35 - albert de rochas - les frontières de la science - vol 2

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Licence Encyclopédie Spirite Copyright (C) 2006 Encyclopédie Spirite - Mars 2006 http://www.spiritisme.net [email protected] Considérant l'objectif de base de l'Encyclopédie Spirite de mettre gratuitement à la disposition de toute l'Humanité les éléments de base du Spiritisme, les documents mis à disposition sur le site Internet de l'Encyclopédie Spirite peuvent être copiés, diffusés et utilisés dans les conditions suivantes : 1. Toute copie à des fins privées, à des fins de recherches, d'illustration ou d'enseignement est autorisée. 2. Toute diffusion ou inclusion de tout ou partie de ce document dans une autre œ uvre ou compilation doit faire l'objet d'une autorisation écrite de l'Encyclopédie Spirite et doit : a. Soit inclure la présente licence s'appliquant à l'ensemble de la compilation ou de l' œ uvre dérivée. b. Soit, dans le cas d'extraits ou de citations limitées à moins de 1000 caractères, mentionner explicitement l'origine de la partie extraite comme étant l'Encyclopédie Spirite et en indiquer l'adresse Internet, afin de permettre aux intéressés de retrouver facilement et gratuitement l'intégralité du document. 3. Cette licence qui accompagne chaque fichier doit être intégralement conservée dans les copies. 4. La mention du producteur original doit être conservée, ainsi que celle des contributeurs ultérieurs. 5. Toute modification ultérieure, par correction d'erreurs, mise en forme dans un autre format, ou autre, doit être indiquée. L'indication des diverses contributions devra être aussi précise que possible, datée, et envoyée à l'Encyclopédie Spirite. 6. Ce copyright s'applique obligatoirement à toute amélioration par simple correction d'erreurs ou d'oublis mineurs (orthographe, phrase manquante, ...), c'est-à-dire ne correspondant pas à l'adjonction d'une autre variante connue du texte, qui devra donc comporter la présente notice.

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Licence Encyclopédie Spirite

Copyright (C) 2006 Encyclopédie Spirite - Mars 2006http://[email protected]

Considérant l'objectif de base de l'Encyclopédie Spirite de mettre gratuitement à ladisposition de toute l'Humanité les éléments de base du Spiritisme, les documents mis àdisposition sur le site Internet de l'Encyclopédie Spirite peuvent être copiés, diffusés etutilisés dans les conditions suivantes :

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PARISDES SCIENCES PSYCHOLOGIQUES42; ":UUE SiINT-JACQUES, "42 ri'

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Lëttreouverte à M. Jules Bois.

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La connaissance humaine est pareille if, une sphère quigrossirait sans cèsse; if, mesure qu'aug1nente sonvolume, grandit le nombre de' ses points, de contactavec l'inconnu.

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ALBERT DE ROCHAS

SCIENCE

2' SÉRIE

Lettre ouverte à M. Jules Bois.Les localisationS cérébrales.

Les actions psychiques des contacts, des onctionset des émanations.

La lévitation du corps humain.

PARISLIBRAIRIE DES SCIENCES PSYCHOLOGIQUES

42, RUE SAINT-JACQUES, 42

1904

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·

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LES

FRONTIÈRES .DE LA SCIENCE

LETTRE OUVERTE A M. JULES BOIS

L'Agnélas, 24 août 1901.

Cher monsieur,

Vous m'avez fait l'honneur de me demander,pour le Matin, à votre retour de l'Inde, unexposé de l'état actuel de la science psychiqueen Europe, en distinguant ce qui était certain

.de ce qui était douteux.Je vais essayer de satisfaire votre désir; mais,

en ces matières délicates, il serait outrecuidantde porter un jugement définitif sur des phéno­mènes qu'on n'a pu étudier soi-même aussi sou­vent et aussi longtemps qu'il serait nécessaire.Je me bornerai donc à. vous donner, sur un

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8 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

certain nombre de faits, mon opinion actuelle,dont le principal mérite est de s'être forméeavec une complète indépendance d'esprit (1).

SUGGESTION

Tout le monde admet aujourd'hui la réalitéde la suggestion orale. Il est établi qu'en par­la nt à certaines personnes, mises en état deréceptivité pal' des circonstances fortuites oudes manœuvres volontaires, on détermine chezces personnes des impulsions auxquelles il leurest très difficile de résister. On est générale­ment d'accord (et c'est là mon opinion baséesur de très nombreuses expériences) que la sug­gestion ne peut prendre que si le ... sujet s'yprête ; elle reste presque toujours inefficace sielle choque des instincts ou des résolutionshien arrêtées. Elle n'en reste pas moins unearme très dangereuse entre les mains de quisaurait tourner la difficulté. .

La .suggestion est capable de déterminer nonseulement des effets moraux, mais des effetsphysiques, notamment .sur des nerfs sensi­tifs et moteurs et sur la circulation sanguine.

1. Le Matin n'a publié que la première partie de cette lettreet s'est arrêté à la Lèvitation. M. Jules Bois n'a même pas crupouvoir insérer cette première partie dans le volume où il aréuni les éléments de son enquête.

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FIG. 1. - MEl\1JET (Suggestion musicale).

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10 LES FHONTiÈRES DE LA SCIENCE

Comme la suggestion faite dans un but théra­peutique est toujours acceptée avec empresse­ment pal' le sujet, on conçoit qu'elle arrive àproduire des guérisons en apparence miracu­leuses.

La suggestion mentale, c'est-à-dire simplementpensée et non formulée par la parole, se produitbien plus rarement, mais beaucoup de bamumsl'imitent à l'aide de différents trucs. C'est cequi résulte d'une enquête que nous avons faite,quelques amis et moi, à l'aï"de de plusieurs desliseuses de pensées qu'on avait admirées à l'Ex­position de 1900 (1).

Ces trucs sont toujours basés sur l'emploi delangages conventionnels par mots ou gestes. Ilssont destinés à aider, ou même remplacer com­plètement des facultés plus ou moins dévelop­pées qui ne sauraient résister à la fatigue deslongues séances imposées par l'exercice dumétier. La plupart des sensitifs de cette espècesont aptes à percevoir l'action du barnum con­centrant fortement sa pensée, mais. sans éprou­ver autre chose qu'un sentiment d'attractionou de répulsion qu'on utilise, par une éduca­tion convenable, pour faire exécuter une sériede mouvements concourant àun but fixé à

1. Le petit comité qui s'est réuni à cet effet à l'École poly­technique comprenait :S. A. R. le prince Henri d'Orléans, lechanoine Brettes, Camille Flammarion, les Dr. Ondin, Dariexet Maréchal, M. Gabriel Delanne, le baron de Watteville,M. Marcel Mangin et moi.

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LETTRE OUVERTE A M. JULES BOIS 11

FIG. 2. - Ange pur, ange radieux! (opér-a de FAUST par Gou-. nod). - Suggestion musicale.

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j2 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

J'avance. Cependant il y a quelques naturesexceptionnellement douées qui peuvent liredans le cerveau d'autrui comme dans un livre.Les personnes que ces questions intéressent entrouveront un exposé plus complet dans troisarticles que j'ai publiés dans le. Cosmos so:us letitre: L'extëriorisationde la pensée.

La suggestion musicale, c'est-à-dire l'éveil dessentiments déterminés à l'aide de phrases musi­cales et Ieur-expr-ession automatique par' desgestes, n'a encore été étudiéequ'avec Lina (1).Mes conclusions ne sont 'donc point appuyéesd'expériences assez nombreuses et assez variéespour être adoptées sans réserves, mais je .doisdire que, depuis la publication de mon livresur LES SENTIMENTS, LA MUSIQUE ET LE. GESTE (2),et divers à~ticlesparus dans l'ART AuTHÉATRE etLÀ FRoND-g,fai reçu des ·lett,resme. prouvantque les sC:Ilsitifs de cette espèce ne sont pointaussi rarestpl'on pourrait le supposer.

Je vousrenvoie ci-joint trois photographiesde Lina donnant des exemples de suggestionmusicale.

1. Depuis que .cette lettre a été écrite, M. Em. Magnin a êtu­dié, avec l'aide.de son beau-frère M.Boissonnlls Ie.célèbre pho­tographe de Genève, une jeune femmed'intelligence 1.rèscul­tivée, Mm. Madeleine G., qui présente des facultés tou~à faitanalogues à celles'de Lina. Ces messieurs; secondés 'pal' qiielquesamis musiciens, sont arrivés à obtenir près de 400 clichés cor­respondant à des suggestions musicales ou orales différentesqu'ils se proposent de publier.

'2, Grenoble. Librairie. dauphinoise, in-4· de 348 pages et350 gravures en couleur, tiré à 1.100 exemplaires numérotés.Prix, 30 francs.

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LETTRE OUVERTE A M. JULES nOIS 13

L'EXTÉRIORISATION DE LA SENSIBILITÉ

L'extériorisation de la sensibilité est un phé­nomène assez difficile à expliquer en peu demots. Il consiste essentiellement en ceci quecertaines personnes perçoivent les actions mé­caniques exercées à quelque distance de leurcorps, comme si on les avait exercées sur leurcorps même. Les choses se passent comme sices personnes émettaient des radiations jouant

. à l'extérieur le même rôle que les nerfs sensi­.tifs jouent à l'intérieur.

Ces radiations ont de plus la propriété de secondenser, pour ainsi dire, dans certaines subs­tances qui deviennent elles-mêmes alors descorps radiants, de telle sorte que si on exercedes actions mécaniques dans leur sphère d'acti­vité} ces actions peuvent se transmettre jusqu'àla personne sensitive- quand la distance n'estpas trop grande. .

L'extériorisation de la sensibilité avait étéconstatée par quelques-uns des anciens magné­tiseurs, mais on ne s'était pas rendu compte deson processus. Bienque les faits soient aujour­d'hui établis d'une façon indiscutable par diversexpérimentateurs, la science officielle hésiteencore à les admettre parce qu'ils contredisentles théories enseignées relativement au rô ledes nsenerfssitifs; elle oublie ce que dit Cla ude-

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14 LES FRONTIFmES DE LA SClENCE

Bernard: « Une découverte est, en général, unrapport imprévu et qui ne se trouve pas com­pris dans la théorie, cal', sans cela, il seraitprévu... Il faut gardel' sa liberté d'esprit etcroire que, dans la nature, l'absurde suivantnos théories n'est pas toujours impossible. »

Certains sujets disent voir, comme des nébu­losités plus ou moins brillantes, les effluvessensibles. On a exposé dans la salle des dépê­ches du Matin deux photographies instantanéesde Lina prises à la lumière de magnésium parM. Gheuzi, directeur de la Nounelle Revue, chezM. Gailhard, directeur de l'Opéra, pendantqu'elle dansait une habanera chantée parMlle Calvé et accompagnée par M. Panl Vidal.Les traînées lumineuses qu'on y aperçoit très

. nettement seraient-elles dues aux émanationsde Lina, alors fortement extériorisée et exaltéepar cette admirable musique? C'est ce qu'il estdifficile d'affirmer, car J'expérience n'a pas étérefaite dans les mêmes conditions.

I:EXTÉRIORISATION DE LA MOTRICITÉ

ET LES TABLES TOURNANTES.

Quelques sujets, fort rares, parviennent àremuer les objets rapprochés, mais sans contact,par un simple effort de leur volonté. Les expé­riences faites notamment avec Daniel D. Home etEusapia Paladino permettent d'autant moins le

~..:..'1

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LETTRE OUVERTE A M. JULES DOIS 17

doute à cet égard qu'ici il ne s'agit plus commedans l'extériorisation de la sensibilité' d'uneimpression ressentie par le sujet' seul mais d'unphénomène visible et contrôlable par tous lesspectateurs.

TaIltque les mouvements n'ont pas été obte­nus sans contact, on était en droit de les expli­quer par la théoriedes mouvements inconscients.Aujourd'hui, cette théorie ne .peut . plus ètreconsidérée comme suffisante et il est clair que,dans, le cas des tables tournantes, il intervientsouvent une force encore non définie.

LATÉLÉPATHlE ET L'ENVOUTEMENT

Les notions sommaires que je viens d'expo­sel' relativement à l'extériorisation de la sensi­bilité et de la motricité suffisent à faire com­prendre comment cette force mal connue peut,d(lns des cas exceptionnellement favorallles,pro­.duire chez une personne 'la répercussion d'uneémotiou-violente éprouvée à distance par uneautre personne, ou d'une' action mécaniqueexercée également à distance sur un objet préa­lablementmis en rapport avec, cette personne.C'est ce, qui constitue la télépathie et l'envoûte­ment dontja réalité est historiquement prouvée,au.moins dans une certaine mesure. .

2

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18 LE~ FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

LA VUE DES ORGANES INTÉRIEURS, L'INSTINCT DES

REMÈDES ET LA VUE A DISTANCE

Ces trois phénomènes ont été assez fréquem­ment observés, surtout dans la première moi­tié du dix-neuvième s-iècle, pardes hommes dehaute valeur tels que le marquis de Puységur,le capitaine d'artillerie Tardy de Montravel, legénéral de division du Génie Noizet, Deleuze,administrateur du Museum, le Dr Bertrand,ancien élève de l'École polytechnique, le DrCharpignon, etc. Aujourd'hui on les rencon­tre beaucoup plus rarement, soit qu'on mettemoins de soin à les rechercher et à les déve­lopper, soit que les facultés des sensitifs varientsuivant les époques, ce qui ne devrait pointnous étonner outre mesure, les conditions deI'ambianee se modifiant perpétuellement.

En tout cas, pour ma part, je n'ai rien putrouver de convaincant.

Presque tous les sujets qui présentaient l'ex­tériorisation de la sensibilité disaient bien voirl'intérieur du corps humain grâce à leur mainqu'ils approchaient plus ou .moins, de façon àvoir plus ou moins profondément ; ce qui faitsupposer qu'ils. voyaient par leurs couchessensibles extériorisées. A J'aide de cette ma­nœuvre, ils comparaient leurs propres organesà ceux de la personne qu'ils examinaient et dia­gnostiquaient ainsi les maladies. Leurs affir-

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LETTRE OUVERTE A 1\1. JULES BOIS 19

mations étaient très nettes et assez vraisembla­bles; aussi je crois qu'ils étaient de bonne foi.d'autant plus que jamais, malgré mes invita­tions réitérées, aucun d'eux n'a prétendu pos­séder l'instinct des remèdes.

Quant àla vue à distance, je l'ai obtenue d'unefaçon extraordinaire, avec l'un de ces sujetsMme Lambert. Pendant plus de six mois, étantendormie magnétiquement, elle a vu, dans tousles détails de sa vie, un ingénieur que nous neconnaissions ni l'un ni l'autre et qui, ayantquitté sa famille à la suite de grands revers defortune, n'avait jamais donné de ses nouvelles.A l'aide d'un objet lui ayant appartenu, ct queje mis entre les mains de Mme Lambert, elle leretrouva dans l'Amérique du Sud, me donna lesnoms' des villes et des hôtels où il séjourna suc­cessivement en les lisant dans les gares ou surles enseignes, et elle m'indiqua les titres desjournaux qu'elle voyait entre ses mains. Je véri­fiai que ces villes, ces hôtels, ces journaux,dont elle n'avait pas la moindre idée quandelleétait éveillée, existaient réellement, mais quantau personnage lui-même, des informations pri­ses auprès de notre consul à La Paz, capitalede la Bolivie, où il était censé faire construireune usine, nous prouvèrent qu'il n'y avait jamais'fuis les pieds. Nous n'avions donc eu ici qu'unesérie de rêves se suivant avec une logique par­faite et présentant, avec un fond imaginaire,des détails exacts dont il est fort difficile d'ex­pliquer la provenance.

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20 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

LA LÉVITATION

De mème que pour la télépathie, il y a desobservations très nombreuses prouvant histori­quement la réalité de la lévitation. Ce phéno­mène consiste dans la diminution du poids descorps bruts ou animés, diminution pouvantaller jusqu'au flottement dans l'air.

J'en ai été témoin, en 1896, avec EusapiaPaladino qui, chez moi et au cours d'une séanceexpérimentale, à été,étant assise sur une chaise,soulevée avec sa chaise, d'un mouvement con­tinu, à peu près jusqu'au niveau d'une tablevoisine, puis portée sur cette table. Leprocès­.verbal du fait a été dressé et signé parMM. Sabatier, doyen de la faculté des sciencesde Montpellier, Dr Dariex, directeur des Anna­les des. sciences psychiques, Maxwell, substitutdu procureur général à Limoges, comte Arnaudde Gramont, docteur ès-sciences,' baron deWatteville, licencié ès-sciences et en droit.

Le même phénomène vient de se reproduireau Cireolo scieniifico Mînerva dans des condi­tions presqu'identiques, et M. François Porro,ancien directeur de l'observatoire astronomi­que de Turin, actuellement professeur d'astro­nomie à la faculté de Gênes.. en a publié uncompte rendu détaillé.

Il résulte de la comparaison attentive. des

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LETTRE OUVERTE A M. JULES BOIS 21

différents cas observés que l'on peut souvent,mais pas toujours, expliquer Ia lévitation parla simple action d'une force prenant naissancede l'organisme humain et agissant en sensinverse de la pesanteur.

lI~TÉRIALJSATIO~SET F'ANTOMES.

Depuis quelques années, on rapporte beau­coup de cas où l'on voit se former spontané­ment, sous l'œil des spectateurs, des objetsinanimés et mëme des êtres animés dont onpeut constater l'existence à l'aide des sens ordi­naires et dont la matière semble empruntée engrande partie à des médiums spécialementorganisés pour la production de ce genre dephénomènes.

On désigne sous le nom d'apports les objetsinanimés ainsi produits et ces objets peuventsubsister très longtemps.

Les corps ou parties de corps humain dus àla mème cause sont appelés matérialisations. Cesmatérialisations n'ont qu'une durée très courte;elles se dissipent comme elles se sont formées.

Au cours des nombreuses séances que j'ai euesavec Eusapia, j'ai assisté à quelques apports,mais dansdes. conditions qui ne m'ont pointapporté de conviction personnelle. Je suis trèsporté à croire à leur réalité en général, à causede ceux qui l'ont affirmé ; c'est là tout.

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Il n'en est pas de nième pour les matériali­sations. Si mes amis et moi, malgré tous nose11'01' ts, nous n'avons pu arriver cl être témoinsde matérialisations complètes comme celles deKatie King observées par Sir William Crookes,nous avons cu du moins avec Eusapia les pl'eu­vcs absolues qu'elle était capable de projeterhOL'S de son corps physique des membres plusou moins matériels, tels que des mains qui voussaisissaient et des tètes qui s'imprimaient dansune substance molle. Le bas-relief représentantun proûl et qui est exposé dans les vitrines duMalin a été obtenu en coulant du plàtro dansune empreinte produite SUl' du mastic de vitrierpendant que Camille Flammarion et deuxautres personnes tenaient le médium à envi­l'on un mètre de distance.

C'est dans cet ordre de phénomènes qu'ilfaut cheroher' l'explication des fantômes dontles traditions populaires ne parleraient pas sisouvent s'ils' ne reposaient sur quelques l'ailsréels.

LES ESPRITS.

De tous les médiums à matérialisation quiont été étudiés, il n'en est certainement aucund'aussi remarquable que. mistress d'Espérance,tant pour I'étrangeté des phénomènes que POUl­

la bonne foi et le talent avec lesquels Je médium

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FIG. 5. - Empreinte produite à distance par Eusapia, en trance, SUl' du mastic de vit i-ici-.

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LETTRE DE M. JULES BLOIS 25

lui-même a décrit ses propres impressions aumoment où ils se produisaient. Toute personnequi veut connaître l'état actuel de la sciencepsychique doit lire son livre intitulé: Voyageau pays de l'ombre. On y verra que les corps desfantômes qui se forment par son intermédiairesont reliés à son. propre corps par des liensinvisibles, gràce auxquels toutes les actionsexercées sur ces fantômes sont ressenties parelle, mais qu'ils sont animés par un espritcomplètement différent du sien.

Ceci nous conduit à aborder des sujets d'unautre ordre. Dans un des précédents articles devotre enquête sur l'Au- delà vous dites que jecrois aux esprits. C'est vrai; je suis persuadéqu'il y a, autour de nous, des êtres intelligentset"invisibles qui peuvent quelquefois intervenirdans. notre vie.

Qui sont ces esprits: des anges, des démons,desélémentaux, des âmes de morts? je n'ensais rien; mes lectures ne m'ont apporté aucuneconviction absolue dans un sens ou dans l'autre,et j'ai toujours évité les expériences dans unordre de phénomènes où l'on est exposé àdéchaîner des forces dont on ne reste pas lemaître.

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26 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

RÉSUMÉ.

En résumé, les études de ces dernièresannées ont eu pour principal résultat d'établir,par des preuves historiques ou par des expé­riences directes, que les facultés actives et pas­.sives de l'homme pouvaient entrer en action endehors de son corps matériel et visible,· enconstituant ce qu'on a. appelé l'extériorisationde la sensibilité, l'extériorisation de la motri­cité, l'extériorisation dela forme et l'extériori­sation de la pensée.

Ce sont là des faits bien acquis, et on est endroit de se demander pour quelles raisons lascience officielle hésite à les accepter,/êtantdonnées ses conceptions sur l'univers matérieloù tout serait constitué par des modes diversde vibrations de l'éther.· .

En tout cas, ces faits prouvent l'existenced'émanations de natures diverses confonduesgénéralement sous le nom de Fluide magnétique,et ils concordent avec les théories des Ori~.Q.";

taux, des anciens philosophes de la Grèce etdes premiers pères de l'Eglise sur le cotrps: flui­dique ou âme servant d'intermédiaire entrel'Esprit et le Corps.

Albert de ROCHAS.

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES

Au milieu du XVTIlC siècle, un professeur deFribourg-en-Brisgau, nommé Joseph Baader,publiait, sous le titre de Observationes mediere,incisionibus cadaverum onolomicis illuslralse, unrecueil d'observations faites à Vienne entre1746 et 1750 (1). A la suite de son observationXXII, il écrivait les lignes suivantes qui con­tiennent en germe toute la doctrine officiellemoderne relative aux localisations cérébrales:

« Si maintenant nous comparons avec soinaux lésions trouvées sur le cadavre les symp­tômes notés sur le viv ilut, nous pouvons en.déduire trois' conséquences utiles à la pratiquemédicale. D'abord que les éléments et l'action

.du cerveau subissent la décussation, en sorte(lue la sensibilité et la motilité d'un côté du

1. Ce traité,'imprimé pour la première fois en 1;62, a étéréimprimé dans le tome III du Thesaurus âissertetionum. deSandifort (Lugd, Batav•••, 1;i8).

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~8 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

corps sont sous la dépendance de l'hémisphèrecérébral opposé. Toujours, en effet, notremalade souffrit du côté droit de la tête, et dece côté fut trouvé l'abcès, tandis queI'hyperes­thésie et les convulsions ont toujours occupéle bras gauche... En troisième lieu, il devient

.éoidenl pour nous que, par de nombreuses obser­vations recueillies avec soin et comparées atten­tivement entre elles, nous pourrions savoir etprévoir, pour le grand bénéfice des praticiens,quelle partie du cerveau donne à tel ou tel mem­bre la sensibilité ou le mouvement; en sorte que,connaissant le membre souffrant, on pourra déter­miner quel point du cerveau est malade, et inver­sement, étant donnée une lésion déterminée ducerveau, prévoir quel. membre doit être affecté.Ainsi,chez notre malade, la douleur et l'abcèssiégeaient sous le pariétal droit, et les convul­sions occupaient le. brasgauche, Or nous ver­rons plus loin un jeune homme paralysé etcontraetuné à. droite, dans le cerveau duquelnous trouvâmes, sous le pariétal, deux tubercu­les de la dure-mère, et dans l'hémisphère gau­che, au niveau des lobes moyen et antérieur,des hydatides, ou mieux des « phlegmasies »,

si je puis m'exprimer ainsi. Peut-être, -aprèscomparaison semblable de plusieurs observations,pourrons-nous enfin conclure avec certitude quela région du cerveau qui siège sous le pariétalcommande àla motilité et à la 'sensibilité dumembre supérieur du côté opposé.. »"(Traduit duThes. disseri., tome III, p. 29).

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 29

Quelques années plus tard, un jeune hommed'un esprit réfléchi et observateur, JosephGall (1), remarquait que plusieurs de ses com­pagnons d'étude, sur lesquels il l'emportait dansles compositions écrites, mais qui le dépassaientdans les examens où la mémoire jouait le pre­miel' rôle, possédaient un point commun deressemblance: leurs yeux étaient gros et sail­lants.

Il pensa que cette particularité ne pouvait êtreattribuée an hasard et il en conclut que, si lamémoire se manifestait par des signes exté­rieurs, il devait en être de même des autresfacultés. De recherches en recherches, il finitpar constituer tout un système qu'il a exposédans les volumes publiés successivement, de1810 à 1820, sous le titre: Anatomie et physio­logie du système nerveux en général et du cer­veau en particulier, avec des observations sur lapossibilité de reconnaître les dispositions intellec­tuelles et morales pal' la configuration de la tête.Ses idées, qu'il a reprises en 1826 dans unouvrage en six volumes intitulé Fonctions dacerveau, furent commentées et légèrement modi­fiées successivementpar Spurzheim (2),Combe (3)et Fossati (Il).

1. Né en 1758, dans le grand-duché de Bade, mort en 1828 à.Paris.

2. Observations sur la Phrénoloqie, 1818,1 vol. in-f S,

3. Traité complet de Phrénologie, traduit de l'anglais par leDr Lebeau, 1844. 2 vol. in-8.

4. Manuel pratique de Phrénologie, 1845, l,val.. in-18.

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30 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

En 1841, Îe magnétiseur Lafontaine alla don­ner en Angleterre un certain nombre de séan­ces expérimentales, au cours desquelles il mon­tra les effets qu'on. pouvait déterminer enagissant magnétiquement sur le cerveau dessujets.

<&; En magnétisante-dit-il- (1), d'une certainefaçon, telle outelle partie du cerveaud'un som­nambule, j'ai souvent obtenu le développementde tel ou tel sentiment: ainsi, en magnétisant lapartie du cerveau où la phrénologie nous indi­que la vénération, j'ai. toujours vu le sujet tom­ber à genoux et joindre Ies mains en leséle­vant vers le ciel et en ouvrant les yeux avecun sentiment de prière. j

« De même, lorsque j'ai magnétisé telle autrepartie du cerveau, comme celle où on nousindique la peur, la colère, la gaieté, la mélodie,j'ai toujours obtenu un succès complet dansl'expression de ces sentiments.

« J'entends déjà les magnétiseurs me dire :« Mais ce SORt des transmissions de pensée. » Jerépondrai : «Oui, ce sont..en effet,· des· trans­missions de pensée, quand j'agis par .exemplesur des sujets qui sont un peu clairvoyants;mais lorsque j'agis sur des individus qui nem'ont jamais donné l'ombre de la moindrelucidité et que j'obtiens les mêmes résultats, jesuis obligé de chercher. Et de plus, quand pre-

1. L'art de magnétiser. Paris. 1852. p; 243.

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 31

nant deux sujets qui n'ont jamais rien vu et quipeuvent à peine répondre, quand, dis-je, j'agissimultanément sur les deux et sans penser àrien, en attaquant une partie du cerveau chezl'un et une autre partie chez l'autre, et que j'ob­tiens alors soit la gaieté sur l'un, soit la peur­sur l'autre, je suis bien forcé de reconnaîtrequ'il ya là aussi comme un effet physique. »

A la suite de ces séances, de nombreuses.expériences de même nature furent réaliséesen Angleterre, notamment par Spencer Hall,magnétiseur anglais célèbre à cette époque : enopérant sur des sujets magnétisés, il détermi­nait, par la pression de son doigt sur les par­ties du cerveau indiquées par Gall comme lesiège de certains sentiments, la manifestationde ces sentiments.

Braid, le chirurgien de Manchester que les.écoles officielles d'hypnotisme ont adopté commeleur père,décrit ainsi, dans sa Neurhypnologie,les essais qu'il fit en 1842 :

« Mettez le patient dans l'état d'hypnotismede la façon habituelle, étendez ses bras pendantune minute ou deux, puis replacez-les douce­ment sur les genoux et laissez-le dans le repos.

1absolu pendant quelques minutes. Placez alorsla pointe d'un ou deux doigts sur le centre del'un des organes les plus développés et appuyezdoucement ; s'il ne se produit pas de change­ment dans la physionomie ou de mouvementdu corps, frictionnez légèrement; puis deman­dez au sujet, d'une voix douce, à quoi il pense,

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:32 LES FRONTIÈHES DE LA SCIENCE

ce qu'il aimerait, ce qu'il voudrait faire ou cequ'il voit, selon la fonction de l'organe que vousmettez à l'épreuve; réitérez les questions, lapression, le contact ou la friction de l'organe,jusqu'à ce que vous obteniez une réponse. Sile sujet est très apathique, une légère pressionsur les globes oculaires peut être nécessairepour le faire parler. Si la peau est trop sensible,il peut s'éveiller ; dans ce cas il faut essayer denouveau, attendant un 'peu plus longtemps. S'ilest trop apathique, essayez encore, en commen­çant les manipulations plus tôt.

<l; Il faut recommencer les opérations à denombreuses reprises avec .le même sujet - envariant le moment du début des manipulations,car il est impossible de connaître a priori lemoment précis où il faudrait/commencer; ungrand nombre de cas les-plus probants n'ontréussi qu'en partie ou ont échoué complètementà la première ou à la seconde épreuve. Quandl'instant est déterminé, il est plus facile de pro­voquer de_nouvelles manipulations et -les faitsdeviennent de plus en plus probants au fur. età mesure des -épreuves. » (Pp. '129-130 de latraduction du Dr Simon.)

Voici quelques-uns des résultats qu'il a obte­nus:

Une légèrepl'essi,on sur les os da, nez futimmédiatement suivie 'd'éclats .de rire immo­dérés qui-cessèrent en même temps que le: con­tact ; on obtenait des etfets. très curieux en fai­sant chanter au patient- un air grave et solennel

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LES LOCALISATIOè'lS CÉRÉBRALES 33

qui se transformait en éclats de rire dès qu'onle touchait de la manière indiquée, pour l'cpren­dre ensuite. -

Si la pression était appliquée au menlon, il yavait arrèt immédiat de la respiration avec sou­pirs et sanglots qui ne duraient que pendant lecontact.

En touchant à la fois le nez et le menton, onavait un assemblage bizarre de rires etde pleurs.

La pression ou la friction de la circonférencedes orbiles produisait des spectres d'aspectbrillant ou gai quand on opérait sur le bordsupérieur, et d'aspect. terrifiant quand on opé­rait sur le bord inférieur.

La pression sur l'organe du son produisait ledésir de chanter. En pressant celui de la con:­bativilé on provoquait la colère ; en pressantcelui de la vénération on amenait le désir d'ètrevertueux ou de prier, etc.

Brald a constaté également (p. 1'17) qu'enexcitant les points antagonistes des hémisphèresopposés, on peut provoquer des sensations dif­férentes dans les deux côtés du corps; si desfacultés antagonistes sont excitées du mêmecôté, la plus forle des deux sera seule en action,Il confirmait ainsi l'exactitude du quinzièmeaphorisme de ;l\fayo dans son livre du iYel'VOliS

system and ils funclions, où il dit: « Chaquemoitié latérale d'un animal vertébré a une vita­lité séparée, c'est-à-dire la conservation de laconscience, dont une moitié est indépendantede sa conservation dans l'autre. »

3

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34LE8 FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

To.us ces phénomènes s'obtenaient chez lessujets très sensibles, non seulement par Je con­tact,mais encore par l'approche d'une baguette,de verre par exemple..

Braidsuppose que les ·idées déterminées chezle sujet, par -les actions produites sur les cen­tres cérébraux indiqués par Gall, sont dues àl'excitation des muscles qui sont ordinairementmis en jeu dans les actes accomplis sous l'em­pire de cette idée.

'« En stimulant, dit-il, le muscle sterno-mas­toïdien et produisant ainsi une inclinaison dela tète, on amène l'idée d'amitié et de poignéesde main à se développer dans l'esprit; quandle muscle trapèze est excité en même temps,l'inclinaison latérale plus' évidente de la tètemanifeste un penchantplusgrand,c'est- à- direl'adhésivité.Lâ philogéniture, mettant en actionles muscles droits et le muscle occipito-frontal,suggère le bercement et par conséquent le désirde bercer un enfant, etc.; la 'pression sur lesommet du eràne, mettant en action tous lesmuscles nécessaires pour maintenir le corpsdans la position droite, exeite l'idée d'une fer­meté inébranlable; la vénération et la bienveil­lance, produisant la tendance à se baisser et àsupprimer "la .respiration, .créent, ainsi les senti­ments correspondants. Sous l'excitation desmuscles de la mastication, I'idée de boire et demanger se mànifestecde Iamème manière, unelégère pression sur le bout du nez) en provo­quant des inspirations, crée le désir de quelque

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'LES LOCALISATIOXS CÉRÉBRALES :15

chose à sentir.; si le point de contact sc trouveil la joue, sous la cavité orbitaire et au-dessusdu point d'émergence de la branche sous-orbi­.taire de la cinquième paire, la respiration setrouve oppressée et les émotions tristes sontéveillées : tandis qu'au-dessus de l'orbite oùl'on stimule la branche sus-orbitaire de la mèmepaire, des manifestations inverses ont lieu géné­ralement.

Ces considérations sont fort ingénieuses - et.elles sont vraies certainement .pOUl' quelquescas particuliers - mais on sent qu'elles sontinspirées à Braid surtout par le désir de nepoint trop s'élancer dans l'inconnu.

On a prétendu que I'érninent observateuranglais avait; sur la fin de sa vie, renoncé à sesdoctrines phrénologiques et reconnu que sesexpériences avaient été entachées d'erreur parla suggestion. Je n'ai trouvé nulle part la preuvede cette assertion qui n'a, je crois, d'autreorigine qu'une fausse interprétation du passageque nous venons de citer.

A peu près à la même époque, l'éminent natu­raliste, sir Alfred Russel Vallace, depuis mem­bre. de la Société Royale et président de laSociété d'Anthropologie, fit également dans cetordre d'idées des expériences qu'il ne publiaqu'en 1875 dans son livre On miracles andmodern spiritualisme

« Mes premières expériences en quelques­unes des matières traitées en ce petit ouvrage.datent, dit-il, de 18U, époque où j'enseignais

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36 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

dans un des collèges de l'un des comtés duCentre. M. Spencer Hall faisait alors des confé­rences sur -Ie Mesmérisme, et il visita notreville; plusieurs de mes élèves et moi allâmesl'entendre; nous fùmes tous grandement intéres­sés. Quelques-uns des garçons les plus âgéstentèrent de magnétiser un de leurs plus jeunescamarades et réussirent; moi-même, je trouvaique certains d'entre eux, sous mon influence,présentaient souvent de. fort curieux phénomè­nes auxquels nous avions assisté à la confé­rence. Je fus extrêmement captivé par le sujetet le poursuivis avec ardeur, appliquant de nom­breuses expériences à prévenir toute déceptionet à prouver la nature de l'influence. Beaucoup .des détails de ces expériences sont encore gra­vés dans ma mémoire aussi vivement que s'ilsdataient d'hier; je vais brièvement donner lasubstance de quelques-uns des plus remarqua­bles.

«Je produisis l'état de trance sur deux outrois garcons de douze à seize ans avec unegrande facilité, et je pus toujours m'assurer desa réalité, d'abord par le retournement. de laprunelle dans l'orbite, de telle sorte que lapupille n'était pas visible lorsqu'on soulevait lapaupière, puis par le caractéristique change­ment de contenance, enfin par la promptitudeavec laquelle je pouvais déterminer catalepsieet perte de . sensation dans quelque partiedu corps :que ce fût. Les plus remarquablesobservations durant cet: état portèrent sur .le

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES :j7

phréno-mesmérisme et la sympathie sensi­tive.

« Plaçais-je mon doigt sur l'endroit de latète correspondant à quelque organe phrénolo­gique donné, la faculté correspondante se mani­testait avec une perfection surprenante etmême anormale. Pendant longtemps j'estimaique les effets produits sur le sujet avaient pourcause mon désir de voir se présenter tellemanifestation particulière, mais je trouvai paraccident que quand, par ignorance de la situa­tion des organes, je plaeais mon doigt sur unendroit impropre, la manifestation qui s'ensui­vait n'était point celle que j'attendais, maiscelle qui convenait à la position touchée. Jem'attachai spécialement aux phénomènes dece genre et, par des expériences faites dansl'isolement et le silence, je me persuadaicom­pIètement que les effets n'étaient point dus à lasuggestion, c'est-à-dire à l'influence de ma pro­pl'e pensée. J'achetai pour mon. usage person­nel un petit buste phrénologique. Aucun desgarçons n'avait la moindre connaissance de laphrénologie, ni le moindre goùt pour cettescience ; pourtant, dès la première tentative,presque chaque fois que je touchais un or­gane, et cela .dans n'importe quel ordre eten parfait silence, la manifestation corres­pondante se déclarait, trop saisissante pourêtre feinte, et la représentation des diversesphases du sentiment humain s'offrit ainsi à moi,plus admirable que celle dont les plus grands

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38 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

acleurs sont capables de nous donner le spec­tacle.

« La sympathie de sensation entre monsujetet moi-même fut alors pour moi le phénomènele plus mystérieux que j'eusse-jamais constaté.Je trouvai que, lorsque je tenais la main demon sujet, il éprouvaitexactement les mêmessensations duc toucher,du goût, de l'odorat,que j'éprouvaismoi-m'ême. Je formai une chainede iplusieurs personnes'; à l'une des, extré­mités je plaçai 'le' sujet, à l'autre moi-même.Lorsque; .dans, un silènée parfait, rétais pincéou piqué, le 'sujet immédiatement portait samain à la 'partie' corresp'0n.dante de son proprecorps et se 'plaignait- d'être pincé ou piquéaussi. Si je Ù1~ttais dans ma' bouche un mor­ceau. de sucre . oude, sel, le sujet s'acquittaitimmédiat~mentdera~tiondé sucer,' etbiêntôtmontrait,par gestes 'et paroles de la nature laplus expressive,qu'lIéprotlvait'la m.êmes~n~sation que-moi.» (pp. 166-169'dela. traductionfl·ançais~.)

C'est en 1861 que l'on' commença àpréciser,les localisations cérébrales en les étudiant, nonplus seulement sur le' crâne,mais, sur le. eer-.veau lui-même. '

Pour être compris du lecteur, Hest, néces­saire de donner ,quelques détails, sur .la topo­graphie' du cerveau.

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 39

Je rappellerai d'abord que le cerveau secompose de deux hémisphères presque identi-

FIG. 6. - TOPOGRAPHIE DU CERYEAU.

Les circonvolutions cérébrales sont désignées par des. lettres capitales.

ques en apparence et reliés entre eux par desfibres (les fibres commissurantes) destinées, sui­

'vant M. Luys, à assurer par suppléance le bonfonctionnement de notre machine. La natureprévoyante nous aurait donné deux cerveaux,

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40 LES FRONTIÈRES DELA SCIENCE

comme elle nous a donné deux ·yeux, deuxnarines, deux oreilles, deux bras et deuxjambes.

Dans chaque hémisphère on distingue : àl'extérieur, une mince couche d'une substancegrise, la couche corticale , composée de trois -ouquatre rangées de cellules; à l'intérieur, unemasse blanchâtre, la substance blanche consti­tuée par des fibres nerveuses en rapport avecles cellules de la couche corticale. Deces fibres,les unes vont, comme. nous l'avons dit, à l'au­tre lobe; lès autres aboutissent aux nerfs. >

Les hémisphères sont creusés de nombreuxet profonds sillons dontI'effet est d'àugmenterlà superficie de la. couche corticale et qui per­mettent de diviser, un peu arbitrairementpeut être, le cerveau en uncertt\in nombrede cioconoolaiion», .

On remarquera-que. chaque hémisphère estconstitué par une espèce d'uêou:rbé autourdes fibres commissurantes. dont nous avonsparlé. L'intervalle entre les deux branches del'V se manifeste, à l'e](térieur. ducerveau, parla scissure de Sillvius. Ce~ deux.brancbes ses ubdivisent en quatre lobes, savoir: -

Deux dans la branche supérieure: le lobefrontal, situé. en .avant et le .pa:ri~tal, enarrière; ces deux lobes sontsépa,rés paruesillon profond appelé sillon (;entral (ou deRolando).

Deux .dans la branche inférieure: le lobetemporal et le lobe occipital situés, comme

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l<'IG. 7. "- CORRESPONDANCE El'TRE I.ES LOCALISATIONS CÉRÉBR.\.I,ES ·ET l,ES SUTURES

DU CRANE, d'après une épreuve radiographique publiée par le journalLa Radiographie -sept, 1891).

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42 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

leur nom l'indique, ea regard de la tempeet de I'oeeipus, et dont"la séparation est peunette.

Chacun des lobes est subdivisé lui-même, pardes plis plus ou moins profonds, en circonvo­lutions.

Dans le lobe frontal on en trouve trois, Fi, F2,Fa, qui se greffent sur la circonvolution fron­tale ascendante (F A).

De l'autre côté du sillon central se trouve lapariétale ascendante (P A) sur laquelle segreffent, se dirigeanten arrière, les deux' autrescirconvolutions pariétales, Pi, P2•

Sur la deuxième pariétale se greffent les troiscirconvolutions "temporales Th T2, et Ta.

Enfin, les trois occipitales, o., 02, o, vontse relier aux pariétales et aux temporales.

Cette topographie sommaire nous suffirapour des recherches qui manquent encore deprécision (1).

1. Laflgure 7 montre.comment les circonvolutions cérébralessont disposées par rapport aux sutures du crâne. En voici lalégende: .

S. R. Scissure de Rolando. - S. S. Scissure de Sylvius. -C. F. A. Circonvolution frontale ascendante. - lroC. F, Pre­mière circonvolution frontale.- 2~' C. F. Deuxième circonvolu­tion frontale. - 3° C: F. Troisième circonvolution frontale. ­C. P. A.Circonvolution pariétale ascendante. - P. C~ Plicourbe..... L.P. S. Lobule pariétal supèrîeue, -L,~.}.Lohlliepariétal Inférieur', -- 1'° C.·T .:Première ci,rconvolution tempo- .rale, - 2° C. T. Deuxième circonvolution temporale avec unedivision postérieure ou troisième temporale. ~ C. O. Circonvo­lutions occipitales. - Sut. F. P. Suture fronto-pariétale, -

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 43

Broca, étant chirurgien à l'hôpital de Bicêtre,observa, en 1863, à quelques mois de distance,deux malades ne pouvant plus articuler un 'mot,bien qu'ils eussent .eonservé leur parfaite intelli­gence et que les muscles de la langue et du larynxne fussent point paralysés. Tous deux, à l'autop­sie, montrèrent une lésion du cerveau occupantexactement la partie postérieure de la troisièmecirconvolution frontale gauche. Deux ans aprèson se trouvait en possession de onze autres casidentiques (1); et, toujours chez ces aphasiques,seule la frontale gauche était lésée. C'est avec'stupéfaction que Broca observa ce fait qui luiparaissait en. contradiction avec toutes nos con­naissances; en psychologie cérébrale ; mais ilfallait se rendre à l'évidence. Broca fit remar­quer alors que l'homme s'habitue dès l'enfanceà répartir entre les deux hémisphères les actesdifficiles et compliqués; c'est ainsi que la plu­part des hommes seservent de préférence dela main droite dirigée parl'hémisphère gauche;quoi d'étonnant que l'enfant s'habitue. à diri-

Sut. T. P. Suture de l'écaille du temporal avec le bord infé­rieur du pariétal. - Sut. sph. Suture sphèno-pariétale , - S~t.

sph. T. Suture sphêno-temporale, - Sut. O. P. Suture occi­pite-pariétale,

Le trait en pointillé circonscrit la silhouette du ventriculelatéral du cereeau avec ses cornes frontale, occipitale et sphé­noïdale.

1. L'autopsie montra chez Gambetta, le grand orateur, undéveloppement énorme de la troisième circonvolution cérébralegauche.

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4i LES FRONTIÈnE8 DE LA SCIENCE

ger, avec l'hémisphère gauche, la mécaniquedélicate du langage ? Mais' s'il est vrai que lesdroitiers, gauchers du cerveau, se servent del'hémisphère gauche pour le langage, chez les

. gauchers c'est à l'hémisphère droit que doitêtre dévolue cette fonction. C'èst ce qu'ontprouvé de nombreuses observations (1).

.En 1873, Hitzig opéra directement sur la sur­face corticale mise à nu chez un chien vivant etconstata que l'excitation de certaines régionsdéterminait la eontracture :de certains groupesmusculaires.

La même année, David Ferrier fit des expé­riences .<le même nature sur le singe et trouvaque le cerveau de cët animal 'présentait, "à cepoint de vue, une analogie complète avec celuide l'homme.Ufutamené ainsi'â déterminerun gl'àndn.~nlbre~~_cèntresnioteursdont jeme contenterai d'{mumél'er les principaux, pourmontrer combien ils sont-spécialisés, mais dontil serait dift!cile d'indiquer l'emplaceIllentexactsans employer des termes trop techniques (2).Ce sont : tu les ·centresdesmel11bres .inférieurs;2' les centres des membres supérieurs (épaules,

1. Le D' Luys a rapporté dans les Annales de psychiatrie etd' hypnologie des expériences de suggestion, exercées àvolonté sur la moitié droite Où la moitié. gauchedu corps, quiprouvent que la parole peut se produire soit avec le lobe droit,soit le lobe gauche, mlsisolément en action.

2. Ces emplacements sont du reste discutés par les nombreuxphysiologistes qui ont étudié la question.

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LES LOCALl8ATlO:'\S CÉRÉBRALES 45-

coudes, poignets, doigts, pouces); 30 les centres.des mouvements de la face (joues et commissu­res buccales, mouvements d'adduction des cor­des vocales' et mouvements de la gorge, mouve­ments d'ouvertureet defermeture dela bouchc,.protraction et rétraction de la langue, mouve­ments du plancher buccal) ; 40

. centre des mou­vements du tronc et de l'abdomen; 5° centredes mouvements de la tète et du cou; 6° centrede la langue'; 7" centre des mouvements desyeux; 8' centre de l'aphasie (aphasie motriced'articulation, agraphie, cécité verbale, surditéverbale); go le centre visuel; iO° le centre audi­tif, etc. (I),

1. Le 2i juillet 18i1, David Ferrier, ayant à soigner un apha­sique, le trépana en prédisant qu'il allait trouver une lésion dela troisième circonvolution ascendante gauche; ce qui arriva.

Le Dr Lucas-Championière a appliqué avec succès le trépanaux affections nerveuses non traumatiques et a publié en 18iSun livre intitulé: La trépanation guidée par les localisationscérébrales.

D'après Le Fort (Topographie cranio-cérébrale, Paris, 1890)on aurait déterminé un plus grand nombre de centres psycho-·moteurs et sensoriels de l'écorce. Dans sa planche II, cet auteurindique les suivants: Centre des mouvements rotatoires de latête. C. des mouvemenls du cou. C. des mouvements des yeux.C. de la mémoire motrice verbale. C. des mouvements du tronc.C. des mouvements du coude. C. des doigts. C. de la face sUIJé­rieure et des angles de la bouche. C. des mouvements des cor­des vocales. C. des .vmvemente du pharynx. C. du gTOS orteil.C. des mouvements (, l'épaule. C. du poignet. C. de la han­che. C. du pouce. C. de la face et de la langue. C. du sensmusculaire .. C. des mouvements de la jambe.: C. dc I'élèvationde la paupière. C. de la mémoire des mols écrits. C. de la visionbinoculaire. C. de la vision. C. des sons verbaux.

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,16 LES l<ÎlONTIÈRES DE LA SCIENCE

En 188 ft" M. Dumontpallier reconnut qu'ilpouvait-produire l'aphasie sur deux hystériquesde son service, en état de somnambulisme, parune simple pression sur la tempe gauche; maisil constata que I'aphasie se produisait égale­ment par la pression sur la-tempe droite. Lapression. sur les mêmes points, à droite commeà gauche, déterminait la perte du langage écritque l'anatomie a montré localisé, ainsi que nousle dirons plus .loin, dans la deuxième circonvo­lution frontale. On voit d'après eela: d'abord,que les points homologues des deux hémisphë­l'es cérébraux peuventêtre .inhibés à la fois parune action exercée sur l'un d'eux seulement;ensuite, que les parties de l'enveloppe exté­rieure qui agissent sur ces points ne sont pasnetternent.défimitées. Ce dernier fait tient sansdoute à. la répartition du' rêseall sanguin; ilsuffit, je suppose, de comprll1lerune artère pOUL'modifier l'état des cellules cérébrales placéessur son'trajet (l).M.:bu~ontpal1iero~servaencore, sur ses

deuxsujètsà l'étatsomnamhuligue, que limoindre pression exercée sur' le point du crânecorrespondant à la première. circonvolutionfrontale (gauche ou droite) amenait la perte du

LM. Luys admet que les attouchements sur le crâne d'unepersonne vivante pouvaient modifier son état cérébral « envertu des liens sympathiques qui unissent la circulation du cuirchevelu à celle des régions sous-jacentes du cerveau', »

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LES LOCALISATIONS CÉHÉBRALES nsouvenir de l'usage des objets. Ainsi quand onprésentait au sujet une clef, il pouvait dire ceque c'était, mais il ne se rappelait pas à quoielle servait.

A l'école de médecine de Rochefort, MM. Bu­rot, Bourru et Berjon ont constaté qu'un cou­rant quelconque appliqué sur la tète, en despoints déterminés,. produit des mouvementsdans les membres et dans la face du côté opposé,quand les électrodes sont placées au niveau dusillon central,' près de la ligne médiane. Lesmouvements commencent par le bras, la jambeou la face, suivant la position des électrodes :un peu plus bas, un peu plus haut, un peu plusen avant ou un peu plus en arrière du' sillon(ou plutôt .d'une ligne verticale prolongée duniveau du pavillon de l'oreille à la suture sagit...tale). Les rhéophores placés sur les lobes e,0s­térieurs donnent lieu à des mouvements dans lebras du mèrne côté. Ces phénomènes se pI'O­duisent également du côté droit et les résultatss'obtiennent à l'état de veille comme en som­nambulisme (1).

MM. Binet et Féré ont abordé la question deslocalisations cérébrales par une autre méthode.Ils avaient reconnu qu'en opérant, avec unaimant, le transfert des hallucinations unilaté­rales, les sujets soumis à l'expérience accusaientspontanément des douleurs de tète oscillant

1. BEI\JOX. La grande hystérie chez l'homme. Paris, 1886.

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48 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

d'un côté à l'autre du crâne et se fixant en despoints symétriques parfaitement déterminés,suivant la nature des hallucinations.

Ces points se trouvent, pour le transfert del'hallucination visuelle, un peu en arrière et au­dessus du pavillon de l'oreille, c'est à-dire dansla région où P2 se joint à T2' Dans le transfertde l'hallucination de l'ouïe, le point .douloureuxest situé au milieu de l'espace compris entre lapartie antérieure du pavillon de l'oreille etl'apophyse orbitaire externe (1), c'est-à-dire àl'extrémité antérieure de T2•

M; Durville, directeur du Journal du J.lfagné­lisme, a déterminé également un certain nombrede localisations indiquées dans la figure 8 entouchant simplement le crâne d'un sujet en­dormi. Les mêmes points, qui se retrouventsymétriquement .placés de chaque côté ducrâne, déterminaient l'excitation ou la sédationde la faculté correspondante, -suivant qu'ils­étaient touchés avec un doigt de l'une ou del'autre main, d'après les lois de la polarité (2).

J'ai essayé de répéter ces expériences,etje les ai vérifiées en partie. Voici les résultats

1. M. Luys possédait dans sa collection le crâne d'une femmequi a été sourde pendant quarante ans et où cette partie ducerveau est complètement atrophiée.

2. Au moment de mettre sous presse, je reçois le numéro duJournal du Magnétisme (3" trim. 1903) où M. Durville a inséréun important article sur les localisations cerebrales.

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 49

FIG. 8. - LOCALI~ATIOXS CÉRÉBRALESd'après-M. Durville,

CEN"TRES ~IOTEURS ET SEN"SITIFS.

1, Centre sensitif du bras, - 2, Centre sensitif de la jamhe.­a, Centre moteur de la rate. - 4, Centre des nerfs spinaux.'- 5, Centre moteur de l'oreille. - 6, Centre moteur de latête, de la langue et du cou (il gauche, l,"tngage articulé deBroca). - 7, Centre moteur du cœul'. - 8, Centre sensitifdes seins. - 9, Centre sensitif des poumons. - 10, Centredu foie. - 11, Impression, croyance, - 12, Centre du nez.-13, Centre moteur de l'estomac.- 14, Centre génésique.- 15, Coordination des mouvements, tact. -16, Centre dularynx. - 17, Centre sensitif de la houche et des dents. ­18, Centre de l'audition. - 19, Reins, organes génito-uri­naires. - 20, Centre de la vision. - 21, Centre moteur dt'l'intestin.

FACUl,TÉS MORALES ET I~"TELLECTUELLES.

A, Douceur à gauche, colère à droite. - B,. Formes de lamémoire. - B'à gauche, souvenirs gais; envie de i-ire et dese moquer , prendre tout en rinnt ; satisfaction. - B'à droite,souvenirs tristes; rend sombre et rêveur; mélancolie. mécon­tentement. - C, Gaîté à gauche, tristesse à droite. - D, Atten­tion. - E, Volonté.

4

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50 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

que j'ai obtenus assez souvent pour qu'on nepuisse les attribuer au hasard, toutes les pré­cautions" étant d'ailleurs prises 'pour éviter lasuggestion (Fig. 9).

En touchant la partie' du crâne située à 2 ou3 certtimètresen arrière de la partie supérieuredu pavillon de l;()reille, j'.\Î provoqué la colèredu côté droit et Ia bienveillance du côté gauche.De même la pression sur les milieux des côtésdu front donne ',des idées gaies à gauche ettristes à droite. Je-dois ajouter que ces phéno­mènes sont-vquelquelols inversés, quelquefoisnuls.

La pression de la saillie occipitale no 18détermine généralement des idées érotiques (1)et celle du n!! 19 des idées d'orgueil.

Les mouvements des bras et des jambes sont

1. « Il est des femmes de quil'onnepeut dire ni qu'ellesont de bonnes ni qu'elles ont de mauvaises mœurs, Une de cesfemmes d'une vertu douteuse .entra comme j'étais à écrire surmon moine noir . ...;, Maitre Malchus, me dit-elle, mon mari ala puce à l'oreille; autrefois, lorsque nous étions couchés dansnotre grand lit, il se mett~it au milieu, . et suivant l'usage, ilfaisait mettre son ami à côté de lui ; maintenant il neleif~t

;';:/~",,.:.

plus. Moi, mattre Malchus, continua-t-elle cn baissantIà'fête,et en me montrant le derrière du cou, j'ai là lineautre puce,et la mienne est ensorcelée: voyez de' m'en délivrer. - Made-'leine, lui répondis-je, les sorciers ne peuvent se réduire jusqu'à.la petitesse de la. puce; les femmes seraient trop. exposées, etelles le sont déjà assez. »

MONTlHL, Histoire des.Français des divers États~ Tome II. ­Les plaintes des divers F:tats. - Histoire X : Le sorcier. .

..

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 5t

obtenus par des pressions sur les points nos 14et 15 au-dessus de l'oreille, Chez quelquessujets, on détermine le mouvement des membres.du même côté; chez d'autres, le mouvementdes membres opposés.

FIG. 9. - LOCALISATIONS cÉaÉBa.u.Es.

Les localisations sont désignées par des chiffres ou des groupesde trois lettres.

:Les localisations des sens sont plus cons­tantes. On supprime le goût et l'odorat par lapression 'des points 7 et 8 situés à l'occiput.La suppression n'a lieu que du côté où a été

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52 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

effectuée la pI·èssiori. Il en est de même pourle point 6, à la partie supérieure de la tempe,qui correspond à rouie.

En pressant le point n° 9, on rend le sujetaveugle, et une pression un peu en arrière(no 10) détermine l'arrêt du mouvement desyeux.

Au point 11 correspond le mouvement deslèvres ; au point 12 celui de la tète et du cou ;au point 13 celui de tout le corps.

L'extase est provoquée par la pressionsur le point n° 17 au sommet de la partiemédiane du front, là où Ïes initiés étaient mar­qués du sceau divin. La pression au-dessous(n- 16) amène simplement les idées religieuses.

Le n° 20 est; chez presque tous les sujets, unpoint hypnogène dont la pression ramène lamémoire-pcopre à l'état somnambulique.

En effleurant à peine ce point sur une robuste. femmede quarante ans, peu sensible d'ailleurs,j'ai déterminé un état d'inertie complet qui aduré plus d'une minute.

Entre le n° 20 et la racine du nez se trouveun point correspondant au sentiment de l'équi­libre. Je rappelle, que dans les luttescorps :àcorps, c'est cet endroit-là qu'on cherche àfrapper avec le poing pour étourdir son adver-saire. .

La pression sur la racine du nez n- 1 sup­prime la mémoire dès noms propres. Onsupprime seulement la mémoire des noms deschoses en pressant le point n" 3 à l'angle supé-

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 5;)

rieur du front, la mémoire de l'usage des chosesen pressant le point n- 4 situé un peu au­dessous, et la mémoire des lieux en pressant leno 2 situé au-dessus du milieu de l'arcade sour­cilière.

La pression du point no 5 sur le milieu dela tempe détermine l'aphasie. Le sujet conservela liberté de la mâchoire, de la langue et deslèvres, mais ne peut plus articuler ; I'eflet seproduit aussi bien à droite qu'à gauche.

La pression du point 21 situé au bas de l'oc­ciput agit sur la respiration.

Dans tous les phénomènes qui précèdent, lapression produit le mème effet, quel que soitl'objet qui presse, quand cet objet n'est paspolarisé ou qu'on ne laisse pas à la polarité letemps d'agir.

Toutefois, ce que l'on obtient par la pressionet la friction, on peut l'obtenir également parune action suffisante de polarité, l'action enisonome agissant comme la pression et l'actionen hétéronome comme la friction.

Ce que la pression fait, la [riction le défait:l'une arrête la circulation, l'autre la rétablit (1).

. L Je n'ai pas la prétention de donner une explication du'phénomène, mais je crois qu'on pourra la trouver dans desconsidérations analogues à celles que je reproduis ci-dessousd'après un article inséré en mai 1890 dans les Archivés géné­rales de. médecine.

« Vu la mollesse du cerveau, le sang varie dans sa quantité,

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,i1

\

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\11

54 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

Ainsi, mettant le sujet en état de catalepsie

avec une extrême facilité; par suite, les capillaires plus oumoins dilatés, compriment plus ou moins les éléments nerveuxqui les entourent : ces variations sont infinies j elles peuventaller. de l'hémorrhagie cérébrale, qui est la rupture par excèsde dilatation, jusqu'à la syncope qui suitIeur- resserrement.Entre ces extrêmes, sont la congestion, les délires, l'excitationintellectuelle et le fonctionnement normal du cerveau. Enfin,'Surviennent les troubles provoqués par l'ischémie qui sont: lesdépressions des facultés Intellectuelles, le sommeil et certainespertes de connaissance.

"Je prends un exemple.Un homme éprouve une émotion vive:il rougit ou pâlit; c'est que les capillaires de sa face se sontrelâchés ou contractés, sous l'inûuence de leurs vaso-moteurs.lesquels sont mis en action d'une façon encore inconnuellar' les centres nerveux' qui ont perçu l'émotion. En ce quitouche le cerveau, les capillaires dilatés ou resserrés agissent'Sur les éléments nerveux, lesquels, enfermés dans une boîteinextensible, .suhissent une action plus ou môins violente.Ici, plus de' rougeur, ni de pâleur, du moinsapparentê, maisexcitation, congestion, apoplexie, ou abattement et syncope.

" La pensée de rapporter à la circulation les désordres desfonctions nerveuses, s'applique mieux encore à la,' pathologiequ'à l'analyse de l'existence ordinaire. Ainsi admettons que lephénomène que nous venons d'indiquer se passe au milieu deséléments d'origine des nerfs des sens, le malade aura des hill­Iucinations. Si' ce sont des éléments moteurs ou sensitifs qui

'Sont troublés dans leur arrangement normal, surviendront destroubles dans la sensibilité et dans la contraction musculaire,comme des convulsions, de la contractere, de la paralysie,des névralgies, de l'anesthésie, ou de l'hyperesthésie; il ne-saurait en être autrement, pour les éléments .nervoux, despoints du cerveau qui président à telie ou telle 'fonction d'un-ordre plus élevé, tels que l'attention, la mémoire, l'imagination,l'association des idées,et~... . '

« Alors surgiront de l'incohérence, du délire, de la manie, deI'amnésie, ete., etc... En un mot, pour moi,toutes les lèsionsdes fonctions cérébrales sont dues, la plupart ilutemps, à untrouble apporté dans les origines de leurs nerfs par le sangqui circule d~lIS la trame nerveuse de ces origines. Il

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 55

totale par l'imposition de la main droite, jeréveille, comme l'ont indiqué MM. Binet etFéré, séparément chacun des sens dont l'exer­cice est suspendu, par la friction du point ducrâne correspondant.

Il y a une loi plus générale à laquelle se rat-.tache cette observation. Quand le sujet est trèssensible, il suffit d'augmenter progressivementla pression pour produire successivement lacatalepsie, le somnambulisme et la léthargie deI'organe sur lequel on agit;à raide des frictionson fait repasser l'organe par les mèmes phasespour le ramener à l'état normal. Je presse, parexemple, le point 140u 15, le membre actionnése soulève d'abord en prenant la raideur cata­leptique; si la pression continue, le membreretombe, il éprouve des fourmilleme:uts, et onpeut alors lui .donner la suggestion d'exécuterun mouvement déterminé à une époque déter­minée; le mouvement s'exécutera, comme il aété dit, sans que le sujet en ait conscience. Lapression continuant encore, le sujet cesse d'avoirla sensation de son membre qui est complète­ment inerte 'et sensible. On obtiendra des phé­nomènes analogues en pressant de plus en plusle point correspondant à un sens, tel que len° 9 du côté droit; l'œil droit commencera pardevenir presque insensible à la lumière, puis il

. deviendra suggestible et enfin le sujet n'auraplus conscience de cet organe.

Une friction sur les points commence parannuler les effets produits par la pression et,

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56 LE~ FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

si elle se prolonge suffisamment, elle produit leseffets inverses (1). Ainsi une friction sur la par­tie supérieure du milieu du front (n" 16) finitpal' évoquer des idées criminelles; sur le n° 2,elle amène la perte de la mémoire en général,tandis que la friction surIe n° 1 rappelle lamémoire spéciale du nom des personnes, mé­moire qui avait été supprimée par une pressionsur ce point.

Cette propriété permet de faire, pour ainsidire, la preuve par suggestion des localisationscérébrales. Par exemple, je dis au sujet: « Auréveil, vous aurez oublié votre nom.» Au réveil,il l'a oublié et je ramène la mémoire du nompar une friction sur la racine du liez. Ou bien:« Au réveil, vous ne pourrez plus remuer lajambe droite» ; l'effet se produit et il disparaîtpar une friction sur le point 15.

La friction doit, pour ètre efficace, s'exercersur le point précis; cependant il arrive «ue cer-

1. Un pincement peut produire le même effet qu'une friction,En pinçant Benoit au front à l'état de veille on ne produit rien,mais à l'état de rapport, où il est plus sensible, on le fait.v~nser aux femmes ;en le pinçant à la saillie occipitale ondétermine au contraire les idées religieuses.

Cela explique le fait suivant rapporté par le bibliophile Jacob(Curiosités de l'histoire des croyances populaires, p. 223) ettiré des archives d'Epinal: « Dans un procès de sorcellerieen 1632, le curé Cordet, qui fut jugé et condamné à Epinal, étaitaccusé d'avoir introduit au Sabbat la ribaude Cathelinotte etde l'avoir présentée à Maitre Persin, J1ommegI'and et noir,froid comme glace et habillé de rouge. qui pinçait au front sesnéophytes pour leur faire renier Dieu et la· Vierge. »

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 5i

taines suggestions, notamment celles qui onttrait aux mouvements, disparaissent aussi parune friction sur le sommet de la tête; on remar­quera, en effet, que la pression sur le vertex(no 13), commande aux mouvements de tout lecorps. Il y a là des phénomènes complexesqui n'ont point encore été suffisamment ana­lysés.

Chez certains sujets d'une sensibilité excep­tionnelle, comme LIna, on arrive à déterminertous les effets produits ordinairement par lapression ou la friction, simplement à l'aide durayonnement des doigts ou même du regard, lafixation prolongée agissant comme la pression,et les passes rapides à distance comme la fric­tion.

En 1887, pendant que je m'occupais de cesrecherches, :M. Mathias Duval résumait, dansune conférence claire et précise faite à la Sociétéd'anthropologie, les résultats qu'on pouvaitcnosidérer comme certains, relativement auxcentres de la mémoire.

La lésion de la première temporale gauche,disait-il, produit, chez un individu droitier, laperte de la mémoire des sons verhaux, c'est-à­dire que l'individu entend, raisonne, mais aoublié le sens conventionnel attaché aux motsdont on se sert pour lui parler dans les languesqui lui sont familières. La première tempo­rale gauche peut donc être considérée comme

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58 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

le siège de la mémoire auditive verbale (m av)(Fig. 10) (1).

La seconde pariétale gauche correspond à lamémoire visuelle vél'bale(m V· il); c'est dans cettepartie ducerveauque~'enlIlaBasiIient,les. sou­veuirsà1'aidedes<ruelsJes.· signes. des lettresévoquent desjdéescoIlventionnelI~s.Laper­sonne ,cheziqui cette partie n'a plus la vitaliténormale ne sait plus Iire,·'lll.ais elle peut encoreécrire (2). .

Le 'souvenir desmouv~l1lents.'9;u'il faut fairepourtracerlesdiyerses<lettres> (le l'écriture, lamémoiremotriceflfaphique(m m'fl)est localiséedans la partiepostéi:'ieur~,de la seconde fron­tale gauche.

1. « Un des malades observés s'est peu à peu rétabli d'~nèattaque d'apoplexie, mais il ~emble être ~esté sourd et idiot,car il répond.detravers·aux qÙèstions'qu'o-nluip'ôse et il ne.comprend pas la conyersàtion. CepemJant, lorsqu'il parJe spon­tanément ou qu'ii. répond à sa prop~e pensée, i\s'exprime fortcorrectement: de même il l:épond. d'une .façon ' normale aux'questions posées par écrit. Ce n'eiltdônô pas l'iritelligencequ'il a perdue; il lui nianqij~;deêomprèndrele langagé 'parlé.·Quand il entend parler sa languemliternelle, c'est comme sïlentendait ùne langue complètement incon~ue de lui; il necomprend plus les mots entèndus: JI est frappé dè sùrdité ver-bale. » . . . ..... '.' . ....

2. Cette maladie fut observée poudaprem,ière fois chez. un-commerçant. « Il veut envoyer un ordre par écrit relati( à sesaffaires; il écrit lisiblement ;. croyant .avoiroubHé .quelque-chose dans sa lettre, jl la reprend et alors' se 'révèle, dans son .origine fantastique, lé phénomène :quenous allons étudier.' 'u.avait pu écrire, mais il lui était impbssibkde relîre son écri­ture. U ne peut lire, il ne peut c~mprèridrece qu'il écrit; Il est.atteint de cécité verbale: »

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 59

Enfin, on trouve, dans la partie postérieurede la troisième circonvolution frontale gauche,le siège de la mémoire motrice verbale (m m v)dont l'effet est de retenir les mouvements àl'aide desquels on peut exprimer ses penséesavec la parole. C'est la localisation qu'avaitdéterminée Broca_et qui est marquée du no 5dans la figure 10.

.....--_./

FIG. 10. - LOCALISATIONS CÉRÉBRALES.

Les localisations spéciales de la mémoire sont désignéespar des groupes de trois lettres italiques.

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no LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

Toutes ces localisations ont été reconnues,gràce à l'autopsie, chez un certain nombre depersonnes qui, de leur vivant, avaient étéatteintes des infirmités correspondantes.

J'ai également vérifié sur un certain nombrede sujets ces localisations nouvelles. Il 'meparait intéressant de donner quelques détailsSUl' la manière dont les choses se sont passées

.dans la première série d'expériences faites surBenoit, alors àgé de dix-huit ans et assez intel­ligent pour bien se rendre compte de cequ'iléprouvait. Il ne se doutait nullement de ce quej'allais essayer; je l'avais mandé aussitôt aprèsavoir lu l'article de la Revue que je venais derecevoir par la poste.

J'exerce d'abord quelques pressions un peuau-dessus de l'oreille gauche en le priant de mefaire part de ses sensations.' Suivant le pointqüe je touche, il me dit qu'il sent son bras ousa jambe se soulever. Puis, comme je continuaismon exploration, il sefait. Je I'interrogè denouveau, il ne me répond pas ; je fais tomberun livre, il regarde l'endroit d'où part le bruit.Maintenant le doigt de ma main gauche sur lepoint pressé, j'écris avec la main droite: « Quevous arrivet-il ? » Il me-répond qu'il ne com­prend pas quand je lui parle, qu'il n'entend quedes sons n'ayant aucun sens. Le point pressécorrespondait doncbien à-la mémoire auditiveverbale (m a v) ; il est à environ 4 centimè­tres au-dessus du bord supérieur de l'oreille,immédiatement au-dessus de celui qui com-

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LE8 LOCALISATIONS CÉRÉBRALES (Ji

mande le mouvement de la jambe. En augmen­tant la pression, je détermine l'aphasie; enl'augmentant encore, je détermine le sommeil.

Je recommence l'expérience dans la régiondes points 9 et 10 qui correspondent à la vueet au mouvement des yeux, en le priant de liredans un livre que je lui présente; après quel­ques tâtonnements, je supprime la mémoirevisuelle verbale ; Benoît voit les lettres, mais ilne sait plus ce qu'elles signifient. Le pointmarqué (m D D) est à environ G centimètres au­dessus du lobe de l'oreille et en arrière; il seconfond presque avec le point 10, mais un peuau-dessus.

Restait à déterminer le siège de la mémoiremotrice graphique (m ln g). Je l'ai retrouvévers le sommet de la tète, mais plus en arrièreque ne l'indique M. Mathias Duval et, au lieu den'occuper qu'un point, comme les précédents, ils'étend sur une longueur de 3 ou 4, centimètressur PA et Pi. Le sujet étant en train de copierun article de journal, je pressai l'une des par­ties de cette zone, il s'arrêta, ne sachant pluscomment traduire en écriture cursive ce qu'illisait. J'insistai pour qu'il écrivît ; il continua,mais lentement, en dessinant les lettres tellesqu'il les voyait. C'est ce qu'on peut reconnaîtredans le fac-simile ci dessous qui reproduit troisexpériences successives.

Si maintenant,au lieu de presser les pointsmm D, ln a D, ln D D, ln ln g, on exerce sur euxune friction un peu prolongée, on détermine

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62 LES FRONTIÈRES DE I.A SCIENCE

dans les deux premiers cas, la volubilité de laparole; dans le troisième et le quatrième,une plus grande facilité pour lire ou pour écrire.Lavérification par les suggestions a été employéedans ces quatre cas, ainsi que nous ,l'avons

FIG. i1.-Perle de la mémoire graphique.

indiqué plus haut, et a produit des .résultatsaussinets.'

Il ne faut pourtant point trop se fier à ceslocalisations, non seulement à cause des erreursd'expérimentation si 'difficiles à éviter quandon est obligé de, se fier aux dires des sujets,mais, aussi parce que l'on n'est pas encore bienfixé sur les concordances ,. des circonvolutionset de la: boîte cranieune, concordances qu'oncherche à déterminer avec les rayons X ainsique nous l'avons montré dans la figure 7.

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LES LOCALISATIOXS CÉRÉBHALE8 63

On conçoit, cependant, dès aujourd'hui, quel'on puisse arriver, en donnant une série de sug­gestions simples, et en cherchant par tâtonne­ment quels sont les points du cerveau dont lapression ou la friction fait disparaître ces sug­gestions, ft déterminer de nouvelles localisationscérébrales. La plus grande difficulté consiste àtrouver, a priori, les éléments de nos actes psy­chiques. Cependant, on peut se servir desobservations de Gall et de ses disciples, commede jalons, pour s'orienter dans ces régionsinconnues.

On remarquera, eneffet, que déjà nous avonsdes points communs. C'est vers le point 1 queGall avait placé la mémoire des personnes, etvers le point 18, l'amour physique. Quant à lathéosophie (vénération de Spurzheim), il la met­tait beaucoup plus en arrière que nous, maiségalement sur la première circonvolution fron­tale.

Voici quelques observations nouvelles faitesen partant des données du célèbre phrénolo­giste.

Benoit a reçu la suggestion de ne plus recon­naître les couleurs: il ne les reconnaît plus. Jefrictionne la partie de l'arcade sourcilière situéedu côté interne de l'œil, lasuggestiondisparaît.Inversement je presse, à l'état normal, cettepartie de l'arcade sourcilière, j'oblitère le sensdes couleurs. Gall l'avait placé au milieu de l'arcdes sourcils, là où j'ai constaté la mémoire deslieux.

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64 LÉS l<'RONl'IÈRES nE LA SCIENCE

Les numéros 8 et9 de la nomenclature deGall occupent tout l'occiput à peu près entreles régionsmmg etm ~v·v; ils correspondent àl'orgueiIrà l'alîlbiticm, à la vanité... En agissantsur la pal'tieque fai m~rquéeduno20,. à.I'étatde veille •chez Benoit, •...•. je'n'obtiens aucuneréponse, parce quelesuj~tneserendpasuncomptesuffisamfl!çntnetd'impressions faiblesou pent-'êtrepal'ce qu'ilhli répugne de lesexprimer; mtlÏs.,•.quaIl~le·sujetesten somn~m­

hulisme,lafrictioil~éterminçuna9cèsd'humi­

lité : Benoltregretted'avoir~cbetéunchapeau ;unecas.quette conven~ilhieIllIlieu~à sa.situa-­tion suhaltel'ne;ilprend>uniair tristeetdéclareque. déso~lll~isiIIl~ifeI'clr~f~us~etemps>à satoilett~.~~·pr~~.~i~ll2~S\B}êm~~g()~~ts·lefaitau•••coIltI'aiI'e.s~~~~r~~s~~l·ilaft~~t~ll~~ .!H~re .~cOl).quéI'ant~·;il)ç.sttr~s,itiç~ •.,~~sa~on:o.çt~ur- .,nure·.et.·t~ouvem.u.e·.sa ja5J.M~tt~;~llii'V.~·très·;bien.

Il semble.•. <Jlle.c~e~tl~fIi?ti?~,et;n()Il1a.I?res­8ion,quidevraitt~llj()U~sm~~clgireiH~tfet., qui ~

suivant GaIÎ, sema~ifestepar.u~posse.Quandcela ne se Pl'ésentait.pas~je~efaisaisl'expé-..rienceplusieurs.·.•fois~.~r. ?ellx •.·.slljets,~iffér~ntset en.va riant lesmétho~es;j'aitoujQ~rsobtenules Illêmesrésultats. Ce·.quiprouy~;.que toutn'est pas encore bien clair dans cet ordre dephénomènes.

En .l'ésumé,nousvoyons . que ••• dessavanfsetdes. observateurs,appartel)allt auxécolesl~s

plus diverses et operant. par çlesméthodes tout

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 65

à fait dissemblables, s'ils diffèrent souvent parles détails, sont néanmoins tous arrivés auxconclusions générales suivantes:

1° Notre cerveaupeut ètre considéré à la foiscomme un appareil récepteur où s'enregistrentles impressions sensorielles et comme un appa­reil moteur qui gouverne les mouvements desdifférentes parties de notre corps, chaque partiede l'instrument ayant une destination spécialeparfaitement connue de notre esprit qui en joueinconsciemmeni,

2° Dans certains cas particuliers, cet instru­ment peut ètre mis en jeu par d'autres agents:non seulement par des actions mécaniquesexercées sur la surface du cerveau mise à 'nu,mais par des actions exercées à travers le crâne,quelquefois à distance, et paraissant dues à desradiations ou à des vibrations dont la natureest encore mal définie.

,Quel que soit le degré de certitude que l'oncroit avoir trouvé dans la détermination deslocalisations elles-mêmes, il n'en reste pasmoins un ensemble imposant de constatationsqui nous conduiront probablement, un jour oul'autre, à l'explication rationnelle de la sugges­tion mentale et de la télépathie.

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LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES G9

Depuis que l'article précédent a été/écrit, j'aieu l'occasion de vérifier mes assertions sur unassez grand nombre de sujets, notamment pourles points 16 et 18 qui ont donné lieu à unepreuve singulière.

Pendant l'hiver 1902-1903 j'ai connu à Lis­bonne une dame d'origine française, trèscurieuse, très intelligente, qui voulut savoir sieUe serait un sujet; ce dont elle ne se doutaitpas, bien qu'elle frisât la quarantaine.

Je la magnétisai plusieurs fois et l'amenaiassez rapidement à l'état de somnambulisme.Comme elle était excellente musicienne, mapremière idée fut de la développer dans le sensde Lina, c'est-à-dire de lui faire mimer les sen­timents exprimés par la musique. Malgré mesefforts je n'obtins absolument rien de ce côté,pas plus que je n'obtins l'extériorisation de lasensibilité; ce qui prouve qu'on ne déterminepas la nature et la marche des phénomènes parsuggestion plus ou moins inconsciente, mais quechaque sujet se présente avec des aptitudesparticulières. En revanche Mme Louise se mon­tra de suite fort sensible aux suggestions etaux localisations cérébrales; tellement mêmequ'au bout de quelques séances, il me suffisait,lorsqu'elle était en état de somnambulisme, defixer fortement mon regard sur telle ou tellepartie de sa tète pour déterminer le même effetqu'avec une pression du doigt.

C'est dans cet état qu'ayant déterminé un

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LES LOCALISATIONS CÊRÉBPiALES 73

jour l'extase religieuse, par mon action SUI' lepoint 16, je la priai de me décrire ce qu'elleressentait. Elle me répondit qu'elle se rappelaitsa première communion et qu'elle éprouvaitles mêmes sentiments de ferveur qu'à cette épo­que. Je la priai alors d'aller au piano etd'exprimer ces sentiments par la musique quiest bien plus propre que la parole à rendre des« états d'àme » plus ou moins vagues. Elle lefit et improvisala musique de. la page66. Je luisuggérai de se la l'appeler au réveil et de lanoter, ce qu'elle fit (1).

J'agis de même pour le point 18 et elle medonna la musique de la page 70 (2).

De retour en France j'envoyai à M. Magnin(3)ces deux morceaux de musique, en le priant deles faire jouer devant Mme Madeleine G... , sansla prévenir de rien, et de faire photographierles attitudes obtenues pour nous rendre compte.si elle percevait bien les sentiments qu'avaitvoulu exprimer Mme Louise M. Magnin voulutbien se prêter à cette expérience et il m'a envoyérécemment une dizaine de poses successlvesobtenues pour chacun des morceaux. J'ai repro­duit seulement les deux poses finales dont l'al­lure est suffisamment caractéristique.

1. Elle avait commencé par toucher simplement du piano,puis en reprenant le motif improvisé, elle y adapta les parolesde l'Ave 11iaria.

2. Il ya une erreur dans la musique de cette page. Les deuxpremières notes de la dernière ligne doivent être des sol. etnon des Ca.

3, Voir la note l de la page ]2.

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LES ACTIONS PSYCHIQUESDES CONTACTS, DES ONCTIONS

ET DES ÉMANATIONS

Pour expliquer l'action de la musique sur dessujets tels que Lina et Mme Madeleine G., j'aiété porté à supposer que l'activité de certainescirconvolutions cérébrales était excitée par dessons musicaux dont les vibrations seraient enrapport harmonique avec les vibrations propresde ces parties du cerveau.

Cette hypothèse n'est point aussi extraordi­naire qu'elle pèut le paraître au premier abordet elle est analogue à celles qu'on a été conduità proposer pour d'autres faits.

En médecine on admet, en effet, déjà que lespoisons et les médicaments, emportés par letorrent de la circulation et mis en contact avecl'ensemble des éléments anatomiques, en choi­sissent un ou plusieurs groupes sur lesquels,par une affinité particulière, ils vont porter leuraction meurtrière ou bienfaisante. Tels sont lessudorifiques qui agissent spécialement sur les

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glandes sudorales, les vomitifs sur l'estomac,les purgatifs sur les entrailles, la belladone surla pupille de l'œil, les aphrodisiaques et lesanaphrodisiaques sur les organes génitaux.

La digestion n'est pas même nécessaire; quel­ques corps produisent leur effet en pénétrantdans l'organisme par les voies respiratoires,comme l'éther, le chloroforme et le gaz hila­rant, etc.

D'autres encore peuvent agir par une simpleapplication sur la pean ou à distance, mêmes'ils sont solides' ou enfermés dans des tubesde verre.

Certaines de ces onctions et de ces· émana­tions déterminent sur quelques personnes douéesd'une sensibilité exceptionnelle des phénomè­nes psychiques que leur rareté a fait révoqueren doute,bien qu'ils aient joué un rôle impor­tant dans l'histoire, mais dont la réalité a étéprouvée par des expériences contemporaines.Eux aussi, ne peuvent guère s'expliquer quepar des vibrations communiquées aux diversesparties du cerveau par des processus divers. Iln'est donc pas inutile de les passer en revue.

Je rappellerai d'abord que chacun. de nossens ne perçoit que les mouvements vibratoirescompris entre certaines limites. De même,notre organisme peut être impunément traversépar des courants électriques avec interruptionsde très haute fréquence, tandis que nous serionsfoudroyés par les mêmes courants si les inter­ruptions étaient moins rapprochées. J'ai eu un

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS ÎÎ

sujet (Benoit) qui ne percevait absolument rienquand il recevait les décharges d'une forte ma­chine électrique ou qu'il prenait entre les mainsles électrodes d'une pile puissante; mais il étaitcomplètement contracturé quand il touchaitcette machine après la décharge ou quand lecourant était très faible. Il est des hystériquesqui éprouvent, avec des doses extrêmementminimes de certains médicaments, des phéno­mènes toxiques et qui supportent sans accidentdes doses considérables de médicaments trèsactifs. L'homéopathie, du reste, est fondée toutentière sur l'action de substances dont les molé­cules sont pour ainsi dire isolées par les dilu­tions successives, de sorte que, suivant ce l'tainsthéoriciens, enes peuvent alors vibrer sansentraves et produire ainsi des effets spéciauxplus énergiques.

« Sait-on ce qu'il faut pour arrêter la vie dece l'tains organismes rudimentaires? Bien pende chose. L'Aspergillus niger en fournit unexemple. Au moment où cette plante est enplein développement dans un liquide de eul­ture approprié, il suffit d'ajouter à ce liquide unseize cent millième de nitrate d'argent pourque toute trace de végétation disparaisse, etcette végétation ne peut même pas commencerdans un vase d'argent, La chimie est impuis­sante à démontrer qu'une portion de la matièredu vase se dissout dans ce liquide, mais laplante l'accuse en mourant. Quelle est la dilu­tion homéopathique qui correspond à la quan-

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tité de métal ainsi dissous? - C'est d'après ceprincipe que des médecins ont ordonné, dansla dernière épidémie de choléra asiatique, deporter sur soi des plaques de cuivre bien adhé­rentes à la peau. sous le prétexte assez ration­nel que le cuivre empêche le développement etla vie du microbe cholérique. N'est-ce pointadmettre l'efficacité d'une dose vraiment infini­tésimale? - Dans les eaux minérales, les dosespondérables de la substance médicamenteusesont hors de toute proportion avec les effetsqu'elles produisent. Darwin, en étudiant I'ac­tion du Drosera rotundijolia, constate qu'il suf­firait d'un vingt millionième de sulfate d'am­moniaque pour produire l'inflexion de la feuille.En fait, ,continue Darwin, chaque fois que nouspercevons une odeur, il est évident Que 'desparticules infiniment plus petites encore vien­nent impressionner nos nerfs. Lorsqu'un chiense trouve à quelque cent mètres sous le ventd'un daim ou de. tout autre animal, il perçoit saprésence, Les particules odorantes produisentcertains changements sur ses nerfs olfactifs ; or ~

ces particules odorantes doivent être infinimentplus petites que celles du phosphate d'ammo­niaque dont on ne perçoit qu'un millionième degrain; les nerfs n'en transmettent pas moins aucerveau de l'animal une impression qui se tra­duit par des actes extérieurs (1). »

1. H. BOURRU et P. BUROT. - La suggestion mentale, eic.,pp. 294 et suiv,

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ACTIONS PSYCHlQL"ES DES ÉMANATIO~B iD·

Ces considérations permettent de comprendreles actions psychiques attribuées à certainessubstances par beaucoup d'anciens auteurs.

« J'étais persuadé, dit Van Helmont (1), queles poisons peuvent ètre des remèdes utileslorsqu'on sait les doser et les appliquer à pro­pos. Je voulus', en conséquence, faire des expé­riences sur le napel (2). En ayant préparé gros­sièrement une racine, je la goûtai du bout de lalangue; je n'en avalai point et crachai beaucoup.Cependant il me sembla d'abord que ma tèteétait serrée par un bandeau, et bientôt il m'ar­riva une chose fort singulière et dont je ne con­naissais aucun exemple. Je m'aperçus avec éton­nement que je n'entendais, ni ne savais etn'imaginais plus rien par la tète, mais que tou- "tes les fonctions qui lui appartiennent ordinai-rement étaient transportées autour du creux de'l'estomac. Je le reconnus clairement, distincte-

. ment; j'y fis la plus grande attention. Ma tèteconservait le mouvement et le sentiment; mais lafaculté de raisonner avait passé à l'épigastre,comme si mon intelligence y eût établi sonsiège. Frappé d'admiration et de surprise de cemode insolite de sensation, je m'étudiai moi­même avec soin; je me rendis compte de ce quej'éprouvais, j'examinai toutes mes notions et jereconnus que, pendant tout le temps que dura.

1. Demens idea; §§2 et suiv. - Traduction de Deleuze.2. Autre nom de l'aconit.

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80 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

cet état extraordinaire, mon intelligence avaitbien plus deforce et de perspicacité. Je ne puisexpliquer, par des paroles, le sentiment quej'éprouvais. Cette clarté intellectuelle étaitaccompagnée de joie. Je ne dormais point, jene songeais point; j'étais à jeun et ma santéétait parfaite. J'avais eu quelquefois des exta­ses, mais elles n'avaient rien de commun aveccette manière de sentir par l'épigastre quiexcluait toute coopération de la tête. Jem'éton­nais que mon imagination eût quitté le cerveau,devenu oisif, pour exercer son activité dans larégion épigastrique. Cependant ma joie fut unmoment suspendue par l'idée que cette dispo­sition pourrait me conduire à -Ia folie. Mais maconfiance en Dieu et ma soumission à sa volontédissipèrent mes craintes. Cet état dura deuxheures, après lesquelles J'eus deux vertiges :aupremier, je sentis qu'il s'opérajt un nouveauchangement eumoi,etau second, je me trou­vai dans I'étât ordinaire.. J'ai depuis essayé plu­sieurs fois de goûter' du napel, mais je n'aijamais pu obtenir le même résultat. » .

J.-B. Porta rapporte, dans le chapitre de saMagie naturelle consacré à la cuisine, que, sousl'influence de la jusquiame, de la belladone etdu slramonium réduits en poudre et mélangésaux aliments, les convives s'imaginent êtretransformés enbètes ; on les voitfaire les signesde brouter l'herbe comme les bœufs, .nagercomme les phoques et barboter comme leferaientles canards et les oies dans les mares.

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 81

Le hachisch peut produire des hallucinationsanalogues, et le Dr Motet raconte qu'à la suited'une absorption de cette substance il se cruttransformé en battant de cloche (1).

Il est probable que les épidémies de zoanthro-,pie, qui ont été si fréquentes au moyen âge etmême dans l'antiquité, avaient souvent la mêmeorigine et qu'on doit les rapporter à l'action deparfums, d'onctions ou de potions (2), quandelles n'étaient point dues à des accès d'aliéna­tion mentale ou à de simples suggestions.

Homère nous montre Ulysse et ses compa­gnons débarqués dans l'île d'I"Eœa (Odyssée,chap. x). « Circé les fit asseoir et mélangeapour eux duvin de Pramne, du fromage, de lafarine et du miel nouveau. A ce mets elle·

"ajouta des" sucs funestes pour leur faire oublierla patrie. Elle leur donna ce breuvage, et ils nel'eurent pas plus tôt avalé qu'elle les frappa de

. sa baguette et les enferma dans l'étable à porcs.Ils en ontla tête, la voix, les poils, tout le corps,mais leur intelligence conserve sa force commeauparavant. Elle les enferme malgré leurs lar­mes, et jette devant eux, pour aliments, des

1. Société médico-psychol., séance du 10 mai 1886.2. C'est là, du reste, l'opinion professée dans l'Encyclopédie

théologique de l'abbé Migne. Lycanthropi minime mutantllrin lupos, sed mutaios sese credunt in phrenesia. Rara luecstultitia, sed antea communior, quando sorcierii utebunturquodam linimenio U~GUAll )lAGlCAlivocato, quod fiehat succis"venenosis et somniferis, (Dict. des miracles, t. II, p. 550,note 68~).

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8.2 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

glands, des faînes et le fruit du cornouiller,mets habituel des pourceaux qui couchent surla terre.

Ulysse, mis à l'abri des enchantements deCircé par la vertu de l'herbe appelée mo/a quelui donne Mercure, força Circé à lui délivrerses compagnons. « Circé traversa le palais,tenant à la main sa baguette, et ouvrit les por­tes de l'étable, puis elle entit sortir mes. com­pagnons qui ressemblaient à: des pOl'cs de neufans. Ils s'arrêtèrent .devant nous; la déesseallant de l'un à l'autre, appliquait sur chacunune drogue (q;apIJ.%xov). Aussitôt les poils qu'avaitfait pousser le breuvage fillle~te offert par l'au­guste Circé tombèrent de leurs membres et ilsredevinrent hommes, mais plus jeunes, plusbeaux et plus 'grands qu'ils n'étaient aupara­vant. '»

Virgile parle d'hommes transformés en loupspar la vertu des plantes,

Hss herhàs, etque hœc Ponio mihi lecta venenaIpse dedit Mœris: .. nascuntur plurime-Ponto,His ego sœpe lupumfieri et Se eonâere sylvi$Mœrin. sœpe animasimis eœeire sepnleris...

EGLOG. VIII.

Quant à Pline, il n'ose y croire: Homines inlupos eerti, rursumgue resiitui eibi, fàlsumexis.timore debemus aui credere omnia guœ t'abu/osaseculis comperimus (VIII, ~2) (1).

1. Saint Augustin a consacréun chapitre de sa Cité de Dieuà l'examen de ces métamorphoses (liv. XVIII, ch. INm).

" Dirai-je qu'il faut refuser toute croyance à ces prodiges?

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 8:1

Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur laréalité du sabbat, on ne saurait niel' que beau­coup de sorciers n'ont assisté.qu'en imaginationaux scènes infernales dont ils affirmaient laréalité au milieu même des tortures.

On a composé des onguents avec les subs­tances indiquées par eux et on a constaté queles personnes qui s'en frottaient ne tardaientpas à s'endormir d'un sommeil factice toutagité de rêves conformes à leurs préoccupationsct dont ils conservaient le souvenir au réveil ;l'un des épisodes les plus constants de leurs

Mais, encore aujourd'hui les témoins ne manqueront pas pouraffirmer que de semblables faits ont frappé leurs yeux et leursoreilles. N'avons-nous pas nous-même, pendant notre séjouren Italie, entendu raconter qu'en certaines parties de cettecontrée, des femmes, des hôtelières initiées aux pratiquessacrilèges, célaient secrètement dans un fromage offer-t. à tels-voyageurs qu'il leur était loisible ou possible, des substancespropres à les transformer soudain eu bêtes de somme qu'elleschargeaient de leurs bagages. Cette tâche accomplie, ils reve­naient à leur nature; et toutefois cette métamorphose nes'étendait pas jusqu'à leur esprit; Ils conservaient la raison del'homme, comme Apulée le raconte lui-même dans le récit oula fiction de l'Ane d'or, quand un breuvage empoisonné l'a faitdevenir âne en lui laissant sa raison.

« Un certain Prœstantius racontait que son père ayant goûtépar hasard, dans sa maison, de cc fromage empoisonné, il étaitdemeuré sur son lit comme endormi, mais sans qu'il fût possi­ble de réveiller. Revenu à lui-même, quelques jours après, ilraconta comme un songe ce qui venait de lui arriver: il étaitdevenu cheval et avait, en compagnie d'autres bêtes de somme,porté aux soldats des paquets dc vivres. Le fait s'était passécomme il le racontait, et ce fait ne lui paraissait qu'un songe...

« Ces faits.nous sont. paevenus non sur l'attestation de gens

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84 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

songes était le transport à travers les airs (1).Ces onguents, dont Porta et Cardan out donnédes formules (2), différaient un peu' suivant lespays, mais ils avaient 'pour hase essentielle dessucs de plantes telles que l'ache, la jusquiame,la ciguë, le pavot, la belladone, la morellefurieuse, l'aconit, la berle, la quintefeuille,Facorum, la feuille de peuplier combinée avecde la graisse de _petits enfants, des débris demomies, etc. (3).

quelconques à qui il nous semblerait indigne d'ajouter foimais d'hommes que nous jugeons incapables de nous-tromper,Ainsi, ce que la tradition ou les monuments littéraires nousracontent des prestiges des dieux ou plutôt des démons, de cesmétamorphoses habituelles d'Arcadiens en loups et des enchan­tements de Circé, tout cela a pu se faire de la manière que jeviens de dire, si toutefois cela a eu, lieu. »

1. PORTA (Mag. Nsiur., lib. II, cap. 26) et FROMMAXN (Tracl.de [sscùi., p 562, 568,569) rapportent que deux sorcières, ainsiendormies, avaient annoncé qu'elles iraient au Sabbat et qu'el­les en reviendraient en s'enooleni avec des ailes; toutes deuxcrurent que la chose' s'était ainsi passée et s'étonnaient qu'onleur soutînt le contraire. L'une même, en dormant, avait exécutédes mouvements et s'était élancée comme si elle eût vouluprendre son vol.

2. PORTA. L. e, - CARDAX. De subtilitate, lib. 18. - Voyezaussi WIERUS. De Prrestig., lib. II, cap, XXXVI.

3. Voici la recette et la théorie de Cardan :« La mélisse donne une qualité d'esprit et rend l'homme

joyeux en chassant dehors chagrin et riote. Semblablement,. mangée après le repas, ellefaict les songes joyeux, comme les

choux les rendent tristes, comme les phaséoles les rendentturbulents; les aulx et les oignons les font terribles. De cevient l'opinion d'aucunes femmes qui sont dies Lamire(onpeut les appeler fées), lesquelles nourries du suc de pavot noir,dit opium, de chastagnes, fèves, oignons, choux et vdepha-

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 85

Paolo Minueei, jurisconsulte de Floreuco,vivant au XVIIe siècle, André Laguna, médecindu pape Jules III, Bodin, Alciat,. le cardinalCajetan, Pierre Hémy et Gassendi, relatentégalement dans leurs ouvrages des expériences

séoles, semblent, en songeant, voler en diverses et plusieursrégions, et iIlec cstre tourmentées en diverses manièr-es selonla température de chacune. Elles sont aidées contre tel songed'un onguent dont elles s'oignent tout le corps. Cet onguent,comme on estime, est composé de la l'l'esse de petits enfantstirée hors et pi-iso aux sépulchres, du suc de persil et de réa­gal, aussi du non- faict de l'herbe quintefueille, dicte penta­phylle. C'est chose incrédible combien ct quant.es choses cesfemmes sc persuadent voir: aucunes fois choses joyeuses,théâtres, jardins, 'pescheries, v estements, ornements, danses,beaux jeunes enfants, et se coucher- avec ceux de telle geni-equ'elles désirent; elles pensent voir les rois, les magistrats avecleurs satellites, toute gloil'e ct pompe du ;,;'elll'e humain, elautres plusieurs choses excellentes, comme l'on voit aux pein­tures, plus grandes que nature ne peul faire ne donner: auc.mtrairc , quelquefois elles pensent voir des choses tristes,corbeaux, pr-isons, dl'serts, toru-menls. Et -ceci n'est de mer­veille, quoiqu'il soit vénéüque. Cal' on peut le réduit-e auxcauses naturelles. - Ccrlainement., j'ay souvent expér-imenl.él'onguent qui est appelé populenni pour- les branches de peu­plier, appliqué aux artères des' pieds el des mains (cl. est, selonaucuns, appliqué SUl' le l'oye et aux artères des temples) Pl'Ù­

voqucr le dormie el mont rer son;.:-cs joyeux en la plus g'l'andepartie de ces choses, pour ce que le suc de ces branches el.Iueillcs nouvelles du poupficr réjouit l'esprit el démontre quel­ques images reprèscntées pal' la clartè ct. coulcur : car il n'estaucune couleur plus dèlccl.ablc que la verde, "

L'onguent POPUICIIIIl. encore en lIsagt~ dans la pharmacie, secompose de feuilles f'ralchcs de pav"t, de belladone. de jus­quiame et de morelle, tl'itlll'ées dans l'axonge avec des hOlI1'­

geons de peuplier )'(,cemnwnt s;leh.·,,.;; on lcmploir- comme'topique calmant.

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l'lü LES FHO~T1ÈHE~ DE LA SCIE:'<ICE

faites par eux-mêmes ou en leur présence etqui ne laissent aucun doute à cet égard.

L'effet salutaire de la simple application demétaux sur la peau de certaines personnesaffectées de maladies diverses a été constatéaussi depuis l'antiquité. Aristote, Galien, Pauld'Egine, Aétius, Alexandre de Tralles, Para­celse en ont fait mention. L'or et l'aimantôtaient les plus actifs.

Au milieu de ce siècle, le Dl' Burg se livra àdes études systématiques qui peuvent se résu­mer dans les trois proportions suivantes:

«L'application de plaques métalliques surune partie limitée de la surface du corps estcapable de faire cesser les paralysies de la sen­sibilité èt de la motilité produites par l'hysté­rie.

« Le même métal ne c,onvient pa~ià tous lessujets indistinctement; mais l'idiosyncrasie par­ticulière à-chaque individu exige l'emploi d'unmétal spécial, variable par conséquent, maissans règles déterminées.

« L'emploi, à l'intérieur, du métal, sous formed'eaux minérales ou de préparations pharma­ceutiques, produit les mêmes effets thérapeu­tiques que par son application à la surface dela peau. »

Naturellement, ces affirmations furent fortdiscutées; mais on arriva non seulement àreconnaltre que les phénomènes étaiencbiénobjectifs, c'est-à-dire dus à une action pl'opre

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ACTIO~S PSYCHIQUES DES Él\IAXATIO:'\S ~7

aux métaux, mais que plusieurs espèces de boispossédaient également des qualités esthésie­gènes. D'après les expériences de Benett, West­phall et Dujardin-Beaumetz, c'est l'écorce dequinquina jaune qui viendrait en première lignect serait mème plus actif que les métaux; puis,le thuya, le bois de rose, l'acajou, le noyer, l'éra­ble et le pommier. Le palissandre, le frène, lepeuplier, le sycomore resteraient sans ellet,quelle que soit la durée de leur application.

Schiff et Maggiorani confirmèrent la réalitéde ces phénomènes en montrant qu'ils se pro­duisaient également chez les animaux.

Ils les expliquèrent en disant que les diverscorps actifs étaient animés de vibrations molé­culaires très rapides pouvant se transmettre àl'organisme humain même à travers des subs­tances inertes ou non conductrices de l'électri­cité, comme la cire, la soie, le caoutchouc, etc.;ils ajoutaient que ces vibrations ne pouvaientavoir d'effet que quand elles se trouvaient encertain rapport avec les vibrations propres àl'organisme souffrant, vibrations extrèmementdifférentes suivant la nature de la maladieet l'état momentané du malade. D'où il résulte(lue l'expérience seule peut décider si telmétal ou tel bois sera efficace sur une per­sonne déterminée.

Pour prouver l'influence prépondérante del'action vibratoire, Maggiorani avait déterminé,chez des hystériques non anesthésiques, unediminution de la sensibilité enmettant en vibra-

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tion un diapason fixé sur une caisse harmoni­que en bois, assez grande pour que l'avant-braset la main puissent.y tenir sans toucher laparoi; Schiffmontra que si l'action des métauxne se produisait qu'au contact ou à une petitedistance, celle des. aimants pouvait s'exercerjusqu'à une distance de six mètres.

En '1885, MM. les docteurs Bourru et Burot,professeurs à l'Ecole de Médecine de Rochefort,firent faire à la question un pas considérable.Il y avait, à cette époque, à l'hôpital de Roche­fort, un jeune soldat de l'infanterie de marine .âgé de vingt-deux ans', affligéde crises hystéroépileptiques à la suite desquelles ilétait para­lysé et insensiblede toute la moitié du· corps.On eut: l'idée d'essayer, pour ··.combattreeetteinfirmité, l'application. sllI'lape~u de plaquesmétalliques suivant la méthode de . Burg.·· Lezinc, le cuivre.Ie platine, le fer furent sensible­ment actifs, quoique à des degrés inégaux; maisl'action de -l'or fut paeticulièeement frappante,car non seulement un objet d'or, au contact dela peau, produisait une brûhiro intolérable,mais encore, à.une dislancede 1Old5è~nlimèlres,

la brûlure élail ressentie, même ci traoers lesnëtemenis, même ci lrnoers lamoin fermê» de l'eccp«:rùneniaieur, Le mercure, dans/a boule d'un ther­momètre' approché de la peau, mais sans COll­tact, déterminait de la hrùlùre, descollvulsiollSét une attraction du membre. Le chlorure d' 01"

dans un flacon bouché' il l'émeri, approché à

1

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ACTIONS PSYCHIQUES DES hlANATIONS 81)

quelques centimètres, avait une action fort ana­logue à celle de l'or métallique; mais, enappro­chant du sujet un cristal d'iodure de potassium,il se produisit des bâillements ct des éternue­ments répétés. On avait dès lors l'action phy­siologique connue de l'iodure de potassiumirritant la muqueuse nasale. C'était un résultatbien imprévu, et on fut encore bien plus sur­pris quand on vit l'opium faire dormir, parsimple voisinage.

Après plusieurs mois de recherches ininter­rompues et de prudente réserve, MM. Bourruet Burot ont eu la bonne fortune de rencontrerun second sujet hystéro-épileptique..C'était unefemme àgée de vingt-six ans, insensible detoute la moitié droite du corps et, par contre,d'une sensibilité excessive à gauche, où le con,-'tact ne pouvait ètre supporté. MM..Bourru etBurot avaient donc entre leurs mains deuxsujets à peu près identiques et sur lesquels ils'pouvaient établir les expériences de contrôle lesplus diverses. Les résultats furent, à peu près,les mêmes chez les deux malades.

Ne craignant plus alors de se compromettreen donnant de la publicité à des expérienceshâtives, incomplètes et douteuses, mème poureux, ces observateurs prièrent le directeur del'École de médecine navale de Hochefort, M. ledocteur Duplouy, de vouloir bien assister à uneexpérience de contrôle. L'expérience fut déci­sive etconcluante. Un flacon contenant du jabo­randi, apporté par un assistant et approché du

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90 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

sujet par une autre personne, détermina presqueimmédiatement de la salivation et de la sueur.Bien plus, un expérimentateur, ayant dans f;apoche deux flacons de même grandeur, envelop "pés de papier, et voulant mettre le sujet sousl'influence de la cantharide, le. vit partir commes'il était influencé par la valériane; on constataalors qu'au lieu de présenter le flacon de ca ll­

tharide, comme il en avait l'intention, il avaitprésenté le flacon de valériane. Tous les specta­teurs furent convaincus.

Depuis ce moment, un des sujets a été trans­féré à l'asile de Lafond (J...a Rochelle), où M. le"docteur Mabille, directeur de l'établissement,a répété, avec succès, ces diverses expériences.

MM. Bourru et Burot, après bien des tâton­nements et des essais, sont arrivés à fixer laméthode expérimentale à employer. Onpourraconsulter à cet" égard le livrequ'ils ont publiésous le titre : La suggestion mentale el l' action àUislance des substances toxiques et médicamen­leuses, (Paris, Baillière, 1887).

Voici leurs principales constatations:La substance paraît agir à quelque point du

corps qu'elle soit présentée, mais il semble quel'action est plus rapide quand l'application sefait près de 1;;1. tète et que le sujet est à l'état deveille.

·Tous les narcotiques font dormir, mais pourchacun d'eux le sommeil a un caractère pl'O­

pre. Avec l'opium, le sommeil est lourd et leréveil ne peut être provoqué ; le sujet, en se

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ACTIONS PSYCHIQUE:; DES Él\fA"'ATIO~S ln

l'éveillant, est fàtigué et éprouve de la pesanteurde tète. Avec le chloral, il est plus léger etpeut facilement se dissiper. La morphine déter­mine un sommeil analogue à celui de l'opiumet qui peut ètre atténué par l'atropine. La nar­céine produit un sommeil spécial avec saliva­tion ; le réveil est brusque et le regard anxieux.Le sommeil de la codéine de la thébaine et dela narcotine s'accompagne de convulsions plusou moins généralisées.

Les vomitifs et les purgatifs ont aussi, dansleurs effets, des différences sensibles. L'apo­morphine détermine des vomissements trèsabondants, sans effort, suivis de céphalalgie etde tendance au sommeil. L'ipéca produit de lasalivation, des vomissements très abondantsavec goùt spécial à la bouche. L'émétiqueamène surtout des nausées avec état de pros­tration. La scammonée détermine des contrac­tions intestinales appréciables pour l'expéri­mentateur.

Les alcools ont présenté des actions biennettes. L'alcool de vin, sous ses différentes for­mes', a toujours donné une ivresse gaie (1) ;l'alcool de grains, au contraire, une ivressefurieuse et une véritable scène de l'age. L'al-

1. Le champagne produit une ivresse gaie avec sautillement,excitation génésique et sensibilité extrême pour la musique,surtout chez le sujet femme: un air gai la transporte, unrythme triste la fait fuir.

. L'ammoniaque suspend ou arrête livrcsse, suivant la duréede son application.

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92 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

déhyde a déterminé presque instantanément unétat de prostration' complète, avec respirationstertoreuse, impossibilité de parler et figurehébétée. L'absinthe, a donné une paralysiedes jambes, et la chartreuse une ivressefurieuse qui parait devoirètre attribuée auxessences.

Les essences produisent, en effet, générale-'ment, quand' elles sont pures ou concentrées,une grande excitation se manifestant par descontorsions et des grands mouvements avechallucinations tristes. Ainsi, avec l'essence delaoande.c'es: un bateau qui va au fond de l'eau;l'essence d'anis' donne l'hallucination de saltim­banques que le sujet cherche à imiter. Au con­traire", diluées dans l'eau, elles produisent desmouvernentsiplus lents avcc hallucinationsgaies. Avec l'eau d'anis, la .: femme-tse met àgenoux, les mainsel1l'air,coulme si elle cher­chait à saisir un objet; elle voit un bel oiseaubleu dont elle veut s'emparer. L'essence demenlhe diluée produit-chez 'la 'femme une, hallu­cination voluptueuse bielldifférentede celledé la cantharide, dont nous parlerons plusloin; .c'"ost une extase ..amoureuse avec enlacements ; un SOmmeil très ealme et prolongélui succède.

Les antispasmodiques ont donné des actionsbien imprévues. "L'eau. ,detl(Jur ,.' d'oranger, Jecamphre, se sont montrés de véritables. calmantsen 'provoquant un.sommeil tout àfait naturel.Le camphre a, en outre, la proprléiétrès carae-

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 93

téristique de dissiper instantanément toute con­tracture (1).

L'eau de laurier-cerise a déterminé chez lafemme des phénomènes si surprenants qu'onles a étudiés à plusieurs reprises et analysésdans tous leurs détails. C'est d'abord une extasereligieuse, qui commence presque .instantané­ment et qui dure plus d'un quart d'heure. Quel­ques secondes après l'application de la subs­tance, ·les yeux regardent en haut, les bras selèvent très lentement, les mains tendues versle ciel; la figure extatique respire la béatitude ;les yeux sont mouillés de larmes. La positionchange ensuite et est en rapport avec un objetinvisible qu'elle ne quitte plus des yeux ; lesmouvements sont très lents ; elle tombe àgenoux, la tète se fléchit, les mains se rappro­chent' des lèvres; elle est dans l'attitude de

-la prière. Bientôt elle se prosterne en adora­tion; elle pleure, la tète touchant à tèn-e. L'ex­pression de la physionomie varie: elle est enrapport avec l'attitude, qui est celle de l'adora­tion, de la supplication, de la prière et durepentir. Plus tard, elle se renverse en arrière,s'étend à terre, les bras ramenés sur la tète; ence moment surviennent des mouvements con­vulsifs des muscles thoraciques et du dia-

1. Avec un petit flacon de campln-e on enlève la contractured'un muscle en présentant le flacon près de cette partie; sila contracture est générale on la fait disparaître en promenantle camphre autour de la tète.

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phragme; l'expression de la physionomie estcelle de la douleur. Enfin survient un sommeilcalme. Quand elle est encore sous l'influencede cette hallucination, on la somnambulise eton lui demande ce qu'elle vient de voir. Ellerépond vqu'elle a vu Marie, la sainte Vierge,

. vètue d'une robe bleue avec des étoiles d'or,les cheveux' blonds et une belle figure rosée, sibonne et si douce qu'elle voudrait toujours lavoir. 'Malheureusement, elle n'est pas de sareligion (cette femme est israélite). Marie lui areproché la vie de désordre qu'elle menait; ellelui a dit de priel' jusqu'à ce qu'elle change deconduite; elle lui a donné sa bénédiction; enfin,elle l'a renversée en arrière parce qu'elle étaitpécheresse. A son réveil, le sujet se moque despersonnes qui lui parlent de la Vierge.

Ce tableau a vivement frappéles observateurs.Ils étaient loin de s'attendre à une extased'ordre religieux chez une fille de mauvaise vieet surtout' israélite. Aussi on a répété l'expé­rience bien souvent, et toujours avec le mèmerésultat, mèrne sur une autre jeune femmc quiétait simplement hypnotisable.

Tout d'abord on a cru que c'était l'acidecyanhydrique contenu dans I'eaude laurier­cerise qui produisait l'extase.

L'acide cyanhydrique, en solution dans l'eauà faible dose, a déterminé d'emblée des con­vulsions thoraciques. L'huile volatile de laurier­cerise, diluée dans l'eau,a déterminé inuné·diatement l'extase sans produire les convulsions

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ACTION!:; PSYCHIQUES DES ÉMANATIO~S Ç)~1

terminales; la vision est la mème : c'esttoujours la Vierge. L'analyse physiologique del'eau de laurier-cerise était donc faite; 'J'huileessentielle étendue produisait l'extase et l'acidecyanhydrique les convulsions.

Pour compléter cette analyse, il restait à

essayer l'essence de mirbane ou nitro-benzinequi a la mème odeur que l'eau de laurier­cerise, mais qui a une composition différente.

L'essence de mirbane, diluée dans l'eau,détermine, chez la femme, des secousses con­vulsives dans tout le corps ; les yeux sont àdemi ouverts. Bi~~!<,>t on observe un tremble­ment rythmé du :Qras droit; puis lé bras selève, comme .si!~~e su.jeti~~~cutaitun dessin; latète se soulève;''iégè~emeliti; parfois il se pro­duit un légertrêmbiemèîifdu bras gauche. Elle'dit qu'elle vient'.de faire un dessin ; l'halluci­nation est donc toute différente, bien quel'odeur soit la même,

Chez l'homme, l'eau de laurier-cerise n'apas déterminé l'extase, mais des convulsionsthoraciques presque immédiates, hoquet,' sali­vation et picotement de la poitrine. L'huilevolatile de laurier-cerise n'a produit que del'excitation sans extase. L'essence de mirbanea donné les convulsions des bras avec la mèmehallucination de la leçon de dessin.

La valériane, généralement considérée commecalmant, a produit sur les deux sujets une vio­lente excitation' .avec phénomènes bizarresanalogues à ceux qu'elle produit chez le chat.

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Le sujet fait des mouvements de manège avecrenitlements bruyants; il gratte la terre avecles deux mains, fait un trou et cherche à ymettre le visage. Si on cache un tlacon de valé­riane, il le cherche en reniflant ; arrivé près dutlacon, il se jette sur lui, gratte la terre etrecommence la scène. Le flacon, caché dedifférentes manières, a toujours été retrouvéainsi, parfois hors de la volonté de l'expéri­mentateur.

Des feuilles et des tleursfratches de valérianeproduisent les mêmes effets, mais moinsaccen­tués. Le »alérianale d'ammoniaque de Pierlotn'a produit que le sommeil ou la tendance. ausommeil.

La canilzarideproduit d'abord de la somno­lence, puis la face des sujets prend un aspectvoluptueux et leur corps est.animé alternative­ment de mouvements passionnels de reptationet de rotation différant suivant -le sexe. Tousces mouvements sont très lents. et onduleux.Le camphre fait immédiatement cesser .l'actionde la cantharide, action qui se reproduit si onapproche un tlacon decanthanide et qui cessesi on approche de nouveau untlacon decamphre.

Quelques mois après, .M.le.DrDufour, direc­teur de l'asiledesaliénés de Saint-Robert (Isère),reproduisait tdévant moi Une partie de cesexpériences sur un de ses maladesnomméT...

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 97

Voici ce qui s'est passé (1) :« Effet de l'ipéca. - Un gramme d'ipéca a

été plié dans du papier et placé sur le milieude la tète de T ... ; un chapeau à haute formel'a recouvert ensuite, pour diminuer les émana­tions odorantes, autant que possible.

« Au bout de deux minutes, T ... est devenurouge, a accusé un certain malaise, puis desnausées, des régurgitations, et il aurait vomi sion ne lui eût enlevé le paquet d'ipéca.

« Ces malaises ont cessé immédiatementaprès,

« Dans une expérience précédente, T ... avaitvomi et était allé à la selle, par l'applicationsuceesslve, sur la tète et le ventre, d'un paquetd'ipéca.

« Effet de l'alcool. - .Un flacon d'alcool,placé dans les mêmes conditions, a déterminéun malaise général, de l'affaiblissement, del'hébétude et un état de torpeur manifeste; letout cessant presque instantanément après l'en­lèvement du flacon.

« Effel de l'atropine. - Un paquet d'atropineproduit une dilatation légl're des pupilles, unesensation de:' constriction et de sécheresse à lagOl'ge, et un relâchement musculaire général.T ... ne peut pIns se tenir, l'excitabilité neuro­musculairo, les réflexes ont disparu. Il est lucide{~t répond trt'S bien aux questions. - Il est

L Contribution ù Tét iule de {"hypnotisme. - Grenoble. 188(\.

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~H LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

tout surpris de ce qui se passe en lui clue s'enrend pas compte.

« Effel de la valériane. - Un paquet de raci­nes de valériane, placé sur la tète, sous un Iortbonnet de laine pour éviter d'agir sur l'odorat,produit des actions mentales absolument incon­-cevables.

« Au bout de peu d'instants, T... prend unair étonné, il a le regard fixe, il paraît guetterquelque chose; si une mouche passe, il la suit-des yeux, il quitte même sa chaise pour la pour­suivre.

~< - Qu'avez-vous? lui demandons-nous. ­Rien. Mais je suis tout drôle, je' ne comprendsrien à ce qui se.passe... Ne bougez pas les pieds,il me vient l'idée de les prendre. - Ses épaulesse soulèvent, il fait le gros dos, ses doigts for­ment la griffe par moments; puis il se laissealler à terre, marche à.quatre pattes, court sousles lits et les tables; joue COIuJlleunjeune chat,avec un bouchon ou tout objet mobile à sa por­tée ; il se roule à terre, recule et fait le gros dos,quand on aboie à côté de lui. Pendant quelquetemps, il répond, quoique avec peine, aux ques­tions et dit qu'il ne saitpourquoi il agit ainsi,puis il cesse totalement de répondre, pour seconcentrer-dans son attitude féline.

« Comme le chat, à certains moments, T...lèche sa main et la passe délicatement sur sesoreilles, en les contournant, ou bien il s'assied,les jambes allongées et les mains posées à platsur le dos: - « Vous voyez bien qu'elles y

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ACTlOè'lS PSYCIIIQCES DESÉMAXATIOXS ooviennent, » Telle est la seule réponse qu'il nousfait, quand nous lui demandons des explications.

« Si l'on enlève la valériane, ou si, dans sacourse sous les lits et les tables, son bonnettombe, entraînant cette substance, la transfor­mation cesse : T... se relève, tout étonné de sevoir à quatre pattes ou couché sous un lit, etne conserve aucun souvenir de ce qui vient desc passer. Dans le fort de l'action, il est insen­sible; on peut le pincer, le piquer, san"! ledéranger de son attitude.

« Nous reproduisons, chez lui, ces phénomè­nes à volonté. Placée sous son épais bonnet, lavalériane ne donne aucune odeur, appréciabledu moins par les personnes qui nous entourent.

«A distance, nous avons constaté qu'ellecausait des actions analogues et des scènes plusou moins comparables à celle que nous venonsde déorire. Dans une de nos expériences, lavalériane étant dans notre poche, T... a simple­ment éprouvé la fixité du regard et une certaineinquiétude; de la tendance à guetter, comme unchat qui observe; par contre, il s'est manifestéune action dépressive sur les jambes, et il a dûse coucher. Il avait en même temps de lasécheresse à la gorge et un goùt particulier. Illui semblait avoir bu quelque chose ayant unesaveur semblable, mais il n'a pu nous en don­ner le nom.

« Chez Mme C... , l'application de la valérianea coïncidé avec la production d'un vide mentalcomplet: toute idée avait disparu et son faciès,

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devenu inerte, ressemblait à celui d'un aliénéstupide. Peu après, il s'est produit de la fixitédu regard et des contractions spasmodiques,dans les muscles du front, de la face, ainsi quedes mouvements cloniques du dos, des mem­bres, un besoin irrésistible de remuer et defaire des grimaces; ce qui contrariait fort lapatiente. Tous ces phénomènes ont disparuaprès l'enlèvement de la valériane, mais il enest resté le souvenir avec une certaine impres­sion de tristesse, que nous avons dissipée parla suggestion, après mise en état de somnam­bulisme;

« EIfel des feuilles de laurier-cerise. - Lelaurier-rose n'a produit aucun effet. Quant auxfeuilles de laurier-cerise, leur application sur latète a provoqué une explosion de sentimentsreligieux, absolument contraire aux manifesta­tions habituelles deT.;;, qui, alfroint de vuepolitique, est anarchisté,et athée en religion...

« A peine- les feuilles de laurier sont-ellesappliquées sur sa tète, que T.... change de phy­sionomie; il devient réfléchi, il regarde lesparois de la salle.' C'est là, dit il, qu'il faudraitmettre un Christ, montrant un mur nu. Uninstant après, il remue les lèvres et dit monta­lement un « Notre Père s-, - A ce moment ilse lève, veut sortir, nous J'engageons à resteret .à ne point se gèner pout' nous. Il vientreprendre sa place, qu'il quitte bientôt, pOUl'

se précipiter ù genoux devant le mur dont nousavons parlé ; il se frappe la poitrine, joint les

J

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ACTIONS PSYCHIQUES DE8 ÉMANATIONS 101

mains avec componction, les élève vers le cieldans une attitude inspirée; enfin, il se décou­vre et... , en enlevant sa coiffure, fait tomber lesfeuilles placées sur sa tète.

« Le phénomène cesse. T... nous regarded'un air ahuri et cherche à reprendre la con­versation qu'il tenait avant l'expérience. ­Vous venez de faire votre prière, lui disons­nous. Vous devenez dévot ; c'est votre droit,mais cela nous surprend. - Il réplique parune vigoureuse négation: il a tout oublié etmanifeste même des sentiments anti-religieux:

« Nous avons, à plusieurs reprises, reproduitce singulier spectacle, avec quelques variantesdans son expression scénique. Quelquefois T...fond en larmes, invite l'assistance àse repen­tir avec lui et à adorer le Seigneur ou la Vierge.Celte dernière a semblé lui apparaître dans unede nos expérimentations.

« LeR feuilles de laurier-cerise enlevées, lareligion s'en va. Curieux phénomène! nonmoins étonnant que celui de la transformationen chat, sous l'influence de la valériane. Laconviction des· assistants et la nôtre est qu'ilfaut éloigner toute idée de supercherie de lapart du patient, comme toute pensée de sug­gestion possible, étant données. l'ignorance deT... à ce sujet et les précautions prises de nerien faire, ni .de ne rien dire qui puisse pro­duire la suggestion, ou même l'auto-sugges­tion. »

7

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102 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

De mon côté, j'ai fait, sur la plupart de messujets, des expériences nombreuses avec lavalériane et le laurier-cerise, substances quiprésentent les effets psychiques les plus frap-

. pants (1).

Valériane

Chez Benoit, la racine de valériane produitpeu d'effet, aussi bien à T'état de somnambu­lisme qu'à l'état de veille. '

Il n'en est pas de même de l'essence. A l'état..de veille, elle lui suggère l'idée de chat, etc'est tout; mais, quelque faible que soit ledegré d'hypnose dans ·lequelOll J'alt ulis, .il lui­suffit d'en. sentir l'odeur pollrqu'ils.emetteimmédiatement àmarcheI'.àqu<ttre pattes, àmiauler etàimiter les diverses allures du chat.

L'effet de l'essence a étéégaletllen.t nul surles autres sujets à l'état de vetIle. Plusieursd'entre eux, notamment Mm~ Vix, COmmencent,sous son influence, quand ils sonten~orIllis,

par prendre. le regard fixe ; ilssoIlt inquiets,irritables; puis ils se baissent peu à peu et-finis­sent par marcher à quatre pattes etàll1iauler.On hâte cette transformation par une sugges­tion très faible, comme en leur passant la main

~, ,- " '.... . .

1. Le Dr Luys, M. Dècle,· ie Dr Chazarain, le Dr Pascal, leDr Thomas se sont occupés surtout des substances médica­menteuses et ont confirmé leur action à distance, dans les con­ditions convenables.

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ACTIO:\'S PSYCHIQUES DES Él\IA:'\.\TIO:'\S 103

sur le dos ou en agitant un objet quelconquedevant leurs yeux. D'autres, quoique extrême­ment sensibles d'ailleurs, n'éprouvent rien.

C'est peut-être cette action de la valérianequi a valu au chat la place considérable qu'iltient dans les annales de la sorcellerie (1).

Les sorcières d'Italie passaient pour se' trans­former en chattes et venir, la 'nuit, sucer lesang des enfants (2).

La fable de Lafontaine La femme métamor­phosée en chatte est un dernier écho des croyan­ces du moyen âge.

Laurier.

Des feuilles de la'ûrier-cèrise mises SUl' latête de Benoit, à l'état de veille, ont d'abordsimplement provoqué des idées d'affection et devénération; il pensait il ses parents, aux person­nes à qui il devait de la reconnaissance. Amesure que sa sensibilité se développait parl'exercice, les idées devenaient religieuses; ilse rappelait sa première communion, il enten­dait des chants sacrés. Plus tard, l'extase s'estproduite par une courte application des feuil­les sur le vertex ou par une légère inhala-

1. Bonrx, Démonomanie, Iiv, II, ch. VI.

, 2. Trecietus de institntione confessorum, Antonini archie­piscopi flol'entini, etc. Manuscrit du xv- siècle, de la bibliothè­que de Monteil.

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tion d'essence. Enfin, il a suffi, pour I'ame­ner, d'approcher de sa tète une branchede l'arbuste ; en agitant vivement la brancheon détermine des coliques. L'action de l'es­sence de laurier-cerise est devenue trop intenseet provoque d'emblée la léthargie si onn'opère pas avec de grandesprécautions. C'estun spectacle vraiment frappant que devoir lesujet, rendu semblable à un cadavre par lacatalepsie,sepl'écipiter tout à coup à, terre,miauler" griffer, puis subitement lever la tète,tourner les yeux vers le ciel et rester en extaseet recommencer .ensuite ses contorsions félinessuivant que l'on passe rapidement sous sonnez un flacon d'essence de valériane ou de lau­rier cerise.

J'ai observé les' luêmesefietsavec Mm~ Vixet Mlle Andrée.,(1)~ .

L'essence d.èlaurier~cérise.{)rovoque simple­ment l'extase' chez Gabrielle et des nauséeschez Rose; ellenep~6d.~itriènchezles autres.

D'aprèsPlvtarQHe'(2),qniétaitgrand-prètrecl'Apollon,quan<ilap~~hie' çç Delphes vAuiaitrendre des .or:lcl.~~,el1e .s'y 'préparait "par I~jeûne, par des abluti9ns' .dans l'ea~i de la fon-

1. Dans une séanceavec Mn, Andrée, séance à laquelle assis­taient le P. Didon et l'ingértieui- Denayrouseiun des assistantsdit plaisànjmêntenparlantdllbacon de Iaunicr-cer-ise, quec'était deIasainteté en bouteille.

2. Pyth, orac.

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIOè'JS 105

taine Castalie et par des fumigations obtenuesen faisant brùler du laurier et de la farined'orge; puis elle pénétrait dans l'antre sacré,revêtue de son .costume de cérémonie, huvaitde l'eau de la source Cassotis, mettait unefeuillede laurier à sa bouche et, tenant à la main unebranche du même arbuste, eUe montait sur letrépied. C'est là que, saisie par le Dieu el: 'e:'11­vrée, dit on, par les vapeurs qui sortaient desfentes du roc ouvertes au dessous d'eUe (1),elle tombait en extase et répondait aux ques­tions qu'on lui posait.

Le scholiaste d'Aristophane (2) accuse d'unemanière plus nette encore le rôle prépondérantjoué par le laurier dans la production de l'éré­thisme nerveux de la prêtresse, en ajoutantqu'eUe secouait les lauriers qui se trouvaientprès du trépied, et en énumérant les guirlandeset les couronnes de mème nature prodiguéesautour d'eUe.

L'oracle de Thèbes était desservi par desjeunes garçons, lesDaphnéplzores, qui portaientdes branches de laurier dans les cérémoniessacrées. '

On admettait, du reste, dans toute l'Anti­quité, qu'une branche de laurier plaeée.rpen­dant le sommeil, près de la tète, procurait des

L On peut lire, dans les Homélies de saint Jean Chrysostome(ch. XXIX), de quelle manière la pythie s'asseyait sur le trépiedpour que la vapeur sacrée s'introduisit bien dans son corps.

2. Plutus, 39, 213.

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ros LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

songes heureux (1). Certains devins portaient lenom de Daphnéphaqes, parce qu'ils se procu­raient des visions prophétiques en. mâchant desfeuilles de laurier (2).

Virgile nous dit (3}qu'à Délos la voix prophé­tique d'Apollon fut précédée par le tremble­ment du laurier sacré. « Fils d'Hus, sage inter­prète des Dieux, - ajoute -t-il plus loin - vousque ne trompent ni le trépied sacré ni les lau­riers de Glaros(fa.). »

En Syrie, dans le bourg de Daphné, existaitun autre oracle célèbre du même dieu, avecunesource appelée CastaJie comme à Delphes.Saint Eustache, évêque d'Antioche au IVe siècle,qui nous a laissé un Traité sur la pythonisse,rapponte (X, 12) qu'un souffle sortait de l'eauen bôuill<mIlant,secouait le laurier et jetait lesassistants dan.s ledéJire. L'empereur Adrien,n'étant encore que simplepal'tiêulier, vint con­sulter' cet oracle en trempant dans l'eau unefeuille de laurier qu'il retira couverte d'écri­ture (5).

Le nom même de laurier (Daphné) désignaitparfois la divination chez les Grecs; dans lespoètes latins on trouve accolées à ce nom lesépithètes de [atieida, 'venturi prescia.

L TIDULLE. Eley. - FULG. My üi., I, 13.2'. H. ESTIENNE.·· Thessur Uny. Grœc.3~ Enéide, III, 90-93.4. Enéide, III, 360~

5. SOZO~1. Hiet. ecclés., V, 19.

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ACTIONS PSYCHIQUElS DES ÉMANATIO:\"S\07

Suivant les uns, la fille du devin Tirésiass'appelait Manlo ou Daphné. « Elle ne fut pasmoins savante que son père dans la manti­que ('1), et elle y fit de gr-ands progrès dans sonséjour à Delphes. Douée d'un talent merveil­leux, elle rédigea un grand nombre d'oraclesavec un soin tout particulier (2). »

Suivant les autres, Grea (la Terre) avait pourinterprète la nymphe Daphné ou Daphnis, safille, qui s'était changée en laurier, pal' la grâcede sa mère, dans les bras amoureux d'Apol­lon (3), le dieu de l'inspiration et de la méde­cine.

C'est donc bien comme inspirateur, et noncomme puritlcateur, ainsi qu'on l'a dit quelque­fois (4:), que l'on faisait .iufuser le laurier dansl'eau des lustrations.

Il l'este à savoir quelle était l'espèce de lau­rier dont parlent les anciens.

. Les ouvrages de botanique indiquent géné­ralement le laurier-sauce comme le laurierd'Apollon; mais j'ai vainement recherché surquoi était t'ondée cette opinion. D'autre partM. Foucart, directeur de J'école d'Athènes,m'écrit que le laurier-rose est très abondanten Grèce et que très probablement il n'yen

1. La Mantique était l'art de deviner l'avenir. D'après Platon,-le mot mantis dérive de mania signifiant délire ou fureur.

2. DIOU. SIC. IV, 66.

3. PAUSAN. X. 5. 5.4. lloucHER-LEcLERcQ, Hist. de la div., III, 4.

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108 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

a jamais eu d'autre à Delphes. Nos expé­riences tendent à démontrer que ce n'é­taient ni l'un ni l'autre, mais bien le laurier­cerise qui jouissait des propriétés attribuées àl'arbuste divin, car le laurier-sauce n'a produitaucun effet, sur Benoit, même. en mâchant lesfeuilles. D'autre part, ,MM. Bourru et Buretfont observer-que c'estprécisément parce quele laurier-rose est fort abondant en Grèce qu'iln'était pas la plante sacree. « Comme emblèmedivin, on ne choisit pas un objet vulgaire. Les

.Gaulois, nos ancêtres, . recherchaient le gui dechêne, extrêmement rare, et dédaignaient legui du pommier qui est très commun. De-même,pour leurs cérémonies \religieuses, les Grecspouvaient tirer de la merNoire le laurier-cerise 1

-qui n'existait pas sur leur .sol, »

Plantes dih~rses.

J'ai également expérimenté'l'action de con­tact' e('ercée parcertai~es autres plantes quipassent pour avoir joué de' 'tout temps un rôledans la sorcellerie.

Ces :plantes,enf~rmées dans des sacs enpapiers d'apparence identique, ont été placéessur la tête de Benoît mis en somnambulisme;'

Quelques-unes ont donné des effets constantset bien nets (1).

1. J'ai répété les expériences quinze ou vingt fois pendant

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Ainsi l'origan blanc (1.) a toujours provoquéla gaîté surtout dans les souvenirs et les projets.De mème l'écorce dubois-gentil (2) qui pous­sait surtout à la loquacité. Le bouton d'or (3)amenait le rire.

La sauge porte Benoit à la tristesse ('1); lesafran lui donne de l'appétit. Sous l'influencede la graine d'ellébore (5), il distribue des con­seils aux uns et aux autres et se trace à, lui­mème un plan d'existence. La mélisse a pro­duit tantôt la gaîté, tantôt la tristesse.

Je.n'ai point reconnu d'action différente pourtoutes ces plantes suivant qu'on les présentait àdroite ou à gauche de la tète du sujet, ains

l'été de 1886 et j'ai toujours obtenu les mêmes résultats. Enjanvier 1887, j'ai voulu vérifier quelques détails et je n'ai plusobtenu aucun effet, probablement parce que les plantes dont jeme servais étaient desséchées; l'action des essences et desplantes fortement odorantes comme le thym est, en effet, l'CS­

têe la même..1. L'origan ou dictame de Crète passait chez les Grecs pour

guérir merveilleusement les blessures. On racontait que sapuissance avait été révélée à l'homme par les chèvres blesséesqui, instinctivement, allaient brouter cette plante.

2. Le bois-gentil est le daphné mezereum des botanistes ctprobablement le emile» 'taxils des latins.

3; Lehouton d'or de nos pays est une renonculacée de lafamille de l'herbe sardonique à Iaquelle les anciens attribuaientle pouvoir de provoquer le l'ire. Ce nom de sardonique pro­vient de ce que l'herbe est très commune en Sardaigne, etc'est par extension qu'il a été appliqué à une espèce de rire.

,4. La sauge passait, chez les Égyptiens, pour donner la fécon­dité aux femmes.

5. On sait que les anciens donnaient cette plante en br-eu­vage pouc guèrir la folie.

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J 10 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

que l'a indiqué M. Luys dans une communica­tion faite à la Société de Biologie.

La graille de jusquiame a provoqué la gaité ;la racine, d'abord la tristesse puis la colère.

Les anciens donnaient à une variété de cevégétal le nom de fève de porc, parce que lesporcs, quand ils en mangent, sont saisis d'unesorte de fureur que la mort suivrait bientôts'ils ne couraient se jeter dans l'eau (AELIANUS,

Varia tru., I. VII).On trouve dans le Dictionnaireile médecine

de l'Encyclopédie méthodique (tome VII, art.Jusquiame) un certain nombre d'anecdotesprouvant que la jusquiame provoque bienla colère. La plus saillante est celle. de deuxépoux qui vivaient depuis longtemps dans laplus parfaite harmonie: il arriva un jour qu'ilsse querellèrent dans la cbambreoù ilstravail­laient ensemble; ils eurent de fréquentes enviesde se battr-e. Au sortir de leur travail, ils seregardèrent honteux et confus de leurs empor­tements. Le 1endemainet les jours suivants,mêmes dispositions à la rixe ; ils. ne pouvaientrester une demi-heure dans cettechambre sanss'invectiverv vse menacer. Les émanations quis'échappaient d'un paquet de graines de jus­quiame, placé près d'un tuyau de poêle, étaientla cause de ces querelles journalières.

Debay (1) rapporte que deux individus ayant

1. Les parfums et les fleurs, p. 13i.

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS Hl

respiré la fumée de graines de [usquiame quefaisait brùler un pharmacien de Dresde, furentatteints, l'un d'aliénation mentale, I'autre dedélire furieux, pendant plusieurs jours.

Les odeurs et les gaz ont eu des effets pou­vant ètre attribués soit à leurs vertus particu­lières, soit aux souvenirs qu'ils éveillent (1).

1. D'après Josèphe (Ant. Jud., VIII, 25). Dieu avait livré auroi Salomon les secrets du monde physique, afin qu'il apprîtaux hommes à s'en servir pour le soulagement de leurs dou­leurs et contre les attaques des démons. Il avait composé àce't effet des recettes contre les diverses maladies et laissé parécrit des formules qui conjuraient les démons et arrêtaient leursimportunités. « Ces exorcismes sont encore en s'rand usageparmi nous, dit l'historien juif, et j'ai vu moi-même un certainÉléazar, de notre nation, guérir plusieurs possédés, en présencede Vespasien, de ses fils, de ses officiers et de son armée. Voicicomment procédait cet homme: il plaçait sons le nez du démo­niaque une bague dont le chaton contenait une racine désignéepar le grand roi et cette odeur forçait le démon à sortir par19s narines de l'homme qu'il possédait; puis il adjurait l'cspritmauvais, en récitant des formules dues à Salomon, de ne plusrevenir. Voulant montrer encore mieux aux spectateurs lapuissance de son art, il faisait mettre à quelque distance unvase plein d'eau et commandait au démon de le renverser ensigne de sa sortie. »

Un magnétiseur de Lyon, M. Bouvier, traite et guérit souventdes malades présentant tous les symptômes des démoniaques.Je l'ai vu, après avoir vainement ordonné à l'Esprit de scretirer, placer de force, sous le nez du possédé, des roses oud'autres fleurs dont le parfum semblait le faire souffrir assezvioiemment pour triompher de sa résistance.

A Didyme, avant de prophétiser, la prêtresse de l'oracle desBranchides respirait longtemps la vapeur qu'exhalait une fon­taine sacrée (JAMBLIQUE • .zj~s mystères•.• ch. xxv). L'oracle desColophoniens, à Claros, était rendu par un prêtre qui s'y pré-

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112 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

Le gaz hilarant (protoxyde d'azote) amèneune bruyante hilarité, même à des doses infini­tésimales, puisqu'il a ,suffi .d'approehee du sujetl'éprouvette sans la déboucher ou après l'avoirvidée.

En faisant brûler de la myrrhe, on fait naîtredes, sentiments d'admiration; la fumée du ben­join et surtout de J'encens provoquent très rapi­dement l'extase religieuse. On obtient égale­ment l'extase en projetant quelques graines decoriandre sur l1IlluorceaudefCl' 'chaud.

L'essence d'ang~lique po~te .aux idées gaies;celles d'anis, de thym, de girofle et de l'ose, auxidéesamoureuses; celles de laoande etde cannelleont produit laréplllsioll;celle de Îasmin et dementhe ont.eêveilléIe sujet (1).

L'essence devulvaria"911i,'sent Je poisson, afait penser Benoît, à "la 'pêèhe ; .ceUe de Poriu­galallxpllnaisés.

J'ai essayé; àplllsiellPsreprises, de voir ceque produiraient diverses 3.11tressubstances à

parait en buvant de I'éau d'un bassin que .renfermait la grotted'Apollon et qui, au dire de Pline, -étaitvénéneuse (Hist, nai.,liv. II, ch. v.),

Dans les hymnes attribuées a Orphée. un parfum particulierest assigné à l'év(lcationdec~aque divinité"

Porphyre, Jamblique etProdus inslstentdans leurs.œuvresSur l'efficacité de certains parfumsp<lUr.fàvoriser la divination,c'est-à-dire l'hypllùselucïde.,

1. La plupart de ceseffets,sürfollt .', ceux des" fumées et desgaz, se produisent également à l'étai de veille.

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 11:J

proximité de la,tète, mais je n'ai réussi querarement.

Un jour, Benoit, mis en état somnambulique,a senti le goût de la chartreuse, quand on lui aapproché de la nuque un flacon de cette liqueur;une autre fois, on a provoqué des nausées enapprochant également de la nuque un petitpaquet d'ipécacuana, à son insu et au mien (1),pendant qu'JI était éveillé .

. Diamanl,or, étain.

J'ai" constaté SUI' tous les sujets susceptiblesd'extérioriser leur sensibilité (2) que l'or et sur­tout le diamant déterminaient une sensation deviolente brùlure quand on approchait ces subs­tances soit d'une couche de la sensibilité exté­riortsée cqnand ils étaient en état d'hypnose,soit de leurs points hypnogènes quand ils étaientàI'état de veille (3). L'étain produit au con-

1. Dr DUFAY. Compte rendu de la réunion de la Société desMédecins de Loir-et-Cher, le 3 juin '1886, p. 35.

2. Les expèriences que j'ai relatées précédemment ont étéfaites par moi avant que je connusse le phénomène de l'exté­riorisation de la sensibilité. Il est probable qu'on arriveraitaujourd'hui à des constatations plus précises en plaçant lessubstances à essayer contre les zones sensibles j mais, lancé

.dans d'autres recherches, je n'ai pas eu le loisir de' revenir SUI'

celles-ci.3. La plupart des bons sensitifs possèdent SUl' certaines par­

ties du corps, tels que les plis du poignet, du coude et del'aine, des points qui, à l'état de veille, sont insensibles. Ce sont

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1:14 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

traire une sensation de froid et calme la brû- .lure causée par l'approche de l'or.

De tout ce qui précède il résulte que1" L'Introduètien dans' rôrganisme. par la

digestion, •. par.·.··l'inhalation. ou'par la .simpleapplication sur lapea,Ù, de particules extrême­ment ténues .•de~eI'tai~e~~ubstanè.~speutdéter- .miner la s\Iractiv~t~~eteloutel.centrecêrébralprésidantsoit auxJIlollvement~soit à J'idéation;

s- Lesmèlllel;ia,ctionspouyant se produire àdista,JJ.ce sur quelqtl~ss~Ilsitifs,'.Ilous .•• sommes'en ,droit des'l.PP9ser~w.~p~~.~~1JstaIlces.agis­sen] ..•sur le ...;ç.~ryea,Jlàl'aid.e .. ~e •.vi~ra,tionssepropa~e~Iltcll\:Ill; .•1lQ JIJ.mel1·a,lIt!,.e>q~el'orga-

nisIIle cll.~rIl~l;< •• ..••.'a" I1.est.e~trèIIlemeIltpr()hablefIuee~e§t ·par

>::-.:;,-,:.>-::.::.

ces points' qu'on considérait autr!'lfois'com~ele5empreintes dela griffe du diable et dont la constatation était regardée commela preuve la plus convaincante du criméde ,sorcellerie. On areconnu, de nos jours, que la pression. de ces points détermi­nait le. sommeil hypnotique-et" on les a appelés points hypno­gènes. J'ai découvert en outrequ'ilsprésentaiènt,. à l'état deveille du sujet extériorisable, les même~l'}jropriétésque le restedu corps à l'état d'hypnose, c'est~à.,.diregu'insensibl~sida sur­face de la peau, ils présentaiellt'â l'extéroieur.deszoJles sensi­bles. Ce sant comme des b'ous. du .corps physique par oùrayonn~ constamment le C9rpS astral; . .

. J'ai' remarqué que quelquef~is les sensations précédemmenténumérées n'étaient pas .perçues lm'squale seIisitif dirigeaitson' attention .d'un' autrec6té•.C'est le mémephénomène quepour les sens ordinaires : on 'n.e, voit 'quece-que l~on regarde,on n'entend que ce que l'on'écol,lte, etc.

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ACTIONS PSYCHIQUES DES ÉMANATIONS 115

un processus analogue que les vibrations musi­cales agissent sur les centres cérébraux moteursde certains sujets et déterminent lem.' mimique.

Comme dans la nature il n'y a pas de sautsbrusques, on retrouve chez tous les hommes, àdes degrés divers, les phénomènes observéschez les sensitifs qui servent, pour ainsi dire,de verres grossissants et sont des instrumentsincomparables pour l'étude de la psychologieet de la physiologie.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN

1

On désigne aujourd'hui sous le nom de lévi­taJiondu corps humain le phénomène quiconsiste dans le soulèvement d'un corps vivantsous l'action d'une force encore indéterminée,soulèvewentqui va jusqu'à produire une sus­penSionpllls.oumoins longue dans l'air sans,aucun contact :ave'c le sol.

J'l1ipllnliêenl897une brochure (1) où étaientf~lat~~,.plus QU moins sommairement les cas~ej'~yai~pu recueillir. J'ai 'cité, .d'après les~istq1r;~~ ecclésiastiques, plus de soixante saintso-q,bie:IûH~ureuxchez qui le phénomène ser~pr9duisait fréquemment. On -en trouve égale ....:rri.('ll:~de. nombreux ex~mpleschez les mystiques

"<<-:.--.:

l.Paris, Leymarie. 1 vol. in-So de 40 pages avec gravure.

8

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i 18 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

de l'Orient, comme chez ceux de I'Occidentrf).De nos jours, on a pu l'observer avec toutesles gar.anties désirables chez certains médiums;moi-même j'en ai été témoin deux fois (2).Le fait peut donc être considéré comme cer-

1. « Maximin. 'dans l'ivresse de lajoie que lui procurait sonavancement, ne pouvait plus se jenil'en place et se croyait sansdoute la faculté des Brahmanes pour marcher en l'air, car ilsemblait que la terre ne fût plus digne de le porter », (AMMIEN

MARCELMN. Histoires : règne' de Valentinien, année 730).D'après Philostrate (VitaAp.), Apollonius de Tyane avait vu

les Brahmanes tlotter dans. l'air. Carldu.Prel dit, dans sa Phy­sique de la, MagieJT. Il,. ch. VII) qq,'il eut l'occasion en 1856de voir Marie Mœrl; elle était agenouillée en prière, sur sonlit, mais on'pouvàit passer' lamain au- dessous de ses geooux•

.J~h:onou moi-même, dans ma jeunesse, une sainte femme'; . qui habitait Je village de Coux,pr~sdegrivas,dans l'Ardèche;

elle jouissa.i~de facultés extraordinairesdont j'ai récemment fait· •un exposé sommaire dans les~nnalesdesseiencespsy,cbiques.Une dame de .mes amies •qui étllit .tr~sli~eaye~.ene1e!la décri­tes eO'détaildansdesll,léwoires~néditsdQntj'extrais ce quisuit: « VictoirepassaauprèsdC;;PI0iplu!li~lIr~ heures: Tout enme parlant des grâces ~pe])ieu.~t la,Saillte-Vierge'l9! a~c~r­daient, je la vis avec .un profoAd .étoonementrester les yeuxfixes mais animés el s'éleverpeu.<àpeu<le,des~usla chaise ,ditelle étaitassise, étendre·le~brasenava{lt.ayaAt.lecorps penchédans cette même position. el,. deltleurerain(!i •... suspendue, sajambe droite. repliée. sous. elle, l'a'utr~JJe .• touchant a terre quepar I'orteil, C'est dans 'è ette P9sitioJJimp()~sjbleàtoqteper­sonne .dans unétat natureJ,quej'aiY1!~jctqil'e!t?uteslesfoisqu'elle était dans ses mOnulotsc:ieravi,~S~JD~IJ~S,extatiquesalor~que j'avais le bonheur de l'a,,"oir trè~réguliérelJlentd~uX'f()is parsemaine près de moi quiétaitalorSsapresq\le~ulêainie.F;Ue

prenait deux ou troisextase~p.endao!ses visitesqui~uraientde 10 à 15 ou 20 millutes I'ime•.Je l'ai vue en cetétafpl\ls demille fois, surtout pendant -Ies six premières. années de notreconnaissance. Il'' '

2. Voir la brochure citéeci-dessus, p. 68ét 82.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 119

tain; l'explication reste seule à trouver. Tan­tôt on pourrait l'attribuer à une simple forcephysique se développant dans l'organisme dusujet sous l'influence de causes morales et agis­sant comme un courant magnétique ou odiquequi repousse un courant semblable existant dansle sol (1); tantôt il semble dû à une entité intel­ligente et invisible qui soulève le sujet, commele ferait un homme ordinaire.

De nouveaux documents m'étant parvenus,ilm'a paru utile d'en faire connaître les princi­paux à ceux que cette question intéresse. Cen'est en effet que par l'examen comparatif descirconstances dans lesquelles se sont produitsces phénomènes qu'on pourra essayer d'en-dédnire une théorie. Ils sont du reste si étran­ges par eux-mêmes que la multiplicité destémoignages parviendra seule à en faire admet­tre la réalité.

M ais, a dit Herschell (2), « les yeux du par­fait observateur doivent toujours être ouvertspour ne laisser passer aucun phénomène enopposition avec les théories régnantes ; car tout

1. M. Derôme a publié, en 1900, dans LA NATURE (1r • sem.p. 202), un article intitulé: La bouteille de Leyde et leprévisiondu temps. Il y relate diverses expériences prouvant quelepoidsd'une bouteille de Leyde indiqué par une balance hydrostatiqueà l'un des plateaux de laquelle çUe est suspendue, peut aug-

-menter de plusieurs. décigrammes quand on l'électrise, et quecette augmentation de poids est d'autant plus forte que l'air estplus humide.

2. Einleitung in das Studium der Naturwissenschaft, 105.

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120 LES FRONTIÈRES DE LA 'SCIENCE

phénomènede ce genre marque le début d'unenouvelle théorie. »'

II

On sait que les sorciërespassaientpour avoir'une .légèreté .surnaturelle qu'on constatait soitpar l'épreuve de l'eau, soit par celle de la "balance (t).

Pour-la première épreuve on Iiait.Ia malheu­reuseavecdes cordes et ou la jetait à I'eau, Sielle surnageait, ellerétait, déclarée, coupable etonJa,brt1blit) si: elle enfon~àtt,elle était reeon­nue innocente 'et se noyait', '.

Pour l~secondeéprel1ve.on plaçait, ,.l'acèuséedansunfdesplat~allXd1pl1ebalancedont l'autreplateaJl',.s~PP~l'tait'u.n~lli~I,e",~~~I>r,èsBodjn,ilétait adWis'.qlle •.•.•toutepe~s0D.Il~·<plus légèr~'qu'une Bibl~ d'égliseétait,aÂ~J!tede.s~t~n~

Ch.ezles<:tatnbQdgleIls,oIl.~Qumet •.• également18J femtneaccuséede~or~eJlerleà'l'ipreuve .del'eau. « On la jet~e\autle'U,$e<;siell~,enfollc~elle est proclamée ,'lnIlocenteet.remise, enliberté ;' si ellesur~êlge, c'est qu'elleest soute..nuepardesdém~~s,. l}ans;cederllier, cas, on lasaisit et~ll·la livre "a11 juge:» (LECLERC, la 'Sorscellerie chez les Cambodgiens) (~).

1. On sait aussi qu'ellespÎ'èt~pd,aiMtaller au Sabbat en s'en­volant li cheval sur un bâton; .

2.Revile scielltîfique'du 2 février 189~.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 121

Le Dr Kerner rapporte que, quandla Voyantede Prévorst qu'il soignait était en trance etqu'on la mettait au bain, « on voyait ses mem­bres, sa poitrine et la partie inférieure de soucorps émerger involontairement de l'eau envertu d'une étrange élasticité. Les personnesqui la soignaient faisaient tous leurs efforts pour·maintenir son corps sous l'eau et ne pouvaienty parvenir ; si, à ce moment, elle était tom­bée dans une rivière, elle n'aurait pas pu s'y

·enfoncee plus qu'un morceau de liège. » (1)La somnambule du Dr Koreffqui ne savait

pas nager se maintenait très bien sur l'eau àl'état de somnambulisme; elle s'y trouvait com­me dans son élément et manifestait une joieexcessive, Il en était de même d'une somnam­-bule du Dr Despine qui restait à plat sur Xeaucomme une planche (2). En Irlande un garde­côte remarqua, un .jour, un individu nageant·dans la mer; lJ..!l canot sortit et alla recueillir·le nageur, 0,11 reconnut en lui un somnambuleqQÎ avait nagé ainsi à une distance .du rivaged''9-n mille et demi .(3). .··Le Dr Henri Goudard a étudié les Annalesdes sciences psychiques (année 1895) le' (las

. d'une jeune Américaine, miss Abbott, qui vint

1. KERNER. La voyante de Prévost. Paris, Leymarie, 1900,p.35.

2. PIGEAI8E. Électricité animale, 27.3. BRIEnnE DE BOISlIlol\'T. Des hallucinations.

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f22 LES FRÔNTIÈRES DE LA SCIENCE

en 1892 donner à Paris des représentations,Elle pouvait se rendre lourde ou légère àvolonté et communiquee cette propriété à d'au­tres personnes, C'estainsi qu'elle soulevait deterre, en la peenantëntre ses deux mainsouvertes, sans pression, uné chaire chargée de'f) personnes groupées de manière à' ne pas tou- ,cher le sol. Cette jeune fille était toute petite'et pesait, dans SOI). état nortl1al,~5 kilos. Quand. .elle voulait se livrer à ses exercices, elle setenait immobifependant uninstant; le regardfixe dans .l'espace .; .,tout·à .coup un éclair sem­blait passer danssesyéux, une-seoousse à peineperceptible, agitait SOn corps'. e.! elle entrait.dans nue sorte detranee où elle restait enrelJ\~tion avec le milieu ambiant.

La. Revue{~ludl:sR$~ehiqaesde.' M. "Césàr­de Vesllle pa~le (l)~'~ll~asallal()gue'quia~rait

été. observé. t~utréceIUnientauxÉtat~~Unjs~.Il. s'agirait d'une .fi~lette~l?éede.d~uzeansappe­lée Stella Lund~lius~ et fil1ed'unph~tographe

d'origine suédoise étapli à PorkJervis.Dèpuissa plus.tendre eIifanQ~ellejouissaitdela facultéd'accroitreàvolollté le. })~i~s'a.pparen.tde soncorps. Pour })rodu~re ••.•·lephélloIllèAe, .Stellaappuie le bout dudoigtsurlepQigllct, Je frontou le cou de l'expérimentateur ; alors, plusieurshommes en unissant leurs effort~lleparvien­

nent pas' à la soulever de terre, .bien que .nor-

1. N° de Février 1.03.

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LA LÉVITATION DU CORPS HD:\1AIN 123

malement elle ne pèse pas plus de 30 kilos. Cesexpériences ayant fait du bruit, :M. Lundeliusfut invité à amener sa fille à New-York pour yètre étudiée par un comité de médecins. Aprèsde longues 'et minutieuses expériences le comitéa fait un rapport détaillé dans lequel il conclutà la réalité du phénomène et propose pourexplication la différence maintes fois constatéeentre le « poids vif» et le «poids mort », Ilcite comme exemples le fait du cavalier qui sefait plus léger sur son cheval et celui du soldatqui, porté sur un brancard à l'hôpital, se laissealler et devient si pesant que ses camarades pro­testent et lui demandent de se faire moins lourd.

« André Mollers cite une femme qui vivaiten 1820 et qui, se trouvant en état magnétique,s'enleva soudain de son lit dans l'air, en présencede nombreux témoins et plana dans l'espace àla hauteur _de plusieurs mètres, comme si elleallait s'envoler par la fenêtre. Les assistantsprièrent Dieu et-elle redescendit. ~ Horst, COIl­

seiller privé, parle d'un homme dans les mèmesconditions qui, en présence de plusieurs témoinsrespectables, s'éleva en l'air, plana au-dessusdes tètes des personnes présentes, de telle sortequ'ils coururent derrière lui afin d'éviter qu'ilne se. blessât lorsqu'il retomberait » (1).

«L'empereur François, époux de Marie-Thé­rèse, avait à sa cour un médium nommé Sehindlec

1. KERNER. La lroyan~e de Prêcorsi, chap, VII.

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f24 LES FRONTIÈRES DELA SCIENC&

.qui possédait .l'art de s'élever à volonté dans les

.airs sur commande. Le monarque ,fit un' jourenleverJe grand'lustre .de l'une des hautes sallesde la Burg de Vienne, et,au crochet resté dansle plafond futsuspendue une bourse contenant'100 ducats; ils devaient être la 'rémunération deSchindler s'il était capable de décrocher .eettebourse sans échelle. Aussitôt il se mit à l'am­vre-; il fut saisi de-eonvalsions épileptiformes,se démenantdes bras et des jambes et finalement.I'éeumeaux. lèvres et avec un tremblement géné­l'aI,s'éleya··lentêmentdans Iesairs, Il réussit .à.saisir .la bourse} après quoi son. corps .s'étendithQrlzontàlernentc()mmepoursereposeret des­.eendit lentement en planant » (1).

Le célèbre médium anglais Eglington araconté lui-IUême, dans ,Jen()du2~juin..1886-du journalle Méd/um,. uJ\elévitatiQn.qtt'ihsubitau cours d';une, séance ~la;cour,deJll1ssie. ,

« A.près.le thé,onpas~a'<l~nsune•... chambreoù prirent.pIace,ellseten.ant7pâ~la main,l'Empereur, l'Impératrice, lei<~an<l.;d~c'et.·.lagrande-duchesse- .:d'OldepbQurg, •.•. l,e.·i.·••..grand-ducet.la grande-duchesse Ser.ge,le .g~and..duc'''YIll':dimir, le généralRichteretl~p,riD.ce.Â;lexan­

dre d'Oldenb~urg••.LesJumi~res':furen~éteinteset. les. manifestatiollscQmmencèrent; ·.laplusfrappante.dut .une .:voix qui sradressa'enrusse

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 125

.il l'Impératrice et causa avec elle pendant quel­ques instants. Une forme féminine fut apcrcueentre le" grand-duc Serge et la princesse d'Ol­-denbourg, mais elle disparut bientôt..-. Je com­men<:ai~IQrs à m'élever dans l'air, tandis quel'Impératrice et la princesse d'Oldenbourg .con­tinuaient à me tenir la main, La confusion devintindescriptible Iorsque, m'élevant de plus enplus haut, mes voisines durent monter sur leurs-ehaises afin de me suivre. Cette idée qu'uneJmpératrice était obligée de poser ainsi à l'anti­·.que, au risque de se blesser, était peu propre àmaintenir I'équilibre mental du médium et jedemandai plusieurs fois qu'on levât la séance.Mais ce fut inutilement et je continuai à montel'jusqu'à ce que mes deux pieds touchassent deuxépaules sur lesquelles je m'appuyai et qui étaient-eelles de J'Empereur et du grand-duc d'Olden­bourg"ce qui fit dire' à l'un des assistants : ,-« C'est la première fois .que TEmpereur se'« trouve sous les pieds de quelqu'un. » Lors­.que je fus redescendu, la séance fut .terminée, »

Le Journal de Francfort, du 6 septembre 1861,contient l'entrefilet suivant, emprunté au Gegen­

,.mart, de Vienne :« .Un prêtre catholique entretenait, dimanche

-dennier, dans. l'église .Sainte-Marie à" Vienne,.sesiauditeurs de la protection constante que:prêtent les canges aux fidèles commis à leur:g~rde,et cela dans un langage plein d'esalsation

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126 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

et d'images avec une onction et une éloquencequi touchaient profondément le cœur des nom­'breuses dames et jeunes filles réunies autour­de Iui. Dès le commencement du sermon, unejeune fille d'une vingtaine d'annéesmanifestalttous les signes de l'extase, et bientôt, dit untémoin oculaire, les bras alternativement croi­sés ou élevés vers le ciel, les yeux fixés sur leprédicateur, elle fut aperçue de tout le mondese soulevant peu à peu de terre et demeurant àplus d'un pied du sol jusqu'à la fin du sermon ..On assure que le même phénomène s'était pro­duit quelques jours avant, au moment où cette:jeune personne recevait la communion, »

Miss Cook, le célèbre médium quia serviaux séances de matérialisation.chez M.Crookes,raconta, en ··1872, . dans une lèttre adressée àM. Harrisson, qu'en 1870, •étant alors . âgée de14 ans, onla menaàunc$éancede spiritismeparce qu'elle voyait et entendait souvent des.esprits invisibles pOUl'tout le monde. Après.plusieurs mouvements 'et lévitation .de la .table,« une communication par' coups frappés nousfut donnée, disant que sion voulait fairel'obs­curité, je serai portée autour de la chambre..J'éclatai de rire,~eêP6yan.tpas que cela fût.possible. On éteignitJ~ lampe; m~is l'obscuritén'était pas complète, car il entrait de Jalumièrepar la fenêtre. Bientôt, <jeseD.tis que l'ollmeprenait ma chaise. Je fus soulevée' jusqu'au

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 127

plafond. Tout le monde a pu me voir en l'air.J'étais trop effrayée pour crier, et je fus portéeau-dessus de la tète des assistants et déposéesur une table, à l'extrémité de la chambre. Mamère demanda alors si nous pouvions avoir des.phénomènes chez nous. Latable répondit «oui» ~

que j'étais un médium. »

M. l'abbé Petit, que beaucoup de mes lecteursont sans doute connu chez la duchesse dePomar, m'écrivait récemment:

« Ce qu'il importe de déterminer dans tous.ces phénomènes, c'est la cause qui les produit.Cette cause étant complexe, comme tous les .agents de cette nature, doit être étudiée par lesujet lui-même en même temps que par l'opé­rateur si le phénomène est produit par unmédium étranger; dans le cas contraire, c'estque le sujet est plus ou moins médium et c'estpour lui un devoir d'étudier ses sensations,autant qu'il en est capable.

« En ce qui concerne la lévitation, je l'ai'éprouvée de deux manières différentes dans.une église: une fois, c'était un simple soulè­vement que j'attribue à la dilatation du corps.astral ; une autre fois, il y a eu transport.

«J'ai ressenti, dans le premier cas, un four­millement intense dans les. mains et les pieds.avec la sensation d'une force qui s'échappait;dans le second cas, la sensation était toute diffé-

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128 ' LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

,rente, il me semblait qu'une force étrangèrem'attirait vers l'autel (1).

c: Je pense que, dans. le cas de transport, laforce rnédianimique .du sujet se soude à une.foree supérieure qui l'entraîne. Si la frayeur nem'avait saisi,' si je ne m'étais .pas débattu, jeserais probablement passé par..dessus la grilledu sanctuaire. Ma frayeur a été si' grande querai failli en être malade...

c: Il m'encoûte.de parler de moi, je ne le fais'.qu'avec répugnance; mais Il, serait à. désirerque-les personnes à qui sùrviennent.vaectden­tellement ou non, quelques phénomènes decette. natuee, en fissent' l'aveu en .tonte.sineérité.,Cet aveu est. trè'spénible ; aussi la plupart s'en

, cachent. av,ec,.$Qinpournepoillt.s'~ttirel'la,répu­tation (Jlhallucinés ou de·.visionnaires, épithèt~s

,toujours désa.gréalJles.«En tous.ças, .. ~licuJL:de-ces:pb-én()1llènesntest

miraculeux. RiendansçesJaits, qui·éeJtautl'entmalheureusement les imag'Î!liltiQns, '. Il'est P~Q­duit en'dérogation:aux J9is;,de ,Jà"i,n.ature, mais'tous relèvent d'une loi ~Hlpérieur~~qu"9ntinirapar formuler. Il faudra s~nsd()~te,en,cor~de

,nOIJl,breusesexpérienç,esava,nt.d'al'l'Îyel'Jlcerésultat. Ce qu'il y.a dedécQnçertant,c'est<.IUeles meilleures théories so:p;tt01l.tâ c0:UP Q()u'le..

1. Le curé d'Ars racontait qtl~'le q~l1lt1n .l~sQtl~~v!litquel­quefois dans s~n lit,Oll ))rétçpdqu'El1~enéVintra~f~~sl)i­

..wsanfprophète qui vivait lT~lly'ily,a U\\l.t}.cillqWillt~ine.d'an;.

. nëes, s ·éJll.v~it det~~t:e .~evl!.nttéJîloillS l(lrl!C{J:l:'il:pl,'i~i~.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 129

versées par un facteur inconnu qu'il est impos­sible de déterminer. »

L'Écho du Merveilleux a' publiê.vdans sonnuméro du 10 mars 1899, sous la .signature deDM. Gustave Ferrys, le ~,ompte rendu d'expé­riences faites récemment dans un 'cercle .trèsrestreint.

Le médium était une petite fille de 12 ans,nommée Jane, très. bien constituée, bien por­tante et parfaitement élevée. Son état paraît,rester toujours normal pendant les manifesta­tions ~t suivant une observation déjà faite sou­vent, elle n'estpasla seule à fournir des élémentsde force; pour que les phénomènes se réalisentles membres du' cercle doivent être toujours les'mêmes et se placer dans unordre déterminé.

Ces phénomènescomportent desdéplacementsd'objets sans contact, des apparitions lumineuseset des matérialisations qui sont hors de notre"sujet. Je me bornerai à reproduire ici les' par­ties, du compte' rendu qui a trait aux lévitationsdumédium. ,

«Jane est debout sur la petite table.. Mesdeux mains effleurentserohe unpeu au-dessousdes aisselles ; les trois autres assistants soutien.;nent.lesbrashorizontanx dumédium'en touchantseulement les avant-bras. Sur notre 'demande,le médium est enlevé de dix centimètres envi­roji et retombe debout sur le' plateau. Tou­chant seul le corps du médium et ayant lesbras tendus.dl m'est-matériellement impossible

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130 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

de I'enleverdans cette position. Jane, du reste,déclare après chaque expérience de ce genren'avoir senti depression nulle part. Elle est enle­vée departout. J'insiste particulièrement sur cepoint important.

« L'expérience pré~édente est répétée, ,maisalors que le médium aquitté le plateau, la tableest renversée seule et Jane' redescend lente­ment à, terre. Je ne crois pas pouvoir, à cemoment, estimer son poids à plus d'un kilo­gramme.

« Un soir de lévitations du médium, une sur­prise nous est annoncée pour la fin dela séance.Le médium estalorsplacé debout ; j'ai les deux,mains un, peu 'au-dessous de ses aisselles, mesamis tiennent les .mains et les avant-bras. Jesens tout à coup, par un mouvement des ~pau­

les, queJ~corpsaprisune position horizon­tale. Les pieds joints ven~Jentdequitterbrus­quement le sol et avaient décrilun: quart de cer­cle autour d!une.épaule eommecentre, Enlevantvivement ma main gauche, tout en conservantla droite sous l'aisselle gauche du, médium, jel'étends dans la direction du corps et constatela position horizontale decelui-ef.sanaqu'au­eune main ne le soutienne. Ce. résultat estobtenu.trois fois de suite.

« Enfln, je rappelle, pour terminer l'exposéde ce genre de phénomènes, un fai~ analogue,àcelui dont parle M.le DrCorneille dansson arti­ole de février.

«Jane est debout, les deux piedsposés sur mes '

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 131

genoux. Je place une de mes mains SUl' chacunede ses chaussures. On effleure comme toujoursla robe et les bras. Je demande une lévitationdu médium. Le poids du corps de celui-ci netarde pas à décroître sensiblement... devient nulet, finalement, les pieds quittent mes genouxpour y retomber bientôt.

« J'essaye l'épreuve contraire. Je demandemaintenant une augmentation de poids. L'expé­rience réussit pleinement. Les pieds pressent sifortement qu'ils dévient et m'obligent à lestenir serrés. Je constate d'une main que, parleur position, mes amis ne 'peuvent nullementcontribuer à la production de ce phénomène.Sans exagération aucune, le poids du corps estdoublé.

« Je rappelle que le médium dont la natureaimante et douce reflète toute la belle franchisede l'enfance, déclare ne sentir aucune pression,aucune poussée. Un fait curieux mérite d'êtresignalé : avant que les pieds de Jane quittent lesol ou les genoux, le corps s'allonge sensible­ment et dans le cas d'augmentation depoids, lecorps se tasse et doit certainement diminuer delongueur. d'au moins 2 ou 3 centimètres. »

«Voulant varier ces effets à l'infini, la table,dans ses réponses, semble s'ingénier à combi­ner d'autres phénomènes. Elle nous dit :

- Couchez Jane sur le plateau.- Mais, disons-nous, ce n'est pas possible!- Je veux la léviter au mur.- Comment cela?

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132 .LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

«La table répond que le médium sera raidiet qu'il nous faut mettre les mains légèrementen dessous.

« Nous suivons le petit' meuble qui va pren­dre, en ·lévitant, une position convenable, puis­Jane est étendue les reins portant sur la table,la tête et les pieds soutenus par nous quatre.

« Le corps perd bientôt de son poids ; nous.'ne le sentons plus sur. nos mains qui effleurentseulement la robe; il s'élève et fait horizontale­ment: un mouvement de va-ct-vient ; lès piedsfeappent.le mur à chaque fois. Le .médium ritet dit: «Encore ! ». ..

« Pendant que-Jane rebondit vers le mur,'telle une balle de caoutchouc, j'émets l'idée que,la table ne servant plus à rien pourrait bien.sortir du/cercle formé par Iesassistants. Nouslui réservons un passage ; mais elle sort, seule,~videmment, dll côté opposé et va s'affalee avec­bruit(ians-~nanglede l'appartement. Le,poids;dll'corpsde·Janeaugmente et redevient nor-mal. '

«Un instantaprès"nous obtenons que l'ex­périence soit refaitë-mais .avec,çettevariante :.

__ Quand -le 'médium,seraenI'ail',etléviteraaumur, vous . glîsseI.'ez ·leIl.tement •vos mains­veésIa tête de sortequela~p~tiesupérieuredTh,

corps reste horizontale, sans contact., ". ..' .. «Ainsiest faito Jane.continue.'leslévitations·

au.mûr.ju$qu}'ceq:uellosmainssoient'toutesremontées dela tète.àla taille~Plus de la moi~

tiédu corps restait •donc seule soutenue .' par l'in-·

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN

visible. Puis le médium, couché dans les mèrnesconditions que précédemment, est enlevé hori­zontalement, redressé et posé debout sur la table.Enlevé de nouveau, il tourne dans le plan ver­tical et se couche lentement. Pendant ce temps,nos mains; effleurant seulement la robe, n'ontqu'à suivre. Les mouvements sont lents etrégu­Hers. Il est de toute impossibilité de les repro­duire à force de bras, ainsi que nous l'avonsessayé depuis. »

M. le Dr Dusart, ancien interne des hôpitauxde Paris, a étndié dans un petit village dudépartement du Nord, une jeune fille de 17 ans,qui était un médium extraordinaire sous desrapports divers. Voici ce qu'il m'écrivait, le7 mars 1899, au sujet des phénomènes se rap­portant à la question qui nous occupe en ce sensqu'on voit varier le poids des objets matérielssous l'influence d'une force inconnue.

({ Maria ayant les mains à plat sur la table,les pieds de celle-ci qui sont de son côté sesoulèvent: un' d'eux vient toucher sa robe; puisles deux autres s'enlèvent à leur tour et la tableainsi complètement en l'air vient, sans le moin­dre effort musculaire de Maria, se poser sur latête des assistants debout dans la salle. A lademande, on ne la sent pas du tout ou elle pèseà faire crier gràce. Nous avons tous essayé dela soulever non pas en y imposant simplementles mains, ce qui est évidemment impos­sible, "mais en l'empoignant vigoureusement

9

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f34 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

par les bords; nous n'y sommes pas arrivés.«Il étaitintéressant et même nécessaire d'ap­

précier l'étendue des modifications de la pesan­teur. J'ai apporté un peson à index et j'y aisuspendu la table :,libre, elle donne 17 kilos.A la demande, Mariâportant les mains dessusla plate-forme,êllearr~:veàpeserzéro; oubienMaria posant les' mains dessous, l'index des­cendlentementjusqu'à 40kilos. Plus tard la tables'agitant dans une vraie sarabande, on a cons­taté 50 kilos, point extrême du peson; maisceci ne compte pas, à cause des secousses.

Onconnait l'éxpériencedl1·pèse-Iettre, qui eutli~u à l'AgnélaseI).1895;en~aétérépétéeen

1897, à Bordeaux chez M.Maxwell qui m'a eom­muniquéle: proCèS-Vél'balrédigépar lui-même.

Séance. du 4aotlt1897.

«. Présents : ~usapia, 'n~dium ,; , MII)3 A... ;:M.Maxwel1(f);M. dcfl()ntaud.;:Nt Denucé, doc­

'teur en médecine; l\f.. Pr.avocat.

Pro

D"D.

E.

DeM.

DeF.

1. M.Maxwellil donnê un rèsurllèdecettê séance à là ~age 292:

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 135

« Lumière vert clair donnée par une lampeélectrique placée dans une lanterne photogra­phique. On distingue les moindres détails del'appartement, sauf le dessous de la table à causede l'ombre portée par le tableau.

« Eusapia est en corsage clair, celui qu'elleavait pendant le dîner.

« J'ai acheté dans' la journée un pèse-lettreque j'apporte. E.'.. nous fait rester deux ou troisminutes les mains sur la table, puis approcheP.~ mains du pèse-lettre, en faisant placer lamain droite du Dr D... sous la main. gauche dumédium.

• «Le Dr D ... accuse une sensation de soufflefroid qui s'arrête au bout d'un instant, puisrecommence. •

« Les mains d'Eusapia sont à environ 15 cen­timètres du pèse-lettre. de chaque côté et dansle prolongement d'un diamètre du plateau.

« Eusapia fait deux ou trois fois un mouve­ment de haut en bas avec ses mains, face pal­maire au-dessous. Or, la deuxième fois, le pèse­lettre est poussé à fond de course, ce qui exigeune force de plus de 170 grammes,

« Eusapia prend la main gauche de M. de

du livre qu'il vient de publier dans. la Bibliothèque de phi­losophie contemporaine, sous le titre: LES PHÉNmlÈNEs PSY­

CHIQumi, Recherches, observations, méthodes, par J. Maxwell,docteur en médecine, Avocat général près la Cour d'appel deBordeaux.-e- Préfa"ce de Charles Richet, membre de l'Académiede médecine, Professeur à la Faculté de médecine de Paris.

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Pontaud la place sous sa main droite et tentel'expérience avec lui. EUe demande s'il sent lésouffle froid; M. de Pontaud répond que non.Après quelques instants; M. de Pontaud sent unsouffle froid à l'annulaire etau petit doigt (lesdeux doigts de sa main la plus rapprochée ducorps du médium). Le plateau s'abaisse et l'ai­guille s'arrête à la division 20.

e Eusapia reprend la main droite du Dr D•..Elle ne place plus ses mainsdans le prolonge­ment' des diamètres du plateau, mais dans deuxdirections faisant un angle d'environ 120·, dontle sommet serait a,u centre du. plateau.

« Le Dr D.•. a toujours samain droite dans lamain gauche d'Eusapia. Les extrémités desmainsde celle-ci sont à enviror; lO centimètresdu bord du plateau et à environ .15centim~tres

I'une de l'autre. Le plateau s'abais§e à 90 gram­mes etreyient lentementàO.

« Dans; les deux. expériences précédentes, ilétait revenu 'hrusquemeJ;lt;i O.

« Eusapia .. essayedefa.ire "lever le plateau.Ses mains' .sont dans le .prolongement d'undiamètre dùplateau; ~a face pabIiaire est, cettefois, en haut. Le. plateau se .relève.. Dans cetteposîtion Ia course dupl~teau~stfaible; il estbloqué au boutd'un deIlli~centhnètre.

M.' Pr.•.. plac~' sonpor~efeuille. en .. maroquinnoir, pesant •.,70grammes,sllrileplateau~.Eusapiarecommence l'expérience cians les Illêmescon­ditions de 'position des mains et de distancecomptées à partir du bord deportefeuille, Après

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 137

deux ou trois mouvements de ses mains de basen haut, le plateau est relevé à bloc.

« Avant qu'on enlève le pèse-lettre, Eusapiafait remarquer que ces expériences sont cellesqui lui plaisent le plus. Elle n'est pas endormieet se rend compte de tout ce qui se passe. Elledit éprouver une sensation de froid dans le dos,le long de l'épine dorsale, puis dans le bras, etun fourmillement dans le bout des doigts aumoment où le plateau s'abaisse. »

A Montfort-l'Amaury, ce phénomène s'estprésenté sous une forme différente et assez ori­ginale. C'était également à la fin d'une séance.

« On passe, dit M. de Fontenay (1), dans lasalle à manger, on s'asseoit autour de la grandetable. On prend du thé et des gâteaux. Il y adevant Eusapia un plateau chargé de tassesavec leurs soucoupes et leurs petites cuillers,un sucrier, une théière et divers menus objets,parmi lesquels une ouillèr à entremets pesant4,0 grammes: celle-ci. est posée à même leplateau appuyée sur le rebord qu'elle dépassede 6 ou 7 centimètres. Eusapia, qui attend satasse de bouillon, montre la cuiller à ses voisins,et, comme pour s'amuser, la fait sauter en pas­sant les deux mains de bas en haut à quelques

1.A propos d'Eusapia Paladino, Paris. Société des éditionsscientifiques, 1898.

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138 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

centimètres à gauche et à droite de I'objet.1

Aussitôt on nous appelle, M. Flammarion etmoi, et Eusapia recommence. Nous sommessous la pleine lumière d'une lampe et deplusieurs bougies. Tout le monde regarde.Eusapia renouvelle deux ou trois fois le geste desoulever quelque chose entre ses deux mains,qui passent chaque fois à 3 ou ~ centimètresaa minimum de l'extrémité de Iacuiller. ·Lepre­miel' mouvemeJ.lt n'amène aucun résultat ; audeuxième ou an troisième, la cuiller' sursaute etretombe dans la même position. Nous prionsle médium de recommencer une fois encore.Elle répète le même geste deux ou trois fois,mais sans succès, et frotte ses mains contre sajupe comme pour les essuyer-et les débarrasserde quelque, impureté qui s'0PP9seraitaupas­sage .de ·je ne sais quelle force. P?~sellerenou.velle sa tent~tive..Les deux premières passesne produisent .rien; .latr()isièm.e a~èneun

léger mouvement de la cuiller ;~laquatrième

elle saute en l'aircOInplèt~Illentetserenversepout poun.hout sur lepla:~e({u. Onapplaudit~et

Eusapia se met.à rireJtitplais({nter;elle e~t,

je lerépète,complète~entéveiI1é.e(p.H6).»Le livre de M. de Fontçnay contient une

excellente photograpllÎe~e lévitati~lLde tableet de nombreux détails'sur d'({ùtres mouve..ments à distance, qui orit eu .• lieuen pleinelumière.

A Montfort..I'Amâury, comme-dans les autresgroupes où elle a opéré, les spectateurs mettent

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 139

généralement fin à la séance au bout de deux outrois heures parce que le médium est complète­mentépuisé; les spectateurs rompent la chaine, eton augmente progressivement la lumière. Eusapiasort alors peu à peu de l'état de trance, reprendl'usage de ses sens, se lève, marche, cause etfinit par paraitre se trouver dans sonétat normal.Cependant elle est toùJours fortement chargée deforce psychique, et c'est à ce moment qu'elleproduit en pleine lumière des phénomènesqu'elle répète souvent plusieurs fois de suite augré des observateurs. Elle vous dit par exem­ple de placer votre main sur une table, sur ledossier d'une chaise ; puis elle place la siennepar-dessus, également à plat et la lève; alorsvotre main et le meuble qui est au-dessous sui­vent le mouvement et le meuble reste ainsisuspendu à votre propre main pendant 40 à50 secondes, jusqu'àce qu'il tombe brusquement,pendant qu'Eusapia pousse un soupir de soula­gement, comme si elle venait de cesser unviolent effort.

Cette expérience est du plus haut intérêtparce que l'impossibilité d'un truc est de touteévidence; j'en ai été témoin plusieurs fois. Ellea été obtenue à Palerme avec Eusapia en juil­let et août 1902.

Dans le compte rendu de ces séances on peutcependant lire :« A deux reprises, alors quenous n'étions pas en séance et qu'Eusapia setrouvait enpleine lumière tout près d'une table

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140 LES FRONTIÈRES DE J.A SCIENCE

OÙ se trouvaient plusieurs bibelots, elle s'estservie d'un fil qu'elle avait entre ses mainspour déplacer ces objets et nous a permis decroire .. qu'elle se livrait à une fraude cons­ciente. »

Comme les' expérimentateurs rendent ailleurspleine et entière justice aux. facultés extraordi­naires d'Eusapia, nous sommes portés à con­chire qu'ils 'avaient réellement vu un fil, maisqu'ils avaient eu le tort de ne point s'assurer"de la nature de -ce fil, Ils auraient alors pu cons­taterqne ce fil était purement . fluidique, ainsique cela a été démontré au cours des séancestenues en mars et avril 1903, avec le mêmemédium, chez le chevalier. Peretti,à Gênes. Voicicomment l'un des témoins, M. Bozzano, narrele fait (1).

. e La séance était àpêinefinie ;lapièce étaitéclairée par' une lampeêléctrique à.la lumièrerouge ; le médium encore un Peu épuisé étaitassis auprès de ·la table. Tout à coup il parutse réveiller ·de l'espèce d'engourdissement danslequel il se trouvait; il se frotta les "mains;après quoi, en Ieséleignant .I'unè de l'autre etles portant en avant, il les a.pprocha d'un petitverre posé sur la table; alors' en faisant avec lesmains des mouvements, tantôt-en' avant, tantôten arrière, il parvenait à imprimer ,.. au petitverre en question des mouvements analogues

t. Revue d'études psychiques, mars 1903.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 141

de traction et de répulsion à distance... Pen­dant que se déroulait ce phénomène, tous lesexpérimentateurs furent à même d'apercevoirtrès clairement, à l'improviste, quelque chosecomme un gros fil de couleur blanchâtre, lequelpartant d'une manière indéfinie des phalan­gettes des doigts d'une main d'Eusapia allait sejoindre d'une façon tout aussi peu définie auxphalangettes des doigts de l'autre main.

« Aucun doute: le médium trichait ; chacundes expérimentateurs ne put s'empêcher desonger en ce moment à l'épisode de Palerme.Voilà que le médium lui-même se prend à s'é­crier avec un ton de joyeuse surprise: Tiens !Regardez le fil ! Regardez le fil !

« A cette exclamation spontanée du médium,le chevalier Perretti imagina de tenter uneépreuve aussi simple que décisive. Il allongeale bras et commença à presser -légèrement etensuite à tirer vers lui, lentement, ce fil quis'arqua, résista un instant, puis se brisa et dis­parut tout à coup; une brusque secousse ner­veuse fit tressaillir le corps du médium. Inutilede décrire l'étonnement général; un tel faitsuffisait à résoudre d'un coup toute incertitude.Il ne s'agissait point d'un fil ordinaire mais d'unfilament fluidique. »

M. Bozzano s'en est du reste assuré encoreplus complètement au moyen d'une vingtained'observations faites ensuite au courant desséances de Gênes etoù le phénomène s'estreproduit, quoiqu'un peu atténué, gràce au dis-

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142 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

positif suivant ': Quand le"médium avait donnéune bonne séance et qu'on supposait qu'il étaitdans de bonnes conditions pour extérioriser sonfluide, on n'avait qu'àétendre, en pleine lumière,sur son giron,· un drap noir et à disposer latable ou un meuble quelconque de telle façonque son ombre tombât sur le drap en question;puis on plaçait les .mains du .médium dansl'étendue de l'ombre, les deux pointes vis-à-visde l'autre, à .une distance de 10 centimètresenvlron.vles dos des mains soulevés et les doigtslégèrement ouverts. Quelques instants après onpouvait observer distlnctement quelques fila­ments fluidiques • fort '. m~Ilces, . d'une . couleurblanchâtre .qui, enpaI'~antde chacunedes pha­langettes d'unemaind'Busapia, allaient se rat­tacher à chacune) desphalangettescOI'l'espon­dantes des doigts·· del'autremaiI;l.(1).(îrâce àcefilameIltfluidique, on peut donc expliquercertains mouvements qui .Pal'aissent se pro­duire en oontradiction-avecdes.lofa de la pesan­teur.

Sainte Thérèse 'a eu de, rïombrenses lévita­tions; voici comment les rapporte-un de seshistoriens (2).

1. M. Maxwell a, démontré, dans le chapitre IV de ses. Phë­nomènespsychiques, la réalité objective deceseffluvès digi­taux qui se produisent plus OU moins chez tout le. monde, maisqui sonten généraLtrop faibles pour êtrè aperçus par d'autresqne par les sensitifs.

2. (Anonyme). Histoire de Sainte Thérèse d'après les1JoZlan~

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 143

Le guide spirituel du monastère, saint Jeande la Croix, venait joindre quelquefois sesardeurs à celles de Thérèse. Un jour, fète de laTrès Sainte-Trinité, ils s'entretenaient ensemble,au parloir, de ce grand mystère vers lequel ilsétaient portés parles mêmes attraits. Thérèse,.à genoux d'un côté de la grille, semblait plutôten oraison qu'en conversation. Le P. Jean dela Croix, assis de l'autre côté, parlait avec lefeu que seul l'amour divin communiquait àson langage doux et calme d'ordinaire. Aumilieu de leurs discours, le ciel s'ouvre au-des­sus "de leurs tètes, et leurs deux âmes, uniesdans une sublime contemplation, s'élancent versle Bien suprême qu'il leur est donné d'entre­voir. A ce moment, la sœur portière, Béatrixde Jésus, chargée de transmettre un message àsa Mère Prieure, frappe à la porte du parloir.Personne ne répond. Elle frappe encore, enfinelle pousse la porte. Le Saint et la Sainte sontl'un et I'autre élevés au-dessu"s du sol dans lasituation qu'ils occupaient auparavant: Jeande la Croix assis sur sa chaise qu'il a inutile­ment saisie de ses deux mains pour se retenir àterre et qu'il a au contraire emportée avec lui;Thérèse toujours à-genoux et soutenue en l'air.A cette vue, sœur Béatrix, hors d'elle-même,~ppelle les religieuses qu'elle peut trouver hors

âistes les divers historiens, et ses diverses œuvres complètes.Paris. Retaux Bray, 1886, 2" édition, tome second, p. 37.

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tH LES FRû:"HIÈRES DE LA SCIENCE

du parloit' , et une partie de la communautédevient ainsi témoin du double prodige. On neput en garder entièrement le secret avec lasainte Mère : «Que voulez-vous, mes fines,« répondit-elle dans sa gracieuse humilité, on« ne peut parler de Dieu avec le Père Jean.« Non, seulement il tombe aussitôt en extase,« mais il fait y entrer les autres. »

La sainte a clécl'il elle-même les sensations­qu'elle éprouvait au moment de ses lévitations,dans son autobiographie dont Mgr Méric apublié (1) de nombreux extraits que nous luiempruntons.

« L'âme, dans ces ravissements, semble 'quit­ter les organes qu'elle anime. On sent d'unemanière très sensible que la chaleur naturelleva s'affaiblissant et que le corps se refroiditpeu à peu, mais avec une suavité. et unplaisir­inexprimables. Dans l'oraison d'union, neustrouvant. encore comme dans notre. pays, nous.pouvons presque toujours résister à l'attraitdivin, quoique avec peine et un violent effort;mais il n'en est pas de même dans les ravisse­ments; on ne peut presque jamais y résister.Prévenant toute pensée et toute préparationintérieure, il fond souvent sur vous avce uneimpétuosité si soudaine et si forte que vousvoyez, vous sentez cette nuée du. ciel ou cetaigle divin vous saisir et vous enlever.

1. Le vol aérien des corps. Revue du Monde invisible, n° du15 avril 1899.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 145

« Mais comme vous ne savez où vous allez,la faible nature éprouve à ce moment, si déii-

cieux d'ailleurs, je ne sais quel effroi dans le

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146 LES FRONTlÈBES DE LA 8ClENCE

commencements. L'àme doit montrer ici beau-­coup plus de résolution et de courage que dansles états précédents; il faut en effet qu'elleaccepte à l'avance tout ce qui peut arrive l',

qu'elle s'abandonne sans réserve entre les mainsde Dieu et se laisse conduire par lui où il luiplaît, car on est enlevé, quelque peine qu'on enressente.

« J'en éprouvais une si vive, par crainted'être trompée que, très souvent en particu­lier, mais surtout quand j'étais en public, j'aiessayé de toutes mes forces de résister. Parfoisje pouvais opposer quelque résistance; mais,comme c'était en. quelque sorte lutter contre unfort géant, je demeurais brisée et accablée delassitude. D'autres fois tous mes efforts étaientvains ; mon âme était enlevée, ma tète suivaitpresque toujours ce mouvement sans que jepusse la retenir; et quelquefois même tout mon.

corps était enlevé, de telle sorte qu'il ne tou­chait plus 'à terre.

« J'ai été rarement ravie de cette manière.Cela m'est arrivé un jour où j'étais au chœuravec toutes les religieuses et prête à communier.Ma peine en fut extrême dans la pensée qu'unechose si extraordinaire ne pouvait manquer decauser bientôt une grande sensation. Commece fait est tout récent et s'est passé depuis quej'exerce la charge de prieure, j'usai de monpouvoir pour défendre aux religieuses cl'enparler.

« En plus d'une circonstance, j'ai fait ce que

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LA LÉVITATIO~ DU CORPS IIUMAI:"l 147

je fis le jour de la fète du saint patron de notre

FIG. 15. - Lévitation de Saint Martin de POI'l'CS.

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148 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

monastère. Pendant le sermon auquel assistaientplusieurs dames de qualité, je vis que la mêmechose allait m'arriver; je me jetai soudain àterre, mes sœurs accoururent pour me retenir,et le ravissement ne put échapper aux regards.Je suppliai instamment Notre-Seigneur de vou­loir bien ne plus me favoriser de ces grâcesqui se trahissent par des signes extérieurs ;j'étais déjà fatiguée de la circonspection àlaquelle elles me condamnaient, et, malgrémes efforts, je regardai comme impossible deles tenir cachées...

« Lorsque je voulais résister, je sentais sousmes pieds des forces étonnantes qui m'enlevaient;je ne saurais à quoi les comparer. Nul autre detous les mouvements qui se passent dans l'es­prit n'a rien qui approche d'une telle impétuo­sité. C'était un combat terrible, j'en demeuraisbrisée. Quand Dieu veut, toute résistance estvaine ; il n'y a pas de pouvoir contre son pou­voir. Quand Dieu veut, nous ne pouvons pasplus retenir notre corps que notre âme. Malgrénous, nous voyons que nous avons un maîtreet que de telles faveurs sont un don de sa main,et nullement le fruit de nos efforts; ce quiimprime dans l'âme une humilité profonde.

« Au commencement, je l'avoue, j'étais saisied'une extrême frayeur. Et qui ne le serait envoyant ainsi son.corps s'élever de terre ? Car,quoique l'âme l'entraîne après. elle, avec unindicible plaisir quand il ne résiste point, lesentiment ne se perd pas; pour moi, du moins,

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LA LÉVITATIO~ DU COHPi; IIUMAr~ f,'J!)

ie le conservais de telle sorte que je POllV([ isc;:__~ .._

oS .Pet1"us Je.A1.cllnt""'/tHg"1!Jl~.rtrictiuri.r ob.roniatdi:e.J'ancti. Fran&~f,·. Frizh-uni lI1inDrùmDi.rUl~,.um.IWe,.edLI.9ilt~

FIG. 16.

10

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150 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

voir que j'étais élevée de terre. A la vue decette majesté que déploie ainsi la puissance, ondemeure glacé d'effroi, les cheveux se dressentsur la tète et on se sent pénétré d'une très vi vocrainte d'offenser un Dieu si grand. Mais cettecrainte est mêlée d'un très ardent amour, et cetamour redouble en voyant [usqu'à quel eXCl'SDieu porte le sien à l'égard d'un ver de terrequi n'estque pourriture. Car, non content d'éle­ver l'àme jusqu'à lui, il veut élever aussi cecorps mortel, ce vil limon souillé par tant d'of­fenses ...

« Je reviens aux ravissements et à leurs effortsordinaires. Souvent mon corps en devenait siléger qu'il n'avait plus de pesanteur; quelque­fois c'était à un tel point que je ne sentais plusmes pieds toucher la terre. Tant que le corpsest dans le ravissement, il reste comme mort etsouvent dans une impuissance absolue d'agir.Il conserve l'attitude où il a été surpris ; ainsiil reste SUl" pied ou assis, les mains ouvertesou fermées, en un mot, dans l'état où le ravis­sement l'a trouvé...

Giordano Bruno dit, à propos de la puissancede concentration de l'àme et en parlant desaint Thomas d'Aquin: «Quand il s'élevait avectoute ;la·fofcede son âme et toute sa piété àla contemplation spirituelle de ce qu'il croyaitêtreIe ciel, aout son être. sentantet agissant seconcentrait à un tel .degré dans cette pensée

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FIG. 17.

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152 LES FnO:\"TlÈRES DE LA SCIENCE

unique quc son C01'PS se détachait du sol et s'éle­vait en l'air, »

Voici maintenant quelques cas qui ont étédécrits et aftirmés [uridiquernent.

Le premier en date se trouve à la Bibliothè­que nationale.

C'est le « Procès-verbal fait, pour délivrer'r.n: fiUe possédée par le malin esprit à Louviersen Uj91, par Louis Morel, écuyer, sieur de LaTour, conseiller du roi, prévôt général en lamaréchaussée de France et en la province deNormandie, assisté de Mc Robert Behotte, licen­cié ès lois, avocat et lieutenant général de JI. levicomte de Rouen, à la résidence de Louviers. »

La fille dont il est ici question était une pau­vre servante, Françoise Fontaine, ni sainte nisorcière, mais affligée de manifestations siextraordinaires qu'elle avait demandé tous lessecours, y compris ceux de la religion, pouren ètre délivrée et qu'on avait fini par la garderdans la prison de Louviers pour éviter les acci­dents.

Ces manifestations, parmi lesquelles se trou­vaient des coups frappés dans les murs, destransports d'objets mobiliers et des enlèvementsde son propre corps, si brutaux qu'elle et lesassistants en étaient souvent grièvement blessés,sont longuement exposées dans le procès-verbalavec les attestations des témoins. Je me bor­nerai à reproduire ici le récit de celles quieurent lieu lorsqu'on eut recours à l'exorcisme,

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L\ I.I~YITATIO~ DU CORPS HUMAI'" 153"'1

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154 LES 'FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

enx mettant l'orthographe et la ponctuationmodernes 'pour rendre un peu plus claire la.rédaetion assez confuse du prévôt de Norman­die ..

«Suivant ce que nous avons' arrêté le jourd'hier avec ledit curé Pellet, nous sommespartis de notre logis et venu trouver iceluicuré Pellet, viron sur les six à sept heures dumatin, avec lequel nous sommes transportésaux prisons de cette dite ville de, Louviers,ayant ,amené avec lui un clerc qui portait l'eaubénite, et nous avons commandé auxditsVymont, Dupuys; Hellot, Dubusc, le Prévostet autres, nos archers, nous. ;accompagner ;cequ'ils ont fait. Et sommes entrés en icelle pri­son et avons trOuvé> ladite FI'ançoise qui ·'étaiten une petite chambre haute, couchée toutevêtue sur une couchetteàveccinqou six pri­sonniersquiJa gardaient,_ Iaquelle avait levisage tout en sang"comme d'égratignures, àlaquelle nous. avon.sdemàndê qui lui avait faitcetteégratignure.

« ParIaditeFraneoisé fait réponse que c'étaitl'esprit qui là tourmentaitquiIuiavaitfait les­dites égratignures, samedi ausoii- dernier ennotre présence comme nous Finterrogions,l'ayant ledit esprit lors jetée parterre 'à causede ce qu'elle nous avait confessé, comme nom,avions pu voir,

« A laquelle Françoise nousnvons usé deplusieurs remontrances pour la réconcilier enla crainte et amour de Dieu, lui remontrant

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 155

qu'en reconnaissant Dieu, lui criant merci,confessant ses fautes, lui en demandant pardonet renonçant au diable, elle pouvait sortirdes tourments où le malin esprit l'avait con­duite, par le moyen d'une confession généralede ses péchés qu'il fallait qu'elle fit audit curéPellet, et se mettre en bon état, pour ouïr lamesse et recevoir le saint Corps de Notre­Seigneur Jésus-Christ; ce qu'elle a promis defaire.

« Ce fait, ledit curé Pellet lui avait baillé del'eau bénite, et icelle ouïe de confession;· aprèslaquelle nous avons icelle Françoise prise,menée et conduite avec nosdits archers, étantenserrée par les mains, à l'église Notre-Damede cette dite ville de Louviers, où entrant leditcuré Pellet, qui marchait devant vêtu de sonsurplis et de son étole, lui avait jeté de l'eaubénite ; et nous, après lui, ayant notre bâton deprévôt en la main, I'avons conduite en la cha­pelle de la Trinité où l'on avait fait accommo­der l'autel pour dire la messe, et devantlequel autel nous avions fait mettre des bancs,sur l'un desquels elle s'est appuyée, s'étantmise à genoux et commencé à prier Dieu, étanttoujours auprès d'elle ledit curé Pellet vêtu deBondit surplis ayant son étole au cou. Et noussommes mis au coin de l'autel où l'on com­mence à dire la messe, pour voir quelle conte­nance tiendrait ladite Françoise sans qu'ellenous aperçût.

« Et lors et à I'instant, Me Jean Buisson,

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156 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

prêtre chapelain de ladite église,qui était revêtude ses ornements sacerdotaux pour dire etcélébrer la messe, ayant fait allumer un grandcierge qu'il avait fait mettre sur le bord del'autel, près de nous, et après a commencé àcélébrer une basse messe DlI s'étaient trouvésprésents plus de 1.000 1.200 personnes, tantcatholiques que huguenots de la nouvelle pré­tendue religion, soldats et autres gens de qua­lité. Et entre autres personnes de qualité,étaient le sieur abbé de Mortemer, le sieurRatte, abbé et conseiller au parlement de Tou­louse, le sieur de Rubempré, le sieur baron deNeufbourg, le sieur baron des Noyers, le sieurSéguier, grand maître des eaux et forêts deFrance, Me Jacques Duval, médeeln à. Évreux,Me Jonas Marie, receveur des tailles en l'élec­tion de Montivilliers, Me Nicolas Coquet, prêtredudit Louviers, Pierre Behotte, Jacques Surgis,Guillaume -Inger l'aîné, Robert Langlois, bour­geois et marchands dudit Louviers.

« Laquelle Françoise s'était mise en prière cten état d'ouïr sagement la messe, sinon quelorsque ledit Buisson prêtre a commencé à direl'Évangile, ladite Françoiseavait commencé àsommeiller, la tète lui étant tombée sur leditbanc devant lequel elle était à genoux, commesi elle eût été pâmée ct évanouie ;de quoi nousavons averti ledit curé Pellet qui nous regardaitet avait l'œil sur nous, comme nous l'en avionsprié, afin de l'avertir si nous apercevions queladite Françoise fît quelque chose ; lequel curé

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LA LÉVITATION DU CORPS IIUl\UJN

~al'iiCh:f/IiU~""iP"I'a<!IlIJ.JhY",,(uIaiur!!fliju.s rel atlniranJam .,edent

Emi,,':',!c R"ev':'Sinè'ipi Ff.wiqSeraplrici e"l'um 01'dUJir

Ba"'""ilfino,.~ C"mm1lUakJ .fd"f'!'lrdd(t".,. ~fJrI·

FIG. 19.

S.Ic.epha CUPd'tiru> .-;!UnW in. lU"ftrll.<l'.

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PnJ/wnkIlÙeJ;,..,:.,·J;':.I;-6,.

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158 J,ES FRONTIÈRES DE LA SCIEl'\CE

. Pellet l'avait exorcisée et à elle jeté de l'eaubénite, laquelle s'était aussitôt revenue, s'étantlevée et fait le signe de la croix et ouï etentendu ledit Évangile attentivement. Aprèsledit Evangile dit, elle avait été à l'offrande oùelle avait été conduite par ledit curé Pellet. Lorsde l'élévation du saint Corps de Notre-SeigneurJésus-Christ, elle avait icelui regardé fort atten­tivement, faisant toujours mine de le prier etadorer, sans avoir été aucunement tourmentée,Après laquelle élévation, ledit curé lui avaitprésenté la paix qu'elle avait baisée.

« Et SUI' ce que ledit Buisson prêtre a vouluparachever de dire la messe, le livre et misselétant changés de lieu et remis sur le bout del'autel où il avait commencé ladite messe, étantà l'action de gràce d'icelle, ledit curé Pelletavait commandé audit Buisson prêtre de neparachever sa dite messe qu'il n'eût administréle Saint-Sacrement et l'Eucharistie à laditeFrançoise; lequel Buisson s'étant arrêté, iceluicuré Pellet, vêtu toujours de son surplis etayant l'étole au cou, s'étant approché d'icelleFrançoise, laquelle il avait ouïe derechef deconfession, et ayant icelle exorcisée, et conjuréledit malin esprit auquel ladite Françoise adéclaré publiquement qu'elle renonçait, leditcuré Pellet a pris la Sainte Eucharistie pour lalui bailler et faire recevoir. S'étant approchéd'elle après avoir fait dire à ladite Françoisetout hautement son Misereaiur et Confiteor, ils'était apparu comme une ombre noire hors de

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FIG. 20.

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160 LES' FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

l'église, qui avait cassé un losange des vitres deladite chapelle et pris le cierge qui était surl'autel, qu'il avait éteint... et icelle Françoiseétant à deux genoux nvairétévenlevée fortépouvantablement, sans 9:voirpurecevoir leSaint-Sacrement, ouvrant la bouche, ayant lesyeux tournés en la tète, avec un geste tanteffroyable, qu'il avait été besoin, à l'aide de 5 à6 personnes, la retirer par ses accoutrementscomme elle était enlevée en l'air; laquelle ilsavaiént jetée à terre, ayant été contraints de sejeter sur elle à cause que cela la . voulait enle­ver, sans toutefois voir ni apercevoir aucunechose; où s'était .aussitôt présenté ledit curéPellet, qui avait icelle exorcisée et à elle [etédel'eau bénite, même conjuré ledit 'malin esprit;laquelle était revenue à soi~étonnée .et débile.Ce, que voyant, Jeditcuré~vajtderecllef faitabjurer à ladite Fràncoisélêdit.matin ésprit;ei,;à elle fait plusieurs remontranees-pour le s31\11'<de son âme; à quoi ladite Françoise avait prêtél'oreille.

« Cela fait, ledit curé avait derechef pré­senté la Sainte Hostie à ladite Francoise, pourlaquelle recevoir s'étant mise à deux genoux,ledit curé lui présentant, icelle Françoise a de­rechef été enleoée de terre plus haut que l'autel,comme si on l'eût prise par le~ cheveux, d'unesi étrange façon que cela avait grandementétonné les assistants qui n'eussent jamais -cruvoir une chose si épouvantable"; s'étant tousjetés à deux genoux contre terre et commencé

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 161

à prier Dieu et implorer sa grâce pour la déli­vrance de ladite Françoise; ayant été de besoinpour icelle reprendre, que plusieurs hommesse soient jetés à ses accoutrements et icelleabattue à terre, s'étant jetés sur elle pours'opposer à l'effet de l'ennemi qui )e voulaitenlever, ayant ladite Françoise la bouche torseet ouverte, les yeux qui lui sortaient de la tète,les bras et les jambes tournés sens dessusdessous.

«Ce que voyant, ledit curé Pellet s'étaitapproché auprès d'elle, lui ayant jeté de l'eaubénite, icelle exorcisée et conjuré ledit malinesprit. Ayant ladite Françoise la face contre­mont, et ayant demeuré quelque temps en cetétat, ledit curé Pellet ayant fait allumer unautre cierge, ladite Françoise était revenue ilsoi et repris ses esprits. Et après que laditeFrançoise a derechef crié merci à Dieu etrenoncé audit malin esprit, étant à deux genouxs'approchant ledit curé Pellet auprès d'ellepour lui présenter' la Sainte Eucharistie afin deicelle recevoir, pour la troisième fois elle avaitété comme devant empêchée de ce faire, ayantété enlevée pour la troisième fois par-dessusune grande forme ou banc qui était devant l'au­tel où l'on célébrait la messe, et emportée enl'air du côté où la vitre avait été cassée, la têteen bas, les pieds en haut sans que ses accou­trements fussent renversés ('1),au travers desquels,

:1. Il arrive fréquemment que la force qui soulève l'être

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162 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

devant, avec derrière, il sortait une gran dequantité d'eau fumée puante; ayant été plustourmentée que devant, avec une telle manièreet fureur, que c'était chose horrible à voir etincroyable à ceux qui ne l'ont vue. LaquelleFrançoise fut quelque temps ainsi transportéeen l'ail' sans que l'on la pût reprendre; mais enfinsept à huit hommes s'étaient jetés à elle, quiavaient icelle reprise et mise contre terre, étanttourmentée de telle façon que c'était chose hor­rible et pitoyable à voir, tellement que ceuxqui étaient là présents en grand nombre tantcatholiques que de la nouvelle religion réfor­mée, avaient ple.né, s'étant mis à genoux etcommencé à prier Dieu pour le salut de I'ârnede ladite Françoise .

« Pendant lesquelles prières ledit curé Pellets'était approché de ladite Françoise où, tout denouveau, il avait icelle exorcisée et conjuréledit malin esprit, et lui ayant jeté de l'eaubénite, était revenue et repris ses esprits ayantdéclaré tout hautement ladite Françoise qu'ellerenonçait au diable, criait merci à Dieu et luidemandait pardon de ses fautes.

humain s'applique également aux objets qui l'entourent. On ena déjà vu des exemples avec Sainte Thérèse (p. U3) et dans lesexpériences de l'Agnélas où la chaise d'Eusapia fut soulevéeavec elle. En voici un autre cité par Gœrres (Einleitllng ZlI

SlIZO'S Leben), à propos de Saint Suzo qui s'éleva un jour dansl'ail', à ciel ouvert, pendant une tourmente de neige; La neigese rassembla et resta suspendue au-dessus de sa tête en for­mant une espèce de toit.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 16;l

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FIG. 21.

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164 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

« Disant ladite Françoise de soi-même que lapremière fois que ledit curé Pellet lui avaitprésenté la Sainte Eucharistie, elle avait vuledit malin esprit qui était entré par un trouqu'il avait fait en une vitre de ladite chapelle,étant à main droite, qu'elle nous a montré, etavait éteint le cierge qui était allumé sur l'au­tel où l'on célébrait la messe et icelle Françoisepris par les cheveux pour l'enlever et emporterpar le trou de ladite vitre, de peur qu'elle nereçût le saint Corps de Notee-Seigneur Jésus­Christ. »

Le rapport ajoute que le curé Pellet s'étantsouvenu que, toutes les fois que Françoise avaitété enlevée, cela avait été par les cheveux, illes lui fit raser. A 'la suite' de cette opération etde l'exorcisme qu'on vient de ·lire, la pauvrefille fut complètement guérie.

J'ai cité ce long texte in extenso pour que lelecteur pût bien se faire une idée du soin aveclequel les faits .avaient été observés. Il ne peuty avoir de doute sur ceci que Françoise a été,pendant la messe, soulevéetrois fois dans lesairs, de telle manière qu'on .ne saurait confon­dreces lévitations avec des contorsions et dessauts.

Dans les différentes cjrconstances relatées,l'homme de science, ne peut reteniequequelquesparticularités' : telle, est: I'adhésion''au corps desjupons, qui ne se reriversaientpas quàndFran­èoise avait la tète en bas, ce qui prouve que laforce inconnue qui soustrayait' son corps aux

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 165

lois de la pesanteur s'appliquait également àses vêtements, phénomène qu'on a observéd'autres fois. Tel est également le fait que l'abla­tion de la chevelure a fait cesser, ou plutôt acontribué à faire cesser les manifestations, faitsqu'on peut rapprocher de cette observation quela force psychique se dégage souvent par. lescheveux, comme l'électricité. Tel est encorel'état de prostration de Françoise après les lévi­tations, circonstances qu'on observe toujoursaprès les dépenses considérables de force psy­chique. Je pourrais également ajouter la sensa­tion de vent froid, dont il u'est pas parlé dans.le récit reproduit plus haut, mais qui estsouvent indiquée dans les autres parties duprocès-verbal, au moment de l'apparition duphénomène, ainsi que beaucoup d'expérimen­tateurs l'ont constaté dans des manifestationsanalogues (1).

1. Ce serait dépasser manifestement les droits de la sciencepositive et même du simple hon sens que d'affirmer que les faits,tels qu'ils ont été décrits dans le procès-verbal, sont suffisam­ment expliqués par les troubles nerveux et les hallucinationsqu'on a étudiés dans les hôpitaux.

C'est cependant cc que n'a pas hésité à faire récemment unmédecin dans la longue préface dont il a fait précéder la repro­duction de l'histoire de Françoise Fontaine. Après avoir citésainte Thérèse et quelques autres femmes célèbres il dit :

" Françoise Fontaine est un cas particulier de la névrose;chez toutes ces femmes, il y a trouble intellectuel, altérationscérébrales et psychiques ; si les manifestations diffèrent, leprincipe est un et identique. Ce sont des malades qui subissent

. I'mûuencc de leurs sensations et de leurs sentiments, de leursdésirs et de leurs idées.

« Le travail de reconstitution n'est pas difficile, et l'analysc

H

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166 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

Le fameux recueil des Causes célèbres con­tient, dans son tome VI, imprimé en 17~18, deuxd.ocuments cités à propos du procès de LouisGaufridy, - ce prètrc de Marseille qui avait{~té brùlélcomme sorcier eu t7B, par arrèt duParlement de Provence, - et relatifs à des faitscontemporains du nurrateur.

L'un se rapporte à une demoiselle Thévenet,de Corbeil, qu'on supposait possédée, et ausujet de qui ·J'archevèque de Paris fit faire uncinformation.

Voici les principaux faits qu'on dit avoirconstatés:

morale n'est pas moins claire que les constatations morbides;il côté de l'accident pathologique, de l'affect.ion névropathiquese place un affolement interne du sens de l'intuition, une pertur­bation des sens externes, un accroissement démesuré de I'irna­f-iination et de son activité créatrice : pendant le sommeil del'eu-e pensant, l'âme sensitive s'exalte et produit des visions, deshallucinations morales et physiques, c'est-à-dire de fausses ima­ges, constituant une véritable aliénation mentale qui con­vertit une sensation pathologique en réalités objectives. C'estune hallucination qu'elle a elle-meme provoquée.., (p. XIX etJ'x). '

« Je me crois en droit de conclure:" 10 Il n'y a point de possédées;« 20 Il n'y il que des malades, et I'hystèro-èpücpsie suffit, à

expliquer tout ce qu'il y a de vrai dans les phénomènes démo­niaques;, « 30 Françoise Fontaine est hystéro-épileptique, ct son aven­ture ne présente absolument rien de surnaturel (p. r.xxxvn), »

La désinvolture de ces affirmations en précence .des faitsdont le lecteur a pris connaissance plus haut, serait simplementcomique si elle ne dénotait une hostilité aveugle et néfaste con­tre tout ce qui sort de l'enseignement matérialiste officiel.

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LA LÉnTATION DU COHPS HUMAIN 167

« 10 Cette demoiselle s'est élevée à 7 ou 8 piedsdans un jardin, et jusqu'au plancher dans sachambre;

iJ?f;YJ~ -~ -t'tJrlV ·a~.. (J.~~ck/f/atuJ tlltm/ &a~fio;m, ~aP:

PIU'Ï.1"utfi. aP~Po·~.

FI •. :!:!.

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168 LES FRONTIÈRES ns LA SCIENCE

« 20 Elle a enlevé son frère et sa garde jus­qu'à 3 pieds sans aucun point d'appui;

« 30 Ses jupes se sont repliées par-dessus satête, quoiqu'elle s'élevât debout en l'air;

« .4,0 Elle s'est élevée dans le lit avec sa cou­verture,jusqu'à 3 et 4, pieds, de la même façonqu'elle s'était couchée, c'est-à-dire le corpsétendu horizontalement. »

L'autre document est un rapport médical rela­tif à huit personnes de la paroisse de Langres,diocèse de Bayeux, également prétendues pos­sédées. Voici ce rapport:

« Nous soussignés, Nicolas Audry, conseiller,lecteur etprofesseurr'oyal, docteur, régent etancien doyen de .... laFaculté de ..médecine deParis,censçllrroyaI4esliv~es,etc.,avons exa­miné avec tout le soin possible le •. mémoirequ'on nousaprésenté;.en conséguencedequoi,certifions avoir teeuvé-daas.léditmémoirè qua­tre cas· singuliers qui nous' paraissaient passerles for'ces de la nature et ne pouvoir être attri­bués à aucune. force physique, savoir :

« 1 0 Que les personnes y mentionnées...« 2" Que souvent elles pèsent,. dans le temps

de leur syncope,. au moins. le double de ce ,qu'elles pèsent dans leur. état naturel, de sorteque deux hommes ont eu quelquefois de làpeine à porter un enfant de dix ans. Bien plus,que quatre hommes n'ont jamais pu, plusieurs

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LA LEVITATION DU CORPS HUMAIN 169

fois et en différents temps, enlever une autrede terre où elle était étendue, quelque effortqu'ils fissent pendant un temps considérable;et dès qu'un prêtre y fut arrivé et qu'il eutcommandé au démon de lui rendre la connais­sance et la liberté de se relever elle-même, ellerecouvra l'une et l'autre. De plus, que deuxhommes la portant un autre jour, dans ce mèmeétat, deux autres hommes s'étant joints à euxpour les aider à la porter, son corps devint toutft. coup si pesant qu'ils eurent toute la peine àgagner sa maison, quoique proche, déclarantqu'ils auraient eu moins de peine à porter cha­cun un sac de blé.

« 3°.« 4° Qu'il y en a une qui, voulant se jeter un

jour par la fenêtre d'un escalier d'un secondétage, demeura suspendue debout en l'air, sansaucun appui sous les pieds, et sans tenir à rien,pendant tout le temps qu'il fallut pour monterà cet étage et la retirer. Qu'elle s'est mise uneautre fois un talon sur le bord extérieur du lin­teau de la fenètre d'une chambre, l'autre pied

. en l'air, et tout le corps penché sans se tenir àrien. Qu'elle s'est assise sur le bord intérieurd'un puits, tout le corps en dedans, sans aucunappui sous les pieds, et pendant tout cela tou­jours en syncope.

« Lesquelles choses énoncées dans ces quatrearticles, certifions comme ci-dessus passer lesforces de la nature et ne pouvoir être attri­buées à aucune force physique; le tout sans

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170 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

prétendre rien aux autres articles qui peuventètre duressort de la physique et de la méde-cine.

ANDRY.

WINSLOW.Fait à Paris, le 4. mars 1734.

~ Après avoir III et examiné le" mémoire éi­dessus, après .avoir appris de plus l'inutilitédes remèdes employés par les médecins, nouscroyons que la physiquene peutexpliquer quel­ques-uns des faits énoncés, tels, par exemple,que d'ètre suspendu en l'air sans tenir à rien,etc., et que la nature toute seule, en santé ouen maladie, ne les peut produire.

« En foi de quoi, adhérant aux quatre articlesextraits par nos confrères, MM. Audry et "Vins­10''', sans riendéciâer surlesautresal,ticles,nous avons signéàParis, ce7mars 1735.

« CHoMEL,conseiller, mê(;{ecill.du roi, associéoétéran de .l'Académie royale des sciences etdocteur rêgelltde la Facultédemêdecine deParis.

« CHOl\ŒL;FILS,docleur régent de la Facultéde médecine de Paris. »

III

Les lévitations ont eu souvent une telle duréequ'elles ont pu se fixer nettement dans la mé­moire des artistes et être reproduites par lapeinture et la gravure.

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LA LÉVITATION DU CORPS HU)IAIN fif

Le Musée du Louvre possède un tableau deMurillo, catalogué sous le n° DaO bis et appeléle Miracle de San Diego (fig. f4.).

La figure iD est la réduction d'une gravurefaite d'après un tableau de Nic. La Piccola; il

FIG. 23. - Effigie del Ven. Seruo de DioFra Hu mile di Bisignano

~Iinori riformuii della Provo Calabria citra.Morte li 26 novembre 1631.

représente saint Martin de Porres, qui étaitmulàtre et de l'ordre des Frères Prêcheurs, se

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172 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

précipitant à travees les airs vers un crucifixplacé sur l'autel (1).

Dans la figure 16, on voit saint Pierre 'd'Al­eantara s'élever également vers un crucifix (2).Dans la figure 17, c'est lemème prodige avecsainte Jacinthe.

Les figures 18, 19,20 et 21 se rapportent à saintJoseph deCupertino, l'homme qui posséda auplus haut degré cette singulière propriété. Lafigure 181e montre volant vers l'hostie au momentde la bénédiction, la figure t9, arrivant à tra­vers les aies jusqu'au pape Urbain VII pour luibaiser les pieds ; la figure 20, volant dans uneéglise pal'- dessus la tète des assistants pour seporter vers une statue de la Vierge. Enfin dansla figure 21, il s'élève en consacrant l'hostie (3).Ou m'a signalé de plus un tableau du cavalierl\fazzanti,gravé en 1780 par Gaspard Froy etreprésentant Joseph de Cupertino, .partant deson monastère dans les airs, en présence dedeux moines (4).

1. Saint Martin de Poi-res présentait souvent aussi le plié­

nomènc de la bilocation. RIDET, l1fystiqlle, II, 188.:!. RlHET, J[ystique, II, 592.3. Je connais, dit Césaire d'Heisterbach (liv. IX, c. 30), un

prêtre de notre Ordre, qui par une faveur de Dieu, toutes lesfois qu'il dit la messe avec dévotion, est élevé d'un pied en l'airpendant tout le Canon jusqu'à la Communion; s'il dit la messeplus vite ou moins dévotement, ou s'il est dérangé par le bruitdes assisLants, cette faveur..lui est ôtée.

4. On rapporte que lorsque; en 1650, le due de Brunswickar-riva à Assise, l'aspect du saint qui se mit à planer au-dessusdu sol en lisant sa messe le détermina à embrasser le catholi-

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 173

}<'IG. 2~.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 1i5

La figure ~2 montre saint Thomas de Coras'élevant au moment oùil donne la communion.

La figure 23 se rapporte au Frère Humile deBisignano, de l'ordre des Mineurs réformés dela province de Calabre, mort en 163L

J'ignore quel est le personnage que repré­sente la figure 24 exécutée d'après une admira­ble statuette en bois appartenant à M. Gagneurde Patornay. •

On connaît huit planches différentes d'unegravure représentant le pape Pie VII en lévita­tion, avec cette inscription:

PIUS VII, PONT. MAX.

Saoonsein exlasim iierum raptus, die assumpiio­nis B. Mariee V.

XIII Kalendas Sepiembris 1811.

cisme (Psych. Stud., 4, 24, 24i), Un jour, lors d'une de ses lévi­tations, saint Joseph de Cupertino retomba sur le sol. Le FrèreJunipero se précipita vers lui; il ne put empêcher la chute,mais il raconta que le corps du ..saint lui avait paru légercomme un. fétu de paille (Gœanss.. II, 25i). Joseph de Cuper­tino, malade depuis l'âge de i ans, s'hahltua dès cette époqueà l'abstinence par esprit de mortification. Pendant le carêmedes Franciscains, du 6 janvier au 10 février, il ne mang-eaitqu'une fois par semaine. Durant les six autres semaines ducarême, il mangeait le dimanche et le jeudi, quelques herbesamères, quelques fèves ou fruits; et ne prenait rien les autresjours. Iltombait en extase cataleptique à l'église en entendantcertains chants, certaines musiques. Il mourut à 60 ans.

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176 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

Une gravure italienne représente sainte Cathe­rine de Sienne se' tenant en l'air pendant quedes prêtres écrivent ses paroles. Une autrereprésente la même .sainte .également en l'airavec l'inscription:

S. Caterina miracolosamente transportain Siena,

IV

J'en ai, je crois; assez dit pour montrer quela lévitation est un phénomène parfaitementréel et beaucoup plus commun qu'on ne seraittenté de lecroire àu premieeabord,

Les lecteurs qui voudrontapprofondir'davan­tage la question pourront lire : pans la .Jfysti­quedivine, naturelle el diabolique de GOERRES (1),les chapitres XXI, XXII et XXIII du 2e volume(De la marche extatique... Comment les extati­ques s'élèvent en l'air ... Du voldans l'extase...Explication de ces phénomènes) et le chapi­tre XIX du 4e -volume (Du vol diabolique.. ,Comment ce-phénomène est communaux exta-

. tiques etaux possédés);Dans la l1fystique divine' de l'abbé RIBET (2),

le chapitre XXXII du 29 volume (Dispense de

L Traduction française en 5 volumes. Paris, Poussielgue, 1882.2. Paris, Poussielgue, 1883. 3 vol. gr. in-8.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 177

la loi de la pesanteur... Suspension, ascension,vol extatique ..• Agilité surnaturelle en dehorsde l'extase. Courses aériennes de sainte Chris­tine l'admirable .. ~ Énergie de cette attractionascensionnelle... Marche sur les eaux... Expli­cation de ce phénomène) ;

Enfin, dans la Physique de la J.l1agie que vientde publier récemment en Allemagne le baronKARL DE PREL, le chapitre VII du 1er volume,chapitre qui a pour titre: Gravitation el lévi­tation et où le savant auteur essaie d'établir unethéorie physique du phénomène basée sur lapolarisation de la pesanteur.

J'espère être agréable à mes lecteurs en don­nant ici un long extrait de ce chapitre dont jedois la traduction au Dr Hahn, bibliothécairede la Faculté de médecine de Paris.

Le langage humain n'est pas le résultat du raisonne­ment scientifique; il a pris naissance avant toute science.C'est ce qui fait que les termes par lesquels on désigneles phénomènes naturels ne son t pas conformes à ladoctrine scientifique mais à l'idée que s'en faisaitl'homme préhistorique. Celui-ci ramenait toujours leschoses de la nature à sa propre mesure et là où, par exem­ple, il voyait du mouvement,il supposait la vie. Encoreaujourd'hui mouvement et vie restent associés dans le.langag-e ; ainsi lorsque le vent agite les feuilles d'unarbre on dit qu'elles se meuvent. Le naturaliste devrait,rigoureusement, protester contre de semblables expres­sions, qui désignent le phénomène tel que nous levoyons mais non tel que nous le comprenons.La science

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178 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

est donc constamment obligée de p1trler la langue d el'ignorance, celle des. conceptions préhistoriques del'univers ; et ce qui prouve quelles profondes racinescelles-ci ont conservées en nous c'est le plaisir que nousfait éprouver la poésie. Le poète lyrique qui donne lavie à la nature inanimée. flatte ces conceptions primiti­ves qui sommeillent au fond de notre être, transmisesà nous par hérédité.

Notre langage renferme encore un bon nombre deces éléments paléontologiques,. et bien des traces decette interprétation subjective des phénomènes na tu ­rels seretrouve.nt non seulement pour notre sensinterne mais pour tous nos, sens; Il en résulte unegrande confusion' dans les discussions scientifiques.

Lorsque nous ramassons une pierre, il nous. semblequ'une sorte d'activité émane de cette pierre,qu'ellefait comme un effort pour se l'approcher du sol enpesant sur notre main, c'estcesentim.ent que nousexprimons en disant: « La pierre est lourde.» Nouspensons désigner- ainsi la nature de la pierre. Ce senti­ment s'est à un tel point généralisé <.Iue chacun denous se croit . autorrsé à dire: « Tous les corps, sontpesants. ~ Voilà encore une. expression contrelaquelle le naturaliste devrait protester·; car, pris enlui-même, un corps. n'est pas lourd; il. ne semblele devenir que lorsqu'il se trouve dans le voisinaged'un autre corps qui l'attire. Notre langage modernetransforme le fait d'attraction passive en une propriétéde la pierre; il place dans la pierre même la cause dela pesanteur qui réside en dehors d'elle. Etant donnéque la terre attire la pierre tenue dans la main (nousfaisons abstraction de l'attraction réciproque de lapierre sur la terre, pour plus de simplicité), la pierreparaît être lourde, mais ce n'est là qu'une apparence;si nous pouvions supprimer la terre, il serait facile de

f1

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 179

le constater; alors seulement la véritable nature de lapierre apparaîtrait et celle-ci se montrerait sanspoids. Si nous replacions la terre à proximité de lapierre, son état naturel se trouverait modifié; c'est ceque nous appelons pessnteur, Bref le mot pesanteurindique un rapport entre deux corps et non la naturede l'un d'eux ; c'est la constatation d'une action exer­cée sur la pierre, mais non l'énoncé d'une cause rési­dant en elle. Ce n'est pas dans la pierre qu'il fautchercher la cause de la pesanteur mais hors d'elle et,si cette cause vient à être supprimée, la pierre cessed'être pesante. C'est en se servant de ce même langagede l'ignorance que les astronomes disent que la terrepèse des milliards de kilogrammes; mais, si nous pou­vions supprimer le soleil (et toutes les étoiles fixes). lepoids de la terre serait nul. Si nous faisons disparaî­tre le corps attractif, l'autre n'est naturellement plusattiré,car c'est uniquement.dans l'attraction que consistela pesanteur. En un mot, la gravitation ne caracté­rise d'aucune façon l'état effectif et invariable descorps.

Mais, dira-t-on, ces considérations sont assez stérilespuisqu'en raison de l'impossibilité où nous sommes denous soustraire à l'attraction de la terre, des corps sanspesanteur ne peuvent s'offrir à notre examen. Cetteréflexion n'est pas juste. Certainement nous ne pou­vons supprimer la terre; mais peut-être sa force d'at­traction pourrait-elle être annulée par la mise en jeude forces capables de transformer, sous des conditionsdonnées, la .gravitation ou lévitation. Nous connais­sons une force de ce genre opposée à la gravitation:c'est le magnétisme minéral. De plus de nombreusesobservations faites dans le domaine de l'occultisme serapportent précisément à la lévitation, phénomène quidoit son nom à ce qué l'on y voit la pesanteur naturelle

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des corps diminuée ou· abolie. Des milliers de témoinsassurent avoir vu des tables rester suspendues en l'air,rien .qu'en appliquant les mains sur elles, ou même enles tenant au-dessus d'elles à une certaine distance.Voilàcinquante ans que les spirites affirment le fait; leursadversaires, au lieu d'examiner la chose, répondentsimplement: « La' lévitation est impossible parcequ'elle est contraire à la loi de gravitation.» G'est larépétition continuelle de la scène caractérisée par uneancienne réponse d'oracle: « Il entra un sage et aveclui un fou: le sage examina avant de juger; le foujugea avant d'examiner. ~..

L'exemple de l'aimant suffit déjà à prouver que, danscertaines circonstances, la lévitation est possible; resteà savoir si elle peut 'se présenter encore dans d'autresccnditions.Du moment qu'une exception à la loi de gra­vitation est constatée,' d'autres sont, sans doute, possi­bles.Tl peut exister dans la nature d'autres forces capa­bles de l'emporter sur. la force d'attraction de la terre.Une première raison de nepas opposer à cette hypothèseune fin de non recevoir, c'est que nous ne savons mêmepas en quoi' consiste la gravitation. Nous en constatonsles effets, mais son mode" d'action physique nous échappe.Tous les physiciens savent que le processus de l'at­traction est encore une 'énigme. La science aurait doncdes raisons majeures pour examiner le phénomène dela lévitation; il est évident en effet que la conuaissancedes conditions sous lesquelles la gravitation se trouveannulée ne peut qu'éclairer le phénomène même de lagravitation. Il est non moins évident d'après tout cequi précède, que la lévitation ne peut être comprisequ'à la lumière de nos notions sur la gravitation , c'estdonc par l'étude de celle-ci que nous devons COmmen-cer. •

Newton, le premier, a donné la démonstration rigou-

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-

LA LÉVITATION DU CORPS HUMAI~ 181

reuse de la gravitation déjà soupçonnée dans l'anti­quité. Voici l'énoncé de la loi qu'il a établie: «Tous lescorps s'attirent en raison directe de leur masse et enraison inverse du carré de leur distance. » Ce fut lapremière loi terrestre à laquelle on attribua une v.euruniverselle; elle est vraie pour la pierre lancée par ungamin aussi bien que pour la comète qui arrive desprofondeurs de l'espace. Tel est le fondement SUl'

lequel a pu s'établir la science moderne de l'astro-phy­sique; science qui part de ce principe que toutes leslois terrestres, loi de la chaleur, de la lumière, de l'é­lectricité, etc.çont une valeur universelle. Newton savaitbien qu'il n'avait découvert que la, loi de la gravita­tion, mais non sa cause. II a, lui-même, avoué ne pasconnaître la nature de la gravitation. Il dit: « Je n'aipu encore réussir à déduire des phénomènes observésla raison de cette gravitation; je ne forge pas des hypo­thèses (hypotheses non fingo)(l). >, Dans une lettre àBe~ey, il dit: «La gravitation doit être occasionnéepar quelqu'impulsion qui agit d'une façon continue etd'accord avec certaines lois, je laisse à mes lecteurs lesoin de juger s'il s'agit d'une impulsion matérielle ouimmatérielle. »

Le problème à résoudre ne se range donc pas sousla rubrique Gravitation, mais sous la rubrique Gravita­tion et Lévitation. Voici ce que dit Newton dans sa lettreà Bentley : « Il est inconcevable que la matière brute:linanimée puisse agir sur la matière, à distance. sans \un intermédiaire matériel.» Pour expliquer cette action-­à distance, nous pouvons, d'après les règles de la logi­que,' énoncer sous deux formes différentes la proposi­tion de Newton et dire: ou bien «II est concevable

.. 1. NEwTo:,\,. Principia, III.

12

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182 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

que la matière animée puisse agir à distance »,ou bien« Il est concevable que la matière inanimée puisse agirà distance par intermédiaire. »La première formulerenonce à une solution scientifique et suppose lamatière animée, comme l'a fait d'abord Maupertuis etrécemment Zœllner, La dernière formule reste dansle cadre des sciences naturelles et.. implique une con­ception qu'on.trouvedéjà chez Newton. Celui-ci sup­posait l'espace partout occupé p~r,pne matière, l'éther,véhicule des phénomènes tels •.qH'e chaleur, ,lumière,gravitation, électricité, etc. Av~nt même la publica­tion de son ouvrage, il écrivait à Boyle : « C'est dansl'Éther que je cherche la' cause de. la 'gravitation. »De même que la loi de la gravitation n'a pu être décou­verte que parla généralisation d'une loi terrestre, demême nous ne pouvons découvrir Ia.cause de la gravi­tation qu'en donnant une, valeurcosmique à une forceterrestre agissant à distance.. La science astronomiquene devient une possibilité humaine qu'enpresupP,?santl'universalité, des lois terrElstr.es;carce,lles-ciseuiessont accessibles à unevérificatioll expérimentale.

Il existe une force terrestre. agissantàdi~tance, quinous paraît appropriée à l'explication <le la,gravitation:c'est l'électricité. Dans un mémoire'sur « Les. forcesqui régissent la constitution intérieurl;), du .corps »publié en 1836 et reproduit par Z~llner(1), Mossoti adéjà fait ressortir que la gravitationpeQtêtre considé­rée comme une. des conséquences ,qui"régissent les loisde la force électrique. Faraday. voulait déterminerexpérimentalement les relations qui pouvaient existerentre la gravitation et l'électricité. Il, pa~taitde cetteprémisse que, si ces relations existent, la gravitation

1 ZœLL~BI\. Wissenschaftl.Ablz:m(1'z.4!7..459.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN '183

devait renfermer quelque chose qui correspond rait itla nature duale et antithétique des forces électre­magnétique's.·Havait bien reconnu (1) qu'au cas oùune semblable qualité existerait « il n'y aurait pasd'expressions assez fortes pour faire ressortir l'impor­tance de ces relations.» En effet ce serait là un faitd'une importance tout à fait extraordinaire, car alorsla pesanteur ou gravitation se présenterait à nouscomme une {oree modifiahle sous certaines conditions ,.et sa démonstration aurait pour la science une valeurplus grande que toute autre découverte. Les expérien­ces de Faraday ne donnèrent pas, il est vrai, de résul­tat positif, mais ce physicien n'en conserva pas moinsla ferme conviction que ce rapport existe. Il estfâcheux que Faraday n'ait pas cherché à découvrir cesrelations là où elles existent réellement, c'est -à-dire

•dans les phénomènes de lévitation de l'occultisme.En 1872, Tisserand a fait de son côté à l'Académie

des sciences (2) une communication sur :« Le mouve­ment des' planètes autour du soleil d'après la loi élec­tro-dynamique de Weber.» Il a prouvé que les mouve­ments des planètes s'expliquent aussi bien par la loide Weber que par celle de Newton, et que cettedernière n'est qu'un cas particulier de la pré­cédente. Plus récemment Zœllner es' revenu à cetteidée: « La loi de Weber, dit-il, tend à se dévoiler àl'esprit humain comme une loi générale de la nature,régissant anssi bien les mouvements des astres queceux des éléments matériels ..• Les mouvements descorps célestes s'expliquent, dans les limites de notreobservation, .aussi bien par la loi établie par Web el'

1. FARADAY. Rech. eœpér, SUI' l'électriciti.2. Comptes rendus, 30 sept. 1872.

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18~ LES FRONTIÈRES DE LA; SCIENCE

pOUl' l'électricité que par, la loi de Newton. Mais,comme celle-ci n'est qu'un cas particulier de la loide '" eber... , il faudrait, conformément aux règlesd'une induction rationnelle, substituer cette dernièreloi à la loi de Newton pour l'étude des actions réci-

proques entre particules matérielles en repos ou enmouvement.» (1)

Si donc la pesanteur ou la gravitation est un phéno­mène électrique, elle doit être modifiable et polnri­suble par les influences meqnëtiqnes et électriques,C'est ce que prouve l'aimant quand il agit en sensinverse de la pesanteur. Celle-ci dépend de la densitéet de la cohésion des molécules; la cohésion elle­même ne serait que de l'électricité enchaînée.

L'hypothèse qui' fait de l'attraction du soleil sur lesplanètes un phénomène électrique gagnerait en vrai­semblance si l'attraé4!onque Newton attribue à laluneet dont l'effet sc traduit par les :m<l,r~es, pouvait êtreimitée électriquement; or, si d'un liquide on approche

-un bâton d'ambre rendu électriquepar le frottement,. on voit se former à la surface de ce liquide.une sortedé renflement en bourrelet. - Cette hypothèse gagne­rait encore 'en vraisemblance si l'on pouvait mettre enévidence, dans notre système solaire, le fait de la

.répulsion électrique.. C'est précisément le cas de laqueue des comètes. Le noyau des comètes, en sa qua­lité de masse fluide parsemee de gouttelettes, est sou­mis à l'action de la gravitation et 'obéit à la loi deKepler. La queue, c'est-à-dire les vapeurs formées auxdépens du noyau, se comporte d'une façon toutediffé­rente. Ces vapeurs ne sont pas attirées par le soleil,mais repoussées par lui selon le prolongement de la

1. Zœu.1'iER. Natur der Komelen, '70,127,128.

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LA LR\.'ITATIO:'ol DU CORPS. llUMAI~ 185

ligne droite qui relie le soleil au nOJau et qu'onappelle le rayon vecteur. Tout liquide en voie de vapo­risation s'électrise, comme on le sait ; nous sommesdonc autorisés à supposer que les vapeurs développéesaux dépens du noyau cométaire sous l'influence de lachaleur solaire sont également electrisées. Comme lesélectricités de même nom se repoussent, il y aurait lieude penser que la queue des comètes subit sa répulsiontout simplement parce qu'elle est chargée d'une électri­cité de même nom que celle du soleil. Mais. lorsque le scomètes se rapprochent du soleil vers l'époque dupérihélie, le processus d'ébullition qui a débuté à lasurface de la comète doit gagner de plus en plus enprofondeur, et il peut arriver que de nouvelles subs­tances chimiques J prennent part et que le signe del'électricité dont les vapeurs sont chargées vienne ;\changer, c'est-à-dire que ces vapeurs acquièrent uneélectricité de nom contraire à celle du soleil (1). Dansces conditions et en raison de l'universalité supposéedes lois de la nature, il pourrait se former une queue d(~

comète dirigée vers le soleil, c'est-à-dire attirée parlui comme le noyau lui-même. C'est par ce raisonne­ment que Zœllner expliquait l'apparence présentée parla comète de \823 qui présentait deux" queues, l'unedirigée vers le soleil, l'autre en sens opposé, et faisantensemble un angle de 160~ (2).

L'examen dece phénomène cosmique nous permet desupposer que la gravitation est identique avec I'attrac-

1. Il ressort des expériences de M. Bennet (La Lumièreélectrique, no dn 16 janvier 1892. p. 104 et suiv.) que le sim­ple contact de métaux ou autres substances ayant une affinitédifférente pour le fluide électrique peut. changer le sens del'électrisation.

2. Zœl,l,~ER. Wissensch. Abhandl. Il, 2. 638-640.

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186 LES l"RONTIÈRES DE LA SCIÈNCE

lion électrjque, mais que- par le chàngemeut de signede l'électricité, la gravitation peut être changée enlévitation et réciproquement, Il en résulte pour lascience la possibilité de modifier ou d'abolir la pesan­teur dans des conditions soumises à. des lois. Si lascience réussissait à déterminer ces conditions et à enfaire l'application technique aux mystères de la nature,la vie humaine s'en trouverait modifiée plus profondé­ment que pa.. toutes les découvertes faites jusqu'à cejour, L'hypothèse de Faraday attribuant à la gravita­tion le caractère antithê1iquede l'électricité seraitvérifiée; nous pourrions l'appliquer, et, du mêmeco up, les phénomènes de lévitation si nombreux dansl'occultisme perdraient leur caractère paradoxal. ...

v

La lévltation.du corps humain n'est qu'uncas particulier du phénomène quiconsis~eà

modifier l'attraction'exercéepar la terresur lescorps qui se' trouvent à sa surface. On vient devoir que, suivant l'hypothèse du savant alle­mand, l'organisme humain serait susceptible dedégager une force capable d'agir en sens inversede la pesanteur.

J'ai déjà eu l'occasion de citer, soit dans leprésent article, soit dans }'étudec-que j'ai publiéeen 1897, un certain. nombr'ed~ faitsconfir­mant cette hypothèse; je vaisen rappeler quel;.ques autres.

Beaucoup de magnétiseurs affirment qu'on

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LA LI~nTATION DU CORPS HUMAIN 187

peut rendre un objet lourd ou léger en lemagnétisant (1).

Allan Kardec rapporte, dans le Livre des Mé­diums, qu'il a vu plusieurs fois des personnesfaibles et délicates soulever avec deux doigts,sans effort et comme une plume, un homme fortet robuste avec le siège SUl' lequel il était assis,cette faculté étant du reste intermittente chezles sujets. Il y aurait là un phénomène du mèmeordre qu'on peut rapprocher de l'expérience sui­vante rapportée par le célèbre physicien DavidBrewster, membre de la Société royale de Lon­dres, dans une de ses Lettres à Walter Scottsur la Magie naturelle:

« La personne la plus lourde de la société se

1. Nous affirmons, dit M. de Mirville (Des Esprits, éd. de1858; p. 300), que nous-même, sur un simple signe que noustransmettions il un magnétiseur, son somnambule, porté Surnos propres épaules, devenait à notre volonté infiniment plusléger ou nous écrasait de tout son poids; et nous vous affir­mons encore que, sur un simple signe de nous à son mag-néti­seur, placé à l'autre extrémité dc la chamhre, ce 'scmnambule,dont les yeux étaient hermétiquement bouchés, se laissait rapi­dement entraîner, ou bien, obéissant à notre nouvelle intention,demeurait tout à coup si bien cloué sui- le parquet, que, courbéhorizontalement et ne reposant plus que SUl' l'extrémité de lapointe des pieds, ·tous nos efforts (et nous étions quatre) ne lefaisaient plus avancer d'une seule ligne: « Vous attelleriezdessus six chevaux, nous disait le magnétiseur, que vous ne leferiez pas boug-el' davantag-e. Il

D'après les Bollandistes, Saint Vincent Ferrier prit un jourdans ses mains et plaça sur IDI char une pièce de bois que sixhommes.auraient eu de la peine à soulever. Une autre fois, ilfit porter au couvent par tin éclopé et sans fatigue une poutrequ'une paire de bœufs n'aurait pu traîner.

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188 LES J<'RONTIÈRES DE LA SCIENCE

couche sur deux chaises de telle façon que lebas de ses cuisses repose sur l'une et les épau­les sur l'autre. Quatre personnes, une à chaquepied et à chaque épaule, cherchent à la soule­ver et constatent d'abord que la chose est trèsdifficile. Quand ellesont repris, toutes les cinq,leurs positions primitives, la personne couchéedonne deux signaux en frappant deux fois lesmains l'une contre l'autre ; au premier signal,elle et les quatre autres aspirent fortement ; dèsque les poumons sont pleins d'air, elle donnele second signal pour I'élévation, qui se faitsans la moindre difficulté, comme si la personnesoulevée était aussi légère qu'une plume.

« J'ai eu plusieurs fois l'occasion de remar­quer que, lorsqu'une des personnes qui soule­vaient n'aspirait pas en même temps que lesautres, lapartie du corps qu'elle s' efforçait dcsoulever restait au-dessous des autres.

« Bien des personnes ont joué successivementle rôle de porteur ou de porté ; elles ont toutesété convaincues que, par le procédé que je viensde décrire, ou bien le poids du fardeau étaitamoindri, ou bien la force des porteurs étaitaugmentée.

« A Venise, la même expérience fut répétéedans des conditions encore plus étonnantes.L'homme le plus lourd de la société fut élevéet porté à l'extrémité de I'index.de six person­nes. Le major H... déclare que l'expériencemanque quand la personne à élever est couchéesur une planche et que l'effort des autres

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 189

s'exerce sur cette planche. Il considère commeessentiel que-les porteurs se trouvent en con­tact immédiat avec le corps humain à élever.L'occasion m'a manqué pour vérifier ce fait parmoi-mème, »

Il Y a une trentaine d'années, on parvint àconstater, à l'aide d'appareils mécaniques, quecertaines personnes pouvaient produire desvariations dans le poids des corps par leurspropres émanations, et, au mois d'août 1855, leD" Robert Hare, professeur émérite de chimieà l'Université de Pensylvanie, montrait au Con­grès de l'Association américaine pour l'avance­ment des sciences comment il s'était servi d'unebalance à ressort pour manifester une augmen­tation de 18 livres dans le poids d'un objet aveclequel son sujet ne communiquait qu'au traversde l'eau. La description et le dessin de cetappareil se - trouvent dans l'ouvrage que leDr Hare publia, l'année suivante, à New-York,sous le titre: Experimental investigation. Nousne le reproduisons pas parce que nous allonsle retrouver perfectionné par sir Crookes.

A plusieurs reprises cet illustre chimiste avaitété vivement sollicité de soumettre au contrôlede sa science d'expérimentateur les phénomènesattribués à des personnes habitant alors Lon­dres, En juillet 187.0, il répondit à ces de man­des par un article inséré dans le QuaterlyJournal of Science (1), d'où j'extrais le passage

1. Vol. 7, p. 316. - Juillet 1870.

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[go LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

suivant, qui montre avec quelle défiance il abor­dait ce genre d'études.

«J'ai lu la relation d'une quantité innombrabled'observations, et il me semble qu'il y a bienpeu d'exemples de réunionstenu:es avec l'in­tention expresse de placer les phénomènes,avec les conditions expérimentales, en présencede personnes dûment reconnues aptes, par ladirection de leurs études, à peser et à apprécierla valeur des preuves qui pourraient se pré­senter (1). Les seldes bonnes séries d'expé­riences probantes dont j'ai connaissance ontété tentées par le comte de Gasparin, qui, enadmettant la réalité des phénomènes;. arrivait àla conclusion. qtI'ils n'étaient pas dus à. descauses-surnaturelles.

«Le spiritualistepseudo-savantfaJtprofessionde toutconnattee :. nul·calcul ne trouble sasérénité, .nulle expérience n'est difficile, pasde lectures longues et laborieuses, pas detentatives' pénibles pour exprimer en langageclair ce qui a charmé le cœur et élevé J'esprit.Il parle avec volubilité de toutes les sciences etde tous les arts, submergeant son auditeur souslestèrmesd'électrQ-biob~[fie,psychologie,magné­tisme animal, ete., véritablea,bus de mots, quimontre plu:tôtl'ignoranceque le savoir. Unepareille science banale n'est gnèrepropre àguider les découvertes qui marchent vers un

1. Les expériences de la Société dialectique de Londresn'étaient point encore publiées.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 191

avenir inconnu ; et les vrais ouvriers de lascience doivent, au plus haut degré, prendregarde à ce que les rênes ne tombent pas en desmains incompétentes et incapables.

« Le vrai savant a un grand avantage dans lesinvestigations qui déjouent si complètementl'observateur ordinaire. Il a suivi la sciencedès le commencement, à travers une longuesuite d'études, et il sait par conséquent dansquelle direction elle le mène; il sait que, d'uncôté, il y a des. dangers, de l'autre des incerti­tudes, et d'un troisième côté, la vérité presqueabsolue.

«. Il voit une certaine étendue devant lui.Mais, quand chaque pas se dirige vers lemerveilleux et l'inattendu, les précautions et.le contrôle. doivent s'accroître plutôt quediminuer. Les chercheurs doivent travailler,quoique' leur travail soit petit en quantité,pourvu que son excellence intrinsèque fassecompensation. Mais, même dans ce royaumedes merveilles, cette terre de prodiges verslaquelle la recherche' scientifique envoie sespionniers, y a-t-il quelque chose qui puisse

. être plus étonnant que la délicatesse des'instruments auxiliaires que les travailleursapportent avec eux, pour les aider dans lesobservations de leurs sens naturels?

« Le spiritualiste parle. de corps pesant 50 ou'100 livres, qui sont élevés en l'air sans l'inter­vention de force connue ; mais le savantchimiste est accoutumé à faire usage d'une

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1g~ LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

balance sensible à un poids si petit qu'il enfaudrait dix mille comme lui pour faire ungrain. Il est donc fondé à demander que cepouvoir qui se dit guidé' par une intelligence,qui élève jusqu'au plafond un corps pesant,fasse mouvoir sous desconditions déterminées'sa balance si délicatement équilibrée.

« Le spiritualiste parle de corps frappés quise produisent dans les diffééentes parties d'unechambre, lorsque deux personnes ou plus sonttranquillement assises autour d'une table. L'ex­périmentateur scientiûquea le· droit de. deinan­der que ces coups se produisent sur la mem­brane tendue de' son pbonautogeaphe.

« Le spiritualiste parle de chambres et demaisons secouées, même jusqu'àen être endom­marées, par unpoqvoh'SlWhumaia.L'hommede-science denJ.~lldeshl1plemeIlt.ql1\1J.lpendule

placé sous une cloche d~yerre et reposantsur une solide macoIlIleriesqit misenvibration.

« Le spiritualiste parl~ d@ilqurdsobjets d'a­meublement se mouvant d'mM~cbambreàl'au­tre sans l'action de l'homme. Mais.Ie savant aconstruit des instrumentsquidiviseraien.t· unpouce en un million de parties, et il est fondéà douter de I'exactitude desobservatiQns.etfec,"tuées, si lamème force est impuissante à fairemouvoir d'un, simple degréJ'iildicatel1l' de. soninstrument. . . .... .. '. . ..". ...... •...

«Le spiritualiste pade4e tltursmouillées •defraîche rosée, de. fruits et même. <1'êtres vivantsapportés à travers les croisées fermées, et même

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LA LÉVITATION DU CORP~ HUMAIN HU

à travers. de solides murailles en briques. L'in­vestigateur scientifique demande naturellementqu'un poidsadditionnel, ne fùt-il que la mil­lième partie d'un grain, soit déposé dans undes plateaux de sa balance, quand la boite estfermée à clef; et le chimiste demande qu'onintroduise la millième partie d'un grain d'arse­nic à travers les parois d'un tube de verredans lequel de l'eau pure est hermétiquementscellée.

« Le spiritualiste parle des manifestations d'unepuissance équivalente à des millions de livres, etqui se produit sans cause connue. L'homme descien-ce, qui croit fermement à la conservationde la force et qui pense qu'elle ne se produit[amais sans un épuisement correspondant dequelque chose pour le remplacer, demande quelesdites manifestations se produisent dans sonlaboratoire, où il pourra les peser, les mesurer,et les soumettre à ses propres essais.

« C'est pour ces raisons et avec ces sentimentsque je commence l'enquète dont l'idée m'a étésuggérée pal' 'des hommes éminents qui exercent,une grande influence sur le mouvement intel­lectuel du pays.»

Avant de chercher à construire des instru­ments spéciaux, NI. Crookes voulut se mettre enrapport avec un .certain nombre de sujets ets'assurer, par les procédés usuels, de la natureet de la réalité des phénomènes qu'il avait àétudier. .

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191 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

«Je vis, dit-il (1), en cinq occasions différer­tes, des objets dont le poids variait de 25 à100 livres, être momentanément influencés detelle manière que moi et d'autres personnesprésentesynous ne. pouvions 'qu'avec difficultéles enlever au-dessus du plancher. Désirantétablir d'une manière certaine si cela était dûà un fait physique ou si c'était simplement l'in­fluence de l'imagination qui faisait varier lapuissance de notre propre force, je mis àI'épreùve les phénomènes avec urie machineà peeeivdana-deux circonstances différentes oùj'eus I'occasion de me rencontrer avec M·. Homechez un, ami. Dans le premier cas,J'accroisse­ment de poids fut •. généralement, de 8 livrespour des poidsde 36livres, 481ivres et 46 livres ;expériences quiJur~ntfaitessuccessivementet

sous le plus,:rigoureu~.contrôle.Dansle.'second

cas, qui.eut lieu quinzejoul's, plus tard en pré­sence d'autres observateurs, je trouvai que,dans trois -expériences successives dont lesconditions. furent variées, l'augmentation de.poids fut de 81ivres, pour des poids 'de 2?Jivres,43 livres et 27 -livres. •Comme j'avais l'entièredirection-des .• essaissus-fuentiohnés, que j'em­ployai. un, instrmnent.d'unegra]lde .exactitudeet que je ,pris tous less()ins~~ull1s.p0u.ric~l(m­

1er la possibilité de résult~tsobtenusparfraude,

[e n'étaispassan~;Ill'atteIl.dre àun<résultatsatisfaisànt, lorsque-le faitflltconye,llal)lement

1. Recherches sur les phénomèltes du spiritualisme, p. 37.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN Hl5

expérimenté dans mon propre laboratoire. »

Pendant les deux ans que le savant anglaisa consacrés à ces recherches, il a trouvé neufou dix personnes possédant ce qu'il appelle lepouooir psychique à un degré plus ou moinsgrand, mais cette faculté était si puissante chezM. Home et chez Mme X., que c'est avec cesdeux personnes qu'il a, par raison de commo­dité, exécuté les trois séries d'expériences queje vais analyser et qui, nous le rappelons, onttoutes eu lieu dans le laboratoire de M. Croo­kes.

PREMIÈRE DISPOSITION

L'appareil destiné à expérimenter l'altérationde poids d'un corp~ consistait (fig. 25) en une

FIG. 25.

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196 LES FnONTIÈRES DE LA SCIENCE

planche d'acajou de Om,90 de long sur om,24 delarge et deux centimètres et demi d'épaisseur.

A chaque bout, une bande d'acajou large de4 centimètres était vissée et formait pied. L'undes bouts de la planche reposait sur une tablesolide, tandis que l'autre était supporté parune balance à ressort ou peson suspendu à unfort trépied ; le peson était muni d'un indexenr-egistreur automoteur de manière à indiquerle maximun de poids .rnarquê par l'aiguille(fige . 26). L'appareil était ajusté de telle sorteque, la planche d'acajou étant horizontale et sonpied reposant à plat 'sur le support, l'index dela balance indiquait trois livres anglaises com­me fraction du poids supporté.

En présence de M. Crookes, ,. desôllfrère, deson aide de chimie, du Dr William Huggins.

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LA LÉVITATION DU CORPSHUMAINHl7

membre de la Société royale. de Londres, et deM. Sergeant Cox, docteur en droit, le sujet assissur une chaise posa légèrement la pointe deses doigts, sur l'extrême bout de la planched'acajou, dans une position qui fut constatée pardes traits au crayon; presque aussitôt les obser­vateurs virentdescendre l'aiguille de la balance,qui remonta au bout de quelques secondes. Cemouvement se répéta (plusieurs fois, comme sous

FIG. 27.

des émissions successives de la force psychique,et l'on percevait distinctement le mouvementd'oscillation de l'autre extrémité de la planche.Le sujet prit alors deux objets qui se trouvaientà sa portée, une petite sonnette et une boîte d'al­lumettes ordinaire, en carton qu'il plaça sousses doigts (fig. 27), pour montrer qu'il n'exer­eaitaucune pression: on ne tarda pas à voir lemouvement, se reproduire avec plus d'intensité

13

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198 LES FHONTIÈRés DE LA SCIENCE

encore, et l'enregistreur automatique montraque l'index était descendu jusqu'à neuf livres;c'est-à-dire qu'il avait indiqué une augmenta­tion de six livres dans la fraction du poidssupporté par le peson.

Afin de voir s'il était possible de produire uneffet notable sur cet instrument en exerçant unepression à l'endroit où le sujet avais mis sesdoigts, M. Crookes monta sur.latable etse tintsur mi pied à I'extrémité de la planche; Je

:II.

t~--,~~..-E~IF===#?

1

Fw.28.

Dr Huggins, qui obsecvaitI'index de la balance,constata que le poids entierd-ucorps,(HOlivres)ne faisait fléchirrirtdex que d'une livré et demie,ou de deux livres quand M. Grookesdonnaitune secousse. Cette flexion-tenait. évidemment àce que, le pied ayant plus de quatre ceIl.timètresde largeur, une partie. du poids du COrpS agis­sait en avant de I'arètc.antérieuee de la bande

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 199

d'acajou, autour de laquelle il faisait tourner laplanche; tandis que, le sujet plaçant ses doigtsen arrière de cette même arête, une pressionquelconque de sa part ne pouvait produireaucun effet, et même eût eu pour résultat d'en­traver l'abaissement de l'autre extrémité. Enadmettant même que trompant la surveillance

1

~ 1

'~. ~/\'~I

i~\ FIG. 29.

des yeux qui l'observaient, le sujet eût pu por­ter un instant ses doigts en avant de l'arête dela bande, il est f.]Cile de se convaincre, par unsimple calcul de proportion (fig. 27), que, pourfaire descendre l'index jusqu'à neuf livres, ilaurait dû produire du côté de b un effort supé­rieur à son poids tout entier, ce qui est inad­missible pour un homme assis.

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200 ) LES FRONTIÈRES DE LA SCIF;NCE

DEUXIÈME DISPOSITION

Crookes voulut toutefois écarter jusqu'à l'idéede cette objection par-Ie dispositif suivant.

Il prit une planche d'acajou A.B semblable àcelle de l'appareilprécéd(mt, mais sans lesdeux bandes formant·pieds:·près de l'extré­mité A il en fi.xa uneagtreF,·taiUéedemanièreà faire l'office du couteaud'~ne b~la.nçe, repo­sant sur Un solide bâti li G (fig. 28).

L'extrémité Bfutencore suspe~<llleàu;npe­

son, mais l'index mobile de. cet .. jn~trum.ent seterminait par 1,1ne fine pointe fai~a.~t!;aillie etpouvant rp.arquer .~.~ .• traceisur une: ..~~a~ue. .deverreenfuAl~~.~~~?S~~ d~imaIlièreà .• sedépla~cerhorizonta~em.e~td~~a:Ilt lui· .SOus >l'actiond'un .• mouvement d'h()rlog~~i~ <

Si le peson est au reposet~llelen1QuVement

d'horlogerie vienne àm~r~ller,ilenrésulterasur la plaque . une trace blanch~ .••• horizontaleparfaitement droite. Silemouve,menfestarrètéet. qu'on-place des poidssurl'extré~ité .delaplanche, il en résultera une lignevertj.cale(lontla longueur .dépendradupoid~.a:PJ>li9ù.é.:$i,pendant-que- le mouyementd'hOl'1qgerieeIl'"traine la plaque, .lepoid~dela~lâ.Ilc~eetparsuite la tension de labalaIlc~xienIle.n~à}arier,

il en résultera une ligpecourbed'aprèslaql,lelleon pourra calculer la tension engrammes .. à

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 201

• S' 1.l' , " , , If, .., .., S,, llfI,

FIG. 30.

FIG. 31.

FIG. 32.

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202 LES FRONTIÈRES DE LA SCiENCE

n'importe quel moment de la durée des expé­riences.

A l'extrémité A on plaça (fig. 29) un largevase de verre plein d'eau l, de telle manièreque son centre. de gravité fût précisément dansle plan vertical passant pal' l'arête du couteauF. Dans ce vase on introduisit un vase de cuivreN hémisphérique percé de plusieurs trous à.sapartie inférieure et relié par un bras rigide M àun support immobile L, de telle manière qu'ily avait un Intervalle d'au moins cinq centimè­tres entre lui et le vase de verre.

Ces dispositions avaient pour but d'empêcherque l'immersion de la main du sujet dans l'eaudu vase de cuivre pût produire un effetsensi­ble sur le peson, soit ' par suite de la force deréaction développée par l'effort même deI'im­mersion, soit par unchoc 'quelcollgu~'. impriméaux parois du vase de .v~rre. 'En, effet la mainentière "de l'un •des témoins, plongée dans levase de' cuivre, ne provoqua aucnn'mouvernentde l'aiguille du peson.

L'appareil étantainsidisposé,Home fut intro­duit dans la cbambre et prié de mettre ses doigtsdans l'eau du vase N, cequ'H fUpendantqu'onlui tenait son autre mainet~esJ>ieds;lorsqu'il

dit qu'il sentait une' influence s'échapper de samain" M. Crookes fit ,marcher. ,le .UJouvementd'horlogerie et presque aussitôt on vit oscillerl'extrémité dela.plap.cheet J'ill~ex du pesontracer sur la plaque de verre la courbe que nousreproduisons dans la. figure' gO.,.

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 20;;

TROISIÈME DISPOSITION

Le contact par l'eau ayant été démontréaussi efficace que le contact direct, M. Crookesvoulut éprouver si la force en question pour­rait impressionner le poids, soit en touchantsimplement un objet fixe en contact avec l' appa­reil' soit encore en se tenant simplement à côté.

On conserva donc l'appareil précédent, ensupprimant les vases comme inutiles ; M.Home plaça ses mains sur le support fixe àune dizaine de centimètres de l'appareil, untémoin mit ses mains sur les mains de M. Homeet son pied sur ses pieds ; puis on opéra com­me précédemment et on obtint sur la plaque lacourbe de la figure 31.

Un jour M. Home se déclarant mieux disposéque d'habitude, se plaça à un mètre de l'appa­reil ; on lui tint solidement les pieds etles mainset on obtint la courbe de la figure 32.

'Les courbes des figures 30, 31 et 32 sont -envraie grandeur; l'échelle verticale qui les accom­pagne représente la tension en grains (1) etl'échelle horizontale le temps en secondes.

On voit que les tensions maxima ont été,respectivement dans chaque expérience, deooOOgrains (33 grammes), 9000 grains (08 gram­mes) et 10000 grains (64 grammes).

- 1. Chaque division correspond à 1000 grains, c'est-à-dire à6 grammes 4 décigrammes.

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20q LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

QUATRIÈME DISPOSITION

M~ Crookes, convaincu que la force psychiqueexiste plus ou moins développée chez tous lessujets, imagina un appareil beaucoup plus sen­sible pour en constater les manifestàtions. Nousen donnons ci-contre le plan et l'élévation.

Un morceau de parchemin mince A (fig. 33)estfortement tendu sur un cercle de bois, de ma­nière à former unesqrtedetambour de basque.B C est un léger levier J.>~rfaitementéquilibré

pivotant en Dautour d'un axe horizontal. Al'extrémité B se trouve une pointe. d'aiguilleverticale touchant la membrane A; au point Cune autre pointe d'ai~ilJe,fa.isantsaillie hori­zontalement .et touchant une.lame~everre noir- .cie à la fumée; cette ,lame, verticale peut êtreentraînée parallèlement -au plan. vertical danslequel se meut le levier, parùnmouvement d'hor­'19gerie K ;des,trous sont percés dans la. paroi ducercle, pour permettre à l'air de circuler libre­ment au-dessous de la'.membrane. Des expérien­ces préalables exécutéespar plusieurs personnespermirent· deconstater que descho~s sur le sup­port fixe ne communiquaient aucun mouvementau levier, et que la ligne tr~cée par l'index res­tait parfaitement 'droite.quan.d bienlJ1ême oncherchait à secouer .le support et qu'on frappaitdu pied sur le plancher..

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN ;205

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FIG. 34.

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206 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

Mme X.. , fut introduite dans le laboratoire.Sans qu'on lui eût expliqué le but de l'instru­ment, on la pria de placer ses mains sur le sup­port fixe, successivement en divers points plusou moins éloignés de l'appareil; à chaque fois,bien que M. Crookes tint ses mains sur les sien­nes, pour s'assurer s'il n'y avait aucun mouve­ment conscient ou inconscient de sa part, on vitle levier osciller et la pointe tracer les diversescourbes reproduites dans la figure 34., à uneéchelle un peu plus grande que nature, pourpermettre de bien distinguer les petites oscilla­tions ; enmême temps, on entendait venir duparchemin desbmits semblables à ceux qu'au­raient produits des grains de sable projetés àsasurface ; quelquefois les sons se succédaientaussi rapidement que ceux d'une maehine d'in­'duction tandis que, d'autres fois,il y avait plusd'une seconde d'intervalle. '"

Un fragment, de, graphite placé sur le par­chemin était projeté, à chaqge '. coup.. à' lahauteur d'un demi-millimètre environ,

Quelques jours après, Home essaya- à sontour J'appareil; il étendit la main droite au­dessus et à20 centimètres environ de la mem­.brane ; Crookes lui tenait fortement le brasdroit et un autre témoin le brâ.s· gauche. Aprèsêtre demeuré dans cette position une minute,M. Home dit qu'il sentait le fluide passer ; onfit alors marcher le mouvement d'horlogerie etl'on vit I'index osciller; les Ifiouvements êtaie~t

beaucoup plus lents que dans le cas précédent

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 20ï

et n'étaient point du tout accompagnés des coupsvibrants dont il a été fait mention, mais lesoscillations présentaient une amplitude beau­coup plus considérable.

Sir Crookes fait observer que les phénomènesde cette nature sont généralement précédés parun refroidissement de l'air tout particulier:

« Sous son influence, dit-il, j'ai vu des feuillesde papier s'enlever et le thermomètre baisserde plusieurs degrés. Dans d'autres occasions,je n'ai remarqué aucun mouvement réeldel'air,mais le froid a été si intense que je ne puis lecomparer qu'à celui qu'on ressent lorsqu'ontend la main à quelques pouces du mercuregelé (1)... »

« Après avoir été témoin de l'état pénible deprostration nerveuse dans lequel quelques-unesde ces expériences ont laissé M. Home, aprèsl'avoir vu dans un état de défaillance presquecomplète, étendu sur le plancher, pâle et sansvoix, je puis à peine douter que l'émission dela force psychique ne soit accompagnée d'unépuisement correspondant de la force vitale (2). »

. Il semble qu'une enquète aussi précise nedoive rien Iaisser à désirer; cependant uncertain nombre de lecteurs de manderont peut-

1. Rech. sur le spirii., p. 1H.2. L. c., p. 67.

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208 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

ètre pourquoi d'autres savants n'ont point faitd'expériences analogues et avec d'autres sujets.

Je répondrai d'abord que, outre celles duDr Hare et du Dr Dusart que rai signalées plushaut, il y a eu encore celles de M. Boutlerow,professeur de chimie .à l'Université de Saint­Pétersbourg, pendant l'hiver de 1871 (1). Latension normale du dynamomètre étant de100 livres, elle fut portée jusqu'à 150 livres, lesmains de M. Home étant mises en contactavec l'appareil d'une manière telle que touteffort de sa part aurait diminué la tension aulieu de l'accroître.. Je ferai observer ensuite que les facultés dontnous nous occupons sont tout à fait anormales,que rien n'est plus variable, plus mobile queleurs effets, et qu'il est difficile, non seulementde trouver des sujets, . mais encore de •saisirl'occasion d'expérimeIlter" SUrell~ avec desappareils préparés à l'avance et dans certainesconditions qui, ici comme,.pour l'électricité,sont nécessaires pour la production bien nettedes phénomènes.

VI

La plupart des faits que nous avons cités peu­vent certainement s'expliquer par des considé-

1. Crookes. Recherches sur le spiritualisme, p. 39.

1)

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LA LÉVITATION DU CORPS HUl\IAIN 209

rations analogues à celles qu'a développéesKarl du Prel; mais il me paraît non moinscertain que quelques autres paraissent dues àdes forces tout à fait différentes de celles quenous sommes habitués à considérer en physi­que et je terminerai cette étude déjà longuequoiqu'encore bien incomplète (1) en rappe­lant un cas de lévitation qui laisse fort loinderrière lui tous les autres; ce sont les péri­grinations de la Santa-Casa de N.-D. deLorette (2).

Je prie le lecteur de ne me considérer, icicomme pour quelques autres de mes citations,que comme un simple compilateur, un rappor­teur qui expose les diverses pièces d'un procèsen laissant à chacun le soin de juger du degréde confiance qu'elles méritent.

Je me contenterai donc d'extraire les détailsessentiels du phénomène d'une longue disser­tation que lui a consacrée l'abbé Lecanu dansle Dictionnaire des prophéties et des miraclesfaisant partie de l'Encyclopédie théologique del'abbé Migne.. « Le W mai ·1291, sur le sommet aplati d'unecolline entre les villes de Fiume et de 'I'ersatz,mais plus près de cette dernière, dans un lieu

1. Chaque jour mes lectures m'apportent de nouveaux cas,soit anciens, soit contemporains.

2. Cette célèbre chapelle a, dans œuvres, 9 m. 60 de long,4 m. 18 de Iarge et4 m. 30 de haut; les murs sont en maçon­nerie de moëllons faits d'une pierre sablonneuse tendre etcouleur de brique.

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210 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

appelé RauIiiza, les habitants aperçurent unédifice qu'ils n'avaient pas vu auparavant.

« On accourt, on examine ; le bâtiment estconstruit de pierres de petit appareil, taillées etcimentées, posé sans [ondaiion« sur la terre,surmonté d'un clocher. On pénètre dans l'inté­rieur ; l'édifice forme un carré oblong, le pla­fond est peint couleur d'azur,divisé en com­partiments, semé de petites étoiles dorées. Unefrise règne autour, représentant des vases deformes diverses inclus dans des cerceaux. Lesmurs sont recouverts .d'un enduit, sur lequel ona représenté au pinceau divers mystères de lareligion. Une porte latérale. a donné l'entrée,une fenêtre s'ouvre. à main deoite ; en. face estl'autel dominé. par une croix;grecqlle avec lecrucifix peint sur toile et collé, et la légendeJésus de Nazareth, roi des fuifs.... »

« La Sainte Viërge apparut.à.cemoment ensonge au vénérable Alexandre, curé de 'I'ersatz,et lui dit: ~ Sache q»e.la demeure sacréerécemment apportée dans votre pays, est lamaison même où j'ai pris naissance et où j'aipassé presque toute ma jeuneslSe.~. les Apôtresla consacrèrent... Après avoir été environ­née des plus grands honneurs dans la Galiléependant de longs' siècles,. elle a émigré de laville de Nazareth vers.vos rivages parce qu'elles'est trouvée mise en oubli par la perte de lafoi.

<.< Alexandre ayant raconté ce songe au gouvee­neur du pays, on envoya à Nazarethdescorn-

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LA LÉVITATION DU CORPS HUMAIN 211

missaires pour vérifier le fait ; ces commissai­res constatèrent, par le témoignage des habi­tants et par leurs propres yeux, la disparitionde la sainte demeure, prirent les mesures exac­tes des fondations qui étaient demeurées auniveau du sol et s'assurèrent que le temps del'enlèvement coïncidait avec celui de l'appari­tion en Dalmatie...

« Le bonheur des habitants de Tersatz ne..fui pas de longue durée. Au bout de trois anset sept mois la sainte maison disparut. L'émo­tion fut grande dans tout le pays. Le pieux gou­verneur, pour consoler ses ministres de la pertequ'ils venaient de faire, éleva à ses frais uneautre maison pareille à la première ; ces sucees­seurs l'enfermèrent dans une église magnifi­que...

«La sainte maison avait été transportée del'autre côté du golfe Adriatique, au milieu d'unbois, à mille pas du rivage, près de Recanatidans la marche d'Ancone. Des bergers l'aper­çurent les premiers pendant la nuit, environ­née d'une céleste splendeur, qui attira leursregards. L'un d'eux prétendit même l'avoir vuetraversant les airs et se posant après sur laterre. »

Les bois environnants étaient peuplés debandits qui, plus d'une fois, assassinèrent lespèlerins qui s'étaient hâtés d'accourir. Aussi leséjour de la sainte maison fut-il très court danscette station; au bout de huit mois, elle la quittapour se rendre à deux milles de là sur ,une

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212 LES FRONTIÈRES DE LA SCIENCE

petite éminence où elle ne se trouva pointencore à son gré, car" quatre mois après, elledescendit du sommet de -Ia colline et s'établit,à la distance d'un jet, de,pierre, au milieu de lavoie, pùblique, au 'point où" elle se trouve encoreaujourd'hui. ,' , ,"

« Le SouyerajnPontife,BoirifaceVIII, ordonnaà l'évêque de Recanati. de p~endre les mesures

, nécessaires pourarriveràla constatation authen­tique de 'faits si extraordinaires. Une députa­tion, composée,de seize personnes, partit doncde Recanati pour Tersatz. Les, députés prirentles dimensions de la chapelle que les habitantsvenaientd'élever cILplace de la sainte maison ;ils trouv;èrent qu'elles, se rapportaient "exacte­ment à ,ce)les 'qq'i1~ ,'av,lient levéesav(lnt leurdépart ; ils se dirig~re ,cielà ,vers laP~lestine;constatèrent l'exist , . ides~ fondations ,au lieuindiqué, 'en prirent: les dimensions, ~onsultè­rentles traditi9:ns,'et~e cO:ilvirinqqirent quetout était, conforme. à ce' qui ,leur, avait étéannoncé d'abord. Leu ur à Recanati levales derniers doute