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Actes des Rencontres du patrimoine en Picardie
La recherche dans tous ses états
13 octobre 2015
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Table des matières
Avant-propos 5
Où en est la recherche aujourd’hui en Picardie ? 6
L’état des lieux de la recherche et de ses acteurs : universités, Inventaire
général, sociétés savantes et centres de ressources
La recherche à l’université de Picardie Jules Verne 7
Philippe Nivet, professeur d’Histoire contemporaine, Université de Picardie Jules Verne
L’état des lieux de la recherche et de ses acteurs en Picardie : les sociétés savantes 10
Pascal Montaubin, président de la Société des Antiquaires de Picardie
La conservation des ressources et son rôle dans le processus de recherche 13
Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens Métropole
L’Inventaire général du patrimoine culturel en Picardie : service de recherche et centre de ressources 18
Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la Région Picardie
La recherche en cours… Archéologie et architecture antiques et médiévales 20
Le programme de recherches autour du château d’Eaucourt-sur-Somme 21
Sandrine Mouny, archéologue, Unité de recherche TRAME / Université de Picardie Jules Verne
Le service Archéologie d’Amiens Métropole : étudier une ville et ses périphéries 24
Yves Le Béchennec, archéologue, Service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole
La plateforme UnivArchéo – Université de Picardie Jules Verne : études, recherche et formation en
archéologie 27
Etienne Hamon, professeur d’Histoire de l’art médiéval, plateforme Univarchéo / Université de Picardie Jules Verne
Le patrimoine monumental à l’ère du numérique 30
El Mustapha Mouaddib, professeur, directeur de l’unité de recherche MIS / Université de Picardie Jules Verne
L’architecture de la ferme médiévale fortifiée dans le Soissonnais 31
Denis Rolland, Société historique de Soissons
Le Musée archéologique de l’Oise, acteur en devenir de la recherche en Picardie 32
Adrien Bossard, conservateur du patrimoine, Musée archéologique de l’Oise
La recherche en cours… Guerres mondiales et reconstruction 35
Qu’est-ce que le Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre ? 36
Caroline Fontaine, directrice, Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre
La reconstruction d’Amiens à partir de 1940 : questions de méthode 39
Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, CRAE / Université de Picardie Jules Verne
3
Le Musée franco-américain du château de Blérancourt, un musée transatlantique 42
Mathilde Schneider, conservateur du patrimoine, Musée franco-américain de Blérancourt
Aborder autrement l’histoire culturelle de la Grande Guerre à l’Historial 45
Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice en chef du patrimoine, Historial de la Grande Guerre
Les reconstructions à Abbeville 47
Léo Noyer-Duplaix, chercheur, Service du patrimoine d’Abbeville
Le patrimoine industriel de la première Reconstruction en Picardie 49
Bertrand Fournier, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Picardie
La recherche en cours… Architectures et territoires 52
Le patrimoine lié à l’industrie du Vimeu industriel 53
Frédéric-Nicolas Kocourek, chercheur, Syndicat mixte Baie de Somme – 3 Vallées
Découvertes et inventaire du petit patrimoine de la Somme 55
André Guerville, association Richesses en Somme
Ville, villégiature et tourisme en Picardie, 1830-1930 58
Frédéric Fournis, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Picardie
Des ressources pour la recherche… Les archives 61
Exploiter un fonds d’écrivain : l’exemple du fonds « Roland Dorgelès » des Bibliothèques d’Amiens
Métropole 62
Alexandre Leducq, conservateur responsable du Service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens Métropole
Les fonds inexploités de la bibliothèque municipale de Compiègne 66
Sophie Davril, bibliothèque municipale de Compiègne
Anne Martin, bibliothèque municipale de Compiègne
Les fonds notariaux dans l’Aisne, apport historique et exploitation scientifique 69
Jean-Christophe Dumain, Archives départementales de l’Aisne
Les fonds de cartes, plans et arts graphiques de la Société des Antiquaires de Picardie 73
Aurélien André, secrétaire annuel, Société des Antiquaires de Picardie
Les archives hospitalières et les archives révolutionnaires d’Abbeville 78
Eric Berriahi, archiviste, Archives communales d’Abbeville
Les archives textiles du Vermandois : un patrimoine en désuétude ? 81
Eléonore Peretti, directrice, Maison familiale Henri Matisse
Des ressources pour la recherche… musées et collections 84
Les collections patrimoniales d’enseignement et de recherche en sciences de la vie et de la terre de LaSalle
Beauvais 85
Pascal Barrier, enseignant-chercheur en sédimentologie, responsable des collections, Institut LaSalle Beauvais
4
Le Musée des papillons à la recherche de son histoire 87
Agnès Villain, directrice, Musée des papillons de Saint-Quentin
Intailles et camées de la collection Danicourt : Antiquité précieuse 88
David De Sousa, directeur, Musée Alfred-Danicourt de Péronne
L’histoire du goût pour la peinture italienne en Picardie 91
Servane Dargnies, Institut national d’Histoire de l’art
Christophe Drouard, Institut national d’Histoire de l’art
Le Musée Jeanne d’Aboville de la Fère : Échantillons choisis d’une grande collection XIXe non-dispersée 94
Mariel Hennequin, guide, musée Jeanne d’Aboville
Les collections géologiques de l’Institut Lasalle Beauvais : valorisation scientifique et pédagogique 97
Yannick Vautier, enseignant-chercheur, Institut LaSalle - Beauvais
Médiation et construction du savoir 100
La commission « Patrimoine et archéologie du Beauvaisis » et ses actions 101
Marie Ansar, animatrice de l’architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire de la Ville de Beauvais
Roselyne Le Bourgeois, secrétaire de la commission, vice-présidente de la Société académique de l’Oise et maître de
conférences honoraire en histoire, CAREF / UPJV
E-cathédr@le : le numérique au service de la connaissance et de la médiation 104
Céline Csore, chargée des actions éducatives, Amiens Métropole d’art et d’histoire
Patrimoine entre passion et érudition : la Picardie de 1945 à 2015 106
Tiphaine Barthélémy, professeur, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne
Manon Istasse, post-doctorante, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne
Les acteurs de la journée : noms et coordonnées 112
Les intervenants 112
Les structures présentes lors du Forum 114
Le comité de pilotage 115
5
Avant-propos
Les rencontres du patrimoine en Picardie : la recherche dans tous ses états ont
été organisées par la Direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la Région Picardie et par
l’Université de Picardie Jules Verne, dans le cadre de l’animation du Réseau régional des acteurs du
patrimoine culturel de Picardie.
Cette journée avait pour but de valoriser la recherche en cours sur le patrimoine culturel de Picardie et
les chercheurs qui la réalisent. Elle a également permis à de nombreux centres de ressources (archives,
bibliothèques, musées, sociétés savantes) de présenter et valoriser auprès des chercheurs des fonds
spécifiques à fort potentiel.
Cette journée a alterné les temps de présentation, les temps de rencontres, les temps d’échanges au
cours desquels chercheurs, étudiants et acteurs de la conservation (musées, archives, bibliothèques,
etc.) ont pu :
Connaître les grands axes de la recherche sur le patrimoine en Picardie aujourd’hui et les
structures qui la portent, comprendre le rôle des structures de conservation des ressources ;
Assister à des cycles thématiques de présentations par les chercheurs de leur objet d’étude ;
Assister à des exposés présentant des ressources ;
Rencontrer dans l’espace forum des acteurs de la recherche (structures de recherche) et de la
conservation des ressources (archives, bibliothèques, musées, sociétés savantes, etc.) pour
échanger sur les opportunités actuelles de la recherche.
Ouverte à tous, cette journée fut réussie, tant par sa fréquentation (plus de 180 participants dont de
nombreux étudiants en master) que par la qualité et la richesse des échanges, sur le forum et au sein
des cycles thématiques.
Cette journée fut également dense par le nombre des interventions. La concomitance des cycles au sein
du Logis du Roy a entraîné une frustration bien légitime auprès de la plupart des participants à cette
journée, frustration de n’avoir pu assister à l’ensemble des débats, d’avoir dû choisir de façon corné-
lienne. D’autre part, il était important de garder une trace écrite de cette journée.
Ces présents actes permettront donc à tous, présents et absents, de prendre connaissance par le détail
de l’ensemble des interventions de ces rencontres. Ces actes sont complétés utilement par la liste et les
coordonnées de l’ensemble des intervenants, personnes et structures (dans les cycles d’exposés et pré-
sents sur le forum) en fin de volume.
6
Où en est la recherche
aujourd’hui en Picardie ?
L’état des lieux de la recherche et
de ses acteurs : universités,
Inventaire général,
sociétés savantes
et centres de ressources
7
La recherche à l’université de Picardie Jules Verne
Philippe Nivet, professeur d’Histoire contemporaine, Université de Picardie Jules Verne
L’intérêt de l’Université de Picardie Jules
Verne (UPJV) pour le patrimoine, et notam-
ment pour le patrimoine picard, est manifeste,
tant en recherche qu’en formation.
Plusieurs unités de recherche développent des
travaux autour de cette question.
L’unité TRAME (Textes, Représentations, Ar-
chéologie, Autorité et Mémoires de l'Antiquité
à la Renaissance), dirigée par Michel Paoli, a
pour vocation de réunir tous ceux qui, à
l’UPJV, travaillent dans le domaine des Hu-
manités ou des Sciences Humaines et Sociales
sur une période qui s’étend de l'Antiquité à la
Renaissance. Elle se situe dans un continuum
interdisciplinaire autour des idées de civilisa-
tion, de culture et de patrimoine. Son champ
disciplinaire s’étend des littératures (anciennes
et modernes, françaises et étrangères) à
l’histoire, l’histoire de l'art et l’archéologie.
Certaines recherches ont directement trait au
patrimoine picard. Ainsi, François Blary tra-
vaille sur Château-Thierry et a publié en 2013
un numéro spécial de la Revue archéologique
de Picardie Origines et développements d’une cité
médiévale. Château-Thierry. Pascal Montaubin a
contribué au livre sur la cathédrale d’Amiens,
paru en 2012 aux éditions La Nuée Bleue. Des
chercheurs de TRAME, Philippe Racinet, San-
drine Mouny, Marie-Laurence Haack, partici-
pent à des fouilles à Boves, Eaucourt et Ribe-
mont. Sandrine Mouny a publié plusieurs ar-
ticles concernant les céramiques médiévales et
modernes découvertes en Picardie. Dominique
Poulain travaille notamment sur l’abbaye de
Sélincourt. Des projets collectifs ont également
été développés concernant le patrimoine pi-
card. Un colloque sur la Picardie flamboyante,
arts et reconstruction entre 1450 et 1550, a été
organisé en 2012 et publié en 2015 aux Presses
universitaires de Rennes sous la direction
d’Etienne Hamon, Dominique Poulain et Julie
Aycard. En liaison avec le Centre d’histoire des
sociétés, des sciences et des conflits, TRAME a
également été à l’origine d’un guide des
sources et répertoire sur les hôpitaux de Picar-
die du Moyen-Age à la Révolution. Publié chez
Encrage en 2015, sous la direction de Pascal
Montaubin et de Marie-Claude Dinet-Lecomte,
ce livre rassemble des notices sur 180 hôpitaux
répartis dans 110 localités des départements de
l’Aisne, de l’Oise et de la Somme.
Le Centre d’histoire des sociétés, des sciences
et des conflits (CHSSC), dirigé par Philippe
Nivet, réunit des historiens spécialistes des
époques moderne et contemporaine, des philo-
sophes, des psychologues, des spécialistes
d’histoire des sciences… Il s’intéresse à la
question du patrimoine, notamment en pé-
riode de guerre, et singulièrement au cours de
la première guerre mondiale. Le colloque
Guerre et patrimoine artistique à l’époque contem-
poraine, organisé en 2011 et publié aux éditions
Encrage en 2013, s’est notamment intéressé
aux archives de la Somme pendant la première
guerre mondiale et à la protection des œuvres
d’art du musée de Picardie entre 1914 et 1918.
Le CHSSC est également partie prenante du
projet Interreg 1914-Faces-2014, à l’origine de
l’exposition organisée par le professeur Ber-
nard Devauchelle et actuellement présentée à
l’Historial de la Grande Guerre de Péronne sur
la question de la défiguration, qui met en va-
leur des objets conservés dans les collections
de l’Historial.
Des chercheurs du Centre de recherches en art
et en esthétique (CRAE), dirigé par Lorenzo
Vinciguerra, se sont également intéressés au
patrimoine picard. On peut signaler en parti-
culier les travaux de Simon Texier autour de
l’architecture des reconstructions, et en parti-
8
culier de la reconstruction de l’après seconde
guerre mondiale, et ceux de Marie-Domitille
Porcheron sur Alfred Manessier, qui ont pris la
suite de ceux qu’elle avait menés sur Camille
Claudel en Picardie et ont donné lieu à un
colloque et à un catalogue d’exposition.
Le laboratoire MIS, dirigé par El Mustapha
Mouaddib, a entrepris la numérisation de mo-
numents picards, le projet phare étant le projet
E-cathedrale, programme ambitieux de re-
cherche et de développements sur la réalisa-
tion et l’exploitation d’une maquette numé-
rique (modèle 3 D) de la cathédrale d’Amiens.
Le modèle ainsi obtenu est destiné au grand
public, auquel il est présenté lors des Journées
du Patrimoine, aux jeunes public et aux spécia-
listes. Ce projet de longue durée bénéficie du
soutien d’Amiens Métropole, de la DRAC de
Picardie et de la Région Picardie. D’autres
numérisations de monuments historiques pi-
cards ont été réalisées (comme celle de l’église
de Saint-Martin-aux-Bois dans l’Oise) ou sont
projetées. Le MIS est le partenaire d’unités de
recherche en SHS dans plusieurs projets struc-
turants région autour du patrimoine.
A ces différentes unités de recherche, il con-
vient d’ajouter la plateforme d’archéologie
Univarchéo, dirigée par Etienne Hamon. Celle-
ci a mené plusieurs fouilles sur des sites pi-
cards, y compris en archéologie contempo-
raine, avec la fouille qui se termine d’une an-
cienne caserne à Soissons.
Le patrimoine est également présent dans plu-
sieurs formations dispensées à l’Université.
La licence professionnelle « Patrimoine, envi-
ronnement et tourisme » est intégrée à l’offre
de formation de l’UFR d’histoire et de géogra-
phie. Sa responsable est Olivia Carpi, maître
de conférences en histoire moderne. Elle ac-
cueille chaque année une promotion de 20 à 25
étudiants, sélectionnés sur dossier puis sur
entretien, de niveau bac + 2, ayant validé une
deuxième année de licence, un BTS ou un
DUT. Le premier semestre d’enseignement
intègre des cours et des travaux dirigés sur le
patrimoine et se fonde en particulier sur
l’exemple du patrimoine picard, avec de nom-
breuses visites sur site, par exemple à la mai-
son de Jules Verne, à l’Historial de la Grande
Guerre de Péronne, au parc du Marquen-
terre… Les étudiants doivent ensuite rédiger
un projet tutoré portant sur un élément du
« petit patrimoine ». De nombreux projets tu-
torés ont ainsi pu être rédigés sur des éléments
du patrimoine picard, y compris du patri-
moine immatériel. Ils vont être proposés aux
archives départementales des différents dépar-
tements concernés. Enfin, les étudiants effec-
tuent un stage, par exemple dans des monu-
ments historiques ouverts au public, dans des
musées, dans des offices de tourisme… Des
enseignements sur le patrimoine sont égale-
ment dispensés dans la spécialité de master
« Histoire et archéologie » (responsable : Ma-
rie-Laurence Haack, professeur d’histoire an-
cienne).
Le master « Culture et patrimoine », ouvert au
niveau du master 2, est dispensé au sein de
l’UFR de sciences humaines et sociales et phi-
losophie. Son responsable est Fabrice Raffin,
maître de conférences. L’objectif de ce M2 est
de former les cadres de l'action culturelle et
des métiers du patrimoine pour les collectivi-
tés territoriales, les organismes privés et pu-
blics. L’ensemble des enseignements est struc-
turé en onze modules (dont Politiques et insti-
tutions culturelles, patrimoine et changements
sociaux, valorisation du patrimoine matériel et
immatériel par l’image…) intégrant les dimen-
sions théoriques et professionnelles. Un stage
professionnel d'au moins 12 semaines donne
lieu à la rédaction et à la soutenance d'un mé-
moire.
Le patrimoine est également présent dans
l’offre de formation de l’UFR des arts : au ni-
veau licence, en particulier au sein du parcours
« Histoire des arts et archéologie » de la men-
9
tion « Arts », avec des enseignements sur
l’histoire de l’art de l’Antiquité à nos jours,
mais aussi un module plus spécialement ciblé
sur « Collections et patrimoine en Picardie » ;
au niveau master, dans la spécialité recherche
« Histoire des arts » et dans la spécialité pro-
fessionnelle « Régie des œuvres et montage
d’expositions », ouverte au niveau M2. Coor-
donnée par Simon Texier, professeur d’histoire
de l’art contemporain, cette formation, inté-
grant un stage d’au moins trois mois, a pour
but de familiariser l’étudiant avec la gestion
matérielle des œuvres d’art, leur conservation,
leur exposition et, dans le cas de l’art actuel,
leur production. Les technologies, les procé-
dures administratives et juridiques et, plus
généralement, l’ensemble des moyens
d’analyse et de gestion matérielle liés aux
œuvres d’art y sont abordés, au sein des prin-
cipaux contextes institutionnels concernés :
institutions publiques nationales (musées et
monuments historiques de l’état), institutions
publiques locales (musées municipaux, dépar-
tementaux et régionaux), secteur privé (musées
associatifs, galeries).
Des professionnels interviennent dans ces dif-
férentes formations, en particulier des acteurs
de la conservation et de la mise en valeur du
patrimoine picard. Celles-ci sont ouvertes en
formation initiale comme en formation conti-
nue.
Je terminerai, en tant que vice-président de
l’Université, par affirmer la volonté de l’équipe
de direction de soutenir toutes ces actions en
faveur de la connaissance du patrimoine pi-
card et d’encourager les entreprises à destina-
tion du grand public, comme l’atteste par
exemple la participation de nombreux ensei-
gnants-chercheurs de l’UPJV à la fresque inte-
ractive de l’Institut national de l’audiovisuel
sur la Picardie, qui attribuait une place impor-
tante aux reportages sur le patrimoine.
10
L’état des lieux de la recherche et de ses acteurs en Picardie : les sociétés
savantes
Pascal Montaubin, président de la Société des Antiquaires de Picardie
Avant les services spécialisés de l’Etat et des
collectivités territoriales pour les inventaires et
la conservation du patrimoine, avant la création
de l’Université de Picardie-Jules Verne et des
organismes de recherche historique et archéo-
logique, avant le développement d’internet,
etc., les sociétés savantes ont constitué les pre-
miers et les principaux acteurs de la décou-
verte, de la recherche et de la conservation du
patrimoine en Picardie.
Ces sociétés savantes forment un maillage den-
se, puisqu’on en compte actuellement 99 en
activité sur le territoire de l’actuelle région Pi-
cardie d’après la base de donnée en ligne élabo-
rée (mais encore inachevée) par le Comité des
travaux historiques et scientifiques : 16 dans
l’Aisne, 57 dans l’Oise, 26 dans la Somme. Sans
avoir de statistiques plus précises, on peut es-
timer qu’elles rassemblent à elles toutes plu-
sieurs milliers d’adhérents concernés par les
différentes facettes du patrimoine picard, tou-
jours curieux et bénévoles, souvent passionnés
et impliqués. Il s’agit donc là d’un milieu cultu-
rel majeur dans notre région.
Ces sociétés savantes ne forment pas un bloc
monolithique et préservent chacune la spécifici-
té de leur objet d’étude, dans un cadre chrono-
logique, géographique et thématique propre.
Elles se dédient à divers aspects du patrimoine :
l’histoire, l’archéologie, les beaux-arts, les belles
lettres, etc., mais elles perpétuent aussi parfois
la grande tradition humaniste du savoir ency-
clopédique en s’intéressant de même à la bota-
nique, l’agriculture, la géologie, les techniques,
etc.
Ce milieu associatif est, comme tout groupe
humain, mouvant, avec des créations et des
disparitions, telle la Société archéologique, his-
torique et géographique de Creil créée en 1952
et dissoute en 1994. Mais il compte nombre
d’institutions vénérables qui ont traversé nos
derniers siècles pourtant mouvementés, par
exemple l’Académie des sciences, lettres et arts
d’Amiens (1746), la Société d’émulation histo-
rique et littéraire d’Abbeville (1797), la Société
académique de Saint-Quentin (1825), la Société
des Antiquaires de Picardie (1836), la Société
académique d’archéologie, sciences et arts du
département de l’Oise (1847), etc. Dans l’Aisne,
certaines ont choisi d’unir leurs forces et de se
regrouper en 1952 dans la Fédération des socié-
tés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne (Châ-
teau-Thierry, Chauny, Haute-Picardie, Saint-
Quentin, Soissons, Thiérache, Villers-Cotterêts).
Ces sociétés savantes, à leur rythme, déploient
une activité culturelle débordante qui irrigue
tout le territoire picard et au-delà. Elles organi-
sent des cycles de conférences, des colloques
(avec des orateurs issus de leurs rangs ou invi-
tés) et des excursions sur le terrain, à la décou-
verte du patrimoine régional et d’ailleurs. Elles
publient chaque année en abondance des ar-
ticles et des monographies de fonds dans leurs
bulletins et/ou leurs mémoires, avec souvent les
procès-verbaux de leurs réunions et diverses
annonces. Certaines conservent de riches biblio-
thèques, consacrées au patrimoine régional,
mais aussi à d’autres régions de France et di-
vers pays étrangers, souvent grâce à des sys-
tèmes d’échanges avec d’autres sociétés sa-
vantes en France et à l’étranger depuis leurs
création (70 000 volumes à la Société des Anti-
quaires de Picardie). Elles peuvent aussi con-
server des archives, des papiers d’érudits (si
précieux dans notre région ravagée par les
guerres), des collections numismatiques, des
trouvailles archéologiques, des œuvres d’art,
etc. Quelques-unes sont même à l’origine de la
11
fondation de musées : musée de Picardie à
Amiens par la Société des Antiquaires de Picar-
die sous le Second Empire, le musée de l’Oise
par la Société académique de l’Oise en 1912, etc.
Et plus généralement, animées par la générosité
désintéressée de leurs origines, un très grand
nombre d’entre elles ont fait don, comme insti-
tution ou par l’intermédiaire de leurs membres,
de livres, d’artefacts archéologiques et
d’œuvres d’art aux bibliothèques et aux musées
locaux, quand elles n’organisent pas elles-
mêmes des permanences pour accueillir le pu-
blic qui voudrait consulter les trésors de leurs
collections.
Ce milieu culturel repose sur des bases associa-
tives solides, généralement structurées par la loi
de 1901, mais certaines sociétés ont conservé
leurs statuts antérieurs. Plusieurs, généralement
les plus anciennes, sont même reconnues
d’utilité publique.
Toutefois, leur composition sociologique s’est
fortement modifiée au cours des XIXe et XXe
siècles. Bien que l’on ne dispose pas encore des
statistiques que fournira à terme le programme
du Cths, la France savante, sur les membres de
ces sociétés, on remarque en Picardie comme
ailleurs le recul des notables, grands aristo-
crates et grands bourgeois, depuis le XIXe siècle,
ainsi que la quasi disparition des ecclésiastiques
depuis le milieu du XXe siècle, sanctionnant
ainsi une sorte de révolution culturelle en Occi-
dent : la séparation entre les clercs et les intel-
lectuels. Désormais, les sociétés savantes atti-
rent principalement les classes moyennes ins-
truites : les enseignants (de la maternelle à
l’université), les professions libérales, etc. Mais
le recrutement a tendance à s’essouffler depuis
une vingtaine d’années dans beaucoup
d’associations et la moyenne d’âge s’avère sou-
vent élevée. Il s’agit d’un milieu encore majori-
tairement masculin, même si la part des
femmes augmente régulièrement depuis la
seconde guerre mondiale. Cette relative désaf-
fection s’explique par plusieurs facteurs que je
ne prétends pas épuiser ici :
o une mobilité plus grande des populations,
en particulier des cadres des secteurs pu-
blic et privé, qui distend les liens avec le
petit pays natal, l’attachement au territoire
où l’on vit et à son histoire ;
o une offre culturelle démultipliée par les
médias (télévision, internet, bibliothèques
publiques, etc.) qui ouvrent grandement le
citoyen sur le monde entier ;
o la concurrence d’organismes publics (à dif-
férents niveaux : Etat, région, département,
commune) qui ont progressivement pris le
relais des premières sociétés savantes dans
la conservation des monuments histo-
riques, l’inventaire du patrimoine, la con-
servation d’archives et de livres, la trans-
mission du savoir dans des cours et des
cycles de conférences, etc.
La baisse du nombre d’adhérents, l’érosion des
abonnements (liée à la crise du livre imprimé),
etc. conduisent certaines sociétés savantes dans
des situations financières délicates, alors que les
dons et le mécénat du public et des élites cultu-
relles se tournent désormais plus souvent vers
d’autres objets.
Ce monde des sociétés savantes en Picardie
demande donc à être consolidé et dynamisé.
D’une manière générale, par rapport aux stan-
La salle des séances de la Société des Antiquaires de Picardie,
Amiens © Société des Antiquaires de Picardie – cliché K. Lémé-
Hébuterne.
12
dards de la production scientifique universi-
taire, la qualité moyenne des productions
écrites des sociétés savantes a eu tendance à
s’affaisser au cours des deux derniers siècles.
Elle continue à porter sur des centres d’intérêts
extrêmement variés et sur des périodes qui
vont de la préhistoire à nos jours. Toutefois, par
rapport à l’historiographie qu’elles dévelop-
paient au XIXe siècle, les sociétés savantes pi-
cardes, comme leurs homologues en France, ont
eu tendance à délaisser les époques les plus
anciennes (en raison de la technicité des fouilles
archéologiques, de la méconnaissance du latin
et de la paléographie). Il y a heureusement de
très belles exceptions, mais il conviendrait de se
montrer plus scientifique dans ses récits histo-
riques et d’éviter la compilation sans critique,
voire le plagiat, des érudits du XIXe siècle. En
revanche, les sociétés savantes privilégient dé-
sormais plus souvent la période contemporaine
(XIXe-XXIe siècle) en puisant dans des archives
plus abondantes et faciles d’accès (sinon
d’interprétation !), la presse, et surtout des
fonds iconographiques beaucoup plus riches.
Autre point à améliorer : il serait souhaitable de
dépasser l’esprit de clocher qui compartimente
la vie régionale en développant la synergie
entre les diverses sociétés. Certes, il existe des
échanges et des correspondances mutuels an-
ciens entre les sociétés picardes, en particulier
grâce à certains membres qui adhèrent et parti-
cipent à plusieurs en même temps. Mais il fau-
drait encourager les rencontres, les activités et
les publications communes. En cela, la politique
menée dans l’Aisne avec le regroupement en
fédération apporte une solution à l’isolement et
au déclin, tout en maintenant l’identité de
chaque composante. Par ailleurs, on ne saurait
trop soutenir au niveau national l’action du
Cths, dont les financements ont été malheureu-
sement malmenés ces dernières années.
Enfin, pour exister dans le XXIe siècle, les socié-
tés savantes picardes ont absolument besoin de
développer leur visibilité sur le réseau mondial
d’internet. La bibliothèque nationale de France
avec Gallica (qui met en ligne bulletins et mé-
moires numérisés), le Cths avec son annuaire,
etc. y contribuent grandement. Certaines asso-
ciations animent très activement leur site
propre, telles la Société archéologique et histo-
rique de Clermont, la Société historique de
Compiègne, d’autres ont encore beaucoup de
progrès à réaliser dans de domaine (par
exemple la SAP)…
Pour terminer, je voudrais insister sur
l’importance des sociétés savantes en Picardie,
souvent trop discrètes, qui irriguent un tissu
social et culturel indispensable à toute société
développée. Il sera vital de le structurer à
l’échelle de la nouvelle grande région qui réuni-
ra les principaux territoires de l’ancienne
langue picarde (car la Flandre ne constitue
qu’une petite partie du Nord-Pas-de-Calais !).
Et je me permets d’émettre le souhait que
d’avantage de professeurs de l’enseignement
primaire, secondaire et supérieur, ainsi que
plus d’étudiants (en particulier en histoire, his-
toire de l’art) s’investissent dans les sociétés
savantes de leur région, dans la continuité mo-
dernisée d’une riche tradition de philanthropie
culturelle.
13
La conservation des ressources et son rôle dans le processus de recherche
Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques
d’Amiens Métropole
Le comité de pilotage des Rencontres du pa-
trimoine en Picardie m’a fait l’honneur de me
donner la parole au nom des institutions cultu-
relles pour le discours de présentation en
séance plénière. La particularité des biblio-
thèques d’Amiens Métropole qui, d’une part,
conservent un fonds patrimonial très riche et,
d’autre part, sont dépôt d’archives pour les
archives municipales antérieures à 1919, a
pour conséquence de me confronter dans mes
activités professionnelles quotidiennes aussi
bien aux problématiques d’ordre bibliothéco-
nomique que d’ordre archivistique. Bien que
pour le réaliser, j’aie consulté nombre de mes
collègues travaillant dans les musées, qui en
ont validé les conclusions (en particulier celles
de la dernière partie, cœur de notre propos,
traitant des rapports entre les institutions con-
servatrices de ressources et les chercheurs)
l’exposé qui suit est celui d’un professionnel
du patrimoine écrit et sera ainsi plus succinct
sur les questions muséales.
Une rapide typologie des institutions conser-
vatrices de ressources
Une typologie générale
Il existe essentiellement trois types
d’institutions culturelles publiques conservant
des ressources que les chercheurs sont amenés
à fréquenter :
Les musées ;
Les archives municipales et départemen-
tales ;
Les bibliothèques. Au sein de cette der-
nière catégorie, trois sous-ensembles peu-
vent être distingués1. Les bibliothèques
universitaires tout d’abord ; la conserva-
1 La Bibliothèque Nationale de France de par son rôle
particulier mise à part.
tion et la mise en valeur de fonds patri-
moniaux ne font pas partie de leurs mis-
sions prioritaires. Au gré des dons, la
plupart d’entre elles conservent cepen-
dant quelques collections patrimoniales
très intéressantes pour les chercheurs à
l’exemple de la collection Bax, collection
de livres de médecines de la Renaissance,
ou du fonds Paul Dubois, linguiste picard,
à la bibliothèque universitaire de
l’Université de Picardie Jules Verne. Les
bibliothèques de grands établissements en
second lieu, toutes parisiennes2. Enfin le
choix opéré à la Révolution française de
créer des bibliothèques en province à par-
tir des confiscations révolutionnaires plu-
tôt que de centraliser tous les documents à
Paris explique les très riches fonds patri-
moniaux conservés par les bibliothèques
municipales. Ceux des bibliothèques mu-
nicipales picardes sont particulièrement
importants aussi bien au point de vue
quantitatif que qualitatif comme le prou-
vent les trente manuscrits carolingiens
présents dans leurs collections (dix-huit à
Amiens, onze à Laon et un à Abbeville).
Les institutions conservant du patrimoine
écrit en Picardie
Nous nous appuyons ici sur les chiffres du
Centre Régional du Livre et de la Lecture
(CR2L) qui dénombre dix-sept bibliothèques et
fonds d’archives conservant des fonds patri-
moniaux en Picardie :
2 Pour en savoir plus sur les Bibliothèques des Grands
établissements on se rapportera avec profit à la fiche mis
en ligne par le centre de formation Mediadix :
http://mediadix.u-
paris10.fr/cours/admin/adminpdf/TCAdminF3-
8GrandsEtablissements.pdf [En ligne: Consulté le
15/12/2015]
14
Huit dans l’Oise : les Archives départe-
mentales de l’Oise, la bibliothèque muni-
cipale de Beauvais, la bibliothèque du
château de Chantilly, la bibliothèque mu-
nicipale de Clermont de l’Oise, la biblio-
thèque municipale de Compiègne, la bi-
bliothèque municipale de Creil, la biblio-
thèque municipale de Noyon et la biblio-
thèque municipale de Senlis ;
Cinq dans l’Aisne : les Archives départe-
mentales de l’Aisne, la bibliothèque mu-
nicipale de Château-Thierry, la biblio-
thèque municipale de Laon, la biblio-
thèque municipale de Saint-Quentin et la
bibliothèque municipale de Soisson ;
Quatre dans la Somme : les Archives dé-
partementales de la Somme, la biblio-
thèque municipale d’Abbeville, les biblio-
thèques d’Amiens Métropole et la biblio-
thèque de Doullens.
Pour que cette typologie soit complète il faut
en outre ajouter les services d’archives muni-
cipaux des grandes villes comme les archives
municipales d’Abbeville, et les Maisons
d’écrivains, nombreuses en Picardie3, qui pour
la plupart conservent un fonds patrimonial
relatif à l’hôte illustre qu’elles ont abrité.
Le travail de rétroconversion4 des fonds patri-
moniaux des bibliothèques municipales pi-
cardes mené par le Centre Régional du Livre et
de la Lecture a permis de dénombrer le
nombre d’imprimés anciens conservés par ces
institutions. A partir de ces chiffres il est pos-
sible de proposer une typologie rapide des
fonds patrimoniaux des bibliothèques de Pi-
cardie :
Cinq fonds patrimoniaux « importants »
soit plus de 50 000 imprimés anciens5 :
3 Quatre dans l’Oise, quatre dans l’Aisne et trois dans la
Somme. 4 La rétroconversion est le fait d’informatiser la notice d’un
livre n’existant jusqu’alors que sous forme de fiche papier. 5 La rétroconversion du CR2L ne concernait que les biblio-
thèques municipales, si elles devaient intégrer cette typo-
logie les archives départementales de l’Oise, de l’Aisne et
de la Somme feraient partie des « fonds importants ».
bibliothèque municipale d’Abbeville,
bibliothèques d’Amiens Métropole, bi-
bliothèque du château de Chantilly, bi-
bliothèque de Compiègne et biblio-
thèque de Laon ;
Six fonds patrimoniaux de « taille
moyenne » soit entre 5000 et 50 000 im-
primés anciens : Bibliothèques munici-
pales de Beauvais, de Château-Thierry,
de Clermont de l’Oise, de Saint-Quentin,
de Senlis, de Soissons ;
Trois « petits » fonds patrimoniaux soit
moins de 5 000 imprimés anciens : Bi-
bliothèques de Creil, de Doullens et de
Noyon.
Les missions des établissements culturels
conservant des ressources
L’étude des textes établissant les missions assi-
gnées aux musées, aux bibliothèques et aux
services d’archives révèle que, si la nature des
documents conservés par ces trois types
d’institutions est différente, les missions pour-
suivies sont quant à elles fort proches.
La « Loi musée » du 4 janvier 2002
L’article 2 de la « loi musée » énumère les mis-
sions que doivent assurer les établissements
pour obtenir le label « musée de France »6.
Elles sont au nombre de cinq à savoir :
Conserver, restaurer, étudier et enrichir
leurs collections ;
Rendre leurs collections accessibles au
public le plus large ;
Concevoir et mettre en œuvre des ac-
tions d'éducation et de diffusion visant à
assurer l'égal accès de tous à la culture ;
Contribuer aux progrès de la connais-
sance et de la recherche ainsi qu'à leur
diffusion.
6 Texte de la loi disponible sur le site Légifrance :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JO
RFTEXT000000769536&categorieLien=id. [Consulté le
15/12/2015]
15
Le principe des 4 C dans les services
d’archives7
Les missions des services d’archives peuvent
se résumer en quatre points principaux, les
quatre « C » soit :
Collecter : ou enrichir les fonds par la col-
lecte d’archives publiques ou privées ;
Conserver : offrir les conditions de con-
servation idoines aux documents ;
Classer : traiter les documents de sorte à
pouvoir les communiquer au public ;
Communiquer : rendre les documents ac-
cessibles aux usagers.
La charte de la conservation dans les biblio-
thèques8
Les services patrimoniaux des bibliothèques
sont dépourvus de textes législatifs définissant
précisément leurs missions. Néanmoins le
ministère de la Culture et de la Communica-
tion a rédigé en 2011 une « Charte de la con-
servation en Bibliothèque » qui est un en-
semble de recommandations de conservation
des collections de bibliothèque. Parmi les 150
articles qui composent cette charte on peut
relever :
L’article 35 : Le développement raisonné
des collections doit contribuer à la qualité
de leur conservation. Les accroissements
doivent être maîtrisés en fonction de leur
intérêt et des contraintes de leur conserva-
tion ;
L’article 7 : La conservation est l’activité
par laquelle le responsable d’un docu-
ment, d’un objet ou d’un fonds s’assure
qu’il le met à la disposition du public pré-
sent et à venir dans le meilleur état pos-
sible d’intégrité ;
7 Le site des archives départementales de la Seine-et-Marne
consacre une page très bien faite à ce principe des 4 C :
http://archives.seine-et-marne.fr/missions [Consulté le
15/12/2015] 8 Texte de la charte téléchargeable en format pdf sur le site
du ministère de la Culture et de la Communication :
http://www.patrimoineecrit.culture.gouv.fr/files/conservat
ion_restauration/Charte%20de%20la%20conservation.pdf
[Consulté le 15/12/2015]
L’article 130 : La conservation des fonds
patrimoniaux doit avoir pour but d’en as-
surer la communication au public présent
et à venir. Tout doit être mis en œuvre
pour que celle-ci soit facile et fructueuse.
La comparaison de ces différents textes révèle
comme nous l’avons déjà précisé une commu-
nauté de missions entre les musées, les ar-
chives et les bibliothèques. Ainsi à l’article
« conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs
collections » de la loi musée répondent les
« C » « collecter », « conserver » et « classer »
du principe des quatre « C » en services
d’archives et l’article 35 de la charte de la con-
servation dans les bibliothèques, tandis qu’à
l’article « Rendre leurs collections accessibles
au public le plus large. » font écho le « C »
« Communiquer » et l’article 130 de la charte
de la conservation en bibliothèque.
Les rapports des institutions de conservation
et des chercheurs : que pouvons-nous pour
vous ?9
Des besoins simples
Invité à assurer la conférence inaugurale des
« 7ème Journées du Patrimoine Ecrit » tenues à
La Rochelle en juin 2011 sur le thème « Patri-
moine écrit et recherche »10, Michel Pastoureau
réaffirmait les demandes simples des cher-
cheurs aux responsables d’institutions cultu-
relles conservant des documents patrimo-
niaux : « Souvent dans le milieu du patrimoine
et de la conservation, on a de la recherche des
9 Cette partie de l’intervention s’appuie sur les recherches
menées dans le cadre du mémoire d’Enssib soutenu en
janvier 2013 sous la direction de Raphaële Mouren intitulé
« Les enseignants-chercheurs et les fonds anciens, modifi-
cations des besoin, évolution des services ? Discours des
uns, pratiques des autres, que conseillez aux bibliothèques
françaises ? ». Dans l’attente de sa mise en ligne, l’auteur
peut en transmettre le pdf sur demande (a.leducq@amiens-
metropole.fr). 10 L’ensemble des interventions est disponible sur le site
du Patrimoine Ecrit soit sous la forme d’un enregistrement
au format mp3 soit sous le format pdf :
http://www.patrimoineecrit.culture.gouv.fr/jpe/jpe2011.ph
p. [Consulté le 15/12/2015]
16
idées fausses et beaucoup trop futuristes, ça
relève un peu de la science-fiction, l’image que
le non-chercheur se fait du chercheur. Entre ce
que permettent sur le plan théorique les outils
et les techniques de pointe et la vie quoti-
dienne du jeune chercheur dans les sciences
humaines, l’écart est immense, il ne faut pas
être dupe. Cela conduit les conservateurs à
concevoir des outils pour la recherche qui ne
s’emboîtent pas vraiment avec la recherche en
train de se faire. »11
Les chercheurs à l’image de Michel Pastoureau
demandent essentiellement aux conservateurs
des institutions culturelles de « rendre [les
collections] accessibles au public le plus
large », d’en « assurer la communication au
public présent et à venir. [De tout mettre en
œuvre] pour que celle-ci soit facile et fruc-
tueuse. » En résumé d’appliquer l’article 2 de
la loi musée ou son équivalent l’article 130 de
la charte de la conservation en bibliothèque.
Les conservateurs signalent au mieux les do-
cuments dont ils ont la charge, manuscrits,
imprimés, estampes, tableaux, sculptures etc.
en prenant soin d’en faire la description la plus
précise possible.
Ils doivent également organiser des accueils
personnalisés des chercheurs, et en particulier
des « chercheurs débutants » en Master ou
première année de thèse, afin de faire profiter
ceux-ci de leur connaissance du fonds.
Deux évolutions concomitantes, le dévelop-
pement du numérique d’une part et
l’évolution des conditions de travail des cher-
cheurs d’autre part, ont conféré un nouveau
rôle aux conservateurs. Ceux-ci sont en effet de
plus en plus souvent sollicités pour faire des
vérifications sur les ouvrages conservés dans
les fonds dont ils ont la charge, pour des en-
seignants chercheurs qui, en raison du poids
11 La conférence intégrale de Michel Pastoureau est consul-
table sur le site du Patrimoine Ecrit en format mp3 :
http://www.patrimoineecrit.culture.gouv.fr/files/jpe/2011/
Pastoureau.mp3. [Consulté le 15/12/2015]
toujours croissant des tâches administratives
dans leur travail quotidien, n’ont plus le temps
de se déplacer aussi souvent qu’auparavant
dans les établissements patrimoniaux.
Les écueils
Le métier de conservateur responsable de res-
sources patrimoniales a connu une évolution
analogue à celui d’enseignant-chercheur : les
tâches administratives prennent une place
prépondérante dans l’activité quotidienne. Les
conservateurs doivent donc prendre garde à
dégager malgré tout du temps pour mener à
bien les missions scientifiques sur leurs fonds
(analyse, signalement et valorisation des
œuvres et documents).
Le deuxième écueil est la tentation pour le
conservateur, qui a également une formation
scientifique et qui poursuit souvent des re-
cherches, de se substituer au chercheur et de
mener lui-même les recherches sur le fonds, les
œuvres qu’il conserve.
Le troisième écueil peut être résumé sous la
formule du « problème de la dialectique entre
la conservation et la communication »12. En
effet, l’ensemble des textes officiels que nous
avons évoqués préconisent d’assurer à la fois
la meilleure conservation possible des docu-
ments et leur communication, or ces deux
termes, ces deux « C », sont en réalité antino-
miques car la communication des documents
constitue toujours un facteur de dégradation,
même si l’usager en prend le plus grand soin,
et compromet donc la mission de conservation.
Il s’agit pour les conservateurs en charge de
fonds patrimoniaux de trouver un juste équi-
libre entre ces deux missions. La tension qui
existe entre elles est souvent source
d’incompréhension entre conservateurs et
chercheurs, ces derniers reprochant aux res-
12 Expression employée par un enseignant-chercheur en
littérature dans le cadre du mémoire ENSSIB. « Les ensei-
gnants-chercheurs et les fonds anciens, modifications des
besoin, évolution des services ? Discours des uns, pra-
tiques des autres, que conseillez aux bibliothèques fran-
çaises ? ».
17
ponsables de fonds patrimoniaux de donner la
primauté à la conservation au détriment de la
communication et de favoriser ainsi une « cul-
ture de la rétention »13. A ce sujet, lors de sa
conférence inaugurale des Septièmes journées
du patrimoine écrit, Michel Pastoureau in-
dique qu’il voulait intituler son intervention
« L’Ours et le rat », l’ours étant le conservateur
de bibliothèque qui garde pour lui seul les
trésors qu’il conserve et ne les communique
pas, et le rat le chercheur égoïste et dévoreur
de documents. C’est pourquoi, des journées
comme celle que nous avons tenue le 13 oc-
tobre sont importantes, afin de faire dialoguer
l’ensemble des acteurs et pour qu’ours et rats
puissent mieux se comprendre.
13 Voir note supra.
18
L’Inventaire général du patrimoine culturel en Picardie : service de re-
cherche et centre de ressources
Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la
Région Picardie
Créé en 1964, l’Inventaire général a pour mis-
sion de « recenser, étudier et faire connaître »
le patrimoine culturel présentant un intérêt
archéologique, historique, urbanistique, archi-
tectural ou mobilier.
Sa spécificité est d’être un service public et
d’avoir une vocation double de service de re-
cherche sur le patrimoine régional et de centre
de ressources, lié à l’origine à l’obligation de
mettre les résultats des travaux à la disposition
du public (dossiers d’inventaire et publica-
tions). Les services en région travaillent depuis
de nombreuses années en partenariat avec les
collectivités ou l’université pour mener des
opérations d’inventaire.
En Picardie, connaissance et valorisation du
patrimoine sont mises au service du dévelop-
pement durable du territoire, ce qui se traduit
par :
Un centre de ressources ouvert au public /
une mise à disposition des ressources pour
des projets scientifiques, éducatifs, cultu-
rels, touristiques / des sites internet
(https://inventaire.picardie.fr et
http://memoirevivante.picardie.fr/);
L’accueil de stagiaires de l’université (mé-
diation et recherche) mais aussi d’élèves du
secondaire en stages d’observation ;
Des ateliers pédagogiques de découverte à
destination des élèves de la filière « taille de
pierre » ;
La création d’un réseau régional en 2014 et
une animation rythmée par des ateliers et
des rendez-vous, dans lesquels prend place
cette journée.
Ce sont aussi :
Des programmes de recherche conduits par
la Direction de l’Inventaire et du Patri-
moine Culturel (DIPC) à deux échelles :
o A l’échelle locale, en partenariat avec
des acteurs en région (cf. présentations
F.-N. Kocourek et L. Noyer-Duplaix
dans ces actes) ;
o A l’échelle régionale, en interne, avec
des contributions extérieures pour les
enquêtes et/ou les publications mais
aussi les présentations ou restitutions in-
termédiaires.
Des problématiques de recherche visant à
analyser et décrire comment les usages
construisent les espaces dans lesquels nous
vivons aujourd’hui, qu’il s’agisse du pay-
sage urbain ou rural ;
Des problématiques opérationnelles de
médiation, qui se traduisent par différentes
réalisations.
L’objectif pour la DIPC est de créer de la va-
leur ajoutée par rapport à ce qui est produit
par l’ensemble des acteurs.
Péronne, vue d'ensemble des Grands moulins. © Région Picardie
- Inventaire général, Cliché T. Lefébure.
19
La Reconstruction après la première guerre
mondiale
Dans le contexte du centenaire, la DIPC de la
Région Picardie se propose de produire une
synthèse régionale et des contenus qui de-
vraient permettre de créer les conditions d’une
mise en relation des sites et d’une mise en va-
leur plus large des territoires transformés par la
guerre.
Ce programme comprend :
Un zoom sur Industrie et reconstruction (cf.
présentation B. Fournier dans ces actes) ;
La synthèse des résultats des études menées
depuis la création du service : la Reconstruc-
tion sur le Chemin des Dames et
l’architecture de la Reconstruction dans la
Haute-Somme, ainsi que des enquêtes topo-
graphiques menées dans l’Aisne (notam-
ment en Thiérache et dans le canton de
Braine) et dans l’Oise (canton de Noyon);
Des enquêtes complémentaires menées dans
la zone rouge avec un nouvel éclairage et de
nouvelles problématiques, en particulier
dans le Santerre Haute-Somme.
o La reconstruction des villes et des villages :
il s’agira notamment de vérifier
l’application des préconisations dans les
villages reconstruits et d'en mesurer l'im-
pact en matière de paysage bâti. On cher-
chera aussi à vérifier s'il est possible de
mesurer l'exode lié aux possibilités offertes
aux sinistrés, de reconstruire dans un
rayon de 50 km ;
o Les édifices et les équipements publics : il
s'agira notamment de construire un corpus
plus représentatif de la diversité de ces
équipements et d'en affiner la chronologie ;
o La modélisation des mobiles : Il s'agira de
construire un outil d'analyse et de restitu-
tion du "pourquoi et comment on recons-
truit".
Retrouver La Reconstruction après la première
guerre mondiale sur le site de l’Inventaire.
Villégiature et tourisme en Picardie
L’étude s’inscrit dans une réflexion sur le pé-
riurbain (dans la suite du colloque de 2010 à
Amiens) avec une approche qualifiante des
territoires (comme pour la Reconstruction).
Cette étude comprend :
Un zoom sur Villes, villégiature et tourisme
(cf. présentation F. Fournis dans ces actes) ;
Une synthèse régionale des études menées
depuis la création du service : la Côte pi-
carde et les enquêtes topographiques me-
nées dans l’Aisne et dans la Somme ;
Des enquêtes complémentaires menées sur
des sites ou pour compléter des corpus et
apporter un nouvel éclairage sur :
o L’incidence des pratiques de villégiature
et de tourisme dans l’aménagement de
l’espace ;
o Le modèle résidentiel des élites rurales,
industrielles ou agricoles, notamment
après la première guerre mondiale ;
o Les typologies des usages résidentiels
collectifs (hôtels, pensions de familles, co-
lonies de vacances, foyers) ;
o Le rôle des itinéraires dans la mise en
tourisme à partir des réseaux de chemins
de fer depuis le milieu du XIXe siècle ;
o Les mutations résultant de la villégiature
ou du tourisme et produites après désaf-
fectation.
Retrouver Villégiature et tourisme en Picardie
sur le site de l’Inventaire.
Sains-en-Amiénois, La Roseraie © Région Picardie - Inventaire
général, cliché M.-L. Monnehay-Vulliet.
20
La recherche en cours…
Archéologie et architecture
antiques et médiévales
21
Le château d'Eaucourt-sur-Somme, 2010 © Alain Bron.
Le programme de recherches autour du château d’Eaucourt-sur-Somme
Sandrine Mouny, archéologue, Unité de recherche TRAME / Université de Picardie Jules
Verne
Depuis une vingtaine d’année, une équipe
d’historiens et archéologues regroupée au sein
du laboratoire TrAme de l’Université de Picar-
die Jules Verne œuvre pour la connaissance et
la valorisation du patrimoine picard, en me-
nant régulièrement des programmes de re-
cherche autour des « centres de pouvoir fortifiés
de la Picardie ».
Ayant la volonté de créer un espace pédago-
gique de qualité et de cohérence scientifique
tout en préservant l’intérêt patrimonial de
l’édifice, l’Association de restauration du châ-
teau d’Eaucourt a sollicité nos compétences et
nos savoir-faire techniques pour entreprendre
une étude approfondie sur le château
d’Eaucourt.
L’émergence de ce nouveau projet a été encou-
ragée par l’action départementale du Conseil
départemental de la Somme avec l’intégration
du château d’Eaucourt dans le réseau des sites
exceptionnels du grand projet « vallée de la
Somme » ayant pour thématique : l’archéologie.
La dynamique de ce programme de recherche
a été impulsée avec l’autorisation préfectorale
donnant le droit d’effectuer des fouilles pro-
grammées sur les «Aires du château»
d’Eaucourt.
Présentation du site d’étude
Localisé à 7 km en amont d’Abbeville et à 32
km au nord-ouest d’Amiens, le château
d’Eaucourt est bâti en fond de vallée alluviale,
sur la rive droite de la rivière de la Somme,
dans une zone marécageuse.
Il s’agit d’un bel exemple d’une résidence forti-
fiée implanté dans le comté de Ponthieu et
construit sous le règne de Philippe Auguste
par les seigneurs de la Ferté. Cette place forte a
sans cesse changé de mains, initialement pro-
priété de familles régionales, avant d’être oc-
cupé par les Anglo-Bourguignons, puis reprise
de multiples fois par les seigneurs locaux pen-
dant la guerre de Cent Ans. Ce site fortifié sera
tenu jusqu’au XVIIIe siècle par des familles
nobles.
Ce château a été édifié comme un élément
défensif de la vallée. Son implantation est sur-
tout à mettre en relation avec l’importance de
22
La fouille du sondage 1, 2015 © Sandrine Mouny.
la circulation fluviale qui était à la fois libre et
contrôlée.
Actuellement, le site se compose d’une plate-
forme de plan rectangulaire, sur laquelle de-
meure un châtelet d’entrée, composé de deux
tours circulaires, d’une tour de guet, pourvu
d’un escalier en vis et d’un vestibule de refuge,
carré, voûté d’une croisée d’ogive. La terrasse
est entourée d’une enceinte et défendue par
des fossés en eau alimenté par un canal relié à
la Somme. Ces vestiges architecturaux consti-
tuent de rares témoignages de l’évolution ra-
pide face aux progrès de l’armement et de
l’adaptation d’un site en plein conflit médié-
val.
Objet de la recherche
Enjeux scientifiques
L’intérêt principal est de pouvoir étudier une
petite seigneurie rurale abbevilloise, tenue par
une aristocratie chevaleresque. Ces recherches
vont permettre d’approfondir nos connais-
sances sur l’histoire de ce château. Les don-
nées recueillies vont apporter des éclaircisse-
ments sur son organisation spatiale, sur son
évolution architecturale (militaire et civile) et
sur le mode de vie de ses occupants. On
s’interrogera sur son rôle et ses fonctions, sur
sa représentation et sur ses interactions avec
son environnement.
Enjeux pédagogiques
Les interventions sur le terrain sont destinées à
compléter les apprentissages des étudiants en
leur apportant une expérience pratique. Ce
chantier école offre aux participants une for-
mation en leur permettant d’assimiler toutes
les étapes de la démarche archéologique (pro-
blématique, acquisition des données, interpré-
tation), toutes les techniques de terrain (fouille,
prélèvement, enregistrement) et toutes les mé-
thodes de relevé (dessin, plan, coupe) jusqu’au
travail de post-fouille (DAO, inventaire, trai-
tement du mobilier).
Ces opérations scientifiques viennent aussi
apporter une assistance technique, en fournis-
sant des informations nécessaires à la com-
mune et à l’association, qui cherchent à mieux
appréhender leur patrimoine pour le préser-
ver.
Enjeux culturels
La fouille apporte une animation scientifique
et contribue à valoriser le site en mettant au
jour de nouveaux vestiges. Ces derniers vont
être conservés et consolidés en suivant les re-
commandations des spécialistes des MH.
Aussi, les interventions renforcent l’attractivité
du site, en donnant aux touristes l’envie de
revenir les années suivantes pour constater
l’avancement du chantier. Ouvert au public, le
site devient un centre de sensibilisation et de
promotion du patrimoine. Pendant la durée de
la fouille, 3720 personnes ont été accueillies.
État d’avancement du programme
Plusieurs investigations ont déjà été menées.
Le relevé topo
Pendant 5 jours, une équipe de 5 personnes a
effectué à l’aide de tachéomètres laser, des
levés de niveau sur 5 hectares. La réalisation
d’un plan topographique du site et de ses
abords a nécessité la prise de 4099 points.
23
La fouille du sondage 2, 2015 © Sandrine Mouny
Le sondage archéologique
L’objectif de la première opération archéolo-
gique est d’évaluer le potentiel du sous-sol
(l’état de conservation des vestiges enfouis).
Sous le patronage du service régional de
l’archéologie et avec le soutien de l’association
ARCHE, un sondage archéologique a été orga-
nisé cet été, pendant 4 semaines, mobilisant
une quinzaine de bénévoles, principalement
des étudiants en formation.
Cette intervention a permis de mettre au jour
une élégante tour de flanquement d’un bel
appareillage. La richesse esthétique de cet édi-
fice réside dans l’utilisation et l’association de
différents matériaux. Dans le second secteur,
un sol et deux pans de murs déterminent
l’emplacement du logis seigneurial du XVIe
siècle.
Perspectives
Une continuité des opérations de terrain
Le bon déroulement de la fouille ainsi que les
découvertes d’un grand intérêt encouragent de
prolonger cette recherche et cette aventure
humaine sur le long terme. Une demande
d’autorisation de fouille tri annuelle va être
faite auprès du ministère de la Culture.
Un renforcement de nos collaborations
Même si des liens étroits ont été établis avec
l’association ARCHE, ce programme de
grande envergure implique une participation
active de spécialistes et doit bénéficier de
nombreuses collaborations. Ce programme de
recherche pluridisciplinaire bénéficie déjà d’un
soutien de l’Etat au moyen de subventions
dans le cadre d’un contrat de projet Région.
Un investissement constant des actions de
valorisation
En collaboration avec les MH, des démarches
vont être entreprises pour la conservation des
structures construites qui vont être mises au
jour. Un effort toujours plus constant dans la
diffusion des résultats auprès du grand public
sera fondamental.
24
Le service Archéologie d’Amiens Métropole : étudier une ville et ses péri-
phéries
Yves Le Béchennec, archéologue, Service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole
Depuis 2010, les élus de la communauté
d’agglomération d’Amiens Métropole, suite
aux demandes du service régional
d’archéologie de la DRAC Picardie, se sont
dotés d’un service d’archéologie préventive.
Cinq ans permettent aujourd’hui de proposer,
avec les premières 50 opérations, une petite
typologie d’interventions sur le territoire de la
métropole. L’archéologie aujourd’hui se fond
dans un moule, celui d’une archéologie pré-
ventive. Elle est, de fait, prisonnière des dy-
namiques de l’aménagement. Or, à Amiens,
cette dynamique nous fait intervenir sur les
marges, au détriment du centre ancien. Les 50
opérations ont donc été en majorité des inter-
ventions sur la grande périphérie de la ville
antique Samarobriva, capitale des Ambiens, en
Belgique seconde.
Au plus loin, et au plus ancien, un petit aperçu
sur le site de Thézy-Glimont. En vallée de
l’Avre, une opération de construction de 50
pavillons a été l’occasion en juillet 2012 d’un
diagnostic sur 5 ha et d’une fouille sur 2 ha.
L’opération met en évidence un « sanctuaire
picard », ce qui en Picardie est au final assez
attendu. Ces sanctuaires sont depuis 30 ans
l’objet d’étude. Toutefois, ces dernières années,
la découverte du même type d’enclos qua-
drangulaires autours d’Orléans, Pithiviers, en
Poitou, en Champagne et en Vendée avait fait
douter les collègues d’une spécificité « pi-
carde » pour ces grands enclos fossoyés livrant
des armes. Avec Thézy-Glimont, la question de
la typologie de ces sanctuaires est relancée par
l’exceptionnelle découverte de 17 fosses asso-
ciant des animaux d’élevages déposés en cor-
tège et - pour 8 d’entre elles - un homme. Que
nous dit ce site de la question spécifique de la
Ville en d’autre terme de Samarobriva ? Thézy
et la confluence Somme/Avre sont distants de
14 kilomètres. La fouille de Thézy et ses cor-
tèges d’animaux ramène l’intérêt sur une ques-
tion un peu délaissée, celle de la place spéci-
fique de l’élevage dans l’agriculture ancienne
de la vallée de la Somme, une place où
l’élevage maintient la tourbière, et où la tour-
bière est terroir commun, doté de droits spéci-
fiques. Thézy illustre avec éclat une période
complexe de l’histoire de notre territoire. Rap-
pelons le cadre du débat. Samarobriva, depuis
la publication fondatrice de Jean-Luc Massy et
Didier Bayard en 1983, est après la conquête,
un poste militaire établi pour contrôler la voie
vers la Bretagne (actuelle Angleterre). Ce poste
va se développer et fournir une première date,
32. Elle est obtenue sur des bois utilisés en
fondation donc conservés car plantés dans les
Détail d’une des fosses à offrandes du sanctuaire celtique de
Thézy-Glimont © Amiens Métropole, Service d’archéologie
préventive.
25
sédiments du fond de vallée. Au moment où se
développe la future Samarobriva, périclite entre
autre le site de Thézy. La relation entre les
deux événements est sans doute indirecte,
mais elle signe probablement vers 0-30 une
réorganisation de l’occupation de toute la val-
lée.
De même, un diagnostic négatif selon la loi,
c’est-à-dire ne déclenchant pas d’opération de
fouille, réalisé à Saleux, en centre de village où
trois tranchées, de nouveau en fond de vallée,
livrent un four domestique de plan carré. Les
restes d’une amphore vinaire et une trentaine
de tessons céramique fournissent un repère
chronologique à la question de la caractérisa-
tion des productions céramiques de la fin de la
Tène. Ceci est un point d’alerte quant à
l’existence en vallée de la Selle d’un tissu
d’habitat groupé ouverts. Celui-ci préexiste au
poste de garde sur la voie.
À présent montons sur les plateaux. A nou-
veau, recourons à un diagnostic récent. Là, il
s’agit de l’un des futurs parkings du bus. Le
diagnostic met en évidence plusieurs réseaux
fossoyés. Les fossés dessinent le plan d’une
succession de deux ou trois fermes. Une fois
encore, la place de l’élevage dans ces vastes
enclos et surtout dans les espaces entre les
établissements doit être interrogée.
Toujours sur le plateau , mais en descendant
vers la ville, une longue dynamique
d’intervention menée entre autre par Domi-
nique Gemehl puis François Malrain de l’Inrap
et plus récemment par nous, sous la forme
d’un diagnostic, illustre une fois de plus la
continuité des occupations autours d’Amiens
avec la très grosse ferme de Poulainville. Une
fois de plus, la limite d’ère ne traduit pas une
différence dans la dynamique des sites. La
lente accumulation sur plus de 20 ans
d’opérations est nécessaire pour comprendre
l’occupation d’une petite valleuse parallèle au
cours de la Somme : « la vallée des moines ».
Là aussi, le développement exponentiel et sans
précédent dans nos régions d’une ville à partir
des années 50 de notre ère, se traduit d’une
manière originale par l’installation d’une très
grande étable ! Là encore, on note la place de
l’élevage. Rappelons-nous qu’une ville de plus
de 200 hectares et 20 000 habitants pose de
redoutables problèmes d’approvisionnement.
Les questions de la conservation de la viande
et de sa préparation sont complexes. Une solu-
tion, parmi les plus simples est celle de la
viande sur pied conservée vivante, le plus
longtemps possible. Cela implique de pouvoir
garder les bêtes et de pouvoir les re-engraisser
après leurs voyage jusqu’à la ville. Pour
l’instant nous ne savons pas placer dans
l’espace amiénois ces espaces ni pondérer le
rôle que jouent les établissements immédiate-
ment périphériques dans cette dynamique.
Plus proche encore de la ville, un diagnostic
réalisé cet été et dont sa fouille en cours révèle
Vue générale de la villa gallo-romaine du chemin des Foulons à
Dury © Amiens Métropole, Service d’archéologie préventive.
26
une grande villa. Le diagnostic illustre une
mise en place à la fin de la Tène, un probable
premier état en bois, un développement au IIe
siècle de notre ère. Or, nous ne sommes qu’à 2
kilomètres du centre monumental ! Le service
est donc lancé dans une dynamique qui tend à
documenter la zone de contact entre la cam-
pagne et la ville. Évidemment, pour achever
l’observation de la zone de contact regardons
ce qui a véritablement généré la création du
service : la fouille de la citadelle d’Amiens, ses
15 mois de terrain et ses 7 opérations imbri-
quées dans la démolition des casernes du XVIIe
siècle pour la reconfiguration du lieu en uni-
versité. Les opérations confirment une nécro-
pole à inhumation des IIIe et IVe siècles mais
surtout un quartier périurbain dense dès le Ier
siècle. Dans une capitale de cité, la découverte
à répétitions de nécropoles communautaires,
périphériques et structurées en petits groupes
n’est pas, là encore, une surprise, comme le
montrent les fouilles du « chemin noir » et de
la caserne Dejean, opérations dont les études
sont en cours. Au sud, une répartition semble
se dessiner entre, en bas de pente, des tombes
relativement pauvres et récentes comme l’a
montré Eric Binet sur la fouille de l’îlot des
Boucheries et s’approchant de l’emplacement
du futur monastère de Saint-Acheul, des
tombes nettement plus aisées que montrent
bien la fouille de la Caserne. Au nord, la dy-
namique est la même, mais l’espace géogra-
phique où le fleuve entaille la falaise à une
expression plus ramassée. Ceci ramène notre
regard sur une réalité. Les périphéries de la
ville antique, si nécessaires à sa compréhension
sont aujourd’hui masquées sous les bâtiments
construits dans le vingtième siècle que ce soit
des amiénoises en brique ou des grands en-
sembles. Or ce siècle restera probablement
avant le sursaut de son dernier quart, comme
celui d’une destruction importante et rarement
contrôlées des archives du sol. Ceci va con-
traindre le service à s’investir sur des opéra-
tions de petite superficie. Pourtant, ces opéra-
tions - et particulièrement leur diagnostic -
sont dans la cadre législative actuel, déficitaire
et se heurtent à un sous-sol a priori très dé-
truit.
Voilà donc un rapide survol des enjeux auquel
renvoient pour Samarobriva les 5 première an-
nées de fonctionnement du service. Le travail
est en cours les études pour la plus part non
encore rendu font que cette présentation
manque probablement de recul. Toutefois, la
réalisation à l’invitation de Noël Mahéo, con-
servateur des collections archéologique au
Musée de Picardie, d’une exposition sur la
fouille de la citadelle et de son catalogue au
printemps prochain devrait permettre de pré-
ciser notre cadre de réflexion.
27
La plateforme UnivArchéo – Université de Picardie Jules Verne : études, re-
cherche et formation en archéologie
Etienne Hamon, professeur d’Histoire de l’art médiéval, plateforme Univarchéo / Univer-
sité de Picardie Jules Verne
UnivArchéo est la plateforme de recherche en
histoire et archéologie de l’Université de Pi-
cardie Jules Verne (UPJV).
Créée en 2010, cette structure est issue d’une
réflexion menée par des historiens et des ar-
chéologues médiévistes de l’UPJV.
À ce jour, UnivArchéo est co-dirigée par
Etienne Hamon (professeur d’histoire de l’art
médiéval à l’Université de Picardie Jules
Verne) et François Blary (professeur
d’archéologie médiévale à l’Université Libre
de Bruxelles).
La plateforme se compose d’un conseil scienti-
fique, d’un conseil des utilisateurs et d’un per-
sonnel comptant deux responsables
d’opération (Pauline Augé et Guilhem de
Mauraige) ; une chargée d’étude et de mise en
valeur (Lucie Degroisilles) ; une gestionnaire
administrative (Marie Libbrecht). Les membres
d’UnivArchéo sont accueillis comme cher-
cheurs associés dans l’équipe de recherche
TRAME de l’UPJV.
Les missions d’univarchéo
Etudes et recherche
UnivArchéo rassemble les moyens scienti-
fiques, humains et matériels, pour réaliser
différentes prestations à la demande d’équipes
de recherche, d’entreprises, d’associations, de
services de l’État, de collectivités territoriales
ou de particuliers.
UnivArchéo peut apporter son expertise dans
le cadre de chantiers de fouilles archéologiques
programmées ou préventives, sur toutes les
périodes.
Indispensable avant toute campagne de res-
tauration ou de mise en valeur d’un bâtiment
ancien, l’étude du bâti accompagnée de relevés
permet d’en déterminer la chronologie, le pha-
sage, les techniques de construction et d’en
établir la critique d’authenticité. La plateforme
possède le matériel (tachéomètres ; GPS) et les
logiciels de dessins nécessaires à la réalisation
de ces relevés et de ces dessins.
Parmi les vestiges matériels mis au jour lors de
fouilles archéologiques, la céramique peut faire
l’objet d’expertises ponctuelles ou d’études
approfondies. La plateforme bénéficie dans ce
domaine d’une étroite collaboration avec San-
Fouille archéologique (Soissons, 2014) © Lucie Degroisilles
(UPJV-UnivArchéo).
28
drine Mouny, ingénieur d’étude rattachée à
l’équipe TrAme.
UnivArchéo mène des études documentaires
dans le cadre d’opérations archéologiques,
architecturales ou de projets de mise en valeur
patrimoniale. Ces recherches en archives et en
bibliothèques permettent de dresser des inven-
taires de sources (manuscrites, iconogra-
phiques,...) indispensables pour retracer
l’histoire d’un site ou d’un monument
n du patrimoine
Afin de promouvoir auprès du public les res-
sources du patrimoine et la recherche qui s’y
rapporte, UnivArchéo effectue un travail de
médiation en prenant part à des cycles de con-
férences et en participant à des événements
nationaux et régionaux.
Ses compétences lui permettent de réaliser ou
d’aider à la mise en place, sous forme de pres-
tations, de restitutions numériques, de par-
cours touristiques, d’expositions et de supports
de communication (plaquettes, affiches…) et
de valorisation à destination de tous les pu-
blics.
Parallèlement à ses missions de prestataire de
service, UnivArchéo contribue à la recherche
en archéologie et en histoire en participant à
des projets scientifiques collectifs. Entre autres,
la plateforme prend part à des « Projets de
recherches thématiques et structurants » sou-
tenus par le Conseil régional de Picardie, avec
d’autres équipes de l’Université de Picardie
Jules Verne. Elle est ainsi intégrée en 2015-2018
aux Projets structurants ARCHEOMEDIPIC,
consacré à l’étude des sites castraux du Moyen
Âge en Picardie, et TRANSEPT, consacré à
l’étude du transept de la cathédrale d’Amiens
en relation avec le programme E-Cathédrale de
l’équipe MIS.
La formation
La plateforme prend part activement à la for-
mation professionnelle des acteurs de
l’archéologie régionale. En tant que structure
professionnelle bien implantée au sein de
l’Université, UnivArchéo assume des missions
pédagogiques à destination des étudiants,
principalement à partir du Master. Depuis sa
création, UnivArchéo accueille des stagiaires
conventionnés. En outre dans le cadre de pres-
tations, les membres d’UnivArchéo encadrent
sur le terrain des étudiants. La formation passe
par le perfectionnement des différentes tech-
niques, la maitrise du matériel ou encore
l’utilisation de logiciels spécifiques à
l’archéologie du sol ou du bâti.
Les réalisations d’univarchéo en Picardie
UnivArchéo intervient essentiellement dans le
nord de la France et tout particulièrement en
Picardie.
UnivArchéo a mené en Picardie deux fouilles
préventives très importantes au cœur de la
ville de Démuin (Somme) et sur le site le site
de l’ancienne caserne Gouraud à Soissons
(Aisne). La plateforme a également réalisé un
suivi de travaux au château de Compiègne et
sur l’église de Fleurines (Oise).
Formation des étudiants à l'utilisation du tachéomètre laser ©
Lucie Degroisilles (UPJV - UnivArchéo).
29
-écoles
L’équipe a participé à plusieurs chantiers-
écoles de la région portant sur deux châteaux
médiévaux de la Somme : Boves et Lucheux.
Sous forme de prestation, UnivArchéo a assu-
ré l’étude du mobilier céramique médiéval issu
de deux fouilles archéologiques provenant
d’Ercheu (Somme) pour Oxford Archaeology
et de Laon (Aisne) pour le Conseil général.
Une recherche documentaire a été réalisée sur
un quartier de la ville de Senlis (Oise), dans le
cadre d’une fouille menée par la société Evéha.
Dans le cadre d’opérations préventives menées
par le service archéologique de Noyon (Oise),
UnivArchéo a réalisé des levés topographiques
et des plans archéologiques. Par ailleurs, le
château et l’église de Picquigny (Somme) ont
été entièrement relevés.
UnivArchéo a mené une étude de mise en va-
leur patrimoniale du site archéologique (châ-
teau, fossé, basse-cour) et de la ville de Tou-
tencourt (Somme).
Pour contacter la plateforme :
UnivArchéo
Université de Picardie Jules Verne
Campus – Chemin du Thil
80 025 Amiens
03 22 82 72 57
www.u-picardie.fr/plateformes/univarcheo/
30
Le patrimoine monumental à l’ère du numérique
El Mustapha Mouaddib, professeur, directeur de l’unité de recherche MIS / Université de
Picardie Jules Verne
Le MIS (Modélisation, information et sys-
tèmes) est un laboratoire qui mène des travaux
de recherche sur les sciences du numérique. En
2010, il a lancé E-Cathédrale (https://mis.u-
picardie.fr/E-Cathedrale/ ), un programme de
recherches et développements autour d’une
maquette numérique de la cathédrale
d’Amiens. Depuis, il a coordonnée et participé
à plusieurs numérisations de plusieurs monu-
ments en Picardie (la cathédrale d’Amiens, la
cathédrale de Beauvais, l’abbatiale de Saint
Martin aux Bois et l’hôpital Saint Jean à
Amiens) et au Maroc (l’esplanade de la mos-
quée Hassan de Rabat). Pour chacun de ces
modèles, l’objectif est de construire une repré-
sentation fidèle, réaliste, précise et complète de
l’intérieur et de l’extérieur. Nous menons éga-
lement des travaux de recherche sur des vec-
teurs génériques pour la numérisation, des
outils d’amélioration des modèles et sur des
outils d’aide à la navigation et des travaux de
valorisation auprès du public.
31
L’architecture de la ferme médiévale fortifiée dans le Soissonnais
Denis Rolland, Société historique de Soissons
L'architecture des exploitations agricoles mé-
diévales est méconnue. Plus que les guerres,
c'est la modernisation continuelle de l'agricul-
ture depuis 200 ans qui a effacé la majorité des
traces anciennes. Les textes mentionnent bien
les établissements, les cens, mais ne décrivent
jamais la composition de la ferme ou les bâti-
ments d'exploitation. Certaines de ces fermes
ont été fortifiées. Il en reste quelques traces
ténues qui permettent difficilement d'entrevoir
l'organisation de ce type d'exploitation. Il faut
attendre le début du XVIIe siècle pour trouver,
dans les minutes de notaires, des baux et des
marchés de travaux suffisamment détaillés
pour avoir un aperçu des fermes anciennes.
Cette recherche vise à retrouver l'architecture
de la ferme médiévale et notamment de la
ferme fortifiée. Le périmètre d'étude est le
Soissonnais et le Valois qui se caractérisent par
l'importance de ses exploitations agricoles
médiévales. En majorité elles appartenaient à
des communautés religieuses et atteignaient
plus de 200 ha.
Cette recherche se développe selon plusieurs
axes différents :
– Cartographie et cadastre ;
– Études et relevés sur le terrain ;
– Fonds d'archives visant à retrouver des baux,
marché de travaux, arpentages, descriptions
diverses ;
– Iconographie ancienne : dessins et photogra-
phies. Les fonds photographiques de la
Grande Guerre constituent une source impor-
tante.
Cette recherche s'inscrit dans une recherche
plus large concernant l'architecture rurale de
notre région.
32
Le Musée archéologique de l’Oise, acteur en devenir de la recherche en Pi-
cardie
Adrien Bossard, conservateur du patrimoine, Musée archéologique de l’Oise
Historique du site et de son musée
Un site majeur de Picardie
Connu depuis la fin du XVIe siècle, le site ar-
chéologique de Vendeuil-Caply est surnommé
le « Pérou des antiquaires » au XVIIe siècle en
raison de sa richesse en vestiges. Dès lors, le
site ne cesse de susciter l’intérêt des historiens
et fait même l’objet de fouilles au XIXe siècle. Il
faut ensuite attendre 1955 et un cliché aérien
de l’I.G.N. révélant l’existence d’un théâtre
pour que la recherche reprenne sur le site. En
soixante ans, G. Dufour, D. Piton et V. Legros
se sont succédés à la tête des fouilles qui ont
révélé une vaste agglomération gallo-romaine.
Le nom de la ville étudiée à Vendeuil-Caply
nous échappe encore, faute de sources tex-
tuelles, mais la compréhension de sa chronolo-
gie et de son organisation générale s’affine
année après année. Le site connu s’étend sur
plus de cent hectares et voit dans un premier
temps l’installation d’un camp romain à la fin
de la Guerre des Gaules. Une agglomération
secondaire est ensuite créée à la fin du règne
d’Auguste. La superficie de l’agglomération,
densément occupée du Ier au IIe siècle, ainsi
que la monumentalité de certains édifices et la
diversité du mobilier archéologique témoi-
gnent de l’importance de la ville et de son rôle
économique et social pour le territoire. La cité
décline progressivement à partir de la fin du
IIe siècle pour être définitivement abandonnée
au début du Ve siècle. La nature reprend alors
possession du site.
Un nouveau musée à Vendeuil-Caply
Depuis sa création à Breteuil en 1961, le musée
a connu plusieurs statuts, bâtiments et dyna-
miques. La structure, appelée Musée archéolo-
gique de la région de Breteuil, est finalement
prise en charge en 1997 par la Communauté de
Communes des Vallées de la Brèche et de la
Noye (CCVBN) afin de développer une ambi-
tieuse politique culturelle, patrimoniale et
scientifique en milieu rural. Vingt ans de gesta-
tion aboutissent à la création en 2011 du Musée
archéologique de l’Oise installé à Vendeuil-
Caply, au plus près du site qui alimente ses
collections.
Le nouveau musée est installé dans un bâti-
ment original et moderne qui répond aux
normes Haute Qualité Environnementale, avec
son toit végétalisé et son chauffage géother-
mique, et constitue un véritable geste architec-
tural aux lignes épurées au milieu des champs.
La structure développe une programmation
annuelle d’expositions et une intense activité
pédagogique auprès des établissements sco-
laires du territoire. Son action scientifique
s’appuie sur ses collections propres mais éga-
lement sur celles du Centre de conservation et
d’étude (CCE) qu’elle accueille en collabora-
tion avec le Service régional de l’archéologie
(SRA).
Musée archéologique de l’Oise © Musée archéologique de l’Oise.
33
Un potentiel scientifique à explorer
Les collections du musée
Les collections du musée se composent princi-
palement de mobilier gallo-romain provenant
du site archéologique de Vendeuil-Caply.
L’ensemble du spectre des matériaux que l’on
trouve dans une agglomération de cette pé-
riode est présent : céramique, lapidaire, verre-
rie, métaux et matériaux organiques. Le musée
conserve également des vestiges issus de deux
nécropoles médiévales fouillées au Clos-de-
Vendeuil et aux Marmousets. Enfin, des arte-
facts préhistoriques provenant principalement
de prospections dans la région complètent les
collections. Environ 6000 objets constituent la
collection Musée de France. Complémentaire
de ce corpus, le matériel d’étude a fait l’objet
d’un inventaire détaillé en 2014 : le contenu de
587 caisses a pu être identifié et peut désor-
mais être étudié de manière plus détaillée par
des chercheurs.
Un CCE à développer
Le CCE de Vendeuil-Caply a pour vocation de
réunir le mobilier archéologique découvert
dans le Nord du département de l’Oise, de le
conserver, d’en assurer l’accessibilité aux cher-
cheurs et de diffuser les résultats de son étude.
On trouve dans ses collections du mobilier issu
des fouilles menées lors de travaux
d’aménagement comme ceux de l’autoroute
A16 ou de la ZAC de la Belle Assise à Oursel-
Maison.
Le fonctionnement du CCE sera formalisé en
2016 avec l’établissement d’une convention
avec le SRA Picardie. Un inventaire complet et
un chantier des collections seront par la suite
menés par l’équipe du musée afin d’être en
mesure de répondre aux futures demandes des
chercheurs. Les réserves pourront à terme
recevoir des versements de mobilier pour
l’instant conservé par l’Institut national de
recherches archéologiques préventives.
Un lieu dédié à la recherche archéologique
Le musée archéologique de l’Oise a été conçu
pour être un lieu d’accueil destiné aux cher-
cheurs avec la mise à disposition de la docu-
mentation la plus complète possible. Les spé-
cialistes et les étudiants peuvent accéder sur
place au mobilier archéologique mais aussi à
de nombreux documents de référence.
Le musée est doté d’un centre de documenta-
tion et d’un laboratoire pour l’étude du mobi-
lier archéologique. Il conserve cinquante ans
d’archives de fouilles (carnets, plans, photo-
graphies…) dont l’étude peut être croisée avec
celle du mobilier.
Bilan scientifique en 2015
Le musée, un acteur
La longue gestation du musée archéologique
de l’Oise a mis en suspens son activité scienti-
fique pendant plus de vingt ans. Quatre ans
après son ouverture, l’institution est désormais
suffisamment ancrée dans le paysage patrimo-
nial et culturel de Picardie pour se lancer dans
un programme de recherche sur ses collec-
tions. Ce travail passe dans un premier temps
par une importante campagne d’inventaire en
cours de réalisation grâce au soutien de la Di-
rection Régionale des Affaires Culturelles. Une
fois terminé, l’inventaire des collections sera
un précieux instrument pour l’équipe du mu-
sée comme pour les chercheurs.
Le musée continue par ailleurs de soutenir la
recherche de terrain sur le site archéologique
de Vendeuil-Caply, chantier-école de
l’Université de Picardie – Jules Verne. Une
campagne d’un mois réunit, tous les ans de-
puis 2008, une trentaine d’archéologues, che-
vronnés ou étudiants, pour approfondir nos
connaissances sur l’agglomération secondaire
gallo-romaine.
Le musée devient acteur en aval des fouilles
lorsqu’il prend en charge l’étude et la mise en
valeur scientifique du mobilier archéologique.
L’équipe du musée travaille depuis 2014 sur
un corpus de figurines en terre cuite gallo-
Chantier de fouilles de Vendeuil-Caply, 2015 © Musée archéolo-
gique de l’Oise.
34
romaines découvert en 2013 sur le site. Le ca-
ractère exceptionnel de cet ensemble tient à la
polychromie inédite conservée sur la surface
des objets. Leur étude est réalisée en collabora-
tion avec S. Talvas, docteur en archéologie
spécialiste du sujet, et une campagne de res-
tauration et d’analyses sur quatorze figurines a
pu être menée en collaboration avec le Centre
de Recherche et de Restauration des Musées de
France. Les conclusions de cette opération
permettront d’explorer le sujet encore inexploi-
té de la polychromie sur les « terres blanches ».
Plusieurs publications ont déjà présenté les
résultats intermédiaires des travaux en cours,
notamment dans Archéologia et dans la new-
sletter de The Association for Coroplastic Studies.
L’exposition 2015 du musée a permis de pré-
senter pour la première fois au public le corpus
et de le confronter à des œuvres prêtées par
onze musées, dont le Musée d’Archéologie
nationale.
Le musée, une ressource
Depuis 2015, le musée commence à jouer son
rôle de ressource pour la recherche avec no-
tamment l’accueil de F. Ferreira, doctorant de
l’université Paris-Sorbonne, pour l’étude du
lapidaire tiré des fouilles du grand théâtre de
Vendeuil-Caply, un matériel inexploité depuis
trente ans. Une collaboration a également été
mise en place avec le groupe de recherche sur
les meules. La structure s’ouvre par ailleurs
aux étudiants en mettant à leur disposition du
mobilier archéologique. Trois Masters 2 en
cours portent sur les collections de Vendeuil-
Caply.
Conclusion
La recherche est un des moteurs essentiels de
l’activité du musée archéologique de l’Oise et
nous avons pu faire avancer la compréhension
de ses collections au cours des dernières an-
nées. Fort de ces résultats, le musée va conti-
nuer de développer son activité scientifique
par la mise en place de partenariats. Des colla-
borations sont notamment lancées pour 2016
avec la Revue archéologique de Picardie, Das-
sault Systèmes et le musée Boucher-de-Perthes.
Tête de buste féminin en terre cuite polychrome, IIe siècle ap. J.-
C., Vendeuil-Caply ©F.-X. Bondois – Musée archéologique de
l’Oise.
35
La recherche en cours…
Guerres mondiales et
reconstruction
36
De D à G : Séverine Mordacq (Présidente de l’Historial), Sté-
phane Audoin-Rouzeau (Président du Centre de recherche, Jan-
Philipp Pomplun, Sarah Montin, Elodie Tamayo et Yasmina
Zian © Centre de recherche international de l’Historial.
Qu’est-ce que le Centre international de recherche de l’Historial de la
Grande Guerre ?
Caroline Fontaine, directrice, Centre international de recherche de l’Historial de la
Grande Guerre
Le Centre de recherche est une association (loi
1901) constituée en 1989 par les historiens con-
sultés dès 1988 par le Conseil général de la
Somme pour réfléchir à la façon d’expliquer et
de présenter la Grande Guerre dans le futur
Historial de la Grande Guerre. Ce groupe in-
ternational composé des meilleurs spécialistes
devait être le garant scientifique du musée, lui
conférer son rayonnement à travers le monde
et lui permettre une fois sa première réalisa-
tion achevée d’évoluer en fonction de la re-
cherche historique. Son comité directeur et son
conseil scientifique rassemblent aujourd’hui
plus de 80 historiens.
Cette association est une institution indépen-
dante, mais son action est étroitement coor-
donnée avec toutes les activités de l’Historial
dans lequel elle est installée.
Il a contribué à renouveler profondément
l’historiographie de la Grande Guerre.
Les actions habituelles du Centre sont :
de réunir des colloques internationaux, no-
tamment : Guerre et cultures 1914-1918
(1992), Mobilizing for Total War, Society and
State in Europe, 1914-1918, Trinity College
Dublin (Juin 1993), Les entrées en guerre de
1914 (juillet 1994), La Bataille de la Somme
(1996), Archéologie et Grande Guerre (1998),
11 novembre 1918 : Arrêter la guerre (no-
vembre 1998), La violence de guerre (avec
l’IHTP, Cachan mai 1999), Versailles 80 ans
après (Université de Düsseldorf, juin 1999),
Choc Traumatique et Histoire culturelle (1999),
Dix ans d’histoire culturelle de la guerre (juillet
2002), Histoire culturelle de la Grande Guerre
(2004), Grande Guerre et violences extrêmes : le
tournant de 1915 (2005), Musique et Grande
Guerre (2007), Les chiffres de la mort, Dans la
guerre : Accepter, endurer, refuser (2008), Ar-
chéologie et conflits armés – XIXe-XXe Siècles
(2008), Archéologues et historiens faces aux
vestiges des guerres (Mémorial de Caen,
2008), Grande Guerre et Justice (Blois, 2009),
Les gaz de combat pendant la Grande Guerre
(2010), Guerres futures, guerres imaginées: vers
une histoire culturelle de l’avant-1914 (2011),
Débuts, commencements, initiations : les pre-
mières fois de la Grande Guerre (2014) ;
d’attribuer des bourses de recherche à des
étudiants préparant des thèses de doctorat ;
environ 200 étudiants ont reçu une aide fi-
nancière pour mener à bien leur travaux.
Cette année les lauréats 2015 sont :
- Romain Fathi, On the other side of the mirror:
Villers-Bretonneux and Australian national
identity from 25 april to today, Sciences Po-
Paris: Guillaume Piketty, Of Queensland
Australie: Prof. Martin Crotty;
- Jan-Philipp Pomplun, German Freikorps :
Social history and continuities of (para)-
37
Salle comble à Blois. Gerd Krumeich, Laurence Van Ypersele, S.
Audoin-Rouzeau, John Horne, Nicolas Werth © Centre de
recherche de l’Historial de la Grande Guerre.
military violence between Great War, Repub-
lic and National Socialism, Center for Re-
search on Antisemitism at the Technical
University of Berlin;
- Yasmina Zian, Immigrés juifs en Belgique :
influence de la Grande Guerre sur leur par-
cours, Michael Grüttner, Wolfgang Benz
Technische Univ. Berlin ;
- Elodie Tamayo, "Les évangiles de lumière"
d'Abel Gance (1916-1952) : un ensemble de
projets mystiques cristallisés par la Grande
Guerre, Université de Paris 3, Laurent Ve-
ray ;
- Sarah Montin, La poésie à l'épreuve de la
guerre (1914-?) : Les war-poets et l'échec du
poème, Université de Paris IV Sorbonne,
Pascal Aquien.
de publier des ouvrages :
La revue : 14-18 : Aujourd’hui, Today, Heute :
n°1 Pour une histoire religieuse de la guerre, 1998 ;
n°2 : L’archéologie de la Grande Guerre, 1999 ;
n°3 : Choc traumatique et Histoire culturelle,
2000 ;
n°4 : Marginaux, Marginalité, Marginalisation,
2001 ;
n°5 : Démobilisations culturelles après la Grande
Guerre, 2002 ;
n°6 : Le sabre et l’éprouvette, l’invention de la
Science en guerre 1914-1939, 2003 ;
et notamment :
- Becker J.J., Winter J., Krumeich G.: Guerre et
Cultures 1914-1918, Armand Colin, 1994 ;
- Le centre de recherche de l’Historial de Pé-
ronne : 14-18 La très Grande Guerre, Le Monde
éditions, 1994 ;
- Audoin-Rouzeau S., Becker J.J. (dir.) :
l’Encyclopédie de la Grande Guerre, Bayard, 2004,
Becker J.J. (dir) : Histoire culturelle de la Grande
Guerre, Armand Colin, 2005 ;
- Les Collections de l’Historial de la Grande Guerre,
Somogy, 2008 ;
- Vers la guerre totale, le tournant de 1914-1915,
dir. John Horne, Tallandier, 2010 ;
- Guerres futures, guerres imaginées: vers une
histoire culturelle de l’avant-1914, Francia, 2013
La Première Guerre mondiale, dir. Jay Winter,
Fayard, 2013 et 2014;
- Cambridge History of the First World War, Jay
Winter, Cambridge University Press, 2014
(traduction en chinois à venir);
- Dans la guerre (1914-1918), Accepter endurer
refuser, Les belles lettres, 2014.
d’organiser tout au long de l’année des
conférences par les meilleurs spécialistes
sur des thèmes très divers dans le but de
transmettre les acquis de la recherche
scientifique au grand public ; cette année :
● Dimanche 26 avril 2015, 15h : Commémorer,
étudier, enseigner le génocide des Arméniens. Vin-
cent Duclert, conférence, Historial ;
● Samedi 16 mai 2015, 15h : 1915 : un tournant
pour la Russie en guerre ? Alexandre Sumpf,
conférence, Historial ;
● Samedi 6 juin 2015, 17h : Une expédition colo-
niale ? L’expérience des soldats français aux Dar-
danelles, John Horne, conférence, Historial ;
● Samedi 19 septembre 2015, 15h : Raoul Dufy,
un artiste dans la Grande Guerre, conférence,
Marie-Pascale Prévost-Bault, Historial ;
38
De g. à d. : Philippe Prost, Annette Becker, Jean Lebrun
© Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre.
● Dimanche 11 octobre 2015 : Fin ou transforma-
tion ? Les empires dans l’ère de la Grande Guerre,
Table ronde aux Rendez-vous de l’Histoire de
Blois ;
● Mercredi 11 novembre 2015, 15 h, une table
ronde : L'anneau de la mémoire de Notre-Dame-
de-Lorette en présence de son architecte Phi-
lippe Prost et des historiens : Annette Becker,
John Horne, Gerd Krumeich, animée par Jean
Lebrun (France Inter : La marche de l'histoire).
Outre d’être les conseillers scientifiques de
certaines des expositions de l’Historial ainsi
que de sa rénovation, ce sont les historiens du
Centre qui ont pour l’essentiel réalisé l’audio-
guidage trilingue du musée et le catalogue de
l’exposition permanente : Les collections de
l’Historial de la Guerre.
Comité directeur :
Monsieur Stéphane Audoin-Rouzeau (prési-
dent), directeur d’étude, EHESS ;
Madame Annette Becker (vice-présidente),
professeur à l'Université de Paris Ouest Nan-
terre la Défense, IUF ;
Monsieur Gerd Krumeich (vice-président),
professeur émérite de l'Université de Düssel-
dorf, Historishes Seminar II, Heinrich- Heine-
Universität Düsseldorf ;
Madame Anne Rasmussen (bureau), Universi-
té de Strasbourg I, LESVS ;
Monsieur Jay Winter, (vice-président), profes-
seur à l’Université de Yale ;
Monsieur Nicolas Beaupré, Université Blaise
Pascal, Clermont Ferrand, IUF ;
Monsieur Jean-Jacques Becker, (président
d’honneur), professeur émérite de l'Université
de Paris X-Nanterre ;
Madame Annie Deperchin, Centre d’Histoire
Judiciaire – Université de Lille II ;
John Horne, Trinity College, Dpt of History;
Madame Heather Jones, lecturer in Interna-
tional History, Department of International
History, The London School of Economics and
Political Science;
Monsieur Philippe Nivet, professeur à
l’Université de Picardie Jules Verne ;
Madame Laurence Van Ypersele, Université de
Louvain la Neuve ;
Monsieur Arndt Weinrich, Institut historique
allemand et responsable de la section "Pre-
mière guerre mondiale" ;
Caroline Fontaine (directrice), Historial de la
Grande Guerre.
39
La reconstruction d’Amiens à partir de 1940 : questions de méthode
Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, CRAE / Université de Picardie
Jules Verne
Projet précoce et ambitieux, la reconstruction
d’Amiens à partir de 1940 demeure un sujet
peu exploré ; les archives disponibles sont
pourtant très riches. Nonobstant son indéniable
vocation pluridisciplinaire, c’est sous l’angle
architectural et urbain que nous entendons le
traiter. La reconstruction d’Amiens est à la fois
une aventure professionnelle – elle met à
l’épreuve plusieurs dizaines d’architectes
amiénois et parisiens – et un enjeu théorique.
Or la présence d’Auguste Perret ne saurait
cacher le choix d’une variété de formes et de
matériaux, qui marquent aujourd’hui la struc-
ture du centre-ville. Dans les faubourgs, la mise
au point d’un habitat individuel à faible coût
est le prélude à un pavillonnaire qui se déve-
loppera deux décennies plus tard. Il convient
dès lors de mener l’étude systématique, îlot par
îlot, de cette reconstruction.
Repères
Le plan de reconstruction d’Amiens fait partie
des tout premiers établis en France après la
défaite de mai 1940. Il est confié après con-
cours à un jeune Grand Prix de Rome, Pierre
Dufau (1908-1985), qui dirigera par la suite
l’une des plus importantes agences du pays.
De la première esquisse d’octobre 1940 aux
dernières modifications apportées au plan en
1947 et 1949, les propositions de l’architecte
évoluent sans que l’essentiel soit pour autant
remis en cause : nouveaux axes de circulation,
remembrement parcellaire, marquage du
centre-ville par des architectures ordonnan-
cées, trois des principes fondateurs du plan de
1940 seront préservés.
La mutation la plus spectaculaire est le remo-
delage foncier de la ville : modernisé avec par-
Le centre reconstruit d'Amiens depuis les tours de la cathédrale. © Simon Texier.
40
cimonie jusqu’au XXe siècle, le tissu médiéval
d’Amiens présente un parcellaire très forte-
ment découpé, dont la conséquence est une
voirie comparable à celle de Lyon. Intervenant
sur un périmètre de 162 hectares, Pierre Dufau
s’attèle ainsi au remembrement de 184 îlots
regroupant à l’origine 3 605 parcelles. Si le
nombre d’îlots demeure inchangé ou presque
(172), celui des parcelles sera quasiment divisé
par trois (1 340). Pour ce faire, Dufau impose
une règle simple : aucune construction ne doit
présenter une largeur de façade inférieure à 7
mètres. Tandis que les faubourgs d’Amiens ont
préservé leur parcellaire étroit et profond, le
centre-ville se distingue par la largeur de son
bâti et l’ampleur de ses espaces publics, qui
ont doublé de surface.
Ces derniers étaient au cœur du premier projet
Dufau, qui prévoyait un système de places
reliant les principaux édifices épargnés de la
destruction. Largement revue à la baisse, cette
ambition monumentale survit au moyen de
compositions architecturales : la plus impor-
tante, la place Alphonse-Fiquet, est confiée à
Auguste Perret, tandis que Paul Tournon est
chargé des abords de la cathédrale avant de se
voir confier la place Branly, au carrefour des
routes de Paris et de Rouen. La place Gambetta
est réalisée par J.-M. Lafond, Pierre Dufau se
réservant la place au Fil, autour du Beffroi. Ce
dispositif sera amplifié avec l’ordonnance de la
place de l’Hôtel-de-Ville qui, en se prolongeant
avec les immeubles des rues de Beauvais et
Duméril, constitue un ensemble d’une grande
cohérence. Enfin, le groupe des ISAI (im-
meubles sans affectation immédiate) Faid-
herbe, réalisé sous la direction de Paul Sirvin,
participe également, à la lisière du centre-ville,
à la construction d’une nouvelle identité ur-
baine.
Le patrimoine architectural issu de la Recons-
truction ne se limite ni à ces opérations de
prestiges, ni au centre-ville. Le plan Dufau est
le prélude à de nombreuses reconstructions
d’îlots, au sein desquelles des écritures très
différentes se sont exprimées. En 1945, Pierre
Dufau s’exprimait avec assurance sur ce point :
« Je serai catégorique. Nous n’entendons im-
poser aucun style ni aucune technique aux
deux cents architectes d’exécution qui seront
désignés. Je suis personnellement pour un
éclectisme complet, et je vois fort bien chaque
architecte de secteur bâtir à son goût en pierre,
en brique ou en ciment, en style moderne ou
en style picard. De tels voisinages ne me gê-
nent nullement. Il est bien entendu, toutefois,
que nous interdirons les crépis de couleurs et
les maquillages de faux bois14. »
Place René-Goblet et rue des Trois-Cailloux,
Marc Saltet coordonne ainsi le travail de plu-
sieurs architectes d’opération avec le souci
évident d’introduire une variété de styles, sans
aucun régionalisme. Dans le faubourg de Hem,
le groupe Château-Milan (Arduin et Bazin,
Douillet et Saltet) frappe au contraire par son
unité, tout comme l’îlot A contigu au Jardin
des plantes (Antoine et Saltet), dont la compo-
sition et l’échelle annoncent déjà l’architecture
des grands ensembles. Le délégué à la Recons-
truction de la Somme, Yves Cazaux, qui de
l’aveu des Amiénois a joué un rôle humain et
technique de premier plan, rendra hommage
aux architectes en chef et à leur sens de la
coordination – si en l’occurrence Pierre Dufau,
secondé sur place par son frère André, coor-
donne une grande partie du travail, c’est An-
dré Leconte qui, officiellement, est chargé de la
direction architecturale.
14 Pierre Dufau, propos recueillis par Louis Ché-
ronnet et Georges Pillement, « Reconstruction de la
France : Amiens », Paris, les Arts et les Lettres, 5 dé-
cembre 1945, p. 2.
41
Orientations
La contribution d’Auguste Perret est bien con-
nue et documentée15, mais la plupart des
autres édifices ou îlots n’ont jamais fait l’objet
d’études monographiques. Les archives de
Pierre Dufau, conservées à la Cité de
l’architecture et du patrimoine, sont en cours
de classement et contiennent de nombreux
dossiers, qui documentent à la fois la contribu-
tion de l’architecte et urbaniste lui-même, mais
aussi la reconstruction de nombreux îlots. Une
étude de ces dossiers a été déjà été réalisée et
doit être complétée par une recherche aux
archives municipales, où sont conservés les
dossiers de permis de construire. Le cas parti-
culier des ISAI Faidherbe fait quant à lui l’objet
d’un mémoire de master à l’UPJV et impose,
du fait de son mode de financement par le
ministère de la Reconstruction et de
l’Urbanisme, des recherches spécifiques dans
le fonds MRU. Ce dernier comprend une do-
cumentation photographique très importante,
qui permet d’analyser dans le détail le chantier
de certains bâtiments.
Au terme d’une enquête qui nécessite la con-
tribution d’étudiants et de jeunes chercheurs,
la reconstruction d’Amiens est un sujet qui
peut à l’évidence devenir le support d’une
exposition, rassemblant des documents de
grande qualité artistique et d’une grande va-
leur historique.
Bibliographie
Simon Texier, « Amiens : la naissance du style
Reconstruction », AMC - Le Moniteur Architecture,
n° 240, mars 2015, p. 61-68).
15 Joseph Abram, « Auguste Perret, 1942-1954. His-
toire d’un vrai projet urbain : la place de la gare à
Amiens », AMC, n° 104, février 2000.
42
Anne Morgan et Anne Murray Dile © RMN-Grand Palais
(Château de Blérancourt) - René-Gabriel Ojéda
Le Musée franco-américain du château de Blérancourt, un musée transa-
tlantique
Mathilde Schneider, conservateur du patrimoine, Musée franco-américain de Blérancourt
Née en 1873, Anne Morgan est la troisième fille
du richissime banquier et collectionneur John
Pierpont Morgan. Entourée de ses frères et
sœurs, elle grandit dans les hautes classes de la
société américaine francophiles et franco-
phones, et dès son enfance fait montre d’une
sensibilité accrue aux questions sociales no-
tamment par le biais des œuvres de charité de
la paroisse Saint George de New York. A partir
des années 1900, Anne Morgan fait son appari-
tion dans la vie mondaine new yorkaise
comme au Bradley Martin Ball de 1897 par
exemple, habillée en Pocahontas, alors que son
père vient de commander des portraits
d’amérindiens au grand photographe Edward
Curtis. En réalité, Anne Morgan reste une per-
sonnalité à part et marque rapidement sa vo-
lonté de sortir des sentiers battus et de sa des-
tinée toute tracée. Dès 1903, elle devient tréso-
rière du Colony Club de New York, premier
club spécifiquement féminin puis s’investit
dans la lutte pour les classes ouvrières en visi-
tant les quartiers pauvres de Chicago en 1906
et en prenant part à la grève des ouvrières des
chemiseries en 1908 et des mineurs de Penn-
sylvanie en 1910. En 1912, elle participe à la
création de la Society for prevention of Useless
giving avant de publier The American girl en
1915 dans lequel elle manifeste son intérêt
pour le temps personnel et les loisirs des tra-
vailleuses, fil rouge de l’ensemble de son ac-
tion. A partir de 1907, Anne Morgan réside
régulièrement en villégiature chez ses amies
Elizabeth Marbury et Elsie de Wolfe à leur
villa Trianon de Versailles où elle rencontre
d’autres amazones américaines à Paris comme
Gertrude Stein, Nathalie Barney ou Romaine
Brooks. Lorsque la guerre éclate, elle est en
Savoie mais rallie très vite Paris avant de se
rendre sur les champs de bataille de la Marne
et d’ouvrir sa résidence versaillaise aux blessés
de guerre. Dès 1915, elle lève des fonds pour
une organisation dont elle devient la trésorière,
l’American For the French Wounded qui four-
nit les hôpitaux et les ambulances en matériel
médical et envoie des colis aux soldats. A par-
tir de 1917, Anne Morgan crée une section
civile de l’AFFW pour se dédier à l’aide aux
populations de l’arrière qui pâtissent grave-
ment des combats notamment dans la région
du front. Elle unit alors ses forces à Anne Mur-
ray Dike, médecin américaine qui devient la
cheville ouvrière de l’organisation en France.
Ainsi début juillet 1917, Anne Morgan, Anne
Murray Dike et huit autres volontaires de
l’AFFW débarquent à Blérancourt sur les re-
commandations du Général Pétain, qui avait à
43
l’époque son QG à Compiègne. Les Allemands
viennent de se replier au Nord et les volon-
taires peuvent ainsi installer sur la terrasse du
château des baraques militaires, type baraque
Adrian, et commencer à transposer le système
de réseau automobile de Paris dans l’Aisne.
Lors de la deuxième offensive allemande, les
volontaires américaines aident les populations
à évacuer le village avant de revenir fin 1918
sous le nom de Comité Américain pour les
Régions Dévastées (CARD). Dans cette région
dévastée à environ 90 % et qualifiée de « zone
rouge », considérée comme infertile car truffée
d’obus, la reconstruction commence donc par
le nettoyage des champs et des sols, aidée en
partie par des Poilus de l’armée française et
des soldats britanniques et américains. Mais
Anne Morgan ne s’arrête pas à une remise en
culture et à une reconstruction architecturale,
elle souhaite véritablement faire renaître ce
territoire de ses cendres. Pour ce faire, elle
établit dès 1919, quatre autres centres à Anizy,
Coucy le château, Vic sur Aisne et Soissons, ce
qui permet au CARD, grâce aux Ford T impor-
tées des Etats Unis, de desservir 130 villages,
pour aller au plus près des populations. Les
nouvelles recrues, en plus d’avoir les moyens
de financer leur voyage, doivent quant à elles
savoir parler français, avoir leur permis de
conduire et surtout le goût de l’aventure et de
l’engagement civique. Soucieux de l’autonomie
des populations, le CARD réalise d’abord des
distributions gratuites de biens de premières
nécessités puis les vend à bas prix. Nul impé-
rialisme culturel non plus dans l’organisation
de fêtes et de jeux traditionnels comme le tir à
l‘arc ou les jeux de boules picardes, ni dans les
ouvrages pour enfants proposés dans les bi-
bliothèques adaptées à ce nouveau lectorat.
S’alliant également à d’autres organisations
comme la Croix rouge américaine ou
l’American Women Hospital, le CARD a à
cœur de recruter des professionnels qui peu-
vent à leur tour former des femmes de la ré-
gion afin de pérenniser leur action. Qu’il
s’agisse de soins médicaux, d’éducation phy-
sique ou de bibliothèques, des professionnelles
américaines sont sollicitées afin de répondre
aux demandes et transmettre leurs compé-
tences. Enfin, œuvrant pour la cause féminine,
le CARD ouvre certaines activités aux jeunes
filles comme le basket, le saut en hauteur, la
course de vitesse ou le scoutisme. Grâce à un
système de communication d’avant-garde via
des albums photographiques, des films et de
très nombreuses brochures, Anne Morgan a
également réussi à lever des financements
pour le CARD pendant sept ans avant de lé-
guer ses œuvres aux différentes municipalités.
En 1939, Anne Morgan revient à Blérancourt
pour fonder le Comité américain de secours
aux civils afin d’aider les populations fran-
çaises à évacuer vers le centre de la France.
Lorsqu’elle décède en 1952, Anne Morgan est le
sujet de nombreuses commémorations à Blé-
rancourt mais aussi à Paris où une plaque est
posée aux Invalides en son honneur, en recon-
naissance de son œuvre et de sa générosité.
Car en effet, outre les foyers sociaux et les bi-
bliothèques données aux villes, la création de
l'Association d'Hygiène Sociale de l‘Aisne,
devenue Association Médico-Social Anne
Morgan et qui emploie toujours 400 soignants
à domicile dans le Soissonnais, Anne Morgan a
créé puis fait don à la ville du musée de la
coopération franco-américaine en 1924. Deve-
nu musée national en 1930, le château de Blé-
rancourt héberge aujourd’hui environ 13 000
objets sur les relations franco-américaines et
fait l’objet d’une importante rénovation et ex-
tension. Le projet muséographique mis en
scène par le studio Adrien Gardère fait la part
belle à trois thématiques : les Idéaux, les
Epreuves et les Arts. En premier lieu, la France
et les États-Unis se sont retrouvés autour de
valeurs philosophiques communes qui ont
guidé les deux révolutions - américaine et
française -, et de valeurs civiques comme la
liberté et l’égalité lors de la création de la Nou-
44
Château de Blérancourt © Mathilde Schneider
Musée de Blérancourt © Ateliers Lion
Exposition itinérante du Musée de Blérancourt © Mathilde
Schneider
velle-France puis de l'abolition de l'esclavage.
Des conflits ont également vu les États-Unis et
la France se battre côte à côte : la guerre
d'Indépendance des Etats-Unis notamment et
les deux Guerres mondiales ainsi que la guerre
froide. Enfin, le domaine artistique témoigne
également d’influences réciproques entre ar-
tistes français et américains avec des artistes
tels que John Singer Sargent, Childe Hassam
ou Calder.
Aujourd’hui, et en attendant la réouverture du
musée à l’automne 2016, les collections sont
valorisées hors-les-murs dans le cadre de
l’exposition Anne Morgan, American women
rebuilding France qui présente des photogra-
phies dans diverses villes aux Etats-Unis de-
puis 2010, ou de l’exposition pédagogique
Anne Morgan, une pionnière de l’humanitaire dans
la Grande guerre à destination des collèges et
lycées, ainsi que de la mise en ligne des films
du CARD. Depuis novembre 2014, le circuit
Sur les pas d’Anne Morgan relie les villes des
cinq centres du CARD grâce à un livret, une
application mobile et des totems afin de mon-
trer aux visiteurs l’héritage du CARD encore
présent de nos jours. Enfin, le programme des
expositions met également en valeur cette his-
toire transatlantique avec le centenaire de
l’engagement américain dans la Première
Guerre mondiale en 2017, le centenaire du
CARD en 2018, un focus sur le Western comme
passion française en 2019, et la présence artis-
tique américaine à Paris en 2020.
Ainsi, depuis près d’un siècle, le musée Fran-
co-américain du château de Blérancourt valo-
rise les regards croisés entre France et États-
Unis et diffuse cette histoire transatlantique
grâce à ses collections riches et variées offrant
ainsi de nombreuses perspectives d’études et
de recherches.
45
Collection de l’Historial © Historial de la Grande Guerre
Aborder autrement l’histoire culturelle de la Grande Guerre à l’Historial
Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice en chef du patrimoine, Historial de la Grande
Guerre
Musée départemental et Musée de France,
l’Historial de la Grande Guerre est riche de
collections diversifiées liées à la recherche en
histoire et se nourrissant d’elle. Le principe à
l’origine de sa création (1992) –L’histoire au-
trement- consistait à montrer la première
guerre mondiale comme «un phénomène so-
cial, global et quotidien » pour les sociétés
allemandes, britanniques et françaises. Cette
histoire culturelle repose aujourd’hui sur plus
de 65 000 objets et documents « de guerre et
pour la guerre ».
Le Centre de documentation du musée, ou-
vert à tous, permet la consultation, non seule-
ment des ouvrages de la bibliothèque (5800
ouvrages, catalogues, mémoires universi-
taires…) mais aussi des ressources variées du
musée. L’interrogation de la base de données
du musée permet d’accéder à des références
axées sur des thèmes variés, propres à déter-
miner l’histoire matérielle de la Grande
Guerre, celle des comportements collectifs et
des pratiques individuelles.
Outre le domaine militaria attendu (uniformes,
armes, accessoires….), différents fonds impor-
tants d’imprimés permettent une étude des
sociétés en guerre : presse (nationale, régio-
46
Centre de documentation © Historial de la Grande Guerre
nale, étrangère), journaux de tranchées, af-
fiches illustrées, cartes postales, partitions de
chansons, documents liés à l’économie de
guerre…. Le fonds beaux-arts, riche de très
nombreux estampes, gravures, tableaux, des-
sins et sculptures, comporte quelques
exemples de la production liée à l’avant-garde
dont la série « Der Krieg » d’Otto Dix en est le
fleuron.
Le fonds des manuscrits regroupe des corres-
pondances de soldats ainsi que des autographes
d’écrivains et de personnalités. La section jeux
et jouets offre une illustration de la « mobilisa-
tion » des enfants dans une guerre qui dure et
qui implique l’ensemble de la nation.
Le thème des relations entre le front et l’arrière
(le Home front) peut être abordé à travers des
archives relatives à des soldats issus de diffé-
rentes catégories socio-professionnelles : ma-
gistrat, avocat, musicien, journaliste ….A partir
du croisement entre les fonds « papiers » et
différents types d’objets, l’histoire des mentali-
tés offre de larges possibilités, comme par
exemple celles d’aborder de façon originale les
thèmes suivants : Croire, Combattre, Subir,
Occuper… Les objets artisanaux ornés de re-
présentations, les illustrations révèlent
l’adhésion des esprits à l’effort de guerre. Les
manuscrits et objets-souvenirs des prisonniers
de guerre, des blessés, rappellent les souf-
frances endurées et peuvent se comparer aux
objets liés à l'occupation des départements
envahis (dont les tissus manuscrits transmis à
l’insu de l’occupant, un morceau de pain …).
Il faut y ajouter quelques ressources permet-
tant d’illustrer des thèmes plus difficiles à re-
présenter : la mort (annoncée ou inscrite dans
un processus de deuil parfois impossible du
fait de la disparition du corps), l’amour (la
séparation dans l’histoire intime).
Pour de tels sujets, l’Historial de la Grande
Guerre de Péronne, en tant que lieu privilégié
d’initiation, peut aider le chercheur vers une
approche plus précise et plus personnalisée,
axée sur l’interrogation des sources liant His-
toire/mémoire/recherche, sans oublier le com-
paratisme lorsque cela est possible et pour une
recherche plus dynamique et concrète, la dé-
couverte de l’objet lui-même.
La conservation du musée peut aussi accueillir
un stagiaire en Master d’histoire contempo-
raine ou de mise en valeur des biens culturels,
pour un apprentissage privilégiant l’étude du
traitement des fonds patrimoniaux dans leur
diversité, leur complexité et leur incroyable
richesse. Le personnel de la conservation du
musée est à la disposition de tous les étudiants
et chercheurs : [email protected]
47
Reconstruction de la rue Saint-Vulfran depuis le parvis de la
collégiale en 1951 (AC Abbeville ; PHNB 1291)
© Ville d’Abbeville / Archives municipales.
Vincent Auriol, Président de la République, posant la première de
la reconstruction d'Abbeville le 8 mai 1848 sur le parvis de la
collégiale Saint-Vulfran (AC Abbeville ; fonds Max Lejeune)
© Ville d’Abbeville / Archives municipales..
Les reconstructions à Abbeville
Léo Noyer-Duplaix, chercheur, Service du patrimoine d’Abbeville
Depuis janvier 2015, un inventaire du patri-
moine d'Abbeville est conduit dans le cadre
d'une convention entre la région Picardie et la
ville d'Abbeville. Il s'agit de comprendre l'his-
toire de la cité à travers une approche spatiale
et une analyse urbanistique. Compte-tenu de
l'état de l'art et des enjeux scientifiques de
l'étude, trois problématiques ont été définies
afin de décrire et d’analyser les principaux
enjeux urbains : ville et eau qui interroge la
place de l'eau dans l'évolution de la morpholo-
gie urbaine, centralités et périphéries qui ques-
tionne, sur le temps long de l'histoire, les
échelles et les interfaces de la ville, et recons-
tructions qui porte sur les destructions mas-
sives liées aux hostilités du XXe siècle qui en-
gendrèrent une transformation radicale du
tissu urbain abbevillois.
De la Grande Guerre, Abbeville subit des
bombardements aériens qui touchèrent no-
tamment les places de l'Amiral Courbet et
Sainte-Catherine, ainsi que l'avenue de la gare.
La première reconstruction qui s'en suivit fut
en partie détruite lors de la seconde guerre
mondiale, tandis que les édifices épargnés ne
sont pas documentés aujourd'hui, les connais-
sances sur l'architecture et l'urbain de cette
période étant lacunaires.
L'anéantissement du centre ancien le 20 mai
1940 – Abbeville fut l'une des cinq villes du
Nord les plus détruites, la plus sinistrée après
Dunkerque – engendra deux phases de recons-
truction. François Loyer16, Gérard Monnier17
ou Jacques Lucan18 n'hésitent d'ailleurs pas,
pour cette période, à désigner deux reconstruc-
tions différentes. Ainsi, pour ces historiens, la
première reconstruction fit suite à la Grande
Guerre, la deuxième débuta sous l'Occupation
16Loyer, François. Histoire de l'architecture française.
Tome 3, de la Révolution à nos jours. Paris : Mengès,
Centre des monuments nationaux, 2006, p. 316-317. 17Monnier, Gérard. L'architecture en France, une histoire
critique. 1918-1950. Architecture, culture, modernité.
Paris : Ph. Sers, 1990, p. 353-370. 18Lucan, Jacques. Architecture en France (1940-2000).
Histoire et théorie. Paris : Le Moniteur, 2001, p. 17-57.
en 1940, et la troisième à la Libération. S'agis-
sant d'Abbeville cette classification paraît peu
pertinente, tant les étapes de reconstruction
suivant le second conflit mondial sont entre-
mêlées. Plus globalement, comme l'a montré
Danièle Voldman19, ni le ministère de la Re-
construction et de l’Urbanisme (MRU), ni la
législation urbaine, ni les nouveaux procédés
de constructions, ni l’évolution des professions
ne furent des créations ex nihilo effectuées à la
19Voldman, Danièle. La reconstruction des villes
françaises de 1940 à 1954 Histoire d’une politique. Paris,
Montréal : l'Harmattan, 1997.
48
Le centre reconstruit depuis l'hôtel de ville vers le nord dans les
années 1970 (AC Abbeville ; PHNB 1361) © Ville d’Abbeville /
Archives municipales.
Libération. Les moyens mis en œuvre afin de
reconstruire le pays au lendemain de la se-
conde guerre mondiale, furent l’aboutissement
d’un long processus qui fut initié après la
Grande Guerre, poursuivi dès son installation
par le régime de Vichy et enfin confirmé par le
Gouvernement Provisoire de la République
Française (GPRF) puis par la IVe République.
Par conséquent, la rupture politique menée à la
Libération s’estompe dans le domaine de la
reconstruction et de la construction. Cette con-
tinuité historique se manifesta à Abbeville à
travers la figure de Jacques Gréber. Auteur de
travaux d'urbanisme à Abbeville pendant
l'entre-deux-guerres, l'architecte s'attela dès
1940 à l'élaboration d'un plan de reconstruc-
tion, qui fut poursuivi et partiellement réalisé à
la Libération. Cette seconde reconstruction
s'effectua dans un cadre réglementaire radica-
lement différente de la première. Tandis qu'au
lendemain de la Grande Guerre, la re-
construction fut individuelle – la loi du 17 avril
1919 n’accordait à l’État qu’un rôle de bailleur,
laissant une large autonomie aux sinistrés –,
celle qui débuta en 1940 fut placée par le ré-
gime de Vichy dans la tradition jacobine d’une
grande centralisation. Cette volonté de con-
trôle étatique était due non seulement au ca-
ractère autoritaire du régime, mais aussi aux
leçons tirées des échecs de la reconstruction
précédente. À la Libération, le GPRF puis la
IVe République reprirent le dispositif législatif
et institutionnel mis en place sous l'Occupa-
tion, mais conscients des erreurs commises, il
fut réformé. L'instrument politique de cette
seconde reconstruction fut le remembrement,
qui supprima les anciennes divisions parcel-
laires pour en créer de nouvelles dans le cadre
d'un chantier global contrôlé par l'État.
Le plan Gréber pour la reconstruction d'Abbe-
ville témoigne ainsi de cette continuité entre
les deux phases de reconstruction, la rupture
n'étant intervenu qu'en 1950-1951, lors des
visites du Ministre de la reconstruction et de
l'urbanisme, Eugène Claudius-Petit (1907-
1989). Trouvant le parti de Gréber trop oné-
reux, il fit appel à Clément Tambuté pour
l'élaboration d'un nouveau plan. Le nouvel
architecte se détacha du style Gréber – qui
amalgamait beaux-arts et régionalisme – pour
une simplification des formes. Aujourd'hui les
réalisations de Gréber et de Tambuté cohabi-
tent dans la ville, et parfois même se font face
comme dans le rue Lesueur. La seconde re-
construction abbevilloise représente ainsi au-
jourd'hui un patrimoine représentatif de cette
période complexe de l'histoire urbaine.
49
La sucrerie d’Eppeville construite par l’architecte Georges Lisch en 1922 incarne la concentration des capitaux issus des dommages de
guerre pour la création d’un outil de production jamais égalé jusqu’alors © Région Picardie - Inventaire généra,/ cliché T. Lefébure.
Le patrimoine industriel de la première Reconstruction en Picardie
Bertrand Fournier, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région
Picardie
En Picardie, lorsque le patrimoine industriel a
commencé à être étudié, il l'a été essentielle-
ment sous l'angle des moteurs hydrauliques,
c'est à dire des moulins et de leur roue à aubes.
Toutefois, recenser les moulins et leur type de
roue pouvait s'avérer insuffisant pour appré-
hender le phénomène d'industrialisation d'une
vallée. Pour la vallée du Thérain (Oise), après
un premier inventaire réalisé au milieu des
années 1980, une seconde étude fut menée, en
2007, mettant davantage les sites industriels en
lien par rapport aux autres et en dégageant
ainsi une problématique propre au territoire.
De même, la notion de repérage du patrimoine
industriel qui avait été menée dans les années
1980 et 1990 répondait à des exigences de con-
naissance rapide de sites industriels, souvent
menacés de destruction dans un paysage éco-
nomique en pleine mutation, et à un objectif de
couverture globale du territoire, avec des ins-
truments d'analyse partout identiques.
Depuis quelques années, cette couverture sys-
tématique du territoire, canton par canton, est
abandonnée au profit d'études problématisées.
C'est le cas avec l'étude qui a été engagée sur la
Reconstruction industrielle après la Grande
Guerre. Cette étude ne s'intéresse pas seule-
ment au phénomène historique et à ce secteur
particulier qui fut considéré comme prioritaire
dans la reconstitution et le redressement de la
France. Elle s'intéresse aux productions archi-
tecturales de cette période si singulière, qui
50
Le tissage Tripette de Sailly-Saillisel, construit en 1923, était un
ensemble architectural d’une remarquable qualité, qui a pourtant
été détruit en 1995 © Région Picardie - Inventaire général, cliché
B. Fournier.
aujourd'hui participent de l'identité de certains
des territoires de la région, revêtant ainsi un
caractère patrimonial, même si cela ne va pas
encore complètement de soi.
Outre son intérêt scientifique, l'intérêt opéra-
tionnel de cette étude doit aussi permettre, par
une meilleure connaissance de ce patrimoine,
sa prise en compte dans les décisions d'amé-
nagement du territoire ou de valorisation tou-
ristique.
La première spécificité de l'étude consacrée au
patrimoine industriel de la Première Recons-
truction est qu'elle s'inscrit dans une étude
d'inventaire plus large consacrée à l'architec-
ture et au patrimoine généré et légué par le
premier conflit mondial en Picardie. Néan-
moins, elle fait l’objet d’une approche spéci-
fique pour plusieurs raisons. La première est
liée à la richesse même du sujet. Une autre
raison, plus importante sans doute, tient au fait
qu'on a souhaité souligner de cette manière le
contexte qui accorda à l'économie -et donc de
l'industrie- un caractère d'urgence et de priori-
té absolue. A ce titre, l'industrie bénéficia
d'emblée de moyens financiers et humains à la
hauteur des enjeux nationaux. Partout, les
industriels eurent la volonté de retrouver les
niveaux de production d'avant-guerre, et
même de les dépasser grâce à une modernisa-
tion de leur outil de production. Pour autant,
cette reconstruction n'a pas été simplement
une reconstitution du paysage industriel qui
existait avant-guerre. Bien des domaines,
comme celui des transports ou de l'industrie
chimique, ont en effet connus des progrès im-
portants durant ces quatre années de conflit et
profitent dans la période qui suit de nouvelles
technologies, d'innovations qui vont peu à peu
entrer dans le quotidien. Une nouvelle carte de
l'économie régionale se dessine, dans laquelle
les petites unités d'avant se regroupent, con-
centrent leurs moyens et offrent un maillage
territorial à la fois plus relâché mais aussi plus
productif.
L'autre aspect auquel nous nous intéressons
particulièrement est celui du rôle joué par les
industriels eux même qui, à bien des égards
transformèrent leur paternalisme du siècle
précédent en un patriotisme nécessaire pour le
redressement du pays. En associant la cons-
truction de logements ou de cités à proximité
de leurs usines, ils initient une nouvelle poli-
tique de logement et incitent à une certaine
forme de zonage urbain, y compris pour des
communes qui n'étaient pas concernées par la
loi Cornudet. L'urbanisme de plan qui voit
ainsi le jour à cette époque se fait avec eux,
dans le sens où ils ne s'intéressent pas seule-
ment à la rationalisation des lieux de travail
mais aussi à celle des lieux de vie. A partir de
là, la place de l'industrie dans l'espace urbain
est posée.
Cette recherche de rationalité devient égale-
ment le maitre mot des architectes à qui l'on
demande d'inventer de nouveaux modes cons-
tructifs répondant au manque de main
d'œuvre qualifiée, tout en évitant la monotonie
de l’unité architecturale. L'industrie essuie ici
les plâtres de ces défis qui marqueront tout
l'esprit de la Reconstruction que l'on pensait
déjà en 1917.
51
Pour répondre à ces principales questions,
plusieurs échelles territoriales sont envisagées.
La Picardie constitue certes le cadre de ré-
flexion général mais l'accent est naturellement
mis sur les territoires qui ont été les plus tou-
chés par le conflit, sur la fameuse "zone rouge",
et plus largement sur l'ensemble du départe-
ment de l'Aisne, sur l'est du département de la
Somme et le Compiégnois (ces deux derniers
territoires ayant déjà fait l’objet d’un recense-
ment dans les années 1980 et 1990). Néan-
moins, il était également important de concen-
trer notre approche sur un territoire en particu-
lier, afin d'y observer les phénomènes de non
reconstruction, de transfert d'activité ou de
lieux, en particulier dans l’Asine où aucun
recensement préalable n’a été mené. Celui qui
a été retenu est le Chaunois, qui avant 1914,
présente un tissu industriel dense, avec de
grandes entreprises chimiques, des industries
verrières emblématiques comme Saint-Gobain
ou les verreries de Folembray, ainsi que des
sucreries comme celles des Michettes et de
Blérancourt. Il possède également un ensemble
de voies de communication fluviales et ferro-
viaires particulièrement recherché par l'indus-
trie. C'est enfin un territoire littéralement ra-
vagé par le conflit, où il est particulièrement
intéressant d'observer cette reconstruction,
d'estimer la part de la "reconstitution", du
remploi et de la « non reconstruction », d'ob-
server des imbrications avec les autres secteurs
à reconstruire, et le rôle exercé par le réseau de
communication sur la répartition des entre-
prises qui, manifestement, changent d'échelle.
Aux enjeux scientifiques brossés ici rapide-
ment s'associe la question d'utilité d'une telle
étude pour une région qui, en ce moment, -et
pour quelques années encore- commémore le
Centenaire des événements de la première
guerre mondiale.
La première utilité de cette étude est de mieux
connaître et considérer ce patrimoine afin de
l’intégrer davantage aux réflexions d'aména-
gement du territoire. A plusieurs reprises déjà,
nous avons pu observer que des édifices d'im-
portance, repérés dans les années 1980 avaient
été laissés à l'abandon et finalement détruit,
faute d'usage ou d'intérêt. Nul doute qu'une
meilleure connaissance de ces édifices per-
mette désormais d'envisager une alternative à
la destruction.
Le second intérêt réside dans la mise en valeur
touristique de ce patrimoine dans le cadre de
l'après Centenaire. Les professionnels du tou-
risme réfléchissent actuellement sur les orien-
tations à prendre aujourd’hui pour prolonger
l’engouement suscité pour le tourisme de mé-
moire.
C'est le sens des collaborations qui pourraient
être mises en place entre la Région et les offices
de tourisme de la Haute-Somme (Péronne et
Ham) ou encore de Coucy-le-Château Val de
l'Ailette. Dans l'un et l'autre cas, les données de
l'Inventaire général pourraient servir à élabo-
rer de nouveaux produits touristiques (circuits
GPS, plaquettes de découverte du patrimoine
industriel20) pour une appropriation des résul-
tats et une mise en valeur des territoires par
l’ensemble des acteurs.
20 Voir notamment :
https://inventaire.picardie.fr/site/Balade-autour-de-la-
sucrerie-d
52
La recherche en cours…
Architectures et territoires
53
Périmètre de l’opération © F.-N. Kocourek - Syndicat mixte
Baie de Somme 3 Vallées
Le patrimoine lié à l’industrie du Vimeu industriel
Frédéric-Nicolas Kocourek, chercheur, Syndicat mixte Baie de Somme – 3 Vallées
Dans le cadre de ses missions de préfiguration
du Parc naturel régional Picardie Maritime,
Baie de Somme 3 Vallées mène un inventaire
du patrimoine du Vimeu industriel. Cette opé-
ration est menée en partenariat avec la Direc-
tion de l’Inventaire et du patrimoine culturel
de la région Picardie, qui en assure le suivi
scientifique et qui apporte également un sou-
tien méthodologique et technique.
Facteur d'identité et d'appartenance à un terri-
toire, l'attention portée au patrimoine de
l'industrie témoigne de l'attachement à un
héritage local fort. Il s'agit de comprendre
l'impact de l'activité industrielle dans un es-
pace à caractère rural et son influence sur son
développement aux XIXe et XXe siècles, activité
qui se traduit par de nombreuses formes urba-
nistiques et architecturales.
L'étude doit permettre de mieux connaître la
qualité et la diversité du patrimoine de l'aire
d'étude, d'approfondir la connaissance scienti-
fique, de compléter et de mettre à jour les don-
nées recueillies, lors du recensement du patri-
moine industriel de la Somme au milieu des
années 1980.
Pour Baie de Somme 3 Vallées, l'étude consti-
tue également une ressource pour la valorisa-
tion de son territoire. Elle contribue à réaffir-
mer le caractère atypique d'une activité indus-
trielle sur un territoire à dominante rurale et à
en souligner l'excellence par le biais d'une
étude approfondie et normée sur l'ensemble
du patrimoine, des usines aux boutiques arti-
sanales en passant par les monuments civils ou
religieux. A terme, elle permettra grâce aux
actions de mise en valeur qui en découle l'ap-
propriation et la prise de conscience des habi-
tants et des propriétaires. Ces ambitions ré-
pondent pleinement aux objectifs de la charte
élaborée en vue de l'obtention du label "Parc
naturel régional".
L’objectif de cet inventaire est donc d’étudier
le patrimoine de l’industrie et ses liens avec le
développement des villages, depuis le début
du 19e siècle, jusqu’au milieu du XXe siècle.
Le périmètre de l'opération comprend dix-neuf
communes dans lesquelles le recensement du
patrimoine industriel dans les années 1980
avait déjà identifié un fort potentiel patrimo-
nial. Cet ensemble a une cohérence géogra-
phique et une continuité territoriale au sein
même du périmètre d’étude du Parc naturel
régional de Picardie maritime.
L'étude doit permettre de comprendre com-
ment une activité proto-industrielle puis in-
dustrielle a forgé l'identité d’un territoire et a
affecté son urbanisme et ses paysages. L'opéra-
tion peut donc permettre une évaluation du
patrimoine bâti mais également la mise en
évidence de l’influence de l’activité industrielle
sur l'aire d'étude en général et sur les agglomé-
rations en particulier.
54
Fressenneville – ancien logement patronal de Julien Riquier © Région
Picardie - Inventaire général / Syndicat mixte Baie de Somme 3
Vallées, cliché T. Lefébure.
Fressenneville – ancienne « boutique » de serrurier © Région Picardie
- Inventaire général / Syndicat mixte Baie de Somme 3 Vallées,
cliché T. Lefébure.
Ault – ancienne usine de serrurerie Derloche © Région Picardie - Inventaire général / Syndicat mixte Baie de Somme 3 Vallées, cliché T.
Lefébure.
Les axes de recherches sont donc les suivants :
• repérer sur le terrain les éléments constitutifs
du patrimoine de l'industrie ;
• analyser les implantations et les imbrications
des "appareils de production" dans le tissu
urbain ;
• analyser la nature et la qualité des éléments
constitutifs du patrimoine de l’industrie en
prenant en compte également les habitats ou-
vriers, les logis patronaux mais aussi les édi-
fices publics (marie, école, église…).
Contexte de la recherche : permettre une iden-
tification des richesses patrimoniales de l’aire
d’étude et vise à renforcer et à compléter la
connaissance du territoire. Permettre d’établir
une comparaison des différentes aires d’étude
étudiées par la DIPC en particulier le Val de
Nièvre.
État d’avancement de la recherche : Finalisa-
tion de la phase recensement du patrimoine
des 19 communes du périmètre d’étude.
Perspectives : publication et valorisation des
résultats pour le milieu de l’année 2016.
55
De g. à d. : croix, Moyenville ; borne, forêt de Crécy ; pigeonnier, Avesnes-Chaussoy ; lavoir, Long ; métier à ferrer, Fescamps © A. Guerville.
Découvertes et inventaire du petit patrimoine de la Somme
André Guerville, association Richesses en Somme
Richesses en Somme est une association qui
recense le petit patrimoine avec comme cadre
géographique, le département de la Somme. Le
but est de photographier, rechercher l’histoire
et publier sous forme de livres ou sur la toile.
Revenons à l’origine du mot « patrimoine » en
rappelant ce cliché : c’est le bien ou l’héritage
que nous avons reçu de nos parents, nous
avons un devoir moral de le léguer aux généra-
tions futures.
Apprenons pour le découvrir à regarder : le
petit patrimoine est souvent caché, parfois
invisible à qui n'a pas l’œil exercé, jamais insi-
gnifiant, toujours modeste dans son aspect et
ses dimensions… Il est le témoin du passé, du
savoir-faire de nos ancêtres, de l'expression de
leurs croyances, de leurs rites et de leurs
usages. C’est un livre d'histoire ouvert, offert
aux générations présentes et futures.
Peut-être pour des raisons de simplification
mais aussi parce que la notion de petit patri-
moine est péjorative, les organismes officiels
ont appelé le petit patrimoine : patrimoine
rural.
En ce qui nous concerne, nous avons gardé,
bien sûr, cette notion de patrimoine rural dans
lequel nous avons distingué le patrimoine
religieux.
Quelques mots sur ce patrimoine très impor-
tant, qu’on trouve dans chaque commune. Il
est constitué de croix, de calvaires et de cha-
pelles, des oratoires, des niches murales, qui
datent pour la plupart du XIXe siècle et qui
sont les témoins d'une foi religieuse intense.
Expression de la foi chrétienne pendant des
siècles, la croix de chemin et l’oratoire sont
devenus dans la seconde moitié du XXe siècle,
objet du patrimoine.
Une évolution qui s’explique :
1905 : séparation de l’Eglise et de l’Etat, les
communes sont devenues propriétaires des
calvaires érigés par la paroisse.
2015 : Il a fallu quelques décennies pour cons-
tater une évolution dans la manière de regar-
der ce patrimoine. Cent-dix ans après, le re-
gard n'est plus le même. On a oublié le con-
damné à mort qui est fixé sur la croix pour se
concentrer sur les abords du calvaire et ses
plantations. On admire davantage aujourd’hui
le travail du sculpteur et du forgeron. Le côté
sacré tout doucement a fait place au côté pro-
fane.
Et ce n’est pas le moindre des paradoxes, de
découvrir des collectivités naturellement
laïques devenues propriétaires, qui, au-
jourd’hui, mettent en valeur ce patrimoine.
Le patrimoine rural a subi une évolution un
peu différente. C'est souvent un patrimoine
privé. Prenons l'exemple des pigeonniers. A
partir du moment, où ils sont devenus inutiles
par l’abandon de l'élevage des pigeons, ils
56
devenaient fragiles et beaucoup d'entre eux
ont disparu dans la 1ère moitié du XXe siècle.
Aujourd'hui, le pigeonnier a trouvé un autre
usage, abri de jardin, bureau pour l'agricul-
teur, résidence quelquefois, mais surtout objet
de décoration, et il est restauré à ce titre.
Prenons un autre exemple avec les puits com-
munaux. Il y en avait encore 4000 à la fin du
XIXe siècle. Il en reste aujourd’hui 250 qui sont
entretenus et qui appartiennent désormais au
patrimoine de la commune. Même chose pour
les mares, il en reste environ 200.
Une définition précise du petit patrimoine
reste donc à trouver. Avec cet adjectif "petit",
on a sans doute voulu faire la différence avec
le grand patrimoine constitué des cathédrales,
des églises classées et des châteaux. Tant il est
vrai aussi que la frontière entre le grand et le
petit patrimoine n’existe pas vraiment.
Rappelons que c’est un patrimoine fragile
En principe, ce patrimoine n’est pas classé, et de
fait, menacé de disparition, à la merci d’un pro-
priétaire, privé ou public. Il devient donc indis-
pensable de le préserver surtout depuis qu'il a
perdu ses prérogatives, son utilité, ses spécifici-
tés, remplacé par les outils « modernes », deve-
nu désuet et donc délaissé.
Le pont de Domqueur le seul pont romain du
nord de la France, où ne passe plus un des
affluents de la rivière du Scardon, est une cu-
riosité qui n’est pas encore classée.
Les vieux outils de la ferme et de la campagne
rentrent dans les musées, décorent nos places
publiques, où l’on voit souvent une charrue ou
une pompe à bras. Mais aussi des vieux mé-
tiers à tisser, des wagonnets utilisés pour ex-
traire le phosphate. C’est tout ce qui reste de
la vie rurale de proximité et la liste n’est pas
exhaustive.
Un inventaire à compléter
La tâche est immense et passionnante, telle-
ment ce patrimoine est varié.
N’oublions pas les moulins à vent et les mou-
lins à eaux, les muches ou souterrains refuges,
les bornes (bornes de limites, bornes tem-
plières, bornes historiques de la forêt de Crécy,
etc.
Nous évoquons aussi le patrimoine du souve-
nir :
Les monuments aux morts, les stèles
honorant les soldats de toute nationalité,
les plaques commémoratives des mairies
et des églises ;
Les cimetières civils à la recherche des
sculptures funéraires ;
L’inventaire est loin d’être terminé :
Regard sur la maison et la gentilhom-
mière: de l’épi de faîtage ou la girouette
à la corniche jusqu’au chasse-roue en
passant par la lucarne et le balcon en
pierre ou en fer forgé .Quelquefois sur
les façades, un cadran solaire, affiche sa
devise ;
Découvertes des églises. Dans la
Somme, cent vingt églises sont inscrites
ou classées sur neuf cents édifices. Mais
classées ou non, elles recèlent toutes des
trésors. Chaque visite d'église est
toujours source de découvertes et motif
à de nouvelles rencontres, et ces
rencontres nous donnent souvent la
possibilité d’évoquer en même temps le
patrimoine du village.
Dans chaque village, aussi petit soit-il, il y a
souvent un amoureux des vieilles pierres et
presque toujours un historien. Et tous ces gens
qui sont des puits de connaissance n'ont
qu'une seule envie c'est de transmettre leur
savoir.
Nous avons aussi voulu mettre en valeur les
oeuvres des sculpteurs picards, ceux qui ont
traversé les deux derniers siècles : les frères
57
Duthoit, Gédéon de Forceville, Athanase
Fossé, Albert Roze, Léon Lamotte. Notre
département a la chance de posséder un riche
patrimoine statuaire : les œuvres de ces artistes
embellissent nos villes et nos villages, sur les
places et les squares, les jardins et les édifices
publics. On connaît souvent le nom des
sculpteurs, mais on ne sait pas toujours
identifier leurs œuvres.
Un petit mot sur le patrimoine insolite et mys-
térieux et souvent inclassable. Les mégalithes,
pierres de plus ou moins grandes dimensions,
érigées par l'homme, signes d'une présence
poétique selon Victor Hugo et leurs légendes
continuent de nous interroger. Un autre
exemple avec la lanterne des morts de Crécy,
dont on ne connait pas bien la véritable fonc-
tion.
Deux mots sur le patrimoine immatériel, fait
de traditions, de coutumes et d'artisanat, qui
sont loin de nous laisser indifférents.
Nous pensons au fragile maintien de notre
langue picarde et comme traditions, nous évo-
querons celle des croisettes, petites croix en
bois déposées sur le passage du convoi fu-
nèbre, qui se pratiquent encore un peu dans le
Vimeu.
2015 : Aujourd’hui, notre association a 20 ans
d’existence, où en est notre projet
d’inventaire ? Quatre publications sur les cal-
vaires, les chapelles, les pigeonniers et tout le
patrimoine autour de l’eau. Quatre livres de
300 pages avec 3000 photos prises le long des
routes picardes et le long du fleuve Somme.
Nous avons à notre actif une trentaine de con-
férences données dans les associations, les
clubs service et les bibliothèques.
Rencontrer et partager sont des verbes qui
nous servent de guide tant nous sommes con-
vaincus que le patrimoine est fédérateur.
Nous avons également créé un site internet en
2011. Nous alimentons ce site régulièrement et
les 4000 photos publiées sur ce site sont à la
disposition de tous les internautes.
Quelles sont nos perspectives d’avenir :
Compléter notre inventaire ;
Publier un livre sur les cimetières (2017) ;
Création de circuits : celui des croix en tuf
du Vimeu, et un autre sur les portes char-
retières ;
Multiplier les exposés et les interventions.
Les guerres du XIXe siècle ont détruit notre
département et le patrimoine a beaucoup souf-
fert. Voilà maintenant 70 ans que notre terri-
toire est épargné par les conflits. Et cette
longue période de paix est propice à la restau-
ration du patrimoine.
Ce qui était encore détruit en 1960 pour refaire
les routes ou d’autres aménagements ne l’est
plus aujourd’hui.
Depuis 20 ans, nous avons parcouru au moins
quatre fois tous les villages de la Somme et
nous avons constaté une évolution intéres-
sante. Certes les villages sont souvent désertés
par les commerces et les agriculteurs dont le
nombre ne cesse de diminuer, mais beaucoup
d’efforts ont été entrepris par les communes.
Des croix, des chapelles, que l’on croyait per-
dues ont été restaurées. Ce qui reste du petit
patrimoine est maintenant sauvegardé. Des
associations d'amis du patrimoine ou de vil-
lages voient le jour ici et là. Les chantiers
d’insertion se multiplient et cette prise de
conscience des élus nous rend optimiste.
Le moulin de Frémontiers © Richesses en Somme.
58
Un quartier de villégiature : avenue Thiers à Compiègne
© Région Picardie - Inventaire général, cliché F. Fournis.
Ville, villégiature et tourisme en Picardie, 1830-1930
Frédéric Fournis, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région
Picardie
Dans le cadre de l’opération menée par la di-
rection de l’Inventaire et du patrimoine cultu-
rel sur le thème de la villégiature et du tou-
risme en Picardie, un sujet d’étude s’est rapi-
dement imposé, en complément des enquêtes
sur les stations balnéaires, par sa pertinence
thématique, géographique et historique : les
villes de villégiature de Chantilly, Villers-
Cotterêts, Compiègne et Pierrefonds.
Commencée en 2014, cette étude devrait
s’achever en 2017. L’enquête est en cours
d’achèvement pour la ville de Compiègne et
ses environs, et se poursuivra par Pierrefonds
et Chantilly. La ville de Villers-Cotterêts, qui
pourra être comparée à celle de Chantilly, a
fait l’objet d’une enquête topographique à la
fin des années 1980, les dossiers en cours de
dématérialisation seront complétés dans le
cadre plus général de cette étude.
Trois villes en villégiature : Chantilly, Com-
piègne, Pierrefonds
Au milieu du XIXe siècle, leur situation et leur
cadre ont contribué à transformer ces trois
petites villes de l’Oise en lieux de villégiature
prisés, ce qui a donné lieu à un type
d’aménagement (urbanisme paysager de
« bord de ville »), d’usages (résidence aristo-
cratique, tourisme) et de loisirs (chasse, sport
hippique, thermalisme) spécifique et cohérent.
La forme et l’évolution de ces villes sont très
comparables à celle des « colonies » subur-
baines fondées dans les premières décennies
du XIXe siècle au Vésinet, à Maisons-Laffitte et
à Enghien-les-Bains, qui ont été étudiées par
l’Inventaire général d’Île-de-France.
L’enquête concerne l’habitat, les édifices de
sport, de loisirs et de sociabilité (hippodromes,
écuries de course, clubs sportifs, hôtels de
voyageurs, établissements de bains, casino) et,
plus largement, les aménagements urbains
(lotissements, voierie, équipements publics),
ainsi que les réseaux de communication
(routes, voies ferrées) liés à ce type
d’occupation. Elle considère la façon dont un
nouvel usage a façonné un espace, la façon
dont s’est traduit ce développement à l’échelle
de la ville et de son territoire, et les formes
architecturales des édifices et bâtiments liés à
la villégiature.
L’invention du site : le territoire et ses usages
Dès les années 1830, la présence d’hôtes presti-
gieux entraîne une brillante vie mondaine dans
ces petites villes proches de Paris, déjà répu-
tées pour leur environnement naturel et cultu-
rel privilégié (château, sites, parc, forêt). Favo-
risées par la création de lignes ferroviaires,
elles connaissant alors un essor comparable à
partir du milieu du XIXe siècle, autour
59
L’urbanisme de la villégiature : église Sainte-Thérèse dans le
quartier du Bois-Saint-Denis, Chantilly, commencée en 1939
© Région Picardie - Inventaire général, cliché M.-L. Monnehay-
Vulliet.
d’activités de loisirs, d’agrément et de tou-
risme comme la chasse (Compiègne), le sport
hippique (Chantilly) ou le thermalisme (Pierre-
fonds).
Les premières courses de chevaux, organisées
dès 1834 à Chantilly sur la pelouse des grandes
écuries, sous l’égide du duc d’Orléans (frère
du duc d’Aumale, propriétaire du domaine),
permettent de tester l’élasticité du sol. Avec
l’hippodrome, construit peu après, prend
forme la vocation du lieu comme capitale du
sport hippique de haut niveau et des manifes-
tations mondaines qui l’accompagnent.
Compiègne prend son essor dans le sillage des
fameuses « séries », séjours organisées chaque
automne au château à partir de 1856, pour une
centaine d’invités privilégiés de l’empereur
Napoléon III et l’impératrice Eugénie. La prin-
cesse Pauline de Metternich, épouse de
l’ambassadeur d’Autriche en France, est à la
fois l’animatrice et la mémorialiste enjouée de
cette société brillante, qui se divertit notam-
ment en excursions et chasses en forêt.
C’est précisément ces excursions qui mènent la
suite impériale dans le village traditionnel de
Pierrefonds, séjour d’artistes et d’écrivains, où
une source d’eau sulfureuse a été découverte
en 1845 près de l’étang. En 1857, le souverain y
encourage le thermalisme et ordonne l’année
suivante la reconstruction des ruines impo-
santes du château de Louis d’Orléans, sur les
plans d’Eugène Viollet-le-Duc.
L’urbanisme paysager : villégiature de « bord
de ville »
À l’inverse de la plupart des villes de villégia-
ture (stations thermales ou balnéaires fondées
ex nihilo à partir du Second Empire), ces instal-
lations suburbaines s’inscrivent dans la conti-
nuité de l’occupation de lieux prestigieux pour
y maintenir une brillante tradition résiden-
tielle.
En effet, le développement de la villégiature
dans ces trois villes a surtout procédé de
l’appropriation progressive et raisonnée
d’espaces périurbains. À Chantilly, ils ont été
gagnés sur les parties aliénées de l’ancien parc
princier et les lisières de la forêt entourant
l’hippodrome. Le nouveau quartier résidentiel
de Compiègne s’est constitué autour des ave-
nues plantées tracées en trident d’après le
grand projet de Gabriel de 1751, pour relier la
ville et le château à la forêt. L’activité thermale
et touristique de Pierrefonds, pour sa part, a
favorisé le développement des rives de l’étang
aménagé en lac pour des divertissements
comme le canotage, au bord desquelles
s’élèvent l’hôtel des bains, l’établissement
thermal et le casino, et que dominent les belles
demeures étagées sur les pentes vallonnées du
site.
La ville et son réseau : le territoire mis en
tourisme
Si l’espace de la villégiature et du tourisme
comprend ces nouveaux quartiers de villes, il
60
s’étend plus largement sur leur territoire péri-
phérique, et notamment forestier, qui contri-
bue en grande partie à leur agrément.
Assez tôt, les villes intègrent les communes
environnantes comme « satellites » spécialisés
dans des fonctions précises. Autour de Chan-
tilly, la commune de Gouvieux devient l’écrin
de grandes demeures, tandis qu’à Lamorlaye
s’installent les écuries de courses et leurs ins-
tallations d’entraînement. Une fonction
qu’exerce aussi Lacroix-Saint-Ouen à l’égard
de Compiègne, dont la villégiature essaime à
Choisy-au-Bac, à Vieux-Moulin ou même à
Pierrefonds, à la faveur du développement
ferroviaire.
Ce territoire est avant tout celui de la forêt,
acteur à part entière du développement du
tourisme et de la villégiature. Forêt royale puis
domaniale, la forêt de Compiègne est aména-
gée pour la vénerie tout au long de l’Ancien
Régime, avant que la sensibilité romantique ne
modifie la perception et la représentation de ce
paysage. Ainsi, sous la monarchie de Juillet et
surtout le Second Empire, la forêt est toujours
le cadre de grandes chasse, mais aussi
d’excursions et de visites vers les villages pit-
toresques et les sites historiques. La route Eu-
génie, tracée en 1860, relie la ville à Pierre-
fonds, en passant par le chalet de l’Impératrice
au bord des étangs de Saint-Pierre.
Propriété privée, la forêt de Chantilly est affec-
tée plus tardivement par des projets
d’aménagement. Sur l’étendue de la forêt du
Lys, détachée du domaine à la fin du XIXe
siècle, est autorisé en 1925 la création d’un
lotissement concerté résidentiel, le Lys-
Chantilly, « ville de parcs » comme l’intitule
l’arrêté préfectoral. À proximité, sur la rive de
l’Oise à Boran-sur-Oise, est inaugurée en 1933
la plage aménagée du Lys-Chantilly, véritable
petite station balnéaire à proximité de la capi-
tale, qui est une des premières installations
fluviales de ce genre en France, dans l’esprit de
la diffusion plus large des loisirs dans les an-
nées 1930.
Les formes et les styles : résider, séjourner
Liée à la détente et aux loisirs, bénéficiant sou-
vent d’un espace plus vaste, la maison de vil-
légiature a souvent été davantage influencée
par les innovations architecturales et décora-
tives que la demeure urbaine, soumise aux
contraintes sociales et du parcellaire. La variété
des modèles proposés dans les recueils et re-
vues d’architecture, déclinés selon le niveau
social du propriétaire, du « château » au pavil-
lon de banlieue, en dit long sur la fortune du
genre. Dans la seconde moitié du XIXe siècle,
celui-ci fait la part belle aux styles historiciste
et éclectique, avant que ne s’impose au tour-
nant du XXe siècle le style régionaliste si carac-
téristique de la villégiature, depuis les villas
qui en sont l’expression la plus répandue
jusqu’aux hôtels de voyageurs et aux clubs
sportifs qui en forment le prolongement mon-
dain.
Éprouvée par la première guerre mondiale qui
en sape les fondements, la société de la villé-
giature se maintient encore durant l’entre-
deux-guerres à Chantilly, Compiègne et Pierre-
fonds, mais a tendance à stagner. Cependant,
les formes urbaines et architecturales qu'elle a
engendrées influent à leur tour sur l'évolution
de la ville à travers les lotissements et cités
pavillonnaires de bord de ville. Ainsi, autant
qu'un usage, la villégiature s'est imposée
comme un modèle persistant dans ces villes,
qui a contribué à modeler leur visage et
marque encore leur physionomie et leur esprit.
61
Des ressources
pour la recherche…
Les archives
62
Exploiter un fonds d’écrivain : l’exemple du fonds « Roland Dorgelès » des
Bibliothèques d’Amiens Métropole
Alexandre Leducq, conservateur responsable du Service Patrimoine, Bibliothèques
d’Amiens Métropole
Cette présentation faite à l’occasion des « ren-
contres du Patrimoine en Picardie : la re-
cherche dans tous ses états. », a pour vocation,
à travers l’exemple du fonds Roland Dorgelès,
d’exposer aux étudiants de l’université de Pi-
cardie Jules Verne les nombreuses recherches
qui peuvent être menées à partir d’un fonds
d’écrivain conservé en bibliothèque.
1- En guise d’introduction : qu’est-ce qu’un
fonds en bibliothèque ?
Chaque bibliothèque patrimoniale conserve
une collection d’ouvrages rares et précieux,
anciens ou récents qui forment un tout. Néan-
moins, la plupart du temps, cette collection
étant trop importante pour pouvoir
l’embrasser d’un seul tenant (60 000 ouvrages
rares et précieux pour les collections d’Amiens
Métropole) l’habitude a été prise de d’y distin-
guer des unités plus réduites, cohérentes, et
ainsi plus aisément appréhendables : le fonds.
Quatre critères ont préludé à la formation des
fonds constituant la collection patrimoniale
des Bibliothèques d’Amiens Métropole. Les
œuvres ont ainsi été regroupées soit :
en fonction de leur nature : le fonds icono-
graphique, le fonds des cartes postales, le
fonds des manuscrits etc. ;
en fonction de leur thème. Les livres im-
primés ayant rejoint la collection des biblio-
thèques d’Amiens Métropole suite aux con-
fiscations révolutionnaires ont ainsi formé
différents fonds thématiques tels que
sciences et art, histoire, belles lettres etc. ;
en fonction de leur provenance, et plus gé-
néralement sous le nom d’un donateur tels
les fonds Lescalopier, Masson, Labarre… ;
en fonction de l’auteur auquel le fonds est
dédié : fonds Jules Verne, fonds Paul Bour-
get…
Le fonds Roland Dorgelès qui nous intéresse
ici appartient à cette dernière catégorie.
2- Roland Dorgelès, un auteur à plusieurs
visages.
Roland Dorgelès, écrivain né à Amiens, a con-
servé un lien fort avec la Picardie malgré
l’installation de sa famille à Paris. Il reste au-
jourd’hui essentiellement connu pour son ro-
man sur la guerre 14-18, Les Croix de Bois, prix
femina 1919, dont le succès lui a donné pour la
postérité le statut de témoin de la Grande
Guerre. Il a pourtant mené plusieurs vies et sa
biographie présente bien d’autres aspects.
Manuscrits du fonds Dorgelès © Bibliothèques d’Amiens Métro-
pole.
63
Le témoin de la Guerre 14-18
C’est donc la figure la plus connue de Roland
Dorgelès, celle qu’a retenue la postérité. Ré-
formé en 1907 en raison de problèmes pulmo-
naires, Roland Dorgelès décide néanmoins de
s’engager en 1914. Il fait l’apprentissage de la
guerre de tranchée et trouve un exutoire dans
l’écriture. Son roman Les Croix de Bois, contrai-
rement à d’autres œuvres, telle La Main coupée
de Cendrars, naît directement dans les tran-
chées.
Le Montmartrois
Roland Dorgelès tombe amoureux de Mont-
martre à 18 ans et déclare « C’est ma terre…
c’est mon quartier… je suis chez moi ». Il situe
de nombreuses scènes de ses romans (notam-
ment le château des Brouillards et le Marquis
de la Déche) dans ce quartier, laissant ainsi de
précieux témoignages sur le Montmartre de
l’avant 14 et de l’entre-deux guerres.
L’écrivain voyageur
Les voyages que Dorgelès entreprend lui four-
nissent la matière pour plusieurs ouvrages :
Sur la route mandarine, Partir, La Caravane sans
chameaux par exemple.
Le témoin de la Guerre de 40
En 1939, trop âgé pour s’engager, Roland Dor-
gelès reprend l’uniforme comme correspon-
dant de guerre. Pris dans la débâcle il passe la
guerre dans le sud de la France : la Côte d’azur
puis la Haute- Garonne. Il serait à l’origine de
l’expression « Drôle de Guerre ».
Le président de l’Académie Goncourt
Elu à la présidence de l’Académie Goncourt en
1955, il occupera ce poste jusqu’à sa mort en
1973. Durant cette période son influence sur la
vie littéraire française sera fort importante, ce
dont témoigne une abondante correspondance.
3- Quelles recherches sur le fonds Dorgelès
des Bibliothèques d’Amiens Métropole ?
Composition du fonds
Le fonds Roland Dorgelès est actuellement
composé de 35 manuscrits (6 manuscrits com-
plets de romans, 7 cotes de notes de travail, 2
cotes de documents d’archives (250 photogra-
phies originales pour l’une, 77 photographies
originales pour l’autre) et enfin un grand
nombre d’éléments de correspondance et 27
imprimés rares et précieux. Plusieurs re-
cherches peuvent être menées à partir de ce
fonds21.
21 Depuis la présentation de cette intervention, le fonds
Roland Dorgelès s’est enrichi d’un exemplaire des Croix
de Bois relié d’après une maquette de Pierre Legrain,
d’une riche correspondance avec Henri Béraud et de nom-
breux livres dédicacés à Henri Béraud.
Illustration de Gus Bofa : Dorgelès portant une Croix © Biblio-
thèques d’Amiens Métropole.
64
Les éléments biographiques sur la vie de Ro-
land Dorgelès
Les différents éléments d’archives conservés
dans le fonds Dorgelès composés de photo-
graphies, correspondances, manuscrits inédits
peuvent alimenter un travail de rédaction
d’une nouvelle biographie de l’auteur picard.
A titre d’exemple, le fonds amiénois est riche
de documents concernant la période 1914-1918
parmi lesquels :
250 photographies de Dorgelès durant la
Grande Guerre (cote Ms 2549 C) ;
Un manuscrit autographe signé, « Un
chien, un âne, un censeur et moi », [1928];
11 pages petit in-4 à l'encre violette, avec
ratures et corrections (cote Ms 2724 B) ;
Une lettre autographe signée de Roland
Dorgelès à Gérard d'Hauville sur papier à
en-tête de « l'Association des Ecrivains
Combattants de 1914-1918 » témoignage
de l’engagement de Dorgelès à honorer la
mémoire des camarades morts au combat,
écho à son roman Le Réveil des morts. (cote
Ms 2526 B) ;
L’entretien avec Jean Meyer pour une in-
terview radiodiffusée du 8 juillet 1968 cor-
rigé à la main par Roland Dorgelès, dans
lequel il évoque la Grande Guerre. (cote
Ms 2563 C) ;
Les épreuves du recueil Bleu Horizon (cote
Res 943 C) et le manuscrit « Des morts
vous parlent » (cote Ms 2734 B) qui en est
la première ébauche ;
De nombreux éléments sur Les Croix de
Bois.
Des travaux sur les romans de Dorgelès.
Le fonds « Roland Dorgelès » permettrait es-
sentiellement un travail sur deux œuvres ro-
manesques : Retour au Front et Bleu Horizon.
Les Bibliothèques d’Amiens Métropole possè-
dent en effet le manuscrit original de Retour au
Front et trois séries d’épreuves. Il est possible
de suivre la genèse complète de l’œuvre en
étudiant les regrets de l’auteur, les ratures, les
corrections.
De même pour Bleu Horizon, les Bibliothèques
d’Amiens Métropole conservent le manuscrit
Feuillet des premières épreuves de Retour au Front © Biblio-
thèques d’Amiens Métropole.
Le manuscrit Un chien, un âne, un censeur et moi, première
page © Bibliothèques d’Amiens Métropole.
65
« Des Morts vous parlent » (cote Ms 2734 B),
première ébauche du dernier chapitre de Bleu
Horizon et les épreuves abondamment corri-
gées du recueil de nouvelles (cote RES 943 C).
Il est donc également possible de réaliser une
édition critique de ce texte.
En outre, dans le cadre d’un travail plus large,
exigeant la consultation d’autres fonds
d’archives et de bibliothèques, deux ensembles
importants permettraient un travail sur le ro-
man le plus connu de Dorgelès : la correspon-
dance avec Gabriel Reuillard qui traite de la
réception des Croix de Bois (cote Ms 2710 C),
puis un important dossier consacré à sa réédi-
tion en 1967 (cote Ms 2729 C).
Roland Dorgelès et les arts
En raison du grand succès de leur auteur dans
l’entre-deux guerres, les romans de Roland
Dorgelès ont fait l’objet d’illustrations de la
part de grands noms tels Dufy ou Dunoyer de
Segonzac. Les éditions de luxe des romans ont
été à de nombreuses occasions reliées par les
plus grands noms de la reliure d’art. La ri-
chesse du fonds amiénois en matière d’illustrés
modernes des œuvres de Dorgelès, et de re-
liure d’art, pourrait servir de base à une étude
sur les illustrateurs de Dorgelès ou/et ses re-
lieurs22.
La relation amicale très forte le liant à Mac
Orlan, Bofa et Carco pourrait également faire
l’objet d’une étude qui n’a, à notre connais-
sance, jamais été menée. Le fonds amiénois ne
serait pas suffisant pour mener un tel travail
mais fournirait une base solide.
Les méthodes de travail de Roland Dorgelès
Les documents conservés par le service patri-
moine éclairent également les méthodes de
travail de l’écrivain grâce aux différents ma-
nuscrits et épreuves corrigées que nous avons
déjà évoqués mais également aux nombreuses
22 Depuis la présentation de cette intervention, les Biblio-
thèques d’Amiens Métropole se sont portées acquéreur, le
20 octobre, d’un exemplaire des Croix de Bois à la reliure
maquettée par Pierre Legrain.
notes de travail. Le service patrimoine con-
serve en effet sept dossiers volumineux de
notes (Ms 2551 C / Ms 2552 C / Ms 2554 C / Ms
2555 C / Ms 2558 B / Ms 2560 C / Ms 2565 D)
qui attendent qu’un chercheur vienne en clas-
ser les différents feuillets volants et les attri-
buer aux romans auxquels ils se rattachent.
Dédicace à Roland Dorgelès par Mac Orlan © Bibliothèques
d’Amiens Métropole.
66
Les fonds inexploités de la bibliothèque municipale de Compiègne
Sophie Davril, bibliothèque municipale de Compiègne
Anne Martin, bibliothèque municipale de Compiègne
Créée en 1806, la bibliothèque de la ville de
Compiègne est l’héritière directe de la biblio-
thèque de l’abbaye Saint-Corneille, fondée
sous Charles Le Chauve, à l’époque carolin-
gienne. Elle conserve des documents anciens,
éclairant à la fois l’histoire locale et l’histoire
nationale, Compiègne ayant été la résidence
des rois et des empereurs jusqu’en 1870. De-
puis la date de sa création, les fonds n’ont ces-
sé de s’enrichir par legs, dons, achats mais
aussi versements. Les fonds courent de la pé-
riode médiévale à la période contemporaine.
Le fonds Léré
Le fonds légué par Jean-Antoine Léré (1761-
1837) regroupe les écrits et dessins de ce com-
piégnois qui a consacré une importante partie
de sa vie à immortaliser dans sa collection les
événements marquants de la cité et répertorier
les sites et monuments de la région.
Le fonds Léré, unique et intégralement en pos-
session de la ville de Compiègne, regorge
d’informations historiques et géographiques
sur la ville et ses environs. En effet, Léré décrit
non seulement les monuments civils et reli-
gieux, mais aussi tout le cadre de vie et les
mœurs de son temps. Ses dessins aquarellés,
parfois maladroits mais évocateurs, ainsi que
ses plans soigneusement mesurés, accompa-
gnent des notes assez brouillonnes mais trans-
crivant souvent des documents disparus ou
difficilement accessibles. Il consigne les évé-
nements locaux, mène des enquêtes de terrain
(un peu comme les Impressionnistes quelques
années plus tard) et observe avec précision.
Léré nous a légué une documentation inesti-
mable sur Compiègne et ses environs ainsi que
Vue de Saint-Jean-aux-Bois, Fonds Léré, VDC 197/XV-4 © Bibliothèques de la ville de Compiègne.
67
sur des thèmes très divers comme les fon-
taines, les forêts, la botanique, les jeux, les re-
censements, les descriptifs de village de l’Oise,
etc…
Ce fonds représente 30 000 feuillets qui sont
répartis dans une quarantaine de cartons et
autant de registres. 20% du fonds est constitué
de copies de sources et d’archives remontant
au Moyen Âge, auxquelles Léré a eu accès en
de multiples endroits et qu’il a recopié pour en
faire la matière de son travail encyclopédique.
Les 80% restants sont constitués par la matière
qu’a rédigée Léré lui-même pour son encyclo-
pédie : notices historiques, descriptions phy-
siques, illustrations sous forme d’aquarelles ou
de brouillons.
Ce très grand témoignage trop souvent exploré
au hasard et par simple curiosité reste à dé-
couvrir méthodologiquement en vue d’en éta-
blir une perspective critique.
Le fonds SHC
Il regroupe 9 300 documents d’archives. Il tient
son nom de la Société historique
de Compiègne (SHC), société savante, qui a été
fondée en 1868.
Le fonds constitué par les dons et legs de la
Société rassemble des actes de prévôté, des
contrats de mariages, des jugements de tribu-
naux, des terriers, des actes de juridiction…
Un classement et un inventaire papier existent.
Maintenant, il reste tout le traitement archivis-
tique à effectuer : une analyse plus approfon-
die des documents, signalement et mise en
forme par un langage en EAD (Encoded Ar-
chival Description).
Les manuscrits du Palais de la Réserve pré-
cieuse
Les manuscrits du Palais ont été
l’accroissement le plus notable et le plus riche
quantitativement, grâce au dépôt de l’Etat en
1891 des livres provenant du démantèlement
de la bibliothèque du Palais. A l’origine fort de
10 000 ouvrages, il ne reste plus de ce fonds
après les deux guerres mondiales et les non
restitutions de prêts que 680 titres environ
Le cellier et ses fonds patrimoniaux © Bibliothèques de la ville de
Compiègne.
Forêt de Compiègne, Fonds Léré, VDC 197/XV-4 © Biblio-
thèques de la ville de Compiègne.
68
dont 276 conservés dans la Réserve Précieuse
(18 du XVIIe, 104 du XVIIIe et 146 du XIXe
siècle). Les 404 titres restants sont conservés
dans le fonds ancien.
La caractéristique de ces ouvrages est qu’ils
sont fréquemment ornés de multiples cachets
et possèdent souvent des reliures aux armes
(armes de Napoléon Ier, de Louis XVIII, de
Charles X, de Napoléon III…)
Cette bibliothèque n’a jamais fait l’objet d’une
étude approfondie et synthétique.
Le fonds Boulanger (en cours de signalement)
C’est le petit dernier arrivé cet été dans le cel-
lier. Il compte 700 documents et une corres-
pondance abondante.
Daniel Boulanger (1922-2014) est un romancier
(Prix Goncourt 1974), un poète et un dialo-
guiste reconnu, un musicien, grand voyageur
et commentateur féroce de notre époque.
Il nous laisse une œuvre immense : sa biblio-
thèque personnelle, les manuscrits et les livres,
nouvelles et poèmes, les scénarios dont Les
Mariés de l’An II, Les Chouans, l’Affaire Dominici
et les pièces magnifiques de sa collection
d’autographes (Lamartine, Gauguin, Zola,
Clémenceau…) et toute la presse liée à ses
activités.
Son goût le porte vers le XIXe et XXe siècle,
creuset de la littérature moderne et l’amène à
acquérir les éditions originales de grands
chefs- d’œuvre de ces deux siècles. Il agré-
mente certaines de ces éditions de petites
lettres, de billets ou de cartes de la main de ces
auteurs.
L’étude de ce fonds permet de distinguer le
réseau de Daniel Boulanger : il tient une cor-
respondance avec des écrivains, des musiciens,
des artistes… Elle permet également de mesu-
rer sa notoriété : des invitations à l’Elysée, ses
écrits étudiés, des articles dans des périodiques
étrangers. Elle montre également ses passions
et centres d’intérêt : les antiquités, l’art et … les
cigares.
Cette forte personnalité du XXe siècle reste à
étudier au travers de tous ces documents.
69
Les fonds notariaux dans l’Aisne, apport historique et exploitation scienti-
fique
Jean-Christophe Dumain, Archives départementales de l’Aisne
Des fonds vastes et multiséculaires
Une origine médiévale
Les archives de notaires constituent sans doute
la plus grande masse documentaire homogène
conservée au sein des Archives départemen-
tales de l’Aisne. En effet, on l’estime à un peu
plus de 4 kilomètres linéaires entrés aux Ar-
chives départementales depuis le XIXe siècle. Si
les notaires existent dans l’Aisne depuis le
Moyen Âge23, leurs actes authentiques appelés
« minutes » n’ont cependant pas été conservés
avant le début du XVIe siècle24. En effet, la tra-
dition de conservation s’est développée bien
plus tardivement dans le nord du royaume que
dans le sud. Si l’obligation de conserver ces
documents ne remonte qu’à l’édit de Villers-
Cotterêts de 1539, ce n’est que depuis 1979 que
les études de notaires doivent obligatoirement
verser leurs archives publiques, minutes et
répertoires, aux Archives départementales dont
elles dépendent.
Production et contexte
Le notaire est un officier public qui établit des
actes pour lesquels les parties contractantes
désirent donner un caractère d’authenticité et
de validité devant une juridiction en cas de
litige ou de conflit. Le notaire doit en assurer la
conservation sous forme de « minutes » et en
délivrer des copies certifiées conformes appe-
lées « grosses » ou « expéditions ».
La majorité des minutes conservées émanent
des notaires royaux. Après 1597, le notaire cu-
mule trois fonctions qui étaient auparavant
23 Par exemple, Jehan Bouillon est attesté comme notaire à
Laon au début du XVe siècle. 24 L’une des première minutes est attestées en 1523 (Arch.
dép. Aisne, 214 E 1, minutier de maître Monnart).
bien distinctes : bien évidemment celle de no-
taire (qui reçoit les contractants, et passe les
actes), celle de tabellion (conserve les minutes
et délivre des copies) et enfin celle de garde-
note (créé en 1575, il est chargé de conserver les
minutes des notaires décédés).
L’accessibilité à ces ressources se fait par le
biais d’instruments de recherche mis en libre
accès en salle de lecture. Ceux-ci fournissent les
références (appelées « cotes » dans le jargon de
l’archiviste) sous lesquelles les minutes sont
conservées. Cependant, toutes les minutes pro-
duites depuis le XVIe siècle ne nous sont pas
parvenues dans leur intégralité. Outre les aléas
de la conservation ayant altéré certaines collec-
tions (incendies, moisissures…), les deux con-
flits mondiaux ont causé de lourdes pertes dans
certains secteurs géographiques. Ainsi, les ré-
gions de Saint-Quentin, du Chemin des Dames
(Braine, Craonne ou Vailly-sur-Aisne) ou de
Sissonne ont vu de nombreux minutiers dé-
truits.
L’apport des archives notariales pour
l’histoire de l’art
Artisans et artistes
Comme pour tout individu sous l’Ancien Ré-
gime, les archives notariales peuvent aider à
retracer l’itinéraire et les grandes étapes de la
vie d’un artiste. Les contrats de mariage et de
partage, les déclarations de succession ou tout
autre document le mentionnant permettent
d’appréhender quelques grands épisodes de sa
vie d’homme. C’est ainsi que le peintre laon-
nois Jean-Joseph Berthélemy apparaît dans un
acte de 1790 par lequel il vend une maison sise
70
à Laon à un certain Jean-François Gaillard,
tailleur d’habits25.
De nombreux artisans et artistes ont débuté
leur carrière par une inévitable période de for-
mation. Des actes de mise en apprentissage
instruisent sur l’embauche d’un apprenti, sur
ses devoirs vis-à-vis de son maître (assiduité et
obéissance), et en retour sur les obligations du
maître envers son jeune employé (fourniture de
vêtements, assurance d’un hébergement et
d’un enseignement…). Par exemple, un acte du
22 juin 176526 détaille les conditions d’accueil
des jeunes recrues et leur inscription obligatoire
sur un registre des apprentis de la communau-
té des menuisiers de Laon. Jean-Joseph Berthé-
lemy, père du peintre précité, y est attesté
comme receveur de cette communauté.
Les contrats de mise en apprentissage peuvent
d’ailleurs être passés devant notaires, afin de se
prémunir de toute action judiciaire dans le
futur. Tel est le cas en 1624 de François Desro-
ziers, formé au métier d’« imagier d’argent »
chez Jean Guibon à Liesse27. Enfin, quelques
informations relatives à la vie et l’activité de la
corporation peuvent être décelées. Le 18 sep-
tembre 1720, la corporation des menuisiers de
Laon constitue une rente28 et tous les membres
présents signent l’acte, ce qui permet donc de
connaître la composition de cette communauté.
Quelques informations sur la composition d’un
atelier peuvent être trouvées, bien que les aides
et les commis ne soient que rarement nommés.
La commande
Au cœur de l’histoire de l’art s’inscrivent la
commande et le lien entre le commanditaire et
son artiste. Les minutiers de notaires peuvent
abriter plusieurs pièces relatives à la com-
mande d’une œuvre : état descriptif d’un bâti-
ment méritant restauration, état des travaux à y
effectuer, marché de travaux passé avec
25 Arch. dép. Aisne, 92 E 31 (7 juin 1790). 26 Arch. dép. Aisne, 173 E 41 (22 juin 1765). 27 Arch. dép. Aisne, E 542 (24 mai 1624). 28 Arch. dép. Aisne, 112 E 46 (acte du 18 septembre 1720).
l’entrepreneur ou l’artiste, devis dressé par ces
derniers ou procès-verbal d’adjudication de
travaux.
Par exemple, un devis relatif aux travaux à
effectuer au mur de l’abbaye de Saint-Michel-
en-Thiérache est rédigé le 9 septembre 1779
devant un notaire laonnois29. À l’intérieur de ce
document sont conservées une correspondance
relative aux honoraires dus pour la rédaction
de cet acte, ainsi qu’une facture récapitulant les
frais de l’adjudication des travaux de répara-
tion à faire au mur.
Six ans plus tard, la paroisse Saint-Nicolas
d’Aubenton décide de procéder aux répara-
tions du chœur. Maître Rousseau, notaire à
Laon, rédige le devis des réparations à opérer,
puis consigne dans ce même document le pro-
cès-verbal d’« adjudication au rabais et au
moins disant », la décision d’attribuer les tra-
29 Arch. dép. Aisne, 92 E 20 (acte du 9 septembre 1779).
Modèle de la voûte à reconstruire au chœur de l’église abbatiale
de Saint-Crépin-le-Grand à Soissons (Arch. dép. Aisne, 214 E
133, 1664) © AD Aisne.
71
vaux à un certain Antoine Damideaux, entre-
preneur de bâtiments résidant à Aubenton30 et
les conditions auxquelles devra se soumettre
cet entrepreneur.
Les plans joints en pièces annexes sont en re-
vanche très rares. Notons pour exemple celui
des « clefs, arcs doubleaux, branches et croix
d’augives qui doibvent estre construictes pour
soustenir la voulte du chœur de l’eglise de
l’abbaye royalle de Saint-Crespin le Grand » à
Soissons31. De même, un plan du clocher de
l’église de Craonnelle figure dans un procès-
verbal d’adjudication au rabais des travaux à
effectuer, tant au clocher qu’au chœur à la
charpente et à la couverture de l’édifice32. Dans
ce présent cas, le devis des travaux à réaliser
ainsi que le marché d’adjudication sont portés
sur le même document.
La majeure partie des marchés concerne
l’architecture et le gros œuvre tels que les tra-
vaux de maçonnerie, de charpenterie ou de
couverture. A contrario, les œuvres réalisées
par les peintres, les vitriers, les orfèvres ou les
30 Arch. dép. Aisne, 92 E 26 (acte du 19 mai 1785). 31 Arch. dép. Aisne, 214 E 133 (acte de 1664). 32 Arch. dép. Aisne, 173 E 46 (acte du 3 septembre 1769).
sculpteurs, font plus rarement l’objet de mar-
chés passés devant notaire. Le 28 août 1624, le
curé et le marguillier de l’église Saint-Nicolas
d’Aubenton chargent Charles Gozet, maître
peintre de Fumay (en Hainaut) de peindre a
« l’huile le pupitre et le crucifix de l’église de
Saint-Nicolas d’Aubenton. Il devra peindre en
fin or de ducat les trois fleurs de lys et les
quatre évangélistes qui figurent dans ladite
croix, et parsemer de fleurs d’or ducat l’image
de Notre Dame et de Saint-Jean qui sont aux
côtés de cette même croix »33. Plus original, un
mémoire de travaux à effectuer sur l’orgue de
la cathédrale de Laon est consigné dans le mi-
nutier de Monseignat, notaire en cette localité,
en 168234. Ces derniers documents montrent
donc la variété des marchés pouvant être pas-
sés devant notaires.
Le repérage des œuvres
Le sort d’une œuvre, sa transmission, voire sa
disparition, sont en revanche plus difficiles à
repérer. Les inventaires après décès peuvent
s’avérer intéressants si les œuvres sont bien
identifiées. Mais dans ce cas, l’œil du notaire
rédigeant l’inventaire doit être exercé et bon
nombre d’entre eux ne relèveront pas forcé-
ment le caractère patrimonial d’un objet, que ce
soit un tableau ou une sculpture par exemple.
Les testaments peuvent également fournir
quelques informations sur la transmission d’un
bien mobilier, voire immobilier. Par exemple,
les minutiers laonnois conservent de nombreux
testaments de chanoines de la cathédrale qui
décident à la veille de leur décès de léguer leur
bibliothèque à des proches et choisissent un
lieu d’inhumation bien déterminé (une chapelle
dans la cathédrale ou dans une église…). Des
ventes publiques, des adjudications après décès
peuvent également donner lieu à des inven-
taires assez précis d’objets vendus aux en-
chères. Dans ce cas, le notaire peut dresser une
33 Arch. dép. Aisne, E 337 (acte du 28 août 1624). 34 Arch. dép. Aisne, 111 E 68 (acte du 24 juillet 1682).
Plan de la flèche de l’église de Craonnelle à rétablir en 1769
(Arch. dép. Aisne, 173 E 47, 3 septembre 1769) © AD Aisne.
72
liste des biens attribués par adjudication ou
vente aux enchères, le prix auquel elles ont été
vendues et leur nouvel acquéreur.
Enfin, dans la tourmente occasionnée par la
vente de biens nationaux qui voit de nombreux
patrimoines changer de mains, des actes de
vente aident parfois à repérer certains biens.
Ainsi, le 17 septembre 1793, la vente du do-
maine de l’abbaye de Longpont permet de
mieux appréhender les démolitions causées à
l’église. En effet, l’acte notarié fait mention de
« l’église en entier de la susdite maison, sauf le
mur tenant à la cour du cloître, que les ven-
deurs ne pourront démolir plus bas que vingt
pieds et qui appartiendra à l’acquéreur jusqu’à
cette hauteur seulement »35. L’acte comporte en
outre un plan des bâtiments qui composaient
l’abbaye cistercienne. La conservation des actes
successifs de vente de ces bâtiments offrent
enfin la possibilité de dresser une généalogie
des propriétaires jusqu’à l’époque contempo-
raine.
35 Arch. dép. Aisne, 215 E 10 (acte du 17 septembre 1793).
Conclusion
Les archives notariales constituent donc une
source originale car elles sont à la fois concrètes
mais aussi d’une grande précision. Ainsi, un
marché de travaux ne sera pas autant détaillé
dans un registre de comptabilité que dans une
minute de notaire qui a une valeur probante.
L’histoire de l’art peut être éclairée grâce aux
renseignements portant sur les travaux envisa-
gés aux bâtiments, sur les matériaux ou sur les
artistes et artisans employés. Quelques obs-
tacles doivent être pris en compte : la paléogra-
phie et la dispersion des documents dans la
grande quantité de liasses ou de registres. En
outre, ces sources sont évidemment à mettre en
connexion avec d’autres documents d’archives,
telle la comptabilité communale ou paroissiale.
Il faut enfin tenir compte que les archives des
institutions peuvent conserver les expéditions
des minutes notariales disparues.
Plan des bâtiments composant l’enclos abbatial de Longpont en 1793, lors de son acquisition par Pierre Michel Broutin (Arch. dép. Aisne, 215
E 10, 17 septembre 1793) © AD Aisne.
73
Les fonds de cartes, plans et arts graphiques de la Société des Antiquaires
de Picardie
Aurélien André, secrétaire annuel, Société des Antiquaires de Picardie
La Société des Antiquaires de Picardie fut fon-
dée à Amiens en 1836, sous la monarchie de
Juillet. Au tout début de l’année 1836, François
Guérard, conseiller à la Cour royale d’Amiens,
réunit plusieurs de ses amis : Alexandre Bou-
thors, greffier, Hyacinthe Dusevel, avoué, Le
Dieu, propriétaire, et le docteur Marcel Rigollot.
Il leur proposa de fonder une Société « pour la
conservation des monuments anciens ». Avec
Aimé Duthoit et quelques autres, ils fondèrent
la Société archéologique du département de la
Somme qui devint trois ans plus tard la Société
des Antiquaires de Picardie.
Les buts de la nouvelle société étaient, et sont
toujours, la recherche, la description et la con-
servation des antiquités de la province. Cela
concernait plus précisément les monuments de
l’art et de l’histoire que l’Antiquité et le Moyen
Age avaient laissés en Picardie : archives,
églises, menhirs et dolmens, mottes, tumuli,
camps romains, cryptes et souterrains, châteaux
gothiques, tombeaux, marbres, métaux sculptés,
poteries... La Société devait également veiller à
la conservation du patrimoine tel que nous
l’entendons aujourd’hui, de concert avec la
toute jeune administration des Monuments
historiques.
Dans ses statuts, la Société avait prévu la créa-
tion d’un musée d’antiquités à Amiens. Dès
1851 elle obtint du prince-président Louis-
Napoléon Bonaparte la reconnaissance d’utilité
publique, prélude indispensable à la fondation
du musée. En 1852, l’empereur fit don du ter-
rain de l’ancien arsenal, rue des Rabuissons
(actuelle rue de la République), et autorisa la
Société à financer la construction du bâtiment
par le tirage de plusieurs loteries. Du concours
d’architectes (les plans sont toujours conservés
Amiens, SAP, ms. n° 23, Escritel des maîtres de la confrérie du Puy Notre-Dame, vers 1490 © Société des Antiquaires de Picardie.
74
par la Société qui les a déposés au Musée de
Picardie) sortit lauréat le projet d’Henri Parent.
Débutés en 1855, les travaux étaient achevés en
1864 et le musée, alors dénommé Musée-
Napoléon, fut donné à la ville d’Amiens en 1869
avec les collections archéologiques et médié-
vales que les Antiquaires y avaient rassemblées.
Les Antiquaires de Picardie se réservèrent deux
salles, qu’ils occupent toujours aujourd’hui, au
rez-de-chaussée du musée, sur la cour
d’honneur : la première à usage de bibliothèque
et la seconde comme salle des délibérations.
Aujourd’hui la bibliothèque contient plus de
80 000 volumes, un millier de manuscrits (les
plus anciens remontant au XIIe siècle), environ
30 000 clichés photographiques (de 1850 à nos
jours) et un médailler de plusieurs milliers de
médailles et de monnaies. Les collections d’arts
graphiques sont d’une grande variété et reflè-
tent les nombreux centres d’intérêts de la Socié-
té. Plusieurs centaines (voire milliers) de docu-
ments originaux sont en cours d’inventaire.
Parmi les œuvres du Moyen Âge finissant, ci-
tons l’Escritel de la confrérie du Puy Notre-
Dame, commencé vers 1490, véritable livre des
statuts de la confrérie amiénoise, dont le fron-
tispice est orné en pleine page d’une enlumi-
nure représentant une Vierge de Miséricorde
peinte par le Maître d’Antoine Clabaut (ms. n°
23). Autre pièce rarissime, autour de 1529, un
projet dessiné sur parchemin pour un portail
sculpté de l’Hôtel-Dieu d’Amiens, découvert en
démontant une reliure à la fin du XIXe siècle et
donné à la Société en 1887.
Le manuscrit n° 207, intitulé Recueil d’épitaphes et
inscriptions des personnes illustres et austres qui se
trouvent dans les églises des villes et villages de
Picardie (1714) permet de connaître quantité de
tombeaux détruits lors de la Révolution. On y
Amiens, SAP, ms. n° 632, projet de portail sculpté pour l'Hôtel-
Dieu d'Amiens, vers 1529 © Société des Antiquaires de Picardie.
Amiens, SAP, m. n° 207, Epitaphes et inscriptions des
personnes illustres et austres qui se trouvent dans les
églises des villes et villages de Picardie, 1714. Amiens,
cathédrale Notre-Dame, monuments funéraires de Robert de
Fouilloy et de Simon de Gonçans © Société des Antiquaires de
Picardie.
75
Amiens, SAP, Nicolas Blasset, Pièce sans prix, Vierge et Mère sans tache, 1655 © Société des Antiquaires de Picardie.
76
retrouve les dessins, certes naïfs, de plusieurs
mausolées disparus de la cathédrale. Beaucoup
de dessins concernent la cathédrale Notre-
Dame d’Amiens sont conservés par la Société :
parmi des dizaines, citons les relevés et plans
compilés dans l’Abrégé de l’histoire de l’église
cathédrale de Notre-Dame d’Amiens…, réalisé en
1727 (ms. n° 457).
Du célèbre fondeur de cloches picard Philippe
Cavillier installé à Carrépuis, la Société des
Antiquaires de Picardie possède un manuscrit
de L’œuvre campanale ou le fondeur familier qui
conduit dans les opérations de cet art, (ms. n° 458,
1732), riche d’une vingtaine de dessins mon-
trant la technique pour fondre les cloches.Pour
la période de l’Ancien Régime, la Société con-
serve le fonds exceptionnel du château
d’Heilly donné par Jules Garnier en 1848 ; sa
restauration complète est presque achevée.
Parmi des dizaines de feuilles, plusieurs sont
signées de Pierre Contant d’Ivry (1698-1777) à
qui le marquis de Choiseul-Gouffier avait de-
mandé de transformer ce « petit Versailles
picard ». Parmi les architectes ayant œuvré en
Picardie au XVIIIe siècle, la société conserve
des feuilles signées Jean Rousseau (1733-1811),
Pierre-Joseph Christophle (1715-1782), François
Franque (1710-1793).
Une pièce exceptionnelle a été remise au jour
en 2014. Il s’agit d’un dessin autographe du
sculpteur amiénois Nicolas Blasset (1600-1659),
autrefois annexé au contrat passé devant no-
taire avec Antoine Pièce pour la réalisation du
puy de 1655 représentant L’Annonciation, bas-
relief toujours conservé à la cathédrale
d’Amiens. C’est, à ce jour, le seul dessin con-
servé de la main de Blasset.
Les œuvres du XIXe siècle sont numériquement
les plus nombreuses et ne peuvent naturelle-
ment pas être toutes énumérées ici. Le fonds le
plus important est celui de l’architecte du dé-
partement de la Somme, et architecte des Hos-
pice, Jean Herbault (1807-1880). Il était membre
de la Société des Antiquaires de Picardie et
légua à la Société les plans qu’elle possède
toujours aujourd’hui. Plusieurs centaines de
feuilles sont consacrés aux restaurations de
monuments historiques (chapelle du Saint-
Esprit à Rue, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul
de Gamaches, collégiale Saint-Vulfran
d’Abbeville), à la construction de châteaux pour
l’aristocratie picarde (château de Regnière-
Ecluse du comte d’Hinnisdal), à la construc-
tion et à l’aménagement d’hôpitaux (Hôtel-
Dieu d’Amiens, hospice Saint-Charles
d’Amiens, hospice de Picquigny), à la cons-
truction de monuments publics (réaménage-
ment de la préfecture de la Somme et des bâ-
timents du Conseil général de la Somme, cons-
truction de la gendarmerie d’Amiens), rapport
de fouilles (découvertes de mosaïques gallo-
romaines lors du creusement des fondations de
la gendarmerie rue des Jacobins en 1857, rele-
vés des restes de l’ancienne église Saint-Pierre
de Doullens). Du même Herbault, en associa-
tion avec Natalis Daullé, la Société conserve un
fort précieux recueil de dessins et relevés de la
Amiens, SAP, fonds Herbault, plan de l'Hôtel-Dieu d'Amiens
© Société des Antiquaires de Picardie.
77
cathédrale d’Amiens antérieur aux grands
travaux de Viollet-le-Duc (vers 1850).
Charles Pinsard, architecte et archéologue
amiénois (1819-1911), membre de la Société, lui
a légué une partie de son fonds : nombreux
relevés de fouilles archéologiques magnifi-
quement illustrés (carreaux de pavage de
l’abbaye du Paraclet de Boves (ms. n° 272),
cimetière gallo-romain de Saleux (ms. n° 266),
cimetière gaulois de Vers-sur-Selle (ms. n°
265), recueil de silex taillés (ms. n° 257). Ajou-
tons les recueils de photographies, gravures,
plans des communes de la Somme, la collec-
tion de portraits des grands hommes de Picar-
die.
Parmi les recueils de dessins concernant la
Picardie, deux sont particulièrement impor-
tants. En 1869, Aubin Normand a compilé dans
les Monumens anciens et modernes de la ville
d’Amiens, 176 dessins d’Amiens ; 12 de Corbie
et 6 des découvertes archéologiques de Saint-
Acheul. Le dessinateur et lithographe abbevil-
lois Léon Gillard (1827-1889) a réalisé plusieurs
centaines de dessins des monuments du Pon-
thieu, datant des années 1860 ; cette collection
est conservée dans quatre grand portes-feuilles
in-folio.
Enfin, rendons hommage à François Vasselle
(1925-2015), architecte et archéologue qui fut
membre de la Société de 1944 à sa mort. Conti-
nuateur de l’œuvre de Charles Pinsard, il a
laissé à la Société des Antiquaires de Picardie
certains plans des fouilles qu’il effectua lors de
la Reconstruction d’Amiens (thermes de la rue
de Beauvais, plans de l’amphithéâtre gallo-
romain). Ses dons témoignent de
l’accroissement permanent de la collection des
cartes, plans et arts graphiques de la Société
des Antiquaires de Picardie.
78
Les archives hospitalières et les archives révolutionnaires d’Abbeville
Eric Berriahi, archiviste, Archives communales d’Abbeville
Les archives hospitalières
Historique de la conservation
Les archives hospitalières d'Abbeville sont
aujourd'hui conservées principalement dans
deux institutions. D'une part aux Archives
départementales de la Somme dans la série H
dépôt, mais également dans les différentes
séries du cadre de classement des Archives
départementales et d'autre part aux Archives
municipales d'Abbeville, fonds des archives
hospitalières.
Présentation du contenu
Les archives hospitalières sont une source ma-
jeure pour l'étude d’un établissement. C’est à
travers elle que l’on verra s’élaborer une poli-
tique c’est à travers elle que l’on verra se déve-
lopper des projets, s’accomplir une gestion,
que l’on pourra relier à l’évolution plus géné-
rale de la politique d’assistance.
Les archives hospitalières sont également,
peut-être plus encore pour les époques an-
ciennes, une source irremplaçable d’histoire
démographique, économique et sociale, au-
delà de la seule histoire de l’hôpital ou de la
santé. C’est d’ailleurs cette dimension sociale
qui a justifié l’intérêt porté très tôt par les Ar-
chives de France aux archives hospitalières.
En effet, l’hôpital est une structure ancienne
attesté en 1155 pour Abbeville. Lieu d’accueil
des indigents, où les soins consistent avant
toutes choses en l’apport de nourriture, bras-
sant une population importante et procédant à
de nombreux achats, l’hôpital produit très vite
des outils de suivi de sa population et de sa
gestion comptable, sous l’aspect de comptes et
de registres de population. Ces archives per-
mettent de produire des séries très fécondes,
Acte de donation de 1349, Hôpital Saint-Jacques-aux-Pélerins (AC Abbeville, VB1 pièce 58) © Ville d’Abbeville, cliché E. Berriahi.
79
aussi bien sur la composition et les mouve-
ments d’une population que sur l’histoire éco-
nomique du pays.
Par elles, bien avant la constitution au XlXe
siècle des listes de recensements de popula-
tion, on a une connaissance des populations et
de leurs mouvements, en parallèle des sources
d’état civil; par elles, on peut réaliser des
études sérielles sur les prix des matières ali-
mentaires ou des matériaux de construction,
sur les salaires.
Il est utile de consulter l'inventaire manuscrit
de 1873-1874 conservé aux Archives départe-
mentales de la Somme (3T61) avec supplément
de 1948 ou sa version dactylographiée consul-
table aux Archives municipales d'Abbeville,
ainsi que le répertoire et guide des sources : Les
Hôpitaux de Picardie du Moyen Age à la Révolu-
tion, sous la direction de Marie-Claude Dinet-
Lecomte et Pascal Montaubin, encrage.- 2014.
Conditions d'accès : Les documents sont li-
brement communicables.
Les archives révolutionnaires
Historique de la conservation
Si les archives de la commune d'Abbeville
furent sous la responsabilité d'archivistes-
paléographes jusqu'en 1913, la plupart du
temps c'était sous celle de bibliothécaires que
sont confiés la conservation et la gestion des
archives anciennes et modernes jusqu'à la no-
mination d'un archiviste et la création d'un
service d'Archives municipales en 2012. De ce
fait, le fonds d'archives révolutionnaires im-
briqués avec les collections de la Bibliothèque
historique, n'est classé selon des principes ar-
chivistiques qu'en 2015 et présente sur plu-
sieurs documents une double cotation (biblio-
thèque et archives). Cette confusion entre les
Archives et la Bibliothèque historique, ainsi
que les pertes d'archives subies lors des bom-
bardements de 1940, justifient le choix d'isoler
dans un instrument de recherche les archives
révolutionnaires en un fonds sur le modèle des
Archives départementales (série L) afin de
Quelques documents provenant des fonds révolutionnaires (à gauche et au milieu, AC Abbeville 3D4. Administration générale, correspon-
dance ; à droite, AC Abbeville 103 Police et voirie) © Ville d’Abbeville, cliché E. Berriahi.
80
redonner une cohérence intellectuelle aux ar-
chives. Le fonds révolutionnaire des archives
communales d'Abbeville respecte la loi sur les
archives et il est classé et répartie au sein des
19 séries thématiques selon le cadre de classe-
ment de 1926.
Présentation du contenu
Le fonds d'archives révolutionnaires concentre
les documents produits et reçus par l'adminis-
tration abbevilloise pour la période de 1788 à
1802. A cette période, celle-ci avait autorité sur
Abbeville et son arrondissement/district d'où
la présence d'archives concernant les com-
munes voisines comme Rue ou Long. Le con-
texte historique fait de la période une ère de
bouleversement des institutions avec la sup-
pression de celles de l'ancien régime et la créa-
tion de nouvelles, certaines éphémères et
propres à la Révolution (ex : Comité de sur-
veillance révolutionnaire, série 4I), d'autres qui
perdureront (ex : Garde Nationale, série 3H).
La nouveauté de ces institutions et la taille
réduite du fonds font que toutes les séries du
cadre de classement ne sont pas représentées
et l'accent mis sur certaines comme la série H –
Affaires militaires (guerre avec les monarchies
voisines), la sous-série 4F – Subsistances et
approvisionnement (période de disette) ou
encore la série N (récupération des bien des
émigrés et nationalisation des biens du clergé,
puis vente de biens nationaux). Le fonds pré-
sente également de nombreuses informations
sur de grands personnages locaux comme An-
dré Dumont (1764-1838), administrateur du
département de la Somme, membre de la Con-
vention nationale et maire d'Abbeville ou
encore Louis Alexandre Dévérité (1743-1818),
également administrateur du département de
la Somme et membre de la Convention.
Conditions d'accès : Les documents sont li-
brement communicables.
81
Collections textiles Maison Matisse © Maison Matisse.
Les archives textiles du Vermandois : un patrimoine en désuétude ?
Eléonore Peretti, directrice, Maison familiale Henri Matisse
Matisse en Picardie : la jeunesse de l’artiste
La Maison familiale d’Henri Matisse, à Bohain-
en-Vermandois, est un lieu patrimonial labelli-
sé Maison des Illustres qui conserve la mé-
moire des vingt premières années de la vie du
peintre, une jeunesse partagée entre les graines
du commerce familial, les couleurs que lui fait
découvrir sa mère et les tissus qui l’entourent.
Le « clic-clac » des navettes berce les journées
du jeune Henri ; il admire le savoir-faire des
travailleurs du textile, à l’instar de la dévi-
deuse picarde dont il fera plus tard le portrait.
Source d’inspiration du peintre tout au long de
sa vie, le textile tient une place importante tant
dans notre scénographie que dans nos ar-
chives.
Le textile, une tradition bohainoise
Bohain était jadis la capitale des tissus : dès le
XVIIe siècle, les registres y attestent la présence
de nombreux mulquiniers, ouvriers fabriquant
des toiles fines. La renommée de la ville, deve-
nue dès le 19ème siècle l’un des centres de pro-
duction textile les plus importants du Nord de
la France, se répand rapidement à
l’international : de grands noms passent com-
mande auprès des tisseurs et tisserands bo-
hainois, réputé pour leur savoir-faire. Napo-
léon Ier, par exemple, commandait des châles
82
Collections textiles Maison Matisse © Maison Matisse.
de « cachemire bohainois », étoffe chaude et
magnifiquement rebrodée, pour Joséphine. Le
tsar Nicolas II de Russie fit quant à lui confec-
tionner son trousseau de mariage à la fabrique
du Vert Muguet.
À partir de 1870, l’industrie textile s’orienta
vers les nouveautés pour confection et ameu-
blement : c’est le début d’une longue phase de
développement économique pour la ville.
On comptait, vers 1895, 10 000 ouvriers du
textile dans le Vermandois travaillant pour
Bohain. En 1825, Auguste Rodier fonde sa
fabrique éponyme qui peu à peu se développe
sur plusieurs îlots. Le cœur de la ville bat au
rythme des machines : pour les manier, our-
disseuses, bobineuses, dévideuses ou encore
canneteuses au rouet, qui côtoient les manu-
tentionnaires et les employés aux matières et à
la fabrication. Bohain et la région qui l’entoure
forment une vaste agglomération d’ateliers
dont les bureaux de direction et les magasins
de vente sont à Paris, l’élément patronal n’y
étant représenté que par des chefs de fabrica-
tion. On envoie de Paris les esquisses, Bohain
met sur carte et échantillonne. De ces échantil-
lons, Paris fait la sélection en conformité des
pronostics sur le goût futur de la clientèle,
Bohain tisse les pièces commissionnées et Paris
les apprête.
Quelques années plus tard, Coco Chanel vien-
dra régulièrement s’approvisionner en tissus
dans ces usines aux noms prestigieux.
L’héritage des années fastes
La Maison familiale d’Henri Matisse, dès son
ouverture en 2008, a très rapidement assumé
sa mission de présentation d’artefacts et de
documents liés à l’artiste mais surtout à
l’histoire de la ville de son enfance. Nous nous
attachons, au travers de deux pièces dédiées, à
faire revivre la mémoire de l’industrie textile,
tout en rendant hommage aux travailleurs qui
se sont succédé dans les différentes usines.
Notre démarche est fortement appuyée par la
population, qui n’hésite pas à nous apporter,
sous diverses formes, des souvenirs liés à
l’histoire du textile à Bohain.
Nous conservons en particulier un fonds
d’archives textiles extrêmement important, qui
comporte près de 600 mises en carte goua-
chées, quelques 200 comptes rendus de fabrica-
tion, une dizaine de cahiers et de livres
d’apprentissage, et 6 cahiers d’échantillons
dont deux datés de 1869. Parmi ces ressources,
nous ne présentons que quelques pièces triées
en fonction de leur état et de leur intérêt pour
nos visiteurs, et dont nous varions la durée
d’exposition pour ne pas les endommager.
Nos recherches préalables nous ont permis de
constater que la plupart des archives laissées
en dépôt ou données à la Maison Matisse sont
des témoignages précieux du fonctionnement
des usines entre les années 1905 et 1950, en
particulier sur la façon dont se formaient les
apprentis tisseurs et dont ils évoluaient d’un
poste à l’autre. Les nombreuses listes de com-
mande en notre possession pourraient égale-
ment être exploitées pour retracer l’itinéraire
des marchandises fabriquées à Bohain, et en-
voyées ensuite dans les maisons de haute cou-
ture parisienne. Notre fonds photographique
numérisé s’enrichit d’une comparaison entre
les pièces photographiées et les archives (no-
tamment les mises en carte) reproduisant les
motifs les plus en vogue. La minutie avec la-
83
quelle ces pièces ont été réalisées (un point de
gouache par carré) les rend particulièrement
intéressantes en ce qu’elles témoignent d’une
méthode de formation tout à fait spécifique.
Nous avons récemment fait l’acquisition de
matériel de conservation préventive spécifique
(hygromètre, pinceaux, boîtes Léonard) qui
nous permettent de protéger nos collections.
Nous en avons démarré l’inventaire et en cons-
tatons chaque jour les richesses, mais notre
manque de moyens, tant humains que maté-
riels, ne nous permet pas d’en assurer un suivi
aussi attentif que nous le voudrions. La con-
servation des échantillons textiles notamment
est délicate, car certaines archives récupérées
au fil des années, entassées dans les greniers et
les caves de Bohain, ont pâti du manque de
soin et présentent des traces d’infestation an-
ciennes qu’il nous faut surveiller ; beaucoup de
tissus nous sont arrivés dans un état déplo-
rable qui nous a obligés à opérer une sélection.
Les archives textiles que nous conservons à la
Maison familiale d’Henri Matisse sont remar-
quables à la fois par leur nombre, leur grande
diversité et leur histoire ; témoignages parfois
en piteux état d’un passé dont les traces se
repèrent encore dans le tissu urbain, dans les
nombreuses friches à l’abandon ou en cours de
requalification, ces pièces doivent être préser-
vées et présentées au public dans les meil-
leures conditions. Nous sommes engagés de-
puis 2013 dans cette démarche de revalorisa-
tion d’un patrimoine qui, à notre sens, mérite
de retrouver ses lettres de noblesse. Entre la
plaie mal cicatrisée d’une crise économique
récente et l’indifférence pour ce qui, pendant
des années, constituait le quotidien des travail-
leurs bohainois, c’est au musée comme institu-
tion patrimoniale d’éveiller la curiosité du
visiteur mais également de l’habitant, et de lui
proposer de se constituer à nouveau parti-
prenante de son histoire.
84
Des ressources
pour la recherche…
Musées et collections
85
Les collections patrimoniales d’enseignement et de recherche en sciences
de la vie et de la terre de LaSalle Beauvais
Pascal Barrier, enseignant-chercheur en sédimentologie, responsable des collections,
Institut LaSalle Beauvais
L’Institut Polytechnique LaSalle – Beauvais
détient depuis plus d’un siècle et demi des
collections patrimoniales de sciences natu-
relles. Il s’agit de roches, minéraux, fossiles,
coquillages, outils préhistoriques, plantes,
animaux mais aussi des objets pédagogiques.
Nos collections
Les échantillons du monde minéral sont rangés
dans un meuble « tiro clast » où ils sont classés
en stratigraphie ou par familles. Les animaux
sont conservés en boîtes, épinglés, naturalisés
en position de vie, en squelettes, immergés
dans des flacons ou dans de la résine plastique.
Les plantes sont le plus souvent séchées et
collées sur les pages d’un herbier. Les graines
sont isolées dans des flacons étanches et le bois
est tranché.
Qu’elles soient minérales, animales ou végé-
tales ces collections sont des réservoirs à ré-
flexion, discussions et études scientifiques. Bon
nombre de pièces minérales proviennent de
sites disparus ou inaccessibles (voir l’article de
Yannick Vautier dans cette édition électro-
nique des actes) alors que certains animaux et
végétaux témoignent d’une biodiversité âgée
de plus d’un siècle. Pour elles, nos collections
constituent le dernier refuge.
Une partie des collections a conservé sa fonc-
tion première : être utile en pédagogie. Elle est
utilisée en travaux pratiques par les élèves.
L’autre partie, historique, est conservée dans
son « jus ». Elle est en accès limité, réservé à la
consultation des chercheurs.
Les collections en chiffre :
Herbier : 30 000 spécimens, 1257 es-
pèces patrimoniales, rares ou mena-
cées d’extinction ;
535 oiseaux naturalisés dont 180 es-
pèces très rares ou disparues , 80 rep-
tiles ;
Plus de 10 000 spécimens d’insectes ;
Plus de 18 tonnes de roches, minéraux
et fossiles ;
300 flacons et tubes de graines ;
110 spécimens de bois indigènes et
exotiques.
Le Fou de Bassan, Morus bassanus, est un représentant picard de
nos 535 oiseaux naturalisés © Institut LaSalle Beauvais.
86
Sur la valorisation des collections patrimo-
niales de sciences naturelles du réseau La-
Salle Monde
L’Institut Polytechnique LaSalle – Beauvais a
pour projet de valoriser ses collections patri-
moniales mais aussi de fédérer les actions de
préservation des collections de sciences natu-
relles des établissements de son réseau, en
France et ailleurs dans le monde. La première
étape passe par un recensement des collec-
tions, pour la plupart vielles de plus d’un
siècle, de façon à éviter des disparitions inopi-
nées. Dans un second temps un inventaire
numérique est réalisé impliquant le plus sou-
vent le travail d’étudiants et d’enseignant mo-
tivés. L’objectif final est de faire connaitre ce
patrimoine oublié à la communauté scienti-
fique mais aussi à toutes personnes, directeur
de Musée, commissaire d’exposition, anima-
teurs des collectivités, qui œuvrent pour pro-
mouvoir les sciences de la vie et de la terre
auprès du grand public. A terme, la création
d’un musée de site sur le Campus LaSalle de
Beauvais est envisagée.
Modèles anatomiques démontables en papier mâché Louis Auzoux. Ce médecin français du XIXe siècle utilisait une technique unique de pro-
duction d’objets destinés à l’enseignement des sciences naturelles © Institut LaSalle Beauvais.
87
Le Musée des papillons à la recherche de son histoire
Agnès Villain, directrice, Musée des papillons de Saint-Quentin
Véritable trésor du patrimoine saint-
quentinois, le musée est né en 1912 du legs de
Jules Passet, riche entomologiste amateur né à
Saint-Quentin en 1836 (600 000 spécimens es-
timés).
Le Musée des papillons a subi les vicissitudes
des deux guerres. Outre les insectes, il abrite
également d’autres spécimens, issus notam-
ment de l’activité d’une ancienne société sa-
vante, la Société d’histoire naturelle ou Société
linnéenne de l’Aisne, disparue vers 1968, dont
le musée conserve le fonds documentaire, un
herbier départemental (LB Riomet), une série
herpétologique en fluide, ainsi que les ar-
chives. On trouvera également quelques co-
quillages, poissons, minéraux, provenant de
l’ancien Musée de l’Enfance.
D’autres collections plus récentes venues
s’ajouter au legs initial constituent aujourd’hui
un fonds approchant 1400 boîtes. Seuls 11 000
spécimens pour 255 boîtes étaient visibles dans
l’exposition permanente, démontée depuis
juillet 2015, afin de préparer le déménagement
vers un nouveau site.
Un musée-muséum ne peut se résumer à la
présentation d’objets : il vit, reçoit, transmet, il
donne à voir et à apprendre, il questionne sur
notre société et nos pratiques, et nous rappelle
à nos devoirs de citoyens (environnement,
biodiversité).
Les possibilités de stage et de recherche sont
de différentes dimensions :
Entomologie : inventaire des spéci-
mens de Picardie dans les collections ;
Botanique : inventaire de l’herbier
Riomet (flore de l’Aisne) ;
Aspect ethno-cognitif : pourquoi les
insectes (et araignées) font peur ? tra-
vail sur la perception et le ressenti du
public (enquête, analyse, publication) ;
Archives-documentation : inventaire
du fonds documentaire de la Société
d’histoire naturelle de l’Aisne.
88
Intailles et camées de la collection Danicourt : Antiquité précieuse
David De Sousa, directeur, Musée Alfred-Danicourt de Péronne
Rêvé par un maire et un sous-préfet au XIXe
siècle, le musée municipal Alfred-Danicourt
ouvre ses portes au public en 1877. Il est véri-
tablement l’un des phares culturels à l’est de la
Somme avant 1914, se développant petit à petit
jusqu’à occuper toute l’aile gauche de l’hôtel
de ville de Péronne. Le champ scientifique de
ses collections archéologiques s’étend alors de
la Préhistoire à l’époque contemporaine ; le
fonds beaux-arts est fort quant à lui de plu-
sieurs centaines d’œuvres picturales et sculp-
tures, dont quelques dépôts de l’état et dons
du baron Alphonse de Rothschild. Danicourt a
voulu un musée municipal qui s’appuie sur
trois axes culturels où le patrimoine de la
Haute-Somme prend une large place :
l’archéologie, la peinture, et l’histoire. Mais la
qualité des collections archéologiques, excep-
tionnelle, dépasse largement le simple cadre de
la Picardie.
Le musée présente ainsi l’une des plus belles
collections au monde de monnaies gauloises ;
le « médaillier Danicourt » fait (déjà à
l’époque) référence dans le monde de la nu-
mismatique. Le mobilier archéologique an-
tique et mérovingien réuni par Danicourt, et
enrichi par d’autres dons et dépôts après sa
mort en 1887, est tout aussi remarquable. Par-
mi ces objets exceptionnels une collection
d’intailles et de camées que Danicourt rassem-
bla à partir d’un noyau constitué par le rachat
de pierres de la collection du Comte de Gobi-
neau, dispersée en salle des ventes en 1882.
Pour ses plus belles acquisitions, Alfred Dani-
court publia quelques articles, notamment
dans la Revue Archéologique. Mais pour nombre
de ses objets, l’absence de documentation sur
le contexte de découverte et d’achat est récur-
rente.
Le passage de la Grande Guerre n’arrange rien
puisqu’entre 1914 et 1918, le musée perd 95%
de ses collections, et le bâtiment est totalement
détruit de même qu’une partie de ses archives.
Quelques œuvres sont restituées par
l’Allemagne après 1919, mais globalement la
majeure partie des collections disparaît sans
laisser de traces, victime plutôt d’un pillage
« troupier » que d’un déménagement organisé
comme purent le connaître d’autres structures
muséales des départements occupés. Grâce au
conservateur de l’époque qui les enterre, plu-
sieurs centaines de petits trésors archéolo-
giques antiques et médiévaux sont néanmoins
Le musée en 1906 © Photo Ville de Péronne / Musée Alfred-
Danicourt
Le musée en 1916 © Photo Ville de Péronne / Musée Alfred-
Danicourt
89
sauvés, dont le fameux médaillier. Ces objets
miraculés seront d’ailleurs à nouveau enterrés
pendant la Seconde Guerre mondiale pour être
soustraits à l’intérêt allemand.
Le musée Alfred-Danicourt, balayé pendant la
Première Guerre mondiale, disparaît dans
l’entre-deux-guerres, et ne reprend vie vérita-
blement qu’en 1955, lors d’une réouverture à
l’étage de l’aile droite de l’hôtel de ville, occu-
pant des volumes réduits de 75 % par rapport
à l’avant 1914. De par cette histoire chaotique
qui fit de lui un musée victime de guerre, le
musée de Péronne est toujours aujourd’hui un
musée territorial à la recherche de l’histoire et
de la connaissance de ses collections. C’est là
où les échanges scientifiques avec le milieu de
la recherche prennent toute leur importance :
en contrepartie d’un accès facilité à ses collec-
tions pour les chercheurs, le musée retrouve, à
travers les résultats de leurs travaux, une par-
tie de sa mémoire perdue.
Parmi les collections en attente d’un enrichis-
sement documentaire et scientifique on trouve
donc la collection Danicourt d’intailles et de
camées, témoins d’une « Antiquité précieuse ».
Depuis leur invention, les camées et les in-
tailles appartiennent à l'univers du luxe. Tour
à tour bijoux, objets magiques, politiques, as-
trologiques ou médicaux, ils sont avant tout
des supports d'information. Ces petits trésors
véhiculent à travers leur iconographie un pré-
cieux héritage des civilisations de l'Antiquité.
D'origines très diverses, la collection de glyp-
tique réunie par Alfred Danicourt au XIXe fit
partie des biens légués par le mécène péron-
nais à sa ville en 1887. Elle est aujourd'hui
l'une des plus importantes d'Europe par le
nombre de pièces (120), datées essentiellement
du VIIIe au IIe siècle avant notre ère.
La science des intailles est communément dé-
signée sous le terme de GLYPTIQUE (du grec
"gluphéin" signifiant "graver"). La glyptique
est apparue au Proche-Orient, en particulier en
Mésopotamie avec la fabrication de sceaux
cylindres dès le troisième millénaire avant
notre ère. Elle se développe chez les Egyptiens
Camées et intailles de la collection Danicourt © Photo Ville de Péronne / Musée Alfred-Danicourt
90
principalement sous la forme scaraboïde, in-
secte sacré dont les élytres forment la face exté-
rieure et bombée des pierres, la face plane ac-
cueillant des hiéroglyphes ou des représenta-
tions de divinités. Les Grecs connaissent aussi
l'intaille et il faut attendre la période romaine
pour voir apparaître le camée.
On ne sait presque rien du passé de ces objets
avant leur exposition à Péronne au XIXe siècle,
et encore moins sur le contexte de leurs décou-
vertes. Quelques pièces firent l’objet d’une
étude par John Boardman pour la Revue Ar-
chéologique en 1970, puis par la spécialiste
française Hélène Guiraud dans les années 1990
pour les Editions du CNRS. Depuis plus aucun
étudiant ou chercheur ne s’est penché sur cer-
taines pièces de la collection… Quant à une
étude globale de l’ensemble, elle est encore à
faire.
Voici donc l’exemple parfait d’un fonds dispo-
nible à l’étude dans un musée picard, comme
d’ailleurs d’autres ensembles archéologiques
que possède le musée Alfred-Danicourt. C’est
pour cela que sa participation à ces premières
Rencontres du Patrimoine en Picardie était
importante pour rappeler, comme d’autres
établissements patrimoniaux qui se sont asso-
ciés à ce rendez-vous culturel, que les musées
de France sont aussi des centres ressources et
que la recherche et l’aide à la recherche sont au
cœur de leurs missions scientifiques dans
l’objectif constant d’une meilleure connais-
sance des collections pour une meilleure valo-
risation vers tous les publics.
Liens :
http://insitu.revues.org/11479
http://www.culture.gouv.fr/documentation/joc
onde/fr/decouvrir/expositions/peronne-
intaille/peronne-intaille-pres.htm
91
L’histoire du goût pour la peinture italienne en Picardie
Servane Dargnies, Institut national d’Histoire de l’art
Christophe Drouard, Institut national d’Histoire de l’art
La peinture italienne en Picardie : recense-
ment et découvertes
Depuis 2001, sous l'impulsion et la direction de
Michel Laclotte, l’Institut national d'histoire de
l'art (INHA) s’est donné pour tâche de recenser
toutes les œuvres italiennes conservées dans
les collections publiques françaises (musées,
églises, administrations d’Etat ou locales, etc.).
Ce vaste travail bibliographique et de re-
cherche sur le terrain s'appuie sur les conserva-
teurs des musées en régions, les services de
l'inventaire et les conservateurs des antiquités
et objets d’art (CAOA), toujours prêts à mettre
à la disposition de l’équipe de l'INHA leur
savoir personnel, leurs fichiers, le plus souvent
très complets, et les reproductions des œuvres
numérisées. Les bases de données Joconde et
Palissy du ministère de la Culture et de la
Communication, les ressources de la Média-
thèque de l’Architecture et du Patrimoine ont
également été utiles à l'élaboration de ce réper-
toire. Les informations ainsi recueillies et les
visites sur place, notamment dans les réserves
des musées et dans les églises, ont permis de
compléter peu à peu un corpus de plus de 13
500 œuvres.
En ce qui concerne les œuvres italiennes de la
région Picardie, le recensement et les missions
sur le terrain ont été conduits entre 2009 et
2010 par une équipe composée de chercheurs
de l'INHA, de chercheurs invités, de docto-
rants et de stagiaires qui ont travaillé sur les
fonds de photos et conduit des missions sur le
terrain en Picardie. Ainsi, pour les musées, 524
tableaux ont été recensés et étudiés en Picardie
dont 119 tableaux dans l'Aisne, 305 dans l'Oise
et 100 dans la Somme. La connaissance des
tableaux italiens conservés dans les églises s'est
récemment considérablement enrichie grâce au
travail d'une étudiante de l'Ecole du Louvre,
Constance Calderari-Froidefond.
Pour tous ces tableaux, dans la grande majorité
des cas, le nom de l’auteur était unanimement
admis, notamment pour les œuvres de musées.
En ce qui concerne les œuvres inédites ou aux
attributions fantaisistes, de nombreux spécia-
listes français et étrangers ont été consultés
pour enrichir le répertoire de nouvelles attri-
butions. Les résultats de ces nombreuses
études seront à découvrir dans l'exposition «
Heures italiennes » (Amiens, Beauvais, Chan-
tilly et Compiègne) en 2017, ainsi que dans son
catalogue.
Amateurs et collectionneurs de peintures
italiennes
Le territoire picard peut s’enorgueillir de
compter quelques-unes des plus belles collec-
tions de peinture italienne de France. Le site de
Chantilly est sans conteste le plus riche. La
collection de peintures et de dessins italiens du
musée Condé émane de celle du duc
d’Aumale, figure exemplaire d’amateur et de
passionné d’art. Parmi les tableaux conservés
au sein du musée (106 œuvres recensées sur la
base Retif), on notera l’omniprésence des
écoles d’Italie septentrionale (Lombardie, Emi-
lie, Vénétie) et de Toscane, ainsi qu’environ
soixante tableaux des XVe et XVIe siècles.
L’absence totale (ou presque) de tableaux du
XVIIIe siècle – du temps des frères Goncourt ! –
montre que le prince avait des goûts clairs et
affirmés. Non loin de Chantilly, dans les envi-
rons immédiats de Paris, le site de l’ancienne
abbaye de Chaalis profite quant à lui de
l’exceptionnel ensemble construit par Nélie
92
Jacquemart-André pour sa résidence de cam-
pagne, dans le bâtiment situé face aux ruines.
Parmi les fleurons de cette collection, deux
panneaux de Giotto et plusieurs tableaux véni-
tiens acquis sur le marché de l’art italien révè-
lent un goût plus éclectique que celui de la
demeure parisienne des Jacquemart-André.
La qualité des fonds muséaux territoriaux est
aussi notable : la collection des Lavalard à
Amiens – léguée en 1890 et 1894 – compte
quelques chefs-d’œuvre de l’école napolitaine
(Jusepe de Ribera) ou vénitienne (Sebastiano
Ricci) uniques en France ; celle du chanoine
Eugène Dumont (léguée en 1926 au musée de
Picardie à Amiens) est elle aussi de grand inté-
rêt (à noter un splendide Pietro Bellotti). A La
Fère (musée Jeanne d’Aboville) et Compiègne
(musée Vivenel), la peinture italienne occupe
aussi une place de choix. On y voit respecti-
vement 59 et 22 tableaux répertoriés sur la base
Retif. Si leur provenance n’est pas encore bien
cernée, les travaux en cours sur ces collections
devraient permettre d’ici peu d’y remédier.
La Picardie a une longue tradition de présence
d’artistes italiens sur son sol : l’église de Folle-
ville (Somme) possède ainsi un tombeau mo-
numental de style Renaissance (Antonio della
Porta) et le Collège Saint-Just (des Oratoriens)
à Soissons fut longtemps propriétaire de deux
toiles de Giovanni Antonio Pellegrini, un ar-
tiste qui résida à Paris en 1719-21 et fut en con-
tact régulier avec des mécènes français par la
suite. Enfin, Luigi Domenico Soldini travailla
lui aussi pour des commanditaires picards au
XVIIIe siècle, puisque ses tableaux sont pré-
sents dans les églises de Vervins, de Laon
(Chapelle de l’hôpital) et furent copiés, comme
en attestent les deux tableaux de la cathédrale
de Noyon.
L’exposition « Heures Italiennes ». La pein-
ture italienne dans les collections publiques
de Picardie
Partant du constat que la peinture italienne
occupe une place de choix dans les collections
publiques, les édifices religieux et les institu-
tions de la région, le projet d’exposition
« Heures Italiennes » (titre emprunté à Henry
James) s’appuie sur un examen complet (repé-
rages, études, échanges avec spécialistes ou
experts) des tableaux répertoriés. Les re-
cherches menées sur ces fonds ont permis
d’identifier plusieurs tableaux jusqu’alors in-
connus des spécialistes de Caravage (une copie
inédite de la célèbre Madeleine pénitente, au
musée de Senlis), de son maître Simone Peter-
zano (une Vénus et Cupidon au musée de Chaa-
lis), de peintres maniéristes comme le maître
de Filippo Guastavillani, un suiveur d’Orazio
Sammachini (Mariage mystique de sainte Cathe-
rine, église de la Neuville-en-Hez) ou encore
Luca Giordano, copiant les Stigmates de saint
François de Jusepe de Ribera (Gouvieux,
église).
Quatre villes différentes – sièges de quatre
institutions municipales, départementales ou
nationales – accueilleront la manifestation :
environ deux cents trente tableaux seront prê-
tés par une quinzaine de musées ainsi que
quelques églises. La répartition sera chronolo-
gique : le XIVe et XVe siècles (les Primitifs) se-
ront présentés au musée de Picardie, à
Amiens ; le XVIe siècle (la Renaissance et le
Maniérisme) sera exposé au musée Condé, à
Chantilly ; le XVIIe siècle, subdivisé en deux
parties (le Naturalisme et le Baroque) sera
exposé à Beauvais, au musée départemental de
l'Oise et dans la galerie de la Tapisserie ; enfin,
le XVIIIe siècle sera accueilli par le Palais de
Compiègne.
D'autres musées s'associeront à la manifesta-
tion en présentant des dossiers spécifiques
93
autour d'une restauration ou d'une théma-
tique.
Divers partenaires sont fédérés autour de ce
projet : outre les musées participants et les
services culturels des municipalités, l'Institut
national d'histoire de l'art, l'Institut national du
patrimoine, la Direction des affaires culturelles
de Picardie, le Service des musées de France,
l'Institut de France.
Les enjeux d’une telle manifestation, inédite en
terre picarde, sont nombreux : il s’agira tout
d'abord, de sensibiliser le public local à son
riche passé culturel, en proposant des actions
pédagogiques innovantes envers tous les types
de visiteurs (scolaires et étudiants notamment).
Cette manifestation permettra ensuite de valo-
riser plus largement, en France comme à
l'étranger, ce patrimoine pictural exceptionnel
et de faire (re)découvrir les musées d'une ré-
gion avant tout connue pour ses cathédrales
gothiques.
94
Le Musée Jeanne d’Aboville de la Fère : Échantillons choisis d’une grande
collection XIXe non-dispersée
Mariel Hennequin, guide, musée Jeanne d’Aboville
Le Musée Jeanne d’Aboville se trouve dans la
ville de La Fère, commune de l’Aisne
d’environ 3000 habitants, située à 25km au
Nord de Laon et 30 km au Sud de St Quentin.
C’est un musée d’art abritant une collection de
tableaux, auquel s’est adjoint un modeste mais
intéressant fond archéologique. La collection
de tableaux provient du legs par testament fait
en 1860 de la comtesse d’Héricourt de Valin-
court, une notable issue de la noblesse militaire
qui a habité La Fère. Elle fit don de sa collec-
tion à la municipalité à la condition que le
musée porte le nom de sa mère, Jeanne
d’Aboville, qui lui avait transmis le goût des
arts.
C’est donc un musée municipal, son emplace-
ment actuel est l’ancien palais de Justice de la
Ville auquel était couplé un espace pour pré-
senter les tableaux. Une centaine de tableaux
de la collection sont présentés sur deux ni-
veaux de salles d’exposition, plus la salle ar-
chéologique au rez-de-chaussée.
La salle archéologique présente des pièces
intéressantes car de provenance locale. On
trouve en particulier l’intégralité des pièces
résultant de la fouille du site gallo-romain de
Versigny, commune située à une dizaine de
kilomètres de La Fère. A cela s’ajoute des
pièces de l’ère préhistorique et le mobilier de
tombes mérovingiennes.
La collection comptait à la création du musée
plus de 500 tableaux et des objets d’art, mais
les évacuations successives durant les conflits
guerriers ont provoqué des pertes impor-
tantes : il reste aujourd’hui 396 tableaux et les
objets ont disparu. En effet, la collection a été
évacuée successivement en 1870, en 1914 et
1940.
La collection est diverse, on y trouve plusieurs
écoles et courants du XVe au XIXe siècle :
Une collection de primitifs nordiques ;
Une collection importante de flamands et
hollandais du Siècle d’Or ;
Quelques belles pièces italiennes, avec un
certain goût pour les peintres vénitiens ;
Une collection française, surtout orientée
vers le XVIIIe siècle.
Le fond de peinture du musée est unique en
son genre car il présente une collection du XIXe
siècle qui est parvenu jusqu’à nous sans être
dispersée. C’est un exemple intéressant pour
l’histoire du goût au XIXe siècle, notamment
par l’unité de ton que présente la collection,
souvent empreinte de sérénité et de retenue.
L’attrait de la comtesse pour la peinture nor-
dique, en particulier celle du Siècle d’or hol-
landais, est mis en valeur par de beaux
exemples et quelques grands noms.
Néanmoins ces grands noms sont aujourd’hui
à revoir car la collection a connu un suivi
scientifique irrégulier et contient donc plu-
sieurs attributions à réévaluer, voire franche-
ment erronées. En effet, si la collection a eu un
suivi scientifique de qualité au milieu du XXe
siècle, avec les apports de quelques grands
noms comme Mirimonde, ce travail n’a pas été
forcément poursuivi par la suite et doit être
actualisé.
La difficulté pour travailler aux attributions de
ces peintures est renforcée par le manque de
fonds d’archives et un certain vide quant aux
dossiers d’œuvre : le musée s’inscrit totalement
dans le vide documentaire qui touche certains
domaines de l’Histoire dans l’Aisne suite aux
destructions qui ont touché la région en 1870 et
95
Le Déjeuner champêtre, François Octavien © Musée Jeanne
d’Aboville.
Saint Acace et les dix mille martyrs, peintre nordique © Musée
Jeanne d’Aboville.
14-18. Le musée fut lui-même victime d’un
bombardement prussien en 1870. Il faut ajouter
le fait que les documents personnels de la do-
natrice de la collection de tableaux ont disparus
sur sa demande, brulés après sa mort.
Plusieurs grands axes de recherche se dessi-
nent quant au musée :
La collection de Primitifs présente
quelques tableaux rares du XVe et XVIe siècles
qu’il serait sans doute intéressant d’étudier, tel
Saint Acace et les dix-mille martyrs sur le Mont
Ararat. Attribué à un peintre nordique de la fin
du XVe siècle, le sujet du tableau n’a été identi-
fié que récemment et fait partie de son origina-
lité car il présente une légende tiré d’un texte
hagiographique tardif, puisque créé au XIIe
siècle dans le cadre des Premières Croisades. Il
y a un intéressant travail à réaliser sur cette
œuvre tant par le sujet représenté que par
l’identification de son auteur, ou de l’aire géo-
graphique dont elle est issue.
La peinture flamande et hollandaise
représente la partie la plus importante numé-
riquement de la collection. Si de beaux
exemples sont clairement identifiés, parfois
comme faux ou comme pastiche, d’autres né-
cessitent un important travail de réattribution.
La collection de peintures de l’école
française du musée couvre une période allant
du XVIIe au début du XIXe siècle. Ces toiles ont
été jusqu’alors peu étudiées alors qu’elles pré-
sentent d’intéressants exemples du Grand
Siècle et des temps prérévolutionnaires, tel le
Repas champêtre de François Octavien (1682-
1740). Cette peinture s’inscrit dans l’abondante
production de scènes en extérieure peinte dans
l’entourage de Watteau, présentant la vie lé-
gère de la noblesse du temps. Elle est intéres-
sante tant par son style que par son sujet, mon-
trant l’émergence des nouvelles pratiques de
bouche dans la haute société du temps.
Le musée espère mettre l’accent sur la
recherche quant à l’œuvre de Jean Baptiste
Lallemand (1716-1803) dont il possède deux
toiles, le Gué et la Halte de chasse et dont on va
fêter le tricentenaire de naissance en 2016.
96
Gladiateur celtique © Musée Jeanne d’Aboville.
C’est un artiste singulier, en grande partie
autodidacte et qui a fait une partie de sa car-
rière en Angleterre.
La collection archéologique peut être
un point d’ancrage intéressant quant à
l’occupation de la région de la Fère à l’époque
gallo-romaine. Les fouilles du fanum de Versi-
gny ont livré plusieurs belles pièces datant
surtout du Ier siècle de notre ère, dont une ra-
rissime figurine en bronze de cruppellarius
(gladiateur celtique) qui semble être pour le
moment la seule représentation iconogra-
phique jamais découverte de ce type de com-
battant. Les fouilles de temple ont révélé éga-
lement la présence d’un village dans ses
abords immédiats dont les maisons ont été
fouillées. On trouve également dans la collec-
tion un ensemble de pièces de monnaie collec-
tées durant ces fouilles qui se révèlent intéres-
santes pour les connaissances numismatiques
car plusieurs représentent des empereurs gau-
lois ou ont été produites à une échelle locale
dans des ateliers de campagne.
97
Portoir des collections géologiques de l’Institut LaSalle Beauvais © Institut LaSalle Beauvais.
Les collections géologiques de l’Institut Lasalle Beauvais : valorisation
scientifique et pédagogique
Yannick Vautier, enseignant-chercheur, Institut LaSalle - Beauvais
Le département possède un patrimoine riche et
varié qui s’est constitué de manière continue
depuis le XIXe siècle : échantillons géologiques
(paléontologie, pétrographie, minéralogie,
préhistoire) ; instruments scientifiques an-
ciens ; livres anciens ; bibliothèque d’ouvrages
et de périodiques ; bibliothèques thématiques
anciennes (Afghanistan, Dinosauriens, Préhis-
toire, etc.) ; cartes géologiques anciennes et
actuelles (France et étranger) ; photos an-
ciennes ; photothèque de missions lointaines ;
photographies aériennes (France et étranger) ;
fonds d’archives (Fonds de Lapparent et
autres), etc.
Ce patrimoine est important à plus d’un titre.
D’un point de vue scientifique, les échantillons
de référence, livres et cartes rares ou difficile-
ment accessibles ailleurs, sont toujours consul-
tés par des chercheurs.
Certaines collections (collection A. de Lappa-
rent ; collection de préhistoire) se relient à
l’histoire des sciences géologiques. La collec-
tion historique Albert-de-Lapparent est com-
posée d’échantillons de toutes les faunes et
flores fossiles, disposées en ordre chronolo-
gique, du début de l’ère primaire à la fin du
Tertiaire, avec distinction de différents do-
maines biogéographiques. Elle fut constituée
dans le dernier quart du XIXe siècle par A. de
98
Collection de minéraux de l’Institut LaSalle Beauvais : un béryl ©
Institut LaSalle Beauvais.
Collection de Préhistoire de l’Institut LaSalle Beauvais : un biface
moustérien © Institut LaSalle Beauvais.
Lapparent, titulaire de la chaire de géologie à
l’Institut catholique de Paris de 1876 à 1908.
Cette collection a servi de base à la conception
du célèbre Traité de Géologie d’A. de Lapparent
(éditions de 1883 à 1906) et fut par la suite en-
richie par des donateurs célèbres : Arnoult,
Barrande, Cotteau, de Morgan, de Raincourt,
Schlumberger, Tournouër, etc. Les collections
de minéraux et de minerais, fondées sur la
composition chimique et sur les propriétés
cristallographiques des minéraux furent initia-
lement constituées par A. de Lapparent dans le
dernier quart du XIXe siècle. Elles ont servi de
base à la conception du célèbre Cours de Miné-
ralogie (éditions de 1884 à 1908 ; dernière édi-
tion, 1969 !). Ces collections ont été complétées
ensuite à plusieurs reprises, notamment par le
chanoine Christophe Gaudefroy, titulaire de la
chaire de Minéralogie de l’Institut catholique
(1919-1948), avec sa remarquable collection de
microminéraux ; par l’abbé A.F. de Lapparent
avec la collection de bauxites et celle de lapis
lazuli d’Afghanistan, mais aussi par une collec-
tion de plus de 5000 minéraux léguée à
l’Institut par M. Boyer en 2010.
Dans certaines conditions d’utilisation, ces
collections constituent un appoint important
pour l’enseignement et les recherches menées
par les élèves. La collection de stratigraphie
régionale s’enrichit de façon permanente de
collectes d’échantillons réalisées sur le terrain
(fossiles principalement) lors de missions,
voyages d’études à travers le monde. Elle fut
élaborée essentiellement à partir du début du
XXe siècle dans le cadre des activités du labora-
toire de géologie de l’Institut catholique de
Paris, devenu IGAL (coll. J. Boussac, A.F. de
Lapparent, C. Montenat, etc.). La collection de
pétrographie constitue un ensemble de plus de
10000 échantillons magmatiques, métamor-
phiques et sédimentaires illustrant la majorité
des roches constituant la croûte terrestre. Une
grande partie de ces échantillons est stockée en
réserve, le reste étant utilisé à des fins pédago-
giques. Ces échantillons macroscopiques sont
complétés par une riche collection de lames
minces permettant d’avoir le pendant à
l’échelle microscopique. Les collections thé-
matiques nées à partir des années 1950, à
l’occasion de voyages d’études et de missions
sont consacrées à une région ou à un thème
particulier (pétrographie du fossé d’Oslo ou
du graben rhénan ; géologie du Spitzberg ; les
roches d’Islande ; d’Oural ; du Tibet ; les ex-
pressions du volcanisme d’Italie ; aspects de la
sédimentation océaniques ; etc.). La collection
de Préhistoire fut constituée à partir de la fin
du XIXe siècle, avec des dons faits au labora-
toire de géologie de l’Institut catholique de
Paris par les grands noms de la préhistoire
française. Possédant de ce fait un réel intérêt
historique, elle est composée d’échantillons
provenant de tous les gisements classiques du
paléolithique de France (Abbeville, Saint-
Acheul, le Moustier, Levallois, Aurignac, La
Magdeleine, Solutré, etc.) et d’autres pays
comme l’Egypte Paléolithique de mer Rouge).
Le Néolithique est également très bien repré-
99
senté avec des échantillons prélevés en France
et à l’étranger. Enfin, la richesse et la diversité
des collections permet le montage
d’expositions thématiques (à usage grand pu-
blic, scolaires) organisées par le Département
Géosciences ou à la demande d’associations.
La collection d’échantillons de grande taille,
spectaculaires et souvent à qualité esthétiques,
réunis par collectes et par dons (fossiles, roches
et minéraux) la prédispose à être utilisée en
exposition.
De nombreux travaux développés par l’Institut
LaSalle s’appuient sur ces collections qui, de-
puis quelques années, sont inscrites à
l’inventaire du patrimoine géologique de Pi-
cardie.
Depuis 2014, une coopération innovante entre
LaSalle Beauvais et Dassault Systèmes a per-
mis de développer des travaux de modélisa-
tion numérique 3D des cristaux formés dans
des roches avec une précision inégalée. Les
objectifs sont de tirer de nouvelles conclusions
scientifiques quant à la formation de ces cris-
taux et donc apporter de nouveaux outils pour
les études en pétrologie. Les collections géolo-
giques de l’Institut servent régulièrement de
support scientifique à la rédaction d’ouvrages
spécialisés ou grand public tel que celui qui
sera dédié au stratotype du Danien, rédigé en
collaboration avec le Muséum Naturel
d’Histoire Naturel et l’Université de Copen-
hague. C’est également l’un des outils essen-
tiels à la valorisation de sites géologiques
d’intérêt patrimonial majeur. Les carrières de
Vigny-Longuesse et la carrière aux coquillages
d’Auvers-sur-Oise dans le Val d’Oise en sont
deux très bons exemples car ils constituent
aujourd’hui des sites géologiques de référence
tant d’un point de vue scientifique que péda-
gogique.
La diversité de ces collections géologiques
ainsi que leur richesse scientifique et patrimo-
niale incitent aujourd’hui le département géos-
ciences de l’Institut LaSalle à les valoriser à
travers la mise en œuvre d’un musée virtuel.
Le partage de ce patrimoine unique est un
objectif majeur de ce projet tant pour en con-
server la mémoire mais surtout pour permettre
aux plus grand nombre d’accéder à ces collec-
tions à des fins scientifiques, pédagogiques ou
tout simplement par simple curiosité.
100
Médiation et
construction du savoir
101
La commission « Patrimoine et archéologie du Beauvaisis » et ses actions
Marie Ansar, animatrice de l’architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire
de la Ville de Beauvais
Roselyne Le Bourgeois, secrétaire de la commission, vice-présidente de la Société acadé-
mique de l’Oise et maître de conférences honoraire en histoire, CAREF / UPJV
Le contexte de la création de la commission
La politique de valorisation patrimoniale de
Beauvais
2005 : création d’un poste de chargé de mission
Patrimoine en vue de la valorisation d’un riche
patrimoine et de sa médiation auprès d’un
large public (développement des JEP, actions à
destination des scolaires…).
Ce travail mène à l’obtention du label Ville
d’art et d’histoire en 2011 avec la signature
d’une convention en 2012. La valorisation de la
connaissance sur le patrimoine de Beauvais y
tient une place importante notamment par
l’édition de brochures à destination du grand
public réunissant une synthèse des connais-
sances sur une thématique (cathédrale, tapisse-
rie, première guerre mondiale…).
Dans le dossier de candidature au label,
l’importance d’une meilleure connaissance de
l’histoire et l’architecture du territoire avait été
pointée et des pistes avaient été lancées pour
développer des recherches sur notre patri-
moine.
Ainsi, en 2014, cette volonté a amené à la créa-
tion d’une Commission Patrimoine et Archéo-
logie dont la mission première est de susciter
et valoriser des recherches sur le patrimoine de
la Communauté d’agglomération du Beauvai-
sis.
Le but de cette commission est de rassembler
différents acteurs qui travaillent pour la con-
naissance du patrimoine du Beauvaisis, aussi
bien des associations que des partenaires insti-
tutionnelles (techniciens et élus), sans oublier
des amateurs passionnés, relais vers le grand
public.
Le territoire
Le territoire concerné n’est pas limité à Beau-
vais, mais concerne l’ensemble de l’Agglo du
Beauvaisis. Le label Ville d’art et d’histoire,
bien que limité, ouvre déjà son périmètre aux
restes de l’Agglo pour deux raisons :
Des thématiques historiques et artis-
tiques communes à d’autres communes :
architectures médiévales (art roman de
l’église d’Allonne par exemple que l’on
retrouve à Beauvais par la maladrerie et
l’église Saint-Etienne), la céramique
(Saint-Germain-la-Poterie, Savignies,
Auneuil)… ;
La compétence touristique appartient à
l’Agglo. Or l’office de tourisme est un
partenaire quotidien du service Ville
d’art et d’histoire.
Les membres de la commission
18 membres d’horizons très différents :
Des associations (GEMOB, GRECB, Socié-
té académique de l’Oise) ;
Des agents de l’Education Nationale et
universitaires ;
Des architectes ;
Des élus de Beauvais et Agglo ;
Des agents de ces deux collectivités ;
Des habitants passionnés d’histoire et de
patrimoine.
La commission dispose d’un bureau composé
d’un président, d’un vice-président et d’un
secrétaire.
Les centres d’intérêt
La diversité des acteurs révèle la diversité
des thématiques traitées par la commis-
sion ;
102
La commission s’intéresse à la notion de
patrimoine au sens large, incluant le pa-
trimoine immatériel et naturel.
Les missions de la commission
- La valorisation des ressources de
l’Agglo ;
- Dynamiser les associations existantes
qui disposent de compétences, de fonds
documentaires différents et complémen-
taires, établir des liens entre ces associa-
tions et les personnes qui les représen-
tent ;
- Travailler en lien avec les universités, les
institutions, les sociétés savantes afin de
proposer des sujets de recherche aux
étudiants et chercheurs ;
- Susciter et récompenser la réalisation de
travaux de recherche de qualité ;
- Valoriser les travaux primés auprès du
grand public et du monde de la re-
cherche ;
- Diffuser, faire connaître les travaux de
recherche de qualité réalisés sur le
Beauvaisis par des conférences, visites…
Les prix dotés
Le prix Pierre Goubert, attribué aux
thèses : 1200 €
Le prix Victor Leblond, attribué aux
masters : 800 €
Le prix Louis Graves, attribué aux re-
cherches indépendantes : 500 €
Biographie des historiens
Pierre Goubert (1915-2012)
Historien français spécialiste des XVIIe et
XVIIIe siècles.
1915, naissance dans une famille modeste ;
Etudes à l’Ecole normale d’instituteur, puis
école normale supérieure de Saint-Cloud ;
1948, agrégation d’histoire et enseigne au lycée
de Beauvais au début des années 50 ;
Il y débute, sous la direction d’Ernest La-
brousse sa thèse Beauvais et le Beauvaisis de
1600 à 1730 qu’il soutient en 1958 et qui est
publiée en 1960. Elle représente une étape im-
portante dans l’étude de la démographie histo-
rique (âge au mariage, mortalité infantile et
juvénile….) ;
1965, professeur à l’université de Nanterre-
Paris X puis en 1969 à la Sorbonne ;
1966, publication de Louis XIV et 20 millions
de Français, une histoire « en remontant du
bas vers le haut »
5 mars 2012, hommage rendu par le Conseil
général de l’Oise après son décès le 16 janvier.
Le Docteur Charles-Henri-Victor Leblond
(1862-1930)
Médecin, homme politique, historien.
1892, docteur en médecine et s’installe peu
après à Beauvais où il se marie ;
1893, reçu à la Société académique de l’Oise ;
1903, président de la Société qui compte202
membres en 1903, 375 en 1931 ;
1900, conseiller municipal de Beauvais. Il est
actif dans le domaine de la culture et de la
santé ;
Des publications très nombreuses et la pré-
servation de documents qui disparaîtront en
1940.
Louis Graves (1791-1857) et l’Oise
1817-1842, Après des études littéraires et scien-
tifiques, Louis Graves occupe des postes de
responsabilités à la préfecture de Beauvais et y
reste malgré les changements politiques.
En dehors de son activité professionnelle, il
publie des monographies sur tous les cantons
du département de l’Oise.
Activité qu’il terminera à la demande du con-
seil général alors qu’il a quitté le département
et termine sa carrière à Paris, au ministère des
Finances puis à la tête des Eaux et Forêts.
En 1839, il est le cofondateur du Comité ar-
chéologique de Beauvais, à une époque où la
seule société savante présente dans la région
est la puissante Société des Antiquaires de
Picardie à Amiens.
1847, le Comité archéologique de Beauvais est
à l’origine de la Société académique d'archéo-
103
logie, sciences et arts du département de l'Oise
qui crée le Musée départemental de l’Oise.
Ouverture vers différents domaines de la
recherche
Propositions de pistes de recherche, in-
diquer que la commission est là pour
proposer aux étudiants des pistes de su-
jets de recherche et de les aiguiller vers
les structures ressources ;
o Activités industrielles et artisanales
de la région ;
o L'architecture des lycées sous la 3e
république à Beauvais et dans le
Beauvaisis / Histoire de l’éducation
au XIXe et XXe siècle ;
o L'architecture de la seconde recons-
truction à Beauvais et urbanisation
du Beauvaisis dans la seconde moitié
du XXe siècle ;
o Beauvais sous l’occupation pendant
la Seconde Guerre mondiale ;
Retrouver les propositions faites dans le
courrier qui a été envoyé ;
Attente en retour d’autres pistes de re-
cherche concernant le territoire de
l’Agglo.
104
© Amiens Métropole.
E-cathédr@le : le numérique au service de la connaissance et de la média-
tion
Céline Csore, chargée des actions éducatives, Amiens Métropole d’art et d’histoire
Les missions d’Amiens, métropole d’art et
d’histoire
Présenter le patrimoine dans toutes ses
composantes, en dépassant la notion de
patrimoine monumental ;
Sensibiliser les habitants à leur cadre de
vie, les considérer comme partenaires à
part entière pour une meilleure appro-
priation du patrimoine ;
Initier et sensibiliser le jeune public à l'ar-
chitecture et au patrimoine en temps et en
hors temps scolaire, pour une éducation
au regard ;
Accueillir le public touristique, pour
l’émergence d’un tourisme culturel actif,
propice au développement économique et
durable des territoires ;
Elaborer des outils d’aide à la compréhen-
sion et à l’interprétation du patrimoine.
Assurer l’expertise et le suivi des chan-
tiers de restauration des Monuments pro-
tégés.
La médiation au quotidien
Exploitation du potentiel patrimonial, ar-
chitectural et paysager (identification et
connaissance de l’existant, faisabilité sur
le terrain, identification des besoins do-
cumentaires …) ;
Formation des guides-conférenciers quali-
fiés sur les contenus scientifiques,
l’actualité de l’architecture et du patri-
moine, la médiation culturelle, les pu-
blics ;
Création et adaptation des contenus et des
scénarii d’ateliers et de visites aux publics
(étude des programmes scolaires, ten-
dances touristiques, approche des publics
éloignés de la culture,…) et élaboration
des outils d’aide à l’interprétation et à la
compréhension ;
Evaluation de l’action ;
Elaboration d’une programmation récur-
rente : analyse des publics, perspectives
de développement (contexte culturel,
grands événements de l’année à venir,
priorités de la politique des publics…), ca-
lendrier, choix des thématiques, choix des
approches et des médias, communication
et mise en œuvre.
Comment le numérique réinvente la connais-
sance et l’accès à la médiation ?
2011-2015 : Les projets « e-cathédr@le » pour
faciliter l’étude du monument et le rendre
accessible à tous
Le projet de numérisation de Notre-Dame
d’Amiens permet d’envisager la connaissance
et la médiation du patrimoine autrement :
l’objectif du projet est de construire un modèle
numérique 3D précis et riche de l’intérieur et
de l’extérieur de la cathédrale. Le modèle créé
permet d’améliorer l’accessibilité de ce monu-
ment sous forme de visites virtuelles (grand
public, personnes handicapées, scolaires), et
entre pleinement dans le cadre des actions
mises en œuvre à destination des publics. Il
permet en outre d’élaborer une base de don-
nées documentaires scientifiques à destination
des spécialistes. Ce projet se déroule en plu-
sieurs phases et se développe sur dix années
105
La modélisation de la cathédrale © Amiens Métropole.
minimum. La première exploitation de cette
numérisation a été la conception d'un serious
game avec pour objet principal le portail de la
Vierge dorée de Notre-Dame d’Amiens. Ce jeu,
destiné au jeune public, vise la découverte de
l’édifice grâce à sa reconstitution 3D/virtuelle.
Le scénario pédago ludique met l’accent sur
l’architecture et la construction du portail, en 4
niveaux de jeu.
Parallèlement, l’approche proposée par le pro-
jet Transept, initié par le laboratoire MIS de
l'UPJV et Etienne Hamon, professeur à l'Uni-
versité de Picardie Jules Verne et membre du
laboratoire TrAme, est pluridisciplinaire et se
concentre sur le bras sud du transept de la
cathédrale. Pour la recherche au sens large, il
s’agit de réussir la collaboration entre les
sciences historiques (histoire, histoire de l’art,
archéologie) et les sciences du numérique. Il
est proposé de déterminer les étapes précises
du processus de construction, affiner la con-
naissance des techniques de construction, en
prenant en compte l’agencement et les dimen-
sions précises d’éléments constitutifs de parties
jusqu’ici pratiquement inaccessibles à
l’homme, de valider les hypothèses quant aux
rapports entre sculpture et ossature, notam-
ment au niveau du portail de la Vierge dorée ;
et mettre en évidence et comprendre les acci-
dents structurels et les moyens employés au
Moyen Âge pour y remédier.
Pour Amiens, métropole d'art et d'histoire, ces
nouvelles technologies offrent la possibilité
d’élargir considérablement l’accès à la connais-
sance de ce patrimoine. Elles fournissent des
supports originaux pour la recherche, pour le
contenu des visites et des activités à destina-
tion du jeune public, entrant dans le cadre des
programmes de l’enseignement de l’histoire
des arts et de la technologie dans le premier et
le second cycle scolaire. Par ailleurs, les résul-
tats attendus pourront fournir des données
fiables pour la programmation des futures
campagnes de restauration.
Le service Patrimoine favorise la recherche
fondamentale et appliquée sur des théma-
tiques patrimoniales qui sont encore peu trai-
tées ou en fonction de l’actualité des projets
urbains et architecturaux autour de :
- l’identification des équipements patrimo-
niaux, culturels et touristiques, avec informa-
tions pratiques et actualités ;
- l’élaboration du contenu délivré dans les
applications et adaptation au public identifié
mettant en avant interaction entre profils du
visiteur (âge, origine géographique, objectifs
de la visite individuels ou groupes, etc.) ;
- des propositions de parcours prédéfinis ou
libres, au regard des publics cibles, avec le cas
échéant des renvois entre le contenu de
l’exposition permanente du Centre
d’interprétation de l’architecture et du patri-
moine et des sites à aller découvrir sur place
(identification, itinéraire, en savoir plus, etc.).
L’ensemble de ces travaux permettent
d’envisager la connaissance et la médiation
du patrimoine autrement en impactant les 3
temps de visites : avant par l’implication,
pendant par l’interaction, après par la per-
sonnalisation, pour faire de chaque visite,
une expérience sensible, sensitive et unique.
Le visiteur est ainsi replacé au cœur de
l’expérience réelle ou virtuelle.
106
Patrimoine entre passion et érudition : la Picardie de 1945 à 2015
Tiphaine Barthélémy, professeur, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne
Manon Istasse, post-doctorante, CURAPP-ESS / Université de Picardie Jules Verne
Nous allons présenter les grandes lignes d’un
projet régional intitulé « Erudits, savoirs et mé-
moires en Picardie : les sociétés savantes et la
fabrique du patrimoine régional » (ERUDIPIC),
et qui associe trois unités de recherche de
l’Université de Picardie : le CURAPP, le CHSSC
et Habiter le monde, sous la responsabilité de
Tiphaine Barthelemy. En tout, ce sont sept en-
seignants chercheurs, une post-doctorante, plu-
sieurs stagiaires, ainsi que des étudiants du
Master « Sciences de l’enquête » qui prennent
part à ce projet.
Son objectif est de saisir les transformations de
l’érudition locale en Picardie depuis la seconde
guerre mondiale. Il faut concevoir ici
l’ « érudition » dans un sens large, englobant
toutes les productions de savoirs qui, des plus
savantes aux plus autodidactes, portent sur des
espaces, des objets, des monuments, des pra-
tiques sociales et culturelles liées à un territoire.
Ce territoire peut aller d’une vallée, d’une mai-
son, d’un quartier à la région toute entière en
passant par la commune, le canton, la micro-
région (la Thiérache, le Vimeu, le Vermandois,
etc..), etc. Nombre de questions peuvent à cet
égard être posées : qui sont les « érudits » et
comment les nommer (car nombre d’entre eux
récusent ce terme aux connotations désuètes) ?
Dans quels réseaux s’inscrivent-ils (tous font
partie d’associations qu’ils ont souvent créées) ?
Quelles formes prennent leurs travaux (ou-
vrages, articles dans des bulletins, site internet,
films, etc.) ? Sur quelles sources sont-ils fondés
(livres, fouilles archéologiques, témoignages,
expériences familiales, etc.) ? Quels sont les
enjeux et usages de ces travaux dans les terri-
toires considérés? L’enquête étant actuellement
en cours, on ne saurait en donner les résultats
mais du moins peut-on formuler quelques hy-
pothèses.
1. Hétérogénéité et changement
La première serait de rendre compte de
l’hétérogénéité du champ de l’érudition en
s’interrogeant sur les liens entre types de pro-
duction, types d’acteurs et processus de patri-
monialisation. On pourrait ainsi distinguer un
pôle « savant » constitué par tous ceux dont les
travaux, en amont des processus de patrimonia-
lisation, peuvent parfois enclencher ceux-ci,
mais visent la connaissance plus que la valorisa-
tion des lieux et/ou objets étudiés. Nul doute
que la plupart des sociétés savantes classiques
ne se situent près de ce pôle. Sensiblement dis-
tincts seraient ceux que l’on pourrait situer du
côté d’un pôle « opérationnel » : la production
des connaissances serait ici directement liée au
souci de patrimonialisation et de mise en valeur
de lieux ou d’objets peu connus, mais présen-
tant un attrait touristique. Souvent proches des
sociétés savantes, les acteurs gravitant autour
de ce pôle mobiliseraient tout à la fois des res-
sources scolaires et culturelles et des ressources
sociales liées à une longue implantation sur les
territoires considérés. Enfin un troisième pôle
constitué de « passionnés » regrouperait no-
tamment des associations historiques ou mémo-
rielles, ou encore des associations de reconstitu-
tions historiques dont les membres témoigne-
raient de nouvelles formes d’érudition, articu-
lant notamment savoirs scolaires, savoir-faire et
expériences vécues. Ce sont là des distinctions
sommaires, qui ne reflètent qu’imparfaitement
une réalité plus complexe.
Elles s’accompagnent ici d’une seconde piste de
recherche : à savoir les transformations pro-
107
fondes des rapports au patrimoine, à la mé-
moire et à l’histoire locale depuis la seconde
moitié du XXe siècle. Pour schématiser on pour-
rait dire que jusqu’aux années 80 environ, la
production de savoirs intellectuels locaux était
l’apanage quasi exclusif des sociétés savantes.
Celles-ci sont non seulement particulièrement
nombreuses dans la région (cf. ci-dessous), mais
elles connaissent un regain de vigueur dans la
seconde moitié du XXe siècle. Il semblerait que
leur rôle ait été particulièrement important en
Picardie, qui par ailleurs est une région caracté-
risée par un patrimoine archéologique et mo-
numental connu de longue date qui continue
aujourd’hui d’être au centre des préoccupations
des associations. On peut supposer, à titre
d’hypothèse, qu’il y a un lien entre les deux
phénomènes. Si l’on compare cette situation à
celle d’une région comme la Bretagne où les
processus de patrimonialisation se sont davan-
tage attachés à la culture immatérielle et n’ont
pas été le fait de sociétés savantes, on peut se
demander si la présence de ces sociétés en Pi-
cardie n’a pas favorisé une certaine « dé-
régionalisation » d’un patrimoine au sein des-
quelles les histoires et les mémoires locales sont
moins valorisées qu’ailleurs.
Toutefois, depuis une trentaine d’années, les
choses ont changé. Des centaines de nouvelles
associations historiques et patrimoniales sont
apparues qui, si elles produisent bien des sa-
voirs intellectuels, n’ont pas grand-chose à voir
avec les sociétés savantes classiques. En quoi ?
Du fait des nouveaux types de patrimoine
qu’elles promeuvent, de leurs centres d’intérêt
ou des profils différents de leurs adhérents ?
C’est ce que l’on tentera d’éclairer dans la se-
conde partie de cette communication consacrée
à la présentation du travail empirique de col-
lecte d’informations en cours afin d’étudier le
vaste champ de l’érudition locale picarde au-
jourd’hui.
2. Les associations d’aujourd’hui dans l’Aisne
et dans la Somme
Le premier travail effectué fut de lister, de dé-
nombrer, les sociétés savantes et associations
historiques et patrimoniales. Pour ce faire, nous
avons utilisé la liste des sociétés savantes du
CTHS, le journal officiel en ligne qui publie les
créations et dissolutions d’associations depuis
1990, le portail des associations du patrimoine,
et les sites des communes qui listent les associa-
tions présentes sur leur territoire. Inutile de dire
que ce travail est long et fastidieux, puisqu’il est
effectué commune par commune. Il est néan-
moins nécessaire, car aucune liste de ce type
n’existait auparavant. Ce travail de dénombre-
ment nous a menés aux chiffres suivants : 30
sociétés savantes dites classiques en Picardie,
401 associations historiques et patrimoniales
dans l’Aisne et 497 dans la Somme. Pour rappel,
il y a 540 500 habitants dans l’Aisne, et 816
communes, ce qui fait une association pour 1350
habitants et une association pour deux com-
munes. Dans la Somme, nous avons 571 150
habitants et 782 communes, à savoir une asso-
ciation pour 1150 habitants et une association
pour 1,5 habitant. L’Oise n’a pas encore été faite
à l’heure actuelle.
Un second travail est la cartographie de ces
sociétés savantes et associations historiques et
patrimoniales, travail effectué par des géo-
graphes.
Ainsi, les sociétés savantes se répartissent plus
ou moins également dans les 3 départements : 8
dans l’Aisne, 10 dans la Somme et 12 dans
l’Oise. Les sociétés savantes sont également bien
réparties sur l’ensemble du territoire picard,
toujours dans une ville d’une certaine impor-
tance historique ou démographique.
108
Dans l’Aisne, les 401 associations couvrent éga-
lement l’ensemble du territoire. Leur concentra-
tion est cependant moins importante dans le
nord du territoire. Vervins et la Thiérache ne
comptent en effet pas beaucoup d’associations.
Il y a des « vides » à l’est du Laonnois le long de
la frontière avec la Champagne, ainsi que entre
Saint-Quentin et Vervins. Sans étonnement, les
grandes villes concentrent un plus grand
nombre d’associations. Le croisement de la loca-
lisation des associations avec des cartes démo-
graphiques notamment permettra de mieux
saisir leur répartition.
Troisième travail effectué, l’analyse sociolo-
gique des sociétés savantes et associations his-
toriques et patrimoniales. Pour les sociétés sa-
vantes, il est possible d’effectuer ce travail socio-
logique de manière diachronique. En effet, con-
trairement aux associations qui ont pour la plu-
part émergé fin des années 1980, les sociétés
savantes étaient presque toutes présentes en
1945. Les bulletins et mémoires de ces sociétés,
ainsi que de leurs archives, comportent des
informations relatives aux membres, à leur pro-
fession, leur résidence, et cetera. Une stagiaire
démographe a travaillé sur la Société des Anti-
quaires de Picardie et la Société d’Émulation
d’Abbeville. Mais ce travail est inégal d’une
société savante à l’autre, en fonction de la pré-
109
sence d’archive et de la publication de bulletins
avant les années 1970.
Sur la base de ce travail, il a été possible de re-
pérer plusieurs évolutions sociologiques signifi-
catives. Une première est la baisse des admis-
sions au fil des ans, avec quelques « sursauts »
lors d’années connaissant un nombre important
d’admissions, comme 1968 pour la Société des
Antiquaires de Picardie. Si cet arrivage massif
de nouveaux membres est à mettre en relation
avec la création de l’université à Amiens, tous
les pics et tous les creux des courbes
d’admissions n’ont pas encore été expliqués.
Une seconde évolution est relative au genre : au
fil du temps, les admissions tendent à une égali-
sation entre les hommes et les femmes. Ces
dernières ne sont plus les « épouses de » ou des
« veuves de », mais des membres actifs de la
société. Par contre, les femmes n’ont que rare-
ment accès aux postes prestigieux du bureau de
la société savante : elles occupent préférentiel-
lement un poste de secrétaire qu’un poste de
présidente.
En ce qui concerne les associations, des caracté-
ristiques (année de création, type de patrimoine
ou d’histoire concerné, activités, présence d’une
interface Internet, réception de subventions) ont
été collectées lors du dénombrement. Ces carac-
téristiques ayant été relevées sur base du jour-
nal officiel, d’articles de presse et, le cas échéant,
des interfaces Internet, elles sont incomplètes.
Un questionnaire a été envoyé à chaque associa-
tion afin d’avoir les informations manquantes,
mais les données ne sont pas encore exploi-
tables.
Prenons l’exemple de l’Aisne, qui compte, pour
rappel, 401 associations. Le nombre
d’associations créées depuis 1990 tend à aug-
menter au fil du temps, avec cependant
quelques années creuses comme 2003 ou 2012.
Nous avons également catégorisé les associa-
tions en fonction de leur domaine d’intérêt. Il y
a une nette domination du patrimoine culturel
(artistique, archéologique, architectural, et sou-
terrain), une forte présence de l’histoire locale
(histoire de la commune) et de la collection
(timbres, cartes postales, vieilles voitures), et la
présence d’associations de reconstitution histo-
rique. Enfin, ces associations s’intéressent un
premier lieu à leur commune, ensuite à un site
particulier (monument, bâtiment, forêt). Peu
d’associations se déploient à une échelle plus
large que la région naturelle.
Sur base de ces caractéristiques, il est également
possible de comparer les départements, l’Aisne
et la Somme. Ainsi, en nombre relatif, on re-
marque qu’il y a plus d’associations actives
dans le patrimoine monumental, la protection
de l’environnement et la collection dans la
Somme, alors qu’il y a plus d’associations ac-
tives dans l’histoire locale, les jardins et pay-
sages, et la gastronomie dans l’Aisne. Second
point de comparaison, la présence d’une inter-
face Internet. Dans l’Aisne comme dans la
Somme, près de 30 % des associations ont une
interface Internet. Ces interfaces se répartissent
comme suit : site Internet, page ou profil Face-
book, blog, et forum, avec des combinaisons de
deux ou trois interfaces possibles. Ainsi, dans
l’Aisne, les associations ont plus facilement un
site Internet ou un blog, alors que dans la
Somme, les associations favorisent la page Fa-
cebook et la combinaison site Internet et page
Facebook.
Ces informations, brièvement et partiellement
présentées ci-dessus, permettent de dresser une
toile de fond du monde associatif en Picardie,
dans les domaines du patrimoine et de l’histoire
locale. Cette toile de fond est d’autant plus es-
sentielle qu’elle n’existait pas avant le début de
cette recherche collective. Comment se porte la
Picardie associative ? Quels sont les domaines
d’intérêt des associations ? Quelles activités
proposent-elles à leurs membres et à la popula-
tion ? Quel est leur usage d’Internet ? Cette toile
de fond permet également de situer les études
de cas particuliers par rapport à des tendances
plus générales.
110
Un dernier travail effectué dans le cadre de cette
recherche est en effet l’étude ethnographique
de terrain dans une ville et sa région (Vimeu,
Soissonnais, Laonnois). Ces études ethnogra-
phiques permettent de s’intéresser aux
membres des associations et sociétés savantes.
Des entretiens sont menés avec ces derniers, et
les membres du projet participent autant que
faire se peut aux activités des associations. Pre-
nons comme exemple le cas du Laonnois.
Laon a été choisie comme ville d’étude pour
plusieurs raisons : sa localisation dans l’Aisne,
sa qualité de ville préfecture, et ses qualités
historiques et patrimoniales. Laon est en effet
une ville médiévale, du moins sur le plateau,
avec près de 80 monuments protégés en tout ou
en partie au titre des monuments historiques, et
un secteur sauvegardé de plus de 300 hectares.
Laon compte également deux sociétés savantes,
dont l’une est la fédération des 7 sociétés sa-
vantes de l’Aisne, et 23 associations historiques
et patrimoniales.
L’enquête de terrain permet en premier lieu
dresser une autre catégorisation des associa-
tions que celle en termes de domaine d’intérêt..
On trouve ainsi à Laon une association « ogre »,
qui compte plus de 600 membres, regroupe
principalement les notables de la ville et de ses
environs, et a tendance à englober les petites
associations sur le point de disparaître. Il y a
également des associations « grains de raisin »,
ainsi que décrites par une informatrice, à savoir
de petites associations d’une vingtaine de
membres, qui s’occupent d’un élément de pa-
trimoine ou d’histoire spécifique (église, lavoir,
monument), n’ont que peu de relations avec
d’autres associations (comme les grains de rai-
sin d’une grappe) et qui ne comptent pas de
professionnels de l’histoire ou du patrimoine. Il
y a également des associations virtuelles, qui
n’existent que sur Internet via des blogs et des
pages Facebook. Il y a enfin la société savante,
créée au 19ème siècle, et comptant parmi ses
membres des professionnels du patrimoine, des
chartistes, des professeurs d’histoire au collège
et lycée, et des universitaires qui semblent
quant à eux moins actifs.
L’enquête de terrain permet ensuite dresser les
profils des membres d’associations et sociétés
savantes, profils qui sont divers et variés. Tous
les membres ont des parcours, des connais-
sances, des motivations différentes. En voici
trois exemples :
Un « féru d’architecture » : originaire de
Laon, il peut parler pendant des heures de la
cathédrale et église Saint-Martin. A la re-
traite, il travaillait dans le bâtiment. Il ac-
quiert des connaissances par la lecture et les
discussions Il participe à la rédaction de bro-
chures éditées par l’association dont il est
membre, mais ne se voit pas écrire sur le su-
jet ;
Un « numismate historien » : médecin, il vit
depuis 20 ans à Laon. Certains profession-
nels voient en lui un amateur qui est meil-
leur que certains professionnels et experts de
par la rigueur de son travail. Il lit beaucoup
mais écrit peu (quelques articles). Il collec-
tionne les pièces de monnaies, se vante de
posséder une belle bibliothèque et de belles
œuvres d’art. Il possède des relations avec
médias (présence dans les journaux papiers
et télévisés) et les élus locaux ;
Un « encyclopédiste » : historien des tech-
niques et fonctionnaire. Il acquiert ses con-
naissances par la pratique et la curiosité. Il
écrit des articles dans les revues de sociétés
savantes et a publié un livre. En tant que
greeter, il fait aussi des visites guidées de la
ville. Il a un investissement associatif in-
tense, étant membre de plus de 20 associa-
tions locales et nationales. Il insiste sur
l’importance de son enfance et de sa famille
dans le développement de sa passion.
L’enquête de terrain permet enfin de repérer les
points de conflits, d’opposition, entre les asso-
ciations, mais aussi entre les associations et les
institutions politiques ou patrimoniales. Par
111
exemple, l’entretien et l’utilisation de monu-
ments inscrits ou classés, comme les remparts
de la ville, dont la propriété partagée entre plu-
sieurs institutions a entraîné des retards dans
l’entretien, ou à la rotonde SNCF qui vient
d’être protégée au titre des monuments histo-
riques en créant des tensions entre SNCF, mu-
nicipalité et associations.
Pour conclure provisoirement, l’hypothèse des
trois pôles existant autour d’objets et de pra-
tiques patrimonialisées semble se confirmer
lorsque l’on s’intéresse aux rapports que les
membres de ces associations entretiennent avec
les savoirs qu’ils constituent et les territoires
qu’ils étudient :
- Les « savants » : le plus souvent membres des
sociétés savantes classiques, ils se caractérisent
par une certaine distance par rapport à leur
objet d’étude. Ils cherchent à construire un sa-
voir fondé sur la raison – dégagé des scories que
lui confère les passions du temps présent. Par
exemple, un interlocuteur, membre d’une socié-
té savante, explique que certaines questions
« sont trop dans la vie d’aujourd’hui, on n’a pas
de recul… » Un peu plus tard il explique que la
société dont il est adhérent évite ce qui peut
prêter à controverse : « il faut quand même
essayer de garder une objectivité, une distance
face aux problèmes du monde d’aujourd’hui ».
- les « passionnés » sont le plus souvent
membres d’associations plus récentes qui se
désignent eux même comme « des fous » ou des
« illuminés » autrement dit, des gens mus par
l’émotion, par la passion et « habités par les
lieux ». Cette expression est intéressante car elle
renvoie à l’idée que ce sont les lieux, la mé-
moire, qui s’emparent des personnes – à condi-
tions qu’elles y soient sensibles – et parlent à
travers elles. Citons par exemple un membre
d'une association de préservation des vestiges
de la Grande Guerre, qui explique comment la
mémoire de la guerre s’est imposée à lui à partir
des vestiges régulièrement retrouvés dans ses
champs.
- les « opérationnels » : ils se caractérisent par
leurs compétences techniques (certains sont des
collectionneurs, spécialistes d’un type d’objet) et
leurs ressources sociales qui leur permettent de
faire classer un lieu, d’actionner leurs réseaux,
de mobiliser des personnes, et de contribuer
efficacement à la patrimonialisation de tel ou tel
site. Ainsi, un membre d'association parvient à
actionner son réseau pour faire classer un lieu.
Un autre relaie activement les actions et objec-
tifs des associations auxquelles il appartient en
ayant une présence importante dans la presse
locale.
Cette conclusion est loin de résumer et d'épui-
ser la recherche qui est en cours. Elle est une
première manière de faire sens des nombreuses
informations collectées jusqu'à présent. En
même temps, elle invite à explorer de nouvelles
pistes de réflexion : quelle est la légitimité de
l'expertise des savants par rapports aux profes-
sionnels de l'histoire et du patrimoine ? Quel est
le rapport des membres d'association aux lieux
qu'ils habitent et auxquels ils s'intéressent, et
quels sont ces lieux pour lesquels ils se passion-
nent ? Quelle est la place des technologies nu-
mériques dans les pratiques des membres
d'associations ?
Il n'est nullement question dans cette conclusion
de lister toutes les questions qui orienteront la
recherche au cours de la prochaine année. Mais
comme ces questions le montrent, et comme
nous l'avons suggéré au cours de cet exposé,
l'étendue et la complexité du champ contempo-
rain de l’érudition locale picarde permet à des
chercheurs de formations diverses en sciences
humaines de se retrouver autour de la descrip-
tion et de la compréhension de ce champ. Ce
travail est d'autant plus nécessaire qu'il n'avait
pas été réalisé jusqu'à présent, et qu'il peut inté-
resser des professionnels du patrimoine et de
l'histoire, des gestionnaires politiques, et des
développeurs culturels et touristiques.
112
Les acteurs de la journée : noms et coordonnées
Les intervenants
Séance plénière Où en est la recherche aujourd’hui en Picardie ? L’état des lieux de la recherche et de
ses acteurs : universités, inventaire, sociétés savantes et centres de ressources
Intervenants :
Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la Région
Picardie, [email protected]
Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens
métropole, [email protected];
Pascal Montaubin, président de la Société des Antiquaires de Picardie, pascal.montaubin@u-
picardie.fr;
Philippe Nivet, professeur d’Histoire contemporaine, vice-président de l’Université de Picar-
die, directeur de l’UFR d’histoire-géographie, directeur du Centre d’histoire des sociétés, des
sciences et des conflits, Université de Picardie Jules Verne, [email protected].
Cycle thématique La recherche en cours… Archéologie et architecture antiques et médiévales
Modérateur : Vincent Legros, Service régional de l’archéologie, Drac Picardie, vin-
Intervenants :
Adrien Bossard, conservateur, Musée archéologique de l’Oise, [email protected];
Etienne Hamon, professeur d’Histoire de l’art médiéval, directeur d’Univarchéo, Université
de Picardie Jules Verne, [email protected];
Yves Le Béchennec, archéologue, service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole,
El Mustapha Mouaddib, professeur, directeur du MIS, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];
Sandrine Mouny, archéologue, Unité de recherche TRAME / Université de Picardie Jules
Verne, [email protected];
Denis Rolland, président de la Société historique de Soissons, [email protected].
Cycle thématique La recherche en cours… Guerres mondiales et reconstructions
Modérateur : Philippe Nivet
Intervenants :
Caroline Fontaine, directrice, centre international de recherche de l’Historial de la Grande
Guerre, [email protected];
Bertrand Fournier, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Pi-
cardie, [email protected];
Léo Noyer-Duplaix, chercheur, Service du patrimoine d’Abbeville, leo.noyer-duplaix@ville-
abbeville.fr;
Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice en chef du patrimoine, Historial de la Grande
Guerre, [email protected];
Mathilde Schneider, conservateur du patrimoine, Musée franco-américain de Blérancourt, ma-
Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, CRAE – Université de Picardie
Jules Verne, [email protected].
113
Cycle thématique La recherche en cours… Architecture et territoires
Modérateur : Isabelle Barbedor, chercheur, directrice de l’Inventaire et du patrimoine culturel de la
Région Picardie, [email protected].
Intervenants :
Frédéric Fournis, chercheur, direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, Région Picar-
die, [email protected];
André Guerville, président, association Richesses en Somme, [email protected];
Frédéric-Nicolas Kocourek, chercheur, Syndicat mixte Baie de Somme – 3 Vallées,
Cycle thématique Des ressources pour la recherche… Les archives
Modérateur : Olivier de Solan, directeur des Archives départementales de la Somme,
Intervenants :
Aurélien André, secrétaire annuel de la Société des Antiquaires de Picardie,
Eric Berriahi, archiviste, Archives communales d’Abbeville, [email protected];
Sophie Davril, bibliothèque municipale de Compiègne, [email protected];
Jean-Christophe Dumain, Archives départementales de l’Aisne, [email protected];
Alexandre Leducq, conservateur responsable du service Patrimoine, Bibliothèques d’Amiens
métropole, [email protected];
Anne Martin, bibliothèque municipale de Compiègne, [email protected];
Eléonore Peretti, directrice de la Maison Matisse, [email protected].
Cycle thématique Des ressources pour la recherche… Musées et collections
Modérateur : Noël Mahéo, conservateur, Musée de Picardie, [email protected];
Intervenants :
Pascal Barrier, enseignant-chercheur en sédimentologie et environnement, Institut LaSalle
Beauvais, [email protected]
Servane Dargnies, Institut national d’Histoire de l’art, [email protected];
David De Sousa, directeur, Musée Alfred-Danicourt de Péronne, [email protected];
Christophe Brouard, Institut national d’Histoire de l’art, [email protected];
Mariel Hennequin, guide, musée Jeanne d’Aboville, [email protected];
Yannick Vautier, enseignant-chercheur, Institut LaSalle – Beauvais, yannick.vautier@lasalle-
beauvais.fr;
Agnès Villain, conservateur, Musée des Papillons de Saint-Quentin, agnes.villain@saint-
quentin.fr.
Cycle thématiques Médiation et construction du savoir
Modérateur : Romain Zechser, responsable du service Patrimoine d’Abbeville, e la ville, ro-
Intervenants :
Marie Ansar, animatrice de l’architecture et du patrimoine, Service du patrimoine de Beau-
vais, [email protected];
Tiphaine Barthélémy, professeure de sociologie et d’anthropologie sociale, Université de Pi-
cardie Jules Verne, Unité de recherche CURAPP-ESS, [email protected];
Céline Csore, chargée des actions éducatives, Service du patrimoine d’Amiens Métropole,
Manon Istasse, post doctorante, Unité de recherche CURAPP-ESS, manon.istasse@u-
picardie.fr;
Roselyne Le Bourgeois, secrétaire de la commission, vice-présidente de la Société académique
de l’Oise et maître de conférences honoraire en histoire, CAREF/UPJV.
114
Les structures présentes lors du Forum
Archipop, Entrepôt et manufacture d’archives [email protected], http://archipop.org
Archives départementales de l’Aisne [email protected], http://archives.aisne.fr
Archives municipales d’Abbeville [email protected], www.abbeville.fr
Archives municipales et communautaires d’Amiens Métropole
[email protected], www.amiens.fr
Association de sauvegarde de la sucrerie de Francières
[email protected] http://sucrerie-francieres.pagesperso-orange.fr
Association générale des conservateurs des collections publiques de France - section fédérée de Picardie
[email protected], http://www.picardie-muses.fr
Association Stalles de Picardie [email protected], http://abbaye-saint-martin-aux-bois.fr
Bibliothèques d’Amiens Métropole [email protected], http://bibliotheques.amiens.fr
Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre [email protected], http://www.historial.org
Direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel - Région Picardie
[email protected], http://memoirevivante.picardie.fr, https://inventaire.picardie.fr
Historial de la Grande Guerre [email protected], http://www.historial.org
Institut LaSalle-Beauvais [email protected], http://www.lasalle-beauvais.fr
Unité de recherche MIS (Modélisation, Information et Systèmes) – UPJV
[email protected], https://mis.u-picardie.fr
Maison familiale d’Henri Matisse de Bohain-en-Vermandois
[email protected], www.musee-matisse.com
Musée Boucher de Perthes d’Abbeville [email protected], www.abbeville.fr
Musée franco-américain de Blérancourt [email protected], http://museefrancoamericain.fr
Musée Jeanne d’Aboville de La Fère [email protected], https://www.facebook.com/mjaboville
Musée municipal Alfred-Danicourt de Péronne [email protected], www.ville-peronne.fr
Plateforme Univarchéo – UPJV [email protected], https://www.u-picardie.fr
Service d’Archéologie préventive d’Amiens Métropole [email protected], https://www.u-picardie.fr
Service patrimoine d’Amiens Métropole [email protected], www.amiens.fr
L’espace Forum au Logis du Roy, 13 octobre 2015 © Région Picardie – Inventaire général, cliché T. Lefébure.
115
Le comité de pilotage
Ils ont participé au comité de pilotage et au groupe de travail :
Isabelle Barbedor, Région Picardie – direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, ibarbedor@cr-
picardie.fr;
Didier Bayard, Drac – Service régional de l’archéologie, [email protected];
Margot Burident, Université de Picardie Jules Verne, direction de la Recherche, margot.burident@u-
picardie.fr;
Benjamin Delommel, Archives communales et communautaires d’Amiens Métropole, [email protected]
David De Sousa, Musée Alfred-Danicourt de Péronne, [email protected];
Anne Diraison, Région Picardie – direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, adiraison@cr-
picardie.fr;
Vincent Haegele, Bibliothèque de Compiègne, [email protected];
Etienne Hamon, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];
Alexandre Leducq, Bibliothèques d’Amiens Métropole, [email protected];
Christelle Lemarchand, Archives communales et communautaires d’Amiens Métropole,
Noël Mahéo, Musée de Picardie et AGCCPF-Picardie, [email protected];
Jacques Mansuy, Région Picardie – direction de l’Inventaire et du patrimoine culturel, jmansuy@cr-
picardie.fr;
Pascal Montaubin, Société des Antiquaires de Picardie et Université de Picardie Jules Verne, pas-
Philippe Nivet, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];
Michel Paoli, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];
Dominique Poulain, Université de Picardie Jules Verne, [email protected];
Vanessa Vasset, Université de Picardie Jules Verne, [email protected].