accepter dÊtre inutile et rendre lépreuve humaine marie-claude cayzac psychologue clinicienne
TRANSCRIPT
ACCEPTER D’ÊTRE INUTILE
Et rendre l’épreuve humaine
Marie-Claude CAYZAC
Psychologue Clinicienne
Définitions Utile : qui rend service, profitable
Inutile : qui ne sert à rien
Nous voici donc, avec la notion d’utilité dans le monde du « faire » plus que dans celui de « l’être »
Définition de l’accompagnement
Si nous reprenons cette définition
« C’est tout ce qui reste à faire lorsqu’il n’y a plus rien à faire »
nous revoici donc bien au cœur du sujet et nous rejoignons la nécessité d’être, d’exister avec….
Récits pour essayer d’avancer
Quelques accompagnements suivis au cours de ces années vont servir de support à notre réflexion d’aujourd’hui, nous allons essayer d’en dégager l’humanité
Cas numéro un ou le mythe de Sisyphe
Pour le punir, Zeus l’a condamné à pousser éternellement un rocher au sommet d’une montagne sans jamais y parvenir : à peine Sisyphe est-il arrivé près de son but que le rocher roule vers le bas, et tout est à recommencer
Ainsi est apparu l’accompagnement de monsieur X par Antoine
En effet, monsieur X est dans un état d’angoisse permanent datant d’avant la maladie et ceci n’a pas bougé malgré son état avancé Antoine essaie à chaque rencontre d’apaiser cette angoisse existentielle que l’inexorable de la maladie n’arrange pas
A chaque groupe de parole, nous assistons au récit de ce chemin que poursuit Antoine aux côtés de cet homme qui se recharge du dynamisme positif de notre héros
Mais à chaque rencontre, l’angoisse, les demandes restent les mêmes
A chaque GP nous accompagnons Antoine peinant à neutraliser cette pathologie, et veillons à ce qu’elle ne contamine notre bénévole
Il nous arrive même d’évoquer la possibilité que notre accompagnant passe le relais…
Et puis , lors d’un groupe, Antoine nous fait part de son « trop plein » devant l’impossibilité pour monsieur X de lâcher un tantinet son angoisse pour s’approcher de l’autre
Il cède la place,en partageant cet accompagnement avec un autre bénévole c’est lui qui a pu « lâcher » et nous le soutenons dans cette voie
Conclusion provisoire
En sortant du mythe d’éternité, Antoine est redevenu l’homme de bonne volonté avec ses limites et ses émotionsIl a tenu, luttant contre le découragement ; le groupe a semble-t’il joué son rôle de contenant stimulantMonsieur X est resté un homme face à son destin, il est mort, « accompagné » de son angoisse existentielle mais aussi par autrui
LE FIL D’ARIANE
Amoureuse de Thésée, Ariane lui donna le bout d'un fil dont elle tenait l'autre extrémité, afin qu'il ne se perdît pas dans le labyrinthe où le Minotaure devait le manger
Ainsi apparut l’accompagnement
de sœur AlixElle est hospitalisée, visiblement en fin de vie, accompagnée par Angèle, une bénévole
Après une existence au couvent, en compagnie des autres religieuses, ses semblables, voici sœur Alix , clouée sur un lit d’hôpital et emmurée dans un silence dont elle ne sort que très rarement
Angèle met du cœur à l’ouvrage, mais elle peine à comprendre le bien-fondé de son zèle alors qu’au cours de ses visites hebdomadaires régulières, elle doit faire face à un silence creux, elle est pourtant familiarisée avec cette absence de langage
Elle persiste à se rendre au chevet de la religieuse, nous faisant part de ses doutes quant à l’utilité de sa présence
Nos réflexions l’ emmènent à se retourner vers la communauté, à l’origine de la demande
Elle comprend, au cours de cet échange, que la demande pressante des religieuses est motivée par leur inquiétude face à la difficulté de communication qu’elles ont toujours éprouvée avec leur sœur
Cette information permet à Angèle de poursuivre jusqu’au décès de sœur Alix
Toujours enfermée dans son silence, mais entourée et visitée, ainsi qu’elle avait vécu dans sa communauté
Conclusion provisoire
Ce « fil d’Ariane » entre sœur Alix, les religieuses, et Angèle, a permis que cet accompagnement se poursuive et que la présence de la bénévole soit un lien d’humanité supplémentaire avant le « passage » de la religieuse
LE CHEVAL DE TROIE
Selon Homère, le cheval de bois a été employé comme un ruse de guerre ; il fut rempli des soldats afin d’entrer dans la ville de Troie comme indiqué dans la légende il permit la victoire des grecs
L’accompagnement avorté de
monsieur YAugustine est une bénévole endurcie, ayant l’habitude de se confronter à des situations difficilesCe jour-là, elle rentre dans la chambre d’hôpital, pour y rencontrer monsieur Y…C’est madame Y qui lui fait face, la mettant aussitôt dehors, lui laissant à peine le temps de se présenter à son mari
Augustine s’est beaucoup interrogée sur l’utilité de cette rencontre quasiment avortée…
Nous en déduisons que l’angoisse de l’épouse lui a fait ressentir l’arrivée de la bénévole comme une intrusion, une irruption dangereuse, un obstacle entre son époux et elle
Courageusement, Augustine continue à passer en saluant le couple dans la chambre jusqu’à la sortie de monsieur Y
Et contre toute attente, lors d’une hospitalisation suivante, notre bénévole est interpellée par madame Y, pour l’aider à résoudre un problème pratique auquel elle ne pouvait faire face
Conclusion provisoire
La bénévole a pu alors prendre place dans la vie de ce couple, en allégeant un peu le poids de cette angoisse qui planait sur eux
Le « cheval de Troie » a réussi à déstabiliser « l’ennemi » en prenant une place permettant d’alléger la tension fusionnelle que la maladie entretenait douloureusement
CONCLUSION(s)
« Nous devons toujours nous interroger lorsque nous avons l’impression d’être rejeté par un patient. Bien que ce rejet suscite en nous des réactions négatives, il nous permet en fait de mettre à nu notre propre travail en souffrance »
E. Kübler-Ross « La mort est une question vitale »
PAROLES DE BENEVOLES
Dans la démarche
d’accompagnement, « … chacun est réduit à ce qu’il est au plus profond de lui-même…..
Il n’y a pas de place pour les faux- semblants , les hypocrisies. En face de la mort qui approche, de la maladie, de la souffrance…
….. il faut trouver en soi ce qui est essentiel, ce qui fait l’unité de notre personne.
Ensemble nous nous interrogeons sur le sens de notre existence.
………..Cela nous met en état de recherche permanente .
…….Ici, l’important est de savoir ne rien faire. Apprendre »
Marie-Alice du Jeu
DES OUTILS POUR AVANCERmalgré tout
Chercher, ensemble, à améliorer la qualité de la relation, améliorer sa « qualité d’être » en s’autorisant une liberté -nouvelle- d’expression de son affectivité
Se sentir soutenu pour avancer dans le développement de la confiance en soi
Ceci est le rôle d’un travail personnel réalisé, régulièrement au sein du Groupe de Parole
Essayer, ainsi de:
Renoncer à rencontrer l’utile dans le sens strict du terme
Accepter de se rencontrer soi-même, limité et parfois impuissant, mais tout simplement humain
« Accompagner quelqu’un ce n’est pas vivre à sa place, c’est savoir que l’on peut quelque chose dans la pire des souffrances, par la présence, les soins, la compétence, l’écoute, mais aussi c’est accepter la part d’inachevé, d’imperfection, d’insatisfaction de nos attentes, sans en être détruit ou le vivre comme un échec personnel »
J. Pillot
Laisser parler les cœurs
« C’est le cœur qui peut rendre tranquille, Le cœur fait tout, le reste est inutile »
La Fontaine
« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel reste invisible pour les yeux »
A. de Saint Exupéry
PAROLES de SAGESSE
« C’est ce qui manque qui donne la raison d’être
La seule façon d’accepter est d’être »
Lao Tseu