51598817 le pere goriot

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    Le pre Goriot

    H. de Balzac

    [d. par Pierre-Georges Castex,...]I. Une pension bourgeoiseII. L'entre dans le mondeIII. Trompe-la-mortI. La mort du p!re

    "u grand et illustre Geo##ro$ %aint-&ilaire

    Comme un tmoignage d'admiration de ses travaux et de son gnie.

    ( )"L*"C.

    I. Une pension bourgeoise

    +adame auuer, ne de Con#lans, est une ieille #emme ui, depuis uarante ans, tient Paris unepension bourgeoise tablie rue /eue-%ainte-Genei!e, entre le uartier latin et le #aubourg %aint-+ar0eau. Cette pension, 0onnue sous le nom de la +aison-auuer, admet galement des 1ommeset des #emmes, des 2eunes gens et des ieillards, sans ue 2amais la mdisan0e ait attau les moeursde 0e respe0table tablissement. +ais aussi depuis trente ans ne s'$ tait-il 2amais u de 2eune

    personne, et pour u'un 2eune 1omme $ demeure, sa #amille doit-elle lui #aire une bien maigrepension. /anmoins, en 3435, poue lauelle 0e drame 0ommen0e, il s'$ trouait une paure2eune #ille. (n uelue dis0rdit ue soit tomb le mot drame par la mani!re abusie et tortionnaire

    dont il a t prodigu dans 0es temps de douloureuse littrature, il est n0essaire de l'emplo$er i0i6non ue 0ette 1istoire soit dramatiue dans le sens rai du mot7 mais, l'oeure a00omplie, peut-8treaura-t-on ers uelues larmes intra muroset extra. %era-t-elle 0omprise au-del de Paris9 le douteest permis. Les parti0ularits de 0ette s0!ne pleine d'obserations et de 0ouleurs lo0ales ne peuent8tre appr0ies u'entre les buttes de +ontmartre et les 1auteurs de +ontrouge, dans 0ette illustrealle de pl:tras in0essamment pr!s de tomber et de ruisseaux noirs de boue7 alle remplie desou##ran0es relles, de 2oies souent #ausses, et si terriblement agite u'il #aut 2e ne sais uoid'exorbitant pour $ produire une sensation de uelue dure. Cependant il s'$ ren0ontre ; et l desdouleurs ue l'agglomration des i0es et des ertus rend grandes et solennelles6 leur aspe0t, lesgot et 0ontinue sa mar01e glorieuse. "insi #ere?-ous, ous ui tene? 0e lire d'une mainblan01e, ous ui ous en#on0e? dans un moelleux #auteuil en ous disant6 Peut-8tre 0e0i a-t-ilm'amuser. "pr!s aoir lu les se0r!tes in#ortunes du p!re Goriot, ous d@nere? ae0 apptit enmettant otre insensibilit sur le 0ompte de l'auteur, en le taxant d'exagration, en l'a00usant de

    posie. "1A sa01e?-le6 0e drame n'est ni une #i0tion, ni un roman.All is true, il est si ritable, ue01a0un peut en re0onna@tre les lments 01e? soi, dans son 0oeur peut-8tre.

    La maison oB s'exploite la pension bourgeoise appartient madame auuer. (lle est situe dans lebas de la rue /eue-%ainte-Genei!e, l'endroit oB le terrain s'abaisse ers la rue de l'"rbal!te parune pente si brusue et si rude ue les 01eaux la montent ou la des0endent rarement. Cette

    0ir0onstan0e est #aorable au silen0e ui r!gne dans 0es rues serres entre le d>me du al-de-Gr:0eet le d>me du Pant1on, deux monuments ui 01angent les 0onditions de l'atmosp1!re en $ 2etantdes tons 2aunes, en $ assombrissant tout par les teintes s!res ue pro2ettent leurs 0oupoles. L, les

    http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#1http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#2http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#3http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#4http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#2http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#3http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#4http://www.bacdefrancais.net/pere_goriot.htm#1
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    pas sont se0s, les ruisseaux n'ont ni boue ni eau, l'1erbe 0roit le long des murs. L'1omme le plusinsou0iant s'$ attriste 0omme tous les passants, le bruit d'une oiture $ deient un nement, lesmaisons $ sont mornes, les murailles $ sentent la prison. Un Parisien gar ne errait l ue des

    pensions bourgeoises ou des institutions, de la mis!re ou de l'ennui, de la ieillesse ui meurt, de la2o$euse 2eunesse 0ontrainte traailler. /ul uartier de Paris n'est plus 1orrible, ni, disons-le, plusin0onnu. La rue /eue-%ainte-Genei!e surtout est 0omme un 0adre de bron?e, le seul ui

    0onienne 0e r0it, auuel on ne saurait trop prparer l'intelligen0e par des 0ouleurs brunes, pardes ides graes7 ainsi ue, de mar01e en mar01e, le 2our diminue et le 01ant du 0ondu0teur se0reuse, alors ue le o$ageur des0end aux Cata0ombes. Comparaison raieA ui d0idera de 0e uiest plus 1orrible oir, ou des 0oeurs dess01s, ou des 0r:nes ides9

    La #a;ade de la pension donne sur un 2ardinet, en sorte ue la maison tombe angle droit sur la rue/eue-%ainte-Genei!e, oB ous la o$e? 0oupe dans sa pro#ondeur. Le long de 0ette #a;ade,entre la maison et le 2ardinet, r!gne un 0ailloutis en 0uette, large d'une toise, deant leuel est unealle sable, borde de graniums, de lauriers-roses et de grenadiers plants dans de grands ases en#a

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    Ce salon 0ommuniue une salle manger ui est spare de la 0uisine par la 0age d'un es0alierdont les mar01es sont en bois et en 0arreaux mis en 0ouleur et #rotts. Eien n'est plus triste oirue 0e salon meubl de #auteuils et de 01aises en to##e de 0rin raies alternatiement mates etluisantes. "u milieu se troue une table ronde dessus de marbre %ainte-"nne, d0ore de 0e0abaret en por0elaine blan01e orne de #ilets d'or e##a0s demi, ue l'on ren0ontre partoutau2ourd'1ui. Cette pi!0e, asse? mal plan01ie, est lambrisse 1auteur d'appui. Le surplus des

    parois est tendu d'un papier erni reprsentant les prin0ipales s0!nes de !lmaque, et dont les0lassiues personnages sont 0oloris. Le panneau d'entre les 0roises grillages o##re auxpensionnaires le tableau du #estin donn au #ils d'Ul$sse par Cal$pso. epuis uarante ans, 0ettepeinture ex0ite les plaisanteries des 2eunes pensionnaires, ui se 0roient suprieurs leur position ense mouant du d@ner auuel la mis!re les 0ondamne. La 01emine en pierre, dont le #o$er tou2ours

    propre atteste u'il ne s'$ #ait de #eu ue dans les grandes o00asions, est orne de deux ases pleinsde #leurs arti#i0ielles, ieillies et en0ages, ui a00ompagnent une pendule en marbre bleu:tre du

    plus mauais got. Cette premi!re pi!0e ex1ale une odeur sans nom dans la langue, et u'il #audraitappeler l' odeurde pension. (lle sent le ren#erm, le moisi, le ran0e7 elle donne #roid, elle est1umide au ne?, elle pn!tre les 8tements7 elle a le got d'une salle oB l'on a d@n7 elle pue leseri0e, l'o##i0e, l'1ospi0e. Peut-8tre pourrait-elle se d0rire si l'on inentait un pro0d pour aluer

    les uantits lmentaires et nausabondes u'$ 2ettent les atmosp1!res 0atarr1ales et sui generisde01aue pensionnaire, 2eune ou ieux. (1 bienA malgr 0es plates 1orreurs, si ous le 0omparie? lasalle manger, ui lui est 0ontiguH, ous trouerie? 0e salon lgant et par#um 0omme doit l'8treun boudoir. Cette salle, enti!rement boise, #ut 2adis peinte en une 0ouleur indistin0te au2ourd'1ui,ui #orme un #ond sur leuel la 0rasse a imprim ses 0ou01es de mani!re $ dessiner des #igures

    bi?arres. (lle est plaue de bu##ets gluants sur lesuels sont des 0ara#es 01an0res, ternies, desronds de moir mtalliue, des piles d'assiettes en por0elaine paisse, bords bleus, #abriues Tournai. ans un angle est pla0e une boite 0ases numrotes ui sert garder les seriettes, outa01es ou ineuses, de 01aue pensionnaire. Il s'$ ren0ontre de 0es meubles indestru0tibles,

    pros0rits partout, mais pla0s l 0omme le sont les dbris de la 0iilisation aux In0urables. ous $errie? un barom!tre 0apu0in ui sort uand il pleut, des graures ex0rables ui >tent l'apptit,toutes en0adres en bois erni #ilets dors7 un 0artel en 0aille in0ruste de 0uire7 un po8le ert,des uinuets d'"rgand oB la poussi!re se 0ombine ae0 l'1uile, une longue table 0ouerte en toile0ire asse? grasse pour u'un #a0tieux externe $ 0rie son nom en se serant de son doigt 0ommede st$le, des 01aises estropies, de petits paillassons piteux en sparterie ui se droule tou2ours sansse perdre 2amais, puis des 01au##erettes misrables trous 0asss, 01arni!res d#aites, dont le boisse 0arbonise. Pour expliuer 0ombien 0e mobilier est ieux, 0reass, pourri, tremblant, rong,man01ot, borgne, inalide, expirant, il #audrait en #aire une des0ription ui retarderait trop l'intr8tde 0ette 1istoire, et ue les gens presss ne pardonneraient pas. Le 0arreau rouge est plein de alles

    produites par le #rottement ou par les mises en 0ouleur. (n#in, l r!gne la mis!re sans posie7 unemis!re 0onome, 0on0entre, r:pe. %i elle n'a pas de #ange en0ore, elle a des ta01es7 si elle n'a ni

    trous ni 1aillons, elle a tomber en pourriture.Cette pi!0e est dans tout son lustre au moment oB, ers sept 1eures du matin, le 01at de madameauuer pr0!de sa ma@tresse, saute sur les bu##ets, $ #laire le lait ue 0ontiennent plusieurs 2attes0ouertes d'assiettes, et #ait entendre son rouroumatinal. )ient>t la eue se montre, atti#e de son

    bonnet de tulle sous leuel pend un tour de #aux 01eeux mal mis7 elle mar01e en tra@nassant sespantou#les grima0es. %a #a0e ieillotte, grassouillette, du milieu de lauelle sort un ne? be0 deperrouet7 ses petites mains poteles, sa personne dodue 0omme un rat d'glise, son 0orsage tropplein et ui #lotte, sont en 1armonie ae0 0ette salle oB suinte le mal1eur, oB s'est blottie lasp0ulation et dont madame auuer respire l'air 01audement #tide sans en 8tre 0oeure. %a #igure#ra@01e 0omme une premi!re gele d'automne, ses $eux rids, dont l'expression passe du sourire

    pres0rit aux danseuses l'amer ren#rognement de l'es0ompteur, en#in toute sa personne expliue la

    pension, 0omme la pension impliue sa personne. Le bagne ne a pas sans l'argousin, ousn'imaginerie? pas l'un sans l'autre. L'embonpoint bla#ard de 0ette petite #emme est le produit de 0etteie, 0omme le t$p1us est la 0onsuen0e des ex1alaisons d'un 1>pital. %on 2upon de laine tri0ote,

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    ui dpasse sa premi!re 2upe #aite ae0 une ieille robe, et dont la ouate s'01appe par les #entes del'to##e l?arde, rsume le salon, la salle manger, le 2ardinet, annon0e la 0uisine et #ait pressentirles pensionnaires. uand elle est l, 0e spe0ta0le est 0omplet. "ge d'eniron 0inuante ans,madame auuer ressemble toutes les femmes qui ont eu des mal"eurs. (lle a l'oeil itreux, l'airinno0ent d'une entremetteuse ui a se gendarmer pour se #aire pa$er plus 01er, mais d'ailleurs pr8te tout pour adou0ir son sort, lirer Georges ou Pi01egru, si Georges ou Pi01egru taient en0ore

    lirer. /anmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, ui la 0roient sans#ortune en l'entendant geindre et tousser 0omme eux. u'aait t monsieur auuer9 (lle nes'expliuait 2amais sur le d#unt. Comment aait-il perdu sa #ortune9 ans les mal1eurs, rpondait-elle. Il s'tait mal 0onduit eners elle, ne lui aait laiss ue les $eux pour pleurer, 0ette maison pourire, et le droit de ne 0ompatir au0une in#ortune, par0e ue, disait-elle, elle aait sou##ert tout 0eu'il est possible de sou##rir. (n entendant trottiner sa ma@tresse, la grosse %$lie, la 0uisini!re,s'empressait de serir le d2euner des pensionnaires internes.

    Gnralement les pensionnaires externes ne s'abonnaient u'au d@ner, ui 0otait trente #ran0s parmois. " l'poue oB 0ette 1istoire 0ommen0e, les internes taient au nombre de sept. Le premiertage 0ontenait les deux meilleurs appartements de la maison. +adame auuer 1abitait le moins

    0onsidrable, et l'autre appartenait madame Couture, eue d'un Commissaire-Drdonnateur de laEpubliue #ran;aise. (lle aait ae0 elle une tr!s 2eune personne, nomme i0torine Taille#er, uielle serait de m!re. La pension de 0es deux dames montait dix-1uit 0ents #ran0s. Les deuxappartements du se0ond taient o00ups, l'un par un ieillard nomm Poiret7 l'autre, par un 1omme:g d'eniron uarante ans, ui portait une perruue noire, se teignait les #aoris, se disait an0ienngo0iant, et s'appelait monsieur autrin. Le troisi!me tage se 0omposait de uatre 01ambres, dontdeux taient loues, l'une par une ieille #ille nomme mademoiselle +i01onneau, l'autre par unan0ien #abri0ant de ermi0elles, de p:tes d'Italie et d'amidon, ui se laissait nommer le p!re Goriot.Les deux autres 01ambres taient destines aux oiseaux de passage, 0es in#ortuns tudiants ui,0omme le p!re Goriot et mademoiselle +i01onneau, ne pouaient mettre ue uarante-0in #ran0s

    par mois leur nourriture et leur logement7 mais madame auuer sou1aitait peu leur prsen0e et

    ne les prenait ue uand elle ne trouait pas mieux6 ils mangeaient trop de pain. (n 0e moment,l'une de 0es deux 01ambres appartenait un 2eune 1omme enu des enirons d'"ngoul8me Parispour $ #aire son roit, et dont la nombreuse #amille se soumettait aux plus dures priations a#in delui eno$er dou?e 0ents #ran0s par an. (ug!ne de Eastigna0, ainsi se nommait-il, tait un de 0es

    2eunes gens #a;onns au traail par le mal1eur, ui 0omprennent d!s le 2eune :ge les espran0es ueleurs parents pla0ent en eux, et ui se prparent une belle destine en 0al0ulant d2 la porte deleurs tudes, et, les adaptant par aan0e au mouement #utur de la so0it, pour 8tre les premiers la pressurer. %ans ses obserations 0urieuses et l'adresse ae0 lauelle il sut se produire dans lessalons de Paris, 0e r0it n'et pas t 0olor des tons rais u'il dera sans doute son esprit saga0eet son dsir de pntrer les m$st!res d'une situation pouantable, aussi soigneusement 0a01e par0eux ui l'aaient 0re ue par 0elui ui la subissait.

    "u-dessus de 0e troisi!me tage taient un grenier tendre le linge et deux mansardes oB0ou01aient un gar;on de peine, nomm C1ristop1e, et la grosse %$lie, la 0uisini!re. Dutre les sept

    pensionnaires internes, madame auuer aait, bon an, mal an, 1uit tudiants en roit ou en+de0ine, et deux ou trois 1abitus ui demeuraient dans le uartier, abonns tous pour le d@nerseulement. La salle 0ontenait d@ner dix-1uit personnes et pouait en admettre une ingtaine7 maisle matin, il ne s'$ trouait ue sept lo0ataires dont la runion o##rait pendant le d2euner l'aspe0t d'unrepas de #amille. C1a0un des0endait en pantou#les, se permettait des obserations 0on#identielles surla mise ou sur l'air des externes, et sur les nements de la soire pr0dente, en s'exprimant ae0la 0on#ian0e de l'intimit. Ces sept pensionnaires taient les en#ants g:ts de madame auuer, uileur mesurait ae0 une pr0ision d'astronome les soins et les gards, d'apr!s le 01i##re de leurs

    pensions. Une m8me 0onsidration a##e0tait 0es 8tres rassembls par le 1asard. Les deux lo0atairesdu se0ond ne pa$aient ue soixante-dou?e #ran0s par mois. Ce bon mar01, ui ne se ren0ontre uedans le #aubourg %aint-+ar0el, entre la )ourbe et la %alp8tri!re, et auuel madame Couture #aisait

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    seule ex0eption, annon0e ue 0es pensionnaires deaient 8tre sous le poids de mal1eurs plus oumoins apparents. "ussi le spe0ta0le dsolant ue prsentait l'intrieur de 0ette maison se rptait-ildans le 0ostume de ses 1abitus, galement dlabrs. Les 1ommes portaient des redingotes dont la0ouleur tait deenue problmatiue, des 01aussures 0omme il s'en 2ette au 0oin des bornes dans lesuartiers lgants, du linge lim, des 8tements ui n'aaient plus ue l':me. Les #emmes aaientdes robes passes reteintes, dteintes, de ieilles dentelles ra00ommodes, des gants gla0s par

    l'usage, des 0ollerettes tou2ours rousses et des #i01us raills. %i tels taient les 1abits, presue tousmontraient des 0orps solidement 01arpents, des 0onstitutions ui aaient rsist aux temp8tes de laie, des #a0es #roides, dures, e##a0es 0omme 0elles des 0us dmontiss. Les bou01es #ltriestaient armes de dents aides. Ces pensionnaires #aisaient pressentir des drames a00omplis ou ena0tion7 non pas de 0es drames 2ous la lueur des rampes, entre des toiles peintes mais des dramesiants et muets, des drames gla0s ui remuaient 01audement le 0oeur, des drames 0ontinus.

    La ieille demoiselle +i01onneau gardait sur ses $eux #atigus un 0rasseux abat-2our en ta##etasert, 0er0l par du #il d'ar01al ui aurait e##arou01 l'ange de la Piti. %on 01:le #ranges maigres et

    pleurardes semblait 0ourir un suelette, tant les #ormes u'il 0a01ait taient anguleuses. uel a0ideaait dpouill 0ette 0rature de ses #ormes #minines9 elle deait aoir t 2olie et bien #aite6 tait-

    0e le i0e, le 01agrin, la 0upidit9 aait-elle trop aim, aait-elle t mar01ande la toilette, ouseulement 0ourtisane9 (xpiait-elle les triomp1es d'une 2eunesse insolente au-deant de lauelles'taient rus les plaisirs par une ieillesse ue #u$aient les passants9 %on regard blan0 donnait#roid, sa #igure rabougrie mena;ait. (lle aait la oix 0lairette d'une 0igale 0riant dans son buissonaux appro01es de l'1ier. (lle disait aoir pris soin d'un ieux monsieur a##e0t d'un 0atarr1e laessie et abandonn par ses en#ants, ui l'aaient 0ru sans ressour0e. Ce ieillard lui aait lgumille #ran0s de rente iag!re, priodiuement disputs par les 1ritiers, aux 0alomnies desuels elletait en butte. uoiue le 2eu des passions et raag sa #igure, il s'$ trouait en0ore 0ertainsestiges d'une blan01eur et d'une #inesse dans le tissu ui permettaient de supposer ue le 0orps0onserait uelues restes de beaut.

    +onsieur Poiret tait une esp!0e de m0aniue. (n l'aper0eant s'tendre 0omme une ombre grise le

    long d'une alle au =ardin des Plantes, la t8te 0ouerte d'une ieille 0asuette #lasue, tenant peinesa 0anne pomme d'ioire 2auni dans sa main, laissant #lotter les pans #ltris de sa redingote ui0a01ait mal une 0ulotte presue ide, et des 2ambes en bas bleus ui #lageolaient 0omme 0elles d'un1omme ire, montrant son gilet blan0 sale et son 2abot de grosse mousseline re0roueille uis'unissait impar#aitement sa 0raate 0orde autour de son 0ou de dindon, bien des gens sedemandaient si 0ette ombre 01inoise appartenait la ra0e auda0ieuse des #ils de =ap1et ui

    papillonnent sur le bouleard Italien. uel traail aait pu le ratatiner ainsi9 uelle passion aaitbistr sa #a0e bulbeuse, ui, dessine en 0ari0ature, aurait paru 1ors du rai9 Ce u'il aait t9 maispeut-8tre aait-il t emplo$ au +inist!re de la =usti0e, dans le bureau oB les ex0uteurs des 1autesoeures enoient leurs mmoires de #rais, le 0ompte des #ournitures de oiles noirs pour les

    parri0ides, de son pour les paniers, de #i0elle pour les 0outeaux. Peut-8tre aait-il t re0eeur laporte d'un abattoir, ou sous-inspe0teur de salubrit. (n#in, 0et 1omme semblait aoir t l'un des:nes de notre grand moulin so0ial, l'un de 0es Eatons parisiens ui ne 0onnaissent m8me pas leurs)ertrands, uelue piot sur leuel aaient tourn les in#ortunes ou les salets publiues, en#in l'unde 0es 1ommes dont nous disons, en les o$ant6Il en faut #ourtant comme $a. Le beau Paris ignore0es #igures bl8mes de sou##ran0es morales ou p1$siues. +ais Paris est un ritable o0an. =ete?-$la sonde, ous n'en 0onna@tre? 2amais la pro#ondeur. Par0oure?-le, d0rie?-leA uelue soin ueous mettie? le par0ourir, le d0rire7 uelue nombreux et intresss ue soient les explorateursde 0ette mer, il s'$ ren0ontrera tou2ours un lieu ierge, un antre in0onnu, des #leurs, des perles, desmonstres, uelue 01ose d'inou

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    tableau par une tristesse 1abituelle, par une 0ontenan0e g8ne, par un air paure et gr8le, nanmoinsson isage n'tait pas ieux, ses mouements et sa oix taient agiles. Ce 2eune mal1eur ressemblait un arbuste aux #euilles 2aunies, #ran01ement plant dans un terrain 0ontraire. %a p1$sionomierouss:tre, ses 01eeux d'un blond #aue, sa taille trop min0e, exprimaient 0ette gr:0e ue les po!tesmodernes trouaient aux statuettes du +o$en "ge. %es $eux gris mlangs de noir exprimaient unedou0eur, une rsignation 01rtiennes. %es 8tements simples, peu 0oteux, tra1issaient des #ormes

    2eunes. (lle tait 2olie par 2uxtaposition. &eureuse, elle et t raissante6 le bon1eur est la posiedes #emmes, 0omme la toilette en est le #ard. %i la 2oie d'un bal et re#lt ses teintes roses sur 0eisage p:le7 si les dou0eurs d'une ie lgante eussent rempli, eussent ermillonn 0es 2oues d2lg!rement 0reuses7 si l'amour et ranim 0es $eux tristes, i0torine aurait pu lutter ae0 les plus

    belles 2eunes #illes. Il lui manuait 0e ui 0re une se0onde #ois la #emme, les 01i##ons et les billetsdoux. %on 1istoire et #ourni le su2et d'un lire. %on p!re 0ro$ait aoir des raisons pour ne pas lare0onna@tre, re#usait de la garder pr!s de lui, ne lui a00ordait ue six 0ents #ran0s par an, et aaitdnatur sa #ortune, a#in de pouoir la transmettre en entier son #ils. Parente loigne de la m!rede i0torine, ui 2adis tait enue mourir de dsespoir 01e? elle, madame Couture prenait soin del'orp1eline 0omme de son en#ant. +al1eureusement la eue du Commissaire-Drdonnateur desarmes de la Epubliue ne possdait rien au monde ue son douaire et sa pension7 elle pouait

    laisser un 2our 0ette paure #ille, sans exprien0e et sans ressour0es, la mer0i du monde. La bonne#emme menait i0torine la messe tous les diman01es, 0on#esse tous les uin?e 2ours, a#in d'en#aire tout 1asard une #ille pieuse. (lle aait raison. Les sentiments religieux o##raient un aenir 0et en#ant dsaou, ui aimait son p!re, ui tous les ans s'a01eminait 01e? lui pour $ apporter le

    pardon de sa m!re7 mais ui, tous les ans, se 0ognait 0ontre la porte de la maison paternelle,inexorablement #erme. %on #r!re, son uniue mdiateur, n'tait pas enu la oir une seule #ois enuatre ans, et ne lui eno$ait au0un se0ours. (lle suppliait ieu de dessiller les $eux de son p!re,d'attendrir le 0oeur de son #r!re, et priait pour eux sans les a00user. +adame Couture et madameauuer ne trouaient pas asse? de mots dans le di0tionnaire des in2ures pour uali#ier 0ette0onduite barbare. uand elles maudissaient 0e millionnaire in#:me, i0torine #aisait entendre dedou0es paroles, semblables au 01ant du ramier bless, dont le 0ri de douleur exprime en0orel'amour.

    (ug!ne de Eastigna0 aait un isage tout mridional, le teint blan0, des 01eeux noirs, des $euxbleus. %a tournure, ses mani!res, sa pose 1abituelle dnotaient le #ils d'une #amille noble, oBl'du0ation premi!re n'aait 0omport ue des traditions de bon got. %'il tait mnager de ses1abits, si les 2ours ordinaires il a01eait d'user les 8tements de l'an pass, nanmoins il pouaitsortir uelue#ois mis 0omme l'est un 2eune 1omme lgant. Drdinairement il portait une ieilleredingote, un mauais gilet, la m01ante 0raate noire, #ltrie, mal noue de l'(tudiant, un pantalon l'aenant et des bottes ressemeles.

    (ntre 0es deux personnages et les autres, autrin, l'1omme de uarante ans, #aoris peints, seraitde transition. Il tait un de 0es gens dont le peuple dit6 oil un #ameux gaillardA Il aait les pauleslarges, le buste bien delopp, les mus0les apparents, des mains paisses, 0arres et #ortementmarues aux p1alanges par des bouuets de poils tou##us et d'un roux ardent. %a #igure, ra$e pardes rides prmatures, o##rait des signes de duret ue dmentaient ses mani!res souples et liantes.%a oix de basse-taille, en 1armonie ae0 sa grosse gaiet, ne dplaisait point. Il tait obligeant etrieur. %i uelue serrure allait mal, il l'aait bient>t dmonte, ra#istole, 1uile, lime, remonte, endisant6 a me 0onna@t. J Il 0onnaissait tout d'ailleurs, les aisseaux, la mer, la Kran0e, l'tranger, lesa##aires, les 1ommes, les nements, les lois, les 1>tels et les prisons. %i uelu'un se plaignait partrop, il lui o##rait aussit>t ses seri0es. Il aait pr8t plusieurs #ois de l'argent madame auuer et uelues pensionnaires7 mais ses obligs seraient morts plut>t ue de ne pas le lui rendre, tant,malgr son air bon1omme, il imprimait de 0rainte par un 0ertain regard pro#ond et plein de

    rsolution. " la mani!re dont il lan;ait un 2et de salie, il annon;ait un sang-#roid imperturbable uine deait pas le #aire re0uler deant un 0rime pour sortir d'une position uioue. Comme un 2uges!re, son oeil semblait aller au #ond de toutes les uestions, de toutes les 0ons0ien0es, de tous les

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    sentiments. %es moeurs 0onsistaient sortir apr!s le d2euner, reenir pour d@ner, d0amper pourtoute la soire, et rentrer ers minuit, l'aide d'un passe-partout ue lui aait 0on#i madameauuer. Lui seul 2ouissait de 0ette #aeur. +ais aussi tait-il au mieux ae0 la eue, u'il appelaitmaman en la saisissant par la taille, #latterie peu 0ompriseA La bonne #emme 0ro$ait la 01ose en0ore#a0ile, tandis ue autrin seul aait les bras asse? longs pour presser 0ette pesante 0ir0on#ren0e. Untrait de son 0ara0t!re tait de pa$er gnreusement uin?e #ran0s par mois pour le gloria u'il

    prenait au dessert. es gens moins super#i0iels ue ne l'taient 0es 2eunes gens emports par lestourbillons de la ie parisienne, ou 0es ieillards indi##rents 0e ui ne les tou01ait pasdire0tement, ne se seraient pas arr8ts l'impression douteuse ue leur 0ausait autrin. Il saait oudeinait les a##aires de 0eux ui l'entouraient, tandis ue nul ne pouait pntrer ni ses penses nises o00upations. uoiu'il et 2et son apparente bon1omie, sa 0onstante 0omplaisan0e et sa gaiet0omme une barri!re entre les autres et lui, souent il laissait per0er l'pouantable pro#ondeur deson 0ara0t!re. %ouent une boutade digne de =unal, et par lauelle il semblait se 0omplaire

    ba#ouer les lois, #ouetter la 1aute so0it, la 0onain0re d'in0onsuen0e ae0 elle-m8me, deait#aire supposer u'il gardait ran0une l'tat so0ial, et u'il $ aait au #ond de sa ie un m$st!resoigneusement en#oui.

    "ttire, peut-8tre son insu, par la #or0e de l'un ou par la beaut de l'autre, mademoiselle Taille#erpartageait ses regards #urti#s, ses penses se0r!tes, entre 0e uadragnaire et le 2eune tudiant7 maisau0un d'eux ne paraissait songer elle, uoiue d'un 2our l'autre le 1asard pt 01anger sa positionet la rendre un ri01e parti. 'ailleurs au0une de 0es personnes ne se donnait la peine de ri#ier si lesmal1eurs allgus par l'une d'elles taient #aux ou ritables. Toutes aaient les unes pour les autresune indi##ren0e m8le de d#ian0e ui rsultait de leurs situations respe0ties. (lles se saaientimpuissantes soulager leurs peines, et toutes aaient en se les 0ontant puis la 0oupe des0ondolan0es. %emblables de ieux poux, elles n'aaient plus rien se dire. Il ne restait don0entre elles ue les rapports d'une ie m0aniue, le 2eu de rouages sans 1uile. Toutes deaient passerdroit dans la rue deant un aeugle, 0outer sans motion le r0it d'une in#ortune, et oir dans unemort la solution d'un probl!me de mis!re ui les rendait #roides la plus terrible agonie. La plus

    1eureuse de 0es :mes dsoles tait madame auuer, ui tr>nait dans 0et 1ospi0e libre. Pour elleseule 0e petit 2ardin, ue le silen0e et le #roid, le se0 et l'1umide #aisaient aste 0omme un steppe,tait un riant bo0age. Pour elle seule 0ette maison 2aune et morne, ui sentait le ert-de-gris du0omptoir, aait des dli0es. Ces 0abanons lui appartenaient. (lle nourrissait 0es #or;ats a0uis des

    peines perptuelles, en exer;ant sur eux une autorit respe0te. DB 0es paures 8tres auraient-ilstrou dans Paris, au prix oB elle les donnait, des aliments sains, su##isants, et un appartement u'ilstaient ma@tres de rendre, sinon lgant ou 0ommode, du moins propre et salubre9 %e #t-elle permisune in2usti0e 0riante, la i0time l'aurait supporte sans se plaindre.

    Une runion semblable deait o##rir et o##rait en petit les lments d'une so0it 0ompl!te. Parmi lesdix-1uit 0onies il se ren0ontrait, 0omme dans les 0oll!ges, 0omme dans le monde, une paure0rature rebute, un sou##re-douleur sur ui pleuaient les plaisanteries. "u 0ommen0ement de lase0onde anne, 0ette #igure deint pour (ug!ne de Eastigna0 la plus saillante de toutes 0elles aumilieu desuelles il tait 0ondamn ire en0ore pendant deux ans. Ce Patiras tait l'an0ienermi0ellier, le p!re Goriot, sur la t8te duuel un peintre aurait, 0omme l'1istorien, #ait tomber toutela lumi!re du tableau. Par uel 1asard 0e mpris demi 1aineux, 0ette pers0ution mlange de

    piti, 0e non-respe0t du mal1eur aaient-ils #rapp le plus an0ien pensionnaire9 aait-il donn lieupar uelues-uns de 0es ridi0ules ou de 0es bi?arreries ue l'on pardonne moins u'on ne pardonnedes i0es9 Ces uestions tiennent de pr!s bien des in2usti0es so0iales. Peut-8tre est-il dans lanature 1umaine de tout #aire supporter ui sou##re tout par 1umilit raie, par #aiblesse ou parindi##ren0e. /'aimons-nous pas tous prouer notre #or0e aux dpens de uelu'un ou de uelue01ose9 L'8tre le plus dbile, le gamin sonne toutes les portes uand il g!le, ou se glisse pour 0rire

    son nom sur un monument ierge.Le p!re Goriot, ieillard de soixante-neu# ans eniron, s'tait retir 01e? madame auuer, en 343M,apr!s aoir uitt les a##aires. Il $ aait d'abord pris l'appartement o00up par madame Couture, et

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    donnait alors dou?e 0ents #ran0s de pension, en 1omme pour ui 0in louis de plus ou de moinstaient une bagatelle. +adame auuer aait ra#ra@01i les trois 01ambres de 0et appartementmo$ennant une indemnit pralable ui pa$a, dit-on, la aleur d'un m01ant ameublement 0omposde rideaux en 0ali0ot 2aune, de #auteuils en bois erni 0ouerts en elours d'Utre01t, de uelues

    peintures la 0olle, et de papiers ue re#usaient les 0abarets de la banlieue. Peut-8tre l'insou0iantegnrosit ue mit se laisser attraper le p!re Goriot, ui ers 0ette poue tait respe0tueusement

    nomm monsieur Goriot, le #it-elle 0onsidrer 0omme un imb0ile ui ne 0onnaissait rien auxa##aires. Goriot int muni d'une garde-robe bien #ournie, le trousseau magni#iue du ngo0iant uine se re#use rien en se retirant du 0ommer0e. +adame auuer aait admir dix-1uit 01emises dedemi-1ollande, dont la #inesse tait d'autant plus remaruable ue le ermi0ellier portait sur son

    2abot dormant deux pingles unies par une 01a@nette, et dont 01a0une tait monte d'un grosdiamant. &abituellement 8tu d'un 1abit bleu-barbeau, il prenait 01aue 2our un gilet de piu blan0,sous leuel #lu0tuait son entre piri#orme et prominent, ui #aisait rebondir une lourde 01a@ne d'orgarnie de breloues. %a tabati!re, galement en or, 0ontenait un mdaillon plein de 01eeux ui lerendaient en apparen0e 0oupable de uelues bonnes #ortunes. Lorsue son 1>tesse l'a00usa d'8treun galantine il laissa errer sur ses l!res le gai sourire du bourgeois dont on a #latt le dada. %esormoires Nil pronon;ait 0e mot la mani!re du menu peupleO #urent remplies par la nombreuse

    argenterie de son mnage. Les $eux de la eue s'allum!rent uand elle l'aida 0omplaisamment dballer et ranger les lou01es, les 0uillers ragot, les 0ouerts, les 1uiliers, les sau0i!res, plusieurs

    plats, des d2euners en ermeil, en#in des pi!0es plus ou moins belles, pesant un 0ertain nombre demar0s, et dont il ne oulait pas se d#aire. Ces 0adeaux lui rappelaient les solennits de sa iedomestiue. Ce0i, dit-il madame auuer en serrant un plat et une petite 0uelle dont le 0ouer0lereprsentait deux tourterelles ui se be0uetaient, est le premier prsent ue m'a #ait ma #emme, le

    2our de notre anniersaire. Paure bonneA elle $ aait 0onsa0r ses 0onomies de demoiselle. o$e?-ous, madame9 2'aimerais mieux gratter la terre ae0 mes ongles ue de me sparer de 0ela. ieumer0iA 2e pourrai prendre dans 0ette 0uelle mon 0a# tous les matins durant le reste de mes 2ours. =ene suis pas plaindre, 2'ai sur la plan01e du pain de 0uit pour longtemps. J (n#in, madame auueraait bien u, de son oeil de pie, uelues ins0riptions sur le Grand Lire ui, aguementadditionnes, pouaient #aire 0et ex0ellent Goriot un reenu d'eniron 1uit dix mille #ran0s. !s0e 2our, madame auuer, ne de Con#lans, ui aait alors uarante-1uit ans e##e0ti#s et n'ena00eptait ue trente-neu#, eut des ides. uoiue le larmier des $eux de Goriot #t retourn, gon#l,

    pendant, 0e ui l'obligeait les essu$er asse? #ruemment, elle lui troua l'air agrable et 0omme il#aut. 'ailleurs son mollet 01arnu, saillant, pronostiuait, autant ue son long ne? 0arr, des ualitsmorales auxuelles paraissait tenir la eue, et ue 0on#irmait la #a0e lunaire et natissant, 0omme une perdrix dans sabarde, au #eu du dsir ui la saisit de uitter le suaire de auuer pour rena@tre en Goriot. %e marier,endre sa pension, donner le bras 0ette #ine #leur de bourgeoisie, deenir une dame notable dans leuartier, $ u8ter pour les indigents, #aire de petites parties le diman01e C1ois$, %oiss$, Gentill$7aller au spe0ta0le sa guise, en loge, sans attendre les billets d'auteur ue lui donnaient uelues-uns de ses pensionnaires, au mois de 2uillet6 elle r8a tout l'(ldorado des petits mnages parisiens.(lle n'aait aou personne u'elle possdait uarante mille #ran0s amasss sou sou. Certes ellese 0ro$ait, sous le rapport de la #ortune, un parti sortable. J uant au reste, 2e aux bien le

    bon1ommeA J se dit-elle ne se retournant dans son lit, 0omme pour s'attester elle-m8me des01armes ue la grosse %$lie trouait 01aue matin mouls en 0reux.

    !s 0e 2our, pendant eniron trois mois, la eue auuer pro#ita du 0oi##eur de monsieur Goriot, et#it uelues #rais de toilette, ex0uss par la n0essit de donner sa maison un 0ertain d0orum en1armonie ae0 les personnes 1onorables ui la #ruentaient. (lle s'intrigua beau0oup pour 01anger

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    le personnel de ses pensionnaires, en a##i01ant la prtention de n'a00epter dsormais ue les gens lesplus distingus sous tous les rapports. Un tranger se prsentait-il, elle lui antait la pr#ren0e uemonsieur Goriot, un des ngo0iants les plus notables et les plus respe0tables de Paris, lui aaita00orde. (lle distribua des prospe0tus en t8te desuels se lisait6 +"I%D/-"UU(E. J C'tait,disait-elle, une des plus an0iennes et des plus estimes pensions bourgeoises du pa$s latin. Il $existait une ue des plus agrables sur la alle des Gobelins Non l'aper0eait du troisi!me tageO, et

    un%oli2ardin, au bout duuel %'(T(/"IT une "LL(( de tilleuls. J (lle $ parlait du bon air et dela solitude. Ce prospe0tus lui amena madame la 0omtesse de l'"mbermesnil, #emme de trente-sixans, ui attendait la #in de la liuidation et le r!glement d'une pension ui lui tait due, en ualit deeue d'un gnral mort sur les01amps de bataille. +adame auuer soigna sa table, #it du #eu dansles salons pendant pr!s de six mois, et tint si bien les promesses de son prospe0tus, qu'elle & mit du

    sien. "ussi la 0omtesse disait-elle madame auuer, en l'appelant c"re amie, u'elle luipro0urerait la baronne de aumerland et la eue du 0olonel 0omte Pi0uoiseau, deux de ses amies,ui a01eaient au +arais leur terme dans une pension plus 0oteuse ue ne l'tait la +aison-auuer. Ces dames seraient d'ailleurs #ort leur aise uand les )ureaux de la Guerre auraient #inileur traail. J +ais, disait-elle, les )ureaux ne terminent rien. J Les deux eues montaientensemble apr!s le d@ner dans la 01ambre de madame auuer, et $ #aisaient de petites 0ausettes en

    buant du 0assis et mangeant des #riandises rseres pour la bou01e de la ma@tresse. +adame del'"mbermesnil approua beau0oup les ues de son 1>tesse sur le Goriot, ues ex0ellentes, u'elleaait d'ailleurs deines d!s le premier 2our7 elle le trouait un 1omme par#ait.

    - "1A ma 01!re dame, un 1omme sain 0omme mon oeil, lui disait la eue, un 1omme par#aitement0onser, et ui peut donner en0ore bien de l'agrment une #emme.

    La 0omtesse #it gnreusement des obserations madame auuer sur sa mise, ui n'tait pas en1armonie ae0 ses prtentions. J Il #aut ous mettre sur le pied de guerre J, lui dit-elle. "pr!s biendes 0al0uls, les deux eues all!rent ensemble au Palais-Eo$al, oB elles a01et!rent, aux Galeries de)ois, un 01apeau plumes et un bonnet. La 0omtesse entra@na son amie au magasin de La Petite

    (eannette, oB elles 01oisirent une robe et une 01arpe. uand 0es munitions #urent emplo$es, et

    ue la eue #ut sous les armes, elle ressembla par#aitement l'enseigne du )oeuf * la mode./anmoins elle se troua si 01ange son aantage, u'elle se 0rut l'oblige de la 0omtesse, et,uoiue peu donnante, elle la pria d'a00epter un 01apeau de ingt #ran0s. (lle 0omptait, la rit,lui demander le seri0e de sonder Goriot et de la #aire aloir aupr!s de lui. +adame del'"mbermesnil se pr8ta #ort ami0alement 0e man!ge, et 0erna le ieux ermi0ellier ae0 leuel ellerussit aoir une 0on#ren0e7 mais apr!s l'aoir trou pudibond, pour ne pas dire r#ra0taire auxtentaties ue lui suggra son dsir parti0ulier de le sduire pour son propre 0ompte, elle sortitrolte de sa grossi!ret.

    - +on ange, dit-elle sa 01!re amie, ous ne tirere? rien de 0et 1omme-lA il est ridi0ulementd#iant, 0'est un grippe-sou, une b8te, un sot, ui ne ous 0ausera ue du dsagrment.

    Il $ eut entre monsieur Goriot et madame de l'"mbermesnil des 01oses telles ue la 0omtesse neoulut m8me plus se trouer ae0 lui. Le lendemain, elle partit en oubliant de pa$er six mois de

    pension, et en laissant une d#roue prise 0in #ran0s. uelue :pret ue madame auuer m@t ses re01er01es, elle ne put obtenir au0un renseignement dans Paris sur la 0omtesse del'"mbermesnil. (lle parlait souent de 0ette dplorable a##aire, en se plaignant de son trop de0on#ian0e, uoiu'elle #t plus m#iante ue ne l'est une 01atte7 mais elle ressemblait beau0oup de

    personnes ui se d#ient de leurs pro01es, et se lirent au premier enu. Kait moral, bi?arre, maisrai, dont la ra0ine est #a0ile trouer dans le 0oeur 1umain. Peut-8tre 0ertaines gens n'ont-ils plusrien gagner aupr!s des personnes ae0 lesuelles ils ient7 apr!s leur aoir montr le ide de leur:me, ils se sentent se0r!tement 2ugs par elles ae0 une srit mrite7 mais, prouant un

    inin0ible besoin de #latteries ui leur manuent, ou dors par l'enie de para@tre possder lesualits u'ils n'ont pas, ils esp!rent surprendre l'estime ou le 0oeur de 0eux ui leur sont trangers,au risue d'en d01oir un 2our. (n#in il est des indiidus ns mer0enaires ui ne #ont au0un bien leurs amis ou leurs pro01es, par0e u'ils le doient7 tandis u'en rendant seri0e des in0onnus, ils

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    en re0ueillent un gain d'amour-propre6 plus le 0er0le de leurs a##e0tions est pr!s d'eux, moins ilsaiment7 plus il s'tend, plus seriables ils sont. +adame auuer tenait sans doute de 0es deuxnatures, essentiellement mesuines, #ausses, ex0rables.

    - %i 2'aais t i0i, lui disait alors autrin, 0e mal1eur ne ous serait pas arriA 2e ous aurais2oliment disag 0ette #ar0euse-l. =e 0onnais leursfrimousses.

    Comme tous les esprits rtr0is, madame auuer aait l'1abitude de ne pas sortir du 0er0le desnements, et de ne pas 2uger leurs 0auses. (lle aimait s'en prendre autrui de ses propres #autes.uand 0ette perte eut lieu, elle 0onsidra l'1onn8te ermi0ellier 0omme le prin0ipe de son in#ortune,et 0ommen;a d!s lors, disait-elle, se dgriser sur son 0ompte. Lorsu'elle eut re0onnu l'inutilit deses aga0eries et de ses #rais de reprsentation, elle ne tarda pas en deiner la raison. (lle s'aper;utalors ue son pensionnaire aait d2, selon son expression, ses allures. (n#in il lui #ut prou ueson espoir si mignonnement 0aress reposait sur une base 01imriue, et u'elle ne tirerait 2amaisrien de 0et 1omme-l, suiant le mot nergiue de la 0omtesse, ui paraissait 8tre une 0onnaisseuse.(lle alla n0essairement plus loin en aersion u'elle n'tait alle dans son amiti. %a 1aine ne #ut

    pas en raison de son amour, mais de ses espran0es trompes. %i le 0oeur 1umain troue des reposen montant les 1auteurs de l'a##e0tion, il s'arr8te rarement sur la pente rapide des sentiments

    1aineux. +ais monsieur Goriot tait son pensionnaire, la eue #ut don0 oblige de rprimer lesexplosions de son amour-propre bless, d'enterrer les soupirs ue lui 0ausa 0ette d0eption, et dedorer ses dsirs de engean0e, 0omme un moine ex par son prieur. Les petits esprits satis#ontleurs sentiments, bons ou mauais, par des petitesses in0essantes. La eue emplo$a sa mali0e de#emme inenter de sourdes pers0utions 0ontre sa i0time. (lle 0ommen;a par retran01er lessuper#luits introduites dans sa pension. J Plus de 0orni01ons, plus d'an01ois6 0'est des duperiesA Jdit-elle %$lie, le matin oB elle rentra dans son an0ien programme. +onsieur Goriot tait un1omme #rugal, 01e? ui la par0imonie n0essaire aux gens ui #ont eux-m8mes leur #ortune taitdgnre en 1abitude. La soupe, le bouilli, un plat de lgumes, aaient t, deaient tou2ours 8treson d@ner de prdile0tion. Il #ut don0 bien di##i0ile madame auuer de tourmenter son

    pensionnaire, de ui elle ne pouait en rien #roisser les gots. sespre de ren0ontrer un 1omme

    inattauable, elle se mit le d0onsidrer, et #it ainsi partager son aersion pour Goriot par sespensionnaires, ui, par amusement, serirent ses engean0es. ers la #in de la premi!re anne, laeue en tait enue un tel degr de m#ian0e, u'elle se demandait pouruoi 0e ngo0iant, ri01ede sept 1uit mille lires de rente, ui possdait une argenterie superbe et des bi2oux aussi beauxue 0eux d'une #ille entretenue, demeurait 01e? elle, en lui pa$ant une pension si modiuerelatiement sa #ortune. Pendant la plus grande partie de 0ette premi!re anne, Goriot aaitsouent d@n de1ors une ou deux #ois par semaine7 puis, insensiblement, il en tait arri ne plusd@ner en ille ue deux #ois par mois. Les petites parties #ines du sieur Goriot 0onenaient trop bienaux intr8ts de madame auuer pour uelle ne #t pas m0ontente de l'exa0titude progressie ae0lauelle son pensionnaire prenait ses repas 01e? elle. Ces 01angements #urent attribus autant unelente diminution de #ortune u'au dsir de 0ontrarier son 1>tesse. Une des plus dtestables 1abitudesde 0es esprits lilliputiens est de supposer leurs petitesses 01e? les autres. +al1eureusement, la #inde la deuxi!me anne, monsieur Goriot 2usti#ia les baardages dont il tait l'ob2et, en demandant madame auuer de passer au se0ond tage, et de rduire sa pension neu# 0ents #ran0s. Il eut

    besoin d'une si stri0te 0onomie u'il ne #it plus de #eu 01e? lui pendant l'1ier. La eue auueroulut 8tre pa$e d'aan0e7 uoi 0onsentit monsieur Goriot, ue d!s lors elle nomma le p!reGoriot. Ce #ut ui deinerait les 0auses de 0ette d0aden0e. (xploration di##i0ileA Comme l'aaitdit la #ausse 0omtesse, le p!re Goriot tait un sournois, un ta0iturne. %uiant la logiue des gens t8te ide, tous indis0rets par0e u'ils n'ont ue des riens dire, 0eux ui ne parlent pas de leursa##aires en doient #aire de mauaises. Ce ngo0iant si distingu deint don0 un #ripon, 0e galantin#ut un ieux dr>le. Tant>t, selon autrin, ui int ers 0ette poue 1abiter la +aison-auuer, le

    p!re Goriot tait un 1omme ui allait la )ourse et ui, suiant une expression asse? nergiue dela langue #inan0i!re, carottaitsur les rentes apr!s s'$ 8tre ruin. Tant>t 0'tait un de 0es petits2oueurs ui ont 1asarder et gagner tous les soirs dix #ran0s au 2eu. Tant>t on en #aisait un espion

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    atta01 la 1aute poli0e7 mais autrin prtendait u'il n'tait pas asse? rus pour en tre. Le p!reGoriot tait en0ore un aare ui pr8tait la petite semaine, un 1omme ui nourrissait des numros la loterie. Dn en #aisait tout 0e ue le i0e, la 1onte, l'impuissan0e engendrent de plus m$strieux.%eulement, uelue ignobles ue #ussent sa 0onduite ou ses i0es, l'aersion u'il inspirait n'allait

    pas 2usu' le #aire bannir6 il pa$ait sa pension. Puis il tait utile, 01a0un essa$ait sur lui sa bonne oumauaise 1umeur par des plaisanteries ou par des bourrades. L'opinion ui paraissait plus probable,

    et ui #ut gnralement adopte, tait 0elle de madame auuer. l'entendre, 0et 1omme si bien0onser, sain 0omme son oeil et ae0 leuel on pourrait aoir en0ore beau0oup d'agrment, tait unlibertin ui aait des gots tranges. oi0i sur uels #aits la eue auuer appu$ait ses 0alomnies.uelues mois apr!s le dpart de 0ette dsastreuse 0omtesse ui aait su ire pendant six mois ses dpens, un matin, aant de se leer, elle entendit dans son es0alier le #rou#rou d'une robe de soieet le pas mignon d'une #emme 2eune et lg!re ui #ilait 01e? Goriot, dont la porte s'taitintelligemment ouerte. "ussit>t la grosse %$lie int dire sa ma@tresse u'une #ille trop 2olie pour8tre 1onn8te, mise comme une divinit, 01ausse en brodeuins de prunelle ui n'taient pas 0rotts,aait gliss 0omme une anguille de la rue 2usu' la 0uisine, et lui aait demand l'appartement demonsieur Goriot. +adame auuer et sa 0uisini!re se mirent aux 0outes, et surprirent plusieursmots tendrement pronon0s pendant la isite, ui dura uelue temps. uand monsieur Goriot

    re0onduisit sa dame, la grosse %$lie prit aussit>t son panier, et #eignit d'aller au mar01, poursuire le 0ouple amoureux.

    - +adame, dit-elle sa ma@tresse en reenant, il #aut ue monsieur Goriot soit diantrement ri01etout de m8me, pour les mettre sur 0e pied-l. Kigure?-ous u'il $ aait au 0oin de l'estrapade unsuperbe uipage dans leuel elleest monte.

    Pendant le d@ner, madame auuer alla tirer un rideau pour emp801er ue Goriot ne #t in0ommodpar le soleil dont un ra$on lui tombait sur les $eux.

    - ous 8tes aim des belles, monsieur Goriot, le soleil ous 01er01e, dit-elle en #aisant allusion laisite u'il aait re;ue. PesteA ous ae? bon got, elle tait bien 2olie.

    - C'tait ma #ille, dit-il ae0 une sorte d'orgueil dans leuel les pensionnaires oulurent oir la#atuit d'un ieillard ui garde les apparen0es.

    Un mois apr!s 0ette isite, monsieur Goriot en re;ut une autre. %a #ille ui, la premi!re #ois, taitenue en toilette du matin, int apr!s le d@ner et 1abille 0omme pour aller dans le mondeA Les

    pensionnaires, o00ups 0auser dans le salon, purent oir en elle une 2olie blonde, min0e de taille,gra0ieuse, et beau0oup trop distingue pour 8tre la #ille d'un p!re Goriot.

    - (t de deuxA dit la grosse %$lie, ui ne la re0onnut pas.

    uelues 2ours apr!s, une autre #ille, grande et bien #aite, brune, 01eeux noirs et l'oeil i#,demanda monsieur Goriot.

    - (t de troisA dit %$lie.Cette se0onde #ille, ui la premi!re #ois tait aussi enue oir son p!re le matin, int uelues 2oursapr!s, le soir, en toilette de bal et en oiture.

    - (t de uatreA dirent madame auuer et la grosse %$lie, ui ne re0onnurent dans 0ette grandedame au0un estige de la #ille simplement mise le matin oB elle #it sa premi!re isite.

    Goriot pa$ait en0ore dou?e 0ents #ran0s de pension. +adame auuer troua tout naturel u'un1omme ri01e et uatre ou 0in ma@tresses, et le troua m8me #ort adroit de les #aire passer pour ses#illes. (lle ne se #ormalisa point de 0e u'il les mandait dans la +aison-auuer. %eulement, 0omme0es isites lui expliuaient l'indi##ren0e de son pensionnaire son gard, elle se permit, au

    0ommen0ement de la deuxi!me anne, de l'appeler vieux matou. (n#in, uand son pensionnairetomba dans les neu# 0ents #ran0s, elle lui demanda #ort insolemment 0e u'il 0omptait #aire de samaison, en o$ant des0endre une de 0es dames. Le p!re Goriot lui rpondit ue 0ette dame tait sa#ille7 a@ne.

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    - ous en ae? don0 trente-six, des #illes9 dit aigrement madame auuer.

    - =e n'en ai ue deux, rpliua le pensionnaire ae0 la dou0eur d'un 1omme ruin ui arrie toutesles do0ilits de la mis!re.

    ers la #in de la troisi!me anne, le p!re Goriot rduisit en0ore ses dpenses, en montant autroisi!me tage et en se mettant uarante-0in #ran0s de pension par mois. Il se passa de taba0,

    0ongdia son perruuier et ne mit plus de poudre. uand le p!re Goriot parut pour la premi!re #oissans 8tre poudr, son 1>tesse laissa 01apper une ex0lamation de surprise en aper0eant la 0ouleurde ses 01eeux, ils taient d'un gris sale et erd:tre. %a p1$sionomie, ue des 01agrins se0retsaaient insensiblement rendue plus triste de 2our en 2our, semblait la plus dsole de toutes 0ellesui garnissaient la table. Il n'$ eut alors plus au0un doute. Le p!re Goriot tait un ieux libertin dontles $eux n'aaient t prsers de la maligne in#luen0e des rem!des n0essits par ses maladies ue

    par l'1abilet d'un mde0in. La 0ouleur dgotante de ses 01eeux proenait de ses ex0!s et desdrogues u'il aait prises pour les 0ontinuer. L'tat p1$siue et moral du bon1omme donnait raison 0es radotages. uand son trousseau #ut us, il a01eta du 0ali0ot uator?e sous l'aune pourrempla0er son beau linge. %es diamants, sa tabati!re d'or, sa 01a@ne, ses bi2oux, disparurent un un.Il aait uitt l'1abit bleu-barbeau, tout son 0ostume 0ossu, pour porter, t 0omme 1ier, une

    redingote de drap marron grossier, un gilet en poil de 01!re, et un pantalon gris en 0uir de laine. Ildeint progressiement maigre7 ses mollets tomb!rent7 sa #igure, bou##ie par le 0ontentement d'un

    bon1eur bourgeois, se ida dmesurment7 son #ront se plissa, sa m:01oire se dessina. urant lauatri!me anne de son tablissement rue /eue-%ainte-Genei!e, il ne se ressemblait plus. Le

    bon ermi0ellier de soixante-deux ans ui ne paraissait pas en aoir uarante, le bourgeois gros etgras, #rais de b8tise, dont la tenue grillarde r2ouissait les passants, ui aait uelue 01ose de

    2eune dans le sourire, semblait 8tre un septuagnaire 1bt, a0illant, bla#ard. %es $eux bleus siia0es prirent des teintes ternes et gris-de-#er, ils aaient p:li, ne larmo$aient plus, et leur bordurerouge semblait pleurer du sang. "ux uns, il #aisait 1orreur7 aux autres, il #aisait piti. e 2eunestudiants en +de0ine, a$ant remaru l'abaissement de sa l!re in#rieure et mesur le sommet deson angle #a0ial, le d0lar!rent atteint de 0rtinisme, apr!s l'aoir longtemps 1ouspill sans en rien

    tirer. Un soir, apr!s le d@ner, madame auuer lui a$ant dit en mani!re de raillerie6 J (1 bienA ellesne iennent don0 plus ous oir, os #illes9 J en mettant en doute sa paternit, le p!re Goriottressaillit 0omme si son 1>tesse l'et piu ae0 un #er.

    - (lles iennent uelue#ois, rpondit-il d'une oix mue.

    - "1A a1A ous les o$e? en0ore uelue#oisA s'0ri!rent les tudiants. )rao, p!re GoriotA

    +ais le ieillard n'entendit pas les plaisanteries ue sa rponse lui attirait, il tait retomb dans untat mditati# ue 0eux ui l'obseraient super#i0iellement prenaient pour un engourdissement sniled son d#aut d'intelligen0e. %'ils l'aaient bien 0onnu, peut-8tre auraient-ils t iementintresss par le probl!me ue prsentait sa situation p1$siue et morale7 mais rien n'tait plus

    di##i0ile. uoiu'il #t ais de saoir si Goriot aait rellement t ermi0elier, et uel tait le 01i##rede sa #ortune, les ieilles gens dont la 0uriosit s'eilla sur son 0ompte ne sortaient pas du uartieret iaient dans la pension 0omme des 1u@tres sur un ro01er. uant aux autres personnes,l'entra@nement parti0ulier de la ie parisienne leur #aisait oublier, en sortant de la rue /eue-%ainte-Genei!e, le paure ieillard dont ils se mouaient. Pour 0es esprits troits, 0omme pour 0es

    2eunes gens insou0iants, la s!01e mis!re du p!re Goriot et sa stupide attitude taient in0ompatiblesae0 une #ortune et une 0apa0it uel0onues. uant aux #emmes u'il nommait ses #illes, 01a0un

    partageait l'opinion de madame auuer, ui disait, ae0 la logiue s!re ue l'1abitude de toutsupposer donne aux ieilles #emmes o00upes baarder pendant leurs soires6 J %i le p!re Goriotaait des #illes aussi ri01es ue paraissaient l'8tre toutes les dames ui sont enues le oir, il neserait pas dans ma maison, au troisi!me, uarante-0in #ran0s par mois, et n'irait pas 8tu 0omme

    un paure. J Eien ne pouait dmentir 0es indu0tions. "ussi, ers la #in du mois de noembre 3435,poue lauelle 0lata 0e drame, 01a0un dans la pension aait-il des ides arr8tes sur le paureieillard. Il n'aait 2amais eu ni #ille ni #emme7 l'abus des plaisirs en #aisait un 0olima;on, un

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    mollusue ant1ropomorp1e 0lasser dans les Casquettiferes, disait un emplo$ au +usum, un des1abitus 0a01et. Poiret tait un aigle, un gentleman aupr!s de Goriot. Poiret parlait, raisonnait,rpondait, il ne disait rien, la rit, en parlant, raisonnant ou rpondant, 0ar il aait l'1abitude derpter en d'autres termes 0e ue les autres disaient7 mais il 0ontribuait la 0onersation, il taitiant, il paraissait sensible7 tandis ue le p!re Goriot, disait en0ore l'emplo$ au +usum, tait0onstamment ?ro de Eaumur.

    (ug!ne de Eastigna0 tait reenu dans une disposition d'esprit ue doient aoir 0onnue les 2eunesgens suprieurs, ou 0eux auxuels une position di##i0ile 0ommuniue momentanment les ualitsdes 1ommes d'lite. Pendant sa premi!re anne de s2our Paris, le peu de traail ue eulent les

    premiers grades prendre dans la Ka0ult l'aait laiss libre de goter les dli0es isibles du Parismatriel. Un tudiant n'a pas trop de temps s'il eut 0onna@tre le rpertoire de 01aue t1:tre, tudierles issues du lab$rint1e parisien, saoir les usages, apprendre la langue et s'1abituer aux plaisirs

    parti0uliers de la 0apitale7 #ouiller les bons et les mauais endroits, suire les 0ours ui amusent,inentorier les ri01esses des muses. Un tudiant se passionne alors pour des niaiseries ui lui

    paraissent grandioses. Il a son grand 1omme, un pro#esseur du Coll!ge de Kran0e, pa$ pour se tenir la 1auteur de son auditoire. Il re1ausse sa 0raate et se pose pour la #emme des premi!res galeries

    de l'Dpra-Comiue. ans 0es initiations su00essies, il se dpouille de son aubier, agranditl'1ori?on de sa ie, et #init par 0on0eoir la superposition des 0ou01es 1umaines ui 0omposent laso0it. %'il a 0ommen0 par admirer les oitures au d#il des C1amps-(l$ses par un beau soleil,il arrie bient>t les enier. (ug!ne aait subi 0et apprentissage son insu, uand il partit ena0an0es, apr!s aoir t re;u ba01elier en Lettres et ba01elier en roit. %es illusions d'en#an0e, sesides de proin0e aaient disparu. %on intelligen0e modi#ie, son ambition exalte lui #irent oir

    2uste au milieu du manoir paternel, au sein de la #amille. %on p!re, sa m!re, ses deux #r!res, sesdeux soeurs, et une tante dont la #ortune 0onsistait en pensions, iaient sur la petite terre deEastigna0. Ce domaine d'un reenu d'eniron trois mille #ran0s tait soumis l'in0ertitude ui rgitle produit tout industriel de la igne, et nanmoins il #allait en extraire 01aue anne dou?e 0ents#ran0s pour lui. L'aspe0t de 0ette 0onstante dtresse ui lui tait gnreusement 0a01e, la

    0omparaison u'il #ut #or0 d'tablir entre ses soeurs, ui lui semblaient si belles dans son en#an0e,et les #emmes de Paris, ui lui aaient ralis le t$pe d'une beaut r8e, l'aenir in0ertain de 0ettenombreuse #amille ui reposait sur lui, la par0imonieuse attention ae0 lauelle il it serrer les plusmin0es produ0tions, la boisson #aite pour sa #amille ae0 les mar0s de pressoir, en#in une #oule de0ir0onstan0es inutiles 0onsigner i0i, d0upl!rent son dsir de parenir et lui donn!rent soi# desdistin0tions. Comme il arrie aux :mes grandes, il oulut ne rien deoir u' son mrite. +ais sonesprit tait minemment mridional7 l'ex0ution, ses dterminations deaient don0 8tre #rappes de0es 1sitations ui saisissent les 2eunes gens uand ils se trouent en pleine mer, sans saoir ni deuel 0>t diriger leurs #or0es, ni sous uel angle en#ler leurs oiles. %i d'abord il oulut se 2eter 0orps perdu dans le traail, sduit bient>t par la n0essit de se 0rer des relations, il remarua0ombien les #emmes ont d'in#luen0e sur la ie so0iale, et aisa soudain se lan0er dans le monde,

    a#in d'$ 0onurir des prote0tri0es6 deaient-elles manuer un 2eune 1omme ardent et spiritueldont l'esprit et l'ardeur taient re1ausss par une tournure lgante et par une sorte de beautnereuse lauelle les #emmes se laissent prendre olontiers9 Ces ides l'assaillirent au milieu des01amps, pendant les promenades ue 2adis il #aisait gaiement ae0 ses soeurs, ui le trou!rent bien01ang. %a tante, madame de +ar0illa0, autre#ois prsente la Cour, $ aait 0onnu les sommitsaristo0ratiues. Tout 0oup le 2eune ambitieux re0onnut, dans les souenirs dont sa tante l'aait sisouent ber0, les lments de plusieurs 0onu8tes so0iales, au moins aussi importantes ue 0ellesu'il entreprenait l'(0ole de roit7 il la uestionna sur les liens de parent ui pouaient en0ore serenouer. "pr!s aoir se0ou les bran01es de l'arbre gnalogiue, la ieille dame estima ue, detoutes les personnes ui pouaient serir son neeu parmi la gent go

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    bal pour le lendemain.

    Telle tait la situation gnrale de la pension bourgeoise la #in du mois de noembre 3435.uelues 2ours plus tard, (ug!ne, apr!s 8tre all au bal de madame de )eausant, rentra ers deux1eures dans la nuit. "#in de regagner le temps perdu, le 0ourageux tudiant s'tait promis, endansant, de traailler 2usu'au matin. Il allait passer la nuit pour la premi!re #ois au milieu de 0esilen0ieux uartier, 0ar il s'tait mis sous le 01arme d'une #ausse nergie en o$ant les splendeurs dumonde. Il n'aait pas d@n 01e? madame auuer. Les pensionnaires purent don0 0roire u'il nereiendrait du bal ue le lendemain matin au petit 2our, 0omme il tait uelue#ois rentr des #8tesdu Prado ou des bals de l'Ddon, en 0rottant ses bas de soie et gau01issant ses es0arpins. "ant demettre les errous la porte, C1ristop1e l'aait ouerte pour regarder dans la rue. Eastigna0 se

    prsenta dans 0e moment, et put monter sa 01ambre sans #aire de bruit, suii de C1ristop1e ui en#aisait beau0oup. (ug!ne se ds1abilla, se mit en pantou#les, prit une m01ante redingote, allumason #eu de mottes, et se prpara lestement au traail, en sorte ue C1ristop1e 0ourit en0ore par letapage de ses gros souliers les appr8ts peu bru$ants du 2eune 1omme. (ug!ne resta pensi# pendantuelues moments aant de se plonger dans ses lires de roit. Il enait de re0onna@tre en madamela i0omtesse de )eausant l'une des reines de la mode Paris, et dont la maison passait pour 8tre la

    plus agrable du #aubourg %aint-Germain. (lle tait d'ailleurs, et par son nom et par sa #ortune, l'unedes sommits du monde aristo0ratiue. Gr:0e sa tante de +ar0illa0, le paure tudiant aait tbien re;u dans 0ette maison, sans 0onna@tre l'tendue de 0ette #aeur. (tre admis dans 0es salonsdors uialait un breet de 1aute noblesse. (n se montrant dans 0ette so0it, la plus ex0lusiede toutes, il aait 0onuis le droit d'aller partout. (bloui par 0ette brillante assemble, a$ant peine01ang uelues paroles ae0 la i0omtesse, (ug!ne s'tait 0ontent de distinguer, parmi la #ouledes dits parisiennes ui se pressaient dans 0e raout, une de 0es #emmes ue doit adorer toutd'abord un 2eune 1omme. La 0omtesse "nastasie de Eestaud, grande et bien #aite, passait pour aoirl'une des plus 2olies tailles de Paris. Kigure?-ous de grands $eux noirs, une main magni#iue, un

    pied bien d0oup, du #eu dans les mouements, une #emme ue le maruis de Eonuerollesnommait un 01eal de pur sang. Cette #inesse de ner#s ne lui >tait au0un aantage7 elle aait les

    #ormes pleines et rondes, sans u'elle pt 8tre a00use de trop d'embonpoint. C"eval de #ur sang,femme de race, 0es lo0utions 0ommen;aient rempla0er les anges du 0iel, les #igures ossianiues,toute l'an0ienne m$t1ologie amoureuse repousse par le dand$sme. +ais pour Eastigna0, madame"nastasie de Eestaud #ut la #emme dsirable. Il s'tait mnag deux tours dans la liste des 0aaliers0rite sur l'entail, et aait pu lui parler pendant la premi!re 0ontredanse.- DB ous ren0ontrerdsormais, madame9 lui aait-il dit brusuement ae0 0ette #or0e de passion ui pla@t tant aux#emmes.- +ais, dit-elle, au )ois, aux )ou##ons, 01e? moi, partout.

    (t l'aentureux +ridional s'tait empress de se lier ae0 0ette dli0ieuse 0omtesse, autant u'un2eune 1omme peut se lier ae0 une #emme pendant une 0ontredanse et une alse. (n se disant 0ousinde madame de )eausant, il #ut init par 0ette #emme, u'il prit pour une grande dame, et eut sesentres 01e? elle. "u dernier sourire u'elle lui 2eta, Eastigna0 0rut sa isite n0essaire. Il aait eu le

    bon1eur de ren0ontrer un 1omme ui ne s'tait pas mou de son ignoran0e, d#aut mortel au milieudes illustres impertinents de l'poue, les +aulin0ourt, les Eonuerolles, les +axime de Trailles, lesde +arsa$, les "2uda-Pinto, les andenesse, ui taient l dans la gloire de leurs #atuits et m8lsaux #emmes les plus lgantes, lad$ Grandon, la du01esse de Langeais, la 0omtesse de QergarouHt,madame de %ris$, la du01esse de Carigliano, la 0omtesse Kerraud, madame de Lant$, la maruised'"iglemont, madame Kirmiani, la maruise de Listom!re et la maruise d'(spard, la du01esse de+au#rigneuse et les Grandlieu. &eureusement don0, le na

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    de pied la 0orde roide sur lauelle il #aut mar01er ae0 l'assuran0e du sauteur ui ne tombera pas,et aoir trou dans une 01armante #emme le meilleur des balan0iersA "e0 0es penses et deant0ette #emme ui se dressait sublime aupr!s d'un #eu de mottes, entre le Code et la mis!re, uin'aurait 0omme (ug!ne sond l'aenir par une mditation, ui ne l'aurait meubl de su00!s9 %a

    pense agabonde es0omptait si drment ses 2oies #utures u'il se 0ro$ait aupr!s de madame deEestaud uand un soupir semblable un ban de saint 2osep1 troubla le silen0e de la nuit, retentit au

    0oeur du 2eune 1omme de mani!re le lui #aire prendre pour le r:le d'un moribond. Il ouritdou0ement la porte, et uand il #ut dans le 0orridor, il aper;ut une ligne de lumi!re tra0e au bas dela porte du p!re Goriot. (ug!ne 0raignit ue son oisin ne se trou:t indispos, il appro01a son oeilde la serrure, regarda dans la 01ambre, et it le ieillard o00up de traaux ui lui parurent trop0riminels pour u'il ne 0rt pas rendre seri0e la so0it en examinant bien 0e ue ma01inaitnuitamment le soi-disant ermi0ellier. Le p!re Goriot, ui sans doute aait atta01 sur la barre d'unetable renerse un plat et une esp!0e de soupi!re en ermeil, tournait une esp!0e de 0:ble autour de0es ob2ets ri01ement s0ulpts, en les serrant ae0 une si grande #or0e u'il les tordaitraisemblablement pour les 0onertir en lingots.- PesteA uel 1ommeA se dit Eastigna0 en o$ant le

    bras nereux du ieillard ui, l'aide de 0ette 0orde, ptrissait sans bruit l'argent dor, 0omme unep:te. +ais serait-0e don0 un oleur ou un re0eleur ui, pour se lirer plus srement son

    0ommer0e, a##e0terait la b8tise, l'impuissan0e, et irait en mendiant9 se dit (ug!ne en se releantun moment. L'tudiant appliua de noueau son oeil la serrure. Le p!re Goriot, ui aait droulson 0:ble, prit la masse d'argent, la mit sur la table apr!s $ aoir tendu sa 0ouerture, et l'$ roula

    pour l'arrondir en barre, opration dont il s'a0uitta ae0 une #a0ilit mereilleuse.- Il serait don0aussi #ort ue l'tait "uguste, roi de Pologne9 se dit (ug!ne uand la barre ronde #ut peu pr!s#a;onne. Le p!re Goriot regarda tristement son ourage, des larmes sortirent de ses $eux, il sou##lale rat-de-0ae la lueur duuel il aait tordu 0e ermeil, et (ug!ne l'entendit se 0ou01er en poussantun soupir.- Il est #ou, pensa l'tudiant.

    - Paure en#antA dit 1aute oix le p!re Goriot.

    " 0ette parole, Eastigna0 2ugea prudent de garder le silen0e sur 0et nement, et de ne pas

    in0onsidrment 0ondamner son oisin. Il allait rentrer uand il distingua soudain un bruit asse?di##i0ile exprimer, et ui deait 8tre produit par des 1ommes en 01aussons de lisi!re montantl'es0alier. (ug!ne pr8ta l'oreille, et re0onnut en e##et le son alternati# de la respiration de deux1ommes. %ans aoir entendu ni le 0ri de la porte ni les pas des 1ommes, il it tout 0oup une #aiblelueur au se0ond tage, 01e? monsieur autrin.- oil bien des m$st!res dans une pension

    bourgeoiseA se dit-il. Il des0endit uelues mar01es, se mit 0outer, et le son de l'or #rappa sonoreille. )ient>t la lumi!re #ut teinte, les deux respirations se #irent entendre dere01e# sans ue la

    porte et 0ri. Puis, mesure ue les deux 1ommes des0endirent, le bruit alla s'a##aiblissant.

    - ui a l9 0ria madame auuer en ourant la #en8tre de sa 01ambre.

    - C'est moi ui rentre, maman auuer, dit autrin de sa grosse oix.

    - C'est singulierA C1ristop1e aait mis le errou, se dit (ug!ne en rentrant dans sa 01ambre. Il #auteiller pour bien saoir 0e ui se passe autour de soi, dans Paris. tourn par 0es petits nementsde sa mditation ambitieusement amoureuse, il se mit au traail. istrait par les soup;ons ui luienaient sur le 0ompte du p!re Goriot plus distrait en0ore par la #igure de madame de Eestaud, uide moments en moments se posait deant lui 0omme la messag!re d'une brillante destine, il #init

    par se 0ou01er et par dormir poings #erms. %ur dix nuits promises au traail par les 2eunes gens,ils en donnent sept au sommeil. Il #aut aoir plus de ingt ans pour eiller.

    Le lendemain matin rgnait Paris un de 0es pais brouillards ui l'eneloppent et l'embrument sibien ue les gens les plus exa0ts sont tromps par le temps. Les rende?-ous d'a##aires se manuent.C1a0un se 0roit 1uit 1eures uand midi sonne. Il tait neu# 1eures et demie, madame auuern'aait pas en0ore boug de son lit. C1ristop1e et la grosse %$lie, attards aussi, prenaienttranuillement leur 0a#, prpar ae0 les 0ou01es suprieures du lait destin aux pensionnaires, etue %$lie #aisait longtemps bouillir, a#in ue madame auuer ne s'aper;t pas de 0ette d@me

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    illgalement lee.

    - %$lie, dit C1ristop1e en mouillant sa premi!re r>tie, monsieur autrin, u'est un bon 1omme toutde m8me, a en0ore u deux personnes 0ette nuit. %i madame s'en inuitait, ne #audrait rien lui dire.

    - ous a-t-il donn uelue 01ose9

    - Il m'a donn 0ent sous pour son mois, une mani!re de me dire6 J Tais-toi. J

    - %au# lui et madame Couture, ui ne sont pas regardants, les autres oudraient nous retirer de lamain gau01e 0e u'ils nous donnent de la main droite au 2our de l'an, dit %$lie.

    - (n0ore, u'est-0e u'ils donnentA #it C1ristop1e, une m01ante pi!0e et de 0ent sous. oil depuisdeux ans le p!re Goriot ui #ait ses souliers lui-m8me. Ce grigoude Poiret se passe de 0irage, et le

    boirait plut>t ue de le mettre ses saates. uant au gringalet d'tudiant, il me donne uarantesous. uarante sous ne pa$ent pas mes brosses, et il end ses ieux 1abits, par-dessus le mar01.u baraueA

    - )a1A #it %$lie en buant de petites gorges de 0a#, nos pla0es sont en0ore les meilleures duuartier6 on $ it bien. +ais, propos de gros papa autrin, C1ristop1e, ous a-t-on dit uelue

    01ose9- Dui, 2'ai ren0ontr il $ a uelues 2ours un monsieur dans la rue, ui m'a dit6- /'est-0e pas 01e?ous ue demeure un gros monsieur ui a des #aoris u'il teint9 +oi 2'ai dit6 J /on, monsieur, il neles teint pas. Un 1omme gai 0omme lui, il n'en a pas le temps. J ='ai don0 dit ;a monsieur autrin,ui m'a rpondu6 J Tu as bien #ait, mon gar;onA Eponds tou2ours 0omme ;a. Eien n'est plusdsagrable ue de laisser 0onna@tre nos in#irmits. a peut #aire manuer des mariages. J

    - (1 bienA moi, au mar01, on a oulu m'englauder aussi pour me #aire dire si 2e lui o$ais passersa 01emise. C'te #ar0eA Tiens, dit-elle en s'interrompant, oil dix 1eures uart moins ui sonnent aual-de-Gr:0e, et personne ne bouge.

    - "1 ba1A ils sont tous sortis. +adame Couture et sa 2eune personne sont alles manger le bon ieu

    %aint-(tienne d!s 1uit 1eures. Le p!re Goriot est sorti ae0 un pauet. L'tudiant ne reiendrau'apr!s son 0ours, dix 1eures. =e les ai us partir en #aisant mes es0aliers7 ue le p!re Goriot m'adonn un 0oup ae0 0e u'il portait u'tait dur 0omme du #er. u ui #ait don0, 0e bon1omme-l9Les autres le #ont aller 0omme une toupie, mais 0'est un brae 1omme tout de m8me, et ui autmieux u'eux tous. Il ne donne pas grand-01ose7 mais les dames 01e? lesuelles il m'enoieuelue#ois allongent de #ameux pourboires, et sont 2oliment #i0eles.

    - Celles u'il appelle ses #illes, 1ein9 (lles sont une dou?aine.

    - =e ne suis 2amais all ue 01e? deux, les m8mes ui sont enues i0i.

    - oil madame ui se remue7 elle a #aire son sabbat6 #aut ue 2'$ aille. ous eillere? au lait,

    C1ristop1e, rapport au 01at.- Comment, %$lie, oil dix 1eures uart moins, ous m'ae? laisse dormir 0omme une marmotteA

    2amais pareille 01ose n'est arrie.

    - C'est le brouillard, u'est 0ouper au 0outeau.

    - +ais le d2euner9

    - )a1A os pensionnaires aaient bien le diable au 0orps7 ils ont tous d0anill d!s le patron-2a0uette.

    - Parle don0 bien, %$lie, reprit madame auuer on dit le patron-minette.

    - "1A madame, 2e dirai 0omme ous oudre?. Tant $ a ue ous poue? d2euner dix 1eures. La+i01onnette et le Poireau n'ont pas boug. Il n'$ a u'eux ui soient dans la maison, et ils dorment0omme des sou01es ui sont.

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    - +ais, %$lie, tu les mets tous les deux ensemble, 0omme si...

    - Comme si, uoi9 reprit %$lie en laissant 01apper un gros rire b8te. Les deux #ont la paire.

    - C'est singulier, %$lie6 0omment monsieur autrin est-il don0 rentr 0ette nuit apr!s ueC1ristop1e a eu mis les errous9

    - )ien au 0ontraire, madame. Il a entendu monsieur autrin, et est des0endu pour lui ourir la porte.

    (t oil 0e ue ous ae? 0ru...- onne-moi ma 0amisole, et a ite oir au d2euner. "rrange le reste du mouton ae0 des pommesde terre, et donne des poires 0uites, de 0elles ui 0otent deux liards la pi!0e.

    uelues instants apr!s, madame auuer des0endit au moment oB son 01at enait de renerserd'un 0oup de patte l'assiette ui 0ourait un bol de lait, et le lapait en toute 1:te.

    - +istigris, s'0ria-t-elle. Le 01at se saua, puis reint se #rotter ses 2ambes. Dui, oui, #ais ton0apon, ieux l:01eA lui dit-elle. %$lieA %$lieA

    - (1 bienA uoi, madame9

    - o$e? don0 0e u'a bu le 01at.- C'est la #aute de 0et animal de C1ristop1e, ui 2'aais dit de mettre le 0ouert. DB est-il pass9

    /e ous inuite? pas, madame7 0e sera le 0a# du p!re Goriot. =e mettrai de l'eau dedans, il ne s'enaper0era pas. Il ne #ait attention rien, pas m8me 0e u'il mange.

    - DB don0 est-il all, 0e 01inois-l9 dit madame auuer en pla;ant les assiettes.

    - (st-0e u'on sait9 Il #ait des tra#i0s des 0in 0ents diables.

    - ='ai trop dormi, dit madame auuer.

    - +ais aussi madame est-elle #ra@01e 0omme une rose...

    (n 0e moment la sonnette se #it entendre, et autrin entra dans le salon en 01antant de sa grosseoix

    ('ai longtem#s #arcouru le monde,

    +t l'on m'a vu de toute #art...

    - D1A o1A bon2our, madame auuer, dit-il en aper0eant l'1>tesse, u'il prit galamment dans sesbras.

    - "llons, #inisse? don0.

    - ites impertinent, reprit-il. "llons, dites-le. oule?-ous bien le dire9 Tene?, 2e ais mettre le0ouert ae0 ous. "1A 2e suis gentil, n'est-0e pas9

    Courtiser la brune et la blonde, "imer, soupirer...

    - 2e iens de oir uelue 01ose de singulier.

    ... au "asard.

    - uoi9 dit la eue.

    - Le p!re Goriot tait 1uit 1eures et demie rue aup1ine, 01e? l'or#!re ui a01!te de ieux0ouerts et des galons. Il lui a endu pour une bonne somme un ustensile de mnage, en ermeil,asse? 2oliment tortill pour un 1omme ui n'est pas de la maniue.

    - )a1A raiment9

    - Dui. =e reenais i0i apr!s aoir 0onduit un de mes amis ui s'expatrie par les +essageries ro$ales72'ai attendu le p!re Goriot pour oir6 1istoire de rire. Il a remont dans 0e uartier-0i, rue des Gr!s,oB il est entr dans la maison d'un usurier 0onnu, nomm Gobse0R, un #ier dr>le, 0apable de #aire

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    des dominos ae0 les os de son p!re7 un 2ui#, un arabe, un gre0, un bo1mien, un 1omme u'onserait bien embarrass de daliser, il met ses 0us la )anue.

    - u'est-0e ue #ait don0 0e p!re Goriot9

    - Il ne #ait rien, dit autrin, il d#ait. C'est un imb0ile asse? b8te pour se ruiner aimer les #illesui...

    - Le oilA dit %$lie.- C1ristop1e, 0ria le p!re Goriot, monte ae0 moi.

    C1ristop1e suiit le p!re Goriot, et redes0endit bient>t.

    - DB as-tu9 dit madame auuer son domestiue.

    - Kaire une 0ommission pour monsieur Goriot.

    u'est-0e ue 0'est ue ;a9 dit autrin en arra01ant des mains de C1ristop1e une lettre sur lauelle illut6 A madame la comtesse Anastasie de estaud. (t tu as9 reprit-il en tendant la lettre C1ristop1e.

    - Eue du &elder. ='ai ordre de ne remettre 0e0i u' madame la 0omtesse.- u'est-0e u'il $ a l-dedans9 dit autrin en mettant la lettre au 2our7 un billet de banue9 non. Ilentrourit l'eneloppe.- Un billet a0uitt, s'0ria-t-il. Kour01eA il est galant, le rouentin. a, ieuxlas0ar, dit-il en 0oi##ant de sa large main C1ristop1e, u'il #it tourner sur lui-m8me 0omme un d, tuauras un bon pourboire.

    Le 0ouert tait mis. %$lie #aisait bouillir le lait. +adame auuer allumait le po8le, aide parautrin, ui #redonnait tou2ours6

    ('ai longtem#s #arcouru le monde

    +t l'on m'a vu de toute #art...

    uand tout #ut pr8t, madame Couture et mademoiselle Taille#er rentr!rent.

    - 'oB ene?-ous don0 si matin, ma belle dame9 dit madame auuer madame Couture.

    - /ous enons de #aire nos dotions %aint-(tienne-du-+ont, ne deons-nous pas allerau2ourd'1ui 01e? monsieur Taille#er9 Paure petite, elle tremble 0omme la #euille, reprit madameCouture en s'asse$ant deant le po8le la bou01e duuel elle prsenta ses souliers ui #um!rent.

    - C1au##e?-ous don0, i0torine, dit madame auuer.

    - C'est bien, mademoiselle, de prier le bon ieu d'attendrir le 0oeur de otre p!re, dit autrin enaan;ant une 01aise l'orp1eline. +ais ;a ne su##it pas. Il ous #audrait un ami ui se 01arge:t dedire son #ait 0e marsouin-l, un sauage ui a, dit-on, trois millions, et ui ne ous donne pas dedot. Une belle #ille a besoin de dot dans 0e temps-0i.

    - Paure en#ant, dit madame auuer. "lle?, mon 01ou, otre monstre de p!re attire le mal1eur plaisir sur lui.

    " 0es mots, les $eux de i0torine se mouill!rent de larmes, et la eue s'arr8ta sur un signe ue lui#it madame Couture.

    - %i nous pouions seulement le oir, si 2e pouais lui parler, lui remettre la derni!re lettre de sa#emme, reprit la eue du Commissaire-Drdonnateur. =e n'ai 2amais os la risuer par la poste7 il0onna@t mon 0riture...

    - - femmes innocentes, mal"eureuses et #erscutes, s'0ria autrin en interrompant, oil don0 oBous en 8tes9 'i0i uelues 2ours 2e me m8lerai de os a##aires, et tout ira bien.

    - D1A monsieur, dit i0torine en 2etant un regard la #ois 1umide et brlant autrin, ui ne s'en

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    mut pas, si ous saie? un mo$en d'arrier mon p!re, dites-lui bien ue son a##e0tion et l'1onneurde ma m!re me sont plus pr0ieux ue toutes les ri01esses du monde. %i ous obtenie? uelueadou0issement sa rigueur, 2e prierais ieu pour ous. %o$e? sr d'une re0onnaissan0e.

    -('ai longtem#s #arcouru le monde, 01anta autrin d'une oix ironiue.

    (n 0e moment, Goriot, mademoiselle +i01onneau, Poiret des0endirent, attirs peut-8tre par l'odeur

    du roux ue #aisait %$lie pour a00ommoder les restes du mouton. " l'instant oB les sept 0oniess'attabl!rent en se sou1aitant le bon2our, dix 1eures sonn!rent, l'on entendit dans la rue le pas del'tudiant..

    - "1A bien, monsieur (ug!ne, dit %$lie, au2ourd'1ui ous alle? d2euner ae0 tout le monde.

    L'tudiant salua les pensionnaires, et s'assit aupr!s du p!re Goriot.

    - Il ient de m'arrier une singuli!re aenture, dit-il en se serant abondamment du mouton et se0oupant un mor0eau de pain ue madame auuer mesurait tou2ours de l'oeil.

    - Une aentureA dit Poiret.

    - (1 bienA pouruoi ous en tonnerie?-ous, ieux 01apeau9 dit autrin Poiret. +onsieur est bien

    #ait pour en aoir.+ademoiselle Taille#er 0oula timidement un regard sur le 2eune tudiant.

    - ites-nous otre aenture demanda madame auuer.

    - &ier 2'tais au bal 01e? madame la i0omtesse de )eausant, une 0ousine moi, ui poss!de unemaison magni#iue, des appartements 1abills de soie, en#in ui nous a donn une #8te superbe, oB

    2e me suis amus 0omme un roi...

    - Telet, dit autrin en interrompant net.

    - +onsieur, reprit iement (ug!ne, ue oule?-ous dire9

    - =e dis telet, par0e ue les roitelets s'amusent beau0oup plus ue les rois.- C'est rai6 2'aimerais mieux 8tre 0e petit oiseau sans sou0i ue roi, par0e... #it Poiret l' idmiste.

    - (n#in, reprit l'tudiant en lui 0oupant la parole, 2e danse ae0 une des plus belles #emmes du bal,une 0omtesse raissante, la plus dli0ieuse 0rature ue 2'aie 2amais ue. (lle tait 0oi##e ae0 des#leurs de p801er, elle aait au 0>t le plus beau bouuet de #leurs, des #leurs naturelles uiembaumaient7 mais, ba1A il #audrait ue ous l'eussie? ue, il est impossible de peindre une #emmeanime par la danse. (1 bienA 0e matin 2'ai ren0ontr 0ette diine 0omtesse, sur les neu# 1eures,

    pied, rue des Gr!s. D1A le 0oeur m'a battu, 2e me #igurais...

    - u'elle enait i0i, dit autrin en 2etant un regard pro#ond l'tudiant. (lle allait sans doute 01e? le

    papa Gobse0R, un usurier. %i 2amais ous #ouille? des 0oeurs de #emmes Paris, ous $ trouere?l'usurier aant l'amant.

    otre 0omtesse se nomme "nastasie de Eestaud, et demeure rue du &elder.

    " 0e nom, l'tudiant regarda #ixement autrin. Le p!re Goriot lea brusuement la t8te, il 2eta surles deux interlo0uteurs un regard lumineux et plein d'inuitude ui surprit les pensionnaires.

    - C1ristop1e arriera trop tard, elle $ sera don0 alle, s'0ria douloureusement Goriot.

    - ='ai dein, dit autrin en se pen01ant l'oreille de madame auuer.

    Goriot mangeait ma01inalement et sans saoir 0e u'il mangeait. =amais il n'aait sembl plusstupide et plus absorb u'il l'tait en 0e moment.

    - ui diable, monsieur autrin, a pu ous dire son nom9 demanda (ug!ne.

    - "1A a1A oil, rpondit autrin. Le p!re Goriot le saait bien, luiA pouruoi ne le saurais-2e pas9

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    - +onsieur Goriot, s'0ria l'tudiant.

    - uoiA dit le paure ieillard. (lle tait don0 bien belle 1ier9

    - ui9

    - +adame de Eestaud.

    - o$e?-ous le ieux grigou, dit madame auuer a autrin, 0omme ses $eux s'allument.Il l'entretiendrait don09 dit oix basse mademoiselle +i01onneau l'tudiant.

    - D1A oui, elle tait #urieusement belle, reprit (ug!ne, ue le p!re Goriot regardait aidement. %imadame de )eausant n'aait pas t l, ma diine 0omtesse et t la reine du bal, les 2eunes gensn'aaient d'$eux ue pour elle, 2'tais le dou?i!me ins0rit sur la liste, elle dansait toutes les0ontredanses. Les autres #emmes enrageaient. %i une 0rature a t 1eureuse 1ier, 0'tait bien elle.Dn a bien raison de dire u'il n'$ a rien de plus beau ue #rgate la oile, 01eal au galop et #emmeui danse.

    - &ier en 1aut de la roue, 01e? une du01esse, dit autrin7 0e matin en bas de l'01elle 01e? unes0ompteur6 oil les Parisiennes. %i leurs maris ne peuent entretenir leur luxe e##rn, elles se

    endent. %i elles ne saent pas se endre, elles entreraient leurs m!res pour $ 01er01er de uoibriller. (n#in elles #ont les 0ent mille 0oups. Connu, 0onnuA

    Le isage du p!re Goriot, ui s'tait allum 0omme le soleil d'un beau 2our en entendant l'tudiant,deint sombre 0ette 0ruelle obseration de autrin.

    - (1 bienA dit madame auuer, oB don0 est otre aenture9 Lui ae?-ous parl9 lui ae?-ousdemand si elle oulait apprendre le roit9

    - (lle ne m'a pas u, dit (ug!ne. +ais ren0ontrer une des plus 2olies #emmes de Paris rue des Gr!s, neu# 1eures, une #emme ui a d rentrer du bal deux 1eures du matin, n'est-0e pas singulier9 Iln'$ a ue Paris pour 0es aentures-l.

    - )a1A il $ en a de bien plus dr>les, s'0ria autrin.+ademoiselle Taille#er aait peine 0out, tant elle tait pro00upe par la tentatie u'elle allait#aire. +adame Couture lui #it signe de se leer pour aller s'1abiller. uand les deux dames sortirent,le p!re Goriot les imita.

    - (1 bienA l'ae?-ous u9 dit madame auuer autrin et ses autres pensionnaires. Il est 0lairu'il s'est ruin pour 0es #emmes-l.

    =amais on ne me #era 0roire, s'0ria l'tudiant, ue la belle 0omtesse de Eestaud appartienne au p!reGoriot.- +ais, lui dit autrin en l'interrompant, nous ne tenons pas a ous le #aire 0roire. ous 8tesen0ore trop 2eune pour bien 0onna@tre Paris, ous saure? plus tard u'il s'$ ren0ontre 0e ue nous

    nommons des "ommes * #assions... N" 0es mots, mademoiselle +i01onneau regarda autrin d'unair intelligent. ous eussie? dit un 01eal de rgiment entendant le son de la trompette.O "1A a1A #itautrin en s'interrompant pour lui 2eter un regard pro#ond, ue nous n'avons nu nos petites

    passions, nous9 NLa ieille #ille baissa les $eux 0omme une religieuse ui oit des statues.O- (1bienA reprit-il, 0es gens-l 01aussent une ide et n'en dmordent pas. Ils n'ont soi# ue d'une 0ertaineeau prise une 0ertaine #ontaine, et souent 0roupie7 pour en boire, ils endraient leurs #emmes,leurs en#ants7 ils endraient leur :me au diable. Pour les uns, 0ette #ontaine est le 2eu, la )ourse, une0olle0tion de tableaux ou d'inse0tes, la musiue7 pour d'autres, 0'est une #emme ui sait leur 0uisinerdes #riandises. " 0eux-l, ous leur o##ririe? toutes les #emmes de la terre, ils s'en mouent, ils neeulent ue 0elle ui satis#ait leur passion. %ouent 0ette #emme ne les aime pas du tout, ous lesrudoie, leur end #ort 01er des bribes de satis#a0tion7 e1 bienA mes #ar0eurs ne se lassent pas, et

    mettraient leur derni!re 0ouerture au +ont-de-Pit pour lui apporter leur dernier 0u. Le p!reGoriot est un de 0es gens-l. La 0omtesse l'exploite par0e u'il est dis0ret, et oil le beau mondeALe paure bon1omme ne pense u' elle. &ors de sa passion, ous le o$e?, 0'est une b8te brute.

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    #ait #ondre en larmes 0ette paure petite. La petite s'est 2ete alors aux pieds de son p!re, et lui a ditae0 0ourage u'elle n'insistait autant ue pour sa m!re, u'elle obirait ses olonts sansmurmure, mais u'elle le suppliait de lire le testament de la paure d#unte7 elle a pris la lettre et lalui a prsente en disant les plus belles 01oses du monde et les mieux senties, 2e ne sais pas oB elleles a prises, ieu les lui di0tait, 0ar la paure en#ant tait si bien inspire u'en l'entendant, moi, 2e

    pleurais 0omme une b8te. %ae?-ous 0e ue #aisait 0et 1orreur d'1omme, il se 0oupait les ongles, il

    a pris 0ette lettre ue la paure madame Taille#er aait trempe de larmes, et l'a 2ete sur la01emine en disant6 J C'est bonA J Il a oulu releer sa #ille ui lui prenait les mains pour les luibaiser, mais il les a retires. (st-0e pas une s0lratesse9 %on grand dadais de #ils est entr sanssaluer sa soeur.

    - C'est don0 des monstres9 dit le p!re Goriot.

    - (t puis, dit madame Couture sans #aire attention l'ex0lamation du bon1omme, le p!re et le #ilss'en sont alls en me saluant et en me priant de les ex0user, ils aaient des a##aires pressantes. oilnotre isite. "u moins, il a u sa #ille. =e ne sais pas 0omment il peut la renier, elle lui ressemble0omme deux gouttes d'eau.

    Les pensionnaires, internes et externes, arri!rent les uns apr!s les autres, en se sou1aitantmutuellement le bon2our, et se disant de 0es riens ui 0onstituent, 01e? 0ertaines 0lasses parisiennes,un esprit drolatiue dans leuel la b8tise entre 0omme lment prin0ipal, et dont le mrite 0onsiste

    parti0uli!rement dans le geste ou la pronon0iation. Cette esp!0e d'argot arie 0ontinuellement. Laplaisanterie ui en est le prin0ipe n'a 2amais un mois d'existen0e. Un nement politiue, un pro0!sen 0our d'assises, une 01anson des rues, les #ar0es d'un a0teur, tout sert entretenir 0e 2eu d'espritui 0onsiste surtout prendre les ides et les mots 0omme des olants, et se les reno$er sur desrauettes. La r0ente inention du iorama, ui portait l'illusion de l'optiue un plus 1aut degrue dans les Panoramas, aait amen dans uelues ateliers de peinture la plaisanterie de parler enrama, esp!0e de 01arge u'un 2eune peintre, 1abitu de la pension auuer, $ aait ino0ule.

    - (1 bienA monsieurrePoiret, dit l'emplo$ au +usum, 0omment a 0ette petite santrama9 Puis,

    sans attendre la rponse6 +esdames, ous ae? du 01agrin, dit-il madame Couture et i0torine.- "llons-nous dinaire9 s'0ria &ora0e )ian01on, un tudiant en mde0ine, ami de Eastigna0, ma

    petite estoma0 est des0endue osque ad talones.

    - Il #ait un #ameuxfroitorama A dit autrin. range?-ous don0, p!re GoriotA ue diableA otrepied prend toute la gueule du po8le.

    - Illustre monsieur autrin, dit )ian01on, pouruoi dites-ousfroitorama9 il $ a une #aute, 0'estfroidorama.

    - /on, dit l'emplo$ au +usum, 0'estfroitorama, par la r!gle6 2'ai #roid aux pieds.

    - "1A a1A

    - oi0i son ex0ellen0e le maruis de Eastigna0, do0teur en droit-traers, s'0ria )ian01on ensaisissant (ug!ne par le 0ou et le serrant de mani!re l'tou##er. D1A les autres, o1A

    +ademoiselle +i01onneau entra dou0ement, salua les 0onies sans rien dire, et s'alla pla0er pr!sdes trois #emmes.

    - (lle me #ait tou2ours grelotter, 0ette ieille 01aue-souris, dit oix basse )ian01on autrin enmontrant mademoiselle +i01onneau. +oi ui tudie le s$st!me de Gall, 2e lui troue les bosses de

    2udas.

    - +onsieur l'a 0onnu9 dit autrin.

    - ui ne l'a pas ren0ontrA rpondit )ian01on. +a parole d'1onneur, 0ette ieille #ille blan01e me#ait l'e##et de 0es longs ers ui #inissent par ronger une poutre.

    - oil 0e ue 0'est, 2eune 1omme, dit le uadragnaire en peignant ses #aoris.

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    +t rose, elle a vcu ce que vivent les roses,

    'es#ace d'un matin.

    - "1A a1A oi0i une #ameuse sou#eaurama, dit Poiret en o$ant C1ristop1e ui entrait en tenantrespe0tueusement le potage.

    - Pardonne?-moi, monsieur, dit madame auuer, 0'est une soupe aux 01oux.

    Tous les 2eunes gens 0lat!rent de rire.

    - (n#on0, PoiretA

    - Poirrrrrette en#on0A

    - +arue? deux points maman auuer, dit autrin.

    - uelu'un a-t-il #ait attention au brouillard de 0e matin9 dit l'emplo$.

    - C'tait, dit )ian01on, un brouillard #rntiue et sans exemple, un brouillard lugubre,mlan0oliue, ert, poussi#, un brouillard Goriot.

    - Goriorama, dit le peintre, par0e u'on n'$ o$ait goutte.

    -/, milord 012riotte, il tre questi2nne d vaus.

    "ssis au bas-bout de la table, pr!s de la porte par lauelle on serait, le p!re Goriot lea la t8te en#lairant un mor0eau de pain u'il aait sous sa seriette, par une ieille 1abitude 0ommer0iale uireparaissait uelue#ois.

    - (1 bienA lui 0ria aigrement madame auuer d'une oix ui domina le bruit des 0uillers, desassiettes et des oix, est-0e ue ous ne troue? pas le pain bon9

    - "u 0ontraire, madame, rpondit-il, il est #ait ae0 de la #arine d'(tampes, premi!re ualit.

    - " uoi o$e?-ous 0ela9 lui dit (ug!ne.

    - " la blan01eur, au got.

    - "u got du ne? puisue ous le sente?, dit madame auuer. ous deene? si 0onome ue ous#inire? par trouer le mo$en de ous nourrir en 1umant l'air de la 0uisine.

    - Prene? alors un breet d'inention, 0ria l'emplo$ au +usum, ous #ere? une belle #ortune.

    - Laisse? don0, il #ait ;a pour nous persuader u'il a t ermi0ellier, dit le peintre.

    - otre ne? est don0 une 0ornue, demanda en0ore l'emplo$ du +usum.

    - Cor uoi9 #it )ian01on.

    - Cor-nouille.

    - Cor-nemuse.

    - Cor-naline.

    - Cor-ni01e.

    -Cor-ni01on.

    -Cor-beau.

    -Cor-na0.

    -Cor-norama.

    Ces 1uit rponses partirent de tous les 0>ts de la salle ae0 la rapidit d'un #eu de #ile, et pr8t!rentd'autant plus rire, ue le paure p!re Goriot regardait les 0onies d'un air niais, 0omme un1omme ui t:01e de 0omprendre une langue trang!re.

  • 8/13/2019 51598817 Le Pere Goriot

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    - Cor9 dit-il autrin ui se trouait pr!s de lui.

    - Cor aux pieds, mon ieuxA dit autrin en en#on;ant le 01apeau du p!re Goriot par une tape u'il luiappliua sur la t8te et ui le #it des0endre 2usue sur les $eux.

    Le paure ieillard, stup#ait de 0ette brusue attaue, resta pendant un moment immobile.C1ristop1e emporta l'assiette du bon1omme, 0ro$ant u'il aait #ini sa soupe7 en sorte ue uand

    Goriot, apr!s aoir rele son 01apeau, prit sa 0uiller, il #rappa la table. Tous les 0onies 0lat!rentde rire.

    - +onsieur, dit le ieillard, ous 8tes un mauais plaisant, et si ous ous permette? en0ore de medonner de pareils ren#on0ements...

    - (1 bien, uoi, papa9 dit autrin en l'interrompant.

    - (1 bienA ous pa$ere? 0ela bien 01er uelue 2our...

    - (n en#er, pas rai9 dit le peintre, dans 0e petit 0oin noir oB l'on met les en#ants m01antsA

    - (1 bienA mademoiselle, dit autrin i0torine, ous ne mange? pas. Le papa s'est don0 montrr0al0itrant9

    - Une 1orreur, dit madame Couture.

    - Il #aut le mettre la raison, dit autrin.

    - +ais, dit Eastigna0, ui se trouait asse? pr!s de )ian01on, mademoiselle pourrait intenter unpro0!s sur la uestion des aliments, puisu'elle ne mange pas. (1A e1A o$e? don0 0omme le p!reGoriot examine mademoiselle i0torine.

    Le ieillard oubliait de manger pour 0ontempler la paure 2eune #ille dans les traits de lauelle0latait une douleur raie, la douleur de l'en#ant m0onnu ui aime son p!re.

    - +on 01er, dit (ug!ne oix basse, nous nous sommes tromps sur le p!re Goriot. Ce n'est ni un

    imb0ile ni un 1omme sans ner#s. "ppliue-lui ton s$st!me de Gall, et dis-moi 0e ue tu enpenseras. =e lui ai u 0ette nuit tordre un plat de ermeil, 0omme si 0'et t de la 0ire, et dans 0emoment l'air de son isage tra1it des sentiments extraordinaires. %a ie me parait 8tre tropm$strieuse pour ne pas aloir la peine d'8tre tudie. Dui, )ian01on, tu as beau rire, 2e ne plaisante

    pas.

    - Cet 1omme est un #ait mdi0al, dit )ian01on, d'a00ord7 s'il eut, 2e le diss!ue.

    - /on, t:te-lui la t8te.

    - "1A bien, sa b8tise est peut-8tre 0ontagieuse.

    Le lendemain Eastigna0 s'1abilla #ort lgamment, et alla, ers trois 1eures de l'apr!s-midi, 01e?

    madame de Eestaud, en se lirant pendant la route 0es espr