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LA LEGION VEILLE TOUJOURS LA 13 e DBLE DANS LA CORNE DE L'AFRIQUE ROUTINE MUSCLEE A DJIBOUTI Novembre 1990. D'un seul coup/ la branche de kéké s'enflamme. Le Légionnaire qui a alimenté le foyer rejoint ses camarades. Autour du feu, une « Kro » 1 à la main/ les hommes de l'escadron de reconnaissance se détendent. Ce soir/ pas de bivouac tactique. Les pleins en munitions et carburant ont été effectués/ les niveaux vérifiés par les chauffeurs et les sentinelles désignées pour la nuit. La journée a été dure... Par plus de 40 , ce qui veut dire pratiquement 50° dans les tourelles/ les Sagaie ont patrouillé entre Kabah Kabah et Guistir/ à la frontière somalienne, croisant de temps en temps un VLRA de la 3e compagnie ou une Humvee de l'armée djiboutienne. Texte: Yves DEBAY Photos : JoséNICOLAS

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Page 1: 13DBLE,RAIDS N°64,1991.szep

LA LEGION VEILLE TOUJOURS

LA 13e DBLE DANSLA CORNE DE

L'AFRIQUE

ROUTINE MUSCLEE A DJIBOUTINovembre 1990. D'un seul coup/ la branche de kéké s'enflamme. Le Légionnaire quia alimenté le foyer rejoint ses camarades. Autour du feu, une « Kro » 1 à la main/ leshommes de l'escadron de reconnaissance se détendent. Ce soir/ pas de bivouactactique. Les pleins en munitions et carburant ont été effectués/ les niveaux vérifiéspar les chauffeurs et les sentinelles désignées pour la nuit. La journée a été dure... Parplus de 40 , ce qui veut dire pratiquement 50° dans les tourelles/ les Sagaie ontpatrouillé entre Kabah Kabah et Guistir/ à la frontière somalienne, croisant de tempsen temps un VLRA de la 3e compagnie ou une Humvee de l'armée djiboutienne.

Texte: Yves DEBAYPhotos : José NICOLAS

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LA LEGION VEILLE TOUJOURS

\a Corne de l'Afrique est une fois de plus en

feu. Le vieux Syaad Barre se défend déses-pérément à Mogadiscio et les rebelles éry-thréens encerclent Asmara que l'armée gou-vernementale est incapable de dégager.

Seule Djibouti reste un havre de paix. Pour-tant, autour du feu, les Légionnaires ne parlentque très peu des ennuis aes Ethiopiens et desSomaliens. Pour eux, c'est la routine : il y a silongtemps que la « 13 » et le 5e RIMa ont l'œilsur les remuants voisins de la république deDjibouti. Toutes les conversations portent surle 1er REC et le 2e REI engagés dans le Golfe.A l'escadron d'éclairage, tous connaissent trèsbien le Royal étranger, puisque la majoritéd'entre eux sont passés par Orange2. A la 3e

compagnie, ce serait plutôt le 2e REI. Là enco-re, on parle beaucoup des copains engagésdans le Golfe.

Tous les envient, sans état d'âme toutefois.

A la Légion, « on obéit, un point c'est tout »,et en cette période troublée, la république deDjibouti mérite plus que jamais sa réputationde base arrière stratégique du Moyen-Orient.

La Légion veille au grainAu poste 20 qui protège l'aéroport et dont

la garde se partage entre Légionnaires de la13 ou marsouins 3 du 5, les soldats regardentdécoller C-141 et Galaxy de l'USAF et nonplus les Illyouchine 76 irakiens qui ravitaillaienten armes légères et munitions l'armée djibou-tienne.

1. Kronenbourg : bière très populaire dans l'armée fran-çaise !2. Dans son contrat de cinq ans, le Légionnaire s'engageà passer deux ans outre-mer. Pour les spécialistes dela cavalerie, c'est donc souvent l'escadron de reconnais-sance.3. Voir RAIDS n° 30.

Ci-dessus.En position à la frontière de Djibouti, l'un des huit

Milan de la compagnie de commandement et deservice. Ce lance-missiles très performant s'est

illustré avec succès lors des derniers conflitsmajeurs dans la région, comme au Moyen-Orient

ou en Asie.

Ci-dessous.L'insigne de la 13e DBLE.

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LA LEGION VEILLE TOUJOURS

Ci-contre. Equipé du nouveau fusil de tireur d'éliteFR-F2 en calibre 7,62 mm, ce sniper de la sectiontireur d'élite a étudié son camouflage pour « fairecorps » avec le terrain.En-dessous. Au centre commando d'Arta-Plage,les Légionnaires de la 13 terminent le stage corpsà corps. Ici, l'ultime épreuve où seule la volontédu stagiaire pourra le tirer d'affaire.Page suivante, de bas en haut. Tir de nuit au 90 mm

pour ces ERC-90 F4 Sagaie de l'escadron dereconnaissance.

Départ en patrouille à bord de véhicules légerstout-terrain VLRA. A l'arrière-plan, le poste

lieutenant-colonel Amilakvari.

Dès le début de la crise, le 2 août 1990, la13e DBLE a été mise en état d'alerte avancée.Les forces françaises de Djibouti étant lesseules unités occidentales permanentes siproches de la zone des combats. Un mini-pontaérien du MAC 4 et du COTAM s, et la 13 s'ilavait fallu, étaient engagés avec la 82e Airbor-ne à la frontière du Koweït.

Mais les blindés de Saddam ne franchirentpas la frontière saoudienne. Ce qui n'empêchepas les Légionnaires de la 13e DBLE d'êtreprêts à tout instant. L'entraînement est intensifet, durant ce mois de septembre, les champsde tir d'Arta sont en pleine activité. Pour unefois, les munitions ne sont pas comptées... lesLégionnaires étant toujours en alerte perma-nente. Cet état d'esprit va s'intensifier dès sep-tembre avec l'arrivée du Clemenceau trans-portant le 1er RHC pour les opérations Sala-mandre et Busiris. Blindés, VLRA de la Légionvont travailler dur avec les Gazelle et Puma del'ALAT.

Saddam ne comprend pas l'avertissementque constitue l'opération Salamandre et sessoldats envahissent l'ambassade de France

L'œil sur desvoisins bien

remuantsau Koweït à la fin du mois de septembre. Faceà cette agression, la France, qui jusque-là ten-tait encore de résoudre la crise par la diploma-tie, engage l'opération Daguet. Hélas poureux, les Légionnaires de la 13 n'en feront paspartie. Il ne faut pas dégarnir Djibouti et leschoses ont changé en Arabie. Le déploiementrapide du XVIIIe Corps US met désormais lesprécieux champs pétrolifères à l'abri des blin-dés de Saddam et il faut maintenant penser àla reconquête.

Pour combattre de front la puissante arméeirakienne, la 13e DBLE, conçue pour un combatdéfensif léger, manque de moyens. Ce serontdonc le 6e REG, le 2e REI et le REC qui, avecles autres unités de la 6e DLB, auront la « chan-ce » de voir le combat en Irak. Néanmoins, àDjibouti, plus que jamais, les Légionnairesveillent au grain. Tout comme la France, Djibou-ti fut un « ami » de l'Irak et certains Djiboutiensne cachent pas leur sympathie au Raïs de Bag-dad. Deux grenades seront d'ailleurs lancéesau café de Paris, blessant sept soldats françaiset tuant le fils de l'un d'eux. Mais pour lesLégionnaires de la 13, rien n'a changé et c'esttoujours la routine qui prévaut.

184. Military Airlift Command.5. Commandement du Transport Aérien Militaire.

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LA LEGION VEILLE TOUJOUR

Comme dans toutes les unités de la Légion,à 7 heures du matin, le colonel inspecte la gar-de. Le clairon sonne « au Caïd » et chaqueLégionnaire du poste de garde se présenteréglementairement au chef de corps. Celui-cis'enquiert des désirs et besoins de chacun.Cette petite cérémonie a lieu chaque jour danstoutes les unjtés de Légion (ainsi que dans lereste de l'armée française) et constitue une« soupape » entre le commandement et leLégionnaire de base.

Une figure de la LégionLe colonel Bordarier, adjoint du chef de

corps et qui vient d'ailleurs de rentrer enmétropole, présidait souvent à cette cérémonielorsque le colonel commandant la 13 étaitabsent. Adoré par ses hommes et adulé parles journalistes, le colonel Bordarier est unefigure de la Légion. Borgne, il possède un ban-deau noir pour le quartier, un bandeau kakipour le terrain et un bandeau blanc pour lescocktails. Un jour, ses Légionnaires ont mêmepeint en noir un des phares de sa Jeep ! Hauten couleur et fort en gueule, le colonel Borda-rier est particulièrement fier d'avoir, pendantson séjour à Puyloubier6, transformé la piquet-te issue des vignobles de la Légion en un déli-cieux petit cru provençal.

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LA 13e DBLEAUJOURD'HUI

Avec huit citations, trois chefs de corps tués aucombat et des noms aussi prestigieux que Came-rone, Narvik 1940, Bir Hakeim 1942, EI-Alamein1942, Rome 1944 et Indochine 1948-1954, la 13e

demi-brigade de la Légion étrangère est une desunités les plus décorées de l'armée française.Depuis 1962, la 13e DBLE est en garnison à Dji-bouti et lors de l'indépendance de ce pays, grâceà un accord de défense bilatéral, l'unité est restéesur le territoire de la République.

Par sa seule présence avec le 5e RIMa, elle resteun gage de sécurité dans cette Corne de l'Afriquedéchirée par des conflits interethniques. Basée auquartier Monclar, la 13e DBLE se composeaujourd'hui d'un état-major, d'une compagnie decommandement d'appui et de service (CCAS) quicomprend une section de six mortiers lourds de120 mm et une section de 8 Milan, de la SLPA (sec-tion de livraison par air) chargée du largage parparachute et de l'entretien de ces matériels. LaSLPA assure également la police militaire.

La 3e compagnie de combat possède une sectionde commandement avec un groupe de mortiers de81 mm, une section de de nageurs de reconnais-sance, une section de destruction, une section detireurs d'élite.

L'escadron de reconnaissance comprend quatrepelotons de trois ERC-90 Sagaie, un véhicule blindéléger remplaçant l'AML et doté d'un canon de 90mm. La 2e compagnie de travaux est dotée dematériel de travaux publics : bulldozer, pelles méca-niques, etc.

Elle œuvre au profit de l'ensemble des unitésfrançaises et participe au développement du paysd'accueil. Le CECAP (centre commando d'Arta-Pla-ge) est géré par des personnels de la 13e DBLE etest ouvert aux forces françaises ainsi qu'à celles dela république de Djibouti. Une compagnie « tournan-te » provenant d'unités métropolitaines de la Légion,en général le 2e REP, est mise en permanencesous le commandement de la 13e DBLE.

Outre la surveillance des frontières et le combaten climat semi-désertique, la 13 est spécialiséedans le combat urbain, souvent pratiqué à AliSabieh. a

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LA LEGION VEILLE TOUJOURS1

Page ci-contre, en haut. Fidèle à l'image de laLégion, qui dispose de soldats spécialistes entous genres, venus de tous les horizons, la 13e

DBLEpossède une section de déminage. Tousces Légionnaires sont issus du 6e REG.En bas. L'AA-52 sur l'épaule, ce Légionnairecrapahute à la tombée de la nuit, dans le désertminéral du « chaudron » de l'Afrique.

Ci-dessous.Patrouille sur les pistes djiboutiennes pour ces

ERC-90 Sagaie de l'escadron de reconnaissance.La 13 dispose de 4 pelotons de 3 ERC-90 chacun

qui remplacent les vieux AML-90.Ci-contre.

Dans le golfe d'Obock, les nageurs de la sectionde reconnaissance nautique effectuent un

entraînement en Zodiac.

Mais sur le terrain, le colonel Bordarier estun seigneur dur, exigeant pour ses hommescomme pour lui-même. A la 13, on ne chômepas : tir mortier de 81 mm ou de 120 mm encoopération avec le DETALAT7, feu et mou-vement par 50°, piste de risques et d'audaceau centre commando d'Arta-Plage, longueséance de palmage pour la section de recon-naissance.

Les snipers de la section de tireurs d'élitepassent, eux, des heures à étudier leurcamouflage dans le décor minéral de Djibouti.A Oueah, à quarante kilomètres de Djibouti,

6. Maison de retraite de la Légion étrangère.7. Détachement ALAT qui entretient une dizaine demachines sur le territoire de la République.

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LES DATES CLES DE LA

Décembre 1939 : création de la demi-brigade légère de marche de la Légionétrangère destinée à aider la Finlande. Le 27 mars 1940, la DBLMLE prendcomme nom définitif : 13e DBLE, Mai 1940 : combats de Bjervik et Narvik, seu-le victoire française de 1940 en Norvège. Première citation. Juin 1940 : la 13e

DBLE est en Angleterre et reçoit la visite du général de Gaulle. Une partie desLégionnaires restent au sein des FFL, tandis que les autres regagnent le Maroc.Pour éviter toute confusion, l'unité de la France libre prend le nom de 14e DBM-LE (demi-brigade de marche de la Légion étrangère). Octobre 1940 : aprèsune courte campagne pour gagner le Gabon à la France libre, la 14e DBMLEreprend son ancienne appellation, la 13e DBMLE ayant été dissoute à Fez.Désormais, la 13e DBLE adopte son nom définitif. Le 5 avril 1941, après dedurs combats, la 13e DBLE s'empare de Massaouah, grand port de l'Erythréeitalienne, et gagne pour cette campagne deux citations.

En juin 1941, ce sont les heures sombres de la campagne de Syrie, DesFrançais tirent sur des Français et une escarmouche opposera même lesLégionnaires du 6e REI à la 13e DBLE. Du 2 au 10 juin 1942 : siège, batailleet sortie de Bir Hakeim où, sous les ordres du général Kœnig, les Françaislibres tiennent tête à l'Afrikakorps, permettant la retraite de la VIIIe armée bri-tannique. Le 23 octobre 1942, a EI-Alamein. la 13e DBLE, lors de son attaquedes positions allemandes, perd son premier chef de corps, le lieutenant-colonelAmilakvari, authentique prince géorgien. Les 11 et 12 mai 1943, ce sont lesderniers combats contre les restes de l'Afrikakorps au Djebel Gard, en Tunisie.Le 11 mai 1944 : sanglant combat dans la vallée de Liri, La 13e DBLE compteplus de cent tués. Le 16 juin 1944 voit la prise de Radicofani, clef de la Tos-cane, et nouvelle citation à l'ordre de l'armée. Hiver 1945 : dure campagneen Alsace, plus de mille tués, dont 700 entre le 24 et le 28 janvier. Avril 1945 :combats dans les Alpes, quelquefois à 2 500 m d'altitude.

Mars 1946 : arrivée en Indochine. En 1946-1947, nombreux combats enIndochine. Le colonel de Sairigne, chef de corps, est tué lors d'une embuscadeprès de Dalat le 1er mars 1948. Du Tonkin à l'Annam, la 13 est de tous lescoups durs de cette guerre oubliée de la métropole. Le 13 mars 1954, le 3e

bataillon est anéanti sur le point d'appui Béatrice. Le 1er tiendra Eliane jusqu'àla chute du camp retranché de Dien Bien Phu. Lors de ces combats, le lieu-tenant-colonel Gaucher est tué. La 13 est pratiquement anéantie et seul le 2e

bataillon qui combat en Cochinchine rentre en France. Quatre citations de plusornent l'étendard de la 13e DBLE à son retour d'Indochine.

De 1955 à 1961, la 13 participe à de nombreuses opérations en Algérie, per-dant cent cinquante-neuf Légionnaires.

En 1962, implantation à Djibouti. Le 3 février 1976. l'escadron de reconnais-sance charge des soldats somaliens qui avaient ouvert le feu pour protégerla retraite de terroristes ayant pris un car de ramassage scolaire en otage. G

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Ci-dessus.Sous-officier de la 13e DBLE en tenue de parade.Remarquez que la majorité des Légionnaires del'unité sont brevetés para. Sur la poche droite,l'insigne de la 13e DBLE.

Ci-contre.L'entraînement continue, même dans la fournaiseet la poussière. Rien n'arrête les Légionnaires dela 13, certainement l'une des meilleures unités,avec les marsouins du 5e RIMa, de la Corne del'Afrique.

dans un superbe poste aux murs blanchis à lachaux, les dernières traditions des sentinellesdu désert sont maintenues. « Ici c'est le der-nier poste fixe de l'armée française », nousdéclare le capitaine commandant l'escadronde reconnaissance.

Un univers minéralLes ERC-90 Sagaie ont remplacé les

Méharis, mais les officiers ont leurs chevauxet un superbe guépard sert de mascotte. Par-fois, les dangereux cynocéphales font unedescente organisée aux cuisines. Souvent unepartie de l'escadron nomadise aux frontières...

Des journées de travail dans un universminéral comme en dehors du temps... et lesoir on se retrouve autour d'un feu pour chan-ter, ainsi que les Légionnaires l'ont toujoursfait. C'est aussi cela la Légion.

Et la 13e DBLE ne déroge pas à la règle :rites immémoriaux et visée laser ou camérathermique MIRA constituent l'environnementdu jeune Légionnaire du XXe siècle. rj