1886 - le franc maçon n°15 - 2-9 janvier 1886 - 2ème année.pdf

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Deuxième Année. N' 15. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 2 au Samedi 9 Janvier 1886 Liberté égalité Fraternité Travail Solida-xa-té Justice IE D a,2?a,issa,xi-b Le Ssunedi Bien penser Bien dire Bien faire Vérité XJTJL m. i è r" e Humanité ABONNEMENTS Six mois 4 (r. 50 Un an 6 fr. Etranger. Le port en sus Recouvrement par la poste, 50 c. en plus. Adresser les demandes et entois de. fonds an Trésorier-Administrateur. Boite, rue Ferrandiire, 52 RÉDACTION & ADMINISTRATION Adresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52 S Liroisr îPARIS Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PEKINET, 9, rue du Croissant - PARIS ANNONCES Les Annonces sont reçues à l'Agenee V. FOURNIER & G ie 14, rue Confort, 14 et au Bureau d/u. Journal Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus AVIS Le Franc-Maçon est mis en vente à : PARIS Agence de librairie PÉRINET, 9 , rue du Crois- sant. Les abonnements sont reçus à la même adresse. MONTPELLIER Société anonyme du Petit Méridional, 5, rue Leenhardl, doivent être adressées les de- mandes de dépôts dans les diverses villes des départements du Gard, de F Hérault et dépar- tements limitrophes. SEDAN Papeterie-librairie, Car lier aîné, 1 , Grande- Rue. BORDEAUX Chez M. Graby, marchand de journaux. ALGER Librairie Pioget, Place Sous-la-Régence. Librairie Mouranchon. ORÂN Librairie Calia, rue Fond-Ouck. MARSEILLE Agence de librairie Blanchard, dépositaire et marchand de journaux. Notre journal est également mis en vente dans les bibliothèques des principales gares. Le Congrès. La Question coloniale et la Franc-Maçon- nerie. Esprit des Morts et des Vivants. Les Dogmes et la Raison. La Société maçonnique. La Loi sur les Associations Le Clergé et les Colonies. Les Secrets du Vatican Laïcité. Htstoire phi- losoqhique de la Franc - Maçonnerie. Immunités accordées au Clergé. Revue des Théâtres. Petite Correspondance. Bibliographie. Feuilleton : Le Mariage d'un Franc-Maçon Petits Dialogues philosophiques. —<——'—» I II' i <——I—lin» ITHÎI -irimmiuiniîiiB LE CONGRÈS La ligue conservatrice a continué au congrès sa campagne d'obstruction systé- matique. La tactique de la droite était d'apporter un tel désordre dans l'assemblée, que l'é- lection présidentielle devint l'occasion d'un véritable scandale parlementaire. Les par- tisans de la monarchie voulaient démontrer au pays que la transmission du pouvoir exécutif ne pouvait s'effectuer ' sans des troubles préjudiciables aux intérêts de la France; les avantages de la royauté au- raient été mis en relief par les inconvé- nients résultant, de l'élection du président de la République. Cette manœuvre a été déjouée par les gauches. La fermeté de M. Le Royer a imposé le silence aux per- turbateurs de droite, et la tribune, d'où de- vaient partir les excitations au tumulte, est restée interdite pendant les opérations régulières du vote. De cette nouvelle tentative des préten- dus conservateurs ressort encore la preuve que l'union des droites est toujours aussi solide qu'au 4 octobre. Tous, impérialistes ou orléanistes, ont suivi fidèlement le plan tracé pour entraver le jeu régulier des institutions républicaines. Ils ne se sont pas souvenus, un seul instant pendant cette séance, de tout ce qui les sépare, ils n'ont pas perdu de vue leur objectif unique en ce moment, le renversement du gou- vernement républicain. Au sortir de la séance, dans les discussions personnelles, leurs opinions monarchiques si opposées ont pu réveiller les querelles d'autrefois, mais ces dissentiments disparaîtront cha- que fois qu'une occasion se présentera de combattre la République. Cette entente sera-t-elle enfin une leçon pour nos amis? La fusion complète de tous les républicains, cette concentration, que nous demandons sans cesse, s'établira-t-elle enfin en face de la ligue cléricale? Nous déciderons-nous à mettre de côté les arti- cles de programme. qui nous divisent, ou- blierons-nous enfin les questions de nuan- ces, de personnes, qui multiplient les comi- tés électoraux, jusqu'au jour au moins la coalition réactionnaire ne sera plus un péril? LA QUESTION COLONIALE Et la Franc -Maçonnerie^ Vous avez appris le désastre qui vient de frapper notre loge de Cayenne, la France équinoociale, en faveur de laquelle on a fait appel aux sentiments de solidarité maçonnique. Ce cri de détresse, parti des rives françaises de l'Amérique, m'a suggéré l'idée de rechercher quel rôle la Maçonnerie peut être appe- lée à remplir dans la question coloniale qui préoc- cupe si légitimement l'opinion. Envisagée au point de vue purement maçonnique, la ques'ion m'a paru rentrer dans le domaine des discussions autorisées en loge, et pouvoir être traitée ici de façon à ne blesser aucune susceptibilité et à ne froisser aucune opinion. Il s'est formé récemment en Angleterre une école libérale qui conseille aux Anglais d'abandonner toutes leurs colonies, afin d'éviter les conflits auxquels les expose, sur tous les points du globe, l'extension de leur empire. Cette opinion s'appuie sur les guerres désastreuses de l'Afghanistan, la campagne du Sou- dan, les dangers perpétuels dont l'Inde et le Canada sont la source, qui peuvent mettre l'Angleterre aux prises avec la Russie et l'Amérique, et faire sombrer sa puissance et sa richesse. Je n'étonnerai personne en disant que cette thèse n'a paseu jusqu'ici un grand succès chez nos voisins d'Outre-Manche. En France, il s'est produit un mouvement contraire quia même déterminé, à un moment donné, une sorte d'engouement en faveur des conquêtes coloniales, dont le principal objet devait être d'accroître le dé- veloppement de notre commerce, d'utiliser l'héroïsme de nos marins et de nos soldats, et d'apaiser nos agi- tations intérieures en offrant un dérivatif à l'activité de notre race. Il y a place, entre ces deux doctrines extrêmes, pour une opinion moyenne, aussi éloignée d'un aban- don houleux que d'une série d'aventures périlleuses et téméraires. Sur ce terrain, il fernbte même que tout le monde soit d'accord en France, pour recon- naître qu'en présence de l'activité fiévreuse avec la- quelle nos rivaux cherchent à supplanter notre in- fluence commerciale, industrielle et politique, il est nécessaire de conserver intact notre domaine colonial et de l'aménager de façon à renire nos possessions le moins coûteuses possible pour la mère-patrie et le plus profitables possible à ses négociants et à ses in- dustriels. La question coloniale se pose donc aujourd'hui en ces termes : tirer de nos colonies le meilleur parti possible au point de vue de notre commerce et de l'influence française. Le problème étant circonscrit dans ces limites précises, la solution consiste à cher- cher et à appliquer le meilleur mode d'organisation coloniale. Le système colonial, appliqué jusqu'ici, pourrait se (1) Extrait d'une brochure publiée par la loge Travail et Perfec- tion, d'Àng'erss résumer ainsi : Tout par les missionnaires et pour la Propagation de la Foi. Au lieu de laisser les missionnaires prêcher et évan géliser, librement, mais à leurs risques et périls, nous les entourons d'une protection exceptionnelle, et nous leur prêtons même contre les gouvernements étran- ger* l'appui, et le concours de la force armée. Déjà, sous l'ancien régime, Louis XVI restaurait comme roi d'Annam Gia-Long, l'homme des jésuites, ce qui n'empêcha pas ceux-ci d'être chassés par son successeur. Nous avons soigneusement continué ces tra- ditions, et, trois fois, en 1853, 1856 et 1858, des fré- gates françaises vinrent y installer las mêmes jésuites non reconnus en France. C'est encore pour leur ouvrir la Chine que fut en- treprise l'expédition de 186'}. La dernière guerre a été déterminée par l'article 9 du traité de 1874, qui assurait aux Catholiques plus de privilèges qu'ils n'en n'ont en France. Et l'on a vu, au cours des opérations, exécuter, à Hué, un prince de la famille royale accusé d'avoir perse - cuté les Chrétiens. Il est malheureusement trop certain, et l'his- toire en fait foi, - que les missionnaires n'ont réussi jusqu'ici qu'à nous créer partout des embarras, à entretenir des haines, à provoquer des confits et des représailles. Voici comment le journal le Temps, dont la modé- ration est bien connue, appréciait récemment (15 mai 1885) leur action en Chine : « Balfons fait cette observation frappante : « Ja- mais un missionnaire européen n'a converti un lettré chinois ; il n'existe pas un seul exemple d'une telle conversion. » C'est que le Chinois instruit ne peut avoir que du mépris pour les systèmes religieux ou philosophiques de lOccident. Le sien lui paraît né- cessairement préférable. .. Mais les concepts théo- logiques d'une secte syriaque de la décadence ro- maine, quel intérêt pourraient-ils avoir pour un élève de Confucius et de Lao-Tseu ? S'il daigne les approfondir, c'est seulement pour se dire que ses maîtres à lui sont autrement forts. Encore si les prédicateurs de cette parole exotique se recommandaient par le respect des lois chinoises ou tout au moins par l'harmouie de leurs enseigne- ments ; mais ils se traitent mutuellement d'héréti- ques et sont pour le pays eu ils viennent s'établir une source constante d'embarras. » Dans la note adressée, en 1871, aux ministres ac- crédités à Pékin, la Chine se plaignait « que les évo- ques catholiques eussent graduellement pris l'habi- tude de se donner pour de hauts fonctionnaires européens et d'usurper les insignes extérieurs des dignitaires de l'empire . La note chinoise appelait l'attention des ministres étrangers sur l'Orphelinat de la Sainte -Enfance et demandait qu'aucun établissement de ce genre ne pût s'ouvrir sans autorisation régulière ; elle réclamait fort justement que ces maisons fussent soumises à Feuilleton du " FRANC-MAÇON " (14) LE MARIAGE D'UN FRANC-MAÇON (Suite) La discussion s'engageait déjà nette et précise et Jacques, irrité par l'attaque réitérée de son adversaire, commençait à perdre son sang froid et ses avantages. Peu vous importe que je sois franc-maçon. Je ne dois compte de mes actes à personne et nul n'a le droit de fouiller dans le secret de ma pensée et de ma volonté. Je m'intéresse à la famille vous avez été admis comme gendre. Je suis le père spirituel de Louise et je dois veiller à son bonheur. Tout beau, monsieur l'abbé, c'est un soin dont je saurai m'occuper moi-même et sans votre intercession. Alors, vous prétendez soustraire votre femme à l'influence de sa famille ; vous avez une singulière façon de lui apprendre le respect filial et l'amour des siens. Sa famille et vous, l'abbé, cela fait deux. Vous avez peut-être des raisons pour croire le contraire; j'ai, moi, un sentiment des conve- nances qui m'empêche de vous suivre sur ce ter- rain. Qu'entendez-vous par là, s'écria le prêtre frémissant de colère et comprenant très bien l'allusion directe faite par Jacques aux droits de l'abbé Vobert sur les enfants de son protégé Le- bonnard. J'entends!... J'entends!... J'entends ceci, monsieur : Je n'ai pas à vous juger, je n'ai pas à vous condamner. Quand je suis venu ici, vous y étiez et de longue date. Vous vous dites le pro- tecteur de la maison Lebonnard, mais ceux qui vous connaissent appellent d'un autre nom le lien qui vous unit à mon beau-père. Je ne vous aurais jamais parlé de ces choses que je veux ignorer, si votas n'étiez pas sorti de la réserve le tact le plus élémentaire devait vous enfermer. Mais, une fois pour toutes, nous allons vider la question : Je ne vous reconnais, moi, aucun droit sur la di- rection intellectuelle et morale de ma femme et je vous déclare que si je sens ici, autour d'elle, des influences qui me semblent fâcheuses, je la mettrai à l'abri de ces obsessions, en séparant mon intérieur de celui de M. Lebonnard. C'est compris, n'est-ce pas? Alors c'est la lutte, s'écria l'abbé. C'est la lutte, Vous démasquez votre drapeau, vous as- siégez déjà l'esprit et l'âme de votre femme, vous oubliez toutes vos promesses. Je n'ai jamais promis de mentir à mes idées et à mes convictions. Pourquoi avez-vous caché vos attaches à la secte maçonnique. M'ayez-vous interrogé à ce sujet? Pouvais-je supposer tant de duplicité et de bassesse ! C'est à vous et aux vôtres que la duplicité est familière et la bassesse consisterait à démentir ici ce que je crois être bon et vrai. .. . Mais déjà le prêtre avait jeté son plan de cam- pagne. La colère avait servi à amener l'explosion qui lui avait livré le secret de Jacques. La four- berie allait maintenant l'aider à vaincre ce trop loyal adversaire. Allons, allons, s'écria-t-il de son air le plus chagrin, je m'excite, je m'enflamme comme si j'avais vingt-cinq ans ! La vieillesse ne me mettra donc pas un peu de sagesse dans ma cervelle dé- crépite. Je crois que c'est moi qui ai là-dedans en effet le plus de tort. Vous avez vos secrets, vous les gardez, moi, cela ne me regarde pas, et, pourvu que vous rendiez Louise heureuse, je ne vois vraiment pas pourquoi je me fourre martel en tête. Oubliez donc cette petite discussion, que vous me pardonnerez, mon cher enfant, en pensant que j'aime votre femme de tout mon cœur, et qu'il me serait bien pénible de lui voir perdre les sentiments religieux que j'ai eu le bonheur de lui inspirer. Je vous fais donc mes excuses, et.... N'achevez pas, je vous en prie, s'écria Jac- ques, touché du retour de ce vieillard, tout est oublié. Je ne prétends nullement soustraire ma femme à des idées, qui ne sont pas les miennes, c'est vrai, mais que je respecte et que je dois to- lérer, si je veux qu'on tolère celles qui me sont chères. -- Touchez là, Jacques, et sans rancune. Et le vieux prêtre serra onctueusement la main du jeune homme entre les siennes. C'était la moderne réédition du baiser de Judas, car quel- ques minutes après, il était vers Louise et com- mençait son siège en ces termes. Mon enfant, avez-vous du courage? Ah ! mon Dieu, il y a un malheur ! Peut-être n'y a-t-il qu'une menace de malheur. Parlez, de grâce! Louise, votre mari m'inquiète beaucoup. Jacques! qu'a-t-il fait ! Jacques se conduit mal, il pense mal, et, non content d'agir ainsi, il vous enserre peu à peu dans ses idées et ses volontés. Avez-vous bien ré- fléchi à l'influence qu'il prenait sur vous? Ne vous êtes-vous pas encore demandé il vous con- duisait? Mon enfant, dès à présent, votre salut est bien compromis, si vous ne prenez pas une énergique résolution. suivre)

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Deuxième Année. — N' 15. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 2 au Samedi 9 Janvier 1886

Liberté

égalité

Fraternité

Travail

Solida-xa-té

Justice

IEDa,2?a,issa,xi-b Le Ssunedi

Bien penser

Bien dire

Bien faire

Vérité

XJTJL m. i è r" eHumanité

ABONNEMENTSSix mois 4 (r. 50 — Un an 6 fr.

Etranger. Le port en susRecouvrement par la poste, 50 c. en plus.

Adresser les demandes et entois de. fonds an Trésorier-Administrateur. Boite, rue Ferrandiire, 52

RÉDACTION & ADMINISTRATIONAdresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52

S Liroisr î——

PARIS — Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PEKINET, 9, rue du Croissant - PARIS

ANNONCESLes Annonces sont reçues à l'Agenee V. FOURNIER & Gie

14, rue Confort, 14et au Bureau d/u. Journal

Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus

AVIS

Le Franc-Maçon est mis en vente à :

PARISAgence de librairie PÉRINET, 9 , rue du Crois-

sant. Les abonnements sont reçus à la mêmeadresse.

MONTPELLIER

Société anonyme du Petit Méridional, 5, rueLeenhardl, où doivent être adressées les de-mandes de dépôts dans les diverses villes desdépartements du Gard, de F Hérault et dépar-tements limitrophes.

SEDAN

Papeterie-librairie, Car lier aîné, 1 , Grande-

Rue.BORDEAUX

Chez M. Graby, marchand de journaux.

ALGERLibrairie Pioget, Place Sous-la-Régence.

Librairie Mouranchon.

ORÂNLibrairie Calia, rue Fond-Ouck.

MARSEILLEAgence de librairie Blanchard, dépositaire

et marchand de journaux.

Notre journal est également mis en vente dans lesbibliothèques des principales gares.

Le Congrès. — La Question coloniale et la Franc-Maçon-

nerie. — Esprit des Morts et des Vivants. — Les

Dogmes et la Raison. — La Société maçonnique. — La

Loi sur les Associations — Le Clergé et les Colonies.

— Les Secrets du Vatican — Laïcité. — Htstoire phi-

losoqhique de la Franc - Maçonnerie. — Immunités

accordées au Clergé. — Revue des Théâtres. — Petite

Correspondance. — Bibliographie.

Feuilleton : Le Mariage d'un Franc-Maçon — Petits

Dialogues philosophiques.

—<——'—» I II' i <——I—lin» ITHÎI -irimmiuiniîiiB

LE CONGRÈSLa ligue conservatrice a continué au

congrès sa campagne d'obstruction systé-matique.

La tactique de la droite était d'apporterun tel désordre dans l'assemblée, que l'é-lection présidentielle devint l'occasion d'unvéritable scandale parlementaire. Les par-tisans de la monarchie voulaient démontrerau pays que la transmission du pouvoirexécutif ne pouvait s'effectuer ' sans destroubles préjudiciables aux intérêts de laFrance; les avantages de la royauté au-raient été mis en relief par les inconvé-nients résultant, de l'élection du présidentde la République. Cette manœuvre a étédéjouée par les gauches. La fermeté deM. Le Royer a imposé le silence aux per-turbateurs de droite, et la tribune, d'où de-vaient partir les excitations au tumulte, estrestée interdite pendant les opérationsrégulières du vote.

De cette nouvelle tentative des préten-dus conservateurs ressort encore la preuveque l'union des droites est toujours aussisolide qu'au 4 octobre. Tous, impérialistesou orléanistes, ont suivi fidèlement le plantracé pour entraver le jeu régulier desinstitutions républicaines. Ils ne se sontpas souvenus, un seul instant pendantcette séance, de tout ce qui les sépare, ilsn'ont pas perdu de vue leur objectif uniqueen ce moment, le renversement du gou-vernement républicain. Au sortir de laséance, dans les discussions personnelles,leurs opinions monarchiques si opposéesont pu réveiller les querelles d'autrefois,mais ces dissentiments disparaîtront cha-que fois qu'une occasion se présentera decombattre la République.

Cette entente sera-t-elle enfin une leçonpour nos amis? La fusion complète de tousles républicains, cette concentration, quenous demandons sans cesse, s'établira-t-elleenfin en face de la ligue cléricale? Nousdéciderons-nous à mettre de côté les arti-cles de programme. qui nous divisent, ou-blierons-nous enfin les questions de nuan-ces, de personnes, qui multiplient les comi-tés électoraux, jusqu'au jour au moins où lacoalition réactionnaire ne sera plus unpéril?

LA QUESTION COLONIALEEt la Franc -Maçonnerie^

Vous avez appris le désastre qui vient de frappernotre loge de Cayenne, la France équinoociale, enfaveur de laquelle on a fait appel aux sentimentsde solidarité maçonnique. Ce cri de détresse, partides rives françaises de l'Amérique, m'a suggéré l'idéede rechercher quel rôle la Maçonnerie peut être appe-lée à remplir dans la question coloniale qui préoc-cupe si légitimement l'opinion. Envisagée au pointde vue purement maçonnique, la ques'ion m'a parurentrer dans le domaine des discussions autorisées enloge, et pouvoir être traitée ici de façon à ne blesseraucune susceptibilité et à ne froisser aucune opinion.

Il s'est formé récemment en Angleterre une écolelibérale qui conseille aux Anglais d'abandonner toutesleurs colonies, afin d'éviter les conflits auxquels lesexpose, sur tous les points du globe, l'extension deleur empire. Cette opinion s'appuie sur les guerresdésastreuses de l'Afghanistan, la campagne du Sou-dan, les dangers perpétuels dont l'Inde et le Canadasont la source, qui peuvent mettre l'Angleterre auxprises avec la Russie et l'Amérique, et faire sombrersa puissance et sa richesse. Je n'étonnerai personneen disant que cette thèse n'a paseu jusqu'ici un grandsuccès chez nos voisins d'Outre-Manche.

En France, il s'est produit un mouvement contrairequia même déterminé, à un moment donné, une sorted'engouement en faveur des conquêtes coloniales,dont le principal objet devait être d'accroître le dé-veloppement de notre commerce, d'utiliser l'héroïsmede nos marins et de nos soldats, et d'apaiser nos agi-tations intérieures en offrant un dérivatif à l'activitéde notre race.

Il y a place, entre ces deux doctrines extrêmes,pour une opinion moyenne, aussi éloignée d'un aban-don houleux que d'une série d'aventures périlleuseset téméraires. Sur ce terrain, il fernbte même quetout le monde soit d'accord en France, pour recon-naître qu'en présence de l'activité fiévreuse avec la-quelle nos rivaux cherchent à supplanter notre in-fluence commerciale, industrielle et politique, il estnécessaire de conserver intact notre domaine colonialet de l'aménager de façon à renire nos possessionsle moins coûteuses possible pour la mère-patrie et leplus profitables possible à ses négociants et à ses in-dustriels.

La question coloniale se pose donc aujourd'hui ences termes : tirer de nos colonies le meilleur partipossible au point de vue de notre commerce et del'influence française. Le problème étant circonscritdans ces limites précises, la solution consiste à cher-cher et à appliquer le meilleur mode d'organisationcoloniale.

Le système colonial, appliqué jusqu'ici, pourrait se

(1) Extrait d'une brochure publiée par la loge Travail et Perfec-

tion, d'Àng'erss

résumer ainsi : Tout par les missionnaires et pour laPropagation de la Foi.

Au lieu de laisser les missionnaires prêcher et évangéliser, librement, mais à leurs risques et périls, nousles entourons d'une protection exceptionnelle, et nousleur prêtons même contre les gouvernements étran-ger* l'appui, et le concours de la force armée.

Déjà, sous l'ancien régime, Louis XVI restauraitcomme roi d'Annam Gia-Long, l'homme des jésuites,ce qui n'empêcha pas ceux-ci d'être chassés par sonsuccesseur.

Nous avons soigneusement continué ces tra-ditions, et, trois fois, en 1853, 1856 et 1858, des fré-gates françaises vinrent y installer las mêmes jésuitesnon reconnus en France.

C'est encore pour leur ouvrir la Chine que fut en-treprise l'expédition de 186'}.

La dernière guerre a été déterminée par l'article 9du traité de 1874, qui assurait aux Catholiquesplus de privilèges qu'ils n'en n'ont en France. Etl'on a vu, au cours des opérations, exécuter, à Hué,un prince de la famille royale accusé d'avoir perse -cuté les Chrétiens.

Il est malheureusement trop certain, — et l'his-toire en fait foi, - que les missionnaires n'ont réussijusqu'ici qu'à nous créer partout des embarras, àentretenir des haines, à provoquer des confits et desreprésailles.

Voici comment le journal le Temps, dont la modé-ration est bien connue, appréciait récemment (15mai 1885) leur action en Chine :

« Balfons fait cette observation frappante : « Ja-mais un missionnaire européen n'a converti un lettréchinois ; il n'existe pas un seul exemple d'une telleconversion. » C'est que le Chinois instruit ne peutavoir que du mépris pour les systèmes religieux ouphilosophiques de lOccident. Le sien lui paraît né-cessairement préférable. .. Mais les concepts théo-logiques d'une secte syriaque de la décadence ro-maine, quel intérêt pourraient-ils avoir pour unélève de Confucius et de Lao-Tseu ? S'il daigne lesapprofondir, c'est seulement pour se dire que sesmaîtres à lui sont autrement forts.

Encore si les prédicateurs de cette parole exotiquese recommandaient par le respect des lois chinoisesou tout au moins par l'harmouie de leurs enseigne-ments ; mais ils se traitent mutuellement d'héréti-ques et sont pour le pays eu ils viennent s'établir unesource constante d'embarras. »

Dans la note adressée, en 1871, aux ministres ac-crédités à Pékin, la Chine se plaignait « que les évo-ques catholiques eussent graduellement pris l'habi-tude de se donner pour de hauts fonctionnaireseuropéens et d'usurper les insignes extérieurs desdignitaires de l'empire .

La note chinoise appelait l'attention des ministresétrangers sur l'Orphelinat de la Sainte -Enfance etdemandait qu'aucun établissement de ce genre ne pûts'ouvrir sans autorisation régulière ; elle réclamaitfort justement que ces maisons fussent soumises à

Feuilleton du " FRANC-MAÇON " (14)

LE MARIAGED'UN FRANC-MAÇON

(Suite)

La discussion s'engageait déjà nette et préciseet Jacques, irrité par l'attaque réitérée de sonadversaire, commençait à perdre son sang froidet ses avantages.

— Peu vous importe que je sois franc-maçon.Je ne dois compte de mes actes à personne etnul n'a le droit de fouiller dans le secret de mapensée et de ma volonté.

— Je m'intéresse à la famille où vous avez étéadmis comme gendre. Je suis le père spirituel deLouise et je dois veiller à son bonheur.

— Tout beau, monsieur l'abbé, c'est là unsoin dont je saurai m'occuper moi-même et sansvotre intercession.

— Alors, vous prétendez soustraire votrefemme à l'influence de sa famille ; vous avez unesingulière façon de lui apprendre le respect filialet l'amour des siens.

— Sa famille et vous, l'abbé, cela fait deux.Vous avez peut-être des raisons pour croire lecontraire; j'ai, moi, un sentiment des conve-nances qui m'empêche de vous suivre sur ce ter-rain.

— Qu'entendez-vous par là, s'écria le prêtrefrémissant de colère et comprenant très bienl'allusion directe faite par Jacques aux droits del'abbé Vobert sur les enfants de son protégé Le-bonnard.

— J'entends!... J'entends!... J'entends ceci,monsieur : Je n'ai pas à vous juger, je n'ai pas àvous condamner. Quand je suis venu ici, vous yétiez et de longue date. Vous vous dites le pro-tecteur de la maison Lebonnard, mais ceux quivous connaissent appellent d'un autre nom le lienqui vous unit à mon beau-père. Je ne vous auraisjamais parlé de ces choses que je veux ignorer,si votas n'étiez pas sorti de la réserve où le tact leplus élémentaire devait vous enfermer. Mais, unefois pour toutes, nous allons vider la question :Je ne vous reconnais, moi, aucun droit sur la di-rection intellectuelle et morale de ma femme etje vous déclare que si je sens ici, autour d'elle,des influences qui me semblent fâcheuses, je lamettrai à l'abri de ces obsessions, en séparantmon intérieur de celui de M. Lebonnard. C'estcompris, n'est-ce pas?

— Alors c'est la lutte, s'écria l'abbé.

— C'est la lutte,— Vous démasquez votre drapeau, vous as-

siégez déjà l'esprit et l'âme de votre femme, vousoubliez toutes vos promesses.

— Je n'ai jamais promis de mentir à mesidées et à mes convictions.

— Pourquoi avez-vous caché vos attaches à lasecte maçonnique.

— M'ayez-vous interrogé à ce sujet?— Pouvais-je supposer tant de duplicité et de

bassesse !— C'est à vous et aux vôtres que la duplicité

est familière et la bassesse consisterait à démentirici ce que je crois être bon et vrai. .. .

Mais déjà le prêtre avait jeté son plan de cam-pagne. La colère avait servi à amener l'explosionqui lui avait livré le secret de Jacques. La four-berie allait maintenant l'aider à vaincre ce troployal adversaire.

— Allons, allons, s'écria-t-il de son air le pluschagrin, je m'excite, je m'enflamme comme sij'avais vingt-cinq ans ! La vieillesse ne me mettradonc pas un peu de sagesse dans ma cervelle dé-crépite. Je crois que c'est moi qui ai là-dedans eneffet le plus de tort. Vous avez vos secrets, vousles gardez, moi, cela ne me regarde pas, et,pourvu que vous rendiez Louise heureuse, je nevois vraiment pas pourquoi je me fourre martelen tête.

Oubliez donc cette petite discussion, que vousme pardonnerez, mon cher enfant, en pensantque j'aime votre femme de tout mon cœur, etqu'il me serait bien pénible de lui voir perdre les

sentiments religieux que j'ai eu le bonheur de luiinspirer. Je vous fais donc mes excuses, et....

— N'achevez pas, je vous en prie, s'écria Jac-ques, touché du retour de ce vieillard, tout estoublié. Je ne prétends nullement soustraire mafemme à des idées, qui ne sont pas les miennes,c'est vrai, mais que je respecte et que je dois to-lérer, si je veux qu'on tolère celles qui me sontchères.

-- Touchez là, Jacques, et sans rancune.Et le vieux prêtre serra onctueusement la main

du jeune homme entre les siennes. — C'était lamoderne réédition du baiser de Judas, car quel-ques minutes après, il était vers Louise et com-mençait son siège en ces termes.

— Mon enfant, avez-vous du courage?— Ah ! mon Dieu, il y a un malheur !— Peut-être n'y a-t-il qu'une menace de

malheur.— Parlez, de grâce!— Louise, votre mari m'inquiète beaucoup.— Jacques! qu'a-t-il fait !— Jacques se conduit mal, il pense mal, et,

non content d'agir ainsi, il vous enserre peu à peudans ses idées et ses volontés. Avez-vous bien ré-fléchi à l'influence qu'il prenait sur vous? Nevous êtes-vous pas encore demandé où il vous con-duisait? — Mon enfant, dès à présent, votre salutest bien compromis, si vous ne prenez pas uneénergique résolution.

(à suivre)

LE FRANC-MAÇON

une surveillance effective, qu'aucun enfant n'y pût

être reçu ou retenu contre le gré de ses parents. Elle

faisait ressortir la tendance qu'ont les Chrétiens

chinois à se former en communautés qui r.e recon-

naissent plus aucune autorité, sinon celle de leur

chef religieux.Ce? plaintes étaient assurément légitimes. Quelle

est la nation civilisée qui laisserait des prêtres ma-

hométans ou boudhistes s'installer d*ns ses ports, y

créer des établissement inviolables, usurper l'écharpe

du maire ou la broderie du sous-préfet, ériger en

acte méritoire le détournement des mineurs, se cons-

tituer en adversaires systématiques de l'administra-

tion locale ?... mivre

j

ESPRIT DES MORTS ET DES WAHTS

L'exercice des droits naturels de chaque homme n'a debornes que celles qui assurent aux autres membres ue lasociété la jouissance de ces mêmes droits.

DÉCLARATION DES DROITS DE L HOMME.

L'ambition est entrée même dans le lieu saint; on y

cherche plus à s'élever qu'à se rendre ut?Sj%,e|£*reS "

J'aime fort sainte Geneviève; mais je voudrais qu'onbâtît une belle salle pour saint Racine, saint Corneille etsaint Molière. VOLTAIRE.

La vie religieuse remplace par un seul devoir et par uneseule passion les devoirs et les passions multiples du monde.

PRÉVOST- PARADOL.

Un autocrate qui fait le bonheur de ses sujets n'est qu'unheureux accident, ALEXANDRE I".

La dévotion vient à quelques-uns et surtout aux femmescomme une passion ou comme le faible d'un certain âge, oucomme une mode qu'il faut suivre. LA BRUYÈRE.

En violant la loi de sociabilité, en se séparant dumonde, le saint veut s'élever au ciel ; mais son coeur l'embar-rasse: pour se faire ange, ilsefait brute. A. MARTIN.

La science est la maîtresse du monde. Elle règne sansmême avoir besoin de commander. L'Eglise et la Loi doi-vent s'informer de ses arrêts et se réformer d'après elle.

MICHELET.

Les Dogmes et la Raison

J'ai promis, il y a quelques jours, aux lecteurs

du Franc-Maçon, d'étudier avec eux partie ou

totalité de cette succession d'absurde, d'irration-

nel et d'arbitraire que l'on a dénommé les dogmes

et à l'aide de laquelle on a fondé une religion, ou,

tout au moins, le lieu d'une religion.Je vais m'attaquer d'emblée au dogme fonda-

mental lui-même, à celui sur lequel on a construit

tout ce ridicule échaffaudage et duquel doivent

émaner tous les autres.

La nature humaine est ainsi faite que l'on en

arrive à se demander, après réflexion, si l'homme

pris isolément n'a pas un besoin senti de miracu-

leux, d'étrange ou d'incompris, ou bien si ce

besoin, ce qui est plus probable, n'est que le

résultat de son éducation, de son manque de dé-

veloppement intellectuel et de son entourage.

Je comprends l'idéal, je veux bien le chercher

en tout et partout ; je suis partisan d'une saine

modestie qui oblige l'ignorance à céder le pas à

la science, mais je ne puis admettre qu'en vertu

de cette juste recherche de l'idéal, on ait affublé

des plus singuliers attributs une personnalité illu-

soire, que l'on peut nommer en se servant d'une

appellation familière : Le dieu des bonnes gens.

En effet, je m'explique :

Dieu doit être le bien, le bon et le juste, ou il

devient forcément l'arbitraire ; il doit être omni-

potent, omniscient, vrai et immuable, ou il ne doit

pas être; il lui appartient de personnifier toutes

les perfections humaines, ou il n'est qu'une gro-

tesque divinité n'ayant pas plus sa raison d'être

que la statue informe devant laquelle se pros-

ternent les Indous et qu'ils ont baptisée Jag-

gernaut; l'être suprême est un tout honnête,

intelligent, auquel je puis penser, que mon imagi-

nation peut concevoir sans que ma raison l'ad-

mette, ou bien ce n'est plus qu'une idole bonne

tout au plus à mettre en extase les hypnotiques,

les hystériques et les dévots.

Etudions donc les trois principaux attributs de

ce grand inconnu et prenons-les un à un.

Parlons d'abord de son omnipotence..

A une époque où de nombreuses et étonnantes

découvertes affirment les progrès constants de la

science, au moment où l'intelligence humaine

frappe en plein cœur l'ignorance, cette fille bien

aimée de l'Eglise, qui, d'après les livres saints et

les dogmes eux-mêmes, donne plein droit d'entrée

dans le ciel, le grand-maître de la terre et des

cieux affirme son impuissance en laissant empié-

ter sur tous ses droits acquis et son pouvoir de

Dieu, qui lui permettait d'arrêter le soleil, ne lui

donne plus aujourd'hui le droit d'arrêter l'essorde la pensée humaine.

Cette même impuissance devient d'une évidence

absolue lorsqu'on constate que les mandements,

discours, sermons et diatribes haineux de ses

disciples, laissent sans remords tout un monde

d'honnêtes gens, qui reçoivent en indifférents les

foudres et anathèmes de l'Eglise.

Il fut un temps apocryphe, alors que le Créateur

n'avait pas à lutter avec les découvertes de la

science moderne, où il communiquait, paraît-il,

directement avec ces créatures, et où son omni-

potence devenait chose sûre; mais aujourd'hui

qu'il semble devenir un devoir pour lui de tout

conduire et de tout diriger pour la plus grande

gloire de son œuvre, il s'efface, il laisse faire, il

se tait et ne tonne pas plus du sommet du mont

Blanc qu'il ne tonnait autrefois du sommet du

Sinaï.

Tenant compte de ces quelques observations, il

nous est permis de conclure que le dieu des

bonnes gens n'est pas omnipotent et que, par

conséquent, il est plus que probable qu'il n'est

pas.

Voyons maintenant, en deux mots, le dieu om-

niscient et unissons l'omnipotence, l'omniscience

et la bonté, pour déclarer impossible et absurde

la réunion de ces trois attributs.

Dieu ne peut tout savoir, puisque nous sommes

certains qu'il ne peut tout faire , mais supposons,

pour un instant, l'existence des deux premiers

termes de cette singulière trinitê : — Dieu est

bon, infiniment bon, nous dit-on, et sa bonté

s'étend sur toute la nature ; il est le père de

l'humanité tout entière et sa paternité s'affirme,

assure le dogme, par la pleine et entière liberté

qu'il nous laisse de faire ou le bien ou le mal,

bien que pourtant sa toute-puissance et sa con-

naissance de tout et de tous, que nous avons ad-

mises tout à l'heure par hypothèse de supposition,

lui permette de diriger ses enfants pour le mieux

de ses intérêts et des leurs. Singulière anomalie

que cette théorie qui donne à un père le droit de

se désintéresser absolument de son enfant et de

lui laisser faire, à son choix, ou ce qui est juste

ou ce qui est injuste, ou ce qui est bien ou ce

qui est mal.

C'est là, n'est-il pas vrai, une liberté qui

touche de bien près à la licence, et certes, quand

nous parlons de la libre pensée, de l'homme libre

dans un Etat libre, on rit de nous et on veut

nous imposer un pouvoir arbitraire qui nous em-

pêchera, à ce que disent messieurs les dogmati-

sants, de faire ou des bévues ou des folies. Pour-

quoi l'affection et la sollicitude toute paternelle

qu'ils ont pour nous, s'exerçantà l'image de celles

de Dieu, ne nous autorisent-elles pas à nous gou-

verner nous-mêmes?

Le dogme reste muet, et évidemment c'est ce

qu'il a de mieux à faire.

Nous pourrions tirer de ce dernier raisonne-

ment le plus écrasant des syllogismes, mais nous

préférons terminer aujourd'hui en souhaitant ar-

demment que la nature humaine s'affranchisse de

ce besoin de miraculeux et d'incompris dont nous

parlions plus haut, et que les justes attributs de

la raison, s'opposant directement aux dogmes,

fassent bonne justice de tout ce qui ne saurait être

droit et vrai, et nous tenons à affirmer que tous

les écarts de la raison tiennent, quoi qu'on en

puisse dire, à l'éducation de l'homme, à son en-

tourage, à son ignorance et avant tout à la triste

influence de ceux qui ne craignent pas de dire,

en plein xix° siècle : Heureux les pauvres d'es-

prit, car ils hériteront du royaume des cieux !

Il SOS! 11(1111Avoir travaillé toute sa vie, avoir peiné trente ou

quarante ans durant, même avoir mis parfois beau-COUJ sur son moleste salaire pour satisfaire à cer-tain besoin d'un esprit large et bienfaisant, pour con-courir au progi es des idées humanitaires et philan-thropiques, et par suite de revers inattendus, d'acci-dents imprévus, de coups de fortune si; bits, se trouverréduits à l'hospice, au bureau de bienfaisance ou àl'habit bordé de bleu des vieillards de l'Hôtel-Dieu,c'est dur pour un vaillant et tenace ouvrier. Rêverpendant sa vie à la philanthropie universelle, à lafraternité, à la solidarité, au bien commun; passer àétudier, à s'instruire, les heures de jour et de nuit qu'onpeut dérober au travail et au sommeil, trimer en sommetoute une existence d'homme pour avoir le droitd'être fier de soi, de passer le front haut et respectéde tous et arriver à cette catastrophe finale, à cetécroulement lamentable d'être condamné à vivred'aumônes et de charité publique si souvent dédai-gneuse, s'il savait cela, l'ouvrier, le robuste travail-leur, confiant dans son honnêteté virile, combien defois n'aurait-il pas brisé de désespoir l'outil favori deson âpre et rude labeur.

Et pour celui qui est Maçon, qui dans les loges anéces^airemerlt oublié les inégalités sociales de la ri-chesse, qui avidement s'est cru — comme il l'était —l'égal de tous, quelle chute pénible et désastreuse.Et combien doit-il penser amèrement aux sommesdéjà considérables qu'année par année, sou par sou,

.il a follement ergkmties en droits d'entrée, cotisa-tions, troncs des pauvres, toutes charges ordinairesaux sociétés. H a travaillé et payé toute sa vie parïîmour de l'humanité et cette humanité, quand il en abesoin, elle lui tourne le dos et n'a à son servicequ'une pitié méprisante.

La Maçonnerie même, pour qui il a peut-être sacri-fié sa position, ses relations, ses affaires, lui vient-elle au moins en aide. J'en vois souvent venir dansmon cabinet, les larmes aux yeux, de ces vieux Ma-çons tout confus, honteux de venir demander du se-cours à un tout jeune homme et de lui révéler la dou-loureuse et intime histoire de leurs misères. Je laconnais bien, cette navrante histoire et pourrai laredire par cœur. Cette semaine encore, il et t venu metrouver un ancien orateur d'une loge de la région. Ilavait prononcé sous l'Empire, au nom de cette loge,un dis- cours sur la tombe d'un Maçon décédé, et leshommes du pouvoir ne lui avaient pas pardonnécette indépendance de la pensée, ce cri de réprobationpoussé au nom de l'indignation publique. Successi-vement poursuivi de ville en ville, congédié de sapremière maison, puis des suivantes, il était cepen-

dant parvenu, à force d'énergie, à se créer à Lyonune position.

Il avait dû vaillamment payer de sa personne pour

en arriver là, mais il ne boudait pas à la peine, taillepour ca; à 60 ans, il était encore droit et vert commeun jeune homme. Bref, il se croyait e,. droit d êtretranquille. Sa maison a fermé du jour au lendemain;rien ne faisait prévoir la catastrophe et il s'est trouvésur le pavé. Il s vécu huit jours .avec rien! Il se-rait mort plutôt que de rien demander à quiconque.Un ami l'a recueilli, puis l'a fait partir. Aujourd'huiil est à Bordeaux, Marseille, peut-être mort. En pas-sant dans la rue, j'ai vu sa chambre à louer. Il estparti sans que personne lui soit venu en aide, pouressayer, à son âge, de se refaite une position, de ga-gner son pain.

C'est triste, et ce; histoires-là devraient préoccuperavant tout les ateliers maçonniques. Aujourd'hui,quepeuvent ils faire, que font-ils? Rien ou presque rien.Ils votent par ci par là quelques pièces de vingtfrancs, de quoi prolonger l'agonie d'un malheureuxou l'envoyer se faire pendre ailleurs. Et que de-vraient-ils faire? Leur devoir!

Et leur devoir serait de veiller, pour leur honneurpropre et celui de la Maçonnerie tout entière, à cequ'une personne ayant fait partie d'une loge, ne soitplus exposée, à 60 ans de sa vie. à mourir de faim, aucoin d'une borne, ou à se suicider de désespoir. Il y alà uiifi solidarité pécuniaire et morale dont les ate-liers maçonniques, de l'avis d'un très grand nombrede vieux Maçons, ne se débarrassent que par une vé-ritable trahison, une vraie violation de l'engagementconclu entre l'atelier qui reçoit un nouveau membreet ce nouveau membre.

Pour Jemplir ses engagements, rester dans sonrôle, fidèle à sa mission, la Maçonnerie doit venir enaide à ceux de ses membres que leur vieillesse ouleur infirmité rend incapables de se suffire à eux-mêmes. Ce devoir, elle ne peut le remplir qu'aumoyen d'une Caisse de retraite. Qu'elle la crée ! _

A vrai dire, nous ne comprenons pas que cela n aitpas été fait plus tôt, car aucun milieu n'a été pluséminemment propre à la fondation d'une institutionde ce genre.

La Société maçonnique se compose, en général, degens possédant, par leur travail, une certaine ai-sance, et par leurs habitudes, une régularité, uneponctualité qui p»rmet de leur demander un effortsoutenu. Li moitié au moins de ses membres n'aurapas, suivant l'apparence, à utiliser la caisse de re-traite et pourra faire bénéficier de la pension refuséela masse commune. Cela doit entrer en ligne decompte, car ce versement effectué peimettra d arriverplus promptement au double résultat de l'augmentation des pensions et de leurs payements moins retardéque dans d'autres sociétés.

Enfin, avec les éléments dont disposent les Francs-Maçons, de nombreuses recettes extraordinaires peu-vent venir grossir le fonds social. Il peut être donnédes fêtes, des concerts, des conférences, des tombolasdont le produit serait réservé à la caisse de retraite,et si l'exemple était suivi, généralisé, je n'hésiteraispas à évaluer à près de dix mille francs par an cesrecettes extraordinaires. Il y a là certainement unélément de prospérité dont il faut tenir compte, etpuisque l'argent attire l'argent, je ne vois pas pour-quoi on ne commencerait pas à constituer l'actif dela Caisse par un des moyens indiqués plus haut. Ceserait une première dotation, et je suis sûr qu'elle se-rait fructueuse.

Mais comme il ne faut pas compter sur l'imprévu,mais sur un courant régulier de bénéfices pour uneCaisse de ce genre, il resterait à poser les bases gé-nérales du projet.

Je ne suis ni révolutionnaire, ni novateur et neviens pas proposer une réforme introduisant dans laMaçonnerie et dans l'Etat une réforme radicale. Jepropose donc tout simplement d'utiliser, au profitd'une idée qui n'est pas d'aujourd'hui, une institu-tion qui n'est pas non plus bien nouvelle et qui s'ap-pelle la Caisse nationale de retraite pour la vieil -lesse.

Actuellement à ses adhérents isolés, au moyend'une épargne de 10 centimes par jour, cette Caisseassure une rente viager* annuelle de 817 frans à60 ans et de près de 1.500 à 65.

Avec une épargné d'un sou par jour, cette mêmerente est. de 408 fr. 50 à 60 ans et près de 750 à 65.

Il est viai que, pour arriver à ce résultat, il fautcommencer à épargner à partir de l'âge de 18 ans ;mais nous n'emprunterions à cette Caisse, nous l'a-vons dit, que le secours de sa capitalisation, au tauxde 5 0/0. Le décret du 26 avril 1856 a donné aux So-ciétés de secours mutuels approuvées le droit de pro-fiter des avantages de la Caisse nationale des re-traites.

La Société fait les versements et désigne ceux dessociétaires qu', ayant au moins 50 ans d'âge et 10 ansde société sont admis à profiter des rentes, lesquellesne peuvent pas dépasser le décuple des cotisa-tions.

(A suivre).

La Loi m ta AssociationsNous avons souvent insisté sur la nécessité où se

se trouve le parti républicain de s'unir, de formerdes ligues, des associations libérales ou de profiter decelles qui existent et fonctionnent actuellement, enleur facilitant la tâche, eu leur prêtant un concoursefficace ; et, à ce propos, nous avons montré quelaide, quelles ressources la démocratie pouvait trouver dans l'organisation séculaire des loges maçonni-ques où l'on apprend à élucider, à résoudre les ques-tions du jour, à préparer cdles de l'avenir, au seinde discussions libres, conduites avec calme et loyauté,telles que l'on apprend à estimer même ses adversai-res.

Que ceux que nos arguments n'ont pas suffisam-ment convaincus réfléchissent à l'activité que déploieactuellement le parti clérical et qu'ils disent alors sile devoir des républicains est de rester indifférents etinactifs en face d'ennemis anssi résolus.

Le Congrès catholique vient, en effet, d'inaugurerà Lille sa session de 1885, sous le titre « d'Assembléedes catholiques du Nord et du Pas-de Calais » bienqu'il s'y trouve des « catholiques » de diverses par-ties de la France et même de la Belgique.

On a entendu dans la première reunion des confé-rences sur « les patronages », sur « l'art chrétien »,qui n'ont point différé de ce qui se dit généralementdans ce genre d'assemblées.

Un jeune orateur du parti clérical, M. le baron deWarenghien, a été plus intéressant. If a fait, dit laVraie France, l'historique des conférences organi-sées par les comités catholiques ruraux et parla li-gue Saint-Martin.

Parmi les conférenciers de la ligue il a cité M. An-tonin Lefèvre-Pontahs et M. Thellier de Poncheville,« qui tous deux représentent aujourd'hui si digne-ment à la Chambre le département du Nord ».

L'orateur a ajouté : <t Nous avons été récompenséspar un succès inattendu; mais la victoire du4 octobren'est pas le triomphe définitif, et le moment où tout

est menacé n'est pas celui du repos. Préparons-^!donc à une action plus énergique que jamais 'jMa«ant pour Dieu et pour la patrie ! »

On ne saurait déclarer plus franchement qus»i comités catholiques ruraux », les ligues de SaiïMartin ou d'autres saints, les assemblées de caafques, les œuvres des conférences catholiques !lpoursuivent un but essentiellement politique e't %toral.

La réaction est organisée partout et de )oai*date. Elle n'a pas attendu une loi qui le lui peJ|

La nouvelle Chambre tardera-t-elle longtemjlnous accorder cette loi formelle sans laquelle lejfpublicains ne s'organiseront pas ?

Parmi les questions dont nous parlons ci-cwlvient en première ligne la séparation des EgliJjde l'Etat.

Les journaux réactionnaires citent en l'accoujgnant de commentaires plus ou moins malicieux»!lettre « d'un des hommes les plus considérables dtfFranc-Mnçonnerie » où l'on démontre la nécessitjlpréparer les voies à cette réforme des plus urgent!

En voici un passage :

Pour accomplir sans des déchirements dangef3pour la République cette réforme indispensable eUJle principe est admis par tous les esprits vraiment libérât*il faut encore quelques années de préparation, et c'Jprécisément, mes FF . • . à cette préparation que la MtJsnerie est en situation et a pour devoir de donner /«Jjcours le plus persévérant et le plus énergique.

Avant tout, réformons et développons l'instruction..l'éducation des femmes, « tout le reste viendra par sJcroît. »

Un des journaux que nous désignons plus haut Teldans ces conseils les paroles d'un « opportuniste!Opportunisme, si vous voulez, mais opportunisjbien entendu, qui n'attend pas qu'une réforme okjgatoire s'impose, mais la réclams et la prépare. 1

« Ainsi, gémit notre confrère, on travaillera de plus Jplus aux frais des contribuables et sous la direction jla Maçonnerie à extirper de la France sa vieille foi ; Mparation de l'Eglise et de l'Etat seferaensuite toute seule!

Nous espérons bien que cette prophétie finira Jse réaliser, mais pour cela, il faut avant tout, qu'Jbonne loi sur les associations vienne permettre Msociétés républicaines d'études publiques de S'OMniser légalement.

LE CLERGÉ ET LES COLONIES

Voici ce qu'un de nos amis disait récemment

dans un discours remarquable prononcé à AngerJ

dans le sein de la Loge Travail et Perfection

au sujet de la question coloniale et du cardiml

Lavigerie.

Jusqu'ici, notre système colonial peut se résumasainsi : Tout par les missionnaires et pour lapromgalion de la foi.

Au lieu de laisser les missionnaires prêcher oijévangéliser librement, mais à leurs risques et périli'nous les entourons d'une protection toute spéciale, anous leur prêtons même, contre les gouvernement!étrangers, l'appui de la force armée. Aussitôt aprèskconquête, c'est le clergé qui entre en possession è!nos colonies et qui en tire parti et profit pour soi!influence.

Voyez ce qui se passe à Tunis.A peine l'occupation du pays a t-elle été un Ml

accompli, qu'une nuée de moines et de nonnes, di{tous poils et de toutes robes, sont venus s'abattre sm|notre nouvelle province comme sur une proie. Sans}parler des missions di/igées par les capucins de lachapelle Saint-Louis, édifiée au frais du gouve»ment fiançais, et dont les missionnaires d'Afriqtisont devenus les chapelains, des terrains concédéaux trappistes à Storceli, de la fameuse loterie....M. Lavigerie a établi, en une seule année, à Tuniiiune église cathédrale, un presbytère, un palais épis)copal, un vicariat apostolique, un grand séminairtiun asile catholique pour vieillards, une communatiilde sœurs, dites de bons secours, pour préparer h

1

bonnes morts à domicile.Il a acheté ou s'est fait concéder de vastes terraiffi

pour une cathédrale monumentale projetée, et poudeux églises nouvelles.

Maintenant que nos lecteurs ont pu jugera

la grandeur des conceptions de M. Lavigerie, 3

leur paraîtra peut-être intéressant de savoir qui

paie la réalisation de ces projets grandioses, notre

ami va se charger de le leur apprendre.

Vous allez vous demander sans doute, poursuit il,qui a fourni les fonds nécessaires pour faire face à cesénormes dépenses? C'est ici qu'apparaît, dans toutesa splendeur, le génie financier des gens d'EgliseLe personnage de Rabelais qui avait découvert jus-qu'à, trente-deux manières de soutirer l'argent despoches d'autrui, n'était qu'un pauvre clerc auprès dil'Eminence coloniale.

Pour subvenir à toutes ces dépenses, M. Lavigerifavait : le revenu annuel du vicariat de Tunis, qu'1

évalue à 8,000 francs; le produit des quêtes et unisomme de 50,000 francs qu'il se fit allouer au budge

1

de l'Etat, à titre de secours. — Eh bien ! avec cei«allocation de 50,000 francs, M. Lavigerie a fait mmiracle : il a trouvé le moyen de soutirer du budge':« à des titres divers », selon son ingénieuse expi'es

sion, la jolie somme ronde de 306,000 francs.L'année suivante, le Parlement supprime du ̂ '

ge-t l'allocation de 50,000 francs. M. Lavigerie n'en 8

cure; il fait un nouveau miracle, et, en dépit del»décision formelle de 1 1 Chambre et du Sénat, il touen'intégralement la sommede 50,000 francs...., à unH*tre titre (sur le chapitre des pensions et secoufià des ecclésiastiques).

Ajoutez à cela qu'aux colonies, les évêqueS;

grâce à un décret du 3 février 4851 encore #

vigueur, jouissent des mêmes prérogatives et bon

neurs que ceux de la métropole; de plus, à loi1

arrivée dans la colonie, ils sont salués par le ca-

non, sur terre et sur mer. Toute la garnison ra«

gée sur leur passage, présente les armes, Ie

tambours battent aux champs. Toutes les auto*

rites civiles doivent les attendre à la cathédrale

et les accompagner jusqu'à l'évéché. Ils prenne»

le premier rang dans les cérémonies publique

après le gouverneur; ils ont une sentinelle enper

manence à la porte de leur palais.On pourrait croire que, reconnaissants de ce

privilèges, de ces faveurs que rien, en somme, »'

justifie, les prélats coloniaux s'efforcent au mon1

d'en montrer leur gratitude au gouvernement pa

LE FRANC-MAÇON

un sincère attachement et un zèle à l'abri du doute.

Pas du tout ! . .Leur premier mouvement est de lui faire sur

le champ pièce en toutes choses, et le second

vient toujours, hélas! à point pour confirmer le

premier. .;C'est ainsi que l'Echo de Fourviere publie

avec orgueil la correspondance suivante, qu'on

lui adresse de Tunis.

TUNISIE — On écrit de Tunis :Le fléau du choléra, qui depuis quelques sematnes ravage

notre grande ville de Tunis a fait briller la charité et lascience médicale des anciens élèves de l'Université catho-lique de Lille. Son Eminence le cardinal, dès 1 apparition ducholéra, a pris tous les moyens en son pouvoir pour arrêterle fléau et pour soulager les victimes. Elle a appelé à Tu-nis tous les médecins arabes formés à la Faculté catholi-que de Lille, et les a mis à la disposition de la municipa-lité de Tunis, On leur a confié les quartiers les pluséprouvés. Il est beau de voir ces jeunes médecins prodi-guer leurs soins aux malades avec une gaîté toute fran-çaise. Ils sont infatigables, et l'un deux, Michel Hamed, afailli être victime de son dévouement.

Une caravane vient d'arriver de la Mecqae. On l'a miseen quarantaine dans une petite île près de la côte. FélixKaddour en est le médecin. Par ses soins dévoués, il prouveà ces pauvres pèlerins du prophète que la véritable chanténe se trouve que dans la religion catholique. La municipa-lité est enchantée de ses nouveaux médecins.

La mortalité est effrayante parmi les enfants au berceau.Un des jeunes médecins arabes disait dernièrement :

«< Je sauve tous mes petits malades. Si je ne puis conser-ver la vie du corps à ces nouveaux-nés. je leur donne unremède infaillible pour la vie de l'âme : l'eau batismale. »Nous avons, dans ces médecins arabes chrétiens, un élé-ment précieux pour la France en Tunisie.

La dernière phrase est topique. Elle serait d'un

comique irrésistible, si elle n'était aussi profon-

dément triste. Le choléra sévit dans une de nos

colonies ; à la disposition du ministre sont des

légions de jeunes médecins, sortis de nos Facul-

tés, offrant des garanties sérieuses de science,

pleins d'ardeur et de dévouement ; on va sans

doute leur adresser un pressant appel, utiliser

leur zèle, leur talent? Point.M. Lavigerie en a disposé autrement. Il s'agit

de mettre en relief les mérites étonnants des élè-

ves des Universités catholiques ; Michel Hamed

et Félix Kaddour sont là pour prouver que la

véritable charité ne se trouve que dans la re-

ligion catholique. Un monopole !Leur science, d'ailleurs, ne le cède en rien à

leur charité, ayons bonne grâce à le reconnaître.

La mortalité peut être effrayante chez les enfants 1

Félix et Hamed les sauvent tous : s'ils ne peuvent

leur conserver la vie du corps, ils leur donnent un

remède infaillible : l'Eau baptismale !Et ce n'est pas plus difficile que cela ! C'est

simple, primitif et peu coûteux. Nos compliments

à l'Université catholique de Lille.

Reste à savoir l'opinion des malades.

us sicip muLéo Taxil, le Léo Taxil d'avant le coup de fou-

dre du chemin de Damas, Léo Taxil, le tombeur

de papes, le grand révélateur des secrets du Va-

tican, trouve de temps en temps des collabora-

teurs inconscients jusque sur les degrés du trône

et de l'autel. C'est ainsi qu'aujourd'hui, Ignotus,

— « dans un de ces articles à hautes visées qui

tiennent le milieu entre le lyrisme et le jano-

tisme », et que relève habilement le Siècle.

Ignotus, fervent admirateur de Léon XIII,

abaisse Pie IX et le ridiculise pour mieux faire

ressortir la valeur et l'intelligence de son pape

d'adoption, du véritable pape moderne.

Pie IX, nous dit-il, était un magnifique mystique, ne

sachant rien d'ici-bas. Il rappelait Michel-Ange qui, habi

tué sur ses échafaudages de la-Sixtine à regarder en haut

ne pouvait voir assez pour se conduire seul quand il endescendait.

Donc, Pie IX était un mystique, Ignotus le dit ;

pour un peu, n'était le respect qu'il a encore pour

les choses et les personnes saintes, il le traiteraitde maladroit.

Mystique, passe encore, c'est permis à un pape ;

mais le malheureux Pie IX, le soutien infaillible

de la chrétienté, était décidément bien abandonné

du ciel : Pie IX portait malheur. Ce pape, des-

tiné, disait-on, aux honneurs de la canonisation,

n'était qu'un simple sorcier, un jeteur de sorts,

un jeltalore. Ecoutez plutôt :

On a remarqué que les rares femmes, des reines qu'il a

affectionnées d'un amour paternel, ont été malheureuses

à pleurer ou folles à crier. Certaine famille princière de

Rome, qui avait le droit traditionnel de prandre le pape

comme parrain d'une de ses filles, ne voulut pas reven-

diquer cet honneur sous le pontificat de Pie IX.

Aussi, ajoute spirituellement notre confrère le

Siècle, quand il distribuait sa bénéniction dans les

rues, les bonnes femmes du Transtévère lui fai-

saient les cornes.

Mais avec Léon XIII, tout change : Léon XIII

étant moderne, sait tout et voit tout. Il ne ressem-

ble pas à Michel-Ange, habitué à regarder en

haut; mais «.dans ses encycliques, il a des ailes.»

Au rebours de Pie IX, il porte bonheur. Il est

la Mascotte de la chrétienté. Aussi, a-t-il des

filleuls à ne savoir où les mettre.

Ignotus en a fait le compte :

C'est aujourd'hui le pape qui a le plus de filleuls entre

tous les papes de l'histoire.

Et cependant, malgré toutes ces bonnes qualités,

hélas ! Léon XIII est un des pontifes les plus atta-

qués. Le monde est si méchant ! Les pamphlets

foisonnent contre lui.

Pour un porte-bonheur, avouez que c'est avoir

peu de chance.

Mais ces pamphlets d'où viennent-ils? Des

Francs-Maçons qu'il a traités d'assassins et qu'il

damne à plaisir? Des libres-penseurs? Non. Igno-

tus en découvre les auteurs jusque dans le palais

du Vatican, et il s'écrie en gémissant :

« Personne n'ignore que les milieux de continence dé-

bordent parfois de passions multiples. »

Des pamphlets passe encore, mais Ignotus en

veine de confidences ne se modère plus ; c'est aux

côtés du pape que surgissent les pamphlets, c'est

aux côtés du pape que se prépare le poison.

La preuve, c'est que le comte Conestabile Pé-

rugin, favori de Léon XIII, étant mort tout à coup,

Léon XIII aurait dit : « Ils me l'ont empoisonné ! »

Ne soyez pas surpris, Ignotus reste calme :

« Les bruits d'empoisonnement sont d'ailleurs fréquents

dans les couloirs du Vatican. J'ai entendu raconter par le

général de Castella, ancien colonel des carabiniers suisses,

que le pape Grégoire XVI avait été empoisonné. Pendant

la nuit qui suivit sa mort, son cadavre avait tout à coup

bondi sur le plancher. Tout le monde s'était enfui, même

les deux gardes nobles qui veillaient le corps ! Et le géné-

ral de Castella ajoutait que ce soubresaut avait été regardé

comme la conséquence du poison. »

Quelques-uns seraient peut être tentés de voir

plutôt dans ces morts foudroyantes la main d'a-

gents du Quirinal. Qu'ils soient détrompés : « le

Quirinal n'a aucun intérêt à la mort du pape, au

contraire il désire vivement séduire Léon XIII ».

Ce ne serait pas en prendre le chemin que de l'em-

poisonner.

Il reste à savoir ce que vont dire les Zelanti

de cette accusation terrible qu'Ignotus fait peser

sur les « milieux de continence ».En terminant cependant ses indiscrétions, con-

clut le Siècle :

Ignotus est pris d'un scrupule qui lui fait hon-

neur : il craint d'avoir déchiré le voile du temple.

Non, Ignotus, vous n'avez pas déchiré le voile,

c'était fait depuis longtemps ; mais il est certain

que vous ne l'avez pas raccommodé. »

Laïcité

Nous avions, il y a quelque temps, reçu d'un de

nos lecteurs de Saint-Etienne une série de questions

dont nous n'avions pas nettement aperçu l'utilité au

point de vue de nos lecteurs et qui semblaient n'offrir

qu'un intérêt, local.

Notre honorable correspondant a bien voulu com-

pléter sa lettre par quelques explications nécessaires;

si elles sont exactes, et nous n'avons aucune raison

d'en douter, il y a là une véjitable mystification po-

litico religieuse de l'autorité universitaire sur la-

quelle il convient d'attirer l'attention de qui de

droit.

Donc il existe à Saint-Etienne, sur le cours Ber-

riat, parait -il, une école maternelle, communale et

laïque. Laïque, de nom; mais c'est ici surtout qu'il

ne faut pas se fier aux apparences. A peine entré, on

se trouve en présencâ d'un Christ crucifié, aux pieds

duquel les enfants viennent prononcer les prières

usuelles : chant de cantiques, morales religieuses,

rien n'y manque.

Certes, nous ne pensons pas que toutes ces choses

ne soient très respectables, et nous ne voulons pas

entamer de polémique à ce sujet. Mais, d'un autre

côté, les opinions des parents sont aussi respectables

et s'ils veulent faire donner à leurs enfants une ins-

truction laïque, c'est leur droit absolu. Nul n'a à in-

tervenir ni à contredire. S'ils envoient leurs enfants

à l'é;ole laïque, apparemment c'est qu'ils ne veulent

pas les envoyer à l'école religieuse, et l'on n'a pas le

droit de les tromper par des subterfuges plus ou

moins dévots. Commercialement il y a erreur, trom-

perie sur la marchandise; il y a dol véritable, et l'au-

teur de ce dol devrait être civilement responsable.

Nos adversaires n'admettraient pas que, dans une

école prétendue religieuse, la sœur où le frère vins-

sent exposer aux enfants qui leur sont confiés des

théories athées, anti-chrétiennes, anti-catholiques.

Il n'est pas plus juste, dans une école prétendue laï-

que, de donner aux enfants cet enseignement reli-

gieux que les parents ont précisément voulu éviter.

Mais l'on peut se demander comment l'Académie

supporte un pareil état de choses.

C'est ici le joli de l'aventure. Nous répétons que

tous ces détails nous les tenons d'un père de famille

qui a précisément sa fille dans la susdite école et que

nous avons, par conséquent, tout lieu de les croireexacts.

Eh bien I quand les inspecteurs d'Académie vont

visiter l'école

Le signal est donné sans tumulte et sans bruit,

comme dit Corneille. Mais, moins courageux que le

Cid, le Christ abandonne précipitamment sa situation

élevée et va chercher au fond d'une armoire un re-

fuge propice en attendant des jours meilleurs; les

livres religieux vont rejoindre le souverain momen-

tanément exilé dans son Coblentz obscur; et quand

l'inspecteur fait son entrée, il aperçoit la classe gra-

vement plongée dans une dictée ou dans un exercice

de lecture d'ordre purement laïque.

Nous ne voyons pas, à vrai dire, ce que la morale

chrétienne retire de cette équipée bouffonne et ce que

les enfants ont à gagner à cette leçon d'hypocrisie.

Certes, les chrétiens d'aujourd'hui sont de malheu-

reux martyrs, mais ceux d'autrefois ne jetaient pas

le Christ aux orties avec une pareille désinvolture.

11 nous semble, en outre, que des gens habitués à ré-

clamer sur les affiches électorales, la liberté de cons-

cience et la grande « liberté des pères de famille »

devraient avoir plus de pudeur à l'escamoter à leur

profit.

Histoire philosophique le la Franc-MaçonneriePar KAUFMANN et CHERPIN

(Suite des Extraits. — Voir notre numéro 13)

Les sociétés secrètes, constituées sur les bases que

nous venons d'indiquer, ayant pour but éternel, inva-

riable d'éclairer et d'affranchir, auront trop d'intérêts

à détruire, trop de choses à saper pour n'être pas

violemment attaquées par les hommes qui fondent

leur puissance sur l'ignorance et l'esclavage. Les ini-

tiés sejréunissent mystérieusement — et c'est là une

des conditions de leurs succès, de leur existence. On

les accusera de se livrer à la débauche la plus effrénée,

de ne pas reculer devant le meurtre ; la calomnie qui

déconsidère n'ira pas assez vite au gré de leurs enne -

mis, elle tombera devant la divulgation de leur vie,

de leurs mœurs, de leurs principes ; dans l'impuis-

sance de les flétrir, on les poursuivra par le glaive ;

les cachets, l'exil, le bourreau viendront couronner

l'œuvre de persécution.

Mais, inanité de la tyrannie ! de longs siècles pas-

seront sur cette Franc-Maçonnerie, et ses ennemisne

pourront pas l'abattre. Le temps, qui dévore les em-

pires où elle a pris naissance, passt ra devant elle et

ne l'emportera pas ; le temps détruira ses temples et,

tombés en poussière, les ouvriers iront rejoindre leurs

frères dans la nuit de la tombe ; d'autres temples

s'élèveront; les enfants succéderont aux pères, et lapensée, toujours immuable, étoile toujours brillante

régnera majestueuse sur la matière.

Les formes de la Franc-Maçonnerie se modifieront

à travers les âges, à travers les sociétés, selon les lois

et les mœurs des peuples; elle organisera son œuvre

selon les constitutions civiles et politiques des gou-

vernements ; elle aura des cérémonies différentes sur

divers points du globe, variant suivant le génie des

hommes, appropriée aux besoins toujourschangeatits

de la population ; son acte important, l'initiation,

Petits Dialogues plilosoplipes

TREIZIÈME DIALOGUE

M. Lescopette, député, et M. de la Canardière, sé-nateur, tous deux de l'Union conservatrice, se sontinstallés, en revenant du Congrès de Versailles, dansun excellent vagon de première classe, et causent desincidents qui viennent de se produire.

M. DELÀ CANARDIÈRE. — Eh bien, mon cher

monsieur Lescopette, voilà cependant une affaire

faite.

M. LESCOPETTE. — Hélas ! mon cher séna-

teur !

M. DE LA CANARDIÈRE. — C'est bien découra-

geant, n'est-ce pas?

M. LESCOPETTE. — C'est-à-dire que c'est en-

rageant, véritablement enrageant ! N'avoir rien

pu faire !

M. DE LA CANARDIÈRE, faisant l'écho. — Rien !

M. LESCOPETTE. — Si encore nous avions eu

avec nous la nouvelle députation de la Lozère, de

l' Ardèche. ..M. DE LA CANARDIÈRE. — Et des Landes.

M. LESCOPETTE. — Et de la Corse ! de la Corse !

Monsieur ! En voilà des hommes comme il nous en

faudrait beaucoup !M. DE LA CANARDIÈRE (mélancoliquement). —

C'est vrai!...

M. LESCOPETTE. — Hélas ! ils deviennent de

plus en plus rares ! Energiques, solides au poste,

friands de la lame, et ne reculant pas, au besoin,

devant une petite altercation avec un collègue de

la gauche.

AI. DE LA CANARDIÈRE (un peu plus froid). —

Oui, votre parti en compte beaucoup commecela !

M. LESCOPETTE. — Certainement. Le parti des

braves! Vive l'Empire !

M. DE LA CANARDIÈRE. — Oui... oui... l'Empire

avait du bon... mais...

M. LESCOPETTE (s'échauffant déplus en plus). —

Il aurait fallu voir alors ! Nous aurions protesté,

fait du bruit, du boucan!

M. DE LA CANARDIÈRE. — Oh! mon cher

député !

M. LESCOPETTE. — Eh oui ! c'est admis, c'est le

mot ! M. de Cassagnac l'a employé !

M. DE LA CANARDIÈRE (s'inclinant gracieusement) .

— Oh ! alors !

M. LESCOPETTE. — Nous aurions fait, en un

mot une manifestation imposante, tandis que, ré-

duits à nos seules forces... et aux vôtres, mon

cher sénateur...

M. DE LA CANARDIÈRE (modestement). — Nous

avons fait ce que nous avons pu.

M. LESCOPETTE. — Oui... je sais bien.

M. DE LA CANARDIÈRE. — M. de Kerdrel...

M. LESCOPETTE. — Certainement; il a du

bon. Il a voulu monter de force à la tribune,

n'est-ce pas?

M. DE LA CANARDIÈRE. — Il y est presque

arrivé.

M, LESCOPETTE. — Oui... je me souviens, il

s'est colleté pour cela avec l'huissier. 11 ira bien,

il ira bien! C'est égal, des orléanistes, dans ces

circonstances-là, ça n'a pas l'énergie nécessaire;

un bonapartiste, lui ! y serait monté.

M. DE LA CANARDIÈRE. — Vous croyez?

M. LESCOPETTE (avec force). — J'en réponds!

M. DE LA CANARDIÈRE. — Ah ! c'est certain,

Si vous étiez aussi nombreux que vous êtes...

M. LESCOPETTE. — Choisis.

M. DE LA CANARDIÈRE (s'efforçant de réprimer

une forte envie de rire). — J'allais le dire ; la

République, dis-je, aurait bien vite disparu.

M. LESCOPETTE. — Nous n'en ferions qu'une

bouchée (douloureusement) . Ah ! si seulement

nous avions un sabre !

M. DE LA CANARDIÈRE (avec un soupir). — Si

nous tenions les urnes !

M. LESCOPETTE. — Nous qui sommes l'au-

dace!M. DE LA CANARDIÈRE. — Nous qui sommes

le droit !

M. LESCOPETTE. — Vous ! qu'entendez-vouspar là?

M. DE LA CANARDIÈRE. — Mais parbleu ! il

me semble que le roi...

M. LESCOPETTE. — Et quel roi? s'il vous plaît,monsieur ?

M. DE LA CANARDIÈRE. — Mais le roi légi-

time, le comte de Paris.

M. LESCOPETTE. — Oh! le plaisant sire ! Un

roi de carton ! Un roi soliveau ! Ah ! ah ! ah ! (il

se tord dans les convulsions d'un rire irrespec-tueux).

M. DE LA CANARDIÈRE (avec dignité). — Mon-sieur !

M. LESCOPETTE. — Et vous vous imaginez que

nous allions vous tirer les marons du feu ! Naïve-ment ! simplement !

M. DE LA CANARDIÈRE. — Mais, monsieur...

M. LESCOPETPE. — Vous nous preniez pour

des naïfs, nous! nous!... Non, c'est trop drôle...c'est trop fort !

M. DE LA CANARDIÈRE (conciliant). — De

grâce, monsieur, mon cher député, vous vous

méprenez, loin de moi cette pensée ! Et d'abord,

ce débat est... prématuré. L'union, la foi jurée ne

nous permettent pas de discuter ces questions qui

doivent être réservées pour plus tard. Qu'est-ce

quenous sommes, nous? De simples conservateurs,par autre chose.

M. LESCOPETTE. — C'est vrai... vous avez rai-son, j'ai été trop vif.

M. DE LA CANARDIÈRE. — Eh oui! Tous con-servateurs, n'est-ce pas ?

M. LESCOPETTE. — Et rien que conservateurs!

M. DE LA CANARDIÈRE. — Comme on peut

s'entendre pourtant! Comme c'est facile, comme

c'est simple ! Eu nous éloignant de la formule

convenue, nous étions prêts de nous disputer.

M. LESCOPETTE. — Oh ! mon cher sénateur.

M. DE LA CANARDIÈRE. — Oui, je sais bien

qu'avec les gens d'une urbanité exquise, comme

la vôtre, les discussions ont toutes les chances

pour ne pas dégénérer en dispute. Mais enfin, il

vaut mieux encore éviter tout sujet de dissenti-

ment, et c'est ce que la vertu magique de ce mot

« conservateurs » a seule le pouvoir défaire...Nous l'avons prononcé...

M. LESCOPETTE. — Et nous sommes unis!

M. DE LA CANARDIÈRE (lui serrant la main). —Ce cher ami !

M. LESCOPETTE (lui rendant son étreinte). —Cet excellent ami !

M. DE LA CANARDIÈRE. — Voyez cependant

ce que nous pourrions faire avec cette union, cet

accord, si seulement nous avions la majorité, ànous tous !

M. LESCOPETTE. — C'est vrai !

M. DE LA CANARDIÈRE. — L'élection du prési-

dent nous appartenait, de suite nous nommionsl'homme de notre choix.

M. LESCOPETTE (rêveur). — Celui que nosvœux appellent.

M. DE LA CANARDIÈRE. — On pouvait même

éviter de faire porter ce choix sur des noms sus-

ceptibles de nous diviser... Au lieu de choisirPhilippe...

M. LESCOPETTE. — Parfaitement.

M. DELÀ CANARDIÈRE. —On pouvait l'écarter,

M. LESCOPETTE. — Très bien !

M. DE LA CANARDIÈRE. — On aurait pu choisir

pour ces hautes fonctions, simplement un desprinces.

M. LESCOPETTE. — J'allais le dire.

M. DELÀ CANARDIÈRE. — Des princes royaux.

M. LESCOPETTE. — Impériaux !

M. DE LA CANARDIÈRE. — Ah ! non, par exem-ple.

M. LESCOPETTE. — Comment !

M. DE LA CANARDIÈRE. — Un fils de Jérôme,un couard !

M. LESCOPETTE. — Un fils de Louis-Philippe,un poltron, un ladre , un fesse-mathieu !

Pendant que les deux adversaires s'attrapent auxcheveux, le train entre en gare en sifflant. Un voya-geur qui assistait à la scène, enfoncé dans un coins'échappe en se tordant de rire pour télégraphier cedialogue au Franc-Maçon.

LE FRANC-MAÇONIIW,III«I— | | | T

deviendra moins difficile, moins rigoureux dans les

temps de calme que dans les jours de persécution oùelle aura à se défendre contre de secrètes manœuvres J

son temple s'ouvrira plus largement aux époques de

liberté ; mais sou but sera éternel, son drapeau tou

jours le même, sa doctrine invariable,la Franc-Maçon-

nerie sera immortelle.

Il n'y a dans ces paroles ni orgueil du passé, ni

ambition pour l'avenir. L'orgueil ! a qui siérait-il

ici, quand nos plus grands ouvriers nous sont in-

connus, quand les noms de nos fondateurs sont un

mystère ? Dans nos temples point de table de mar-

bre ou d'airain pour retenir des noms fugitifs; à

chacun son œuvre et l'égalité à tous. L'ambition ! et

pour qui, lorsque nous travaillons chaque jour à

rendre notre ordre inutile en réalisant les conquêtes

qu'il a posées comme son but ? L'ambition ! mais

nous voudrions pouvoir assigner nous-mêmes un

terme à l'existence de la Franc-Maçonnerie. Nous

voudrions voir détruits les abus qu'elle a attaqués,

les tyrannies qu'elle a combattues, les erreurs dont

elle a empêché la propagation, abus, tyrannies,

erreurs qui régnent encore sur une partie du

monde.Nous voudrions pouvoir adopter avec confiance,

avec sécurité, les idées de ceux qui nous crient,

trop nombreux aujourd'hui, ces funestes paroles :

La Franc-Maçonnerie a vu ses maximes passer dans

les lois, dans les institutions, dans les mœurs ; elle

est désormais inutile ; son but est atteint, son exis-

tence est finie ; qu'avez-vous encore à combattre

quand vous avez désarmé vos ennemis? Il n'y a plus

de tyrannie politique ou religieuse ; la liberté con-

quise par de sanglantes luttes a été proclamée sur la

France, et la raison publique fait justice des hom-

mes qui veulent imposer la crédulité et leurs taxes

sur l'ignorance !Défiez-vous» de tels sophismes, de ces grands mots

tous pleins de vent et de mensonge. Quand une

armée a fait la conquête de la moitié d'un pays

qu'elle veut occuper tout entier, désarme-t-elle en

disant à l'autre moitié de se ranger sous la loi qu'elle

apporte ? Quand il a fallu des soldats pour conqué-

rir, n'en faut-il pas pour conserver et achever la

conquête ?

Immunités accordées au clergé

Nous extrayons de l'encyclopédie, sous la si-

gnature de l'Abbé Mollet, les passages suivants,

ayant trait aux privilèges accordés aux prêtres, à

l'époque où écrivait l'auteur, c'est-à-dire au mi-

lieu du siècle passé.

Les immunités ou exemptions dont jouit le clergé,sont de temps immémorial ; nos rois les ont confir-mées par leurs ordonnances. Les évêques et les con-ciles ont marqué, daus tous les temps, la plus grandefermeté pour les maintenir et les conserver.

L'immunité ecclésiastique est de deux sortes :la personnelle, qui concerne la personne des clercs,et la réelle, qui concerne les biens ou les revenus del'Eglise. La première tend à conserver aux ecclésias-tiques le repos nécessaire pour vaquer à leurs fonc-tions; la seconde regarde plus la conservation deleurs biens.

Les exemptions personnelles sont premièrementcelles de la juridiction ; régulièrement, un ecclésias-tique ne peut être poursuivi devant les tribunaux sé-culiers, ou du moins, dans certains cas, il faut quele juge ecclésiastique instruise leur procès conjoin-lement avec le juge laïque. Les ecclésiastiques sontexempts des charges municipales, de tute'le et cura-telle, s'ils ne l'acceptent volontairement. Dès le tempsde St-Cyprien la règle était ancienne que, si quelqu'unnommait un clerc pour tuteur, dans son testament,on n'offrirait point pour lui le saint-sacrifice aprèssa mort.

Les ecclésiastiques sont aussi exempts de la con-trainte par corps pour dettes civiles. Ils sont dispen-sés du service de la guerre qui se devait autrefoispour cause de fief, et n'a plus lieu qu'à la convo •a-tion de l'arrière ban. Ils ne sont pas même obligés àfournir d'autres personnes pour faire le service, nide payer aucune taxe à cet effet. Ils sont exempts deguet et de garde, et de logement de gens de guerre ;on ne peut leur imposer aucune taxe pour raison delogement, ustensiles ou fournitures, quelle qu'ellesoit. Les ecclésiastiques ne doivent point être aussicompris dans aucune imposition pour la subsistancedes troupes ou pour les fortifications des villes, nigénéralement pour aucuns octrois, subventions ouautres emprunts de communautés. En pays de taillespersonnelles, ils en sont exempts, soit pour leur patrimoine, soit pour leurs dîmes; mais ils tout com-pris dans les tailles négociables, c'est-à-dire imposéespour les dîmes qu'ils font valoir, qui ne sont pasattachées à leur bénéfice. En pays de tailles réelles,les biens appartenant à l'Eglise sont francs commeles biens nobles. Ils sont aussi exempts des droitsd'aides pour les vins de leur crû, soit bénéfice oupatrimoine, du moins ils ne payent que des droitsfort médiocres. Tels sont les principaux privilègesdont jouit leclergé, en considération des contributionsparticulières qu'il paye au prince, sons le titre dedécimes, de subventions, de dons gratuits, etc.

L'immunité réelle qui concerne les biens donnésaux églises, ou par la munificence des rois ou par lapiété des fidèles, est fondée sur ce principe qu'ils sontspécialement voués et consacrés à Dieu pour le sou-lagement des pauvres, pour l'entretien et la décora-tion des temples et des autels, et pour la subsistancedes ministres du Seigneur. On a depuis peu agité vi-vement cette question, sur laquelle nous pourrionsentrer dans d»s détails intéressauts; mais nous nouscontenteronsd'observerque cesbiens ne sont ni siexcessif-, ni si exemptes de chargespubliques que l'ontprétendu les adversaires du clergé. Outre les droitsd'amortissement qu'il lui en acoûtè pour les retirer ducommerce, ignore ton que 1 s impositions ordinaires,connues sous le nom des décimes, et les impositionsextraordinaires ou dons gratuits, sont très fortes ;qu'elles vont communément au dixième, souvent auseptième, quelquefois même au cinquième du revenudes bénéfices? C'est ce qu'il serait aisé de démontrer,

si c'enétait ici ie lieu. Qu'il nous suffise de remarquerque la religion ne pouvant se soutenir sans minis-tres, tl faut qu'il y ait, dans l'état, des fo<-ds assu-rés pour leur subsiiseane; et. d'ajouter, avec M. l'abbéFleury, « que, puisque le public les entretient et lesrécompense de leur travail, it est juste au moins deleur conserver ce revenu, et ne pas reprendre d'unemain ce qu'on donne de l'autre. »

Les droits honorifiques du clergé sont les honneurset prérogatives attachées aux seigneuries, terres, fiefs,etc., que possèdent certains bénéficiers, chapitres oucommunautés, tels que les droits de haute, basse etmoyenne justice, de chasse, de pêche, etc. Ses droitsutiles consistent ou en revenus fixes et assurés, atta-chés à chaque bénéfice, chapitre ou communauté re-ligieuse, et en rétributions ou offrandes casuelles.

Cette page d'histoire n'est-elle pas instructive?

Comment ne pas comprendre que certains hom-

mes fanatiques, égoïstes et vaniteux, une qua-

lité n'excluant pas l'autre, rêvent un retour au

passé! Au moins, selon leurs désirs secrets, on

ne verrait plus comme on le voit souvent de nos

jours, des ecclésiastiques de tous rangs et de tous

ordres défiler sur les bancs de la cour d'assises

pour attentats à la morale publique; on reverrait

fleurir les communautés, les religieux de toutes

couleurs vivent dans l'opulence du bénéfice des

dîmes et aumônes, on reviendrait en un mot à

ce bon vieux temps que l'esprit satanique navait

pas encore dévoyé ; on ne dirait pas, comme on

ose le faire aujourd'hi, que tous les hommes étant

égaux par la naissance — la nature ne nous

ayant pas encore donné un être humain venant

au monde tonsuré — que tous les hommes voulant

jouir des prérogatives que donne le titre de ci-

toyen, tous les hommes doivent en remplir les

devoirs ; il suffirait d'être vêtu de six aunes de

drap pour être exempt de guet de garde et au-

tres désagréments du service militaire !

N'est-ce pas là la grande question du jour ?

Ce qui est surtout intéressant, dans les pas-

sages que nous avons cités, c'est que, malgré

une époque où l'on pouvait considérer comme

bien légitimes des choses que nous taxons d'ini-

ques aujourd'hui, M. l'abbé Mallet, éprouve le

besoin de justifier ces immunités accordées au

clergé, en disant en substance que : puisque le

clergé donne des prières, il faut bien en retour

que la société lui assure le confortable. Elles ar-

guments qu'il donne sont assez curieux : La reli-

gion ne pouvant se soutenir sans ministres ....

conséquence, la religion est une métaphysique !

Les métaphysiciens ne pouvant vivre sans nour-

riture, la société doit leur fournir la subsistance.

Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense,

Notre crédulité fait toute leur science.

Lyon. — GRAND-THÉATRE. — /férorf^J

lutte victorieusement contre le chômage théâtral I

de la semaine*du Jour de l'An. On sait combien !

à ce moment de l'année, le public lyonnais varjeJ

au spectacle. Cependant les dernières représerj. |

tations de l'opéra de Massenet ont eu lieu devawj

des chambrées compactes. Cela n'empêche pas ]adirection de songer aux lendemains de cet opéra

et demain on reprend Lakmè, avec la charmante!Mlle Jacob et l'excellent ténor Dupuis. En mêmetemps les répétitions de Sigurd ont commence !

Il sera très intéressant, en effet, de comparer

l'œuvre si convaincue et si élevée de Reyer avec

l'opéra si habilement traité de Massenet.

C'est M" 0 Hamann qui jouera la Walkyrie et

elle n'aura pas de peine à y faire oublier M""Millie,

CASINO. — Le concert du célèbre violoniste

Wolff et de M'a0 Mauvernay avait attiré, diman- ;

che, au Casino, une fort belle affluence. Le succès

des deux virtuoses a été un accès d'enthousiasmeet il a été partagé par l'excellent, pianiste Angelo

dal Vesco et le baryton Dethurens, un artiste de

talent, dont la voix et le physique rappellent un

peu ceux de Lassalle. Inutile de rappeler le talent

de Wolff, c'est un des premiers violons du monde

à côté de Wienawski et de Sarasate. Inutile de

redire le charme et la puissance de M me Mau-

vernay, c'est une cantatrice accomplie, et, notre

seul regret est de ne pouvoir l'applaudir plus

souvent.

PETITE CORRESPONDANCETh. Cress..., à Dijon. — Pour les livres donc vous

parlez, vous pouvez demander son catalogue à lalibrairie Tessier, 37, rueJ.-J. Rousseau, Paris.

Un de nos lecteurs, J. L., à Lyon. — Vous pouvezvous adresser à la loge Sincère Amitié, 45, rus Garibaldi,Lyon.

D. R., à Poix Terron. — Il a été publié de nombreu-ses éditions du bon sens du curé Meslier, vous les trou-verez chez tous les libraires.

BIBLIOGRAPHIELa sixième livraison de la « grande Encyclopédie »

(prix : UN franc), a paru cette semaine cnez MM. A,LBVY et Cic , 13, rue Lafayette, et chez tous les li-braires.

Cette livraison comprend, entre autres, les mots :Académie (fin), Acadie, Acariens, Accélération, Accent,Accessoires, Accident, Acclimatation et renferme denombreuses illustrations.

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Imprimerie Nouvelle lyonnaise, rue Ferrandièro, 52

(Association syndicale des Ouiriers typographes)