Versailles 80 ans

après (Université de Düsseldorf, juin 1999),

Choc Traumatique et Histoire culturelle (1999),

Dix ans d’histoire culturelle de la guerre (juillet

2002), Histoire culturelle de la Grande Guerre

(2004), Grande Guerre et violences extrêmes : le

tournant de 1915 (2005), Musique et Grande

Guerre (2007), Les chiffres de la mort, Dans la

guerre : Accepter, endurer, refuser (2008), Ar-

chéologie et conflits armés – XIXe-XXe Siècles

(2008), Archéologues et historiens faces aux

vestiges des guerres (Mémorial de Caen,

2008), Grande Guerre et Justice (Blois, 2009),

Les gaz de combat pendant la Grande Guerre

(2010), Guerres futures, guerres imaginées: vers

une histoire culturelle de l’avant-1914 (2011),

Débuts, commencements, initiations : les pre-

mières fois de la Grande Guerre (2014) ;

d’attribuer des bourses de recherche à des

étudiants préparant des thèses de doctorat ;

environ 200 étudiants ont reçu une aide fi-

nancière pour mener à bien leur travaux.

Cette année les lauréats 2015 sont :

- Romain Fathi, On the other side of the mirror:

Villers-Bretonneux and Australian national

identity from 25 april to today, Sciences Po-

Paris: Guillaume Piketty, Of Queensland

Australie: Prof. Martin Crotty;

- Jan-Philipp Pomplun, German Freikorps :

Social history and continuities of (para)-

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Salle comble à Blois. Gerd Krumeich, Laurence Van Ypersele, S.

Audoin-Rouzeau, John Horne, Nicolas Werth © Centre de

recherche de l’Historial de la Grande Guerre.

military violence between Great War, Repub-

lic and National Socialism, Center for Re-

search on Antisemitism at the Technical

University of Berlin;

- Yasmina Zian, Immigrés juifs en Belgique :

influence de la Grande Guerre sur leur par-

cours, Michael Grüttner, Wolfgang Benz

Technische Univ. Berlin ;

- Elodie Tamayo, "Les évangiles de lumière"

d'Abel Gance (1916-1952) : un ensemble de

projets mystiques cristallisés par la Grande

Guerre, Université de Paris 3, Laurent Ve-

ray ;

- Sarah Montin, La poésie à l'épreuve de la

guerre (1914-?) : Les war-poets et l'échec du

poème, Université de Paris IV Sorbonne,

Pascal Aquien.

de publier des ouvrages :

La revue : 14-18 : Aujourd’hui, Today, Heute :

n°1 Pour une histoire religieuse de la guerre, 1998 ;

n°2 : L’archéologie de la Grande Guerre, 1999 ;

n°3 : Choc traumatique et Histoire culturelle,

2000 ;

n°4 : Marginaux, Marginalité, Marginalisation,

2001 ;

n°5 : Démobilisations culturelles après la Grande

Guerre, 2002 ;

n°6 : Le sabre et l’éprouvette, l’invention de la

Science en guerre 1914-1939, 2003 ;

et notamment :

- Becker J.J., Winter J., Krumeich G.: Guerre et

Cultures 1914-1918, Armand Colin, 1994 ;

- Le centre de recherche de l’Historial de Pé-

ronne : 14-18 La très Grande Guerre, Le Monde

éditions, 1994 ;

- Audoin-Rouzeau S., Becker J.J. (dir.) :

l’Encyclopédie de la Grande Guerre, Bayard, 2004,

Becker J.J. (dir) : Histoire culturelle de la Grande

Guerre, Armand Colin, 2005 ;

- Les Collections de l’Historial de la Grande Guerre,

Somogy, 2008 ;

- Vers la guerre totale, le tournant de 1914-1915,

dir. John Horne, Tallandier, 2010 ;

- Guerres futures, guerres imaginées: vers une

histoire culturelle de l’avant-1914, Francia, 2013

La Première Guerre mondiale, dir. Jay Winter,

Fayard, 2013 et 2014;

- Cambridge History of the First World War, Jay

Winter, Cambridge University Press, 2014

(traduction en chinois à venir);

- Dans la guerre (1914-1918), Accepter endurer

refuser, Les belles lettres, 2014.

d’organiser tout au long de l’année des

conférences par les meilleurs spécialistes

sur des thèmes très divers dans le but de

transmettre les acquis de la recherche

scientifique au grand public ; cette année :

● Dimanche 26 avril 2015, 15h : Commémorer,

étudier, enseigner le génocide des Arméniens. Vin-

cent Duclert, conférence, Historial ;

● Samedi 16 mai 2015, 15h : 1915 : un tournant

pour la Russie en guerre ? Alexandre Sumpf,

conférence, Historial ;

● Samedi 6 juin 2015, 17h : Une expédition colo-

niale ? L’expérience des soldats français aux Dar-

danelles, John Horne, conférence, Historial ;

● Samedi 19 septembre 2015, 15h : Raoul Dufy,

un artiste dans la Grande Guerre, conférence,

Marie-Pascale Prévost-Bault, Historial ;

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De g. à d. : Philippe Prost, Annette Becker, Jean Lebrun

© Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre.

● Dimanche 11 octobre 2015 : Fin ou transforma-

tion ? Les empires dans l’ère de la Grande Guerre,

Table ronde aux Rendez-vous de l’Histoire de

Blois ;

● Mercredi 11 novembre 2015, 15 h, une table

ronde : L'anneau de la mémoire de Notre-Dame-

de-Lorette en présence de son architecte Phi-

lippe Prost et des historiens : Annette Becker,

John Horne, Gerd Krumeich, animée par Jean

Lebrun (France Inter : La marche de l'histoire).

Outre d’être les conseillers scientifiques de

certaines des expositions de l’Historial ainsi

que de sa rénovation, ce sont les historiens du

Centre qui ont pour l’essentiel réalisé l’audio-

guidage trilingue du musée et le catalogue de

l’exposition permanente : Les collections de

l’Historial de la Guerre.

Comité directeur :

Monsieur Stéphane Audoin-Rouzeau (prési-

dent), directeur d’étude, EHESS ;

Madame Annette Becker (vice-présidente),

professeur à l'Université de Paris Ouest Nan-

terre la Défense, IUF ;

Monsieur Gerd Krumeich (vice-président),

professeur émérite de l'Université de Düssel-

dorf, Historishes Seminar II, Heinrich- Heine-

Universität Düsseldorf ;

Madame Anne Rasmussen (bureau), Universi-

té de Strasbourg I, LESVS ;

Monsieur Jay Winter, (vice-président), profes-

seur à l’Université de Yale ;

Monsieur Nicolas Beaupré, Université Blaise

Pascal, Clermont Ferrand, IUF ;

Monsieur Jean-Jacques Becker, (président

d’honneur), professeur émérite de l'Université

de Paris X-Nanterre ;

Madame Annie Deperchin, Centre d’Histoire

Judiciaire – Université de Lille II ;

John Horne, Trinity College, Dpt of History;

Madame Heather Jones, lecturer in Interna-

tional History, Department of International

History, The London School of Economics and

Political Science;

Monsieur Philippe Nivet, professeur à

l’Université de Picardie Jules Verne ;

Madame Laurence Van Ypersele, Université de

Louvain la Neuve ;

Monsieur Arndt Weinrich, Institut historique

allemand et responsable de la section "Pre-

mière guerre mondiale" ;

Caroline Fontaine (directrice), Historial de la

Grande Guerre.

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La reconstruction d’Amiens à partir de 1940 : questions de méthode

Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, CRAE / Université de Picardie

Jules Verne

Projet précoce et ambitieux, la reconstruction

d’Amiens à partir de 1940 demeure un sujet

peu exploré ; les archives disponibles sont

pourtant très riches. Nonobstant son indéniable

vocation pluridisciplinaire, c’est sous l’angle

architectural et urbain que nous entendons le

traiter. La reconstruction d’Amiens est à la fois

une aventure professionnelle – elle met à

l’épreuve plusieurs dizaines d’architectes

amiénois et parisiens – et un enjeu théorique.

Or la présence d’Auguste Perret ne saurait

cacher le choix d’une variété de formes et de

matériaux, qui marquent aujourd’hui la struc-

ture du centre-ville. Dans les faubourgs, la mise

au point d’un habitat individuel à faible coût

est le prélude à un pavillonnaire qui se déve-

loppera deux décennies plus tard. Il convient

dès lors de mener l’étude systématique, îlot par

îlot, de cette reconstruction.

Repères

Le plan de reconstruction d’Amiens fait partie

des tout premiers établis en France après la

défaite de mai 1940. Il est confié après con-

cours à un jeune Grand Prix de Rome, Pierre

Dufau (1908-1985), qui dirigera par la suite

l’une des plus importantes agences du pays.

De la première esquisse d’octobre 1940 aux

dernières modifications apportées au plan en

1947 et 1949, les propositions de l’architecte

évoluent sans que l’essentiel soit pour autant

remis en cause : nouveaux axes de circulation,

remembrement parcellaire, marquage du

centre-ville par des architectures ordonnan-

cées, trois des principes fondateurs du plan de

1940 seront préservés.

La mutation la plus spectaculaire est le remo-

delage foncier de la ville : modernisé avec par-

Le centre reconstruit d'Amiens depuis les tours de la cathédrale. © Simon Texier.

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cimonie jusqu’au XXe siècle, le tissu médiéval

d’Amiens présente un parcellaire très forte-

ment découpé, dont la conséquence est une

voirie comparable à celle de Lyon. Intervenant

sur un périmètre de 162 hectares, Pierre Dufau

s’attèle ainsi au remembrement de 184 îlots

regroupant à l’origine 3 605 parcelles. Si le

nombre d’îlots demeure inchangé ou presque

(172), celui des parcelles sera quasiment divisé

par trois (1 340). Pour ce faire, Dufau impose

une règle simple : aucune construction ne doit

présenter une largeur de façade inférieure à 7

mètres. Tandis que les faubourgs d’Amiens ont

préservé leur parcellaire étroit et profond, le

centre-ville se distingue par la largeur de son

bâti et l’ampleur de ses espaces publics, qui

ont doublé de surface.

Ces derniers étaient au cœur du premier projet

Dufau, qui prévoyait un système de places

reliant les principaux édifices épargnés de la

destruction. Largement revue à la baisse, cette

ambition monumentale survit au moyen de

compositions architecturales : la plus impor-

tante, la place Alphonse-Fiquet, est confiée à

Auguste Perret, tandis que Paul Tournon est

chargé des abords de la cathédrale avant de se

voir confier la place Branly, au carrefour des

routes de Paris et de Rouen. La place Gambetta

est réalisée par J.-M. Lafond, Pierre Dufau se

réservant la place au Fil, autour du Beffroi. Ce

dispositif sera amplifié avec l’ordonnance de la

place de l’Hôtel-de-Ville qui, en se prolongeant

avec les immeubles des rues de Beauvais et

Duméril, constitue un ensemble d’une grande

cohérence. Enfin, le groupe des ISAI (im-

meubles sans affectation immédiate) Faid-

herbe, réalisé sous la direction de Paul Sirvin,

participe également, à la lisière du centre-ville,

à la construction d’une nouvelle identité ur-

baine.

Le patrimoine architectural issu de la Recons-

truction ne se limite ni à ces opérations de

prestiges, ni au centre-ville. Le plan Dufau est

le prélude à de nombreuses reconstructions

d’îlots, au sein desquelles des écritures très

différentes se sont exprimées. En 1945, Pierre

Dufau s’exprimait avec assurance sur ce point :

« Je serai catégorique. Nous n’entendons im-

poser aucun style ni aucune technique aux

deux cents architectes d’exécution qui seront

désignés. Je suis personnellement pour un

éclectisme complet, et je vois fort bien chaque

architecte de secteur bâtir à son goût en pierre,

en brique ou en ciment, en style moderne ou

en style picard. De tels voisinages ne me gê-

nent nullement. Il est bien entendu, toutefois,

que nous interdirons les crépis de couleurs et

les maquillages de faux bois14. »

Place René-Goblet et rue des Trois-Cailloux,

Marc Saltet coordonne ainsi le travail de plu-

sieurs architectes d’opération avec le souci

évident d’introduire une variété de styles, sans

aucun régionalisme. Dans le faubourg de Hem,

le groupe Château-Milan (Arduin et Bazin,

Douillet et Saltet) frappe au contraire par son

unité, tout comme l’îlot A contigu au Jardin

des plantes (Antoine et Saltet), dont la compo-

sition et l’échelle annoncent déjà l’architecture

des grands ensembles. Le délégué à la Recons-

truction de la Somme, Yves Cazaux, qui de

l’aveu des Amiénois a joué un rôle humain et

technique de premier plan, rendra hommage

aux architectes en chef et à leur sens de la

coordination – si en l’occurrence Pierre Dufau,

secondé sur place par son frère André, coor-

donne une grande partie du travail, c’est An-

dré Leconte qui, officiellement, est chargé de la

direction architecturale.

14 Pierre Dufau, propos recueillis par Louis Ché-

ronnet et Georges Pillement, « Reconstruction de la

France : Amiens », Paris, les Arts et les Lettres, 5 dé-

cembre 1945, p. 2.

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Orientations

La contribution d’Auguste Perret est bien con-

nue et documentée15, mais la plupart des

autres édifices ou îlots n’ont jamais fait l’objet

d’études monographiques. Les archives de

Pierre Dufau, conservées à la Cité de

l’architecture et du patrimoine, sont en cours

de classement et contiennent de nombreux

dossiers, qui documentent à la fois la contribu-

tion de l’architecte et urbaniste lui-même, mais

aussi la reconstruction de nombreux îlots. Une

étude de ces dossiers a été déjà été réalisée et

doit être complétée par une recherche aux

archives municipales, où sont conservés les

dossiers de permis de construire. Le cas parti-

culier des ISAI Faidherbe fait quant à lui l’objet

d’un mémoire de master à l’UPJV et impose,

du fait de son mode de financement par le

ministère de la Reconstruction et de

l’Urbanisme, des recherches spécifiques dans

le fonds MRU. Ce dernier comprend une do-

cumentation photographique très importante,

qui permet d’analyser dans le détail le chantier

de certains bâtiments.

Au terme d’une enquête qui nécessite la con-

tribution d’étudiants et de jeunes chercheurs,

la reconstruction d’Amiens est un sujet qui

peut à l’évidence devenir le support d’une

exposition, rassemblant des documents de

grande qualité artistique et d’une grande va-

leur historique.

Bibliographie

Simon Texier, « Amiens : la naissance du style

Reconstruction », AMC - Le Moniteur Architecture,

n° 240, mars 2015, p. 61-68).

15 Joseph Abram, « Auguste Perret, 1942-1954. His-

toire d’un vrai projet urbain : la place de la gare à

Amiens », AMC, n° 104, février 2000.

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Anne Morgan et Anne Murray Dile © RMN-Grand Palais

(Château de Blérancourt) - René-Gabriel Ojéda

Le Musée franco-américain du château de Blérancourt, un musée transa-

tlantique

Mathilde Schneider, conservateur du patrimoine, Musée franco-américain de Blérancourt

Née en 1873, Anne Morgan est la troisième fille

du richissime banquier et collectionneur John

Pierpont Morgan. Entourée de ses frères et

sœurs, elle grandit dans les hautes classes de la

société américaine francophiles et franco-

phones, et dès son enfance fait montre d’une

sensibilité accrue aux questions sociales no-

tamment par le biais des œuvres de charité de

la paroisse Saint George de New York. A partir

des années 1900, Anne Morgan fait son appari-

tion dans la vie mondaine new yorkaise

comme au Bradley Martin Ball de 1897 par

exemple, habillée en Pocahontas, alors que son

père vient de commander des portraits

d’amérindiens au grand photographe Edward

Curtis. En réalité, Anne Morgan reste une per-

sonnalité à part et marque rapidement sa vo-

lonté de sortir des sentiers battus et de sa des-

tinée toute tracée. Dès 1903, elle devient tréso-

rière du Colony Club de New York, premier

club spécifiquement féminin puis s’investit

dans la lutte pour les classes ouvrières en visi-

tant les quartiers pauvres de Chicago en 1906

et en prenant part à la grève des ouvrières des

chemiseries en 1908 et des mineurs de Penn-

sylvanie en 1910. En 1912, elle participe à la

création de la Society for prevention of Useless

giving avant de publier The American girl en

1915 dans lequel elle manifeste son intérêt

pour le temps personnel et les loisirs des tra-

vailleuses, fil rouge de l’ensemble de son ac-

tion. A partir de 1907, Anne Morgan réside

régulièrement en villégiature chez ses amies

Elizabeth Marbury et Elsie de Wolfe à leur

villa Trianon de Versailles où elle rencontre

d’autres amazones américaines à Paris comme

Gertrude Stein, Nathalie Barney ou Romaine

Brooks. Lorsque la guerre éclate, elle est en

Savoie mais rallie très vite Paris avant de se

rendre sur les champs de bataille de la Marne

et d’ouvrir sa résidence versaillaise aux blessés

de guerre. Dès 1915, elle lève des fonds pour

une organisation dont elle devient la trésorière,

l’American For the French Wounded qui four-

nit les hôpitaux et les ambulances en matériel

médical et envoie des colis aux soldats. A par-

tir de 1917, Anne Morgan crée une section

civile de l’AFFW pour se dédier à l’aide aux

populations de l’arrière qui pâtissent grave-

ment des combats notamment dans la région

du front. Elle unit alors ses forces à Anne Mur-

ray Dike, médecin américaine qui devient la

cheville ouvrière de l’organisation en France.

Ainsi début juillet 1917, Anne Morgan, Anne

Murray Dike et huit autres volontaires de

l’AFFW débarquent à Blérancourt sur les re-

commandations du Général Pétain, qui avait à

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l’époque son QG à Compiègne. Les Allemands

viennent de se replier au Nord et les volon-

taires peuvent ainsi installer sur la terrasse du

château des baraques militaires, type baraque

Adrian, et commencer à transposer le système

de réseau automobile de Paris dans l’Aisne.

Lors de la deuxième offensive allemande, les

volontaires américaines aident les populations

à évacuer le village avant de revenir fin 1918

sous le nom de Comité Américain pour les

Régions Dévastées (CARD). Dans cette région

dévastée à environ 90 % et qualifiée de « zone

rouge », considérée comme infertile car truffée

d’obus, la reconstruction commence donc par

le nettoyage des champs et des sols, aidée en

partie par des Poilus de l’armée française et

des soldats britanniques et américains. Mais

Anne Morgan ne s’arrête pas à une remise en

culture et à une reconstruction architecturale,

elle souhaite véritablement faire renaître ce

territoire de ses cendres. Pour ce faire, elle

établit dès 1919, quatre autres centres à Anizy,

Coucy le château, Vic sur Aisne et Soissons, ce

qui permet au CARD, grâce aux Ford T impor-

tées des Etats Unis, de desservir 130 villages,

pour aller au plus près des populations. Les

nouvelles recrues, en plus d’avoir les moyens

de financer leur voyage, doivent quant à elles

savoir parler français, avoir leur permis de

conduire et surtout le goût de l’aventure et de

l’engagement civique. Soucieux de l’autonomie

des populations, le CARD réalise d’abord des

distributions gratuites de biens de premières

nécessités puis les vend à bas prix. Nul impé-

rialisme culturel non plus dans l’organisation

de fêtes et de jeux traditionnels comme le tir à

l‘arc ou les jeux de boules picardes, ni dans les

ouvrages pour enfants proposés dans les bi-

bliothèques adaptées à ce nouveau lectorat.

S’alliant également à d’autres organisations

comme la Croix rouge américaine ou

l’American Women Hospital, le CARD a à

cœur de recruter des professionnels qui peu-

vent à leur tour former des femmes de la ré-

gion afin de pérenniser leur action. Qu’il

s’agisse de soins médicaux, d’éducation phy-

sique ou de bibliothèques, des professionnelles

américaines sont sollicitées afin de répondre

aux demandes et transmettre leurs compé-

tences. Enfin, œuvrant pour la cause féminine,

le CARD ouvre certaines activités aux jeunes

filles comme le basket, le saut en hauteur, la

course de vitesse ou le scoutisme. Grâce à un

système de communication d’avant-garde via

des albums photographiques, des films et de

très nombreuses brochures, Anne Morgan a

également réussi à lever des financements

pour le CARD pendant sept ans avant de lé-

guer ses œuvres aux différentes municipalités.

En 1939, Anne Morgan revient à Blérancourt

pour fonder le Comité américain de secours

aux civils afin d’aider les populations fran-

çaises à évacuer vers le centre de la France.

Lorsqu’elle décède en 1952, Anne Morgan est le

sujet de nombreuses commémorations à Blé-

rancourt mais aussi à Paris où une plaque est

posée aux Invalides en son honneur, en recon-

naissance de son œuvre et de sa générosité.

Car en effet, outre les foyers sociaux et les bi-

bliothèques données aux villes, la création de

l'Association d'Hygiène Sociale de l‘Aisne,

devenue Association Médico-Social Anne

Morgan et qui emploie toujours 400 soignants

à domicile dans le Soissonnais, Anne Morgan a

créé puis fait don à la ville du musée de la

coopération franco-américaine en 1924. Deve-

nu musée national en 1930, le château de Blé-

rancourt héberge aujourd’hui environ 13 000

objets sur les relations franco-américaines et

fait l’objet d’une importante rénovation et ex-

tension. Le projet muséographique mis en

scène par le studio Adrien Gardère fait la part

belle à trois thématiques : les Idéaux, les

Epreuves et les Arts. En premier lieu, la France

et les États-Unis se sont retrouvés autour de

valeurs philosophiques communes qui ont

guidé les deux révolutions - américaine et

française -, et de valeurs civiques comme la

liberté et l’égalité lors de la création de la Nou-

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Château de Blérancourt © Mathilde Schneider

Musée de Blérancourt © Ateliers Lion

Exposition itinérante du Musée de Blérancourt © Mathilde

Schneider

velle-France puis de l'abolition de l'esclavage.

Des conflits ont également vu les États-Unis et

la France se battre côte à côte : la guerre

d'Indépendance des Etats-Unis notamment et

les deux Guerres mondiales ainsi que la guerre

froide. Enfin, le domaine artistique témoigne

également d’influences réciproques entre ar-

tistes français et américains avec des artistes

tels que John Singer Sargent, Childe Hassam

ou Calder.

Aujourd’hui, et en attendant la réouverture du

musée à l’automne 2016, les collections sont

valorisées hors-les-murs dans le cadre de

l’exposition Anne Morgan, American women

rebuilding France qui présente des photogra-

phies dans diverses villes aux Etats-Unis de-

puis 2010, ou de l’exposition pédagogique

Anne Morgan, une pionnière de l’humanitaire dans

la Grande guerre à destination des collèges et

lycées, ainsi que de la mise en ligne des films

du CARD. Depuis novembre 2014, le circuit

Sur les pas d’Anne Morgan relie les villes des

cinq centres du CARD grâce à un livret, une

application mobile et des totems afin de mon-

trer aux visiteurs l’héritage du CARD encore

présent de nos jours. Enfin, le programme des

expositions met également en valeur cette his-

toire transatlantique avec le centenaire de

l’engagement américain dans la Première

Guerre mondiale en 2017, le centenaire du

CARD en 2018, un focus sur le Western comme

passion française en 2019, et la présence artis-

tique américaine à Paris en 2020.

Ainsi, depuis près d’un siècle, le musée Fran-

co-américain du château de Blérancourt valo-

rise les regards croisés entre France et États-

Unis et diffuse cette histoire transatlantique

grâce à ses collections riches et variées offrant

ainsi de nombreuses perspectives d’études et

de recherches.

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Collection de l’Historial © Historial de la Grande Guerre

Aborder autrement l’histoire culturelle de la Grande Guerre à l’Historial

Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice en chef du patrimoine, Historial de la Grande

Guerre

Musée départemental et Musée de France,

l’Historial de la Grande Guerre est riche de

collections diversifiées liées à la recherche en

histoire et se nourrissant d’elle. Le principe à

l’origine de sa création (1992) –L’histoire au-

trement- consistait à montrer la première

guerre mondiale comme «un phénomène so-

cial, global et quotidien » pour les sociétés

allemandes, britanniques et françaises. Cette

histoire culturelle repose aujourd’hui sur plus

de 65 000 objets et documents « de guerre et

pour la guerre ».

Le Centre de documentation du musée, ou-

vert à tous, permet la consultation, non seule-

ment des ouvrages de la bibliothèque (5800

ouvrages, catalogues, mémoires universi-

taires…) mais aussi des ressources variées du

musée. L’interrogation de la base de données

du musée permet d’accéder à des références

axées sur des thèmes variés, propres à déter-

miner l’histoire matérielle de la Grande

Guerre, celle des comportements collectifs et

des pratiques individuelles.

Outre le domaine militaria attendu (uniformes,

armes, accessoires….), différents fonds impor-

tants d’imprimés permettent une étude des

sociétés en guerre : presse (nationale, régio-

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Centre de documentation © Historial de la Grande Guerre

nale, étrangère), journaux de tranchées, af-

fiches illustrées, cartes postales, partitions de

chansons, documents liés à l’économie de

guerre…. Le fonds beaux-arts, riche de très

nombreux estampes, gravures, tableaux, des-

sins et sculptures, comporte quelques

exemples de la production liée à l’avant-garde

dont la série « Der Krieg » d’Otto Dix en est le

fleuron.

Le fonds des manuscrits regroupe des corres-

pondances de soldats ainsi que des autographes

d’écrivains et de personnalités. La section jeux

et jouets offre une illustration de la « mobilisa-

tion » des enfants dans une guerre qui dure et

qui implique l’ensemble de la nation.

Le thème des relations entre le front et l’arrière

(le Home front) peut être abordé à travers des

archives relatives à des soldats issus de diffé-

rentes catégories socio-professionnelles : ma-

gistrat, avocat, musicien, journaliste ….A partir

du croisement entre les fonds « papiers » et

différents types d’objets, l’histoire des mentali-

tés offre de larges possibilités, comme par

exemple celles d’aborder de façon originale les

thèmes suivants : Croire, Combattre, Subir,

Occuper… Les objets artisanaux ornés de re-

présentations, les illustrations révèlent

l’adhésion des esprits à l’effort de guerre. Les

manuscrits et objets-souvenirs des prisonniers

de guerre, des blessés, rappellent les souf-

frances endurées et peuvent se comparer aux

objets liés à l'occupation des départements

envahis (dont les tissus manuscrits transmis à

l’insu de l’occupant, un morceau de pain …).

Il faut y ajouter quelques ressources permet-

tant d’illustrer des thèmes plus difficiles à re-

présenter : la mort (annoncée ou inscrite dans

un processus de deuil parfois impossible du

fait de la disparition du corps), l’amour (la

séparation dans l’histoire intime).

Pour de tels sujets, l’Historial de la Grande

Guerre de Péronne, en tant que lieu privilégié

d’initiation, peut aider le chercheur vers une

approche plus précise et plus personnalisée,

axée sur l’interrogation des sources liant His-

toire/mémoire/recherche, sans oublier le com-

paratisme lorsque cela est possible et pour une

recherche plus dynamique et concrète, la dé-

couverte de l’objet lui-même.

La conservation du musée peut aussi accueillir

un stagiaire en Master d’histoire contempo-

raine ou de mise en valeur des biens culturels,

pour un apprentissage privilégiant l’étude du

traitement des fonds patrimoniaux dans leur

diversité, leur complexité et leur incroyable

richesse. Le personnel de la conservation du

musée est à la disposition de tous les étudiants

et chercheurs : [email protected]

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47

Reconstruction de la rue Saint-Vulfran depuis le parvis de la

collégiale en 1951 (AC Abbeville ; PHNB 1291)

© Ville d’Abbeville / Archives municipales.

Vincent Auriol, Président de la République, posant la première de

la reconstruction d'Abbeville le 8 mai 1848 sur le parvis de la

collégiale Saint-Vulfran (AC Abbeville ; fonds Max Lejeune)

© Ville d’Abbeville / Archives municipales..

Les reconstructions à Abbeville

Léo Noyer-Duplaix, chercheur, Service du patrimoine d’Abbeville

Depuis janvier 2015, un inventaire du patri-

moine d'Abbeville est conduit dans le cadre

d'une convention entre la région Picardie et la

ville d'Abbeville. Il s'agit de comprendre l'his-

toire de la cité à travers une approche spatiale

et une analyse urbanistique. Compte-tenu de

l'état de l'art et des enjeux scientifiques de

l'étude, trois problématiques ont été définies

afin de décrire et d’analyser les principaux

enjeux urbains : ville et eau qui interroge la

place de l'eau dans l'évolution de la morpholo-

gie urbaine, centralités et périphéries qui ques-

tionne, sur le temps long de l'histoire, les

échelles et les interfaces de la ville, et recons-

tructions qui porte sur les destructions mas-

sives liées aux hostilités du XXe siècle qui en-

gendrèrent une transformation radicale du

tissu urbain abbevillois.

De la Grande Guerre, Abbeville subit des

bombardements aériens qui touchèrent no-

tamment les places de l'Amiral Courbet et

Sainte-Catherine, ainsi que l'avenue de la gare.

La première reconstruction qui s'en suivit fut

en partie détruite lors de la seconde guerre

mondiale, tandis que les édifices épargnés ne

sont pas documentés aujourd'hui, les connais-

sances sur l'architecture et l'urbain de cette

période étant lacunaires.

L'anéantissement du centre ancien le 20 mai

1940 – Abbeville fut l'une des cinq villes du

Nord les plus détruites, la plus sinistrée après

Dunkerque – engendra deux phases de recons-

truction. François Loyer16, Gérard Monnier17

ou Jacques Lucan18 n'hésitent d'ailleurs pas,

pour cette période, à désigner deux reconstruc-

tions différentes. Ainsi, pour ces historiens, la

première reconstruction fit suite à la Grande

Guerre, la deuxième débuta sous l'Occupation

16Loyer, François. Histoire de l'architecture française.

Tome 3, de la Révolution à nos jours. Paris : Mengès,

Centre des monuments nationaux, 2006, p. 316-317. 17Monnier, Gérard. L'architecture en France, une histoire

critique. 1918-1950. Architecture, culture, modernité.

Paris : Ph. Sers, 1990, p. 353-370. 18Lucan, Jacques. Architecture en France (1940-2000).

Histoire et théorie. Paris : Le Moniteur, 2001, p. 17-57.

en 1940, et la troisième à la Libération. S'agis-

sant d'Abbeville cette classification paraît peu

pertinente, tant les étapes de reconstruction

suivant le second conflit mondial sont entre-

mêlées. Plus globalement, comme l'a montré

Danièle Voldman19, ni le ministère de la Re-

construction et de l’Urbanisme (MRU), ni la

législation urbaine, ni les nouveaux procédés

de constructions, ni l’évolution des professions

ne furent des créations ex nihilo effectuées à la

19Voldman, Danièle. La reconstruction des villes

françaises de 1940 à 1954 Histoire d’une politique. Paris,

Montréal : l'Harmattan, 1997.

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Le centre reconstruit depuis l'hôtel de ville vers le nord dans les

années 1970 (AC Abbeville ; PHNB 1361) © Ville d’Abbeville /

Archives municipales.

Libération. Les moyens mis en œuvre afin de

reconstruire le pays au lendemain de la se-

conde guerre mondiale, furent l’aboutissement

d’un long processus qui fut initié après la

Grande Guerre, poursuivi dès son installation

par le régime de Vichy et enfin confirmé par le

Gouvernement Provisoire de la République

Française (GPRF) puis par la IVe République.

Par conséquent, la rupture politique menée à la

Libération s’estompe dans le domaine de la

reconstruction et de la construction. Cette con-

tinuité historique se manifesta à Abbeville à

travers la figure de Jacques Gréber. Auteur de

travaux d'urbanisme à Abbeville pendant

l'entre-deux-guerres, l'architecte s'attela dès

1940 à l'élaboration d'un plan de reconstruc-

tion, qui fut poursuivi et partiellement réalisé à

la Libération. Cette seconde reconstruction

s'effectua dans un cadre réglementaire radica-

lement différente de la première. Tandis qu'au

lendemain de la Grande Guerre, la re-

construction fut individuelle – la loi du 17 avril

1919 n’accordait à l’État qu’un rôle de bailleur,

laissant une large autonomie aux sinistrés –,

celle qui débuta en 1940 fut placée par le ré-

gime de Vichy dans la tradition jacobine d’une

grande centralisation. Cette volonté de con-

trôle étatique était due non seulement au ca-

ractère autoritaire du régime, mais aussi aux

leçons tirées des échecs de la reconstruction

précédente. À la Libération, le GPRF puis la

IVe République reprirent le dispositif législatif

et institutionnel mis en place sous l'Occupa-

tion, mais conscients des erreurs commises, il

fut réformé. L'instrument politique de cette

seconde reconstruction fut le remembrement,

qui supprima les anciennes divisions parcel-

laires pour en créer de nouvelles dans le cadre

d'un chantier global contrôlé par l'État.

Le plan Gréber pour la reconstruction d'Abbe-

ville témoigne ainsi de cette continuité entre

les deux phases de reconstruction, la rupture

n'étant intervenu qu'en 1950-1951, lors des

visites du Ministre de la reconstruction et de

l'urbanisme, Eugène Claudius-Petit (1907-

1989). Trouvant le parti de Gréber trop oné-

reux, il fit appel à Clément Tambuté pour

l'élaboration d'un nouveau plan. Le nouvel

architecte se détacha du style Gréber – qui

amalgamait beaux-arts et régionalisme – pour

une simplification des formes. Aujourd'hui les

réalisations de Gréber et de Tambuté cohabi-

tent dans la ville, et parfois même se font face

comme dans le rue Lesueur. La seconde re-

construction abbevilloise représente ainsi au-

jourd'hui un patrimoine représentatif de cette

période complexe de l'histoire urbaine.

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La sucrerie d’Eppeville construite par l’architecte Georges Lisch en 1922 incarne la concentration des capitaux issus des dommages de

guerre pour la création d’un outil de production jamais égalé jusqu’alors © Région Picardie - Inventaire généra,/ cliché T. Lefébure.

Le patrimoine industriel de la première Reconstruction en Picardie

Bertrand Fournier, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région

Picardie

En Picardie, lorsque le patrimoine industriel a

commencé à être étudié, il l'a été essentielle-

ment sous l'angle des moteurs hydrauliques,

c'est à dire des moulins et de leur roue à aubes.

Toutefois, recenser les moulins et leur type de

roue pouvait s'avérer insuffisant pour appré-

hender le phénomène d'industrialisation d'une

vallée. Pour la vallée du Thérain (Oise), après

un premier inventaire réalisé au milieu des

années 1980, une seconde étude fut menée, en

2007, mettant davantage les sites industriels en

lien par rapport aux autres et en dégageant

ainsi une problématique propre au territoire.

De même, la notion de repérage du patrimoine

industriel qui avait été menée dans les années

1980 et 1990 répondait à des exigences de con-

naissance rapide de sites industriels, souvent

menacés de destruction dans un paysage éco-

nomique en pleine mutation, et à un objectif de

couverture globale du territoire, avec des ins-

truments d'analyse partout identiques.

Depuis quelques années, cette couverture sys-

tématique du territoire, canton par canton, est

abandonnée au profit d'études problématisées.

C'est le cas avec l'étude qui a été engagée sur la

Reconstruction industrielle après la Grande

Guerre. Cette étude ne s'intéresse pas seule-

ment au phénomène historique et à ce secteur

particulier qui fut considéré comme prioritaire

dans la reconstitution et le redressement de la

France. Elle s'intéresse aux productions archi-

tecturales de cette période si singulière, qui

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Le tissage Tripette de Sailly-Saillisel, construit en 1923, était un

ensemble architectural d’une remarquable qualité, qui a pourtant

été détruit en 1995 © Région Picardie - Inventaire général, cliché

B. Fournier.

aujourd'hui participent de l'identité de certains

des territoires de la région, revêtant ainsi un

caractère patrimonial, même si cela ne va pas

encore complètement de soi.

Outre son intérêt scientifique, l'intérêt opéra-

tionnel de cette étude doit aussi permettre, par

une meilleure connaissance de ce patrimoine,

sa prise en compte dans les décisions d'amé-

nagement du territoire ou de valorisation tou-

ristique.

La première spécificité de l'étude consacrée au

patrimoine industriel de la Première Recons-

truction est qu'elle s'inscrit dans une étude

d'inventaire plus large consacrée à l'architec-

ture et au patrimoine généré et légué par le

premier conflit mondial en Picardie. Néan-

moins, elle fait l’objet d’une approche spéci-

fique pour plusieurs raisons. La première est

liée à la richesse même du sujet. Une autre

raison, plus importante sans doute, tient au fait

qu'on a souhaité souligner de cette manière le

contexte qui accorda à l'économie -et donc de

l'industrie- un caractère d'urgence et de priori-

té absolue. A ce titre, l'industrie bénéficia

d'emblée de moyens financiers et humains à la

hauteur des enjeux nationaux. Partout, les

industriels eurent la volonté de retrouver les

niveaux de production d'avant-guerre, et

même de les dépasser grâce à une modernisa-

tion de leur outil de production. Pour autant,

cette reconstruction n'a pas été simplement

une reconstitution du paysage industriel qui

existait avant-guerre. Bien des domaines,

comme celui des transports ou de l'industrie

chimique, ont en effet connus des progrès im-

portants durant ces quatre années de conflit et

profitent dans la période qui suit de nouvelles

technologies, d'innovations qui vont peu à peu

entrer dans le quotidien. Une nouvelle carte de

l'économie régionale se dessine, dans laquelle

les petites unités d'avant se regroupent, con-

centrent leurs moyens et offrent un maillage

territorial à la fois plus relâché mais aussi plus

productif.

L'autre aspect auquel nous nous intéressons

particulièrement est celui du rôle joué par les

industriels eux même qui, à bien des égards

transformèrent leur paternalisme du siècle

précédent en un patriotisme nécessaire pour le

redressement du pays. En associant la cons-

truction de logements ou de cités à proximité

de leurs usines, ils initient une nouvelle poli-

tique de logement et incitent à une certaine

forme de zonage urbain, y compris pour des

communes qui n'étaient pas concernées par la

loi Cornudet. L'urbanisme de plan qui voit

ainsi le jour à cette époque se fait avec eux,

dans le sens où ils ne s'intéressent pas seule-

ment à la rationalisation des lieux de travail

mais aussi à celle des lieux de vie. A partir de

là, la place de l'industrie dans l'espace urbain

est posée.

Cette recherche de rationalité devient égale-

ment le maitre mot des architectes à qui l'on

demande d'inventer de nouveaux modes cons-

tructifs répondant au manque de main

d'œuvre qualifiée, tout en évitant la monotonie

de l’unité architecturale. L'industrie essuie ici

les plâtres de ces défis qui marqueront tout

l'esprit de la Reconstruction que l'on pensait

déjà en 1917.

Page 51: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

51

Pour répondre à ces principales questions,

plusieurs échelles territoriales sont envisagées.

La Picardie constitue certes le cadre de ré-

flexion général mais l'accent est naturellement

mis sur les territoires qui ont été les plus tou-

chés par le conflit, sur la fameuse "zone rouge",

et plus largement sur l'ensemble du départe-

ment de l'Aisne, sur l'est du département de la

Somme et le Compiégnois (ces deux derniers

territoires ayant déjà fait l’objet d’un recense-

ment dans les années 1980 et 1990). Néan-

moins, il était également important de concen-

trer notre approche sur un territoire en particu-

lier, afin d'y observer les phénomènes de non

reconstruction, de transfert d'activité ou de

lieux, en particulier dans l’Asine où aucun

recensement préalable n’a été mené. Celui qui

a été retenu est le Chaunois, qui avant 1914,

présente un tissu industriel dense, avec de

grandes entreprises chimiques, des industries

verrières emblématiques comme Saint-Gobain

ou les verreries de Folembray, ainsi que des

sucreries comme celles des Michettes et de

Blérancourt. Il possède également un ensemble

de voies de communication fluviales et ferro-

viaires particulièrement recherché par l'indus-

trie. C'est enfin un territoire littéralement ra-

vagé par le conflit, où il est particulièrement

intéressant d'observer cette reconstruction,

d'estimer la part de la "reconstitution", du

remploi et de la « non reconstruction », d'ob-

server des imbrications avec les autres secteurs

à reconstruire, et le rôle exercé par le réseau de

communication sur la répartition des entre-

prises qui, manifestement, changent d'échelle.

Aux enjeux scientifiques brossés ici rapide-

ment s'associe la question d'utilité d'une telle

étude pour une région qui, en ce moment, -et

pour quelques années encore- commémore le

Centenaire des événements de la première

guerre mondiale.

La première utilité de cette étude est de mieux

connaître et considérer ce patrimoine afin de

l’intégrer davantage aux réflexions d'aména-

gement du territoire. A plusieurs reprises déjà,

nous avons pu observer que des édifices d'im-

portance, repérés dans les années 1980 avaient

été laissés à l'abandon et finalement détruit,

faute d'usage ou d'intérêt. Nul doute qu'une

meilleure connaissance de ces édifices per-

mette désormais d'envisager une alternative à

la destruction.

Le second intérêt réside dans la mise en valeur

touristique de ce patrimoine dans le cadre de

l'après Centenaire. Les professionnels du tou-

risme réfléchissent actuellement sur les orien-

tations à prendre aujourd’hui pour prolonger

l’engouement suscité pour le tourisme de mé-

moire.

C'est le sens des collaborations qui pourraient

être mises en place entre la Région et les offices

de tourisme de la Haute-Somme (Péronne et

Ham) ou encore de Coucy-le-Château Val de

l'Ailette. Dans l'un et l'autre cas, les données de

l'Inventaire général pourraient servir à élabo-

rer de nouveaux produits touristiques (circuits

GPS, plaquettes de découverte du patrimoine

industriel20) pour une appropriation des résul-

tats et une mise en valeur des territoires par

l’ensemble des acteurs.

20 Voir notamment :

https://inventaire.picardie.fr/site/Balade-autour-de-la-

sucrerie-d

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La recherche en cours…

Architectures et territoires

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Périmètre de l’opération © F.-N. Kocourek - Syndicat mixte

Baie de Somme 3 Vallées

Le patrimoine lié à l’industrie du Vimeu industriel

Frédéric-Nicolas Kocourek, chercheur, Syndicat mixte Baie de Somme – 3 Vallées

Dans le cadre de ses missions de préfiguration

du Parc naturel régional Picardie Maritime,

Baie de Somme 3 Vallées mène un inventaire

du patrimoine du Vimeu industriel. Cette opé-

ration est menée en partenariat avec la Direc-

tion de l’Inventaire et du patrimoine culturel

de la région Picardie, qui en assure le suivi

scientifique et qui apporte également un sou-

tien méthodologique et technique.

Facteur d'identité et d'appartenance à un terri-

toire, l'attention portée au patrimoine de

l'industrie témoigne de l'attachement à un

héritage local fort. Il s'agit de comprendre

l'impact de l'activité industrielle dans un es-

pace à caractère rural et son influence sur son

développement aux XIXe et XXe siècles, activité

qui se traduit par de nombreuses formes urba-

nistiques et architecturales.

L'étude doit permettre de mieux connaître la

qualité et la diversité du patrimoine de l'aire

d'étude, d'approfondir la connaissance scienti-

fique, de compléter et de mettre à jour les don-

nées recueillies, lors du recensement du patri-

moine industriel de la Somme au milieu des

années 1980.

Pour Baie de Somme 3 Vallées, l'étude consti-

tue également une ressource pour la valorisa-

tion de son territoire. Elle contribue à réaffir-

mer le caractère atypique d'une activité indus-

trielle sur un territoire à dominante rurale et à

en souligner l'excellence par le biais d'une

étude approfondie et normée sur l'ensemble

du patrimoine, des usines aux boutiques arti-

sanales en passant par les monuments civils ou

religieux. A terme, elle permettra grâce aux

actions de mise en valeur qui en découle l'ap-

propriation et la prise de conscience des habi-

tants et des propriétaires. Ces ambitions ré-

pondent pleinement aux objectifs de la charte

élaborée en vue de l'obtention du label "Parc

naturel régional".

L’objectif de cet inventaire est donc d’étudier

le patrimoine de l’industrie et ses liens avec le

développement des villages, depuis le début

du 19e siècle, jusqu’au milieu du XXe siècle.

Le périmètre de l'opération comprend dix-neuf

communes dans lesquelles le recensement du

patrimoine industriel dans les années 1980

avait déjà identifié un fort potentiel patrimo-

nial. Cet ensemble a une cohérence géogra-

phique et une continuité territoriale au sein

même du périmètre d’étude du Parc naturel

régional de Picardie maritime.

L'étude doit permettre de comprendre com-

ment une activité proto-industrielle puis in-

dustrielle a forgé l'identité d’un territoire et a

affecté son urbanisme et ses paysages. L'opéra-

tion peut donc permettre une évaluation du

patrimoine bâti mais également la mise en

évidence de l’influence de l’activité industrielle

sur l'aire d'étude en général et sur les agglomé-

rations en particulier.

Page 54: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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Fressenneville – ancien logement patronal de Julien Riquier © Région

Picardie - Inventaire général / Syndicat mixte Baie de Somme 3

Vallées, cliché T. Lefébure.

Fressenneville – ancienne « boutique » de serrurier © Région Picardie

- Inventaire général / Syndicat mixte Baie de Somme 3 Vallées,

cliché T. Lefébure.

Ault – ancienne usine de serrurerie Derloche © Région Picardie - Inventaire général / Syndicat mixte Baie de Somme 3 Vallées, cliché T.

Lefébure.

Les axes de recherches sont donc les suivants :

• repérer sur le terrain les éléments constitutifs

du patrimoine de l'industrie ;

• analyser les implantations et les imbrications

des "appareils de production" dans le tissu

urbain ;

• analyser la nature et la qualité des éléments

constitutifs du patrimoine de l’industrie en

prenant en compte également les habitats ou-

vriers, les logis patronaux mais aussi les édi-

fices publics (marie, école, église…).

Contexte de la recherche : permettre une iden-

tification des richesses patrimoniales de l’aire

d’étude et vise à renforcer et à compléter la

connaissance du territoire. Permettre d’établir

une comparaison des différentes aires d’étude

étudiées par la DIPC en particulier le Val de

Nièvre.

État d’avancement de la recherche : Finalisa-

tion de la phase recensement du patrimoine

des 19 communes du périmètre d’étude.

Perspectives : publication et valorisation des

résultats pour le milieu de l’année 2016.

Page 55: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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De g. à d. : croix, Moyenville ; borne, forêt de Crécy ; pigeonnier, Avesnes-Chaussoy ; lavoir, Long ; métier à ferrer, Fescamps © A. Guerville.

Découvertes et inventaire du petit patrimoine de la Somme

André Guerville, association Richesses en Somme

Richesses en Somme est une association qui

recense le petit patrimoine avec comme cadre

géographique, le département de la Somme. Le

but est de photographier, rechercher l’histoire

et publier sous forme de livres ou sur la toile.

Revenons à l’origine du mot « patrimoine » en

rappelant ce cliché : c’est le bien ou l’héritage

que nous avons reçu de nos parents, nous

avons un devoir moral de le léguer aux généra-

tions futures.

Apprenons pour le découvrir à regarder : le

petit patrimoine est souvent caché, parfois

invisible à qui n'a pas l’œil exercé, jamais insi-

gnifiant, toujours modeste dans son aspect et

ses dimensions… Il est le témoin du passé, du

savoir-faire de nos ancêtres, de l'expression de

leurs croyances, de leurs rites et de leurs

usages. C’est un livre d'histoire ouvert, offert

aux générations présentes et futures.

Peut-être pour des raisons de simplification

mais aussi parce que la notion de petit patri-

moine est péjorative, les organismes officiels

ont appelé le petit patrimoine : patrimoine

rural.

En ce qui nous concerne, nous avons gardé,

bien sûr, cette notion de patrimoine rural dans

lequel nous avons distingué le patrimoine

religieux.

Quelques mots sur ce patrimoine très impor-

tant, qu’on trouve dans chaque commune. Il

est constitué de croix, de calvaires et de cha-

pelles, des oratoires, des niches murales, qui

datent pour la plupart du XIXe siècle et qui

sont les témoins d'une foi religieuse intense.

Expression de la foi chrétienne pendant des

siècles, la croix de chemin et l’oratoire sont

devenus dans la seconde moitié du XXe siècle,

objet du patrimoine.

Une évolution qui s’explique :

1905 : séparation de l’Eglise et de l’Etat, les

communes sont devenues propriétaires des

calvaires érigés par la paroisse.

2015 : Il a fallu quelques décennies pour cons-

tater une évolution dans la manière de regar-

der ce patrimoine. Cent-dix ans après, le re-

gard n'est plus le même. On a oublié le con-

damné à mort qui est fixé sur la croix pour se

concentrer sur les abords du calvaire et ses

plantations. On admire davantage aujourd’hui

le travail du sculpteur et du forgeron. Le côté

sacré tout doucement a fait place au côté pro-

fane.

Et ce n’est pas le moindre des paradoxes, de

découvrir des collectivités naturellement

laïques devenues propriétaires, qui, au-

jourd’hui, mettent en valeur ce patrimoine.

Le patrimoine rural a subi une évolution un

peu différente. C'est souvent un patrimoine

privé. Prenons l'exemple des pigeonniers. A

partir du moment, où ils sont devenus inutiles

par l’abandon de l'élevage des pigeons, ils

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devenaient fragiles et beaucoup d'entre eux

ont disparu dans la 1ère moitié du XXe siècle.

Aujourd'hui, le pigeonnier a trouvé un autre

usage, abri de jardin, bureau pour l'agricul-

teur, résidence quelquefois, mais surtout objet

de décoration, et il est restauré à ce titre.

Prenons un autre exemple avec les puits com-

munaux. Il y en avait encore 4000 à la fin du

XIXe siècle. Il en reste aujourd’hui 250 qui sont

entretenus et qui appartiennent désormais au

patrimoine de la commune. Même chose pour

les mares, il en reste environ 200.

Une définition précise du petit patrimoine

reste donc à trouver. Avec cet adjectif "petit",

on a sans doute voulu faire la différence avec

le grand patrimoine constitué des cathédrales,

des églises classées et des châteaux. Tant il est

vrai aussi que la frontière entre le grand et le

petit patrimoine n’existe pas vraiment.

Rappelons que c’est un patrimoine fragile

En principe, ce patrimoine n’est pas classé, et de

fait, menacé de disparition, à la merci d’un pro-

priétaire, privé ou public. Il devient donc indis-

pensable de le préserver surtout depuis qu'il a

perdu ses prérogatives, son utilité, ses spécifici-

tés, remplacé par les outils « modernes », deve-

nu désuet et donc délaissé.

Le pont de Domqueur le seul pont romain du

nord de la France, où ne passe plus un des

affluents de la rivière du Scardon, est une cu-

riosité qui n’est pas encore classée.

Les vieux outils de la ferme et de la campagne

rentrent dans les musées, décorent nos places

publiques, où l’on voit souvent une charrue ou

une pompe à bras. Mais aussi des vieux mé-

tiers à tisser, des wagonnets utilisés pour ex-

traire le phosphate. C’est tout ce qui reste de

la vie rurale de proximité et la liste n’est pas

exhaustive.

Un inventaire à compléter

La tâche est immense et passionnante, telle-

ment ce patrimoine est varié.

N’oublions pas les moulins à vent et les mou-

lins à eaux, les muches ou souterrains refuges,

les bornes (bornes de limites, bornes tem-

plières, bornes historiques de la forêt de Crécy,

etc.

Nous évoquons aussi le patrimoine du souve-

nir :

Les monuments aux morts, les stèles

honorant les soldats de toute nationalité,

les plaques commémoratives des mairies

et des églises ;

Les cimetières civils à la recherche des

sculptures funéraires ;

L’inventaire est loin d’être terminé :

Regard sur la maison et la gentilhom-

mière: de l’épi de faîtage ou la girouette

à la corniche jusqu’au chasse-roue en

passant par la lucarne et le balcon en

pierre ou en fer forgé .Quelquefois sur

les façades, un cadran solaire, affiche sa

devise ;

Découvertes des églises. Dans la

Somme, cent vingt églises sont inscrites

ou classées sur neuf cents édifices. Mais

classées ou non, elles recèlent toutes des

trésors. Chaque visite d'église est

toujours source de découvertes et motif

à de nouvelles rencontres, et ces

rencontres nous donnent souvent la

possibilité d’évoquer en même temps le

patrimoine du village.

Dans chaque village, aussi petit soit-il, il y a

souvent un amoureux des vieilles pierres et

presque toujours un historien. Et tous ces gens

qui sont des puits de connaissance n'ont

qu'une seule envie c'est de transmettre leur

savoir.

Nous avons aussi voulu mettre en valeur les

oeuvres des sculpteurs picards, ceux qui ont

traversé les deux derniers siècles : les frères

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Duthoit, Gédéon de Forceville, Athanase

Fossé, Albert Roze, Léon Lamotte. Notre

département a la chance de posséder un riche

patrimoine statuaire : les œuvres de ces artistes

embellissent nos villes et nos villages, sur les

places et les squares, les jardins et les édifices

publics. On connaît souvent le nom des

sculpteurs, mais on ne sait pas toujours

identifier leurs œuvres.

Un petit mot sur le patrimoine insolite et mys-

térieux et souvent inclassable. Les mégalithes,

pierres de plus ou moins grandes dimensions,

érigées par l'homme, signes d'une présence

poétique selon Victor Hugo et leurs légendes

continuent de nous interroger. Un autre

exemple avec la lanterne des morts de Crécy,

dont on ne connait pas bien la véritable fonc-

tion.

Deux mots sur le patrimoine immatériel, fait

de traditions, de coutumes et d'artisanat, qui

sont loin de nous laisser indifférents.

Nous pensons au fragile maintien de notre

langue picarde et comme traditions, nous évo-

querons celle des croisettes, petites croix en

bois déposées sur le passage du convoi fu-

nèbre, qui se pratiquent encore un peu dans le

Vimeu.

2015 : Aujourd’hui, notre association a 20 ans

d’existence, où en est notre projet

d’inventaire ? Quatre publications sur les cal-

vaires, les chapelles, les pigeonniers et tout le

patrimoine autour de l’eau. Quatre livres de

300 pages avec 3000 photos prises le long des

routes picardes et le long du fleuve Somme.

Nous avons à notre actif une trentaine de con-

férences données dans les associations, les

clubs service et les bibliothèques.

Rencontrer et partager sont des verbes qui

nous servent de guide tant nous sommes con-

vaincus que le patrimoine est fédérateur.

Nous avons également créé un site internet en

2011. Nous alimentons ce site régulièrement et

les 4000 photos publiées sur ce site sont à la

disposition de tous les internautes.

Quelles sont nos perspectives d’avenir :

Compléter notre inventaire ;

Publier un livre sur les cimetières (2017) ;

Création de circuits : celui des croix en tuf

du Vimeu, et un autre sur les portes char-

retières ;

Multiplier les exposés et les interventions.

Les guerres du XIXe siècle ont détruit notre

département et le patrimoine a beaucoup souf-

fert. Voilà maintenant 70 ans que notre terri-

toire est épargné par les conflits. Et cette

longue période de paix est propice à la restau-

ration du patrimoine.

Ce qui était encore détruit en 1960 pour refaire

les routes ou d’autres aménagements ne l’est

plus aujourd’hui.

Depuis 20 ans, nous avons parcouru au moins

quatre fois tous les villages de la Somme et

nous avons constaté une évolution intéres-

sante. Certes les villages sont souvent désertés

par les commerces et les agriculteurs dont le

nombre ne cesse de diminuer, mais beaucoup

d’efforts ont été entrepris par les communes.

Des croix, des chapelles, que l’on croyait per-

dues ont été restaurées. Ce qui reste du petit

patrimoine est maintenant sauvegardé. Des

associations d'amis du patrimoine ou de vil-

lages voient le jour ici et là. Les chantiers

d’insertion se multiplient et cette prise de

conscience des élus nous rend optimiste.

Le moulin de Frémontiers © Richesses en Somme.

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Un quartier de villégiature : avenue Thiers à Compiègne

© Région Picardie - Inventaire général, cliché F. Fournis.

Ville, villégiature et tourisme en Picardie, 1830-1930

Frédéric Fournis, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région

Picardie

Dans le cadre de l’opération menée par la di-

rection de l’Inventaire et du patrimoine cultu-

rel sur le thème de la villégiature et du tou-

risme en Picardie, un sujet d’étude s’est rapi-

dement imposé, en complément des enquêtes

sur les stations balnéaires, par sa pertinence

thématique, géographique et historique : les

villes de villégiature de Chantilly, Villers-

Cotterêts, Compiègne et Pierrefonds.

Commencée en 2014, cette étude devrait

s’achever en 2017. L’enquête est en cours

d’achèvement pour la ville de Compiègne et

ses environs, et se poursuivra par Pierrefonds

et Chantilly. La ville de Villers-Cotterêts, qui

pourra être comparée à celle de Chantilly, a

fait l’objet d’une enquête topographique à la

fin des années 1980, les dossiers en cours de

dématérialisation seront complétés dans le

cadre plus général de cette étude.

Trois villes en villégiature : Chantilly, Com-

piègne, Pierrefonds

Au milieu du XIXe siècle, leur situation et leur

cadre ont contribué à transformer ces trois

petites villes de l’Oise en lieux de villégiature

prisés, ce qui a donné lieu à un type

d’aménagement (urbanisme paysager de

« bord de ville »), d’usages (résidence aristo-

cratique, tourisme) et de loisirs (chasse, sport

hippique, thermalisme) spécifique et cohérent.

La forme et l’évolution de ces villes sont très

comparables à celle des « colonies » subur-

baines fondées dans les premières décennies

du XIXe siècle au Vésinet, à Maisons-Laffitte et

à Enghien-les-Bains, qui ont été étudiées par

l’Inventaire général d’Île-de-France.

L’enquête concerne l’habitat, les édifices de

sport, de loisirs et de sociabilité (hippodromes,

écuries de course, clubs sportifs, hôtels de

voyageurs, établissements de bains, casino) et,

plus largement, les aménagements urbains

(lotissements, voierie, équipements publics),

ainsi que les réseaux de communication

(routes, voies ferrées) liés à ce type

d’occupation. Elle considère la façon dont un

nouvel usage a façonné un espace, la façon

dont s’est traduit ce développement à l’échelle

de la ville et de son territoire, et les formes

architecturales des édifices et bâtiments liés à

la villégiature.

L’invention du site : le territoire et ses usages

Dès les années 1830, la présence d’hôtes presti-

gieux entraîne une brillante vie mondaine dans

ces petites villes proches de Paris, déjà répu-

tées pour leur environnement naturel et cultu-

rel privilégié (château, sites, parc, forêt). Favo-

risées par la création de lignes ferroviaires,

elles connaissant alors un essor comparable à

partir du milieu du XIXe siècle, autour

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L’urbanisme de la villégiature : église Sainte-Thérèse dans le

quartier du Bois-Saint-Denis, Chantilly, commencée en 1939

© Région Picardie - Inventaire général, cliché M.-L. Monnehay-

Vulliet.

d’activités de loisirs, d’agrément et de tou-

risme comme la chasse (Compiègne), le sport

hippique (Chantilly) ou le thermalisme (Pierre-

fonds).

Les premières courses de chevaux, organisées

dès 1834 à Chantilly sur la pelouse des grandes

écuries, sous l’égide du duc d’Orléans (frère

du duc d’Aumale, propriétaire du domaine),

permettent de tester l’élasticité du sol. Avec

l’hippodrome, construit peu après, prend

forme la vocation du lieu comme capitale du

sport hippique de haut niveau et des manifes-

tations mondaines qui l’accompagnent.

Compiègne prend son essor dans le sillage des

fameuses « séries », séjours organisées chaque

automne au château à partir de 1856, pour une

centaine d’invités privilégiés de l’empereur

Napoléon III et l’impératrice Eugénie. La prin-

cesse Pauline de Metternich, épouse de

l’ambassadeur d’Autriche en France, est à la

fois l’animatrice et la mémorialiste enjouée de

cette société brillante, qui se divertit notam-

ment en excursions et chasses en forêt.

C’est précisément ces excursions qui mènent la

suite impériale dans le village traditionnel de

Pierrefonds, séjour d’artistes et d’écrivains, où

une source d’eau sulfureuse a été découverte

en 1845 près de l’étang. En 1857, le souverain y

encourage le thermalisme et ordonne l’année

suivante la reconstruction des ruines impo-

santes du château de Louis d’Orléans, sur les

plans d’Eugène Viollet-le-Duc.

L’urbanisme paysager : villégiature de « bord

de ville »

À l’inverse de la plupart des villes de villégia-

ture (stations thermales ou balnéaires fondées

ex nihilo à partir du Second Empire), ces instal-

lations suburbaines s’inscrivent dans la conti-

nuité de l’occupation de lieux prestigieux pour

y maintenir une brillante tradition résiden-

tielle.

En effet, le développement de la villégiature

dans ces trois villes a surtout procédé de

l’appropriation progressive et raisonnée

d’espaces périurbains. À Chantilly, ils ont été

gagnés sur les parties aliénées de l’ancien parc

princier et les lisières de la forêt entourant

l’hippodrome. Le nouveau quartier résidentiel

de Compiègne s’est constitué autour des ave-

nues plantées tracées en trident d’après le

grand projet de Gabriel de 1751, pour relier la

ville et le château à la forêt. L’activité thermale

et touristique de Pierrefonds, pour sa part, a

favorisé le développement des rives de l’étang

aménagé en lac pour des divertissements

comme le canotage, au bord desquelles

s’élèvent l’hôtel des bains, l’établissement

thermal et le casino, et que dominent les belles

demeures étagées sur les pentes vallonnées du

site.

La ville et son réseau : le territoire mis en

tourisme

Si l’espace de la villégiature et du tourisme

comprend ces nouveaux quartiers de villes, il

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s’étend plus largement sur leur territoire péri-

phérique, et notamment forestier, qui contri-

bue en grande partie à leur agrément.

Assez tôt, les villes intègrent les communes

environnantes comme « satellites » spécialisés

dans des fonctions précises. Autour de Chan-

tilly, la commune de Gouvieux devient l’écrin

de grandes demeures, tandis qu’à Lamorlaye

s’installent les écuries de courses et leurs ins-

tallations d’entraînement. Une fonction

qu’exerce aussi Lacroix-Saint-Ouen à l’égard

de Compiègne, dont la villégiature essaime à

Choisy-au-Bac, à Vieux-Moulin ou même à

Pierrefonds, à la faveur du développement

ferroviaire.

Ce territoire est avant tout celui de la forêt,

acteur à part entière du développement du

tourisme et de la villégiature. Forêt royale puis

domaniale, la forêt de Compiègne est aména-

gée pour la vénerie tout au long de l’Ancien

Régime, avant que la sensibilité romantique ne

modifie la perception et la représentation de ce

paysage. Ainsi, sous la monarchie de Juillet et

surtout le Second Empire, la forêt est toujours

le cadre de grandes chasse, mais aussi

d’excursions et de visites vers les villages pit-

toresques et les sites historiques. La route Eu-

génie, tracée en 1860, relie la ville à Pierre-

fonds, en passant par le chalet de l’Impératrice

au bord des étangs de Saint-Pierre.

Propriété privée, la forêt de Chantilly est affec-

tée plus tardivement par des projets

d’aménagement. Sur l’étendue de la forêt du

Lys, détachée du domaine à la fin du XIXe

siècle, est autorisé en 1925 la création d’un

lotissement concerté résidentiel, le Lys-

Chantilly, « ville de parcs » comme l’intitule

l’arrêté préfectoral. À proximité, sur la rive de

l’Oise à Boran-sur-Oise, est inaugurée en 1933

la plage aménagée du Lys-Chantilly, véritable

petite station balnéaire à proximité de la capi-

tale, qui est une des premières installations

fluviales de ce genre en France, dans l’esprit de

la diffusion plus large des loisirs dans les an-

nées 1930.

Les formes et les styles : résider, séjourner

Liée à la détente et aux loisirs, bénéficiant sou-

vent d’un espace plus vaste, la maison de vil-

légiature a souvent été davantage influencée

par les innovations architecturales et décora-

tives que la demeure urbaine, soumise aux

contraintes sociales et du parcellaire. La variété

des modèles proposés dans les recueils et re-

vues d’architecture, déclinés selon le niveau

social du propriétaire, du « château » au pavil-

lon de banlieue, en dit long sur la fortune du

genre. Dans la seconde moitié du XIXe siècle,

celui-ci fait la part belle aux styles historiciste

et éclectique, avant que ne s’impose au tour-

nant du XXe siècle le style régionaliste si carac-

téristique de la villégiature, depuis les villas

qui en sont l’expression la plus répandue

jusqu’aux hôtels de voyageurs et aux clubs

sportifs qui en forment le prolongement mon-

dain.

Éprouvée par la première guerre mondiale qui

en sape les fondements, la société de la villé-

giature se maintient encore durant l’entre-

deux-guerres à Chantilly, Compiègne et Pierre-

fonds, mais a tendance à stagner. Cependant,

les formes urbaines et architecturales qu'elle a

engendrées influent à leur tour sur l'évolution

de la ville à travers les lotissements et cités

pavillonnaires de bord de ville. Ainsi, autant

qu'un usage, la villégiature s'est imposée

comme un modèle persistant dans ces villes,

qui a contribué à modeler leur visage et

marque encore leur physionomie et leur esprit.

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61

Des ressources

pour la recherche…

Les archives

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62

Exploiter un fonds d’écrivain : l’exemple du fonds « Roland Dorgelès » des

Bibliothèques d’Amiens Métropole

Alexandre Leducq, conservateur responsable du Service Patrimoine, Bibliothèques

d’Amiens Métropole

Cette présentation faite à l’occasion des « ren-

contres du Patrimoine en Picardie : la re-

cherche dans tous ses états. », a pour vocation,

à travers l’exemple du fonds Roland Dorgelès,

d’exposer aux étudiants de l’université de Pi-

cardie Jules Verne les nombreuses recherches

qui peuvent être menées à partir d’un fonds

d’écrivain conservé en bibliothèque.

1- En guise d’introduction : qu’est-ce qu’un

fonds en bibliothèque ?

Chaque bibliothèque patrimoniale conserve

une collection d’ouvrages rares et précieux,

anciens ou récents qui forment un tout. Néan-

moins, la plupart du temps, cette collection

étant trop importante pour pouvoir

l’embrasser d’un seul tenant (60 000 ouvrages

rares et précieux pour les collections d’Amiens

Métropole) l’habitude a été prise de d’y distin-

guer des unités plus réduites, cohérentes, et

ainsi plus aisément appréhendables : le fonds.

Quatre critères ont préludé à la formation des

fonds constituant la collection patrimoniale

des Bibliothèques d’Amiens Métropole. Les

œuvres ont ainsi été regroupées soit :

en fonction de leur nature : le fonds icono-

graphique, le fonds des cartes postales, le

fonds des manuscrits etc. ;

en fonction de leur thème. Les livres im-

primés ayant rejoint la collection des biblio-

thèques d’Amiens Métropole suite aux con-

fiscations révolutionnaires ont ainsi formé

différents fonds thématiques tels que

sciences et art, histoire, belles lettres etc. ;

en fonction de leur provenance, et plus gé-

néralement sous le nom d’un donateur tels

les fonds Lescalopier, Masson, Labarre… ;

en fonction de l’auteur auquel le fonds est

dédié : fonds Jules Verne, fonds Paul Bour-

get…

Le fonds Roland Dorgelès qui nous intéresse

ici appartient à cette dernière catégorie.

2- Roland Dorgelès, un auteur à plusieurs

visages.

Roland Dorgelès, écrivain né à Amiens, a con-

servé un lien fort avec la Picardie malgré

l’installation de sa famille à Paris. Il reste au-

jourd’hui essentiellement connu pour son ro-

man sur la guerre 14-18, Les Croix de Bois, prix

femina 1919, dont le succès lui a donné pour la

postérité le statut de témoin de la Grande

Guerre. Il a pourtant mené plusieurs vies et sa

biographie présente bien d’autres aspects.

Manuscrits du fonds Dorgelès © Bibliothèques d’Amiens Métro-

pole.

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63

Le témoin de la Guerre 14-18

C’est donc la figure la plus connue de Roland

Dorgelès, celle qu’a retenue la postérité. Ré-

formé en 1907 en raison de problèmes pulmo-

naires, Roland Dorgelès décide néanmoins de

s’engager en 1914. Il fait l’apprentissage de la

guerre de tranchée et trouve un exutoire dans

l’écriture. Son roman Les Croix de Bois, contrai-

rement à d’autres œuvres, telle La Main coupée

de Cendrars, naît directement dans les tran-

chées.

Le Montmartrois

Roland Dorgelès tombe amoureux de Mont-

martre à 18 ans et déclare « C’est ma terre…

c’est mon quartier… je suis chez moi ». Il situe

de nombreuses scènes de ses romans (notam-

ment le château des Brouillards et le Marquis

de la Déche) dans ce quartier, laissant ainsi de

précieux témoignages sur le Montmartre de

l’avant 14 et de l’entre-deux guerres.

L’écrivain voyageur

Les voyages que Dorgelès entreprend lui four-

nissent la matière pour plusieurs ouvrages :

Sur la route mandarine, Partir, La Caravane sans

chameaux par exemple.

Le témoin de la Guerre de 40

En 1939, trop âgé pour s’engager, Roland Dor-

gelès reprend l’uniforme comme correspon-

dant de guerre. Pris dans la débâcle il passe la

guerre dans le sud de la France : la Côte d’azur

puis la Haute- Garonne. Il serait à l’origine de

l’expression « Drôle de Guerre ».

Le président de l’Académie Goncourt

Elu à la présidence de l’Académie Goncourt en

1955, il occupera ce poste jusqu’à sa mort en

1973. Durant cette période son influence sur la

vie littéraire française sera fort importante, ce

dont témoigne une abondante correspondance.

3- Quelles recherches sur le fonds Dorgelès

des Bibliothèques d’Amiens Métropole ?

Composition du fonds

Le fonds Roland Dorgelès est actuellement

composé de 35 manuscrits (6 manuscrits com-

plets de romans, 7 cotes de notes de travail, 2

cotes de documents d’archives (250 photogra-

phies originales pour l’une, 77 photographies

originales pour l’autre) et enfin un grand

nombre d’éléments de correspondance et 27

imprimés rares et précieux. Plusieurs re-

cherches peuvent être menées à partir de ce

fonds21.

21 Depuis la présentation de cette intervention, le fonds

Roland Dorgelès s’est enrichi d’un exemplaire des Croix

de Bois relié d’après une maquette de Pierre Legrain,

d’une riche correspondance avec Henri Béraud et de nom-

breux livres dédicacés à Henri Béraud.

Illustration de Gus Bofa : Dorgelès portant une Croix © Biblio-

thèques d’Amiens Métropole.

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Les éléments biographiques sur la vie de Ro-

land Dorgelès

Les différents éléments d’archives conservés

dans le fonds Dorgelès composés de photo-

graphies, correspondances, manuscrits inédits

peuvent alimenter un travail de rédaction

d’une nouvelle biographie de l’auteur picard.

A titre d’exemple, le fonds amiénois est riche

de documents concernant la période 1914-1918

parmi lesquels :

250 photographies de Dorgelès durant la

Grande Guerre (cote Ms 2549 C) ;

Un manuscrit autographe signé, « Un

chien, un âne, un censeur et moi », [1928];

11 pages petit in-4 à l'encre violette, avec

ratures et corrections (cote Ms 2724 B) ;

Une lettre autographe signée de Roland

Dorgelès à Gérard d'Hauville sur papier à

en-tête de « l'Association des Ecrivains

Combattants de 1914-1918 » témoignage

de l’engagement de Dorgelès à honorer la

mémoire des camarades morts au combat,

écho à son roman Le Réveil des morts. (cote

Ms 2526 B) ;

L’entretien avec Jean Meyer pour une in-

terview radiodiffusée du 8 juillet 1968 cor-

rigé à la main par Roland Dorgelès, dans

lequel il évoque la Grande Guerre. (cote

Ms 2563 C) ;

Les épreuves du recueil Bleu Horizon (cote

Res 943 C) et le manuscrit « Des morts

vous parlent » (cote Ms 2734 B) qui en est

la première ébauche ;

De nombreux éléments sur Les Croix de

Bois.

Des travaux sur les romans de Dorgelès.

Le fonds « Roland Dorgelès » permettrait es-

sentiellement un travail sur deux œuvres ro-

manesques : Retour au Front et Bleu Horizon.

Les Bibliothèques d’Amiens Métropole possè-

dent en effet le manuscrit original de Retour au

Front et trois séries d’épreuves. Il est possible

de suivre la genèse complète de l’œuvre en

étudiant les regrets de l’auteur, les ratures, les

corrections.

De même pour Bleu Horizon, les Bibliothèques

d’Amiens Métropole conservent le manuscrit

Feuillet des premières épreuves de Retour au Front © Biblio-

thèques d’Amiens Métropole.

Le manuscrit Un chien, un âne, un censeur et moi, première

page © Bibliothèques d’Amiens Métropole.

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65

« Des Morts vous parlent » (cote Ms 2734 B),

première ébauche du dernier chapitre de Bleu

Horizon et les épreuves abondamment corri-

gées du recueil de nouvelles (cote RES 943 C).

Il est donc également possible de réaliser une

édition critique de ce texte.

En outre, dans le cadre d’un travail plus large,

exigeant la consultation d’autres fonds

d’archives et de bibliothèques, deux ensembles

importants permettraient un travail sur le ro-

man le plus connu de Dorgelès : la correspon-

dance avec Gabriel Reuillard qui traite de la

réception des Croix de Bois (cote Ms 2710 C),

puis un important dossier consacré à sa réédi-

tion en 1967 (cote Ms 2729 C).

Roland Dorgelès et les arts

En raison du grand succès de leur auteur dans

l’entre-deux guerres, les romans de Roland

Dorgelès ont fait l’objet d’illustrations de la

part de grands noms tels Dufy ou Dunoyer de

Segonzac. Les éditions de luxe des romans ont

été à de nombreuses occasions reliées par les

plus grands noms de la reliure d’art. La ri-

chesse du fonds amiénois en matière d’illustrés

modernes des œuvres de Dorgelès, et de re-

liure d’art, pourrait servir de base à une étude

sur les illustrateurs de Dorgelès ou/et ses re-

lieurs22.

La relation amicale très forte le liant à Mac

Orlan, Bofa et Carco pourrait également faire

l’objet d’une étude qui n’a, à notre connais-

sance, jamais été menée. Le fonds amiénois ne

serait pas suffisant pour mener un tel travail

mais fournirait une base solide.

Les méthodes de travail de Roland Dorgelès

Les documents conservés par le service patri-

moine éclairent également les méthodes de

travail de l’écrivain grâce aux différents ma-

nuscrits et épreuves corrigées que nous avons

déjà évoqués mais également aux nombreuses

22 Depuis la présentation de cette intervention, les Biblio-

thèques d’Amiens Métropole se sont portées acquéreur, le

20 octobre, d’un exemplaire des Croix de Bois à la reliure

maquettée par Pierre Legrain.

notes de travail. Le service patrimoine con-

serve en effet sept dossiers volumineux de

notes (Ms 2551 C / Ms 2552 C / Ms 2554 C / Ms

2555 C / Ms 2558 B / Ms 2560 C / Ms 2565 D)

qui attendent qu’un chercheur vienne en clas-

ser les différents feuillets volants et les attri-

buer aux romans auxquels ils se rattachent.

Dédicace à Roland Dorgelès par Mac Orlan © Bibliothèques

d’Amiens Métropole.

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Les fonds inexploités de la bibliothèque municipale de Compiègne

Sophie Davril, bibliothèque municipale de Compiègne

Anne Martin, bibliothèque municipale de Compiègne

Créée en 1806, la bibliothèque de la ville de

Compiègne est l’héritière directe de la biblio-

thèque de l’abbaye Saint-Corneille, fondée

sous Charles Le Chauve, à l’époque carolin-

gienne. Elle conserve des documents anciens,

éclairant à la fois l’histoire locale et l’histoire

nationale, Compiègne ayant été la résidence

des rois et des empereurs jusqu’en 1870. De-

puis la date de sa création, les fonds n’ont ces-

sé de s’enrichir par legs, dons, achats mais

aussi versements. Les fonds courent de la pé-

riode médiévale à la période contemporaine.

Le fonds Léré

Le fonds légué par Jean-Antoine Léré (1761-

1837) regroupe les écrits et dessins de ce com-

piégnois qui a consacré une importante partie

de sa vie à immortaliser dans sa collection les

événements marquants de la cité et répertorier

les sites et monuments de la région.

Le fonds Léré, unique et intégralement en pos-

session de la ville de Compiègne, regorge

d’informations historiques et géographiques

sur la ville et ses environs. En effet, Léré décrit

non seulement les monuments civils et reli-

gieux, mais aussi tout le cadre de vie et les

mœurs de son temps. Ses dessins aquarellés,

parfois maladroits mais évocateurs, ainsi que

ses plans soigneusement mesurés, accompa-

gnent des notes assez brouillonnes mais trans-

crivant souvent des documents disparus ou

difficilement accessibles. Il consigne les évé-

nements locaux, mène des enquêtes de terrain

(un peu comme les Impressionnistes quelques

années plus tard) et observe avec précision.

Léré nous a légué une documentation inesti-

mable sur Compiègne et ses environs ainsi que

Vue de Saint-Jean-aux-Bois, Fonds Léré, VDC 197/XV-4 © Bibliothèques de la ville de Compiègne.

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sur des thèmes très divers comme les fon-

taines, les forêts, la botanique, les jeux, les re-

censements, les descriptifs de village de l’Oise,

etc…

Ce fonds représente 30 000 feuillets qui sont

répartis dans une quarantaine de cartons et

autant de registres. 20% du fonds est constitué

de copies de sources et d’archives remontant

au Moyen Âge, auxquelles Léré a eu accès en

de multiples endroits et qu’il a recopié pour en

faire la matière de son travail encyclopédique.

Les 80% restants sont constitués par la matière

qu’a rédigée Léré lui-même pour son encyclo-

pédie : notices historiques, descriptions phy-

siques, illustrations sous forme d’aquarelles ou

de brouillons.

Ce très grand témoignage trop souvent exploré

au hasard et par simple curiosité reste à dé-

couvrir méthodologiquement en vue d’en éta-

blir une perspective critique.

Le fonds SHC

Il regroupe 9 300 documents d’archives. Il tient

son nom de la Société historique

de Compiègne (SHC), société savante, qui a été

fondée en 1868.

Le fonds constitué par les dons et legs de la

Société rassemble des actes de prévôté, des

contrats de mariages, des jugements de tribu-

naux, des terriers, des actes de juridiction…

Un classement et un inventaire papier existent.

Maintenant, il reste tout le traitement archivis-

tique à effectuer : une analyse plus approfon-

die des documents, signalement et mise en

forme par un langage en EAD (Encoded Ar-

chival Description).

Les manuscrits du Palais de la Réserve pré-

cieuse

Les manuscrits du Palais ont été

l’accroissement le plus notable et le plus riche

quantitativement, grâce au dépôt de l’Etat en

1891 des livres provenant du démantèlement

de la bibliothèque du Palais. A l’origine fort de

10 000 ouvrages, il ne reste plus de ce fonds

après les deux guerres mondiales et les non

restitutions de prêts que 680 titres environ

Le cellier et ses fonds patrimoniaux © Bibliothèques de la ville de

Compiègne.

Forêt de Compiègne, Fonds Léré, VDC 197/XV-4 © Biblio-

thèques de la ville de Compiègne.

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dont 276 conservés dans la Réserve Précieuse

(18 du XVIIe, 104 du XVIIIe et 146 du XIXe

siècle). Les 404 titres restants sont conservés

dans le fonds ancien.

La caractéristique de ces ouvrages est qu’ils

sont fréquemment ornés de multiples cachets

et possèdent souvent des reliures aux armes

(armes de Napoléon Ier, de Louis XVIII, de

Charles X, de Napoléon III…)

Cette bibliothèque n’a jamais fait l’objet d’une

étude approfondie et synthétique.

Le fonds Boulanger (en cours de signalement)

C’est le petit dernier arrivé cet été dans le cel-

lier. Il compte 700 documents et une corres-

pondance abondante.

Daniel Boulanger (1922-2014) est un romancier

(Prix Goncourt 1974), un poète et un dialo-

guiste reconnu, un musicien, grand voyageur

et commentateur féroce de notre époque.

Il nous laisse une œuvre immense : sa biblio-

thèque personnelle, les manuscrits et les livres,

nouvelles et poèmes, les scénarios dont Les

Mariés de l’An II, Les Chouans, l’Affaire Dominici

et les pièces magnifiques de sa collection

d’autographes (Lamartine, Gauguin, Zola,

Clémenceau…) et toute la presse liée à ses

activités.

Son goût le porte vers le XIXe et XXe siècle,

creuset de la littérature moderne et l’amène à

acquérir les éditions originales de grands

chefs- d’œuvre de ces deux siècles. Il agré-

mente certaines de ces éditions de petites

lettres, de billets ou de cartes de la main de ces

auteurs.

L’étude de ce fonds permet de distinguer le

réseau de Daniel Boulanger : il tient une cor-

respondance avec des écrivains, des musiciens,

des artistes… Elle permet également de mesu-

rer sa notoriété : des invitations à l’Elysée, ses

écrits étudiés, des articles dans des périodiques

étrangers. Elle montre également ses passions

et centres d’intérêt : les antiquités, l’art et … les

cigares.

Cette forte personnalité du XXe siècle reste à

étudier au travers de tous ces documents.

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Les fonds notariaux dans l’Aisne, apport historique et exploitation scienti-

fique

Jean-Christophe Dumain, Archives départementales de l’Aisne

Des fonds vastes et multiséculaires

Une origine médiévale

Les archives de notaires constituent sans doute

la plus grande masse documentaire homogène

conservée au sein des Archives départemen-

tales de l’Aisne. En effet, on l’estime à un peu

plus de 4 kilomètres linéaires entrés aux Ar-

chives départementales depuis le XIXe siècle. Si

les notaires existent dans l’Aisne depuis le

Moyen Âge23, leurs actes authentiques appelés

« minutes » n’ont cependant pas été conservés

avant le début du XVIe siècle24. En effet, la tra-

dition de conservation s’est développée bien

plus tardivement dans le nord du royaume que

dans le sud. Si l’obligation de conserver ces

documents ne remonte qu’à l’édit de Villers-

Cotterêts de 1539, ce n’est que depuis 1979 que

les études de notaires doivent obligatoirement

verser leurs archives publiques, minutes et

répertoires, aux Archives départementales dont

elles dépendent.

Production et contexte

Le notaire est un officier public qui établit des

actes pour lesquels les parties contractantes

désirent donner un caractère d’authenticité et

de validité devant une juridiction en cas de

litige ou de conflit. Le notaire doit en assurer la

conservation sous forme de « minutes » et en

délivrer des copies certifiées conformes appe-

lées « grosses » ou « expéditions ».

La majorité des minutes conservées émanent

des notaires royaux. Après 1597, le notaire cu-

mule trois fonctions qui étaient auparavant

23 Par exemple, Jehan Bouillon est attesté comme notaire à

Laon au début du XVe siècle. 24 L’une des première minutes est attestées en 1523 (Arch.

dép. Aisne, 214 E 1, minutier de maître Monnart).

bien distinctes : bien évidemment celle de no-

taire (qui reçoit les contractants, et passe les

actes), celle de tabellion (conserve les minutes

et délivre des copies) et enfin celle de garde-

note (créé en 1575, il est chargé de conserver les

minutes des notaires décédés).

L’accessibilité à ces ressources se fait par le

biais d’instruments de recherche mis en libre

accès en salle de lecture. Ceux-ci fournissent les

références (appelées « cotes » dans le jargon de

l’archiviste) sous lesquelles les minutes sont

conservées. Cependant, toutes les minutes pro-

duites depuis le XVIe siècle ne nous sont pas

parvenues dans leur intégralité. Outre les aléas

de la conservation ayant altéré certaines collec-

tions (incendies, moisissures…), les deux con-

flits mondiaux ont causé de lourdes pertes dans

certains secteurs géographiques. Ainsi, les ré-

gions de Saint-Quentin, du Chemin des Dames

(Braine, Craonne ou Vailly-sur-Aisne) ou de

Sissonne ont vu de nombreux minutiers dé-

truits.

L’apport des archives notariales pour

l’histoire de l’art

Artisans et artistes

Comme pour tout individu sous l’Ancien Ré-

gime, les archives notariales peuvent aider à

retracer l’itinéraire et les grandes étapes de la

vie d’un artiste. Les contrats de mariage et de

partage, les déclarations de succession ou tout

autre document le mentionnant permettent

d’appréhender quelques grands épisodes de sa

vie d’homme. C’est ainsi que le peintre laon-

nois Jean-Joseph Berthélemy apparaît dans un

acte de 1790 par lequel il vend une maison sise

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70

à Laon à un certain Jean-François Gaillard,

tailleur d’habits25.

De nombreux artisans et artistes ont débuté

leur carrière par une inévitable période de for-

mation. Des actes de mise en apprentissage

instruisent sur l’embauche d’un apprenti, sur

ses devoirs vis-à-vis de son maître (assiduité et

obéissance), et en retour sur les obligations du

maître envers son jeune employé (fourniture de

vêtements, assurance d’un hébergement et

d’un enseignement…). Par exemple, un acte du

22 juin 176526 détaille les conditions d’accueil

des jeunes recrues et leur inscription obligatoire

sur un registre des apprentis de la communau-

té des menuisiers de Laon. Jean-Joseph Berthé-

lemy, père du peintre précité, y est attesté

comme receveur de cette communauté.

Les contrats de mise en apprentissage peuvent

d’ailleurs être passés devant notaires, afin de se

prémunir de toute action judiciaire dans le

futur. Tel est le cas en 1624 de François Desro-

ziers, formé au métier d’« imagier d’argent »

chez Jean Guibon à Liesse27. Enfin, quelques

informations relatives à la vie et l’activité de la

corporation peuvent être décelées. Le 18 sep-

tembre 1720, la corporation des menuisiers de

Laon constitue une rente28 et tous les membres

présents signent l’acte, ce qui permet donc de

connaître la composition de cette communauté.

Quelques informations sur la composition d’un

atelier peuvent être trouvées, bien que les aides

et les commis ne soient que rarement nommés.

La commande

Au cœur de l’histoire de l’art s’inscrivent la

commande et le lien entre le commanditaire et

son artiste. Les minutiers de notaires peuvent

abriter plusieurs pièces relatives à la com-

mande d’une œuvre : état descriptif d’un bâti-

ment méritant restauration, état des travaux à y

effectuer, marché de travaux passé avec

25 Arch. dép. Aisne, 92 E 31 (7 juin 1790). 26 Arch. dép. Aisne, 173 E 41 (22 juin 1765). 27 Arch. dép. Aisne, E 542 (24 mai 1624). 28 Arch. dép. Aisne, 112 E 46 (acte du 18 septembre 1720).

l’entrepreneur ou l’artiste, devis dressé par ces

derniers ou procès-verbal d’adjudication de

travaux.

Par exemple, un devis relatif aux travaux à

effectuer au mur de l’abbaye de Saint-Michel-

en-Thiérache est rédigé le 9 septembre 1779

devant un notaire laonnois29. À l’intérieur de ce

document sont conservées une correspondance

relative aux honoraires dus pour la rédaction

de cet acte, ainsi qu’une facture récapitulant les

frais de l’adjudication des travaux de répara-

tion à faire au mur.

Six ans plus tard, la paroisse Saint-Nicolas

d’Aubenton décide de procéder aux répara-

tions du chœur. Maître Rousseau, notaire à

Laon, rédige le devis des réparations à opérer,

puis consigne dans ce même document le pro-

cès-verbal d’« adjudication au rabais et au

moins disant », la décision d’attribuer les tra-

29 Arch. dép. Aisne, 92 E 20 (acte du 9 septembre 1779).

Modèle de la voûte à reconstruire au chœur de l’église abbatiale

de Saint-Crépin-le-Grand à Soissons (Arch. dép. Aisne, 214 E

133, 1664) © AD Aisne.

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vaux à un certain Antoine Damideaux, entre-

preneur de bâtiments résidant à Aubenton30 et

les conditions auxquelles devra se soumettre

cet entrepreneur.

Les plans joints en pièces annexes sont en re-

vanche très rares. Notons pour exemple celui

des « clefs, arcs doubleaux, branches et croix

d’augives qui doibvent estre construictes pour

soustenir la voulte du chœur de l’eglise de

l’abbaye royalle de Saint-Crespin le Grand » à

Soissons31. De même, un plan du clocher de

l’église de Craonnelle figure dans un procès-

verbal d’adjudication au rabais des travaux à

effectuer, tant au clocher qu’au chœur à la

charpente et à la couverture de l’édifice32. Dans

ce présent cas, le devis des travaux à réaliser

ainsi que le marché d’adjudication sont portés

sur le même document.

La majeure partie des marchés concerne

l’architecture et le gros œuvre tels que les tra-

vaux de maçonnerie, de charpenterie ou de

couverture. A contrario, les œuvres réalisées

par les peintres, les vitriers, les orfèvres ou les

30 Arch. dép. Aisne, 92 E 26 (acte du 19 mai 1785). 31 Arch. dép. Aisne, 214 E 133 (acte de 1664). 32 Arch. dép. Aisne, 173 E 46 (acte du 3 septembre 1769).

sculpteurs, font plus rarement l’objet de mar-

chés passés devant notaire. Le 28 août 1624, le

curé et le marguillier de l’église Saint-Nicolas

d’Aubenton chargent Charles Gozet, maître

peintre de Fumay (en Hainaut) de peindre a

« l’huile le pupitre et le crucifix de l’église de

Saint-Nicolas d’Aubenton. Il devra peindre en

fin or de ducat les trois fleurs de lys et les

quatre évangélistes qui figurent dans ladite

croix, et parsemer de fleurs d’or ducat l’image

de Notre Dame et de Saint-Jean qui sont aux

côtés de cette même croix »33. Plus original, un

mémoire de travaux à effectuer sur l’orgue de

la cathédrale de Laon est consigné dans le mi-

nutier de Monseignat, notaire en cette localité,

en 168234. Ces derniers documents montrent

donc la variété des marchés pouvant être pas-

sés devant notaires.

Le repérage des œuvres

Le sort d’une œuvre, sa transmission, voire sa

disparition, sont en revanche plus difficiles à

repérer. Les inventaires après décès peuvent

s’avérer intéressants si les œuvres sont bien

identifiées. Mais dans ce cas, l’œil du notaire

rédigeant l’inventaire doit être exercé et bon

nombre d’entre eux ne relèveront pas forcé-

ment le caractère patrimonial d’un objet, que ce

soit un tableau ou une sculpture par exemple.

Les testaments peuvent également fournir

quelques informations sur la transmission d’un

bien mobilier, voire immobilier. Par exemple,

les minutiers laonnois conservent de nombreux

testaments de chanoines de la cathédrale qui

décident à la veille de leur décès de léguer leur

bibliothèque à des proches et choisissent un

lieu d’inhumation bien déterminé (une chapelle

dans la cathédrale ou dans une église…). Des

ventes publiques, des adjudications après décès

peuvent également donner lieu à des inven-

taires assez précis d’objets vendus aux en-

chères. Dans ce cas, le notaire peut dresser une

33 Arch. dép. Aisne, E 337 (acte du 28 août 1624). 34 Arch. dép. Aisne, 111 E 68 (acte du 24 juillet 1682).

Plan de la flèche de l’église de Craonnelle à rétablir en 1769

(Arch. dép. Aisne, 173 E 47, 3 septembre 1769) © AD Aisne.

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liste des biens attribués par adjudication ou

vente aux enchères, le prix auquel elles ont été

vendues et leur nouvel acquéreur.

Enfin, dans la tourmente occasionnée par la

vente de biens nationaux qui voit de nombreux

patrimoines changer de mains, des actes de

vente aident parfois à repérer certains biens.

Ainsi, le 17 septembre 1793, la vente du do-

maine de l’abbaye de Longpont permet de

mieux appréhender les démolitions causées à

l’église. En effet, l’acte notarié fait mention de

« l’église en entier de la susdite maison, sauf le

mur tenant à la cour du cloître, que les ven-

deurs ne pourront démolir plus bas que vingt

pieds et qui appartiendra à l’acquéreur jusqu’à

cette hauteur seulement »35. L’acte comporte en

outre un plan des bâtiments qui composaient

l’abbaye cistercienne. La conservation des actes

successifs de vente de ces bâtiments offrent

enfin la possibilité de dresser une généalogie

des propriétaires jusqu’à l’époque contempo-

raine.

35 Arch. dép. Aisne, 215 E 10 (acte du 17 septembre 1793).

Conclusion

Les archives notariales constituent donc une

source originale car elles sont à la fois concrètes

mais aussi d’une grande précision. Ainsi, un

marché de travaux ne sera pas autant détaillé

dans un registre de comptabilité que dans une

minute de notaire qui a une valeur probante.

L’histoire de l’art peut être éclairée grâce aux

renseignements portant sur les travaux envisa-

gés aux bâtiments, sur les matériaux ou sur les

artistes et artisans employés. Quelques obs-

tacles doivent être pris en compte : la paléogra-

phie et la dispersion des documents dans la

grande quantité de liasses ou de registres. En

outre, ces sources sont évidemment à mettre en

connexion avec d’autres documents d’archives,

telle la comptabilité communale ou paroissiale.

Il faut enfin tenir compte que les archives des

institutions peuvent conserver les expéditions

des minutes notariales disparues.

Plan des bâtiments composant l’enclos abbatial de Longpont en 1793, lors de son acquisition par Pierre Michel Broutin (Arch. dép. Aisne, 215

E 10, 17 septembre 1793) © AD Aisne.

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Les fonds de cartes, plans et arts graphiques de la Société des Antiquaires

de Picardie

Aurélien André, secrétaire annuel, Société des Antiquaires de Picardie

La Société des Antiquaires de Picardie fut fon-

dée à Amiens en 1836, sous la monarchie de

Juillet. Au tout début de l’année 1836, François

Guérard, conseiller à la Cour royale d’Amiens,

réunit plusieurs de ses amis : Alexandre Bou-

thors, greffier, Hyacinthe Dusevel, avoué, Le

Dieu, propriétaire, et le docteur Marcel Rigollot.

Il leur proposa de fonder une Société « pour la

conservation des monuments anciens ». Avec

Aimé Duthoit et quelques autres, ils fondèrent

la Société archéologique du département de la

Somme qui devint trois ans plus tard la Société

des Antiquaires de Picardie.

Les buts de la nouvelle société étaient, et sont

toujours, la recherche, la description et la con-

servation des antiquités de la province. Cela

concernait plus précisément les monuments de

l’art et de l’histoire que l’Antiquité et le Moyen

Age avaient laissés en Picardie : archives,

églises, menhirs et dolmens, mottes, tumuli,

camps romains, cryptes et souterrains, châteaux

gothiques, tombeaux, marbres, métaux sculptés,

poteries... La Société devait également veiller à

la conservation du patrimoine tel que nous

l’entendons aujourd’hui, de concert avec la

toute jeune administration des Monuments

historiques.

Dans ses statuts, la Société avait prévu la créa-

tion d’un musée d’antiquités à Amiens. Dès

1851 elle obtint du prince-président Louis-

Napoléon Bonaparte la reconnaissance d’utilité

publique, prélude indispensable à la fondation

du musée. En 1852, l’empereur fit don du ter-

rain de l’ancien arsenal, rue des Rabuissons

(actuelle rue de la République), et autorisa la

Société à financer la construction du bâtiment

par le tirage de plusieurs loteries. Du concours

d’architectes (les plans sont toujours conservés

Amiens, SAP, ms. n° 23, Escritel des maîtres de la confrérie du Puy Notre-Dame, vers 1490 © Société des Antiquaires de Picardie.

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par la Société qui les a déposés au Musée de

Picardie) sortit lauréat le projet d’Henri Parent.

Débutés en 1855, les travaux étaient achevés en

1864 et le musée, alors dénommé Musée-

Napoléon, fut donné à la ville d’Amiens en 1869

avec les collections archéologiques et médié-

vales que les Antiquaires y avaient rassemblées.

Les Antiquaires de Picardie se réservèrent deux

salles, qu’ils occupent toujours aujourd’hui, au

rez-de-chaussée du musée, sur la cour

d’honneur : la première à usage de bibliothèque

et la seconde comme salle des délibérations.

Aujourd’hui la bibliothèque contient plus de

80 000 volumes, un millier de manuscrits (les

plus anciens remontant au XIIe siècle), environ

30 000 clichés photographiques (de 1850 à nos

jours) et un médailler de plusieurs milliers de

médailles et de monnaies. Les collections d’arts

graphiques sont d’une grande variété et reflè-

tent les nombreux centres d’intérêts de la Socié-

té. Plusieurs centaines (voire milliers) de docu-

ments originaux sont en cours d’inventaire.

Parmi les œuvres du Moyen Âge finissant, ci-

tons l’Escritel de la confrérie du Puy Notre-

Dame, commencé vers 1490, véritable livre des

statuts de la confrérie amiénoise, dont le fron-

tispice est orné en pleine page d’une enlumi-

nure représentant une Vierge de Miséricorde

peinte par le Maître d’Antoine Clabaut (ms. n°

23). Autre pièce rarissime, autour de 1529, un

projet dessiné sur parchemin pour un portail

sculpté de l’Hôtel-Dieu d’Amiens, découvert en

démontant une reliure à la fin du XIXe siècle et

donné à la Société en 1887.

Le manuscrit n° 207, intitulé Recueil d’épitaphes et

inscriptions des personnes illustres et austres qui se

trouvent dans les églises des villes et villages de

Picardie (1714) permet de connaître quantité de

tombeaux détruits lors de la Révolution. On y

Amiens, SAP, ms. n° 632, projet de portail sculpté pour l'Hôtel-

Dieu d'Amiens, vers 1529 © Société des Antiquaires de Picardie.

Amiens, SAP, m. n° 207, Epitaphes et inscriptions des

personnes illustres et austres qui se trouvent dans les

églises des villes et villages de Picardie, 1714. Amiens,

cathédrale Notre-Dame, monuments funéraires de Robert de

Fouilloy et de Simon de Gonçans © Société des Antiquaires de

Picardie.

Page 75: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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Amiens, SAP, Nicolas Blasset, Pièce sans prix, Vierge et Mère sans tache, 1655 © Société des Antiquaires de Picardie.

Page 76: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

76

retrouve les dessins, certes naïfs, de plusieurs

mausolées disparus de la cathédrale. Beaucoup

de dessins concernent la cathédrale Notre-

Dame d’Amiens sont conservés par la Société :

parmi des dizaines, citons les relevés et plans

compilés dans l’Abrégé de l’histoire de l’église

cathédrale de Notre-Dame d’Amiens…, réalisé en

1727 (ms. n° 457).

Du célèbre fondeur de cloches picard Philippe

Cavillier installé à Carrépuis, la Société des

Antiquaires de Picardie possède un manuscrit

de L’œuvre campanale ou le fondeur familier qui

conduit dans les opérations de cet art, (ms. n° 458,

1732), riche d’une vingtaine de dessins mon-

trant la technique pour fondre les cloches.Pour

la période de l’Ancien Régime, la Société con-

serve le fonds exceptionnel du château

d’Heilly donné par Jules Garnier en 1848 ; sa

restauration complète est presque achevée.

Parmi des dizaines de feuilles, plusieurs sont

signées de Pierre Contant d’Ivry (1698-1777) à

qui le marquis de Choiseul-Gouffier avait de-

mandé de transformer ce « petit Versailles

picard ». Parmi les architectes ayant œuvré en

Picardie au XVIIIe siècle, la société conserve

des feuilles signées Jean Rousseau (1733-1811),

Pierre-Joseph Christophle (1715-1782), François

Franque (1710-1793).

Une pièce exceptionnelle a été remise au jour

en 2014. Il s’agit d’un dessin autographe du

sculpteur amiénois Nicolas Blasset (1600-1659),

autrefois annexé au contrat passé devant no-

taire avec Antoine Pièce pour la réalisation du

puy de 1655 représentant L’Annonciation, bas-

relief toujours conservé à la cathédrale

d’Amiens. C’est, à ce jour, le seul dessin con-

servé de la main de Blasset.

Les œuvres du XIXe siècle sont numériquement

les plus nombreuses et ne peuvent naturelle-

ment pas être toutes énumérées ici. Le fonds le

plus important est celui de l’architecte du dé-

partement de la Somme, et architecte des Hos-

pice, Jean Herbault (1807-1880). Il était membre

de la Société des Antiquaires de Picardie et

légua à la Société les plans qu’elle possède

toujours aujourd’hui. Plusieurs centaines de

feuilles sont consacrés aux restaurations de

monuments historiques (chapelle du Saint-

Esprit à Rue, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul

de Gamaches, collégiale Saint-Vulfran

d’Abbeville), à la construction de châteaux pour

l’aristocratie picarde (château de Regnière-

Ecluse du comte d’Hinnisdal), à la construc-

tion et à l’aménagement d’hôpitaux (Hôtel-

Dieu d’Amiens, hospice Saint-Charles

d’Amiens, hospice de Picquigny), à la cons-

truction de monuments publics (réaménage-

ment de la préfecture de la Somme et des bâ-

timents du Conseil général de la Somme, cons-

truction de la gendarmerie d’Amiens), rapport

de fouilles (découvertes de mosaïques gallo-

romaines lors du creusement des fondations de

la gendarmerie rue des Jacobins en 1857, rele-

vés des restes de l’ancienne église Saint-Pierre

de Doullens). Du même Herbault, en associa-

tion avec Natalis Daullé, la Société conserve un

fort précieux recueil de dessins et relevés de la

Amiens, SAP, fonds Herbault, plan de l'Hôtel-Dieu d'Amiens

© Société des Antiquaires de Picardie.

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cathédrale d’Amiens antérieur aux grands

travaux de Viollet-le-Duc (vers 1850).

Charles Pinsard, architecte et archéologue

amiénois (1819-1911), membre de la Société, lui

a légué une partie de son fonds : nombreux

relevés de fouilles archéologiques magnifi-

quement illustrés (carreaux de pavage de

l’abbaye du Paraclet de Boves (ms. n° 272),

cimetière gallo-romain de Saleux (ms. n° 266),

cimetière gaulois de Vers-sur-Selle (ms. n°

265), recueil de silex taillés (ms. n° 257). Ajou-

tons les recueils de photographies, gravures,

plans des communes de la Somme, la collec-

tion de portraits des grands hommes de Picar-

die.

Parmi les recueils de dessins concernant la

Picardie, deux sont particulièrement impor-

tants. En 1869, Aubin Normand a compilé dans

les Monumens anciens et modernes de la ville

d’Amiens, 176 dessins d’Amiens ; 12 de Corbie

et 6 des découvertes archéologiques de Saint-

Acheul. Le dessinateur et lithographe abbevil-

lois Léon Gillard (1827-1889) a réalisé plusieurs

centaines de dessins des monuments du Pon-

thieu, datant des années 1860 ; cette collection

est conservée dans quatre grand portes-feuilles

in-folio.

Enfin, rendons hommage à François Vasselle

(1925-2015), architecte et archéologue qui fut

membre de la Société de 1944 à sa mort. Conti-

nuateur de l’œuvre de Charles Pinsard, il a

laissé à la Société des Antiquaires de Picardie

certains plans des fouilles qu’il effectua lors de

la Reconstruction d’Amiens (thermes de la rue

de Beauvais, plans de l’amphithéâtre gallo-

romain). Ses dons témoignent de

l’accroissement permanent de la collection des

cartes, plans et arts graphiques de la Société

des Antiquaires de Picardie.

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Les archives hospitalières et les archives révolutionnaires d’Abbeville

Eric Berriahi, archiviste, Archives communales d’Abbeville

Les archives hospitalières

Historique de la conservation

Les archives hospitalières d'Abbeville sont

aujourd'hui conservées principalement dans

deux institutions. D'une part aux Archives

départementales de la Somme dans la série H

dépôt, mais également dans les différentes

séries du cadre de classement des Archives

départementales et d'autre part aux Archives

municipales d'Abbeville, fonds des archives

hospitalières.

Présentation du contenu

Les archives hospitalières sont une source ma-

jeure pour l'étude d’un établissement. C’est à

travers elle que l’on verra s’élaborer une poli-

tique c’est à travers elle que l’on verra se déve-

lopper des projets, s’accomplir une gestion,

que l’on pourra relier à l’évolution plus géné-

rale de la politique d’assistance.

Les archives hospitalières sont également,

peut-être plus encore pour les époques an-

ciennes, une source irremplaçable d’histoire

démographique, économique et sociale, au-

delà de la seule histoire de l’hôpital ou de la

santé. C’est d’ailleurs cette dimension sociale

qui a justifié l’intérêt porté très tôt par les Ar-

chives de France aux archives hospitalières.

En effet, l’hôpital est une structure ancienne

attesté en 1155 pour Abbeville. Lieu d’accueil

des indigents, où les soins consistent avant

toutes choses en l’apport de nourriture, bras-

sant une population importante et procédant à

de nombreux achats, l’hôpital produit très vite

des outils de suivi de sa population et de sa

gestion comptable, sous l’aspect de comptes et

de registres de population. Ces archives per-

mettent de produire des séries très fécondes,

Acte de donation de 1349, Hôpital Saint-Jacques-aux-Pélerins (AC Abbeville, VB1 pièce 58) © Ville d’Abbeville, cliché E. Berriahi.

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aussi bien sur la composition et les mouve-

ments d’une population que sur l’histoire éco-

nomique du pays.

Par elles, bien avant la constitution au XlXe

siècle des listes de recensements de popula-

tion, on a une connaissance des populations et

de leurs mouvements, en parallèle des sources

d’état civil; par elles, on peut réaliser des

études sérielles sur les prix des matières ali-

mentaires ou des matériaux de construction,

sur les salaires.

Il est utile de consulter l'inventaire manuscrit

de 1873-1874 conservé aux Archives départe-

mentales de la Somme (3T61) avec supplément

de 1948 ou sa version dactylographiée consul-

table aux Archives municipales d'Abbeville,

ainsi que le répertoire et guide des sources : Les

Hôpitaux de Picardie du Moyen Age à la Révolu-

tion, sous la direction de Marie-Claude Dinet-

Lecomte et Pascal Montaubin, encrage.- 2014.

Conditions d'accès : Les documents sont li-

brement communicables.

Les archives révolutionnaires

Historique de la conservation

Si les archives de la commune d'Abbeville

furent sous la responsabilité d'archivistes-

paléographes jusqu'en 1913, la plupart du

temps c'était sous celle de bibliothécaires que

sont confiés la conservation et la gestion des

archives anciennes et modernes jusqu'à la no-

mination d'un archiviste et la création d'un

service d'Archives municipales en 2012. De ce

fait, le fonds d'archives révolutionnaires im-

briqués avec les collections de la Bibliothèque

historique, n'est classé selon des principes ar-

chivistiques qu'en 2015 et présente sur plu-

sieurs documents une double cotation (biblio-

thèque et archives). Cette confusion entre les

Archives et la Bibliothèque historique, ainsi

que les pertes d'archives subies lors des bom-

bardements de 1940, justifient le choix d'isoler

dans un instrument de recherche les archives

révolutionnaires en un fonds sur le modèle des

Archives départementales (série L) afin de

Quelques documents provenant des fonds révolutionnaires (à gauche et au milieu, AC Abbeville 3D4. Administration générale, correspon-

dance ; à droite, AC Abbeville 103 Police et voirie) © Ville d’Abbeville, cliché E. Berriahi.

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redonner une cohérence intellectuelle aux ar-

chives. Le fonds révolutionnaire des archives

communales d'Abbeville respecte la loi sur les

archives et il est classé et répartie au sein des

19 séries thématiques selon le cadre de classe-

ment de 1926.

Présentation du contenu

Le fonds d'archives révolutionnaires concentre

les documents produits et reçus par l'adminis-

tration abbevilloise pour la période de 1788 à

1802. A cette période, celle-ci avait autorité sur

Abbeville et son arrondissement/district d'où

la présence d'archives concernant les com-

munes voisines comme Rue ou Long. Le con-

texte historique fait de la période une ère de

bouleversement des institutions avec la sup-

pression de celles de l'ancien régime et la créa-

tion de nouvelles, certaines éphémères et

propres à la Révolution (ex : Comité de sur-

veillance révolutionnaire, série 4I), d'autres qui

perdureront (ex : Garde Nationale, série 3H).

La nouveauté de ces institutions et la taille

réduite du fonds font que toutes les séries du

cadre de classement ne sont pas représentées

et l'accent mis sur certaines comme la série H –

Affaires militaires (guerre avec les monarchies

voisines), la sous-série 4F – Subsistances et

approvisionnement (période de disette) ou

encore la série N (récupération des bien des

émigrés et nationalisation des biens du clergé,

puis vente de biens nationaux). Le fonds pré-

sente également de nombreuses informations

sur de grands personnages locaux comme An-

dré Dumont (1764-1838), administrateur du

département de la Somme, membre de la Con-

vention nationale et maire d'Abbeville ou

encore Louis Alexandre Dévérité (1743-1818),

également administrateur du département de

la Somme et membre de la Convention.

Conditions d'accès : Les documents sont li-

brement communicables.

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Collections textiles Maison Matisse © Maison Matisse.

Les archives textiles du Vermandois : un patrimoine en désuétude ?

Eléonore Peretti, directrice, Maison familiale Henri Matisse

Matisse en Picardie : la jeunesse de l’artiste

La Maison familiale d’Henri Matisse, à Bohain-

en-Vermandois, est un lieu patrimonial labelli-

sé Maison des Illustres qui conserve la mé-

moire des vingt premières années de la vie du

peintre, une jeunesse partagée entre les graines

du commerce familial, les couleurs que lui fait

découvrir sa mère et les tissus qui l’entourent.

Le « clic-clac » des navettes berce les journées

du jeune Henri ; il admire le savoir-faire des

travailleurs du textile, à l’instar de la dévi-

deuse picarde dont il fera plus tard le portrait.

Source d’inspiration du peintre tout au long de

sa vie, le textile tient une place importante tant

dans notre scénographie que dans nos ar-

chives.

Le textile, une tradition bohainoise

Bohain était jadis la capitale des tissus : dès le

XVIIe siècle, les registres y attestent la présence

de nombreux mulquiniers, ouvriers fabriquant

des toiles fines. La renommée de la ville, deve-

nue dès le 19ème siècle l’un des centres de pro-

duction textile les plus importants du Nord de

la France, se répand rapidement à

l’international : de grands noms passent com-

mande auprès des tisseurs et tisserands bo-

hainois, réputé pour leur savoir-faire. Napo-

léon Ier, par exemple, commandait des châles

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Collections textiles Maison Matisse © Maison Matisse.

de « cachemire bohainois », étoffe chaude et

magnifiquement rebrodée, pour Joséphine. Le

tsar Nicolas II de Russie fit quant à lui confec-

tionner son trousseau de mariage à la fabrique

du Vert Muguet.

À partir de 1870, l’industrie textile s’orienta

vers les nouveautés pour confection et ameu-

blement : c’est le début d’une longue phase de

développement économique pour la ville.

On comptait, vers 1895, 10 000 ouvriers du

textile dans le Vermandois travaillant pour

Bohain. En 1825, Auguste Rodier fonde sa

fabrique éponyme qui peu à peu se développe

sur plusieurs îlots. Le cœur de la ville bat au

rythme des machines : pour les manier, our-

disseuses, bobineuses, dévideuses ou encore

canneteuses au rouet, qui côtoient les manu-

tentionnaires et les employés aux matières et à

la fabrication. Bohain et la région qui l’entoure

forment une vaste agglomération d’ateliers

dont les bureaux de direction et les magasins

de vente sont à Paris, l’élément patronal n’y

étant représenté que par des chefs de fabrica-

tion. On envoie de Paris les esquisses, Bohain

met sur carte et échantillonne. De ces échantil-

lons, Paris fait la sélection en conformité des

pronostics sur le goût futur de la clientèle,

Bohain tisse les pièces commissionnées et Paris

les apprête.

Quelques années plus tard, Coco Chanel vien-

dra régulièrement s’approvisionner en tissus

dans ces usines aux noms prestigieux.

L’héritage des années fastes

La Maison familiale d’Henri Matisse, dès son

ouverture en 2008, a très rapidement assumé

sa mission de présentation d’artefacts et de

documents liés à l’artiste mais surtout à

l’histoire de la ville de son enfance. Nous nous

attachons, au travers de deux pièces dédiées, à

faire revivre la mémoire de l’industrie textile,

tout en rendant hommage aux travailleurs qui

se sont succédé dans les différentes usines.

Notre démarche est fortement appuyée par la

population, qui n’hésite pas à nous apporter,

sous diverses formes, des souvenirs liés à

l’histoire du textile à Bohain.

Nous conservons en particulier un fonds

d’archives textiles extrêmement important, qui

comporte près de 600 mises en carte goua-

chées, quelques 200 comptes rendus de fabrica-

tion, une dizaine de cahiers et de livres

d’apprentissage, et 6 cahiers d’échantillons

dont deux datés de 1869. Parmi ces ressources,

nous ne présentons que quelques pièces triées

en fonction de leur état et de leur intérêt pour

nos visiteurs, et dont nous varions la durée

d’exposition pour ne pas les endommager.

Nos recherches préalables nous ont permis de

constater que la plupart des archives laissées

en dépôt ou données à la Maison Matisse sont

des témoignages précieux du fonctionnement

des usines entre les années 1905 et 1950, en

particulier sur la façon dont se formaient les

apprentis tisseurs et dont ils évoluaient d’un

poste à l’autre. Les nombreuses listes de com-

mande en notre possession pourraient égale-

ment être exploitées pour retracer l’itinéraire

des marchandises fabriquées à Bohain, et en-

voyées ensuite dans les maisons de haute cou-

ture parisienne. Notre fonds photographique

numérisé s’enrichit d’une comparaison entre

les pièces photographiées et les archives (no-

tamment les mises en carte) reproduisant les

motifs les plus en vogue. La minutie avec la-

Page 83: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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quelle ces pièces ont été réalisées (un point de

gouache par carré) les rend particulièrement

intéressantes en ce qu’elles témoignent d’une

méthode de formation tout à fait spécifique.

Nous avons récemment fait l’acquisition de

matériel de conservation préventive spécifique

(hygromètre, pinceaux, boîtes Léonard) qui

nous permettent de protéger nos collections.

Nous en avons démarré l’inventaire et en cons-

tatons chaque jour les richesses, mais notre

manque de moyens, tant humains que maté-

riels, ne nous permet pas d’en assurer un suivi

aussi attentif que nous le voudrions. La con-

servation des échantillons textiles notamment

est délicate, car certaines archives récupérées

au fil des années, entassées dans les greniers et

les caves de Bohain, ont pâti du manque de

soin et présentent des traces d’infestation an-

ciennes qu’il nous faut surveiller ; beaucoup de

tissus nous sont arrivés dans un état déplo-

rable qui nous a obligés à opérer une sélection.

Les archives textiles que nous conservons à la

Maison familiale d’Henri Matisse sont remar-

quables à la fois par leur nombre, leur grande

diversité et leur histoire ; témoignages parfois

en piteux état d’un passé dont les traces se

repèrent encore dans le tissu urbain, dans les

nombreuses friches à l’abandon ou en cours de

requalification, ces pièces doivent être préser-

vées et présentées au public dans les meil-

leures conditions. Nous sommes engagés de-

puis 2013 dans cette démarche de revalorisa-

tion d’un patrimoine qui, à notre sens, mérite

de retrouver ses lettres de noblesse. Entre la

plaie mal cicatrisée d’une crise économique

récente et l’indifférence pour ce qui, pendant

des années, constituait le quotidien des travail-

leurs bohainois, c’est au musée comme institu-

tion patrimoniale d’éveiller la curiosité du

visiteur mais également de l’habitant, et de lui

proposer de se constituer à nouveau parti-

prenante de son histoire.

Page 84: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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Des ressources

pour la recherche…

Musées et collections

Page 85: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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Les collections patrimoniales d’enseignement et de recherche en sciences

de la vie et de la terre de LaSalle Beauvais

Pascal Barrier, enseignant-chercheur en sédimentologie, responsable des collections,

Institut LaSalle Beauvais

L’Institut Polytechnique LaSalle – Beauvais

détient depuis plus d’un siècle et demi des

collections patrimoniales de sciences natu-

relles. Il s’agit de roches, minéraux, fossiles,

coquillages, outils préhistoriques, plantes,

animaux mais aussi des objets pédagogiques.

Nos collections

Les échantillons du monde minéral sont rangés

dans un meuble « tiro clast » où ils sont classés

en stratigraphie ou par familles. Les animaux

sont conservés en boîtes, épinglés, naturalisés

en position de vie, en squelettes, immergés

dans des flacons ou dans de la résine plastique.

Les plantes sont le plus souvent séchées et

collées sur les pages d’un herbier. Les graines

sont isolées dans des flacons étanches et le bois

est tranché.

Qu’elles soient minérales, animales ou végé-

tales ces collections sont des réservoirs à ré-

flexion, discussions et études scientifiques. Bon

nombre de pièces minérales proviennent de

sites disparus ou inaccessibles (voir l’article de

Yannick Vautier dans cette édition électro-

nique des actes) alors que certains animaux et

végétaux témoignent d’une biodiversité âgée

de plus d’un siècle. Pour elles, nos collections

constituent le dernier refuge.

Une partie des collections a conservé sa fonc-

tion première : être utile en pédagogie. Elle est

utilisée en travaux pratiques par les élèves.

L’autre partie, historique, est conservée dans

son « jus ». Elle est en accès limité, réservé à la

consultation des chercheurs.

Les collections en chiffre :

Herbier : 30 000 spécimens, 1257 es-

pèces patrimoniales, rares ou mena-

cées d’extinction ;

535 oiseaux naturalisés dont 180 es-

pèces très rares ou disparues , 80 rep-

tiles ;

Plus de 10 000 spécimens d’insectes ;

Plus de 18 tonnes de roches, minéraux

et fossiles ;

300 flacons et tubes de graines ;

110 spécimens de bois indigènes et

exotiques.

Le Fou de Bassan, Morus bassanus, est un représentant picard de

nos 535 oiseaux naturalisés © Institut LaSalle Beauvais.

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Sur la valorisation des collections patrimo-

niales de sciences naturelles du réseau La-

Salle Monde

L’Institut Polytechnique LaSalle – Beauvais a

pour projet de valoriser ses collections patri-

moniales mais aussi de fédérer les actions de

préservation des collections de sciences natu-

relles des établissements de son réseau, en

France et ailleurs dans le monde. La première

étape passe par un recensement des collec-

tions, pour la plupart vielles de plus d’un

siècle, de façon à éviter des disparitions inopi-

nées. Dans un second temps un inventaire

numérique est réalisé impliquant le plus sou-

vent le travail d’étudiants et d’enseignant mo-

tivés. L’objectif final est de faire connaitre ce

patrimoine oublié à la communauté scienti-

fique mais aussi à toutes personnes, directeur

de Musée, commissaire d’exposition, anima-

teurs des collectivités, qui œuvrent pour pro-

mouvoir les sciences de la vie et de la terre

auprès du grand public. A terme, la création

d’un musée de site sur le Campus LaSalle de

Beauvais est envisagée.

Modèles anatomiques démontables en papier mâché Louis Auzoux. Ce médecin français du XIXe siècle utilisait une technique unique de pro-

duction d’objets destinés à l’enseignement des sciences naturelles © Institut LaSalle Beauvais.

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Le Musée des papillons à la recherche de son histoire

Agnès Villain, directrice, Musée des papillons de Saint-Quentin

Véritable trésor du patrimoine saint-

quentinois, le musée est né en 1912 du legs de

Jules Passet, riche entomologiste amateur né à

Saint-Quentin en 1836 (600 000 spécimens es-

timés).

Le Musée des papillons a subi les vicissitudes

des deux guerres. Outre les insectes, il abrite

également d’autres spécimens, issus notam-

ment de l’activité d’une ancienne société sa-

vante, la Société d’histoire naturelle ou Société

linnéenne de l’Aisne, disparue vers 1968, dont

le musée conserve le fonds documentaire, un

herbier départemental (LB Riomet), une série

herpétologique en fluide, ainsi que les ar-

chives. On trouvera également quelques co-

quillages, poissons, minéraux, provenant de

l’ancien Musée de l’Enfance.

D’autres collections plus récentes venues

s’ajouter au legs initial constituent aujourd’hui

un fonds approchant 1400 boîtes. Seuls 11 000

spécimens pour 255 boîtes étaient visibles dans

l’exposition permanente, démontée depuis

juillet 2015, afin de préparer le déménagement

vers un nouveau site.

Un musée-muséum ne peut se résumer à la

présentation d’objets : il vit, reçoit, transmet, il

donne à voir et à apprendre, il questionne sur

notre société et nos pratiques, et nous rappelle

à nos devoirs de citoyens (environnement,

biodiversité).

Les possibilités de stage et de recherche sont

de différentes dimensions :

Entomologie : inventaire des spéci-

mens de Picardie dans les collections ;

Botanique : inventaire de l’herbier

Riomet (flore de l’Aisne) ;

Aspect ethno-cognitif : pourquoi les

insectes (et araignées) font peur ? tra-

vail sur la perception et le ressenti du

public (enquête, analyse, publication) ;

Archives-documentation : inventaire

du fonds documentaire de la Société

d’histoire naturelle de l’Aisne.

Page 88: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

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Intailles et camées de la collection Danicourt : Antiquité précieuse

David De Sousa, directeur, Musée Alfred-Danicourt de Péronne

Rêvé par un maire et un sous-préfet au XIXe

siècle, le musée municipal Alfred-Danicourt

ouvre ses portes au public en 1877. Il est véri-

tablement l’un des phares culturels à l’est de la

Somme avant 1914, se développant petit à petit

jusqu’à occuper toute l’aile gauche de l’hôtel

de ville de Péronne. Le champ scientifique de

ses collections archéologiques s’étend alors de

la Préhistoire à l’époque contemporaine ; le

fonds beaux-arts est fort quant à lui de plu-

sieurs centaines d’œuvres picturales et sculp-

tures, dont quelques dépôts de l’état et dons

du baron Alphonse de Rothschild. Danicourt a

voulu un musée municipal qui s’appuie sur

trois axes culturels où le patrimoine de la

Haute-Somme prend une large place :

l’archéologie, la peinture, et l’histoire. Mais la

qualité des collections archéologiques, excep-

tionnelle, dépasse largement le simple cadre de

la Picardie.

Le musée présente ainsi l’une des plus belles

collections au monde de monnaies gauloises ;

le « médaillier Danicourt » fait (déjà à

l’époque) référence dans le monde de la nu-

mismatique. Le mobilier archéologique an-

tique et mérovingien réuni par Danicourt, et

enrichi par d’autres dons et dépôts après sa

mort en 1887, est tout aussi remarquable. Par-

mi ces objets exceptionnels une collection

d’intailles et de camées que Danicourt rassem-

bla à partir d’un noyau constitué par le rachat

de pierres de la collection du Comte de Gobi-

neau, dispersée en salle des ventes en 1882.

Pour ses plus belles acquisitions, Alfred Dani-

court publia quelques articles, notamment

dans la Revue Archéologique. Mais pour nombre

de ses objets, l’absence de documentation sur

le contexte de découverte et d’achat est récur-

rente.

Le passage de la Grande Guerre n’arrange rien

puisqu’entre 1914 et 1918, le musée perd 95%

de ses collections, et le bâtiment est totalement

détruit de même qu’une partie de ses archives.

Quelques œuvres sont restituées par

l’Allemagne après 1919, mais globalement la

majeure partie des collections disparaît sans

laisser de traces, victime plutôt d’un pillage

« troupier » que d’un déménagement organisé

comme purent le connaître d’autres structures

muséales des départements occupés. Grâce au

conservateur de l’époque qui les enterre, plu-

sieurs centaines de petits trésors archéolo-

giques antiques et médiévaux sont néanmoins

Le musée en 1906 © Photo Ville de Péronne / Musée Alfred-

Danicourt

Le musée en 1916 © Photo Ville de Péronne / Musée Alfred-

Danicourt

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sauvés, dont le fameux médaillier. Ces objets

miraculés seront d’ailleurs à nouveau enterrés

pendant la Seconde Guerre mondiale pour être

soustraits à l’intérêt allemand.

Le musée Alfred-Danicourt, balayé pendant la

Première Guerre mondiale, disparaît dans

l’entre-deux-guerres, et ne reprend vie vérita-

blement qu’en 1955, lors d’une réouverture à

l’étage de l’aile droite de l’hôtel de ville, occu-

pant des volumes réduits de 75 % par rapport

à l’avant 1914. De par cette histoire chaotique

qui fit de lui un musée victime de guerre, le

musée de Péronne est toujours aujourd’hui un

musée territorial à la recherche de l’histoire et

de la connaissance de ses collections. C’est là

où les échanges scientifiques avec le milieu de

la recherche prennent toute leur importance :

en contrepartie d’un accès facilité à ses collec-

tions pour les chercheurs, le musée retrouve, à

travers les résultats de leurs travaux, une par-

tie de sa mémoire perdue.

Parmi les collections en attente d’un enrichis-

sement documentaire et scientifique on trouve

donc la collection Danicourt d’intailles et de

camées, témoins d’une « Antiquité précieuse ».

Depuis leur invention, les camées et les in-

tailles appartiennent à l'univers du luxe. Tour

à tour bijoux, objets magiques, politiques, as-

trologiques ou médicaux, ils sont avant tout

des supports d'information. Ces petits trésors

véhiculent à travers leur iconographie un pré-

cieux héritage des civilisations de l'Antiquité.

D'origines très diverses, la collection de glyp-

tique réunie par Alfred Danicourt au XIXe fit

partie des biens légués par le mécène péron-

nais à sa ville en 1887. Elle est aujourd'hui

l'une des plus importantes d'Europe par le

nombre de pièces (120), datées essentiellement

du VIIIe au IIe siècle avant notre ère.

La science des intailles est communément dé-

signée sous le terme de GLYPTIQUE (du grec

"gluphéin" signifiant "graver"). La glyptique

est apparue au Proche-Orient, en particulier en

Mésopotamie avec la fabrication de sceaux

cylindres dès le troisième millénaire avant

notre ère. Elle se développe chez les Egyptiens

Camées et intailles de la collection Danicourt © Photo Ville de Péronne / Musée Alfred-Danicourt

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principalement sous la forme scaraboïde, in-

secte sacré dont les élytres forment la face exté-

rieure et bombée des pierres, la face plane ac-

cueillant des hiéroglyphes ou des représenta-

tions de divinités. Les Grecs connaissent aussi

l'intaille et il faut attendre la période romaine

pour voir apparaître le camée.

On ne sait presque rien du passé de ces objets

avant leur exposition à Péronne au XIXe siècle,

et encore moins sur le contexte de leurs décou-

vertes. Quelques pièces firent l’objet d’une

étude par John Boardman pour la Revue Ar-

chéologique en 1970, puis par la spécialiste

française Hélène Guiraud dans les années 1990

pour les Editions du CNRS. Depuis plus aucun

étudiant ou chercheur ne s’est penché sur cer-

taines pièces de la collection… Quant à une

étude globale de l’ensemble, elle est encore à

faire.

Voici donc l’exemple parfait d’un fonds dispo-

nible à l’étude dans un musée picard, comme

d’ailleurs d’autres ensembles archéologiques

que possède le musée Alfred-Danicourt. C’est

pour cela que sa participation à ces premières

Rencontres du Patrimoine en Picardie était

importante pour rappeler, comme d’autres

établissements patrimoniaux qui se sont asso-

ciés à ce rendez-vous culturel, que les musées

de France sont aussi des centres ressources et

que la recherche et l’aide à la recherche sont au

cœur de leurs missions scientifiques dans

l’objectif constant d’une meilleure connais-

sance des collections pour une meilleure valo-

risation vers tous les publics.

Liens :

http://insitu.revues.org/11479

http://www.culture.gouv.fr/documentation/joc

onde/fr/decouvrir/expositions/peronne-

intaille/peronne-intaille-pres.htm

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L’histoire du goût pour la peinture italienne en Picardie

Servane Dargnies, Institut national d’Histoire de l’art

Christophe Drouard, Institut national d’Histoire de l’art

La peinture italienne en Picardie : recense-

ment et découvertes

Depuis 2001, sous l'impulsion et la direction de

Michel Laclotte, l’Institut national d'histoire de

l'art (INHA) s’est donné pour tâche de recenser

toutes les œuvres italiennes conservées dans

les collections publiques françaises (musées,

églises, administrations d’Etat ou locales, etc.).

Ce vaste travail bibliographique et de re-

cherche sur le terrain s'appuie sur les conserva-

teurs des musées en régions, les services de

l'inventaire et les conservateurs des antiquités

et objets d’art (CAOA), toujours prêts à mettre

à la disposition de l’équipe de l'INHA leur

savoir personnel, leurs fichiers, le plus souvent

très complets, et les reproductions des œuvres

numérisées. Les bases de données Joconde et

Palissy du ministère de la Culture et de la

Communication, les ressources de la Média-

thèque de l’Architecture et du Patrimoine ont

également été utiles à l'élaboration de ce réper-

toire. Les informations ainsi recueillies et les

visites sur place, notamment dans les réserves

des musées et dans les églises, ont permis de

compléter peu à peu un corpus de plus de 13

500 œuvres.

En ce qui concerne les œuvres italiennes de la

région Picardie, le recensement et les missions

sur le terrain ont été conduits entre 2009 et

2010 par une équipe composée de chercheurs

de l'INHA, de chercheurs invités, de docto-

rants et de stagiaires qui ont travaillé sur les

fonds de photos et conduit des missions sur le

terrain en Picardie. Ainsi, pour les musées, 524

tableaux ont été recensés et étudiés en Picardie

dont 119 tableaux dans l'Aisne, 305 dans l'Oise

et 100 dans la Somme. La connaissance des

tableaux italiens conservés dans les églises s'est

récemment considérablement enrichie grâce au

travail d'une étudiante de l'Ecole du Louvre,

Constance Calderari-Froidefond.

Pour tous ces tableaux, dans la grande majorité

des cas, le nom de l’auteur était unanimement

admis, notamment pour les œuvres de musées.

En ce qui concerne les œuvres inédites ou aux

attributions fantaisistes, de nombreux spécia-

listes français et étrangers ont été consultés

pour enrichir le répertoire de nouvelles attri-

butions. Les résultats de ces nombreuses

études seront à découvrir dans l'exposition «

Heures italiennes » (Amiens, Beauvais, Chan-

tilly et Compiègne) en 2017, ainsi que dans son

catalogue.

Amateurs et collectionneurs de peintures

italiennes

Le territoire picard peut s’enorgueillir de

compter quelques-unes des plus belles collec-

tions de peinture italienne de France. Le site de

Chantilly est sans conteste le plus riche. La

collection de peintures et de dessins italiens du

musée Condé émane de celle du duc

d’Aumale, figure exemplaire d’amateur et de

passionné d’art. Parmi les tableaux conservés

au sein du musée (106 œuvres recensées sur la

base Retif), on notera l’omniprésence des

écoles d’Italie septentrionale (Lombardie, Emi-

lie, Vénétie) et de Toscane, ainsi qu’environ

soixante tableaux des XVe et XVIe siècles.

L’absence totale (ou presque) de tableaux du

XVIIIe siècle – du temps des frères Goncourt ! –

montre que le prince avait des goûts clairs et

affirmés. Non loin de Chantilly, dans les envi-

rons immédiats de Paris, le site de l’ancienne

abbaye de Chaalis profite quant à lui de

l’exceptionnel ensemble construit par Nélie

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Jacquemart-André pour sa résidence de cam-

pagne, dans le bâtiment situé face aux ruines.

Parmi les fleurons de cette collection, deux

panneaux de Giotto et plusieurs tableaux véni-

tiens acquis sur le marché de l’art italien révè-

lent un goût plus éclectique que celui de la

demeure parisienne des Jacquemart-André.

La qualité des fonds muséaux territoriaux est

aussi notable : la collection des Lavalard à

Amiens – léguée en 1890 et 1894 – compte

quelques chefs-d’œuvre de l’école napolitaine

(Jusepe de Ribera) ou vénitienne (Sebastiano

Ricci) uniques en France ; celle du chanoine

Eugène Dumont (léguée en 1926 au musée de

Picardie à Amiens) est elle aussi de grand inté-

rêt (à noter un splendide Pietro Bellotti). A La

Fère (musée Jeanne d’Aboville) et Compiègne

(musée Vivenel), la peinture italienne occupe

aussi une place de choix. On y voit respecti-

vement 59 et 22 tableaux répertoriés sur la base

Retif. Si leur provenance n’est pas encore bien

cernée, les travaux en cours sur ces collections

devraient permettre d’ici peu d’y remédier.

La Picardie a une longue tradition de présence

d’artistes italiens sur son sol : l’église de Folle-

ville (Somme) possède ainsi un tombeau mo-

numental de style Renaissance (Antonio della

Porta) et le Collège Saint-Just (des Oratoriens)

à Soissons fut longtemps propriétaire de deux

toiles de Giovanni Antonio Pellegrini, un ar-

tiste qui résida à Paris en 1719-21 et fut en con-

tact régulier avec des mécènes français par la

suite. Enfin, Luigi Domenico Soldini travailla

lui aussi pour des commanditaires picards au

XVIIIe siècle, puisque ses tableaux sont pré-

sents dans les églises de Vervins, de Laon

(Chapelle de l’hôpital) et furent copiés, comme

en attestent les deux tableaux de la cathédrale

de Noyon.

L’exposition « Heures Italiennes ». La pein-

ture italienne dans les collections publiques

de Picardie

Partant du constat que la peinture italienne

occupe une place de choix dans les collections

publiques, les édifices religieux et les institu-

tions de la région, le projet d’exposition

« Heures Italiennes » (titre emprunté à Henry

James) s’appuie sur un examen complet (repé-

rages, études, échanges avec spécialistes ou

experts) des tableaux répertoriés. Les re-

cherches menées sur ces fonds ont permis

d’identifier plusieurs tableaux jusqu’alors in-

connus des spécialistes de Caravage (une copie

inédite de la célèbre Madeleine pénitente, au

musée de Senlis), de son maître Simone Peter-

zano (une Vénus et Cupidon au musée de Chaa-

lis), de peintres maniéristes comme le maître

de Filippo Guastavillani, un suiveur d’Orazio

Sammachini (Mariage mystique de sainte Cathe-

rine, église de la Neuville-en-Hez) ou encore

Luca Giordano, copiant les Stigmates de saint

François de Jusepe de Ribera (Gouvieux,

église).

Quatre villes différentes – sièges de quatre

institutions municipales, départementales ou

nationales – accueilleront la manifestation :

environ deux cents trente tableaux seront prê-

tés par une quinzaine de musées ainsi que

quelques églises. La répartition sera chronolo-

gique : le XIVe et XVe siècles (les Primitifs) se-

ront présentés au musée de Picardie, à

Amiens ; le XVIe siècle (la Renaissance et le

Maniérisme) sera exposé au musée Condé, à

Chantilly ; le XVIIe siècle, subdivisé en deux

parties (le Naturalisme et le Baroque) sera

exposé à Beauvais, au musée départemental de

l'Oise et dans la galerie de la Tapisserie ; enfin,

le XVIIIe siècle sera accueilli par le Palais de

Compiègne.

D'autres musées s'associeront à la manifesta-

tion en présentant des dossiers spécifiques

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93

autour d'une restauration ou d'une théma-

tique.

Divers partenaires sont fédérés autour de ce

projet : outre les musées participants et les

services culturels des municipalités, l'Institut

national d'histoire de l'art, l'Institut national du

patrimoine, la Direction des affaires culturelles

de Picardie, le Service des musées de France,

l'Institut de France.

Les enjeux d’une telle manifestation, inédite en

terre picarde, sont nombreux : il s’agira tout

d'abord, de sensibiliser le public local à son

riche passé culturel, en proposant des actions

pédagogiques innovantes envers tous les types

de visiteurs (scolaires et étudiants notamment).

Cette manifestation permettra ensuite de valo-

riser plus largement, en France comme à

l'étranger, ce patrimoine pictural exceptionnel

et de faire (re)découvrir les musées d'une ré-

gion avant tout connue pour ses cathédrales

gothiques.

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Le Musée Jeanne d’Aboville de la Fère : Échantillons choisis d’une grande

collection XIXe non-dispersée

Mariel Hennequin, guide, musée Jeanne d’Aboville

Le Musée Jeanne d’Aboville se trouve dans la

ville de La Fère, commune de l’Aisne

d’environ 3000 habitants, située à 25km au

Nord de Laon et 30 km au Sud de St Quentin.

C’est un musée d’art abritant une collection de

tableaux, auquel s’est adjoint un modeste mais

intéressant fond archéologique. La collection

de tableaux provient du legs par testament fait

en 1860 de la comtesse d’Héricourt de Valin-

court, une notable issue de la noblesse militaire

qui a habité La Fère. Elle fit don de sa collec-

tion à la municipalité à la condition que le

musée porte le nom de sa mère, Jeanne

d’Aboville, qui lui avait transmis le goût des

arts.

C’est donc un musée municipal, son emplace-

ment actuel est l’ancien palais de Justice de la

Ville auquel était couplé un espace pour pré-

senter les tableaux. Une centaine de tableaux

de la collection sont présentés sur deux ni-

veaux de salles d’exposition, plus la salle ar-

chéologique au rez-de-chaussée.

La salle archéologique présente des pièces

intéressantes car de provenance locale. On

trouve en particulier l’intégralité des pièces

résultant de la fouille du site gallo-romain de

Versigny, commune située à une dizaine de

kilomètres de La Fère. A cela s’ajoute des

pièces de l’ère préhistorique et le mobilier de

tombes mérovingiennes.

La collection comptait à la création du musée

plus de 500 tableaux et des objets d’art, mais

les évacuations successives durant les conflits

guerriers ont provoqué des pertes impor-

tantes : il reste aujourd’hui 396 tableaux et les

objets ont disparu. En effet, la collection a été

évacuée successivement en 1870, en 1914 et

1940.

La collection est diverse, on y trouve plusieurs

écoles et courants du XVe au XIXe siècle :

Une collection de primitifs nordiques ;

Une collection importante de flamands et

hollandais du Siècle d’Or ;

Quelques belles pièces italiennes, avec un

certain goût pour les peintres vénitiens ;

Une collection française, surtout orientée

vers le XVIIIe siècle.

Le fond de peinture du musée est unique en

son genre car il présente une collection du XIXe

siècle qui est parvenu jusqu’à nous sans être

dispersée. C’est un exemple intéressant pour

l’histoire du goût au XIXe siècle, notamment

par l’unité de ton que présente la collection,

souvent empreinte de sérénité et de retenue.

L’attrait de la comtesse pour la peinture nor-

dique, en particulier celle du Siècle d’or hol-

landais, est mis en valeur par de beaux

exemples et quelques grands noms.

Néanmoins ces grands noms sont aujourd’hui

à revoir car la collection a connu un suivi

scientifique irrégulier et contient donc plu-

sieurs attributions à réévaluer, voire franche-

ment erronées. En effet, si la collection a eu un

suivi scientifique de qualité au milieu du XXe

siècle, avec les apports de quelques grands

noms comme Mirimonde, ce travail n’a pas été

forcément poursuivi par la suite et doit être

actualisé.

La difficulté pour travailler aux attributions de

ces peintures est renforcée par le manque de

fonds d’archives et un certain vide quant aux

dossiers d’œuvre : le musée s’inscrit totalement

dans le vide documentaire qui touche certains

domaines de l’Histoire dans l’Aisne suite aux

destructions qui ont touché la région en 1870 et

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Le Déjeuner champêtre, François Octavien © Musée Jeanne

d’Aboville.

Saint Acace et les dix mille martyrs, peintre nordique © Musée

Jeanne d’Aboville.

14-18. Le musée fut lui-même victime d’un

bombardement prussien en 1870. Il faut ajouter

le fait que les documents personnels de la do-

natrice de la collection de tableaux ont disparus

sur sa demande, brulés après sa mort.

Plusieurs grands axes de recherche se dessi-

nent quant au musée :

La collection de Primitifs présente

quelques tableaux rares du XVe et XVIe siècles

qu’il serait sans doute intéressant d’étudier, tel

Saint Acace et les dix-mille martyrs sur le Mont

Ararat. Attribué à un peintre nordique de la fin

du XVe siècle, le sujet du tableau n’a été identi-

fié que récemment et fait partie de son origina-

lité car il présente une légende tiré d’un texte

hagiographique tardif, puisque créé au XIIe

siècle dans le cadre des Premières Croisades. Il

y a un intéressant travail à réaliser sur cette

œuvre tant par le sujet représenté que par

l’identification de son auteur, ou de l’aire géo-

graphique dont elle est issue.

La peinture flamande et hollandaise

représente la partie la plus importante numé-

riquement de la collection. Si de beaux

exemples sont clairement identifiés, parfois

comme faux ou comme pastiche, d’autres né-

cessitent un important travail de réattribution.

La collection de peintures de l’école

française du musée couvre une période allant

du XVIIe au début du XIXe siècle. Ces toiles ont

été jusqu’alors peu étudiées alors qu’elles pré-

sentent d’intéressants exemples du Grand

Siècle et des temps prérévolutionnaires, tel le

Repas champêtre de François Octavien (1682-

1740). Cette peinture s’inscrit dans l’abondante

production de scènes en extérieure peinte dans

l’entourage de Watteau, présentant la vie lé-

gère de la noblesse du temps. Elle est intéres-

sante tant par son style que par son sujet, mon-

trant l’émergence des nouvelles pratiques de

bouche dans la haute société du temps.

Le musée espère mettre l’accent sur la

recherche quant à l’œuvre de Jean Baptiste

Lallemand (1716-1803) dont il possède deux

toiles, le Gué et la Halte de chasse et dont on va

fêter le tricentenaire de naissance en 2016.

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Gladiateur celtique © Musée Jeanne d’Aboville.

C’est un artiste singulier, en grande partie

autodidacte et qui a fait une partie de sa car-

rière en Angleterre.

La collection archéologique peut être

un point d’ancrage intéressant quant à

l’occupation de la région de la Fère à l’époque

gallo-romaine. Les fouilles du fanum de Versi-

gny ont livré plusieurs belles pièces datant

surtout du Ier siècle de notre ère, dont une ra-

rissime figurine en bronze de cruppellarius

(gladiateur celtique) qui semble être pour le

moment la seule représentation iconogra-

phique jamais découverte de ce type de com-

battant. Les fouilles de temple ont révélé éga-

lement la présence d’un village dans ses

abords immédiats dont les maisons ont été

fouillées. On trouve également dans la collec-

tion un ensemble de pièces de monnaie collec-

tées durant ces fouilles qui se révèlent intéres-

santes pour les connaissances numismatiques

car plusieurs représentent des empereurs gau-

lois ou ont été produites à une échelle locale

dans des ateliers de campagne.

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Portoir des collections géologiques de l’Institut LaSalle Beauvais © Institut LaSalle Beauvais.

Les collections géologiques de l’Institut Lasalle Beauvais : valorisation

scientifique et pédagogique

Yannick Vautier, enseignant-chercheur, Institut LaSalle - Beauvais

Le département possède un patrimoine riche et

varié qui s’est constitué de manière continue

depuis le XIXe siècle : échantillons géologiques

(paléontologie, pétrographie, minéralogie,

préhistoire) ; instruments scientifiques an-

ciens ; livres anciens ; bibliothèque d’ouvrages

et de périodiques ; bibliothèques thématiques

anciennes (Afghanistan, Dinosauriens, Préhis-

toire, etc.) ; cartes géologiques anciennes et

actuelles (France et étranger) ; photos an-

ciennes ; photothèque de missions lointaines ;

photographies aériennes (France et étranger) ;

fonds d’archives (Fonds de Lapparent et

autres), etc.

Ce patrimoine est important à plus d’un titre.

D’un point de vue scientifique, les échantillons

de référence, livres et cartes rares ou difficile-

ment accessibles ailleurs, sont toujours consul-

tés par des chercheurs.

Certaines collections (collection A. de Lappa-

rent ; collection de préhistoire) se relient à

l’histoire des sciences géologiques. La collec-

tion historique Albert-de-Lapparent est com-

posée d’échantillons de toutes les faunes et

flores fossiles, disposées en ordre chronolo-

gique, du début de l’ère primaire à la fin du

Tertiaire, avec distinction de différents do-

maines biogéographiques. Elle fut constituée

dans le dernier quart du XIXe siècle par A. de

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Collection de minéraux de l’Institut LaSalle Beauvais : un béryl ©

Institut LaSalle Beauvais.

Collection de Préhistoire de l’Institut LaSalle Beauvais : un biface

moustérien © Institut LaSalle Beauvais.

Lapparent, titulaire de la chaire de géologie à

l’Institut catholique de Paris de 1876 à 1908.

Cette collection a servi de base à la conception

du célèbre Traité de Géologie d’A. de Lapparent

(éditions de 1883 à 1906) et fut par la suite en-

richie par des donateurs célèbres : Arnoult,

Barrande, Cotteau, de Morgan, de Raincourt,

Schlumberger, Tournouër, etc. Les collections

de minéraux et de minerais, fondées sur la

composition chimique et sur les propriétés

cristallographiques des minéraux furent initia-

lement constituées par A. de Lapparent dans le

dernier quart du XIXe siècle. Elles ont servi de

base à la conception du célèbre Cours de Miné-

ralogie (éditions de 1884 à 1908 ; dernière édi-

tion, 1969 !). Ces collections ont été complétées

ensuite à plusieurs reprises, notamment par le

chanoine Christophe Gaudefroy, titulaire de la

chaire de Minéralogie de l’Institut catholique

(1919-1948), avec sa remarquable collection de

microminéraux ; par l’abbé A.F. de Lapparent

avec la collection de bauxites et celle de lapis

lazuli d’Afghanistan, mais aussi par une collec-

tion de plus de 5000 minéraux léguée à

l’Institut par M. Boyer en 2010.

Dans certaines conditions d’utilisation, ces

collections constituent un appoint important

pour l’enseignement et les recherches menées

par les élèves. La collection de stratigraphie

régionale s’enrichit de façon permanente de

collectes d’échantillons réalisées sur le terrain

(fossiles principalement) lors de missions,

voyages d’études à travers le monde. Elle fut

élaborée essentiellement à partir du début du

XXe siècle dans le cadre des activités du labora-

toire de géologie de l’Institut catholique de

Paris, devenu IGAL (coll. J. Boussac, A.F. de

Lapparent, C. Montenat, etc.). La collection de

pétrographie constitue un ensemble de plus de

10000 échantillons magmatiques, métamor-

phiques et sédimentaires illustrant la majorité

des roches constituant la croûte terrestre. Une

grande partie de ces échantillons est stockée en

réserve, le reste étant utilisé à des fins pédago-

giques. Ces échantillons macroscopiques sont

complétés par une riche collection de lames

minces permettant d’avoir le pendant à

l’échelle microscopique. Les collections thé-

matiques nées à partir des années 1950, à

l’occasion de voyages d’études et de missions

sont consacrées à une région ou à un thème

particulier (pétrographie du fossé d’Oslo ou

du graben rhénan ; géologie du Spitzberg ; les

roches d’Islande ; d’Oural ; du Tibet ; les ex-

pressions du volcanisme d’Italie ; aspects de la

sédimentation océaniques ; etc.). La collection

de Préhistoire fut constituée à partir de la fin

du XIXe siècle, avec des dons faits au labora-

toire de géologie de l’Institut catholique de

Paris par les grands noms de la préhistoire

française. Possédant de ce fait un réel intérêt

historique, elle est composée d’échantillons

provenant de tous les gisements classiques du

paléolithique de France (Abbeville, Saint-

Acheul, le Moustier, Levallois, Aurignac, La

Magdeleine, Solutré, etc.) et d’autres pays

comme l’Egypte Paléolithique de mer Rouge).

Le Néolithique est également très bien repré-

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senté avec des échantillons prélevés en France

et à l’étranger. Enfin, la richesse et la diversité

des collections permet le montage

d’expositions thématiques (à usage grand pu-

blic, scolaires) organisées par le Département

Géosciences ou à la demande d’associations.

La collection d’échantillons de grande taille,

spectaculaires et souvent à qualité esthétiques,

réunis par collectes et par dons (fossiles, roches

et minéraux) la prédispose à être utilisée en

exposition.

De nombreux travaux développés par l’Institut

LaSalle s’appuient sur ces collections qui, de-

puis quelques années, sont inscrites à

l’inventaire du patrimoine géologique de Pi-

cardie.

Depuis 2014, une coopération innovante entre

LaSalle Beauvais et Dassault Systèmes a per-

mis de développer des travaux de modélisa-

tion numérique 3D des cristaux formés dans

des roches avec une précision inégalée. Les

objectifs sont de tirer de nouvelles conclusions

scientifiques quant à la formation de ces cris-

taux et donc apporter de nouveaux outils pour

les études en pétrologie. Les collections géolo-

giques de l’Institut servent régulièrement de

support scientifique à la rédaction d’ouvrages

spécialisés ou grand public tel que celui qui

sera dédié au stratotype du Danien, rédigé en

collaboration avec le Muséum Naturel

d’Histoire Naturel et l’Université de Copen-

hague. C’est également l’un des outils essen-

tiels à la valorisation de sites géologiques

d’intérêt patrimonial majeur. Les carrières de

Vigny-Longuesse et la carrière aux coquillages

d’Auvers-sur-Oise dans le Val d’Oise en sont

deux très bons exemples car ils constituent

aujourd’hui des sites géologiques de référence

tant d’un point de vue scientifique que péda-

gogique.

La diversité de ces collections géologiques

ainsi que leur richesse scientifique et patrimo-

niale incitent aujourd’hui le département géos-

ciences de l’Institut LaSalle à les valoriser à

travers la mise en œuvre d’un musée virtuel.

Le partage de ce patrimoine unique est un

objectif majeur de ce projet tant pour en con-

server la mémoire mais surtout pour permettre

aux plus grand nombre d’accéder à ces collec-

tions à des fins scientifiques, pédagogiques ou

tout simplement par simple curiosité.

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Médiation et

construction du savoir

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La commission « Patrimoine et archéologie du Beauvaisis » et ses actions

Marie Ansar, animatrice de l’architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire

de la Ville de Beauvais

Roselyne Le Bourgeois, secrétaire de la commission, vice-présidente de la Société acadé-

mique de l’Oise et maître de conférences honoraire en histoire, CAREF / UPJV

Le contexte de la création de la commission

La politique de valorisation patrimoniale de

Beauvais

2005 : création d’un poste de chargé de mission

Patrimoine en vue de la valorisation d’un riche

patrimoine et de sa médiation auprès d’un

large public (développement des JEP, actions à

destination des scolaires…).

Ce travail mène à l’obtention du label Ville

d’art et d’histoire en 2011 avec la signature

d’une convention en 2012. La valorisation de la

connaissance sur le patrimoine de Beauvais y

tient une place importante notamment par

l’édition de brochures à destination du grand

public réunissant une synthèse des connais-

sances sur une thématique (cathédrale, tapisse-

rie, première guerre mondiale…).

Dans le dossier de candidature au label,

l’importance d’une meilleure connaissance de

l’histoire et l’architecture du territoire avait été

pointée et des pistes avaient été lancées pour

développer des recherches sur notre patri-

moine.

Ainsi, en 2014, cette volonté a amené à la créa-

tion d’une Commission Patrimoine et Archéo-

logie dont la mission première est de susciter

et valoriser des recherches sur le patrimoine de

la Communauté d’agglomération du Beauvai-

sis.

Le but de cette commission est de rassembler

différents acteurs qui travaillent pour la con-

naissance du patrimoine du Beauvaisis, aussi

bien des associations que des partenaires insti-

tutionnelles (techniciens et élus), sans oublier

des amateurs passionnés, relais vers le grand

public.

Le territoire

Le territoire concerné n’est pas limité à Beau-

vais, mais concerne l’ensemble de l’Agglo du

Beauvaisis. Le label Ville d’art et d’histoire,

bien que limité, ouvre déjà son périmètre aux

restes de l’Agglo pour deux raisons :

Des thématiques historiques et artis-

tiques communes à d’autres communes :

architectures médiévales (art roman de

l’église d’Allonne par exemple que l’on

retrouve à Beauvais par la maladrerie et

l’église Saint-Etienne), la céramique

(Saint-Germain-la-Poterie, Savignies,

Auneuil)… ;

La compétence touristique appartient à

l’Agglo. Or l’office de tourisme est un

partenaire quotidien du service Ville

d’art et d’histoire.

Les membres de la commission

18 membres d’horizons très différents :

Des associations (GEMOB, GRECB, Socié-

té académique de l’Oise) ;

Des agents de l’Education Nationale et

universitaires ;

Des architectes ;

Des élus de Beauvais et Agglo ;

Des agents de ces deux collectivités ;

Des habitants passionnés d’histoire et de

patrimoine.

La commission dispose d’un bureau composé

d’un président, d’un vice-président et d’un

secrétaire.

Les centres d’intérêt

La diversité des acteurs révèle la diversité

des thématiques traitées par la commis-

sion ;

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102

La commission s’intéresse à la notion de

patrimoine au sens large, incluant le pa-

trimoine immatériel et naturel.

Les missions de la commission

- La valorisation des ressources de

l’Agglo ;

- Dynamiser les associations existantes

qui disposent de compétences, de fonds

documentaires différents et complémen-

taires, établir des liens entre ces associa-

tions et les personnes qui les représen-

tent ;

- Travailler en lien avec les universités, les

institutions, les sociétés savantes afin de

proposer des sujets de recherche aux

étudiants et chercheurs ;

- Susciter et récompenser la réalisation de

travaux de recherche de qualité ;

- Valoriser les travaux primés auprès du

grand public et du monde de la re-

cherche ;

- Diffuser, faire connaître les travaux de

recherche de qualité réalisés sur le

Beauvaisis par des conférences, visites…

Les prix dotés

Le prix Pierre Goubert, attribué aux

thèses : 1200 €

Le prix Victor Leblond, attribué aux

masters : 800 €

Le prix Louis Graves, attribué aux re-

cherches indépendantes : 500 €

Biographie des historiens

Pierre Goubert (1915-2012)

Historien français spécialiste des XVIIe et

XVIIIe siècles.

1915, naissance dans une famille modeste ;

Etudes à l’Ecole normale d’instituteur, puis

école normale supérieure de Saint-Cloud ;

1948, agrégation d’histoire et enseigne au lycée

de Beauvais au début des années 50 ;

Il y débute, sous la direction d’Ernest La-

brousse sa thèse Beauvais et le Beauvaisis de

1600 à 1730 qu’il soutient en 1958 et qui est

publiée en 1960. Elle représente une étape im-

portante dans l’étude de la démographie histo-

rique (âge au mariage, mortalité infantile et

juvénile….) ;

1965, professeur à l’université de Nanterre-

Paris X puis en 1969 à la Sorbonne ;

1966, publication de Louis XIV et 20 millions

de Français, une histoire « en remontant du

bas vers le haut »

5 mars 2012, hommage rendu par le Conseil

général de l’Oise après son décès le 16 janvier.

Le Docteur Charles-Henri-Victor Leblond

(1862-1930)

Médecin, homme politique, historien.

1892, docteur en médecine et s’installe peu

après à Beauvais où il se marie ;

1893, reçu à la Société académique de l’Oise ;

1903, président de la Société qui compte202

membres en 1903, 375 en 1931 ;

1900, conseiller municipal de Beauvais. Il est

actif dans le domaine de la culture et de la

santé ;

Des publications très nombreuses et la pré-

servation de documents qui disparaîtront en

1940.

Louis Graves (1791-1857) et l’Oise

1817-1842, Après des études littéraires et scien-

tifiques, Louis Graves occupe des postes de

responsabilités à la préfecture de Beauvais et y

reste malgré les changements politiques.

En dehors de son activité professionnelle, il

publie des monographies sur tous les cantons

du département de l’Oise.

Activité qu’il terminera à la demande du con-

seil général alors qu’il a quitté le département

et termine sa carrière à Paris, au ministère des

Finances puis à la tête des Eaux et Forêts.

En 1839, il est le cofondateur du Comité ar-

chéologique de Beauvais, à une époque où la

seule société savante présente dans la région

est la puissante Société des Antiquaires de

Picardie à Amiens.

1847, le Comité archéologique de Beauvais est

à l’origine de la Société académique d'archéo-

Page 103: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

103

logie, sciences et arts du département de l'Oise

qui crée le Musée départemental de l’Oise.

Ouverture vers différents domaines de la

recherche

Propositions de pistes de recherche, in-

diquer que la commission est là pour

proposer aux étudiants des pistes de su-

jets de recherche et de les aiguiller vers

les structures ressources ;

o Activités industrielles et artisanales

de la région ;

o L'architecture des lycées sous la 3e

république à Beauvais et dans le

Beauvaisis / Histoire de l’éducation

au XIXe et XXe siècle ;

o L'architecture de la seconde recons-

truction à Beauvais et urbanisation

du Beauvaisis dans la seconde moitié

du XXe siècle ;

o Beauvais sous l’occupation pendant

la Seconde Guerre mondiale ;

Retrouver les propositions faites dans le

courrier qui a été envoyé ;

Attente en retour d’autres pistes de re-

cherche concernant le territoire de

l’Agglo.

Page 104: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

104

© Amiens Métropole.

E-cathédr@le : le numérique au service de la connaissance et de la média-

tion

Céline Csore, chargée des actions éducatives, Amiens Métropole d’art et d’histoire

Les missions d’Amiens, métropole d’art et

d’histoire

Présenter le patrimoine dans toutes ses

composantes, en dépassant la notion de

patrimoine monumental ;

Sensibiliser les habitants à leur cadre de

vie, les considérer comme partenaires à

part entière pour une meilleure appro-

priation du patrimoine ;

Initier et sensibiliser le jeune public à l'ar-

chitecture et au patrimoine en temps et en

hors temps scolaire, pour une éducation

au regard ;

Accueillir le public touristique, pour

l’émergence d’un tourisme culturel actif,

propice au développement économique et

durable des territoires ;

Elaborer des outils d’aide à la compréhen-

sion et à l’interprétation du patrimoine.

Assurer l’expertise et le suivi des chan-

tiers de restauration des Monuments pro-

tégés.

La médiation au quotidien

Exploitation du potentiel patrimonial, ar-

chitectural et paysager (identification et

connaissance de l’existant, faisabilité sur

le terrain, identification des besoins do-

cumentaires …) ;

Formation des guides-conférenciers quali-

fiés sur les contenus scientifiques,

l’actualité de l’architecture et du patri-

moine, la médiation culturelle, les pu-

blics ;

Création et adaptation des contenus et des

scénarii d’ateliers et de visites aux publics

(étude des programmes scolaires, ten-

dances touristiques, approche des publics

éloignés de la culture,…) et élaboration

des outils d’aide à l’interprétation et à la

compréhension ;

Evaluation de l’action ;

Elaboration d’une programmation récur-

rente : analyse des publics, perspectives

de développement (contexte culturel,

grands événements de l’année à venir,

priorités de la politique des publics…), ca-

lendrier, choix des thématiques, choix des

approches et des médias, communication

et mise en œuvre.

Comment le numérique réinvente la connais-

sance et l’accès à la médiation ?

2011-2015 : Les projets « e-cathédr@le » pour

faciliter l’étude du monument et le rendre

accessible à tous

Le projet de numérisation de Notre-Dame

d’Amiens permet d’envisager la connaissance

et la médiation du patrimoine autrement :

l’objectif du projet est de construire un modèle

numérique 3D précis et riche de l’intérieur et

de l’extérieur de la cathédrale. Le modèle créé

permet d’améliorer l’accessibilité de ce monu-

ment sous forme de visites virtuelles (grand

public, personnes handicapées, scolaires), et

entre pleinement dans le cadre des actions

mises en œuvre à destination des publics. Il

permet en outre d’élaborer une base de don-

nées documentaires scientifiques à destination

des spécialistes. Ce projet se déroule en plu-

sieurs phases et se développe sur dix années

Page 105: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

105

La modélisation de la cathédrale © Amiens Métropole.

minimum. La première exploitation de cette

numérisation a été la conception d'un serious

game avec pour objet principal le portail de la

Vierge dorée de Notre-Dame d’Amiens. Ce jeu,

destiné au jeune public, vise la découverte de

l’édifice grâce à sa reconstitution 3D/virtuelle.

Le scénario pédago ludique met l’accent sur

l’architecture et la construction du portail, en 4

niveaux de jeu.

Parallèlement, l’approche proposée par le pro-

jet Transept, initié par le laboratoire MIS de

l'UPJV et Etienne Hamon, professeur à l'Uni-

versité de Picardie Jules Verne et membre du

laboratoire TrAme, est pluridisciplinaire et se

concentre sur le bras sud du transept de la

cathédrale. Pour la recherche au sens large, il

s’agit de réussir la collaboration entre les

sciences historiques (histoire, histoire de l’art,

archéologie) et les sciences du numérique. Il

est proposé de déterminer les étapes précises

du processus de construction, affiner la con-

naissance des techniques de construction, en

prenant en compte l’agencement et les dimen-

sions précises d’éléments constitutifs de parties

jusqu’ici pratiquement inaccessibles à

l’homme, de valider les hypothèses quant aux

rapports entre sculpture et ossature, notam-

ment au niveau du portail de la Vierge dorée ;

et mettre en évidence et comprendre les acci-

dents structurels et les moyens employés au

Moyen Âge pour y remédier.

Pour Amiens, métropole d'art et d'histoire, ces

nouvelles technologies offrent la possibilité

d’élargir considérablement l’accès à la connais-

sance de ce patrimoine. Elles fournissent des

supports originaux pour la recherche, pour le

contenu des visites et des activités à destina-

tion du jeune public, entrant dans le cadre des

programmes de l’enseignement de l’histoire

des arts et de la technologie dans le premier et

le second cycle scolaire. Par ailleurs, les résul-

tats attendus pourront fournir des données

fiables pour la programmation des futures

campagnes de restauration.

Le service Patrimoine favorise la recherche

fondamentale et appliquée sur des théma-

tiques patrimoniales qui sont encore peu trai-

tées ou en fonction de l’actualité des projets

urbains et architecturaux autour de :

- l’identification des équipements patrimo-

niaux, culturels et touristiques, avec informa-

tions pratiques et actualités ;

- l’élaboration du contenu délivré dans les

applications et adaptation au public identifié

mettant en avant interaction entre profils du

visiteur (âge, origine géographique, objectifs

de la visite individuels ou groupes, etc.) ;

- des propositions de parcours prédéfinis ou

libres, au regard des publics cibles, avec le cas

échéant des renvois entre le contenu de

l’exposition permanente du Centre

d’interprétation de l’architecture et du patri-

moine et des sites à aller découvrir sur place

(identification, itinéraire, en savoir plus, etc.).

L’ensemble de ces travaux permettent

d’envisager la connaissance et la médiation

du patrimoine autrement en impactant les 3

temps de visites : avant par l’implication,

pendant par l’interaction, après par la per-

sonnalisation, pour faire de chaque visite,

une expérience sensible, sensitive et unique.

Le visiteur est ainsi replacé au cœur de

l’expérience réelle ou virtuelle.

Page 106: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

106

Patrimoine entre passion et érudition : la Picardie de 1945 à 2015

Tiphaine Barthélémy, professeur, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne

Manon Istasse, post-doctorante, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne

Nous allons présenter les grandes lignes d’un

projet régional intitulé « Erudits, savoirs et mé-

moires en Picardie : les sociétés savantes et la

fabrique du patrimoine régional » (ERUDIPIC),

et qui associe trois unités de recherche de

l’Université de Picardie : le CURAPP, le CHSSC

et Habiter le monde, sous la responsabilité de

Tiphaine Barthelemy. En tout, ce sont sept en-

seignants chercheurs, une post-doctorante, plu-

sieurs stagiaires, ainsi que des étudiants du

Master « Sciences de l’enquête » qui prennent

part à ce projet.

Son objectif est de saisir les transformations de

l’érudition locale en Picardie depuis la seconde

guerre mondiale. Il faut concevoir ici

l’ « érudition » dans un sens large, englobant

toutes les productions de savoirs qui, des plus

savantes aux plus autodidactes, portent sur des

espaces, des objets, des monuments, des pra-

tiques sociales et culturelles liées à un territoire.

Ce territoire peut aller d’une vallée, d’une mai-

son, d’un quartier à la région toute entière en

passant par la commune, le canton, la micro-

région (la Thiérache, le Vimeu, le Vermandois,

etc..), etc. Nombre de questions peuvent à cet

égard être posées : qui sont les « érudits » et

comment les nommer (car nombre d’entre eux

récusent ce terme aux connotations désuètes) ?

Dans quels réseaux s’inscrivent-ils (tous font

partie d’associations qu’ils ont souvent créées) ?

Quelles formes prennent leurs travaux (ou-

vrages, articles dans des bulletins, site internet,

films, etc.) ? Sur quelles sources sont-ils fondés

(livres, fouilles archéologiques, témoignages,

expériences familiales, etc.) ? Quels sont les

enjeux et usages de ces travaux dans les terri-

toires considérés? L’enquête étant actuellement

en cours, on ne saurait en donner les résultats

mais du moins peut-on formuler quelques hy-

pothèses.

1. Hétérogénéité et changement

La première serait de rendre compte de

l’hétérogénéité du champ de l’érudition en

s’interrogeant sur les liens entre types de pro-

duction, types d’acteurs et processus de patri-

monialisation. On pourrait ainsi distinguer un

pôle « savant » constitué par tous ceux dont les

travaux, en amont des processus de patrimonia-

lisation, peuvent parfois enclencher ceux-ci,

mais visent la connaissance plus que la valorisa-

tion des lieux et/ou objets étudiés. Nul doute

que la plupart des sociétés savantes classiques

ne se situent près de ce pôle. Sensiblement dis-

tincts seraient ceux que l’on pourrait situer du

côté d’un pôle « opérationnel » : la production

des connaissances serait ici directement liée au

souci de patrimonialisation et de mise en valeur

de lieux ou d’objets peu connus, mais présen-

tant un attrait touristique. Souvent proches des

sociétés savantes, les acteurs gravitant autour

de ce pôle mobiliseraient tout à la fois des res-

sources scolaires et culturelles et des ressources

sociales liées à une longue implantation sur les

territoires considérés. Enfin un troisième pôle

constitué de « passionnés » regrouperait no-

tamment des associations historiques ou mémo-

rielles, ou encore des associations de reconstitu-

tions historiques dont les membres témoigne-

raient de nouvelles formes d’érudition, articu-

lant notamment savoirs scolaires, savoir-faire et

expériences vécues. Ce sont là des distinctions

sommaires, qui ne reflètent qu’imparfaitement

une réalité plus complexe.

Elles s’accompagnent ici d’une seconde piste de

recherche : à savoir les transformations pro-

Page 107: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

107

fondes des rapports au patrimoine, à la mé-

moire et à l’histoire locale depuis la seconde

moitié du XXe siècle. Pour schématiser on pour-

rait dire que jusqu’aux années 80 environ, la

production de savoirs intellectuels locaux était

l’apanage quasi exclusif des sociétés savantes.

Celles-ci sont non seulement particulièrement

nombreuses dans la région (cf. ci-dessous), mais

elles connaissent un regain de vigueur dans la

seconde moitié du XXe siècle. Il semblerait que

leur rôle ait été particulièrement important en

Picardie, qui par ailleurs est une région caracté-

risée par un patrimoine archéologique et mo-

numental connu de longue date qui continue

aujourd’hui d’être au centre des préoccupations

des associations. On peut supposer, à titre

d’hypothèse, qu’il y a un lien entre les deux

phénomènes. Si l’on compare cette situation à

celle d’une région comme la Bretagne où les

processus de patrimonialisation se sont davan-

tage attachés à la culture immatérielle et n’ont

pas été le fait de sociétés savantes, on peut se

demander si la présence de ces sociétés en Pi-

cardie n’a pas favorisé une certaine « dé-

régionalisation » d’un patrimoine au sein des-

quelles les histoires et les mémoires locales sont

moins valorisées qu’ailleurs.

Toutefois, depuis une trentaine d’années, les

choses ont changé. Des centaines de nouvelles

associations historiques et patrimoniales sont

apparues qui, si elles produisent bien des sa-

voirs intellectuels, n’ont pas grand-chose à voir

avec les sociétés savantes classiques. En quoi ?

Du fait des nouveaux types de patrimoine

qu’elles promeuvent, de leurs centres d’intérêt

ou des profils différents de leurs adhérents ?

C’est ce que l’on tentera d’éclairer dans la se-

conde partie de cette communication consacrée

à la présentation du travail empirique de col-

lecte d’informations en cours afin d’étudier le

vaste champ de l’érudition locale picarde au-

jourd’hui.

2. Les associations d’aujourd’hui dans l’Aisne

et dans la Somme

Le premier travail effectué fut de lister, de dé-

nombrer, les sociétés savantes et associations

historiques et patrimoniales. Pour ce faire, nous

avons utilisé la liste des sociétés savantes du

CTHS, le journal officiel en ligne qui publie les

créations et dissolutions d’associations depuis

1990, le portail des associations du patrimoine,

et les sites des communes qui listent les associa-

tions présentes sur leur territoire. Inutile de dire

que ce travail est long et fastidieux, puisqu’il est

effectué commune par commune. Il est néan-

moins nécessaire, car aucune liste de ce type

n’existait auparavant. Ce travail de dénombre-

ment nous a menés aux chiffres suivants : 30

sociétés savantes dites classiques en Picardie,

401 associations historiques et patrimoniales

dans l’Aisne et 497 dans la Somme. Pour rappel,

il y a 540 500 habitants dans l’Aisne, et 816

communes, ce qui fait une association pour 1350

habitants et une association pour deux com-

munes. Dans la Somme, nous avons 571 150

habitants et 782 communes, à savoir une asso-

ciation pour 1150 habitants et une association

pour 1,5 habitant. L’Oise n’a pas encore été faite

à l’heure actuelle.

Un second travail est la cartographie de ces

sociétés savantes et associations historiques et

patrimoniales, travail effectué par des géo-

graphes.

Ainsi, les sociétés savantes se répartissent plus

ou moins également dans les 3 départements : 8

dans l’Aisne, 10 dans la Somme et 12 dans

l’Oise. Les sociétés savantes sont également bien

réparties sur l’ensemble du territoire picard,

toujours dans une ville d’une certaine impor-

tance historique ou démographique.

Page 108: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

108

Dans l’Aisne, les 401 associations couvrent éga-

lement l’ensemble du territoire. Leur concentra-

tion est cependant moins importante dans le

nord du territoire. Vervins et la Thiérache ne

comptent en effet pas beaucoup d’associations.

Il y a des « vides » à l’est du Laonnois le long de

la frontière avec la Champagne, ainsi que entre

Saint-Quentin et Vervins. Sans étonnement, les

grandes villes concentrent un plus grand

nombre d’associations. Le croisement de la loca-

lisation des associations avec des cartes démo-

graphiques notamment permettra de mieux

saisir leur répartition.

Troisième travail effectué, l’analyse sociolo-

gique des sociétés savantes et associations his-

toriques et patrimoniales. Pour les sociétés sa-

vantes, il est possible d’effectuer ce travail socio-

logique de manière diachronique. En effet, con-

trairement aux associations qui ont pour la plu-

part émergé fin des années 1980, les sociétés

savantes étaient presque toutes présentes en

1945. Les bulletins et mémoires de ces sociétés,

ainsi que de leurs archives, comportent des

informations relatives aux membres, à leur pro-

fession, leur résidence, et cetera. Une stagiaire

démographe a travaillé sur la Société des Anti-

quaires de Picardie et la Société d’Émulation

d’Abbeville. Mais ce travail est inégal d’une

société savante à l’autre, en fonction de la pré-

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109

sence d’archive et de la publication de bulletins

avant les années 1970.

Sur la base de ce travail, il a été possible de re-

pérer plusieurs évolutions sociologiques signifi-

catives. Une première est la baisse des admis-

sions au fil des ans, avec quelques « sursauts »

lors d’années connaissant un nombre important

d’admissions, comme 1968 pour la Société des

Antiquaires de Picardie. Si cet arrivage massif

de nouveaux membres est à mettre en relation

avec la création de l’université à Amiens, tous

les pics et tous les creux des courbes

d’admissions n’ont pas encore été expliqués.

Une seconde évolution est relative au genre : au

fil du temps, les admissions tendent à une égali-

sation entre les hommes et les femmes. Ces

dernières ne sont plus les « épouses de » ou des

« veuves de », mais des membres actifs de la

société. Par contre, les femmes n’ont que rare-

ment accès aux postes prestigieux du bureau de

la société savante : elles occupent préférentiel-

lement un poste de secrétaire qu’un poste de

présidente.

En ce qui concerne les associations, des caracté-

ristiques (année de création, type de patrimoine

ou d’histoire concerné, activités, présence d’une

interface Internet, réception de subventions) ont

été collectées lors du dénombrement. Ces carac-

téristiques ayant été relevées sur base du jour-

nal officiel, d’articles de presse et, le cas échéant,

des interfaces Internet, elles sont incomplètes.

Un questionnaire a été envoyé à chaque associa-

tion afin d’avoir les informations manquantes,

mais les données ne sont pas encore exploi-

tables.

Prenons l’exemple de l’Aisne, qui compte, pour

rappel, 401 associations. Le nombre

d’associations créées depuis 1990 tend à aug-

menter au fil du temps, avec cependant

quelques années creuses comme 2003 ou 2012.

Nous avons également catégorisé les associa-

tions en fonction de leur domaine d’intérêt. Il y

a une nette domination du patrimoine culturel

(artistique, archéologique, architectural, et sou-

terrain), une forte présence de l’histoire locale

(histoire de la commune) et de la collection

(timbres, cartes postales, vieilles voitures), et la

présence d’associations de reconstitution histo-

rique. Enfin, ces associations s’intéressent un

premier lieu à leur commune, ensuite à un site

particulier (monument, bâtiment, forêt). Peu

d’associations se déploient à une échelle plus

large que la région naturelle.

Sur base de ces caractéristiques, il est également

possible de comparer les départements, l’Aisne

et la Somme. Ainsi, en nombre relatif, on re-

marque qu’il y a plus d’associations actives

dans le patrimoine monumental, la protection

de l’environnement et la collection dans la

Somme, alors qu’il y a plus d’associations ac-

tives dans l’histoire locale, les jardins et pay-

sages, et la gastronomie dans l’Aisne. Second

point de comparaison, la présence d’une inter-

face Internet. Dans l’Aisne comme dans la

Somme, près de 30 % des associations ont une

interface Internet. Ces interfaces se répartissent

comme suit : site Internet, page ou profil Face-

book, blog, et forum, avec des combinaisons de

deux ou trois interfaces possibles. Ainsi, dans

l’Aisne, les associations ont plus facilement un

site Internet ou un blog, alors que dans la

Somme, les associations favorisent la page Fa-

cebook et la combinaison site Internet et page

Facebook.

Ces informations, brièvement et partiellement

présentées ci-dessus, permettent de dresser une

toile de fond du monde associatif en Picardie,

dans les domaines du patrimoine et de l’histoire

locale. Cette toile de fond est d’autant plus es-

sentielle qu’elle n’existait pas avant le début de

cette recherche collective. Comment se porte la

Picardie associative ? Quels sont les domaines

d’intérêt des associations ? Quelles activités

proposent-elles à leurs membres et à la popula-

tion ? Quel est leur usage d’Internet ? Cette toile

de fond permet également de situer les études

de cas particuliers par rapport à des tendances

plus générales.

Page 110: Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie La ...Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont été organisées par la Direction de l’Inventaire

110

Un dernier travail effectué dans le cadre de cette

recherche est en effet l’étude ethnographique

de terrain dans une ville et sa région (Vimeu,

Soissonnais, Laonnois). Ces études ethnogra-

phiques permettent de s’intéresser aux

membres des associations et sociétés savantes.

Des entretiens sont menés avec ces derniers, et

les membres du projet participent autant que

faire se peut aux activités des associations. Pre-

nons comme exemple le cas du Laonnois.

Laon a été choisie comme ville d’étude pour

plusieurs raisons : sa localisation dans l’Aisne,

sa qualité de ville préfecture, et ses qualités

historiques et patrimoniales. Laon est en effet

une ville médiévale, du moins sur le plateau,

avec près de 80 monuments protégés en tout ou

en partie au titre des monuments historiques, et

un secteur sauvegardé de plus de 300 hectares.

Laon compte également deux sociétés savantes,

dont l’une est la fédération des 7 sociétés sa-

vantes de l’Aisne, et 23 associations historiques

et patrimoniales.

L’enquête de terrain permet en premier lieu

dresser une autre catégorisation des associa-

tions que celle en termes de domaine d’intérêt..

On trouve ainsi à Laon une association « ogre »,

qui compte plus de 600 membres, regroupe

principalement les notables de la ville et de ses

environs, et a tendance à englober les petites

associations sur le point de disparaître. Il y a

également des associations « grains de raisin »,

ainsi que décrites par une informatrice, à savoir

de petites associations d’une vingtaine de

membres, qui s’occupent d’un élément de pa-

trimoine ou d’histoire spécifique (église, lavoir,

monument), n’ont que peu de relations avec

d’autres associations (comme les grains de rai-

sin d’une grappe) et qui ne comptent pas de

professionnels de l’histoire ou du patrimoine. Il

y a également des associations virtuelles, qui

n’existent que sur Internet via des blogs et des

pages Facebook. Il y a enfin la société savante,

créée au 19ème siècle, et comptant parmi ses

membres des professionnels du patrimoine, des

chartistes, des professeurs d’histoire au collège

et lycée, et des universitaires qui semblent

quant à eux moins actifs.

L’enquête de terrain permet ensuite dresser les

profils des membres d’associations et sociétés

savantes, profils qui sont divers et variés. Tous

les membres ont des parcours, des connais-

sances, des motivations différentes. En voici

trois exemples :

Un « féru d’architecture » : originaire de

Laon, il peut parler pendant des heures de la

cathédrale et église Saint-Martin. A la re-

traite, il travaillait dans le bâtiment. Il ac-

quiert des connaissances par la lecture et les

discussions Il participe à la rédaction de bro-

chures éditées par l’association dont il est

membre, mais ne se voit pas écrire sur le su-

jet ;

Un « numismate historien » : médecin, il vit

depuis 20 ans à Laon. Certains profession-

nels voient en lui un amateur qui est meil-

leur que certains professionnels et experts de

par la rigueur de son travail. Il lit beaucoup

mais écrit peu (quelques articles). Il collec-

tionne les pièces de monnaies, se vante de

posséder une belle bibliothèque et de belles

œuvres d’art. Il possède des relations avec

médias (présence dans les journaux papiers

et télévisés) et les élus locaux ;

Un « encyclopédiste » : historien des tech-

niques et fonctionnaire. Il acquiert ses con-

naissances par la pratique et la curiosité. Il

écrit des articles dans les revues de sociétés

savantes et a publié un livre. En tant que

greeter, il fait aussi des visites guidées de la

ville. Il a un investissement associatif in-

tense, étant membre de plus de 20 associa-

tions locales et nationales. Il insiste sur

l’importance de son enfance et de sa famille

dans le développement de sa passion.

L’enquête de terrain permet enfin de repérer les

points de conflits, d’opposition, entre les asso-

ciations, mais aussi entre les associations et les

institutions politiques ou patrimoniales. Par

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exemple, l’entretien et l’utilisation de monu-

ments inscrits ou classés, comme les remparts

de la ville, dont la propriété partagée entre plu-

sieurs institutions a entraîné des retards dans

l’entretien, ou à la rotonde SNCF qui vient

d’être protégée au titre des monuments histo-

riques en créant des tensions entre SNCF, mu-

nicipalité et associations.

Pour conclure provisoirement, l’hypothèse des

trois pôles existant autour d’objets et de pra-

tiques patrimonialisées semble se confirmer

lorsque l’on s’intéresse aux rapports que les

membres de ces associations entretiennent avec

les savoirs qu’ils constituent et les territoires

qu’ils étudient :

- Les « savants » : le plus souvent membres des

sociétés savantes classiques, ils se caractérisent

par une certaine distance par rapport à leur

objet d’étude. Ils cherchent à construire un sa-

voir fondé sur la raison – dégagé des scories que

lui confère les passions du temps présent. Par

exemple, un interlocuteur, membre d’une socié-

té savante, explique que certaines questions

« sont trop dans la vie d’aujourd’hui, on n’a pas

de recul… » Un peu plus tard il explique que la

société dont il est adhérent évite ce qui peut

prêter à controverse : « il faut quand même

essayer de garder une objectivité, une distance

face aux problèmes du monde d’aujourd’hui ».

- les « passionnés » sont le plus souvent

membres d’associations plus récentes qui se

désignent eux même comme « des fous » ou des

« illuminés » autrement dit, des gens mus par

l’émotion, par la passion et « habités par les

lieux ». Cette expression est intéressante car elle

renvoie à l’idée que ce sont les lieux, la mé-

moire, qui s’emparent des personnes – à condi-

tions qu’elles y soient sensibles – et parlent à

travers elles. Citons par exemple un membre

d'une association de préservation des vestiges

de la Grande Guerre, qui explique comment la

mémoire de la guerre s’est imposée à lui à partir

des vestiges régulièrement retrouvés dans ses

champs.

- les « opérationnels » : ils se caractérisent par

leurs compétences techniques (certains sont des

collectionneurs, spécialistes d’un type d’objet) et

leurs ressources sociales qui leur permettent de

faire classer un lieu, d’actionner leurs réseaux,

de mobiliser des personnes, et de contribuer

efficacement à la patrimonialisation de tel ou tel

site. Ainsi, un membre d'association parvient à

actionner son réseau pour faire classer un lieu.

Un autre relaie activement les actions et objec-

tifs des associations auxquelles il appartient en

ayant une présence importante dans la presse

locale.

Cette conclusion est loin de résumer et d'épui-

ser la recherche qui est en cours. Elle est une

première manière de faire sens des nombreuses

informations collectées jusqu'à présent. En

même temps, elle invite à explorer de nouvelles

pistes de réflexion : quelle est la légitimité de

l'expertise des savants par rapports aux profes-

sionnels de l'histoire et du patrimoine ? Quel est

le rapport des membres d'association aux lieux

qu'ils habitent et auxquels ils s'intéressent, et

quels sont ces lieux pour lesquels ils se passion-

nent ? Quelle est la place des technologies nu-

mériques dans les pratiques des membres

d'associations ?

Il n'est nullement question dans cette conclusion

de lister toutes les questions qui orienteront la

recherche au cours de la prochaine année. Mais

comme ces questions le montrent, et comme

nous l'avons suggéré au cours de cet exposé,

l'étendue et la complexité du champ contempo-

rain de l’érudition locale picarde permet à des

chercheurs de formations diverses en sciences

humaines de se retrouver autour de la descrip-

tion et de la compréhension de ce champ. Ce

travail est d'autant plus nécessaire qu'il n'avait

pas été réalisé jusqu'à présent, et qu'il peut inté-

resser des professionnels du patrimoine et de

l'histoire, des gestionnaires politiques, et des

développeurs culturels et touristiques.

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Les acteurs de la journée : noms et coordonnées

Les intervenants

Séance plénière Où en est la recherche aujourd’hui en Picardie ? L’état des lieux de la recherche et de

ses acteurs : universités, inventaire, sociétés savantes et centres de ressources

Intervenants :

Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la Région

Picardie, [email protected]

Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens

métropole, [email protected];

Pascal Montaubin, président de la Société des Antiquaires de Picardie, pascal.montaubin@u-

picardie.fr;

Philippe Nivet, professeur d’Histoire contemporaine, vice-président de l’Université de Picar-

die, directeur de l’UFR d’histoire-géographie, directeur du Centre d’histoire des sociétés, des

sciences et des conflits, Université de Picardie Jules Verne, [email protected].

Cycle thématique La recherche en cours… Archéologie et architecture antiques et médiévales

Modérateur : Vincent Legros, Service régional de l’archéologie, Drac Picardie, vin-

[email protected];

Intervenants :

Adrien Bossard, conservateur, Musée archéologique de l’Oise, [email protected];

Etienne Hamon, professeur d’Histoire de l’art médiéval, directeur d’Univarchéo, Université

de Picardie Jules Verne, [email protected];

Yves Le Béchennec, archéologue, service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole,

[email protected];

El Mustapha Mouaddib, professeur, directeur du MIS, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];

Sandrine Mouny, archéologue, Unité de recherche TRAME / Université de Picardie Jules

Verne, [email protected];

Denis Rolland, président de la Société historique de Soissons, [email protected].

Cycle thématique La recherche en cours… Guerres mondiales et reconstructions

Modérateur : Philippe Nivet

Intervenants :

Caroline Fontaine, directrice, centre international de recherche de l’Historial de la Grande

Guerre, [email protected];

Bertrand Fournier, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Pi-

cardie, [email protected];

Léo Noyer-Duplaix, chercheur, Service du patrimoine d’Abbeville, leo.noyer-duplaix@ville-

abbeville.fr;

Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice en chef du patrimoine, Historial de la Grande

Guerre, [email protected];

Mathilde Schneider, conservateur du patrimoine, Musée franco-américain de Blérancourt, ma-

[email protected];

Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, CRAE – Université de Picardie

Jules Verne, [email protected].

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Cycle thématique La recherche en cours… Architecture et territoires

Modérateur : Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la

Région Picardie, [email protected].

Intervenants :

Frédéric Fournis, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Picar-

die, [email protected];

André Guerville, président, association Richesses en Somme, [email protected];

Frédéric-Nicolas Kocourek, chercheur, Syndicat mixte Baie de Somme – 3 Vallées,

[email protected].

Cycle thématique Des ressources pour la recherche… Les archives

Modérateur : Olivier de Solan, directeur des Archives départementales de la Somme,

[email protected]

Intervenants :

Aurélien André, secrétaire annuel de la Société des Antiquaires de Picardie,

[email protected]

Eric Berriahi, archiviste, Archives communales d’Abbeville, [email protected];

Sophie Davril, bibliothèque municipale de Compiègne, [email protected];

Jean-Christophe Dumain, Archives départementales de l’Aisne, [email protected];

Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens

métropole, [email protected];

Anne Martin, bibliothèque municipale de Compiègne, [email protected];

Eléonore Peretti, directrice de la Maison Matisse, [email protected].

Cycle thématique Des ressources pour la recherche… Musées et collections

Modérateur : Noël Mahéo, conservateur, Musée de Picardie, [email protected];

Intervenants :

Pascal Barrier, enseignant-chercheur en sédimentologie et environnement, Institut LaSalle

Beauvais, [email protected]

Servane Dargnies, Institut national d’Histoire de l’art, [email protected];

David De Sousa, directeur, Musée Alfred-Danicourt de Péronne, [email protected];

Christophe Brouard, Institut national d’Histoire de l’art, [email protected];

Mariel Hennequin, guide, musée Jeanne d’Aboville, [email protected];

Yannick Vautier, enseignant-chercheur, Institut LaSalle – Beauvais, yannick.vautier@lasalle-

beauvais.fr;

Agnès Villain, conservateur, Musée des Papillons de Saint-Quentin, agnes.villain@saint-

quentin.fr.

Cycle thématiques Médiation et construction du savoir

Modérateur : Romain Zechser, responsable du service Patrimoine d’Abbeville, e la ville, ro-

[email protected];

Intervenants :

Marie Ansar, animatrice de l’architecture et du patrimoine, Service du patrimoine de Beau-

vais, [email protected];

Tiphaine Barthélémy, professeure de sociologie et d’anthropologie sociale, Université de Pi-

cardie Jules Verne, Unité de recherche CURAPP-ESS, [email protected];

Céline Csore, chargée des actions éducatives, Service du patrimoine d’Amiens Métropole,

[email protected];

Manon Istasse, post doctorante, Unité de recherche CURAPP-ESS, manon.istasse@u-

picardie.fr;

Roselyne Le Bourgeois, secrétaire de la commission, vice-présidente de la Société académique

de l’Oise et maître de conférences honoraire en histoire, CAREF/UPJV.

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Les structures présentes lors du Forum

Archipop, Entrepôt et manufacture d’archives [email protected], http://archipop.org

Archives départementales de l’Aisne [email protected], http://archives.aisne.fr

Archives municipales d’Abbeville [email protected], www.abbeville.fr

Archives municipales et communautaires d’Amiens Métropole

[email protected], www.amiens.fr

Association de sauvegarde de la sucrerie de Francières

[email protected] http://sucrerie-francieres.pagesperso-orange.fr

Association générale des conservateurs des collections publiques de France - section fédérée de Picardie

[email protected], http://www.picardie-muses.fr

Association Stalles de Picardie [email protected], http://abbaye-saint-martin-aux-bois.fr

Bibliothèques d’Amiens Métropole [email protected], http://bibliotheques.amiens.fr

Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre [email protected], http://www.historial.org

Direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel - Région Picardie

[email protected], http://memoirevivante.picardie.fr, https://inventaire.picardie.fr

Historial de la Grande Guerre [email protected], http://www.historial.org

Institut LaSalle-Beauvais [email protected], http://www.lasalle-beauvais.fr

Unité de recherche MIS (Modélisation, Information et Systèmes) – UPJV

[email protected], https://mis.u-picardie.fr

Maison familiale d’Henri Matisse de Bohain-en-Vermandois

[email protected], www.musee-matisse.com

Musée Boucher de Perthes d’Abbeville [email protected], www.abbeville.fr

Musée franco-américain de Blérancourt [email protected], http://museefrancoamericain.fr

Musée Jeanne d’Aboville de La Fère [email protected], https://www.facebook.com/mjaboville

Musée municipal Alfred-Danicourt de Péronne [email protected], www.ville-peronne.fr

Plateforme Univarchéo – UPJV [email protected], https://www.u-picardie.fr

Service d’Archéologie préventive d’Amiens Métropole [email protected], https://www.u-picardie.fr

Service patrimoine d’Amiens Métropole [email protected], www.amiens.fr

L’espace Forum au Logis du Roy, 13 octobre 2015 © Région Picardie – Inventaire général, cliché T. Lefébure.

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Le comité de pilotage

Ils ont participé au comité de pilotage et au groupe de travail :

Isabelle Barbedor, Région Picardie – direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, ibarbedor@cr-

picardie.fr;

Didier Bayard, Drac – Service régional de l’archéologie, [email protected];

Margot Burident, Université de Picardie Jules Verne, direction de la Recherche, margot.burident@u-

picardie.fr;

Benjamin Delommel, Archives communales et communautaires d’Amiens Métropole, [email protected]

David De Sousa, Musée Alfred-Danicourt de Péronne, [email protected];

Anne Diraison, Région Picardie – direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, adiraison@cr-

picardie.fr;

Vincent Haegele, Bibliothèque de Compiègne, [email protected];

Etienne Hamon, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];

Alexandre Leducq, Bibliothèques d’Amiens Métropole, [email protected];

Christelle Lemarchand, Archives communales et communautaires d’Amiens Métropole,

[email protected];

Noël Mahéo, Musée de Picardie et AGCCPF-Picardie, [email protected];

Jacques Mansuy, Région Picardie – direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, jmansuy@cr-

picardie.fr;

Pascal Montaubin, Société des Antiquaires de Picardie et Université de Picardie Jules Verne, pas-

[email protected];

Philippe Nivet, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];

Michel Paoli, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];

Dominique Poulain, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];

Vanessa Vasset, Université de Picardie Jules Verne, [email protected].