103e annee - n° 5311 3 novembre 1984 irmijmijx

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103e ANNEE - 5311 3 NOVEMBRE 1984 IRmiJMIJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE Edmond Picard 1881-1899 Charles Van Beepinghen 1944-1966 Léon Hennebicq 1900-1940 Jean ])al 1966-1981 A propos d'insécurité Le thème de 1' insécurité est à la mode, à juste titre hélas ! Le cercle des étudiants en criminologie de Louvain- la-Neuve, on le sait, a centré sur lui sa troisième rencontre pluridisciplinaire, du 20 au 22 mars 1984, au cours de laquelle tine vingtaine de personnalités du monde politique, de la presse et des organismes chargés par la loi d'une intervention préventive et répressive ont pris la parole et répondu aux interpella- tions du public, les médiateurs étant eux-mêmes des criminologues. Le présent article n'a pas pour objet de rapporter l'essentiel de ces journées, auxquelles le journal des procès a fait un large écho, mais bien plutôt de verser au débat quelques observations et réfle- xions dont certaines, vu le temps néces- sairement très limité qui fut octroyé aux divers interlocuteurs, n'ont pu être exposées de manière . suffisamment détaillée ou, même, ont été passées sous silence, alors qu'à notre humble avis elles mériteraient de retenir l'attention des responsables de la sécurité publi- que. * * * A la question· de savoir pourquoi la peur collective se ftxe de préférence sur l'agression et non pas, par exemple, sur les accidents de la route, quelque spectaculaires et meurtriers qu'ils soient, il convient sans doute de répon- dre que la première explication de ce choix paraît se trouver dans le fait que la victime d'une agression l'est d'un acte volontaire, commis délibérément, et que les témoins de cet acte ou les citoyens qui en sont ultérieurement informés, s'indignent eux aussi de son caractère intentionnel. En s'armant des moyens d'intimider, 1' agresseur a, pour le moins, accepté d'en faire éventuellement usage pour voler ou pour extorquer, parfois même dès le départ de blesser ou de tuer, entre autres, pour assurer son impunité. De telles actions ont, dans la cons- cience sociale, comme dans la cons- cience individuelle, un retentissement autrement considérable qu'un carambo- lage accidentel. Encore ne doit-on pas perdre de vue que si la mort ou des blessures graves à conséquences durables s'ensuivent et que l'accident a en outre pour cause une violation patente des règles élémentaires de la circulation routière, le public s' jrrite aussi et stigmatise sévèrement le hurluberlu ou le coureur de rodéo qui en a fait ft. Il y a donc une hiérarchie dans l'indignation, puis, au seuil du crime, et franchi ce seuil, une sorte de grada- tion dans la peur, qui correspond, semble-t-il, et d'assez près, au passage d'une légèreté de plus en plus coupable à la malignité, elle aussi graduée, qu'avec raison la morale sociale sanc- tionne différemment. Bien entendu, il reste que le nombre des contraventions et délits routiers est considérable et que si l'on s'en référait, sans aucune autre considération, à la seule chance de survivre ou au risque de mourir, la crainte de mourir devrait être immensément plus grande chaque fois que, prenant le volant, on affronte la route, que lorsqu'on s'aventure à sortir dans les quartiers dangereux de la ville le soir tard ou lorsqu'on exploite une bijouterie, dirige une succursale de banque, tient une officine d'agent de change, gère un bureau de poste ou de chômage. Mais cette absence de peur, pour irréaliste qu'elle soit, ne ressortit prati- quement plus aux réflexes vigoureux de la conscience en face d'actes meurtriers; elle est d'abord, nous paraît-il, un déplorable effet de 1' habitude, une sorte d'abandon à la fatalité résultant du développement excessif de la circula- tion automobile sur un réseau routier qui ne pourrait en suivre la progression. EDITEURS: MAISON FERD. LARCIER S.A. Rue des Minimes, 39 1000 BRUXELLES Cependant ô illogisme ! - la conscience, comme on vient de le souli- gner, se réveille, même dans ce domaine où elle s'est émoussée, chaque fois que des collisions en chaîne, par exemple, provoquent de nombreux décès - et 1' on voit d'ailleurs 1' opinion publique tout aussi bouleversée lorsqu'une seule chute d'avion- engin mille fois moins meurtrier - entraîne la mort de dizai- nes de personnes à la fois. Tout cela n'entretient. que· des rap- ports très lointains avec le bon sens de la saine logique. Il y a du pain sur la planche des psychologues et des sociolo- gues! * * * Parmi ces derniers, certains se demandent si la peur de 1' agression n'est pas le résultat d'une gigantesque opération de panique entreprise par le pouvoir aux ftns de légitimer un certain autoritarisme ou si les mass media ne rentabiliseraient pas une vaste mise en scène de la dégradation du climat social. Voici quelques éléments de réponse. Il arrive certes trop souvent - les exemples se multiplient partout dans le monde- qu'un pouvoir désireux d'as- seoir une forme quelconque d'autorita- risme invoque la montée des périls criminels pour renforcer du même coup sa police, ses armées, ses divers corps de sécurité, puis, par ce biais, place l'ensemble des citoyens dans un carcan destiné à faire régner 1' ordre et la paix publics, qui deviennent peu à peu, le plus généralement de manière subtile et progressive, « son » ordre, reflet de ses propres conceptions politiques et socia- les. Mais il est tout aussi vrai que les mass media, dans un pays de liberté, si elles tombent aux mains de groupes de pression décidés et organisés, peuvent à la longue, en. montant en épingle les agressions les plus violentes, en leur donnant de la sorte une dimension sans proportion avec la réalité, entre autres lorsqu'ils reproduisent à satiété le même jour les images horribles de victimes allongées sans vie sur le sol et baignant

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103e ANNEE - N° 5311 3 NOVEMBRE 1984

IRmiJMIJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE

Edmond Picard 1881-1899

Charles Van Beepinghen 1944-1966

Léon Hennebicq 1900-1940

Jean ])al 1966-1981

A propos d'insécurité Le thème de 1' insécurité est à la

mode, à juste titre hélas ! Le cercle des étudiants en criminologie de Louvain­la-Neuve, on le sait, a centré sur lui sa troisième rencontre pluridisciplinaire, du 20 au 22 mars 1984, au cours de laquelle tine vingtaine de personnalités du monde politique, de la presse et des organismes chargés par la loi d'une intervention préventive et répressive ont pris la parole et répondu aux interpella­tions du public, les médiateurs étant eux-mêmes des criminologues.

Le présent article n'a pas pour objet de rapporter l'essentiel de ces journées, auxquelles le journal des procès a fait un large écho, mais bien plutôt de verser au débat quelques observations et réfle­xions dont certaines, vu le temps néces­sairement très limité qui fut octroyé aux divers interlocuteurs, n'ont pu être exposées de manière . suffisamment détaillée ou, même, ont été passées sous silence, alors qu'à notre humble avis elles mériteraient de retenir l'attention des responsables de la sécurité publi­que.

* * * A la question· de savoir pourquoi la

peur collective se ftxe de préférence sur l'agression et non pas, par exemple, sur les accidents de la route, quelque spectaculaires et meurtriers qu'ils soient, il convient sans doute de répon­dre que la première explication de ce choix paraît se trouver dans le fait que la victime d'une agression l'est d'un acte volontaire, commis délibérément, et que les témoins de cet acte ou les citoyens qui en sont ultérieurement informés, s'indignent eux aussi de son caractère intentionnel.

En s'armant des moyens d'intimider, 1' agresseur a, pour le moins, accepté d'en faire éventuellement usage pour voler ou pour extorquer, parfois même dès le départ de blesser ou de tuer, entre autres, pour assurer son impunité.

De telles actions ont, dans la cons­cience sociale, comme dans la cons­cience individuelle, un retentissement autrement considérable qu'un carambo­lage accidentel.

Encore ne doit-on pas perdre de vue que si la mort ou des blessures graves à conséquences durables s'ensuivent et que l'accident a en outre pour cause une violation patente des règles élémentaires de la circulation routière, le public s' jrrite aussi et stigmatise sévèrement le hurluberlu ou le coureur de rodéo qui en a fait ft.

Il y a donc une hiérarchie dans l'indignation, puis, au seuil du crime, et franchi ce seuil, une sorte de grada­tion dans la peur, qui correspond, semble-t-il, et d'assez près, au passage d'une légèreté de plus en plus coupable à la malignité, elle aussi graduée, qu'avec raison la morale sociale sanc­tionne différemment.

Bien entendu, il reste que le nombre des contraventions et délits routiers est considérable et que si l'on s'en référait, sans aucune autre considération, à la seule chance de survivre ou au risque de mourir, la crainte de mourir devrait être immensément plus grande chaque fois que, prenant le volant, on affronte la route, que lorsqu'on s'aventure à sortir dans les quartiers dangereux de la ville le soir tard ou lorsqu'on exploite une bijouterie, dirige une succursale de banque, tient une officine d'agent de change, gère un bureau de poste ou de chômage.

Mais cette absence de peur, pour irréaliste qu'elle soit, ne ressortit prati­quement plus aux réflexes vigoureux de la conscience en face d'actes meurtriers; elle est d'abord, nous paraît-il, un déplorable effet de 1' habitude, une sorte d'abandon à la fatalité résultant du développement excessif de la circula­tion automobile sur un réseau routier qui ne pourrait en suivre la progression.

EDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER S.A.

Rue des Minimes, 39

1000 BRUXELLES

Cependant -· ô illogisme ! - la conscience, comme on vient de le souli­gner, se réveille, même dans ce domaine où elle s'est émoussée, chaque fois que des collisions en chaîne, par exemple, provoquent de nombreux décès - et 1' on voit d'ailleurs 1' opinion publique tout aussi bouleversée lorsqu'une seule chute d'avion- engin mille fois moins meurtrier - entraîne la mort de dizai­nes de personnes à la fois.

Tout cela n'entretient. que· des rap­ports très lointains avec le bon sens de la saine logique. Il y a du pain sur la planche des psychologues et des sociolo­gues!

* * * Parmi ces derniers, certains se

demandent si la peur de 1' agression n'est pas le résultat d'une gigantesque opération de panique entreprise par le pouvoir aux ftns de légitimer un certain autoritarisme ou si les mass media ne rentabiliseraient pas une vaste mise en scène de la dégradation du climat social.

Voici quelques éléments de réponse.

Il arrive certes trop souvent - les exemples se multiplient partout dans le monde- qu'un pouvoir désireux d'as­seoir une forme quelconque d'autorita­risme invoque la montée des périls criminels pour renforcer du même coup sa police, ses armées, ses divers corps de sécurité, puis, par ce biais, place l'ensemble des citoyens dans un carcan destiné à faire régner 1' ordre et la paix publics, qui deviennent peu à peu, le plus généralement de manière subtile et progressive, « son » ordre, reflet de ses propres conceptions politiques et socia­les.

Mais il est tout aussi vrai que les mass media, dans un pays de liberté, si elles tombent aux mains de groupes de pression décidés et organisés, peuvent à la longue, en. montant en épingle les agressions les plus violentes, en leur donnant de la sorte une dimension sans proportion avec la réalité, entre autres lorsqu'ils reproduisent à satiété le même jour les images horribles de victimes allongées sans vie sur le sol et baignant

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dans leur sang, finir par déstabiliser un Etat par une dégradation systématique de son climat social. Ce qui provoquera des réactions de défense de la part de cet Etat, notamment un renforcement des moyens de contrôle et de coercition, et ~ous voilà repris dans la spirale répres­sive.

Pour rester dans le concret, nous songeons plus particulièrement, en ce qui concerne notre pays, à deux phéno­mènes de nature à souligner cela par une relative analogie, quoique, par bonheur, celle-ci nous laisse aussi éloi­gnés des modèles prédécrits que la terre du soleil !

D'une part, parce que trop de jeunes se livrent avec audace et inconscience à des actes extrêmement graves, comme des vols accompagnés de brutalités, des viols ou des vols à main armée, le ministre de la Justice propose de les renvoyer dès leur quinzième ou leur seizième anniversaire devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel selon les cas, leur rendant applicables dès cet âge les règles de procédure et les peines valables jusqu'à présent pour les seuls citoyens pénalement majeurs, c'est-à-dire ceux qui ont atteint dix-huit ans. C'est un réflexe gouvernemental face à la peur répandue parmi la popu­lation par ces brigandages, peur en partie justifiée sans aucun doute.

Mais, attention, cela suppose que l'on prive de très jeunes gens, souvent des adolescents à peine sortis de l'enfance - peut-être entraînés à leur corps défendant par des leaders plus âgés et plus lucides qu'eux dans des équipées qu'ils regrettent aussitôt - de la possibilité d'une intervention salu­taire du juge de la jeunesse.

_De 1' avis unanime des magistrats spécialisés, il serait plus adéquat de ne pas décharger les tribunaux de la jeu­nesse en pareil cas sans une rapide étude de la personnalité des mineurs en cause, doublée d'une 'enquête familiale et sociale, fussent-elles accélérées, et sans qu'apparaisse nettement que ces mineurs ne sont plus de ceux à qui les mesures prévues par la loi du 8 avril 1965 pourraient encore être profitables.

Il importe en effet de ne recourir à l'emprisonnement pur et simple qu'a­près avoir épuisé tous les moyens de rééducation dont disposent ces tribu­naux, par exemple, en cas de nécessité, les institutions ortho-pédagogiques de l'Etat.

Il est malheureusement vrai qué le nombre de places· disponibles en ' ces établissements est si restreint que

l'incarcération de mineurs délinquants apparaît à certains comme un 'pis-aller inéluctable. Il faut répondre à cela, avec toute la fermeté qui s'impose, que les locaux dont dispose l'Etat sont grands assez pour accueillir ces jeunes égarés, mais que l'équipement en personnel hautement spécialisé seul manque·: il suffit de le recruter après une rigoureuse · sélection. ·

Tout ceci pour souligner que les propositions ministérielles paraissent bien être issues d'un réflexe provoqué par la peur d'une partie de la popula­tion, mais qu'elles semblent, si l'on n'y introduit pas les importantes modifica­tions souhaitées par les magistrats de la jeunesse, dépasser largement les impé­ratifs d'une réaction appropriée.

D'autre part, .après les attentats du Brabant wallon et de Flémalle-Haute, cédant au souci du spectaculaire et au goût de l'excessif qui est, hélas, le vice majeur de nos mass media, on a vu à la télévision et dans les journaux irripri­més, des journalistes exploiter jusqu'à satiété, pour ne pas dire jusqu'au haut­le-cœur, les images ignobfes de ces attentats.

Le résultat fut, à plus d'un endroit, entre autres là où les faits s'étaient produits, une telle panique que les gens n'osaient presque plus sortir de chez eux et acquéraient des armes afin de se défendre, au point de vider telle armu­rerie bien connue ! Cela aussi relève d'une réaction disproportionnée avec l'événement, qui déstabilise la société par ses outrances.

Objectivement, qu'en était-il ? Une bande de voyous sans scrupules et sans le moindre respect d'autrui - parmi lesquels un individu qui tue pour l'épate, l'intimidation ou parce qu'il ne contrôle pas ses nerfs - a commis une dizaine d'agressions violentes avec effu­sion de sang et a finalement été, pour partie du moins, capturée et, de ce fait, neutralisée.

La gravité du trouble social ne peut être assurément minimisée. Que 1' on songe seulement aux victimes délibéré­ment « expédiées >~ ou blessées ! Mais il serait aberrant de ne pas apercevoir qu'il s'agit d'une bande unique; que si, ailleurs dans le Royaume, d'autres agressions aussi 'démentielles se produi­sent ·à l'occasion, elles sont par bonheur assez rares. Voir des assassins rôder partout, à chaque instant à l'affût d'un coup sanglant reviendrait à défier le bon sens ! Si danger il y a, il convient de l'évaluer à son degré réel et non imagi­naue.

* * *

A ce propos, pour prévenir tout flou artistique, citons quelques données pré­cises, qui sont parlantes. ·'

I. - Il y a quarante ans, lorsque nous étions au commencement de notre car­ri ère, le viol était un crime rarissime. On en comptait une moyenne de trois ou quatre par an dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, un peu plus à la libération quand les militaires alliés se livraient à d'excessives libations et quand les jeunes filles amoureuses de l'uniforme se montraient imprudem­ment trop entreprenantes à leur égard.

Aujourd'hui~ on en dénombre autant chaque mois. Ce sont le plus souvent aussi des viols collectifs, dont le caractère plus odieux encore n'est pas à souligner.

II. -Il y a quarante ans, il n'y en a même pas vingt, les hold-up étaient américains, c'est-à-dire que chez nous on les ignorait pratiquement.

Aujourd'hui- je cite les statistiques de 1983 - il y en a eu sept cent cinquante-sept en un an pour l'ensem­ble du Royaume.

III. - Il y a quarante ans, il y en a vingt, il y en a même cinq seulement, les voleurs à l'aide d'escalade, d' effrac­tion, de fausses clés, n'attaquaient généralement pas leurs victimes. Au contraire, ils les évitaient. Ils n'étaient armés - quand ils. l'étaient - qüe pour, en menaçant, pouvoir s'enfuir s'ils étaient surpris.

A présent, ils vont à la recherche des occupants des lieux qu'ils cambriolent, les surprennent, les braquent et, sous la contrainte, les obligent_ à dévoiler leurs cachettes.

Par ailleurs, ils n'hésitent pas à les jeter à terre, à les frapper, à les ligoter et même quelquefois, à les torturer.

Certains même, ces tout derniers temps, les exécutent de sang-froid après tous ces sévices,· pour se débarrasser de témoins gênants. Ce n'est par bonheur nullement la· règle, mais cela devient plus fréquent.

IV. - Enfm, il y a quarante ans, et jusqu'il y a vingt ans existait une sorte de consensus entre bandits et policiers (loi non écrite mais respectée ! ) en vertu duquel les premiers ne tiraient pas sur les seconds ni réciproquement ceux-ci sur les premiers.

Aujourd'hui, combien de fois des agresseurs ne canardent-ils pas sans hésitation et, faut-il le dire, sans le moindre avertissement, les forces de

l'ordre intervenantes, légitimant par là même une replique de même nature.

On ne peut parler de sécurité ni d'insécurité sans avoir ces réalités devant les yeux. L'insécurité, à 1' évidence, est devenue plus grande avec le temps au cours des deux dernières décennies. Avant cela, une période plus calme et plus « civilisée » a régné durant un certain temps,- succédant à une période elle aussi plus troublée (pensons au banditisme de grand chemin du siècle

"" ') passe ..

Il ne suffit pas de constater qu'une insécurité accrue s'est installée au sein du corps social et que le sentiment d'insécurité s'est en même temps déve­loppé à l'excès parmi nos concitoyens (nous ri'en sommes tout de même pas encore au Chicago du temps d'Al Capone !); il est souhaitable, ayant mis le doigt sur la plaie, d'essayer d'endi­guer cet accroissement en recherchant les remèdes les plus efficaces.

Le premier auquel nous songeons paraît bien être la ·multiplication d'équipes de prévention sur le terrain aux heures « chaudes » du jour et de la nuit et dans les quartiers ou les rues les plus exposés. -

Un test a été tenté tout récemment par la gendarmerie de Bruxelles. Cer­tains points dangereux de la ville ont été surveillés, durant tout un mois, plus particulièrement pendant les tranches horaires où, notamment, les agressions étaient fréquentes. Le résultat fut éton­nant : le nombre des violences et autres méfaits avait diminué des quatre cinquièmes pendant ces trente jours !

Certes, un quadrillage systématique et permanent des points critiques n'est pas pour demain ! Se posent des problè­mes quasi insolubles, entre autres, celui du recrutement et du paiement des effectifs à engager.

Néanmoins, si l'onpouvait arriver à reconvertir une partie des forces de police et de gendarmerie surencombrées de tâches administratives ou « repré­sentatives » pour les verser dans les services de surveillance visible sur le terrain, il semble bien que la sécurité et, en même temps, le sentiment de sécu­rité des citoyens feraient un énorme pas en avant.

Assurément, certaines personnes qui ont leur domicile dans ces quartiers, et quelques passants aussi, trouveraient peut-être désagréable de voir des uni­formes se profiler à l'horizon plus souvent qu'à leur vœu. Mais il s'agit en l'espèce de choisir entre ce picotement

épidermique compréhensible et une volée de coups de poing ou de couteau éventuels et ces démangeaisons devraient apparaître d'autant plus sup­portables que chacun bénéficierait de cette présence pacificatrice ...

Nous avouons ne pas croire beaucoup à l'efficacité de l'a posteriori, c'est-à­dire de la répression pure et simple. Elle présente en somme assez peu d'utilité, bien qu'elle soit indispensable, car elle retire seulement du circuit social durant un temps limité, souvent très court, des individus dont un bon nombre, on le sait, récidivera tôt ou tard. C'est très insuffisant et cela n'apporte qu'une sécurité relative de durée variable, le temps de l'incarcération. Il faudrait y joindre un sérieux effort de prévention, qui enlèverait à plus d'un délinquant en puissance le goût et la tentation de courir un risque qui cesserait d'être presque nul pour devenir une réalité de chaque instant.

Un second moyen de réduire l'insécu­rité consisterait à supprimer toute repré­sentation de la violence sur les petits écrans avant onze heures du soir, de manière à en sevrer pratiquement tous les enfants et les ·adolescents encore immatures, et à interdire la vente des video-cassettes de la même veine aux m1neurs.

L'accès qu'ont les enfants et les (trop) jeunes au spectacle permanent de la violence est, à notre connaissance, un des éléments les plus décisifs qui concourent à la reprodùction de celle-ci. Quand on regarde quatre heures durant, chaque jour, comme c'est à présent devenu la coutume, des films où se déroulent presque sans arrêt des actes de brutalité physique, sexuelle ou autre, ·quel que soit le« happy end», on finit par s'habituer à la violence, par la digérer, par se 1' incorporer comme une donnée constante et naturelle de la vie en ·'société; cela devient un fait de civilisation (si l'on peut dire !), on ne s'en étonne ni a fortiori ne s'en indigne plus et l'on perd le frein naturel doublé du frein social que de plus anciens connaissaient et auxquels ils obéissaient d'autant plus unanimement que rien ne les incitait à passer outre.

Nous pensons devoir insister encore sur ce grave aspect de notre laxisme actuel en citant quatre cas, parmi tant d'autres, de drames déclenchés par l'abus des images violentes.

1) Le jeune X âgé de treize ans, un mercredi après-midi de fin d'hiver, reçoit de sa in ère le prix d'une place de cinéma. Il y est envoyé pour vider les lieux, parce que l'amant de madame

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vient rendre visite à celle-ci et que l'enfant est gênant. Il est prié d'ailleurs, de ne pas rentrer avant vingt heures. Inutile d'ajouter qu'il est laissé libre du choix du film à voir.

X est attiré par les histoires de gendarmes et voleurs, quoi de plus normal à son âge ? Il assiste à la projection d'un long métrage retraçant les aventures d'un adolescent sans grandes ressources qui, pour s'en procu­rer, bouscule une femme dans la rue, lui arrache sa sacoche et s'enfuit avec. TI finit par être rattrapé : tout est bien qui finit bien !

Le garçonnet se passionne pour cette histoire, revoit deux fois le film et ne quitte la salle qu'à l'heure où sa mère l'attend.

Mais ne voilà-t-il pas qu'à la rue, encore tout occupé du drame qu'il vient de vivre, il aperçoit une vieille dame et, sans plus réfléchir, se rue sur elle, la pousse en avant et, la dépassant en courant, lui vole brutalement son sac à main. Pouvoir moteur des images !

2) Un adolescent de seize ans, au quotient intellectuel assez faible, ·~ contemplé à la télévision, avec une admiration béate, un stupide gag qu'il décrit à un camarade.

Le petit homme maigre et fragile a vaincu par une astuce ·le géant aux muscles de fer : coïncé entre un mur et son agresseur, il s'est volontairement effondré au moment où ce dernier fonçait sur lui, tête baissée, et l'homme s'est tué en se heurtant la tête contre le mur.

En racontant cet exploit, l'adolescent mime la scène, invite son compagnon a jouer le rôle de la mauviette et se précipite sur lui à fond de train. Hélas ! ils ont tous deux si bien représenté le gag que la réalité dépasse la fiction et 1' adolescent se fracasse le crâne contre la paroi de sa chambre.

3) Ayant vu une séquence de viol collectif sur le petit écran, une bande de tout jeunes gens (de 15 à 19 ans), à l'instigation de son caïd, oblige une étudiante qui passe à vélo près d'un parc à les suivre derrière un buisson, où pendant que, tour à tour, deux d'entre eux la maintiennent au sol, ils se livrent sur elle à tous les actes sexuels qu'il est inutile de décrire, y compris des rela­tions complètes. Entendus, ils s' expli­quent en référence aux scènes vues à la télévision.

4) Enfin, le drame récent vécu dans une école de France, au cours duquel un adolescent de quinze ans, admirateur inconditionnel de Mesrine, dans le

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cartable duquel furent découverts pho­tographies et documents divers concernant ce criminel, abattit son pro­fesseur à coups de feu avant de se suicider, est, hélas ! , d'une rare élo­quence : il démontre à qui n'en serait pas encore convaincu que cet âge n'est pas toujours à même de distinguer l'admirable du haïssable, le bien du mal, ni de dominer le pouvoir de suggestion de faux modèles de vie présentés par les mass media, journaux, revues, illustrés, cinémas, télévision, radio-cassettes, etc. (1).

Pour arriver au but que nous visons, il faudrait au moins que les membres du . Conseil de l'Europç votent une recom­mandation formelle tendant à suppri­mer sur les écrans de télévision toute représentation de la violence avant les heures tardives de la soirée, et à interdire l'accès des salles de spectacle où 1' on tourne des films .de cette nature aux adolescents de moins de dix-huit ans.

Le troisième moyen de réduire l'insé­curité auquel nous songeons, chacun· de nous en a entendu parler ou en parle bien souvent, mais on ne pourrait le passer ici sous silence, car il est aussi fondamentalement nécessaire que les deux autres : c'est l'enseignement systé­matique, organisé, répété, nous allions écrire asséné, dans les écoles, de l'indis-. pensable respect de chacun envers cha­cun, de tous envers tous, de la vie de chacun, des biens de chacun, de la personne de chacun à tous points de vue, sans lequel aucune vie sociale n'est possible.

Ce respect. postule 1' application rigoureuse du donnant donnant, de « ne pas faire à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fit à toi-même »,

(1) On pourrait poursuivre l'énumération, mais sans doute suffira-t-il d'ajouter à ces exemples les conclusions d'une expérimentation d'ordre général relative à 1' influence de la télévision sur les jeunes, faite dans une école allemande, avec l'accord dès parents, dans une classe composée de garçons de onze-douze ans.

Durant une semaine, la moitié de la classe a été privée de tout spectacle télévisé, l'autre pas. Chaque jour, le professeur a noté le degré d'attention de chacun, la qualité du travail à domicile, la bonne ou la mauvaise mémorisation des leçons, le respect plus ou moins grand de la discipline pendant les heures de cours, 1' attitude à la récréation, de chacun des élèves des deux groupes.

Il apparut que les enfants saturés d'images se montraient distraits et rêveurs, que leurs cop~es étaient médiocres et leurs leçons mal sues, tandis qu'ils se dominaient difficilement durant les cours et déchargeaient une forte agressivité en « combats singuliers » assez violents pendant les temps libres ...

principe qui devrait devenir comme instinctif à force d'être exposé, déve­loppé, seriné à longueur d'années par les enseignants auxquels les parents confient leurs enfants dès le plus jeune âge.

Et, bien entendu, cela va de soi, les parents eux-mêmes devraient être sensi­bilisés à cette exigence et dès lors invités à en faire autant à la maison, en coopération avec les instituteurs et les professeurs.

Si ces trois moyens pouvaient finale­ment faire l'objet d'une mise en œuvre concomitante sur un grand pied, avec le soutien de 1 'ensemble des mass media,

nouvelle édition 1985

dont la puissance est , réellement énorme, gageons qu'un changement appréciable serait bientôt perceptible parmi nos populations.

Même si nous sommes aujourd'hui très loin du compte, il serait infiniment regrettable de laisser tomber les bras, car l'enjeu est d'un prix si considérable que les réalistes les plus déclarés et les idéalistes les plus impénitents se voient contraints de conjuguer leurs efforts dans. ce sens s'ils veulent rétablir dans le Royaume une sécurité suffisante pour qu'elle se double d'un sentiment qui l'exprime. ·

F. POELMAN .

LES CODES LARCIER

Souscrivez dès maintenant à la nouvelle édition des Codes Larcier

PRIX DE LA COLLECTION COMPLETE (5 tomes) ........... ~............ 15.950 F (après souscription: 18.500 F)

, PRIX DES TOMES SEPARES :

TOME 1. -DROIT CIVIL, JUDICIAIRE ET COMMERCIAL......................... 4.400 F (après souscription : 4.975 F)

TOME Il. -DROIT PENAL 4.600 F (après souscription: 4.750 F)

TOME Ill.- DROIT SOCIAL...................................................................... 5.100 F (après souscription : 6.100 F)

TOME IV.- DROIT ECONOMIQUE ET FISCAL.;....................................... 3.600 F (après souscription: 4.150 1{

TOME V. -DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF...................................... 3.900 F (après souscription : 5.190 F)

La souscription est ouverte le 1er septembre 1984; les prix indiqués ci-dessus sont donc des prix de souscription.

Lorsque l'éditeur aura clôturé celle-ci, les prix définitifs seront alors appliqués.

En attendant la sortie de presse de la nouvelle édition 1985, les souscripteurs peuvent obtenir sans supplément de prix, l'édition 1980 avec mise à jour 1984.

l Maison

Ferdinand LARCIER s.a. RUE DES MINIMES 39, 1000 BRUXELLES

Téléphone: (02) 512 4712- 512 96 79

Chèques postaux Bruxelles: 000-0042375-83

JURISPRUDENCE Cour de justice

des Communautés européennes, 20 mars 1984

Siég.: MM. Mertens de Wilmars, prés.; Koopmans, Bahlmann et Galmot, prés. de ch.; Pescatore, Mackenzie Stuart, O'Keeffe, Bosco et Everling, juges.

A v. gén. : sir Gordon Slynn. Plaid.: MMes Dieter Rogalla (barreau de Münster et

Steinfurt) et Andersen.

(Razzouk et Beydoun c. C.E.E.)

FONCTIONNAIRE AUPRES DE LA COMMISSION D.ES COMMUNAUTES EUROPEENNES. - Egalité de traitement entre hommes et femmes. - Pension de veuf.

ENDROIT

1. - Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement le 22 février et le 2 avril 1982, M. Razzouk et M. Beydoun, tous deux veufs de fonctionnaires ayant été en service auprès de la Commission des Com­munautés européennes, ont introduit des recours- qui visent notamment, d'une part, à l'annulation des décisions des 23 novem­bre 1981 et 9 mars 1982, par lesquelles la Commission a rejeté les réclamations qu'ils

·avaient dirigées contre les décisions refu­sant de leur reconnaître le droit à une pension de survie et, d'autre part, à faire condamner la Commission à leur accorder la pension de veuf ou, à titre subsidiaire, à leur payer la contrevaleur des contribu­tions à la pension versées par leur épouse respective.

2. - En ce qui concerne M. Razzouk, il ressort du dossier que, le 3 avril 1981, il a adressé une demande au président dè · la Commission sollicitant, à la suite du décès de sa femme, le bénéfice de la pension de survie que l'article 79 du statut des fonc­tionnaires accorde aux veuves de rfonction­naires. Par lettre du 3 juillet 1981, le chef de la division «Droits administratifs et financiers ,, a répondu au requérant qu'en 'l'état actuel des textes statutaires régis­sant le régime des pensions, l'administra­tion n'avait pas cru pouvoir réserver une suite favorable à sa demande. Le 24 juillet 1981, le requérant a adressé à la Commis­sion une réclamation en vertu de l'article 90, § · 2, du statut. Cette réclamation a été rejetée par lettre du 25 novembre 1981, dans laquelle la Commission a indiqué que les dispositions statutaires n'ouvrent droit à pension au profit du veuf que dans les limites et conditions prévues à l'article 23 de l'annexe VIII du statut, conditions qui n'étaient pas réunies dans le cas du requé­rant. La Commission a ajouté que, bien qu'elle ait, en 1974, soumis au Conseil une proposition de révision statutaire tendant à ce que veufs et veuves de fonctionnaires bénéficient des mêmes droits, elle ne pou­vait qu'appliquer le texte statutaire en. vigueur.

3. - De son côté, M. Beydoun aadressé, le 16 juillet 1980, une demande à la Commission sollicitant le bénéfice de la

pension de survie en application de l'article 23 de l'annexe VIII du statut, en soulignant notamment la faiblesse de ses ressources propres et ses problè_mes ,de santé qui le rendaient incapable d'exercer une activité lucrative. Par lettre du 12 août 1981, le chef adjoint de la division compétente a informé le requérant que l'article 23 précité n'était pas applicable dans son cas. Le 9 septembre 1981, le requérant a adressé à la Commission une réclamation en vertu de l'article 90, § 2 du statut., Cette réclama­tion a été rejetée par lettre du 9 mars 1982 qui, hormis les explications des raisons pour lesquelles le requérant ne remplirait pas les conditions prévues à l'article 23, est identique à celle adressée à M. Razzouk le 25 novembre 1981.

4. - Les requérants concluent, tous les deux, à l'annulation des décisions rejetant leurs réclamations. Ils demandent en outre que la Commission soit condamnée à leur accorder le· droit à la pension de veuf sous les mêmes conditions que celles applicables aux veuves et à leur payer des intérêts moratoires à cet égard. A titre subsidiaire, ils demandent le remboursement de la contrevaleur des contributions à la pension versées par leurs épouses, en vertu de l'article 83 du statut, pendant les activités de celles-ci au sein des institutions euro­péennes. M. Razzouk vise en outre à obtenir le droit à une pension d'orphelin pour son fils, né de son mariage avec la fonctionnaire décédée, tandis que M. Beydoun réclame, à titre subsidiaire, un droit à la pension en vertu de l'article 23 de l'annexe VIII du statut.

Sur la recevabilité.

,Le recours de M Beydoun.

10. - Contre le recours de M. Beydoun, la Commission soulève, en tout premier lieu, une exception tirée de la tardiveté de la réclamation et fondée sur les délais prescrits aux articles 90 et 91 du statut. Comme la demande a été introduite le 16 juillet 1980, elle devrait être considérée comme ayant été implicitement rejetée le 16 novembre 1980, en l'absence de décision explicite intervenue avant cette date. M. Beydoun aurait donc dû introduire sa récla­mation dans les trois mois suivants, à savoir avant le 17 février 1981. Or, la réclamation n'aurait été introduite que le 9 septembre 1981, à la suite· du rejet expli-. cite.

11. - Le requérant fait valoir que l'arti­cle 90 du statut n'est pas applicable en l'espèce et que c'est la décision explicite du 12 août 1981 qui constitue le point de départ du délai de réclamation. Il se réfère notamment à la phrase introductive de cette décision qui fait état d'un échange de correspondance ainsi que d'entretiens qu'il a eus à plusieurs reprises avec les services de la Commission. Dans ces circonstances, on ne saurait présumer l'existence d'uri rejet implicite.

613

12. - Aux termes de l'article 91, § 2, du statut, un recours n'est recevable que si l'autorité investie du pouvoir de nomina­tion a été préalablement saisie d'une récla­mation au sens de l'article 90, § 2, et dans le délai y prévu. Selon l'article 90, § 1er, le défaut de réponse à une demande dans un délai de quatre mois vaut décision implicite de rejet et, en vertu du § 2 du même article, cette décision ouvre un délai de trois mois pour l'introduction d'une réclamation. Ce délai n'est pas prolongé ·par le seul fait que la demande a été suivie d'entretiens ou d'une correspondance ne comportant pas de réponse à la demande, sous réserve de l'hypothèse où il serait établi que le non­respect des délais est imputable à la Com­mission, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. .Le délai de réclamation n'est pas rouvert non plus du fait d'une décision explicite postérieure rejetant purement et simple­~ent la demande.

13. - Il convient de souligner que les articles 90 et 91 du statut régissent, de manière générale, la procédure administra­tive préalable à toute saisine de la Cour d'un recours contre urie décision de l'auto­rité investie du pouvoir de nomination et qu'ils sont donc applicables également dans le cas d'espèce. Ainsi que la Cour l'a dit à maintes reprises, entre autres dans l'arrêt du 19 février 1981 (Schiavo, 122 et 123/79, Rec., p. 4 73), les délais prévus par ces articles sont d'ordre public et ne consti­tuent pas un moyen à la discrétion des parties ou du juge.

14. - Il s'ensuit que le recours de JV.L Beydoun est irrecevable et qu'il convient de procéder à l'examen du fond dans le seul cadre du recotrrs de M. Razzouk.

Sur le fond.

15. - Aux termes de l'article 79 du statut, la veuve d'un fonctionnaire ou d'un ancien fonctionnaire a, en règle générale, droit à une pension de survie égale à 60 % de la pension d'ancienneté ou d'invalidité dont son conjoint bénéficiait ou dont il aurait bénéficié s'il avait pu y prétendre, sans condition de durée de service, au moment de son décès. Ce droit est indé­pendant des ressources propres de la veuve et la pension de survie peut même être cumulée avec le traitement éventuel de celle-ci en tant que fonctionnaire commu­nautaire, Au contraire, selon l'article 23 de l'annexe VIII. du statut, le conjoint d'un fonctionnaire de sexe féminin décédé ne peut prétendre à une pension de survie que pour autant qu'il ne bénéficie pas de res­sources propres et qu'il est atteint d'une· infirmité ou d'une maladie grave le rendant définitivement incapable d'exercer une activité lucrative. En outre, le pourcentage fixé pour cette pension de survie est de 50 au lieu des 60 % pour la pension de veuve. Par ailleurs, si les deux types de pensions de survie cessent d'être servis en cas de remariage du survivant, la veuve qui se remarie peut bénéficier du versement immédiat d'une somme en capi­tal égale au double du montant annuel de sa pension de. survie. Les dispositions du statut prévoient ainsi l'application de deux régimes de pensions de survie fondamenta­lement différents, selon que le fonction-

--.~ .. ~ ...

614

naire décédé était du sexe masculin ou du sexe féminin.

16. - C'est donc à juste titre que le requérant reproche à ces dispositions de violer le principe du traitement égal des sexes, principe qui, ainsi que la Cour l'a dit dans son arrêt du 15 juin 1978 (Defrenne, 149/77, Rec., p. 1365), fait partie des droits fondamentaux dont elle a pour mission d'assurer le respect.

17 .. - Dans ledit arrêt aipsi que dans les arrêts du 7 juin 1972 (Sabbatini-Bertoni, 20/71, Rec., p. 345) et du 20 février 1975 (Airola, 21/74, Rec., p. 221), la Cour a reconnu la nécessité d'assurer l'égalité entre travailleurs masculins et travailleurs féminins employés par la Communauté elle-même, dans le cadre du statut des fonctionnaires. Il s'ensuit que, dans les relations entre les institutions communau­taires d'une part, et leurs employés et les ayants droit de ceux-ci, d'autre part, les exigences qu'impose ce principe ne sont nullement limitées à celles découlant de l'article 119 du Traité C.E.E. ou des directi­ves communautaires adoptées dans ce domaine.

18. - n convient donc d'annuler la déci­sion de la Commission du 3 juillet 1981 comme étant fondée sur des dispositions statutaires qui sont contraires à un droit fondamental et donc inapplicables pour autant qu'elles traitent les conjoints survi­vants des fonctionnaires de manière iné­gale selon le sexe de ces personnes.

19. - A la suite de cette annulation, il incombe: au législateur communautaire de tirer les conséquences du présent arrêt en prenant des mesures appropriées pour éta­blir l'égalité des sexes en ce qui concerne le régime de pension communautaire. En attendant, il appartient à la Commission de réexaminer la demande du requérant en appliquant les dispositions statutaires rela­tives à la pension de veuve qui restent, à l'heure actuelle, le seul système de réfé­rence valable. Les sommes .éventuelles à payer au requérant doivent être augmentées des intérêts qu'il y a lieu de fixer au taux de 6 % à partir du 27 juillet 1981, date à laquelle la Commission a reçu la réclamation du requérant au titre de l'article 90, § 2 du statut, ou à partir de la date à laquelle les montants de pension sont devenus payables, si cette date est postérieure à la première.

Par ces 1motifs :

LACOUR,

Déclare et arrête :

1) En ce qui concerne l'affaire 75/82 (Raz-zouk): -

a) La décision de la Commission, du 3 juillet 1981, refusant le droit à la pension de veuf est annulée.

b) La Commission réexaminera la demande du requérant, visant à obtenir une pension de survie, en appliquant les dispositions statutaires relatives à la pension de veuve. Les sommes éventuelles à payer au requérant seront augmentées des intérêts au taux de 6·.% à partir du 27 juillet 1981 ou à partir de la date à laquelle

les montants de pension sont devenus paya­bles si cette date ·est postérieure à la première.

c) Il n'y a pas lieu à statuer sur la demande relative à une pension d'orphelin.

d) La Commission est condamnée aux dépens.

2) En ce qui concerne l'affaire 117/82 (Bey­doun):

a) Le recours est rejeté comme irreceva­ble.

b) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Cour Benelux, 2 avrill984

Siég.: MM. Moons, prés.; Thiry, pr. vice-prés.; Janssens, sec. vice-prés.; Ras, Soetaert, Hess, Mme Rouff, MM. Stranard et Martens, juges.

Av. gén.: M. Krings. Plaid. : MMes Marissens et Godfrin.

(soc. coop. Valois vacances et loisirs c. s.a. Edel bureau Elit.)

LOI UNIFORME BENELUX SUR L'AS­TREINTE. - Article 1385bis du Code judiciaire. - L'astreinte ne peut être pro­noncée qu'à la demande de la partie.- Le juge ne peut la prononcer d'office. -Montant et modalités de la mesure. - Ne doivent pas être fixés par la partie qui la demande. - Appréciation du juge.

Quant à la procédure :

Attendu que le président ·du tribunal de commerce de Bruxelles prie la Cour de justice Benelux de répondre à la question suivante concernant l'interprétation de la loi uniforme Benelux relative à l'astreinte:

Faut-il interpréter les dispositions de la loi uniforme Benelux sur l'astreinte, consti­tuant l'article 1385bis du Code judiciaire belge, là où ce texte dispose que le juge peut, à la demande d'une partie, condamner l'autre partie à astreinte, comme entraînant pour cette partie l'obli­gation d'en fixer le montant et les modali­tés ou ce texte permet-il à la partie qui demande l'astreinte de formuler cette demande dans les termes les plus généraux, sans fixer de montant ou de modalités, laissant ces det:niers points à l'autorité du juge?

Quant au droit:

Vu l'article 1er, alinéa ter de la loi uni­forme relative à l'astreinte;

Attendu qu'il ressort de cette disposition que l'astreinte ne peut être prononcée qu'à la demande de la partie et que le juge ne peut la prononcer d'office;

Attendu que cette disposition, qui ne contient pas d'indication précise quant aux. mesures qui peuvent être prises par le juge aux fins d'inciter la partie adverse à exécu­ter sa décision, a pour objet, suivant l'ex­posé des motifs commun, d'éviter que des

juges n'insèrent l'astreinte dans leur déci­sion sous forme de« clause de style»;

Attendu qu'il faut donc considérer que les mots « à la demande d'une partie >> n'ont d'autre portée que d'interdire aux juges de faire usage du pouvoir qui leur est reconnu dans ladite disposition lorsqu'aucune partie ne le demande et que cette disposi­tion n'oblige pas la-partie demanderesse à mentionner le montant ou les modalités dans sa demande;

qu'au contraire, compte tenu notamment du pouvoir que l'article 2 de la loi uniforme reconnaît au juge en matière de fixation de l'astreinte, admettre pareille obligation ne serait pas conforme auxditès dispositions légales;

Qu'il s'ensuit que les première et seconde parties de la question appellent respective­ment une réponse négative et une réponse affirmative;

Dit pour droit:

Les termes « à la demande d'une partie », contenus dans l'article 1er' alinéa 1er de la loi uniforme Benelux sur l'astreinte n'imposent pas à cette partie l'obligation de fixer le montant et les modalités de l'as­treinte, mais permettent à la partie qui la demande de formuler cette demande sans fixer de montant ou de modalités, laissant ces derniers points à l'autorité du juge.

Cass. (Ire ch.), 11 mai 1984

Siég. : M. Janssens, prés. de sect. Rapp. : M. Janssens, prés. de sect. Min. publ.: M. D'Hoore, av. gén.

(Eroc. gén. près la cour d'appel de Gand en cause V. .. et crts c. s ... ) .

1. ORGANISATION JUDICIAIRE (C. jud., art. 88, § 2).- Tribunal de première instance. - Répartition des affaires civiles entre les sections, les chambres ou les juges. - Il. DROIT DE VISITE. -Réclamé par des grands-parents d'un mineur. -Attribution de l'affaire au tribu­nal de la jeunesse.

I. - Le droit de visite des grands-parents n'est consacré par aucun texte de loi. Bien que constituant un droit autonome, il porte atteinte au droit de garde des parents de l'enfant mineur.

IL - Il est -conforme à la volonté du législateur que le juge de la jeunesse statue sur la demande de droit de visite introduite par les grands-parents du mineur.

(Traduction)

Ouï M. le président de section Janssens en son rapport et sur les conclusions de M. D'Hoore, avocat général;

Vu l'ordonnance attaquée, rendue le 2 novembre 1983 par le président du tribunal de première instance de Gand;

Attendu que les parents du mineur M ... S ... sont divorcés, que l'administration de sa personne a été confiée à son père et que · ses grands-parents maternels sollicitent un droit de visite;

Qu'un incident a été soulevé quant à la question de savoir si la cause devait être attribuée à la chambre civile du tribunal de première instance ou au tribunal de la jeunesse; qu'en application de l'article 88, § 2 du Code judiciaire, le président du tribunal de première instance a statué par ordonnance et a décidé d'attribuer la cause au tribunal de la jeunesse;

Sur le moyen pris de ce qu'en vertu de l'article 568 du Code judiciaire seule la chambre civile du tribunal de première instance est compétente ratione materiae pour connaître des actions de toute nature, que le principe de la compétence limitée du tribunal de lÇL jeunesse pour statuer sur les actions que lui défère la loi du 8 avril1965, est communément admis, que la demande des grands-parents tendant à exercer un droit de visite à l'égard de leur petit-enfant ne figure pas parmi les actions civiles dont cette loi réserve de manière limitative et exclusive la connaissance au tribunal de la jeunesse et que, compte tenu de la compé­tence générale que lui attribue l'article 568 du Code judiciaire, seule la chambre civile du tribunal de première instance est compé­tente pour statuer sur la demande des grands-parents :

Attendu que le Code judiciaire établit une distinction entre, d'une part, les conflits sur la compétence dont il traite sous le titre IV de la troisième partie et sur lesquels statue le tribunal d'arrondissement et, d'autre part, les incidents, fussent-ils relatifs à la compétence, concernant la répartition des affaires civiles parmi les sections, les cham­bres ou les juges d'un même tribunal de première . instance, dont le Code judiciaire traite dans son article 88, § 2; ·

Attendu que le droit de visite des grands-: parents n'est consacré par aucun texte de loi;

1

Que la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de !~jeunesse établit un tribunal de la jeunesse\ qui, suivant l'intention du législateur, doit être particulièrement expérimenté pour statuer dans les matières qui concernent la jeunesse et qui doit disposer de moyens appropriés;

Attendu que, bien qu'il constitue un droit autonome, le droit de visite des grands­parents porte atteinte au droit de garde des parents;

Attendu qu'il est conforme à la volonté du législateur que le J1;1ge de la jeunesse statue sur la demande litigieuse des grands­parents;

Attendu qu'en ce qui concerne l'incident relatif à l'attribution de la cause, le prési­dent du tribunal de première instance a décidé légalement qu'il y a lieu de l'attri­buer au tribunal de la jeunesse;

Que le moyen manque en droit;

OBSERVATIONS. -L'important arrêt annoté, rendu en langue néerlandaise, a récemment paru dans le Rechtskundig Weekblad (1984-1985, col. 125). Sa publica­tion y est suivie d'une courte mais subs­tantielle note du professeur Jean Laenens.

Fort pertinemment, cet auteur relève que la Cour de cassation, enfin saisie de la question litigieuse, a mis un terme à plus de quinze années de controverses et de divergences jurisprudentielles. concernant la compétence du tribunal civil ou du

. tribunal de la jeunesse, pour connaître des demandes de droit de visite formées par des grands-parents. M. Laenens remarque fort à propos qu'il est pareillement conforme à la volonté du législateur que soient défé­rées . au tribunal de la jeunesse une série d'autres contestations, notamment celles qui ont pour objet la garde (ou le droit de visite) des enfants naturels ainsi que des enfants de parents divorcés par consente­ment mutuel. Et l'auteur de la note termine en citant les références · de là doctrine la plus autorisée qui traite de cette << problématique ».

Faut-illimiter la compétence du tribunal de la jeunesse aux affaires dont la connais­sance est in terminis attribuée à cette juridiction par la loi, · selon la lettre de l'article 7' alinéa 1er de la loi du 8 avril 1965 ? Faut-il au contraire reconnaître aux juges de la jeunesse une compétence géné­rale pour trancher les conflits intéressant des· mineurs d'âge, dès lors que, en l'absence de texte formel rendant le tribu­nal civil compétent, le législateur a mani­festé son intention de faire juger de tels litiges par des juges qui soient (comme le dit la Cour) <<particulièrement . expéri­mentés pour statuer dans des matières qui concernent la jeunesse » et qui, en outre, «disposent de moyens appropriés».

Voici donc qu'à plus de seize ans de distance, l'arrêt de la Cour suprême fait écho à l'interprétation préconisée par Cl. Delnoy-Margrève, qui, dans ce journal, flvait avec fougue et talent soutenu la thèse ~ maximaliste » (J. T., 1968, pp. 197 et s., <<'L'art 7, al. 1er de la loi du 8 avril1965 et les attributions civiles du juge de la jeu­nesse n).

Depuis lors, la jurisprudence était divi­sée. Selon que l'affaire était introduite à Liège ou à Anvers, à Gand, à Mons ou à Bruxelles, elle était traitée par d'autres méthodes et suivant une approche diffé­rente, par des magistrats .inégalement

· sensibilisés et familiarisés aux problèmes des jeunes.

Les tenants de la position<< minimaliste »

voyaient leur opinion confortée par la doc­trine des auteurs du V 0 << Protection de la jeunesse,, dans Les Novelles (éd. Larcier, 1978), nos 522 et s., notamm.les nos 540,564 à 566 et 581. Tout récemment, le V0 <<Puis­sance paternelle. -Autorité parentale » du Répertoire pratique de droit belge (éd. Bruy­lant, compl. 1983), nos 134, 17 4 et 177, adoptait une même opinion sur la compé­tence restreinte du tribunal de la jeunesse, à défaut de disposition légale lui donnant compétence pour tel type de litige. De lege ferenda, une autre solution était cependant souhaitée ... (ibid., n° 134).

Aujourd'hui, pour le plus grand profit de la paix judiciaire et de l'indispensable sécurité jùridique, l'on sait enfin à quoi s'en tenir. Personne ne s'en plaindra!

A. K.

Bruxelles (7e ch.), 27 juin 1984

615

Siég. : M. Ruttiens, prés.; Mmes Closset et Lumen. Min. publ.: M. Van Laethem, pr. av. gén. Plaid. : lVIMes Caillot (barreau de Paris), Francotte,

Hannequart et Simar (barreau de Liège).

(Association des entrepreneurs de montage de Belgique c. Costentin et crts.)

DROIT SOCIAL. - Traité de Rome, article 60, alinéa 3. - Portée. Employeur d'un Etat membre, travaillant occasionnellement et temporairement, avec son personnel habituel, dans un autre Etat membre. - Législation sociale de ce dernier.- Application à ces travailleurs.

Imposer aux employeurs d'un Etat mem­bre de la Communau.té économique euro­péenne, travaillant occasionnellement et temporairement, mais avec son personnel habituel, dans un autre Etat membre de la Communauté, de respecter, outre ses propres dispositions légales nationales, celles de cet autre Etat, lorsqu'il s'agit de réglementa­tions telles celles relatives au montant des salaires et accessoires et aux rémunérations afférant aux jours fériés, pourrait paraître contraire à l'objectif du Traité de Rome, un tel cumul s~opposant à la libre concurrence et à la libre circulation des services au sein du Marché commun.

Si un tel cumul est effectivement créateur de discriminations manifestes, contraires aux buts essentiels du Traité de Rome, il convient toutefois de souligner que celui-ci admet, au moins implicitement le principe en disposant en son article 60, alinéa 3, que le prestataire de service exerçant à titre temporaire son activité dans le pays où la prestation est fournie, doit le faire dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants.

Dès lors, lorsqu'une société de droit français, ayant son siège et ses ateliers en France et dont tous les ouvriers sont de nationalité française, effectue en Belgique, au moyen de ce personne~ un travail occa­sionnel et temporaire, elle se doit d'observer la législation sociale belge, notamment en matière de salaire - horaire minimum, paiement d'une prime de fin d'année, remboursement des frais de déplacement des travailleurs, paiement du sursalaire dû pour les heures supplémentaires, et paie­ment de la rémunération afférente aux jours fériés.

L'inobservation de ces dispositions d'or­dre public est punissable selon la loi belge.

Attendu que · la réalité des omissions reprochées est établie;

Attendu que par le seul fait qu'elles sont assorties de peines et, par conséquent, érigées en infractions, les dispositions léga­les enfreintes sont d'ordre public, sans qu'il importe qu'il s'agisse de réglementations en matière sociale, la cour estimant d'ail~ leurs dépourvue de portée juridique l'ex­pression << ordre public social » dont il fut fait usage au cours des débats;

-~-~

616

Qu'en conséquence et en vertu de l'article 3 du Code pénal, les dispositions légales basant les présentes poursuites sont, en principe, applicables aussi bien aux étrangers qu'aux Belges;

Qu'elles ne pourraient cepÊmdant être appliquées si elles contrevenaient aux Trai­tés et Conventions internationales sous­crites par la Belgique;

Attendu que les prévenus reconnaissent que les dispositions légales dont l'inobservation leur est reprochée leur seraient applicables si la société de droit français dont ils sont les organes s'était installée en fait en Belgique ou si elle employait en Belgique des ouvriers de nationalité belge ou étrangère domiciliés en Belgique mais que tel· n'est pas le cas, leur société, employeur des trente-neuf ouvriers concernés, ayant son siège et ses ateliers en France, lesdits ouvriers étant tous de nationalité française et le travail qu'elle effectuait en Belgique avec son personnel étant occasionnel et temporaire puisque devant être exécuté en deux· mois et demi environ;

Attendu qu'ils déduisent de ces circons­tances qu'il serait contraire à l'objectif du Traité de Rome d'imposer aux employeurs d'un Etat membre de la Communauté économique européenne travaillant occa­sionnellement et temporairement mais avec son personnel habituel dans un autre Etat membre de la Communauté, de respecter, outre ses propres dispositions légales nationales, celles de cet autre Etat lorsqu'il s'agit de réglementation à caractère social stricto sensu telles, comme en l'espèce, celles relatives aux montants des salaires et accessoires (notamment : primes, frais de déplacement, sursalaire pour heures supplémentaires) et aux rému­nérations afférentes aux jours fériés, un tel cumul s'opposant à la libre concurrence et à la libre circulation des services au sein du Marché commun;

Que, subsidiairement, ils soutiennent que si, dans un cas comme celui de l'espèce, la réglementation belge en matière de<< salai­res minima » pouvait être imposée aux employeurs des autres Etats membres, encore ne pourrait-il s'agir que du mini­mum s'appliquant à toutes les catégories de salariés et non des minima ne concernant que certaines catégories d'entre eux ou qui ne seraient applicables que sur certaines parties du territoire;

Attendù qu'il n'apparaît pas possible sinon même concevable que l' èmployeur puisse soustraire son personnel aux effets conjugés de. sa législation nationale et des conventions le liant à chacun de ses travail­leurs pour la dur,ée d'un travail temporaire - et pouvant même ne pas dépasser un jour - dans un autre Etat membre;

Qu'en conséquence les présentes poursui­tes supposent que l'employeur serait tenu de respecter à la fois les réglementations sociales de son pays et celles de la Belgique pour son personnel temporairement

·détaché en Belgique et cela pour la d'urée de ce détachement;

Qu'à titre d'exemple puisé dans l'espèce; on ne voit pas que l'employeur puisse

imposer à son personnel français occupé en Belgique durant tout le mois de juillet, de remplacer le jour férié rémunéré· du 14 juillet par celui du 21 juillet, ce qui le met dans l'obligation de rémunérer un deuxième jour férié célébrant cependant une autre fête nationale que celle des bénéficiaires;

Attendu que la cour estime également qu'un tel cumul - outre qu'il est source de complications et difficultés administratives pouvant être considérables sinon même insurmontables- est créateur de discrimi­nation manifeste et qu'Ù s'oppose ainsi aux buts essentiels du Traité de Rome;

Attendu cependant que s'il apparaît particulièrement souhaitable que le droit reconnu aux employeurs de l'un des Etats membres de faire exécuter dans un autre un travail-temporaire (voy. art. 60, Traité de Rome) doit être assorti de l'exclusion ou tout au moins de la limitation d'un tel cumul, il demeure que la lettre du Traité de Rome non seulement n'y fait pas obst~cle mais même l'admet, au moins implicite­ment;

Qu'en effet, l'alinéa 3 de l'article 60 du Traité précise que le prestataire de services exerçant <<à titre temporaire son activité dans le pays. où la prestation est fournie » doit le faire << dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants»;

Qu'il doit d'autant plus être attribué à cette disposition un caractère général que le Traité a prévu des dispositions particu­lières et, par conséquent, dérogatoires pour certaines activités, telle celle des trans­ports. internationaux pour laquelle il est d'évidence que ledit cumul serait imprati­cable;

Attendu en conséquence que les omis­sions reprochées sont punissables dans le chef des prévenus;

Qu'il résulte cependant des considéra­tions qui précèdent qu'elles justifient les plus larges circonstances atténuantes en sorte qu'elles ne pourraient être réprimées que par des peines de police, ce qui oblige la cour à constater l'extinction · de l'action publique par prescription, plus de deux ans s'étant écoulés depuis la date des faits et bien avant le 18 juin 1983, date du pourvoi en cassation;

Civ. Bruxelles (2e ch.), 29 juin 1984

Siég.: Mme Velu, juge ff. de prés.; MM. Saint-Remy, juge; Charlot, av. assumé. ·

Plaid. : MMes Legros et Lefevre loco Verbist.

(Servotte c. exécutif flamand -Servotte c. communauté flamande.)

1. EXECUTIF FLAMAND.- Dépourvu de la personnalité juridique. - II. ENSEI­GNEMENT.- ECOLES DE MUSIQUE.­Activités relevant des matières culturelles.

1. - L'exécutif flamand est dépourvu de ia personnalité juridique, celle-ci n'ayant été accordée, par l'article 3 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réforme institutionnelle, qu'à la èommunauté flamande, la communauté française, la région flamande et la, région wallonne.

Il. - Les écoles de musique échappent à la structure générale de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur qui relèvent de la compétence nationale.

En effet, lors des travaux préparatoires de la loi du 8 août 1980, elles ont été considé­rées comme des institutions dans lesquelles se donne <c une formation artistique », ce qui implique qu'elles ne dispensent pas un cc enseignement '' au sens de l'article 59bis, § 2, 2° de la Constitution, mais exercent une activité qui relève cc des matières culturel­les» visée à l'article 59bis, § 2, 1° de la Constitution.

Il s'ensuit que le personnel enseignant d'une académie de musique relève de la communauté.

I. - Objet de la demande.

Attendu que la demande tend à entendre condamner la défenderesse à prendre tou­tes les mesures nécessaires en vue de mettre fin aux troubles anormaux du voisi­nage dont est victime le demandeur et à entendre dire qu'à défaut de ce faire, elle sera tenue au paiement d'une indemnité de 5.000 F par jour tant que le trouble subsistera;

Attendu que le demandeur expose qu'il est propriétaire d'un immeuble mitoyen de l'internat de l'Académie royale de musique d'Etterbeek;

Que les élèves qui fréquentent cet établis­sement travaillent sur des instruments de musique particulièrement bruyants (notamment des cuivres et des percussions) et ce jusqu'à des heures très avancées dans la soirée;

Attendu que le demandeur fait valoir en outre que ce trouble constitue une faute au sens de l'article 1382 du Code civil;

II. - Connexité.

Attendu que le demandeur a d'abord cité, par exploit du 2 juin 1982, l'exécutif fla­mand (R.G., n° 141.670) puis, par exploit du 7 février 1983, la communauté flamande (R.G., n° 151.793);

Que ces deux causes ayant le même objet, il y a lieu de les joindre comme connexes;

III. - Recevabilité de la demande.

1) En tant que· dirigée contre l'exécutif flamand.

Attendu que l'exécutif flamand est dépourvu de la personnalité juridique, celle-ci n'ayant été accordée, par l'article 3 de la loi spéciale du 8 aoûtl980 de réformes institutionnelles, qu'à la communauté fla­mande, la communauté française, la région flamande et la région wallonne;

Que la demande introduite par exploit du 2 juin 1982 est, partant, non recevable;

2) En tant que dirigée contre la commu­nauté flamande.

Attendu, que la défenderesse fait valoir que l'immeuble mitoyen à celui du demandeur est la propriété du Fonds des bâtiments scolaires et dès lors de l'Etat belge;

Que, d'autre part, les établissements ou sections d'établissements d'enseignement qui se rattachent à l'enseignement secondaire, en ce compris l'enseignement secondaire artistique, ou à l' ense!gnement supérieur, tels qu'ils sont organisés par la loi du 19 juillet 1971 relative à la struct~e générale et ~ l'organisation de l'enseigne­ment secondaire, et par la loi du 7 juillet 1970 relative· à la structure générale de l'enseignement supérieur, sont gérés par le ministre de l'Education nationale et sont à charge de son budget;

·Que les humanités artistiques telles qu'enseignées dans l'école dont l'internat est installé dans l'immeuble à coté de la maison du demandeur, font partie de l'enseignement secondaire de type II orga­nisé par l'arrêté royal du 30 juillet 1976 relatif à l'organisation de l'enseignement secondaire;

Que l'inscription des crédits nécessaires au fonctionnement ou à la subsistance de ces établissements au budget de l'Educa­tion nationaie implique que les traitements des instituteurs de ces écoles sont payés par l'Etat belge;

Que par conséquent, aussi bien l'immeu­ble mitoyen à celui du demandeur que le personnel enseignant de l'école, relèvent de la compétence nationale;

Attendu que, l'article 59 bis, § 2 de la · Constitution dispose ce qui suit :

<< Les conseils de communauté, chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret : » 1 o les matières culturelles; >> 2° l'enseignement, à l'exclusion de ce qui

a trait à la paix scolaire, à l'obligation scolaire, aux structures de l'enseigne­ment, aux diplômes, aux subsides, aux traitements, aux normes de population scolaire;

» 3° la coopération entre les communautés ainsi que la coopération culturelle internationale»;

Attendu que, si l'enseignement artistique relève, en général, de la . compétence des communautés en vertu de l'article 59bis, § 2, 2° de la Constitution - compétence limitée ainsi qu'il est prévu par cette disposition - le législateur a cependant réservé un sort particulier aux écoles de musique;

Que, déjà, le pacte scolaire traduit dans la loi du 29 mai 1959 ne leur a pas été rendu applicable;

Que, contrairement à ce que soutient la défenderesse, elles échappent à la structure générale de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur;

Que, lors des travaux préparatoires de la loi du 8 août 1980, elles ont été considérées comme des institutions dans lesquelles se donne une <<formation artistique», ce qui implique qu'elles ne dispensent pas un << enseignement » au sens de l'article 59 bis,

§ 2, 2°, mais exercent une activité qui relève des << matières culturelles » visées à l'article 59 bis, § 2, 1 o de la Constitution (déclaration du ministre de la Communauté française, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1979-1980, 434, n° 2, pp. 111 et 112);

Qu'en vain la défenderesse invoque le fait que les crédits nécessaires au fonctionne­ment ou à la subsidiation des établisse­ments seraient inscrits au budget de l'Edu- · cation nationale;

Que le budget n'est pas un acte normatif;

Que, pas plus que les modalités de gestion administrative, il ne peut avoir pour effet d'amender une disposition de la Constitu~ tion telle que l'article 59 bis, § 2;

Qu'il s'ensuit que le personnel ensei­gnant de l'Académie de musique mise en cause relève de la communauté flamande;

Que, par ailleurs, l'action étant fondée sur l'article 1382 du Code civil, il est, en tout état de cause, sans pertinence de déterminer qui est propriétaire du bâti­ment abritant ladite Académie;

Que la demande est, . partant, recevable en tant qu'elle est dirigée contre la commu­nauté flamande;

(Suite sans intérêt)

INDTES DE JURISPRUDENCE!

RESPONSABILITE

RESPONSABILITE. -FAUTE. -Rou­lage. - Usager circulant sur une voie prioritaire déclaré seul responsable de l'ac­cident. - Décision ne constatant pas que le conducteur prioritaire aurait été la cause d'une erreur invincible de la part du débi­teur de la priorité. - Décision non légale­ment justifiée.

Attendu que le jugement constate que le véhicule du défendeur empiétait sur la voie prioritaire au moment de la collision, sans mentionner que le défendeur ne s'était engagé sur cette voie que dans la mesure indispensable pour s'assurer de la présence d'un conducteur sur celle-ci et avec la prudence requise pour le faire sans risque d'accident, eu égard au comportement prévisible d'un éventuel conducteur prioritaire;

Attendu que la priorité de passage du conducteur circulant sur la voie prioritaire s'étend à toute la largeur de cette voie et est indépendante de la manière dont il circule; que le juge ne peut exonérer le débiteur de priorité que s'il constate que le comportement du conducteur prioritaire a déjoué les prévisions raisonnables de l'usager débiteur de priorité et qu'il a donc été pour celui-ci la cause d'une erreur invincible;

Attendu que le jugement ne justifie pas légalement sa décision d'attribuer l'entière responsabilité de l'accident au demandeur en se bornant à énoncer qu'il n'est pas établi que le véhicule du défendeur se trouvait en mouve­ment et que ce véhicule ne pouvait constituer une gêne sérieuse pour le demandeur qui roulait trop vite sur une chaussée large de sept

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mètres où il aurait pu poursuivre sa route de manière rectiligne au lieu de tenter une manœuvre d'évitement inopportune et ineffi­cace.

(Cass., 2e ch., 16 mai 1984. -Prés. : M. Stranard, prés. de sect.; Rapp. : M. Resteau, cons.; Min. puhl. : Piret, av. gén.; Plaid~ : MMes Dassesse et Van Ryn. - En cause : Schoonbroodt c. Widy).

RESPONSABILITE.- LIEN DE CAU­SALITE.- Interposition d'une obligation contractuelle entre la faute et le dommage allégué. - Ne suffit pas à établir la rupture du lien de causal;ité. - Conditions de cette rupture. -ASSURANCE RESPONSABI­LITE CIVILE AUTOMOBILE. - Acci­dent. -Majoration de la prime d'assurance (clause bonus-malus).

Sur le moyen pris de la violation des articles 1168, 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil,

en ce que le jugement déclare non fondée la demande dirigée par le demandeur contre la défenderesse, tendant au paiement de . la somme de 15.584 F à titre de dommages-inté­rêts, au motif qu'en ce qui concerne le dom­mage résultant d'une mode de calcul bonus­malus plus défavorable, la majoration de la prime résulte de la convention d'assurance avenue entre le demandeur et son assureur et imposant des obligations potentielles au demandeur; qu'en cas d'accident, comme en l'espèce, la prime est majorée conformément au taux du bonus-malus convenu, plus défavo­rable, qu'eu égard au fait que cette obligation potentielle devient effective, le demandeur ne peut en faire supporter la charge par la défenderesse, responsable de l'accident; que le fondement juridique de ce dommage résulte de la situation juridique contractuelle du demandeur, par laquelle le lien de causalité existant entre la faute du préposé de la défenderesse et le dommage a été rompu,

alors que, première branche, le contrat d'assurance conclu par le demandeur et qui prévoit une réduction de la prime d'assurance due par le demandeur au cas où aucun accident ne lui arrive ne constitue pas un fondement juridique qui puisse rompre le lien de causalité existant entre la · faute du préposé de la défenderesse et le dommage subi par le demandeur; qu'en effet, les clauses du contrat relatives au mode de calcul bonus-malus ont spécialement pour objet l'éventuelle surve­nance d'accidents causés. par le véhicule en question et que ce n'est que par la faute du préposé de la défenderesse que le b'énéfice dudit contrat, conclu avant l'accident, a été perdu; que, dès lors, le lien de causalité entre la faute et le dommage n'a pas été rompu (violation des art. 1382, 1383 et 1384, al. 3, C. civ.J,;

seconde branche, le fait que les clauses du contrat relatives au mode de calcul bonus­malus contiennent un engagement potentiel, ne justifie pas légalement le rejet de la demande de dommages-intérêts du demar:tdeur; qu'en effet, la nature potentielle de ces clauses ne concerne pas le lien de causalité, mais le degré de certitude du dommage; que, d'ailleurs, la perte d'une chance peut donn~r lieu à indemni­sation (violation des art. 1168, 1382, 1383 et 1384, al. '3, C. civ.) :

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Quant à la première branche :

Attendu que le jugement constate que, conduisant le véhicule du demandeur, le pré­posé de la défenderesse a causi un accident et qu'en conséquence, sur la base de la police d'assurance qu'il a souscrite, le demandeur doit payer une prime plus élevée; que certes les juges admettent que le demandeur subit un dommage, mais considèrent que l'obligation contractée a rompu le llende-causalité entre ce dommage et la faute commise par le préposé de la défenderesse;

Attendu que la constatation que des frais exposés ou une prestation sont fondés sur une obligation contractuelle, ne suffit pas pour conclure à la rupture du lien de causalité existant entre l'acte illicite d'un tiers et ces frais ou cette prestation; que l'existence d'une obli­gation contractuelle peut toutefois empêcher que naisse un dommage au sens de l'article 1382 du Code civil, spécialement lorsque, suivant le contenu ou l'économie de la conven­tion les frais à exposer ou la prestation doivent définitivement rester à charge de celui qui s'est obligé, même lorsque la circonstance donnant lieu au paiement ou à la prestation convention­nellement prévus est une conséquence de l'acte illicite;

Qu'en déclarant non fondée, sur la base des motifs reproduits au moyen, la demande de la demanderesse tendant à la réparation du dom­mage, consistant dans la majoration de la prime d'assurance conformément à la clause prévoyant le mode de calcul bonus-malus, l'arrêt viole l'article 1382 du Code civil;

Qu'en cette branche, le moyen est fondé;

Par ces motifs :

LA COUR,

Casse le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la demande du demandeur tendant à la réparation du dommage résultant de la majoration de la prime.

( Cass., 1re ch., 9 mars 1984. - Prés. : M. Janssens, prés. de sect.; Rapp. : M. Rauws, cons.; Min. publ. : M. Declercq, av. gén.; Plaid. : MMes Houtekier et De Bruyn. - En cause : V anvoorden c. s.,a. Sima Car. -Traduction).

RESPONSABILITE. - LIEN DE CAU­SALITE.- Interposition d'une obligation contractuelle, légale ou réglementaire entre la faute et le dommage allégué. -Rupture du lien de causalité. - Condi­tions. - Cause juridique propre suffisant à rendre compte de l'exécution de l' obliga­tion. - Exception. -Dommage exception­nel.

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil,

en ce que, bien qu'il constate expressément que la somme de 11.440 F réclamée par le demandeur cc représente le montant des frais qu'il a exposés pour la réparation du dommage subi ... par la faute de l'assuré de la défende­resse», le jugement déboute le demandeur de son action aux motifs, notamment, qu'en faisant dégager la chaussée, le demandeur a rempli une obligation que la loi lui impose et

cc qu'il y a rupture du lien de nécessité lorsqu 'il s'interpose entre la faute et le préjudice une cazise juridique propre, distincte - contrat ou obligation légale - ou réglementaire; qu ~il en résulte qu'en principe le demandeur ne peut, en se basant sur l'article 1382 du Code civil, demander à l'auteur d'un dommage le remboursement de frais exposés en vertu d'une obligation légale ou réglementaire ... »; qu'il y a âonc lieu d'admettre que le demandeur cc ne peut demander le remboursement des frais exposés que s'il établit que ces frais ne décou­lent pas de la loi ou d'un règlement ... »; or, les travaux ont été exécutés· par les cc ouvriers de la Régie, donc sans appel à des tiers »,

alors que quiconque cause à autrui un dommage est tenu de le réparer; qu'en l'espèce, le jugement constate que le camion conduit par l'assuré de la défenderesse a déversé sur la chaussée vingt tonnes de terres et débris de maçonnerie; que cette situation dommageable trouve incontestablement sa cause dans la faute commise par l'assuré de la défenderesse; que le fait que le demandeur avait l'obligation légale d'y remédier n'est certainement pas la cause ou l'une des causes du dommage, celut-ci existant en dehors de toute obligation légale du demandeur de le réparer; qu'en d'autres mots, le dommage du demandeur ne résulte pas, uniquement tout au moins, de l'obligation qu'il avait de nettoyer la chaussée, mais de la faute commise par l'assuré de la défenderesse; qu'en réalité, même sans obligation légale de réparer, le demandeur aurait été contraint de nettoyer ou de faire nettoyer la chaussée; qu'il est certain, par conséquent, que son obligation de dégager la chaussée n'a pas rompu le lien existant entre la faute de l'assuré de la défende­resse et le dommage litigieux; et alors que, partant, ayant relevé que la somme de 11.440 F réclamée par le demandeur repré­sentait « le montant des frais que celui-ci a exposés pour la réparation d'un dommage subi par la faute de l'assuré de la défenderesse », le jugement n'a pas pu légalement décider que l'obligation légale imposant au demandeur de dégager la chaussée constituait une cause juridique propre de son dommage et rompait la relation entre celui-ci et la faute commise par l'assuré de la défenderesse (violation des art. 1382 et 1383, C. civ.) :

Attendu qu'en décidant que le demandeur a rempli une obligation que la loi lui impose en faisant évacuer les terres et débris déversés sur la chaussée par le camion que conduisait l'assuré de la défenderesse, qu'il y a rupture du lien de causalité lorsqu 'il s'interpose entre la faute et le préjudice une cause juridique propre, comme un·. contrat ou une obligation légale ou réglementaire, qui, à elle seule, suffit à rendre compte de l'exécution, et qu'il en résulte qu'en principe le demandeur ne peut, en se basant sur l'article 1382 du Code civil, demander le remboursement des frais exposés en vertu d'une telle obligation, le jugement ne viole aucune des dispositions légales visées au moyen;

Que le moyen ne peut être accueilli;

Sur le second moyen, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil,

en ce· que, bien qu'il constate que la somme de 11.440 F réclamée par ledemandeur repré­sente cc le montant des frais qu'il a exposés pour la réparation du dommage subi ... par la faute de l'assuré de la défenderesse», le jugement déboute le demandeur de son action aux motifs que c'est en vertu d'une obligation légale que le demandeur a fait dégager la chaussée et que l'interposition de cette obliga-

tion légale entre la faute de l'assuré de la défenderesse et les _frais de dégagement de la chaussée rompt la relation causale entre ces événements,

alors que, première branche, la relation causale entre une faute et les frais exposéspar une autorité publique n'est rompue que si cette autorité publique a exposé ces frais unique­ment pour s'acquitter d'une obligation légale ou réglementaire; qu'en l'espèce, le jugement constate que les frais exposés par le demandeur l'ont été pour réparer le préjudice qu'il avait subi à la suite de la faute commise par l'assuré de la défenderesse; qu'il s'ensuit que le demandeur a exposé ces frais, non seulement pour s'acquitter de ses obligations légales et réglementaires, mais également pour réparer le préjudice qu'il avait subi; d'où il suit que c'est illégalement que le jugement décide que l'existence de cette obligation légale ou régle­mentaire rompait le lien de causalité entre la faute de l'assuré de la défenderesse et les frais exposés pour le dégagement de la chaussée (violation de toutes les dispositions visées au moyen);

seconde branche, qu'à tout le moins le jugement ne constate d'aucune manière que les frais exposés par le demandeur pour dégager la chaussée l'ont été pour s'acquitter uniquement d'une obligation légale ou réglementaire; d'où il sziit que le jugement n'est pas légalement justifié en tant qu'il décide que la relation causale entre la faute de l'assuré de la défende­resse et les frais de dégagement de la chaussée a été rompue (violation de toutes les dispositions visées au moyen) :

Attendu que le jugement énonce «qu'en droit il y a rupture du lien de nécessité lorsqu 'il s'interpose entre la faute et le préjudice une cause juridique propre, distincte - contrat ou obligation légale ou réglementaire - qui,, à elle seule, suffit à rendre compte de l'exécution, qu'en principe le demandeur ne· peut, en se basant sur l'article 1382 du Code civil, demander à l'auteur d'un dommage le remboursement de frais exposés en vertu d'une obligation .légale ou réglementaire, qu'à ce principe il y a lieu de faire des exceptions lorsque l'autorité a subi un dommage excep­tionnel », ce qu'en l'espèce le demandeur n'établit pas;

Qu'ainsi le jugement considère que lesdits frais ont été exposés par le demandeur unique­ment pour s'acquitter d'une obligation légale ou réglementaire;

Qu'en ses deux branches, le moyen manque' en fait.

(Cass., 1re ch., 28 juin 1984. -Prés. : M. Sace, cons. If. de prés.; Rapp. : M. Sace, cons.; Min. publ. .: M. Velu, av. gén.; Plaid. : MMes De Bruyn et V ~n Ommeslaghe.~ - En cause: Etat belge, mm. Trav. publ. c. s.a. Assubel, accidents et dommages).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES­INTERETS. - Agent de la S.N.C.F., victime d'un accident. - Rémunération payée par anticipation conformément au statut de l'agent.- Récupération par l'em­ployeur de la partie de la rémunération couvrant la période postérieure à l'acci-' dent. - Action non fondée.

Attendu que l'arrêt condamne le défendeur du chef d'homicide involontaire d'Hugo ]ans­sens, travailleur au service de la demanderesse, décédé le 11 octobre 1979 des suites d'un accident du roulage causé par le défendeur le 10 octobre 1979; que l'arrêt alloue à la demanderesse une indemnité pour les frais funéraires et une indemnité pour les frais médicaux qu'elle a payés aux ayants droit de la victime; qu'il rejette la demande de la demanderesse dans la mesure où elle tendait au remboursement de la partie de la rémunération mensuelle - 22.573 F- que la demanderesse avait payée par anticipation au membre de son personnel pour la période de la date d' l'acci­dent au 31 octobre 1979;

Attendu que l'arrêt relève, d'une part, sans être critiqué sur ce point, que la rémunération mensuelle que la demanderesse payazt par anticipation à la victime conformément aux dispositions de son statut ne constituait que l'acquittement de sa propre dette existant avant la dette délictuelle du défendeur, et que ce paiement n'a pas été effectué à l'occasion de l'accident; que, d'autre part, l'arrêt constate en fait et, dès lors, souverainement que la demanderesse n'a pas payé la rémunération mensuelle dans le but de garantir la victime ou ses ayantsdroit contre l'insolvabilité éventuelle du tiers responsable; qu'ainsi l'arrêt décide que la demanderesse n'a pas payé la rémunération mensuelle à titre de réparation du dommage subi par la victime ou ses ayants droit et qu'en ce qui concerne ce paiement elle n'a pas agi comme caution du défendeur; qu'en outre l'arrêt considère aussi que la demanderesse n'a pas apporté la preuve d'un dommage propre qui résulterait de ce qu'à la suite du décès de la victime, son préposé, aucune prestation n'a été fournie pour une partie de la rémunération;

Que, partant, l'arrêt justifie légalement le rejet de la demande· de la demanderesse tendant au remboursement de la partie de la rémunération mensuelle payée pour la période de la date de l'accident au 31 octobre 1979.

(Cass., 2e ch., 7 juin 1983. - Prés. : M. Chatel, prés. de sect.; Rapp. : M. Vervloet, cons.; Min. publ. : M. Velu, av. gén.; Plaid. : Me Dassesse. - En cause : Société nationale des chemins de fer belges c. Symons. - Tra­duction).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES­INTERETS.- Paiement par l'employeur de la rémunération revenant à la victime d'un accident pendant la période de ses incapacités temporaires. - ACTION EN REMBOURSEMENT. - Articles 54 et 75 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail. - Tiers responsable, époux de la victime.- Article 1407 du Code civil.­Dette résultant d'une condamnation pénale, d'un délit ou quasi-délit com~s par un des époux. - Dette propre à celui-ci.

Attendu que, aux termes de l'article 1407 du Code civil, sont propres les dettes résultant d'une condamnation pénale ou d'un délit ou quasi-délit commis par un des époux;

Attendu qu'après avoir constaté que le défendeur avait été condamné par jugement rendu le 18 novembre 1982 par le tribunal de police de Bruxelles du chef d'avoir, à l'occasion d'un accident de roulage dont ilétait responsa­ble, involontairement causé des coups ou des blessures à son épouse et relevé que l'objet de l'action exercée par le demandeur contre le défendeur est de récupérer, à charge du défendeur, en se fondant, non sur les droits de la subrogation, mais sur la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, le montant de la rémunération payée à la victime, épouse du défendeur, durant son incapacité de travail et la cotisation patronale y afférente, le tribunal d'appel n'a pu, sans méconnaître les disposi­tions indiquées dans le moyen, rejeter cette demande au motif, d'une part, que «en l'espèce, l'Etat n'exerce pas son recours contre un tiers quelconque mais à l'égard du propre mari de la victime », et, d'autre part, que <<faire droit à la demande reviendrait pratique­ment à condamner l'épouse du défendeur, préposée de l'Etat, à rembourser à son employeur sur les biens de la communauté conjugale les indemnités que ce dernier lui a versées en vertu de ses obligations légales ».

(Cass., 2e ch., 7 décembre 1983. -Prés. : M. Screvens, prés. de sect.; Rapp. : M. Stranard, cons.; Min. publ. : M. Janssens de Bisthoven, av. gén.; Plaid. : Me De Bruyn. -En cause : Etat belge, min. Déf. nat. c. Mollaert).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES­INTERETS.- Victime d'un accident.­Préjudice matériel.- Perte de revenus.­Evaluation.- Elément à prendre en consi­dération. - Possibilités d'une modifica­tion de la législation sociale. - Simple conjoncture. - Ne peut justifier légale­ment l'évaluation tenant compte de sembla­ble conjoncture.

Attendu qu'après avoir constaté que la demanderesse ne subit aucune perte de revenus pour la période se situant entre le 30 mai 1979, date de l'accident, et le 14 septembre 1984, date à laquelle la victime aurait atteint l'âge de la retraite, l'arrêt relève qu.'en ce qui concerne la période postérieure à la mise à la retraite, «il y a lieu de vérifier d'abord quelle perte de revenus la demanderesse aurait éventuellement subie si le fait dommageable ne s'était pas produit, pour déterminer ensuite les domma­ges-intérêts à la date de la décision du juge»; qu'après avoir, à titre indicatif, fixé à 67. 777 F la perte de revenus annuelle de la demande­resse pour cette période, compte tenu de l'indice des prix de détail au 1er avril1981 et de la législation en vigueur à cette date, l'arrêt rejette une capitalisation sur ce montant, au motif« que dans le contexte économique actuel de nombreuses modifications de la législation so.ciale interviennent et sont à prévoir; que la cour ne peut notamment pas nier l'incidence du nouvel arrêté royal du 13 janvier 1983, paru au Moniteur belge du 20 janvier 1983; que cet arrêté entré en vigueur le 1er janvier 1983 serait applicable à la victime; qu'en vertu de l'article 2 de cet arrêté ce n'est que dans une mesure limitée que les indemnités accordées par les lois relatives à la réparation des dommages résultant de maladies professionnelles peuvent

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être cumulées avec des pensions de retraite ou de survie, notamment jusqu 'à concurrence des montants déterminés conformément à l'article 1er de l'arrêté royal du 17 juillet 1974; qu'étant donné que d'autres restrictions peuvent intervenir dans ce secteur, la législation est actuellement trop incertaine pour fonder des calculs d'indemnités et de pensions qui n'au­raient été perçues qu'après septembre 1984 si l'accident ne s'était pas produit; que pour cette raison l'on ne saurait se baser sur les calculs avancés en conclusions par les parties; qu'à défaut de base suffisamment sûre permettant un calcul rigoureusement mathématique du dommage, il y a lieu de recourir à une évaluation ex aequo et bono » :

Attendu que par la considération << que d'autres restrictions peuvent intervenir dans ce secteur » les juges d'appel n'indiquent pas que ces mesures seront certainement prises ou sont raisonnablement à prévoir;

Attendu que pour déterminer ·la réparation due à un préjudicié, le juge ne peut se fonder sur une simple conjoncture telle la possibilité d'une modification de la législation;

Attendu que, partant, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

(Cass., 2e ch., 13 septembre 1983.- Prés. : M. Boon, cons. ff. de prés.; Rapp. : M. Matthijs, cons.; Min. publ. : M. J anssens de Bisthoven, av. gén.; Plaid. : MMes Bützler et De Gryse. - En cause : Dullekens c. Herre­godts et crts.- Traduction).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES­INTERETS. - Ayant droit de la victime décédée. - Préjudice matériel. - Salaire de hase. -·Salaire brut. - Peut être pris en considération.- Conditions.

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil,

en ce que l'arrêt, réformant partiellement le jugement dont appel, porte à 5.411.499 Fen principal l'indemnité due par les demandeurs à la veuve et aux trois enfants de feu Hubert Dumont en réparation du préjudice matériel résultant de la perte des revenus professionnels de celui-ci jusqu 'à l'âge de la pension, condamne solidairement les demandeurs à payer cette somme, majorée des intérêts compensatoires depuis le 13 février 1977 jusqu 'à la date de l'arrêt et des intérêts moratoires depuis cette date jusqu 'au paie­ment, à raison de cinq-quatorzièmes à la veuve et à concurrence de trois-quatorzièmes à cha­cun des trois enfants, aux motifs « que le salaire de base à prendre en considération est le salaire brut; qu'en effet, la destination que la victime réservait à ses revenus, ainsi . que l'usage qu'elle en faisait, sont sans incidence sur l'étendue de la réparation qui incombe au responsable; . . . qu'en l'espèce, la victime proméritait, au moment du décès, un salaire brut de 444.298 F »,dont le montant actualisé est de 610.183 F; que la quote-part du salaire brut destiné à l'entretien personnel de la victime doit être fixée à 30 %; qu'en tenant compte par ailleurs de l'âge de la victime, de sa survie lucrative et d'un taux de capitalisation de 4, 5 % ... , le préjudice matériel résultant de la perte de revenus s'élève à 427.128 F X 12,6695 == 5.411.499 F »,

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alors que, lorsque la détermination du préju­dice qui résulte, pour les ayants droit de la victime d'un accident mortel, de la privation des revenus professionnels de celle-ci, se fait sur la base de la rémunération brute de la victime, sans déduction des charges qui la grevaient, la partie des revenus dont les ayants droit tiraient avantage ne peut être retenue à cet effet que si le juge du fond constate que le montant. des charges qu'ils auront à supporter sur l'indemnité.qui leur sera allouée équivau­dra à celui des charges qui grevaient la rémunération de la victime, d'où. il suit que l'arrêt qui fixe le préjudice des ayants droit de la victime de l'accident mortel sur la base de la rémunération brute de la victime, sans consta­ter que le montant des charges fiscales et sociales que les ayants droit auront à supporter sur l'indemnité équivaudra à celui 'des charges fiscales et sociales qui grevaient la rémunéra­tion de la victime, n'est pas légalement justifié et viole les articles 1382 et 1383 du Code civil:

Attendu que l'arrêt détermine les domma­ges-intérêts devant revenir aux ayants droit de la victime en raison du préjudice résultant de la perte des revenus professionnels de la victime avant la pension en se fondant sur le salaire brut de cette dernière et, par cçmfirmation du jugement dont appel, donne acte à la défende­resse Jacqueline Pouvreau agissant en sa dou­ble qualité de ses réserves pour l'avenir quant aux impôts afférents notamment aux indemni­tés qui lui sont allouées de ce chef et ce, aux motifs indiqués dans le moyen;

Attendu que le montant du salaire brut ne peut être pris en considération que lorsque le juge constate que le montant des charges sociales et fiscales à supporter par les ayants droit est équivalent au montant de celles qui étaient supportées de son vivant par la victime;

Attendu que les constatations de l'arrêt reproduites dans le moyen ne suffisent pas à justifier le calcul des dommages-intérêts procé­dant de la perte des revenus professionnels de la victime avant la pension et l'octroi à la défenderesse Jacqueline Pouvreau de réserves pour l'avenir quant aux impôts afférents aux indemnités qui lui sont allouées de ce chef;

Qu'à cet égard, l'arrêt ne justifie pas légale­ment sa décision;

Que -le moyen est fondé.

( Cass., 2e ch., Il avril 1984. - Prés. : M. Stranard,. prés. de sect.; Rapp. :M. Stranard, prés. de sect.; Min. publ. : M. Ballet, av. gén.; Plaid. : Me Kirkpatrick. - En cause: Moniotte et crts c. Aerts et crts).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES ET INTERETS. - Incapacité permanente partielle. - Evaluation du préjudice. -Période de la date de la consolidation à celle de la décision judiciaire. - Dommage entièrement réalisé. -Ne peut dès lors être calculé par la voie de la capitalisation.

Attendu que, après s'être référé, concernant les incapacités temporaires de travail, à des motifs du jugement dont appel d'où il ressort que celles-ci ont pris fin le 2 mai 1972, date de la consolidation, l'arrêt détermine par la << méthode dite de capitalisation » le montant de l'indemnité destinée à réparer suivant le droit commun le dommage matériel résultant de l'incapacité permanente de travail de 5 % dont la victime reste atteinte; qu'il applique cette méthode en prenant comme base de calcul une rémunération brute de 490.680 F

correspondant à celle que gagnait la victime en 1974, première année de son activitê profes­sionnelle, l'âge de la victime àu début de ladite activité, un taux d'intérêt de 5 p.c. et un coefficient de 15,67; que, après avoir multiplié 490.680 F par 5 %puis par 15,67 et constaté que le total de ces multiplications est de 384.448 F, il condamne la demanderesse à payer à la victime ladite somme de 384.448 F majorée d'intérêts compensatoires depuis le 26 juillet 1974 et d'intérêts moratoires;

Attendu qu'ainsi l'arrêt recourt à la capitali­sation pour fixer le montant total de l'indemnité revenant à la victime en réparation de son incapacité permanente de travail, tant pourle passé que pour l'avenir, bien que, pour le passé, plus précisément pour la période allant de 197 4, année du début de l'activité professionnelle de la victime, jusqu'au 1er mars 1982, date de l'arrêt, le dommage soit entière­ment réalisé;

Qu'en ne distinguant pas le dommage passé, susceptible d'être ·calculé sans capitalisation sur la base de montants exacts réévalués à la date de l'arrêt proportionnellement à l'érosion mon'étaire, du dommage futur non susceptible d'un tel calcul et pouvant, dès lors, être déterminé par capitalisation, l'arrêt viole les articles 1382 et 1383 du Code civil cités dans le moyen;

Attendu que cette illégalité entraîne la cassa­tion de la décision déterminant le montant du capital susdit et, par voie de conséquence, des décisions majorant ce montant d'intérêts compensatoires et moratoires.

(Cass., Jre ch., 12 avrill984. -Prés. :M. Mahillon, prés. de sect.; Rapp. : M. Kreit, cons.; Min. puhl. :Mme Liekendael,av. gén.; Plaid. : Me Simont. - En cause : Société mutuelle des administrations publiques, en abrégé [S,.M.A.P.] c. David et crts).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES­INTERETS. - ACTION EN REPARA­TION. - Tiers responsable décédé au cours de l'instance. - Mise en cause de 1 'époux et du fils mineur de la défunte en qualité d'héritiers. -Article 795 du Code civil. - Délai pour · faire inventaire et délibérer sur l'acceptation de la succession ou la renonciation. - Délai expiré. -Conséquences.

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 784, 793, 800 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt rejette la demande dirigée contre Eddie Vermandel, en sa qualité d'héri­tier de feu Ilona Van den Abeele (et de tuteur de l'autre héritier), au motif que« la demande­resse n'établit pas que le défendeur ait, soit en nom personnel, soit en qualité de tuteur de son fils mineur Franchie, pris dans un acte authentique ou sous seing privé le titre ou la qualité d'héritier ni qu'il ait accompli un acte impliquant nécessairement son intention d'ac­cepter et qu'il ne pouvait accomplir qu'en sa qualité d'héritier »,

alors que les délais pour faire inventaire et délibérer étaient expirés, que le défendeur ne pouvait plus invoquer d'exception à cet égard et qu'il ne l'a d'ailleurs pas fait; que, ensuite de la demande formée par la demanderesse, le défendeur aurait, dès lors, dû exercer son droit d'option concernant la succ.ession, fauté de

quoi il devait être considéré, à l'égard de la demanderesse, comme héritier pur et simple (art. 800, C. civ.); que la seule déclaration du défendeur qu'il n'acceptait pas la succession n'implique aucune option et ne saurait être considérée comme une renonciation ou une acceptation sous bénéfice d'inventaire, celles-ci ne pouvant être faites que par une déclaration au greffe (art. 793 e!_]l}_4,_ C. civ.) :

Attendu__ que par arrêt du 25 septembre 1978 passé en force de chose jugée feu Ilona Van den Abeele avait été condamnée, sur l'action civile de la demanderesse, à payer à celle-ci, en raison des infractions dont elle avait été décla­rée coupable, une indemnité provisionnelle; qu'Ilona Van den Abeele est décédée le 1er avril 1982, laissant comme héritiers son mari Eddie Vermandel et son fils mineur Franchie Vermandel né de leur mariage;

Attendu que la demanderesse, poursuivant l'exercice de son action de réparation de son dommage, a cité ces héritiers devant la cour d'appel;

Attendu que, les délais prévus à l'article 795 du Code civil pour faire inventaire. et délibérer étant expirés et le défendeur n'ayant pas demandé à la cour d'appel, en application de l'article 798 de ce Code, de lui accorder un nouveau. délai pour délibérer sur son accepta­tion ou sur sa renonciation, l'arrêt, par les considérants reproduits au moyen, ne justifie pas légalement sa. décision que « le défendeur n'est tenu des dettes de feu Ilona Van den Abeele, ni en nom personnel ni en qualité de tuteur».

(Cass., 2e ch., 31 janvier 1984.- Prés. :M. Boon, cons. ff. de prés.; Rapp. :M. Matthijs, cons.; Min. puhl. :Mme Liekendael, av. gém; Plaid. : MMes De Roeck [barreau de Gand], Blontrock et Kenis [barreau de Bruxelles]. -En cause: Vermandel c. Union nationale des· mutualités socialistes. -Traduction).

RESPONSABILITE. - DOMMAGES­INTERETS.- VEHICULE ACCIDENTE. - Perte totale. - Véhicule non remplacé. - Remboursement de la t.v.a. - Calculée sur' la valeur du véhicule accidenté. -Illégalité.

Attendu que la personne responsable d'un accident qui a causé la perte totale du véhicule appartenant à autrui ne peut être tenue envers le préjudicié qu'au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée réellement payée lors de l'achat du véhicule de remplacement;

Qu'en effet l'appauvrissement résulte pour le préjudicié du paiement de cette taxe, de sorte que le dommage n'existe que si et dans la mesure où elle a été payée;

Attendu que, dès lors, le jugement qui constate qu'il n'y a pas eu de remplacement du véhicule sinistré et alloue néanmoins au défendeur une somme en remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur la valeur du véhicule lors de l'accident, viole les articles · 1382 et 1383 du Code civil;

( Cass., 1re ch., 21 juin 1984. - Prés. : M. Mahillon, prés. de sect.; Rapp. : M. Mahil­lon, prés. de sect.; Min. puhl. : M. Ballet, av. gén.; Plaid. : Me Simont. - En cause: Assurances générales de France c. Sintobin).

Notes préparées par W. BOURGAUX-HIRSCH.

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CHRONIQUE JUDICIAIRE _ ___,--.. 1 .' ~ ...

LA TIIÉMÎS e.tlesKUSE

Week-end du Jeune barreau de Bruxelles en Ardenne. liégeoise

Dès que les tramways. jaunes écrasent les marrons de nos avenues dans une odeur de feuilles transies et de poussière brûlée par le sabot des freins, j'adresse à cet «automne malade et adoré'» ces vers que j'aime entre tous :

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres Adieu vives clartés de nos étés trop courts J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Ce beau et triste temps fait fuir les « enfants sauvages vers d'autres cieux» et le Jeune bar­reau vers les bois et les champs, par les chemins buissonniers. Sur les pas, cette fois, d'Apollinaire qui a si bien chanté l'automne et dans. les fondrières fangeuses de la Fagne où l'octobre est si beau.

Le 5 octobre 1899, Guillaume Apollinaire quit­tait, à la cloche· de· bois, la pension Constant­Lequeux à Stavelot. Le 5 octobre 1984, le Jeune barreau s'installait à la Ferme Libert. Sans inten­tion de grivèlerie cependànt.

Faisait-il beau pour la randonnée promise ? Franchement nori. Qu'à ce/à ne tienne:

Muse des champs je vous rejoins Ouvrez votre aile, mon amie Nous allons conquérir la pluie !

Bottée, cirée, chapeautée, parapluitée, la troupe des valeureux robins s'étire à la file indienne, sur le bourbeux sentier longeant la Warche, du Burg-Metternich du professeur Overloop (Reinhardstein) au signal de Botrange.

Les bois étaient tout recouverts de brumes basses Déserts, gonflés de pluie et silencieux ...

Je vous célèbrerai cependant,

vous hêtres élancés dont les sommets flottants font le bruit de la mer qui s'approche ou s'éloi­gne ...

On avait pensé pouvoir se remémorer, la marche aide la mémoire,

On le célébra mieux, Apollinaire, · quoiqu'aveé simplicité toujours, dans une admirable soirée où la musique, la peinture et la poésie se joignirent à la ferveur des participants. Ce poète ne fut-il pas, comme Basile Risopou/os, l'encyclopédiste cha­leureux, le rappela, le lendemain, dans l'éblouis­sante présentation qu'il en fit, au musée de Stavelot, le poète de l'esprit nouveau, l'interces­seur des arts jusqu'alors cloisonnés, le combat­tant de première ligne aux « frontières de l'illimité et de l'avenir» ?

François Glansdorff, au piano, ravit ses audi­teurs en exécutant d'un jeu plein de finesse et de complicité avec le compositeur les espiègles « Grossiennes » d'Eric Satie dans le moment même où Edouard Baum dont l'âme artiste s'ex­prime par la photo, nous présentait dans un montage de diapositives, les tableaux les plus sign~ficatifs dont le maitre a parlé dans La revue immoraliste : Rousseau, Derain, Picasso, Lau­rencin, Gleize, Ferat, Kokoschka, Nolde, Marquet, etc ...

Quelques quatrains du bestiaire d'Orphée (qui ne se souvient des bois de Dufy qui les illus­traient ?) furent très joliment dits par Jerrmifer Waldron, l'audacieuse, qui au « chat » sans doute trop connu:

Je souhaite dans ma maison Une femme ayant sa raison Un chat passant parmi les livres, Des amis en toute saison Sans lesquels je ne peux vivre,

préféra le « morpion » écarté du Bestiaire et même de la Pléiade parce que trop libre !

Preumont, le formidable, qui ne craint pas les · gageures, choisit la superbe « Maison des morts ». Il fut écouté avec recueillement et émo­tion dans un silence approprié. Je voudrais encore l'entendre dire ces derniers vers qui consacrèrent son merveilleux talent :

Car y a-t-il rien qui vous élève Comme d'avoir aimé un mort ou une morte On devient si pur qu'on en arrive Dans les glaciers de la mémoire A se confondre avec le souvenir ...

Juliette Laveyt, quant à elle,. accompagnée au piano par François Glansdorff ou à la guitare par Michèle Vrebos, interpréta « Le pont Mirabeau », « Les saltimbanques » et « Si je mourrais là-bas ». Facilité, Facilité, Toutes les grâces de la terre En éventail ... » Un moment de beauté. Une promesse de bonheur. Un instant, fugitif hélas, on se rêve

Aux lisières lointaines , , Stendhal au théâtre de l'Argentins ! Le cerf a brâmé Et que j'aime, ô saison, que j'aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu'on les cueille Le vent et la forêt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne, feuille à feuille Les feuilles qu'on foule ...

L'eau était si entêtante et envahissante, partout, dans fe· sol, dans l'air et dans les bottes qu'on chantait, 'malgré soi, cette parodie de Verlaine, slogan publicitaire commis par Apolli­naire:

Il flotte dans mes bottes Comme il pleut sur la ville Au diable cette flotte Qui pénètre mes bottes !

Si j'ajoute que le lendemain on vit à Stavelot, tandis que les cloches annonçaient l'office, un groupe folklorique danser la maclotte

Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère grand C'est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront · Quand donc reviendrez-vous Marie ?

On me comprendra si j'affirme que la réussite d'une manifestation si accomplie justifierait à elle seule l'existence du Jeune barreau et de son président Olivier Col/on.

1

Pierre BAUTHIER.

Pitié pour le verbe

Seigneur, ayez pitié du verbe ! Ainsi priait Maurice Maeterlinck, alors encore avocat au barreau de Gand.

Qu'eût-il écrit s'il avait chu sur cet « après qu'il eût fait », sur ce « soit réjoui » et sur cet « ait démontré » (J. T., 1984, p. 448, 2e col.), ou encore sur cet« aurait résulté »(p. 451, 3e col.) ?

Il est vrai que la syntaxe des modes des temps n'est pas chose aisée.

Souvenons-nous do'nc que après que régit l'indicatif (après qu'il eut fait... et qu'il se fut réjoui), tandis que, si sans que se construit avec le subjonctif, encore requiert-il que le temps du verbe de la subordonnée corres­ponde à celui du verbe de la principale (une question vint clore ... , non sans que le bâton-nier eût démontré ... ).

Le verbe résulter, à ne pas confondre avec ressortir, offre lui, une double particularité. D'une part, sans être un verbe impersonnel proprement dit, il n'est usité qu'à l'infinitif et à la troisième personne de tous les autres temps. Il se conjugue, de l'autre, avec l'auxi­liaire avoir quand on veut marquer l'action (du mal en a résulté), ou avec l'auxiliaire être, quand on veut marquer l'état (il en est résulté du mal). En l'espèce, le préjudice serait plutôt qu'aurait résulté.

Ne serait-ce pas aussi des usagers du verbe qu'il conviendrait d'avoir pitié ?

* * * Jugement sévère, mais combien équitable

que celui que rendit, le 9 mai 1984, la deuxième chambre du tribunal de première instance de Bruxelles en condamnant l'Etat belge à des dommages et intérêts envers un contribuable taxé injustement (J. T., 1984, p. 529).

Il est écrit en ce jugement que, si l'Etat possède le droit exorbitant de se créer à lui-même des titres exécutoires, le mot exorbi­tant n'est pas pris dans un sens péjoratif.

Serait donc en un sens euphémique ?

N'est en effet exorbitant que ce qui sort des normes, ce qui dépasse la juste mesure, ce qui est excessif. Notre juge n'en a pas moirts raison. Robert souligne en effet pertinem­ment qu'en termes de droit exorbitant est presque synonyme de dérogatoire. Ainsi les règles spéciales de droit public, exorbitantes du droit privé.

C'est à non moins juste titre que ce jugement rappelle la définition légale de la concussion, infraction très différente de celle de corruption.

TERTIUS.

622

BiBLÎOGRAPUiE

H. d'Udek~m d'Acoz : « Le bail à ferme et le droit de préemption », vol. III, t. VI, « Les Novelles »: -Bruxelles, Larcier, 1984, 278 pages.

La collection des Novel/es s'est enrichie en droit civil d'un troisième volume consacré au louage de choses .. Après «Les baux en général» (1964) et «Les baux commerciaux» (1970, réédité en 1984), voici« Le bail à ferme et le droit de préemption ».

Cette législation, par deux fois modifiée en pro­fondeur, s'est de plus en plus particularisée et a pris une ampleur qui réclamait un ouvrage distinct. Une première qu'il convient de saluer.

Le lecteur dispose ici d'une étude compacte et parfaitement à jour de la dernière loi du 4 novembre 1969, complétée par les quelques textes postérieurs sur la cession du droit de préemption, les échanges en propriété de biens loués, la société agricole et le calcul du fermage.

Toutes les questions que soulève ce contrat font l'objet d'un examen attentif: formation, preuve, durée, fin du bail; obligations respectives du bailleur et du preneur; effets du décès de l'une des parties ou de l'aliénation du bien loué; droit de préemption; compétence et procédure; location de biens apparte­nant à des administrations ou à des établissements publics.

Le commentaire des textes légaux, qui sont repro­duits en tête de l'ouvrage, s'accompagne de l'analyse d'une abondante jurisprudence, notamment d'un grand nombre d'arrêts de la Cour de cassation.

On se plaît; au fil de la lecture, à repérer tels sujets qui n'ont pas fini de susciter des controverses, à considérer avec intérêt les positions de l'auteur, à découvrir des jugements « inédités » (inédit, ce « iné­dité », comme pour souligner l'originalité de l'ap­pon).

Ainsi, sur la distinction entre les entreprises d'en­graissement et d'élevage industriel, indépendantes de toute exploitation àgricole, et celles qui se trouvent liées à une telle exploitation dont elles sont le complément et l'accessoire, exemplaire est le jugement du tribunal civil de Furnes du 5 février 1982, rapponé au n° 62, pour lequel les exploitations du second type demeurent dans le champ d'application de la loi.

Quelle distinction faire entre la résiliation du bail aux tons du preneur pour cause de mauvais entretien ponant atteinte à la substance du bien loué et le préavis de congé donné pour le terme d'une période de neuf ans, sur base de 1' article 7, 6° de la loi, pour motif de dépréciation du bien loué par le fait d'une mauvaise culture ou d'une négligence grave dans l'entretien locatif des bâtiments ? Voyez à ce propos le jugement du tribunal de Counrai du 14 juin 1983, au n° 177.

Sur le droit du preneur à une indemnité de sortie en cas de plus-value apponée par des constructions érigées en cours de bail, et ses rappons avec le droit de superficie, vous trouverez étudié au n° 325 un juge­ment du tribunal de Furnes du 2 mars 1978.

Des motifs sérieux justifiant la dispense pour le preneur qui a cédé son droit de préemption, d'exploi­ter le bien pendant les neuf années qui suivent l'acquisition par le tiers qu'il a désigné, deux illustra­tions formant un contraste significatif en sont propo-sées au n° 601. ·

On déniche encore avec intérêt un jugement neuf prononcé par le tribunal d'Ypres le 8 septembre 1982. En venu de 1' article 7, 1°, alinéa 2 de la loi, les copropriétaires peuvent donner congé en vue d'exploi­tation du bien par l'un d'eux, si minime soit sa part indivise, pour autant qu'il ait reçu cette part en héritage ou par legs. Par contre, la copropriété issue d'une vente ou d'une donation empêche de désigner un indivisaire dont la part serait inférieure à la moitié du bien loué. Mais combinons les deux hypothèses : qu'advient-il si une indivision née du testament d'un grand-père s'est accrue de la part du père dont celui-ci a fait donation ? Cette libéralité entre vifs affecte-t-elle le legs initial au point d'enrayer le dispositif prévu par cet article ? La solution au n° 148.

Les préavis de congé sont un foyer de contestations, qu'il s'agisse de leur forme ou des délais requis pour leur notification autant que de leur motivation.

On peut s'interroger sur une remarque concernant l'acquiescement que le preneur a la faculté de donner par écrit, en réponse à un préavis de congé. Cet accord doit-il être donné de surcroît par huissier de justice ou par lettre recommandée à la poste ? Oui, selon l'auteur (n° 194), qui s'appuie sur l'article 57 de la loi. Cependant, conçoit-on que le défaut d'une de ces formalités serait sanctionné au détriment du bailleur, dans le cas où il se serait contenté d'une simple déclaration écrite du preneur que celui-ci viendrait -peu vraisemblablement - à contester ? n s'agit de savoir si le preneur s'incline ou si son silence ou son refus contraignent le bailleur de poner devant le juge la demande de validation. On n'aperçoit pas ce que les formes de l'article 57, indispensables cettes pour le congé, ajouteraient à l'acquiescement écrit du pre­neur, soit que l'on considère la sécurité dela preuve, soit encore qu'on se préoccupe de protéger le fermier contre un agrément donné sous influence ou sans une suffisante réflexion.

La loi du 23 novembre 1978 a imposé un préavis de longue durée - au moins six ans - s'il est notifié après un échange en propriété du bien loué. Cette innovation très particulière méritait une analyse que l'.on trouve développée avec bonheur au n° 190.

On ne manquera pas non plus d'apprécier les observations que livre l'auteur au sujet d'un problème délicat :à la rubrique« motif grave» (n° 221), l'occu­pation d'un corps de logis par le bailleur ayant exercé le droit de reprise sur un ensemble de bâtiments et de terres. En parallèle, on prendra connaissance avec intérêt du n° 419 sur l'obligation pour le preneur d'habiter le bien loué.

Dans le même ordre de préoccupations, que penser d'un congé donné par le preneur pour une partie du bien loué (n° 233).? L'unicité de l'objet du bail permet-elle d'en laisser et d'en garder ? Se fondant sur une comparaison de textes, l'auteur se prononce dans le sens de l'affirmative. Il est vrai qu'un bailleur, quant à lui, peut éxercer son droit de reprise sur une partie du bien, cette faculté ayant été expressément prévue par la loi de 1969 après avoir été admise par la Cour de cassation. Or, qui dit reprise partielle, dit résiliation partielle. Dès lors, pourquoi le preneur ne pourrait-il faire de même, d'autant que le système légal dans son ensemble a été conçu en sa faveur ? Il a été jugé, il est vrai aussi, que la résiliation aux torts du preneur peut être limitée à une partie des biens loués (voy. J.P. Andenne, 17 avril 1980, ]ur. Liège, 1980, p. 245, décidant de restituer aux bailleurs la libre disposition des bâtiments de ferme que le preneur laissait occuper par des tiers, mais maintenant le preneur sur les terres). L'appréciation de ce genre de litige tient largement dans les circonstances de fait.

Un rapprochement utile sera fait avec le cas de reprise partielle du bail d'un preneur décédé, examiné au n° 284. L'auteur s'y livre à une critique d'un jugement du tribunal civil d'Ypres, où se retrouve une intéressante distinction (étudiée au n° 24 7) entre l'article 29 de la loi (fautes contractuelles du preneur pouvant entraîner la résiliation du bail, pour autant qu'il en résulte un dommage au détriment du bailleur) et l'article 1741 du Code civil (résolution du bail à défaut pour l'une ou l'autre des parties de respecter ses engagements, sans qu'il faille de surcroît prouver un préjudice).

Parmi les multiples arrêts de la Cour suprême (l'ouvrage en recense pas moins de 170 depuis la loi de 1969, et on peut y joindre déjà le dernier en date, du 12 avril1984, inédit, sur le mode de calcul du point de départ du délai d'un an à dater de l'offre de préemption, prévu à l'art. 48, 1°, al. 4 de la loi), l'un des plus récents que rapporte l'auteur au n° 43 a fait la paix judiciaire sur le son des sapins de Noël dont le statut juridique, hybride en quelque sone, balançait, hésitant, entre les hautes tiges par essence et les basses tiges par destination. Dans quelle catégorie fallait-il les ranger ? On mesure les conséquences de ce choix, à propos de la distance légale des plantations. Suivant qu'on les traite comme des plantations forestières ou qu'on les assimile à des pépinières, on devrait, dans la première hypothèse, respecter une distance de 2 rn en général, voire de 6 rn dans les zones agricoles réservées par le plan de secteur, tandis qu'il est permis dans le second cas de s'en tenir à un simple recul d'un demi-mètre. Dans le cadre du bail à ferme, la Cour de cassation a été appelée à se prononcer sur la question de savoir si l'article 10 de la

loi, qui exclut de la possibilité de reprise pour exploitation personnelle 1' intention d'affecter le bien à la plantation de conifères, d'essences feuillues ou de taillis, à moins qu'il ne s'agisse d'horticulture, s'étend à la culture de sapins de Noël. C'est la sylviculture, c'est-à-dire la production de bois, que la loi a entendu écarter, en sorte que, pour la Cour suprême, partici­pent de l'horticulture la production et la vente d'arbrisseaux. ·

En matière de cession de bail; on sait que la faculté . de céder le bail sans l'autorisation du bailleur n'çxiste qu'à l'égard des descendants du preneur. Quid des beaux-enfants? s'interroge l'auteur au n° 447. Il va sans dire qu'il ne serait pas possible de les désigner seuls, que le conjoint soit vivant ou prédécédé.

Mais que penser d'une cession au profit à la fois d'une fille et d'un gendre ? Remarquons d'abord que le bailleur pourrait s'y opposer dans la mesure où l'enfant ne présenterait pas personnellement les capa­cités professionnelles requises. Cette réserve faite, est-il critiquable d'associer le gendre dans l'attribution du bail, de céder le bail au couple ? La loi a-t-elle voulu limiter la faveur de la libre cession au seul lignage, au point de pousser l'ostracisme jusqu'à exclure de manière radicale toute autre personne qu'un descendant, même l'allié par mariage ?

Tel est le cas qu'un juge de paix, approuvé par l'auteur, a estimé devoir trancher avec rigueur, au pied de la lettre, refusant d'admettre que le droit au bail pourrait dériver du côté de la belle-famille. Il s'agissait d'une cession privilégiée à un flls et à son épouse. Mais en degré d'appel, le tribunal (Civ. Nivelles, 3 mars 1982, Rev. dr. rur., 1983, n° 1, p. 60) a décidé que le risque de déviation hors lignage n'apparaît pas avoir été à ce point é~arté par le législateur, quand on considère notamment la faveur accordée au conjoint du preneur (art. 34 et 41), outre que l'éventualité d'un divorce ultérieur des cessionnaires privilégiés, comme la survenance du décès de l'un d'eux, n'entraînerait pas de répercussions différentes dans l'une ou l'autre des solutions envisagées.

La curiosité se potte encore sur d'autres points de friction. Voyez entre autres (et non «entre autre»), concernant le droit de préemption, la notification de l'offre sous condition suspensive que le preneur soit titulaire du droit de préemption (n° 532) et la notification faite à tort (n° 533 ); la faculté ou non pour le preneur d'acquérir indivisément avec un ou des tiers (n° 582); le sens des mots «céder l'exploitation», à l'article 48bis (n° 602); la possibilité pour le tiers évincé par l'exercice du droit de préemption, de poursuivre la réparation en nature _par la résolution de la vente, dans le cas où le préempèeur aurait commis une faute en ne respectant pas l'interdiction de revente avant le terme du délai d'épreuve de cinq ans (art. 54), lorsque de surcroît il ,pourrait être démontré que le nouvel acquéreur n'a pas été de bonne foi et a versé dans la tierce complicité (n°5 688 et 689); en procé­dure, l'obligation ou non du préliminaire de concilia­tion en cas de demande reconventionnelle (n° 779).

Dans son avant-propos, M• d'Udekem-d' Acoz a marqué l'intérêt du régime des baux à ferme qui, tout en constituant une technique juridique très spécialisée, a-t-il observé, relève intégralement du droit civil. Il a posé d'emblée en principe qu'il s'agit d'une législa­tion d'appoint, venue se superposer au droit commun (n° 2), en sorte que l'in~erprétation en doit être restrictive (n° 4).

Ces remarques ont mis l'accent sur une conception qui est à la base de la position adoptée à propos d'un problème né du conflit entre nu-propriétaire et preneur.

On sait qu'en venu de l'article 595 du Code civil, les baux consentis par l'usufruitier seul, pour un temps qui excède neuf ans, ne sont, en cas de cessation de l'usufruit, obligatoires à l'égard du nu-propriétaire que pour le temps qu'il reste à courir, soit de la première période de neuf ans si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde et ainsi de suite, de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

Il existe à ce sujet une controverse que la Cour de cassation n'a pas été appelée à trancher jusqu'à présent. Faut-il comprendre que tout bail né d'un usufruit serait voué à s'éteindre avec ce droit auquel il serait lié radicalement, si ce n'est que le preneur, comme en sursis, terminerait la période de neuf ans en cours, à l'expiration de laquelle se produirait d'office une résiliation pure et simple, le bail mourant ainsi ... de sa belle mon, sans autre forme de procès, ni de congé, ni de quelque notification que ce soit ?

On aperçoit la conséquence de cette conception, dans l'hypothèse où l'usufruitier viendrait à disparaître la veille d'une fin de période; le preneur se trouverait du jour au lendemain abandonné par toute protection légale, occupant sans titre ni droit.

On croit entendre Alceste et son valet Du Bois qui n'y allait pas par quatre chemins.

Monsieur, il fout foire retraite. Comment?

Il fout d'ici déloger sans trompette. Et pourquoi ?

je vous dis qu'il fout quitter ce lieu. La cause?

Il fout partir, Monsieur, sans dire adieu. Mais par quelle raison me tiens-tu ce langage ?

Par la raison, Monsieur, qu'il faut plier bagage.

Cette interprétation nous paraît excéder ce qu'a voulu le législateur. na prévu dans l'article 595 ni plus ni moins que le droit pour le nu-propriétaire d'exiger la réduction des baux concédés pour une durée supérieure à neuf ans. Ainsi, un bail de plus de neuf ans est réductible à neuf ans et obligatoire dans cette mesure, comme est opposable un bail consenti d'em­blée p~ur une période normale de neuf ans.

Que le nu-propriétaire ne puisse être astreint à subir un bail dépassant une norme déterminée par la périodicité moyenne de neuf années, se conçoit aisément. Mais cela n'emporte pas pour autant que le preneur soit livré à 1' aléa de 1 'événement qui, si certain soit-il, survient comme un voleur ...

Si l'expression selon laquelle le preneur n'a que le droit «d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve» devait s'entendre en ce sens que, non seulement la durée excédentaire est amputable, rabattable, mais en outre que le nu-propriétaire serait exempt de l'obligation de notifier un préavis de congé dans les règles et les conditions légales, ne faudrait-il pas en conclure aussi, cette fois au détriment de ce dernier, que même dans l'hypothèse de l'article 8 de la loi (dans le cours d'une des périodes postérieures à la dix-huitième année) le nu-propriétaire, bien que réintégré dans la plénitude de ses droits, resterait prisonnier du compartimentage instauré par le Code civil, soumis à la cadence de neuf en neuf ans ?

Mais, dira-t-on, s'il n'est pas juste que le preneur doive quitter les biens ex abrupto en cas d'extinction inopinée d'un usufruit peu avant un terme, en revanche, n'est-ce pas injustice tout autant qu'un propriétaire ayant recouvré ses prérogatives ne puisse disposer de son bien à son gré, voire s'en trouve empêché au point de ne pouvoir parer à une proroga­tion de neuf années, dans le cas où l'usufruit viendrait à cesser alors qu'il ne resterait plus assez de temps pour notifier l'un des congés permis par la loi ?

Certes, l'antagonisme des intérêts en présence est irréductible. Et un choix s'impose.

Selon Closon, puisque l'usufruitier a capacité de contracter. bail, le bail consenti dans la limite de sa capacité est opposable au nu-propriétaire ( « Le bail à ferme», 1970, n° 26, Rép. not., 1981, n°5 26 et 191).

De Page ne dit rien de contraire : « Le bail est en effet valable en principe. Ce n'est qu'un événement ultérieur qui, pour des raisons très précises, en permet la réduction. C'est ce qui explique que la validité du bail et la réduction se concilient parfaitement ».

li est vrai que, comme le souligne M• d'Udekem d'Acoz (n° 83), on atteint par cette formule au cœur de la question. Mais De Page ne parle pas de la « validité du bail » et de son « extinction ». Au contraire, le bail est maintenu dans les limites de durée qu'imposent les restrictions de l'article 5 95. Pourquoi la réductibilité aurait-elle une portée absolue alors que la conciliation évoquée par De Page invite à l'entendre dans un sens relatif à la seule durée excédentaire, le bail étant cloisonné dans une périodicité de neuf en neuf ans, sans préjudice des dispositions de la loi sur les baux à ferme qui s'appliqueront, suivant les circonstances, à l'avantage tantôt du bailleur, tantôt du preneur.

Si le nu-propriétaire rempli de ses droits prétend se considérer comme un étranger à 1 'égard du preneur, au point d'écarter les prescriptions relatives au préavis de congé, sans doute faudrait-il admettre qu'il pourrait également rejeter toutes autres obligations dérivant de la loi. Conçoit-on qu'un preneur serait privé de la possibilité d'investir normalement, sans pouvoir compter sur des indemnités de sortie ? Certes, l'article 26, 1°, alinéa 2 de la loi requiert le consentement écrit du nu-propriétaire comme de l'usufruitier, dans

l'hypothèse où le preneur sollicite le consentement du bailleur, avant d'entreprendre des travaux utiles à son exploitation. Mais n'y a-t-il pas là, précisément, le signe de la volonté du législateur de ne pas considérer le nu-propriétaire comme un étranger, hors d'atteinte, à l'abri de tout impact du bail à son égard ?

L'auteur cite un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, à l'appui de la thèse qu'il fait sienne : absence de lien contractuel entre le preneur et le nu-propriétaire qui n'est pas assimilable à un acqué­reur au sens de l'article 55 de la loi et, partant, n'est pas subrogé au bailleur, d'où inopposabilité du bail, du moins au-delà de la portée de l'article 595 du Code civil, strictement interprété. Sur l'arrêt rapporté, M. Donnay a émis des réserves dans la notè d'observations qu'il a consacrée à une décision du juge de paix du canton de Beringen du 30 mars 1979 conforme à la position restrictive (Rec. gén. enr., 1980, n° 22544).

M• d'Udekem d'Acoz tire encore argument de la sous-location. li est vrai que le sort du sous-locataire offre un point de comparaison. Il n'existe pas de lien de droit entre celui-ci et le bailleur. Et la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 janvier 1976 (]. T, 1976, p. 310) a décidé que le preneur principal a le droit de provoquer la résiliation du bail principal et d'anéantir ainsi la sous-location, de quelque manière que ce soit, fût-ce par une renonciation anticipée consentie à l'amiable dans les formes de l'article 14, alinéa 2 de la ·loi, sous la seule réserve de dommages­intérêts pour cause d'interruption fautive, intem­pestive, le cas échéant.

Mais le législateur s'est exprimé à propos de la sous-location. Objectera-t-on qu'il s'était déjà exprimé à propos de l'usufruit, et qu'il aurait dû dire qu'il entendait déroger, s'il l'avait voulu, à l'article 595 du Code civil, considéré comme le droit commun demeu­rant favorable au libre exercice du droit de propriété ?

L'empire que les lois sur les baux à ferme ont pris sur ce rapport contractuel n'est-il pas devenu le droit commun en la matière ? N'est-il pas de l'essence d'un bail à ferme qu'il faille, pour y mettre fin, un congé, voire un congé motivé et au besoin validé par le juge ? Au surplus, la loi n'a pas manqué de témoigner certains égards au sous-locataire, en son article 33.

A la section « Des règles particulières aux baux à ferme », les articles 1763 à 1778octies ont été rempla­cés par la loi du 4 novembre 1969 qui constitue un ensemble autonome. Lors de cette réforme, le sénateur Rolin s'était attaché à refondre les dispositions en la matière en présentant un texte remanié de fond en comble, qui fut inséré sous cette forme homogène dans le Code civil. Et l'article 1 •r prescrit que tous les baux à ferme « tombent sous: l'application de la présente section ». Or l'usufruitier a la capacité de consentir un bail, même à long terme, sous réserve de réduction dans ce cas, mais dans des conditions compatibles avec la législation telle qu'elle a évolué.

«De toute évidence, le monde que le Code civil devait régir n'existe plus. Les transformations écono­miques et sociales, les guerres, les progrès foudroyants de la technique ont complètement bouleversé le milieu que les rédacteurs du Code de 1804 avaient sous les yeux. A des degrés divers, tous les chapitres de ce bréviaire du droit privé portent la marque du vieillisse­ment». Ainsi s'exprimait Mme S. David-Constant en portant la réflexion sur« Le bon père de famille et l'an 2000. Rétrospective et prospective», à l'occasion du centenaire du journal des Tribunaux (]. T , 1982, p. 152).

Dans sa préface au « Bail à ferme » de P. Gourdet et H. Closon, le premier commentaire paru en 1929, le professeur Graulich observait, à propos des législations nouvelles : « elles doivent éviter d'introduire des contradictions dans l'ensemble. n y a là une œuvre d'emboîtement très délicate à réaliser».

Dans ce conflit entre le· nu-propriétaire et le .preneur, une interrogation subsiste, que les tenants du droit commun résorbent en demeurant attachés à la formule traditionnelle du Code civil qu'ils font prévaloir par des motifs auxquels on ne peut manquer d'être sensible (voy. C. Renard et]. Hansenne, La propriété des choses et les droits réels principaux, vol. III, 1975, Presses universitaires de Liège, pp. 539 et 540).

Il n'empêche que les divergences persistent et que le débat reste o:uvert. Qui viendra le trancher ? Le législateur saisira-t-ill' occasion offerte par les proposi­tions de réforme actuellement sur le métier pour adopter un texte comme en France depuis une loi du

623

1 DATES RETENÛES 1

• Conférence du Jeune barreau de Bruxel­les. -Le second mini-recyclage aura lieu le lundi 5 novembre 1984 à 11 h 30 à la huitième chambre de la cour d'appel. Me André Decourrière y parlera de : « Les centres de traitement pour toxicomanie».

• Université catholique de Louvain - Otti­gnies-Louvain-la-Neuve. -Le programme d'architecture urbaine (ARCH) et le Groupe d'études foncières et d'aménagement (G.E.F.A.) de l'Université catholique de Louvain (Ottignies-Louvain-la-Neuve) organisent du 8 au 10 novembre 1984 un colloque international consacré aux politi­ques foncières urbaines en Belgique, France et Allemagne fédérale.

Ce colloque est organisé en collaboration avec l'A.D.E.F. (Paris) et l'Université de Dortmund; il s'adresse aux responsables politiques, aux urbanistes, aux juristes, économistes 1 et responsables de l'aménage­ment du territoire.

Programme Jeudi 8 novembre:« Tendances de l'urba­

nisation», exposés par V. Renard (Paris), H. Dieterich (Dortmund) et P. Laconte (Ottignies-Louvain-la-Neuve).

Vendredi 9 novembre.:<< Institutions juri­diques relatives au droit de propriété et au contrôle sur l'usage du sol », exposés par L.P. Suetens (Leuven), A. Heymann-Doat (Paris) et C.H~ David (Dortmund). << Prati­ques au niveau local», exposés par F. Laarmann (Paris), B. Cools (Antwerpen) et H. Adrian (Hannover). <<Effets des institu­tions et des pratiques sur l'urbanisation et les mécanismes du marché», exposés par G. Kleiber (Bonn); P. Chapuy (Paris) et F. Haumont (Ottignies-Louvain-la-Neuve).

Samedi 10 novembre : << Leçons d'une analyse comparée», exposé par J. Kayden (Harvard), panel dirigé par E. W ertz (Stutt­gart), conclusions par E. Pisani (Commis­sion des Communautés européennes):

Tous les exposés et débats auront lieu en anglais.

Lieu: hôtel ETAP, Ottignies-Louvain-la­Neuve. Le nombre de participants sera limité. Les frais d'inscription s'élèvent à 3.500 FB. Pes chambres ont été réservées à l'hôtel ETAP, Ottignies-Louvain-la-Neuve (réservation par agence de voyage ou Tele­tap Bruxelles : 02/230 44 63). Prix spécial pour participants : 1.200 FB par nuit.

Toute corresp<;>ndance est à adresser à H. Becker (ARCH/U .C.L.), place du Levant 1 à B-1348 Ottignies-Louvain-la-Neuve, Belgi­que.

N.B. : Un glossaire des termes allemands, anglais et français, relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire sera mis à la disposition des participants.

13 juillet 1965 ? A moins q:ue d'ici là, un justiciable tenace arrive à se pourvoir devant la Cour suprême.

Avant que remède soit trouvé à cette lacune ou cette antinomie, ce n'est pas le moindre mérite ni le moindre attrait de l'ouvrage, d'avoir porté le fer au cœur de problèmes dont l'auteur avait, dès l'avant­propos, suggéré l'intérêt.

Victor RENIER.

---'77.'~·~

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SOMMAIRE du 3 novembre 1984

DOCTRINE:

F. Poelman. ___:_A propos d'insécurité ...... 609

JURISPRUDENCE:

Fonctionnaire auprès de la . Co ,omission des Communautés européennes. - Egalité de traite­ment entre hommes et femmes. - Pension de veuf (Cour just. Comm. eur., 20 mars I984)

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Loi uniforme Benelux sur l'astreinte. - Arti­cle I385bis du Code judiciaire. - L'astreinte ne peut être prononcée qu'à la demande de la partie. - Le juge ne peut la prononcer d'office. -Montant et modalités de la mesure.- Ne doivent pas être fixés par la partie qui la demande. -Appréciation du juge (Cour Benelux, 2 avril I984) ................................................. 6I4

I. Organisation judiciaire (C. jud., art. 88, § 2). - Tribunal de première instance. -Répartition des affaires civiles entre les sections, les chambres ou les juges. - II. Droit de visite. -Réclamé par des grands-parents d'un mineur. - Attribution de l'affaire au tribunal de la jeunesse (Cass., Ire ch., 11 mai I984, observa-tionsdeA.K.) ....................................... 6I4

Droit social. - Traité de Rome, article 60, alinéa 3. - Portée. - Employeur d'un Etat membre, travaillant occasionnellement et tempo­rairement, avec son personnel habituel, dans un autre Etat membre. - Législation sociale de ce dernier. - Application à ces travailleurs (Bruxel-les, 7e ch., 27 juin I984) .......................... 6I5

I. Exécutif flamand. - Dépourvu de la personnalité juridique. - II. Enseignement. -Ecoles · de musique. - Activités relevant des matières culturelles (Civ. Bruxelles, 2e ch., 29 juin I984) ............................................ 6I6

NOTES DE JURISPRUDENCE:

Responsabilité. - Faute. - Roulage. -Usager circulant sur une voie prioritaire déclaré seul. responsable de l'accident. - Décision ne constatant pas que le conducteur prioritaire

aurait été la cause d'une erreur invincible de la part du débiteur de la priorité. "- Décision non légalement justifiée (Cass., 2e ch., I6 mai I984) ························································· 6I7 · .Responsabilité. - Lien de causalité. :­

Interposition d'une obligation contractuelle entre la faute et le dommage allégué.- Ne suffit pas à établir la rupture du lien de causalité. - Condi­tions de cette rupture. - Assurance responsabi­lité civile automobile. - Accident. - Majora­tion 'de la prime d'assurance (clause bonus-malus) (Cass., Ire ch., 9 mars I984) ... 6I7

Responsabilité. - Lien de causalité. -Interposition d'une obligation contractuelle, légale ou réglementaire entre la faute et le . dommage allégué. - Rupture du lien de causa­lité. - Conditions. - Cause juridique propre suffisant à rendre compte de l'exécution de l'obligation. -Exception. - Dommage excep-tionnel (Cass., Ire ch., 28 juin I984) ........... 6I8

Responsabilité. - Dommages-intérêts. -Agent de la S.N.Ç.F., victime d'un accident. -Rémunération payée par anticipation conformé­ment au statut de l'agent. - Récupération par l'employeur de la partie de la rémunération couvrant la période postérieure à l'accident. -Action non fondée (Cass., 2e ch., 7 juin I983)

6I8

Responsabilité. - Dommages-intérêts. -Paiement par l'employeur de la rémunération revenant à la· victime d'un accident pendant la période de ses incapacités temporaires. - Action en remboursement. -Articles 54 et 75 de la loi du 3 juillet I978 relative au contrat de travail. -Tiers responsable, époux de la victime. - Article I407 du Code civil. - Dette résultant d'une condamnation pénale, d'un délit ou quasi-délit commis par un des époux. - Dette propre à celui-ci (Cass., 2e ch., 7 décembre I983) ...... 6I9

Responsabilité. - Dommages-intérêts. -Victime d'un accident. -Préjudice matériel. -Perte de revenus. - Evaluation. - Elément à prendre en considération. - Possibilités d'une mopification de la législation sociale. - Simple conjoncture. - Ne peut justifier légalement l'évaluation tenant compte de semblable conjoncture (Cass., 2e ch., 13 septembre I983)

6I9

·PETIT COURRIER DU CODE

Indexation des indemnités de procédure Cette matière se trouve régléepar l'arrêté royal du 30 novembre 1970 (M.B., 3 déc. 1970,

p. 12296 ), lequel a déterminé le tarif des dépens recouvrables.

L'article 8 dè cet arrêté royal porte expressément que ce tarif est lié à l'indice des prix à la consommation correspondant à 110 points et que toutes modifications en plus ou en moins de 10 points entraînera une augmentation ou une diminution de 10 % des montants de base déterminés par celui-ci. ·

En conséquence, les indemnités de procédure ci-après sont d'application depuis le }er juillet 1984 (indice 310,05, base 1966).

1. Dernier ressort devant juge de paix, trib. 1re inst., trib. jeun., trib. trav., trib. comm. ou prés. trib. trav .................................... .

2. Premier ressort devant trib. jeun., trib. trav ................................................. .

3. Premier ressort devant juge de paix, trib. 1re inst., trib. comm. ou degré d'appel devant trib. 1re inst., trib. comm ............. .

4. Cour du travail ........................ · ........... . 5. Cour d'appel ..................................... . 6. Prés. trib. 1re inst., prés. trib. comm., réf.

et juge des saisies ................................ .

Indemnité F

900

2.700

4.500 3.600 6.000

3.000

1

Demande inférieure

à 10.000 F

900

Indemnité de débours et compléments d'indemnité : 1.500 F.

Demande Demande supérieure supérieure à 10.000 F à 100.000 F mais infér. (et sa:isie à 25.000 F immobil.)

1 1 1.800

1.800 5.400

3.000 9.000 2.400 7.200

12.000

6.000

Responsabilité. - Dommages-irl.térêts. -Ayant droit de la victime décédée. - Préjudice matériel. - Salaire de base. - Salaire brut. -Peut être pris en considération. - Conditions (Cass., 2e ch., 11 avri1I984) ..................... 6I9

Responsabilité. - Dommages et intérêts. -Incapacité permanente partielle. - Evaluation du préjudice. - Période de la date de la consolidation à celle de la décision judiciaire. -Dommage entièrement réalisé. - Ne peut dès lors être calculé par la voie de la capitalisa-tion(Cass., Ire ch., I2avrili984) ............... 620

Responsabilité. - Dommages-intérêts. -Action en réparation. - Tiers responsable décédé au cours de l'instance.- Mise en cause de l'époux et du fils mineur de la défunte en qualité d'héritiers. -7- Article 795 du Code civil. -Délai pour faire inyentaire et délibérer sur l'acceptation de la succession ou la renonciation. - Délai expiré. - Conséquences (Cass., 2e ch., 3I janvier I984) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . 620

Responsabilité. - Dommages-intérêts. -Véhicule accidenté. - Perte totale. - Véhicule non remplacé.- Remboursement de la t.v.a.­Calculée sur la valeur du véhicule accidenté. -Illégalité (Cass., Ire ch., 2I juin I984) ......... 620

CHRONIQUE JUDICIAIRE : Thémis et les Muses : Week-end du Jeune

barreau de Bruxelles en Ardenne liégeoise, par P. Bau thier. - Coups de règle : Pitié pour le verbe, par Tertius. -Bibliographie : « Le bail à ferme et le droit de préemption», de H. d'Udekem d'Acoz, par V. Renier. - Dates retenues. -Petit courrier du Code : Indexation des indemni­tés de procédure.- Vacance de cours.

!·VACANCE nE couR-SI L'Université libre de Bruxelles annonce la

vacance externe, au 1er octobre 1984, à la Faculté de droit d'un poste d'assistant (90 h) pour les exercices suivants : Exercices prati­ques de droit pénal (général et spécial) (30. h) (1re licence en droit - 1re licence en sciences criminologiques - 2e candidature en droit, cours à option) (titulaire : M. le professeur J. Messinne).

Les demandes des candidats doivent parve­nir à M. le recteur de l'Université libre de Bruxelles, avenue Franklin Roosevelt 50 à 1050 Bruxelles, accompagnées d'un curricu­lum vitae, avant le 10 novembre 1984.

Le JOURNALDESTRmUNAUX

REDACTION

Roger O. DALCQ, rédacteuren.chef. Secrétaire général de la rédaction : Georges-Albert DAL. Secrétaire de la rédaction : Wivine BouRGAUX. Chronique judiciaire : Bernard VAN REEPINGHEN. Comité de rédaction: Francis BAUDUIN, Pierre BAUTHIER,

Michèle BONHEURE, Benoît DEJEMEPPE, Michèle DEL CARRIL, Jean EECKHOUT, François GLANSDORFF, Emile KNoPS, Michel MAHIEU, Jules MESSINNE, Daniel STERCKX, Paul TAPIE, Louis VAN BUNNEN, Claude VAN HAM, Jennifer WALDRON.

Comité scientifique : Cyr CAMBIER, Robert HENRION, Robert PIRSON.

ADMINISTRATION : Maison Perd. LARCIER, s.a.

rue des Minimes, 39 - 1000 Bruxelles Tél. (02) 512 47 ·12- C.C.P. 000-0042375-83

Administrateur-délégué : · J .. -M. RYCKMANS, docteur en droit.

ABONNEMENT 1984 : 8.205 FB. Le numéro : 359 PB.

Les manuscrits ne sont pas rendus.

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soit, réservés pour tous pays.

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